Le 16787 …. L2 F . + Ttitisitte LA LU Le z os AE diras +. - . 11% a. tisisisrele die LA" rire 1 AA RAURONONUILRR 4 réunis Sition tt . * CRAN hote ve wie + BRARY OE THE NEW YORK BOTANICAL GARDEN VAE: AN Anlpal à 32° année Nes 1-6 Janvier-Juin 1945 ue LPS RL SELLES ANNALES d'la tac dé Made ou SCIENCE AGRONOMIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE FONDÉES EN 18824 Sie LOUIS GRANDEAL ‘ ne ? ; PUBLIÉES TOUS LES MOIS 4 à SOUS LES AUSPICES DU MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE : à 4 L'ASSOCIATION DES ANCIENS ÉLÈVES DE L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE 16, Rue Claude-Bernard — PARIS L &e Série — 4e Année D BERGER-LEVRAULT RÉDACTION ER Éditeurs ET ADMINISTRATION 9-7, RUE DES BEAUX-ARTS, D-7 21, RUE DU PONT-NEUF, 21 PARIS PARIS _ Prix de l’Abonnement : Paris, 24 fr.; Départements et Union Postale, 26 fr. Adresser les Abonnements à l'Administration, 21, rue du Pont-Neuf. Toutes les communications sont à adresser, selon quelles concernent: L'ASSOCIATION : Rue Claude-Bernard, 16, PARIS. La RÉDACTION, l'ADMINISTRATION et la PUBLICITÉ : Rue du Pont-Neuf, 21, à PARIS. — Téléph. 110-63. Sommaire des n° 1-6 — Janvier-Juin 1915 L. Lindet : Dosage de la matière grasse dans les crèmes. Marchadier et Goujon : H. Delaval et J. Loyer : François : Les semences des plantes cultivées et leur détermination. REVUE AGRONOMIQUE. Les Variations du gluten. Étude de deux levures de lactose. COMITÉ DE RÉDACTION DES ANNALES MM. Membres d'honneur : l & SCHLŒSING FILS. { FLAMMARION, GAYON, MANGIN, REUSS, TH. SCHLŒSING MM. MPrESIIeNL IS LENS TISSERAND Burt } Vice-Présidents. . . . MUNTZ &HENRY _ Secrétaire délégué . . J.-E. LUCAS SECTIONS PRÉSIDENTS MEMBRES SECRÉTAIRES MM. MM. MM. 4 Agricullure. . . .. SCHRIBAUX H. HITIER, PETIT, DE MONICAULT PLUVINAGE 2 Agriculture coloniale PRUDHOMME CAPUS, DUBARD L. LEFÈVRE 3 Chimie, physique, méléorologie, mi- } GIRARD ANDRÉ, ANGOT, BERTRAND, KAYSER BRUNO crobiologie . . . . 4 Économie du bétail. MALLÈVRE MOUSSU, M. VACHER J.-E. LUCAS 5 Économie forestière. HICKEL CHANCEREL, GUINIER GERDIL 6 Économie rurale, mutualilé, statis- J. HITIER LESAGE, DE ROCQUIGNY TAROY que CE RE 7 Enseignement agri- : u Dee DST tan SE | GROSJEAN TROUARD-RIOLLE, WÉRY, CHANCRIN SAGOURIN 8 Génie rural. . ... RINGELMANN DE CONDÉ, VERMOREL COUPAN 9 Horticulture et arbo- | ÉRPRE RSR { NANOT COSTANTIN, D' POIRAULT BUSSARD 40 Sciences r) à l'agriculture, en- |. MARCHAL, D' POTIER, MARTIN- tomologie, parasi- | D' REGNARD CLAUDE PEREN lologie . . | 11 Technologie agricole. LINDET MAZÉ, SAILLARD, L. AMMANN NOTTIN 42: Viticulture: 4 2 VIALA J. CAZELLES, MASSIGNON P. MARSAIS Secrétaire de la Rédaction : J. SIMONS Secrétaire administratif : F.-L. BRANCHER DOSAGE DE LA MATIÈRE GRANSE DANS LEN CRÈMEN Par M. L. LINDET FROFESSEUR A L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIOUF Les stations d'écrémage, que l’on voit aujourd’hui ins- tallées aux alentours des grandes beurreries et spécialement des beurreries coopératives, ont permis au cultivateur d’éco- nomiser une partie des frais que nécessitaient autrefois le transport du lait à l’usine centrale et le retour à la ferme du lait écrémé. Il est nécessaire que la crème, arrivant à la beurrerie, soit analysée et payée à un prix proportionnel à sa teneur en matières grasses. Le procédé Gerber, d’un usage général pour l'analyse du lait, ne donne pas de bons résultats vis-à-vis de la crème : si l’on veut opérer sur une quantité de matières grasses égale à celle que contiennent 11 ce. de lait (ainsi qu'il est prescrit dans le procédé Gerber), il faut prélever un cc. de crème seulement ; or, la quantité de crème qui reste sur les parois de la pipette n’est pas négligeable vis-à-vis d'un aussi petit volume. D'autre part, la détermination de la den- sité, basée sur la somme de la densité de la matière grasse et de la densité du lait supposé dégraissé, ne peut donner de bons résultats, parce que la crème est plus ou moins bour- souilée d’air par l’action de la centrifuge. J'avais pensé que l’on pourrait déterminer la matière grasse avec une approximation suffisante, en se servant de la méthode du compte-gouttes, préconisée par Duclaux : mais j’ai constaté que la viscosité des deux éléments cons- titutifs du lait est sensiblement la même, et qu’une crème, diluée d’une plus ou moins grande quantité de lait, et, à la ANN. SCIENCE AGRON, — {® SÉRIE — 1916 — Î 1 D ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE limite, le lait qui a servi à la diluer, donne toujours, avec une même pipette, la même quantité de gouttes. Teneur de la crème © Nombre de gouttes contenues dans 5 cc. en matières grasses. I II III ALU) EN ES (5 1527 AR AUOT 116 20 10/0 EN AIG UE AO Se 114 DE ADD RE ESA AE MODE MIOON STE PAU RENE APE: 2 OO EURE 115 AURUIIE MERE ÉCART 103: TNA: 414 17-0/02 008 FE LR NN CURE (2 EC NE EL Eat Ho 102 Tr: 114 Dans ces conditions, si l’on trouve un procédé susceptible de doser la matière grasse sur une goutte de crème, on peut considérer comme négligeable l'influence de l’adhérence de la crème sur les parois de la pipette, et comme constant le volume d’une goutte sortie d’une pipette déterminée. Le procédé auquel j'ai eu recours consiste à déposer la goutte de crème sur un papier, et à mettre celui-ci dans une étuve préalablement chauftée à 105° ; la partie aqueuse de la crème se dessèche, et la matière grasse, absorbée par le papier, produit une tache qui grandit rapidement au début, puis avec d'autant plus de lenteur que les bords de la tache s’éloignent du point où la goutte de crème a été déposée. On peut donc, sans erreur sensible, mesurer au bout d’un temps déterminé, la superficie de la tache pro- duite, en comparaison avec celle que produit une quantité de matière grasse, placée dans les mêmes conditions et au bout du même temps. Reste à établir l’étalon : il m’a semblé inexact d’em- ployer une crème type, dans laquelle on aurait dosé une fois pour toutes la matière grasse par les procédés ordinaires, que l’on aurait conservée en ajoutant du formol etempêchée de crémer en ajoutant du fucus crispus: j’ai constaté que la tache produite par une goutte de cette crème ne s'étale pas complètement, une partie de la matière grasse étant retenue par le fucus qui se dessèche. L'emploi d’une solution titrée s < à DOSAGE DE LA MATIÈRE GRASSE DANS LES CRÈMES 3 de beurre dans la benzine ne m'a pas donné non plus de bons résultats ; car la goutte de cette solution se répand immédiatement dans le papier et gagne une surface qui n’est pas en rapport avec celle qu’occuperait un même poids de matière grasse, après chauflage, si elle avait été déposée directement sur le papier. Le seul procédé qui m’ait réussi a consisté à déposer du beurre, préalablement privé d'eau, sur une feuille de papier et de chauffer cette feuille, dans les mêmes conditions que celle qui a recu la goutte de crème : mais pour avoir une tache de dimension analogue à celle que donne une goutte de crème à 30 0/0 de matière grasse par exemple, il convient d'opérer sur 0 ec. 010 de beurre: or, cette quantité ne peut être pesée avec une exactitude suffisante; dans ces conditions, j’opère en déposant sur deux feuilles de papier écolier, de 18 cm. sur 15 cm., dix petits tas de beurre de 0 cc. 010 environ chacun ; j'ai dit : deux feuilles, parce que, si l'on veut avoir soin que les cercles de matière grasse ne se rencontrent pas, il faut que les tas de beurre ne soient pas distants de moins de 5 cm. les uns des autres. Les deux feuilles sont pesées avant et après, et l’on a ainsi le poids du beurre déposé à un centième près : Le dosage sera donc suffisamment exact. Sur des feuilles de papier identique, et prises dans la même main de papier, je dépose une goutte de chaque crème que je désire essayer. Ces gouttes ne sont pas pesées, je le répète ; mais on a mesuré d'avance la quantité de gouttes qu’une pipette déterminée donne avec la crème (j'ai dit que le nombre de gouttes, pour une pipette déterminée, était indépendant de la teneur de cette crème en matière grasse): on sait donc quelle est la portion de centimètre cube que représente une goutte de crème ; elle représente envi- ron 0 ec. 040. On introduit alors, dans l’étuve préalablement chauffée, et en même temps, les papiers qui ont reçu des gouttes de crème et ceux sur lesquels on a déposé les petits tas de 4 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE beurre qui doivent servir d’étalons ; une excellente précau- tion consiste à placer ces feuilles de papier entre des cadres en bois, (que l’on peut faire soi-même avec des règles d’éco- lier), pour éviter que les matières grasses, qui doivent s’in- filtrer dans le papier, ne soient retenues, par exemple, au contact des étagères de l’étuve, mais surtout pour éviter que les feuilles de papier se recroquevillent sous l’action de la chaleur, et que les gouttes de crème ne conservent plus leurs formes arrondies, déterminant des taches grasses d’une forme elliptique trop prononcée. Si les quantités de matières grasses déposées, soit à l’état de crème, soit à l’état de beurre, sont assez semblables, les taches qu’elles produisent progressent en même temps et proportionnellement au temps pendant lequel les papiers restent à l’étuve ; l'expérience m'a montré qu’on peut les retirer après un séjour de 2 à 3 heures. Les taches sont quelquefois rondes, plus souvent elliptiques du fait que les papiers fabriqués à la machine ne sont pas homogènes dans deux directions perpendiculaires. Il devient donc nécessaire de mesurer les deux diamètres de la tache grasse, et de prendre la moyenne pour calculer le rayon, puis la surface. Les résultats seront d'autant plus exacts que l’on n'aura pas laissé à la tache le temps de s'étendre au delà de 6 à 8 c. de diamètre moyen. Le calcul doit être fait de la façon suivante: supposons que les dix petits tas de beurre aient pesé 0 mg. 102, et que la surface totale des dix taches ait représenté 96 cq. 7: nous dirons qu'après un temps déterminé 0 mg. 001 de beurre couvre une surface de 0 eq. 948 ; supposons égale- ment que la goutte de crème ait couvert une surface de 9 eq. 60, c’est-à-dire 10,1 fois davantage ; nous dirons que la goutte de crème renfermait O0 mg. 0101 de beurre. Or, la goutte de crème avait, par exemple, un volume de 0 ec. 044 (225 gouttes pour 10 cc.) ; la crème renfermait donc 22,9 de matières grasses. Voici les résultats que j’ai obtenus en préparant, par des _ DOSAGE DE LA MATIÈRE GRASSE DANS LES CRÈMES D dilutions avec du lait, des crèmes de richesse différente et en dosant la matière grasse d’une part au moyen de la dessiccation et de l'épuisement à l’éther, d’autre part, au moyen de la méthode que je viens d'indiquer. Teneur des crèmes en matières grasses. ET ———— … Procédé par dessiccation Procédé à la tache. et épuisement à l’éther. I IT 7 SGD... ON -nônt dosé,. :.24NI 0184540 NE PO AS: 2 4 ROSE yhe UE 2006 PRE EN 21,08 à, CAD ETS LE 2 AL AD ER Per 40 7 LS LOU re ONE ACTU NRA 07 0. 1 ADO EE AA J'avais pensé naturellement à appliquer cette méthode au dosage de la matière grasse dans le fromage et dans le lait. Cette application, dans le premier cas, ne donne pas toute satisfaction ; pendant le maintien à l’étuve, en effet, le petit tas de fromage se dessèche bien, tandis que la matière grasse s'infiltre dans le papier ; mais l'extrait sec, qui est, du fait de la présence de la caséine, beaucoup plus impor- tant que dans le cas de la crème, forme une sorte de cham- pignon au centre de la tache, qui ne reste pas en contact avec la feuille de papier et qui retient une certaine quantité de matière grasse, en sorte que l’on ne peut faire concorder le dosage avec celui que donne la méthode ordinaire. Dans le second cas, j'ai rencontré une autre difficulté inattendue : une goutte de lait fournit à la dessiccation sur le papier, une tache d’un diamètre insuffisant pour que sa mesure en soit précise ; il semble que l’on puisse alors mettre deux ou plusieurs gouttes ; mais, d’une part, le lait ainsi déposé prend une mobilité qui le fait glisser sur la feuille de papier et, d’autre part, si l’on veut éviter les écla- boussures, où ne peut ajouter une goutte à une goutte pré- cédemment déposée qu’en rapprochant de celle-ci l'extrémité de la pipette.. Or, j'ai constaté que, dans ces conditions, la goutte qui est tombée attire la goutte qui tombe, et que cette dernière n’a plus le même volume que la première. Le 6 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE phénomène est tellement nette qu'avec la pipette de Duclaux (5 cc.), remplie d’eau, j'ai obtenu, suivant la distance que je maintenais entre la pipette et la couche d’eau, de 100 à 142 gouttes : en substituant le lait à l’eau, le nombre de gouttes a varié de 135 à 210. Il semble donc que le procédé dont je viens d’indiquer l'emploi doive être réservé au dosage de la matière grasse dans les crèmes. LES VARIATIONS pu GLUTEN Par MM. Marchadier et Goujon Directeur et Chimiste du Laboratoire Municipal agréé du Mans On sait que l'addition, à de la farine de froment, de quantités même faibles de farines étrangères, entraine tou- jours une modification profonde du gluten, lequel passera du jaune paille au rouge par addition d'orge, pour devenir noir avec le seigle, rosé avec les féveroles, vert avec les pois, gris avec le sarrasin et finira par ne plus se laisser recueillir par le procédé ordinaire quand la proportion des farines étrangères ajoutées dépassera certaines limites. Ces faits curieux, connus depuis longtemps, redeviennent d'actualité, aujourd’hui que d’intéressantes statistiques nous font constater une diminution lente, mais constante, du gluten dans nos blés indigènes. Récemment Balland signalait ce fait et dans un article très documenté (1) faisait remarquer que « depuis la substi- « tution des cylindres aux meules, les farines ont perdu «& 2,2 % de gluten sec, soit, pour un kilogramme de « farine, 22 grammes de matières azotées ». Cherchant l'explication de ce phénomène, il ajoute, quelques lignes plus loin, que « la défaillance du gluten n’est pas due uni- « quement à une dégénérescence de nos blés. Sans parler, « dit-il, des influences atmosphériques, elle se rattache aussi (4) Sur la baisse du gluten des farines. (Jowrn. Pharm. et Chim. (1), IX, p. 510., 14914.) 8 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONONIQUE « aux modes de mouture qui éliminent les germes et les « parties du blé les plus azotées, à la blancheur des farines « qui nécessite un blutage plus parfait, à leur hydratation « venant du mouillage exagéré du blé qui facilite l’écrase- « ment des grains, rend l’enveloppe extérieure moins Cas- « sante et favorise sa séparation ». Cette explication n’est pas admise par Linper. Cet auteur, présentant, le 27 mai 1914, à la Société Nationale d’Agricul- ture, un mémoire de VuarLART sur le même sujet, réfute les hypothèses de Barranp et voit ailleurs que dans les progrès acquis en minoterie les causes de cette baisse continue. Pour VuarLarrT, cette baisse est une conséquence des varia- tions atmosphériques. SGHRIBAUX, se plaçant au seul point de vue cultural, semble aussi partager cette opinion et rap- pelle qu’en 1911 (année chaude) les blés donnèrent plus de gluten qu’en 1912 (année pluvieuse). Cet agronome fait remarquer, en outre, que des variétés de blés, riches en gluten, voient leur teneur s’abaisser dès qu'on les cultive dans la région de Paris. Quand nous aurons ajouté qu'au contraire, dans les riches plaines américaines — où la fertilité d'un sol encore vierge se maintient sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter les engrais chimiques qu'aujourd'hi nos cultures indigènes réclament — les blés donnent toujours un gluten plus fort, nous aurons succinctement résumé l’état de cette question. Ces préliminaires établis, et, étant donné l'importance de ce composé azoté qu'est le gluten, tant au point de vue des consommateurs qui retrouvent en lui la partie la plus nutri- tive de la farine, qu'à celui des industriels de la boulan- gerie qui obtiendront des panifications d’autant plus faciles et des produits d'autant meilleurs que cet élément sera plus abondant, il était intéressant de rechercher pourquoi, dimi- nuant par suite de l’addition de farines étrangères à la farine de froment, le gluten diminue aussi, et de plus en plus, dans toutes nos farines indigènes, LES VARIATIONS DU GLUTEN ÿ Cette étude devait tout naturellement nous amener à nous préoccuper tout d’abord de la constitution du gluten et nous avons, à ce sujet, rassemblé un certain nombre de docu- ments épars qui nous ont puissamment aidés dans nos recherches et qu’il est utile, pour la plus grande clarté de ce qui va suivre, de reproduire brièvement ici. I. — COMPOSITION DU GLUTEN Le gluten est la partie de la matière azotée des grains de blé qui, au contact de l’eau, se coagule en une masse élas- tique, comme au contact de la présure se coagule la caséine du lait, comme en dehors des vaisseaux se coagule la fibrine du sang. -De toutes les farines usuelles, seule la farine de froment donne ce composé. Les autres (avoine, maïs, riz, orge, seigle, sarrasin), bien que contenant des doses de matières azotées sensiblement égales ne s’agglutinent en aucune façon quand on les malaxe sous un filet d’eau. Ge manque de gluten dans les farines autres que celles de blé fut longtemps et faussement attribué à l'absence, dans ces mêmes farines, du colloïde appelé gliadine. Ce corps qui se rencontre dans le blé en proportion élevée, voisine de 65 % des matières azotées totales, ne se retrouve en effet dans les autres céréales qu’en petite quantité, et dans certaines il n’existe même qu’à l’état de traces. Mais ce fait n’est pas suffisant pour justifier à lui seul cette théorie qui ferait de l’absence de gliadine l'unique raison de la non-existence du gluten. Il nous paraît plus conforme à la vérité de dire qu'on ne peut extraire du gluten des farines de céréales autres que le blé, non pas parce que ces céréales ne renferment pas de gliadine, maïs plus simplement parce qu'elles n'ont pas de gluten. En somme, l'existence du gluten peut être considérée 10 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE comme caractérisant la farine du blé au même titre que la présence d’une huile essentielle, caractérise une espèce végétale donnée. Ce gluten, qu’on peut isoler facilement, serait formé en majeure partie de deux substances appelées l’une gliadine, l’autre gluténine, toutes deux solubles dans les acides et les alealis (solutions d’où l’on peut, du reste, les précipiter par neutralisation), toutes deux donnant aussi, avec l’acide chlorhydrique concentré et l'acide sulfurique dilué, une coloration violette analogue à celle que prennent les solu- tions d’iode dans le sulfure de carbone. Cette communauté de caractères démontre l’étroite parenté de ces deux corps : au point de vue chimique, la gliadine est, en effet, l'hydrate désoxydé de la gluténine et cette dernière un anhydride oxydé de la gliadine. C’est ce qui explique la facilité avec laquelle la gluténine et la gliadine peuvent se transformer soit partiellement, soit même tota- lement l’une dans l’autre. Nous verrons plus loin la grande importance de ces transformations. Il existe cependant un moyen de différencier ces deux corps si voisins. OSBORNE, GUEST, HOAGLAND, SCHLEIMER, ont, en effet, successivement montré que l’alcoo!l à 50° dissout la gliadine en laissant la gluténine intacte, et c’est là ce qui a permis de constater que ces deux composants du gluten se retrouvent dans les farines de blé dans un rapport sensible- ment constant. Reprenant après RITTHAUSEN l'étude de ce rapport, FLEURENT a d’ailleurs démontré que, quelle que soit la quan- tité de gluten contenue dans une farine, celle-ci fournit une pâte d'autant plus souple et un pain d’autant plus digeste que ce gluten se rapproche davantage de la composition centésimale suivante : Gliadites Sie CSI EEE UP, 79 Gluténine s'en rene ORR 29 Le pain fait avec une farine dont le gluten s’écarte de 2? % seulement de cette composition, présente déjà des différences LES VARIATIONS DU GLUTEN 11 qui n'échappent pas, même au moins prévenu, et ceci suffit à montrer l'intérêt considérable qui s'attache à la détermi- nation de ce rapport. Il resterait à expliquer le mécanisme de la coagulation du gluten sous le filet d’eau, en d’autres termes, l’agglutination en une masse élastique de ces matières pulvérulentes. Plu- sieurs auteurs ont attaché leur nom à cette étude : D'après WeyL et BiscHorr, la gluténine se transformerait en gluten de la même facon que le fibrinogène se transforme en fibrine, c'est-à-dire sous l’influence d’une action diasta- sique. t D’après OsBorNe et WooRHEEs, la gliadine se gonflerait au contact de l’eau froide — comme l’amidon au contact de l’eau bouillante — en emprisonnant la gluténine inerte et inso- luble dans l’eau et qui constituerait ainsieomme le noyau du gluten. Il y aurait là, d’après ces derniers auteurs, un phé- nomène d'ordre physique. Il est difficile, à l’heure actuelle, de prendre nettement position, de se décider d’une façon absolue en faveur de l’une ou l’autre de ces hypothèses et nous estimons plus sage de conclure en disant, avec Géo et À. OLsSoN, que la cause de cette coagulation est, pour le moment, inconnue. IL. -_- DISSIMULATION DU GLUTEN Nous avons déjà dit que l'addition, à la farine de froment, de farines étrangères, a toujours pour résultat d'amener une baisse du gluten qui peut aller jusqu’à la disparition complète de ce dernier corps. Pour les farines de fèves et autres légumineuses, cefait n'est pas controversé et tous les auteurs reconnaissent à la suite de M. CH. Lucas, qu’il suffit d'ajouter 40 % de farine de seigle à une farine de blé pour empêcher toute coagultion du gluten. Nous nous trouvons donc ici en présence d’un phé- nomène bien constaté et absolument indiscuté. 12 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Mais, dès qu’il s’agit de farines provenant d’autres céréales (orge, riz, sarrasin), cette concordance n’existe plus. Pour ne pas être accusés de remonter à des travaux trop anciens quine peuvent plus aujourd'hui faireautorité, nous nous bornerons à signaler deux articles assez récents — reproduits depuis par de nombreux manuels — dans lesquels nous avons relevé sur ce sujet les assertions les plus contradictoires. C’est ainsi que E. Corrix (1) mentionne que la farine d'orge agit, à l’égard de la farine de blé, comme la farine de seigle, alors que A. BALLAND (2) déclare que, dans le cas d’un mélange orge-blé, le gluten se rassemble parfaitement et fournit un poids correspondant assez exactement aux pro- portions des mélanges. Pour le riz, mêmes divergences, mais cette fois en sens opposé, A. BALLAND constatant un abaissement anormal qui se trouve nié par K. COLLIN. En réalité, comme nous avons pu nous en assurer, ces contradictions — qui nous ont, tout d’abord, un peu déroutés — sont plus apparentes que réelles. Les deux auteurs préci- tés — etce, avec raison étant donné leur but — n’ont étudié que des mélanges où les proportions de farines étrangères ajoutées ne dépassaient guère 10 à 20 %, proportions au delà desquelles le simple examen organoleptique de l'expert le moins averti eût facilement décelé la fraude. Or, pour bien des farines, la baisse en gluten déjà appré- ciable, même avec ces proportions, — comme on pourra s’en rendre compte par la lecture du tableau ci-dessous, dans lequel nous avons coudensé les résultats de A. BALLAND — peut cependant, dans certains cas, ne pas frapper l'attention et justifier en partie les conclusions divergentes que ces auteurs ont tirées. (1) Examen microscopique des farines de blé. Journ. Pharm. et Chim. (6), VIII, pp. 97, 150 et 200. 1898.) (2) Sur la falsification des farines avec le seigle, le sarrasin, le riz; l’orge, le maïs, les fèves et la fécule de pomme deterre. (Journ. Pharm. et Chim. (6), IX, pp. 239 et 286. 1899”) LES VARIATIONS DU GLUTEN 13 Nous voyons, en effet, que si, à une farine de blé conte- nant 26,9 % de gluten humide, nous ajoutons successive - ment : 10 % de Nous trouvons Au lieu de ÉLLPASI Te 0 UT, 16,8 de gluten 23,8 ARE ui 2ta4 19,6 -- 23,8 RE en 22,8 — 23,8 CRM eee. 23,1 — 23,8 NRSTSUMELEEN TE UN TE CR: 3 07) — 23,8 Avec 2) 9, la baisse s’accentue, en effet : Avec 20 % de Nous trouvons Au lieu de ei 7 2 CE AS RRSNEES 9,8 de gluten 21,2 SENS EME MR 12,6 — 21,2 RARE RENE LA | 18,6 — 21,2 CRT MERE 20,3 -—- 21,2 E NÉE RTE 48,1 — 21,2 Mais c’est surtout — comme nous l’avons vérifié — au delà de ces teneurs, que le phénomène décrit prend toute son importance. Ainsi l’orge qui, ajoutée dans la proportion de 20 %, ne produit qu'une diminution de 1,2 %, provoque, lorsqu'on l’ajoute dans la proportion de 40 %, une dissi- | mulation complète, comme, plus récemment, l’a mentionné ARPIN. Ce phénomène n'est pas — comme on pourrait le croire — particulier à l'orge. En poursuivant nos recherches avec les farines de riz et de maïs, nous avons, en effet, trouvé des résultats identiques et nous avons vu un blé donnant à l'état pur 22,5 % de gluten humide, ne plus en accuser que : db nn -. ft 9,8 avec 50 % de maïs ; 3,1 avec 60 % de mais ; 0,0 avec 70 % de maïs, et de même : 7,4 avec 50 % de riz; des traces avec 60 % de riz: 0,0 avec 65 % de riz. | | | Ë î 14 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Autrement dit, toutes les farines étrangères à la farine de blé influencent défavorablement la coagulation du gluten et cette action entravante — d’abord peu sensible avec certaines farines — augmente au contraire très vite jusqu'à devenir nettement empéchante lorsque les quantités mélangées atteignent certaines proportions. Quelles sont les causes de ce phénomène ? Déjà, en 1898, MM. BourQuELoT et HERIssey (1) signa- laient la destruction, par certains ferments solubles, du malt vert d'orge, des propriétés coagulantes de la pectine de gen- tiane et de groseille à maquereaux, Faut-il voir, de même, dans les faits que nous relatons le résultat d’une action fermentaire ? Nous ne le pensons pas. Si, en effet, nous remplaçons les farines de maïs, d’orge, de riz, par des poudres minérales de talc, de magnésie, de silice, nous obtenons des résultats à peu près identiques. Le pâton se forme plus ou moins bien, mais toujours, quand les proportions ajoutées dépassent certaines limites — va- riables, du reste, avec les composés étudiés — le gluten ne se rassemble plus. Enfin, en augmentant par une simple addition d’amidon de froment la dilution des principes azotés coagulables de la farine de blé pure, nous arrivons aussi à cette même chute du gluten. I semble donc bien que nous nous trouvons là en face d’un simple phénomène d'ordre physique. Le gluten n'est pas dissous, il n’a peut-être même pas perdu la propriété de se coaguler, mais il est devenu impossible de le rassembler à la main. La proportion de gliadine diminuant, la quantité de gluten baisse parallèlement et de même qu’une variation (1) De l’action des ferments solubles sur les produits pectiques de la racine de gentiane. (Journ. Pharm. et Chim. (6), VIII, p. 145, 1898), ot sur la pectine de la groseille à maquereaux. (Journ. Pharm. et Chim. (6), IX, p. 281, 1899.) D LES VARIATIONS DU GLUTEN 15 L gliadine gluténine ments très appréciables dans la valeur boulangère du gluten, de même une variation de la somme gliadine -- gluténine dans le pâton peut suffire pour amener assez vite : d'abord l’occlusion d’une partie de ce gluten et finalement sa dispari- tion complète. très faible du rappor suffit à amener des change- III. —— DIMINUTION DU GLUTEN Cette diminution anormale du gluten coagulable se cons- tate aussi, comme nous le disions plus haut, dans le grain de blé. Étant donné l'identité des résultats auxquels on tend, dans les deux cas, faut-il chercher à ces deux phénonèmes des causes de même ordre ? Telle n’est point notre opinion. Si c’est vers des causes d’ordre physique qu'il faut aller chercher, dans le premier cas, une explication satisfaisante, la chimie seule, semble, au contraire, intervenir ici. Nous avons vu, qu’en raison de leur constitution chimique voisine, gliadine et gluténine peuvent, très facilement, se transformer l’une dans l’autre. Les influences les plus légères suffisent à cette transformation. GERMINATION. — Tout d’abord au moment de la germi- nation du grain de blé. À ce moment, en effet, les ferments chargés d’effectuer la solubilisation des réserves azotées, hydralent la gluténine et la transforment en gliadine. La proportion de celle-ci devient alors beaucoup trop forte et gluténine _ 1 gliadine 3 La conséquence qui découle de ce fait est, au point de vue pratique, la suivante : dans la farine de blé germé, la teneur en gluten coagulable est faible et la panification d’une telle farine aboutit le plus souvent à une pâte « qui relâche » et qui donne, après cuisson, un pain durcissant rapidement et de digestion difficile. l'équilibre du rapport se trouve rompu. 16 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Mourure. — Ensuite pendant la mouture des grains. Si cette dernière devient, en effet, trop vigoureuse, les parties concassées s’échauffent, et, à la faveur de cet échauffement, la gliadine se déshydrate en même temps qu'elle s’oxyde. Il se fait alors de la gluténine. Plus la quantité de cette der- nière se sera accrue, plus basse sera la qualité de la farine obtenue dans ces conditions, car le travail en sera laborieux et le pain produit compact et lourd. CONSERVATION. — Pendant la durée de leur conservation, les farines peuvent également subir l'influence de la modifi- cation du rapport JURIERRE et perdre ou gagner de valeur. gliadine D fi C'est ainsi que si l’on place une farine humide dans une pièce chaude, en présence d’air sec, on produira une oxyda- tion et une déshydratation légères de la gliadine et le pro- duit s'améliorera. Au contraire, si l’on maintient dans une atmosphère humide et tiède, une bonne farine, on verra que sa gluténine s'hydrate en se transformant en gliadine et le tout s’altérera. INFLUENCES MÉTÉOROLOGIQUES. — Cette hydratation peut d'ailleurs se produire dans le grain même, sous les influences météorologiques : tous les industriels de la meu- nerie savent que les blés fournis par des années humides donnent toujours une farine de qualité moindre, pauvre en gluten coagulable et qui provoque les récriminations des boulangers, la diminution du gluten coagulable amenant invariablement la diminution du rendement en pain. ACIDITÉ. — En résumé, germination, mouture, conser- vation, température, contribuent à modifier la qualité et la quantité du gluten coagulable ; mais ces éléments ne sont pas les seuls à intervenir. On sait déjà qu’à l'égard des farines, l'acidité joue le rôle d’un élément perturbateur redoutable, a tel point que lorsque cette acidité dépasse un certain chiffre, qui est cependant un | . | LES VARIATIONS DU GLUTEN 4° chiffre très faible (0,050 0/0) (1) la coagulation du gluten est entravée et la masse sous laquelle finalement il se rassemble est granuleuse et dépourvue de sa qualité primor- diale : l’élasticité. Geci n’a d’ailleurs rien qui puisse étonner. Nous avons dit, en effet, au début, que la gliadine et la gluténine subissent facilement l'influence des acides dans lesquels elles se dis- solvent. Mais, par le fait même de cette dissolution (et dans le cas des farines acides qui nous occupent, de ce commen- cement de dissolution), la coagulation du gluten devient soit impossible soit extrêmement difficile. à Pour mieux fixer les idées à ce sujet, nous ajouterons qu’à une augmentation de 0,025 dans l'acidité correspond une diminution de 10 dans le gluten humide, soit un peu plus de 3 dans le gluten sec, ainsi que le montre le tableau ci- dessous obtenu à l’aide des chiffres extraits des travaux de A. BALLAND. FARINES DE CYLINDRES ÂGE ACIDITÉ GLUTEN ATOS AMEN RES UE 0,025 35 RENTE AORREES pe 0,054 25 240 SENS 0,017 38 1, EE) OR RTE 0,077 27 AEROSUN OP TIILLER 0,023 28 CRAN MU dt in 0,049 18 FARINES DE MEULES AGE ACIDITÉ GLUTEN ROIS M PENSE 0,020 32 PATIO dal EE 0,029 25 1 mois 0,025 27 STATS EM O L) APOLUE 0,033 20 (1) Aussi la méthode officielle d'analyse des farines indique-t-elle ce chiffre comme non susceptible d'être dépassé par une farine boulangère. ANN. SCIENCE AGRON. — 4° SÉRIE — 1910 — Î 2 18 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE On conçoit que ce qui se passe pour la farine puisse se passer aussi pour le grain de blé dont elle dérive. Les acides jouent un rôle indéniable dans la formation du gluten. Or — depuis surtout une vingtaine d'années — on enfouit dans toutes les terres à blé des quantités relativement considé- rables de superphosphate qui apporte au sol sa réaction acide. Cette superacidité (due à des acides forts : l’acide sul- furique surtout, et, un peu aussi, l'acide fluorhydrique) ne peut manquer d’influencer l’élaboration du gluten dans le grain de blé. La plante, en effet, subit obligatoirement l'influence du milieu où elle vit et le blé n’échappe pas à cette loi de la nature. Dans cet ordre d'idées, nous avons vu SCHRIBAUX constater que les variétés de blés riches en gluten voient leur teneur en cet élément baisser rapidement quand on les sème en Beauce ou en Brie, terres de grande culture qui reçoivent chaque année des doses importantes de superphos- phate. Au contraire, ces blés maintiennent leur teneur en Amérique où l’immensité des terrains qui s'offrent aux colons a permis de négliger jusqu'à ce jour la culture intensive. On nous objectera peut-être que Pacidité de nos blés n’a guère varié. Qu'en sait-on? Les travaux qu’on peut consulter à ce sujet ne remontent qu'à quelques années et, de plus, une augmentation très faible — mais néanmoins suffisante pour expliquer cette baisse — a pu facilement échapper à l'attention des chercheurs non encore éveillée sur ce point. D’ailleurs, en faveur de notre hypothèse, nous mention- nerons trois faits importants que la plupart des opérateurs ont constatés mais sans y attacher peut-être l'intérêt qu ils méritent. PREMIER FAIT. — Lorsqu'on ajoute de la farine de seigle à de la farine de blé, en même temps qu'on fait diminuer le gluten, on fait monter l’acidité. DEUxIÈME FAIT. — La farine de seigle, qui ne donne pas de Lu, LES VARIATIONS DU GLUTEN 19 gluten, possède normalement une acidité dix fois plus forte que celle de la farine de blé. TROISIÈME FAIT. — L’acide acétique oxyde et déshydrate la gliadine et lorsqu'on traite par cet acide une farine de blé { gluténine | 1 dans laquelle le rappor Hide à on obtient par évapo- Oo) ration un gluten dans le rapport tienne EN À gliadine Ces faits confirment que, dans cette baisse si inquiétante du gluten dans nos blés indigènes, l'acidité joue un rôle nettement prépondérant, et il semble bien que là encore, nous nous trouvons en présence d’une nouvelle rançon qu’il nous faut payer au progrès : la nature se venge ainsi de cette augmentation de rendement à laquelle l’homme la contraint, par un amoindrissement dans la qualité. ÉTUDE DE DEUX LEVUREN DE LACTONE Par MM. H. DELAVAL, J. LOYER, PRÉPARATEUR AU LABORATOIRE INGÉNIEUR AGRONOME STAGIAIRE DE FERMENTATIONS DE L'INSTITUT AU LABORATOIRE AGRONOMIQUE DE FERMENTATIONS DE L'INSTITUT AGRONOMIQUE TRAVAIL DU LABORATOIRE DE FERMENTATIONS Les levures susceptibles de faire fermenter le sucre de lait sont déjà nombreuses : citons celles découvertes par MM. Adametz, Duclaux, Kayser, Mazé, Weigmann, Dom- browski, Grottenfeld, Jensen. Freudenreich, Daire. Nous avons eu l’occasion d'en isoler quelques-unes d’une crème provenant d’une ferme de Normandie ; deux d’entre elles nous ont paru intéressantes par leurs caractères mor- phologiques et leurs propriétés physiologiques et nous les avons comparées avec celle isolée par M. Kayser (V. Annales 1. Pasteur, 1891) ; nous les avons nommées B et C. La levure B est ronde ou légèrement ovale, avec 2 ou 3 cellules reliées ensemble: elle mesure 5 à 84 de long sur 3 à 4,9 de largeur. La levure CG ressemble beaucoup à B mais les cellules sont moins isolées, elle mesure5 à 7 & de long sur 3 y 2 à 4 de largeur. La levure de M. Kayser (n° 203 de la collection du Labo- ÉTUDE DE DEUX LEVURES DE LACTOSE 21 ratoire des Fermentations) est ronde et elliptique, mesure 6 à 8 y de long sur 3 à 5 de largeur. Résistance à l'acidité des levures B et C. — Nous avons ensemencé au fil de platine ces deux levures dans de l’eau de touraillons sucrée à 4 0/0 de lactose contenant 1,29, 1,57 et 1,99 0/0 d’acide lactique pur ; elles ont fermenté dans le milieu renfermant 1,29 0/0 d'acide, mais ne se sont pas déve- loppées dans les autres solutions ; nous voyons qu'il ne faut pas dépasser 1,30 à 1,40 0/0: celle de M. Kayser a pu suppor- ter une dose de 1,5 0/0 d'acide lactique. La façon d’ensemencement a du reste son importance. La levure en masse supportera une dose plus élevée d’acide que celle très diluée, ce qui a lieu quand on ensemence avec le fil de platine. Dans le premier cas, l’antiseptique se répartit sur un plus grand nombre de cellules et chacune d'elles en reçoit une quantité d’autant moindre que la masse de levure est plus élevée, Température mortelle. —— Les levures B et C ont résisté après chauffage de 10 minutes à 55° ; elles étaient mortes après ? minutes à 60°. — La levure 203 meurt à l'état humide Vers 990. Formation de spores.— Beaucoup de levures de lactose ne produisent pas de spores et semblent se ranger dans le groupe des Torulas. Comment se comportent les nôtres à cet égard ? Les levures B et C, bien rajeunies, ont été déposées sur blocs de plâtre et portées à différentes températures : 15, 25, 30, 39%, Après 3 jours, les spores se sont formées à l'inté- rieur du globule, aux températures de 25 et 30°. Mais elles n’en ont pas produit à 15 ni à 39°, même après 7 jours. La levure de 203, ainsi que celles de Duclaux et Adametz, essayées comparativement, non jamais produitde spores. Nous devons donc, avec Dombrowski, ranger nos levures 22 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE dans le genre Saccharomyces et les dernières dans celui des Torulas. Sucres fermentescibles. — Les levures B et C font fermen- ter les sucres suivants : lactose, galactose, saccharose, glu- cose, lévulose ainsi que l’inuline: le maltose fermente péniblement, il y a développement mais pas de fermentation avec le raffinose, la dulcite, la dextrine; la mannite n’est pas attaquée. Température optima des levures B et C comparées avec la levure 205. — Nous éemployons de l’eau de touraillons contenant 77gr. de lactose par litre et nous faisons fermenter à 25, 30 et 390. Dans cette première expérience nous dosons seulement l’alcool produit. Pour diminuer les pertes d’alcool par suite d’évaporation à l’étuve, nous placons au-dessus du tampon d’ouate du matras, un bouchon en caoutchouc supportant un tube à boules renfermant de l’eau distillée. Le contenu des boules était ensuite ajouté au liquide avant l’analyse. Les levures B et G préfèrent, nous le voyons, la tempéra- ture élevée de 3%; la levure 203, au contraire, fermente mieux à 25 ou 300. 2e Expérience. — Nous comparons la levure B'avec la ÉTUDE DE DEUX LEVURES DE LACTOSE 23 levure 203 aux températures de 30 et 39° dans de l’eau de tou- raillons contenant 96 gr. 33 de lactose par litre. Acidité totale (en SO‘ H:) par bte. Acidité volatile (en acide OMUe MAT PET 0.269 0.416 0.184 Alcool! 0/0 en volume . . . 3 (9-29 0.75 | | Sucre restant par litre. . . 57.48 | 43.70 93.33 | Ce tableau nous apprend que la levure B préfère la tempé- ture élevée de 39 ; la production d’alcoo!l est plus forte qu'à 30°, elle laisse moins de sucre, l'inverse a lieu pour la levure 203 : elle fermente avec beaucoup de peine à cette haute température. Essai avec le saccharose. — Dans trois matras de 250 cc. contenant de l’eau de touraillons additionnée de 110 gr. 58 de saccharose par litre, nous ensemencons les levures B, C, 203. Nous laissons fermenter à 39. Nous analysons après arrêt complet de la fermentation. Aierditétotalet 2" 00002." 0.918 4.020 Meidité volatile. . 2° ."... 0.269 0.269 AIDOOIM OO 0 SE 7,0, 3.19 SCT C LE TAT ENS EU" 60.02 24 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE La levure C semble préférer le saccharose ; Le rendement en alcool est avec elle le plus élevé, elle laisse moins de sucre. Influence de la matière azotée. — Nous préparons le liquide artificiel suivant : RAUVOTANAITE ES HORS RTE 1000 Phosphate acide de potassium . . . . . . 1 Sulalede Mmagnésie ar ere RESTE traces DÉC CONS AM ARS PRE C2 a à RES ir 40 Nous partageons ce milieu en 3 matras de 300 cc. Dans le premier nous mettons 0 gr. 426 d'azote sous forme de peptone, le second reçoit 0 gr. 424 d’azote sous forme de sul- fate d’ammoniaque et le troisième O0 gr. 424 d'azote sous forme d’asparagine. Nous ensemençons avec la levure B. Le matras contenant la peptone montre une fermentation très active après 12 heures, mais ceux qui ont reçu le sulfate d’AzHS3 et l’asparagine se développent très péniblement, aussi bien à 30° qu’à 390 et ce, même après plusieurs jours. La peptone est donc bien l'aliment azoté préféré, ainsi d’ailleurs que cela a été constaté par M. Kayser pour sa levure 203 comparée avec les nôtres. Influence du phosphate d'ammoniaque. — Nous parta- seons de l’eau de touraillons contenant 72 gr. 435 de sucre interverti par litre en quatre matras de 250 cc. Deux reçoivent 1 0/00 de phosphate d’AzH}, les deux autres restent tels. Nous ensemencçons la levure B et la levure 203 et nous faisons fermenter à 38. La fermentation part très rapide- ment dans les milieux contenant du phosphate, ils ont une avance de 12 heures sur les autres, la quantité de semence ayant été la même dans tous les cas. TABLEAU ÉTUDE DE DEUX LEVURES DE LACTOSE 29 LEVURE B LEVURE 203 EEE sans avec sans avec PHOSPHATE| PHOSPHATE|PHOSPHATE|PHOSPHATE AICIOILEMIDIAIe NS Et | Wal 4.377 0.612 Aerdaite volatiles; .! 0:01 D 0.291 0.205 ICONE do, ; 3.10 1.35 | BUT FES EAN US. 2 F 29.5 58.84 L’addition du phosphate est donc nettement favorable même pour la levure 203 qui a souffert de la température trop élevée pour elle. Entraînement des levures de lactose aux sels de manga- nèse. — Le manganèse exerce-t-il une action stimulante sur les levures du lait comme l'ont constaté MM. Kayser et Marchand pour les levures de vin ? Sous quelle forme le manganèse agit-il le plus favorable- ment : sulfate, phosphale ou nitrate ? Nous procédons à cinq générations successives de la levure B dans un milieu contenant soit 1 0/00 de sulfate Mn, 10/00 de phosphate Mn ou 10/00 de nitrate Mn. Quatre matras renfermant 250 cc. d’eau de touraillons additionnée de 116 gr. 66 de lactose par litre sont ensemen- cés, savoir: A (témoin) avec levure B rajeunie mais non habituée aux sels de Mn. B avec levure B habituée au sulfate de Mn. C — - phosphate Mn. D — —— nitrate Mn. L'expérience est faite à 390. Le matras contenant la levure habituée au phosphate de Mn fermente le premier très acti- vement, bientôt suivi de ceux ayant recu les levures accoutu- mées au sulfate et au nitrate de Mn : le témoinest en retard 26 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE et la fermentation s'arrête bien plus tôt dans les milieux ensemencés avec les levures entraîinées aux sels de Mn. Voici le résultat de l'analyse : NON HABITUÉE HABITUÉE aux sels de Mn AUX SELS DE Mn TT NITRATE SULFATE |PHOSPHATE TÉMOIN Mn Mn Mn Acidite totale PRE 1.156 1.224 2.248 AGidité volaille ee 0.529 0.434 0.910 AIco0l'0/0'1 RS AIT EPARLPIEOLTETE 10 4.35 k,5 Sucre restant . 47.88 45.29 44,63 Nous voyons que la levure habituée aux sels de Mn est plus énergique (diminution d'acides volatils, augmentation d'alcool, plus forte disparition du sucre); celle accoutumée au phosphate de Mn tient la tête. Modes de fermentation à adopter en vue d'obtenir la quantité maxima d'alcool. — Est-il préférable de faire fer- menter en une seule fois toute la masse du liquide ou en plusieurs phases ? 1e Expérience. — Nous employons de l’eau de tourail- lons contenant 158 gr. 21 de lactose par litre; nous ajoutons 1 0/00 de phosphate d’ammoniaque et nous ensemençons avec la levure B entrainée au phosphate de Mn. Ce liquide est partagé en deux parties : A. — Matras contenant 250 cc. (soit totalité du liquide) est ensemencé avec la levure B et mis à l’étuve à 39. B. = Dans le second matras nous mettons seulement la moitié du liquide, soit 125 -c., nous ensemençons avec la ÉTUDE DE DEUX LEVURES DE LACTOSE 27 même levure et nous laissons fermenter à 39°, Dès que cette première fermentation touche à sa ân, nous y ajoutons aseptiquement l’autre moitié (soit 125 cc.) de même liquide. La fermentation repart presque instantanément. Après arrêt dans les deux matras, nous analysons. FERMENTATION|FERMENTATION en une fois en deux fois AOC LOUE) CCS AMENER Le 1.836 1.682 CAM MIA TES SEA re Un ee 0.812 0.520 1050 0 TT ES PERS RESTES 3.79 SULCEC RES ARE RAS EC RQ Le 85.59 64.16 Nous constatons une diminution des acides volatils dans le milieu ayant fermenté en deux phases; une plus forte production d’alcool et d’acidité lotale et une meilleure utilisation du sucre. Nous allons voir, dans la deuxième expérience, qu'il est encore possible d'améliorer cette technique. Nous prenons, cette fois, du sérum de lait provenant d’une fabrique de beurre, et qui contient 53 gr. 72 de lactose par litre. A. — Dans un premier matras nous introduisons 275 cc. de ce sérum, auquel nous ajoutons du saccharose de façon à avoir une richesse saccharine exprimée en sucre inter- verti de 140 gr. 40 par litre. Nous ensemençons avec la levure B et nous portons à l’étuve à 390. B. — Un second matras reçoit 300 cc. de sérum seul. Nous ensemençons et laissons fermenter d’abord ce sérum ; le lactose disparait vite ; nous ajoutons alors 40 cc. d'une solution de saccharose. Nous dosons de suite le sucre total 28 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE axistant à ce moment dans le matras ; nous trouvons 103 gr. 035 en sucre interverti. La fermentation se déclare rapidement. C. — Nous procédons comme ci-dessus, mais au moment de l'addition de la solution de saccharose, nous ajoutons une bonne levure de vin. Sucre total après addition du saccharose : 114 gr. 34 en sucre interverti. D. — Nous faisons fermenter d’abord 100 cc. de sérum seul. Après fermentation, nous ajoutons 120 cc. de sérum additionné de saccharose soit, comme sucre total : 20 gr. 10 0/0 en sucre interverti. Acidité totale . Acidité volatile . Alcool! 0/0. . Sucre restant . . Nous remarquons qu'il est préférable de laisser d’abord disparaître le lactose avant d’ajouter le saccharose et que le matras C, qui a reçu la levure de vin, est celui qui a donné le rendement alcoolique le plus élevé, En résumé, nous pouvons dire que nos levures se diffé- rencient par leur forme, leur production de spores, leur préférence aux températures élevées, leur résistance à l'alcool et leur plus grande tolérance pour les milieux légè- rement acides. Nous conseillons aux fabricants de vinaigre de lait, de laisser d’abord fermenter leur sérum après défécation de ce dernier, et aussitôt après la disparition du lactose, d'ajouter le saccharose, | | ÉTUDE DE DEUX LEVURES DE LACTOSE 29 L’addition de phosphate d’ammoniaque à la dose de 1 0/00, l'entrainement des levures au phosphate ou au nitrate de manganèse stimuleront l’activité de ces dernières : enfin, la collaboration d’une levure énergique de vin ou de distillerie, sera très utile, le degré alcoolique plus élevé et par suite le vinaigre plus fort et plus fin. LES SEMENCES DES PLANTES: CULTIVÉES ET LEUR DÉTERMINATION Les ouvrages relatifs à la détermination des plantes sont nombreux ; mais si, dans les flores, on fait intervenir de temps à autre le fruit ou la graine parmi les éléments ser- vant à caractériser telle ou telle plante ou groupe de plantes, on n’a pas, jusqu'à présent, je crois, essayé exclusivement de réunir sous forme de tableaux analogues à ceux des flores, les fruits ou graines, ou comme on le dit couram- ment les semences des plantes. Il existe cependant un cer- tain nombre d'ouvrages, dans lesquels l’étude et la descrip- tion des semences tiennent une place prépondérante, mais, ou bien ces ouvrages ne s'occupent que d’une seule famille, ou même de groupes plus restreints encore, ou bien font intervenir dans leurs descriptions des caractères que le bota- niste seul est en mesure d’apprécier. Ils ne permettent pas, comme cela a lieu dans certaines flores, d’arriver d’une manière relativement rapide et à l’aide de caractères très simples, au nom de l’espèce. C’est ce but que je me suis proposé d'atteindre, en m'’attachant d’abord à la détermina- tion des semences d’un certain nombre de plantes cuitivées, réservant pour plus tard celle des plantes adventices les plus courantes. Dans un travail de cette nature, il y aura certainement des imperfections ; cependant, les spécialistes l’accepteront D LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES 31 Le avec indulgence s'ils veulent bien se rappeler que les carac- tères permettant de différencier les semences sont beaucoup moins nombreux que ceux auxquels on a recours lorsqu'il s’agit d'effectuer le même travail sur les plantes entières et que parfois (même pour un spécialiste), deux semences très voisines ne se laissent pas toujours, sûrement et facilement séparer. Tel qu'il est, j'espère que mon travail rendra quel- ques services, c’est pourquoi je me suis décidé à le publier. GÉNÉRALITÉS DÉFINITION DE LA SEMENCE Le terme de semence, employé au sens où on l'entend en agriculture, désigne indifféremment soit une graine, soit un fruit, ce dernier pouvant même être accompagné de diverses parties de la fleur ou de l’inflorescence. Afin de faciliter l'emploi des tableaux synoptiques suivants et de fournir aussi un certain nombre de notions utiles sur la constitu- tion des semences, je vais examiner quelques exemples relatifs à leurs différents types, en m'attachant plus particu- lièrement aux semences des plantes appartenant aux familles des Légumineuses et des Graminées. SEMENCES DES LÉGUMINEUSES On sait que, dans la famille des Légumineuses, le fruit ou gousse, provient d’un seul carpelle et s’ouvre, la plupart du temps, de lui-même et à la maturité, par deux fentes, correspondant : l’une à la ligne de suture des deux bords du carpelle, l’autre à sa nervure médiane. Les deux valves ainsi produites, entrainant chacune une des deux rangées de graines, s’écartent (fréquemment elles se tordent ou s'en- roulent sur elles-mêmes) et mettent les graines en liberté (fig. 1). Dans ce cas, la semence est une graine et il en est ainsi pour toutes les Légumineuses à gousses déhiscentes : 3R ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE pois, haricots, vesces, lotiers, etc. Mais il n’en va pas tou- jours de même et, dans un certain nombre de Légumi- neuses où la gousse ne s’ouvre pas, la semence est, soit un fruit entier, comme dans le sainfoin, où la gousse mono- sperme tout entière constitue la semence, soit une partie du fruit, comme dans la serradelle, le sainfoin d'Espagne, où la gousse se divise transversalement en articles indéhis- ceñts, contenant chacun une graine. Théoriquement, on devrait donc, chez toutes les Légumineuses à gousses indé- hiscentes, rencontrer des semences où la graine est pro- Fig. 1. — Déhiscence d'une gousse de Dee neue Les graines ont été mises en partie eu liberté. Le calice qui devrait être situé à Ja partie supérieure de la figure n'a pas été représenté. tégée par le péricarpe total ou partiel. En réalité les choses ne se passent pas toujours de cette facon dans la pratique et des semences, qui normalement devraient être ainsi pro- tégées, se rencontrent dans le commerce à l’état de graines nues, ayant été dégagées artificiellement d’entre les tégu- ments du fruit. Ce cas, assez rare d’ailleurs pour les espèces à péricarpe résistant, comme le sainfoin et la serradelle, devient la règle chez celles où la gousse est à parois minces et fragiles : trèfles et mélilots par exemple. Ilest bon d’ailleurs de remar- quer que dans ces deux genres, la gousse n’est pas rigou- reusement indéhiscente, mais s'ouvre irrégulièrement. Néanmoins les graines de ces deux plantes sont toujours obtenues par des moyens mécaniques, comme celles de nombres d’autres à gousses déhiscentes : luzerne, lupuline, LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES 33 anthyllide, etc., dont le battage, l’égrenage, facilitent la mise en liberté. Examinons maintenant quelques-uns des caractères des gousses indéhiscentes et des graines. GOUSSES INDÉHISCENTES (1). — Les gousses indéhiscentes monospermes, ainsi que les gousses articulées, ont généra- lement leur surface externe pourvue d'ornements plus ou moins accentués : nervures saillantes, alvéoles, pointes, tubercules, etc., permettant, en général, la détermination Fig. 2. — Fruit du sainfoin (Onobrychis saliva Lam.). facile des espèces; c’est ainsi, par exemple, que le sainfoin est Caractérisé, non seulement par la forme de sa gousse, mais aussi par la présence, sur les flancs de celle-ci, d'un réseau saillant, déterminant des alvéoles très nets, tandis que des dents ou des pointes plus ou moins épineuses, se remarquent aux angles du réseau et surtout sur le bord de la gousse (fig. 2). GOUSSES ARTIGULÉES. — Les gousses articulées sont carac- térisées, d’une manière générale, par une série d’étrangle- ments plus ou moins marqués, indiquant les différents niveaux de rupture du fruit : chacune des portions ainsi obtenues est un article ne renfermant qu'une seule graine. Les ornements de la surface peuvent être très variables, mais on reconnaîtra toujours que l’on se trouve en présence (4) L'habitude a consacré ce terme; en réalité une gousse indéhiscente doit être considérée comme un akène. ANN. SCIENCE AGRON. — /j* SÉRIE — 1Q10 — | 3 34 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE d'un article quand on constatera l’existence, à chaque extrémité, de deux petites surfaces planes dirigées d’habi- tude normalement au plus grand des axes de l’article (2, fig. 3). Si cependant on a affaire à l’un des deux articles extrêmes, 1 Fig. 3. — 1. Fruit presque entier de serradelle (Ornithopus sativus Brot.); il est composé d'articles a, a, dont chacun contient une graine. — 2. Article isolé et grossi (6 fois), constituant la semence du commerce. on ne pourra trouver évidemment qu’une seule petite surface analogue aux précédentes. GRAINES DES LÉGUMINEUSES. — Les graines des Légumi- neuses, présentent toutes un certain nombre de caractères suffisamment nets pour qu'on puisse facilement reconnaitre, à première vue, si une graine appartient à une plante de cette famille. Pour nous rendre compte de l’origine des différentes particularités qui se remarquent dans la morpho- logie externe des graines de Légumineuses (tout ou moins de celles de la sous-famille des Papilionacées, les seules dont nous nous occupons ici), examinons une graine de haricot déjà entièrement constituée, mais encore attachée au placenta. L'albumen faisant défaut dans la graine müre, l'amande tout entière est formée par l'embryon courbé, dont les cotylédons, toujours volumineux, bombés sur leur face externe, s'appliquent l’un contre l’autre par leur face PNR TAN) LS ASS LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES 39 interne, lisse et plane. Ces cotylédons s’attachent à un axe très court : la tigelle (T, fig. 4), se continuant d’un côté par un organe conique : la radicule (R, fig. 4) et de l’autre par un bourgeon : la gemmule (G, fig. 4) cachée entre les cotylé- dons. En examinant avec attention la surface de la graine, on voit que la pointe de la radicule est située juste en face d’une petite dépression de la grosseur d’une piqûre d’ai- quille : le micropyle (#», fig. 5)au-dessous duquel se trouve la surface d’attache de la graine avec un court support : le Fig, 4. — Coupe schématique d'une graine de haricot (Phaseolus vulgaris L.) encore attachée au placenta P. — F, funicule; Te, téguments; m, micropyle; H, hile; ch, chalaze; co, cotylédon; T, tigelle; R, radicule; G, gemmule. funicule (F, fig. 4). Cette surface mise à nu lors de la chute de la graine est qualifiée de hile (H, fig. 5). Enfin, au delà du- hile, nous remarquons une petite protubérance correspondant à la chalaze (ch, fig. 5), c’est-à-dire au point où le faisceau vasculaire nourricier, après avoir parcouru le funicule, s’est épanoui en ramifications qui se sont étendues dans le tégu- ment externe de l’ovule. Micropyle, hile et chalaze sont ici dans un même plan qui est le plan de symétrie de la graine. En examinant des graines autres que celles du haricot, on retrouverait les mêmes caractères morphologiques. Dans les petites graines cependant : trèfles, lotiers, luzernes, la cha- laze et le micropyle sont peu visibles, le second souvent 36 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE même ne l’est pas du tout, même dans des graines assez grosses. Mais dans tous les cas, le hile est toujours bien distinct et sa forme, ses dimensions, sa couleur, sont autant d'indications précieuses pour la détermination des semences de Légumineuses. Un caractère ayant aussi une importance assez grande, est fourni par l'examen des faces de la graine : on distingue assez souvent sur celles-ci une dépression allongée plus ou moins en forme de sillon, qui suit extérieurement les bords de la surface de séparation des cotylédons d’avec la tigelle et la radicule. Cette dépression, Fig. 5. —- H, graine de haricot (Phaseolus vulgaris L.) vue de face. — m, micropyle ; H, hile; ch, chalaze. Dans le haricot, micropyle, hile, chalaze se trouvent dans un même plan qui est le plan de symétrie de la graine (ss). L, graine de luzerne (Medicago sativa L.) vue de face, mêmes indications. dite sillon radiculaire, donne également, par sa direction, sa longueur, sa profondeur, des indications intervenant fré- quemment dans la détermination des semences de cette famille. La plupart du temps, les graines sont symétriques, de telle sorte que, vues face au hile, elles présentent deux côtés identiques. Cependant, les graines de luzerne sont généralement asymétriques et, vues face au hile, appa- raissent plus ou moins gauches, plus ou moins tordues (fig. 5). Get aspect irrégulier, facile à constater avec un peu d'attention, constitue, en particulier, un caractère qui nous permettra de distinguer les semences de luzerne de celles de plantes voisines. LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES 31 Les tableaux synoptiques qui suivent ont été construits en vue de la détermination des semences, telles qu’on les rencontre le plus habituellement dans le commerce ; cepen- dant, pour quelques-unes d’entre elles, par exemple la lupu- line, le mélilot, etc., ils permettent de déterminer la semence non seulement à l’état de graine, comme c’est Le cas le plus fréquent, mais aussi à l’état de fruit, cas qui se présente de temps à autre. SEMENCES DES GRAMINÉES Les semences appartenant aux plantes de la famille des Graminées sont toujours constituées par un fruit : chacun sait que l’un des caractères des Graminées est d’avoir Fig. 6. — Fruit du blé, vu par sa face dorsale (à gauche), sa face ventrale (au centre), de profil (à droite). — E, place de l'embryon; S, sillon; P, poils. l’amande de la graine soudée au péricarpe du fruit : l’en- semble constituant un caryopse. Ce fruit, d’ailleurs, ne se présente pas toujours nu, ainsi que cela a lieu, par exemple, pour le seigle et beaucoup de variétés de blé, mais souvent il est protégé par les glumelles et, dans certains cas, les glumelles elles-mêmes sont enveloppées par les glumes (1). Nous allons passer en revue ces divers types de semences. Prenons tout d’abord comme exemple, le fruit du blé. xe fruit, vulgairement qualifié de grain, nous présente deux (1) Glumes et glumelles constituent ce qu'on nomme vulgairement les balles. 38 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE faces bien distinctes : l’une d’elles, parcourue d’une extré- mité à l’autre par un sillon profond, est la face ventrale située en face de la glumelle supérieure : l’autre face ou face dorsale, regardant la glumelle inférieure, est assez fortement bombée, sans sillon et porte à l’une de ses extrémités une sorte de petite plage nettement délimitée (E, fig. 6), indi- quant extérieurement la place de l'embryon. L’extrémité opposée à l’embryon est arrondie et, à part une touffe de poils plus ou moins étendue, ne présente rien de spécial (Hg. 6). Toutes ces particularités de la morphologie externe du caryopse du blé, se retrouvent, soit identiques, soit plus Fig. 7. — Fruit du seigle (Secale ce- Fig. 8& — Fruit du maïs (Zea Mays L.). reale L.). — E, place de l'embryon. — E, place de l'embryon. ou moins modifiées, dans ceux des autres Graminées. En tout cas, il est généralement facile de distinguer l'extrémité occupée par l'embryon, car celui-ci est toujours assez nette- ment délimité, sur la face dorsale du caryopse par nne ligne courbe, enveloppant une surface plus ou moins ovale ou elliptique, saillante ou déprimée (fig. 7 et 8). Dans les tableaux synoptiques suivants, on aura rarement l’occasion de tenir compte du caryopse, car la plupart des semences de Graminées sont constituées par le fruit accompagné des deux glumelles : d’où les termes assez fréquents de semences vêtues et plus rarement de faux fruits qui leur sont appliqués. Pour nous rendre compte des caractères morphologiques externes d’une semence de ce type, prenons comme exemple « [2 RS LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES 39 le ray grass anglais (Lolium perenne) (fig. 9). Chacun des épillets dont l’ensemble constitue l’inflorescence, se désar- ticule à la maturité; l’axe se brise de telle sorte que chaque semence porte sur sa face ventrale (côté de la glumelle supérieure) une portion de cet axe, représentant, non la Fig. 9. — Epillet (à demi schématique) du ray-grass anglais (Lolium perenne L.). — R R, axe (rachis) de l’inflorescence ; À, axe de l’épillet ; G, glume; F, à F;, fleurs successives de l’épillet; S, S,;, S,, etc., points où l’axe de l’épillet se brise à maturité. Chaque fleur, devenue alors une semence (telle qu'on l'entend au sens agricole), entraîne avec elle un pédicelle qui n’est autre qu'un fragment de l'axe A. Ainsi la fleur F4, à maturité, entraine la partie SS, de l’axe; la fleur F;, la partie S, S,;, etc. partie qui supporte la semence elle-même, mais celle qui la suit immédiatement. Cette portion de l’axe de l’épillet porte le nom de pédicelle (1) et peut avoir une importance assez notable pour la détermination des semences qui le possèdent. (4) A proprement parler c’est en somme le pédicelle de la semence qui suit immédiatement celle qui porte cet organe. A0 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE C’est ainsi que, dans le cas qui nous occupe, la section aplatie ou losangique de ce pédicelle, sa position appliquée contre la glumelle supérieure, permet de séparer nettement le ray-grass anglais de la fétuque des prés, dont les semences ont un aspect très analogue, mais où le pédicelle, toujours plus ou moins cylindrique, légèrement écarté de la glumelle supérieure, présente un sommet occupé par un petit plateau ou une surface plus ou moins bombée (fig. 10). Les semences vêtues, ou faux fruits des Graminées, peuvent encore présenter d’autres caractères, par exemple Fig. 10. — Parties inférieures des semences de ray-grass anglais (Lolium perenne 1.) à gauche et au centre, et de fétuque des prés (Festuca pratensis Huds.), à droite. Remarquer la différence dans la forme du pédicelle. être munies d’une, ou parfois de deux arêtes. La position, la dimension, la forme de ces appendices sont très variables. L’arête, généralement portée par ia glumelle inférieure, peut être, soit terminale comme dans les fétuques : K. ovine, f. rouge, f. hétérophylle (fig. 11), soit placée lé- gèrement au-dessous du sommet (brômes), soit fixée tout à fait sur le dos (avoine élevée) (1), soit enfin à la base (1) Les semences de l’avoine élevée (fig. 13) sont la plupart du temps munies de deux arêtes : l’une grande et coudée, l’autre, à l'opposé courte et droite. Ces deux arêtes ne sont pas portées par les glumelles de la même fleur; l’arête coudée est fixée sur le dos de la glumelle inférieure d’une fleur mâle, stérile par conséquent, l’autre, à peu près invisible dans les semences du commerce, est fixée au-dessous du sommet de la glumelle inférieure de la fleur hermaphrodite qui a fourni le caryopse. LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES A1 comme dans la canche gazonnante (fig. 12). D'autre part, Fig. 11. —- Féluque hélérophylle (Festuca helerophylla Lam.), à gauche, et fétuque ovine (Festuca ovina L.), à droite. cette arête, assez fréquemment droite, peut être coudée et, Fig. 12. — Canche élevée (Aira cæspilosa L.). dans ce cas, la portion qui s’étend entre le point d'attache La semence commerciale du fromental consiste donc, glumes mises à part, en l’épillet tout entier puisque les épillets du fromental sont tous constitués par deux fleurs analogues aux précédentes. 42 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE de l’arête et la partie coudée est tordue en hélice : tri- sette jaunâtre, avoine élevée (fig. 13), flouve (1) (fig. 14). Cette particularité se remarque facilement, soit à l’œil nu, soit à la loupe, mais on peut aussi la constater en plaçant | ne Fig. 13. — Avoine élevée (Avena elatior L,), fromental. — r. Semence telle qu'elle se présente dans le commerce et constituée par une fleur mâle stérile dont la glumelle inférieure porte une arête coudée et une fleur hermaphrodite ayant fournit le caryopse. — 2. La fleur hermaphrodite à la maturité. ces semences dans l’eau; on voit alors la partie terminale de l’arête s’animer d’un mouvement rotatoire, plus ou moins (1) Dans la flouve, il y a encore deux arêtes, mais ici elles sont por- tées chacune par une fleur stérile, réduite à sa glumelle inférieure (fig. 14). L’une de ces arêtes est droite et fixée vers le milieu de la face dorsale de l’une de ces glumelles, la seconde, coudée, est attachée près de la base de l'autre glumelle. Le caryopse de la semence commerciale de flouve est donc doublement enveloppé : d’abord par ses glumelles bril- lantes, brunes ou fauves, puis par les glumelles des fleurs stériles velues et aristées. Dans l’épillet entier il existe de plus deux glumes toutes deux dépourvues d’arêtes. LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES 43 saccadé, grâce aux phénomènes d’hygroscopicité dont la région tordue est le siège. L'’arête, quand elle est terminale, est parfois très courte et, à première vue, il devient assez difficile de savoir si la semence est aristée ou simplement terminée en pointe aiguë. Les tableaux synoptiques suivants permettront néan- 3 Fig. 14. — Flouve odorante (Anthoæanthum odoratum L.). — 1. La semence telle qu'elle se présente dans le commerce. — 2. Figure schématique d'un épillet : gm, glumelle inférieure d’une fleur stérile ; gm', glumelle inférieure de la seconde fleur stérile portant une arèête coudée et tordue en hélice; gs eb gi, glumelles supérieure et inférieure entourant le caryopse; Gi et Gs, glumes inférieure et supérieure. (Généralement, on ne trouve pas ces parties Gi et Gs dans les semences du commerce). — 3. Caryopse. moins, dans tous les cas, d'arriver au nom de la semence. Très souvent, les glumelles qui protègent le caryopse sont ternes, de consistance membraneuse et assez tendre ; mais chez certaines plantes : sorgho, alpiste, panicum, elles sont brillantes, relativement dures et souvent fortement emboîtées l’une dans l’autre. D’autre part, si le pédicelle 4 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE peut faire défaut, on en trouve, en revanche, parfois deux attachés à la même semence : ainsi par exemple chez le sorgho dont la figure 15 représente un fragment d’inflo- rescence : il arrive souvent que l'axe rameux A se brise aux points R, R, de telle sorte que chaque semence (figurée en gris) entraine avec elle les portions P, P, et comme géné- ralement les épillets qui surmontent ces portions se déta- chent, les semences portent à leur base deux pédicelles. / Fig. 15. — Fragment de l'inflorescence ramifiée du sorgho à sucre (Sorghum saccharalum). — A, axe ramifié de l’inflorescence; R, point de rupture de l'axe ramifié ; P, pédicelle. Comme je l’ai signalé plus haut, les slumelles ne sont pas toujours seules à accompagner le caryopse : les glumes aussi peuvent prendre part à la constitution de la semence, telle qu’on la trouve dans le commerce: le fruit est alors doublement enveloppé. C’est ainsi que se présentent : le vulpin, la houque (1). (1) Dans le vulpin, il n’y a qu’une seule glumelle : la glumelle inférieure qui, grâce à ses bords soudés, forme autour du caryopse LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES 45 Enfin, la présence de poils ainsi que de divers ornements : dents, tubercules, nervures, cils, etc., que peuvent présenter les semences de Graminées, constituent encore des carac- tères précieux pour leur détermination. Les semences issues de plantes cultivées autres que les Fig. 16. — Epillet de vulpin des prés (Alopecurus pratensis L.). — 1. Semence telle qu'elle se présente dans le commerce. — ». Figure schématique de l'épillet : Gi, glume inférieure ; Gs, glume supérieure ; gm, glumelle unique cachée en grande partie par les glumes et figurée en pointillé sauf au sommet portant une arête légèrement coudée et attachée à la base de la face dorsale de la glumelle. Légumineuses et les Graminées sont,comparativement, moins nombreuses ; cependant, je crois utile d’en décrire rapi- une sorte de sac. L’arête que l’on voit sortir au sommet de la semence, d’entre les glumes, est portée par cette glumelle. Cette arète, légèrement coudée, s’atlache vers la base de la face dorsale de la glumelle. La semence commerciale du vulpin est constituée par l’épillet tout entier (fig. 16). Dans la houque, les deux glumes enveloppent deux fleurs, l’une, l’inférieure, fertile et dépourvue d'arête, l’autre supérieure stérile (fleur mâle) à glumelle inférieure portant au-dessous du sommet une arête très courte, recourbée en dedans en forme de crochet ; la semence com- merciale consiste, comme dans le vulpin, en l’épillet tout entier (fig. 17). 46 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE dement quelques types : les remarques qu'on peut faire à ce sujet permettront, assez souvent, de reconnaître à première vue si telle ou telle semence appartient à une plante cultivée de l’une des familles que nous allons passer en revue. Fig. 15. — Houque laineuse (Holcus lanatus L.). — 1. Epillet : Gi, glume infé- rieure ; Gs, glume supérieure. — ». Les deux fleurs que protègent les glumes : Ff, fleur fertile; Fs, fleur stérile; À, axe de l'épillet. CRUCIFÈRES La plupart des semences de Crucifères cultivées sont des graines contenues dans un fruit déhiscent : silique (beau- coup plus long que large) ou silicule (moins de trois fois plus long que large). Ce fruit provient de deux carpelles soudés par leurs bords; entre les carpelles s’est développée une fausse cloison réunissant les placentas pariétaux et sépa- rant ainsi l'ovaire en deux loges contenant chacune deux rangées d’ovules. A la maturité il se produit quatre fentes situées deux à deux de part et d'autre du placenta voisin, déterminant de cette manière la formation de deux valves: qui, s’écartant l’une de l’autre, d’abord par leur portion basilaire, finissent par se détacher après êlre souvent LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES 47 restées longtemps soudées par leur partie supérieure. En s’écartant, ces valves mettent à nu la fausse cloison où les placentas forment, sur les bords de celle-ci, un petit bourrelet auquel sont attachées les graines, finalement mises en liberté (fig. 18 et 19). Toutes les Crucifères ne se comportent pas de cette manière et il en existe, parmi les plantes cultivées, qui pos- Fig. 18. — Silique de chou (Brassica). Fig, 19. — Silicule de cresson alénois —- VV, valves s'écartant, laissant ap- (Lepidium sativum L.).— 1. Avant la dé- paraître la fausse cloison C; P, pla- hiscence ; ». Au moment de la déhis- centas sur lesquels les graines sont cence. — Chaque loge ne contient attachées. qu'une graine. sèdent siliques ou silicules indéhiscentes, tels sont : le radis, le pastel (fig. 20), le chou-marin. Pour les deux dernières plantes, le fruit monosperme constitue tout entier la semence telle qu’on la rencontre dans le commerce ; il n’en est pas de même du radis, où le fruit, contenant un certain nombre de graines, est soumis au battage, ce sont alors ces dernières qui constituent la semence. La silique du radis est d’ailleurs remarquable par sa stracture interne : l’intérieur tout entier est rempli par une substance spongieuse ayant quelque ressemblance avec A8 ANNALE DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE la moelle de sureau et dans laquelle sont englobées les graines. | $ Parmi les Crucifères introduites dans les tableaux synopti- ques suivants, il n’en existe pas ayant comme fruit une silique indéhiscente articulée analogue à celle de la rave- Fig. 0. — Silicule du pastel (/salis linctoria 1). nelle par exemple (fig. 21) ; tout au plus pourrait-on consi- dérer, comme appartenant à ce genre de fruit, la silicule monosperme du chou-marin, qui présente à la base de la portion la plus volumineuse un petit article, stérile d’ailleurs. Fig. 1. Fruit de ravenelle (Raphanus Raphanistrum L.). — Remarquer la division en articles de ce fruit. La graine des Crucifères renferme une amande à peu près entièrement constituée par l'embryon (1), et la disposition de ce dernier nous permettra d'expliquer quelques particu- larités extérieures de la graine. On a vu que, dans les Légumineuses, la forme des cotylédons, la position de la (1) Il existe dans les graines de Crucifères un albumen rudimentaire constitué par une assise de cellules à contenu albuminoïde, placée à la face interne des téguments. LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES 49 radicule par rapport à ces derniers, enfin, d’une manière généralel’aspectde l'embryon, demeurentles mêmes quelle que soit la graine à laquelle on s’adresse. Il n’en est plus ainsi pour les Crucifères où les différentes parties de l'embryon peuvent affecter, les unes par rapport aux autres, diverses Fig. 22. — Principales dispositions de l'embryon dans les graines de Crucifères. GC, cotylédons ; R, radicule. ' dispositions dont les principales sont indiquées dans les figures schématiques ci-contre (fig. 22). De l'examen de ces figures, il résulte que la place de la radicule, en général, sera toujours visible à l'extérieur de la graine où elle appa- Fig. 23.— Graine de roquette (Eruca saliva, Lam.). — L'embryon, dans cette graine, adopte la disposition A de la figure 22, aussi remarque-t-on un sillon S’ parallèle au sillon radiculaire S. Sur cette graine, ces sillons sont indiqués extérieurement par une double ligne qui se détache en teinte foncée sur le fond plus clair de la graine. raitra sous forme de saillie plus ou moins accentuée et, dans le cas où les cotylédons sont pliés une fois en travers, on pourra fréquemment observer nettement, de chaque côté du sillon radiculaire, un sillon parallèle placé là où le cotylédon extérieur cesse d’emboiter l’autre (fig. 22 A et fig. 22). Si l’on ajoute que la plupart des graines de Crucifères s’écrasent facilement en laissant une tache grasse, on voit qu’il y a là un ensemble de caractères permettant, ANN. SCIENCE AGRON. — {4° SÉRIE — 1916 — Î c h 50 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE en général, de distinguer immédiatement les graines appar- tenant aux plantes de cette famille. OMBELLIFÈRES Dans la famille des Ombellifères, toutes les semences sont des fruits secs indéhiscents, appartenant par consé- quent à la catégorie des akènes. Dans le cas particulier des Fig. 24. -— Fruit du persil (Petroselinum salivum Hoffm.). Ombellifères, le fruit provient de deux carpelles soudés : à la maturité la partie correspondant à chaque carpelle et contenant une seule graine, se détache de sa voisine et, comme chacune de ces parties est en somme un akène, on s'explique le terme de diakène appliqué au fruit des Ombellifères. Voyons sur quelques exemples quelle en est la structure et quelles en sont les particularités extérieures. Examinons d’abord le fruit du persil (fig. 24) ; les semences se présentent habituellement sous deux aspects : ou bien les akènes sont complètement séparés ou bien sont encore rapprochés l’un de l’autre à l'extrémité d’un pédoncule commun; il est d’ail- leurs facile de les isoler en introduisant l’ongle entre eux. Mais si l'on opère avec précaution, après avoir au préalable ramolli le fruit dans de l’eau chaude, on peut très facile- LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES )1 ment mettre en évidence un petit filet (/, fig. 25) réunissant le sommet de chacun des akènes à l'extrémité supérieure du pédoncule. Ainsi pendant quelque temps, ceux-ci complète- ment mûrs, avant de s’isoler d'eux-mêmes, restent fixés au pédoncule commun grâce aux petits filets ÿ. Ces derniers ne sont autre chose que des faisceaux de fibres situés dans la plan de symétrie de chaque akène, sur sa face interne, et qui se trouvaient primitivement dans la cloison séparatrice des deux loges de l'ovaire. Les deux akènes étant semblables, examinons la structure de l’un d'eux (fig. 25). On y distingue Fig. 25. — Persil (Petroselinum sativum Hoffm). — Les deux akènes écartés laissant voir les petits filets f. — S$, style ; C, côte primaire; V, vallécule. d’abord deux faces : une face externe bombée et une face interne presque plane ou très légèrement concave; la pre- mière est parcourue suivant sa longueur par cinq côtes, dites côtes primaires : une médiane, deux latérales et deux marginales, et l’on appelle vallécule l’espace compris entre deux côtes primaires consécutives. Au sommet de l’akène, on remarque un petit renflement conique terminé par un court organe filiforme rabattu vers le bas : l'un des deux styles flétris de la fleur. Effectuons maintenant une coupe transversale et regardons-la à l’aide d’une forte loupe, nous voyons que chaque côte primaire est parcourue par un faisceau vasculaire tandis que chaque vallécule est occupée par une cavité : canal sécréteur nommé bandelette, renfermant une substance brune ; deux bandelettes se 34 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE remarquent également dans Fépaisseur de la face interne. Ces canaux sécréteurs, plus ou moins visibles par transparence, se distinguent très bien dans les akènes peu Fig. 26. — Fruit du panais (Pastinaca sativa L.). — 1. Face externe d’un akène : remarquer les quatre bandelettes (en noir) qui, partant de la partie supérieure de l’akène, s'étendent presque jusqu'à sa base, — 2. Face interne du même ; on ne distingue que deux bandelettes. j . 2 \ el | épais, comme par exemple ceux du panais (fig. 26). Si nous examinons maintenant le fruit de la carotte, nous distingue- rons encore, surtout en nous aidant d’une coupe transver- Fig. 27. — Fruit de la carotte (Daucus carola L.). — Un akène tel qu’il se présente à la suite des manipulations dont il a été l'objet. Les côtes secondaires sont celles qui portent ce qui reste des plus longs aiguillons, lesquels ont à peu près disparu sur les côtes primaires. sale, cinq côtes primaires qui, ici, sont pourvues d’aiguil- lons; mais, du centre de chaque vallécule, s'élève, en face du canal sécréteur correspondant, une côte beaucoup plus marquée que les côtes primaires voisines et munie d’aiguil- LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES D3 lons beaucoup plus développés : c'est une côte secondaire et chaque akène en porte quatre. Ces deux exemples nous fournissent les caractères que l’on retrouvera dans la plupart des semences d’'Ombellifères. Les côtes primaires pourront être plus ou moins marquées, parfois être invisibles comme dans le cerfeuil : les vallécules plus ou moins profondes, les fruits plus ou moins bombés ou, comme dans le panais, complètement aplatis: mais, d’une manière générale, ils nous présenteront toujours des caractères analogues à ceux décrits dans les exemples précé- dents et, le plus souvent, on pourra reconnaitre à première vue une semence de cette famille. COMPOSÉES Les semences des Composées sont encore des akènes, mais Fig. 28. — Fruit de la scorsonère (Scorzonera hispanica L.) tel qu'il se présente dans le commerce. elles sont loin de présenter des caractères d’ensemble aussi constants que les semences des plantes des familles précé- dentes; aussi est-il difficile de donner en quelques lignes des indications suffisantes pour permettre à quelqu'un n'ayant pas déjà une certaine pratique de la botanique, de reconnaitre à première vue un fruit de composée. Ces fruits, généralement 54 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Fig. 29. — Fruit du salsifis (Tragopogon porrifolius L.) tel qu'il se présente dans le commerce. de forme allongée, sont souvent parcourus, dans le sens de la longueur, de fines stries ou de côtes assez nombreuses : 3< 1 Fig. 30. — Fruit du pissenlit (Tararacum Dens-leonis Desf.). — 1. Fruit complet muni de son aigrette. — 2. Fruit tel qu'il se présente dans le commerce. LES SEMENCES DES PLANTES CULTIVÉES D9 lisses (scorsonère, fig. 28), rugueuses, tuberculeuses (salsifis, fig. 29) ou pourvues de petites épines plus ou moins mar- quées (pissenlit, fig. 30). Ils sont d’ailleurs assez fréquem- ment surmontés d'organes tirant leur origine du calice et servant à leur dissémination : couronne de poils, aigrette portée par un bec plus ou moins allongé (laitue, pissenlit, salsifis). Ces organes, qui sont d’un grand secours dans les déterminations des genres, sont malheureusement très fra- giles et, par suite, très souvent absents dans les semences du commerce où les manipulations dont ces semences sont l’objet les ont fait disparaître. Malgré cela, ces semences, telles qu'elles sont, possèdent souvent des caractères suffi- samment nets pour qu’on puisse les déterminer, ainsi qu’on le constatera dans les tableaux suivants. L % 52 2 A côté des semences de plantes cultivées appartenant aux familles précédentes, nous en rencontrerons faisant partie d’autres familles, mais en nombre peu important dans cha- cune d'elles, Aussi, j'estime qu'il est inutile d’en donner ici les caractères, on les constatera au cours même des déter- minations. REVUE AGRONOMIQUE AGRICULTURE Variétés de pommes de terre et d'avoine (Roy. Agric. Coll. Scien- tifñic. Bull., n° 4 et 5). Dans les expériences faites en 1913 pour les pommes de terre, les sortes précoces et celles un peu plus tardives savoir : Midlothian Early, Duk of York, Sir J. Llewllyn et Épicure ont souffert de la sécheresse. Les plus importantes variétés, savoir : Duchess of Cornwall, King Edouard VII, Factor, Dalmeny Beauty et Scottish Triumph ont donné de bien meilleurs produits ayant poussé vigoureusement pendant septembre et le commencement d’oc- tobre après les pluies. Après ces dernières variétés, celle de la Duchess of Cornwall donnaient le meilleur rendement, soit 18 tons 25 cit (1) par are ; puis venaient ensuite le Dalmeny Beauty, la Scottish Triumph et la Factor. PSE AGRICULTURE ETRANGERE H. Hirier. — La réforme agraire de 1906 et la transformation économique de la Russie. — La culture des céréales aux Etats- Unis, au Canada et en Argentine (Bull. Soc. Encourag. Ina. Nat., t. CXXI, 1914, p. 488). L'auteur analyse dans ses notes mensuelles d'agriculture un rapport de M. Edmond THIÉRY (Paris, Economiste européen). Pour l’ensemble de l’empire russe et malgré la guerre meur- trière de 1904-05 la population a augmenté, de 1902 à 1912, dans la proportion de 22,7 %. La production des céréales a augmenté (4) Un cwt vaut environ 52 kilogrammes. REVUE AGRONOMIQUE 97 de 22,5 %, celle des pommes de terre de 31.6 %, celle des bette- raves à sucre de 42 %, en comparant la période 1898-1902 à la période 1908-1912. Aucune nation de l'Europe n offre de parelis résultats et cette augmentation de la production agricole, obtenue sans le concours d’une main-d'œuvre étrangère coù- teuse, n'a pas seulement servi les besoins nouveaux d’une population en voie d’accroissement ; elle a permis à la Russie d'étendre considérablement sa clientèle étrangère : l’augmen- tation de l'exportation des produits alimentaires se chiffre par 103 % en comparant la période 1898-1902 et la période 1908-1912. L'effectif du bétail est resté stationnaire ; mais l'exportation à presque triplé. L'industrie russe n'a pas donné des résultats aussi extraordinaires que la production agricole, mais elle a réalisé des progrès importants. Le développement agricole de la Russie a permis à cette grande nation de faire d'énormes dépenses pour améliorer l'instruction publique primaire et sa défense nationale. Ce développement agricole date surtout de la réforme agraire de 1906, qui a fait disparaître le mir ou pro- priété collective (voir Bull. Soc. Enc. Ind. Nat., mars 1909 et janv. 1913). Toute une série de mesures sont venues compléter cette grande réforme : organisation de l'instruction agricole et de sociétés de crédit, création d'exploitations modèles, de dépôts des machines et instruments aratoires perfectionnés, etc. (Cf. Ann. Sc. Agr. 1913, I, 132.) En regard de ces progrès de l’agriculture russe, M. HITIER montre que le développement de la production des céréales aux Etats-Unis s’est très sensiblement ralenti depuis une dizaine d'années et surtout pour le blé; la population, d'autre part, s'étant beaucoup accrue, des quantités moindres de céréales se sont trouvées disponibles pour l'exportation. Par contre, le Canada et la République Argentine augmentent les surfaces consacrées au blé et sont susceptibles de les augmenter encore. Les exportations de blé ont doublé pour chacun de ces deux pays, en comparant les mêmes périodes que précédemment. EAN Enlèvement des avoines sauvages et des mauvaises herbes (Zxpt. Sta., R., XXX, 6). Les conclusions suivantes furent tirées d'expériences rela- tives à l’enlèvement des avoines sauvages et des hvbhrides pro- venant d’une culture d’avoine cultivée : Les hivers rigoureux contribuent à empêcher leur apparition. Un profond labourage les détruit en partie pendant la saison courante mais favorise leur apparition dans la récolte suivante. Il n’est pas à conseiller de semer de l’avoine, du blé ou du D8 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE trèfle sur des sols qui sont reconnus avoir été infestés par des avoines sauvages où de mauvaises graines, mais on devra choi- sir à la place un terrain cultivé depuis au moins deux ans. D'autres moyens non moins efficaces de combaitre les mau- vaises herbes sont : la houe et la plantation en sillons de façon à permettre l’adiministration d’une solution de 10 % d’acide sulfurique, l’arrachage en avril ou mai, l'enlèvement des pani- cules en juin de bonne heure, la destruction de la menue paille obtenue par le battage en grange et brûler le chaume. J. S. LA *x x Enlèvement des avoines sauvages (Agric. Gazelte of Canada, novembre 1914). La méthode suivante adoptée pour la suppression des avoines sauvages est reconnue pour avoir été très efficace sur un champ de 40 acres contenant une forte quantité d’avoines sauvages. Le terrain est légèrement labouré et hersé en automne. On laisse ensuite pousser l’avoine sauvage jusque dans la première semaine de juin ; alors le champ est labouré à une profondeur de 5 pouces et hersé immédiatement. De l’orge est alors semée à raison de 1 1/2 à 3 bushels par acre. Après la moisson on ne constate plus que 3 points seule- ment portant encore de l’avoine sauvage. JS: à, 5 SEMENCES G.-H. CorBETT. — Effet de la térébenthine et de la paraffine sur la germination des graines de navets (Roy. Agric. Scientific. Bull., n®4et5). . Il a été suggéré que le traitement des graines de navets par immersion dans une solution de térébenthine ou de paraffine empêchait quelque peu les mouches des navets de :s’attaquer à la graine au moment de son développement ; cette expérience contribua aussi à découvrir que la germination de ces graines fut retardée par ce traitement. Les graines furent trempées pendant vingt jours dans de l’eau, de la paraffine ou de la térébenthine et chaque échantil- lon de graines plongées dans ces préparations germa. Si l’on compare la germination des graines trempées dans l’eau à celle des graines immergées dans la térébenthine ou la REVUE AGRONOMIQUE 59 paraffine la germination des premières est plus tardive mais cependant encore plus précoce que celle des graines qui n’ont pas été du tout trempées. La durée du temps pendant lequel les graines furent trempées ne semble pas produire d'effet sur la germination quoique apparemment une immersion pendant cinq ou six jours dans la térébenthine et de deux jours dans la paraffine donne les meilleurs résultats sous le rapport de la rapidité et de l'égalité de la germination des graines traitées. nn x x x ECONOMIE DU BETAIL J.-R. AINSswoRTH, Davis et DRYSDALE TURNER. —- Fécondité des moutons (Roy. Agric. Coll. Scientific. Bull., n° 4 et 5). Il est généralement considéré que chez les animaux donnant ordinairement naissance à un ou deux petits, la disposition à avoir des jumeaux est héréditaire et cet exposé est le résultat fée recherches sur cette question en ce qui concerne les mou- ons. En juillet 1909, douze béliers (pure race Oxford Down) jumeaux étaient achetés; six provenant de jumeaux croisés et les six autres provenant de brebis jumelles. Dans cet exposé les trois sortes de jumeaux sont : La 1° : Béliers jumeaux ; La 2° : Brebis jumelles ; La 3° : Jumeaux croisés (un de chaque sexe). À l’automne, ces animaux furent conduits à un bélier pure race Oxford Down et les agneaux furent obtenus comme suit : Lot T. — Brebis jumelles croisées. — 9 agneaux de 6 brebis (150 % d’agneaux), compris 2 paires de jumeaux croisés et une paire de brebis jumelles. (Une brebis mourut après la nais- sance). Lot IT. — Brebis jumelles. — 5 agneaux de 5 brebis (100 %: d’agneaux). Pas de jumeaux. (Une était stérile). La saison suivante, avec le même bélier et les mêmes brebis. les résultats furent : Lot I. — Brebis jumelles croisées. — 9 agneaux de 5 brebis (180 % d’agneaux), compris 3 paires de jumeaux croisés et une paire de brebis croisées. 60 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Lot IL — Brebis jumelles. — 6 agneaux de 6 brebis (100 % d'agneaux). Pas de jumeaux. Les points qui semblent appeler davantage l'attention sont les suivants: 1° Tous les jumeaux produits en 1910 et 1911 étaient nés de brebis provenant de jumeaux croisés. (Ceci ne fut cependant pas confirmé en 1912) ; 2° Les jumeaux étaient presque tous croisés et il n’y eut pas de cas de béliers Jumeaux dans les trois années ; 3° Les brebis du lot I jumelles croisées produisirent partout un plus grand pourcentage de jeunes brebis que de jeunes béliers ; 4° Les brebis du lot Il (brebis jumelles) donnèrent naissance à un plus grand pourcentage de jeunes béliers. 175$: x LES Le maïs comme base de la nourriture des bœufs (South Dakota Agric. Exp. Sta. Bull., n° 148). Les bœufs furent divisés en lots de 4 animaux chacun. La base de la ration était le maïs et chaque lot reçut une nourriture concentrée différente. L'’essai dura 146 jours. Les résultats démontrèrent que les bœufs firent bon profit de la nourriture de maïs jointe à d’autres aliments concentrés. Le lot qui reçut 3 Lb. (livres) de tourteaux oléagineux par tête et par jour et autant de maïs ensilé qu'il en pouvait consom- mer donna un surplus de rendement moyen de Lb. 2.45 au prix de £ 1 45 s. 5 d. par 100 Lb. gagnées. Les bœufs recevant 3 Lb. de tourteau de coton comme repas par tête et par jour donnèrent un surplus de rendement moyen de Lb. 1.95 au prix de £ 1 7 s. 8 d. pour 100 Lb. Les bœufs nourris avec 3 Lb. de drèches sèches de distillerie et 3 Lb. de maïs par tête et par jour donnèrent un surplus de rendement moyen journalier de Lb. 2.17, à raison de £ 125. 11 d. pour 100 LH. Dans cette expérience, les bœufs nourris avec les tourteaux oléagineux consomment une quantité moyenne de 55 Lb. par tête et par jour. Ceux nourris avec le tourteau de coton, 45 Lb. et ceux nour- ris avec des drèches desséchées, 52 Lh. La nourriture par le tourteau oléagineux donne le plus grand rendement en poids quand elle est donnée conjointement avec le maïs silage, mais elle est beaucoup plus coûteuse que celle composée de graines sèches distillées. REVUE AGRONOMIQUE 61 Le tourteau de coton est beaucoup moins efficace que les deux autres aliments. Un autre essai fut fait en comparaison avec l'expérience ci- dessus pour apprécier les qualités respectives des avoines et maïs avec le maïs silage comme base de ration. Les avoines apparurent plus efficaces que les graines de maïs mais les deux étaient très coûteuses en comparaison avec le tourteau oléagineux et les drèches sèches. VS. x x x AVICULTURE Miss A. Kwnross N. D. D. — Quelques expériences d'alimentation ds la volaille {(W. of Scotland Agric. Bull. 64). Ce bulletin contient une partie des expériences qui ont été faites récemment : 1° Sept poulets furent nourris pendant une année d'une ration journalière (par oiseau durant les six mois de l'hiver), consistant en un mélange de 1 0Z. composé de son, de farine d'avoine et de pommes de terre le matin, 1 oz. d’une mixture composée de 2 parties de blé de l'Inde et d’une partie d'avoine à midi et 2 oz. d’une mixture de 2 parties d'avoine et d’une partie de blé de l'Inde le soir. Durant les six mois d'été la quantité totale journalière de la période d'hiver de 4 oz. fut réduite à 3 oz. Le son était bouilli et les pommes de terre soigneusement cuites étaient ajoutées au son et à la farine d’avoine de façon à former une bouillie bien pilée et écrasée. Les légumes furent aussi utilisés quand il fut nécessaire. Le nombre d'œufs pondus durant l’année fut de 1.143 dont la valeur s’éleva à £ 6 3 s. 11 d. Le prix total de la nourriture consommée était de £ 4 6 Ss. 9 d., le bénéfice retiré sur le coût de la nourriture était de £ 4 6 s. 9 d. soit de 12 s. 4 1/2 par poule ; 2° Dans cette expérience 182 poulets et 70 poules de la deuxième couvée furent nourris pendant un an d’une ration journalière de 1 oz. d’un mélange composé de son, de farine d'avoine et de blé de l’Inde à midi et de 2 oz. d'un mélange de 7 parties de froment et de 3 parties d’avoine le soir. Les légumes frais furent aussi employés. Le nombre d'œufs pondus pendant l’année fut de 38.458 d’une valeur totale de £ 220 6 s. 6 d. Le prix total de la nourriture des poules était de £ 21 10 5. 2 1/2 d. et celui de la nourriture des poulets de £ 62 15 s. 62 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE 1/2 d. soit une dépense totale de £ 84 55.5 d. donnant un béné- fice total de £ 136 1 5.35 d. Le bénéfice par poule était de 10 s. 9 1/2 d. 3° Deux essais du prix de revient de l’engraissement des oiseaux pendant 3 semaines furent faits à raison de 6 oiseaux dans chaque expérience. Dans le premier essai la nourriture consommée fut la sui- vante : 10 1/2 Lb. farine d’avoine ; 10 1/2 Lb. blé de l'Inde ; 5 1/4 Lb. poisson ; 11 3/4 Lhb. avoine. Le coût de la nourriture par oiseau fut de 7 1/2 d. Au début de la période les 6 oiseaux pesaient 28 1/4 Lb. el à la fin 41 1/2 Lib. soit un gain moyen par oiseau de 2 Lb. 3 1/2 oz. Dans le second essai 19 Lb. de farine d'avoine et 19 Lb. de blé de l’Inde furent consommés à raison de 7 1/4 par oiseau. Le poids total des 6 oiseaux au début était de 27 3/4 Lb. et après l’engraissement ils pesaient 39 1/2 Lb. Le gain moyen par oiseau, pour 3 semaines, était donc de ra Pi 4° Une autre expérience fut faite pour trouver le prix de revient de l'élevage des poulets depuis la naissance jusqu'à l’âge de 16 semaines et aussi pour établir le prix comparatif de l'élevage des poulets par les poules à celui des poulets élevés par les couveuses. 55 Rhode Island poussins, éclos le 17 février 1913, furent éle- vés jusqu'à 8 semaines en couveuses arliticielles. La quantité totale de nourriture consommée fut de 112 1/2 Lh. d’une valeur de 12 s. 11 d., soit une dépense par tête de 2 3/4 d. Le prix de la paraffine consommée pendant 6 semaines atteint une moyenne de 3/4 d. par tête. Le coût total de l’élevage était ainsi de 3 1/2 d. par poulet pour 8 semaines. 12 Rhode Island Red poussins, éclos le 22 février furent élevés par une poule jusqu’à l’âge de 8 semaines. La quantité totale de la nourriture consommée, y compris celle de la poule, était de 26 Lb. 9 oz. au prix de 3 s. 9 d. soit un prix moyen de 3 3/4 d. par poulet pour la période. Les deux lots de poulets furent ensuite élevés ensemble fai- sant un total de 67 bêtes. La quantité d'aliments consommés pendant la période sui- vante de 4 semaines était de 276 3/4 Lb. d’une valeur totale de 23 s. 11 1/2 d. soit de 4 1/4 d. par oiseau. Pendant cette période trois poulets moururent. Pendant les dernières 4 semaines de l’essai les oiseaux con- sommèrent 411 3/4 Lb. de nourriture évaluée à 36 s. 10 1/2 d. soit à 7 d. par poulet. Le coût de la nourriture pendant la période entière était donc REVUE AGRONOMIQUE 63 d'environ 1 s. 2 1/2 d. par poulet, mais ce prix aurait été beau- coup moins élevé si les poulets nourris par la poule dans la pre- mière période de l’essai avaient été nourris pendant les 8 se- maines. JAN * k x C. D. STEWART. — Difformités des volailles (Foy. Agric. SCien- lific. Bull., n°% Let 5). Les expériences semblent avoir démontré que les difformilés des flancs chez les oiseaux de basse-cour ne peuvent être attri- buées à l'hérédité lorsque les poulets (quoiqu'ils fussent le pro- duit d’un lot sélectionné de sujets difformes depuis trois sai- sons consécutives) sont parfaitement normaux à l’âge de 10 semaines. Dans la reproduction il fut démontré qu'après deux saisons un lot de poulets de races bien assorties était parfaitement nor- mal à condition qu’on ne leur tolérât pas le perchoir. Les résultats obtenus à la fin de trois années de recherches démontrèrent formellement que le perchoir est la principale raison et probablement la seule cause des difformités et 1l semble que cette raison subsiste quel que soit le genre de per- choir (rond ou carré, grand ou petit). Donc, dans l’élevage de la volaille les perchoirs ne devraient jamais être employés. Jhhgee * k x Miss L. MurPHY. — Second concours de ponte (Jour. Dept. of Agric. for Ireland, october 1914). Le tableau suivant montre le nombre de poulets parqués, le nombre d'œufs pondus, la valeur des œufs vendus, le bénéfice calculé d’après le coût de la nourriture et le prix moyen obtenu par douzaine d'œufs. Ce tableau comprend la période du 1% octobre 1913 au 31 août 1914 : Nombre Coût Bénéfice Prix moyen de poulets APR LOS AS de la pe sur par parqués P nourriture la nourriture douzaine Douzaines LORÉN'd: £ ad. £ 8. d. d. 204 3.401 Rod nON T0 0200834 AA ALLAG AS 64 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Le prix moyen, par semaine, de la nourriture d’un oiseau fut établi comme suil d. Octobrerà décembre (413 Semaines) ane û Janvier à mars (13 semaines) ....... PE LATE ANTNIMPAMTINMASMSEDIAINeSNNER SERRE LAN TPE Juilletàa août (O1SemAinps re SO E 1 36 Par rapport au poids des œufs pondus par différentes races il fut constaté que les œufs les plus lourds pesant 26.47 oz, par douzaine étaient ceux de Biack Minorcus et que les plus légers pesaient 25,93 07. par douzaine provenaient des races de DUSSEX. Les œufs provenant de White Leghorns pesaient 25.47 oz. par douzaine et ceux de White Wuandottes. Rhode Island Reds, Brown Leghorns, Euff Orpingtons et Vhite Orpingtons avaient tous un poids moyen variant de 24 1/2 à 25 07. par douzaine. Un essai fut fait avec deux poulaillers de poules de seconde année. Les résultats dans la seconde année sont comparés avec ceux de la première année dans le tableau suivant. En comparant les deux poulaillers il faut tenir compte que durant 1912-15 un coq fut placé dans le second poulailler et que les couvées furent plus fréquentes. Œufs pondus Valeur Nombre A °° TT — oiseaux 1°" octobre 1912 1°" octobre 1913 1°" octobre 1912 1°" octobre 1913 au : au au au 31 août 1913 31 août 1914 31 août 1913 31 août 1914 ce s. d. £ S. d. 6 1.210 731 DAMES LS M MOPESEATE 6 4.003 866 RE PE A 4 PP L) 02 PS * x x Quelques facteurs affectant le poids, la composition et l’éclosion des œufs (West Virginia Agric. Expt. Sta. Buul., 145). [I est d'une grande importance pour la réussite dans l'élevage de la volaille de la soigner de façon à lui faire produire des poulets d’une forte constitution. Il est un fait reconnu, que les œufs très lourds doivent être employés pour les couvées : il en résulte donc qu'il est très important de connaître quand les œufs les plus lourds sont pon- dus et comment la volaille doit être nourrie et dirigée de façon à donner des œufs gros et lourds. REVUE AGRONOMIQUE 65 Des expériences furent faites de 1911 à 1913 pour obtenir quelques indications sur ce point. | Le poids moyen des œufs variait de mois en mois, alteignant leur maximum au printemps avancé, quand les poules sont plus lourdes et pondent plus librement. Les œufs provenant de White Leghorns n’atteignirent pas leur poids maximum tant que les poulets ne furent pas dans leur troisième couvée. I1 fut constaté que la nourriture donnée à profusion augmen- tait le nombre et la dimension des œufs pondus comparative- ment à ceux produits par des poules à qui il ne fut donné que le strict nécessaire ; de plus ces derniers n'étaient pas aussi bons à l’éclosion que ceux provenant de poules mieux nourries. Les analyses firent découvrir différentes compositions de l'œuf à différentes époques de l’année mais elles furent de trop minime importance pour en retirer une conclusion justifiée. Néanmoins, les résultats indiquèrent que durant le printemps quand les poules pondent bien et que les œufs sont plus lourds, le jaune et l’œuf forme le plus grand pourcentage de son poids et cela beaucoup plus qu’en automne quand les poules ne pon- dent pas si bien. Ceci peut être encore une raison pourquoi les poulets éclos de bonne heure sont plus vigoureux que ceux éclos plus tard parce que l'embryon a été plus parfaitement nourri. Le poids des œufs fut donc trouvé réduit quand les poules étaient nourries de rations dans lesquelles n'étaient pas les principes nutritifs essentiels ou n’y entraient pas dans une assez forte proportion. JS, Quelques facteurs dont dépend la quantité de bactéries dans les œufs (Xansas Agric. Expl. Sta. Bull., 201). Les pertes annuelles en œufs gâtés aux Etats-Unis sont esti- mées à plus de 9 millions de livres sterling. Les expériences portèrent sur la quantité de bactéries conte- nues dans les œufs et sur la plus ou moins longue conservation des œufs suivant différentes conditions. L’exposé suivant donne un résumé des conclusions tirées : 1° Presque tous les œufs contenant des bactéries étaient infec- tés dans le jaune alors que quelques-uns seulement conte- naient les bactéries dans le blanc. Très peu de bactéries des œufs Se développent à la température du corps mais elles crois- sent abondamment à la température des couveuses : ceci est une remarque d'un grand intérêt au sujet de la qualité des œufs à couver ; ANN. SCIENCE AGRON. — {€ SÉRIE — 1916 — I 5 66 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE 2° Le nombre d'œufs infectés augmente légèrement avec l’âge de l'oiseau ; 3° Les œufs de diverses poules ont une quantité variable de bactéries et un degré différent de conservation. Les œufs de mêmes poules varient semblablement à différentes époques et sans cause apparente ; 4° Enfermer les oiseaux augmente le nombre d'œufs infectés; 5° La nourriture faite d’un mélange mouillé et tiède aug- mente le nombre d'œufs infectés d’une façon appéciable ; cecr est dû à ce que les bactéries se développent à la température du COTPS ; 6° Varier les poules n’augmente pas l'infection des œufs ; un grand nombre d'œufs fertiles furent gâtés par suite du déve- loppement de l'embryon qui semble augmenter la susceptibilité de contamination de l'œuf ; 7° L'augmentation de l'infection ne signifie pas absolument une diminution dans la plus ou moins bonne conservation parce que c’est la nature des bactéries plutôt que leur quantité qui détermine le degré de conservation ; 8° Les œufs de la saison d’été contiennent plus de bactéries que ceux du printemps ou de l’automne ; 9° La proportion d’albuminoïdes et de corps azotés ne révéla aucune influence appréciable des facteurs expérimentés sur le degré de conservation des œufs examinés ; 10° Il n’y eut pas d'œufs (à l’albumine colorée en vert) pon- dus par les poules dont la nourriture consistait en grande par- tie de luzerne. JS: PATHOLOGIE VEGETALE D.-R. KEpwarDpes-KEr. — Addition de savon mou à l'arséniate de plomb pour traitement cryptogamique (Jour. S. E. Agric. Wye., 1913). Il semble que lorsqu'une solution de 10 % de savon mou est ajoutée à l’arséniate de plomb vendu dans le commerce, il n’y a pas d'augmentation d’arsenie soluble, arsenic capable de por- ter atteinte au feuillage en le brûlant. C’est aussi le cas quand le traitement journalier, consistant en une solution d’acétate de plomb additionnée d'arséniate de soude (chacune étant préparée avec la moitié de la quantité REVUE AGRONOMIQUE 67 d’eau ordinaire) est faite avec une quantité égale d’une solution à 1 % de savon mou. Quand les solutions d’acétate de plomb et d'’arséniate de soude sont faites entièrement avec une solution à 1 % de savon mou en place d’eau, une augmentation considérable d’arsenic soluble est constatée et, de plus, le précipité obtenu est très caillé et gluant, rendant la mixture tout à fait impropre à l'usage. 2.5 G.-T. MuLcHouse. — Verrues des pommes de terre (ÆZarper Adams Agric. Coll. Bull., n° 8). _ Des expériences ont été faites chaque année depuis 1909 dans le but d'obtenir des indications sur les variétés de pommes de terre qui sont exemptes de verrues et sur la valeur des moyens employés pour combattre leurs maladies ainsi que sur d’autres points importants. Plusieurs espèces furent essayées el les variétés suivantes semblèrent offrir une grande résistance à la maladie en même temps qu'elles donnèrent un rendement satisfaisant dans les terrains où les expériences eurent lieu. Espèces précoces : Milcross Early, Carters Early Favourite, Sutton's À I Peerless Rose. Espèces plus tardives : Conquest, Entente cordiale (Findlay), Table King (Weeb), Great Scot (Mc Alister), Sutton’s Abon- dance, Sutton's Fourbal. Principales récoltes : Irish Queen, Leinster Wonder, Culdess Castle, Crofter, The Lochar (Farish), The Admiral, Burhouse Beauty (Dobbie), Provost (Dobbie), White City (Sutton), Jeanie Deans. Toutes les préparations chimiques emplovées, y compris plu- sieurs préparations particulières donnèrent des résultats très variables et furent conséquemment considérées sans valeur. Il semble que les porcs, les lapins, la volaille et même les freux peuvent propager la maladie, si on les laisse approcher les tubercules et l’expérience montre que les spores de la mala- die passent au travers du tube digestif des lapins et des porcs sans être altérées. Les épreuves faites indiquèrent que la marche de propagation de la maladie est très lente (dans le cours d’une année, le mi- crobe parcourt 9 pouces sur un terrain plat et 28 pouces sur un terrain incliné) et montrèrent que les spores peuvent avoir germé dans l’eau d’une flaque à proximité. JS: 68 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE ENTOMOLOGIE Rapport phytopathologique pour l’année 1913, par le directeur de la Station eutomologique de Paris (Ann. du Serv. des Epiph., p. 1-12, t. IT, 1914). I. — Mesures administratives visant la protection des plantes cultivées et organisation de la lutte contre leurs ennemis. Les principaux sujets traités sont relatifs à la constitution du ser- vice phytopathologique, à la législation pour lutter contre le Sphærotheca morsuvæ (texte de l’arrèté préfectorai du 13 dé- cembre 1913), pour empêcher l'introduction du Diaspis penta- gona en France (texte du décret réglementant l'importation des plantes d’origine italienne, 12 octobre 1913). Il. — Insectes et autres animaux nuisibles aux cultures. — Les divers groupes de plantes cultivées sont passés en revue el pour chacun d’eux sont cités les insectes qui ont fait le plus de dégâts dans le courant de l’année 1915. Les insectes dont on a eu le plus à se plaindre sont le Négril dans certaines luzer- nières, les pucerons des betteraves, pommes de terre et hou- blon, le Thrips tabaci dans les cultures de poireaux des envi- rons du Mans et en Seine-et-Oise, le Frankliniella robusta sur les pois des propriétés de l’école d'agriculture du Chesnay. Les cultures fruitières eurent en général à souffrir d’un assez grand nombre d’ennemis : les pommiers furent envahis dans divers départements par le puceron lanigère, les hyponomentes, l’an- thonome, la cheima tobie, etc. La pyrale des prunes fut abon- dante, de même dans le Var, la tenthrède-limace et la mouche des cerises. Pour la vigne, ce sont toujours la cochylis et l’eu- demis qui prennent chaque année une extension redoutable, en particulier dans le Sud-Ouest et la vallée de la Loire. Les ravages occasionnés par les limaces ont eu une grande extension en France, en 1913 à toutes les époques de l’année. Mais ce sont les campagnols qui ont préoccupé les agricul- teurs et le gouvernement. Leur extension n’a fait que croître au cours de l’année et la surface de territoire envahi était estimée en décembre 1913 à 500.000 hectares. Les divers traitements employés ont donné des résultats tantôt satisfaisants, tantôt discutables. PANNE A. VuiLLer. — Action des fumigations d'acide cyanhydrique sur F Des pentagona » Targ. Tozz. (Ann. du Serv.des Epiph., 21119140) k L'examen des résultats, obtenus dans des conditions aussi voisines que possible de la pratique, montre que, si l’on ne peut TE REVUE AGRONOMIQUE 69 espérer obtenir, avec l'acide cyanhydrique, une désinfection absolue des végétaux infectés de Diaspis pentagona, on peut néanmoins utiliser avantageusement cet insecticide pour la des- truction de cette dangereuse cochenille sur les végétaux pré- sentés à l'importation. Dans aucun cas cependant, les fumi- gations ne devront, à l'avis de l’auteur, dispenser d'autre mesures de protection, et l'inspection à l’arrivée offrira toujours le maximum de garanties. Il serait, en effet, fort imprudent d'admettre tous les végétaux sous l’unique condition, qu'ils soient soumis à l’action des vapeurs d'acide cyanhydrique. Il est nécessaire d'éliminer d’abord tous ceux qui sont fortement infestés de Diaspis et les fumigations ne doivent être utilisées qu'à titre de garantie complémentaire. 12e us Les G.-F. Wire. — Destruction of germs of infectious bee diseases by heating, 8 p. (Bull. of the U. S. Dep. of Agric., n° 92, mai 1914). L'emploi de la chaleur dans les manipulations des produits apicoles étant devenu dans certaines régions d'un usage cou- rant, l’auteur s’est demandé si on ne pourrait pas utiliser cet agent dans la lutte contre les maladies des abeilles. C’est pour- quoi, ces deux dernières années, il s’est efforcé, par un grand nombre d'expériences, de préciser l’action de la chaleur sur les germes des quatre maladies suivantes : la pourriture du couvain américaine (American foul brood) due au Bacillus larvæ, la pourriture du couvain européenne (European foul brood) que l’auteur a attribuée au Bacillus pluton, la « Sac- brood » dont l'agent n’est pas encore nettement isolé. Les échantillons contaminés par chacune des maladies étaient traités à différentes températures, puis l’auteur tentait, avec eux, l'infection d'individus sains. Par ces recherches, il a été déterminé les températures minima nécessaires pour détruire les germes des maladies pré- citées, en l’espace de 10 minutes. Ces températures sont : Pour la pourriture du couvain européenne 63° C. (145°4 F.) ; Pour la pourriture du couvain américaine 98° C. (208°4 F.) ; Pour la « sachbrood » 58° C. (136°4 FF.) ; Ces résultats sont naturellement des moyennes mais sont d’un grand intérêt pour les apiculteurs. Ainsi il a remarqué que le point de fusion de la cire étant compris entre 62° C. el 64° C., les germes de 3 des maladies précédentes sont détruits quand on porte ce produit à l’état liquide. Quand dans les mani- pulations commerciales du miel, on porte la température à 160° F., on dépasse beaucoup les températures minima néces- 70 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE saires pour détruire les germes des mêmes maladies, sauf tou- jours malheureusement de la pourriture américaine du cou- vain. EE Ve C.-C. Gross. — Life, Histories of Indian Insects.—V. Lepidoptera, 72 p.. 9 pl. (Mem. of the Departm. of Agricull. in India, vol. V, n° 1, avril 1914). Ce mémoire renferme tous les renseignements que l’auteur à pu recueillir et contrôler pratiquement sur tous les papillons qui ont une importance économique dans l'Inde. La plupart des observations ont été faites à l’Insectarium de Pusa. Pour chaque lépidoptère, sont données successivement la distribu- tion géographique, les plantes hospitalières, la biologie, id des- cription des divers stades, etc. Parmi les Nymphalidæ sont étudiés Melanintis ismene (mineuse du riz : the Rice Leaf Cater- pillar), Ergolis merione (chenille épineuse du Ricinus commu- nis : the Castor Spiny Caterpillar), Danais chrysippus (papil- lon du Calotropis gigantea : the Ak Butterfly) ; les Pieridæ sont Pieris brassicæ, Delias eucharis (sur Loranthus) et Catopsilia pyranthe dont la chenille paraît s'attaquer à toutes les espèces de Cassia. Les « lemon caterpillars », Papilio demoleus et P. pammon, sont, avec P. aristolochiæ, les seuls Papilionidæ. Enfin les deux dernières espèces sont une Lycænide, Cato- chrysops enejus (the Fur Hairs treak) nuisible à Phaseolus tri- lobus, Ph. radiatus, P. acortifolus, Dolichos catgang, etc. ; et une Hesperidæ, Parnara (Chapra) mathias, dont les chenilles se nourriraient des feuilles de riz. - Pour chaque espèce, tous les stades sont représentés en plan- ches coloriées ce qui facilitera beaucoup les déterminations, d'autant plus que l’auteur s’est efforcé de prendre sur le vif les insectes dans leur position préférée. ave * REX G. GasrinE. — Notice sur l'emploi du sulfure de carbone pour la destruction des insectes nuisibles et l'assainissement des terres et des terreaux dans les cultures florales, maraïîchères, frui- tières, etc., A0 p. (Bull. Soc. Hortic. et Bot. des Bouches-du- Rhone, 1914). Tous les agronomes savent que M. GASTINE est un des pro- moteurs de l’utilisation du sulfure de carbone comme insecti- REVUE AGRONOMIQUE 71 cide, en particulier contre le phylloxéra. L'auteur s’est décidé à réunir dans une petite brochure les résultats de son expé- rience « dans le but de montrer aux horticulteurs, pépinié- ristes, maraîchers, etc., tout le parti qu'ils pourront tirer de la puissance toxique du sulfure de carbone pour obtenir non seulement la destruction des insectes les plus nuisibles à leurs cultures, mais aussi l’assainissement de leurs terres vis-à-vis des micro-organismes invisibles qui nuisent aux plantes et qui détruisent une grande part de la puissance fertilisante des fumiers ». Dans une première partie fort intéressante, l’auteur expose le mode d'action de l’insecticide dans le sc] et les raisons pour lesquelles il semble indispensable d'employer un corps très volatif sans chercher à restreindre cette propriété essentielle en ajoutant d'autres corps. De plus, tandis qu’un grand nombre de gaz délétères, qui pourraient être utilisés dans le même but, sont détruits rapidement dans le sol, les vapeurs de sulfure de carbone au contraire ne subissent aucune modification et conservent par suite leurs propriétés insecticides, durant tout le temps de leur séjour. Leur action porte sur les insectes qui passent une partie de leur existence dans le sol (hannetons, cétoines, courtilières, etc.). D'ailleurs, M. GASTINE joint à son travail une longue liste d'insectes et autres animaux nuisibles contre lesquels le sul- fure semble devoir être utilisé. De plus, de nombreuses recherches, il paraît résulter que les traitements au sulfure de carbone ont pour effet de res- treindre les pertes d’azote causées par les organismes anaé- robies des sols, tandis qu'ils paralysent à peine ceux de la nitrification et moins encore les fixateurs d’azote atmosphé- rique. Enfin, il a été constaté et vérifié que le sulfure de car- bone appliqué à haute dose supprime la faligue du sol. L'auteur passe en revue les modes des traitements de désin- fection des sols et des traitements ordinaires ou culturaux. Les premiers correspondent à une dose de 80 à 160 gr. de sul- fure par mq., tandis que les derniers correspondent à 30 et 40 gr. pour la même étendue. Enfin, après avoir donné je coût approximatif des traite- ments, M. GASTINE précise certains points importants : époque des traitements, convenance de traiter ies chemins et de faire porter le traitement sur des parcelles assez spacieuses, condi- tions du sol favorables aux traitements, traitement des com- posts, des terreaux et des fumiers consommés, etc. En somme, cette brochure sera d’une grande utilité pour tous les agronomes soucieux de conserver ou d'acquérir des cultures saines dans des sols sains. PV x x ‘72 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE G. GasrTiNE. — Instructions pratiques pour l'emploi du sulfure de carbone dans les cultures florales, etc. (1 broch. 15 p. Impr. Roumégous et Déhan, Montpellier, 1914). Dans cette petite brochure, sont condensés, avec clarté à l'intention des agriculteurs, toutes les indications nécessaires pour l'emploi judicieux du sulfure de carbone. On a en quelque sorte un résumé pratique du travail analysé plus haut, aussi il n’y a pas lieu d'y insister plus spécialement. Notons simple- ment les prix de revient des traitements (main-d'œuvre com- prise) : Traitement cultural fort par are... Fr. 2,40 Traitementuintensif par Are 2e CET encre 5) Traitement de stérilisation des terreaux par mètre CUDE SULTAN A RL RES EN ERR EEE TERRES * kk WoRsTATT. — Die Schâdlinge der Baumwolle in Deutsch-Osta- frika, 50 p. (Beiheft zum Pflanzer, X, n° 1, 1914). Le cotonnier, en Afrique Orientale Allemande, est envahi par un grand nombre d’ennemis qui portent un préjudice consi- dérable à sa culture. Ces ravageurs appartiennent principale- ment aux ordres des Coléoptères, des Lépidoptères et des Hémiptères ; mais le nombre de ceux étudiés dans l'ouvrage du D' WorsTATT, s'élève presque à une centaine, en comprenant les animaux polyphages (acridiens, termites, etc.) qui ne sont souvent pas les moins nuisibles. Pour les insectes les plus importants, l’auteur donne les moyens de destruction. De plus, en appendice à l'ouvrage, on trouve des indications très pré- cises sur la désinfection des graines par le sulfure et le tétra- chlorure de carbone principalement. Enfin, en outre des dessins accompagnant le texte, le tra- vail possède une double planche coloriée sur les principaux ennemis du cotonnier. Cette: planche à été tirée à un grand nombre d'exemplaires pour être répandue dans les écoles, les gares, les monuments publics, etc. PE * LE: P. VAYSSIÈRE. — Revue de Phytopathologie (R. Gén. des Sciences, pp. 51-60, janvier 1915). Ce travail constitue en France la première revue d'ensemble des questions relatives aux ennemis et aux maladies des plan- REVUE AGRONOMIQUE 73 tes. L'auteur considère d’abord les faits généraux qui ont donné un grand essor à la phytopathologie ces dernières années : créa- tion du Service des épiphyties, convention internationale du 4 mars 1914, etc., etc. Puis sont passées en revue les grandes questions les plus à l’ordre du jour, en Europe en particulier. L'Icerya purchasi est avec son ennemi, notre grand allié, le Novius cardinalis, à la place d'honneur. Quoique le Diaspis pen- tagona ne soit encore en France, il a paru nécessaire de donner l’état de la question. La lutte contre la Cochylis et l’Eudémis qui préoccupe avec juste raison nos régions viticoles depuis plusieurs années y est exposée dans ses grandes lignes. Il n’a pas semblé possible de passer sous silence la lutte gigantesque entreprise aux Etats-Unis contre deux terribles ennemis des arbres : les Liparis dispar et chrysorrhæa. Actuellement cette lutte consiste essentiellement en l’acclimatation en grand des parasites de ces insectes. Le développement pris, ces dernières années, par la teigne de la pomme de terre sur le httoral du département du Var a nécessité un paragraphe spécial dans la Revue. La question des arsenicaux toujours à l’ordre du jour est exposée par l’auteur qui conclut à la nécessité de l’emploi de certains sels d’arsenic. Les glandines, sortes d’escargots carnivores, sont signalées aux horticulteurs dont les proprié- tés sont envahies par les limaces. Les derniers animaux nuisi- bles dont il a paru utile de parler sont les campagnols qui, dans leurs ravages n’épargnent aucune culture. Enfin, les maladies cryptogamiques qui sont étudiées prin- cipalement dans la Revue sont celles des Céréales, l’oïdium brun du groseillier (Sphærotheca mors-uvæ), le mildiou de la vigne et le court-noué. BP; Ve ENGRAIS A.-D. Hazz et W.-E. BRENCHLEY. — Eléments minéraux du sol (Journ. Agric. Science, vol. VI, part. 3). Des solutions furént extraites de certains champs de Rothamsted sur lesquels ont poussé du blé et de l’orge pendant 60 années ei plus. Blé et orge poussèrent dans ces solutions qui étaient renou- velées tous les quinze jours. On trouva de l’acide phosphorique et de la potasse de même nature que dans le drainage naturel des mêmes terrains. La croissance dans ces solutions était sensiblement la même que celle des récoltes en petites parcelles et ayant la même composition en acide phosphorique et en potasse. La croissance dans les solutions provenant des terrains im- (+ ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE parfaitement fumés fut amenée identique à celle dans d’autres solutions provenant de terrains complètement fumés, en com- plétant leur déficit en acide phosphorique et potasse par l’ad- dition de sels appropriés. | L'orge poussa aussi bien que le blé dans les solutions extraites de terrains n'ayant porté que du blé ef vice-versa. Dans une solution similaire de ces mêmes sols la pousse des lupins blancs et des soleils fut identique à celle du blé et de l’orge. La chaleur ne produisit aucune altération sur la valeur nutritive des solutions. Des données obtenues les conclusions suivantes furent tIFées La composition d'une solution de sol naturel, en acide phosphorique et en potasse n’est pas constante ; elle varie selon la composition du sol d’où elle est tirée et la façon dont le ter- rain a été fumé. Dans d’autres cas, lorsque les quantités d’azote d’eau et d’air sont égales, la croissance de la récolte sera déterminée par la concentration de la solution en acide phosphorique et en potasse laquelle à son tour est déterminée par la quantité de ces substances contenues dans le terrain, et leur degré de solu- bilité. Sur les terrains cultivés normalement la croissance des récoltes comme celle du blé et de l’orge même répétées pen- dant 60 années consécutives ne laisse derrière elle aucune substance toxique qui pourrait avoir un fâcheux effet sur la croissance d’autres plantes. 125. * k x Fumure de la betterave (Roy. Agric. Coll. Scientific. Buil. n°5 4 et 5). ces expériences furent faites dans quatre fermes en 1912. Dans trois de ces fermes le procédé de fumure fut identique; les sols dans ces trois cas étaient (1 et 2° fermes) marneux avec abondance de carbonate de chaux et (3 ferme) une couche de sable sur le calcaire oolithique. La fumure employée dans ces trois fermes et le rendement moyen de la récolte étaient basés comme suit : Rendement par are Engrais par are Tons FÜMTeP HAE TE ME A "se por Ne RES 14.84 4 cwt superphosphate 4 cwt kaïinit et engrais all TUTMMET UE TeTnIe. 222 2 P0MR, VUE TEE 15.63 2 cwt sulfate d’ammoniaque 4 cwt superphos- phate 4 cwt kainit et engrais fumier de 1 € 0 EE PR er DA ARE ARR 4 Po EP UE 19.18 ds nd nd 5 5 + REVUE AGRONOMIQUE 19 Dans la quatrième ferme, sur un sol plus léger sur calcaire oolithique aucune fumure par le fumier de ferme ne fut pos- sible et ce fumier fut remplacé dans cet essai par 4 cwt de superphosphate par are. Les rendements par are furent : 1° de l’emploi exclusif du superphosphate .... 14 TONS 2° du superphosphate et du kaïinit ............ A0 3° du superphosphate, du kainit et du sullale 'AIOMIAIQUE M DATANT ARE Le Rene à à UT J.. 9. sr CHIMIE VEGETALE Ch. Taurer. — Sur la pluralité des amidons (C. À. Ac. Sc., t. CLVIII, 1914, p. 1353). La composition de l’amidon est-elle toujours la même ou varie-t-elle comme la forme et la grandeur de ses grains, selon les végétaux d’où il provient ? Autrement dit, y a-t-il des ami- dons ou seulement de l’amidon? Pour éclaircir cette question, l’auteur a recherché sur un certain nombre d’amidons d’ori- gines diverses si tous renferment ou non l’amylopectine et les amyloses dont l'association constitue l’amidon (MAQUENNE el Roux). Ces substances ont été rencontrées dans tous les ami- dons en proportions différentes (depuis 20 % jusqu'à 33 % d’amyloses) ; l'unité de l’amidon n'existe pas plus que son homogénéité. De plus les amidons se distinguent entre eux par la sensibilité à l’eau de leur amylopectine et par les solu- bilités inégales, à chaud, de leurs amyloses : des amidons con- tenant les mêmes proportions d’amylopectine et d’amylose peuvent être très différents. | PIN: * x x , G. ANDRÉ. — Développement du bourgeon chez une plante vivace (Ghâtaignier commun) (C. R. Ac. Sc., t. CLVIIT, 1914, p. 1517). Le rameau de l’année s'enrichit continuellement d’une ma- nière absolue en azote et substances fixes, et sauf dans le cas de l'acide phosphorique, les feuilles accumulent sans arrêt les matières nutritives indispensables. Le rameau de l’année con- serve donc intégralement les substances qu'il a emmagasinées progressivement. Les feuilles ne se sont dépouillées que dans 76 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE une faible mesure, au voisinage de leur chute, d'une partie des substances nutritives qu'elles avaient antérieurement accumu- lées, bien qu’on puisse observer, dans beaucoup de cas, ce phénomène déjà signalé d’un retour notable de certains élé- ments de la feuille vers la tige : azote et acide phosphorique entre autres. PIN k k MaoueNNE et DEemoussy. — Sur la mobilité de la potasse dans les tissus végétaux (C. R. Ac. Sc., t. CLVIII, 1914, p. 1409). Les auteurs ont soumis un certain nombre de plantes à l’ac- tion du courant électrique. Dans les expériences portant sur des rameaux feuillus, le dispositif employé consistait à intro- duire le rameau dans une cloche à douille renversée et à l'y fixer par l'intermédiaire d’un bouchon fendu garni de cire molle ; on remplit la cloche d’eau distillée, puis on fait plon- ger l'extrémité inférieure de la tige dans un petit vase égale- ment rempli d’eau distillée ; au moyen de conducteurs en pla- tine immergés dans les deux masses liquides, on fait passer un courant de 2 ou 3 milliampères par centimètre carré ae section de tige ou de pétiole, sous une tension de 40 à 110 volts. Un courant d'air continu passe dans l’eau où plongent les feuilles, pour assurer leur libre respiration. L'expérience dure 2 à 4 jours au plus. Il se produit une réaction alcaline vers la cathode et une réaction acide à l’anode. Les auteurs se sont particulièrement occupés des liqueurs recueillies à la cathode, c’est-à-dire de celles qui contenaient tous les éléments métal- liques mobiles de la plante. Le liquide évaporé à sec renferme toujours une petite quantité de matières organiques. Les cendres de cet extrait sec sont constituées par un mélange de carbonates alcalins avec une pro- portion très faible et quelquefois presque nulle de carbonates de calcium et de magnésium ; elles ne contiennent pas de fer ni aucun élément coloré. La potasse entre pour plus des quatre cinquièmes dans la composition de ces substances fixes entrai- nées à la cathode par le courant électrique. Ce corps apparaît donc comme la plus mobile de toutes les bases minérales con- tenues dans les sucs végétaux. Celte constatation confirme les travaux de ANDRÉ, DEMOUSSY, Maé. Les recherches de MM. MAQUENNE et DEMoussy montrent que cette propriété en apparence anormale de la potasse tient à ce que cette base reste dans la plante à l’état ionisable, en d’autres termes à l’état de sels solubles, sans se précipiter ni se Com- biner d’une facon stable avec la substance protoplasmique. Le transport plus lent de la chaux s'explique si l’on remarque que ce corps est pour la plus grande partie contenue dans les végé- KEVUE AGRONOMIQUE 71 taux à l’état de combinaisons insolubles (phosphate, carbonate, oxalate). Quant à la magnésie, on sait qu’elle entre dans la composition de complexes insolubles dans l’eau, en tête des- qe. se trouve la chlorophylle et un certain nombre de ses rivés. PEN. CONSTRUCTIONS RURALES ARNOULD. — Fromagerie de ferme (/ndustrie Laïilière, 1914, p. 310). L'auteur donne des conseils pratiques relativement au plan et à l'installation d’une fromagerie traitant 200 litres de lait par jour pour les transformer en petits spécimens à pâte molle. INÉ FX x x MICROBIOLOGIE A. FERNBACH. — Les théories de la fermentation (Ann. Brass. et Dist.,t. XVII, 1914, p. 169). A la théorie purement chimique de LAVOIsIER a succédé une conception essentiellement biologique du phénomène sous l’in- fluence des recherches de CAGNIARD-LATOUR et surtout de PASTEUR. La découverte de la zymase par Ep. BUCHNER a fait renaître la théorie chimique de la fermentation ; mais la fermentation sans cellules n’exclut pas la nécessité absolue d’un développement, d’une multiplication préalable de la levure. Le professeur RUBNER a publié récemment une monographie analysée dans ces Annales (1914, p. 180) ; d’après ce savant il n’y aurait pas lieu de séparer l’action de la zymase du phénomène vital. M. FERNBACH fait diverses objections aux conclusions de M. RUBNER qui ont d’ailleurs été réfutées dans un travail récent de M. Bucxner (Ann. Brass. et Distill., 1914, p. 147). PAIN * Le: 18 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE EMSLANDER. — Concentration des ions hydrogène dans la bière achevée et au cours de sa fabrication (Xolloïd-Zeilschrift, t. XIV, 1914, p. 44). Un résumé de ce travail a été publié dans les Annales de Brasserie et Distillerie, t. XVII, 1914, p. 173. * x x H.-T. Brown. — Relation entre la production des cellules de levure et la présence d'oxygène libre (Annals 0f Botany, 28 avrii 1914, et Ann. Brass. el Dislill., 17° aunée, 1914, p. 198). Les faits expérimentaux peuvent être résumés ainsi: 1° Lorsque l'oxygène utilisable est limité à ce qui est contenu dans le liquide au début, le nombre de cellules de levure par unité de volume tend vers un maximum qui est indépendant du nombre de cellules de la semence, mais est réglé avant tout par la quantité initiale d'oxygène dissous. 2° Entre certaines limites d'oxygène dissous, la multiplication maxima est exac- tement proportionnelle à la dose initiale de cet oxygène. 3° La vitesse de multiplication n’est pas logarithmique, mais est une fonction linéaire du temps. 4° L’oxygène dissous ne reste pas sous cette forme dans le liquide pendant la multiplication, mais il est rapidement absorbé par les cellules de la semence avant que le bourgeonnerment ne commence. Ces faits fournissent une preuve quantitative de l’exactitude de l’idée, exprimée par PASTEUR, que l’oxygène emprunté par la levure au début est le primum movens qui détermine sa puis- sance subséquente de reproduction. La limite de la puissance de reproduction qui est imposée à la cellule par cette absorption UE AE Le correspond à 0 ce. 335 d'oxygène par 100 ce. e moût. P. N. DISTILLERIE O. GROVE. — Le procédé « Amylo » (Journ. Inst. Brewing, avril 1914, et Ann. de Brass. et Dist., 1914, p. 229). Exposé de ce qu'est actuellement le travail par ce procédé. P. N. REVUE AGRONOMIQUE 19 TECHNOLOGIE MATIGNON. — L'utilisation rationnelle des vinasses de distillerie (Bull. Soc. Encourag. pour l'Indust. Nalion., t. CXXI, 1914, p. 425). La vinasse de distillerie en toujours à dose variable de la potasse, des hydrates de carbone où paraissent dominer les pentoses, et des matières azolées constituées par des acides amidés, la bétaïne et un peu d’albuminoïde ; la teneur en azote combiné peut varier de 80 à 300 gramimes par hectolitre. L’au- teur énumère les procédés susceptibles de transformer les vinasses en un produit non fermentescible et de récupérer en même temps les principes fertilisants qu'elles contiennent (azote et potasse). La combustion dans un four Porion laisse perdre tout l'azote mais donne du carbonate de potasse parti- culièrement recherché par les cristalleries ; il y a avantage à concentrer la vinasse avant de l’introduire dans le four Porion. La distillation sèche des vinasses en présence de chaux fournit des bases qu’on peut recueillir dans l'acide chlorhydrique ; le chlorhydrate de triméthylamine ainsi obtenu se décompose vers 300° en chlorure de méthyle et en ammoniaque ; mais ce procédé Vincent ne récupérait que 50 à 60 % de l'azote total contenu dans la vinasse. Le procédé Dessau, qui consiste à transformer en acide cvanhydrique les bases dégagées de la vinasse par pyrogénation, fonctionne en Allemagne. WinCK et VassEux ont cherché sans y réussir à préparer des engrais à la fois azotés et potassés : les produits sont hygroscopiques et d’une vente difficile. Récemment MM. Muxrz et LAINÉ ont pro- posé un système nouveau pour utiliser les vinasses de distil- lerie de betteraves (Ann. Sc. Agr., 1914, p. 185). Enfin SToL- ZENBERGER à diminué l'hygroscopicité des engrais retirés de la vinasse, en faisant passer la bétaïne à l’état de phosphate (Che- miker Zeitung, 1914, p. 81). L'auteur s'étend plus longuement sur le procédé Effront, vieux de trois ans, et qui fonctionne à l'usine de Nesles (Somme). Les vinasses sortant de la colonne à distiller sont refroidies à 40-45° ; on neutralise avec de la chaux ou du salin de betteraves en laissant une légère alcalinité ; puis on ajoute par H1 50 à 200 grammes de sulfate d’alumine et 10 à 15 gr. de phosphate, de chlorures de manganèse et de magnésium. On ensemence alors avec une culture butyrique acclimatée aux vinasses concentrées. Au bout de trois jours on décante le liquide clair et on recueille un dépôt qui, desséché, représente un engrais dosant 60 à 80 % d'azote. Le liquide décanté contient de l’ammoniaque, de la triméthylamine, des acides gras ; après alcalinisation il est distillé ; le mélange d'ammoniaque et de triméthylamine passe dans une colonne remplie avec le mé- lange des deux sulfates ; le sel solide perdant sa triméthyla- 80 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE mine se transforme en sulfate d'ammoniaque pur. Pour 1 hec- tolitre d'alcool on recueille 20 à 25 kilos de sulfate d'’ammo- niaque et de triméthylamine, 30 kilos d'acides gras organiques, 4 kilos d'acide succinique, 2 kil. 5 d'acides malique, citrique, tartrique, 2 à 4 kilos de glvcérine, 30 kilos de sulfate de potasse. La triméthylamine peut être transformée en cyanure de sodium. L'auteur rappelle que le procédé Effront a le grave inconvénient de dégager de mauvaises odeurs et d'incommoder le voisinage de l'usine. Le * kx Durieux. — Sur une forme thermostable de l'invertine (Bull. Soc.Chim. de Belgique, t. XX VIII, 1914, p. 99, et Ann. Brass. et Dist., 1914, p. 233). On admet, en général, que l'invertine est tuée à une tempé- rature notablement inférieure à 100°. Les essais de l’auteur montrent qu'il n’en est pas toujours ainsi : l'invertine qui semble tuée par un chauffage à 70°, 80° et 90°, reparaïit quand l'extrait de levure est porté à l’ébullition et disparaît quand on chauffe à l’autoclave sous 1, 2 ou 3 atmosphères. Cette ano- malie s'explique ainsi : pendant le chauffage à 70°-90° une partie de la sucrase n’est pas tuée et est absorbée par les albuminoïdes coagulables : elle est restituée au liquide quand le coagulum albumineux est traité par l'eau à 100°. Au con- traire il n’y a aucune activité diastasique, même après chauf- RES 100°, dans le liquide filtré séparé du coagulum obtenu Œ . Le chauffage ne modifie qu'insensiblement l'acidité de l'extrait de levure : il est donc impossible d'attribuer l’action inversive après chauffage à 100° à une augmentation de l'acidité. PEN: F2 x x G. BERTRAND et ROSENBLATT. — Sur la thermorégénération de la sucrase (C. R. Ac. Sc.,t. CLVIIT, 1914, p. 1455). On sait que les diastases sont des substances d’une grande thermostabilité : soumises en dissolution aqueuse à l’action de la chaleur, elles perdent leurs propriétés spécifiques entre 50° et 80°. La laccase de l'arbre à laque et la tyrosinase du son représentent de rares exceptions à cette règle, puisque leurs solutions supportent un court chauffage à 100° sans être ren- dues complètement inactives. REVUE AGRONOMIQUE 81 DURIEUX (voir la note ci-dessus) a signalé que la sucrase de la levure peut, dans des circonstances inexpliquées, devenir thermostables. MM. Bertrand et Rosenbialt ont contrôlé ce fail el précisé les conditions dans lesquelles il se produit. Une macération de levure sèche, dont différentes portions ont été chauflées à des températures croissantes, ne produit plus l'hy- drolyse avec les portions chauffés à 70° où 80°; mais les portions chauffées à 90° et surtout 100° ont recupéré une partie notable de leur pouvoir hydrolysant vis-à-vis du saccharose. Ce phénomène est en rapport avec une altération particulière des cellules de levure, altération qui se produit surtout au cours de l’autolyse. Une même levure de boulangerie a été traitée de diverses manières pour obtenir une macération de sucrase ; le tableau suivant donne le poids du saccharose hydrolysé par la macération chauffée aux températures indi- quées ou par la macération non chauffée : Traitement de la levure 50° 70° 80° 90° 100° non chauffée Broyage au sable... 391145 Or 006 Or 000 Ogr 000 Or 000 3 9r 292 Tuée par l'alcool et AT NC ARR LE DRE 2 584 O 057 O0 023 O0 017 0 023 2 8% Tuée par l’acétone.. 3 259 O0 035 0 146 O0 595 41 829 3 9259 Desséchée en 24 h.. 3 292 O0 (000 0 023 0 213 1 370 3 29% Desséchée en 48 h.. 3 292 0 068 O0 150 2 446 3 430 3 377 OMG ID 853 RS An 305490320978 Putréhée. "ns. 3 922 Il y à lieu de noter que la sucrase de levure à l'acétone est régénérable par la chaleur, contrairement à celle préparée avec l'alcool et l’éther. Il est encore difficile de donner une explication satisfaisante de la thermorégénération de la sucrase de levure, mais on peut espérer mettre à profit ce curieux phénomène pour prépa- rer des solutions de sucrase d’une grande pureté. PANNE * + x P. Tomas. — Rapport des substances protéiques de la levure avec la sucrase (C. R. Ac. Sc.,t. GI VIII, 4914, p. 1597). L'auteur a pu extraire de la levure un protéide phosphoré voisin de la Caséine, et une albumine qu'il a appelée céré- visine, La cérévisine possède un faible pouvoir sucrasique. tan- dis que le protéide phosphoré n’a aucun pouvoir sucrasique. Depuis la publication du travail de Durieux (voir ci-dessus) l'auteur a vu que le pouvoir sucrasique de la cérévisine pou- vait augmenter par l'ébullition dans certaines conditions. BERTRAND et ROSENBLATT (voir ci-dessus) ont montré que la régénération de la sucrase par la chaleur est en rapport avec ANN. SCIENCE AGRON. — {4° SÉRIE — 1916 — | 6 82 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE une altération particulière des cellules de levure; or, la céré- visine augmente au fur à mesure que l'autolyse progresse et la quantité de sucrase fournie par la levure augmente dans des conditions analogues. PIN LAITERIE Ch. Grour. — Le fromage de Rollot (L'Industrie Laitière, 39e année 1914, p. 331). Ce fromage est fabriqué à Rollot, village de la Somme, silué à 9 kilomètres de Montdidier. C’est une sorte de camembert plus haut mais de plus petit diamètre; il pèse 450 grammes et nécessite trois litres de lait au moins. P°UN. Le x x BOoNN, DUBERNARD et PAGES. — Variations de composition des beurres et des laits dans le département du Nord. — Résultat d'une enquête d'une année (1912-1913), (Annales des Falsifi- cations, ‘1° année, 1914, p. 231). L'analyse des 301 échantillons prélevés au cours de l'année 1912-1913 montre que tous ces laits sont normaux. Quatre, soit 1,32 % ont une faible teneur en beurre, mais pas suffisamment faible pour être considérés (dans la région du Nord) comme écrémés. La majorité des échantillons (60,47 %) est fournie par des laits ayant une teneur en beurre de 30 à 40 grammes par litre. Les teneurs en extrait sec dégraissé sont également normales, mais il faut noter que, dans cette région du Nord, l'extrait sec dégraissé peut s’abaisser à 86 grammes par litre. - La nourriture donnée aux vaches et le moment de l’année ne paraissent pas avoir d'influence sur le lait, au moins en ce qui concerne la teneur en beurre. Au point de vue des beurres, sur 301 échantillons, 3 (soit 1 %) pourraient être considérés comme douteux, 2 pourraient être considérés comme margarinés à 15 ou 20 % et un autre comme margariné à 40 %. 1 LE résultats obtenus confirment l'existence des beurres anor- ; Mais ces beurres sont très rares, et il est impossible de REVUE AGRONOMIQUE 83 généraliser des anomalies, d’ériger l'exception en règle sans risquer de porter un coup mortel aux intérêts de l’agriculture. Les auteurs estiment que, sans risquer de créer de fâcheuses erreurs judiciaires, on peut sans la moindre hésitation affir- mer la falsification d’un beurre provenant d’un marchand, lorsque l'indice d'acides volatils solubles est inférieur à 24, et ce d'autant plus que le marchand mélange entre eux les divers beurres qu'il recoit. Si l’indice est inférieur à 24, on peut, lorsqu'il s’agit d’un beurre de cultivateur, demander un échantillon de comparaison provenant d’une traite surveillée. ES'IN: * *k x G. H. N. D. A. — Coût de la nourriture des vaches en vue de la production du lait (Æent and Surrey Co-Counciüls, S. E. Agric. College Wye). Cette recherche fut commencée en 1908 et les résultats obte- nus furent publiés en 1910 et 1913. Le troisième rapport publié récemment traite la période du 1* mai 1913 au 1* mai 1914. L'année fut divisée en période d'hiver et en période d’été de 26 semaines chacune. Dans les calculs du prix de revient de l’alimentation la valeur suivante fut donnée aux productions de la ferme : PA EAVE Se ON AN ET MEET ÉREMEEAR PL 2 10 s. A PC CCE ES 0 PE TA AE 2 CR Suis! HO ee MONNELEMELERNRR AE NQ RE A TaRC 60 5. Paille d'avoine ..... CARS PAP HAUTEUR 40 $. POLE One nn NE LE URERE 2) 8. POMIMTES TAB NOEL EME MM nn Lee 20 s. Les résultats moyens par vache pour la période du 1% mai au 1% novembre 1913 dans 17 fermes et portant sur 592 vaches Shorthorn furent : Production de lait par jour .......... 2.3 gallons Prix de la nourriture par jour ........ 5.45 d. Prix de la nourriture pour un gallon ORALE à DO MR MR EN te à CERTA En surplus un troupeau de 22 vaches de Guernesey et un autre de 18 Jersiaises compris dans j’épreuve donna un rende- ment moyen. Produchon : AUMaIt ED OUT. ide helene - oo 1.99 CR PS RL EN ne 2 af CA Re de tte 0) Le 1.57 gallons Pinode nourriture Dar Jour , 2.4 AM 4.35 d. ER SR à A MES un te 7.15% Prix de la nourriture pour un gallon de lail. 2-18:d: Sie Ne La TA PR Pa ARSOÉANE TE RE Ke, RARES 4.93 d. 34 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Prenant la moyenne de tout le troupeau il fut calculé que le prix des aliments consommés durant toute la période d'été était par vache de £ 4 1 s. 6 d. que l’on peut décomposer comme suit: 1° Nourriture du dehors : AUX EDAUTASÉS HN MERE LVL AG SAN; Héthe"1raiche re res er 3 SLMOUd 2° Nourriture à l’étable : Aliments concentrés ...... £ ‘Add s:t8% ÉACINES AA ER PCR NSERENREEANT 4 SUB id, RONMPRADES HER ATE ADR 2 SA Graines trempées ......... ES RS NES AC Le Les résultats moyens par vache pour la période d'hiver du 1% novembre 1913 au 1* mai 1914 sur 18 fermes comprenant 632 vaches Shorthorn furent : Produchontdu lai DA OUTL EL CE 2.26 gallons Prix de la nourriture par jour ....4. 12-1280 Prix de la nourriture pour un gallon (Le OA RE USE nee EN 5.36 d. _Les chiffres correspondant par vache pour les vaches de Guernesey et de Jersey du troupeau ci-dessous furent respec- tivement : ProduchonvVduw1lôit. Dar 4ours 5 MESA 1.6 GRR ORNE CERTA RER RE IA RE ETES 1.35 gallons Erixdetla nourriture par jour Le eue ee 12-5744: A ARRET AS CARS Dr CNT ES AE TEE A AE 2 © AE EU) 9:28 «dd: Prix de la nourriture par gallon de lait .... VAR D CPAM RENTREE AMAR AREE ACER ME nie 6.84 d. Le prix moven pour tout le troupeau de la nourriture con- sommée durant la période d'hiver était par vache, de £ 9 05 5. 6 d. que l’on peut décomposer comme suit : RACINES RS RS ERA pe SE BR R Sud HOUDÉAE EN RER MTAENE ae END AG SEC: Graines trempées ........ COPA SOEUR Aliments concentrés ..... ÉD ES te Eye Le AL Se x x x CHIMIE ANALYTIQUE WEINWURM. — Pouvoir germinatif des orges séchées à la touraille (Zeilschr.. [. d. ges. Brauwesen, t. XXX VII, 1914, p. 141). La dessiccation à 30° R. pendant douze heures à diminué le pouvoir germinatif ; mais si l’on ne fait germer l'orge séchée qu'après un repos de neuf jours, le pouvoir germinatif est su pé- REVUE AGRONOMIQUE 09 rieur à celui de l'orge non traitée ; par exemple, orge primi- tive 89,7 %; orge séchée 82 %; orge séchée après repos 96,5 %. PIN x *k x LT AuLaRD. —. Les filtres-presses nouveaux, leurs applications dans les sucreries américaines (Assoc. Chim. Sucr. et Dist., t. XXXI, 1914, p. 764). ÆE. FLEURENT. — A propos de la diminution du gluten des blés français (C. R. Ac. Sc., t. CLVIII, 4914, p. 1591). À propos d’une note de M. BALLAND (qui a été résumée dans un numéro précédent de ces Annales), M. FLEURENT rappelle qu'il a déjà montré que c’est bien à l'adoption de plus en plus grande par l’agriculture des variétés à haut rendement qu'est due la diminution du gluten réel existant dans la totalité de l’amande farineuse du grain de blé. M. BALLAND, tout en adop- tant cette conclusion, trouve une autre cause de la diminution du gluten dans le développement donné par l’industrie fran- çaise aux procédés de mouture: moderne ; il n'apporte aucun chiffre précis à l’appui de ses affirmations. M. FLEURENT rap- pelle en terminant que, d’après ses travaux antérieurs, à blu- lage égal les farines de la mouture moderne donnent toujours un pain contenant une somme d'énergie totale supérieure au pain obtenu à l’aide des farines des anciens procédés. PEN *X k x SOHNGEN et FoL. — Décomposition du caoutchouc par les microbes (Zentralblatt für Baker, ti. XL, 1914, p. 87). Les micro-organismes ne peuvent se développer sur du caoutchouc sec. Si le caoutchouc renferme de l’eau, les baclé- ries et moisissures s’y développent et attaquent les matières albuminoïdes, les matières hydrocarbonées el les résines du caoutchouc; certaines espèces de micro-organismes déterminent la formation de taches sans altérer les propriétés mécaniques du caoutchouc. RAR 80 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE D' 'THonr. — Examen biologique du miel (Schweizerische Bienen- Zeitung, 1914, p. 23, d’après Ann. Brass. et Dist., 1914, p. 228). On sait que les méthodes chimiques pour déceler les falsifi- cations du miel sont très douteuses. L'auteur indique deux procédés biologiques qui permettent de prouver avec une crande sûreté la falsification du miel naturel. 1° Réaction à la diastase. — Il existe dans le miel un ferment diastasique, provenant des sécrétions glandulaires des abeilles, qui, mêlé avec de l’amidon soluble, le change rapidement en sucre. On juge donc la qualité du miel suivant qu'il y a forma- lion ou non de sucre, lorsqu'on le mélange à l’amidon. Cette méthode est incertaine avec les mieis chauffés. 20 Réaction des précipitines. — Le miel contient une substance protéique provenant des sécrétions des abeilles, qui, lorsqu'elle est inoculée aux lapins, provoque la formation d’an- ticorps dans le sérum de leur sang ; ces anticorps, mélangés avec le miel examiné, forment avec lui un précipité. En com- parant la quantité de précipité à celle obtenue à l’aide d'un miel connu, on conclut à la fraude s’il y a moins de précipité, ou à la pureté s’il y a plus de précipité. P.°N: x *k x STŒcLiN. — Etude critique de la méthode de Césaro pour la recherche du coco dans le beurre (Ann. des Falsif., 1° année, 1914, p. 223). La méthode de Césaro parait utilisable dans un certain nom- bre de cas, particulièrement : 1° pour différencier rapidement la graisse de coco d’une autre graisse quelconque ; 2° pour déceler le coco dans les graisses et le beurre (jusqu’à 10 % s’il a été mélangé à l’état solide, jusqu’à 25 % seulement s’il à été mélangé à l’état liquide). Avec les beurres contenant moins de 10 % de coco, l’auteur n’a pu obtenir que des résul- tats douteux. La description de la méthode de Césaro a été faite dans le livre de M. LaHACHE (voir Ann. Sc. Agr., 4913, (2) p. 220). fe PIN: ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE 87 LEMATTE. — Dosage des acides monoaminés dans le sang (C. X. Ac. Sc., t. CLVIIT, 1914 p. 1379). La nouvelle méthode de dosage est basée sur les principes suivants : 1° l’acide phosphotungstique, en solution sulfu- rique, précipite tous les albuminoïdes et l’ammoniaque, mais ne touche pas aux acides animés ; 2° si, à une solution de phosphotungstate de soude, on ajoute du chlorure de calcium, on précipite le composé tungstique à l’état de phosphotungstate de chaux insoluble : 3° la chaux en excès, précipitée par l’oxa- late de potasse, laissera dans la solution les acides animés qui seront dosés par la méthode au formol de Ronchèse. (Pour cette méthode au formol, voir Ann. Sc. Agr. 1913, (1), p. 428). FFEN: 2661-1-16. — Société Générale d’Impression, 21, rue Ganueron, Paris. An: 1) OA METAL AA \ LENS ARE î . res ‘ L MEET ES oT Her « cs AR OT CHARIOTS ù EUR 1% Ca Ta HG Le U “ [Ars S VITE 82° année Juillet-Septembre 1915 ANNALES DE LA SUIENCE AGRONOMIQUE FRANCAISE ET ÉTRANGÈRE FONDÉES EN 1884 PAR LOUIS GRANDEAU PUBLIÉES TOUS LES MOIS SOUS LES AUSPICES DU MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE PAR . L'ASSOCIATION DES ANCIENS ÉLÈVES DE L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE 16, Rue Claude-Bernard — PARIS 4e Série — 4° Année ON SABONNE À LA LIBRAIRIE AUX BUREAUX BERGER-LEVRAULT DE LA RÉDACTION 5-7, RUE DES BEAUX-ARTS 21, RUE DU PONT-NEUF PARIS PARIS + — O : 7 op Ke) () £ © al 5 D n Fe en | © Pr 5 « u ri D © FA de] a Ex œ A 4 © Lo) re] rh © s 4 PE) œ = u © D © ex A œ Ex [av SG. J— a rs) A += a (e) © © CM © & " S © U Prix de l'abonnement : Pamis, 24 fr.; DEPARTEMENTS ET UNION POSTALE, 26 fr Toutes les communications sont à adresser, selon qu'elles concernent : L'ASSOCIATION : Rue Claude-Bernard, 16, à PARIS La RÉDACTION, l'ADMINISTRATION et la PUBLICITÉ : Rue du Pont-Neuf, 21, à Paris. — Téléph. : Gutenberg-10.63 Sommaire du numéro de Juillet-Septembre 1915. Abel Beckerich. — Les Salaires et l'exode rural. — Des moyens de suppléer au manque de la main-d'œuvre. COMITÉ DE RÉDACTION DES AWWALES Mernbres d'honneur : BüUREAU : SECTIONS 1 Agriculture . 2 Agriculture niet, er, OU 3 Chimie, physique, météorologie, mi- crobiologie. . 4 Economie du bétail. 5 Economie forestière. 6 Économie rurale, mutualité, statisti- colo- QUE 4 er Se de és 7 Enseignement agri- cole . k 8 Génie rural. 9 Horticulture et ar- boriculture. 10 Sciences appliquées à l’agriculture, en- idomologie, parasi- tologie. 11 Technologie cote. Re 12 Vaticulture . agri- Secrétaire de la | | Ù ; MM. { FLAMMARION, { et SCHLŒSING fils. | Président. , . Vice-présidents . . | Secrétaire délégué. PRÉSIDENTS MM. SCHRIBAUX PRUDHOMME GIRARD MALLEVRE HICKEL J. HITIER GROSJEAN RINGELMANN : NANOT D' REGNARD : LINDET VIALA MM. TISSERAND. J.-E. LUCAS. MEMBRES MM. H. HITIER, PETIT, DE MONICAULT CAPUS, DUBARD ANDRE, ANGOT, BERTRAND, KAYSER Moussu, M. VACHER CHANCEREL, GUINIER LESAGE, DE ROCQUIGNY TROUARD-RIOLLE, WERY, CHANCRIN DE CONDE, VERMOREL COSTANTIN, D' POIRAULT MARCHAL, D° PORTIER, MARTIN-CLAUDE MAZE, SAILLARD, L. AMMANN J. CAZELLES, MASSIGNON Rédaction : J. Simons Secrétaire administratif : P.-L. BRANCHER MUNTZ et HENRY. GAYON, MANGIN, REUSS, TH. SCHLŒSING SECRÉTAIRES MM. PLUVINAGE L. LEPÈVRE BRUNO J.-E. LUCAS GERDIL TARDY SAGOURIN COUPAN BUSSARD G. FRON NOTTIN P. MARSais dei à : e ; L n- : À LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL DES MOYENS DE SUPPLÉER AU MANQUE DE LA MAIN-D'ŒUVRE —_—_— Par ABEL BECKERICH INGÉNIEUR AGRIOOLE INTRODUCTION A la crise agricole se manifestant par le bas prix des produits . du sol a succédé la crise de la main-d'œuvre dont notre agricul- ture souffre actuellement. Dans son louable désir d’être rensei- gnée avec exactitude sur le mouvement d’exode des ouvriers agricoles de la campagne vers la ville, et sur les moyens de sup- pléer au manque de la main-d'œuvre ainsi diminuée dans sa qualité et dans sa quantité, la Société d'Agriculture de Seine- et-Oise a cuvert, en 1914, un concours sur les fonds de la dotation du prix Lamayran, portant sur les questions suivantes : Les prix actuels de la main-d'œuvre comparés aux prix qui étaient pra- tiqués il y a trente ans; Établir les rapports de ces prix avec le prix de vente des différents pro- duits agricoles; Rechercher les moyens de suppléer au manque de la main-d'œuvre. Pour répondre aux questions. posées, nous étudierons en pre- (1) Mémoire honoré d’une récompense de la Société d'Agriculture de Seine-et-Oise, concours de 1914 pour le prix Lamayran. Prix supplémen- taire : médaille d’or, grand module. ANN, SCIENCE AGRON. = 4e SÉRIE — 1915 6 86 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE mier lieu le mouvement des salaires de 1862 à 1910. La Société désirait seulement connaître ce mouvement depuis 1880, mais il nous est apparu qu’un mouvement de ce genre ne se pouvait isoler dans le temps, et que, pour en bien connaître l’allure, il était nécessaire d’en calculer la vitesse initiale au point de dé- part des comparaisons. Ainsi la variation du salaire se répartit sur un champ plus vaste ou, si l’on préfère, le mouvement des salaires pendant les trente dernières années est mieux défini par la connaissance de ses antécédents; 1l y a là une sorte de statistique pédigrée qui indique mieux une évolution. En second lieu, nous rechercherons les oscillations des prix de vente des principaux produits agricoles en observant la même prudence pour rendre les résultats comparables à ceux de la première partie. Les prix ne seront pas toujours indiqués par année, car on risquerait de masquer les mouvements généraux sous l'influence des bonnes ou des mauvaises récoltes. Les moyennes portant sur plusieurs années donnent des prix plus conformes aux mouvements d'ensemble; nous calculerons les moyennes décennales. Puis, pour établir les rapports entre les salaires et les prix de vente des produits agricoles, nous étudie- rons la fonction salaire en empruntant aux mathématiques une méthode de raisonnement; nous ferons de la logique mathéma- tique sans formules, et nous découvrirons peut-être, à la faveur de cet artifice, une influence du prix de vente des produits agricoles sur les salaires. Pour concrétiser les résultats ainsi acquis, nous calculerons, en ramenant à 100 toutes les moyennes calculées, la valeur arithmétique des oscillations et des varia- tions. Ainsi la comparaison des salaires et des prix sera possible et nous pourrons lui demander quelques enseignements. Ces enseignements seront pour nous apprendre à connaître les bases de la détermination des salaires et à chercher si le taux des salaires agricoles a influé sur l’exode des ouvriers. Et si nous découvrons que la hausse des salaires agricoles dont tout le monde soupçonne l'existence est impuissante à retenir aux champs les bras qui trouvent à la ville une plus haute paie, il nous faudra, devant le fait de la désertion de la campagne, LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 87 aviser aux moyens de porter remède à la crise de la main- d'œuvre. Ce sera l’objet de la dernière partie; nous indiquerons, non pas le remède, mais quelques remèdes dont la combinaison au gré des agriculteurs intéressés pourrait bien devenir le remède. k + x Avant de terminer cette introduction nous voudrions adresser un remerciement aux agriculteurs qui ont bien voulu nous aider de leurs conseils et mettre à notre service leur expérience de praticiens : M. Émile Petit, ingénieur agricole, agriculteur à Orsigny par Orsay (Seine-et-Oise); M. Gentil, président de l’Union des Syndicats agricoles de Seine et Seine-et-Oise, à Franconville (Seine-et-Oise); M. Laurain-Mimin, agriculteur à la Grange-du-Vaux par Baye (Marne). Février 1914. PREMIÈRE PARTIE LES SALAIRES CHAPITRE I Les sources de renseignements pour l'étude des salaires. L'étude des salaires de 1862 à 1912 peut aisément se diviser en deux parties, et cette division est commandée par la nature des documents auxquels on doit se reporter pour suivre les variations mêmes de ces salaires. Ces documents sont de deux sortes. En premier lieu, les enquêtes décennales de 1862-1882 et 1892 renferment des renseignements sur les salaires agricoles sur toute l'étendue du territoire et par départements; ce sont des rensei- gnements moyens, en ce sens qu’un seul chiffre est donné par catégorie de salarié pour l’ensemble d’un département. Les trois enquêtes de 1862-1882 et 1892 ont adopté la même classifica- tion uniforme pour toute la France pour la répartition des salariés. Nous aurons donc dans ces enquêtes des renseignements moyens qui permettront seulement la comparaison entre les prix des salaires aux différentes époques; nous aurons la marche de ces prix, autrement dit le mouvement, sans connaître le prix réel payé par les employeurs agricoles, dans chaque région natu- relle, à leurs ouvriers et domestiques. En second lieu, depuis 1892, le ministère de l’Agriculture n’a pas ouvert de nouvelles enquêtes générales sur la situation de LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 89 l’agriculture comme il l’avait fait en 1852, 1862, 1882 et 1892. Chaque année, depuis 1902, une statistique agricole est établie par l’Office de Renseignements agricoles du ministère, à l’effet de consigner les renseignements relatifs à la production et au commerce des produits agricoles; mais ces statistiques ne com- portent pas le chapitre d'économie rurale comprenant les docu- ments relatifs à la valeur des terres, aux modes d’exploitation, au prix des fermages, aux salaires et au dénombrement des ma- chines agricoles. Pour combler en partie cette lacune, le minis- tère a ouvert en 1908 et 1911 deux enquêtes de spécialité con- cernant, l’une la situation de la petite propriété rurale en France, et l’autre la main-d'œuvre en agriculture. C’est cette dernière, dite Enquête sur les salaires agricoles, que nous interrogerons pour connaître le prix des salaires actuels payés par les employeurs agricoles. Mais alors que les enquêtes décennales avaient indiqué les prix moyens des salaires pour l’ensemble du territoire et dans chaque département pour l’ensemble du département, l’enquête sur les salaires agricoles de 1911 ne donne pas de chiffres moyens. Au contraire, les réponses faites par les directeurs départe- mentaux des services agricoles au questionnaire qui leur avait été adressé par l'Office de Renseignements agricoles ont été réunies par cette administration, et aucun travail d'ensemble analogue à celui qui avait été entrepris en 1862, 1882 et 1892 n’a été fait pour permettre la facile comparaison des salaires agricoles moyens par catégories de salariés. Les monographies de l’enquête de 1910 ont été établies avec beaucoup de soin par les directeurs des services agricoles qui ont divisé leur département en régions naturelles, et indiqué dans chacune d'elles les salaires des ouvriers agricoles. Il en résulte que les prix consignés dans cette enquête sont les prix des salaires réellement payés par les agriculteurs à leurs ouvriers. _… Cette absence de prix moyens dans l’enquête de 1910 ne serait pas un écueil à la comparaison des salaires aux diverses époques considérées, si d’une part les désignations des ouvriers agricoles 90 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE se correspondaient d’une enquête à l’autre ou si, d’autre part, l'Administration, dans le questionnaire qu’elle a remis à ses enquêteurs, avait pris soin de leur demander d'indiquer les prix antérieurs des salaires correspondant aux prix actuels. [l eût été facile dès lors d'isoler dans chaque département les plus- values absolues et relatives avec quelque exactitude et d’en tirer par calcul le taux même des variations, ce qui doit être le but d’une étude comme la nôtre. Il est regrettable que l'Administration n’ait pas songé à de- mander ces renseignements à ses agents; la comparaison des salaires avec ces documents simplement statiques et dans les- quels souvent manque la commune mesure, devient malaisée, et il est à craindre que des chiffres même calculés avec soin ne donnent qu’une idée fausse de la vérité parce que les faibles déformations de l’ajustage des renseignements un peu différents s’amplifient par le calcul. Nous serons donc très prudent dans nos confrontations de salaires; nous interrogerons les enquêtes de 1862, 1882 et 1892 pour connaître la marche générale des salaires pendant cette période. Ce travail sera simple et consistera dans le relevé des chiffres des enquêtes. Puis nous aborderons la période 1892- 1910 en dépouillant l’enquête de 1910 pour comparer, dans quel- ques départements, les salaires comparables seulement. Nous prendrons comme types des départements très différents et nous n’étudierons dans chacun d’eux que des catégories d’ouvriers qui se retrouvent dans les mêmes conditions dans les enquêtes antérieures. Ainsi il nous sera permis d’apercevoir le mouvement des salaires dans ces départements et de préciser le sens de ce mou- vement, sinon l’amplitude. Pour essayer de calculer l'amplitude nous utiliserons un do- cument émanant de la Statistique générale de la France, et résumant les données de l’enquête sur les salaires; les chiffres, combinés avec ceux des enquêtes antérieures, permettront de dégager peut-être une solution approchée de la valeur de l’am- plitude. God tt tent | LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 91 Cette solution, nous la comparerons avec celle que nous aurons pu dégager de renseignements particuliers qui nous ont été fournis par quelques correspondants. Et nous donnerons en fin d'analyse, sinon un chiffre exact, du moins un chiffre pratique- ment acceptable en ce qu'il tendra, du fait de nos approxima- tions, vers la réalité économique, comme ces courbes qui en mathématiques sont asymptotes vers l'infini. Ayant ainsi indiqué les sources auxquelles nous nous réfé- rons, nous allons étudier les chiffres des salaires de 1862 à 1892. CHAPITRE I1 Les salaires de 1862 à 1892. Toutes les enquêtes classent les salaires agricoles en deux groupes : 1° Les ouvriers et domestiques de ferme; 29 Les journaliers. Adoptons cette classification et examinons d’abord les salaires des ouvriers et domestiques de ferme. Pour connaître les salaires moyens relatifs à l’ensemble du territoire pour les ouvriers et domestiques de ferme, 1] faut relever dans l’Introduction aux Enquêtes de 1882 et 1892 les chiffres calculés par l'Administration; ces chiffres permettent d'établir le tableau suivant pour quatre catégories de salariés : maîtres-valets (ou commis de culture), laboureurs et charretiers, bouviers, servantes de ferme. Catégories 1862 1882 1892 Maîtres-valets. . . . . . 361 465 493 Laboureurs et charretiers . 256 324 360 Bouviers . . . . AE 2 230 290 310 Servantes deferme. . . . 130229354202 92 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Il y a augmentation dans l’ensemble de 1862 à 1892. L’aug- mentation a été plus forte de 1862 à 1882 que de 1882 à 1892; c’est ce qui ressort nettement des chiffres suivants, indiquant la valeur absolue des majorations de salaires et leur pourcentage : Augmentations Augmentations de 1862 à 1882 de 1882 à 1892 Catégories RS TA ss Pour 100 re Pour 100 Maîtres-valets re LE 104 28,18 28 6 Laboureurs et charretiers . . . 68 26,56 36 41 DoOVIeTS ES PET ME AR EE 60 26,08 20 6 Servantes de ferme. . . . . . 105 80,145 — 33 14 Nous aurons l’occasion, dans la suite de cette étude, de recher- cher dans quels départements les majorations de salaires ont été les plus fortes ou les plus faibles. D’ores et déjà l’examen des tableaux ci-dessus permet de constater d’une façon générale : 19 L’accroissement continu des salaires des ouvriers et domes- tiques de ferme (sauf pour les servantes) de 1862 à 1892; 29 Le moindre accroissement entre 1882 et 1892 par rapport aux différences constatées entre 1862 et 1882. I] y a là un ensemble de faits susceptibles de retenir l’atten- tion et nous y insistons particulièrement dès l’abord pour y revenir dans la seconde partie lorsque nous étudierons le prix de vente des denrées agricoles. D’autre part, l’Introduction aux Enquêtes de 1882 et 1892 donne la comparaison des salaires des journaliers agricoles. Voici trois tableaux résumant les calculs de l'Administration : 19 Salaires des journaliers hommes de 1862 à 1892. Été Hivér Années 2 — | Nourris Non nourris Nourris Non nourris HG RUE mr Ve AIRE 1,08 1,85 ABBT SR in ni M MENT EN ODA CRE 15315 2599 T0 ÉRIC TE AE 1,85 2,94 1,30 2,04 29 Salaires des journaliers femmes de 1862 à 1892. Été Hiver Années eee om 0 © Nourries Non nourries Nourries Non nourries 162 AE D ES Las 0:62 448 1887 TR EN NOMME 107 0,79 14,42 1892 TRE RAR NME EU EE 0.79 1,35 _d'et ame. bil Dés EL 6 +1: SN LS 2 SN D. id, : à LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 93 30 Salaires des journaliers enfants de 1862 à 1892. Été Hiver Années TR pe TUE Pl © Nourris Non nourris Nourris Non nourris _— — — — — PE PUR CUS 0.74 4:99 0,43 0,82 PT D VAT ON SORER LE L'OOMRE LE 0,52 0,9% OR RE AT NE 0 D 60-4008 0,47 0,95 La diminution des salaires de 1882 à 1892 est très nette pour les trois catégories envisagées, qui comprennent la totalité des journaliers agricoles. Après avoir augmenté de 1862 à 1882, les salaires diminuent tous de 1882 à 1892. Cette remarque, d’une extrême importance, est à rapprocher de celle que nous avons faite précédemment en étudiant les salaires des ouvriers et domestiques de ferme recevant leurs gages annuellement; les salaires de ces derniers n’avaient pas diminué, mais leur aug- mentation entre 1882 et 1892 était notablement inférieure à celle que nous avions relevée pendant la période précédente; les salaires des servantes avaient même diminué comme ceux des journaliers. I1 est donc permis de souligner une tendance très nette à la diminution des salaires des ouvriers agricoles de 1882 à 1892 affectant davantage la catégorie des journaliers que celle des domestiques de ferme. Pourquoi la baisse des salaires n’atteint- elle que les journaliers et non les domestiques de ferme? Il paraît assez difficile d’en donner les raisons agissantes. 11 semblerait en effet, au premier abord, que le nombre des domestiques de ferme a dû diminuer plus vite que celui des jour- naliers. Or, il n’en est rien : les chiffres suivants, tirés des enquêtes décennales de 1882 et 1892, montrent qu’au contraire la diminution a porté surtout sur la catégorie des journaliers. Différences Auxiliaires Nombre de 1882 à 1892 et salariés ET — — TR — de l’agriculture 1882 1892 absolues Sep Régisseurs. . . . 17.966 46.091 — 1.875 — 10,43 Journaliers . . . 1.480.687 1.210.081 — 270.606 — 18,27 Domestiques. . . 4.954.251 1.832.174, — 122.077 — 6,24 Totaux. . 3.452.904 3.058.346 — 394.558 — 11,43 94 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Dans toutes ces questions nous croyons qu'il ne faut pas consi- dérer les chiffres avec leur valeur absolue; en d’autres termes, il ne faut pas isoler les faits pour les expliquer, mais il est néces- saire de les grouper, du moins ceux qui peuvent avoir les uns sur les autres des influences réciproques. Les conditions du travail agricole se sont profondément mo- difiées pendant la période 1862-1892; les machines agricoles ont fait leur apparition, et en quelques années leur nombre s’est considérablement accru. Or, si l’on veut bien remarquer qu'une faucheuse mécanique, par exemple, supprime 6 ou 7 sa- lariés, et une moissonneuse 15, on peut immédiatement tirer cette conclusion que, bien que réduit de 270.606 unités, le nombre des journaliers agricoles dépassait encore, sans nul doute et de beaucoup; le nombre des travailleurs ruraux néces- saires à la culture du sol. Et d’autant plus que le développe- ment des étendues consacrées aux cultures fourragères, rédui- sant les surfaces emblavées en céréales et cultures sarclées, a diminué les demandes de main-d'œuvre. De ces deux phénomènes il est nécessairement résulté un appel moins important à la catégorie des journaliers, dont les salaires ont été de ce fait réduits jusqu’à la diminution, étant donné que les domestiques de ferme n’ont pas été moins deman- dés qu'auparavant. Le nombre des attelages n’a pas diminué — au contraire — et les machines agricoles nécessitent toujours emploi des domestiques charretiers et bouviers pour les con- duire. L'influence du machinisme, à notre avis, ne s’est fait sentir que sur la catégorie des journaliers. at tés us mi) dits. Zaf CE AM RP TS sssde Sélestat là dus. Ds alS. de hdi À RES Dis à at LA dl x 4 2 LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 93 CHAPITRE III Considérations générales sur les salaires agricoles de 1862 à 1892, par régions. Les enquêtes décennales, nous le répétons, ne fournissent que des chiffres moyens s'appliquant d’ailleurs à l’ensemble du ter- ritoire et à chacun des départements. Nous avons suivi le mou- vement des salaires dans la France entière, mouvement résul- tant des conditions générales du travail agricole combinées avec les influences locales s’exerçant sur la diversité des occupations rurales. 11 est intéressant maintenant d’essayer de dégager de l’ensemble quelques données régionales qui préciseront l’allure du mouvement général en apportant quelque lumière sur ses origines. Pénétrons d’abord dans le détail des enq'iêtes décennales pour délimiter les régions à salaires maximum et minimum à chaque époque étudiée. En 1862, les salaires maximum étaient localisés dans quatre groupes de départements avoisinant une grande ville, cette der- nière constituant un véritable pôle dont l’action sur les salaires s’étendait sur un périmètre probablement en rapport, au point de vue de l'étendue, avec la facilité des moyens de communica- tion. Ces quatre groupes étaient les suivants : 1° groupe : 15 départements situés autour de la Seine (pôle : Paris); 2° groupe : 4 départements situés autour du Rhône (pôle : Lyon); 3° groupe : 7 départements situés autour des Bouches-du-Rhône (pôle : Marseille); 4e groupe : 3 départements situés autour de la Gironde (pôle : Bordeaux): 96 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE L'influence des salaires des ouvriers des grandes villes se fait donc sentir sur le taux des salaires à la campagne; pour conserver la main-d'œuvre dont ils ont besoin, les employeurs agricoles sont obligés de hausser les prix des salaires payés à leurs ouvriers dans le périmètre des grandes villes. Cette influence des grandes villes est à double effet, les employeurs agricoles retrouvant dans l’augmentation du prix des denrées une partie du sacrifice consenti à leurs ouvriers. Les petites et moyennes villes n’exercent pas d'influence notable en 1862; seules les grandes villes que nous avons citées plus haut paraissent avoir agi sur le taux des salaires agricoles. Et il y a plus : c’est la seule influence à signaler en ce qui concerne la hausse des salaires; elle n’est d’ailleurs pas d’ordre agricole, elle est d'ordre géographique, tout au plus d’ordre économique général. Quant aux régions à salaires minimum, leur localisation paraît être commandée par les conditions agrologiques de Pexploitation du sol dans les lieux considérés. Ces régions sont en effet : la Bretagne (5 départements), le Midi (8 départements avoisinant Toulouse) et 7 départements du Centre. Le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme sont également régions à salaires peu élevés, ainsi que les départements frontières (Moselle et Bas-Rhin). Les rédacteurs de l’enquête de 1862, qui signalent toutes ces différences dans les salaires, mettent la fai- blesse des salaires sur le compte de la concurrence qui s’exerce, dans ces derniers départements, entre les ouvriers français et étrangers. [1 se pourrait aussi que la fécondité même des mariages dans tous ces départements constituât une offre de main-d'œuvre supérieure aux besoins agricoles, — main-d'œuvre dont l’im- dustrie n’a pas encore absorbé l’excédent. Quoi qu'il en soit, pour résumer la situation des salaires agri- coles en 1862, il nous semble que nous ne pouvons mieux faire que de reproduire les chiffres suivants, résultant de la compa- raison de documents spéciaux contenus dans le tome XIT de la Statistique générale de la France avec ceux de l'enquête de 1862, et se rapportant aux salaires de journaliers non nourris. | - L * À | | | | min lbs vs, dé RE» dh À die di da € L ju À dés Hdi Ad Le Carat, 4, Sons ? 0e LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 97 Années Salaires PO nn OR. 4 4e RE PA ant roulé cr. 1 54 TS OR EN Em : À 04 DE EU AR RE ae rer. à. Li. 90 Ainsi, la progression est continue et, relativement à l’année 1850, les salaires des journaliers non nourris ont augmenté de 43 centimes en douze ans, soit donc de 30 %. Cette hausse qui, nous l’avons vu, s’est maintenue jusqu’en 1882, a été la raison même de l'introduction des machines agricoles dans un grand nombre d’exploitations. C'était d’ailleurs le souhait que for- maient en 1862 les commissions de l’enquête, espérant que « Pintroduction croissante des machines dans la culture per- mettrait d’atténuer ces inconvénients (1) et de ramener l’équi- libre entre l’offre et la demande de travail ». Il En 1882 on constate une élévation générale de tous les salaires des ouvriers ruraux. Voici, pour fixer les idées, les moyennes, pour toute la France, des salaires des ouvriers et domestiques de ferme : Catégories Francs Maires valet a Te are) Me AT ges tit D Éabourenss et Charretiérss ir 2 lo nt ue. ..92Æ Bouviers de plus de SCIE ans, 2.5... 1... 289 Permers de plus de Sélreans. 2" TIR "12.990 CYR TUTO Re DE NP ORNE ESA Autres domestiques de ferme de pe de LS 2e de moins de seize ans 140 REVAIT OMIS A RS Leur to) A 240 L'enquête de 1882 fait apparaître dans ses relevés de salaires les ouvriers fromagers, dont les salaires se classent aussitôt après ceux des maîtres-valets, en raison des aptitudes spéciales. — de (1) Hausse des salaires. 98 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE métier — exigées de ces ouvriers. L'influence des aptitudes apparaît ainsi, en agriculture, comme nettement susceptible d'apporter une majoration des salaires; c’est là la constatation d’un fait d’une grande importance que nous serons appelés à envisager dans la suite de cette étude, au chapitre des moyens propres à suppléer dans notre pays au manque de la main- d'œuvre. D'une façon générale les salaires sont maximum : 10 dans 17 départements de la région septentrionale : Calvados, Seine- Inférieure, Eure, Oise, Aisne, Seine, Seine-et-Oise, Seine-et- Marne, Loiret, Ardennes, Marne, Aube, Yonne, Meuse, Haute- Marne, Côte-d'Or et Jura; 29 dans 3 départements de l'Ouest : Indre-et-Loire, Vienne et Charente; 30 dans 4 départements du Midi : Rhône, Cantal, Aveyron, Pyrénées-Orientales. L'ancienne répartition de 1862 ne s’applique plus en 1882; l'influence des grandes villes, à part Paris et Lyon, ne se fait pas sentir, et il semble que les régions à salaires élevés sont les bonnes régions agricoles de France, principalement les régions de grande culture. Par rapport aux moyennes rappelées plus haut les salaires des laboureurs atteignent 550 dans l’Aisne, 610 en Seine-et- Marne, 588 en Seine-et-Oise et 880 dans la Seine, contre 159 dans le Finistère, 156 dans les Côtes-du-Nord et 150 dans le Morbihan. Les salaires des bouviers, qui ne sont que de 130 à 150 francs dans les départements bretons, s'inscrivent à 533 dans l’Aisne, 555 dans la Haute-Marne, 554 dans l'Oise, 623 dans la Seine, 647 en Seine-et-Marne, 636 en Seine-et-Oise. Quant aux bergers, 1ls reçoivent en moyenne plus de 600 francs dans l’Aisne, l'Oise, la Somme, la Seine, Seine-et-Marne et Seine-et-Oise. Si nous envisageons maintenant la catégorie des journaliers agricoles, nous pouvons noter que les salaires les plus élevés sont obtenus par les ouvriers maraichers hommes. Cuvriers maraïchers ü Hiver Été Hommes: 129,494 1 ASUS 2,38 3,10 Fenimies sr st ONE 1299 1,80 Enfants: "#2 ess Tr SRE 0,89 1,22 sms” die, Sent: à nn Dé, citrte, bé dés ER TS l LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 99 Faut-il voir dans cette élévation des salaires des ouvriers maraichers le paiement d’aptitudes particulières? ou bien le meilleur rendement économique des terres exploitées en culture maraichère permet-il l'attribution de salaires plus élevés? 11 est probable que les deux causes agissent, la première prédominant de beaucoup puisque les salaires des femmes et enfants employés en culture maraïîchère sont inférieurs à ceux des femmes et enfants employés en agriculture. En ce qui concerne les autres journaliers agricoles dont nous avons donné au chapitre IT la moyenne des salaires, la répar- tition des maximum et des minimum des salaires suit celle que nous avons indiquée pour les ouvriers et domestiques de ferme. III L'enquête de 1892 à mis en lumière une diminution des salaires des journaliers, ce qui détruit une opinion très répandue, savoir, que les salaires agricoles n’ont cessé de monter depuis la moitié du siècle dernier. Il est vrai que les salaires des ouvriers et domestiques de ferme (en exceptant ceux des servantes, qui marquent un recul de — 14% sur les chiffres de 1882) se sont accrus; toutefois, la proportion de cet accroissement est plus faible de 1882 à 1892 que de 1862 à 1882. I] y a donc une tendance générale à la diminution. Voici d’ailleurs, à titre d'indication, les chiffres des salaires moyens des ouvriers et domestiques de ferme : Catégories Francs Maîtres-valets et commis de culture. . . . ARRET LE Laboureurs et charretiers âgés de plus de seize ans . . 360 Bouviers de plus deSerze anse.) 0e. M 322 Béergers deplus déselze ans. et 6. sc, 52,7, "809 ù CAVHLERS ITOIMABETS. M RER Re 7 469 Autres domestiques mâles. . . . . « . . . . . . . 304 Domestiques mâles de moins deseize ans. . . . . . . 151 envies dÉÉDIe ATeLe edemelitee t 01202 Une première remarque est à faire : la prédominance des gages 100 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE des ouvriers fromagers passant de 431 à 489 franes, soit une augmentation de 13 %. Cette augmentation est supérieure à celle des autres domestiques de ferme, maîtres-valets, charre- tiers et bouviers, dont les salaires ne s’accroissent dans le même temps que de 8 % en moyenne. Une seconde remarque, que n’avait pas signalée l’enquête, c’est la diminution des salaires des bergers de 1882 à 1892. Salaires des bergers. 2882 7: has RSC CORRE A ee rer me our OI MAT ee 1 Soit une diminution absolue de 122 francs en dix ans. Soit une diminution pour 100 de 28 %, près du tiers. Cette remarque est d’autant plus intéressante à signaler que nous constaterons dans le chapitre suivant une augmentation très forte des gages des bergers de 1892 à l’époque actuelle, et cela dans presque toutes les régions de la France. Sans chercher à expliquer dès l’abord ce fait, qu’il nous suffise de l’avoir sou- ligné pour y revenir dans la suite. En ce qui concerne les journaliers, pour limiter le sujet bornons-nous à isoler les salaires du journalier non nourri depuis 1852 (salaire d'hiver); nous obtiendrons la suite des salaires qu’on va lire : | Augmentation L par rapport Années Salaires àla période précédente absolue pour 100 LSSOÛRE. ER ONE EE 1,42 » » AEDDS em At ess 1,85 0,43 30 ABOD I. ee che e I 0,37 20 HOTTE NME TE 2,04 A Il y a diminution de 8 % de 1882 à 1892, mais néanmoins les salaires en 1892 restent supérieurs aux chiffres de 1862; c’est sans doute cette différence positive de 1862 à 1892 : 0,19 (10 %) qui a accrédité cette notion de l’augmentation continue des salaires de 1850 à 1892. Le * te SE CL te LD dre hr be 7, À 2 LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 101 Dans l’ensemble, et à considérer la totalité des salariés ruraux, on n’observe pas en 1892 de pôles à gages élevés dans les dépar- tements avoisinant les grandes villes. La facilité des moyens de communication a rapproché les campagnes des villes; tous les prix s’équilibrent dans des conditions agricoles identiques, et 1l n’apparaît guère, comme influence décisive sur la détermination du prix de la main-d'œuvre, que l'effet de la culture intensive, La région du Nord, les environs de Paris, avec les départe- ments de l'Oise, l'Eure, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, donnent des salaires maximüm; les pays à culture viticole donnent égale- ment des salaires élevés. Ainsi apparaît un nouveau facteur déterminant du taux des salaires : le degré de perfectionnement des méthodes culturales, permettant à l'exploitant, par l’obtention de bénéfices plus considérables, l'allocation de salaires plus élevés à son personnel. J’influence des grandes villes, qui certainement se manifeste encore, n’est plus la seule à agir sur la fixation des salaires ruraux. Une évolution s’est opérée de 1862 à 1892, malgré la crise agricole dont nous étudierons les effets sur le prix des denrées dans la deuxième partie de notre étude. Cette évolution de la technique agricole, qui s’est exercée par l’emploi des engrais, la suppression progressive des jachères, l'amélioration des mé- thodes zootechniques, a sans nul doute permis de réaliser un meilleur placement des capitaux d’exploitation. Mais la crise agricole s’exerçant par l’abaissement du prix des denrées a réduit — malgré le progrès agricole — les bénéfices des exploi- tants. Nous examinerons dans la seconde partie les variations du prix des denrées; nous avons suffisamment établi dans le cours de ce chapitre deux mouvements du prix des salaires : 19 Une augmentation très nette des salaires de tous les ouvriers et journaliers agricoles de 1862 à 1882; 20 Une tendance à la diminution de tous les salaires pendant la période de 1882 à 1892. Étudions maintenant le mouvement des salaires de 1892 à 1910. 1 ANNe SCIENCE AGRON, == 4€ SERIE — 1915 102 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE CHAPITRE IV Les salaires de 1892 à 19140. Le défaut de prix moyens ne permet pas la facile comparaison des salaires des ouvriers et journaliers agricoles aux deux époques 1892-1910. Nous essaierons de dégager une idée générale du mouvement des salaires que nous allons suivre dans un grand nombre de départements en interrogeant les monographies de l’enquête de 1910 sur les salaires agricoles. Nous prendrons des départements appartenant à des régions différentes au point de vue de la nature des cultures, au point de vue du mode d’exploitation du sol, au point de vue de l’im- portance des capitaux engagés et au point de vue de l’étendue des fermes et domaines. LA RÉGION DU NORD Nous choisirons comme types les départements du Norp, de la SomME et de l’AISNE et nous noterons dans chacun d’eux les salaires des ouvriers et domestiques de ferme et les salaires des journaliers. Voici pour le département du Nonp le tableau des salaires des journaliers agricoles de 1882 à 1910, soit donc pendant une période de trente ans. TABLEAU sn Je ne. , ue LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 103 Salaires des journaliers agricoles depuis 1882 dans le département du Nord. HOMMES FEMMES nourris non nourris nourries non nourries |, A, TT, + Été |Hiver| Été | Hiver] Eté | Hiver | Été 1,55 | 1,20 | 2,48 0,90 | 0,82 | 1,55 | 1,33 1,48 | 1,18 | 2,19 0,81 | 0,76 | 1,53 | 1,31 1,25 à 1,79 | 3,79 Zone herbagère 3 él » | » le » ME ENFANTS nourris non nourris A Hiver | Eté | Hiver 1,03 | 0,80 1,05 | 0,81 on » | La monographie de 1910 n’indique pas les salaires des ouvriers et domestiques, sauf ceux des servantes. Servantes. L882 2% ADR DE TPM LU AGO DR MT ST MST UN NUE QE) Eté Hiver Zone industrielle. 0,80 19310 Flandres: "1.110,75 Zone herbagère . 0,80 à » nourries et logées ,15 nourries 1] y a augmentation de tous les salaires, même pour celui des servantes, dont le minimum ressort encore à 0,75 x 365 = 273,75. Dans la Sommr, voici la comparaison entre les prix anciens et nouveaux, 104 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE 19 Salaires des ouvriers et domestiques de ferme. 1910 (1) Éemie Santerre re Es Maîtres-valets. . . . . . «< 490 565 » » Laboureurs de plus de seize ans. Charretiers. =. 430-443 540 (2) 456 nourris et logés Bouviersi-1fus nu THOMNT a E0DE ES 984 900 non nourris Berger 20720 LT De 000008 900 720 nourris et logés Domestiques rides de plus de seize ans . 2: /227. DAS ENEUE 352 9540 488 — Domestiques mâles e moins de seize dns: 0 Se ee 40 6009 » » Servantes eue . LP AS RO ONE 08 390 330 20 Salaires des journaliers (nourris). Hommes Femmes Enfants Été : Hiver Été | Hiver Été - Hiver 1882. . 41282004 0 1,477 0,80%207809;50%57 1892. . 10 Æ0IR 18 1,03 0,74 0,69 0,48 | ol na | à | DD EMA OMD ES 1,50 1940 « k Le à | DES Fe » | Autres EE MT E à ASSET D) | 1,50 | 2,50 Fe 25 Les salaires se relèvent tous de 1892 à 1910 et d’une façon sensible, avec cette différence, dit le rédacteur de la monogra- phie, que les prix restent plus élevés dans le Santerre, compre- nant les cantons de Péronne, Roisel, Bray, Chaulnes, Ham, Combles, Nesle, Roye et Rosières, dans lesquels on fait la culture intensive de la betterave à sucre. « L’exploitation rai- sonnée, méthodique du sol, donnant lieu à une augmentation (1) Les salaires donnés par l’enquête sont indiqués mensuellement et avec les spécifications : novembre à mars, mars à juillet, juillet à novembre; ou bien : été, hiver. Nous avons calculé les moyennes de tous ces chiffres pour : les rendre comparables aux renseignements de 1882 et 1892. (2) L’enquête de 1910 établit une distinction entre les charretiers et ie viers nourris et logés et non nourris. - LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 105 de produits, permet de mieux rétribuer la main-d'œuvre. » Cette remarque était importante à signaler en ce qu’elle éta- blit un rapport entre les profits de l’exploitant et les salaires des ouvriers. Dans le département de l’AISNE, l’enquête établit six divi- sions distinctes : 1° une région de culture industrielle (betterave à sucre), qui comprend le Vermandois, le Laonnais (partie), le Soissonnais, le Valois; 20 les hauts plateaux du Soissonnais (éle- vage des ovidés); 39 la Thiérache (pâturages); 49 la Champagne agricole (arrondissement de Laon, partie, terres légères, cal- caires et sablonneuses); 5° la Champagne viticole (sud du dépar- tement : Château-Thierry, Condé-en-Brie, Charly); 60 la Brie Pouilleuse (même région que la précédente où se rencontrent alors des terres arables, prairies naturelles et vignes). | Essayons de donner le mouvement des salaires dans ces six régions (Voir tableau, p. 106). Ces prix s'entendent avec nourriture, logement et couchage compris. Nous avons indiqué au-dessous des prix de 1910 les avantages accordés aux ouvriers et domestiques de ferme; ainsi la compa- raison sera plus facile entre 1910, 1892 et 1882. Dans l’ensemble les salaires n’augmentent pas sensiblement de 1892 à 1910; de 624 francs pour les charretiers en 1892, nous passons à 600 en moyenne pour les ouvriers logés et nourris; la nourriture pou- vant être évaluée à 500 francs, le salaire en argent des charre- tiers, sur les hauts plateaux du Soissonnais, ressort à 1.000 — 500 = 500. Donc, en aucun cas il n’y a élévation des salaires des ouvriers et domestiques de ferme, de 1892 à 1910, dans le . département de l’Aisne. Cependant il y a lieu de faire remar- quer qu’en plus de leur salaire les ouvriers reçoivent, suivant les régions, des concessions. de jardins, des gratifications, des terres à pommes de terre, des deniers à Dieu, des charrois, des façons gratuites de terre. TABLEAU 106 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE 19 Salaires des ouvriers et domestiques de ferme. BOUVIERS DOMESTIQUES plus de 16 ans DOMESTIQUES moins de 16 ans SERVANTES n = Lo] = d D n =] Lu) CY Culture industrielle 600 650 600 200 360 nourris, | nourris, | nourris, | nourris, | nourris, | nourris, logés logés logés logés logés logés MAITRES-VALETS CHARRETIERS plus de 16 ans Hauts plateaux du Soissonnais 1.200 1,000 1.000 1.000 600 à 890 | {oo à 500 à logés, logés, logés, | non logés | logés, 1.800 non non non nourris logés, nourris | nourris | nourris et non blanchis nourris Thiérache 600 {00 à 500 500 400 à 600 | 150 à 4oo | 300 à 450 logés, logés, logés, logés, logés, logés, ncurris nourris nourris nourris nourris nourris Champagne agricole 600 580 600 300 à 400 | 200 à 300 490 logés, | logés, logés, logés, logés, logés, nourris nourris nourris nourris nourris nourris Champagne vitico'e 1.600 600 500 500 250 400 logés, nourris, | nourris, | nourris, | nourris, | nourris, non logés logés logés logés logés nourris Brie Pouilleuse BERGERS 6,40 742 ‘1.450 logés, non nourris 1.300 logés, nourris et blanchis 600 logés, nourris 1.400 logés, , nourris 450 nourris, logés ‘| 1.500 | 400 à 600 | 300 à 500 | 400 à 500 | 200 | 350 | 350 20 Salaires des journaliers. Actuellement les journaliers ne sont, en général, ni logés ni nourris; lorsqu'ils sont nourris, le prix de la nourriture, évaluée de 1125 à 1150, est déduit des prix indiqués ci-contre. a Et RS SE ge à De SG de EN Lot ae 2 PR. nr fé à mines PESTE POP PPT SE RER PE SEE CREER SES SPP PE OR EE LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 107 Salaires d’été Salaires d'hiver D Hommes Femmes Enfants Hommes Femmes Enfants OR Ne Ne 09 ve 2,04: 242590422050. 1, 50N00:70 RO M OO) 07) | 4,74 MAG 19 28/1 4196/0483 1910 : Colfurerdueiriele", 0682094220: 2.50 4 :»002 50 4 ,50%:0375 Hauts plateaux du Soisson- HAS UT ONE ET AUS ON 2 9 504050 47 2175. 49,2%: 9e OPA CMP UNS NSP OEM OR NE AIDER "A ET AA 0 00:76" 110790 Champasnegmicolé".1200 3:50: 2,50 "24150. 12:50 4,50, 4:95 URANPasneviCOlenN AE CNED 01 2075295 42075 09550 1"4 50 1443928 ERIC POMPES A TE TC 60. 29% Jo AS SO ÈS Pour les journaliers le relèvement est très sensible, sauf en Thiérache. À quelles causes attribuer ces deux mouvements des salaires ruraux en trente ans, dans le département de l’Aisne? Il est difficile de les assigner, d’autant moins que les enquêteurs de 1910 n’ont rien indiqué dans la monographie à ce sujet, puis- qu'ils se sont bornés à donner la statique des salaires à l’époque de l’enquête. RÉGION DE PARIS Nous allons examiner successivement les salaires dans les départements de Seine-et-Oise, Seine-et-Marne et Eure. SEINE-ET-OIsE Des renseignements contenus dans l’enquête de 1910, "nous allons essayer de dégager le mouvement des salaires. Ce mouve- ment n’est guère possible à indiquer que pour les journaliers agricoles. Journaliers non nourris. Été Hiver TO RER A TETE . 4,09 3.01 ag Au 2 9% 1010 MRC Ge A 700) 19060 QUE") En moyenne. . . 5,50 3,25 108 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE En ce qui concerne les salaires des ouvriers et domestiques de ferme, voiei les chiffres relatifs à la ferme d’Orsigny, exploitée avec beaucoup d'intelligence par M. Émile Petit, ancien élève de Grignon. falaires mensuels 1882 1892 1902 1913 Charretier tem 85 85 90 110 BOUVIET PEN EME TOR 85 85 90 110 Berger MU RTE que 105 105 110 120 M. Petit nous ayant obligeamment fourni les salaires des jour- naliers agricoles hommes, nous les reproduisons ci-dessous : Ouviers nourris. 1882 18y2 1902 1913 EN VERTE PASSER LUE 2,50 2,50 DATI) 3,00 1 0 APM ME PAR O1 COR) En) 3,950 & » T'âcherons. 1882 1892108 0281002 1913 Salaires moyens pendant toute l’année. . . . . LR) ONE) 4150 75» à 6°» Salaires de moisson (tâcherons). 1882 1892 1902 1912 8 » 8 » 8,50 10 » Ces chiffres sont extrêmement intéressants à rapporter. De leur exomen se dégage nettement cette vérification des statis- tiques officielles en ce qui concerne le mouvement des salaires de 1882 à 1892; nous avions signalé un ralentissement dans l’al- lure de la hausse des salaires de 1882 à 1892; nous trouvons ici, et nettement, un palier de 1882 à 1892, suivi d’une hausse inin- terrompue de 1892 à 1910. En horticulture, ces variations paraissent moins sensibles : voici à ce sujet des chiffres relatifs aux salaires horticoles dans la région de Franconville; ces chiffres nous ont été donnés par EE D du. FE" 7 hr le fige et io cl chat és ie MAG DEEE CR OP A Vi PCT ee « LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 109 M. Gentil, président de l’Union des Syndicats agricoles de Seine- et-Oise. Res Ouvriers jardiniers jardiniers-chefs ——° —— — de Prix ‘Prix maisons bourgeoises de l'heure mensuel 1860-1872. 7002 1.200 0,50 25 1882-1892 . . . . 1.600 0,40 39 LOORE À te Nue 1.800 à 2.000 0,50 40 OL ee Crau 1.800 à 2.000 0,60 50 à 60 Ici la hausse est ininterrompue pendant toute la période 1862- 1913 étudiée. C’est la seule impression qui se dégage de ce ta- bleau. SEINE-ET-MARNE Voyons la comparaison des salaires pour les diverses catégo- ries d'ouvriers de ferme. 19 Ouvriers et domestiques de ferme. Charretiers Bouviers Domestiques Servantes LS PRÈS ERREURS 610 647 523 368 se 0 PA AUTRE EUTEE 733 723 352 408 1940 Melun Ne tn M490.à 1.520711) » 720 à 900 420 à 480 TOM ee 650 à 900 720 à 780 » 360 à 540 Coulommiers. . . . 600 à 840 640 à 840 720 à 900 360 à 480 Les gages de 1910 sont généralement mensuels; nous les avons calculés par année pour permettre la facile comparaison. Il résulte des données de notre tableau que l’augmentation des salaires est faible de 1892 à 1910. Nous avons fait une consta- tation analogue pour le département de l’Aisne, également à culture intensive; les deux remarques sont à rapprocher; nous nous bornons actuellement à les formuler, quitte à y revenir dans nos conclusions. | (1) Non nourris et non couchés. 110 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE 20 Journaliers. Nourris Non nourris Été Hiver Été Hiver 1882 7 LT 2,50 4,74 & » 2,93 1892 NL ETR 2,47 1075 3,87 2,88 19140 : Melun Res » » 3,25 à 3,75 moisson = 8 Provins. #1: 0. "04675 4265008 a TA Le Nip RGP RER Coulommiers . 1,75 à 2,50 3 » à 4 » 3,50 à 6 » selonlasaison L'augmentation pour les journaliers est bien nette et ceci n’est pas nouveau pour nous. Nous avons déjà eu l’occasion de signaler de 1882 à 1892 un non-parallélisme entre les mouve- ments des salaires des ouvriers et des journaliers. EURE 19 Ouvriers et domestiques de ferme. Hommes : Charretiers Vachers Bergers de Pages Bonnes cour 1882 . . 475 » 910 398 211 292 1894) 507208 » NA PTS 365 184 282 1910... 540à 870 » 625 à 1.440 440 à 750 150à 420 350 à 700 L'augmentation des salaires est sensible pour toutes ces caté- gories de 1892 à 1910, après le ralentissement de 1882 à 1892. Les enquêteurs ont compris dans les chiffres ci-dessus pour 1910 tous les avantages accessoires et notamment, pour les charretiers, les primes en août et les petits profits, lesquels petits profits sont « constitués par les pièces sur les animaux vendus et par les pourboires reçus lors de la livraison de cer- tains produits ». Quant aux bergers, leurs gages très élevés paraissent être en rapport avec l'importance du troupeau; on cite en effet le chiffre de 2.000 francs atteint par le salaire payé au chef-berger de M. H. Doré. Un autre berger a le droit de nourrir douze moutons lui appartenant dans le troupeau. Il est impossible de faire état des données de 1910 en ce qui nn te nn er Un hu CA We . SA TOURS SE KR Se Si: Ÿ SE de Se AS ET e £ LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 411 concerne les salaires des journaliers; ceux qui sont indiqués dans l'enquête sont relatifs seulement aux travaux ordinaires, — les travaux de moisson sont effectués à la tâche et, par suite, la comparaison de ces prix à l’hectare avec ceux de 1882 et 1892 à la journée est impossible. RÉGIONS VITICOLES : Nous examinerons le mouvement des salaires dans trois départements : la Marne, la Gironde et l'Hérault. MARNE Dans la Marne, d’après les renseignements fournis par l’en- quête de 1910, les salaires des ouvriers viticoles sont compa- rables à ceux que reçoivent les ouvriers agricoles des bonnes régions. Voici, en 1910, la comparaison entre les salaires tou- chés par les ouvriers agricoles et viticoles : Ouvriers agricoles Ouvriers viticoles PMR A OO RD 50 AL Lo du 15 mars au 15 mai: NA Avril, mai,sept.,oct. . 3 » à 4 » du15 maiau15 août. . . ._ 4,50 Vendanges. . . . sas Juin, juillet, août . . . 4 »à 5 » Autres époques. . 2,50 Nourris (1 franc en moins). Nous pouvons donc, par suite, comparer aisément les salaires des journaliers agricoles dans la Marne aux trois époques consi- dérées : | Journaliers non nourris. Été Hiver 1892 NE e 8,15 2,85 NP NAEer ASE RE 4,03 2,74 AUTO NE TE PR Et nc VA 2550 4,8 5 Ïl y à augmentation, mais l’augmentation n’est pas considé- rable puisque les moyennes de 1882 (4f 15 et 2! 85) sont à peine 412 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE dépassées par celles de 1910 (4f 50 et 21 75). Toutefois, les salaires des ouvriers viticoles varient avec les années, et les bonnes récoltes demandant beaucoup de main-d'œuvre appellent des salaires élevés. En ce qui concerne les ouvriers et domestiques de ferme, voici la comparaison due aux données des enquêtes officielles : Charretiers Bouviers Bergers Domestiques Servantes 1832. . 471 469 997 446 299 1892. . 481 484 637 416 292 1910. . 1.000 à 1.200 1.000 à 1.200 1.000 à 1.200 500 à 700 300 à 350 Ici le relèvement est partout et il est continu de 1882 à 1910. Ces chiffres officiels sont d’ailleurs confirmés par les suivants qui nous ont été obligeamment communiqués par un agricul- teur distingué du département, M. Laurain, qui exploite la ferme de la Grange-du-Vaux par Baye (Marne). Salaires des ouvriers de ferme à la Grange-du-Vaux (Marne). 1870 1880 1890 1900 1910 Maîtres-ouvriers. . . . . 600 par an 630 670 710 750 Bouviers ou charretiers. . SD0 EH QC EB0 520 550 580 VACheTs 07 MON EN: 40 par mois 45 50 55 65 Bergerss is enr ot 600 par an 662 725 790 850 servante iii re SOU 380 415 450 475 Estivandiers . . . . . . 75 par mois 80 95 110 110 GIRONDE La Gironde est un département essentiellement viticole : les prix donnés en 1912 pour les salaires permettent de suivre le mouvement des salaires par comparaison avec les années 1892 et 1882. Voici un tableau donnant les salaires des journaliers : Ouvriers nourris Ouvriers non nourris = om Eté Hiver Eté Hiver EE — a . oo —, hommes femmes hommes femmes hommes femmes hommes femmes 1882... “4,84: 0,81 4,31, 0,642 415 0 60 lo SM 1892. . 1,76 0,87 4,39 0.73 92,75 .4,34. 2.95) 4109 4910: 2,494» 1:70 0:65 3040 4054 lo 47040 : 4 A LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 113 Certes, il y a augmentation de 1892 à 1910, mais les chiffres de 1910 restent inférieurs à ceux de 1882 pour les ouvriers non nourris; les ouvriers nourris sont plus payés en 1910 qu’en 1882, à en juger par les statistiques officielles. L’enquêteur de 1910, pour montrer l’ascension des salaires, avait calculé l’augmen- tation pour 400 des salaires entre 1892 et 1910. Voici ses chiffres : Ouvriers nourris : Ouvriers non nourris Été Hiver Été Hiver RE en — Se pe-rH6l corner EE | ©" hommes femmes hommes femmes hommes femmes hommes femmes 20 15 9994654 1) 40,6: 14,4 BEN 4907 Voyons les variations, plus intéressantes pour nous, de 1882 à 1910. Pour les ouvriers nourris il y a augmentation dans les pro- portions ci-après : J : Augmentations Ouvriers nourris pour 100 Été HOMMES ARE RQ er RQ 41 tes UPemmess MP T TUNIS den 20 ; HOMMES MEN ER MAR UE 29 Hiver. . . Henines se ln PAP NAN US TRE 32 L’enquêteur de 1910 prétend qu’il y a là une question de rareté de main-d'œuvre; la rareté serait plus grande en hiver qu'en été. Pour les ouvriers non nourris les variations sont inverses : 2 We Diminutions Ouvriers non nourris pour 100 na HOMME EL UNE AN VE LUE 26 He MAReMINES ER EU EU TA 7e [AA Ro RD nor A ÉCMRO 1 à AIT RACAES 13 At a DOME SE MAT An RE An Eee ae 34 Ainsi ces chiffres n’indiquent pas l’augmentation des salaires de 1882 à 1910 à les prendre dans leur ensemble; il y a seule- ment augmentation sensible de 30 % pour les salaires des ouvriers nourris en hiver. En ce qui concerne les ouvriers non nourris, les diminutions vont de 13 à 44 %,. Il n’y a pas lieu de: 114 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE s'étonner, après la lecture de ces chiffres, de l'exode CE ouvriers de la Gironde. HÉRAULT Voyons pour l'Hérault quelques chiffres concernant les jour- naliers non nourris : Salaires des journaliers non nourris a — Été Hiver 1880 DEAN CE 3,142 2,30 1892 END EME 3,07 2-41 4940. Montagnes: . ./ 4) »1à 915 2,00 — Garrigues. . . . EME 2,50 Hoanse k,50). —=; Plaine’. 002579459712 2,50 (vendanges, 4,50et5 »). Quant aux charretiers, leurs vAInRes sont indiqués dans le tableau suivant : Salaires des charretiers LIS2RAR PTE NME SA TARN SORTIR TR AE 460 1802 07 ARE ERA RSR ÈS ES 072 1910: Mon LR 4 lente. Tele 0 OA D 0 —" Plaine: Mes ET 600)" A0 00 Les salaires sont stationnaires, sauf dans la Plaine où se ren- contrent les terres les plus fertiles; il y a donc influence de la fertilité sur la détermination des salaires. RÉGION BRETONNE Nous avions signalé cette région comme étant dès 1862 une région à bas salaires. Étudions les salaires dans les départements d’Ile-et-Vilaine et des Côtes-du-Nord. ILLE-ET-VILAINE Les journaliers sont nourris, dans ce département. Nous allons donner ci-dessous les prix pour cette catégorie, journaliers nour- ris, aux différentes époques : LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 145 Journaliers nourris. Hommes Femmes Été Hiver Été Hiver IE PARA 1,12 0,77 0,76 0,51 LODEL 1,08 0,73 0,73 0,51 22 ORAN 1,90 41,05 1,20 0,65 CÔTES-DU-NORD Comparons les salaires des journaliers hommes et femmes (nourris) : Salaires des journaliers nourris. Hommes Femmes A —— — — A Eté Hiver Été Hiver 4882. .:.. 42 0,71 0,68 0,48 28927 70 0,89 0,64 0,59 0,44 1910: . , 1.» à 1,95 0,75 à 1,25 | 0,75 à 4 » 0,50 à 0,75 Il y a augmentation, quoique les prix restent inférieurs dans ce département à ceux que nous trouvons dans les autres ré- gions. AUTRES RÉGIONS , Nous allons prendre maintenant un ou deux départements dans chaque région naturelle, en commençant par le Calvados qui nous donnera une idée du mouvement en Normandie. l CALVADOS Voyons les salaires des ouvriers et domestiques de ferme : 1882 1892 1910 Mattres-valets "hear ee 460 491 600 à 800 CREMELLETS SNS RL ES 326 330 400 à 500 NATH TS NS lanliie Je ot ddalpe se de » 330 400 à 500 DOPVARES EE USE Hier RTS 283 257 450 (maxim.). 116 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE L'augmentation est nette pour toutes les catégories. En plus de ces rétributions, le charretier ou grand valet reçoit un pour- boire d’environ 5 francs à la vente d’un cheval, et le vacher reçoit également un pourboire à l’occasion des ventes et des saillies. ARDENNES Voici les salaires des journaliers hommes : Nourris Non nourris © TR — Été Hiver Été Hiver 182 mr 2,34 1,64 ONE 2,88 ASIE RA US D 152 Don 2,54 LOLUTE ESA 2,50 à 3 » 2 » 3,25 à 4 » 3 » L'augmentation est sensible dans tous les cas après la chute de 1892. JURA Nous indiquons e1-dessous les salaires des journaliers : Nourris Non nourris Été Hiver Été Hiver ABS at PORTES AREAS 2EO 1,45 3,79 2,50 489287 A Ne EL Re 2514 4,26 3,64 2,33 4940. Plaine mr aies ee 2,80 1,61 k,87 2,69 Vignoble”: 2,76 1,69 k,46 2,65 Premier plateau . . . 2,88 1,61 k,85 » Pour les servantes, voici le mouvement de leurs salaires : Salaires des servantes. LOS Zee: date Ve ER Ne 143 18925 rs Lee SN SERRES NES 158 LOU SE TE Le er ON CR NEED SNA ZE Les augmentations sont sensibles, surtout pour les servantes, et cela tient, dit l’enquêteur, à la rareté du personnel. C'RTs 7 ET | À AE LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 117 LOIRE-INFÉRIEURE La comparaison est possible pour les journaliers. Journaliers. Nourris Non nourris PE SR — © + Été Hiver Été Hiver 1SS2 TRUE. UN 1,54 1,18 2,62 4,97 110 EPA RENE 1,47 4°, 14 2,40 4,86 ROROERN A E AUDR SD EM D A 272 50 AR 75043 Les ouvriers viticoles reçoivent les mêmes salaires que ‘les ouvriers agricoles; certains ouvriers employés au sulfatage des vignes gagnent jusqu’à 5 francs par jour. | Les ouvriers de l’horticulture et de l’arboriculture sont en moyenne payés 3f 50 par jour et sont assurés d’avoir du travail toute l’année. TN AAC ET ALLIER L Le département de l’Allier étant essentiellement un départe- … ment où se rencontre le métayage, il nous a paru intéressant de … connaître le mouvement des salaires dans les régions à métayage. » Nous le suivrons pour la catégorie des journaliers. Journaliers nourris, Eté Hiver LE ES Eee RS EUR LT M SIA 2,16 1,30 » T0 DATES 2,24 1,45 » (Avril, mai, juin, fais : Coeur juillet, août) re à Sen EVE 4910. . 2,50 à 3,50 2 »à 92,50 1,50à2 » Moisson . . 5 » à 6,50 Les augmentations sont à noter dans ce pays de métayage. USER 4 ANN. SCIENCE AGRON. — 4e SÉRIE — 1915 8 DE 118 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE CHER Voici un département à salaires très bas en 1862. Voyons la marge de l’augmentation pour les journaliers nourris : Salaires des journaliers nourris. Été Hiver 1882": MERS 2,45 1,30 1892 322208: 2,30 1,24 DOLO SACS EE RNA DU 2,50 à 3 » De 1882 à 1910 l’augmentation passe du simple au double; ce fait est à signaler; nous aurons l’occasion de le coordonner avec d’autres remarques déjà faites dans le sens contraire pour des départements à culture intensive. VIENNE, HAUTE-VIENNE, CREUSE Nous allons maintenant envisager un groupe de départements pour lequel nous possédons des renseignements très précieux. Il s’agit des départements de la Vienne, de la Haute-Vienne et de la Creuse, pour lesquels M. Martial Laplaud, ingénieur-agro- nome, agriculteur à La Trimouille (Vienne), a écrit un excellent rapport sur la main-d'œuvre rurale. Ce rapport a été présenté au Congrès de mécanique agricole de février 1911. Domaine des Prés (commune de Chollet), appartenant à M. Charles Carret, Lauréat de la Prime d'honneur de la Vienne. Salaires annuels F8) 189 ge igio Bergôres.re tit, HS RUES LES 130 160 200 230 Vachers 2 Dee it CR 400 140 160 205 BOUVLETS RUE NE AE SEE ES 300 380 430 470 Laboureurs: 11910 leds UN EEE 300 380 450 510 ChaArTBUIGrSR AL USA en 300 380 450 510 DErVANTES A CALME NS re 205 210 260 300 Estivandiors VER PRE : 130 450 180 200 * | | | | TTL NINENTINS PTT D, F7 LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 119 Voici maintenant pour le domaine de Regner (commune de La Trimouille) le prix de la journée des journaliers : Prix de la journée en 1880 | 1890 TR 1900 1910 Non nourris. Hommes énéte10092692542/5022 2542 5002608275 3. » 23:50 Femmes en été. . . 1,60 249 AP ADEN 2,50 à2:75 Hommesenhiver. . 1 »à1,25 1,50 4,75 2 »à2,25 Femmes enhiver. . néant néant néant néant Nourris. Hommes en été. . . 1,50 4579 DACDAID D ADS, DE RAD Femmes en été. . . 0,60 0,75 4 » 1,50 Hommesen Hiver #4 xp 42,254, 541299 41 9)à1:25% 14% à4,25 Femmesenhiver. . 0,75 0,75 à OGAES Ti Ici apparaît nettement le palier de 1892 et la remontée des salaires dans la période suivante. Ce mouvement est également très net dans les deux tableaux suivants, relatifs aux salaires sur le domaine de M. Laplaud père, agriculteur à Couzeix (Vienne). Salaires annuels en . 1880 1885 1890 1899 1900 1905 1910 Bergères . . . . 130 140 140 160 180 220 240 NAGRETS IL US RUN 70 80 90 100 120 150 . 180 ee OU 230 po. 36h (080. 800.960. 400 Laboureurs. . \ Estivandiers (2 mois d’été). 95 100 100 410 120 1430 150 Journaliers. Prix de la journée en 1880 1890 1900 1910 Non nourris. | Hommes en été. . . . DEN 2,25 2,50 SEAT Femmes en été. . . . 1,25 4,25 1,50 1,75 Hommesenhiver. . . 1,50 4,50 4:75 4,75 Femmesenhiver. . . 075 0,80 ts A+: » Nourris. Homabesen gti 774 50750 2, x 2 502 Femmes en été. . . . 0,90 0,90 RUE 1,25 Hommesenhiver. . . 4 » 4 » 1065 ET) Femmesenhiver. . . 0,50 0,50 0,60 0,60 120 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Dans la Creuse, voici des chiffres comparables avec les précé- dents : EXPLOITATION DE M. LADURE, A MALLERET PRÈS BOUSSAC (CREUSE) Salaires annuels en EE —— 1880 1835 1890 1895 1900 1905 1910 Bergères 0:00 80 80 120 150 150 400 280 Vachers 150-0000 MIS DR 0 027 DS D 320 Bouviers et charre- : 620 à 650 LA LE) SE EN AR EE 300 300 350 380 400 450 et 700 SerVantes NON ENT DEN 0 RAA OEETGO ETS 0250 330 Estivandiers . . . . 80 80 SOI OAI 0 MEE120 160 Journaliers non nourris. Prix de la journée en 1880 1890 1900 1910 Hommes en été. . . ,.,. DATE ARNO PETS SR k,50 Femmes en été. . . . . . . (292 1 DNA UE) 2,50 Hommes en hiver. . . . . . 4,79 1975 225 2,75 Femmesenhiver. . . . . . 1 RES 4,25 1,90 Ainsi dans ces documents d’ordre particulier il nous a été permis de retrouver le double mouvement que nous avons aperçu dans les enquêtes officielles pour tous les autres départements. A ce titre il était intéressant de signaler ces dernières statistiques. Voyons maintenant les prix dans les Charentes. CHARENTE-INFÉRIEURE Voici la comparaison des salaires pour les journaliers : Nourris Non nourris Été Hiver Été Hiver {5 en PEN EST 2,04 1/02 JD 2/5 16927. Le RS NEO RE 194255 AN ie PR ae fe COS PS ET L'augmentation est réelle, mais les chiffres de 1910 ne sont pas de beaucoup supérieurs à ceux de 1882. x MOTTE RINS- VMS, ©, MR D + pin he LEE ee SL PR LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 121 HAUTE-GARONNE Nous avions signalé dès 1862 une infériorité manifeste des salaires dans ce département; suivons les salaires jusqu’en 1910. L'enquête de 1910 fournit sur les salaires des journaliers les renseignements suivants : Octobre à avril Avril à octobre Années DRAM 1 QE DEN EE RE Hommes Femmes Hommes Femmes SOON CHA NE AE Et DJONANO) 56 TAG :: 10,65 dc pee d'A L'EN MLROARS SS 078) ML TGS) 7257 1775 LE ER NA ON a ER AT ER AO A Er A 65 LISE NT TROUS A MON AS Ne AT LR DA 25 On observe en Haute-Garonne, comme partout ailleurs, la diminution en 1892 suivie d’une augmentation en 1910 portant le salaire actuel à un taux inférieur à celui qui était pratiqué en 1882. Notons encore une fois ce fait pour y revenir dans nos conclusions. GERS Donnons ci-dessous le tableau statistique des salaires des journaliers agricoles et des journaliers propriétaires : Hommes Femmes RER EE Hiver Été AS ir LM: 1,20 2,06 195%0179,20 AO LA EN NE 1,05 1,91 1:841:):)02,97 MODES es LE 45002 Dar 2058 ESA AS EST NE ET CE 11 ÿ a diminution continue pour les journaliers femmes; pour les hommes, l’augmentation par rapport à 1882 n’est pas très forte. Toutefois les journaliers reçoivent des salaires plus élevés en 1910 lorsqu'ils effectuent des travaux de récolte ou de sul- fatage : EMEA ETES CECI S NN ARE EMEA NE Es Male NE SEE QUATE » à FTOMNTES SET PEUR EEE SE TER PES NAN EE À D Fenaison . . l HONTE lets PACLRRNE TO ART LE eg EN NA AG er QE en S AMG À POTTER T Er e CE AD Re LES AE RAT ET Per ST ET Moisson. . è |Feimmes 22 à ALNE PS AE LU AN A PTE QE EE OR Hommes au pressoir . . . . NASA SA: Vendange. E Vendangeurs (hommes et pee 1,50 122, ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE BOUCHES-DU-RHÔNE Nous avons rencontré dès 1862 des salaires élevés dans ce département. La comparaison est intéressante à faire pour la région dite des Plaines du Bas-Rhône et de la Crau — et pour les ouvriers et domestiques de ferme : Maïtres- ho Bergers Charretiers Servantes HHBAENEN 0e DDR 347 400 200 LSID EME 70 702 545 751 257 1910-28 700 à 900 600 à 700 600 à 700 300 à 450 Dans ce département l’augmentation est perceptible; cela tient à la proximité d’une ville industrielle et commerçante qui, donnant des salaires élevés, attire sans cesse à elle les ouvriers agricoles dans ses usines et ses maisons de commerce. Il n’y a pas eu de palier vers 1892 parce que l'influence de la ville a été constante. e ISÈRE Les salaires des ouvriers et journaliers agricoles se sont accrus dans ce pays dans d'assez fortes proportions, indiquées dans l’ouvrage : La Petite Propriété rurale de France (Enquêtes mono- graphiques 1908-1909 du ministère de l'Agriculture). Ouvriers Domestiques ILy à vinpt'ans rt SEE MERE 228 2,87 % Actuellement (1909) . . . . . . ser | ce 25 Accroissement des salaires en VInECans Ni", Mere PAU ASE PA TA 32,47% Ces accroissements sont dus à la présente de nombreuses industries dans le pays. Ces industries sont d’ailleurs très dissé- minées sur toute l’étendue du département, du fait de la cap- tation des eaux dans les parties montagneuses; il en résulte LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 123 une augmentation générale des salaires dans tout le départe- ment. Dans l'Isère comme dans les Bouches-du-Rhône l'influence des usines se fait nettement sentir sur la fixation des salaires agricoles. BASSES-ALPES Comparons les salaires des journaliers non nourris. Été Hiver CESAM PERIODE RL DRE 2,80 2,08 LS ONEAPRO CON PRESS COMER 2.78 207% ATOUT CBS AMP eur à, DOVE 512211), 42; 50 Honcalquier ar nc Le 3 » 2 »à2,50 Valensolern 4e 70 Re TE OA Pr pt 2) a 200) DAPRG ES PORN ET RENE 3 3 » (moisson 5 ») Vallée du Verdon et du Var. 3 » 2: AUTO NE AN ARS Den FD She JUL 2,50 Nord du département . . . 8,50à4 » 2 »à2,50 DISTÉTON. SHELL EE SEA an) 2,90 Notons — en passant — l’élévation considérable des salaires dans ce département pauvre au point de vue agricole. Nous avons déjà, au cours de notre étude, fait une remarque à ce sujet; nous la confirmons pour la reprendre dans nos conclusions. Nous ne pousserons pas plus loin nos investigations relative- ment aux salaires comparés des ouvriers de ferme et journaliers de 1882 à 1892. Nous avons multiplié suffisamment les exemples pour pouvoir tirer de ce long examen des conclusions exactes sur le sens du mouvement des salaires. 124 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE CHAPITRE V Le mouvement des salaires de 14882 à 1940. I — DonNNÉES GÉNÉRALES Nos relevés statistiques des salaires, établis avec les données des enquêtes officielles et contrôlés par les renseignements qui nous ont été fournis par des agriculteurs sur des exploitations agricoles particulières, nous permettent de formuler les conclu- sions suivantes quant au mouvement général des salaires agri- coles de 1882 à 1910, soit pendant les trente dernières années. En premier lieu, les salaires de 1910 sont en augmentation sur ceux de 1882. C’est là une première notion qu’il nous a été possible de dégager de l’examen des salaires dans tous les dépar- tements considérés et pour toutes les catégories d’ouvriers et journaliers. Nous n’avons pu prendre en détail tous les départements : notre travail aurait été considérablement accru sans aucun profit pour la soutenance de la thèse proposée par la Société. En étudiant les salaires comparables en ce qu’ils représentent, à des époques différentes, la rémunération d’un travail à peu près identique, nous avons cherché à deviner le mouvement général qui commande, de 1882 à 1910, toutes les déterminations des salaires agricoles. Ce mouvement, nous l’avons deviné, c’est la hausse qui atteint tous les salaires agricoles. Pour rendre plus frappant le phénomène général de hausse du prix de la main-d'œuvre en agriculture, nous avons dressé le ta- bleau ci-après (Voir page 126), donnant la comparaison, pour tous les départements, des salaires des ouvriers et domestiques de ferme. Les documents relatifs aux salaires de 1882 ont été relevés par nous dans l'Enquête décennale de 1882, les chiffres EL A. ne AR LE ns A tr DS SRE 5 De ee Se daté dise LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 125 de 1910 ont été publiés par le Service de la Statistique générale de la France, qui a résumé les résultats de l'enquête de 1910 (1). En second lieu, si l’on établit une distinction parmi les salariés agricoles entre les ouvriers et domestiques de ferme et les jour- naliers, on peut voir que dans l’ensemble les salaires des ouvriers et domestiques se sont accrus d’une façon continue, alors que les salaires des journaliers après avoir baissé de 1882 à 1892 n’ont marqué leur accroissement que depuis 1892. L’augmen- tation des salaires des journaliers est donc à deux temps dont un temps de baisse suivi d’un temps de hausse. Ainsi se détruit la légende de l’aceroissement continu des salaires ruraux depuis 1862 jusqu’à nos jours en ce qui concerne les journaliers. En troisième lieu, l'augmentation des salaires qui est partout n’affecte pas la même intensité partout; nous avons vu, en dépouillant les documents des enquêtes de 1910 et en les com- parant avec ceux des enquêtes antérieures, que les départements à culture riche n'avaient pas toujours augmenté leurs salaires . de façon sensible, alors que les départements pauvres, au con- traire, avaient considérablement haussé leurs prix de main- d'œuvre. Il s’opère donc de ce fait un nivellement des salaires ruraux en France. Sans chercher à deviner les causes de ce nivel- lement il nous semble qu’il était intéressant tout au moins d’en signaler la tendance. IT — CALCUL DE LA HAUSSE Ainsi l'augmentation des salaires est générale. Nous avons découvert le mouvement de hausse dans tous les départements et pour tous les travaux agricoles. [1 nous semble maintenant que le moment est venu de chercher à en calculer l’amplitude. Mais ce n’est pas chose aisée car les documents que nous avons utilisés ne sont pas toujours comparables, ils sont variés comme les situations agricoles qu'ils ont analysées, et il nous faudra, pour calculer un chiffre avec exactitude, nous borner à ne prendre que deux ou trois types d'ouvriers bien définis. (1) Bulletin trimestriel de la Statistique générale de la France. Janvier 1913. cos D. Lo LE. | 009600ÿ à lait dan "4 à rabat Èe PE vols 00ÿ e 008 gce 06 r 00€ Go £ 96€ « 68€ D een EE COS er M TES D ET , 006 PR 00€ O1& 008 P 0GG og1 008 oùg 008 e 009 08€ PR LD TS ES ÉTEND IT 00€ R O&I or 09e 00& 911 « 08 « &0G DE APE Te ee DS ME AT OTTE TA OI « O1& 006 e 00 ogt ocG e 00€ 07 0GG p 00€ 09 CN ARE CEE RC COUR IC TOUS een RE :c1 : JB OGt R OGI GIG oc e oce LG: « 00€ « (4, PR ER OR = te D DOUTE) 00€ 8 or gtx 00G B 0G£ Ggt « 9L1 " 6gc CH OS NC CE EC CT ET *SI9r) 00€ R OGI 008 00G P 008 OI « oce 008 e 00g (usrd PR EEE EE (CON TT) TU OH) OG£ PR 0G& 118 009 e 00! .ÿa1 00€ e 00! ge o0L e 009 L9y ASE, ARE Ari PSS Rte RE et DIEU E) OGI R O9! 86 0G£ PR 00€ oL « yc « ôct MEET de en à LM NOUS TS UT 009 8 00€ ceg 006'I ÿoc 068 e 0Gg 98C 008 e 00G L8y RATE TS TO RER SEAT ONE 0-9 NN) « «6c à « 118 « O1G & cLy RTE, eee RER Te OT OG£ k 00€ O8I 00Ûe oc! og « gli à 0g& et dre RE NE OUI ET = 00€ R 008 10& 00 P OG& OI « got « 98€ LOT EURE CAR Ne RE OT OT] D 00f 001 Grr 006 8 0G& grt « agI * OC& PRET COMPTE TOO le CE AIT RE * aufopio(] © « og1 « ag « cg1 « 18€ EE Ce LE en NT ONE EPL AT O E) A 0G& ER OCI 66 00!/e 00€ cg Cal e 06 99 « 9Gi LS ES SE ae MD TO NEND=R910") 2 0617 E U9E LG: 0ÿG e 09€ 081 0g£ 4 00ÿ Le OÿC e 00€ QE AR RO SR ES DINEION © 00 R O&I &II oc} e oGe 06 « c8 « ogz LR D tr Mer Et BE D tee es 9 AO) A 09e 09! &1G « &Li 000 e 00ÿ &9& O8 r 0C9 cg PT BCE RS CREER et A DE TES TO IT") © 0CG R 00% ÿLr 00G P 0G& Ig1 « gr « 08& FT 7 7 7 9 * * : een Juj-oqu9areq) em 00€ og1 &GI 009 & OU gri « igr « LLe DES TS ANG en PR ETS ONE) 00! 8 008 o6r 006 P OC& g11 00€ R 001 Lôr 006 P OCZ 11€ RTL SR PNA EN EN ER ETUI ES) 009 OZ1 £sa 009 OCT oL1 00€ R 00ÿ Leg « 96e FRERE PEN OA SRE LEO DU ATEN) el ocÿ re 081 00% ogL er ogt 008 006 00G Lye 006 e 009 00! D D EN OT OU OUUI-NP-SOHONUT © OG£ k 00€ 0G& 00€ P 00! CTI 001 r 009 ogl « ge TS dar MR OS DS Ne D HET OT ATOS 7 à 89c oÙy 00€ s 00€ È C9G A TE CAR ed CAT Eee Etre æ Yoye oc LT gche cLe Yec cgL e oz eye +99 v occ ay 7 RUE EURE NS EN RTS SE OUT D « ogr « ac « aGI « o8& RE NE SP PE CA Re REA een PS ET Da o&Ye 09€ pet 009 € 0ÿG go * vec th 69 re More eee ee see) Fe ee Dre SaUU9PIY 00e 00€ oGI 000 e 00! 001 « ogI « cez HAT NE Re Me ROM nec et QUO NUY < ogÿ7e 09€ &g1 o&L e 009 g£r « YYc « ogg PR NS EUR TO UNE ME SOTUTILIB US OUT = 00€ R OC& gGi 006 e 00! CTI « ÿLi « 3GG D PET OMEGA EE ny & OCS P OBI Lar 00 00€ Vel « 98& « 196 ES PES RE TRES ESS SCT A 00ÿe 00€ gyI 009 00! gGt « gôt « Gzg NES É PR RE ES HEC EE CET TE NIIR 00€ P 00€ cie 009 00€ 00€ 000" 1 R OC£ 019 0G9 e 00€ 0GG LENS re . LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 149 ; $ 6. Prix des vins (A). La Statistique agricole annuelle du ministère de l'Agriculture fournit un relevé du prix des vins sans tenir compte des diffé- - rents produits spécialisés, bordeaux, bourgogne, anjou, hérault, etc. Les chiffres indiqués dans le relevé sont donc des chiffres + moyens qui seront comparables entre eux tout en ne donnant É aueune idée du mouvement régional du prix des vins. | Voici ces chiffres calculés par périodes : - ; Prix Périodes de l'hectolitre (moyenne) HO MELA DR SE RES TE RAT Ne Th 39 ,42 OM Lu ONE RE UE UN Se Sn ET en ASIE SIRE NE ES Te: LI METOMO SRE RE EE an nn 49,47 La baisse est évidente et ininterrompue depuis 1881. Néan- * moins il y a un relèvement sensible dans ces dernières années : Prix Années de l'hectolitre AO PS TN SE PR Ne a PA VE TiDé 12,23 DODO PR PERTE PER diner, 16,83 LR TR RE RP GA PE ti 16,91 UT Ne MP AIR NS A PP EE 16,02 DOI P EE ET VAR ET SA RTS 18,36 LT Se SERRE Et ONE RE RENE 38,88 TMS SRE MR RE QE A 29,70 $ 7. Prix des légumes et des fruits (B). _ Ces prix sont extraits du volume Salares et Coût de l’exis- » tence à diverses époques jusqu’en 1910 et concernent ceux qui ont . été payés par l’Assistance publique de Paris (approvisionne- _ ment des Halles). Prix du kilo (moyenne) Périodes RS IR EE Légumes Fruits 1 eref 6 EC R RE P 0,323 0,521 AS AO A Che 27 4 07349 0,473 LIDIAO ON MES" ee 0,230 0,354 La baisse est générale. | - ANN. SCIENCE AGRON, — 4e SÉRIE — 1915 10 150 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE $ 8. Les récoltes et les prix. A la suite de cette revue des prix des produits agricoles, une remarque d’une importance capitale s’impose. On pourrait nous objecter que les récoltes ont eu, par leur qualité et leur quantité, une influence sur les prix. Ainsi entendu, le mouvement des prix n’indiquerait pas un des conditionnements de l’agriculture, muis une des conséquences de la loi de loffre et la demande qui n’au- rait pas d'intérêt pour la discussion de notre thèse. Nous voulons, en effet, faire apparaître un mouvement des prix, dépendance des conditions économiques générales dans lesquelles évolue la culture du sol et non une influence des récoltes,sur les prix. Or, si nous étudions les prix en Amérique, nous trouvons un mouvement analogue à celui que nous avons constaté en France. Prix sen cents v des produits agricoles ci-dessous indiqués (1). SARRA-= ZIN POMMES E PÉRIODES COTON MAIS LÉ AVOINE ORGE SEIGLE TERRE LARMES ER SES EVENE CNE CNRS 1880-1889 . . . . 320 582 608 641 512 1890-1899 . . . . 278 433 523 507 481 1900-1907 , . . . 33/4 460 593 603 560 Les récoltes n’ayant pas été mauvaises ou bonnes à la fois dans les deux continents, il faut évidemment conclure de l’exa- men de ces chiffres un mouvement général, universel des prix indépendant de la valeur qualitative ou quantitative des récoltes. Il était intéressant de fixer ce point avant de porter un juge- ment sur le mouvement des prix des différents produits de 1870 à 1910, en France. : (1) Voir Crop Reporter published by the authority of the Secretary of Agri- culture. December 1908. Washington, D. C. 1 1 à : LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 151 CHAPITRE III Le mouvement des prix des produits agricoles de 1870 à 1910. Nous avons suivi dans le chapitre précédent le prix des pro- duits agricoles de 1870 à 1910, et nous avons fait partir, autant que possible, nos statistiques de 1860 ou 1870, pour situer, nous le répétons, le mouvement des prix entre ses véritables limites. D'une façon générale nos relevés de prix ont permis d'établir l’allure du mouvement de la presque totalité des produits agri- coles et ce mouvement serait caractérisé par l’oscillation sui- vante : CT 19 Une hausse des prix de 1860 à 1880; la hausse se continue d’ailleurs jusqu’à l’année 1885 environ; 20 Une baisse des prix de 1880 à 1900, isolant dans le temps la période dite de la crise agricole; 30 Un relèvement des prix de 1900 à 1910. Toutefois, et nous insistons particulièrement sur ce point, dans l’ensemble les prix de la période 1901-1910 restent infé- rieurs à ceux de la période 1871-1880. Tels sont les résultats de notre étude statistique des prix des denrées agricoles de 1860 à 1910; nous sommes donc amenés, à la suite de cette revue du prix des produits du sol, à formuler une conclusion presque identique à celle que nous avons écrite dans la première partie de notre travail. Nos recherches sur les salaires agricoles et nos recherches sur les prix des denrées pro- duites à la ferme nous permettent d’établir un parallélisme entre les salaires et les prix des produits agricoles. À l’aide des données de ns tableaux de chiffres puisées dans la première 152 ANNALES DE LA'SCIENCE AGRONOMIQUE partie et dans la seconde partie de notre étude, nous avons dressé les graphiques suivants relatifs : 19 Aux variations des salaires des journaliers non nourris, des demestiques et servantes de ferme ; 20 Aux oscillations des prix du blé et de la viande. GRAPHIQUES Les courbes ont même allure générale : leur examen montre une coïncidence très nette de périodes de hauts prix des denrées et de hauts salaires. Inversement, lorsque les prix des denrées s’abaissent, les salaires restent stationnaires ou presque (ouvriers et domestiques de ferme) ou s’abaissent également (journaliers). Ainsi dans une certaine mesure qu'il est difficile d'apprécier, les prix des salaires agricoles sont commandés par le prix des produits; en d’autres termes, la productivité de l’agriculture influe sur les salaires. La fonction salaire croît avec le prix des denrées vendues par l’agriculteur employeur; c’est la notion que nous voulions dégager de nos recherches, pour montrer qu'en agriculture comme dans l’industrie, la détermination des salaires n’est pas laissée à l’arbitraire des employeurs, mais qu’elle est sous la dépendance de faits économiques, et notam- ment : De la valeur des bénéfices de l’exploitant; De l’abondance ou de la rareté de la main-d'œuvre; De la valeur intrinsèque de la main-d'œuvre. La fonction salaire, nous l’avons vu, est à trois variables. Nous en avons négligé deux, les deux dernières, pour examiner l’in- Îluence de la première, et c’est ce qui ncus a amené à démontrer l’étroite dépendance des prix et des salaires en agriculture. Pourrait-1l y avoir influence des salaires sur le prix des den- rées? Il n’est guère possible de l’admettre, car les salaires ont haussé de 1892 à 1900, ainsi qu'il est aisé de le constater dans quelques-unes de nos statistiques, alors que le prix des produits ne cessait de baisser. La relation de cause à effet ne se peut donc . à VARIATIONS DES SALAIRES OUVRIERS ET DOMESTIQUES DE FERME —— Domestiques. rm. DeLvantes. JOURNALIER NON NOURRI — Salaire d'hiver. VARIATIONS DES PRIX DES DENRÉES 2,20 PRIX DE LA VIANDE Prix du kilo de viande nette à La Villette. (rre qualité) MOYENNES DÉCENNALES mms MCE TS lens mr NV APTE —.—. Veau. +++ Mouton. f À PRIX DU QUINTAL DE_BLÉ France entière. MOYENNES DÉCENNALES ti Mu. és di . l'stbiot dt sut + in ds nt 4. ; Les sd, dt dde à ni Nr FRS 5 ét mn: LU 4 77,72 Lodt, v dr te et ae midi +8 de bide hs ii de vhs nhhrslh ae dé Le, à dti did: RE, cé de ds à À) n'as di; 24 L LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 155 entendre que dans le sens : prix des produits à salaires; le prix des produits est la variable et le salaire est la fonction, et ceci est tellement vrai, que les salaires ont haussé plus vite que les denrées, ainsi qu’il est loisible de le constater en superposant par la pensée les courbes des salaires et des prix. Cette différence de niveau des courbes des salaires et des prix tient à ce fait que la fonction salaire n’est pas à une seule variable, mais bien à plusieurs variables, et, en particulier, la rareté de la main-d'œuvre en réduisant l’offre des bras a contribué à enchérir le prix de la main-d'œuvre, ajoutant son influence à celle des prix des produits. Ainsi se précise l’action de la variable statique de la main-d'œuvre. Comparons pour terminer les hausses des salaires et les oscil- lations des prix. CHAPITRE IV Comparaison de la hausse des salaires et du prix des produits agricoles. Les prix des produits agricoles se sont tous relevés depuis une dizaine d'années. Ce phénomène que l’on a qualifié de vie chère a augmenté les profits des agriculteurs par l’élévation des recettes en face de dépenses ne s’accroissant pas dans les mêmes propor- tions. Il ne faudrait pas exagérer l’influence de ce relèvement des prix sur les profits, et lorsqu'on parle de la hausse des denrées alimentaires et, conséquemment, de la hausse des produits agri- coles, on paraît supposer que les prix ont atteint dans ces der- nières années un taux inconnu jusqu'alors. Or, il n’en est rien. Nous avons calculé à l’aide des tableaux 156 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE statistiques du chapitre IT le taux des oscillations des prix entre les périodes 1871-1880 ou 1881-1890 et 1900-1910. Autant que possible nous avons préféré comparer les prix pratiqués en 1871- 1880, avant la crise agricole, avec ceux de 1910; car dans nos confrontations avec les salaires, 1l est plus logique de prendre le prix moyen de 1871-1880 et le salaire moyen en 1882, que de prendre le prix moyen de 1881-1890 qui ne correspond plus avec le salaire de 1882. Le tableau suivant résume toutes nos comparaisons : Prix des denrées, PRODUITS VÉGÉTAUX Blé entre 1871-1880 et 1900-1910 . . . . . . . . Baisse de 21% — 1881-1890 et 1900-1940. . . . . . . . . Baisse de 8% Avoine entre 1881-1890 et 1900-1910 . . . . . . . Hausse de 3% Pommes de terre entre 1881-1890 et 1900-1910 . . . Baisse de 16% Betteraves à sucre entre 1881-1890 et 1900-1910 . . Hausse de 6% Vins entre 1881-1890 et 1900-1910. . . . . . . . . Baisse de 45% PRODUITS ANIMAUX Entre 1871-1880 et 1900-1910 : Le prix du kilo de viande, de bœuf a baissé de . . . . . . . 10 % — —— de vache abatissé de: 572225 - — de-veau.a"baissé dé EE 09767, —— — de mouton à haussé de. . . . . 10 % — = deporc arbaissésdef.s. NEA GE Sous-produits de l'élevage. Beurre de 1871-1880: 1900-1910 : : 2... Le ttPaissecde ct Laït de 1881-1890 4 4900-1910 : . : =: 1 2 Paisse des 2e Fromages de 1871-1880 à 1900-1910. . . . . . .:. . . Baisse de 27 % Produits horticoles. | * Légumes de 1881-1890 à 1901-1909 . . . . . . . . . . Baisse de 28 % Fruits de 1881-1890 à 1901-1909 . . . : . . . . . . ._ Baisse de 30% Salaires. \ OUVRIÈRES ©T DOMESTIQUES DE FERME Hausse des salaires de 1882 à 1910 Charretiens se INR NU RECRUE OR ME à Bérgersss, SSP Er LE Lere NARR E Domestiques "25 sert RER PUDEE PS POSNNRRT ETRE Servantes. 2% 7kst SE SRE ES ee SE RP MST SET AÉNEE SR Le db dE" die hou sde À à LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 157 Journaliers non nourris. Hausse J de ; 1882 à 1910 4 CE USE PONE NE O ECS RG NEA EE Là: DDR PNR PR Te es le is 1e 2 7 AU ste te) AE ‘ D'un côté — prix des denrées — la baisse pendant la période trentenaire envisagée est partout ou presque; d’un autre côté — salaires — la hausse est partout. Il est vrai que depuis 1910 les prix des produits agricoles se sont accrus, mais nous devions comparer — pour rester logiques — les prix de ces produits en 1910 avec les salaires de 1910, puisque ce sont les chiffres les plus récents et officiels que nous possédions sur cette question. De notre revue des salaires et des prix résulte donc cette notion que les salaires se sont accrus beaucoup plus vite que le prix des produits agricoles ; le faible relèvement des prix de 1909 à 1910 n’a même pas atteint le niveau des cours de 1871-1880, alors que les salaires agricoles fort une ascensicn de 85% (1). Les agriculteurs ont donc consenti un lourd sacrifice pour conserver la main-d'œuvre dont ils ont besoin, et il est d'autant plus utilé de le déclarer aujourd’hui, qu’on les accuse dans quelques milieux d’être les artisans de la vie chère. La hausse des prix toute récente, et encore peu élevée, ne compense que très faiblement les lourds sacrifices et les pertes id Ci,a:l.s": : 14 Liga ab abeé it de bé |! 4 . | È . À (1) Le double phénomène de la hausse des salaires et de la baisse des prix des produits agricoles s’observe d’ailleurs aussi nettement à l’étranger qu’en Franec. Le journal angleis The Economist du 14 octobre 1911 publie les chiffres suivants dus aux calculs du professeur BowLey. : Prix de détail Années Salaires des. denrées alimentaires POODET TEE RDS a Sr tree 1e7 PAUL ET et Le 100 125 HT Ts, At ER SNS AE A CL ce 101 10% hate Re Ro et PS ENTRE RE Le CANTER PME 114 98 MR es CO tS 2 LOUE PRET 115 QE OO RE Ce IS LE Due. és 120 95 NUE ARRSERR PE RE e RU A 123 3 1 Re TR RE CR 0 EST AE 128 100 158 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE que les agriculteurs ont soufferts et subis pendant la crise agricole. Malgré cette augmentation considérable des salaires, les ouvriers agricoles désertent les campagnes. Nous allons essayer de dire pourquoi. Cette désertion, cet exode rural comme on l'appelle, compromet l’avenir de notre agriculture nationale. Nous allons essayer d'indiquer, sinon le remède, du moins des remèdes à cette crise de la main-d'œuvre. OR NNPEN ENT rvur ES 0 RL R n| Le AS sam sn du ho M éitén ns de dd Dé | NU qd de ST dd TROISIÈME PARTIE DES MOYENS DE SUPPLÉER AU MANQUE DE LA MAIN-D'ŒUVRE CHAPITRE I Les salaires agricoles et l'exode rural. ÏI. L’EXODE Malgré l’augmentation énorme des salaires agricoles depuis trente ans, les ouvriers ruraux désertent de plus en plus les travaux de la campagne. Dans toutes les régions de la France les agriculteurs se plaignent du manque de main-d'œuvre. Ils se demandent avec anxiété s’il sera possible, demain, de conti- nuer à cultiver la terre. Le nombre des ouvriers se réduit dans des proportions considérables. M. Pluchet estime qu’en Picardie depuis vingt ans les villages ont perdu 25 % de leurs habitants; des villages au nord-ouest d'Amiens auraient perdu dans le même temps 60 % de leur population (1). Dans la Côte-d'Or, l'Enquête sur les salaires agricoles donne la statistique suivante, relative à la diminution du nombre des salariés. (1) Commission internationale d'Agriculture (Enquête sur la désertion des campagnes. Organisation des petites propriétés rurales.Grédit agricole et coopération). Congrès de Madrid. Mai 1911. Paris, Librairie agricole de la Maison Rustique. 1912. 160 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Catégories 1892 1910 Différences J li non propriétaires. . . 5.314 5.055 — 259 QUEUES À bropriétaires. . . . . 9.525 140.326 + 800 Domestiques à gages . . . . . . . 13.737 8.945 — 4.792 28.576 24.325 — 4.251 Les domestiques à gage diminuent dans de fortes proportions. Voici pour la Gironde des chiffres du même ordre : Catégories 1892 1910 Différences à (non propriétaires. . . 19.748 25.088 + 5.340 liers : RASE Jouer nets PO oO 0 A Domestiques à gages . . . . . . . 30.288 15.204 —15.084 66.687 61.013 — 5.674 Dans presque tous les autres départements, les directeurs des Services agricoles signalent la diminution du nombre des salariés agricoles; il est regrettable que le questionnaire de l'Enquête de 1910 n’ait pas prescrit la comparaison du nombre dessalariés en 1882, 1892 et 1910. On aurait saisi facilement alors la gran- deur du phénomène de l’exode et mesuré la perte des bras pour l’agriculture. Dans une note sur la main-d'œuvre rurale en Touraine, M. J.-B. Martin, directeur des Services agricoles, montre que le nombre des journaliers et domestiques ruraux en Indre-et-Loire diminue d’année en année (1). Journaliers Journaliers Domestiques non petits et propriétaires propriétaires servantes HIDE PDT AN E RERS 7.818 7.149 21.913 LILLOISE UNE SRE EN ES 4.654 6.102 14.662 Enfin, pour terminer par une considération d’ordre plus gé- néral, rappelons une des conclusions du Recensement général de la population effectué le 5 mars 1911. Les rédacteurs du rap- (1) Voir Compte rendu du Congrès de Mécanique agricole organisé par la Société nationale d’Encouragement à l’agriculture. Février 1911, au siège de la Société, à Paris, 5, avenue de l'Opéra. 2 sis niche us disait Des th tés dote dt nil di s(Lr'äs lens é-2 # la des: à, be An di + tale n dot ll bind AP OPEN CE PONT VON NT PCTV CU PONT 7 | | TNPPFIR TENNIS sgh lt nibgte d et 2 LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 161 port situent la diminution de la population rurale par la compa- raison en 14906 et 1911 du nombre des communes dont la popu- lation est inférieure à 400 habitants; ce sont évidemment des communes rurales, et le recensement a montré que leur nombre s'était accru de 668 unités. Par contre le nombre des communes de 401 à 2.500 habitants est tombé de 18.878 à 18.211, soit une différence en moins de 667 communes. Or, comme au total le, nombre des communes n’a augmenté que de 20 unités, il faut admettre que l’accroissement du nombre des petites communes dont la population est inférieure à 400 habitants s’est fait aux dépens de celles dont la population est comprise entre 401 et 2.500 habitants; il y a dans ces limites des communes rurales, et d'autant plus que l’on se rapproche de 401. I1 résulte clairement de ces quelques chiffres une diminution notable de la population rurale par l’augmentation évidente du nombre des très petites communes. Et ce phénomène est, en fin de thèse, nettement mis en lumière par les chiffres suivants (1) qui permettent de pénétrer dans le détail : Nombre des communes entre ——— 200 et 300 360 et 4oo ‘400 et 500 DODGE SE Ep ET 5.260 4.306 3.341 LORS AT a Que 5.361 4.332 3.242 La population rurale diminue et la diminution porte surtout sur les salariés, ainsi qu'il est facile de s’en rendre compte en examinant quelques chiffres extraits des statistiques officielles : Personnel des établissements (Forêts et agriculture) (2). Chefs Employés et ouvriers Travailleurs isolés ——— — © PR Masculin Féminin Masculin Féminin Masculin Féminin 1896. 1.822.010 1.250.738 2.185.975 1.073.650 1.604.014 412.824 1901. 2.016.780 1.438.627 2.086.175 802.470 1.374.658 406.302 1906. 2.528.249 2.249.632 1.975.770 688.060 938.150 385.441 (1) Résultats statistiques du recensement de 1906, t. I, 1re partie, p. 31, et Dénombrement de 1911. Résultats publiés par le ministère de l’Intérieur en 1912, p. 851. (2) Zbid., 2° partie, p. 182. 162 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE II. LES MOTIFS DE L’EXODE Cet exode a-t-il été déterminé par une infériorité des salaires ruraux? Nous avons découvert une hausse dans l’ensemble, d’au moins 55 °/o depuis trente ans, mais ces salaires ruraux sont-ils à parité des salaires industriels? 11 n’est guère possible de lad- mettre pour les journaliers. Dans un ouvrage magistral, La Crise de la main-d'œuvre en agriculture (1), M. Souchon, professeur à la Faculté de Droit et à l’Institut agronomique, a dressé le tableau suivant donnant la comparaison, pour quelques départements, des salaires agricoles (ouvriers non nourris) et industriels. Salaires moyens re Je re che Mer Départements gere sr ee nl ss re de RSR Aer SES EEE 3,50 à 4,50 4,50 Hautes-Alpes. . . . . 3-50 425 y 3,90 Calvados: Re SSD Er Un) 4,90 Charente-Inférieure . MS NL 4,80 DoubseeT*: RER ES) k,98 Drôme. Sert: 3 » k,94% Finistère. CR EE re 3,93 Gers. . . 8 »43,50 3,55 Hérault . . 2 2,75 à 4 » 4,82 Ille-et-Vilaine. . . DE DNS AND RD PAR, 47 Indre-et-Loire 3.» à 5» REED Jura. . . re 2:00 4105 4,78 Loir-et-Cher . . 3: 507à°9,75 4,11 1844) PERF MF ALI LS ACER 2.50 43580 3,50 Lot-et-Garonne. . 4h: 5182525 4,25 Meuse. . ss, , 2,504 4» 5,41 Hautes-Pyrénées . . 2,75 à & » 4,61 Sarthe. : 3,50 à 4 » 4,60 Deux-Sèvres . . Rs 5 240 4,68 Ainsi les salaires donnés aux ouvriers des villes sont, dans l’en- semble, supérieurs aux salaires d’été des ouvriers agricoles non nourris, et les salaires d’été sont plus élevés à la campagne que les salaires d’hiver. (1) A Paris, chez Arthur Rousseau. 1913, t. IV, 22 partie, p. 500. CE, D din A abord ed de latins dr ds a loft, doués à a lérieis codes lé See SEL SES SSL Sr cn AE nn ce à LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 163 Voici maintenant la comparaison des salaires des ouvriers et domestiques de ferme avec les salaires des ouvriers d’industrie. Nous avons emprunté nos renseignements, comme M. Souchon d’ailleurs, d’une part à l'Enquête sur les salaires agricoles pour les ouvriers agricoles, d’autre part à l’ouvrage Salaires et Coût de l’existence à diverses époques jusqu’en 1910 pour les ouvriers d'industrie; ce dernier document donne pour un ensemble de 34 professions urbaines le salaire moyen journalier. Pour rendre les résultats comparables il nous a fallu évaluer la nourriture des ouvriers et domestiques de ferme à 500 francs par an et faire abstraction d’un logement qui ne se compose pas toujours d’une chambre. Dans l’industrie nous avons adopté une moyenne de 300 journées de travail. A l’aide de ces données nous avons pu dresser le tableau suivant : Salaires annuels Départements Ouvriers agricoles DR DA EN EE Ouvriers Désignation Salaires urbains MUR Ne ir. est DÉTOETS see. 1 .020-à: 1.299 1.791 BoucHES - DU - RO Peters (plaine de la Crau, Bas- | Re [1.100 à 1.200 1.800 RON) RE Anim Wei ILLE-ET-VILAINE. . . . . Domestiques.…... 810 1.231 SRE MMS RE ae ee Liane — 1.000 1.566 SAÔNE-ET-LOIRE. . . . . Charretiers : | —— His tee 0 52 GPOUVICES ere | 850 à 1.100 1.473 — etes M ANOUTE TE ee HAUTE-SAVOIE. 2 5. Vachers.. is... 1.100 1.410 TARN-ET-GARONNE. . . . Domestiques..… 900 à 1.100 1.131 NAENNESL ET PR PRET — 1.050 à 1.200 1.404 SOMME AD Er US si A MOUVICRS ec nee 900 à 984 1.323 AISNE . . . . . . . . . Charretiers ……. | Re Ole eee hf MOUNICTS eee LA (1) 1.494 NET ie ere cr 7 DOIREPHIQUES -….. SEINE-ET-MARNE. . . . . Charretiers 1.130 à 1.540 1.972 SEINE-ET-OISE. . . . . . Domestiques... 1.100 à 1.400 2.061 BR En sr 20e UIDAITORIOTE ua | 4.040 à 1.370 1.377 ER LR ARR ES RO Bergers…......…. : k À (4) Y compris les avantages pécuniaires, mais sans compter les conces- sions de jardins, terres pour pommes de terre, charrois. 164 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Les ouvriers agricoles sont donc à juste titre alléchés par les hauts salaires de l’industrie. C’est une première remarque qu'il était intéressant de formuler. Mais 1l faut pousser plus loin nos investigations dans cette comparaison des salaires. On a prétendu que c'était commettre une erreur d’accepter comme définitives les valeurs numériques des salaires agricoles et industriels pour mesurer les écarts entre eux, car la vie dans l’ensemble est moins chère à la campagne qu’à la ville. Ce qui importe, poursuit-on, ce n’est pas tant le salaire nominal que le salaire réel. Celui-ci, qui est une puissance d’acquisition, permet- trait, à salaire égal, l’obtention d’une plus grande quantité de denrées à la campagne qu’à la ville et un loyer plus important. L’argument est vrai pour le loyer, mais il ne saurait être étendu à l’achat des denrées alimentaires. M. Joppé a fait justice de cette affirmation par la comparaison des prix des denrées à la ville et à la campagne dans le département du Nord (1). Pain Bœuf Mouton Veau Porc Porc Œufs frais salé En io ET kilo kilo kilo FES Alaville . 2. 0 25 M 28 AT ET 56e 1 060 1 Alacampagne. 0,33 1,20 2,70 1,40 14,55 1,50. 0,20 Pommes Beurre Tete Haricots Morue Huile Vin Bière kilo kilo kilo kilo kilo litre litre Ala ville: 3:03 40:08 020-2086 1.060720 A la campange. 3 » 0,08 0,50 1,40 1,30 0,55 0,15 Ces chiffres ne sauraient être généralisés, mais ils suffisent à montrer que si la théorie de la supériorité de la puissance d’achat du salaire agricole à la campagne a pu être vraie autrefois, elle se déforme et se fausse aujourd’hui de plus en plus. L’ouvrier nourri est dans une meilleure situation, mais on nourrit de moins en moins les ouvriers, sauf les charretiers, les domestiques et les servantes qui demeurent attachés à l’exploitation; encore ceux- (1) Joppé, Conditions de salaires et travail agricole des ouvriers dans le département du Nord. Lille, 1910. ds ns dll put êe cumé ait dette le à del dire SL SL SU) ESS LE hui del nr Maui els ? A * 4 ; 4 | < À £ 2 4 LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 165 ci jouissent-ils d'avantages spéciaux que nous avons signalés dans la première partie de notre étude : primes, concession des jardins, de terrains pour pommes de terre, gratifications, étrennes, pièces à l’occasion de naissances, de saillies ou de ventes de bes- tiaux, ete., ete. Et même pour ces derniers l’exode apparaît avec une inteñsité déconcertante, atteignant presque, dans les cas d'exemples que nous avôns rapportés plus haut, la proportion de 50 0. 5 Ainsi se détruit cette légende dont on voulait essayer de faire un baume endormeur pour les populations rurales. On leur disait : « Vous avez à la campagne des salaires plus élevés qu’à la ville; les conditions matérielles de votre existence ne cessent de s’améliorer, et vous êtes plus heureux que vos camarades de l'usine ou de l’atelier, ayant un genre de vie plus sain et des occupations plus variées. » Les ouvriers ruraux ont cherché eux- mêmes la comparaison, pendant leur service militaire notam- ment ; ils ont fait sans parti pris la balance des salaires et mesuré lPétendue des chômages à la ville au regard des périodes de chô- mage involontaire à la campagne. Et s'ils se sont découvert quelque intelligence ou quelque aptitude pour une occupation ‘industrielle, ils ne sont plus revenus à la campagne. D’ailleurs on -place son capital-travail comme on place son capital-argent avec le même objectif d’un taux toujours plus rémunérateur. Il a semblé à l’ouvrier rural qu’en plaçant ses aptitudes dans l’indus- trie 1l augmentait ce taux de placement. Voilà tout. Les meilleurs ouvriers ruraux sont ainsi partis vers la ville, attirés par les hauts salaires d’une industrie qui se développait sans cesse, et cela parce que la productivité de l’agriculture aug- mentant il devait naturellement en résulter un accroissement de ses facultés de consommation. Il est incontestable que depuis une donne d'années l’indus- trie, le commerce, les transports ont fait un sérieux appel de bras pour répondre à la demande de la consommation, et il a été néces- saire d'augmenter le nombre des ouvriers employés; ils ne pou- vaient venir que des milieux ruraux, et ce n ‘est là que la suite d’une évolution que notre ancien maître, M. Daniel Zolla, profes- ANN. SCIENCE AGRON. — 4€ SÉRIE — 1915 11 166 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE seur d'économie rurale à l’École de Grignon, a très clairement définie ainsi (1) : « En réalité, l’exode rural nous apparaît comme la conséquence nécessaire d’un déplacement de la population, déplacement que justifie le développement de lindustrie, du come des échanges et des transports. « Est-ce donc là un mal, un signe de ruine et un présage de misère ? « Notre conviction profonde, au contraire, c’est que le dépla- cement de la population, déplacement limité, réduit à ses propor- tions véritables, spécial aux salariés agricoles, doit être considéré comme la conséquence du développement extraordinaire de la produetion rurale et du bien-être général dont l’agriculture a bénéficié. Produisant plus de matières premières et de denrées alimentaires sur un sol mieux cultivé, le cultivateur est devenu un consommateur plus exigeant. L’immense consommation de l’agriculture, plus productive et plus riche, a provoqué l’accrois- sement de la production industrielle en contraignant cette der- nière à réclamer des travailleurs nouveaux qu’elle attire par des salaires plus élevés. « La prospérité de l’agriculture n’a pas d’ailleurs été entravée par cette épreuve spéciale qu’elle supporte vaillamment, dont elle triomphe même intelligemment depuis quarante ou cin- quante ans, car l’exode rural imposé par la force des choses est un fait observé depuis longtemps. « Enfin l’augmentation de la population industrielle constitue pour l’agriculteur un encouragement parce qu’elle lui ouvre un débouché. « En laissant de côté les considérations secondaires qui expli- quent d’ailleurs l'exode rural ou en atténuent visiblement les dangers apparents, on peut voir que ce phénomène n’est pas la condamnation de notre régime social, pas plus qu’il n’est le pré- curseur de la ruine de l’agriculture. » | (1) D. ZozLa, L’Agriculture Moderne, pages 323 et 324. Bibliothèque de Philosophie scientifique. Paris, 1913, Flammarion. | | 4 J LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 167 Certes, nous assistons à une évolution économique qui se mani- feste par l’utilisation dans l’industrie des bras employés autrefois par l’agriculture. On peut seulement se demander si l’évolution sera mesurée à l'équilibre nécessaire entre les besoins de l’agri- culture et de l’industrie pour assurer le jeu normal de la produc- tion, en considération des demandes de la consommation; en d’autres termes, si l’industrie par l’appât de salaires plus élevés a le pouvoir d’attirer à elle des ouvriers en nombre toujours plus grand, l’agriculture pourra-t-elle conserver au moins les bras qui lui sont nécessaires pour la culture normale du sol avec ses mul- tiples productions animales et végétales? Le courant d’exode de la campagne vers la ville s’arrêtera-t-1l un Jour? Il est difficile de garder quelque espérance à ce sujet, et la réalité nous apparait - tout autre. Dans le mouvement qui entraine à la ville le valet de ferme, il y a comme facteur déterminant autre chose que la raison économique des salaires; il y a aussi une raison d’ordre social. Le valet de ferme qui devient ajusteur ou employé de chemin de fer gravit un degré de l’échelle sociale. 11 n’est plus un paysan, un domestique; il devient un travailleur libre dans cette industrie que le législateur, de par le vote des lois sociales, a classé au- dessus de l’agriculture dans la considération publique (1). _Voilà pourquoi le mouvement d’exode ne s’arrêtera pas; 1l est la marque d’un phénomène d’ascension sociale, et si, comme l'écrit M. Zolla, il faut l’accepter comme une nécessité parce qu’on ne peut pas l’enrayer, il convient de chercher à en limiter la por- tée sur l’exécution des travaux agricoles. -_ (4) Pour être complet, il y aurait lieu de noter d’autres raisons de l’exode que nous tenons pour secondaires, quoique leur influence ne soit pas niable : 1° Monotonie de la vie aux champs; _20 Journée de travail mal définie (grande longueur des journées en été au moment des travaux pénibles et fatigants). Nécessité, même pendant les repos, de donner des soins aux animaux de trait; 39 Mauvaises conditions du logement; 40 Repos hebdomadaire difficile à observer. Nous ne nous attardons pas à discuter ces reproches faits habituellement à la condition du salarié agricole; ce serait sortir du cadre des questions qui nous ont été posées par la Société; il était utile néanmoins de signaler ces raisons de l’exode des ouvriers ruraux. 168 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE C'est ce qui va faire l’objet des chapitres suivants. Nous allons examiner la possibilité de suppléer au manque de main-d'œuvre par : Le développement du machinisme et la motoculture ; L’immigration des ouvriers étrangers en France; L’aide des pupilles de l’Assistance publique; L’aide des jeunes soldats et les migrations intérieures; La modification des systèmes de culture. Le moment n’est plus de gémir sur l’infériorité des salaires ru- raux, car on ne peut faire cesser cette infériorité. Alors que dans l’ensemble les prix des produits agricoles ont baissé depuis une trentaine d'années, réduisant les profits des cultivateurs, les sa- laires agricoles ont haussé de 55%, réduisant encore les profits des cultivateurs. Peut-on demander encore aux employeurs agri- coles de consentir un nouveau sacrifice en élevant les salaires jusqu’à concurrence de ceux de l’industrie? Nous ne le croyons pas, du moins quant à présent, et il importe au contraire de ré- duire leurs charges, en proposant quelques solutions sur la base actuelle des salaires. : CHAPITRE II Le développement du machinisme }. la motoculture. $ 1. Les machines agricoles. Il apparaît en premier lieu que la machine pourra remplacer … les bras disparus. Ainsi en a-t-il été déjà dans le passé; les culti- n vateurs, méfiants par nature, ne sont venus à la machine que con- traints par la nécessité, et la machine n’est entrée à la ferme qu'après le départ des ouvriers. Il s’est passé là un phénomène … inverse de celui qui s’eët passé dans l’industrie où le perfection- 3 nement des mécanismes aboutit souvent au renvoi des ouvriers. … D'ailleurs les faits sont là, et dans nombre de régions la culture PA LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 169 serait impossible à l’époque des grands travaux sans l’aide des machines. Il faut envisager leur emploi comme une impérieuse nécessité, et il convient de préciser les conditions de cet emploi. Il est incontestable que le nombre des machines agricoles s’est accru en France au cours de la seconde moitié du siècle dernier. En compuilsant les statistiques décennales on mesure aisément le développement du machinisme en France. Désignation 1862 1882 1892 Charrues simples . . ë 3.109.468 3.404.489 — polysocs. PRES | 3.206.524 | 157.719 198.506 MÉones Cheval es 0 ET 25.846 195.410 PARETUE Machines à-batire rs 75 4 | 100.733 211.045 234.380 Demoirs MÉCANIQUES . . . . : . . . 10.853 29.391 52.375 DAMES ee EE IT ven 9.442 19.147 38.753 Moissonneuses. . . PR SA ee Er 8.907 16.025 23.432 - -Faneuses et râteaux à cheval . . . . 5.649 27.364 51.451 L'augmentation porte surtout sur les machines destinées essen- tiellement à remplacer la main-d'œuvre, houes, semoirs, machines à battre et instruments de récolte. Depuis 1892 le nombre des . machines s’est accru dans des proportions plus considérables. A défaut de documents généraux nous citerons seulement deux statistiques véritablement démonstratives à ce sujet et qui intéressent l’Indre-et-Loire et la Haute-Garonne. INDRE-ET-LOIRE (1) 1892 1910 Hatebenses me AT AL ETS 200 10.000 MOISSdNNENSES Le, 12 130 4.000 Rateaur et faneusess er 550 8.000 $ HAUTE-GARONNE Progression des instruments de récolte existant à la propriété de 1888 à 1908 dans la Haute-Garonne. Moissonneuses Moissonneuses Fauch impl : LORD TS 0 POUR. CT 200 50 10 PO 07 DL re 450 180 60 LORS AE 7.000 1.500 800 CRT RE AE TEEN 15.000 25.000 1.200 (4) Voir compte rendu du Congrès de mécanique agricole de 1911, précité. VE . 127 re: NOT A RTS PTS 170 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Est-ce à dire que l’emploi des machines ayant atteint dans notre pays son développement maximum, il n’y a plus place pour de nouvelles introductions dans nos exploitations rurales? La progression de leur nombre indique seulement l'intensité crois- sante du besoin, et puisque l’exode rural continue, il faut main- tenant développer encore l’outillage. Un spécialiste autorisé, M. Ringelmann, professeur de génie rural à l’Institut agrono- mique, estime que notre agriculture devrait disposer, en plus du nombre des machines actuellement en usage dans nos exploita- tions rurales, de : 450.000 semoirs mécaniques (1); 300.000 faucheuses; ( 400.000 moissonneuses. Si l’on admet qu’une moissonneuse peut remplacer dix hommes, on aperçoit immédiatement l’économie de main-d'œuvre qui pourra résulter de l'emploi de ces nouvelles machines. Mais le problème qui se poseraït ainsi n’est pas dans la pratique aussi aisé à résoudre; la machine agricole ne pourrait être employée partout et dans toutes les situations. Et M. Ringel- mann a pu écrire avec beaucoup de justesse : «On peut dire d’une façon générale que la moissonneuse et la faucheuse sont d’un emploi économique lorsqu'il y à une vingtaine d'hectares de céréales ou de fourrages à récolter; le semoir sur 15 hectares. x (Des calculs relatifs à certaines exploitations de Seine-et-Marne nous ont montré que la moissonneuse-javeleuse et la moisson- neuse-lieuse ne sont d’un emploi économique que dès qu'il y a plus de 15 hectares de céréales à moissonner chaque année.) « Avec les chiffres précédents on voit que ces trois machines (semoir, faucheuse et moissonneuse) ne peuvent être la propriété de l’exploitant qu’à la condition qu’il cultive les étendues précé- dentes, ce qui suppose un domaine d’au moins 60 hectares. » Or, d’après la statistique de 1892, il y a dans notre pays 5.550 exploitations de 1 à 40 hectares cultivant 24 millions d'hectares cité. (1) Voir compte rendu du Congrès de mécanique agricole de 1911, pré- NE de dé done Lt lat ie : inéé dé sh note filet Eu sohadfan (ht 24 TD ARE 4 UE Sur A PRE PE PT LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 474 (c’est-à-dire plus de la moitié de notre territoire agricole), qui ne pourraient posséder en toute propriété les machines qui ren- dent tant de services aux grandes fermes (1). Il en résulte que, dans la grande majorité des cas, les cultiva- teurs ne pourront recourir personnellement à la machine; ils ne le pourront faire qu’en s’associant, et l’association syndicale . apparaît dans notre pays de petite culture comme un des moyens de suppléer au manque de la main-d'œuvre. Au sujet de la for- mation de ces groupements, M. Ringelmann dit encore : « L’asso- clation pour l’emploi en commun de machines agricoles ne peut être intéressante que pour certaines machines; la charrue, la herse, le rouleau, le hache-paille, le coupe-racines, etc... doivent être la propriété de l’exploitant. Le semoir, la houe, la faucheuse, la faneuse et le râteau peuvent déjà être employés en commun, tandis que la moissonneuse, la locomobile et la batteuse, le trieur, le concasseur ou le moulin sont tout indiqués pour les associations, Citons aussi l’emploi de machines et appareils propres à la des- truction des insectes nuisibles, à la lutte contre les mauvaises herbes ou les maladies cryptogamiques. (€ Pour notre part, nous ne croyons pas que les associations d'agriculteurs doivent effectuer en plus de leur usage la location du matériel à forfait à n'importe quelle personne; elles feraient _ alors concurrence aux entrepreneurs et dans ce cas devraient supporter les mêmes charges (patentes, ete….). « Le mieux nous semble de favoriser l’association d’un petit nombre d'agriculteurs voisins pour l’achat de machines et pour leur emploi limité aux seuls membres de l'association; mais il ne faut pas que chacun puisse prendre la machine à sa charge pour la faire fonctionner sans souvent savoir la conduire; ce serait ouvrir la porte aux contestations qui ne manqueraient pas de se manifester à la suite d’une usure rapide ou d’une rupture survenue à une pièce, chacun cherchant à éviter de supporter les frais de la réparation. L'association doit non seulement acheter (1) Voir compte rendu du Congrès de mécanique agricole de 1911, pré- cité. 172 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE la machine, mais aussi se procurer un ouvrier conducteur allant successivement travailler dans les différentes fermes et s’occu- pant de l’entretien; les frais qui incombent à chaque membre de l’association se répartissent facilement suivant l’étendue ou la quantité travaillée. Rien n’empêche qu’en dehors de ce service temporaire, l’ouvrier-mécanicien rural se charge, sous certaines conditions, dela réparation du matériel appartenant personnelle- ment aux associés. Enfin, si l’on avait la chance de réunir plu- sieurs associations voisines, on pourrait les fédérer pour les placer sous l’inspection ou le contrôle d’un homme compétent de la localité capable de donner d’utiles conseils au plus grand profit de tous. » On ne saurait mieux définir le rôle de l’association syndicale pour l’achat et l’utilisation en commun du matériel agricole. Ainsi la petite propriété pourra bénéficier des avantages de Pemploi du machinisme pour suppléer au manque de main- d'œuvre, à la condition de résoudre encore une dernière question. Il s’agit du remembrement de la propriété. L'emploi des machines est à peu près impossible dans les champs de petite dimension, ou tout au moins 1] demeure peu économique notamment à cause des détourages. Aïlleurs ce sont les servitudes de passage qui em- pêchent la circulation des machines et il apparaît que le remem- brement de la propriété, qui peut se faire par les soins des ingé- nieurs des améliorations agricoles, devra précéder l'introduction des machines. ss Alors le problème sera résolu pour la petite culture; la grande culture s’aidera elle-même dans cette transformation, si elle ne l’a déjà opérée depuis longtemps. Reste la moyenne exploitation qui ne peut pas toujours acqué- rir de suite un outillage perfectionné, parce que les moyens finan- ciers dont elle dispose lui interdisent, du moins dès le début de la prise de ferme, les immobilisations de fonds. C’est ici que le crédit agricole pourra rendre quelque service en avançant aux exploitants les fonds nécessaires à l’acquisition du matériel indispensable; mais ce ne sera pas le crédit à court terme, dont les délais de remboursement expirent au plus tard à la récolte és Une dinde à nt at ét Die us ee ; 4 | é . dant beta dE do ed SN a dr à LS dde cd NC | È LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 173 qui est annuelle. Ce sera le crédit à moyen terme dont les bases ont été jetées notamment par la Caisse régionale de Crédit agri- cole mutuel de la Vendée, et défendues par son président, M. Chatelain, ingénieur agricole, au septième Congrès national de la Mutualité et de la Coopération agricole (Clermont-Ferrand, 20-24 août 1913). Le montant des prêts dont le maximum serait à 5.000 francs serait remboursé par effets semestriels répartis sur cinq années ; ainsi le remboursement serait aisé et on le garan- tirait, soit par la caution du propriétaire, soit par un warrant agricole, soit par une inscription hypothécaire. L'influence de l’industrie de la construction n’est pas à dédai- gner dans ces directions, et il apparaît bien que les deux conditions suivantes doivent être imposées désormais aux machines nou- velles. En premier lieu, les mécanismes doivent tendre vers la simplicité, simplicité de construction surtout, car les ouvriers agricoles sont de par l’exode de moins en moins intelligents, et il faut des machines à pièces facilement démontables à ces ou- vriers qui n’ont aucun apprentissage. En second lieu on ne saurait trop encourager les constructeurs à combiner les appareils pour économiser le plus de bras possible; à ce sujet, l'annexion à la batteuse du système batteleur a réalisé un remplacement des bras disparus, et ce fut même encore une économie de salaires; le brabant qui permet de travailler une étendue plus grande que la charrue peut également conduire à une économie de salaires, et c’est bien là un progrès universellement apprécié partout où le labour en planches peut être supprimé. $ 2. Moteurs hydrauliques et moteurs industriels. } L'économie de main-d'œuvre peut même être poussée plus loin par ce développement du machinisme, et il est permis de prévoir dans l’avenir une utilisation des sources naturelles d’éner- gie. Il y a, disséminées un peu partout sur nos rivières, des chutes d’eau abandonnées ou insoupçonnées même, pour les- quelles il y a lieu de domestiquer la puissance et de canaliser la force qui serait distribuée dans les villages environnants suivant 174 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE les besoins des cultivateurs; les hache-paille, coupe-racines, bas- teuses, concasseurs, écrémeuses prendraient le courant, et il n’est pas impossible d'obtenir des constructeurs la définition d’un type de dynamo réceptrice à bon marché. L'association des culti- vateurs s'impose évidenunent pour l’utilisation de la chute. Mais il n’y a pas de chutes d’eau partout et les cultivateurs des régions sans eau seront-ils alors déshérités? Heureusement non. D'abord l’industrie construit maintenant des moteurs dits agricoles dont le prix d’achat et l’entretien sont de plus en plus proportionnés aux ressources de l'exploitation rurale, et les culti- vateurs y ont déjà fait un vigoureux appel. Puis 1] y a, notam- ment dans les régions industrielles, des usines génératrices qui donnent l'électricité à 30 centimes le kilowatt contre 25 à 30 centimes, qui est le prix de revient par chute d’eau avec l'amortissement des frais d'installation. Le prix est égal, mais il y à des difficultés en ce sens que la consommation agricole d'électricité est très variable; si l’on ajoute la demande d’éclai- rage à la demande de force, on peut constater que la consomma- tion n’est pas soutenue, et l’usine travaille à plein débit au regard d’une utilisation partielle, ce qui aboutit à un rendement mau- vais du capital; ces inconvénients qui s'opposent actuellement à la vente d'énergie électrique aux cultivateurs disparaïîtront lorsque l’on concevra le véritable rôle de l’électricité en agricul- ture. 11 semble, écrit à ce sujet M. Malpeaux, directeur de l'École d'Agriculture de Berthonval (1), « que l’on n’a pas jusqu’à pré- sent tiré tout le parti possible des propriétés des moteurs élec- triques; on s’est borné à les employer pour remplacer les moteurs existants animés ou inanimés, alors qu’il y aurait mieux à faire. en considérant les travaux d'intérieur de ferme dans leur ensemble et en cherchant à les exécuter électriquement avec le minimum de main-d'œuvre. Quand les exploitations agricoles seront ainsi organisées, elles consommeront des quantités d'énergie électrique notamment plus élevées qu’actuellement. La conclusion de cette constatation, c’est que dans les contrats à passer par les com- (1) Les Applications de l'électricité en agriculture. Arras, 1943. R 1 | | 4 | . : . | | E ; | 4 Du ns RS St un ce AN RM £" », er sont les services départementaux qui trouvent à la campagne aussi des ressources qu’ils apprécient pour le placement de leurs enfants (1). » Il serait puéril d’insister sur les avantages que cette main- d'œuvre peut offrir à nos agriculteurs désemparés; il y a lieu seulement d’insister sur ce point de nature à retenir un moment l'attention des cultivateurs. Aucune idée d’exploitation ne doit (1) L'Organisation du travail dans les entreprises agricoles, par M. F. Cox- YERT. 4913. Bureaux dela Reoue de Viticulture, 35, boulevard Saint-Michel. 192 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE venir à l'esprit de ceux-ci, et il est bien évident que les jeunes pupilles devront être traités avec autant d’égards que les autres domestiques de ferme sous le rapport du logement et de la nour- riture, si l’on veut qu’ils aiment la terre et la campagne, et qu’ils s’y fixent après leur majorité. Déjà les économies qu’ils font sur leur salaire les encouragent à rester aux champs. Voici un tableau extrait de l'Enquête sur les salaires agricoles et qui montre Ja progression des épargnes faites par les pupilles sur leur salaire dans le département de l'Isère : Effectif : Erectif hésles } RL INN CRE ra total Rte caisse Pise + He d'épargne Que 13 ans CUS PRESS AE 929 #07 12.880 31,6 TR TR nt NP EX re 848 367 15/8285 L0048)59 LODEL AR NPA 071 453 18.084 40 » CCR ENST ARTS 882 408 20.503 50 » 1900 MNT MANN 4880 405 23.500 58 » AOC LPTAN PERL RER AT 886 359 25.500 74 » 1002 PS UPPER Mar 899 358 29.160 81 » LION EU nse 911 384 29.987 80 » LORIE 892 392 31.553 80 » 100. ete omrenn de 915 407 35.600 86 » DODGE DR LCR En DNA 417 40.000 96 » … LE] POS EtneE 7 ME 913 390 43.000 110 » LOUB AAC MINE MN EEE 927 384 43.650 113 » L'IDO ART LA ol TAG 394 48.096 122 » « On admet, écrit le directeur des Services agricoles de l’Isère, que le chiffre de la caisse d’épargne représente à peu près les deux tiers des gages payés par les patrons, et que le tiers com- plémentaire équivaut à l’entretien. Cette épargne ne peut être mathématiquement assimilée à une fraction précise des gages, lesquels ont suivi la hausse générale évidemment, mais avec une élasticité qui dépend des exigences du service. Quoi qu’il en soit, la progression est régulière et prouve à nouveau l’accroissement ininterrompu des salaires agricoles. » La remarque est juste, et les chiffres prouvent aussi que les selaires des pupilles ont suivi la hausse générale. C’est pour 3 LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 193 l'Isère ce qu’il fallait démontrer, et ce doit être, pour les autres départements dans lesquels on utilise les pupilles deW’Assistance publique, l'objectif à atteindre si l’on veut garder devenus des hommes ceux qu’on aura su accueillir lorsqu'ils étaient enfants. IT Dans ces questions de main-d'œuvre, aucun effort n’est à négliger, car tout concourt malheureusement à raréfier les bras à la campagne; c’est l’évolution économique; c’est aussi, dans un autre ordre d'idées, les nécessités de la défense nationale. La nouvelle loi militaire portant de deux à trois ans le temps * de présence des jeunes soldats sous les drapeaux a contribué à diminuer dans nos campagnes la main-d'œuvre qui se pouvait employer aux travaux des champs. Nous ne discutons pas la valeur de la loi que nous estimons bonne, mais nous pensons que ce sacrifice nécessaire, imposé aux masses rurales, devrait être compensé par quelques avantages. On a inscrit dans la lot le principe de longs congés de droit pouvant aller jusqu’à qua- rante jours. Tout le monde sera admis à en profiter, mais les fils d'agriculteurs pourront ainsi venir en aide à leurs familles à l’époque des grands travaux. Ainsi fera retour aux champs, et au moment du besoin, cette main-d'œuvre de bonne qualité parce qu’elle est composée d’hommes jeunes, vigoureux et enten- dus aux choses agricoles de leur pays. Mais on pourrait aller plus loin. 11 ÿ a dans nos régiments, et surtout du fait de l’application de la loi de trois ans, une masse de jeunes hommes d’origines diverses, il est vrai, mais en excel- lente santé, rompus aux fatigues physiques, entraînés aux mar- ches et aux exercices du corps. Ne serait-il pas possible de prêter temporairement ces énergies latentes à l’agriculture qui s’en trouverait bien? La culture du sol demande périodiquement, et à l’époque des grands travaux seulement, un supplément de main-d'œuvre dont elle ne trouve pas toujours l'emploi en d’au- tres temps; il semble donc assez naturel de puiser dans ce grand L “ 194 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE réservoir d'hommes qu'est l’armée qui fournirait, suivant les besoins, la main-d'œuvre que lui demanderait l’agriculture. Le profit serait pour tous; pour l’armée d’abord qui retrouve- rait au retour des champs des soldats plus vigoureux, dévelop- pés par la vie au grand air et les durs travaux agricoles; pour l'État, qui réaliserait de sensibles économies en ne nourrissant pas pendant quelques semaines les soldats qui consentiraient à devenir « laboureurs »; pour les soldats qui, avec une période de demi-vacances (tout est vacance loin de la caserne! ), rece- vraient une somme d’argent qui serait la bienvenue; enfin, pour les agriculteurs qui trouveraient dans les soldats une main- d'œuvre d'excellente qualité. M. Méline, ministre de l'Agriculture, avait défini dans le Petit Journal du 5 mars 1913 le rôle bienfaisant des longues per- missions. «11 n’est pas douteux — écrivait-il — qu’en faisant du sys- tème des permissions un usage intelligent et raisonné, en les adaptant bien aux différentes saisons et aux différentes régions, on pourrait arriver dans une large mesure à restituer aux agri- culteurs la plus grande partie de la main-d'œuvre dont ils ont besoin à certaines époques de l’année et on parviendrait ainsi à leur faire accepter plus aisément la prolongation du service militäre jugée indispensable. «La concession ne serait du reste qu’apparente, et ferait autant de bien à l’armée qu’à l’agriculture; en retrempant régulière- ment nos soldats dans le travail des champs on ajouterait à leur force physique, on augmenterait leur endurance; ce qui vaudrait mieux encore, on entretiendrait en eux le goût des choses de la terre en les arrachant aux plaisirs frelatés des villes, aux séduc- tions inséparables de la vie de garnison, en les rendant au grand ar et au grand soleil, à la vie libre et indépendante, aux joies reposantes de la famille. Une telle leçon de choses vaudrait cent fois mieux pour ramener à la ferme les enfants de nos agricul- teurs, que les cours d'agriculture qu’on a imaginé d’imposer à nos officiers, et qui, si bien faits qu’ils soient, tombent dans le vide glacial des salles de conférences. » LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 195. Il y a là une organisation nouvelle à créer. L'Allemagne dans certaines provinces l’a déjà compris. Les chefs de corps entrent en pourparlers avec les agriculteurs qui leur font des offres de travail fermes, et la discipline n’y perd en rien de sa rigueur. Faisons en France des soldats-laboureurs ou, plus exactement, des soldats-moissonneurs. III Nous ne dirons rien des migrations intérieures qui sont les déplacements des ouvriers agricoles de régions à régions. Hélas! dans notre pays, comment la main-d'œuvre partout insuffisante pourrait-elle se déverser périodiquement de place en place? Si ces courants de migrations n’ont pas disparu dans notre pays, comme celui des camberlots qui demeure toujours aussi puissant, il n’en est pas de même des, autres dont l’importance diminue. Les croûterons de la campagne normande diminuent; ici c’est la dépopulation qui est en cause. Les mésadiers du Plateau Cen- tral reviennent à chaque campagne moins nombreux et on sait que la concurrence étrangère les repousse dans leurs montagnes. Et partout les courants se ralentissent. Peut-être y a-t-il cependant une situation à exploiter qui reste aujourd’hui encore mal comprise, parce que les agriculteurs et les ouvriers s’ignorent dans leurs demandes et dans leurs offres. C’est à les rapprocher que s’appliquera une jeune société dite Société nationale de Protection de la main-d'œuvre agricole, dont le siège est à Paris, Bourse du Commerce, bureau n° 178 (1). (1} Gette société s’occupe également du placement des ouvriers polonais, 196 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE CHAPITRE V La modification des systèmes de culture. L'exploitation du sol nécessite le concours de trois facteurs de la production : la terre, le capital et le travail; si le premier est de quantité déterminée en une situation donnée, encore que la qualité peut en être sérieusement augmentée, si le second qui est une épargne sur les produits du sol est proportionnel à la valeur de ces produits, le troisième échappe en quantité et en qualité à la volonté de l’exploitant. Longtemps la main-d'œuvre qui est le facteur travail a suffi dans chaque région à assurer l’exécution des travaux de la terre; les cultures maraîchères ont réclamé beaucoup de bras; l'élevage n’a de tout temps nécessité qu’un concours très restreint d'ouvriers. Puis le courant d’exode est venu; de chaque village les ouvriers s’en sont allés vers les industries qui les attiraient, et le facteur travail s’est amoindri. Déjà les machines ont remplacé les bras disparus, puis les ouvriers étrangers sont venus qui ont pris la place des manquants, mais l’exode continue et, demain peut-être, telles cultures seront impossibles qui n’auront plus de main-d'œuvre pour les conduire et les -récolter. Ce sera le cas des betteraves à sucre; ce sera le cas des céréales, peut-être aussi le cas de la vigne. Et alors la crise de la main-d'œuvre ruinera-t-elle l’agriculture après que la crise des prix lui a porté un coup terrible dont la blessure est à peine cicatrisée? Il est possible de s’alarmer, il n’est pas permis de désespérer. Nous ne sommes plus en aucun point liés par les ressources 4 rétilits LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 197 locales pour la consommation des produits; la facilité et le bon marché des transports n’obligent plus à la polyculture régionale, et la spécialisation peut et doit être la règle si elle est adaptée au sol et à l’importance des capitaux de culture. En d’autres termes, le problème de la détermination des systèmes de culture ne se pose plus dans des conditions identiques aujourd’hui et autrefois, .et M. Hitier a pu rappeler à ce sujet une phrase très juste de Lecouteux, ancien professeur à l’Institut agrono- mique (1) : « Tout l’atteste dans l’histoire des siècles comme dans l’examen de nos situations agricoles contemporaines, l'exploitation du sol a ses périodes, ses lois naturelles et ses lois économiques, et les divers systèmes de culture sont les caractéristiques de ces périodes, la résultante de ces lois. » Ainsi le grand agronome a, d'un mot, défini la caractéristique de l’agriculture qui est la variabilité des systèmes de culture au gré des lois économiques. I] y a là une magistrale conception et l’amorce de tout un enseignement; le problème de la détermi- nation des systèmes de culture se précisera d'autant mieux que nous aurons rassemblé les éléments économiques qui concourent au calcul de sa solution. II Mais nous devons limiter le sujet, dont l'ampleur atteindrait aux limites mêmes de l’économie rurale. La main-d'œuvre seule importe ici, et au regard du nombre des bras dont il dispose, l’agriculteur a déjà le choix entre plusieurs plans de culture. D'abord il est des cultures qui exigent une main-d'œuvre abondante et en tout temps, comme la culture maraîchère; à un degré moindre, la culture des terres à betteraves et à blé du Soissonnais, du Nord, de la Brie, du Valois, demande une grande (1) Hrrier, Systèmes de Culture et Assolements. Paris, 1913. Librairie agricole de la « Maison Rustique », page 2. ANN. SCIENCE AGRON. — 4e SÉRIE — 1915 13 198 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE quantité de bras — domestiques de ferme pendant toute l’année et tâcherons pour les binages, les démariages et l’arrachement. Entre les deux se place la vigne, qui réclame une main-d'œuvre saisonnière extrêmement abondante. En voici une idée : « Dans telles grandes propriétés de l'Hérault, écrit M. Hitier, comportant 227 hectares de vigne, on emploie outre une vingtaine de domes- tiques à l’année, 40 ou 60 journaliers en morte-saison, 100 à 120 en temps ordinaire, 200 à 220 lors des grands travaux, 500 en vendanges. La somme des salaires sans le compte de la nourri- ture s’y élève de 85 à 90.000 francs par an. » Puis il y a des cultures qui nécessitent une main-d'œuvre féminine; c’est lorsque certains travaux sont délicats comme ceux de l’égrappage des raisins dans les forceries des environs de Paris, ou qui ne demandent qu’une force réduite comme la cul- ture et, mieux, la récolte des fleurs. Enfin certaines exploitations peuvent être familiales comme la culture du mûrier et l’élevage du ver à sole, à tel point même, déclare M. Hitier, « que s1 cet élevage est confié à des salariés il n’est pas productif : 1l ne devient avantageux que lorsque le cultivateur utilise le travail de sa femme et de ses enfants » (1). Voïlà les éléments du problème qui ressortent du chapitre de la main-d'œuvre; c’est en les faisant intervenir dans la discussion que l’agriculteur moderne trouvera la formule du système de culture qui peut, seul, convenir à la situation envisagée. Le problème ne comporte pas deux solutions; il n’en peut com- porter qu’une que la statique et la consistance de la main-d'œuvre imposeront. Le déterminisme dans ces questions est étranger à la personne de l’exploitant; 1l est dans l’essence de l’économie de la main-d'œuvre. Plusieurs questions seront à poser dont les réponses fixeront le choix du système à adopter. D’abord, quelles ressources de bras sont à compter dans la localité? Ensuite, l'emploi des ma- chines doit-il permettre le remplacement des ouvriers qui feront défaut? Enfin, l'immigration étrangère apportera-t-elle le (1) H1T1ER, Systèmes de Culture et Assolements. 1, ni LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 199 contingent nécessaire à la culture, que l’on se propose simple- ment de poursuivre, de la succession de l’ancien exploitant? Ainsi entendu, le problème appuie sa solution sur les considéra- tions que nous avons étudiées auparavant, et ceci explique que nous ayons réservé l’examen des modifications des systèmes de culture au lieu de le placer au début de notre revue des moyens de suppléer au manque de la main-d'œuvre. Ce n’est donc pas seulement l’importance des capitaux qui décidera — comme hier — du choix du système de culture. Un nouvel élément entre en jeu sur lequel il faudra beaucoup compter : le nombre des bras et quelquefois leur consistance (si l’on veut désigner par ce mot le nombre des hommes, femmes et enfants). Un système sera possible si la région est susceptible de fournir la main-d'œuvre réclamée par la succession des cultures, sinon il faut changer l’assolement, car on risquerait de placer sur une valeur aléatoire ses capitaux d’exploitation. Quelquefois la nature du sol indiquerait la culture dominante, que la main-d'œuvre rend impossible; il faut se soumettre. Ailleurs les transformations sont possibles et il ne faut pas dif- férer à les effectuer. L’exemple de la Lorraine est à rappeler : « En Lorraine, rapporte M. Hitier, avec le développement si intense de l’industrie dans la région de Nancy, Lunéville, Longwy, etc, on ne trouve plus guère d'ouvriers, d'hommes, d’enfants, qui veulent travailler la terre; et l’on voit alors dans cette région de la Lorraine s’étendre de plus en plus les « parcs » et les her- bages. La chose ici était facile à un autre point de vue; les sols lourds et gras des marnes du lias ou des marnes irisées de la Lorraine se prêtent tout particulièrement à la création d’her- bages, et les débouchés pour la viande ne cessent de croître avec l’augmentation de la population dans cette région industrielle. Les conditions du milieu naturel et économique y sont done des plus favorables à cette transformation. «Mais, ajoute M. Hitier, il est des milieux où les qualités du sol sont autres et conviennent admirablement à la culture du blé, de la betterave, et où l’on a dû, néanmoins, «coucher en herbe»une grande étendue de terres en labour faute d’un personnel suffi- 200 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE sant pour cultiver ces dernières; nous pourrions citer à cet égard telle exploitation célèbre des environs de Douai dont la trans- formation du système de culture dans le sens que nous venons d'indiquer est tout à fait caractéristique (1). » Ces transformations peuvent d’ailleurs être envisagées par le propriétaire ou par le fermier ou locataire rural. Le propriétaire, s’il a quelques connaissances agricoles, pourra orienter lui-même la transformation, et il sera bien contraint quelque jour d’en venir à étudier le problème agricole s’il veut assurer la location de ses biens-fonds. Si on lui demande des her- bages, il devra créer des herbages ou les laisser créer sur ses pro- priétés. Si on lui demande de petits domaines à exploitation familiale, il y viendra pour ne pas s’exposer au chômage de ses loyers. Un exemple intéressant de cette répartition en petits domaines d’une grande propriété rurale a été donné par M. Hitier dans l'ouvrage Systèmes de Culture et Assolements. 11 s’agit de la terre de Versailleux dans les Dombes, appartenant à M. P. de Moni- cault, ingénieur agronome : « Le tableau de la répartition des cultures à Versailleux en 1860 et 1915 est à cet égard aussi caractéristique qu’intéres- sant (2). Chemins Terres Prés Années PARA IPTE Pâturages Étangs Bois Incultes ROBOT 25 300 80 » 280 15 50 409 Ne 25 150 90 200 180 85 » « Le propriétaire a conservé en régie directe les pâturages, les bois et les étangs; il a mis en ferme 350 hectares. En Dombes, comme dans la plupart des pays pauvres, un des gros obstacles à une meilleure culture provient de la grande étendue des fermes. Celles-ci ne sont nullement en rapport avec les ressources dont dispose le fermier, un ouvrier agricole le plus souvent plus riche en courage qu’en capitaux. Aussi M. de Monicault a-t-il consti- (1) Hirier, Systèmes de Culture et Assolements. Précité, p. 21. (2) Hirier, Systèmes de Culture et Assolements. Précité, p. 109. PEN NE CENTS ST ON ENT F2, LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 201 tué, autant que possible, des domaines qu’un fermier pût à la rigueur cultiver seul, ou en tout cas bien soigner avec l’aide d’un seul domestique et d’une seule servante, tout le temps voulu devant être laissé à la fermière pour s'occuper utilement de la basse-cour, un des meilleurs produits des domaines de ce pays. « Les domaines de Versailleux de 24 hectares comprennent : 6 hectares de prés, 6 hectares de pâturages, 12 hectares de terres arables alternativement en blé et en jachère, mais au lieu de jachère nue l’année après blé est occupée en partie au moins par le trèfle blanc ou d’autres fourrages verts, vesces, maïs, etc.….; 6 à 7 vaches et leurs élèves peuvent alors être entretenues dans les fermes, et la femme y élève de 300 à 400 volailles dont la vente suffit à assurer le paiement du fermage. » M. de Monicault a eu en vue la facile culture des domaines ainsi constitués avec une main-d'œuvre réduite, et c'était peut- être le seul moyen d’assurer la location de l’héritage. Quant au fermier, malgré son désir d'apporter quelques modi- fications dans le système de culture, il est quelquefois contraint de subir les conditions du bail dont les clauses sont pour le main- tien d’un état de choses existant. La vieille formule de l’article 1766 du Code civil doit recevoir une interprétation plus moderne; le texte, d’ailleurs. est bien ordonné puisqu'il est dit : «Si le pre- neur ne cultive pas en bon père de famille, s’il emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle à été destinée, s’il n’exécute pas les clauses du bail et qu’il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire rési- lier le bail. » Qu'est-ce donc aujourd’hui que cultiver en bon père de famille, si ce n’est adapter le genre de culture aux conditions _ économiques actuelles? Est-ce que l’objet auquel la ferme est destinée n’est pas aussi bien la production de la viande que celle des céréales? Et quel dommage doit résulter pour le bailleur de l’adoption d’un système de culture permettant la réduction des frais de main-d'œuvre et l’obtention de bénéfices plus élevés, par l’élevage par exemple? Si l’article 1766 est à garder dans sa lettre, c’est l’esprit qu'il faut modifier, c’est l'interprétation qu'il faut adapter aux condi- 202 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE tions actuelles de l’agriculture. Les vieilles formules de baux qui lient les mains des locataires seront avantageusement remplacées par des contrats plus libéraux ouvrant la porte à de justes amé- liorations par le fermier. Mais notre Code ne prévoit pas d’indemnité au fermier sortant amélorateur, et alors cette liberté donnée au locataire d’orienter à son gré le système de culture restera lettre morte si le fermier n’est pas assuré de retrouver quelque jour les avances par lui faites à la culture. Faut-il donc régler par une loi l'indemnité au fermier améliorateur, comme le demande M. Souchon? Ou bien est-il préférable de modifier en ce sens les formules de baux à ferme qui pourraient prévoir un règlement amiable des dépenses d'amélioration entre le bailleur et le preneur à l’expiration du bail. C’est l’opinion de M. Zolla et de M. Hitier, et c’est aussi la nôtre, car l’entente entre les deux parties sauvegardera seule les intérêts en présence, ceux du fermier qui pourra améliorer et ceux du propriétaire qui aura consenti l’amélioration. ITT Enfin, il faut envisager la question à un point de vue plus général. Des esprits inquiets ont formulé des craintes au sujet d'une modification trop poussée des systèmes de culture vers la production du bétail. On craint que la réduction des embla- vures de blé n’amène peu à peu à une diminution de nos récoltes. On voit déjà anéanti le bel effort de nos agriculteurs qui, depuis 1892, à l’abri des tarifs producteurs, ont haussé la production du blé jusqu’à la demande de la consommation — ou presque. On craint de manquer de pain. Cette vue sur l’avenir est pour le moins exagérée. Les réalités sont tout autres, et il n’est pas sans intérêt de reproduire ici l'opinion de Léonce de Lavergne (1). Il s’agit de l’économie rurale de Angleterre vers 1850. (1) Léonce pr LAvERGNE, Essai sur l'Économie rurale de l'Angleterre, P. 51. ; DRE NT Li LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 203 « Toute culture a pour but de créer la plus grande quantité possible d’alimentation humaine sur une surface donnée de terrain; pour arriver à ce but commun, on peut suivre des voies très différentes. En France, les cultivateurs se sont surtout occupés de la production des céréales parce que les céréales ser- vent immédiatement à la nourriture de l’homme. En Angleterre, au contraire, on a été amené, d’abord par la nature du climat, ensuite par la réflexion, à prendre un chemin détourné qui ne conduit aux céréales qu’après avoir passé par d’autres cultures, et il s’est trouvé que le chemin indirect était le meilleur. Les céréales, en général, ont un grand inconvénient qui n’a pas assez frappé le cultivateur français : elles épuisent le sol qui les porte. Ce défaut est peu sensible avec certaines terres privi- légiées ; il peut être d’un faible effet tant que les terres abondent pour une population peu nombreuse, mais quand la population s’accroîit, tout change. « La terre s’épuise plus vite par la production des céréales dans le Nord que dans le Midi; de cette infériorité de leur sol, les Anglais ont su faire une qualité. Dans l’impossibilité où ils étaient de demander aussi souvent que d’autres du blé à leurs champs, ils ont dû rechercher de bonne heure les causes et les remèdes de cet épuisement. En même temps, leur territoire leur présentait une ressource qui s'offre moins naturellement aux cultivateurs méridionaux : la production spontanée d’une herbe abondante pour la nourriture du bétail. Du rapproche- ment de ces deux faits est sorti tout leur système agricole. « Le fumier étant le meilleur agent pour renouveler la fertilité du sol après une récolte de céréales, ils en ont conclu qu'ils de- vaient, avant tout, s’attacher à nourrir beaucoup d’animaux. Ils ont vu dans cette nombreuse production animale le moyen d'accroître par la masse des fumiers la richesse du sol et d’aug- - menter ainsi leur produit en blé. « Dans l’origine on se contentait des herbes naturelles pour nourrir le bétail : une moitié environ du sol restait en prairies ou pâturages; l’autre moitié se partageait entre les céréales et les jachères. Plus tard on ne s’est pas contenté de cette propor- 204 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE tion, et on a imaginé les prairies artificielles et les racines. Plus tard encore la culture des céréales a elle-même diminué; elle ne s'étend plus (1850), même en y comprenant l’avoine, que sur un cinquième du sol; et ce qui prouve l’excellence de ce système, c'est que, à mesure que s’accroît la production animale la production du blé s’augmente aussi; elle gagne en intensité ce qu’elle perd en étendue ; l’agriculture réalise à la fois un double bénéfice. » L'agriculture déjà a opéré quelques transformations dans cette voie, mais les résultats n’en peuvent pas encore être invoqués pour la défense de la cause; car l’augmentation des surfaces consacrées aux herbages et prairies s’est faite aussi aux dépens des terres en friche, des landes et des terres incultes. Cependant les chiffres suivants sont à citer (1) : Terres labourables Prés et herbages (hectares) (hectares) RO9 000) ar 75 0007162 4.603.418 DOTE ES Rene LE. 25.383.105 4.817.603 LES APR AA RTE A ER 23.987.186 6.679.099 Les surfaces en blé se maintiennent : 6:404.063 hectares en 1851-1860 contre 6.568.404 hectares en 1901-1910, cependant que les rendements s'élèvent. Rendement Périodes à l’hectare (hectolitres [2]) ABLE: SUD ARLES EN A LT ESP SCAN 4862-1870 20 ARGUS 1 CT RER En 187422880800 CNE EE LR AE CT A, 1884-4890. 7. 228 00e AT D SMS MERS 1894-4900 a TRE TRES EN DU OUAIS 1904-1940% 26 te es La ee RES En Nul doute que les rendements ne s'élèvent encore le jour où la terre recevra plus de fumiers et des meilleurs, selon la théorie de Léonce de Lavergne. Et puis les découvertes de la science (1) Rapport sur l’ Évaluation des propriétés non bâties prescrite par la loi du 31 décembre 1907. Paris, imprimerie Nationale, 1913. (2) Statistique agricole annuelle (1911). Imprimerie Nationale. LES SALAIRES ET L'EXODE RURAL 205 modifient les méthodes culturales et conduisent à l’augmen- tation des rendements. Il y a là un encouragement à aller vers une production de bétail plus développée; mais il y a un tempé- rament signalé par M. Hitier au sujet de la mise en herbages des terres du lias qui se rencontrent en Lorraine, dans le Bassigny, dans l’Auxois, le Charolais, le Bazois, la vallée de Germigny, la Normandie, etc. « Si avantageuse que soit la mise en herbages des terres du lias, il n’est pas prudent d’y mettre en herbe toute la surface des domaines. Il est toujours sage de conserver quelques champs en coteaux, par exemple, ou sur les plateaux, pour y faire des céréales, des plantes racines, des prairies artificielles comme la luzerne. Cette variété de production est une sorte d’assurance contre les années de sécheresse, Les crises économiques, les épi- zZootles qui pourraient ravager le bétail (1). » Il y a place pour tous les systèmes à la condition de réaliser en France une sorte d'équilibre des productions. Avec l’aide de la main-d'œuvre étrangère, la culture céréale ne sera pas impossible, du moins quant à présent, et dans certaines régions. Ailleurs, on ira vers la production du bétail; mais rien ne sera généralisé parce qu'à des situations différentes doivent correspondre des systèmes de culture différents. Selon la forte pensée de Lecouteux « tout n’est qu piition ». (1) HiTier, Systèmes de Culture et Assolements, p. 80. CONCLUSIONS Nous voici arrivé au terme de notre étude et 1l est temps de dégager quelques conclusions. Nous avons suivi le mouvement des salaires agricoles de 1862 à 1910 et, parallèlement, le mouve- ment des prix de vente des différents produits agricoles; les deux mouvements sont identiques en ce sens que les salaires tendent à diminuer lorsque les produits agricoles sont à bas prix, et se relèvent lorsque le prix des produits augmente. Dans l’en- semble, cependant, une loi plus générale peut être formulée pour définir isolément le mouvement des salaires, abstraction faite de la considération du prix des produits agricoles : Les salaires des ouvriers et domestiques de ferme s’élèvent de 1862 à 1910 ; ceux des journaliers, après une inflexion vers 1892, se relèvent jusqu’en 1910 ; les uns et les autres atteignent aujourd’hui des chiffres que l’on n'avait pas encore constatés. Pire De 1882 à 1910, la hausse des salaires ruraux est de 55%, au regard d’une baisse presque générale des produits de la terre. La hausse des denrées n’existe que depuis une dizaine d’années et les prix des produits restent inférieurs à ceux des cours de la période 1870-1880; la hausse n’est que relative, elle n’est pas absolue. Est-ce à dire que les salaires agricoles sont de nature à garder aux champs les ouvriers? Nous avons vu ce qu’il fallait répondre à cette question en la disséquant en ses véritables éléments. Les salaires agricoles sont moins élevés que les salaires industriels * et au point de vue nominal et aussi au point de vue réel, si l’on envisage la puissance d’acquisition. nn sn née, LP ASLLRLU EE s 2. LES SALAIRES ET L’'EXODE RURAL 207 Alors les ouvriers quittent la terre, attirés par les hauts salaires de l’industrie, et poussés par le désir d’accession à une situation socialement supérieure, désir qui est au dedans de tout homme. Au demeurant, peut-on les blâmer? Non. Ils suivent la loi d’évo- lution vers le mieux être d’abord. Ensuite, il n’échappera à l’idée de personne que les travaux agricoles sont simples et accessibles à toutes les intelligences, et alors si les ouvriers agricoles plus instruits, plus ouverts aujourd’hui au monde extérieur, peuvent dans la société actuelle trouver un meilleur emploi de leurs bras et de leurs cerveaux, pourquoi ne le feraient-ils pas? La société doit-elle perdre à cette transformation des mœurs? Tout le pro- blème de l’exode rural est là. Déjà l’ouvrier agricole est remplacé, par les machines d’abord dont le nombre va croissant, puis par les étrangers qui, de la Belgique, de l'Espagne, de la Suisse, de l'Italie, descendent sur nos terres de France pour y gagner de beaux salaires qu’ils n’ont pas chez eux. P’évolution se continue par le machinisme, et c’est l'industrie qui vient en aide à l’agriculture. L'évolution se con- tinue par l'immigration des ouvriers étrangers, et c’est la produc- tivité même de notre agriculture qui appelle les étrangers à recueillir aussi quelques bénéfices. x Le paysan français devient ouvrier d'industrie; il s’élève, il se classe et concourt au développement de l’industrie nationale, cependant qu’au village délaissé des étrangers sont venus pour le remplacer. Nous sommes dans une période de transition; il s’opère un difficile remplacement des bras par les machines qu’il faut acheter en grand nombre et les étrangers ne rendent pas toujours les services qu’on escomptait. Cette transition est devenue une crise et il faut en sortir. Plusieurs indications ont été données dans cette étude. qui ne sont que l’amélioration des moyens préconisés et adoptés actuelle- ment. Le machinisme se développera par le crédit agricole et par l’association; la motoculture sur laquelle on a fondé beaucoup d’espoirs viendra ensuite aider la grande culture et peut-être la petite par une de ces merveilleuses combinaisons d’aide mutuelle comme il en existe tant dans notre pays; peut-être l'électricité 208 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE fera le reste. Les ouvriers étrangers dont on aura amélioré la qualité par la réforme des agences d'immigration prendront périodiquement le chemin de la France, attirés par les hauts salaires et retenus par les conditions de l'habitat. Ce n’est pas tout. Voilà que les jeunes soldats restent trois années sous les drapeaux; il faut les rendre à leurs parents, aux agriculteurs, au moment des grands travaux alors que par un retour des choses les jeunes pupilles de l’Assistance publique iront s’asseoir aux foyers ruraux qui n’ont plus d'enfants. Et l’évolution se transportera du domaine social dans le do- maine agricole. L'adaptation des systèmes de culture aux condi- tions nouvelles du recrutement de la main-d'œuvre solutionnera en maints endroits le problème de la désertion des campagnes. Il ne faut pas songer à retenir aux champs l’homme qui ne veut plus être ouvrier agricole; les agriculteurs ne peuvent plus hausser les salaires encore; en de nombreuses régions on nous dit que le salaire actuel est un maximum et c’est vrai dans l’état actuel de l’agriculture. Demain — c’est une vue d’avenir que nous permet notre étude — nos populations agricoles plus instruites élèveront peut- être le taux des profits; on luttera contre les maladies des plantes qui détruisent 50 % de nos récoltes, mais il faudra savoir lutter. On pénétrera davantage les secrets de la vie du sol dont les actions microbiennes concourent à la préparation des aliments de la plante; mais il faudra comprendre ce chimisme. On adaptera . les plantes au sol par cette météorologie positive qui n’est qu’une forme de la génétique, mais il faudra être versé dans les sciences naturelles. Bref, on industrialisera l’agriculture qui n’est actuellement qu’une industrie à petits profits. Et alors, par l'instruction des chefs on augmentera la masse à partager et les salaires des ouvriers; On pourra fixer au sol ceux qui seront restés ou ceux qui seront venus de l’extérieur. Demain, les Polonais qui entrent chez nous par l’agriculture s’y fixeront peut-être par le jeu de nos lois sur la propriété; par eux il se constituera dans nos campagnes un réservoir d'hommes qui comblera les vides de notre natalité | APT EERER + PRE EE RP E RU © PEN LAN MS UT PLEPE S R T P PE D Ne VEN OPEN OUR PE PORT ES EU ORP PEER PES UP PES OV CNE NO ONE RE SE AL À PE V2 Li PC AE TR LES SALAIRES ET L’EXODE RURAL 209 décroissante. Et pourquoi ne donnerions-nous pas la qualité de Français à des hommes qui, à plus d’un titre, aiment déjà la France? APPENDICE Ces lignes ont été écrites avant la guerre, en février 1914. Depuis cette époque les conditions de l’agriculture ont été modi- fiées. La main-d'œuvre déjà rare avant la guerre est devenue presque nulle en nombre de régions et son prix a augmenté, cepen- dant que sa qualité laisse beaucoup à désirer. Sans l’admirable effort de nos paysannes de France, les terres seraient restées en friche et la production végétale aurait été réduite dans de notables proportions. Des vides énormes sont creusés dès main- tenant dans les rangs des travailleurs ruraux, la main-d'œuvre étrangère sera diminuée aussi dans sa quantité; Belges, Polo- nais, [taliens seront demain moins nombreux qu’autrefois à nous offrir le concours de leurs bras. | Il sera nécessaire, nous le croyons, de modifier radicalement les systèmes de culture, de pousser très loin la spécialisation des spéculations animales et végétales. Les hauts prix du bétail inciteront les cultivateurs à l’élevage; la culture des céréales s’industrialisera en ce sens qu’elle sera sans nul doute réservée aux grandes exploitations disposant de gros capitaux; par cette industrialisation la grosse culture pourra réduire ses frais d’ex- ploitation au regard de la main-d’œuvre, parce qu’elle opérera sur de grandes surfaces avec des moyens de culture perfectionnés. Si l'élevage pourra demeurer dans les petites exploitations même familiales, la production végétale demandera de grandes exploitations qui développeront leur outillage et feront appel à la main-d'œuvre africaine. Ainsi, il est permis d’envisager un aspect nouveau de l’agriculture française par la constitution de sociétés financières agricoles. | (Décembre 1915.) BIBLIOGRAPHIE Enquêtes décennales agricoles 1862, 1882, 1892 (Ministère de l’Agricul- ture). Enquête sur les salaires agricoles (Extrait du Bulletin mensuel de l'Office des Renseignements agricoles). Paris, Imprimerie nationale, 1912. Salaires et Coût de l'existence à diverses époques jusqu’en 1910. Paris, Imprimerie nationale, 1911. Bulletin trimestriel de la Statistique générale de la France. Janvier 1913. Joppé, Conditions de salaires et travail agricole des ouvriers dans le dépar- tement du Nord (Lille, 1910). Statistique agricole annuelle (1911). Imprimerie nationale (1913). A. 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C. 4 : à : TABLE DES MATIÈRES Pages INTRODUCTION NES NU NAS ONU RE As ET ES AT à de 85 ire PARTIE LES SALAIRES CHAPITRE J: — Les sources de renseignements pour l’étude des sa- DURE SE NL A EU A SAUTER PACE RE ST re 88 — II. — Lessalaires de 1862 à 1892 . . . . . DE Ta er END EEA IE — III. — Considérations générales sur les salaires agricoles de1862 41892 par régions. :. , 2... 0. 95 — - IV.‘— Lessalaires de 4892 à 1910 . . . . . . sn SC R40Z — V. — Le mouvement des salaires de 1882 à 1910. res © 1 L:Données générales .4. {02 Vans ee 124 I'Gacut de la hausse 26 Ana TUE 125 2e PARTIE DES RAPPORTS DES PRIX DES/PRODUITS AGRICOLES ET DES SALAIRES CoAvrne ht" Dafonctionsalaire. net Mes. an JE OR Un 136 — II. — Les prix des produits agricoles de 1882 à 1910. . . 139 SÉLHEMEN GB 'CCTEAlLES TE EEE US DS RTE 139 $ 2. Prix des pommes de terre. Plantes four- DANONE S PACA MEET NS ANUS 143 S13-vPlantes mdustrisiles.. 28". un ie 144 SA Dr ADBEAU (CAES en pe re Poly als 144 $ 5. Prix dessous-produits del’élevage. . . . 146 S6 Em des vins PAR RCE AT Tee 149 $ 7. Prix deslégumeset des fruits (B) . . . . 149 $ 8. Lesrécoltesetles prix. . . . . . . . . 150 — III. — Le mouvement des prix des produits agricoles de d'A P JE CES à AS RS RE OP TOR “151 — IV. — Comparaison de la hausse de salaires et du prix des produits agricoles . . . . . . . . . . . . 155 214 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE 3e PARTIE LES MOYENS DE SUPPLÉER AU MANQUE DE LA MAIN-D'ŒUVRE Pages CuapiTRE I. — Les salaires agricoles et l’exode rural. . . . . . . 159 T. L'exadés 1550 0e et ER SP TE NEREES Le és motaeeue se CE 162 -— II. — Le développement du machinisme Fe Fa ue culture is ne SANT ENS FSU PRE $ 1. Re ni etieu DRE . 168 $ 2. Moteurs hydrauliques et oed abs triels a." ie RER Sa. La motoculture TER IN PERTE — III. — L’immigration étrangère en France . . . . . . . 176 $ 1. Ce que vaut la main-d'œuvre étrangère. . 176 $ 2. Des améliorations à apporter au sort des ouvriers étrangers. . . . 180 $ 3. Comment organiser le recentrer ns la main-d’œuvre étrangère .'. . . 185 — IV. — L’aide des pupilles de l’Assistance publique et des jeunes soldats.— Les migrationsintérieures. . . 190 — V. — Les modifications des systèmes de culture. . . . . 196 CONCLUSIONS 6102 0 NS Le UE NT RS BIBLIOGRAPHIR 2012 SE de es TN EEE EP OT IE NANCY, IMPRIMERIE BERGER-LEVRAULT — MARS 1916 —— ACHEVÉ D'IMPRIMER APRÈS LE 5° BOMBARDEMENT DE LA VILLE au M te -18 76 PP PRE POP ENT ERRTE RRT PR Sn RO 0, 8 | SNS 0 UT 0 © © N°, 0:12 Octobre-Décembre 1915 Ÿ ; 32° année ; tes ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE FONDÉES EN 1884 PAR ILOUIS GRANDEAL PUBLIÉES TOUS LES MOIS SOUS LES AUSPICES DU MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE L'ASSOCIATION DES ANCIENS ÉLÈVES DE L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE 16, Rue Claude-Bernard — PARIS 3 4e Série — 4e Année 3 » ke ee — PRIX EXCEPTIONNEL DU NUMÉRO : 4 Francs 4 Y » - BERGER - LEVRAULT REDACTION 5. Éditeurs ET ADMINISTRATION D-7, RUE DES BEAUX-ARTS, 0-7 21, RUE DU PONT-NEUF, 21 PARIS PARIS * Prix de l’Abonnement : Paris, 24 fr.; Départements et Union Postale, 26 fr. 5 a £, "4 4 4 4 | Adresser les Abonnements à l’Administration, 21, rue du Pont-Neuf, Toutes les communications sont à adresser, selon quelles concernent : L'ASSOCIATION : Rue Claude-Bernard, 16, PARIS. La RÉDACTION, l'ADMINISTRATION et la PUBLICITÉ : Rue du Pont-Neuf, 21, à PARIS. — Téléph. 110-63. COMITÉ DE RÉDACTION DES ANNALES © Membres d'honneur : BUREAU SECTIONS Agriculture... 2 Agriculture coloniale 3 Chimie, physique, méléorologie, mi- crobiologie : . Économie du bétail. Fa en Économie forestière. (=) mutualité, statis- Économie rurale, | tique — Enseignement agri- | LOIEr: RER S: \ 8 Génie rural 9 Horticulture et arbo- } ricüliure == 7 : \ 10 Sciences appliquées à l’agriculture, en- tomologie, parasi- { tologie ) 1 Technologie agricole. 42 Viticulture Secrétaire de la MM. \ FLAMMARION, GAYON, MANGIN. REUSS, TH. SCHLŒSING | & SCHLŒSING FILS. MM. President: ES TISSERAND Vice-Présidents. . . . MUNTZ &HENRY Secrétaire délégué . J.-E. LUCAS PRÉSIDENTS MEMBRES MM. MM. SCHRIBAUX H. HITIER, PETIT, DE MONICAUIT PRUDHOMME CAPUS, DUBARD GIRARD ANDRÉ, ANGOT, BERTRAND, KAYSER MALLÈVRE MOUSSU, M. VACHER HICKEL CHANCEREL, GUINIER J. HITIER LESAGE, DE ROCQUIGNY GROSJEAN TROUARD-RIOLLE, WÉRY, CHANCRIN RINGELMANN DE CONDÉ, VERMOREL NANOT COSTANTIN, D' POIRAULT ! MARCHAL, D' POTIER, MARTIN- D’ R , + EGNARD CLAUDE Ke LINDET MAZÉ, SAILLARD, L. AMMANN VIALA J. CAZELLES, MASSIGNON Rédaction : J. SIMONS Secrétaire administratif : F.-L. BRANCHER 1 3 É 3 Le ‘2 : « # ï Ée # Ë : E L: 4 4 j 4 t t CANTON PR L î dés nf AU PE RUE CRE Ne, > Los Lit a: SECRÉTAIRES MM. PLUVINAGE L. LEFÈVRE BRUNO J.-E. LUCAS GERDIL nl DE dx Et. dé sb hs te, > ul a dé de note) TARDY AIN EUR ENS SAGOURIN mis él COUPAN BUSSARD G. FRON NOTTIN_ P. MARSAIS | SOMMAIRE E. TISSERAND....... Préface. CAAMERT I ALES L'Institut National Agronomique et la Guerre: Là KB à M4 0 5 DSP RAS AN ERENS La Récolte et le Prix du Blé en 1915. F.-L. BRANCHER.... Vers l'Organisation du Travail Agricole. Max RINGELMANN.. Le Génie Rural et la Guerre de 1914-1916. P. SAGOURIN . ....... Les Associations Agricoles et la Guerre. HL'COSNTER: 1... Iofluence de la Guerre sur le Bétail en France. MB HÉUGASEES Er Approvisionnement de Paris en Lait avant et pendant la Guerre. PRÉFACE La mobilisation inattendue a arrêté, en août 1914, toute la vie économique du pays ; les imprimeries ont été fermées : les secrétaires de notre Comité de rédaction ont été appe- lés sous les drapeaux. Les Annales de la Science Agrono- mique ont cessé de paraitre. Depuis lors, malgré les difficultés énormes que comporte la situation, nous avons pu publier quelques numéros som- maires pour le deuxième semestre 1914, le premier semestre et le troisième trimestre de 1915. Nous venons de décider de reprendre trimestriellement la publication des Annales de la Science Agronomique et de leur conserver toute leur vitalité. J'ai pensé qu'un des premiers numéros de cette nouvelle série devait comprendre un ensemble d'études relatives à l'in- fluence de la guerre sur les questions agricoles et J'ai solli- cité, dans ce sens, mes collaborateurs. La guerre pose avec anxiété des problèmes angoissants. L'hécatombe des combattants raréfie chaque jour la main- d'œuvre ; les exigences des armées dépassent les capacités de production et attaquent déjà le capital agricole. L'absence d'ouvriers ne pourra permettre le rétablisse- ment de la production normale du sol ; la reconstitution rapide du cheptel nécessitera les soins les plus minutieux. 218 PRÉFACE Seule, la science agronomique permettra de suppléer à l'ab- sence de bras et trouvera, dans la culture mécanique et l’éle- vage intensil, les ressources nécessaires pour faire face aux besoins mondiaux et à la reconstitution du fonds social. Plus que jamais, tous les problèmes doivent faire l’objet d'études scientifiques, qui ne peuvent être solutionnées que par la Recherche. L'organisation méthodique et scientifique peut seule apporter un soulagement à la situation économi- que créée par la guerre. C'est pourquoi nous avons cru devoir ouvrir à nouveau les pages des Annales de la Science Agronomique aux tra- vaux du monde agricole. Dans ce premier numéro, nous avons cherché à établir, après un an de guerre, la situation des principales questions concernant l’agriculture, la main-d'œuvre agricole, la moto- culture, la mutualité, l’état du cheptel, de la production du lait, de la production des céréales et des industries agricoles. Ces études montreront l'effort considérable qui, pendant ces longues semaines d'inquiétude, a été réalisé pour per- mettre de faire face à la situation. Cet exposé serait resté incomplet si nous n'avions pas sou- ligné la part prise par le monde agricole aux opérations mi- litaires. Un des meilleurs exemples de cette glorieuse contri- bution nous est fourni par la tenue, sur le champ de bataille, des anciens élèves de l’Institut National Agronomique. Dans une série de pages émouvantes, un de leurs aînés, M. Wery montre l’abnégation, le haut sentiment du devoir qui les animent ; l'homogénéité et la noblesse de leur con- duile procèdent très nettement de la forte éducation que confère l'étude approfondie des sciences, car la connaissance des lois qui régissent la nature permet de mieux apprécier le sentiment de la droiture, la recherche et la défense de la vérité. Nous ne pouvons mieux faire, pour honorer la science agronomique, que de publier ces quelques pages, tout à l'honneur de ceux qui furent hier nos collaborateurs et qui, Sr Éd PRÉFACE 219 avec autant d'énergie, reprendront demain, si la destinée le leur permet, l'étude scientifique des questions agricoles. Nous saluons, en ces héros, les nobles défenseurs du terri- toire qui nous est d'autant plus cher, que, cultivateurs, nous le connaissons dans ses moindres détails et savons, peut-être, mieux l'apprécier. Les agriculteurs de nos jours se sont montrés dignes de leurs ancêtres et, avec Caton l'Ancien, nous pouvons dire « Ceux qui se vouent aux travaux des champs n'ourdissent point de projets dangereux ou criminels ; c'est parmi eux que naissent les meilleurs citoyens et les soldats les plus courageux » (1). Janvier 1916. E. TissERAND, Membre de l'Institut, Membre de l'Académie d'Agriculture, Directeur honoraire de l'Agriculture. (1) Gaton l'Ancien : De re rustica. Traité sur l'Agriculture. L'institut National Agronomique et la Guerre Par Georges WERY, INGÉNIEUR AGRONOME Quels que soient leurs origines, leurs convictions, les mi- lieux auxquels ils appartiennent, les Français manifestent au cours de cette longue guerre les sentiments les plus généreux que le patriotisme ait inspirés. L'amour de la terre mater- nelle, de tout ce qu'elle produit de beau et de grand n’a jamais été plus ardent. Il étreint chacun de nous avec une force égale. Ses fruits croissent et mürissent dans tous les jardins de notre France. Chaque cité, chaque village les récolle pareillement. Personne ne peul revendiquer la possession exclusive des vertus qui trempent l'âme des hommes de ce temps. Et il serait vain de réclamer une place privilégiée parmi eux. Cependant, après dix-sept mois de lutte ardente, n'est-il pas permis à toute famille, grande ou petile, de se recueillir, d'examiner ce qu'elle a fait pour l'œuvre commune, d'exalter ceux des siens qui lui ont sacrifié leur vie, de saluer ses vail- lants enfants à qui le pays doit une part de la gloire qui l’envi- ronne ? Déjà, de grandes Ecoles ont commencé des « Livres d’or ». Elles y inscrivent, en caractères qui ne s’'effaceront pas, les biographies de ceux qu'elles ont perdus au champ d’hon- neur, ce qu'elles savent de leur glorieuse fin : les citations à l'ordre du jour, les décorations : exploits et distinctions dont l'éclat rejailit sur elles. Ces Institutions lèguent ainsi aux futures générations les plus beaux exemples qu'un Français L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 221 puisse suivre et perpéluent leur souvenir dans l'estime de Ta Nation. L'Institut National Agronomique suivra celte voie. L'Asso- ciation amicale de ses anciens élèves publiera, elle aussi, son « Livre d'or ». Mais elle a voulu réunir, dès à présent, les documents qu'elle possède afin de montrer la part insigne que l'Institut Agronomique prend à la guerre. Nos camarades les trouve- ront dans le recueil qui suit ces pages. Ils l'ouvriront pieusement. Ils reliront les beaux faits d'armes, les récompenses chèrement gagnées qui jettent sur leur Ecole une splendeur qui ne passera pas. Ils salueront avec émotion ceux des nôtres qui ont versé leur sang, nos blessés, nos glorieux mutilés, qu'ils entoureront toujours de leur plus affectueuse sollicitude, et ces prisonniers qui souffrent dans les camps d'Allemagne. Saisis d'une fierté fraternelle, d'une reconnaissance infinie, de la plus douloureuse sympathie, 1ls chercheront surtout ceux qui ont donné leur vie à la patrie et contempleront avec piété leur image. Sans surprise, car ils vivent dans une atmosphère d’héroïsme qui exclut ce senti- ment, mais avec admiration, ils apprendront les actions magnifiques que nos héros ont accomplies, les paroles si belles que leurs lèvres ont proférées. Et alors, dans un serment sacré, les combattants se jure- ront de rester dignes de tels modèles. Et les autres, à qui l’âge ou la santé refuse l'honneur de porter les armes, tressailliront à cette lecture et ne pourront réprimer un mouvement de regret el d'envie. Qu'ils gardent près d'eux ce précieux reli- quaire. Qu'ils le relisent fréquemment et passionnément et apprennent la suite glorieuse de nos chers disparus. Qu'ils pensent souvent à eux et leur donnent, du fond du cœur, au moins ce souvenir attentif qui, dans toutes les religions, est une forme de la prière. Puissent les familles atteintes dans leur bien le plus cher, puissent ces parents, vers lesquels va tout notre respect, trou- ver dans ce premier hommage un réconfort qui, avec la fierté VS (Re QC ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE légitime du sacrifice accompli, les aide à mieux supporter leur douleur, jusqu'au jour triomphal où la Victoire leur appor- era la seule consolation terrestre qu'ils attendent. Après ces journées inoubliables de la fin de juillet 1914, après ces heures de fièvre où le pays subissait avec tant de dignité les alternatives de paix et de guerre, lorsque les hostilités devinrent inévitables et qu'enfin elles éclatè- rent, la veille encore, nos camarades s’adonnaient aux tra- vaux pacifiques qui sont le propre de notre état. Ceux-ci, occupés aux champs, faisaient la moisson ou s'y préparaient. Ceux-là enseignaient à mieux cultiver le sol qu'ils allaient défendre. D’autres, dans les laboratoires, s'es- sayaient à tirer de la nalure de nouvelles ressources pour jacililer la vie des hommes. Le clairon sonne. Ils courent à son appel. Ils arrivent de toutes les parties de la France, de ses colonies, des contrées du monde les plus éloignées. Agri- culteurs, professeurs, forestiers, fonclionnaires, officiers des haras, élèves de l'Ecole, candidats fraîchement reçus, tous, se serrent autour du drapeau avec cet enfhousiasme de la Jeu- nesse que soulève si haut une grande cause. Ils témoignent d'une ardeur allègre, d'un ferme espoir, d'un sentiment pro- fond et grave du devoir qui les charge, et, aussi, des affections qu'ils laissent au foyer. L'un d'eux nous aborde. Il nous dit sa confiance dans nos armes, son abnégation prête à tout sacrifice el nous quitte en souriant. Sa voix était pleine d’une émotion joyeuse. Elle remplit encore notre mémoire. L'Ecole participera directement à la Défense nationale. Parmi les membres de {ous ordres du personnel, les plus jeunes vont aux armées. L'âge de la plupart des professeurs dépasse celui de la mobilisation. Cependant, l’un d’entre eux, M. Joseph Hitier, reprend du service comme lieutenant d’in- lanterie. Il sera blessé près de Charleroi. Quelques-uns occupent en lemps de paix des emplois où ils serviront uti- L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 223 lement l’armée. Plusieurs se consacrent à ces œuvres d’assis- tance qui rendront tant de services à celle des ouvriers agricoles, dont l'absence peut constituer un danger sérieux pour le pays; à celles de la culture mécanique, de la réor- ganisation de l’agriculture et de l’industrie après la cessation des hostilités. Il faut tout de suite y penser, forger des ar- mes pour préparer la victoire économique de nos fermes el de nos usines. Un certain nombre de nos maîtres, le direc- teur et ses assistants, ont contracté l'engagement de parti- ciper au service de ravitaillement du camp retranché de Paris. Ils répondent à l'ordre de mobilisation et retrouvent là quelques ingénieurs agronomes que l'âge ou la santé retire du front. Les deux inspecteurs des études, anciens officiers de l’armée active, ont conservé leur grade. Ils retournent au régiment. Chacun s'efforce de s'appliquer à la tâche à laquelle 1l est le plus apte et d'y donner le maximum d'eflorls. Maîtres et élèves dispersés, on eût aimé que, par le jeu de l'harmonie des choses, les bâtiments de l'Ecole, transformés en hôpital militaire, donnassent asile aux blessés et peut-être à ceux-là mêmes qui, quelques semaines auparavant, les ani- maient de leur jeunesse. Le directeur les offre au service de santé. Mais celui-ci, qui les réquisitionne, cependant, ne peut les utiliser. Longtemps leurs corridors silencieux et vides abriteront les derniers emplois du temps de 1914, les listes d'examens: dans les salles d'études, se liront encore sur les tableaux noirs les essais de nos jeunes gens; souvenirs qu'on hésite à faire disparaître, qui rappellent les chers absents, l'activilé récente de la maison et témoignent de la soudaineté du choc. *% %k *% » Ici, la sécheresse même de la statistique est éloquente. Et ses chiffres d'ordinaire si froids nous émeuvent. profondément. C'est qu'ils montrent, dans leur laconisme tragique, le lourd et glorieux tribut que l'Institut National Agronomique a déjà 224 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE payé au pays. Notre Ecole a bien mérité de la Patrie! Nous ne pouvons, quant à présent, dénombrer les élèves anciens et nouveaux qui ont participé aux opérations militaires propre- ment dites, les blessés, les prisonniers, les glorieux mutilés, les disparus et les morts... Hélas! Disons seulement que parmi eux, il y à une proportion élevée d'agents de cet admirable Corps forestier dont l'armée apprécie tant la brillante conduite et que, sur notre effecuf engagé au front, on relève : 21 che- valiers de la Légion d'honneur: un décoré de la médaille mih- taire: 154 citations à l'ordre du jour, dont 67 à l’ordre de l'armée. Nos pertes sont inégalement réparties sur toute la ligne du lront, des plaines de l'Yser aux som-: mets des Vosges et jusqu'à l'Orient, depuis les premiers combats jusqu'à ceux qui se livraient hier encore. Dix- mude, Bischoote, Ypres, N.-D.-de-Lo- relte, Carency, Neuville-Saint-Waast, Roclincourt, Arras, Roye, Crouy, Suip- pes, Vauquois, Les Eparges, Léron- ville, Saint-Dié, Metzéral, Hartzmanns- Jean-Marie d’'Ussel Willer Sont les principales stations de 4874-1914 celle voie de gloire et de douleur, aux- quelles 1l faudrait ajouter tant d’autres petits villages, lieux-dits, simples fermes, jadis ignorés, dé- sormais fameux. La promotion la plus ancienne qui ait élé atteinte est sans doute celle de 1892 où nous avons à déplorer la mort de Marie- Jean d'Ussez. Les promotions les plus éprouvées sont com- prises entre les années 1906 et 1912. Chacune d'elles compte plusieurs des siens tombés au champ d'honneur. La promo- lion de 1913, qui achevait sa première année d’études quinze jours avant la déclaration de la guerre, et la promotion de 1914, qui venait d'être reçue, n'ont pas été épargnées. Et, combien de héros inconnus, de citations et de croix si bien gagnées, et non décernées ? Combien d'actes héroïques L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 225 ignorés et que nous ignorerons toujours, soit que les chels ne les aient pas aperçus, soil qu'ils aient élé emportés par la tourmente avant de les faire connaître ! Dans l'attribution d'une croix ou d’une citation, la seule valeur personnelle ne suifit pas toujours; on doit encore compter avec la chance, ce facteur qui joue son rôle jaloux dans la plupart des affaires humaines. Il faut être vu et que l'officier, témoim de l'action d'éclat, soit là pour en témoigner. N'est-il pas admissible que parmi nos chers morts el ceux que l’on qualifie de disparus, situation si douloureuse dont le mystère laisse cependant encore place à l'espérance, beau- coup aient accompli des traits d'héroisme dont l'ennemi garde le sécret ? Nous avons le droit de le croire. Parmi les lettres admirables que l'Association amicale a réunies, citons à ce sujet ces lignes de M. le comte d'Ussel, père de l’un de nos plus distingués camarades, mort glorieu- sement à Sailly-Sallisel (près de Bapaume), le 28 août 1914, sombre date du premier mois des hostilités. Au cours du combat, il tomba frappé d'une balle au cœur à quel- ques pas de son chef de bataillon qui en témoigne. Mais les Alle- mands sont restés maîtres d'un champ de bataille couvert de morts et de blessés. De citations à l’ordre du jour, de ces témoignages honorables offi- ciels, on ne peut guère en attendre dans une affaire où les chefs sont la plupart tués ou blessés. Ce que l’on peut dire, c’est que votre camarade est mort de la mort des braves, à la tête de sa compagnie. Ce sont les mêmes sentiments qu'exprime avec la même élévation M. Papelier, le père de ce jeune camarade de la pro- motion 1911 tombé glorieusement'à Boureuille, en Argonne, le 14 mars 1915, face à l'ennemi, un jour de victoire. Il rapporte les phrases émues du compagnon de son enfant. Elles disent très simplement combien a laissé de regrets à la compagnie le « brave pelit caporal », comme l'appelaient ses soldats. Ils l'aimaient pour son courage lranquille, sa force d'âme qui au moment du péril maintenait haut les cœurs, 296 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE pour sa discrétion et sa douceur. Et le digne père d'un tel fils s'écrie : « Voilà, Messieurs, le plus bel éloge que nous puissions avoir de notre enfant, la seule récompense que sa modestie eût souhaitée. Aucune distinction, aucune citation n'a ré- compensé son courage ; presque tous ses chefs sont tombés aussi. La satisfaction du devoir accompli résolument, obscurément, la grandeur du sacrifice accepté et consenti ne portent-elles pas en elles la plus belle et la plus noble des récompenses ? » Ils iuttent jusqu'au bout parce qu'on leur a dit de marcher en avant ou de tenir et que d'eux dépend la victoire. Îls communient avec leurs officiers dans l'accomplissement du sacrifice, 1ls tom- bent avec eux et la même terre les re- couvre. Celte haute mais âpre récompense, si bien définie par le père de notre Jeune ami, c’est celle de nos héros anonymes qui ont payé de la vie un dévouement obscur mais magnifique. Noël Papelier 1872-1915 C'est celle de leurs pauvres parents qui ne peuvent pas maté- rialiser ni perpétuer la gloire du fils aimé par les croix aux- quelles on tient tant et avec tant de raison. Joignons-y pour eux une reconnaissance et un respect particuliers. EL, pour nous-mêmes, songeons avec fierté que si tous ceux de nos camarades qui ont donné leur vie, si tous ceux qui l'ont exposée face à l'ennemi avaient pu être récompensés comme ils le méritaient, bien plus long encore serait notre glorieux palmarès. Parmi nos vaillants soldats, les ingénieurs agronomes bril- lent donc aux premiers rangs. Et il est intéressant de remar- quer que, par l'étendue des sacrifices et du mérite militare, ils marchent de pair avec les élèves des autres Ecoles de l'Enseignement supérieur. Elles, aussi, ont pavé un lourd et glorieux tribut à la défense du pays. Quelles sont les causes L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 227 profondes de ces pertes singulièrement cruelles et de cette attitude si belle au feu ? Voilà des hommes, des jeunes gens qui se consacraient à des œuvres de paix, de vie, à des spécu- lations purement intellectuelles. Si quelques-uns pratiquaient les sports, beaucoup, absorbés par des études exigeantes, y étaient étrangers. La guerre éclate. Le pays les appelle. Et les voilà transformés en soldats. Partout, ils donnent l'exemple du courage, du dévouement, de l’abnégation absolue. En eux, fermente soudain le vieux levain d’héroïsme de nos pères. Ils retrouvent les vertus viriles de Rome et de la Grèce antiques, dont on a nourri leur enfance. Certes, il faut faire la part du grade d'officier qu'ils occupent, du devoir impérieux qu'il impose, de la préparation et du service militaire qu'ils ont faits. Il faut aussi tenir compte que l'Ecole Forestière se recrute à l'Institut Agronomique, que les foresliers sont tous officiers et qu'ils ont recu une instruction militaire étendue. Ils combattront d’ailleurs aux places d'honneur avec une bra- voure insigne. Mais il y a encore davantage. Une communauté d'origine, d'éducation familiale, un même culte de l'honneur: et du devoir les exaltent de façon égale jusqu'à l'ultime sacrifice. Tout ce qui a été placé en eux depuis de longues années, de bons principes, d'idées saines, de nobles exemples, a germé dans cette atmosphère d’héroïsme et donné une floraison magni- fique. L'honneur et l'hommage en reviennent aux maîtres : aux parents, d'abord; aux mères, surtout. Le culte de la vérité et de la beauté se confond pour eux avec celui de la patrie qui en reçoit une force nouvelle. Et ils l'entourent d'une jeune garde d'honneur. Comme celle des rois, c'est, de toutes les phalanges, la plus vaillante et la plus forte mais, hélas ! aussi la plus décimée. Et ne semble-t1l pas que nos ingénieurs agronomes obéissent encore à un autre sentiment, plus personnel, qu'ils puisent dans leur vocation même ? Inclinés depuis longtemps vers l'étude et l'exploitation des richesses de notre sol, attachés à ses faiblesses mêmes qui 228 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE retiennent davantage leurs soins, avertis du labeur immense qu'une longue suite de générations y ont enfoui, ils l’aiment d'un amour particulier et l'on dirait qu'ils le défendent avec d'autant plus d'âpreté contre la convoitise ardente de l'en- nemi. N'est-ce pas la même ardeur qui emporte nos camarades des autres Ecoles d'agriculture, dont l'héroïsme soulève aussi l'admiration ? : Et n'est-ce pas elle, encore, que l’on retrouve à sa source profonde, dans sa pureté primitive, chez ‘ces paysans de France, auxquels tant de liens nous attachent, gardiens infa- ligables et jaloux de notre terre féconde qui, sachant tou- jours en vivre, savent toujours mourir pour elle ? Non! ce n’est pas en vain que l’on respire l'âcre senteur des labours, l’enivrant parfum des prés et des vignes de chez nous : que l'œil s'égaie de l'onde dorée des épis. des trou- peaux familiers et de l'horizon plein de grâce où s'arrête, là- bas, notre ciel indulgent : qu'une langue harmonieuse et ses chants rustiques bercent nos souffrances ou ravivent nos joies: que l'âme, même, s’agite aux incertitudes d’un labeur parfois si dur mais qui achète tant de same liberté ! A la pensée cruelle que l'ennemi pourrait saisir ces biens si chers et venir s'as- seoir, assouvi, à l’âtre de la ferme, plus que celui de tout autre notre cœur se révolte et les mains calleuses serrent l'arme avec une force invincible ! Et maintenant, écoutons nos vaillants camarades et leurs chefs. Seules, leurs paroles donneront la vie à ces pages. Elles vibrent encore du bruit de la bataille et dominent de bien haut la vanité des phrases. Elles sont si belles que nous ne devrions rien y ajouter de peur, lapidaire inhabile, de nuire à l'éclat de ces purs diamants. Nous les avons recueil- Les dans les ordres du jour et les lettres que les familles ont bien voulu nous communiquer. La vérité se dégage de L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 229 celte prose simple et forte. Elle dévoile des âmes dont le cou- rage et l'élévation atteignent les plus beaux exemples que l'humanité ait offerts. Et parmi ces témoignages émouvants adressés à des êtres très chers combien restent ignorés ? Combien aussi de paroles sublimes que le fracas du combat a emportées ! Elles ont entraîné à de nouveaux actes héroï- ques ceux qu'elles ont frappés. C’est là, le glorieux résultat qu'elles ont atteint. Mais, personne ne nous les a redites… Nous ne pourrions même pas reproduire, ici, toutes les lettres admirables que l'Association amicale a reçues ni répé- ter tous les actes d'héroïsme que nos camarades ont accom- plis, tous les ordres du jour qu'ils ont mérités. On les trou- vera religieusement réunis, par d’autres soins, à la suite de ces pages. Ce sont les lettres, les actions les plus caractéris- tiques que nous allons citer; celles qui ont paru le plus propre à faire connaître l'âme de notre Ecole. Nous les avons préle- vées, sans aucun souci de la personne, parmi les documents parvenus dès la première heure à l'Association amicale. Nous nous sommes arrêté, dès qu'il nous a semblé que notre but était atteint. Nous avons cru devoir faire connaître les noms de ceux auxquels se rattachent ces citations pour donner à celles-ci le caractère de véracité, de vie, qui sans cela leur manquerait. Mais il ne s'agit pas d'établir, nous ne savons quels degrés, quelle hiérarchie dans le dévouement et l'héroïsme! Il nv en a pas! Tous nos camarades qui ont offert leur vie à la France sont égaux devant elle. Le même esprit qui anime ceux que nous avons cités anime aussi les autres. La gloire qui en émane les enveloppe pareillement. Elle atleint tous ceux des nôtres qui sont aux armées. Elle rejaillit sur nous tous, anciens élèves de l'Institut Agronomique, et sur l'Ecole même. *# *X *% ‘ Leurs adieux sont émouvants. Ils témoignent d'une ardeur grave, d'un amour passionné de la France, d’une confiance 230 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE que l'on sent inébranlable. Le devoir sacré les inspire et leur prête sa force invincible. Parois, le secret pressentiment que l'immense holocauste les consumera y laisse passer comme une ombre fugitive. Mais, ils l’acceptent avec une abnégation admirable et comme le présage du plus beau destin. Ils ne veulent pas qu'on pleure ni qu'on s'inquièle et refoulent dans leur cœur une sensibilité prête à éclater. Voici la lettre si belle dans sa simplicité que Marcel CLERGC, caporal au 25° bataillon de chasseurs à pied, écrit le 1% août 1914 à son père. Il appartient à l’une de ces fa- milles nombreuses auxquelles la pa- trie devra tant. Elle compte huit sœurs et frères dont quatre sont au front. Elève de la promotion 1912, il vient d'obtenir le diplôme d'ingénieur agronome. C'est presque un enfant, un de nos « Marie-Louise », son Jeune visage en témoigne et dans ces lignes, où surgit déjà l'homme accompli, se devine le souvenir des caresses de la maison si douce. D'un coup d’aile, son âme gagne les sommets. Marcel Clerc 1892-1914 MON CHER PAPA, A l'instant, je viens d'apprendre que la mobilisation générale son- nait aussi pour moi. L'instant est grave, cinq kilomètres me sépa- rent de la frontière et dans une heure nous allons prendre nos posi- tions. Quelle figure ferai-je au feu ? Je n’en sais rien, Mais, en tout cas, Sois persuadé que je ferai tout mon possible pour me montrer digne de toi. Mon bataillon, étant en couverture, est le premier à affronter le feu et vraisemblablement nous allons nous heurter à un ennemi supérieur en nombre. Bien des nôtres y resteront et j'au- rai peut-être l'honneur de reposer sur cette vieille terre d’Alsace- Lorraine qui redeviendra française à la fin de cette guerre. Ma der- nière pensée sera pour toi, ma pauvre chère maman et toute ma famille. J'espère que l'idée que ton fils est mort au champ d’hon- neur te consolera de ma perte. Quant à moi, je quitterai la vie après en avoir goûté le meilleur côté. Tu vois que je serai moins à plaindre que ceux qui restent... Je te quitte, mon cher papa, peut- être pour ne plus jamais te revoir et je t'embrasse de tout mon cœur. Ton fils qui espère se montrer digne de toi au feu. L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 291 Maurice GRENIER, garde général stagiaire des Eaux et Fo- rêts, lieutenant de réserve d'un régi- ment d'infanterie, a 25 ans. Comme Marcel Clerc, c'est l’un des fils d’une grande famille, l'aîné de sept enfants. Il adresse à sa mère cet adieu touchant où 1l atteint la même cime que son jeune camarade. Mère chérie, si je ne reviens pas il ne fau- dra pas me pleurer. J'aurai eu la mort la plus belle que je puisse rêver, si j'ai l’hon- Maurice Grenier neur de mourir pour la France. 1889-1914 Le beau nom de héros ne convient-il pas à de pareils jeunes hommes ? Et le pays qui a le bonheur de posséder de tels martyrs de sa foi ne doit-il pas la voir triompher ? Le soldat Louis MaRCHAL, du 21° régiment d'infanterie, fait partie de la promotion 1913. Il achevait donc sa première année d'études, quinze Jours avant la déclaration de la guerre. C'est le fils d’un brigadier des Eaux et Forêts. Il n’a que 21 ans, mais il a puisé de bonne heure auprès des siens les traditions de l'honneur, de la discipline et du devoir. Sa modestie égale sa valeur. Dans ces lignes éner- giques 1l offre le don de soi-même, Louis Marchal “ i 1893-1915 absolu, sans arrière-pensée … Je ne cherche pas de galons, mais je ferai mon devoir entiè- rement et jusqu'au bout. Haut les cœurs !... François CHENUT donne un nouvel exemple des beaux fruits que peuvent produire dans un cœur ouvert au bien les solides principes que nos familles françaises y déposent. C'est l'un de nos plus jeunes camarades. Sorti de l'Institut Agronomique au mois de juillet 1914, recu le 3° à l'Ecole forestière, la 2 238 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE mobilisation l’appeile au moment où 1l se prépare à passer de joyeuses vacances. Il gagne aussitôt son régiment ; de là, on l'envoie au dépôt. Il lui tarde de partir au front. Et la mort glorieuse de son frère, sous-lieutenant d'artillerie, le lui fait désirer davantage. Mais il faut qu'il acquiert l'instruction militaire indispensable. Le 25 janvier, en chemin de fer, frai- chement promu sous-lieutenant, il écrit : « Enfin, ça y est, Je vais servir à quelque chose. » C'est un charmant garçon, doux et gai. Au régiment, ses chefs et ses hommes l’aiment ; comme l'aimaient à l'Institut Agronomique, ses maîtres et ses camarades. D'une extrême sensibilité, 1l ne veut pas inquiéter sa mère dont il connaît la tendresse prête à s'alarmer. C'est l'une de ses tantes qu'il prévient le 12 février : « Un mot pour vous annoncer que, cette fois-ci, cest le vrai départ... je suis prêt à tout... » Il aime la vie, elle s'ouvre si belle devant lui et 1l n’a que vint ans! Il souhaite que sa jeunesse désarme le sort cruel mais il le bravera. Car il ajoute : « Je suis prêt à tout mais confiant dans l'avenir et surtout dans la protection de Celui qui nous garde tous. J'espère que le deuxième sous-lieutenant Chenut sera digne du premier... » En cela, le destin n'a pas trompé son espoir. Il réservait à notre ami la même fin glorieuse qu'à son aîné. Le 28 février 1915, 1l succombe en entraînant sa section à l'assaut de ce célèbre village de Vauquois qui nous a valu tant de gloire et coùûlé tant de pertes. Un ordre de la brigade consacre son courage et sa valeur militaire. François Chenut 1892-1915 Pierre Gisou, de la promolion 1907, appartient, lui aussi, à une nombreuse famille de huit enfants. L'un de ses deux beaux-frères est aux armées ; deux de ses frères sont prison- niers. Au moment où s'engagent les hostilités, il dirige à la L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 233 Nouvélle-Calédonie l'exploitation de la Société française du Coton colonial. Ses services sont très appréciés, il a devant lui le plus bel avenir. Mais, dès que les câbles annoncent à notre lointaine colonie que la guerre est déclarée, il n’a plus qu’une seule idée : regagner la Métropole, rejoindre son régi- ment. Malheureusement, son contrat avec la Société le lie. Il ne pourra quitter son poste que lorsque le départ de sa classe l'y obligera. Or, celle de 1908, à laquelle 1l appartient, ne sera appelée qu'au mois d’avril 1915. Jusque-là, notre camarade subira une véritable torture morale, placé entre le devoir qui l’oblige à tenir sa parole et le désir ardent, qui l'ob- sède, de prendre les armes le plus tôt possible. Ses lettres en témoignent. Le 29 novembre 1911-11 écrit encore : « Je voudrais qu'on m'appelle, je vou- drais partir, et on ne m'appelle pas et je n'ai pas le droit de partir. » Et ses plaintes se répètent dans chacune de ses lettres. Enfin, ses vœux se réalisent. Sa classe est convoquée ! Après un voyage de deux mois, le voici en France ! Et aussitôt, le 16 juin 1915, il s’écrie : « La vie me semble plus belle depuis ce matin. » Et le 9 août, du camp de La Valbonne, à la veille de gagner le front : « Je sens le départ qui s'approche et je ne me rappelle pas d'avoir été jamais aussi heureux. » Il arrive aux premières lignes avec les galons de sergent. Sollicité de suivre des cours spéciaux pour obtenir le grade supérieur, 1l a refusé afin d'être plus tôt au feu; c'est là qu'il veut gagner l'épauletie. Le sort impitoyable, dont il sert avec tant de ténacité les secrets desseins, ne la lui refusera pas. Mais, hélas ! il ne le laissera pas longtemps à l'estime de ses chefs et à l'affection de ses hommes. Le 6 octobre, en Cham- pagne, il tombe foudroyé par une balle, à 30 mètres de la tranchée ennemie vers laquelle il s'élançait, entraînant sa sec- tion à l'assaut. La veille, il avait été promu sous-lieutenant. Pierre Gibou 1888-1915 234 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE La nuit, sous les balles allemandes, ses soldats qui l’ai- maient sont allés le reprendre. On a trouvé sur lui ces lignes tout imprégnées de calme courage et de piété filiale. C'est la lettre suprême d'un fils respectueux et tendre et celle d’un chef attentif, tout entier à l’action qui se prépare. MA CHÈRE MAMAN, Nous partons dans trois heures à l'assaut d’une position que notre artillerie va copieusement battre d'ici là. Ce sera dur. L'attaque tentée hier sur ce point a échoué. Mais nous espérons y arriver. Nos hommes sont bien en mains et de braves soldats. Cependant, quelques-uns seulement sont prévenus de ce que nous allons avoir à faire. Leur silence est impressionnant. D’aucuns écrivent, d’autres se reposent ou nettoient leur fusil que la boue de la nuit a encrassé. Je viens de nettoyer le mien et maintenant toutes mes pensées sont à vous tous, parents, frères et sœurs. Je vous prie de me pardonner les différentes occasions où j'ai pu vous peiner et de croire que, si je tombe, c’est en faisant mon devoir. Je t'embrasse bien tendrement, ma chère maman, ainsi que papa et les frères, sœurs et neveux. Ton fils calme. P.-Ad. GIBou. e Il y passe l'émoi de la veillée des armes, la vivante sensa- tion de ces heures glorieuses et tragiques. La silhouette de notre vaillant camarade se précise. Il marche à l'ennemi, l'arme haute, donnant à tous l'exemple, au eri de « En avant ! », et, il achève de vivre, sitôt, le rêve héroïque qu'il a commencé quelques mois auparavant à plusieurs milliers de lieues de la France, sous les plis de son dräpeau. Un ordre de l’armée a consacré sa belle conduite, sa « haute valeur morale » et « son grand courage ». La lettre que notre camarade J.-B. Cour, l’un des horti- culteurs les plus estimés de Tunisie, envoie à son parrain la veille de parlir au feu est admirable. Il s'immole entier sur l'autel de la patrie. Au devoir sacré, lout doit céder. Avec une énergie, un courage, une précision extraordinaires, il énonce le programme des résolutions définitives que doit prendre un fils de France, la suite des sacrifices auxquels il nn A RS en te D L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 239 doit être prêt. Cetle lettre mériterait d'être portée à la con- naissance de tous les Français. La voici dans toute sa beauté tragique Certes, je vais accomplir un devoir, mais, ici, il faut que je vous fasse ma confession. Il y en a qui ne font que l'accomplir, mais moi je fais plus, parce que je suis volontaire. De par mon âge, j'étais de la territoriale, c’est-à-dire attaché au sol tunisien. Dès le lende- main de la mobilisation, j'ai demandé à être replacé dans le cadre de réserve, ce que l’on m'a accordé avec empressement. Puis, le besoin d'officiers connaissant les indigènes et parlant leur langue s'étant fait sentir, j'ai demandé à servir aux tirailleurs tunisiens, ce qui m'a été de nouveau accordé, Je pouvais donc rester tranquille- ment chez moi. Mais j'ai estimé qu'un officier d'abord, qu'un Fran- çais ensuite, appartenait à sa patrie avant d'appartenir à soi-même. C'est ce même sentiment qui me fait abandonner ma famille pour toutes les familles. Soie os cel Niels ef olelels nfalerie ls usa l-ie ed eo tete ans ete pin e; eu ojfe Vous me recommandez de n'être pas té- méraire. Le devoir de toùt officier est de conserver ses hommes et de se conserver lui-même afin de pouvoir utilement les com- mander. Un groupe sans officiers, c’est un corps sans tête. A ce point de vue et sui- vant, d'ailleurs, les instructions que nous avons reçues, je me ménagerai le plus pos- sible. Mais si Dieu veut que je sois désigné pour un poste, aussi périlleux soit-il, je ne ferai rien pour m'y soustraire. Fort de ma conscience, sachez que j'ai fait le sacrifice J.-B. Goupin de ma vie. Je ne la ménagerai que lorsque .. 1877-1914 cela sera utile et honorable. Qu'ajouterai-je ? Que c'est après-demain, 27 octobre, à9 heures du - matin, que je partirai pour le front. J’arriverai probablement sur la ligne de feu le 17 novembre, c'est-à-dire le jour anniversaire de mes 37 ans. * Quel entraîneur d'hommes un tel chef ne serait-il pas devenu ? Avec celle bravoure, qu'une sage prudence dispense, quelles actions merveilleuses n'eût-il pas accomplies ? Hélas ! le destin jaloux le ravit à ses frères d'armes et à l'affection des siens, trois jours après la date de son anniversaire, le 4 no- vembre 1914, dans l’un des sanglants combats qui $e livrèrent aux environs de Dixmude. Son capitaine est tué, notre cama- 230 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE rade prend le commandement de la compagnie, entraîne ses hommes en avant el tombe frappé d'une balle à la tête. Au moins a-t-il reçu la mort glorieuse qui convenait à sa bra- voure, celle du chef, dans l’enivrement de l'assaut, celle qu'il eût souhaitée. L'adieu de notre vaillant camarade Léon Omnës, lieutenant de réserve d'infanterie, c'est le cri joyeux, enthousiaste, du soldat où perce l'espoir de la victoire prochaine, le coup de clairon ! Voici ses quelques lignes, datées du 1% août 1914, entraînantes comme une charge. Qu'importe, je suis heureux de cette tournure des événements. Jamais nous n’aurons autant de bons atouts dans notre jeu. Et puisqu'on nous oblige à taper, il faut taper dur, ferme et juste Les pots cassés, la mitraille ! Qu'importe quand le pays en sort vivant ! En avant! sn Les actes héroïques de nos camarades sanctionnent leurs paroles sublimes. Ils les dépasseraient plutôt. Pour beaucoup, hélas ! une mort glorieuse les consacre. Nous avons le pré- cieux témoignage des compagnons d'armes, des chefs, des simples soldats et surtout ces ordres du jour magnifiques qui constitueront notre Livre d'or et ornent déjà celui de la Nation. On les trouvera pieusement rassemblés à la suite de ces pages. Nous ne pouvons malheureusement relater, ici, qu'un pelit nombre des actions admirables que nos camarades ont accomplies prélevées, comme des exemples caractéristiques, parmi toutes celles qui honoreront à jamais l'Institut Agro- nomique. Nous l'avons dit déjà, la gloire qui s'en dégage enveloppe la phalange entière des nôtres que la guerre a moissonnés. Et ses rayons atteignent, avec tous ceux qui por- tent vaillamment les armes, l'Ecole elle-même. Notre jeune camarade GRENIER, dont nous avons reproduit la lettre émouvante, meurt le 12 novembre 1914 au combat de Vingtré, près de Vic-sur-Aisne. Son pressentiment ne l'a pas trahi. Et lui-même reste fidèle aux nobles pensées que le secret avertissement lui a inspirées. L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 237 Atteint d’une première balle, il tombe évanoui. Au bout de quelques instants, il reprend ses sens, se soulève et de la voix et du geste entraîne sa section vers les tranchées enne- mies qui ne sont qu'à 150 mètres de là. Une nouvelle balle le frappe en plein front... Déjà, il avait été grièvement blessé en Alsace. Et le 19 août, à l’'ambulance où son capitaine vient le voir, voici ses pre- miers mots, les seuls, car sa faiblesse est extrême « Mon capitaine, dites-moi vite, sommes-nous au moins vainqueurs ? » Deux citations à l'ordre du jour, la croix de la Légion d'hon- neur, la promotion au grade de lieutenant, toutes ces distinc- lions gagnées au cours des trois premiers mois de la cam- pagne montrent en quelle estime le tenaient ses chefs. Le 21 août 1914, notre camarade VioLLe, garde général des Eaux et Fo- rêts, sous-lieutenant d'infanterie, parti- cipe au combat de Hertzing, comme officier mitrailleur. Grièvement blessé par deux éclats d’obus, il reste à son poste. Quelques minutes après, il est mortellement atteint. Mais il s’oublie complètement. Tout entier au devoir, il a le courage et la présence d'esprit de crier à ses hommes : « Sauvez le maté- riel. » Et il meurt sur cette terre d'Alsace qu'il rêvait de conquérir. Gabriel Violle 1888 1914 Depuis trois ans, Henri Rizarp exploitait avec Gustave Ré- mond, ingénieur agronome, une propriélé rurale à San-Ra- fael-de-Mendoza, en Argentine. Le succès, déjà, lui souriait La guerre le surprend. Il rentre en France et parvient bientôt grâce à ses instances, à quitter le dépôt où il languit. Dès son arrivée au front, comme lieutenant à la 4° compagnie du 85° ré- giment d'infanterie, il s'impose par sa vaillance. Deux nuits 238 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE consécutives, méprisant le danger, il se porte en avant des lignes pour reconnaître l'ennemi qu'il veut battre. Aussitôt, il est jugé. Sa fin glorieuse confirme la haule opinion que ses chefs et ses soldats ont de lui. Le 22 avril 1915, il est mor- tellement blessé à l'attaque de la « Tête-de-Vache », dans la forêt d'Apremont, au moment où, à la tête de sa section, il pénètre dans la tranchée ennemie. Mais, laissons parler le lieutenant-colonel Chauvet. Son discours vibrant nous fait vivre un instant dans la mêlée Il est là, dans la tranchée, haletant, devant sa section. Ses hom- mes interrogent ses yeux. Il attend le signal de l'attaque. Le signal donné, il se précipite sur la tranchée ennemie ; ses hommes ne font qu'un avec lui. x Hélas ! au moment où il prend pied, il est grièvement blessé par une balle allemande ; ses hommes sont consternés. La disparition de leur chef va-t-elle les arrêter dans leur élan ? Non, certes, car il est là, et, quoique blessé, son exemple anime encore cette poi- gnée de braves. Un sous-officier se précipite sur son chef, lui prend la main : « Vous êtes blessé, mon 1888-1915 lieutenant, je vais vous faire ramener en arrière. » Et lui, ce brave héros de la terre de France, ne peut répondre, mais il peut encore remuer son bras, et alors, il fait ce geste sublime qui veut dire : non ! Cela ne suffit pas encore, il montre la direction de l'ennemi. Il est compris de tous; le chef a voulu dire : « En avant ©» et alors tous se précipitent sur l'adversaire avec des forces décuplées par la volonté du blessé. Henri Rizard Jacques Dorrr appartient à l'administration des Haras, officier de cavalerie, il a fait la campagne de Belgique. Le 23 mai, il est cité à l’ordre du jour de la division; puis, sur sa demande, affecté à un bataillon de chasseurs à pied. Le 26 du même mois, une seconde citation marque des débuts extré- mement brillants dans sa nouvelle arme. Obéissant à l’ordre de ses chels, 1l installe sa section de mitrailleuses sur le L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 239 célèbre plateau de Notre-Dame-de-Loretle, en un point par- liculièrement soumis au bombardement de l'artillerie lourde adverse. Il sy maintient toute la nuit, mais il perd 14 hommes sur 18. Aidé de l'un de ses sergents, il assure lui-même le service d’une pièce et ne se replie que sur l'in- jonction formelle de son chef. Blessé d'un éclat d’obus à l'épaule 1l refuse de se laisser évacuer. Un ordre de l'armée nous apprend que, le 13 juin, il meurt face à l'ennemi, couronné par la victoire. Il est atteint en plein front au moment où, après avoir pris d'assaut une posi- tion allemande fortement organisée, il poursuivait les fuyards. Jacques Doerr 1888-1915 M. SCHLUMBERGER, chef de la 9° conservation des Eaux et Forêts, celle des Vosges, a confié ses deux fils à l'Institut Agronomique. L'aîné en est sorti en 1910, garde général, la mobilisation l'appelle comme sous-lieu- tenant d'un bataillon de chasseurs. Le second vient d'achever sa première an- née d'études à l'Institut. Tous deux re- nouvelleront aux armées de 1914 les ex- ploits des preux qui, d'âge en âge, décorent notre histoire militaire. Déjà, le 28 août 1914, un ordre du bataillon signale le’ sang-froid remar- quable dont Alfred Schlumberger fait preuve au feu. Quelques jours après, le 1* septembre, au combat d'Entre- deux-Eaux, dans les Vosges, il entraîne sa section à l'attaque avec le plus bel entrain. Subitement entouré par une force de beaucoup supérieure, sommé de se rendre, il refuse. Et il tombe après avoir mis hors de combat à coups de revolver quatre de ses assaillants. L'ordre de l'armée qui consacre ce Alfred Schlumberger 1890-1914 240 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE fait d'armes ajoute que le sous-lieutenant Schlumberger donna ainsi à ses chasseurs le plus bel exemple de courage et de sentiment du devoir. La bravoure indomptable du plus jeune frère est digne de celle de son aîné. Notre jeune camarade a disparu le 20 sep- tembre 1914 à Chevillemont, près de Vic-sur-Aisne, pendant un combat de nuit. Les pauvres parents n'ont plus beaucoup d'espoir, car ils savent maintenant les circonstances de cette disparition et ils n’ont pas reçu de nouvelles directes de leur enfant. Un grand blessé revenu en France a été témoin de son héroïsme. Son bataillon ayant été cerné, Marcel Schlum- berger, comme son frère, a refusé de se rendre. Et 1l a conti- nué à lutler Jusqu'à ce qu'il soit tombé, le côté ouvert par un coup de baïonnette. Ces deux jeunes gens ne sont-ils pas dignes de figurer dans nos fastes militaires, à côté de ces héros auxquels l'ennemi lui-même rend hommage ? Et pourquoi faut-il que la mort soit la rançon de tant de bravoure ! Henri Girres est l’un de ces Parisiens qu'un long atavisme rappelle à la terre dès qu'il trouve des circonstances favorables. Depuis l'en- lance, 1l passait ses vacances chez son grand-père, en Lorraine. Là, il retrou- vait dans les grands bois et les riants vallons le goût de la nature et de la vie au grand air, tandis que le voisinage de la frontière développait son patrio- tisme. L'éclosion de ces sentiments le conduit à l'Institut Agronomique. Au moment où la guerre éclate, le jeune ingénieur agronome coopère à la direc- tion, à Aire-sur-Adour, de l’un de ces syndicats agricoles qui rendent tant de services à l’agriculture. Il rejoint un régiment d'arbllerie comme sous-lieutenant. C'est en remplissant sa mission délicate et périlleuse d'officier observateur qu'il est Henri Gilles . 1889-1914 L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 241 mortellement atteint le 17 octobre 1914, à Conchy-les-Pots, dans l'Oise, à 25 ans. L'un de ses compagnons d'armes, M. Louis Mercier, adresse à sa mère une lettre où il montre toute la beauté du caractère de notre camarade, sa vaillance et sa gaieté, son énergie et sa tendresse pour les siens. En voici le principal passage : La mort de votre fils m'a si douloureusement ému que je n'ose penser à votre peine. Je l’aimais beaucoup pour ses qualités de cœur et d'esprit, sa droiture, la conscience très nette qu'il avait du devoir. Nous ne nous quittions guère, nous logions tous deux dans une tranchée sur un peu de paille. Nous causions longuement le soir et au cours de ces longues reconnaissances qu'il effectuait journellement avec un courage que nous admirions. Il me parlait de vous, de sa chère maman, de sa femme, de sa fillette qu’il ado- rait. Le jour où il fut blessé, quelques heures avant son départ pour les avant-postes, nous avions longuement parlé de philosophie et de religion. Nous bavardions encore et il embrassait passionnément le portrait de sa fillette quand il reçut l’ordre d'aller reconnaître un observatoire ennemi. Je ne sais pourquoi, je le laissai aller seul; nous étions toujours sortis ensemble, Mais je n'avais pas de cheval et son absence devait être d'une heure à peine. Sa mission termi- née, l'observatoire repéré, il quittait la tranchée quand un éclat d'obus le frappa à la tête. Vous savez le reste... Ses dernières paroles furent : « Mon pauvre vieux, tu diras à ma femme... » Il repose au cimetière de R.., un petit entourage, une croix de bois, une inscription marquent la place où vous vourrez aller prier après la guerre. Votre fils a accompli de vrais exploits, je souhaite que votre douleur y trouve un soulagement. ral Ses soldats, ses compagnons et ses chefs le pleurèrent.. Et ils ont rendu hommage à sa bravoure. Nous pourrions étendre encore ces ci- tations d'où rayonne l'énergie la plus virile, dont l'émotion même est récon- fortante ; mêler au chœur héroïque de nos vaillants camarades d’autres voix, dignes des premières. C'est Paul Har- DOUN-DuPparc qui, sorti de l'Ecole en 1913, agriculteur, secrétaire de la Société d'Etudes Agrono- miques, tombe glorieusement à Suippes, le 17 avril 1915. Paul Hardouin-Duparc 1888-1915 242 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Rélormé, il obtint d’être incorporé d’abord dans les services auxiliaires puis dans le service armé. Il écrivait à sa jeune femme au moment où il craignait que ses démarches pres- santes n’aboutissent pas : « si J'échoue, Je ne m'en consolerai pas »). C'est Jean Moras, garde général des Eaux et Forêts, lieutenant de chasseurs à pied, blessé mortellement le 25 sep- tembre 1915, à l'assaut du château de Carleul, chevalier de la Légion d’hon- neur, titulaire de cinq citations dont deux à l'ordre de l’armée.Quelques jours avant le combat qui l’a emporté, il adressait ces conseils sublimes à son jeune frère, élève de l'Ecole Navale Jean Molas 1 , 187 te « Efforce-toi de porter toujours plus haut l'honneur de la famille. Sache au besoin sacrifier ta vie pour la Patrie ; c'est si beau de mourir pour elle ! Enfin, garde toujours la foi dans ton cœur. » C'est Henry DE SENNEVILLE, c’est Guillaume Porrer, c'est Georges Lou- BARDEAU, ce sont tant d’autres encore dont les paroles et les actes s’accor- dent à l'harmonie de ce récit, qui, dans le bel élan de leur jeunesse ar- dente, se sont donnés généreuse- ment, passionnément, tout entiers au pays. Heureux ceux qui, comme Henry de Senneville 1880-1915 nous, entraînés par des études pour- suivies en commun vers le même idéal, ont vécu près d'eux, ne lüt-ce qu'un temps. Des affinités puissantes les unissent étroi- tement et les relient à ces héros dont notre histoire s'enor- gueillit. Puissent-elles avoir trouvé aussi en nous un terrain 2 L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 243 favorable à leur influence ! Déjà, de les avoir connus, aimés et admirés, nous nous sentons meilleurs et plus fiers encore de notre qualité d'homme et de Fran- çais. Mais n'en avons-nous pas assez dit pour marquer la place que les Elèves de l'Institut Agronomique occupent au sein de notre valeureuse armée, face à l'ennemi ? Et, cependant, pourrions-nous renon- cer à faire connaître les lettres de notre camarade Léon Omnës? Les pensées dont la beauté anime ces pages restaient éparses, un peu 1iso- lées, glanées au gré du chemin, et voici qu'une heureuse for- tune les montre rassemblées, toutes, dans la même âme... L'ensemble de ces lettres nou- velles, si attachantes, forme un récit émouvant qui réunit en un faisceau les nobles sentiments qu'expriment séparément les fragments de corres- pondance que nous avons déjà don- nés. [l les synthétise en même temps “ quil présente un, tableau exact et _ captivant de toute une phase de la guerre. Dans l’âme si belle de Léon Omnès se réfléchissent, comme en un fidèle miroir, les généreuses qualités de nos camarades du front. Ne pouvant tous les citer dans ce recueil, nous éten- dons jusqu'à eux les mérites de l’un de ceux dont ils se rapprochent le plus. Georges Lombardeau 1893-1914 Léon Omnès 1887-1915 Léon Omnès a vingt-sept ans. Il est né à Quimper. Une longue ascendance lui a transmis les qualités et les vertus de cette Bretagne dont un si grand nombre de nos braves défen- seurs sont les fils : le courage sans colère, la ténacité inflexible, 244 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE le dévouement absolu au devoir militaire, mariés à cette confiance, à cette gaieté, sur laquelle un peu de rêverie jette son voile léger, qui font de notre Armorique une terre essen- tiellement française. Il est issu de l’une de ces familles consa- crées à l'enseignement comme à un sacerdoce. Attentives à leur mission, ce sont les fidèles gardiennes de nos meilleures traditions. Notre camarade les a puisées de bonne heure auprès d'elle. Sorti de l'Institut Agronomique en 1908, après quelques années nassées au régiment puis au Laboratoire municipal de Paris, Léon Omnès entre comme chimiste dans une impor- tante usine. Il y réussit si bien que.son cheî le charge bientôt d'installer une succursale à Lyon. C’est au moment où le succès commence à couronner ses eflorts que la mobilisation l'appelle. On se souvient des paroles vibrantes avec lesquelles il la salue, de l’adieu enthousiaste qu'il adresse à ses parents. À Guingamp, au dépôt du régiment, il attend impatiemment l'heure de gagner le front. Enfin, le 6 octobre ses vœux sont comblés : Hier, le commandant du dépôt m'a fait appeler pour m'’annoncer une bonne nouvelle. Je suis désigné pour partir incessamment à la ligne de feu... Il ne faut nullement vous inquiéter à mon sujet, mais bien vous réjouir avec moi de la réalisation de mon plus cher désir. Je reviendrai, je l'espère, pour me reposer et vous raconter nos gloires, couvert de boue, sûrement, et hideux, mais fier et glorieux, C'est le même accord harmonieux qui nous a déjà charmés chez ses émules : une extrême bravoure, une sorte d'appétit du devoir, de la gaieté et la tendre préoccupation de ne pas inquiéter les siens. Ne voilà-t-ils pas de vrais fils de France ? Le 16 octobre, dans le train qui l'emporte vers les tran- chées, il écrit à son père celte jolie lettre qui nous rappelle encore de belles choses déjà lues, tant il est vrai que les mêmes cœurs battent à l'unisson aux mêmes émotions. Je pars comme chef de détachement. Je garde, mon cher papa, tes pensées qui me guideront dans mes devoirs de fils, de Français L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 245 et d'homme. Je vous demande de partager avec moi le grand bonheur que j'ai à partir, moi aussi, à prendre part à la plus grande épopée de l'histoire. Le 7 novembre, notre camarade atteint les premières lignes. Et le 28, dans une longue lettre, que nous regretterions beau- coup de ne pas reproduire ici si elle n'avait déjà paru dans le Bulletin, il décrit sa nouvelle existence, la vie dans les tranchées. L’exactitude de son récit, que l'on sent si vrai, lui donne la valeur d'un document tandis que sa bonne humeur, son pittoresque en rendent la lecture attrayante. Il est trop bon observaleur de la discipline pour préciser son séjour. Mais on devine qu'il est en Artois, dans cette région fameuse de N.-D.-de-Lorette, Ablain-Saint-Nazaire, Carency, Arras, où l'offensive du printemps prochain couvrira nos armes de gloire. Le temps est affreux. Il n’a pas plus de prise sur son caractère que les obus. Il reste souriant et confiant. Mais il cherche toujours à rassurer les siens. Et le 13 décembre, il leur écrit : La pluie abominable continue, continue toujours. Dans les tran- chées nous sommes dans l’eau et dans la boue liquide jusqu'aux chevilles, souvent jusqu'aux genoux. Mais néanmoins la santé et le moral sont bons. En ce moment, le village où nous sommes, à 600 mètres des tran- chées, est en plein bombardement. Tu vois que ce n’est pas si ter- rible que ça... Courage et confiance encore et toujours. L'avenir splendide est devant nous et la victoire ouvre de plus en plus sa grande aile sur nous. Les souffrances de cette dure campagne d'hiver ne lui font pas oublier les douces habitudes familiales que réveille l’ap- proche de l’année nouvelle, ces vœux qui s'échangeaient naguère si paisiblement au foyer. L'heure grave y imprime, cette fois, son empreinte. Les voici datés du 22 décembre, les derniers, hélas! qu'il devait exprimer. Tout au moins mes pensées seront toutes, en ce soir de fête, près de vous, autour de la table qui nous réunissait tous, au coin du feu 246 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE où l’on causait bien tard et où il restait encore tant de choses à dire... Qu'ils sont cette année magnifiques et grandioses les vœux de nouvel an ! Dans le courant de janvier, il a une grande joie, ses chefs ont reconnu l'effort considérable qu'il a réalisé. Ils l'ont cha- leureusement félicité et l’auraient proposé pour le grade de capitaine s’il n'était pas si Jeune lieutenant. Dans sa modestie, il écrit le 24 janvier : Pourtant, je n'ai rien fait d’extraordinaire. Maïs mon plus grand plaisir, c'est de sentir tous mes hommes bien dans ma main et d'obtenir d'eux tout ce que je demande. D'ailleurs, nous formons à la compagnie une belle trilogie d'officiers de réserve. Mes deux lieu- tenants sont, l’un ancien Agro, comme moi, l’autre est élève de l'Ecole normale supérieure. Entre nous, aucun rapport de chef à subordonné, mais la plus belle et la plus franche camaraderie nous permet d'obtenir d'excellents résultats. Et il termine gaiemeni : ; Notre moral reste splendide et nous luttons avec la joie au cœur, le sourire et le mot de circonstance aux lèvres. Nous continuons toujours nos œuvres littéraires. Nous avons fondé un journal tiré à un exmplaire, écrit à la main et illustré. Tout ce qu’on y écrit est de notre cru et inédit. La rude existence des tranchées se continue avec des alter- natives de calme et d'activité. Sans qu'il précise, on devine qu'un travail incessant s'y poursuit. C'est la préparation mé- thodique de la grande offensive que déclancheront les pre- miers beaux jours, celle de la bataille d'Arras, la plus impor- tante qui se sera livrée depuis Ypres. Il faudra attaquer de front après avoir anéanti les défenses de l'ennemi sous un déluge de projectiles. Voici un passage d'une lettre datée du 3 mai - Il faut toujours me voir autour du même point important (Arras) qui forme le centre de notre action. Mais maintenant nous occupons la place glorieuse, la clef de la défense, C’est un point dont il a été beaucoup parlé (Roclincourt) et qui a vu déjà les plus beaux dévouements. " mener L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 247 Le village n'est plus qu'un monceau de ruines que les canons allemands continuent tous les jours à réduire en poussière, Les balles semblent s'y donner rendez-vous un peu de tous les coins de l'espace. Mais, en général, elles ont la bonne idée de passer au- dessus de nos têtes. Enfin la belle saison est revenue : « Depuis une quinzaine de Jours, écrit-il le 5 mai, le printemps est radieux, les champs sont verts, les arbres vêtus de leurs jeunes feuilles. » Hélas ! ce printemps que Léon Omnès salue avec joie est un présage de mort ! Le retour de la nature à la vie, tragique contraste, va précipiter une bataille qui comptera parmi les plus achar- nées, les plus sanglantes de la campagne, ‘parmi les plus glorieuses aussi. Elle emportera beaucoup des nôtres et, parmi eux, notre ami... Du 9 mai, date des premiers combats, jusqu’à la fin du mois, la division française prend Carency, Ablain- Saint-Nazaire, le moulin Malou, la sucrerie de Souchez et fait plusieurs milliers de prisonniers. Notre vaillant cama- rade tombe dès le premier jour, le 9 mai, non loin de ce célèbre Labyrinthe, en avant du village de « Roclincourt » témoin « des plus beaux dévouements ». II y ajoute le sien, en donnant sa vie. Il meurt au début de la grande bataille mais, sans doute, a-t-il pu voir se dessiner déjà l’auréole de la vic- loire. Dans cette lettre touchante M. le lieutenant Théphaine, prévient Mlle Yvonne Omnès de la mort glorieuse de son lrère. Ces quelques lignes expriment sal tout ce qu'était notre cher camarade. MADEMOISELLE, Pardonnez à votre frère de ne vous avoir pas écrit pendant des semaines qui vous ont paru trop longues ! Dans les tranchées, Léon a toujours consacré son temps à ses soldats. Quand je suis arrivé au Régiment, un mois après lui, on le considérait déjà comme un vrai chef. Sa bonne humeur avait gagné tous les cœurs. Sa bonté naturelle lui avait valu l'affection de ses hommes, et son entrain allègre l'admiration de tous ses supérieurs. Au combat du 9 mai, Léon était à sa place d'honneur lor squ'une balie l'a blessé. > 218 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Savez fière de votre frère, Mademoiselle, et ayez du courage. Léon n'a pas souffert. 11 est tombé glorieusement, frappé au front. Je l'ai conduit à sa dernière demeure et j'ai pleuré sur sa tombe. Oh ! quelles sont douces.les larmes qui pleurent les héros ! C'est ce beau nom de héros que Léon a reçu de Mgr l'évêque d’Ar- ras qui assistait à son enterrement dans le fracas des obus. Avez du courage, Mademoiselle, et daignez agréer l'expression de mes condoléances émues. THEPHAINE. Une lettre du colonel commandant le régiment, une bril- lante citation à l'ordre de l'armée scellent le témoignage de l'affectueuse admiration qu'éprouvent pour. Léon Omnès ses compagnons d'armes et ses chefs. Ses camarades de l'Insti- tut Agronomique y joignent le leur. Les sentiments que les familles de nos camarades expri- ment sont dignes de l'héroïsme de leurs chers disparus. Parmi loutes les lettres que l'Associalion amicale des anciens élèves a reçues, pas une plainte, pas un mot d’amertume contre le cruel destin, mais une résignation tantôt muette,_ tantôt Îer- vente où s’exalle le sacrifice à la patrie. A ces épouses, à ces parents si dûrement irappés nous demandons l'autorisation de publier respectueusement 1c1 leur admirable pensée. De grandes forces s’en dégagent, un réconfort précieux dans la douleur et une puissance nouvelle dans l'action. Pourraient-ils se refuser à les propager parmi nous ? Cette lettre de Mme J.-B. Cour, la veuve de notre vail- lant camarade tombé glorieusement à Dixmude au mois de novembre 1914, n'apporte-t-elle pas aux cœurs meurtris la lorce de maîtriser leur souffrance, et, aux combattants la volonté encore raffermie de vaincre ? : Devant la disparition d'êtres aussi aimés, le cœur peut saigner. mais fièrement devant le devoir aécompli et pour la noble cause pour läquelle ïls disparaissent.-La France ‘est tout pour moi, je lui hs sb, Let | Ts L'INSTITUT NATIONAL AGHONOMIQUE ET LA GUERRE 249 ai donné mon mari. J'espère que mon sacrifice n'aura pas été inutile et que bientôt elle sortira victorieuse et plus vaillante que jamais. Pot à (21 avril 1915). Nous retrouvons le même foyer rayonnant d'énergie et d'espoir dans ces lignes de M. Alfred Grenier, le père de notre vaillant camarade tombé glorieusement au combat de Vingtré, près de Vic-sur-Aisne, le 12 novembre 1914. On se souvient de l'héroïque pensée que notre ann adressait aux siens la veille du combat. Celle-ci en est digne Ce cher enfant ne m'avait jamais donné que des joies et il allait m'en donner davantage encore dans l'avenir qui, devant lui, s'ou- vrait si brillant. Aussi, ma douleur est immense; mais elle cherche et trouve un apaisement dans la fierté que nous met au cœur sa mort glorieuse, dans l'espérance que cet enfant a recu au delà de la tombe la récompense de son héroïsme, dans l'espérance aussi que son sacrifice n'aura pas été fait en vain et qu'il contribuera avec celui de tant d’autres à la victoire de notre chère patrie, qui sera d'autant plus belle qu’elle sera la victoire du droit, de la civilisation et de la liberté. Puis, c'est M. Des, prolesseur à la Sorbonne, dont le fils, heutenant nitralleur d'un régiment d'infante- rie, a succombé héroïquement face à l'ennemi, entre Drouille et Courbes- seaux (M.-et-M.) le 25 août 1914, au cours d’un combat meurtrier «ui Jacques Denis coûta la vie à la plupart des officiers. pe Espérons que tant de deuils et de pertes assureront à la France un avenir de gloire. C'était l’ardent désir de Jacques. Ce fut, j'en suis sûr, sa dernière pensée. 5 (8 avril 1915). Et M. Gran, directeur des Services Agricoles du Départe- ment : le père du sous-heutenant d'infanterie qui est tombé le 2 octobre 1914 à Wancourt près d'Arras, au moment où 290 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE obligé de se replier il disputait le terrain pied à pied à l'ennemi Comme vous le voyez, votre camarade a bien fait son devoir. Cette constatation serait une atténuation à la douleur de sa famille si elle pouvait être consolée de sa perte. (21 avril 1915)- Notre camarade DE CoNFEvRoN, lieutenant d'infanterie, a été tué à l'ennemi le 9 mars 1915, dans des circonstances qui l'ont fait citer à l'ordre de l’armée. Mlle de Confe- vron est profondément atteinte par la mort de ce frère excellent. Mais elle ressent cette fierté, ce noble orgueil qui aide les âmes élevées à supporter leur douleur. Francois de Confevron 1378-1915 Nous avons eu, écrit-elle le 21 avril, l'orgueil et linfinie douleur de le voir donner sa vie pour notre France, à l'attaque du Bois-Sabot, en Champagne. Le 8 septembre 1914, à la fin d'un combat qui se livrait entre Courdemange et la route de Chatel-Raould, l'ordre fut donné de se replier. Noire jeune camarade Louvet, de la pro- motion 1912, caporal au 107° régiment d'infanterie, obéit. Soudain, il s'apercoit que l'un de ses soldats est blessé. N'écoutant que son cœur, il s'agenouille près de lui et se dis- pose à le panser quand une balle ennemie le frappe à la tête. En répondant à la demande de renseignements que l'asso- ciation amicale lui a adressée, M. Louvet s'exprime ainsi : C'était une âme d’apôlre et il ne cherchait qu'à se dévouer pour les siens et ceux qui l'entouraient. Puissent tous ces nobles sacri- fices nous apporter bientôt la victoire définitive. 23 avril 1915). Nous pourrions prolonger ces citations. Nous n'en donne- ions pas de plus belles. Et nous n’en trouverions pas une qui € ob di à CE hot. à PS PS EEE ENERENT ONCEE OER T L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 251 projetierait une ombre, même légère, sur ces sublimes pen- sées. L'âme héroïque des fils se confond avec celle des pères dans l'amour de la France et le dévouement à sa sainte cause Les beaux traits que nous venons de faire connaître déper- gnent les sentiments de toutes les familles de nos camarades, étroitement solidarisées dans la défense du pays, et les hono- _rent paretllement. Ah! comme l'on sent que cet admirable stoïcisme est un nouveau sacrifice, qu'il abrite une douleur devant laquelle toute autre s’efface, toute consolation demeure vaine. Notre plus respectueuse sympathie va vers ces épouses, ces parents immolés, vers ceux aussi qui attendent dans l'angoisse le retour . de l'enfant disparu, qui gravissent ce long calvaire où chaque journée apporte une souffrance que l'espoir du lendemain ne consoie pas. : Les héros morts pour la patrie ne veulent pas qu'on les pleure. C'est de l’action qu'ils réclament, non des larmes. Leur fin est la plus belle que l'on puisse rêver. Ils entrent vivants dans l'immortalité. Dieu les place parmi ses élus. La Nation les honore dans une sorte de culle. Elle leur tresse des couronnes et n'abandonne jamais les lieux où ils reposent. Comune le ferait une mère, La voix d'une peuple entier les berce en leur tombeau. Et, suivant sa pieuse tradition, elle étend à leurs familles la douceur de ses hymnes reconnaissants. Cet espoir divin, celte place privilégiée dans l'estime des hommes, le sentiment du sacrifice consenti à la plus noble des causes apportent un adoucissement à celle grande dou- leur. Ils la parent d'une auréole qui la distingue dans le cor- tège des communes souffrances humaines. Mais 1ls ne peuvent la guérir. Et la plaie reste toujours vive que le cruel arrache- ment à causée. 252 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Les familles des victimes de la guerre n'attendent, ici-bas, de remède efficace que dans le triomphe de nos armes, Elles n'en veulent pas d'autre. Seules, ses joies les apaiseront. Elles ne l'attendront pas en vain. La Victoire consacrera tant d'ab- négalion et d'héroïsme. Une moisson magnifique lèvera sur celle terre où le sang de leurs enfants — leur propre sang — a coulé. La France et ses alliés vaincront. Les nations oppri- mées seront libérées. Alors, joyeuses, ardentes, s'élèveront leurs acclamations ! Et c'est vous qu'elles glorifieront, à chers soldats de France,ô chers camarades, martyrs de la Patrie ! EL c'est pourquoi, ceux qui vous ont perdus, ici-bas, séche- ront enfin leurs larmes. Car, ils verront que vos souffrances et votre sacrifice, qui sont aussi les leurs, auront atteint le but suprême : que vous aurez réalisé une œuvre dont la portée sera infinie. Et ils jugeront que si votre vie fut éphémère, ayant été moissonnée en son printemps, elle fut mieux remplie que celle de la plupart des hommes ! Puis nos héroïques soldats compléteront l'œuvre de guerre, en aidant à organiser l'œuvre de paix. Ils rapporteront parmi nous ces émineutes qualités que l'on n'acquiert qu'à la plus haute école du devoir. Et le concours de tant d'hommes de bonne volonté, unis plus que jamais par des liens sacrés, don- nera à la France les assises d’une paix inébranlable. Notre civilisation, nolre culture restera souveraine mais respec- tueuse, elle, de l'essor du génie des peuples. Et nos ennemis, eux-mêmes, désabusés, chercheront à boire à cette source éternelle de beauté, de justice et d'humanité. *k * * Cependant, nos ingénieurs agronomes retourneront à leur besogne pacifique. Leurs bras se pencheront amoureusement vers le sol meurtri, témoin de tant de ruines et de gloire. Ils réédifieront les fermes détruites, réensemenceront les terres bouleversées, reconstitueront les grands bois ravagés. Bientôt. Pere Pme spa sand ai: 2x UNS CT 17- LÉ D, Lu, (ÉD L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE ET LA GUERRE 253 naîtra une ére nouvelle de quiétude, de prospérité et de gran- deur. Mais jamais ils ne perdront de vue les lieux sacrés, où nos glorieux morts veillent sur le fruit de leur immense labeur. Ils se prodigueront encore pour contribuer à le perpétuer. Et ils garderont toujours leur mémoire, la chère mémoire de ceux des nôtres qui ont pieusement donné à la France : leur sang, leur jeunesse, leur vie. + 931 décembre 1915. LA RÉCOLTE ET LES PRIX DU BL en 1915 Par H. HITIER, MAITRE DE CONFÉRENCES A L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE La récolte du blé en France en 1915. — Le Journal ojjiciel du 30 septembre dernier a donné les résultats approximatifs des récoltes de céréales en 1915, d'après le relevé des rapports des directeurs des services agricoles des divers départements aussitôt la récolte. Voici pour le blé ces résullats approximatifs de l’année 1915 el ceux définitifs des cinq années précédentes : Surfaces ensemencées. Produit en grains. Rendement à l’hectare. \nnées. — RE 2 — — hectares. hectolitres. quintaux. hectolitres quintaux. LORS Ee 5.691.771 84.360.600 64.720.200 14,82 11,37 NONPESÈNESE 6.133.060 101.318.930 78.703.210 16,3 13,2 LODEL 6.542.280 113.119.920 86.919.050 17,3 13,2 (O1 ARE 6.571.580 118.505.800 90.991.500 18 13,8 l'OMS 6.433.360 111.049.900 87.727.100 17,2 13,6 LOTO 6.555.370 90.801.300 68.806.100 13,4 10,4 es Récolte déficitaire. — Il ressort de ces renseignements, que celte récolte de blé pour l'année 1915 est notablement infé- rieure aux espérances que l’on aurait pu concevoir après les publications, par le Ministère de l'Agriculture, de l'enquête sur les surfaces ensemencées et sur les apparences des embla- vures. Le rendement moyen pour l'ensemble du pays est un des plus faibles qui ait été enregistré depuis longtemps. Cette IE LA RÉCOLTE ET LE PRIX DU BLÉ EN 1915 299 conclusion ressort de la comparaison des évaluations pour les dernières années. La surface cultivée en blé est inférieure de près de 834.000 hectares à la moyenne de la période des quatre der- nières années normales (1910 à 1913) ; c'est là une première cause du déficit de notre récolte, due à l'occupalion d'une par- tie de notre territoire par les armées ennemies, due égale- ment à une réduction des emblavures en blé dans le reste de la France. Mais le déficit est dû encore à une diminution exception- nelle dans le rendement à l'hectare ; alors, en eflel, que ce rendement avait été pendant les années 1911 à 1913 de 17 à 18 hectolitres, de 13,2 à 13,8 quintaux à l'hectare, il ne serait en 1915 que de 14,82 hectolitres ou 11,37 quinlaux. Cette faiblesse dans les rendements provient surtout de ce que les régions méridionales ont été très éprouvées sous ce rapport. Le Ministère de l'Agriculture divise la France, dans ses tableaux statistiques, en un certain nombre de régions, qui en 1915 auraient respectivement produit les quantités de blé que voici : Produit en grains. Rendement Surfaces sm —— à l’hectare. Régions (1) ensemencées. hectolitres. guintaux uyrintaux. Nord-Ouest ...... 689.720 10.908.500 8.277.900 12 NOTE ee « 853.125 20.381.800 15.862.000 18,5 Nord-Est ........ 307.264 4.703.000 3.605.900 x à y HOPERELESRERRERES 1.031.175 12.828.000 9.639.500 9,3 Benne Ar. THAT 12.314.200 9.470.400 12,2 IST ARS 656.365 9.846.000 7.532.500 11,5 Sud-Ouest ....... 656.500 5.757.300 4.440.500 6,7 SG USM OREE 408.885 3.920.200 3.040.700 7,4 Sur SRE 298.562 3.549.600 2.733.800 9,1 Récolte particutièrement déjicitaire dans la région de l’Aquitaine. — Ainsi tandis que dans la région, désignée sous le nom de Nord, et qui comprend, somme toute, la région (1) (Nord-Ouest) comprend les départements du Finistère, Côtes-du-Nord, Morbihan, Ille-et-Vilaine, Manche, Calvados, Orne, Mayenne, Sarthe. (Nord) : Nord, Pas-de-Calais, Somme, Seine-Inférieure, Oise, Aisne, Eure, Eure-et-Loir, Seine-et-Oise, Seine, Seine-et-Marne. 256 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE des fermes à betteraves de la France, des départements du Nord. du Pas-de-Calais. de la Somme, de l'Oise, de l'Aisne, de Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, etc. la récolte du blé ’a encore atteint cette année 24 hectolitres à l'hectare, 18,5 quin- taux ; dans les régions du Sud-Ouest et du Sud qui com- prennent tout le grand bassin de l’Aquitaine du Massif cen- tral aux Pyrénées, la récolte du blé est tombée, au contraire, au chiffre très bas de 6,7 et 7,4 quintaux à l'hectare, au- dessous de 9 hectolitres. Or, ces deux régions du Sud-Ouest et du Sud avaient ense- mencé 1.065.385 hectares, plus de IS % de la surface totale emblavée en blé. C'est à la faiblesse des rendements obtenus à l'hectare dans ces départements qu'est donc bien due la médiocrité du rendement moyen à lhectare en France en 1915. . Il laut remarquer, du reste, que ce sont précisément les départements du Sud-Ouest et du Sud où lon ensemence les plus grandes surfaces en blé, qui ont obtenu les plus faibles récolles: ainsi le Gers qui avait ensemencé 109.000 hec- lares en blé, n'a obtenu qu'un rendement de 5 quintaux de grains à lhectare ; la Haute-Garonne qui avait ensemencé 98.000 hectares en blé, seulement 6,2 quintaux : même rende- ment très bas dans le Tarn-et-Garonne, où les emblavures en blé couvraient 88,500 hectares ; 7,6 quintaux à l'hectare dans le Lot-et-Garonne pour des surfaces de 110.000 hectares en blé : 7 quintaux dans le Tarn pour 95.000 hectares, etc. (Nord-Est) : Ardennes, Marne, Haute-Marne, Meuse, Meurthe-et-Moselle, Vosges, Belfort (Haut-Rhin). (Ouest) : Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Indre-et-Loire, Vendée, Cha- ‘rente-Inférieure, Deux-Sèvres, Charente, Vienne, Haute-Vienne. (Centre) : Loir-et-Cher, Loiret, Yonne, Indre, Cher, Nièvre, Creuse, Allier, Puy-de-Dôme, (Est) : Côte-d'Or, Haute-Saône, Doubs, Jura, Saône-et-Loire, Loire,. Rhône, Ain, Haute-Savoie, Savoie, Isère. (Sud-Ouest) : Gironde, Dordogne, Lot-et-Garonne, Landes, Gers, Basses- Pyrénées, Hautes-Pyrénées, Haute-Garonne, Ariège. j (Sud) : Corrèze, Cantal, Lot, Aveyron, Lozère, Tarn-et-Garonne, Tarn, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales. (Sud-Est) : Haute-Loire, Ardèche, Drôme, Gard, Vaucluse, Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Bouches-du-Rhône, Var, Alpes-Maritimes. 2 nat. » et an. dés ds 2 à LA RÉCOLTE ET LE PRIX DU BLÉ EN 4915 257 Les publications du Ministère ne nous donnent pas, malheu reusement, la moindre explication sur les causes. auxquelles on pourrait altribuer ces mauvaises récoltes. Les ensemen- cements de 1914, au dire d'agriculteurs du pays, se seraient faits dans des conditions défectueuses, par temps de pluie, les terres n'auraient pas pu être travaillées convenablement, eiC., elc: Mais 11 y a, dans tous les cas, une observation qui s'im- pose : de tout temps, en période normale, dans les mêmes départements du bassin de l'Aquitaine l’on constate la fai- blesse excessive des rendements obtenus à l'hectare dans la culture du blé. Par exemple, en 1911, la Dordogne, le Lot-et- Garonne, le Gers, la Haute-Garonne, le Tarn-et-Garonne n obtenaient que 11 hectolitres à l'hectare, alors que les dépar- tements de la région du Nord, cette même année, récoltaient 90 hectolitres à l'hectare. Sans aucun doute les conditions du climat dans la région du Sud-Ouest sont, trop souvent, particulièrement défavo- rables à la végétalion du blé: de graves accidents, sont occa- sionnés par les vents d'autan, les brouillards, les chaleurs pré- maturées, la sécheresse, etc.: cependant un certain nombre de domaines de ces mêmes départements récoltent plus de 20 quintaux de blé en movenne à l'hectare : ce sont ceux où, à côté du blé, l’on sème beaucoup de plantes fourragères, de luzerne, de trefle, etc. La trop faible surface consacrée aux prairies arlificielles, la trop grande étendue, au contraire, réservée aux céréales, expliquent, en grande partie tout au moins, les faibles récoltes de la vaste région à blé de l'Aqui- taine. D'autres causes, encore, interviennent, dont la réner- cussion se fait sentir sur l'agriculture de ces mêmes départe- ments, et, d'une facon très grave: le Gers, le Lot-et-Garonne, la Haute-Garonne, souffrent d'une dépopulalion intense qui sévit surtout dans les campagnes. D'année en année les diffi- cultés augmentent donc pour cultiver le sol, le labourer, le nettoyer, le travailler: et naturellement la situation, créée par 258 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE la guerre, à encore aggravé la crise que traverse l'agriculture de la Gascogne et de l'Aquitaine en général. Récolle du blé en Angleterre. Mesures prises pour y sauve- garder la production agricole. — Du 1* août 1914 au 31 juil- let 1915, l'Angleterre a importé 50.181.622 quintaux de blé, quantité moindre que celle importée en moyenne les quatre dernières campagnes, et qui s'élevait à 52.858.140 quintaux : c'est que les hauts prix du blé, depuis quelques années, avaient commencé à inciter les agriculteurs anglais à aug- menter les surfaces qu'ils consacraient au blé : celles-ci ont été surtout sensiblement accrues à l'automne de 1914, de plus de 300.000 acres, si bien que, malgré un rendement momdre à l'hectare en 1915, la récolle totale à été en Angleterre de 18.509.708 quintaux contre 15.909.171 quintaux l'année pré- cédente, sans compter 696.939 quintaux pour l'Ecosse, et 389.197 quintaux pour l'Irlande. L'Angleterre aura continué à ensemencer toujours de plus srandes surfaces en blé cet automne 1915, si les agriculteurs ont répondu au pressant appel que vient de leur adresser ie président du Board of agriculture, de Londres, lord Sel- borne « Vous qui vivez de la terre, Je vous prie d'aider votre roi el votre pays en produisant dans vos exploitations, durant l'année qui vient, la plus grande quantité possible de denrées agricoles. C'est toujours une sage précaution pour une natioi en guerre, de produire autant de denrées qu'il lui est possible sur son propre territoire. Vous devez considérer que cetle guerre est poursuivie avec l'argent aussi bien qu'avec :les hommes, et que chaque livre sterling de marchandise que vous pouvez produire, épargne une dépense équivalente en achats à l'étranger, et est ainsi une contribution directe à la victoire. | « La nation a surtout besoin de plus de blé, de viande, de LA RÉCOLTE ET LE PRIX DU BLÉ EN 1915 259 lait, d'avoine, de pommes de lerre, de lard, de fromage, etc. Et Lord Selborne, après avoir suggéré quelques-unes des méthodes qui pouvaient être adoplées pour produire en Angleterre de plus grandes quantités de denrées alimentaires, ajoute, ce qui témoigne bien de l'importance extrême atta chée par le Gouvernement anglais à la production agricole « Cette augmentation de production ne peut pas être obte- nue sans un grand effort ef les agriculteurs ont à faire face à beaucoup de difficultés spéciales en ce moment. Mon désir est de vous aider, par tous les moyens en mon pouvoir, à sur- monter ces difficultés. & La principale de celles que vous trouvez devant vous maintenant est la rareté de la main-d'œuvre, et, dans cette vue, 1l a été décidé avec lord Kitchener, qu'aussitôt que l'ana- lyse du « Registre national » aura élé achevée, les hommes appartenant aux catégories de commis de culture, bergers, hommes chargés des soins à donner aux animaux, vachers, charretiers, couvreurs en chaume, conducteurs de moteurs mécaniques agricoles, de charrues à vapeur, et de machines à battre, ainsi due leurs mécaniciens et aides, ne seraient pas acceptés pour l'engagement militaire, même s'ils s'offraient d'eux-mêmes. » Abondante production en blé dans les grands pays exporta- leurs. — La consommation moyenne annuelle du blé en France est estimée de 92 à 94 millions de quintaux (1) : l'armée a pris soin d'avoir en réserve une forle provision de blé: il n'en reste pas moins vrai que notre récolle de 64 millions de quintaux seulement en 1915 nous obligera pendant la cam- pagne 1915-1916 à avoir recours aux importations dans une large mesure. L'Angleterre, la Belgique, l'Italie, devront aussi avoir (1) De 1901 à 1910 la production moyenne de la France en blé a été de 89 millions de quintaux et nous avons dû importer pendant cette même période 2,6 millions de quintaux par an en moyenne. (Statistique du Ministère de l'Agriculture.) 260 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE recours dans une large mesure aux importations ; les grands pays producteurs et exportateurs de blé sont-ils en mesure de nous les fournir ? Les documents réunis par l'Institut international d’'agricul- ture de Rome permettent de donner à cette question une ré- ponse nettement favorable, ainsi que M. Edmond Théry l'a montré dans une récente communication à l'Académie d’Agri- culture (6 octobre 1915). Pour l’année agricole 1915-1916, voici, en effet, d'une part le déficit en blé que les nations d'Europe auront à combler par des achats extérieurs, et d'autre part l'excédent disponible des pays exportateurs : Europe occidentale : déficit. (Millions de quintaux.) Récolte Consommetion Déficit Pays. de 1915. nationale, à combler. Angleterre, France, Italie, Belgique ........ 156 243 107 Espagne, Hollande, Scandinavie, Suisse ...... 46 64 18 MObT TR ER PAR Re ce LS 182 307 125 Pays exportateurs : excédent disponible, (Millions de quintaux.) Récolte Consommation Déficit Pays. de 1915. nationale. à combler. A. _ — — — Canada 2e er RTE ON NE en 84 27 57 Etats-Unis (LR PR EC ER R LEe 267 157 110 Endestanelaisestes, MR ee lil 104 83 21 Afrique idusNOr dE. Men eee 23 21 2 POLAR AT RE TRE CN Nr 478 283 190 B. Empire russe (moins la Pologne et la Finlande) 266 182 84 ROUMANIE Ter den NN Ne Eee 30 Lo 20 DOtaux 1 BEEN A MN REA 296 192 104 - Ainsi les disponibilités sur la récolte de 1915 pemettraient au Canada, aux Etats-Unis, aux Indes anglaises, à l'Afrique du Nord (Aïgérie, Tunisie, Egypte), de faire face à elles seules (1) La récolte du blé aux Etats-Unis en 1914 avait déjà été une récolte excep- tionnelle à tel point que du 1° août 1914 au 31 juillet 1915 les Etats-Unis ont pu exporter 65.630.889 quintaux de blé, alors que de 1909-1910 à 1913- 1914 leur exportation annuelle en blé n'avait atteint que 16.772.710 quintaux en moyenne. < : k . RS SE CS nn on à does os ne né cn td oc cms D us à LA RÉCOLTE ET LE PRIX DU BLÉ EN 14915 261 * à lous les besoins de l'Angleterre, de la France, de l'Italie, de la Belgique reconquise et de tous les pays neutres de l'Europe. On ne doit pas oublier, en outre, que dans quelques mois la récolte de la République Argentine, du Chili et de l'Australie sera utilisée à son tour par l'Europe et que la movenne des exportations de ces trois pays pour la période quinquennale 1910-1914 à été de 38 millions de quintaux, ce qui n'est pas une quantité négligeable (1). En résumé, concluait M. Théry, les pays de l'Europe occi- dentale pourront obtenir, dans de bonnes conditions de prix, le blé qui leur manquera pour l'année 1915-1916. Toute la queslion dépendra du fret qu'il leur faudra payer pour le transporter des lieux. de production sur les marchés de consommalion. * # Les cours des prix du blé en 1915 (2). — Le blé, comme l'a très Justement fait remarquer M. Henry Sagnier, est une des denrées dont les cours subissent, au plus haut degré, l'in- fluence de l’état de guerre. - À Ia fin du mois de juillet 1914, le prix du quintal était, à New-York, de 17 fr. 50. La récolte des Etats-Unis était la plus élevée qui ait jamais élé enregistrée Jusque là, estimée à 242 millions de quintaux, avec un excédent de 34 millions de quintaux, sur celle de 1913. Cependant le cours du blé à New-York montait, et dans la seconde quinzaine de dé- cembre, il atteignait près de 27 francs. En France, en juillet 1914, le prix du blé était de 27 francs (4) D’après l’Institut international d'agriculture de Rome, la superficie ense- mencée en blé en Australie pour 1915-1916 est évaluée à 4.653.820 hectares et la production à 39.918.880 quintaux de grains, alors que la précédente récolte n'avait été évaluée qu’à 6.782.780 quintaux. I] y aurait donc un écart énorme en faveur de cette année. (2) Nous empruntons les renseignements sur cette importante question aux mercuriales publiées dans le Journal d'agriculture pratique, aux très remar- quables articles de M. Henry Sagnier à propos du commerce du blé, parus dans le même journal. 262 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE le quintal : un décret en date du 31 juillet, venait suspendre les droits de douane, mais celte suspension n'eut pas pour ellet de provoquer une baisse de prix préjudiciable aux agri- culteurs. Les cours se maintenaient à des niveaux normaux, sans hausse qui puisse inquiéter relativement aux besoins de la consommation. En effet, vers la fin du mois de décembre, les prix du blé s'établissent comme il suit, dans les principaux pays d'Eu- rope, par quintal métrique : Francs. Hrancemet re A EN AT me ne oo 28,75 à 29,75 Angleterre...... Londres, blé indigène ........ 26,00 à 28,50 = blé d'Amérique ..... 27,19 à 27,50 Liverpool, blé d'Amérique .... 27,24 à 27,69 Allemagne...... Hambourg, blé indigène ...... 38,72 Mannheim, blé indigène ....... 34,50 Honerie .. Budapest, blé indigène........ 33,72 SUISSE ee ROVER ET 28,00 à 30,00 BCE Me M Et. 30 TTANE. RAT SEUE Gênes, blé indigène .......... 35,50 à 36 Milan, blé indigène .......... 34,50 à 35,25 Toutelois, en janvier et février, une tendance à la hausse accentuée se manifeste sur les marchés français et beaucoup plus encore sur les marchés étrangers. Le Ministre de l'Agri- culture, consulté par les députés sur les causes de cette hausse du blé, répondait par les observations suivantes, publiées au Journal officiel du 21 février La hausse constatée sur les blés depuis quelques semaines est due 1° Aux demandes considérables émanant de l'Europe ocei- dentale (Angieterre, Italie, France), alors qu'à raison des circonstances, les offres de certains pays généralement expor- tateurs (Australie, Roumanie, Russie), se trouvent à peu près complètement suspendues ; 2° A l'élévation énorme subie par les prix du fret (1) : (1) Le fret de New-York à Liverpool variait au mois de juillet 1914 de 0 fr. 99 à 1 fr. 10 pour un quintal de blé, au mois de mars 1915 il avait atteint 4 fr. 66. Entre New-York et Gênes, le fret était passé de 1 fr. 30 par LAS né LA RÉCOLTE ET LE PRIX DU BLÉ EN 1919 263 3° Aux. difficultés que les agriculleurs éprouvent à exécu- ler les batlages, el par suile, à amener leurs blés sur les mar- chés (1). Le Gouvernement, ajoutat le Ministre de l'Agriculture, se préoccupe des achats de blés, farines et avomes à effectuer à l'étranger, et il terminail par celle observalion importante Deux remarques, au surplus, doivent appeler l'attention. La première, c'est que le cours du blé est actuellement en hausse dans le monde entier, et la seconde, c'est que si lon exceple la Russie pour des raisons faciles à comprendre, la France est le pays où le prix du blé est le moims élevé. En effet la cote officielle des courtiers du marché de Paris S élablhissait, fin février, de 30 fr. 75 à 31 fr. 75 par 100 kilo- grammes pour les blés du rayon : dans les départements on colail de 30 à 32 fr. 33, ce dernier prix pour la région du Sud-Ouest. Mais à la mème date, les blés indigènes anglais se vendaient 54 francs : en Suisse, le blé atteignait le prix de 40 francs le quintal et le dépassait même sensiblement en tale, 41 à 43" francs. Les prix se maintenaient, en France, plus bas que dans les pays voisins, parce que, grâce à nolre régime douanier, la culture du blé avait pu conserver dans loutes nos régions l'étendue. de ses emblavures : nos besoins, par conséquent, élaient moins grands : mais il faut reconnaitre aussi que, par ses achats de blé, l'Intendance en imposant un prix maximum de 30 francs, Timilait la hausse possible sur beaucoup de marchés : du reste, dans la région de Paris, la même Inten- quintal au mois de septembre 1914 à 6 fr. 08 au mois de mars dernier, De Buenos-Ayres à Liverpool le fret est passé de 1 fr. 16 par quintal en juillet 1914 à 8 fr. 33 en mars 1915, et de Buenos-Ayres à Ciênes de 1 fr. 85 à 7 francs dans la même période. Cette hausse des frets était due : 1° à l’immobilisation d'un grand nombre de navires de commerce (notamment ceux de Ja marine marchande allemande), à la réquisition d’une quantité considérable de navires pour les alliés ; 2° à l’encombrement de nos ports et des ports anglais; 3° à l'assurance contre risques de guerre. (1) Les difficultés éprouvées pour les battages provenaient de la pénurie de main-d'œuvre, surtout du personnel mécanicien attaché aux machines à battre à grand travail qui presque seules aujourd'hui sont employées en France dans toutes nos campagnes, enfin une saison exceptionnellement humide empéchait de battre les meules. 4 264 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE dance livrait à la meunerie le blé au prix de 30 francs. Dès février, somme toute, le marché du blé en France n'était plus libre, n'était plus réglé seulement par le jeu de l'offre et de la demande : cette même situation allait se prolonger, elle dure encore. En mars et avril, les marchés sont tout désorientés sous l'influence de l'intervention de l'Intendance militaire, dont les méthodes varient avec une régularité parfois déconcer- tante (1). À Paris, au marché hebdomadaire du 24 mars, 1l n'est même plus établi de cote officielle pour les blés : dans les départements, les ventes s'effectuent au taux de 30 à 32 fr. le quintal de blé. Les blés étrangers dans les ports, sous vergue, sont cotés à un prix bien supérieur, 38 à 40 francs, ce qui s'explique du reste, puisque à New-York le blé était monté en mars à 31 fr. 7 et 32 francs et qu'il fallait ajouter à ces prix le taux très élevé du iret. En Angleterre les blés étrangers étaient cotés dans les ports aux mêmes prix qu'en France, alors que les blés indigènes s'achetaient de 30 fr. 50 à 33 fr. 10: grande fermeté sur les marchés italiens, 49 à 45 fr. 50 (mar- chés de Milan et de Florence, 47 francs pour les blés d'Aus- alle en mer. Cependant par une nole insérée au Journal ofjficiei du 16 avril, le Ministre du Commerce faisait connaître que les réquisitions de blé, qui avaient si fortement troublé le com- merce régulier du blé, allaient prendre fin désormais. « Le Gouvernement à décidé que l'autorité militaire eesse- rait dès maintenant de poursuivre les réquisitions récem- ment imposées par elle. Si le Gouvernement a pris cette déci- sion, Gest en vue de laisser cette quantité de blé à la dispoesi- lion de la population civile afin de lui permettre de satisfaire plus aisément, d'ici Fa prochaine récolte, aux besooins de la consommation. I y a donc lieu de penser que les moulins retrouveront ainsi leurs moyens habituels d'approvisionne- (1) Journal d'agriculture pratique, revue commerciale, 25 mars 1915. RL LS LS D PSS A D do à de nt à ren dont nd LA RÉCOLTE ET LE PRIX DU BLÉ EN 1919 263 ment et pourront continuer à travailler dans les conditions normales. » Les entraves apportées à la circulation des blés par FAdmi- nistration militaire avaient eu pour elfel de faire disparaitre, dans quelques régions, les approvisionnements nécessaires pour la marche des moulins : ces entraves ayant été levées, les demandes affluèrent, dépassèrent les efforts immédiats, et provoquèrent naturellement une tension dans les cours : dans la première quinzaine de mai, le blé était coté de 34 à 35 francs sur la plupart de nos marchés : les prix des blés étrangers dans les ports restant toujours plus élevés, 58 à 39 fr. 50 en parité avec les cours de New-York qui avaient atteint 32 fr. 65 par quintal. « Cette tension n'a été que de courte date, et c'est précisé- ment au moment où elle s'atténuait que le Gouvernement pre- nait la mesure arbitraire de monopoliser le commerce » (1). Au milieu de mai, en eflet, le Gouvernement fit annoncer par une note officieuse qu'il avait décidé de procéder à une réqui- sition générale des blés et de prendre le monopole du com- merce pour une période dont la durée n'élait pas déterminée. Les prélets prenaient aussitôt des arrêtés dont le sens géné- ral élait ainsi concu : En vue de déjouer les manœuvres de la spéculation et afin d'empêcher une hausse artificielle du prix du pain, le Ministre du Commerce a demandé au Ministre de la Guerre de donner aux intendants l’ordre de réquisitionner dans chaque dépar- tement, pour les besoins de la populalion civile, tout le blé existant, où quil se trouve. Le prix de la réquisilion est fixé à 32 francs les 100 kilogr. Ces mesures étaient illégales : le Gouvernement le reconnu et présenta alors, le 18 mai, un projet de loi à la Chambre des députés, destiné à investir l'autorité militaire, pendant la durée de la guerre, du droit de pourvoir par voie de réquisition à l'alimentation de la population civile en blé et en farine, (1} H. Sagnier. 266 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE l'autorité militaire pouvant déléguer ce droit à l'autorité civile. Presque toutes les opérations commerciales, en fait, se trouvèrent, une fois de plus, supprimées, en raison des en- lraves créées par ces mesures arbitraires, ces annonces de projet de loi, etc. Mais à l'approche de la moisson le blé bais- sait sur le marché de New-York, il ne valait plus que 24 fr. 50 disponible fin juin ; à Marseille les blés américains étaient offerts de 33 à 33 fr. 75 et au milieu de juillet les blés d’Algé- rie disponibles de 31 à 31 fr. 50. Aussitôt intervient une nouvelle dépêche officielle adressée aux préfets, par le Ministre du Commerce les avisant que « dans les conditions actuelles 11 y avait lieu de laisser com- plète liberté aux transactions, à la circulation des blés et des farines ». Les offres des blés nouveaux se faisaient sur les marchés fin juillet aux taux de 29 à 51 francs — les blés étrangers, de leur côté, étaient offerls dans nos ports au cours de 30 à 31 francs sous vergue. À Londres, il 4 avait parité également entre blés indigènes el blés étrangers au cours de 30 à 32 francs. Le blé dispo- nible à New-York élait coté 22 fr. S0, et livrable en septembre lire 0 Les cours de 30 à 31 francs se sont maintenus en août et septembre sur le marché de Paris et dans la plupart de nos régions, à part celle du Sud-Ouest où, comme nous l'avons indiqué au début de ces notes, la récolle en blé fut particuliè- rement faible, el où la cote du blé s'éleva à 33 fr. 50, 34 francs. Sur le marché de Londres les blés indigènes nouveaux bais- salent sensiblement : au 23 septembre ils étaient cotés de 23 fr. 60 à 26 fr. 30, les blés américains se payant de 30 à 30 fr. 50, Loi du 16 octobre 1915 relative à l'achat el à ia vente du blé pour le ravitaillement civil. — En France le commerce conbnual à se trouver paralysé par les incertitudes qui ré- al nn tan ss. disvbte hé be du de LA RÉCOLTE ET LE PRIX DU BLÉ EN 1915 267 gnaient toujours sur le régime commercial qui serait imposé par le Parlement. Depuis plus de six mois la Chambre des députés et le Sénat se renvoyaient des projets dits du ravitail- lement de la population civile. Finalement, le 15 octobre, la Chambre des députés adopla le texte qu'avait volé le Sénat «dans sa séance du 25 septembre. Ce texte à été promulgué au Journal officiel du 17 octobre en même temps qu'un décrel rélablissant le tarif douanier sur le blé et les farmes. Il nous laut rappeler ici ‘uelques-uns des principaux articles de celle loi relative à l'achat et à la vente du blé pour le ravi- lillement civil. ARTICLE PREMIER. — Pendant la durée de la guerre, 1l peut ètre pourvu par voie de réquisilion de blé et de farine à l'ap- provisionnement de la populalion civile. Le droit de réquisilion est exercé, dans chaque départe- ment, par les préfets ou par leurs délégués, sous l'autorité du Ministre du Commerce, de l'Industrie, des Postes et des Télégraphes et dans les conditions prévues par la loir du S juillet 1877 relative aux réquisitions militaires. ART. 2. — Le Ministre du Commerce, de l'Industrie, des Postes et des Télégraphes est chargé d'effectuer les achats de blés et farines à l'intérieur, aux colonies et à l'étranger, de faire procéder, s'il y a lieu, aux réquisitions et de répartir les denrées suivant les nécessités de Ia consommation, par voie de cessions. En cas de réquisition l'indemnilé qui pourra être allouée, soit par l'autorité adminisitralive soit par les tribunaux, ne pourra être supérieure à 30 franes par 100 kilogrammes pour les blés pesant 77 kilogrammes à l'hectolitre et ne contenant pas plus de 2 % de corps étrangers. Il y aura lieu à une augmentalion ou à une réduction de 1 % sur le prix pour chaque kilogramme en plus ou en moins constaté à l'hectolitre, ainsi qu'à une réduction de 1 % sur le même prix pour chaque unité en plus pour cent de corps étrangers. 268 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Arr. 8. — À partir de la promulgation de la présente loi et pendant la durée de la guerre, des décrets rendus sur la pro- position du Ministre du Commerce, de l'Industrie, des Postes et des Télégraphes, après avis du Ministre de l'Agriculture, peuvent fixer le prix des farines, qui ne pourra, En aucun cas, dépasser celui qui résulterait d’une extraction à 74 % tel aul est défini à l'article 2. Des décrets rendus dans la même forme devront déléguer ce pouvoir aux prélets. Les meuniers ne pourront plus fabriquer qu'une seule sorte de farine, à savoir la farine entière ne comprenant ni remoulages, ni sons. Le rapporteur général de cette loi devant la Chambre des députés et le Ministre du Commerce ont tenu, dans la discus- sion qui eut lieu à la séance du 15 octobre, à donner des expli- cations précisant le but poursuivi par le législateur : prendre les mesures nécessaires pour assurer aux culüvateurs pen- dant la guerre un prix considéré comme suffisamment rému- nérateur pour le blé, tout en sauvegardant le prix normal du pain. « Nous avons cherché à fixer un prix normal du pain pour le consommateur et un prix du blé rémunérateur nour le producieur (1). » M. Henry Sagnier fait, à ce sujet, les judicieuses observa- lions que voici : « On compte atteindre ce but en donnant à l'administralion civile le droit de réquisition pour l’alimenta- lion de la population, en fixant légalement le prix de réqui- sition à 30 francs le quintal pour le blé de bonne qualité moyenne el en donnant aux prélets le droit de taxation sur les farines. Ce sont évidemment des expédients que seul l'état de guerre peut excuser. Quoi qu'il en soit de leur réelle onnor- tunité, ils doivent aboutir à maintenir les cours du blé dans les limites que l’on ne veut pas leur laisser dépasser. « Mais, pour empêcher la répercussion d'une baisse sur les marchés étrangers qui pourrait peut-être provoquer le fléchis- sement des prix en France, la Chambre avait voulu donner au Gouvernement le droit exclusif d'importation. Le Sénat (1) M. Albert Métin, rapporteur général. LA RÉCOLTE ET LE PRIX DU BLÉ EN 4919 2659 ayant repoussé ce monopole, le Ministre du Commerce a déclaré qu'en même temps que la loi serait promulguée, un décret interviendrait pour rétablir le tarif de douane. C'est en fait, établir sinon le monopole de droit, du moins le mono- pole de fait. On ne saurait s'en plaindre, car 1l s'agit de sau- vegarder les intérêts légitimes des cullivateurs. Mais on à le droit d'espérer qu'à aucun moment le Gouvernement ne pro- litera de la franchise du tarif douanier pour opérer des ventes de blés, achelés au dehors, au-dessous du taux légal de la réquisition. Cette condition est essentielle, pour que le régime qui sera limité à la durée de la guerre, dont l'effet sera de hmiter les bénéfices des culhivaleurs, n'ait pas pour résultat de leur imposer de nouveaux sacrifices. « Au cours de la discussion, le Ministre du Commerce a déclaré ul ne serait procédé aux réquisilions qu'avec beau- coup de mesure et de prudence. « Il serait fâcheux, a-t1l ajouté, de réquisitionner d'un bout à l’autre du territoire, sur- tout à l'heure actuelle où la réquisition ne s'impose pas d'une facon absolue. La réquisiion ne devra s'effectuer qu'à défaut d'entente amiable. » On doit souhaiter que ces bonnes dispo- siions ne se délorment pas dans la pratique (1). » Depuis la promulgalion de cette loi, les prix des blés en France, sont restés sans changement, ils évoluent autour du taux légal de 30 francs par 100 kilograimes fixé pour les réquisitions faites par les prélels. D'après la revue commer- ciale du Journal d'Agricullure pralique (numéro du 2 dé- cembre 1915), les réquisitions lonclionnent déjà dans un assez grand nombre de départements. Les cours oscillent, sur la plupart des marchés, entre 30 francs et 31 fr. 50 ; les écarts sur ces prix, précédemment signalés dans la région du Sud- Ouest, S'atténuent de plus en plus. Quant aux affaires sur les blés étrangers, elles sont toujours nulles : on coie nominale- ment les blés américains de 36 à 37 francs par 100 kilogr. Fin novembre, à New-York, le blé disponible vaut 23 fr. 86 (1) Journal d'agriculture pratique, 21 octobre 1915. 210 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE par 100 kilogramimes où 26 fr. 69 en lenant comple du change. À Londres on paie les blés indigènes Et 100 kilogrammes blancs. 20 fr. 15 à 22 fr. 90; roux, 29 fr. 65 à 32 {r. 35; les blés étrangers sont cotés : canadiens, 32 1r. 79 à 34 fr. 60 ; amé> ricains 21 tr. 10 à 236{r. 80::rargentins, 32 à S2Nir. 79 En Suisse les blés valent de 35 à 38 francs le quintal. ‘En Italie de 39 à Al francs. Somme toute pendant cette année 1915 le blé en France s'est maintenu presque constamment au taux de 30 francs le quintal, à un prix inférieur souvent à celui du blé sur les marchés anglais, à un prix toujours sensiblement moindre que celui pavé sur les marchés suisses et italiens. Les consommateurs irançais, par conséquent, n'ont pas Île droit de se plaindre : le prix du pain à été maintenu au taux le plus bas qu'il était possible : d'autre part il est incontes- lable que ce prix de 30 francs est un prix sulfisamment rému- nérateur pour Fagriculteur : le commerce, par contre, l'est bien juste de le reconnaitre, a souffert ; ses affaires ont élé constamment entravées, ‘paralysées. Elles le sont encore au- jourd'hui et le seront pendant toute la durée de cette guerre. Mais comme le rappelaient M. Albert Métin et le Ministre du Commerce à la séance du 15 octobre de la Chambre des députés, c'est la guerre qui, en réalité, à porté et porte atteinte à la hberté commerciale. « Estal en effet possible de parler de liberté du commerce quand une partie de notre ter- riloire est envahie, lorsque les frets atteignent les taux que lon indiquait tout à l'heure, lorsque les éléments constituant la liberté des {transactions n'existent plus et ne peuvent plus exister. C'est la guerre qui a pour conséquence de restreindre la liberté commerciale el non pas les mesures qu'il s'agissait de voler (1). » (1) Discours du Ministre du Commerce. Chambre des députés, séance du 15 octokre 1915. y —? — LA RÉCOLTE ET LE PRIX DU BLÉ EN 191) 2 + * Les textes de loir el les circulaires qui les accompagnent ne sont pas loujours d'une clarté parfaite : à l'application se présentent trop souvent de graves difficultés : tel est le cas pour la récente loi du-16 octobre 1915 dont nous avons donné plus haut les principaux articles. Les inexactitudes des dispo- sions de l'article 2, la quasi-impossibilité d'application des dispositions de l’article 8 ont élé établies à l'Académie d'Agri- cullure dans les séances des 3 et 10 novembre 1915. Les deux principaux points de la loi, portent sur le droil de réquisition du blé et de la larine conféré à l'autorité civile, et sur la fixation du prix du blé et de la farine. Or, « l'indemnité, prévue en cas de réquisition du blé (art. 2), disaient MM. Lindet et .H. Sagnier, est fixée par la lot; elle ne peut être majorée ni diminuée que dans les limites = prévues. Quant à celle qu'il convient d'élablir pour la farine (art. 8), 1l a élé décidé qu'elle résuülterait de calculs basés sur le rendement constant de 74 %. « L'article 2 fixe l'indemnité à recevoir, en cas de réquisi- ion, à 30 francs par 100 kilogramines quand le blé pèse 17 kilogrammes à l'hectolitre et ne contient pas plus de 2 % de corps étrangers. Il admet donc qu'un blé ainsi définr peul lournir, à la mouture, 74 % de larme ; mais il prescrit que le prix des blés pesant plus où mois de 77 kilogrammes à l'hectolitre sera augmenté ou diminué de 0 fr. 30 par kilo- gramme en plus ou en moins à l’hectolitre, c'est-à-dire, de 1 %, parce que l'on suppose que toute augmentation où dimi- nution de 1 kilogramme à l'hectolitre correspond à un gain ou à une perte de 1 kilogramme de farine par 100 kilogr. de blé. « Or, cette conception qui consiste à faire dépendre le ren- 972 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE dement en farine de la densité d’un blé, est contraire à la réa- lilé des faits. On sait depuis longiemps que si le rendement du blé en farine est, dans une certaine mesure, corrélatif au poids de l'hectolitre, c'est-à-dire à sa densité apparente, il subit, pour une même densité, des varialions parfois assez importantes. « La supposition introduite dans la loi est donc inexacte el ce serail s'exposer à des erreurs dangereuses que d'en faire le point de départ de la taxation des prix de larmes. » Quant à l'article 8 MM. Lindet et H. Sagnier font encore observer qu'il semble oublier que tous les blés ne peuvent pas fournir 74 % de farine, et ils ajoutent : « Aux termes de cet article « les meuniers ne pourront plus fabriquer qu'une seule sorte de farine, à savoir la farine entière ne comprenant ni remoulages, n1 sons. » Le prix de la farine ainsi délimitée « ne pourra, en aucun cas, dépasser celui qui résulterait d'une extraction à 74 % du blé tel quil est défini à l'article 2 ». « En présence du texte de cet article, les meuniers ont fait immédiatement celte objection que, les frais généraux et les frais de mouture étant pour eux les mêmes quelle que soit la qualité du blé mis en œuvre, la farine extraite leur coûte d'autant plus cher que le blé est susceptible d'en fournir une moindre quantité : dès lors les meuniers seraient peu disposés à accepter des blés à faible densité dont ils retireraient la larme avec un prix de revient trop élevé. « D'autre part, ils voient avec regret ce taux de 74 % reve- nr à l'article 8, alors qu'il avait été implicitement supprimé à l'arlicle 2, et craignent une interprétation défectueuse de cet article 8. » Des instructions parues au Journal officiel du 17 octobre devaient éclaireir le texte de l’article S. Mais tel n'a pas été le cas : aussi l'Académie d'Agricullure a-t-elle fait siennes les conclusions de MM. Lindet et Sagnier : que dans l'appli- calion très difficile de l'article 8, les préfets devront tenir le 4 LA RÉCOLTE ET LE PRIX DU BLÉ EN 1915 253 plus grand comple des mercuriales de leurs régions et des avis éclairés des personnes compétentes et honorables, afin d'être assurés que ces cours ne sont pas faussés par la spé- culation. NN / ot. 7 2: VERS L'ORGANISATION DU TRAVAIL AGRICOLE Par F.-L. BRANCHER SECRÉTAIRE DE LA COMMISSION DE LA MAIN-D'ŒUVRE AGRICOLE MEMBRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AGRICULTURE La guerre ayant permis d'aborder la réalisation de quel- ques projets relatls à l'organisation du marché du travail agricole, il semble opportun d'examiner ce qui a été fait à ce Jour el d'en rer des conclusions permetlant d'envisager les solulions appropriées. On peut donc, à cet ellel, noter les résultats obtenus par l'Office national de la main-d'œuvre agricole et prévoir le role qu'il serait appelé à jouer s'il devenait une institution permanente. 1] Au début des hosülités, le Ministère de l'Agriculture avait fait effort pour trouver du travail aux ouvriers que le chô- mage des usines rendait libres. Les résultats acquis furent minimes, du fait de la rarelé de l'offre. Au moment où l'offre se scral accentuée, le Gouvernement étant parti pour Bor- deaux, cette tentative officielle dut malheureusement être abandonnée. À l'exemple du Ministère, plusieurs organisations privées soccupèrent du placement des ouvriers agricoles : le Syn- dicat central des agriculteurs de France, kes Compagnies de chemins de fer Paris-Lvon-Méditerranée et Paris-Orléans, le Comité de protection des ouvriers belges, etc. En ce qui concerne plus particulièrement le placement des rélugiés. il fut institué au Musée social un Comité de coordi- VERS L'ORGANISATION DU TRAVAIL AGRICOLE 275 nalion des offres et demandes de travail qui devint le Comité du travail agricole pour les rélugiés. Il formait sechion du Comité central de placement des chômeurs et réfugiés, se rattachant par conséquent au minis- lère de l'Intérieur, el recevail une direction d'un groupe de représentants de quelques sociétés d'agriculture, présidé par \. Méline, aidé de M. Souchon. Au mois de mars, alors que le Ministre de l'Agriculture prenait des dispositions permettant au service de placement de la Société nationale de protection de la main-d'œuvre agricole de fonctionner à nouveau, les représentants du Comité du travail agricole vinrent le trouver pour lui deman- der sa collaboration. IL fut décidé qu'un organisme centralisant tous les efforts serait créé el, sans perdre de temps à lui donner une consti- lution régulière, le Ministre de lAgricullure installait le 15 mars, dans un local de l'Ecole des Beaux-Arts, mis à sa disposition, l'Office national de la main-d'œuvre agricole. IL débutait avec les archives de la Société nationale de protection de la main-d'œuvre agricole pour le placement général et la main-d'œuvre étrangère el celles du Comité du travail agricole pour le placement des rélugiés. Au point de vue financier, son fonchionnement était assuré par les subventions du Ministère de lAgriculture et des grandes Sociétés agricoles. Le placement des chômeurs el réfugiés français el belges. —— La statistique du placement des chômeurs et rélugiés français et belges a été établie comme suil Ufres d'emplois Demandes d'empl. Prop. deplacement Placem effectnés 15 mars-30 avril ......... 5.847 2.817 2.194 924 mar dl Mal re. 3.256 1.602 3.196 1.281 1epuin 20 Un. 20040. 2.621 2.220 4.053 1.601 1'Juillet-41 juillet .:... 764 2.486 50225 22912 IPaotb-alr aout. era 737 1.745 3,683 2.854 1° septembre-30 septembre 875 1.790 3.892 1.622 1 octobre-31 octobre.... 1.186 1.449 2.927 2.324 1 novembre-30 novembre 546 1.041 1.234 713 1 décembre-31 décembre 386 627 692 263 Lotal ee 16.216 15.777 26.596 13.794 216 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Ce mouvement d'offres el de demandes a été provoqué par de nombreux communiqués à la presse et par des affiches. D'autre part, par les soins du Ministère de l'Intérieur, sont parvenues à l'Office les listes des rélugiés agriculteurs, fran- çais el belges. Ces rélugiés ont été individuellement touchés par des nro- positions de travail. On s'est ainsi efforcé d'utiliser tous les bras disponibles. Les ouvriers embauchés ont été transportés gratuitement à pied d'œuvre sur réquisitions adressées aux Compagnies de chemins de fer, à charge pour leurs emploveurs de payer à L'Etat à la fin des hostilités, le quart du prix de leur voyage. Jusqu'au 20 mai, l'Office se bornait à rédiger les demandes de réquisition et les transmeltait au Ministère de l'Intérieur qui, par les soins de l'Administration préflectorale, faisait parvenir aux intéressés les titres de réquisition. L'Office avait toujours considéré que cetle procédure était extrêmement préjudiciable aux intérêls agricoles, pour cette raison que bon nombre de réquisitions ne parvenaient parfois aux béné- ficiaires qu'après un délai d'un mois. Le nombre de Journées d'un travail précieux ainsi perdues a été considérable. Grâce à l'intervention de M. Fernand Davi et aux démarches de M. de LapparenT, l'Office obtint la faculté d'adresser directe- ment aux ouvriers placés par ses soins, les réquisitions de transport sans passer par les préfectures. Il a pu ainsi faire profiter la culture d’un nombre important de journées de travail. Le Ministère du Travail, auquel Ie Ministère de l'Intérieur passa le Service de placement des chômeurs et réfugiés, retira cette faculté à l'Office à la date du 1” septembre. Cette mesure est particulièrement nuisible à l'œuvre pour- suivie, mais malgré une lutte vive et longue, 1l fallut se sou- mettre aux décisions du Ministère du Travail. - VERS L'ORGANISATION DU TRAVAIL AGRICOLE 271 Ayant fait tout le nécessaire pour uliliser dans la cullure les travailleurs agricoles français et belges, chômeurs et réfu- oiés, résidant sur le territoire, l'Office chercha, en outre, à faire appel aux Belges résidant en Angleterre et en Hollande ou n'ayant pas encore quitté la partie non envahie de leur malheureux pays. Malgré les nombreuses démarches faites, tant du côté belge que du côté français, malgré les disposi- tions prises, on ne put aboutir pour des raisons d'ordre diplo- matique et militaire. Formant section pour Fagricullure, du Comité central de placement des chômeurs et réfugiés, FOlfice a été amené à s'oceuper de la question des allocations qui reste imtimement liée à celle du, travail agricole. C'est pour cela que M. Fernand Davmw crul devoir deman- der pour les travailleurs agricoles un traitement de faveur à M. le Ministre de l'Intérieur. Il a pu obtenir de lui, à la date du 6 mai celle décision « qu'en aucun cas, les allocations accordées en vertu de la loi du 5 août 1914 ou celles attribuées au litre de secours aux rélugiés, ne pourront être retirées aux iamilles qui se procu- reront, en participant aux travaux des champs, des res- sources supplémentaires ». Il est incontestable que cette mesure a servt les intérêts de l'agriculture. Elle à été malheureusement ignorée d'un trop grand nombre de préleis et de maires qui n'ont pas tenu assez compte des instructions ministérielles. Une contre-partie logique s'imposait. IF était nécessaire, en effet, que l'assistance füt formellement refusée ou retirée à tous les réfugiés repoussant sans motil valable des offres de travail convenablement rémunéré. Par la voie de la presse M. Fernand Dawn a fait connaître que l'autorité admimistra- live pouvait agir en ee sens, d'après les instructions du 4 janvier de M. le Ministre de l'Intérieur. On peut laisser entendre que, Jusqu'à ce Jour, 1 n'a guère été lait état des dites instructions. En vue de Futilisation complète des ressources en main- 278 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE d'œuvre, il serait cependant indispensable que ces décisions, manilestement équitables, ne restassent pomt inopérantes. La main-d'œuvre kabyle. — Depuis longtemps déjà, \. Fernand Davip avait examiné, comme président de Ta Société nationale de protection de la main-d'œuvre agricole, de concert avee M. Luraup, gouverneur général de l'Algérie. \I. Bezr, directeur des Affaires algériennes au Ministère de l'Intérieur et M. Gérar»p, directeur de l'Office de l'Algérie, la question de l'utilisation de la main-d'œuvre kabyle par les agriculteurs de la métropole. La guerre empêcha de réaliser le progranme qu'il avait tracé. Reprenant le projet, l'Office jugea nécessaire de demander au gouverneur général de l'Algérie de quelle façon 11 pou- vail être envisagé. En même temps, il cherchait à sesrenser- gner auprès du général LYauTEY, résident général au Maroc, sur les disponibilités du Protectoral. M. Luraup et le général LyauTEY firent savoir que dans les circonstances actuelles, il ne pouvait guère être fait appel aux travailleurs agricoles du Nord africain : néanmoins, et sur l'insistance du Président du Conseil lui-même, les dépar- tements de lAgriculture et de l'Intérieur, demandaient à nouveau à la fin du mois de juin au gouverneur général de FAlgérie, S'il était possible à la colonie de fournir à la mé- tropole des ouvriers pour les travaux agricoles. Le lemps pressait et il n'était guère facile d'organiser des convois importants. I ne fallait donc pas attendre de l'apport de contingents kabyles un concours très efficace au point de vue général: mais, les circonstances aidant, 11 v avait le plus grand intérêt à tenter une expérience dont la portée peut êlre incalculable. Dans ces conditions, 1l apparaît que la venue en France d'ouvriers agricoles kabvles pour la moisson de 1915, doit être considérée plutôt comme une expérience que comme un véritable mouvement saisonnier. A Ja mi-juilet, le gouverneur général de l'Algérie faisait ST VERS L'ORGANISATION DU TRAVAIL AGRICOLE 219 savoir que 800 ouvriers étaient prêts à partir. Le préfet d'Eure-et-Loir ayant demandé au Ministre de l'Intérieur le concours d'ouvriers indigènes pour la levée des récoltes dans son département, l'Office en fut avisé. Il lui offrit immédia- tement de prendre ce contingent. La proposition fut acceptée el quatre groupes embarqués à Philippeville, Alger, Bône et Oran furent dirigés sur Chartres au nombre de 821. À leur arrivée, M. Deravaup-Dumoxteir, préfet, organisa lui-même la répartition dans les fermes, avec une activité et une méthode dignes de tous les éloges. Depuis, un contingent de 216 Algériens est arrivé à Orléans. | Cette expérience a permis de constater que si cette main- d'œuvre était soumise à une sélection judicieuse et que si elle était bien dirigée, elle serait à même d'apporter un con- cours très précieux à l'agriculture de la métropole. La main-d'œuvre agricole élrangère. -— Vu les circons- tances, on ne pouvait guëre faire appel qu'à l'Espagne pour. la main-d'œuvre de complément. À cet effet, des bureaux d'immigration furent organisés à Cerbère (Pyrénées-Orientales), Hendaye (Basses-P yrénées), Tramezaygques (Hautes-Pyrénées), Fos (Haute-Garonne) et Cetle (Hérault). Pour faire venir les travailleurs agricoles d'Espagne, des Comités départementaux de main-d'œuvre agricole furent créés. . La situation d'état de siège rendait leur mtroduction diffi- cile. Les difficultés furent aplanies grâce aux cartes permis de séjour délivrées aux immigrés dans nos bureaux fron- tières. | Les Compagnies de chemins de fer voulurent bien faire droit d'autre part, à la demande de M. Fernand Davmn, econ- sistant à accorder le demi-tarif pour leur transport. Il est bon de rappeler ici que ces bureaux agricoles ont [= ” 280 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE grandement servi, en oulre, les intérêts de l'industrie, pour l'introduction de sa main-d'œuvre de complément. En ce qui concerne les autres pays, 1l n'a été créé qu'un bureau à LarcHE (Basses-Alpes) pour les ouvriers agricoles italiens. Depuis le mois de mai, date de l'installation des premiers bureaux, la statistique de celle immigration a pu être dressée ainsi que suit : Hommes Femmes Enfants Meunier LOl 5 NE RARE 14.820 1.081 1.074 AOL een PO PE PP Rte te 2.844 454 719 SepLemMRre D SN MARRANT Ar 3.941 1.682 597 Octobre ANNEE PRET PE IEEE 1.704 265 328 Novembre ere 3.168 515 577 Décembre este ner a en 2.509 365 406 Hotal En CrTAl ee EE UE 28.986 4.862 3.701 dont il faut retrancher les ouvriers qui se sont dirigés sur l’industrie et auxquels il est délivré des cartes spé- ciales dans les bureaux de l'office, afin de leur éviter les frais de passeport ......... 7.336 1.209 1.308 Ce qui laisse pour l’agriculture au 81 décembre 1915 ...... 21.650 3.153 2.393 Statistique générale pour 1915 (mars-décembre) Chômeurs et réfugiés, hommes et femmes .......... 13.794 Main-d’œuvre agricole étrangère, hommes et femmes. 24.803 Continrent! kabyle Me RS RL ANSE AE RARES 1.057 39.634 Il est établi que pour chaque adulte mis directement par le placement ou indirectement par l'immigration à la disposi- tion de la culture et de l'industrie, il avait été dépensé 48 centimes. La Commission de la main-d'œuvre agricole du Ministère de l'Agricullure. — L'Office national de la main-d'œuvre agricole a été dirigé par une Commission administrative déléguée par la Commission de la main-d'œuvre agricole ins- tuée au Ministère de l'Agriculture par décret du 3 avril 1915. C'est sur le rapport suivant de M. Fernand Dav, au Pré- sident de la République, que ce décret fut signé : À 2 pose 0 TE SR ES VERS L'ORGANISATION DU TRAVAIL AGRICOLE 281 « Depuis longtemps déjà la crise de la main-d'œuvre agri- cole avait retenu l'attention des Ministres de l'Agriculture qui recevaient chaque jour à ce sujet les doléances du monde agricole. Les Sociétés d'Agriculture, les syndicats, imquiets des difficultés croissantes surgissant sur le marché du tra- vail agricole, recherchaient, malheureusement sans coordon- ner leurs efforts, les moyens de remédier à ce pénible état de choses. « Pour donner une direction méthodique aux initiatives privées, J'ai institué à mon Ministère, au sem du Comité consultatif de statistique agricole par arrêté du 7 juillet 1914, une Sous-Commission de la main-d'œuvre agricole chargée de l'étude de ces importantes questions. « La longue durée des hostilités accentue considérable- ment la crise et je crains que du fait de manque de bras, une trop grande surlace de terres ne puisse être mise en culture en temps utile. « Pour parer à celte inquiétante éventualité, il m'a semblé qu'il fallait donner à la Sous-Commission de la main-d'œuvre agricole, des moyens d'action qu'elle ne possède pas. Pour cela, il s'agirait de l'élever au rang de Commission indépen- dante dont feraient partie les représentants de. tous nos grands groupements agricoles, afin que mon Ministère puisse travailler en plein accord avec eux. « De la direction qui viendrait de mon département et de cette collaboration, j'attends les résultats concluants et pro- pres à porter remède au mal dont souffre le pays. » Cette Commission comprend 44 membres, dont 12 membres de droit, 16 membres nommés par le Ministre de l'Agricul- ture sur la présentation des Sociétés ci-après désignées, et 16 membres nommés directement par le Ministre à raison de leur compétence particulière en matière de main-d'œuvre agricole. 282 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Sont membres de droït Le Ministre de l'Agriculture, président ; Le Directeur de l'Enseignement et des services agricoles, ou son délégué ; Le Directeur général des Eaux et Forêts, ou son délégué ; Le Directeur des Haras, ou son délégué : Le Chef de l'Office de renseignements agricoles ; Deux Inspecteurs généraux ou Inspecteurs de l'Agriculture, désignés par le Ministre ; Un représentant du Ministre des Affaires étrangères : Un représentant du Ministre de J'Intérieur ; Un représentant du Ministre des Colonies : Un représentant du Ministre du Travail et de la Prévoyance sociale ; Le Président de l'Académie d'agriculture de France. Sont appelés à désigner un représentant La Société nationale d'encouragement à l'Agriculture ;: La Société des Agriculteurs de France ; L'Association de la presse agricole ; La Société nationale de Protection de la main-d'œuvre agri- cole ; La Société nationale d'Horticulture de France : La Société des Viticulteurs -de France et d'ampélographie : La Société française d'émulation ‘agricole contre l'abandon des campagnes ; Le Musée Social (section agricole) ; La Fédération nationale de la mutualité et de la coopération agricoles ; La Société d'encouragement pour l'industrie nationale : L'Association de l'industrie et de l’agriculture françaises ;: La Société française d'encouragement à l’industrie laitière : La Société des Agriculteurs du Nord ; Le Syndicat central des Agriculteurs de France : | | VERS L'ORGANISATION DU TRAVAIL AGRICOLE 283 La Fédération des Syndicats du commerce des bois de France et des industries qui s’y rattachent ; Le Comité des forêts, Syndicat central des propriétaires forestiers de France. L'OFFICE DE LEA MAIN-D'OŒEUVRE AGRICOLE INSTITUTION PERMANENTE RAISONS POUR LESQUELLES CETTE INSTITUTION EST AUJOURD HU] NÉCESSAIRE. — La nécessité d'une institulion ayant pour objet de s'occuper exclusivement de toutes les questions relatives à la main-d'œuvre agricole se fait sentir de plus en plus chaque jour. Il faut bien, en effet, admettre que, désormais, tout ce qui touche au marché du travail agricole et aux condi- tions d'existence du travailleur des champs constitue le fac- teur peut-être le plus puissant de notre prospérité agricole. C'est en partant de ce principe que les fondateurs de l'Office national de Fa main-d'œuvre agricole qui fonctionne, en fait, depuis le 15 mars 1915, sous le contrôle du Ministère de l'Agriculture et avec son concours et celui des grandes Associations agricoles, ont demandé qu'un statut légal lui fût donné. | Dans leur pensée, le programme de l'Office national de la main-d'œuvre agricole doit être le suivant : 1° Provoquer toutes les mesures susceptibles d'améliorer les conditions d'existence des travailleurs des champs, les étudier et s’entremettre pour parvenir à leur application (enseignement et développement de l'industrie domestique agricole, logement des ouvriers agricoles, encouragements, création d'institutions ouvrières mutualistes et coopéra- tives, etc.) ; 2° Etablir et tenir à jour les statistiques permettant de 284 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE connaître aussi parfaitement que possible le marché du tra- vail agricole 3° Faciliter le recrutement et le placement de la main- d'œuvre nationale, provoquer et organiser les migrations intérieures, à l’aide d'un service central de placement, secondé par des bureaux départementaux ; employer tous moyens utiles pour lutter contre le chômage : 4° Faire les recherches et les démarches tendant à procu- rer aux agriculteurs français la main-d'œuvre coloniale et étrangère comme main-d'œuvre de complément et créer à cet effet des bureaux d'émigration et d'immigra- lion ; recruter et répartir la main-d'œuvre agricole coloniale et étrangère et la contrôler pour des raisons de sécurité nationale, de protection de nos sujets, d'organisation écono- mique et, enfin, pour éviter le trafic auquei a déjà donné lieu le placement des ouvriers agricoles étrangers. Ce programme a été élaboré au point de vue économique et social. Dans l'ordre économique il est nécessaire d'utiliser métho- diquement les éléments de main-d'œuvre existant sur le ter- ritoire. Pour y parvenir, il faut une entremise active et judi- cieuse, facilitant, d'une part, la mise à la disposition de la culture de toutes nos ressources en travailleurs et permet- tant, d'autre part, de lutter efficacement contre le chômage. Cette entremise comporte le placement de la main-d'œuvre permanente et l'organisation des migrations intérieures sai- sonnières. Mais malgré les efforts qui pourront être faits en vue de la complète utilisation de nos ressources en main-d'œuvre nationale, 1l sera nécessaire d'appeler sur le pays un nombre considérable de travailleurs de nos colonies et de l'étranger comme main-d'œuvre de complément. On sait que notre agriculture était dans l'obligation, avant la guerre, de recourir à l'emploi d'une centaine de mille d'ou- vriers agricoles étrangers, tant saisonniers que permanents. VERS L'ORGANISATION DU TRAVAIL AGRICOLE 285 Les vides creusés par une campagne meurtrière dans les rangs des travailleurs ruraux qui sont l'élément le plus nom- breux de notre contingent, vont accroître d'une manière encore inappréciable les difficultés qu'éprouvait la culture dans l’accomplissement de ses travaux. Il faut malheureusement prévoir que la main-d'œuvre de complément belge et polonaise va se trouver réduite dans de très sensibles proportions. Ces réservoirs d'hommes aux- quels nous avions coutume de recourir seront particulière- ment épuisés. Après la tourmente, d'autre part, les pays ravagés auront, sans aucun doute, besoin de tous leurs tra- vailleurs pour se reconstituer. La situation du marché du travail agricole français sera manifestement plus critique qu'avant la guerre d'autant plus que, suivant le phénomène classique, les travailleurs ruraux remplaceront les travailleurs de l'industrie disparus ou mutilés. Il faut donc, en même temps qu'on utilisera avec soin toutes les ressources du pays, envisager sous toutes ses faces le problème de l'immigration à laquelle nous devrons avoir recours pour notre main-d'œuvre de complément, si nous ne voulons pas voir s'étendre dans des proportions alar- mantes les friches sur notre territoire. Cette main-d'œuvre peut nous être procurée par nos colo- nies, nos pays de protectorat et par les pays étrangers. Notre empire colonial servira en ce sens, les intérêts de la métropole, tout en profitant des nombreux avantages écono- miques et sociaux de cette émigration. D'un côté, en eflet, en échange du travail qu'ils auront fourni à la métropole, nos sujets et protégés enrichiront leur pays d'origine des salaires qu'ils auront gagnés et notre or n'ira pas à l'étran- ger. D'un autre côté, ce mouvement sera un excellent fac- teur de pénétration pacifique, ces travailleurs devenant les agents naturels de notre civilisation et du progrès agricole. Pour les pays étrangers auxquels nous ne devrons avoir recours qu'en second lieu, il ne s'agira que d'améliorer et 286 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE réglementer le régime de l'immigration déjà existante en prenant toutes les dispositions exigées par la sécurité natio- nale et en ne faisant appel qu'aux étrangers dont les senti- ments à notre égard ne seraient pas douteux. Mais s'il faut prévoir que l'introduction de la main- d'œuvre agricole de complément coloniale et étrangère peut un jour troubler notre organisalion économique, un régula- teur, chargé d'équilibrer l'offre et la demande s'impose. Le contrôle de l'immigration de la main-d'œuvre agricole de complément doit donc être octroyé à l'Office de la main- d'œuvre agricole. Ce contrôle permettra au surplus, d'em- pêcher que se perpétue le trafic souvent éhonté, particulier à certaines agences, s'occupant du placement des ouvriers étrangers. Tels sont, brièvement exposés, les motifs économiques qui démontrent surabondamment la nécessité de l'institution dont le programme est présentement tracé dans ses grandes lignes. de Dans l’ordre social son action pourrait être non moins prépondérante, en ce qui a le plus particulièrement trait à l'amélioration des conditions d'existence du travailleur rural, de cet être presque inconnu du législateur et des pouvoirs publics. Le Ministre de l'Agriculture qui doit être son protecteur attitré et son guide, ne peut choisir à cet effet un agent plus qualifié que l'Office national de la main-d'œuvre agricole. C'est à cette institution que reviendra le soin de mener la lutte contre le chômage agricole qui, pour beaucoup, reste la cause première des orientations nouvelles du travailleur de la terre. L Il lui faudra enseigner, créer, développer les industries domestiques agricoles permettant d'égaliser les salaires sur tout le cours de l’année, sans toutefois nuire'à l’accomplis- sement des travaux de culture. Par des moyens appropriés il aura à démontrer la néces- sité de construire des logements convenables pour les ou- VERS L'ORGANISATION DU TRAVAIL AGRICOLE 287 vriers en famille et à s'entremettre pour parvenir à des réali- sations. Il sera admirablement placé pour organiser des concours destinés à encourager et récompenser les ouvriers agricoles et pour provoquer la création d'organisations ouvrières mu- tualistes et coopératives. Il pourra préparer, grâce à sa documentation et à l'expé- rience acquise, l'œuvre du législateur et donner les plus utiles indications aux pouvoirs publics en ce qui concerne les questions de sociologie rurale. Ce programme pourrait être plus longuement développé, mais les raisons déjà données en vue de démontrer la néces- sité de l'institution sont amplement suffisantes pour conclure en résumant la double fonction de l'Office national de la main-d'œuvre agricole. 1° Fonclion sociale. — Etudes et recherches tendant à l'amélioration du sort du travailleur agricole. Intervention active pour provoquer à cet effet toutes mesures nécessaires et pour assurer leur mise en application. 2° Fonclion économique. — Etudes et recherches tendant à la connaissance des besoins et des ressources en main- d'œuvre. Intervention active pour assurer le meilleur recru- tement et la meilleure répartition de la main-d'œuvre. L'OFFICE NATIONAL DE LA MAIN-D'OŒUVRE AGRICOLE DOIT ÊTRE UN SERVICE PUBLIC. — Pour l’accomplissement de sa mission il devra se tenir en relations constantes avec diverses adminis- trations et auloriltés publiques, notamment avec les fonction- naires départementaux du Ministère de l'Agriculture, les Ministères des Affaires étrangères, des Colonies, du Travail, de l'Intérieur, les gouverneurs des colonies et les résidents des pays de protectorat, les grands réseaux de chemins de fer, les Compagnies de navigation, les représentants de la France à l'étranger. À ce point de vue, un établissement privé, quelles que soient la compétence et l'autorité de ses 2838 ANNALES DE LA SCIENCE -AGRONOMIQUE dirigeants, ne disposera pas des mêmes facilités, des mêmes moyens d'action, du même crédit qu'un établissement public. Cette observation s'impose particulièrement au regard de la main-d'œuvre coloniale et étrangère pour laquelle l'Office se trouvera en rapport non seulement avec les autorités fran- çaises mais encore avec des gouvernements étrangers qui surveilleront avec un soin de plus en plus jaloux l'émigra- ion de leurs nationaux. Il paraît donc indispensable que l'Office revêle le caractère d’un service public. Il ne faut pas, néanmoins, qu'il soit rattaché à l’adminis- tralion centrale du Ministère de l'Agriculture pour les motifs suivants qui semblent péremptoires. Tout d'abord, au point de vue technique, le rôle qu'aura à remplir l'Office exigera, surtout dans les premiers temps, une initiative et une liberté d'action que posséderaient diffi- cilement des fonctionnaires appartenant à une administration hiérarchisée. D'autre part, au point de vue financier, le fonc- üonnement de l'Office rencontrerait des entraves extrême- ment gènantes dans les règles compliquées qui régissent l'en- gagement, la liquidation, l'ordonnancement et le paiement des dépenses de l'Etat. Enfin, il est clair que les associations et les particuliers désireux d'encourager le développement de la main-d'œuvre agricole seront beaucoup moins enclins à prêter à l'Office leur concours pécuniaire et moral s’il cons- ütue un simple rouage d'un Ministère que s’il a une indivi-- dualité propre : on collabore volontiers avec un établisse- ment autonome, dont on connaît les tendances et les mé- thodes; on ne songe guère à aider l'Etat lui-même. En résumé, il est nécessaire que l'Office soit investi de la personnalité civile et de l'autonomie financière. L'Office national de la main-d'œuvre agricole sera donc un établissement public, type consacré à plusieurs reprises par le législateur et pour lequel les pouvoirs publics sem- blent manifester, depuis quelques années, une véritable pré- dilection. C'est dans cette catégorie que rentrent, par exemple, l'Office national du tourisme, créé par la loi de finances du i VERS L'ORGANISATION DU TRAVAIL AGRICOLE 289 | S avril 1910, article 123: l'Office national de la navigation, créé par la loi de finances du 27 février 1912, article 67; l'Office colonial, créé par un décret du 14 mars 1899 et investi de la personnalité civile et de l'autonomie financière par une loi du 18 février 1914: l'Office national du commerce exté- rieur, créé par une loi du 4 mars 1898; l'Office de législation étrangère et de droit international, créé par la loi de finances du 26 décembre 1908, article 46, complété par la loi de finances du 27 février 1912, article 56. Ainsi compris, l'Office de la main-d'œuvre agricole devrait être institué par une loi. Son organisation et son fonctionne- ment feraient l’objet d'un arrêté concerté entre les Ministres de l'Agriculture et des Finances. PROJET DE LOI Article premier. — Il est créé auprès du Ministère de l'Agriculture un Office national de la main-d'œuvre agricole investi de la personnalité civile et de l'autonomie financière. Article 2. — L'Office national de la main-d'œuvre agricole a pour objet 1° de rechercher les moyens propres à développer le tra- vail agricole et à améliorer les conditions d'existence des travailleurs des champs : 2° de centraliser les offres et demandes de travail agricole et de mettre à la disposition des intéressés les renseigne- ments de toute nature concernant la main-d'œuvre agricole ; 3° de prendre toutes mesures tendant au perfectionnement du recrutement et de la répartition de la main-d'œuvre agri- cole française, coloniale et étrangère. Article 3. — Un arrêté concerté entre les Ministres de 290 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE l'Agriculture et des Finances réglera l'organisation et le fonc- tionnement de FOffice (1). L'Office national de la main-d'œuvre agricole pourrait être géré par un Conseil d'administration composé de 9 membres, désignés par le Ministre de l'Agriculture parmi les membres de la Commission de la mam-d'œuvre agricole instituée par le décret du 3 avril 1915 2 membres désignés parmi les membres de droit ; 2 membres désignés parmi kes membres représentant les Sociétés agricoles, sur présentation de leurs collègues de cette catégorie ; » membres désignés parmi les membres nommés à raison de leur compétence. LE SERVICE DE PLACEMENT. -— Deux méthodes distinctes peu- vent être envisagées : a) Un service général rayonnant sur tout le territoire : b) Un service central avec bureaux départementaux. Un service général rayonnant sur tout le territoire ne com- porterait qu'un seul bureau. En dehors de la région de Paris. le placement ne se ferait donc que par correspondance. Offres et demandes seraient centralisées à Paris. Le but à poursuivre serait d'arriver à la péréquation des offres et des demandes dans le département et, si impossible, dans les départements limitrophes afin d'éviter les longs déplacements aux ouvriers, de permettre aux intéressés de se renseigner plus facilement et de laisser dans la région aux travaux de laquelle ils sont accoulumés, les demandeurs. Un service central avec bureaux départementaux comporte d'abord l'examen des organisations agricoles susceptibles d'assurer ce service. (1) Un projet de loi, analogue à celui-ci, fut revêtu de la signature de M. Fernand David, Ministre de l'Agriculture, et soumis à l’approbation du Ministre des Finances à la fin d'octobre 1915. VERS L'ORGANISATION DU TRAVAIL AGRICOLE 291 Quelles sont les organisalions agricoles départementales susceptibles d'assurer ce service ? Les Sociétés d’agricullure. Les Syndicats agricoles. Les caisses de crédit. Des bureaux spécialement constitués à cet effet. Celle de ces organisations qui prendrait en charge le bureau départemental doit avant tout posséder un local et le personnel nécessaire. Dans ces conditions l'organisation à désigner serait celle reconnue la plus apte, car on ne peut uniformiser. L'organisation désignée par les agriculteurs du départe- ment deviendrait donc le correspondant du service central. Son rôle consisterait à centraliser pour le département les offres et les demandes. Si elle parvenait à la péréquation elle procéderait aux opérations de placement sans avoir recours au service central. | En cas contraire, elle transmettrait dans les délais à fixer, au service central, les offres et les demandes auxquelles «elle n aurait pu donner satisfaction. Le service central chercherait alors à donner satisfaction en prenant pour base la péréquation régionale pour les motifs déjà indiqués. Cette correspondance directe entre les bureaux ‘départe- mentaux et le service central, apparaît plus simple que celle qui pourraît être établie entre plusieurs départements voisins. Dans les départements où il y auraït des bureaux d'immi- gration dont äl sera parlé plus loin, ils pourraient être en même temps bureaux départementaux. Bureaux d’émigration ou de recrulement. — Les bureaux d'émigration ou de recrutement seraient institués dans nos colonies ou pays de proteetorat et dans les pays étrangers, où ke recrutement pourait être autorisé. 292 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE rie) Pour l'instant, il n'y a pas lieu de s'occuper du recrute- ment de la main-d'œuvre agricole étrangère. En ce qui concerne le recrutement de la main-d'œuvre agri- cole coloniale, les bases d’un projet d'organisation ont été déjà adoptées par la Commission interministérielle des affaires musulmanes et par le gouverneur général de l'AI- gérie. | D'après ce projet, les bureaux d'émigration auraient pour but de provoquer la demande de travail et d'opérer une sélec- lion judicieuse parmi les candidats à l’'émigration, de façon à éviter l'exode des non-valeurs et des indésirables. L'ouvrier agricole indigène désireux d'aller travailler dans la métropole, se présenterait au bureau d'émigration qui s'assurerait de son identité et devrait exiger un certificat de bonne vie et mœurs. Tous renseignements pris et l'ayant jugé apte aux travaux agricoles, les agents lui remettraient un certificat d'embau- chage, sur lequel pourrait être apposée une photographie (à son défaut, signalement ou empreinte digitale). En possession de cette pièce, l'ouvrier aurait la certitude, en arrivant en France, d'avoir immédiatement du travail. Bureaux d'immigration. — Les bureaux d'immigration créés dans les ports français, seraient, comme les bureaux d'émigration, gérés par des agents de l'Office national de la main-d'œuvre agricole. Ces agents auraient pour mission de recevoir l'ouvrier à son débarquement, de lui délivrer, en échange de son certi- ficat d'embauchage, un livret de travail et de voyage et de lui donner toutes indications utiles pour se rendre à pied d'œuvre. Le transport des ouvriers agricoles. — Pour faciliter les migrations intérieures et l'immigration de la main-d'œuvre de complément, il serait du plus haut intérêt d'obtenir des VERS L'ORGANISATION DU TRAVAIL AGRICOLE 203 Compagnies de chemins de fer et des Compagnies de navi- gation, un régime de faveur pour le transport des ouvriers agricoles. En vue de l’'accomplissement des travaux saisonniers, les Compagnies de chemins de fer accordent couramment à nos travailleurs, le voyage à demi-tarif comportant paiement du plein tarif à l'aller et gratuité au retour. Ce traitement, quoique avantageux, n'est pas parfaitement adapté au régime des migrations successives et de l'immigra- tion avec retour au pays d'origine. Il s'agirait d'obtenir le voyage à demi-tarif, dans tous les sens, mais en offrant des garanties sérieuses pour que, en avantageant l’agriculture et ses travailleurs, les Compagnies ne soient point lésées dans leurs intérêts. Il est possible d'y parvenir en munissant l'ouvrier d'un livret spécial à modèle déposé qui donnerait droit à l'obten- tion du demi-tarif pour l'aller ou les allers successifs au pro- fit de tous les ouvriers agricoles qui seraient en outre por- teurs d’un certificat d’'embauchage légalisé par le maire de la commune dans laquelle ils se rendent pour travailler où d'une attestation en dûe forme de l'Office national de la main-d'œuvre agricole. Pour le retour, le certificat d'embau- chage où cette attestation serait remplacé par un certificat de cessation de travail ou de l'attestation ci-dessus men- tionnée auquel serait jointe la déclaration de l'ouvrier expo- sant qu'il rentre chez lui, le tout légalisé par le maire. Ce système provoquerait sans aucun doute des déplace- ments de première utilité qui n'auraient peut-être pas lieu si leur coût était trop élevé, ainsi qu'une immigration dont la nécessité n’est plus à démontrer. Sous ces conditions, on peut espérer que les Compagnies de chemins de fer et de navigation consentiraient à l'adopter. Des institutions semblables à celle présentement projetée, ont déjà rendu de très grands services dans d'autres pays. Or, quand il s’agit de travailleurs des champs et de produc- 294 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE tion agricole, on ne peut admettre que la France ne soit pas aux places d'avant-garde. Le Parlement partagera cette manière de voir en donnant un statut légal à l'Office national de la main-d'œuvre agricole. Cet acte ne recevra malheureusement pas l'approbation de tout le monde. Quelques théoriciens s’insurgent, en effet, contre cette idée que la protection et le placement de l'ouvrier agricole soient au nombre des atiributions d'un service agricole. î Le Ministère du Travail préparant l'organisation d'un Office central de placement, n’admettrait pas, dit-on, que la section agricole fut autonome. Or, en ce qui concerne le programme social de l'Office national de la main-d'œuvre agricole, 1l est bien permis de dire qu'il n'a jamais été abordé par le Ministère du Travail. Tout porte à croire qu'il en sera longtemps ainsi. En ce qui concerne son programme économique, on peut se demander si ce Ministère est bien préparé à en poursuivre la réalisation. Le monde agricole ne le croit pas, et M. MÉLINE, avec sa haute autorité, a estimé le premier, que, pour obtenir des résullats satisfaisants, il faut travailler, en cette matière, en dehors de l'administration et du fonctionnarisme. Il a prétendu et avec juste raison, sans doute, qu'en ce cha- pitre de notre économie agricole on doit laisser aux agricul- teurs ou à leurs représentants qualifiés, le soin d'agir en toùte liberté en dehors du formalisme administratif. L'Office autonome et les bureaux départementaux fonction- nant avec le concours des organisations agricoles semblent parfaitement répondre à cette conception. Le service de Placement de l'Office national de la main- d'œuvre agricole aurait, certes, à se tenir en contact perma- nent avec l'institution générale de placement, mais sans qu'il soit porté atteinte à son initiative et à son activité. Il serait désastreux que pour des questions d'attributions ou de prétendues prérogatives, les efforts de nos agricul- teurs ne fussent pas couronnés de succès. VERS L'ORGANISATION DU TRAVAIL AGRICOLE 295 » Il faut qu'après la victoire, sans hésitations et sans en- traves, tous les concours soient acquis au relèvement et à la rénovation de l'agriculture, la première des industries fran- çaises. Décembre 1915. LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 Par Max RINGELMANN MEMBRE DE L'ACADÉMIE D'AGRICULTURE PROFESSEUR DE GÉNIE RURAL A L'INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE DIRECTEUR DE LA STATION D'ESSAIS DE MACHINES Bien que très pris, dès le début des hostilités, par notre service d'ingénieur de la Division des Parcs et Abattoirs du Camp retranché de Paris, nous avons été sollicité d'étudier des questions de Génie Rural soulevées par l'état de guerre ; elles ont fait l'objet de diverses communications à l’Acadé- mie d'Agriculture, de rapports à la Société d'Encouragement pour l'Industrie nationale, ou d'articles parus dans le Journal d'Agriculture pratique el dans la Revue de Viticulture ; c'est la réunion de ces divers documents que nous donnons aux Annales de la Science agronomique. Nous sommes obligé de laisser de côté, au moins pour l'instant, les nombreuses applications de Génie Rural faites dans notre service des parcs, des étables de vaches laitières et des abattoirs, ces documents appartenant à la Direction générale des Approvisionnements de Siège du Gouvernement militaire de Paris. 1 : NE re dl, es dre. PES PRET CORRE LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 297 I. — CONSTRUCTIONS RURALES CONSTRUCTIONS TEMPORAIRES A ÉLEVER DANS LES RÉGIONS ENVAHIES Malgré la dévastation et la ruine plus ou moins complètes des villages et des fermes dans les régions envahies, il faut que les populations rurales vivent et exécutent le plus rapi- dement possible les travaux agricoles urgents au fur et à mesure de l'avance de la zone des armées combattantes, dès que l'autorité militaire a assuré la sécurité du territoire. Dans cet ordre d'idées nous avons pensé que des particu- liers ou des collectivités pourraient s'organiser en entre- prises de divers travaux agricoles : culture, récolte, battages, transports, etc., pour lesquelles il suffirait d'élever écono- miquement quelques hangars et baraquements. Ce n'est que bien après avoir établi ces constructions tem- poraires urgentes qu'on pourra songer aux constructions définitives. La présente note a pour objet de donner quelques rensei- gnements généraux au sujet de ces constructions tempo- raires comprenant Le logement des hommes: Le logement des animaux : Le logement du matériel ; Le logement des récoltes. Et, pour ces diverses constructions, il y a lieu de considérer celles qui devront être élevées avec des bois tous venants qu'on se procurera sur place, et celles qu'il sera possible d'édifier avec des bois de sciage ainsi que certains autres matériaux qu'il faudra alors faire transporter à pied d'œuvre, Nous arrivons ainsi, d'une facon tout inattendue, à faire 298 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE une application métropolitaine de notre Cours de Génie Rural appliqué aux Colonies. Logement des hommes. — Les plus petites dimensions à donner à une pièce a (fig. 1) pour un céhbataire sont de Penn ot 3m Sur er M. / /\ Fig. 1.— Plan d'un logement d'ouvrier Fig. ». — Plan d'un logement pour un célibataire. ménage d’ouvrier. S'il s'agit d'un ménage, il faut une pièce b (fig. 2) de 4 m. x 4 m. avec une réserve c de 4 m. x 2. Pour une famille d’ouvrier : une pièce d (fig. 3) de 0] Fig. 3. — Plan d’un logement pour une famille d’ouvrier. 14 ) 4 m. x 4 ; une chambre e de 3m. x 4 m. et une réserve } de Æ:m x 21m Pour le chef de culture ou d'entreprise et sa famille, 1l faut compter au moins sur trois ou quatre pièces plus des dépendances : une chambre commune «à (figure 4) de 4 m. x 4 m., une ou deux chambres à coucher, b et c, de 3 m. x 4 m. et une pièce d de 3 x 4 m. : les dépendances sont : la cuisine e de 3 x 4 et un ou deux locaux, f et g, servant de magasins, de 2 m. à 3 m. x 4 m. LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 299 S'il s'agit de dortoirs a, a’ (fig. 5) pour les ouvriers, on peul compter par lit une place de 2 m. à 2 m. 50 x 3 m., avec une chambre commune b d'environ 3 m. x 4 par dortoir d'une dizaine de lits. Fig. 5. — Plan d'un dortoir, On pourra combiner à volonté les positions de ces pièces les unes par rapport aux autres, afin de les faire tenir dans le bâtiment provisoire à élever : nous voyons qu'on peul Q / adopter des types de constructions ayant 3 m. où 4 m. de largeur dans œuvre. Logement des animaux. — Pour les bœufs et pour les chevaux de travail de grande taille, il faut prévoir une lon- gueur de crèche par animal de 1 m. 50 s'il s'agit de bœuls et de 1 m. 70 s'il s’agit de chevaux. Les animaux étant dis- posés sur un seul rang il faut compter sur une largeur de bâti- ment de 4 m. 10 ainsi employée : crèche (a, fig. 6) 0 m. 60, emplacement de l'animal (b) 2 m. 50, passage de service (c) 1 m. 50. (Si le passage de service était commun à deux rangs d'ani- 300 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE maux disposés tête au mur, sa largeur devrait être de 2 m. 90.) La largeur totale intérieure de 4 m. 10 pourra se réduire à 4 m. —--- —__… Fig. 6. — Plan d’une bouverie ou d'une écurie. Pour ces locaux temporaires il y a lieu de supprimer les couloirs d'alimentation ; les bœuls n'ont pas besoin d'avoir de séparation ; si l'on juge les séparations utiles pour les chevaux, on pourra employer de hautes perches de bat-flanc \ 7222 ZAZ//22717 USE FRS es 111 maintenues à 1 m. 30 ou à 1 m. 40 au-dessus du sol et gar- nies en dessous d'un panneau, d'au moins 0 m. 80 de hau- teur, lait en paille tressée. Les portes, à deux vantaux, auront de 2 m. à 2 m. 50 de largeur afin de permettre le passage de deux animaux de iront garnis de leurs harnais; elles doivent s'ouvrir de dedans LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 301 au dehors et l'on peut les confectionner avec des cadres cloués supportant des claies ou des paillassons. Dans les débuts, les mangeoires et crèches seront des plus simples : un remblai en terre 4 (fig. 7), de 0 m. 20 à O0 m. 50 de hauteur, supportera des planches b formant fond ; l'avant 7 4 77 7? ip 77 L D mn DLLD MOT LD Fig. 8. — Lisse d'attache des animaux, c et l'arrière d seront limités par des planches clouées à des piquets f, g, enfoncés en terre ; d'autres piquets n serviront à attacher les animaux : le remblai a sera maintenu par des 4 Fig. 9. — Corde d'attache des chevaux. branchages h et des talus {, {’ de terre battue. Si, comme cela arrive souvent, les piquels f et g n'élaient pas droits ou enfoncés bien à la place voulue, on placerait des cales entre les planches €, d et la face interne des piquets } et g : rap- pelons qu'avant d'enfoncer un piquet en terre il faut toujours faire un avant-trou avec une pince. 302 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE On pourra consolider les piquets d'attache n (fig. 7 et 8) en les reliant entre eux par une lisse ou une perche m rece- vant les longes !. On peut également suivre la méthode d'attache des chevaux des bivouacs militaires (fig. 9) : une corde a (appelée grelier) de 25 mètres au plus de longueur est soutenue tous les 5 m. par des piquels b, b', d'environ 2 m. 20 de long, dont 1 m. est enfoncé dans le sol ; les deux piquets extrêmes b" sont plantés obiiquement, et le grelier est tendu avec un cordage n, billé en d sur un piquet à crosse enfoncé dans un trou € de 0 m. 60 de profondeur ; les longes sont attachées au grelier & qu'on desserre un peu chaque soir ou lorsque l'air est humide. [La ; AY ê y 1, MIT, 7 LL, DD LE 77) /, LL, LD = WW 2 0 Z f 4 LP AE z LL 7x L2, 7 CU) PR LL 11 RG LL AL LD 2 Li L V/IZ WL, Fig. 10, — Coupe transversale d'un drain absorbant. En arrière des animaux à (fig. 10) on établhra une rigole pour faciliter l'absorption des déjections liquides ou leur écoulement vers une extrémité du bâtiment. Si cela est pos- sible, on ouvrira une rigole d'environ 0 m. 60 en gueule, assez profonde, pénétrant d'au moins O0 m. 20 dans le sous- sol $:; on garnira la rigole avec des fagots ou des bran- chages b et des pierres, qu'on recouvrira d'une couche c de terre caillouteuse formant bourrelel, séparant l'emplacement a des animaux du passage b' de service ; le drainage absor- bant ainsi constitué pourra fonctionner assez longtemps et évitera de transformer en cloaque le logement des animaux de travail. Les vaches seront logées dans ies mêmes conditions. Les abreuvoirs seront constitués par des tonneaux coupés en deux, des auges en bois callatées avec de l'étoupe, de la ile MM bé 2:04. 1 de détcué Lidl CPE PONS ut à Led nain nu tint ETES sc ne US Ch) SL dé LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 303 résine et du suif, ou même avec de la terre glaise, soit enfin par une large rigole, jouant le rôle de mare, creusée en terre. Si l'on a intérêt d'amener quelques moutons et porcs, ces animaux seront laissés en liberté dans des enclos a (fig. T1) avant chacun un petit hangar b servant d’abri ; chaque poteau du hangar sera protégé par trois ou quatre piquels inclinés e, indépendants du poteau et jouant le rôle de Jambes de force, évitant les détériorations que les animaux pourraient occasionner en se frottant. I n'y a rien de particulier à dire au sujet du logement des # / / 1 U 1 87 f, IT, V/ WEL! 1/4 LUE LL MG, UV VU CLIS OIL LCL Fig. 11, — Coupe transversale d'un enclos pour moutons ou pour porcs. animaux de basse-cour qui accompagneront toute installa- lion. Logement du matériel. — Pour abriter le matériel 1l suffira de simples hangars de 4 à 6 m. de largeur, qu'il y a intérêt de clore par des clayonnages du côté exposé aux vents pluvieux de. la région. D'ailleurs une grande partie du matériel peul, dans les débuts, rester au dehors ; mais il faudra prévoir un petit abri sous lequel on remisera les machines délicates, les pièces de rechange, et où l'on procédera aux réparations pen- dant les mauvais temps. Une partie de ce hangar pourra êlre réservée au logement des engrais, des semences, etc. ; pour les semences, il y aura lieu de les protéger contre les rongeurs. Logement des récoltes. — II y aura intérêt à mettre le plus possible les récoltes en meules ou en silos et n'élever des 804 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE hangars où magasins que pour les denrées qui nécessitent des précautions ; on sera conduit à expédier le plus rapide- ment possible ces denrées chez les acheteurs où dans des entrepôts, magasins généraux, ete. Emplacement des constructions. — Latrines. — Tous ces | 7 Se WHOLE DOM) VD LL 7 VI, VW LS D LU D 4 D CR PPS PES PAR CLO GEL LL RD) WW CL Fig. 12. — Coupe transversale d'un local. bâtiments seront élevés dans le champ le plus sec, le moins fertile du domaine et à peu de distance d'une voie de com- munication, mais non en bordure immédiale de cette voile. Dans chaque local A (fig. 12), un remblai r, en terre, suré- lèvera le sol intérieur d'au moins 0 m. 20 au-dessus du niveau du terrain extérieur x, en prenant les terres dans un fossé de ceinture }, f', interrompu au droit des passages réservés aux hommes, aux animaux, où aux machines et aux véhicules. Il v a intérêt à séparer ces bâtiments les uns des autres par Fig. 13. — Plan de bâtiments disposés sur une ligne. des vides d'au moins 10 mètres pour éviler la propagation des incendies. Les appareils d'éclairage seront des lanternes d'écuries. Les bâtiments pourront être disposés sur une seule ligne, par exemple dans l'ordre suivant (fig. 13): logement du 7 " Lé hte à Déni ET Le Laits Lbathctléé és dou tt LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 305 matériel, a, — logement des récoltes, b, — logement du chef d'exploitation, c, — logement des animaux, d, — logement des ouvriers, e. Cependant si, avec les vides à laisser entre les bâtiments, on arrivait à une longueur totale dépassant une centaine de ÿ Fig. 14. — Plan de bâtiments disposés en équerre. mètres, 1l y aurait intérêt à disposer les bâtiments sur deux lignes, soit en retour d'équerre (fig. 14), soit parallèles (fig. 15) laissant une cour À avant de 25 à une trentaine de SR TPS XI Fig. 15. — Plan de bâtiments disposés sur deux lignes parallèles. mètres de largeur : il y a là plusieurs variantes à éludier pour chaque cas particulier. (Dans les figures 14 et 15, les divers locaux sont désignés par-les mêmes lettres a, b, e, d,e, ou €, que celles de la figure 15). S'il s'agit d'un chantier faisant l'entreprise et appelé à se déplacer de temps à autre, il est préférable d'employer du matériel de campement, des tentes ou des roulottes comme celles des chantiers de labourage à vapeur ou des sallim- 306 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE banques ; au besoin, des voitures de livraison, dites four- sons, à (fig. 16), peuvent très bien convenir comme chambres à coucher temporaires ; des bâches b, b° tendues du toit # de la voiture à des piquets €, c’, implantés sur les côtés el VV LNIDNY DD TR % UZ LOL 7 LD 0 LPO UV KZ , le Fig. 16. — Coupe transversale d'abris latéraux à un fourgon. à une certaine distance, peuvent Jouer le rôle d’appentis d, d'ou d'abris, soit pour faire la cuisine en plein air, soil pour effectuer les réparations. 7 7 LI 7 LL, Fig. 13. — Coupe transversale d'une latrine. Jk CU LD LV Pour les latrines, le mieux est d'ouvrir un long fossé a (fig. 17) de 0 m. 20 ou 0 m. 30 de profondeur sur autant de largeur, et d'utiliser chaque jour une portion de ce fossé en commencant par l'aval ; il sera remblayé chaque soir sur la longueur voulue. Une guérite b, assez légère pour être déplacée facilement par deux hommes, servira d’abri tem- poraire à l'occupant. La guérite n’a pas besoin d'avoir plus de 1 mètre de large et 1 m. 40 de long : elle sera munie de #3, LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 307 quatre, poignées € en bois ou de deux longs bois formant manches pour faciliter son déplacement à la facon d'une civière ; la porte d, qui s'ouvre en dehors, n'a pas besoin de lermer hermétiquement ; on pourra la monter avec des mor- ceaux de cuir comme charnières, Dans une grande installation, deux ou trois de ces latrines seront nécessaires, mais 1l n'est pas obligatoire de les faire mitoyennes. = Conditions générales d'établissement. — Des baraque- Fig. 18. — Baraquements. ments ou des gourbis ayant 4 mètres de largeur dans œuvre, ou > mètres au plus, el 2 m. 50 de hauteur sous sablière, peuvent done convenir pour les installations temporaires que nous avons en vue. Ces constructions peuvent s'effectuer avec des perches et des bois non écorcés, ou avec des bois équarris, mais les prix de ces derniers ont subi récemment une tres forte hausse de 30 % sur les cours de fin juillet 1914. Les parois pourront être en planches ou en elayonnages garnis de torchis, comme cela se-pratique dans les travaux du Génie militaire et que beaucoup de nos soldats ont appliqués à leurs bivouacs (fig. 18). 308 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE On pourra utiliser des fenêtres et des portes dont il y a un stock très important chez les marchands de matériaux de démolitions à Paris, bien que nous craignions ques ces négo- ciants aient tendance à mayorer fortement leurs prix s'ils entrevoient un nouveau débouché. Il y aura lieu de réduire les surfaces vitrées (les verres à vitre sont actuellement hors de prix) : on pourra les remplacer par des toiles ou par du fort papier d'emballage tendu sur des lattes ou sur du gril- lage comme celui employé dans les clôtures ; le papier sera huilé pour être rendu translucide. * Sans insisler outre mesure sur des détails de construction. 4 # e 7 y < 2 7 7 7 DS W 7, Ÿ LL Y W / > A Fig. 19. — Semelles. qui ont déjà été publiés par nous dans divers ouvrages, nous pouvons donner les indications suivantes. : Le pied des poteaux, verticaux ou inclinés, P ou P' (fig. 19), doit être soigné : il reposera sur une semelle s, s', placée dans le fond de la forme f, f', et maintenue par des piquels n : la pression €, c' sera ainsi répartie sur une grande surlace el l'on évitera des tassements ultérieurs. Après la mise en place des pièces on pilonnera soigneusement le rem- blai }, f, de la forme. Le pilonnage doit s'effectuer avec une perche dont le bout est coupé carrément. Il convient d'adopter des assemblages aussi simples que Fe a 0 L'info a": cond Ré à LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 309 possible et de préférence rectangulaires à (fig. 20) ou des entailles b faites à la scie, mais en évitant de les faire trop grandes pour ne pas alfaiblir les pièces ; employer surtout des bois fourchus €. Fig. 20. — Assemblages. Pour soutenir une pièce À. A’, A" (fig. 21) par d'autres, poteaux ou montants verticaux B, ou inclinés B° B”, il est bon de faire reposer, par une entaille triangulaire À, ou Fig. 21. — Chapeaux. rectangulaire A’, la pièce sur un chapeau C, C" C”, posé sur les montants réunis par des liens a, a’, a”, où par de grosses pointes de charpentier. Pour dresser des parois verticales avec des clayonnages, on ouvre une tranchée A (fig. 22) de O0 m. 40 à O0 m. 50 de profondeur et de O0 m. 25 à 0 m. 30 de largeur : on place ou l'on enfonce des piquets B de O0 m. 07 à 0 m. 12 de diamètre, espacés de 0 m. 50 à 1 mètre. Les pieds des piquets sont reliés par deux bois horizontaux a et b, l'un d'un côté, l'autre de l’autre, en plaçant si besoin des cales entre les pièces a, b et B ;: on pilonne énergiquement, dans la tranchée A, de la terre, des cailloux ou mieux des pierres. Le clayonnage C, 310 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE en branchages, se tresse sur les piquels B, les bouts des clayons étant en dedans de la construction. LE LLC RCA _ D 2 27 Le clayonnage est toujours conduit entre les montants €, € (fig. 23) avec deux pièces à la fois, l'une au-dessus de l'autre. Fie. 23. — Clayonnave. les joints g de l'une Lombant vers le milieu h de l'autre pièce. À chaque deux ou trois couches de clayons, on serre Île clayvonnage en le frappant suivant f à coups de maillet. LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 941 Pour préparer ces bois (perches, llayons, elc.), on opère de la façon suivante : on enfonce sur le chantier une ligne de piquets a (fig. 24) et, à une distance a b égale à la lon- gueur voulue, on place un rondin b servant de billot; le rondin b, de O0 m. 10 à O0 m. 12 de diamètre, est maintenu S — 41 æ A TC Br 12 VW DD Le LD NL LL 2222 î« Fig. 24. —Coupe en élévation et plan d'un billot pour la préparation des bois. par six piquets enfoncés en terre. L'arbre À à débiter, est couché le pied contre la ligne a et on le coupe sur le billot b par un coup de hache appliqué suivant À ; on enlève ensuite, à la hache ou à la serpe, toutes les branches n. Toutes les pièces précédentes sont des troncs de cône et Fig. 25. —— Position des bois dans une fascine. quand il s’agit d'en relier plusieurs ensemble avec des cordes, des harts, du fil de fer ou du feuillard, il faut alterner les gros bouts c (fig. 25) avec les petits d. La réunion de ces bois, bien ligaturés, serrés en faisceaux par des liens extérieurs, constitue une pièce dont la résistance totale est la somme des résistances de tous les éléments constitutifs. Avec des rondins et des clayonnages on peut élever des constructions de toutes sortes et 1l nous suffira d'en donner quelques spécimens à titre d'indicalion. Dans la figure 26 les arbalétriers À, formant chevrons, ainsi que l'entrait retroussé e sont des perches de 0 m. 07 à 7 312 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE O0 m. 08 de diamètre moyen et dont l’écariement d est de 0 m. 60 à O0 m. 70 ; les piquets B, d’une hauteur h variable, ont au moins 0 m. 10 de diamètre ; les gaules a, a’, formant lattes, ont en projection horizontale un écartement b de 0 m. 25 à 0 m. 30. Sur celte carcasse on tresse un clayonnage qu'on garnit de torchis { de 0 m. 10 à 0 m. 15 d'épaisseur et le toit est recouvert de malières végétales. Il est bon de TD 4 Fig. 26. — Construction en bois (coupe transversale et vue en long). 7, LI / W W 7, LV > LL LL W TL CL £ Éd contreventer l'ouvrage par des écharpes € et des jambes de force J donnant à l’ensemble une section triangulaire : en prolongeant la couverture { sur les jambes J, le vide compris entre J et B peut servir d'isolant. En certains endroits on peut élever une banquette n en terre pour y déposer divers objets. On se contente quelquelois de soutenir le faîtage } (fig. 27) et les sablières s par des poteaux m et m', puis l'on Jette les chevrons c supportant le lattis let la couverture. Il est recom- mandable de liaisonner, par des tirants a ou a’, les pièces m et m', ou m, cet c’, afin d'éviter leur écartement sous l'in- h y théatre nd née de de dd ds dt ne 6 ed de à ei du tés on mn a Li) < spaitiner dés docti cle da dutanids Ltd pt been fé hd à 6 SES dE Sd à dt LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 313 fluence des pressions occasionnées par la couverture et ses surcharges. CELL LC Fig. 27. — Coupe transversale d’une construction en bois. ee Lorsqu'on dresse une carcasse courbe, qui est d'ailleurs très résistante, et qu'on la garnit de clayonnage recouvert de torchis, on a ce qu'on appelle un gourbi. Les fermes, espa- EEE = W U/ Fig. 28. — Gourbi (coupe transversale et vue en long). cées d'environ un mètre, sont conslituées par des arceaux A (fig. 28) en deux perches courbées, solidement maintenues au pied par des bois horizontaux et des piquels b écartés de 0 m. 50 au plus. Les arceaux A reçoivent des lalles a, espa- cées d'environ 0 m. 25 d’axe en axe, sur lesquelles on tresse le clayonnage qu’on recouvre de torchis {. Avec des perches — 314 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE assez longues et assez fortes on peut donner aux gourbis une largeur de 4 à 5 mètres dans œuvre. 4 ‘ U 4 1 1 ‘ Fig. 29. — Gourbi. La figure 29 donne la vue générale d’un gourb1 dont les arceaux À, consolidés par la double rangée de piquets de pied p, soutiennent les perches r sur lesquelles on tresse le clayonnage c en branchages, ou en saucissons de paille de O m. 05 à O0 m. 06 de diamètre, recouvert de torchis m, de | 0 m. 15 d'épaisseur, confectionné avec de la terre et de la | paille ou du foin coupé par bouts d'environ 0 m. 10 de lon- | gueur. D) LD Fig. 30. — Coupe transversale d'un gourbi ogival. On voit dans la figure 30 la section d'un gourbi ogival B, qu'an peut garnir de banquettes n en terre. tte de in ot em d'à ji PP PETER LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 319 Si l'on dispose de bois de sciage, on peul établir très faci- lement des constructions temporaires en reliant les pièces avec des pointes, ou en n'ayant recours qu'à quelques assem- blages très simples. La figure 31 représente un des nombreux baraquements en planches qui furent élevés pendant le siège de Paris en 1870. Les fermes étaient espacées de 2 mètres ; le bardage était en ÿ WW LD Co HD 6 ? LDC LA À 4 LL Lu HSE K 740 LCL LDH LED LIL? Fig. 31. — Baraquement en planches (coupe transversale et vue en long). planches disposées horizontalement et la couverture faite avec des planches posées suivant la ligne de plus grande pente, du faîtage à la sablière, avec larges couvre-joints; de cette facon on économisait les pannes et les chevrons. Enfin, la sec- tion transversale trapéziforme donne une construction solide tout en permettant d’avoir une ferme ayant une portée plus petite que l’écartement du pied des poteaux. Avec des bois de petit échantillon, des pointes et quelques boulons, on peut établir des fermes très résistantes tout en étant économiques. Comme exemple nous donnerons dans la figure 32 la vue d’un petit hangar de 4 mètres de largeur, el les détails d’un des autres hangars provisoires, de 5 mètres de portée, (fig. 33), qui furent élevés en 1910 à la Station d'Essais de Machines, alors rue Jenner, pour les recherches sur le “uotueyoo qjujod ap sitoq uo aquodieyn — ‘cg "Si ‘uoppqueyos quod ep stoq uo ‘ossnoipoi Jeaque & oquodiegn) — *£€ "SIA 318 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE rouissage par le procédé de M. Emile Feuillette (1) ; ces cons- tructions furent démontées, transportées et remontées en 1914, avenue de Saimt-Mandé, dans le nouveau terrain de la Station d’Essais de Machines. La figure 34 donne le principe d'une ferme de ce hangar dont l’entrait retroussé d e a une longueur (d’axe en axe, de d'en e) de 2 m. 70 ; la projection fd’ est de 1 m. 15 : le poin- con be a O m. 55 et la hauteur c'b, comptée à partir du niveau a a’, est de 1 m. 03 ; les autres cotes sont de O0 m. 65 ë Fig. 34. — Principe d'une ferme à entrait retroussé. pour af et 1 m. 13 pour d d'. La portée gg', d’axe en axe des poteaux, est de 5 mètres. L'écartement des fermes est de 2 mètres. Les arbalétriers A (fig. 35) sont des planches de 14,5 x 2,5 maintenant par deux goussets, G, G’ de 19 x 2, cloués, le poinçon P de 10,5 x 2,8, lequel est cloué avec l’entrait re- troussé E en 11 x 2; cet entrait E est placé d'un côté de l'arbalétrier à l'opposé de la jambe de force I, en 11 x 2,3 et les trois pièces sont réunies par le boulon d, de 0 m. 008. (1) Les résultats d’essais du rouissage microbiologique du lin ont été publiés dans les Annales de la Science Agronomique, n° 3, septembre 1913, p. 226. LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 319 Le poteau P (fig. 35), de 11 x 8, reçoit dans une entaille le pied de l'arbalétrier À maintenu par un boulon a; la jambe de force I est posée à plat et boulonnée en f avec le poteau. Ar rc en à ln Le Diane die De LE 2 ni CAD Fig. 35. — Détails d’une ferme à entrait retroussé. Le faîtage F (fig. 35) et la panne N sont des pièces de 6 x 6, la sablière S est une planche de 16,5 x 3 clouée de champ contre les poteaux P ; les chevrons H, en 5 x 3, sont espa- cés d'environ 0 m. 525 d’axe en axe el supportent des lattes en 4,5 x 1, écartées d'axe en axe de Ü m. 18, qui reçoivent la couverture en tuiles métalliques posées à crochets. Dans la figure 36 on voit les assemblages de l'arbalétrier A et de la jambe de force I avec le poteau P, par les boulons a et j ; des liens de sablière L, L', en 6 x 5, sont cloués en m avec le poteau et en n avec la sablière S. Pour contreventer le faîtage F (fig. 37) les deux fermes de 320 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE chaque pignon sont reliées entre elles par deux écharpes x et x’, en 5 x 3, clouées l’une sur le champ des poinçons P et P', l’autre sur l'autre champ ; dans celte figure on voit en E la coupe de l'entrait retroussé et en G, G' celles des gous- Fig. 36. — Poteau, sablière et liens de sablière. sets reliant les têtes des deux arbalétriers de chaque ferme. Nous conseillons toujours d'écarter les fermes de 3 mètres”, mais, même avec des fermes tous les 4 mètres, et 5 à 6 mè- tres de portée, les arbalétriers peuvent être en bastings de Fig. 37. — Contreventement de faitage. 16 x6 et le tirant en deux pièces moisées de 16 x 3 qui s'appuient en enfourchement sur le poteau de 11 x 8; les liens de 11 x 4, le faitage et les sablières en bastings don- nent une charpente très solide, les pièces étant simplement réunies par des pointes et quelques boulons de 0 m. 008 de. diamètre. APN 7 sont saéde slt ts. À 5.0 à 4 du as dan dite ju béelé bc dt à taire : de à dbgé de À ui ne de it hé (où LE GÉNIE RURAL ET LA-GUERRE DE 1914-1916 321 En écartant les pannes d'un mètre (en projection horizon- tale) on peut les faire avec des bois de 16 x 3 posés de _ champ. Nous ne croyons pas nécessaire de multiplier les exemples: de ces charpentes en bois de sciage de pelit échantillon, que chacun pourra modifier à l'infini suivant ses besoins. Enfin, dans les départements envahis, beaucoup de fermes et de villages ayant servi de forlins, sont complètement dé- truits ; tout est à relaire et il est à souhaiter que, dans la reconstruction définitive des fermes, l'on apporte les amélio- rations suggérées par l'expérience et par l'observation, de sorte qu'à la place des anciens bâtiments d'hier, des ruines d'aujourd'hui, l'on puisse voir demain des Constructions rurales aussi bien établies que possible, répondant à toutes les conditions de l’économie et de l'hygiène, et marquant, de cette façon, le commencement d'une ère nouvelle pour l'Agriculture nationale. Le rapport ci-dessus, qui est le développement d'une com- munication faite en décembre 1914, a paru dans le Bulletin de la Sociélé d'Encouragement pour l'Industrie Nalionale de janvier-février 1915. Aussi est-ce avec un vii intérêt que nous avons lu un article qu'on nous a communiqué, publié dans | le Petit Parisien du 28 mars 1915, et intitulé « DE LA VIE SUR DES RUINES », montrant que les constructions temporaires s'édifient rapidement au fur et à mesure de l'avance de nos armées. A, à. | L'article en question, signé des initiales S. Ch. (compre- nant les figures 38, 39 et 40), nous a paru tellement saisissant que nous n'hésitons pas à le reproduire in extlenso afin de conserver pour l'avenir un tableau-type de la renaissance de la vie sur les ruines du champ de bataille. Ajoutons que la scène se passe à Sermaize, où eurent lieu, en 1878, les pre- mières expériences de Culture mécanique avec des treuils mus | | 4 322 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE par l'électricité, expériences faites par MM. Chrétien et Félix sur les terres voisines de leur sucrerie. « 28 mars 1915. — Après six mois, l'énorme champ de bataille de la Marne garde encore, presque intactes, les traces de la rafale qui le balaya. Nous l’avions parcouru dès la fuite rapide des Allemands, voici l’hiver passé, et nous retrouvons le même aspect de désolation, la même suite interminable de villages détruits. Les grands trous d’obus n’ont pas tous été comblés dans la plaine que sillonnent des restes de tranchées et sur les arbres brisés nous distinguons, aussi visibles qu’à l'automne, les marques de la mitraille. Et pourtant il y a quelque chose de changé. Dans ce paysage de mort, on sent la vie renaître, bourgeonner pour ainsi dire. « Les habitants, aussitôt leur territoire libéré, sont revenus, près des murs écroulés de leurs maisons. Ils s’y sont accrochés, cramponnés. Ils ont passé la mauvaise saison comme ils ont pu, entassés dans les rares demeures qui restent encore debout. Et la persévérance de ces vaillants, fidèles au sol natal, est infiniment touchante. « À Sermaize, dans la Marne, une des communes les plus affreusement éprouvées du département, ils sont plus de trois cents au petit établissement thermal qui, par miracle, a échappé à l'incendie et aux obus. Chaque chambre de l'hôtel sert d’asile à toute une famille, et de chaque fenêtre surgit un tuyau de poële enfumé. Les plus indépendants sont restés dans ce qui fut la ville et ils se sont casés tant bien que mal dans leurs caves. Au milieu des pierres et des poutres amoncelées, on aperçoit, çà et là, une entrée barrée de planches. Quelques marches à descendre, et, sous la voûte sombre, c’est le plus extraor- dinaire fouillis d'objets hétéroclites. Tout ce que le propriétaire a pu ramasser parmi les décombres de sa maison, il l’a rassemblé là et il y vit philosophi- quement. « Quand il fait beau, il s’installe sur « sa porte » pour prendre l'air. Il est encore un peu chez lui, et, comme nous a dit l’un d'eux : « au centre de ses affaires ». Car ils recommencent à faire des affaires. Sur tel mur noirci et défoncé a été clouée une pancarte neuve où un maraîcher offre des graines et des fleurs. « La vie publique s’essaie à reprendre, elle aussi. Dans le cadre grillagé où la municipalité de Pargny-sur-Saulx affichait jadis ses « avis », maintenant criblé de balles et problématiquement accroché à une pierre mal scellée de la mairie détruite, s’inscrit chaque jour le communiqué officiel. Une maison provisoirement installée, transformée en école, réunit les enfants de Huiron, qui prennent joyeusement leurs récréations sur les ruines. On tente de se remettre aux travaux des champs. Les femmes bêchent laborieusement ce qui reste de leur jardin. Les quelques chevaux et les outils aratoires sauvés sont mis en commun. On laboure ce que l’on peut, aussi vite que l’on peut. Mais la tâche est terriblement rude à ces pauvres gens dénués d'argent, de semences, de bétail, pour reprendre leur existence. Il faut, de toute urgence, les soute- nir et les encourager. Plusieurs initiatives officielles et privées s’y emploient avec le plus louable dévouement. « Ces entreprises de solidarité fonctionnent déjà très activement dans cer- taines communes. À Courdemanges, qui fut avant la guerre un joli village de vignerons et dont les maisons sont aujourd’hui aux trois quarts culbutées et MAT ER Vas LE GENIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 323 brûlées, une compagnie du génie s’est installée et prête son concours. C’est une véritable œuvre de résurrection, dont le maire, M. Emile Levylier, a bien voulu nous expliquer la genèse. « Il fallait, nous dit-il, aviser d’abord au plus pressé : assurer un toit aux sans-logis qui affluaient et qui ne pouvaient vivre longtemps dans leurs abris précaires, rendre à chaque famille un foyer au moins provisoire. « Nous avions songé tout d’abord à rebâtir de vraies maisons en briques. Mais ce projet, trop ambitieux, nous apparut bientôt impraticable. La main- d'œuvre, tant que durera la guerre, restera tout à fait insuffisante et les maté- riaux sont difficiles à transporter avant le rétablissement normal des trains. C’est alors que j’eus l’idée de m'adresser au service du génie. Des groupes d'officiers de cette arme parcouraient précisément la région pour étudier les moyens pratiques de venir en aide aux sinistrés. Nous eûmes vite fait de nous entendre : on établirait de simples demeures en planches. Nous avions du Fig. 38. — L'auberge temporaire de Courdemanges. bois disponible. La commune se chargerait d’héberger le détachement affecté au travail. Aïnsi, avec le minimum de frais (environ 1000 francs par loge- ment) nous parviendrions à édifier des locaux très habitables. « Nous nous sommes mis sans tarder au travail, et nos efforts n’ont pas été déçus. Vous pouvez vous en rendre compte par vous-même. « En effet, du milieu des ruines, un nouveau village commence à renaître. Une douzaine de maisons sont déjà terminées. Leurs silhouettes claires égayent le sombre tableau. Le capitaine commandant le détachement du génie nous a fait les honneurs de son chantier. Et, sa modestie dût-elle en souffrir, il faut le féliciter de son œuvre. Tout a été prévu : établies en retrait des bâtiments détruits, de façon à permettre la reconstruction éventuelle de ceux-ci, les mai- sons provisoires sont assez solides pour durer plusieurs années. Elles se divi- sent en deux ou trois pièces surélevées de quelques centimètres pour éviter l'humidité. Les murs sont formés de deux cloisons dont l'intervalle est rempli de verre cassé, à la base, pour éloigner les rongeurs, puis de mortier maintenu par un réseau de fil de fer. Un toit de tuiles rouges les recouvre, que perce un tuyau de cheminée pour chaque chambre. Enfin, les parois extérieures seront badigeonnées au carbonyle, et, plus tard, recouvertes d’une couche de peinture qui leur donnera un aspect riant. 324 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE « Au milieu du village se dresse l’indispensable auberge-débit de tabac, avec une large baie sur la façade (fig. 38). Un peu plus loin, une maison plus vaste (fig. 89), composée de cinq logements, offrira aux manouvriers un asile. « Et ce n’est pas fini. De place en place, les équipes de soldats continuent à déblayer le sol et à bâtir de nouveaux logis (fig. 40). Les habitants reprennent espoir. Dans la baraque criblée de traces de balles et d’éclats d’obus où il s’est réfugié, leur brave homme de curé nous dit leur joie. « La municipalité a fait en sorte que tous ses administrés, même les plus Fig. 39. — Logements d'ouvriers. éprouvés, puissent profiter des demeures qu’elle met à leur disposition. A ceux qui en font la demande, chacune d’elles est cédée moyennant un loyer de un franc par an, à charge pour le locataire d’acquitter les contributions et les assurances. Il est stipulé dans les baux que lorsque, la guerre finie, les sinistrés auront touché, du gouvernement, les indemnités qui leur sont dues, les maisons leur seront cédées en toute propriété, pour un prix très réduit environ 400 francs), ou laissées en location à des conditions modiques. Fig. 4o. — Logis isolé. « Alléchées par de tels avantages, presque toutes les familles de la com- mune sont rentrées. Déjà plusieurs commencent à s'installer. Les cloisons $e tapissent de papier à fleurs, les fenêtres se garnissent de rideaux, et, dans les chambres, les nouveaux locataires disposent les meubles qu’on a pu sauver. Ajoutons, d’ailleurs, que la bienfaisance privée contribue pour une large part à leur assurer le nécessaire. « Mais Courdemanges n’est pas un exemple isolé. A Glannes et à Huiron, deux villages voisins où la bataille particulièrement intense a tout anéanti, on travaille aussi avec ardeur à construire des abris. C’est une société anglaise qui s’en est chargée. C’est la Société des Amis et ses membres, des Quakers PR PO rm tite lé do tt dé. ft une ééstss , dk 4 achètés A dans sétitl. de set LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 325 fidèles au commandement évangélique : « Tu ne tueras point », mais obligés de s’incliner devant les nécessités de la guerre, se sont voués à la tâche de réparer les ravages. « La Société des Amis (1) remet gratuitement aux sinistrés les maisons toutes prêtes à les recevoir. Les dons de ses membres et de quelques personnes chari- tables lui permettent cette générosité. D'ailleurs, le gouvernement suit avec un vif intérêt l’œuvre de ses nationaux, et dernièrement le Parlement britan- nique a délégué plusieurs de ses membres pour inspecter leurs travaux. « Les détachements du génie, comme la Société des Amis, sont prêts à mul- tiplier leurs services dans toute la région. En outre, d’autres groupements sont en formation qui se proposent le même but. Mais il ne suffit pas de procurer un toit aux gens. Il faut encore préparer un abri pour les bêtes et pour les récoltes futures. Il faut surtout assurer les récoltes prochaines et la reprise de la vie, en fournissant aux cultivateurs ruinés des semences et, autant que possible, des chevaux et du bétail. Car c’est aux cultivateurs et aux vignerons que s’adressent principalement ces efforts. La pensée qui les guide est de ramener le propriétaire à son bien. On va donc s’occuper de construire des hangars collectifs ou particuliers, en planches aussi naturellement. Le gouver- nement procède déjà à des répartitions de semences. Plusieurs municipalités vont, de plus, faire en sorte de mettre à la disposition de leurs administrés des graines, des volailles et même des instruments aratoires. « Les Amis nous annonçaient leur intention de faire venir une charrue automobile. Enfin, dans certaines contrées voisines de parcs d'artillerie, les hommes et les chevaux, en attendant que la bataille les appelle, sont mis à la disposition des habitants, et vaquent pacifiquement aux travaux rustiques. Dans la plaine immense, tandis qu’au loin gronde encore sourdement le canon, de solides attelages vont au long des sillons, menés par des soldats-laboureurs. « Ainsi, peu à peu, encouragés et soutenus, nos paysans de France, qui, sous l'empire du désespoir, après la catastrophe, auraient pu être entraînés à délaïsser leurs champs, y resteront attachés et rendront bientôt sa beauté à la terre maternelle profanée par les hordes ennemies. » — $. Ch. CONSERVATION DES FUMIERS Par suite de la réduction du nombre des travailleurs, du fait de la mobilisation générale, et des chevaux enlevés par les réquisitions, une foule de travaux ont dû êlre ajournés dans les vignobles ; c'est ainsi que le fumier dont on disposait n'a pu être charrié, épandu et enfoui dans les vignes et qu'il y a lieu de chercher à le conserver. Dans beaucoup d'exploitations viticoles on ne produit pas ce qui est nécessaire aux animaux moteurs et l'on achète les (1) Voir « sur le rôle de la Société des Amis en faveur des sinistrés agricoles de la guerre » les détails donnés par le baron Henry d’Anchald à l’Académie d'Agriculture. Séance du 16 juin 1915. 326 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE aliments et la litière ; aussi le fumier “est-il pas aussi pailleux que celui des exploitations du centre ou du nord de la France et sa conservation est plus difficile. D'après les meilleures conditions de fabricalion et de conservation dés fumiers, que nous avons eu l'occasion de détailler ailleurs (1), on voit que les pertes ne se manifestent que quand le tas de fumier est trop sec. Les arrosages à l’aide du purin suffisent pour empêcher la déperdition d'ammo- niaque ; ils favorisent la pénétration de l'air dans le tas du fumier ; quand le purin fait défaut, il vaut mieux arroser avec de l’eau que de ne pas arroser du tout. On a bien proposé de maintenir le fumier humide en met- tant le pied du tas en contact permanent avec le purim, qui devrait s'y élever par capillarité : cela n’est pas suffisant, et les recherches montrent qu'on doit arroser le fumier, c'est-à- dire le faire traverser de haut en bas par le liquide afin quil y ait déplacement et pénétration d'air dans la masse. Dans sa ferme de Tullins (Isère), Michel Perret avait cher- ché à doubler la quantité de fumier produit sur le domaine en y incorporant les malières ligneuses dont il disposait. Pour activer la décomposition de ces matières ligneuses et leur conversion en humus, le mélange était déposé sur une plate-forme imperméable recouverte d'une toiture légère ; une rigole de ceinture recueillait le purin qui était rejeté très souvént sur le tas avec une écope ou pelle à eau; la masse, dont la température s'élevait, fermentait, se concen- trait et finissait par se transformer en un fumier gras, bien décomposé, pesant 1000 kilogrammes le mètre cube. Dans les pays où les animaux n'ont pas de litières, soit parce qu'il n'y a pas de cultures de céréales (Hollande, Pays de Bray), soit parce qu'on brüûle les pailles (Etats-Unis), les déjections solides et liquides sont réunies dans une fosse qu'on recouvre d'une toiture ou d'une mince couche de terre atténuant l'évaporation. L'engrais se présente sous forme (1) Aménagement des Fumiers et des Purins. A amiante fu pm Va ut tirs à LÉ ne LS. SES SE des Ant nt dE ne amie PR 4 LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 327 d'une sorte de mastic noir ou de terreau gras, assez humide car il est fourni par des ruminants. Dans beaucoup d'exploitations viticoles, le fumier est géné- ralement produit par des solipèdes (chevaux et mulets), et s'il y a peu de litière, le poids à l'état frais est voisin de 450 à 470 kilogrammes au mètre cube : la conservation de ce fumier est très difficile et toujours accompagnée d’une perte notable. L'arrosage active les réactions d'un semblable fumier qu'il faut éviter de remuer inutilement. Le moyen qu'on peut recommander pour assurer la conser- valion du fumier de solipèdes avec le minimum de pertes est de réduire l’évaporation en recouvrant le tas avec des balayures, des feuilles, etc., garnies d'une couche de terre d'une dizaine de centimètres d'épaisseur ; on peut encore protéger le tas avec un crépi fait avec du morter de terre, ou simplement de la boue étendue et lissée avec une pelle. IMPERMÉABILISATION DES TISSUS L'imperméabilisation des tissus de toutes sortes destinés à nos soldats attire l'attention d’une facon toute particulière : de nombreux procédés ont été indiqués à diverses reprises comme applicables à nos exploitations rurales. Dans une communication à l'Académie des Sciences (3 no- vembre 1914), M. Le Roy explique qu'on peut imperméabi- liser un vêtement en drap sans rien découdre. Il emploie la graisse de suint de mouton, connue en droguerie sous le nom de lanoline anhydre, mélangée d'oléate d'aluminium dans les rapports suivants : 2 kilogr. de lanoline pour 1 kilo- gramme d'oléate. Le mélange, qui est pâteux, est liquéfié avec un peu de tétrachlorure de carbone et dilué de suite dans de l'essence de pétrole. On emploie 9 litres ou 9 litres 1/2 d'essence pour 1 kilogr. ou 1/2 kilogr. de graisse. Le vête- ment entier est immergé dans le liquide et foulé pendant quelques minutes, puis il est exprimé et mis à sécher à l'air: 8 328 | ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE le dissolvant s'évapore et le corps gras reste fixé dans l'épais- seur du tissu. Comme moyen de fortune, on peut employer le même pro- cédé, avec l'essence minérale comme dissolvant, et du suif qu'on a fait préalablement fondre, ou de la graisse CONSIS- tante employée dans les machines. L'imperméabilisation à l'huile convient surtout pour les loiles en coton préalablement bien lessivées, séchées et repassées, puis tendues sur un châssis. L'enduit se compose de 2 litres d'huile de lin ordinaire, non cuile, un demi-litre ou 1 litre de siccatif liquide et 1 litre de pétrole lampant ; le mélange, qui est une peinture très siccative, se lait à froid et s'applique d'un côté seulement de l'étoffle avec un pinceau ; on donne généralement deux couches à une huitaine de jours d'intervalle, le séchage demande également une semaine environ. On peut incorporer une malière colorante à cette peinture. II. — HYDRAULIQUE AGRICOLE LE CANON ET LA PLUIE Depuis longtemps, déjà au xvm° siècle, comme l'Encyclo- pédie en témoigne, on s'est inquiélé de l'influence ‘es déto- nations d'artillerie sur la pluie. L'illustre astronome François Arago ne dédaigna pas de s'en occuper. Plus récemment on se souvient des hypothèses émises vers 1900, lorsqu'on eut l'engouement des canons paragrêles ; on cilait des faits et l’on affirmait que les ébranlements de l'air, causés par les cloches, les coups de fusil et surtout par les coups de canon, étaient capables d'amener la contensation de la vapeur d’eau contenue dans l'air et de produire la pluie, comme de translormer les grêélons en grosses gouttes de pluie. Il ny a pas de plus grandiose expérience à ce sujet que celle qui résulte des violences de la guerre actuelle, et l'on Ladé ; 4 | | - 3 4 : - r , 3 LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DÉ 1944-1916 329 peut se demander si les très nombreux coups de canon tirés ont produit des pluies abondantes. M. Camille Flammarion, éludiant la question, déclare ce qui suit dans l'Astronomie ; 1l ne se croit pas autorisé à affir- mer l’action de la canonnade sur l'abondance des pluies, et cela pour les raisons suivantes : 1° Le mois d'octobre 1914 a été sec et ensoleillé malgré toute cette artillerie. 2° Les journées pluvieuses ont coïncidé, comme. d'habi- tude, avec les courants du Sud-Ouest et les tempêtes venues de l'Océan. 3° Nous avons eu des périodes aussi pluvicuses que celles de la fin de 1914, sans coïncidence d'aucune canonnade, telles que les années 1910 et 1905. Si la mitraille et les bouches à feu avaient une action véritable sur l'atmosphère, l'hiver 1914 aurait dû être d'une pluviosité plus considérable qu'en aucune autre année et indé- pendante des courants du Sud-Ouest venant de l'Océan. Il semble donc qu'il n'y ait là qu'une légende insuffisam- ment fondée. Cependant, il n'affirme rièn encore, car rien n'est encore démontré ; il faut voir si la pluviosité continue et, ajoute-t-il, la guerre, fléau de l'Humanité, est peut-être aussi la pertur- batrice de l'atmosphère. Pourvu qu'on ne vienne pas dire qu'on a peut-être tiré trop de coups de canon de notre côté, pour agir efficacement sur la pluie ; nos généraux doivent penser le contraire ! DÉSINFECTION DES PUITS Presque tous les puits des localités envahies par l'ennemi ont été souillés ; l'eau est souvent contaminée par des cada- vres et il est indispensable de prendre certaines précautions avant de remettre chaque puits en service. La désinfection des puits peut se faire à l'aide de divers 330 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE ingrédients, tels que le permanganate de chaux (1): mais celui qui est le plus énergique, le moins coûteux et qui a l'avantage de nettoyer les parois de la chambre d'eau est l'eau de Javel. L'eau de Javel (hypochlorites divers et notamment de soude) a un pouvoir microbicide égal à celui du bichlorure de mercure et supérieur à celui des phénols et dérivés ; c'est un désodorisant en même temps qu'un désinfectant. Il faut évaluer le volume d'eau contenu dans le puits et y ajouter environ un litre d'extrait d'eau de Javel par 19 ou 20 litres d'eau. I ne faut pas jeter le désinfectant dela mar- selle, car une partie serait retenue par les parois de la che- minée, mais faire descendre le désinfectant dans un seau. En temps ordinaire l'extrait d'eau de Javel est vendu envi- ron O fr. 40 le litre par les détaillants. Quelques jours après, on procédera au curage du puits, en prenant les précautions habituelles avant de laisser des- cendre l’ouvrier puisatier, surtout celle de s'assurer de la présence d'air respirable au fond. Après curage, et plusieurs lois de suite, on épuisera complètement le puits. Si l’on dispose d’une locomobile à vapeur, 6n pourra, avec des tuyaux en fer ou en acier, terminés par un éjecteur, envoyer de la vapeur prise sur une chaudière maintenue à la pression de 5 kilogr. par centimètre carré (température de 151 degrés centigrades). Il faut chauffer souvent toute une journée, afin que la température de l'eau s'élève au moins à 100 degrés centigrades. EPURATION DES EAUX POTABLES La première désinfection des puits, dont nous venons de parler, ne doit pas empêcher d'épurer, au moins pendant un certain temps, l’eau destinée à l'alimentation. (1) Voir : Puits, Sondages et Sources. 2 | p 7 LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 3341 De même il est prudent d'épurer l'eau provenant de citernes, de sources ou de cours d'eau qui peuvent être éga- lement contammés par des cadavres. L'ébullition est le procédé le plus sûr, le plus recomman- dable et le moins coûteux. Il est toujours facile, dans un ménage, de faire bouillir chaque Jour, pendant une dizaine de minutes, un peu plus que la quantité d'eau qui est néces- satre à la consommation du lendemain : l'eau ainsi stérilisée par la chaleur à le temps de se refroidir, surtout si on la place dans un local frais. L'opération, s'effectuant avec les ustensiles ordinaires de la cuisine, ne nécessile aucune acqui- sition de matériel. L'épuration par des filtres présente des difficultés dans les applications rurales : il faut une certaine pression sur le filtre, et surtout le surveiller et le maintenir en parfait état de propreté ; il existe certains systèmes dans lesquels il suffit de changer les surfaces filtrantes après un certain débit. Il y a également l'épuration chimique ; on peut la réaliser à l’aide de divers ingrédients (1) dont la liste est assez longue. Rappelons que l'eau de Javel fut employée en 1911 à l’épu- ration des eaux de la Marne destinées à l'alimentation de Paris en eau potable. Depuis la guerre de nombreux produits sont proposés ou utilisés, et leur émploi, qui présente un intérêt de premier ordre pour les armées, peut aussi intéresser les populations rurales. Le permanganate de chaux est ajouté simplement à l'eau jusqu'à ce qu'on obtienne une coloration rose persistant pen- dant quatre ou cinq minutes. On enlève ensuite le goût âcre avec un peu de café, de thé, du vin rouge ou du vin blanc ; mème avec son goût âcre l'eau est pure et sans danger pour l'organisme. Le permanganate de chaux, qui agit par oxyda- tion énergique, quand il est ajouté en quantité suffisante, ; (1) Tous ces procédés, filtres, ete., ont été étudiés en détail dans le Génie Rural appliqué aux Colonies. 332 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE détruit tous les germes, microbes, bacilles, y compris ceux du choléra et de la fièvre typhoïde. Pour les troupes, on peut préparer des solutions concen- trées de permanganate de chaux dont on emploie 10 à 20 gouttes par litre d'eau à purifier. MM. H. Vincent et Gaillard ont présenté une note à l'Aca- démie des Sciences (12 avril 1915) sur l'emploi de Fhypo- chlorite de calcium, préférable à l'eau de Javel dont la com- position nest pas stable. Ils facilitent la disssolution en mélangeant 8 grammes de chlorure de sodium pur à 15 gr. d'hypochlorite de calcium : la poudre est mise sous forme de petits comprimés dont chacun renferme, queique temps après préparation, 3 milligrammes de chlore actif, capable d'épurer un litre d'eau. Il faut environ vingt minules d'immersion pour que tout le chlore actif soit mis en liberté ; au bout de dix minutes, les trois quarts du chlore sont déja dissous {ans l'eau, alors qu'il faudrait attendre plusieurs heures s’il n'y avait pas addition de chlorure de sodium. Les microbes pathogènes (bacille typhique, paratyphique, dysentérique, du choléra, etc.) sont détruits au bout de dix à quinze minutes. Les bactéries banales, non pathogènes (saprophytes), sont réduites dans une très forte proportion. La composition minérale de l'eau ainsi traitée est à peine modifiée par les quelques centig'ammes de chlorure de sodium et un centigramme de carbonate de calcium par litre. Au bout de quinze à vingt minutes l'eau, qui ne présente aucun goût appréciable, peut être consommée. EAUX D’ALIMENTATION DES TERRITOIRES ENVAHIS On croit généralement qu'au bout d'une année les cadavres enfouis sont décomposés à tel point qu'ils ne puissent conta- miner les eaux souterraines, et qu'on peut utiliser sans incon- vénient ces dernières pour l'alimentation. LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 333 M. E.-A. Martel, dans une communication à l'Académie des Sciences (29 novembre 1915), donne l'exemple suivant pour montrer que l'infection de l'eau souterraine peut, dans cer- tains cas, persister au delà d'une année calière. Près d'une petite ville de la frontière de l'Est, deux tombes furent creusées au début de septembre 191% au bord d'un gouffre absorbant (bétoire) ouvert dans les calcaires lriasiques du Muschelkalk : à côté on avait enfoui des chevaux, Les eaux du béloire, qui communiquent avec la nappe d'une source située à 2 kilomètres en effectuant le parcours en 8 jours, ‘avaient été reconnues bonnes en 1909, alors qu'en septem- bre 1915 l'analyse dénonca une moyenne de. 500 colonies par centimètre cube, des espèces putrides, et plus de 1000 coli-bacilles par litre. Dans ces conditions, on ne _pou- vait songer à utiliser la source et on chercha une autre solu- lion beaucoup plus onéreuse pour assurer l'alimentation en eau potable des habitants. Seules, les couches sèches, les zones sableuses, les allu- vions fines et les craies de grande épaisseur sont favorables à la décomposition rapide des cadavres inhumés profondément. Lorsque le sokest trop humide d'une facon permanente, les cadavres qui y sont enfouis subissent une putréfaction extré- mement lente, passent par la phase intermédiaire dite du gras des cadavres (adipocire) et contaminent Îes nappes souter- raines pendant très longtemps. Dans ces conditions, il est indispensable de procéder aux exhumations. La fermentation putride est très intense dans ui milieu un peu humide et chaud dans lequel l'oxygène peut pénétrer : MM. Bordas et Bruère (Académie des Sciences, 12 juillet 1915) signalent que le cadavre d'une chienne de forte laille, pesant environ 60 kilogrammes, enfoui dans un tas de fumier de che- val, est complètement décarné en moins de 8 jours: au bout de ce temps, il ne reste que le squelette complètement mis à nu. Si, dans les sols et sous-sols humides, les cadavres n'avaient pas été enfouis, mais simplement recouverts d'un 39/ ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE tumulus de 0 m, 40 à O0 m. 50 d'épaisseur, ensemencé de plantes à végétation rapide, comme nous l'indiquons ci-des- sous, la décarnisation se serait effectuée avec une grande rapidité. ASSAINISSEMENT DES CHAMPS DE BATAILLE L'assainissement des champs de bataille, qui désolent tant de nos départements, doit être une des premières préoccu- pations de nos populalions rurales. Dans cet ordre d'idées, nous avons cherché des documents, nous souvenant que le docteur Hector George, dans les confé- rences quil nous faisait en 1879 à l'Institut agronomique, nous avait donné quelques indications à ce sujet. C’est ainsi que nous avons pu retrouver un long article relatif à l’assai- nissement des champs de bataille, écrit par George dans le numéro du 15 juillet 1871 du Journal d'Agriculture pratique (page 590). Nous ne pouvons mieux faire que d'en donner le résumé ci-dessous. Les services sanitaires des armées de Napoléon I" étaient bien organisés, comme tous les services scientifiques qui sui- vaient ses expéditions. Après la bataille, on avait recours aux paysans des environs, car ils étaient les premiers inté- ressés à ce qu'il n'y eût pas d'épidémies chez eux, puis pour éviter l'impression fâcheuse que le spectacle épouvantable aurait pu produire sur le moral des troupes. On creusait de larges fosses profondes recevart au fond une couche de cadavres, recouverts d'un peu de chaux vive, quand on en avait, et ensuite d’une forte épaisseur de terre. Lors de la guerre de 1870-1871, beaucoup de cadavres n'étaient pas enfouis, surtout aux environs de Paris, le sol étant trop profondément gelé : ils furent seulement recou- verts d'un peu de terre, n'ayant souvent pas plus de 0 m. 10 d'épaisseur, d'où l'on voyait sortir un bras, un pied ou le corps gonilé par la putréfaction. Il est vrai que les batailles de Napoléon [° s’opéraient sur , / | LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 339 des espaces relativement restlreints ; les champs étaient un peu plus étendus en 1870-1871. Mais le record appartient à la guerre actuelle, alors qu'au moment où nous écrivons ces lignes le front de bataille, rien qu'en France et en Belgique, s'allonge sur près de 900 kilomètres. En 1871, le Conseil d'Hygiène s'était occupé de prévenir les épidémies possibles avec le retour du printemps, et se trouvait en présence de plusieurs procédés qu'il indiqua, mais dont un seul mérite d'être retenu. La putréfaction est très active au.printemps, qui réunit les - conditions voulues de chaleur et d'humidité (1), surtout quand les cadavres, à fleur de terre, sont accessibles facilement à l'oxygène de l'air. L'exhumation est dangereuse : elle peut occasionner aux travailleurs des accidents graves analogues à ceux prove- nant des piqûres anatomiques. Tout au plus il faudrait, conformément au décret du 23 prairial an XII creuser à côlé du mort une fosse de 1 m. 50 à 2 mètres de profondeur, détruire l'odeur fétide en arrosant le cadavre avec divers liquides, entre autres avec celui obtenu en versant 50 litres d'eau chaude sur 0 kil. 5 de goudron de houille, et, avec une pelle, faire rouler le corps dans la fosse profonde puis la refermer de suite, On voit que le travail est impossible quand il s'agit de morts disséminés dans un champ. Des agents chimiques les plus divers ont été proposés pour être employés en arrosements : ils sont toujours coûteux, en admettant qu'on puisse s'en procurer (goudron de houille, acide phénique, sulfate de zinc, chlorure de zinc, sulfate de fer, chlorure de chaux, etc.). L'extrait d'eau de Javel pourrait peut-être être employé dans certains cas. L'incinération sur place (qu'on a cherché à rendre obliga- loire par une loi), sans manutention du cadavre, présente éga- (1) On sait qu’on peut supprimer la putréfaction par le froid (on en a un exemple dans les viandes congelées ou frigorifiées), par la dessiccation (momies d'Egypte), ou par la suppression du contact de l'air (comme application, citons les conserves alimentaires), 336 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE lement des difficultés, mais peut encore être appliquée; la terre est préalablement imbibée de goudron et de pétrole; on peut prolonger l'opération en faisant au-dessus un feu de bois, bien que la chaleur doive se communiquer difficilement de haut en bas, pour obtenir la carbonisation du cadavre: Le meilleur procédé, recommandé par le Conseil d'Hy- giène de 1871, et qui fut appliqué avec succès aux environs de Paris par un ingénieur des Ponts et Chaussées, dont George ne donne pas le nom, est le suivant N'employer aucun agent chimique. Laisser le corps en place, mais le recouvrir d'un tertre ou tumulus ne présentant pas, au-dessus du cadavre, une épais- seur plus grande que 0 m. 40 à O0 m. 50. — Nous croyons, pour faire ce terrassement, qu'il ne faut pas prendre les terres rapprochées du corps, mais faire le déblai nécessaire à une distance d'un mètre ou deux, afin de ne pas remuer de la terre imprégnée de Jus en décomposilion, et pour ne pas former deux fossés latéraux qui assécheraient trop le tertre. Ensemencer le tumulus avec des graines de plantes à végé- lation rapide et surtout avides d'azote, ou de matières ani- males en décomposition. La meilleure plante sous ce rapport est l'helianthus, ou grand soleil, qui agit d'une façon remarquable (1). On peut également avoir recours au galega, à la moutarde et au topi- nambour, ou, à défaut, à quelques graminées que George proposait même de couper en vert comme fourrage. INDICATEUR DE LA PRÉSENCE D'OBUS DANS LES TERRES Après la guerre de 1870-71, et pendant plusieurs années, on avait signalé de nombreux accidents survenus pendant l’exé- (4) « Babinet raconte qu’un jour il mit le cadavre d’un pigeon dans la terre, entre les racines d’un grand soleil pour mesurer sa faculté absorbante. Au bout de quelques semaines, il voulut voir ce qu'était devenu son pigeon : il n’en 1estait absolument rien. Le végétal avait dévoré et digéré l’animal tout entier : la chair, les os, les pattes, le bec et jusqu'aux plumes. » né das Ldfé ls SSD dde DT Éd né D dd dd sn à éd) éd 2 dd | E F . 2 LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 337 cution des travaux de culture sur les anciens champs de bataille ; la charrue rencontrant un obus encore chargé en provoquait quelquelois l'explosion en tuant ou en blessant le laboureur et l'attelage, et les conséquences de l'accident étaient aggravées par l'absence de secours immédiats. Avec le nombre formidable d'obus consommés dans la guerre actuelle, et dont beaucoup n'ont certainement pas éclaté, on est très inquiet des conséquences de la présence de ces projectiles dans la terre. Fig. 41, — Appareil Gutton pour déceler la présence d'obus dans les terres. Les projectiles apparents-à la surface du sol sont enlevés, avec les précautions voulues, par les services militaires com- pétents sur les terrains qui ne font plus partie de la zone dan- gereuse. Pour que les travaux de culture puissent être repris sans péril, M. C. Gutton, professeur de Physique à la Faculté des Sciences de Nancy, sur la demande du préfet de Meurthe-et- Moselle, a étudié et combiné une balance d'induction destinée à déceler la présence des obus enterrés: il en a décrit le prin- cipe à l’Académie des Sciences (séance du 5 juillet 1915 ; Comptes rendus du 26 juillet, p. 71). 3938 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Un homme parcourt le terrain à explorer en tenant un bambou horizontal dont chaque extrémité supporte, par une tige en bois, une bobine de 0 m. 70 de diamètre ayant deux circuits, primaire et secondaire (fig. 41): les bobines sont maintenues à quelques centimètres au-dessus de la surface du sol. En arrière, à quelques mètres, suit l'observateur muni d'un casque téléphonique : il porte en bandoulière une boîte reliée à la balance par des conducteurs souples, contenant une pile sèche de quatre éléments, un condensateur, un trembleur et un appareil de réglage. Un canif ou une clef que l'on approche du centre d'une des bobines modifie le son émis par les récepteurs téléphoniques, et prévient ainsi l'observateur. Quand l'objet est superficiel (éclat d'obus, boîles de con- serves, etc.), l'observateur entend deux renforcements consé- cutifs du son lorsqu'un bord, puis l'autre du fil d'enroulement d'une des bobmes passe au-dessus de l'objet. Au contraire, lorsque le projectile est profondément enterré, le maximum d'action a lieu lorsque le centre de la bobine passe au-dessus de lui ou s'en rapproche : dans ce cas, l'ob- servateur ne perçoit qu'un seul renforcement du son. | L'appareil Guiton est capable d'indiquer la présence d'un obus de petit calibre enfoui à-une profondeur d'environ 0 m. 40. Selon M. Gutton, on explore*par train, deux bandes de terre ayant chacune une largeur de 0 m. 70. Avec deux per- sonnes un peu habituées, la durée d'exploration d'un hectare serait d'environ trois heures. Pour plus de sécurité, dans certains cas, il nous semble qu'après une première exploration, on pourrait labourer à 0 m. 20, par exemple, et passer une seconde fois derrière la charrue en maintenant les bobines à peu de distance au-des- sus du fond de Ja raie: mais pour cette application, les bobines devraient n'avoir que 0 m. 20 de diamètre. FAT] > = 0 tés d'ores | Vie tes rush LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 339 III. — MACHINES AGRICOLES LE MATÉRIEL AGRICOLE APRÈS LA GUERRE d Le développement des machines en agriculture est toujours une conséquence de la diminution de la main-d'œuvre rurale. Alors que dans l’industrie, et surtout dans la construction mécanique, l'on obtient par les machines une perfection qu'il serait impossible d'atteindre avec un travail manuel, en agri- culture, au contraire, un ouvrage est toujours de meilleure qualité quand il est effectué à la main ou à bras, lorsque l'in- telligence du travailleur dirige son énergie en la modifiant à chaque imstant suivant les besoins. L'agriculteur, obligé de sacrifier la qualité de l'ouvrage pour en effectuer économi- quement la quantité nécessaire, remplace le travail manuel par l'énergie demandée à plus bas prix d'abord aux atte- lages, puis ensuite aux moteurs inanimés. Ces transforma- tons successives s'effectuent sous l'influence de l'impérieuse nécessité (1). C'est ainsi qu'en Angleterre, dès la fin du xvir° siècle, les moissonneuses furent demandées par les Îer- miers qui les avaient jusqu'alors dédaignées. Aux Etats-Unis, les faucheuses et les moissonneuses, qui élaient proposées depuis longtemps, ne se sont répandues qu'après la guerre de Sécession (1861) ; semblable fait s'était passé chez nous à la suite de la guerre de 1870-1871, et surtout dans les régions de l'Est qui avaient été les plus éprouvées, comme elles le furent dans le cours de l'Histoire, qui montre que les grandes Mêlées des Peuples ont toujours lieu, comme aujourd'hui, au nord de la Seine. Une situation identique, mais bien plus terrible, va résul- ter de la guerre de 1914 et se tradwira par un brusque accrois- sement du nombre de machines employées dans nos exploi- tations rurales. (1) Voir : Le Matériel agricole au début du XX* siècle. 340 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Cet accroissement ne sera pas limité aux départements envahis ; certes, chez ces derniers, presque tout pour ainsi dire est à refaire : constructions rurales à réédifier, matériel à reconstituer à nouveau, achat d'animaux de travail, remise en état des routes et chemins, des ponts, des champs, désin- fection des puits, etc. Dans les malheurs publics qui semblent même localisés, comme les inondations par exemple, tout le monde souffre plus ou moins, les sinistrés comme les autres, et on l'a bien vu lors de la crue de la Seine en 1910. À plus forte raison lorsqu'il s'agit d'une calamité telle qu'une guerre, intéressant tout le pays. En dehors des départements envahis, les constructions rurales, le matériel agricole, les chemins, les canaux, etc., n'ont pas été délériorés, mais dans toutes les régions de la France le nombre des travailleurs ruraux, qui était déjà restreint avant la guerre, a été diminué par la mobilisation et sera réduit par suile des nombreuses victimes, les chevaux et les bœuis de travail ont été enlevés par les réquisitions militaires, de sorte qu'il faudra chercher encore une économie de main-d'œuvre et remplacer une grande parlie de nos moteurs animés par des moteurs inani- més, lesquels entraineront à leur tour une modification dans le matériel destiné à l'exploitation du sol. Comme 1l est infiniment plus facile de trouver un ouvrier pour conduire très convenablement un cultivateur, que pour bien conduire une charrue, il y aura lieu de remplacer plus ou moins complètement les labours par un certain nombre de passages de cultivateurs à dents flexibles : il est très pro- bable qu'il ÿ aura prochainement une vente très importante de ces machines, ainsi que de toutes celles munies d’un siège pour le conducteur, et ne nécessitant pas des ouvriers une certaine habileté professionnelle (il faut entrevoir la possibi- lité d'utliser des Mutilés glorieux) : les râteaux-faneurs, par exemple, se substitueront aux râteaux à cheval, etc. Les conducteurs d'attelages étant devenus trop exigeants, le problème de la Culture mécanique nous précccupait beau- AE S > 3 -LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 341 coup pendant ces dernières années (1) ; il préoccupait égale- ment nos colons et en particulier ceux du Nord de l'Afrique, parce que leurs animaux-moteurs sont trop faibles : de nom- breuses Sociétés et Associations avaient fait des tentatives. On se souvient que dans cet ordre d'idées l'Administration de l'Agriculture, en vue de coordonner les efforts et les recherches, avail organisé des expériences contrôlées com- mencées à l'automne 1913 et devant s'achever après la mois- son de 1915. Nos dernières constalalions ônt élé arrêtées à Neuvillette, dans la matinée du samedi 1* août, et, le soir du même jour, l'ordre de mobilisalion générale était affiché dans tout le pays, remettant à une date ultérieure la suite des expériences. Les résullats déjà constatés dans les essais du Ministère de l'Agriculture (2), joints à ceux provenant de deux grands Concours internalionaux tenus l’un en Belgique, à Chassart, en 1913, par le Ministère des Colonies (de Bel- gique), l’autre à Chaouat, près de Tunis, en avril 1914, par la Direction générale de l'Agriculture de la Régence, seront des plus utiles pour guider les agriculteurs dans le choix des appareils de Culture mécanique et pour donner une orien- tation à nos constructeurs. Nous pouvons mentionner ici un développement de maté- riel de Culture mécanique à la suite de calamités : il y eut en 1871, après la guerre, des tentatives d'emploi du labourage à vapeur en Lorraine et aux environs de Paris, chez notre ancien collègue du Comité d'Agriculture, M. Tétard, de Gonesse ; l’on employa alors le système à deux locomotives- treuils qui venait d'être reconnu le meilleur à l'important concours de 1871, tenu à Wolverhampton par la Société royale d'Agriculture d'Anglelerre. Des matériels anglais furent alors introduits chez nous. (1) C’est pour répondre aux desiderata de l’Agriculture que la Commission du Bulletin de la Société d'Encouragement pour l'Industrie nationale décida, le 20 juin 1912, de publier chaque mois une Revue de Culture mécanique. (2) Les rapports détaillés sont insérés dans les Annales de l'Ecole nationale d'Agriculture de Grignon, t. V : Librairie agricole de la Maison rustique, 26, rue Jacob, Paris. 342 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Nous sommes obligés de dire que nos consirucleurs ne sont pas actuellement organisés pour répondre à une partie des demandes d'appareils de Culture mécanique que nos agricul- teurs vont être appelés à faire dès la fin des hostilités; nous pouvons être partiellement consolés en songeant que le mar- ché sera occupé par du matériel provenant d'un peuple allié, ou d’un peuple ami, l'Angleterre et les Etats-Unis, où les constructeurs d'appareils de Culture mécanique prennent leurs dispositions en vue de salsiaire aux besoins urgents des pays belligérants. | Dans notre-étude sur le Malériel agricole à l'Exposition universelle de 1900, nous avions montré l'effort qui avait été fait par les ennemis en vue de prendre une place importante dans la vente des machines agricoles en France : c'était une des conséquences de l'énorme développement de l'activité industrielle pris obligaloïrement par nos voisins, surtout après la fermeture des Etats-Unis à l'émigration du trop plein de la population. Nous disions alors (Walériel agricole à l'Exposition uni- verselle de 1900) qu’ « 1l est de toute nécessité que nos eons- tructeurs redoublent d’efforts-afin d'augmenter la production nationale, en limitant de plus en plus l'introduction étran- gère ; quils organisent, comme plusieurs l'ont déjà fait, leurs travaux pour abaisser les prix de revient afin de pou- voir présenter à l'acheteur français des machines équiva- lentes, comme prix et comme qualité, aux machines étran gères qui sont offertes en même temps. » Tandis que la population occupée aux travaux agricoles diminuait en Allemagne, la population industrielle s’acerois- sait d'une façon inlense. Le nombre de personnes employées par la fabrication allemande des machines de toutes sortes passa de 350 000, en 1882, à 1 120 000 en 1907, et parallè- lement à cette augmentation, il faut noter le perfectionne- ment de l'outillage des ateliers, leur permettant d'augmenter beaucoup la production par ouvrier. Depuis 1900 les pays ennemis importaient surtout des semoirs LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 343 en lignes, des charrues, des scarificateurs-cultivateurs, des écrémeuses et des barattes, de petites machines à battre, des botteleuses mécaniques appelées improprement presses à paulle, des moulins et concasseurs, des manèges, des hache- paille, des locomobiles à vapeur, de grandes batleuses, elc., la classification ci-dessus étant basée d'après le nombre de ma- chines et non suivant leur valeur argent. Il faut mentionner spécialement les petites machines pour le travail du bois et le matériel électrique. Les tentatives faites pour l'introduction des faucheuses, des moissonneuses, des moissonneuses-lieuses n'ont pas eu de succès et ont échoué devant les concurrents américains et anglais ; il y a lieu de noler, mais avec une importance moindre, l'introduction de pompes, de distribu- teurs d'engrais, de pressoirs, de locomobiles à gaz pauvre, de charrues automobiles, de trieurs, de pulvérisaleurs, de séchoirs à fruits, etc. Il faut convenir que presque tout ce matériel était de bonne qualité et qu'il se vendait à un prix relalivement bas en donnant de grandes facilités de payement aux agriculteurs qui sont des plus sensibles à cette facon de procéder ; il est vrai que le gouvernement étranger aidait ses industriels de diverses fa£ons, ce qui explique pourquoi cer- taines machines pouvaient se vendre à bas prix fout en arri- vant à notre frontière après avoir parcouru des milliers de kilomètres sur les voies ferrées. Heureusement pour nous, tout le matériel dont nous venons de donner la liste est fabriqué couramment par de nom- breux constructeurs français. Bien qu'il soit très délicat de faire une classification de nos constructeurs par ordre d'im- portance, nous avons tenté ce travail en nous limitant à ceux qui ont une spécialité et une cerlaine envergure ; nous avons ainsi réuni 130 noms sur lesquels nous en trouvons 37 dont les ateliers sont situés dans les départements envahis qui comprennent les centres métallurgiques et houillers. Ces 37 ateliers sont en grande partie démolis ; certains chefs d'usines non mobilisés, maires de leur commune, ont dû ser- 9 344 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE vir d'otages et, m'a-t-on dit, quelques-uns auraient même été fusillés. Ces 37 ateliers, qui représentent environ 28 % de notre liste, sont dans l'impossibilité de reprendre leur activité d'ici quelque temps ; mais, à part certaines machines spéciales à la culture de la betterave à sucre et à celle des pommes de terre destinées aux féculeries, cultures qui étaient très impor- tantes dans les départements profanés, le matériel qu'ils fabri- quaient élail également construit par d’autres ateliers répar- tis sur le reste du territoire ; l’agriculture française pourra donc trouver les machines dont elle aura besoin, bien quil faille prévoir que les constructeurs des régions non envahies auront à traverser une période pénible pour se remettre en roule, par suile des vides occasionnés dans leur personnel et surtout par la lenteur que présentera, dès la fin des hostilités, l'approvisionnement des matières premières, acier, fonte, bronze et houille ; il y a lieu enfin de remarquer que la vente sera très difficile, à lerme toujours trop court pour le cons- tructeur comme pour l'acheteur, pour lequel on peut espé- rer de prochaines lois de secours et une aide efficace du Cré- dit agricole. ; Toutes ces raisons nous font prévoir une recrudescence, au moins temporaire, dans l'importation des machines an- glaises et américaines, dont la vente sera d'autant plus facile qu'elles sont déjà connues de nos agriculteurs. EMPLOI DU JOUG SIMPIE Le joug simple est le plus employé en Suisse et en Alsace pour les bêtes bovines. Chez nous, un modèle fut étudié par M. Bouchon, de Nassandres, et par M. Hélot, de Cambrai, qui en firent une application générale sur leurs exploita- lions. Ces jougs furent très remarqués lors du-concours interna- tional d’arracheurs de betteraves de Cambrai, qui s'est tenu en 1895 sur les terres de M. Hélot, et nous eûmes alors l'oc- LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 345 casion de les signaler dans notre compte rendu (1). A la suite du concours de Cambrai, M. A. Bajac, de Liancourt (Oise), entreprit la construction de ces jougs simples qu'il désigne sous le nom de jouguels. Avec ces harnais, les bœuîls sont indépendants les uns des autres et l'atlelage ressemble à un attelage de chevaux, relié Fig, 42. — Bœuf au joug simple attelé à une charrette (photographie de M. Wallet). aux véhicules ou aux machines par des traits el des palon- niers ou balances ordinaires. D'ailleurs, chez M. Hélot, comme chez M. Bouchon, les voitures, les machines de cul- ture, les moissonneuses-lieuses, etc., sont indistinctement tirées par des chevaux ou par des bœufs sans qu'on y apporte une modification quelconque suivant l'espèce de moteur cons- ituant l’attelage. | ù Les Parcs à bestiaux du Camp retranché de Paris nécessi- (1) Journal d'Agriculture pratique, 1895, t. II, p. 512; voir aussi le numéro du 15 mars 1906, n. 336. 346 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE taient de nombreux transports d'aliments et de fumier ; les entrepreneurs qui effectuaient cet ouvrage avec des chevaux demandaient des prix très élevés, alors qu'on entretenait, parmi les animaux fournis par les réquisitions, un gran nombre de bœuls de travail que le service chercha à utiliser. Les paires d'animaux étant dépareillées, l'emploi du joug double fut limité, car 11 nécessitait un nouveau dressage, effectué dans de mauvaises conditions, avec des ouvriers inhabiles, et surtout des voitures ayant le timon spécialement Fig. 13. — Attelage de deux bœufs au joug double et d’un bœuf au joug simple (photographie de M. Wallet). établi pour être tiré par des bœuls, voitures dont on ne trou- vait qu'un pelit nombre disponible dans le Camp retranché de Paris. On tourna la difficulté aisément en ayant recours au jou- guet qui rendit alors les plus grands services, car il permit d'utiliser les animaux isolément, en réalisant d'importantes économies sur les frais de transport. La figure 42 montre un bœuf attelé à une charrette ordi- naire dont l'équilibre est assuré par une sellette dossière et une sous-ventrière, comme sil s'agissait d'un cheval limo- nier. Dans la figure 43 on voit un bœuî attelé au jouguet, en D uit Lutte t Jus das. ‘os ciars LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 9347 flèche d'un attelage de deux bœuls au joug double tirant un tombereau. Ces deux photographies ont élé prises par notre camarade le heutenant Wallet, chef d'un groupe de Parcs du ravitaille- ment du Camp retranché de Paris. EMPLOI DES PULVÉRISEURS Nous avons vu que les circonstances actuelles paraissent réserver un avenir spécial à certaines machines lesquelles, ne nécessitant pas une habileté professionnelle, sont destinées à prendre la place de nos anciens modèles, afin de pouvoir uti- liser le premier ouvrier venu, et surtout un Mutilé glorieux, pourvu qu'il sache diriger un attelage. Le retournement de la terre par le versoir de la charrue, en plus du travail d'ameublissement du sol, présente le grand intérêt de détruire les mauvaises herbes, alors qu'avec le cultivateur plusieurs passages successifs sont nécessaires pour obtenir l’ameublissement voulu sans réaliser un net- toyage du sol aussi complet. Par suite de la grande diminution des travailleurs ruraux et des attelages enlevés par les réquisitions militaires, il est certain que beaucoup-le terres n'ont pas reçu en 1914 et en 1915 les facons culturales nécessaires ; on a eu peu de char- rues et peu de temps pour les travaux de préparation du sol. On peut tourner la difficulté en remplaçant le labour à la charrue par un passage de charrue déchaumeuse, d'un extir- pateur à larges socs ou mieux d'un pulvériseur qui assurera la destruction des mauvaises herbes ; puis, après quelques jours secs, on réalisera l'ameublissement par un ou plusieurs passages de cultivateur. Le pulvériseur, encore trop peu répandu chez nous, tra- vaille à une faible prolondeur et retourne de petites bandes de terre comme le feraient un certain nombre de petits ver- soirs d'une charrue déchaumeuse, tout en travaillant sur une plus grande largeur que cette dernière. 348 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Voici les résultats de nos essais sur un pulvériseur com- posé de 12 disques, de O0 m. 40 de diamètre et 0 m. 04 de flèche, et une dent centrale ; l'écartement d’axe en axe des disques était de 0 m. 156, alors que, par suite de l'obliquité des pièces, les sillons tracés par deux disques consécutifs étaient écartés de 0 m. 133. La machine pesait 260 kilogr. le conducteur 85 kilogr. et une surcharge de 80 kilogr. était répartie dans les deux coffres situés au-dessus des axes sur lesquels sont calés les disques ; lors des essais, le poids total de la machine était ainsi de 425 kilogr. La largeur travaillée était de 1 m. 60. Sur deux champs, très enherbés, les résultats constatés furent les suivants, que nous mettons en comparaison avec des charrues brabants-doubles, et un extirpateur à 7 socs de : 0 m. 24 de largeur, dont le train était de 1 m. 015, qui furent essayés le même jour : Terre ayant une densité de ss = 1,99 2,03 Pulvériseur : Y Æ Profondeur {centimètres) ............ 6.82 7:12 Section (décimètres carrés) .......... 10294 11.39 Traction Pbobale re Eee 347.7 572.8 (kilogrammes). | par déc. carré ...... 31.86 58.28 Charrue brabant-double : Traction en kilogrammes par décimètre carré (à la profondeur de 0"20) : Versoir-hélicoidal ts." 55.5 59.5 Tr Cylndrique Er MEL Mer 49.7 57.8 Extirpateur : Profondeur (centimètres) ............ ] g Section (décim. carrés) .............. 9.13 9.13 Traction f:.dotaless. fn Re 658.0 676.7 (kilogrammes). | par déc. carré...... 72.03 74.07 Avec un attelage de quatre bœufs se déplaçant à la vitesse d'environ 0 m. 50 par seconde, on travaillait sur une largeur de 1 m. 60 et l'étendue cultivée dépassait 21 ares 1/2 par heure. On voit que le travail du pulvériseur est expéditif ; on peut S tcm indé do spl, potél lt D de Rs dés à dde did dote ns dir à die mt ce D dr .; > cu bdd use fs LE GÉNIE RURAL ET LA: GUERRE DE 1914-1916 349 l'augmenter en réduisant la profondeur de la culture à 4 ou 5 centimètres ; c'est un réglage à faire selon la résistance qu'oppose le sol et surtout d'après l'enraéinement des mau- vaises plantes qu'il s'agit de détruire ; la destruction de ces dernières, par la dessiccation à l'air, est d'autant plus rapide que la culture est superficielle, car les bandes de terre sont alors complètement retournées sens dessus-dessous. Il en est d'ailleurs de même pour le réglage de la déchaumeuse ou de l'extirpateur, si l'on a une de ces machines à sa disposition. Pour les travaux que nous avons en vue en ce moment, l’extirpateur donne de moins bons résultats que le pulvéri- seur ou la déchaumeuse ; beaucoup de racines de plantes sont bien coupées par les lames de la machine, mais les tiges restant en place, certaines herbes risquent de reprendre si le temps est un peu humide. En été, au contraire, par suite de l'intensité de l’évaporation, le travail de l’extirpateur donne de bien meilleurs résultats pour la destruction de la plupart des plantes nuisibles. En résumé, on pourra remplacer l'opération lente d'un labôur par une culture très superficielle, au pulvériseur, à la déchaumeuse ou à l'extirpateur, afin de nettoyer plus ou moins complètement le sol, puis faire ensuite, après quelques jours secs, l’ameublissement en profondeur à l’aide d'un ceul- tivateur. Voici quelques renseignements sur un bon modèle de pul- vériseur (Wood), dont les disques ont 0 m. 40 de diamètre Nombre de Largeur du Poids approximatif disques train du pulvériseur 8 1"20 135 kilogs 10 1°50 140 — 12 1"80 160 — 14 2°10 170 — Ajoutons que le pulvériseur est aussi employé en Amérique pour recouvrir très régulièrement les semis à la volée. 350 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Les pulvériseurs pourraient rendre de très grands services pour les cultures superficielles qu'on effectue däns les vignes. I y aurait donc lieu détablir, spécialement dans ce but, des machines assez étroites pour pouvoir passer dans les inter- lignes. Un seul constructeur, à ma connaissance, s'est occupé sérieusement de la question : c'est M. S. Plissonnier, de Lyon, qui m'écrivait au début de 1915 quil avait, depuis plusieurs années, lutté avec bien peu de succès pour diffuser l'emploi du pulvériseur, et il ajoutait : « Nous avons même établi un petit modèle à 6 disques avec mancherons, tout à fait spécial pour la vigne plantée à faible écartement, mais nous en avons été pour nos frais d'essais. « Nous avons fait, en 1913, une expérience très intéressante dans le Ford en terres difficiles, avec nn pulvériseur spécial. Le pulvériseur simple n'ayant pas donné toute satisfaction, l’appareil nous avait été renvoyé. Un nouvel essai fut tenté avec un pulvériseur double comportant deux rangs de disques dont les concavités étaient opposées. Le résultat fut déclaré excellent, et le propriétaire, M. Royer, à Feurs (Loire), enchanté. Mais nous attendons depuis deux ans que l’exemple soit suivi. » Rappelons que les premiers pulvériseurs ont été impor- tés chez nous après l'Exposition de 1889 ; nous les avons étu- diés dans le petit livre : les Machines agricoles, 1" série, 2° édition de 1893 (ouvrage épuisé depuis plusieurs années) ; quand nous étions professeur à l'Ecole nationale d’Agricul- ture de Grignon, nous avions acheté deux pulvériseurs pour la collection et pour les essais entrepris en collaboration avec Dehérain, afin de voir l'influence du passage de certaines machines (scarificateurs, cultivateurs, pulvériseurs divers, etc.) sur la mitrificalion des terres, essais qui furent inter- rompus en 1897. M. À. Verneuil, correspondant de l'Académie d'Agricul- ture, propriétaire-viticulteur en Charente-Inférieure, écrivait ce qui suit, dans la Revue de Viticulture (n° des 25 février et / 4 mars 1915, page 269) « Ayant vu fonctionner un pulvériseur en 1913, je le fis essayer RE un de mes vignobles, à rangs plantés à 2 m. 30 d’écartement. 2.4 | k , > 4 d 4 * . y e LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 391 « J'étais enchanté de son travail; mais il me fallait, ou toujours chausser les vignes, ou avoir deux instruments, un pour les chausser, et un autre pour les déchausser, ce qui me paraissait une complication, une accumulation inutile de matériel. Je demandai done au représentant qui m'avait procuré ce premier pulvériseur, d'obtenir que son fabricant fit, pour les viticulteurs, un instru- ment pouvant à volonté faire l’un ou l’autre travail. « lls ont compris l'utilité de ce que je réclamais et, dès 1914, ont présenté un pulvériseur à travail alternatif. C'est celui-là que je recommande, en toute confiance, aux viticulteurs, m'en étant servi tout l'été dernier dans mes vignobles. Suivant le nombre de disques qu’il porte, de 8 disques à 14 disques, il cultive de 1 m. 20 à 2 m. 10 de large à chacun de ses passages. « En le chargeant de pierres ou de sacs de sable, lorsque le poids de l’homme ne suffit pas, malgré un terrain très sec, ou très compact, on peut obtenir un très bon travail, dont on règle ainsi la profondeur. La traction m'a toujours paru très faible pour la largeur du terrain cultivé. « Ces pulvériseurs m'ont rendu, l’été 1914, de très grands services, surtout dans un vignoble à rangs espacés, où, à court de personnel, j'ai pu quand même, grâce à eux, maintenir mes vignes en bon état de culture. Avec une seule paire de bœufs, ou avec deux chevaux, on cultivait, en un seul passage, toute une courrège de 2 m. 30 de large et dans laquelle il aurait fallu 6 pas- sages de charrue ordinaire. « Il est vrai qu’attelés de deux animaux ces grands pulvériseurs ne retournent le sol qu'à 4 ou 5 centimètres de profondeur, mais c’est très suffisant pour la vigne. En surchargeant l'appareil et en doublant les attelages, on pourrait obtenir une plus grande profondeur. Maïs je n’en vois pas l'utilité, surtout en été. Lorsque l’appareil est mis en chausseur, il doit être muni, à l’arrière et à son centre, d’une dent d'acier recourbée, terminée par un fer en queue d’hironde, qui détruit, qui gratte le petit sillon restant au milieu entre les deux lignes de ue qui se tournent le dos, lorsqu'ils rejettent la terre à l'extérieur. « Dans mes vignobles plantés à 1 m. 50 entre les rangs, je n’ai pas essayé les pulvériseurs ; je me suis contenté de la culture avec la houe canadienne à 11 dents, munie de fers en queue d’hironde qui gratte suffisamment la terre et détruit bien les herbes tout en donnant un travail également rapide. L’al- ternance des deux instruments y serait peut-être une bonne chose. Il m'y aurait fallu un puivénisenr à 6 disques seulement, qui n’eût travaillé qu’un mètre de large, et que je n'ai pas trouvé ; le 8 disques, un peu large, me paraît dangereux à essayer dans une aussi petite largeur. « Je ne doute pas d’ailleurs que les constructeurs n'aient, sous peu, des pulvériseurs de largeur suffisante à offrir pour aller dans les vignes à 1 m. 50, écartement qui est le plus usité dans le Midi. » Pour le travail des vignobles, le train du pulvériseur doit avoir environ Om. 60 de moins que l'écartement des vignes. 392 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE LE LABOURAGE A VAPEUR EN FRANCE APRÈS LA GUERRE DE 1870-1871 Le grand concours de labourage à vapeur tenu en 1871, à Wolverhampton, par la Société Royale d'Agriculture d’An- gleterre, avait montré que la première place revenait au système à deux locomotives-treuils (1) : à cette époque, coïn- cidant avec la reprise de l'activité de notre pays après les ter- ribles épreuves de 1870-1871, la Sociélé britannique de secours aux paysans français avait déjà envoyé des semences dans les malheureux départements de l'Est. De leur côté, les « Quakers », c'est-à-dire la Société des Amis (2), avaient acheté pour 62 500 francs un matériel complet de Fowler, avec deux locomotives-treuils, déclarées « puissantes machines de la force de 15 à 20 chevaux », charrue, cultivateur, herse et voitures : ils avaient labouré, aux environs de Metz, 500 hectares en quelques semaines : ils vinrent ensuite aux environs de Nancy, où, en deux jours et demi, on travailla 13 hectares et demi dont la moitié fut défoncée au scarificateur à une profondeur de 0 m. 42 (3). Les Amis proposèrent de céder le dit matériel Fowler au prix réduit de 37 500 francs dont le montant devait s'ajouter aux 1 900 000 francs déjà distribués en France par la Société britannique de secours aux paysans français. C'est alors que se fonda à Nancy la Société lorraine et mes- sine de labourage et de battage à vapeur : ce litre nous sur- prend car, en août 1871, le pays messin n'était malheureu- (1) Culture mécanique, t. I, p. 3, 7. (2) C'est la même Société des Amis, dont nous avons parlé à propos des Constructions temporaires à élever dans les régions envahies, qui prolonge en 1915 son œuvre de 1871. (3) Tous ces documents sont une analyse de divers articles de Grandeau et de Lecouteux dans le Journal d'Agriculture pratique du 10 août 1871, p. 739; 28 décembre 1871, p. 1446; 1872, t. I. Lis. r Da dire onto clans 6) RES dir er LÉ de RER ES LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 353 sement plus français ; le capital, fixé à 50 000 francs, -fut divisé en 500 actions de 100 francs chacune, payables trois mois après la souscription. Comme plusieurs de nos départements vont se trouver, “après la fin des hostilités, dans la situation que présentaient la Lorraine et le pays messin au printemps de 1871, il était intéressant de chercher ce qu'était devenue l'entreprise : disons de suite que nous n'avons plus trouvé de documents postérieurs à décembre 1871. La situalion au 28 décembre 1871 était la suivante : Prix du Compte matériel de la neuf Société francs francs Deux locomotives-treuils, charrue, culti- vateur, herse et voitures............ 43 950 Dépense exceptionnelle pour renforce- MEN AE ANIÉLES 0 22 eme aise edit 6 250 Pièces de rechange, câbles, socs, etc. 12 500 62 700 .... cédés à .... 38 061 35 Socs de rechange, huile, pièces diverses.............. 1 356 » Transport de ces objets .............................. 358 65 = 1714 6b Manteaux de caoutchouc pour les ouvriers ........................ 125 » Voyage d’un agent à Londres ........................ 455 » Voyage à Metz ...........#...:.................... Fe —_—. 530 » Achat d’une machine à battre grand modèle d’Albaret. 2 200 » Transport de cette machine .......................... 34 80 À 2 234 80 Imprimés, circulaires, affranchissements, frais et débours divers. 333 » Total des dépenses...:.................... 42 998 80 Somme disponible pour fonds de roulement.......... 7 001 20 Capital souscrit ............................ 50 000 » Voilà donc quel était l'élat financier d'une société dont tout le capital était souscrit et qui avait acheté presque à moitié prix un appareil de labourage à vapeur en très bon état, plus une batteuse neuve, el qui disposait encore de 7 000 francs de son capital à la fin de la première campagne. 394 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Au 25 novembre 1871, après trois mois et demi de travail, malgré les très nombreux déplacements du matériel, on avait labouré environ 150 hectares, ce qui était insignifiant, et l'on avait relevé pendant cette période le compte suivant francs francs Recettes botales "AN EN LEC CRE 7 078 75 ou 47 19 par hectare, Dépenses utotales ee Mere 5 869 20 ou 39 13 = Bénéficembrub ee" 2. 1 209 55 8 06 par hectare. Le rapporteur, Louis Grandeau, fit remarquer que ce bénéfice brut représentait la faible somme de 11 fr. 42 par jour, chômage et déplacements compris ; que c'était bien minime, mais que les débuts avaient été très difficiles et dans des conditions exceptionnellement onéreuses (sauf l'achat du matériel), car le combustible fut payé 30 francs la tonne ; qu'on perdait par suite des déplacements coûteux pour se rendre d'un endroit labouré à un autre souvent fort éloigné ; que l'avenir du labourage à vapeur ne pouvait être assuré qu'en groupant les terres à culliver ; qu'il était désirable de porter le capital à 60 000 francs, afin de faire l'acquisition d'une seconde batteuse permettant d'utiliser économiquement les deux locomotives entre les labours d'automne et ceux de printemps ; enfin le rapporteur était heureux que ne se sol- dait pas par une perte le premier exercice de la première Société française de labourage à vapeur fondée sans arrière- pensée de spéculation. Nous ignorons ce qu'est devenue en 1872 et en 1873 la Société lorraine et messine en question : Grandeau ne nous en à jamais parlé: il est probable que le matériel a été revendu faute d'être utilisé sur une étendue suffisante pour abaisser le prix de revient de l'hectare labouré. * x x Nous pouvons mettre en parallèle ce qui se passait en 1872 en Angleterre, mais en faisant observer que la houille y était, et est encore, à un plus bas prix que chez nous. tanméattt. (hf did LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 395 De nombreuses Sociétés d'entreprises de labourage à vapeur se sont constituées après le concours de Wol- werhampton, en utilisant toujours des appareils à deux loco- motives-treuils ; citons, en 1872 : La Compagnie du Comté de Kent, qui employait 6 appa- reils. La Compagnie d'York, avec 8 appareils valant 400 000 fr. La Compagnie du Lincolnshire, utilisant 10 appareils représentant une valeur d'un demi-million de francs. La Société écossaise fondée par lord Dunmore, qui dispo- sait de 10 appareils. La Société de Durham et de North Yorkshire avait 12 appa- reils et un capital de plus d'un million de francs. La Société du Northumberland, au capital de 1 050 000 fr. disposait de 20 appareils lui permettant de cultiver à la va- peur chaque année jusqu'à 20 000 hectares et de distribuer à ses actionnaires un dividende de 15 %. Ces Sociétés anglaises d'alors donnaient en général un dividende de 10 % à leurs actionnaires, tandis que les che- mins de fer anglais de l'époque ne rapportaient que de 3 à 5 % ; on conçoit pourquoi ces Sociétés se sont développées en Angleterre, tandis que des tentatives faites en France ont échoué, mais 1l faut espérer que l'idée sera reprise chez nous, surtout dans les départements envahis et dévastés par l'en- nemi. LES TRACTEURS AGRICOLES DE LA GUERRE DE 1870 A LA GUERRE DE 1914 Il faut bien du temps pour qu'une idée soit prise en consi- dération, puis perfectionnée ; nous en avons la preuve par un tracteur à vapeur étudié pour remorquer un {rain de plu- sieurs voitures ou de canons (fig. 44, clichée sur un dessin de l'époque), établi par un de nos plus anciens constructeurs de machines agricoles, M. Lotz, de Nantes, lequel fit de nom- 390 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE breuses démonstrations publiques, notamment à Paris en 1865. M. Lotz, fils de l'Aîné, est mort en 1913 âgé de soixante- cinq ans (1); nous le connaissions beaucoup et, à maintes reprises, 1l nous avait exposé toutes les difficultés qui lui lurent opposées et détaillé les déboires qu'il eut en voulant propager son tracteur tant pour les gros transports militaires de l'arrière des armées que pour les services privés, agricoles Fig. 4h. — Tracteur agricole Lotz, proposé en 1865 pour les transports militaires. ou industriels. Son dernier modèle de locomotive routière à vapeur date de l'Exposition de 1900 (2). Dans le tracteur à vapeur de 1865, la chaudière en T est du type de celles de nos locomobiles employées en agricul- ture, mais avec un corps horizontal assez court et, au con- traire, un corps vertical (contenant le foyer cylindrique) haut et de grand diamètre. Le moteur, à deux cylindres, est du k (1) M. Lotz succéda à son père qui avait fondé la maison en 1833 ; il donna à cette dernière un développement remarquable. On lui doit le premier type de batteuse portée sur le même bâti que son moteur à vapeur très rustique, dit Zoco-batteuse ; ce type se répandit rapidement, notamment dans l'Ouest, et fut copié en Russie. (2) Voir le Matériel agricole à l'Exposition universelle de 1900, p. 18. — alé tn es datant, nu, Éd Sd dé ds gd AS | * | | | | | 4 | Lee PF, COST 2 né sait da udiirie dfad) ed da ind de UN LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 391 type pilon et pouvait être arrêté rapidement par un frein agissant sur le volant : l'essieu est actionné par une chaîne Gall ; chacune des deux roues motrices pouvait être rendue solidaire de l’essieu à l’aide d'un frein à ruban ou être indé- pendante : cela remplaçait le différentiel alors inconnu, mais avait l'inconvénient de ne donner qu'une seule roue motrice pendant les tournées, et, avec le serrage forcément inégal des freins, la machine virait plus facilement d'un côté que de l’autre. Il y avait une marche arrière. Les deux roues directrices furent remplacées après quel- ques essais par une seule d'environ O0 m. 50 de diamètre, doni la fourche était solidaire d'un arc denté déplacé par un pignon ; ce dernier était fixé à la partie inférieure d'un arbre vertical mis en mouvement par un volant-gouvernail et un engrenage à vis sans fin réalisant ainsi la direction irréver- sible. Avec le moteur type pilon et le volant-gouvernail à poi- gnées, on voit que le constructeur était de Nantes, ville où l'on était familiarisé avec la construction de machines marines. A l'arrière, une béquille de reculement retenait la machine sur les rampes en cas de rupture ou d'inefficacité du frein. Sans vouloir détailler plus la construction de cet ancien tracteur, nous donnerons le récit d’un témoin oculaire, M. Deharme (1), qui suivit les premiers essais que M. Lotz fit à Paris. Au moment où l’on commençait les travaux de fondation du Palais de l'In- dustrie, au Champ-de-Mars, en novembre 1865, une machine routière sortit des ateliers de M. Lotz, constructeur à Nantes, et vint à Paris. Nous avons assisté à un voyage d’essai de cette première machine routière. Le train composé de la machine et de son vagon, partit du pont de l’Alma et alla bravement franchir la montée du Trocadéro (2) en rampe de 0"04 envi- (1) Bibliothèque des Merveilles; E. Deharme, les Merveilles de la Loco- motion, 1874, p. 226. (2) Il doit s’agir de l’avenue actuelle du Trocadéro, passant derrière la manutention du quai Debilly; la grande montée, faisant face au Champ-de- Mars, était garnie d’un grand escalier, construit ou recontruit pour l’Expo- 303 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE ion par mètre. Il se dirigea vers la gare de Passy, s'arrêta au puits artésien de l’Arc de l’Etoile (1) et redescendit par l'avenue des Champs-Elysées. Là, quelques chevaux, d’une nature trop nerveuse, s’effrayèrent au bruit de la machine, mais le plus grand nombre accueillirent en ami leur nouveau cama- rade l'Avenir. Comme on le voit, 1l y a loin déjà de ce véhicule au fardier de Cugnot et à la voiture de Trevithick et Vivian. Si le temps écoulé n’a pas produit d'œuvre nouvelle, il a du moins servi à la préparation des perfectionnements qui vont suivre. La machine de l’ Avenir avait encore de nombreux défauts: elle était trop lourde, faisait trop de bruit, projetait de petits débris de charbons incan- descents, tournait plus volontiers à gauche qu'à droite, etc., mais on ne pouvait plus dire que les locomotives routières étaient impossibles, et le gou- vernement, convaincu des services qu’elles pouvaient rendre, prenait, le 20 avril 1866, un arrêté concernant la circulation des locomotives sur les routes. Les locomotives routières eurent à peine vu le jour, qu’on reconnut la néces- sité de créer des types, ainsi qu'on l’a fait pour les locomotives des chemins de fer. M. Lotz a trois types de machines : 1° la locomotive routière remor- queuse ; 2° la locomotive routière mixte porteuse ; 3° la locomotive routière à voyageurs. La première peut marcher à des vitesses variables de 4 à 8 kilomètres, en charge et de 8 à 12 kilomètres à vide. La seconde peut prendre les mêmes vitesses. Ses dispositions ne diffèrent de celles de la précédente qu’en ce qu’elle peut recevoir directement une charge variable de 3 000 à 6 000 kilogrammes. Enfin, la dernière est à proprement parler la voiture à vapeur, et porte les voyageurs en même temps que le moteur. Sa vitesse est variable, suivant les conditions, de 10 à 20 kilomètres à l'heure. En trois ou quatre ans, M. Lotz a considérablement modifié son système pri- mitif de locomotive routière. Il a remplacé la chaudière horizontale par une chaudière verticale et les deux cylindres à vapeur par un seul. Il a ainsi reporté la plus grande partie de la charge sur les roues motrices et laissé au mécanicien une plate-forme étendue par laquelle il communique aisément avec le pilote, ce qui, dans la première machine, était presque impossible. Trois pignons, de diamètres différents, peuvent donner trois vitesses différentes ; un volant régularise la marche de la machine. Ces dispositions permettent de triompher des inégalités du chemin et des obstacles accidentels et de gravir les parties en rampe. Indépendamment de la pompe et de l'appareil Giffard, qui assurent l’ali- mentation, une pompe à eau spéciale peut être mise en mouvement par le cylindre moteur, la machine étant en repos, et servir à son approvisionnement en un point quelconque de sa route. Au départ ou à l’arrivée, la force de la machine peut, de même, être appliquée à la manœuvre de grues ou d’appa- reils de chargement, et, en cas de chômage des transports, à la mise en mouvement d’un atelier mécanique ou de machines agricoles. Plus loin, l'auteur cherche à établir la comparaison des sition de 1867, lequel céda la place au palais actuel du Trocadéro et à l’esca- lier hydraulique qui furent édifiés pour l'Exposition universelle de 1878. (1) Puits de Passy, place Lamartine. ro dé “ 40 ri | S. R 5 - LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 399 lrais de transport par l'acteur el par chevaux. en supposant un fransport Journalier de 50 kilomètres par tracteur et de 30 kilomètres par chevaux, ce qu'il est possibie de faire sans relais : ces prix, applicables en 1873, sont intéressants à con- sulter, et 1l est facile de les modifier suivant les conditions actuelles. MATÉRIEL DE TRACTION Tracteur Chevaux fr. fr. Un tracteur avec tous les accessoires............. 15 000 » AO AMEN ON IEANCS 0... 1... 4 800 4 800 Aa TONS AITÉTSES EAN SU ET EE Le 500 » lbtehevauetenr00RETancs in EL Rx ne ee. » 11 200 16 haynais “et accessoires, à 175 francs............ » 2 800 Hotaledusprix du matériel. #2... 20 300 18 800 Si les frais de premier établissement sont plus élevés avec le tracteur à vapeur, c'est l'inverse pour les frais annuels, car il faut nourrir les chevaux tous les jours à peu près de la mème facon, qu'ils travaillent ou qu'ils soient au repos, alors que le tracteur ne consomme que lorsqu'il marche. FRAIS ANNUELS Tracteur Chevaux fi fr. Amortissement et entretien du matériel à 25 % du RAR, ET Le DOUSDES EN PRRRRERREe, 5 075 4 700 Entereraduecapihal as6 ir... 1 218 1 128 Ürmécmaestatl'année tirs. SR TN. FAIR 1 800 » Un conducteur et un chef de train serre-frein,..... 2 500 » Nourriture de 16 chevaux, à 1 000 francs.......... » 16 000 Chance biers le 200 ÉTANCS RL. M. Ne. » 4 800 Wotalr des ciraiscannuelss... 2% ..c.r-... 10 593 26 628 Pour la traction à vapeur, il faut ajouter par Journée de marche : 500 kilogs de charbon à 36 francs la tonne... 18 francs Huile; suit coton, sébe 2... rime sseièse 5 . — NOESIS Re EE Later Mn MÉLANGE MEN Sue 23 francs 10 LE 300 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Les données précédentes conduisent aux chiffres suivants : Nombre de Poids transporté Frais avec le tracteur Frais avec les chevaux jours de pendant 20 tonnes à 50 kilomètres 20 tonnes à 30 kilomètres servicependant f'année Tr — l'année {tonnes) par jour par tonne-kil. parjour par tonne-kil, 150 3 000 70 62 + 23 — 95 62 O0 094 177 52 0 295 250 5 COC ADS STE LPS 205101 0 065 106 51 0 177 C'est-à-dire que, dans les conditions ci-dessus, le prix de revient de Ha traction à vapeur est environ {rois fois moins élevé que celui de la traction par chevaux, lorsqu'il s’agit d'un service régulier. LS Les Nous n'avons jamais entendu dire que l'armée ait utilisé des tracteurs pendant la guerre de 1870. Plus tard, vers 1879- ISS0, nous vimes en service, au fort de Vincennes et aux forts environnants, un tracteur à vapeur construit par la maison Caïl, de Paris, et présentant le même aspect que des machines analogues établies en 1867 par feu Aïbaret, cons- tructeur de machines agricoles à Rantigny (Oise) (moteur horizontal fixé en dessous de la chaudière entre l'essieu avant et l’essieu arrière : on retrouve cette disposition dans le trac- teur américain à vapeur d'Avery, qui prit part, en 1913, au concours de Parme). Avec le perfectionnement des moteurs à explosions (à essence ou à pétrole), le tracteur à vapeur fut détrôné. L’Ad- ministration de la Guerre fit son premier concours de trac- teurs à quatre roues motrices en mars 1913/(1) et des appli- cations aux grandes manœuvres qui eurent heu la même année dans le Sud-Ouest ; on employa le tracteur Châtillon- Panhard. Cependant on avait essayé en France, en 1907, à Chelles, sur les terres de l'exploitation de notre ancien élève NI. Tony Ballu, un tracteur agricole de Saunderson et Mills qui avait trois larges roues motrices et un moteur de 50 che- vaux. Ce n'est qu'au début de 1915 que le Génie militaire s'est (1) Culture mécanique, t. II, p. 43. LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 361 préoccupé d'employer des tracteurs agricoles, garnis de plaques de blindage et de divers accessoires que nous ne pouvons détailler 1e1, pour détruire les réseaux de ronce arti- ficielle élevés par les ennemis devant leurs tranchées. Du CHOIX D'UN APPAREIL DE CULTURE MÉCANIQUE On nous consulte souvent au sujet du choix qu'on se pro- pose de faire d'un appareil de Culture mécanique el, géné- ralement, la question est ainsi posée : quel est le meilleur appareil ? | Si l'on peut évaluer les valeurs relatives de machines bien comparables comme nature et dimensions d'ouvrage à effec- tuer, telles par exemple, les faucheuses, les moissonneuses- heuses, etc., 1l est possible d'indiquer quelles sont les meil- leures faucheuses ou les meilleures moissonneuses-lieuses : mais il n'en est plus de même dès qu'il s'agit de machines dont les modèles de différentes formes et dimensions répon- dent à des besoins différents, comme les semoirs et les char- rues : 11 ny a pas une seule excellente charrue recomman- dable partout, mais un certain nombre de types répondant bien chacun à des conditions spéciales de genre de labour, nature du sol, etc. Pour les appareils de Culture mécanique on commence ordinairement par discuter les dispositifs et les détails du mécanisme, en exagérant les avantages que présentent cer- tains modèles, les mérites de quelques agencements, et en insistant sur les inconvénients d’autres systèmes. Ce n'est pas par là qu'il faut débuter pour résoudre le problème, mais bien par là qu'il faut terminer ses investigations et son rai- sonnement. Pour choisir, parmi ceux qui fonctionnent pratiquement bien, un appareil de Culture mécanique économiquement applicable à une exploitation déterminée, plusieurs considé- 362 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE rations sont à faire intervenir : mais la principale, qui permet de réduire le nombre des modèles entre lesquels on peut hésiter, est que l'appareil soit capable d'effectuer dans des conditions normales la quantité d'ouvrage imposée par la culture. Il convient de dresser un avant-projet spécial à l'exploita- lion considérée. Les labours d'automne sont les travaux les plus importants: ils s'effectuent sur une grande étendue des terres de l'exploi- tation, alors que les labours de printemps ne portent que sur une plus faible portion du domaine, amst que les, déchau- mages. Comme on entretiendra toujours sur le domaine un certain nombre d'animaux moteurs, ces derniers pourront effectuer les labours d'une certaine surface qu'il v à lieu d'évaluer : dans beaucoup de cas, cette surface ne sera pas très élevée. car on réservera les attelages pour exécuter les travaux faciles, pour ürer les scarificateurs, les herses, les rouleaux, les semoirs, etc. Un appareil de Culture mécanique qui est capable d'effec- luer les fabours d'automne d’une exploitation, pourra faci- lement exécuter les travaux de printemps et les déchaumages, car, d'une part, les surfaces à labourer sont plus faibles et. d'autre part, le nombre d'heures de travail par journée peut être plus grand à ces époques de l'année. Les labours d'automne peuvent commencer en septembre et se terminer vers la mi-décembre : admettons que le nombre d'heures utiles de travail journalier, dans les champs, soit fixé en moyenne à 9 heures en septembre, S heures en octo- bre, 7 heures en novembre et 6 heures en décembre. Les nom- bres de Journées de travail et les nombres mensuels d'heures seraient alors, par exemple : Journées. Heures. SeDIEMDROE NE TER EN EST 22 198 OCLObTE: ES, REA AR ARR 20 160 Novembre 7 Re RTE 15 105 DÉGENTDr OR NEEES URRELE En 10 60 67 . 523 dde sil dé nt +. ie EE dd Patte de tte dede tes tn de ce don à 2 éd à med > ne ann de PR acts à nel t Ed DE US DS dd ee, LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 363 Les chiffres ci-dessus sont modifiables, comme nombre de journées, d'une année à l'autre, et comme heures d'une exploitation à une autre. Souvent il serait possible de travail- ler, en automne, de 75 à 90 journées, représentant de 600 à 830 heures. L'appareil de Culture mécanique à choisir doit donc être assez puissant pour effectuer les labours d’autonne en une soixantaine de Journées au plus, ce qui correspond environ à 900 heures : si l'année est pluvieuse, la durée à consacrer au travail peut se trouver réduite. C’est croyons-nous, le chiffre 500 sur lequel 1l est prudent de tabler et le problème se pose- rait ainsi: en 900 heures l'appareil doit faire tant d'hectares de . labours d'automne, soit tant d'ares par heure. Ainsi, pour ‘une exploitation qui a 60 hectares de labours d'automne à exécuter chaque année, il faudrait choisir un appareil capable de labourer 12 ares par heure. Nous avons simplifié le problème en admettant que tous les labours d'automne sont identiques, alors qu'une certaine sur- face doit recevoir une culture à O0 m. 20 ou 0 m. 25 de pro- fondeur et une autre doit être labourée soit à 0 m. 30 ou 0 m. 35, soit à 0 m. 15-0 m. 18 : il faut donc évaluer ces sur-- faces, déterminer le nombre d'heures qu'on peut consacrer à leur culture, afin d’être fixé sur le nombre d’ares que l'appa- reil doit labourer par heure dans les différents cas. C'est parmi les appareils de Culture mécanique, capables du débit voulu, qu'il y a lieu de voir ceux qui sont les plus économiques par journée de travail (nombre d'hommes employés) et par hectare (combustible et graissage). En procédant ainsi par éliminations successives, 1l ne reste plus en présence que deux ou trois modèles dont on cherche à évaluer les frais généraux annuels. Si, d'une facon globale, cés frais peuvent être estimés à 20 % du capital engagé, il ne faut pas se baser uniquement sur le prix d'achat : en méca- 364 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE nique, plus qu'en toutes autres choses, on en à pour son argent, et généralement une machine bon marché est rumeuse par son entrelien et ses réparations qui porteni les frais géné- raux à 40 ou à 50 % du capital engagé, et après trois ou quatre campagnes la machine est hors de service. Dans les frais généraux figurent l'amortissement et l'intérêt du capital engagé, plus les réparations et les frais d'entretien, qu'on ne peut estimer que par l'examen de la construction proprement dite, choix des matériaux, dimensions et mon- lages des pièces, etc. : c'est certainement une partie très déli- cate du problème, si l'on ne peut pas se baser sur des appa- reils analogues en usage courant, depuis plusieurs années, dans d’autres exploitations. | Le Journal Ojficiei du 31 mai 1915 à publié les conclusions du Jury des expériences contrôlées de Culture mécanique organisées par le Ministère de l'Agriculture. Les conclusions formulées en janvier. 1914 (1) concernant les labours d’au- tomne n'ont pas élé altérées par les essais relatifs aux labours de printemps, étant entendu que ces conclusions ne s’appli- quent qu'aux modèles présentés et aux conditions des champs dans lesquels les essais ont été effectués. Les résultats culturaux des labours d'automne montrent que l'appareil à pièces travaillantes rolalives donne des produits sensiblement inférieurs (de 8,3 à 11.1 %) à ceux obtenus sur les parcelles de la même terre labourées avec Ta charrue tirée par les bœufs. Cela concorde avec les résultats d’autres essais analogues effectués antérieurement. Que le fracteur-treuil donne un rendement comparable à celui de la parcelle labourée avec la charrue tirée par les bœufs, tant au point de vue de la quantité des produits que de leur constitution. (1) Culture mécanique, t. II, p. 162. dé Mots. dde : Me + Æ dé nt à él LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 365 Que les parcelles cultivées avec le tracteur-toueur (1), le tracteur proprement dit du type lourd et la charrue automo- bile accusent des poids plus faibles de récoltes moins bien constituées, plus de pailles et plus de déchets pour 100 du poids total. IL y à exception pour les parcelles d'une pièce dont le sol moins argileux était bien ressuyé. dans lesquelles la moutarde blanche était mieux enfouie par le tracteur proprement dit du type lourd et par la charrue automobile que ‘par la charrue tirée par les bœufs ; dans ces deux parcelles il y eut excédent de produit par rapport à la parcelle labourée avec les bœufs. Les appareils à pièces lravaillantes rolalives exigent une forte dépense de combustible relalivemeut aux appareils qui déplacent des corps de charrue: cette dépense ne pourrait se justifier que si les essais culturaux avaient fait ressortir un avantage marqué en faveur de cette façon de travailler le sol. La dépense plus élevée pour l'exécution de louvrage et la diminution de récolte amènent à la conclusion qu'il convient d'abandonner les appareils dans lesqueis les pièces travail- lantes sont animées de mouvements rotatils. Peut-être ces appareils pourraient présenter un cerlain intérêt dans les pays où l’on ne peut pas compter sur l'action des gelées sur les terres ; peut-être y aurait-il aussi intérêt à les utiliser en vue des déchaumages, c’est-à-dire bien avant les semis, qui ne doivent jamais être effectués en {erre creuse: mais, réservé à ces travaux, l'appareil aurait relativement peu d'ouvrage à exécuter sur un domaine, ou, alors, il devrait appartenir à un entrepreneur de travaux à façon. Il y a donc encore un certain nombre de questions dont l'expérimentation seule peut donner la solution; 1l faudrait (1) Pour cet appareil, le mauvais résultat constaté ne peut être imputable qu’au labour exécuté à une trop grande profondeur ; M. Brétignière signale dans son rapport « qu’à l'extérieur du labour on voyait d'assez grosses mottes à la surface, tandis que la terre ameublie était projetée au fond de la raie ». 306 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE cependant que l'avantage cultural obtenu fût bien élevé pour compenser la complication du mécanisme et le supplément de dépense de combustible de ce genre d'appareil. Enfin, au point de vue mécanique, il n'est Jamais recom- mandable d'avoir des pièces animées de mouvements au voi- sinage du sol: la poussière soulevée, surtout dans les terres siliceuses, use rapidement les arüiculations qu'il est impos- sible de lubrifier. Beaucoup (‘l'inventeurs relativement récents de ces appa- reils rotatifs, dont quelques-uns sont de nos amis, sont partis d'une phrase d'un artcle de Dehérain, paru dans la Revue des Deux Mondes, en 1894. La phrase en question a été mal comprise: nous pouvons en parler car nous avions entrepris des essais avec Dehérain. essais qui furent interrompus en 1897, lors de notre passage de Grignon à l'Institut Agronomique. Dehérain avait en vue la perte d'azote que supportait une de ses cases de végé- lation entre l'enlèvement des céréales et le semis d'automne: il proposait l'exécution de facons superficielles, ameublissant ct mélangeant le sol, afin que la terre puisse profiter des moindres pluies estivales: Fameublissement diffusait le microbe nilrificateur et facilitait la pénétration de l'eau qui lui est indispensable. Emporté par son idée et par mes pre- miers essais avec des pulvériseurs, notamment celui de Mor-- san, Dehérain écrivit que le versoir de nos charrues devait bientôt être relégué au Musée des Antiquités pour être rem- placé par de nouvelles pièces travaillant mieux la terre, en produisant une pulvérisation, ou plus exactement une granu- lation du sol. Certes, limité à ce but : favoriser la nitrification des sols laissés en jachère dans la période comprise entre l'enlèvement des moissons et les labours d’automue, la granulation de la terre pouvait donner un bon résultat au point de vue chimique en augmentant la dose d'azote de la couche arable. LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 367 Mais, quelle qu'était la valeur scientifique de l'homme, Dehé rain, lançant une phrase dans une Revue d'ordre général très sérieuse, destinée au grand public, cela n'était pas suffisant pour justifier scientifiquement la mise en mouvement d'une foule d’esprits chercheurs et pour la plupart ignorants des choses de l'Agriculture: aussi notre rôle dans notre collabo- ration avec Dehérain, fut qu'il fallait voir si cet azote résul- tant d’un travail spécial et énérgique du sol à l’aide de ma- chines, lesquelles à l'époque étaient lirées par des attelages, ne revenait pas à un prix trop élevé: 1l s'agissait de voir sil n'était pas moins coûteux de continuer encore à faire venir par navires cet azote du Chili, ou le chercher à d’autres sour- ces provenant de certaines manutentions industrielles aux- quelles on pouvait procéder dans le pays. Un essai fait au printemps, peu avant le semis de bette- raves, donna de mauvais résultats qui furent mis sur Île compte de la qualité des graines employées. On s'est aussi appuyé sur l'ouvrage effectué par la bêche du jardinier comparé à celui de la charrue du laboureur. Mais s'il y a une grande différence entre les deux travaux comme ameublissement du sol, jamais le jardinier n'effectue une gra- nulation comparable à celle que les inventeurs d'appareils rotatifs cherchent à obtenir. L'étude montre que si beau- coup d'appareils divisent la terre en petits blocs, chacun d'eux est plus ou moins comprimé sur une de ses faces par suite de l'avancement même des pièces travaillantes, et cette compres- sion peut être nuisible dans les terres contenant une certaine dose d'argile et d'humidité, alors qu'elle ne présenterail aucun inconvénient dans les terres légères et sèches. Les particules arrachées du champ, projelées dans l'espace. retombent en produisant une classification des matériaux : les pierres semblent sortir de lérre pour être étalées à la sur- face du sol ameubli. Ajoutons que la projection du sol dans l'espace, projection souvent très énergique avec cerlains appareils, agit comme dans le pelletage des grains: son effet se traduit par une des- 308 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE siccation partielle des éléments auxquels on fait faire un cer- lain parcours dans l'air. ILest probable qu'on obtiendrait un autre résultat en modi- fiant le rapport entre la vitesse à la circonférence des pièces travaitlantes et la vitesse d'avancement de leur axe: ici encore l'expérimentation doit fixer en dernier ressort. La bêche ne comprime pas ou presque pas la terre et donne surtout des mottes plus petites, plus fendillées que la charrue; le râteau égalise le labour, lout en ameublissant la surface sur une faible épaisseur, ce qui a pour résultat de réduire l'évapo- ration et le ruissellement. Mais, empiriquement, le Jardimier a soin de ne jamais faire de labour creux peu avant le semis: au contraire, lors du semis, il tasse la terre dans le but de faire remonter, par capillarité, l'eau au contact de la graine; puis il ameublit superficiellement le sol après Ia levée, afin de diminuer l’évaporation et pour laisser ainsi le plus d’eau possible à la disposition des plantes. PETITS TRACTEURS AMÉRICAINS On construit aux Etats-Unis, surtout à partir de 1914, de petits tracteurs qui étaient réclamés depuis longtemps par beaucoup de moyennes exploitations pour remplacer une par- lie de leurs attelages. L'importation régulière de ces machines en France serait déjà chose faite si les transports maritimes ne subissaient pas d'énormes difficultés résultant de l'état de guerre ; cependant, nous pouvons dire que, dans le but de faire procéder à des démonstrations publiques, le comte Pillet- Will a réussi à faire venir quelques specimens de ces tracteurs légers, avec de grandes difficultés et des frais très élevés. Des essais ont eu lieu aux environs de Paris, sur les terres de la ferme Laurent, à Allainville (Seine-et-Oise) du eu umeAoils En septembre 1915, le Ministère de l'Agriculture a orga- nisé des essais publics d'appareils de Culture mécanique à Grigny (Seine-et-Oise) et à Chevry-Cossigny (Seine-et- LE GËNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 369 Marne); des essais spéciaux (1) ont été poursuivis à Brie- Comte-Robert (Seine-et-Marne) et à Bertrandiosse (Oise). On a remarqué aux Etats-Unis que ces petits tracteurs alti- rent beaucoup les jeunes gens dans les exploitations ; ils sont fiers d'être des mécaniciens au grand air el cherchent bien moins à émigrer dans les villes. Si les tracteurs analogues venaient à se propager chez nous après la guerre, comme il y a lieu de le supposer, le même sentiment se manifestera en constituant un des moyens pour obtenir le retour à la terre, selon la si heureuse expression de M. Méline. Pour les movennes exploitations, le tracteur doit pouvoir tirer les machines de culture d'usage courant, car 1l ne faut pas que l’agriculteur soil obligé d'acheter un matériel spécial avec le tracteur ; il faut qu'il puisse à volonté faire tirer son matériel ordinaire (charrue, cultivateur, semoir, faucheuse, moissonneuse, etc.) tantôt par un attelage, tantôt par le tracteur, et ce dernier doit tourner aussi court sur la four- rière que le ferait un attelage. Enfin, il est désirable qu'un seul homme exécute l'ouvrage, c'est-à-dire conduise en même temps le tracteur et la machine de culture, cette condition complique le problème dans le cas du labour avec la charrue, mais on tourne la difficulté, aux Etats-Unis, en remplaçant le labour à la charrue par celui eflectué au pulvériseur à disques dont il a été question précédemment ; 1l est vrai que les labours américains ont généralement 0 m. 10 de profon- deur, et 0 m. 17 à 0 m. 18 au maximum. Les tracteurs sont pourvus de moteurs à pétrole lampant ou à essence minérale, à deux ou quatre cylindres, dont la puissance oscille de 10 à 20 chevaux-vapeur, laissant environ la moitié de disponible au crochet d'altelage selon l'affirma- tion américaine, laquelle, en pratique, doit être quelquelois multipliée par un coefficient de réduction. Certains modèles ont deux roues motrices et une ou deux (1) Revue de Culture mécanique, dans le Bulletin de janvier-février 1916 de la Société d’'Encouragement pour l'Industrie nationale. 310 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE roues directrices : d'autres n'ont qu'une seule el large roue motrice latérale ou en arrière et leur équilibre est assuré par deux autres roues: il existe des-avant-trains tracteurs aux- quels on attache diverses machines de culture ou de récolte: enfin, on propose deux voies de roulement constituées cha- cune par une large chaîne sans fin. — TRANSPORTS AGRICOLES PAR TRACTEURS Le transport de certaines récoltes, en parliculier celui des betteraves, présentant des difficultés en temps normal, on se demande comment l'on pourra y procéder après la guerre ? Pour beaucoup d'exploitations, les transports de betteraves nécessitaient de nombreux attelages, lesquels pouvaient être plus utilement employés aux cultures d'automne. Faute de disposer de bouviers ou de charretiers en nombre suffisant, on reculait les labours et le semis des blés d'hiver : on recu- lait encore plus les transports de fumier et les labours pro- fonds à effectuer sur les sols à mettre en betteraves au printemps suivant : des séries de retards s'ajoutaient ainsi les unes aux autres en se répercutant sur tous les travaux agricoles. Comme résullante générale de ces conditions, les culüvateurs diminuaient de plus en plus l'étendue consacrée à la culture de la betterave à sucre. Après la guerre, nous aurons très probablement encore moins de bouviers ou de charretiers, et certainement, pendant quelques années, bien moins de bœufs de travail et de che- Vaux. Le x x À l'automne de 1908, les agriculteurs de la région nord- ouest de Lizy-sur-Ourcq (Echampeu, May-en-Multien, Le Plessis-Placy, Beauval), comprenant près de 2 000 hectares dont 450 en betteraves, ne trouvaient déjà plus le personnel et les attelages suffisants pour leurs transports de betteraves à la sucrerie de Lizy-sur-Oureq. Vingt cultivateurs fondè- LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 371 rent en avril 1909 une Sociélé coopérative de transports : on établit un chemin de fer à voie étroite de 0 m. 60, sur une longueur de 7 700 mètres, el on assura le service au moyen de 2 locomotives et de 60 vagons, pouvant recevoir chacun un chargement de 5 tonnes (1). Nous ne voulons pas étudier en détail le petit chemin de ler coopératif de Lizy-sur-Ourcq, mais indiquer seulement quel- ques chiffres susceptibles d'être utilisés pour les applications que nous voulons envisager. Dans la région considérée, en 1909, aux 450 hectares de betteraves correspondait une étendue totale de 2000 hec- lares, soit 10 hectares de betteraves par 44 hectares de terres. Pendant les 80 journées de travail en 1913, le chemm de fer coopératif a transporté 20 500 tonnes de betteraves à une distance moyenne de 6 kilomètres, d’après le renseignement qu'a bien voulu nous communiquer M. Paul Roux, adminis- trateur de la sucrerie de Lizy-sur-Ourcq et directeur de la Coopérative. Cela indiquerait, qu'après l'établissement du chemin de fer, l'étendue cultivée en betteraves à été aug- mentée en raison des facilités apportées aux agriculteurs pour le transport de leur récolte (2) : elle devait s'approcher de 683 à 690 hectares. En supposant que la région desservie représente 2 000 hectares, cela -correspondrait à 10 hectares de betteraves à sucre par 29 hectares de cultures. L'installation du chemin de fer est revenue à 316 700 fr. sur lesquels il y à 192 400 francs pour la voie et 113 600 fr. pour le matériel roulant. La coopérative fonctionne très bien, mais il faut dire que ISO 000 francs ont été avancés gratuitement par l'Etat: qu'il (1) Dans sa séance solennelle du 10 février 1915, l'Académie d’'Agri- culture a décerné un diplôme d'honneur à cette Société coopérative, sur le rapport fait par notre confrère M. G. Wery au nom de la Section de méca- nique agricole et des irrigations. — Voir aussi une monographie sur cette Société: coopérative, par M. André Avenel, professeur d'Agriculture, secrc- taire de la Caisse régionale de Crédit agricole de la Brie. (2) 20 500 tonnes pour 450 hectares représentent 45,5 tonnes par hectare, alors qu'il faut probablement tabler sur une moyenne de 30 tonnes. 312 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE y a des subventions diverses : de l'Etat (améliorations agri- coles), de la Sucrerie de Lizy-sur-Ourcq et du Conseil géné- ral de Seine-et-Marne ; cette dernière subvention, de 0 fr. 075 par tonne transportéeé, est donnée en raison de ce que l'éta- blissement du chemin de fer a diminué les frais d'entretien des routes. | LA *k x L'exemple de la coopérative de Lizy-sur-Ourcq est à rete- nir pour d’autres applications analogues : mais l'on peut cher- cher si des tracteurs automobiles ne pourraient pas, dans certains cas, être utilisés pour ces gros transports agricoles. Les services de l'artillerie avaient heureusement entrevu le rôle que pourraient jouer, en cas de guerre, de forts trac- leurs à quatre roues motrices, destinés à remorquer des canons, affûts, etc. Ils avaient ouvert dans ce but, en mars 1913, un premier concours au sujet duquel nous avons des chiffres relatifs au tracteur Châtillon-Panhard, dont plusieurs exemplaires sont actuellement en service sur le front. Voici les indications relatives à ce tracteur capable de por- ter une charge de 2 tonnes tout en tirant des véhicules repré- sentant un poids total de 15 tonnes Poids CN ET à vide en charge kilogr. kilozr. Tracteur : £ ct Charge sur l’essieu avant......... 2 750 2 800 — — ATMÈTE rer 2 250 4 200 Poidé bol Se EN Eee 5 000 7 000 Remorques : Remorque, D'LA MEN RENTE » 7 500 — RENE ere À nb SCT » 7 500 Poids total de l’ensemble......... 10 000 22 000 Poids utile de l’ensemble........ » 12 000 Dans les essais, le train de 22 tonnes a gravi, à la vitesse uniforme et régulière de 2 kil. 500 à l'heure (0 m. 70 par se- conde), la rampe pavée de Neauphle-le-Château, dont la pente est de 14 pour cent en bas pendant quelques mètres, LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 " 373 puis de 13 pour cent sur 50 mètres ; le pavage, en très mau- vais état, était heureusement très sec. Au polygone de Vincennes, sur un sol sableux, meuble, le tracteur tirant 4 voitures d'artillerie pesant 3 500 kilogr. chacune, avec leur charge, soit un poids total de 14 tonnes, a évolué sans difficulté en franchissant des dénivellations de 1 m. 50 de profondeur, en sol humide et peu consistant, présentant des pentes de raccordement de 15 à 20 pour cent. Nous passons sous silence les autres épreuves d'obstacles, n'intéressant pas immédiatement ce que nous voulons exa- miner : fondrières, fossés et talus, tronc d'arbre de O0 m. 40 de diamètre jeté en travers de la route, etc. épreuves dans lesquelles la machine s'est montrée remarquable. Pour les diverses étapes sur route, la vitesse moyenne à varié de 8 kilomètres à 9 kilom. 6, le tracteur remorquant 15 tonnes, et fut de 17 kilom. 6 pour le tracteur isolé. On peut faire la comparaison de ce tracteur avec les meil- leurs camions automobiles des épreuves d'endurance de 1912: l’on a les chiffres suivants Camion automobile Tracteur BOIS TO IR EE Rs Nr Mr Nr er a 100 100 LIRE EUR UE LENS R A ETES 45 54.54 Consommation (en litres) à la tonne kilométrique totale ....... ........ 0.05 0.048 Il y a donc économie de dépense de combustible avec le tracteur tirant des remorques sur le camion automobile. Examinons le tracteur à 4 roues motrices, employé au transport des betteraves à une distance moyenne de 5 kilo- mètres. La vitesse supposée est de 5 kilomètres à l'heure en charge et de 10 kilomètres à vide (chiffres bien plus faibles que ceux constatés aux épreuves de 1913, mais 1l nous faut tenir compte de l’habileté professionnelle des conducteurs du concours). SYL ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE La durée totale d'un voyage aller et retour serait de deux heures (aller, une heure : retour, une demi-heure ; pertes de temps pour manœuvres, un demi-heure). Avec les journées de dix heures (en septembre) et de neul heures (en octobre), le tracteur peut faire de 5 à 4,5 voyages par jour, en transportant à chaque voyage 12 tonnes de bet- teraves, soit un poids total journalier de 60 à 54 tonnes, en moyenne 57 tonnes à 5 kilomètres, ou 285 tonnes kilomé- triques utiles par Jour. Voyons la dépense de combustible pour un voyage, en fixant la consommation à 0 lit. 05 (au lieu de 0 lit. 048) à la tonne kilométrique totale Tonnes Combustible Tonnes | ;j6métriques en totales totales litres AITET RTE Re An ns 22 110 525 à DE OT Re PR DR NE AE Le 10 50 229 8.0 À cause du poids mort, et surtout à cause du retour à vide, l’on dépense en totalité 8 litres de combustible, c'est-à- dire 4 francs, pour le transport de 12 tonnes à 5 kilomètres. soit 60 tonnes kilométriques utiles : la dépense par tonne kilo- métrique utile revient ainsi à 0 lit. 133, soit 0 fr. 0665 en fixant le prix du combustible à 0 fr. 50 le litre. . On peut avoir intérêt à ne pas mettre de betteraves sur le tracteur proprement dit, afin de ne pas perdre de temps pour son chargement, car le déchargement pourrait être rapi- dement effectué en employant un coffre basculant. Mais, pour obtenir l’'adhérence voulue, le tracteur aurait un charge- ment constant de 2 tonnes qu'il déplacerait à l'aller comme au retour. Dans ces conditions, le tableau précédent se modi- fie ainsi : Tonnes Combustible Tonnes kilométriques en totales totales litres ATOS EN CURE Re 22 110 5.5 Retours SERA ee 12 60 3.0 8.5 LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 379 pour 50 tonnes kilométriques utiles, avec une dépense uni- taire de 0 lit. 170, soit 0 fr. 085. Ce chiffre est, croyons-nous, plus à retenir que le précédent, car 1l permet de réduire les temps perdus aux extrémités du parcours, en augmentant le nombre des voyages journaliers. À la dépense de combustible, 11 y a lieu d'ajouter les autres frais : 2 hommes (mécanicien et aide), huile, graisse, chiffons, réparations, intérêt et amortissement du capital. Dans quelques conditions, il est possible que, pour cer- taines applications après la fin des hostilités, l'intérêt et l'amortissement du capital représenteraient une somme négli- geable En fixant à 10 tonnes le poids des betteraves transportées à chaque voyage, soit 45 à 50 tonnes par Journée, et en admettant (comme à Lizy-sur-Ourcq) 80 journées de travail à l'automne, le tracteur considéré pourrait transporter chaque année de 3 600 à 4% 000 fonnes de betteraves à une distance moyenne de 5 kilomètres, c'est-à-dire la récolte de 120 à 133 hectares de betteraves, correspondant à une éten- due cultivée de 360 à 400 hectares. Inutile d'ajouter qu'avant ou après les betteraves, le trac- teur peut être employé aux autres transports agricoles ; foins, gerbes, fumier, tubercules, engrais, amendements, grains, charbon, etc. UTILISATION AGRICOLE F DES CAMIONS AUTOMOBILES DE LA GUERRE Dans le but d'atténuer le plus possible les conséquences désastreuses de la réduction de la main-d'œuvre rurale et des attelages qu'on prévoit à la céssation des hostilités, M. Fer- nand-David, Ministre de l'Agriculture, a constitué, par déci- sion du 24 février 1915, une Commission chargée d'étudier les conditions d'utilisation, pour les besoins agricoles, des moteurs d'automobiles de poids lourds qui seront rélormés 11 3140 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE par l'Adnrnistration de la guerre. Cette Commission fut pré- sidée par M. Clémentel, député, ancien Ministre, alors pré- sident de la Commission du budget. A la première réunion (3 mars), M. Clémentel a exposé les grandes lignes du programme à étudier, lequel sauvegarde à la fois les intérêts du Trésor, ceux des Agriculteurs et ceux des Constructeurs. La remise aux Domaines des camions usagés de la guerre, après la fin des hostilités, entraînerait une perte énorme pour l'Etat par suite de l'abaissement du prix de vente résultant du très grand nombre de voitures qu'il faudra mettre aux enchères publiques, auxquelles ne pourront participer que quelques gros spéculateurs ; ces derniers accapareront ensuite le marché pour écouler leurs achats, avec profit, en portant ainsi un préjudice considérable pendant plusieurs années à nos constructeurs de poids lourds. On a constitué une sous-commission économique, chargée d'établir un avant-projet relatif aux principes à adopter en vue d'une organisation d'ensemble, et une sous-commission technique ayant pour mission d'étudier les modifications ou les transformations qu'on pourrait faire subir aux appareils en vue de leur utilisation par l'agriculture. Tout en réservant largement les intérêts de l'Industrie et du Commerce, le primeipe adopté est de venir avant tout en aide aux Agriculteurs des régions envahies et de développer dans tout le pays la Culture mécanique, ainsi que Foutillage agricole dont le besoin s'imposera après la guerre. Enfin, si l'utilisation agricole de ces camions pouvait se réaliser pratiquement, elle offrirait des emplois, pour ainsi dire immédiats, à une très grande partie des nombreux mili- laires affectés actuellement aux services automobiles de Far- jsénfih is: LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 311 mée. Nul doute qu'on dirigera ainsi vers nos campagnes beaucoup d'ouvriers qui élaient citadins lorsqu'ils furent touchés par l'ordre de mobilisation générale, et qui risquent de ne pas retrouver rapidement leurs places après la cessa- ion des hostilités. L'avant-projet de la sous-commission économique consiste à mettre les appareils à la disposition de collectivités, syn- dicats ou coopératives, sous certaines conditions administra- lives, ces collectivités étant formées par la réunion de petits agriculteurs, lesquels, individuellement, ne pourraient être acquéreurs d'appareils de Culture mécanique el de diverses machines agricoles. Le Ministre de l'Agriculture à com- muniqué l’avant-projet en question à l'Académie d'Agricul- ture ainsi qu'aux plus importantes Sociétés agricoles ; toutes ont formulé l'avis que la question posée est des plus inté- ressantes et qu'il y avait lieu d'en poursuivre la solution. * *x x La sous-commission technique à fait appel à nos ateliers de construction par l'intermédiaire du Président de la Chambre syndicale des Constructeurs de machines agricoles de France. Une première circulaire fut adressée le 10 mars. En réponse à cette circulaire, 25 membres ont manifesté le désir de se charger des études et des travaux : 34 autres ont accepté pour la construction après la fin des hostilités : 9 se sont montrés indécis : 11 ont regretté ne pouvoir s'occu- per de ces transformations : 2 seulement ont protesté en voyant dans l’œuvre d'intérêt général qu'on cherche à réa- liser une grave atteinte à leurs intérêts personnels de cons- lructeurs d'appareils de Culture mécanique : dans une lettre du 20 mars, très documentée, le Président de la Chambre syndicale a facilement réfuté les craintes des deux protesta- taires, en montrant, qu'au contraire; on est fondé à espérer 318 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE que le très grand nombre d'appareils (constituant bien en- tendu des moyens de fortune destinés à suppléer temporaire- ment à l'insuffisance de la main-d'œuvre et des bêtes de trait qui sera consécutive à la guerre) qui seront répandus dans toute la France permettra aux cultivateurs d'apprécier les résultats de l'emploi des machines et des moteurs, de les familiariser avec les nouvelles méthodes et, par l'expérience acquise, de tracer la voie dans laquelle les constructeurs devront s'engager pour pouvoir meltre au service de l'Agri- culture un matériel bien approprié qui lui sera prochaine- ment indispensable. x k x Le programme adressé aux constructeurs qui avaient bien voulu consentir à se charger de l'étude des transfermations à faire subir aux camions automobiles de l’armée, pour les rendre propres à la traction des machines agricoles, était accompagné des plans de deux types de voitures sur lesquels on pouvait. dresser un avant-projet permettant d'établir le coût approximatif de l'ensemble de la transformation : cette dernière pouvait être envisagée 1° En tracteur direct, auquel on pourra atteler diverses machines de culture : 2° En appareils à deux treuils automobiles, un sur chaque fourrière, Urant alternativement, par un câble, la machine de culture : 3° En tracteur-treuil, fonctionnant par bonds successifs. Les conditions générales indiquées étaient les suivantes — La puissance moyenne du moteur est de 25 à 30 chevaux- vapeur; — La vitesse moyenne de l'arbre est de 1 000 tours à la minute : — L'endroit de l'arbre sur lequel on pourrait desde à oc Rd cd As 2 de: ns | Li. . és 0 météiéh Li ut | = cit a M . -te it lbs hs dé re |: nd; LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 319 placer le pignon de commande des treuils était marqué sur les dessins par une croix rouge. — Pour les types déjà munis d'un petit treuil ou cabestan de secours, il fallait leur laisser ce treuil ou cabestan. Les modificalions communes prévues aux trois genres de transformations portaient sur Les roues. — Enlever les bandes pleines en caoutchouc dont elles sont munies ; conserver si possible le bandage pro- filé qui existe sur les roues et rapporter dessus un nouveau bandage ayant les dimensions suivantes Roues Roues avant arrière Largeur totale de bandage”(centim.) .................. 25 50 Du côté intérieur (vers le châssis) et sur un diamètre plus grand d'environ 0"04 une partie du bandage ci-dessus euraumeniareeur (en centim.) den..." 14 30 Les parties larges (0 im. 14 et O0 m. 30) _{umérieures) pour- raient être fixées à demeure et les zones supplémentaires (de 0 m. 11 et 0 m. 20) de plus petit diamètre (extérieures) amo- vibles, pouvant se monter et se démonter facilement dans le champ. Prévoir un coffre en bois d'une capacité d’un mètre cube, posé sur le châssis pour charger l'appareil, s'il y à lieu, afin de lui donner l'adhérence nécessaire ou pour s'opposer au ripage. Les dispositions spéciales à chaque genre de transiorma- lion étaient ainsi spécifiées 1° Tracteur direct. — Les roues-arrière devront recevoir des saillies, des grappins ou des palettes faciles à fixer el pouvant s’enlever rapidement pour disposer la machine pour les transports sur route. Prévoir une barre d'attelage à l'arrière permettant de modifier, verticalement et horizontalement, la position du crochet de la chaîne d’attelage des machines de culture. 380 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE 2° Treuil pour la culture avec deux treuils automobiles. — Le câble de traction doit être dirigé perpendiculairement à l'axe longitudinal de la voiture, en ayant la possibilité de faire, en plan horizontal, avec cette direction perpendicu- laire, un angle de 30 degrés, tant vers l'avant que vers l'ar- rière du véhicule. Le treuil doit pouvoir enrouler 410 mètres de câble d'acier de 12 mm. de diamètre. Le câble doit pouvoir prendre deux vitesses : 0 m. 70 par seconde et 1 mètre par seconde. 3° Tracteur-treuil. — Le câble de traction doit être dirigé en arrière suivant l'axe longitudinal de la voiture, en ayant la possibilité de faire, en plan horizontal, un angle de 15 de- grés, tant vers la gauche que vers la droite de cet axe. Le treuil doit pouvoir enrouler 210 mètres de cable d'acier de 12 mm. de diamètre, Le câble doit pouvoir prendre deux vitesses : 0 m. 70 par seconde et 1 mètre par seconde. Prévoir un calage facile du véhicule pendant le fonction- nement du treuil, et un décalage tres facile pour le départ de l'automobile à vide. Divers projets de {ransformalions ont été envoyés et furent éludiés par la sous-commission technique, parallèlement à l'utilisation de certains tracteurs qui seraient réservés aux (transports agricoles, au sujet desquels nous avons consacré plus haut un examen spécial, ainsi que Futilisation de moteurs destinés à actionner diverses petites usines collectives : broyage et concassage des grains, cidreries, chais, celliers, beurreries, etc. En prévision de la difficulté que devaient présenter les tra- vaux de la moisson de 1915, qui S'annonçait comme très belle la sous-commission technique fut chargée d'étudier d'urgence l'application d'un grand nombre de camions, qui pourraient ét = 4 LL" | LE GÉNIE RURAL ET LA GUERRE DE 1914-1916 391 être prêlés par la Guerre, pour lirer des moissonneuses- lieuses. — L'activité développée sur le front de bataille. | notamment dans le secteur d'Arras en juin 1915, coïncidant avec l'entrée en campagne de lHalie, conduisit le Grand Quartier Général à conserver tout son malériel, en réduisant beaucoup l'ampleur du programme de la Commission du Ministère de l'Agriculture. En LES ASSOCIATIONS AGRICOLES ET LA GUERRE Par P. SAGOURIN INGÉNIEUR AGRONOME, INSPECTEUR DE L'AGRIGULIURE La loi du 21 mars 1884 cu; donnait aux agriculteurs le droit de se grouper, de se syndiquer, pour la défense de leurs intérêts généraux, lut le prélude du merveilleux mouvement de mutualité qui à doté la France d'un réseau très complet d'associations dont les ramifications ont développé partout la prospérité de notre agriculture nationale. Sous le régime de faveur des lois que nous aurons à rap- peler plus loin, une ère nouvelle s'est ouverte à la petite démocratie rurale. L'esprit d'association à permis l'applica- lion journalière, la mise en pratique raisonnée de toutes les découvertes scientifiques : il a triomphé partout de la routine ou de l'ignorance, de l'égoisme ou de lindividualisme stérile. dans lequel vivaient les paysans de France du commencement du xix° siècle. Grâce à ces utiles msttutions, les grands propriétaires ins- truits ne conservèrent plus, comme autrelois, le privilège de la culture intensive et rémunératrice. Associés entre eux, les pelits et moyens agriculteurs, les fermiers, les simples mélayers ont pu se procurer un ouüllage perfectionné, ache- ter des engrais, des semences, de bons reproducteurs, comme aussi vendre avantageusement leurs récoltes; emprunter ou s'associer contre les risques professionnels. Les résultats ne se sont pas fait attendre. Des enquêtes officielles encore récentes (1) ont démontré que la petite et la moyenne culture, moins éprouvées que la grande par la crise (1) Voir : Enquête sur la propriété rurale. Ministère de l'Agriculture, 1906. RCI LES ASSOCIATIONS AGRICOLES ET LA GUERRE 009 de la main-d'œuvre, et favorisées par les institutions nou- velles dans leurs moyens d'achat, de translormation et de vente, se trouvaient actuellement dans des conditions plus avantageuses d'exploitation du sol. - Depuis trente ans, en eflet, des milliers de Sociétés agri- coles se sont constituées ; elles sont très variées dans leur forme, leur but, et leur mode de fonctionnement : elles se modulent à l'infini aux divers besoms de notre production animale et végétale, grâce à l'esprit souple et au sens large des termes de la loi qui régit ces institutions. Pour ces raisons, il serait difficile de classer les Associa- tions agricoles d'une manière rigoureuse et méthodique: elles seront groupées ici en trois catégories (suivant le but qu'elles poursuivent) afin de permettre l'étude spéciale qui doit en être faite au point de vue de la répercussion de l'état de guerre sur leur fonctionnement. DIVERSES ASSOCIATIONS AGRICOLES But Titre A. — Intérêt général de l'agriculture dans la } Sociétés d'Agriculture, Co- région. mices. B.— Intérêts generaux et intérêts particu- Syndicats’ agricoles et Mu- liers des membres. Accumulation de Halles: filiales et Unions. réserves, paiement d'indemnités. C.— Intérêts particuliers des membres par la mise en valeur collective des pro- duits ou des capitaux disponibles. Ré- partition d'une partie des bénéfices li- mitée à un taux maximum prévu. | Sociétés Coopératives; Caisses. de crédit agricole. Le *k x E. -— SoctÉTÉS D'AGRICULTURE. — (COMICES Ces anciennes Associations ont pour objet l'étude des meil- - leurs procédés de culture par l'expérimentation, les recher- ches, les encouragements. Groupant l'élite des agriculteurs d'autrefois, les plus aisés et les plus instruits, elles ont puis- samment aidé aux progrès agricoles depuis 1850, par l'orga- 384 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE nisation de concours ouverts à tous les cultivalteurs sans dis- Uunction. ï Par la distribution d'encouragemenis (récompenses en ar- gent, médailles, objets d'art, diplômes), par des conférences et des publications, par l'organisation d'expériences, elles ont en outre contribué à la vulgarisation des principes scien- lifiques et des procédés de culture moderne. Les nombreux services rendus par ces Sociétés, dès le temps de paix, n'ont fait que se confirmer depuis l'ouverture des hostilités. Les agriculteurs distingués qui les président sont devenus, dans chaque département, autant de conseillers précieux pour les représentants des administrations de la guerre et de l'agriculture, appelés à pourvoir aux besoins urgents du ravitaillement de l'armée et de la population civile. Par de fréquentes réunions de leurs bureaux, suivies de publications appropriées, les Sociélés n'ont cessé de signaler à leurs membres, les moyens de se procurer des engrais, des semences, de l'outillage, de la main-d'œuvre, des atte- lages, etc. Toutes les fois que des abus pouvaient se produire dans les réquisitions, les Sociétés les signalèrent aux pou- voirs publics en indiquant bien souvent le remède à apporter. Le rôle des Sociétés agricoles apparaît beaucoup plus considérable encore, pour les régions voisines du front ou ayant subi l'invasion. De la mer du Nord aux Vosges, la reprise des travaux agricoles eut lieu sous les pas de l'ennemi délogé par la victoire de la Marne. L'organisation métho- dique des battages et des ensemencements, l'utilisation au maximum des ressources disponibles en main-d'œuvre et en attelages, sont autant de questions qui ont provoqué les-plus louables initiatives et les dirigeants des Sociétés d'agriculture en ont eu leur part. Dans la zone de l'intérieur, loin du front et à l'abri du danger, les Sociétés d'agriculture ont fait preuve de solida- : rilé à l'égard des groupements des régions dévastées. Des collectes lurent organisées qui ont réuni des sommes im- porlantes et aussi des dons en nature : semences, tubercules, té sr. à À LES ASSOCIATIONS AGRICOLES ET LA GUERRE 389 animaux reproducteurs destinés aux agriculteurs ruinés et désireux de reprendre sans délai la mise en route de leur exploitation agricole. L'organisation d'écoles de mutilés, d'orphelins de la guerre, à déjà préoccupé de nombreuses Sociétés. Il n'était certes pas de plus belle occasion, pour l'agriculteur français, de montrer la noblesse des sentiments qui l’animent à l'égard de ses frères de misère, mais c'est une pensée douce et récon- fortante de constater qu'il n'a pas failli à son devoir. mers IT. —— SYNDICATS AGRICOLES ET MUTUELLES Syndicat agricole. — Le Syndicat agricole, véritable asso- ciation privilégiée, est venu, depuis 1884, suppléer le Comice agricole à régime légal mal défini ou peu précis. Tandis que le Comice en est réduit à stimuler des initiatives, le Syndicat est l'organe actif poursuivant au profit de ses membres, la réalisation des divers progrès agricoles. Dès l'ouverture des hostilités, la vitalité des Syndicats fut d’abord ralentie, la mobilisation ayant appelé sous les dra- peaux un grand nombre des membres et surtout la presque totalité des secrétaires et trésoriers, choisis parmi les élé- ments Jeunes et actifs. Néanmoins, et grâce au merveilleux élan de solidarité qui s'est manifesté jusque dans le moindre village, les vides furent vite comblés par la désignation de suppléants choisis parmi les non-mobilisés. Ces derniers ont considéré comme un impérieux devoir d'accepter de telles fonctions au moment où le Syndicat se devait de venir en aide aux femmes ou aux vieux parents des voisins mobilisés. Ainsi, l'achat des engrais se poursuivit en dépit d'une hausse considérable résultant d'une grande élévation des prix des matières premières et du fret, des difficultés ou des lenteurs des transports par suite du petit nombre de wagons que les Compagnies peuvent consacrer aux expé- 386 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE ditions commerciales. Les pouvoirs publics vinrent d’ailleurs en aide aux agriculteurs, et les denrées à destination immé- diate de l’agriculture bénéficièrent souvent pour leur trans- port d'un droit de priorité sur les denrées utiles au commerce ou à l'industrie privée. De même, les tourteaux et autres résidus industriels uti- lisés comme aliments du bétail, furent procurés aux cultiva- teurs qui, en échange, purent livrer en abondance le foin et la paille nécessaires à l'autorité militaire. Le sulfate de CuI- vre. le soufre furent mis à la disposition des viticulteurs, les semences, les instruments agricoles, la ficelle pour lieuses fournis aux agriculteurs. Mais c’est surtout au voisinage du front que l'effort des Syndicats agricoles apparaît, dans toute son ampleur, par les manifestations journalières de l'inlassable activité de leurs dirigeants. Re Que l'on songe un instant à ces nombreuses communes qui, de la Lorraine aux Flandres, restaient dépouillées de tout : outillage, attelages, semences, et même des denrées de consommation les plus indispensables aux populations bien résolues à réentreprendre la mise en production du sol dévasté. Peut-être, dira-t-on, l'état de guerre eût sulfi, pour provoquer, en l'absence des Syndicats agricoles les plus louables énergies et les plus grands efforts. . Sans doute, mais les Sociétés existantes ont eu, en la etr- constance, l'immense avantage de devenir en quelque sorte autant d'organes tout prêts à se mettre en route, sans hésita- tion ni perte de temps. Ils formèrent rapidement des centres d'activité, facilitant la reprise économique dans les milieux ruraux. Par eux furent passés des marchés collectifs pour achats de farine, d'outils, d'instruments ou de machines, de semences, elc. Ils organisèrent le travail collectif, labours, ensemencements, récoltes, battages, et servirent d'intermé- diaires tout désignés pour seconder les municipalités dans la répartition des secours en nature qui affluèrent de toutes parts. Il est bien permis de dire que si le Syndicat avait LES ASSOCIATIONS AGRICOLES ET LA GUERRE 387 alfimé sa grande utilité dès le temps de paix, il vient de se révéler avec la guerre comme une institution essentielle à l'avenir du pays. Dès Je printemps 1916, il sera amené à jouer un rôle prépondérant en vue de la culture rationnelle des terres abandonnées et de la recherche de la production maximum. Syndicats spéciaux. — Ce qui vient d'être dit des Syndicats agricoles s'étend à toutes les Associations ayant un but par- üiculier, mais fondées sur les mêmes bases légales. Les Syn- dicalts spéciaux : viticoles, vinicoles, horticoles, laitiers, betteraviers, d'élevage, d'outillage, de battage, de vente col- lective des produits, ont eu fréquemment à intervenir pour faciliter la tâche des familles de ceux de leurs membres qui, mobilisés ou même tués à l'ennemi, laissaient une exploita- üon à diriger dans des conditions difficiles. La constitution de Syndicats spéciaux de culture mécanique, encouragée par les instructions ministérielles du 10 septembre 1915, per- mettra de parer à la pénurie d’attelages et d'ouvriers labou- reurs. Les Syndicats d'élevage en particulier ont vu s'accroi- tre leur rôle en raison des besoms exceptionnels de recons- ttuer le troupeau national. Les demandes de subvention de l'Etat se sont produites aussi nombreuses qu'en année nor- male €e qui atteste de la vitalité des Sociétés. Si le nombre des fermes abandonnées n'a pas été plus élevé, si la produc- bon agricole n'a pas subi un plus grand déficit, 11 faut en reporter une partie du mérite aux Syndicats agricoles qui, par leur action locale, ont contribué à donner aux lemmes des mobilisés le courage nécessaire pour deur permellre la réalisation d'une tâche rude et pémible. Mutuelles agricoles. — Constituées en vertu de la loi très laconique du 4 juillet 1900, ces Sociétés sont assimilées, quant aux règles de leur création et de leur fonctionnement aux Syndicats agricoles. Aidées depuis 1902, par des subventions de l'Etat, groupées «entre elles en Unions à plusieurs degrés, 388 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE les mutuelles ont pu réaliser les plus grands bienfaits tout en accumulant, — grâce à la sagesse qui avait présidé à l'établissement des statuts de ces Sociétés, -— des réserves assez imporlantes pour parer aux besoins exceptionnels des années calamiteuses. Les mutuelles se sont surlout développées dans les deux branches bélail et incendie : moins nombreuses sont les assurances accidents et surtout celles reiatives aux risques grêle, gelée, etc., pour lesquels les sinistres sont moins fré- quents et plus localisés. Les fonds de réserve accumulés par les mutuelles bétail ou incendie, du premier ou du second degré, étaient déposés dans les banques ou établissements de crédit. Ils pouvaient s’y trouver immobilisés par suite de l’état de guerre et para- lyser ainsi le libre fonctionnement des institutions auxquelles ils appartiennent. Heureusement, le 27 septembre 1914, le 3 moralorium autorisait les Sociétés d'assurances mutuelles agricoles à opérer le retrait de la totalité des fonds déposés par elles dans les banques. Cette mesure permettait aux petites Sociétés locales d’envi- sager l'avenir sans craintes excessives. La mortalité du bétail s'est montrée depuis la guerre, assez sensiblement supérieure à la normale : ce qui ne saurait surprendre. Le bétail dut être confié bien souvent à des mains inexpertes ; la mortalité au vêlage, les accidents aux attelages furent plus nombreux queen temps ordinaire. D'autre part, les chevaux jeunes, robustes, bien constitués, ayant été réquisitionnés par l'auto- rité miltaire, 1l fallut employer pour les travaux ruraux ou des Jeunes animaux à peine dressés, ou des chevaux hors d'âge, larés ou atteints de maladie. De tels altelages, conduits avec plus de bonne volonté que de compétence, devaient fatalement causer des pertes supé- rieures à Ja moyenne. Il n'en est pas moins très encourageant de constater, qu’à l'exceplion des pays envahis ou voisins du front, les Sociétés d'assurances mutuelles ont continué à fonclionner : elles ont LES ASSOCIATIONS AGRICOLES ET LA GUERRE 389 en général tenu leurs engagements el indemnisé les pertes conformément aux clauses statutaires, les plus éprouvées avant d'ailleurs élé aidées par les subventions de l'Etat. En ce qui concerne la branche incendie il fut décidé, d'ac- cord entre les Ministères de l'Agriculture et du Travail d'une part, et le Comité des intérêts généraux de l'assurance incen- die, de l’autre, que le point de départ du délai de dénoncia- lion stipulé aux polices contenant la clause de tacite recon- duction, serait reporté à la fin des hostilités pour tous les mobilisés. C'est là une mesure aussi sage que féconde pour l'avenir de nos mutuelles. On ne peut que regretter qu'elle n'ait pas été généralisée à tous les assurés, mobilisés ou non. surtout à ceux des régions voisines du front. En effet, par suite de la mobilisation des membres du Bureau de la plu- part de ces Associations, il est à craindre que les membres dits expectants, adhérents de principe aux mutuelles, encore liés par des contrats antérieurs avec les Compagnies ano- nymes ou des Sociétés mutuelles, n'aient pu envoyer en temps utile le désistement des polices en cours. IT en résulte- rait des différends désagréables à régler, les anciens assu- reurs se réclamant en droit de la clause de tacite reconduc- lon, tandis que les assurés invoqueraient pour leur défense le cas de force majeure résultant de l’état de guerre. L'application du moratorium à ces contrats en cours laisse intactes les conditions de délais impartis pour la dénoncia- lion des polices. Quant au recouvrement des primes, s'il a souflert de l'état de choses actuel, il faut reconnaître que pour toutes les caisses ayant eu un fonctionnement à peu près régulier, le montant des quittances non recouvrées ne forme qu'une faible fraction des encaissements. Cette situation n'a donc rien d'inquiétant. Les plus grandes facilités sont d'ailleurs accordées aux _retardataires en raison des conditions particulières dans les- quelles ils se trouvent, pour leur permettre, en s'acquittant même tardivement de leur dette, de ne pas perdre le profil 390 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE & de leurs droits antérieurs à la mutuelle. Si le développement des œuvres de mutualité a été, dans le temps de paix une excellente école de solidarité, 11 devint, durant la guerre, un gage de sécurité pour les mobilisés et leurs familles. Ainsi, malgré un surcroît de travail considérable et des soucis continuels, les personnes dévouées qui assument la direction des institutions de mutualité à la campagne, ont pu les maintenir en fonctionnement régulier et en accroître même la vitalité toutes les fois que des besoins aussi impérieux qu'imprévus se posalent comme une nécessité. Non seulement les Associations mutuelles sortiront de Ia crise lerrible que nous traversons, mais elles auront grandi encore dans l'opinion. En raison des difficultés prévues pour l'exploitation du sol après la guerre, chacun reste convaincu du rôle essentiel qu'elles devront jouer. Si le eapi- tal immobilisé par elles en un placement de garantie à subi, du fait de la guerre, la dépréciation commune à toutes les valeurs de bourse, 11 faut remarquer que le revenu ancien n'a subi aucune réduction. Les nouvelles économies réalisées bénéficient par contre d'une élévation de taux très appré- ciable. Dans l'ensemble, les ressources annuelles des œuvres C2 x de mutualité vont se trouver accrues d'autant. fc *x x ITI. -_- SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES. —— CAISSES DE CRÉDIT AGRICOLE Les Associations agricoles étudiées Jusqu'ici se préoccu- pent essentiellement des intérêts généraux étendus à tous les agriculteurs de la région ou réservés aux seuls sociétaires. Celles dont il va être question dans cette troisième catégorie ont pour but la réalisation de bénéfices. Toutefois, à l'inverse des Sociétés anonymes qui répartissent la presque totalité | des bénéfices à leurs actionnaires, ces Associalions agri- coles en utilisent la majeure partie à Ja constitution d'un mn le * épis sé à LES ASSOCIATIONS AGRICOLES ET LA GUERRE 939! fonds de réserve. La seule répartition entre les membres, autorisée par les statuts, est Timilée à un {aux maximum considéré comme la simple rémunération forlaitaire de l'ap- port de chacun. Soctélés coopéralives. Quelle soit consluituée conformé- ment au Code civil (art. 1382 et suivants) où au Code de Commerce (art. 18 et suivants) ; qu'elle repose sur la loi du 24 Juillet 1867, la Société coopérative agricole travaille exclu- sivement avec ses propres associés. Le plus généralement, cette Société vise la production la transformation, la conservation ou la vente en commun des produits agricoles. La loi du 29 décembre 1906 a autorisé ces Associations à recevoir des avances de l'Etat: ces mesures ont favorisé l'éclosion, sur le territoire, de coopératives de vinification, de distillerie, de laiterie, de beurrerie ou fromagerie, de meu- nerle, de production fruitière, etc. _ Les avances de l'Etat ont été en principe suspendues par la loi du 4 août 1914, en vue de réserver au Trésor le maxi- mum de disponibilités pour les besoins de la défense natio- nale : en conséquence, le paiement des avances accordées mais non ordonnancées fut ajourné. Il à été cependant fait quelques rares exceptions à cette règle pour des cas d'ex- trême nécessité. ; Les avances précédemment consenties aux coopératives par l'intermédiaire des Caisses régionales de crédit agricole furent maintenues à la disposition des Sociétés bénéficiaires. Les coopératives agricoles ont été surtout gênées dans leur fonctionnement régulier par suite de la mobilisation des ouvriers: spécialistes, mais sur l'intervention des pouvoirs publics, l'autorité militaire à consenti, — notamment pour les distlleries et sucreries, —— le maintien en sursis du personnel indispensable au bon fonctionnement des usines. Les distilleries coopératives surtout ont été privilégiées par la hausse des cours de l'alcool. II serait possible de citer telle d'entre elles qui, créée en janvier 191%, put réaliser en 12 £ 392 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE deux saisons de distillerie un bénéfice total capable d'amortir dans son intégralité le capital initial. Les meuneries-boulangeries coopératives ont élé moins fa- vorisées, la récolte des coopérateurs ayant subi en 1915 une diminution plus où moins sensible. Parfois, elles furent réquisitionnées en vue de produire des farines ow même du pain pour l'autorité militaire. Si la vente du pain aux non- coopérateurs est autorisée il faut observer que Fachat de blé au dehors est par contre formellement interdit par la loi de 1906. Les jaiteries, fromageries, beurreries coopératives ont été influencées par les réquisitions souvent excessives opérées dès le début de la mobilisation sur les vaches laitières. En général la fabrication a porlé sur des quantités moindres qu'à l'ordinaire, mais les cours élevés atteints par les produits ont permis de réaliser, en définitive, des bénéfices à peu près égaux à ceux d'une année normale. ï Les seules grosses difficultés qu'il a fallu résoudre en ce qui concerne ces Sociélés ont lrait au personnel destiné à suppléer les ouvriers spécialistes mobilisés, à la raréfaction: excessive des produits livrés à la coopérative, à l'absence- de mécaniciens capables d'effectuer rapidement les répa- ralions urgentes aux appareils où machines motrices ; enfin à la difficulté des transports par voie ferrée et par voie de: terre tant à l'arrivée à l'usine qu'à la sortie des produits fabriqués. Pour considérables qu'aient été parlois ces. difficultés elles ont pu généralement être surmontées au grand profit de la reprise de la vie économique dans le pays. Faut-il rappeler ici la situation malheureuse d'un grand nombre de coopératives qui travaillent actuellement au profit de l'ennemi, dans les régions envahies? -— Les. moindres prévisions ne sauraient être faites sur leur sort éventuel et ce sera, l'œuvre du lendemain de la guerre de pourvoir sans relard aux conditions de leur remise en marche. LES ASSOCIATIONS AGRICOLES ET LA GUERRE 393 Crédit mutuel agricole. —- Les Caisses locales de crédit agricole ont vu le Jour, en France, grâce à la loi du 5 no- vembre 1894, complétée par la loi du 17 novembre 1897, cette dernière visant spécialement les avances à consentir sur les fonds de la Banque de France. Peu après les Caisses régionales ont été instituées par la loi du 31 mars 1899, dont les pouvoirs furent étendus pa celles des 29 décembre 1906 el 10 mars 1910. Aiïñhsi se trou- vait complétée une institution qui, depuis lors, a rendu les plus signalés services dans les régions de grande-production (vin, céréales, bétail, etc.-, en mettant à la disposition des exploitants, à des prix avantageux, les capitaux nécessaires pour exercer leur-industrie. Les Caisses de crédit agricoles consentent . 1° Le prêt individuel à court terme : 2° Le prêt individuel à long terme ; 3” Les avances collectives aux coopéralives. La brochure L'’Effort agricole de la France pendant six mois de querre, août 1914-janvier 1915, publiée par le Ministère de l'Agriculture, contient les renseignements qui suivent, au sujet du fonctionnement du crédit agricole : « Dès le 19 août 1914, le Ministre de l'Agriculture envoyait aux Présidents des Caisses régionales, une circulaire... par laquelle il leur demandait de prendre loules mesures utiles pour assurer le fonctionnement de l'inshitulion du Crédit mutuel agricole pendant la guerre. » Après avoir constalé que d'une manière générale, les opé- rations des Caisses de crédit ont baissé subitement depuis le 1° août 1914 par suite de la mobilisation des secrétaires et des trésoriers, le rapport ajoute .. « Cependant, dans un certain nombre de départements, un service de prêts aux femmes de mobilisés a pu être orga- nisé sur.les conseils de l'Administration. Il est également intéressant de noter que dans les pays de vignoble, voire inème en Champagne, les Caisses de crédit mutuel agricole 3914 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE ont continué à rendre les plus grands services aux viticul- teurs. » En particulier, la Caisse régionale de Reims obtnt, à titre exceplionnel en deux avances, un crédit de 800.000 francs pour « faciliter aux vignerons champenois le paiement de la main-d'œuvre, la location des moyens de transport et l'achat de vaisselle vinaire en attendant que les transactions commerciales puissent reprendre normalement Les agriculteurs eurent du moims l'avantage d'écouler facilement leurs récoltes à des prix plus rémunéraleurs saul dans le cas de certaines réquisitions opérées à des Taux qui ne se modelaient pas suffisamment sur les variations de cours des marchés. Aussi n'estail pas sans intérèl de rappeler que les remboursements de prèls se sont faits dans une propor- lion beaucoup plus grande qu'on ne pouvait lespérer. Les lemmes n'eurent pas seulement le souci de diriger les exploi- lations : elles Hinrent à honneur de s'acquitter des emprunts contractés par leurs maris, à la veille de la mobilisation, pour les travaux de la fauchaison ou de la moisson de 191%. Si les prêts nouveaux consentis pendant les 15 premiers mois de guerre n'ont atteint que les 2/7 environ de leur mon- lant pendant une année normale, les remboursements durant la même période ont largement excédé les emprunts. Encore convient-il d'observer que loute comparaison se trouve faussée du fait que les Caisses régionales des pays envahis ne peuvent être comprises dans les moyennes ainsi établies. Il ne faut pas se dissimuler que l'état de guerre, en pro- voquant une baisse considérable des cours des valeurs de bourse, à causé une gêne dans le fonctionnement de lins- litution du crédit. D'une part, le taux de lescompte s'est trouvé notablement augmenté, rendant difficile le réescompte des effets en portefeuille. D'autre part, il était difficile aux Caisses, à moins qu'elles n'aient réservé un compte courant très important, d'effectuer l'escompte direct des billets sous- crits par les membres des Caisses locales. Les avances sur LES ASSOCIATIONS AGRICOLES ET LA GUERRE 399 litres étaient, d'autre part, réduites en proportion directe de l'effrondrement des cours. | Les Caisses régionales n'en ont pas trop souffert cepen- dant, parce que les remboursements des prêts précédents on toujours excédé les nouvelles demandes, mais il convient de lenir compte de cette situation particulière en vue de faciliter la reprise de la vie économique et de donner au Crédit agri- cole, le nouvel essor qui s'impose pour venir en aide utile- ment à tous les exploitants du sol privés de ressources en raison de l'état de guerre. IL y aurait lieu, pour compléter lénuméralion (déjà fort longue) qui vient d'être faite des Associations agricoles, de tenir compte des Sociélés mutuelles de secours en cas d'acci- dents ou de maladies ; de retraites pour la vieillesse, etc. Mais ces Sociétés n'ont rien de particulier ; qu'elles soient agricoles ou non, elles sont régies par la loi du 1% avril 1898 complétant la loi du 21 mars 188% sur les Syndicats proles- sionnels, industriels, commerciaux ou agricoles. Les barêmes des bonifications de pensions sont les mêmes el l'état de guerre, s'il a jeté quelque perturbation dans le fonctionne- ment de ces institutions, n'en aura pas supprimé le principe, pas plus qu'il n'aura anéanti les excellents résultats précé- demment obtenus. Enfin il est d'autres Sociétés, peu nombreuses 1l est vrai en raison des formalités constilutives, qui, sous le nom d’As- sociations syndicaies, ont pour objet l'exécution de travaux d'intérêt collectif, tels qu'asséchement des marais, construc- tions de digues destinées à la protection de territoires inon- dés, irrigations, etc. La période des hostilités n'aura pas éle stérile au point de vue de ces grands travaux d'intérêt public. Des équipes de prisonniers de guerre ont été employées à l'assainissement de la Corse el de la Limagne, à la construc- tion de chemins ruraux en Bretagne et dans le Plateau Cen- tral, comme ailleurs à l'exploitation des coupes de bois. C'est au service des Améliorations agricoles du Ministère de 396 ANNALES DE LA SCIENCE: AGRONOMIQUE l'Agriculture qu'incombe la direction de lous ces travaux, la préparalion des projets et leur mise à exécution. Il serait à désirer que le nombre des prisonniers de guerre laissés à la disposition des agriculteurs et des Associations püût être augmenté encore afin d'amplifier le programme de ces amé- horalions profitables à la collectivité et d'organiser le tra- vail agricole en commun, par équipes. Tout ce qui vient d'être dit vise surtout les services rendus par les Associations agricoles depuis le début des hostilités. C'est déjà le passé. I faut maintenant envisager l'avenir celui qui devra précéder la conclusion du traité de paix et celui, bien plus long, qui suivra. Le rôle des Associations agricoles pourrait et devrait être plus considérable encore. De plus en plus on reconnait la nécessité d'organiser la production du sol afin d'augmenter dans la plus large mesure possible la force de résistance du pays et d'en faciliter le réveil économique. Maintes fois les pouvoirs publics ont manilesté leur désir de « mobiliser » les énergies disponibles en vue de les coordonner pour en obtenir le maximum de rendement. C'est à l'association qu'on devrait recourir pour constituer le rouage actif qui mettrait en œuvre tous les efforts, jusque dans le momdre village. C’est par la culture en commun qu'il sera possible de ne pas laisser en friche beaucoup de terres fertiles et d'en tirer ensuite les produits les plus utiles. D'ailleurs, si elle a ses dures nécessités, la guerre neus aura servi d'écoie: elle aura pour résultat heureux d'orienter les esprits vers les besoins nouveaux. Quelles seront, au lende- main de cette grande lutte visant à l'épuisement des nations les plus civilisées, les conditions faites à l'exploitant du sol ? Devra-t-1l reprendre sa culture suivant les méthodes suran- nées qui lui avaient paru suffisantes avant la guerre ? Ce serait courir à la ruine. Les conditions économiques de la production agricole vont être tellement bouleversées par le calaclysme actuel qu'il faudra aviser à des moyens nou- LES ASSOCIATIONS AGRICOLES ET LA GUERRE 397 veaux : remembrement parcellaire, cullure avec les procédés modernes et les instruments perfectionnés, améliorations col- lectives intéressant toute une région, spécialisahion des pro- ductions, etc. Il faudra, en un mot, faire de plus en plus de l'agriculture une industrie. Or, l'industrie exige des capitaux, une direc- lion intelligente, une utilisation méthodique des connais- sances ou des aptitudes et un emploi rationnel des produits. Le cultivateur isolé serait impuissant à réunir toutes ces conditions du succès ; mais ce qu'il ne peut faire seul, 1l le peut grâce à l'association. Plus que jamais l'union qui fait la force apparaît comme un impérieux devoir. Décembre 1915. D — INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EN FRANCE Par H. COSNIER, INGÉNIEUR AGRONOME DÉPUTÉ VICE-PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D'AGRICULTURE MEMBRE DU CUNSEIL SUPÉRIEUR D'AGRICULTURE DISPONIBILITÉS DE LA FRANCE EN VIANDE A. Disponibilités avant la querre. Fous les ans, le Ministère de l'Agriculture publie la statis- lique des dispombilités de la France, en viande, en fin d'an- nee. Si ces statistiques sont contestables, elles sont, en tout cas. comparables entre elles. Si nous nous reportons à celle de 1911, nous voyons que les bovins se répartissent comme suit : NÉS LA PAR TRES NT ERA E S Q LE re 1.970.000 RIVES. RME REINE CRU NIORT ANNE 2.800.000 N'ACHÉSE EE RS RCD RNA «ASE RUE 7.600.000 BUTS CNTAUTEAUR LANCERA 2.160.000 L'examen de ces catégories permet de se rendre compte de l'âge auquel sont, en général, sacrifiés tous ces animaux. En effet, les élèves comprennent les jeunes taureaux d'un à deux ans, les bouvillons jusqu'à l’âge du travail, c'est-à- dire d’un an à deux ans et demi et les génisses jusqu à la mise bas du premier veau, soit d'un an à deux ans et demi. En résumé, on peut estimer que les élèves comprennent tous les bovins entre un an el deux ans et demi. Comme ils sont | | | INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EN FRANCE 399 au nombre de 2,S00.000, on voil que les « élèves »*sont com- posés : 1° de 1.900.000 animaux ayant d'un an à deux ans”: )0 2° de 900.000 bêtes environ, agées de deux ans à deux ans et demi, Comme il n'est pas, en général. tué beaucoup d'animaux entre un an et deux ans, le chiffre de 1.900.000 bêtes âgées d'un an à deux ans va pouvoir servir de base pour nous lixer sur le nombre d'animaux dont peut disposer chaque année la consommation francaise (1). La nécessité de renouveler chaque année ces 1.900.000 bé. tes, oblige nos éleveurs à conserver dans leurs étables 1.900.000 veaux, au minimum. Les statistiques qui ne sont élablies qu'une fois par année à la même époque, au mois de décembre. c'est-à-dire à l'époque où les veaux gras sont en majeure parue vendus, ne comprennent que les veaux d'élévage. Les 1.970.000 veaux portés sur la statistique du Ministère de l'Agriculture sont uniquement les veaux nécessaires au renouvellement du bétail. Pour établir le nombre de veaux qui, chaque année, sont nus à la disposition du consommateur, il n'existe pas de chiffres officiels et il faut les déduire des statistiques du Ministère de l'Agriculture en évaluant les naissances que peu- vent donner les 7.600.000 vaches qui vivent en France. Une grande partie de ces bêtes, un million environ, comme nous le verrons, sont sacrifiées chaque année à la boucherie. Il reste donc 6.600.000 vaches susceptibles de donner des veaux el, par conséquent, on peut aisément admettre que » millions de mères donnent chaque année 5 millions de veaux, dont il faut défalquer les 1.900.000 veaux d'élevage, ce qui représente la vente d'environ 3 millions de veaux par an. Les ventes qui sont opérées sur les différents marchés de la viande. ont prouvé que les faureaux sont tués en moyenne (1) J.-E Lucas. Rapport sur la nécessité de réorganiser le commerce du bétail et de la viande en France. (Annales de la Science Agronomique.) | 400 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE à trois ans, les bœufs d'herbe à quatre ans et les bœufs de travail à huit ans, ce qui représente pour l'abatage des mâles un àge moyen de cinq ans. Comme il existe 2.160.000 bœufs vivants entre deux ans et demi et cinq ans, 1l faut compter chaque année, parmi les élèves devant renouveler le trou- peau, 840.000 bêtes qui sont destinées à x“levenir des lau- reaux et des bœulfs : c'est donc 840.000 mâles qu'il faut pré- lever sur les 1.900.000 élèves bovins âgés d'un an à deux ans que nous possédons en France. Il reste ainsi 1.060.000 élèves femelles pour renouveler le troupeau. Il existe 7.600.000 va- ches entre deux ans et demi et l'âge d’'abatage. Il faut sept séries de 1.060.000 élèves pour remplacer les vaches réfor- mées ; c'est donc vers neuf ans et demi que sont, en moyenne, lués ces animaux puisqu'ils ont déjà deux ans et demi au mo- ment de leur remplacement. Tous ces chiffres permettent de conclure qu'il est mis chaque année à la disposition de la boucherie envron 3 milllons de veaux : 840.000 mâles âgés en moyenne de cinq ans : 1.060.000 vaches d'un âge moyen de neuf ans et demi el ayant donné, pendant le cours de leur existence, une moyenne de six veaux, soit pour l'élevage, soil pour la con- sommation. C'est 4.900.000 têtes de bétail, dont 1.900.000 adultes, qui sont livrées annuellement à la consommation, en temps nor- mal. Pour apprécier la quantité de viande qui peut être fournie par ces animaux, il suffit de connaître le poids approximatil de chacune de ces catégories de bovins. Certains auteurs (1) ont pensé qu'il suffisait de prendre, pour rendement de ces animaux, le poids moyen indiqué par les statistiques du marché de la Villette : d'autres, au contraire (2), ont pensé (1) J.-E. Lucas. Loc. cit. (2) M. Martel. Hygiène de la viande et du lait. — Maurice Quentin. Rapport du Ministère de l’Acriculture. on mn Ed als de tone fines, : Ré INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EN FRANCE 401 que les chiffres fournis par les abattoirs de la Villette sem- blaient exagérés. En effet, il apparaît que les plus beaux animaux sont expédiés sur Paris, mais que les animaux tués en campagne sont appelés à donner une quantité de viande inférieure à celle produite sur le marché de la Vil- lette. LH leur a donc paru nécessaire de diminuer considéra- blement les chiffres du marché de la Villette. . Les premiers auteurs ont cru, au contraire, qu'ils pou- vaient maintenir les chiffres du marché de la Villette. Ces chiffres sont, en effet, établis sur des suppositions de ren- dement des animaux servant eux-mêmes à l'établissement des prix de vente et restent, par ce fait, toujours inférieurs à la réalité. C'est pourquoi ils ont cru pouvoir maintenir, malgré tout, les chiffres du marché de la Villette. C'est ainsi qu'ils ont pu établir en moyenne les rendements suivants Moyenne des rendements des animaux POIDS NET ANIMAUX NOMBRE moyen de l'animal POIDS TOTAL — d'animaux (4 quartiers) — kilos. kil28. DEUST. 3.000.000 97 291.000 .000 1896 UNIS LE ES OMS 750.000 418 313.500.000 DOTÉ EE Le. 90.000 472 37.080.000 MACHE RER ER. LE. 2. 1.060.000 968 990.080.000 1.032.160 .000 En ajoutant à ces quantités de viande celle des ovins et poreins, ainsi que la différence entre les hmportations et les exportations, ces auteurs ont pu démontrer que la moyenne de consommation de la France en viande, s'élevait par tête et par an à 52 kil. 24, soit 162 grammes de viande par tête et par Jour. Le Ministère de l'Agriculture, dans son bulletin de rensei- gnements, avait évalué, autrefois, celle consommalion à 57 kilos, sans fournir la méthode sur laquelle il s'était basé. M. Martel, dans l'Hygiène de la viande et du lait, avait cru A02 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE pouvoir prendre le taux de 42 kilos par tête et par an. C'est le chiffre auquel s'est rallié M. Massé (1). Nous avons cru devoir adopter les chiffres de °M. J.-Æ. Lucas, qui sont tout à la lois des chiffres moyens et qui re- flètent exactement les chiffres officiels qui nous sont fournis par les statistiques du marché de la Villette. D'autre part, depuis quelques années, en raison même des progrès réa- lisés par l'élevage, dans nombre de villes de province on consomme de la viande de première qualité provenant d'ani- maux en parfait état d'engraissement qui ne le cèdent en rien à ceux mis en vente sur le marché de la Villette. D'ailleurs, si ces chiffres peuvent paraître exagérés, 11 ne faut pas oublier que nous envisagerons surtout, quelle que soit la méthode, non pas le rendement moyen de chaque ani- mal, mais la différence de consommalion entre l'époque de paix et l'époque de guerre. Il s'agit avant tout d'une pro- porlion de consommation : quel que soit le poids initial de l'animal, il n'en résulle pas moins un pourcentage équiva- lent. C’est pourquoi, tous les auteurs qui se sont occupés de la question, quoique partant d’un rendement moyen différent des animaux, tombent d'accord sur le déficit de viande que nous allons essayer d'établir. En lemps normal, la France consommaut : Énavianden de NDOMINnS PME MERE 1.032.160.000 kilos. TERMOUIONS EEE ET 195.720 .000 22 — Te PORC EMEA MANS ENGEEEN EE 820.000.000 — 2.047.880.000 kilos. auxquels il faut ajouter l'excédent des importations sur les exporlalions, soit 21.021.500 kilos, conformément au tableau ci-après (1) M. Massé. Rapport du Ministère de l’Agriculture. INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EN FRANCE 103 Excédent des importations sur les exportations TÈTES DE BÉTAIL DIFFÉRENTE l'OS MOYEN DIFFÉRENCES ex KILOS ANIMAUX import. Export. avecsonsisne venviandenette Négatives Positives E tes À “ BŒRESN EAN 2 19.238 47.919 — 28.481 418 11.900.000 » Machesite rent. 2.766 25.146 — 20.380 368 7.500.000 » Laureaux °:..... SUGN UN GTLEE 6.409 290 1.858.000 » Bouvillons ..... 67 482 — 415 100 41.100 » Génisses ...... 494 1.667. — 1.163 100 116.000 » Meme pe 1.901 95.559 —! ‘ 83.658 50 4.180.000 » Moutons .:.... 969.775 11.062 + 958.713 18 » 17.250.000 Agneaux ....:. 815 34.318 — 33.503 12 402.000 » Porc rit x 217.974 29.802 + 183.172 90 » 16.950.000 ÉROGADAR RAR ART EMAUT, JEUR APR SRE 25.997.000 34.200.000 Excédent des importations sur les exportations ................. 8.203.000 Importations Exportations Différences Viandes fraiches ...... 8.872.800 3.277.600 5.595.200 » Viandes salées ...... 8.251.500 1.028.200 7.223.300 12.818.500 ACTE Are SRG AE PEN CA EST SRE NE PE TETE 21.021.500 71 soit environ 1 % de la consommation lotale. La population française dispose donc de 2.068.500 lonnes de viande pour 39.601.509 habitants, soit 52 k. 21 par lêle et par an. Sur cette quantité de viande, la population militaire qui com- prenait, depuis le rétablissement du service de trois ans, en- viron 700.000 hommes consommant chacun 350 grammes de viande par Jour, utilisait chaque jour 245 tonnes de viande, soit par an, 89.425 lonnes. Il restait donc pour la population civile un peu moins de 2 millions de tonnes de viande, repré- sentant une consommation movenne de 162 grammes par jour et par habitant, pouvant être évaluée à 200 grammes pour les hommes, 160 grammes pour les femmes, Iles enfants en bas âge ne rentrant pas dans la moyenne des consomma- lions de cette denrée. L'étude de la répartition du bétail dans les divers dépar- tements (1) nous permet de constater que les départements actuellement envahis, qui possédaient avant la guerre du 11) J.-E. Lucas. Loc. cit. 404 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE bétail en quantité importante, étaient quand même importa- teurs de viande. Ils recoivent, en temps normal, pour compléter la pro- duction locale de viande, 110.000 tonnes de viande fournies par 163.000 bovins, 128.006 ovins, 288.000 porcins, environ. Ces départements francais envahis, ont une population ee très dense qui s'élève en temps normal à 3.653.000 habitants et la production locale reste insuffisante. Cette étude nous permet, en outre, de constater que cer- tains départements disposent également d'un tonnage con- sidérable de viande à exporter. C'est à eux qu'un système de réquisition rationnellement établi aurait dù avant tout s'adresser pour laisser aux départements ordinairement importateurs la viande aui leur était nécessaire. Le tableau de comparaison que nous annexons ci-après, montre que non seulement il n'en a pas été ainsi, mais qu'au contraire certains départements ordinairement exportateurs ont été particulièrement épargnés puisqu'ils ont vu leur! cheptel augmenter légèrement pendant les premiers mois de guerre. Tableau de comparaison DÉFICIT EXCÉDENT constaté par constaté par les nouvelles les nouvelles EMPRISE DÉPARTEMENTS EN TEMPS NORMAL statistiques statistiques faite par #& du Ministère du Ministère le Ministère Exportation Importation delAgriculture de i'Agricultare ce la Guerre bovins bovins bovins bovins bovins PARENT ere 26.160 » 48.240 » 15.300 TRS TA » 7.458 140.837 » (Envahi) NAHET RS 28 34.407 » 29.850 » 97.600 Alpes (Basses-. » 7.065 490 » 100 Aïpes (Hautes- » 3.384 » 4.650 600 Alpes-Maritimes » 23.917 8.880 » 600 Ardeche tre » 7.686 10.410 ). 11.100 Ardennes 2% » 627 (Envahi » (Envahi) ATIESE UE Ne 7.818 » 11.870 » 4.800 - ee * Aube Are » 918 32.850 » 6.000 ALES ER » 15.819 12.470 » 5.600 + INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EN FRANCE DÉPARTEMENTS Aveyron _B.-du-Rhône.... Calvados (C'OÉRA SE eUAT Corse es …... Côtes-du-Nord.. Creuse Doubs ure “ Eure-et-Loir Finistère Gard ss GENS a EU Hérault. ..... A Ille-et-Vilaine . IRAN se. PRAARES SERA Isère: Jura ss... Loire Loire (Haute-).. Loire-Inférieure Lot-et-Garonne. Lozère Maine-et-Loire. Manche - Marne EN TEMPS NORMAL bovins 11.510 15.606 (JE) AS) = it 1 da [æ) —} Qt ane & »)) 9.606 Exportation Importation bovins 56.714 39.667 204 17.781 8.597 DÉFICIT constaté par les nouvelles statistiques du Ministère de l'Agriculture bovins 99.400 1.280 CO co 20 1 10 nn — = CO S 1 19.906 23.420 12.470 14.200 6.583 h) 699 51-790 270 56.360 )) " 1.500 45.320 30,450 D.900 2.880 2.521 0.500 3.950 )) 4.760 22.280 Î 2 2 5 ) 65.390 EXCÉDENT constaté par les nouvelles statistiques du Ministère de l'Agriculture bovins 19.380 105: EMPRISE faite par le Ministère de la Guerre bovins 9.400 )) 18.600 9.400 12.200 15.700 14.900 8.700 )) 22.100 11.700 29.400: 12.350 29.250: 6.700 16.800 22.900 18.900 » 14.300 11.600 16.500 » 19.800 16.100 11.100 0.600 1.200 7.800 5.900 7.800 15.500 32.700 13.000 5.600 13.200 2.600 24.700 20.200 1.900 106 DÉPARTEMENTS Marne (Haute-). Mayenne" Meurthe-et-Mos. Nord Oise Orne Pas-de-Calais Puy-de-Dôme... Pyrén. (Basses-) Pvyrén. (Hautes- Pyrén.-Orient..…. Rhin (Ht-) (Belf:) ÉCOLE PPT EE Sadne (Haute-). Saône-et-Loire. Sarthe DAME EM ee Savoie (Haute-) DODGE URL EAU Seine-Inférieure Seine-et-Marne. Seine-et-Oise Sèvres (Deux-). SOIN CE Tarn NAN EE CAES Vendée Vienne Vienne (Haute-) Vosges Yonne Totaux EN TEMPS NORMAL Exportation Importation DÉFICIT constaté par les nouvelles statisliques du Ministère de l'Acriculture ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE EXCÉDENT constaté par les nouvelles statistiques du Ministère de PAgriculture EMPRISE faite par le Ministere de Ja Guerre bovins bovins bovins bovins bovins 4.827 » 10.382 » 1.900 41.220 ») 24.898 ) ») )) 25.623 82. 160 )) )) )) 1.068 11.402 » 29,200 31.470 )) 15.360 ») \ 18.200 25.383 » 24.700 » 15.400 ) 88.890 242.950 » Envahi) » 2.949 4.670 » 3.100 20.049 » 10-220 » 16.200 )) 91.668 14.180 ») )) 20.961 ») 24.400 ») 16.200 17.700 ») 220 5 10.150 8.029 ») 11.160 ») 20.000 ») 11.664 Doit) » 4.700 » 9.809 416 » ») » »3.001 » 7.060 4.300 14.970 ») 91.220 ») 1.900 28.884 » 6.970 ) 22.050 18.810 ) 11.890 )) 20.400 S.916 ») 2.640 ») 9.280 12.190 ) 51.070 ») 10.500 » 86.992 3.440 » » 186 » » 1.074 22.000 ) 776.655 90.740 » » ») 17.899 34.800 ») 6.400 59.028 » 129-770 nn) 29.000 63 ) 15.960 ») 1.500 D.099 » » 6.010 9.300 De ) 16.620 )) 6.300 » 21.192 1.220 ) )) » 17.858 11.059 » » 52.632 » 91.090 ») 26.900 9.060 )) ) 12.580 16.800 21.588 )) 1290 )) 27.400 » 1.949 32.990 )) IS.S00 6.237 ») 3.00 ») S.320 950.208 1.421.931 2:3363.102 95.691 » INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EN FRANCE 407 B. -— Quantité de viande nécessaire pendant la guerre. Pendant la durée de la guerre,la consommation française s'est trouvée tout à fait modifiée. Fr La consommation a fortement augmenté du fait de l'en- tretien des réfugiés venant des pays envahis. Les renseignements que nous avons pu nous procurer permettent d'évaluer à environ 30 % fFémigration qui à pu s opérer des départements envahis ainsi que de la Belgique. _ Les réfugiés sont, pour la France, au nombre de 1.100.000 et s'élèvent, pour la population belge, à environ 1.400.000. Il s’agit donc, de 2.500.000 consommaleurs de plus, qui, uhlisant 160 grammes de viande par tête et par jour, néces- sitent un apport quotidien de 405 tonnes de viande soit une consommation annuelle de 147.825 tonnes. Nous avons vu précédemment que nous importions en temps normal annuellement dans nos départements envahis 110.000 tonnes de viande. La consommation des réfugiés se chiffre donc par un déficit réel, atténué foutefois par l'ab- - _sence de l'importation dans les pays envahis. Lors de la discussion du projet de loi sur les importa- tions de bétail sur pied, nous avons étabh le bilan de la . consommation de la viande en nous basant sur les données suivantes La consommation du soldat dans la zone des armées était pendant l'hiver 1914 de : 500 grammes au front : 450 grammes dans la zone des élapes ; 100 grammes dans certains cantonnements des lignes de l'arrière. On peut évaluer en moyenne pour l'ensemble des troupes en campagne à 450 grammes la ration journalière de viande. La consommation du soldat de l'arrière est de 350 gram- mes ; re 13 J 108 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE La consommation du civil est de 200 grammes ; La consommation de la femme est de 160 grammes. Grâce à ces données, nous avons pu établir le bilan sui- vant (1) et fixer ainsi l'excédent de consommation en viande occasionné en France par la première année de guerre. Tableau du hilan de la consommation de la viande en France pendant la première année de guerre PASSIF ACTIF tonnes tonnes 1° Consommation des réfugiés français (1.100.000) et belges (1.400.000) à 162 grammes par tête : 2.500.000 x 162 — 405 tonnes /par#ionr,-sait ne Che rupture eee 147.825 » 2 Excédent de consommation par la troupe : a) sur le front : 2.100.000 x (456 — 200 gr.) = 2.100.000 x 250 — 525 tonnes par jour ; b) à l'arrière : 1.500.000 x (350 — 206 gr.) — 1.500.000 x 150 — 225 tonnes par jour, soit 750 tonnes par jour. 278.750 » 3° Diminution de rendement des animaux abattus a) à l'avant : Consommation totale : 2.100.000 x 450 gr. — 945 tonnes par jour, soit 344.925.000 kilos par an. Nombre d'animaux abattus : 344.925.000 kil : 260 kil. — 1.326.600 têtes (rendement 260 kilos). Déficit : 1.326.600 (390 kil. — 260 kil.) — 1.326.600 x 130 — 171.459.000 kilos, soit .... 171.459 tonnes. b) à l'arrière : Consommation totale : 1.500.000 x 350 gr. — 525 tonnes par jour, soit 191.625.000 kilos par an. Nombre d'animaux abattus : 191.625.000 kilos : 340 — 563.600 têtes (rendement : 340 kilos). Déficit : 563.600 x (390 kil. — 340 kil.) — 563.600 x 50 — 28.180.000 kilos, soit ....... 28.180 tonnes. 199.639 » 4° Absence d'importation des porcs (provenant principale- ment de Hollande) : Importation annuelle : 394.884 têtes, soit 36.770 tonnes. Exportation annuelle : 28.656 têtes, soit 1.944 tonnes. Soit un déficit de 36.770 — 1.944 = .................. 34.826 » [ea ® Réduction des importations des moutons algériens Importation annuelle normale, 800.000 têtes : soit pour dix mois, 670.000 têtes. Les importations en juin et juillet 1915 ont été normales. Du mois d'août 1914 à mai 1915 il n’a été importé que 131.000 motons, soit un déficit de 670.000 — 131.000 — 539.000 têtes. Déficit : 539.006 x 30 — 16.170.000 kilos, soit ................ 16.170 » 672,210 » (1) Voir Chambre des Députés. — Séance du 2 juillet 1915. . | | ‘ INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EN FRANCE 409 PASSIF ACTIF tonnes tonnes 672.210 » 6° Consommation par les armées belges et anglaises : 80.000 20908 kiose—,21:200:000 Kilos,” soit . 1, 4 ee En 31.200 » 7° Absence d'importation de viande par les départements en- vahis : Importation annuelle, 110.000 tonnes .................... » 110.000 8° Importation de viandes frigorifiées : 20.000 tonnes par mois depuis le 15 février 1915 inclusivement, soit...... » 110.000 9° Introduction de viandes frigorifiées avant le mois de Bec ren. LICE LEE OST ERP ER ERE CES ER Rte dr SELS » 40.000 10° Réduction des exportations françaises : exportations annuelles, 60.000 têtes, soit 32.400 tonnes ......,....... » 32.400 SO ALU CE RE Re 703.410 292.400 292.400 Déficit pour l’année 703.410 —— 292.400 — 411.010 .. 411.010 a Cette étude nous a permis de démontrer que si en temps normal la France suffit à peu près à ses besoins, car ses importations de viande n'excèdent que de 21.021 tonnes Île chiffre de ses exportations, soit 1 % de la consommation to- tale, le déficit résultant de l'état de guerre est porté à 411.000 tonnes par an. x * x Diminution du cheptel national pendant la guerre. Les 411.000 tonnes consommées en plus pendant la pre- nière année de guerre ont élé prises en grande partie sur notre troupeau national. Les services de ravitaillement, dans les premiers temps, n ont fait appel aux porcins el aux ovins que dans une très laible mesure. Ils se sont surtout adressés aux bovins et c'est sur ce bétail que le déficit s'est fait sentir d'une facon très sensible depuis le début de la guerre. Les 411.000 tonnes de viande qui ont été prélevées sur le bétail français, auraient contribué à la destruction de 1.200.000 têtes de bétail si le rendement des animaux avait été normal. En réalité, il a porté sur plus de 1.600.000 têtes : la réquisition et l'abalage inconsidéré des animaux ayant 410 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE réduit à 250 kilogrammes le rendement moyen en viande des animaux sacrifiés. Cette emprise pèse d'autant plus lourde- ment sur le cheptel que la disparition de nombreuses vaches laitières en France est'la cause de la pénurie de lait et d'une diminution sensible des naissances de veaux destinés à l'élevage. Telle est la résultante des réquisitions exagérées et mcon- sidérées qui ont été faites dans certaines contrées : telles sont les conséquences d'un plan général de réquisition mal conçu qui ne tenait compte ni de l'époque de l’année à laquelle la guerre commencerait, ni de l'état du bétail, mi des disponibilités de chaque département et prélevait uni- quement sur chaque effectif un nombre proportionnel de bétail sans tenir compte des ressources et des besoins. On a ainsi fait peser sur les départements ordinairement impor- lateurs une lourde charge, sans utiliser les très grandes ressources des départements exportateurs. * RE Possibilité de ravitailler la population civile par le troupeau nalional. La population civile étant diminuée du dixième de son ellecht et l'alimentation de la population des pays envahis, rélugiée en France, ‘étant en partie assurée par les excédents de bétail qui sont généralement envoyés dans les pays actuel- lement envahis, 11 apparaîl que la consommation normale de la France a dû être, pendant la guerre, d'environ 1.800.000 ‘ Lonnes, alors qu'elle est normalement d'environ 2 millions de tonnes. Pour la population civile, certains ont même estimé que, du fail des privations qui ont dû surgir dans beaucoup de familles par suite du départ des hommes à la guerre, il y a eu une dimimutbion sensible de Ja consommation de Ja viande : celle diminution a même élé évaluée à 100.000 tonnes envi- ron. La consommation de la population civile française INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EN FRANCE 411 aurait donc été, pendant la première année de guerre, d'en- viron 1.700.000 tonnes. Le troupeau francais qui a été réduit, comme nous venons de le voir, de 1.600.000 têtes environ, c'est-à-dire du dixième de Sa population, à perdu une partie équivalente de sa capa- cité productive. L'examen de ces chiffres nous amène à constater que le troupeau français à conservé toutefois une vitalité suffisante pour pouvoir subvenir pendant les nouveaux mois de guerre aux besoins de la population civile de la France, ne conser- vant, en dehors de cette fourniture, que très peu d'éléments pour satisfaire aux besoins de l’armée. Il apparaît donc que s'il était apporté à la population militaire la quantité de viande qui lui est nécessaire sans faire appel au cheptel français, le troupeau national serait suscep- üble de fournir les ressources nécessaires pour la population civile, et pour la réfection du bétail qui lui a déjà été en- levé. Pendant l'été 1915, les 2.800.000 rationnaires qui élaient dans la zone des armées et celle des étapes ont reçu, en moyenne, 400 grammes de viande par jour, la ration ayant été légèrement diminuée durant la saison chaude ; la con- sommation totale de viande pour l'ensemble de ses troupes s'est élevée à : 1.120 tonnes par Jour ; 393.600 — mois. Soit 408.800 tonnes pour l'année. Les 411.000 tonnes de déficit constatées pour l'année qui vient de s'écouler sont donc la représentation à peu près exacte de la consommation de l'armée. Il semble indispensable que la France recherche dans les pays étrangers les 411.000 tonnes de viande qui sont, au minimum, nécessaires pour l'alimentation de l'armée. Si 412 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE elle peut, à la rigueur, pendant quelques temps encore, dis- traire sur son propre bétail environ le dixième de ces exi- gences, c'est encore 370.000 [onnes quelle doit se procurer à l'étranger. Le Gouvernement français a obtenu de son alliée l'Angle- terre l'apport en France de 240.000 tonnes de viande par an à raison de 20.000 tonnes par mois, pendant la durée des hostilités. Il reste donc à trouver 130.000 tonnes de viande représentant 390.000 têtes de bétail qu'il est impossible de demander au troupeau français et qui doivent provenir soit de nos colonies, soit de pays étrangers. Vérificalion des calculs précédents. Nous avons vu récemment que pour la première année, le déficit de viande, malgré les introductions, s'était élevé à 411.000 tonnes ce qui représente, à raison de 330 kilos par- tête de bétail, 1.200.000 têtes et à 250 kilos par tête, 1.600.000 têtes de bétail. Pendant la guerre, nous avons vu que le rendement des animaux avait été considérablement diminué. Nous avons signalé dans un précédent rapport, qu'il s'était abaissé au- dessous de 250 kilos de viande par suite de l’état incomplet d'engraissement dans lequel il se trouvait et en raison de l'âge trop jeune auquel certains animaux ont été réquisition- nés. Ce n'est donc plus trois bêtes qu'il faut compter par tonne mais au moins quatre bêtes et c'est certainement un supplé- ment de 1.600.000 têtes de bétail qui ont été nécessaires pour l'alimentation de la France en viande au cours de l’année qui vient de s'écouler. Ces chiffres sont d’ailleurs largement corroborés et même dépassés par la récente statistique publiée par le Ministère de l'Agriculture et que nous annexons à ce travail. don, 2 ein ‘he fn : sl dirt" Sachs “cite INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EV FRANCE Al: Statistique des existences des animaux des espèces bovine et ovine au 1° juillet 1915 ESPÈCES DÉPARTEMENTS RE RE Na: € TER Ain Ed eu on SU 200.000 28.090 ÉSISNE + CRM 18.303 86.000 RS PR 280.500 101.800 IE SMANRASSESE) SSL D ».600 283.000 PRES ANTESS) ML 20 oo 28.500 140.000 Aipes-Maritimest ..:........... ... 11.200 70.862 DAME SET de LE. 75.000 160.000 RENNES OR Re ») » LATSNES LT SR ER 94.800 256.900 HAUTE RASE ESS NRA 51.000 140.000 AITES ERSRSRRO RS RES l 23.310 244.710 RTE NN SNS PR ET 155.000 029.60 DOUCReS-Au-Rhône 2... 1. 15.550 418.000 LAURE RER 280.000 39.000 Re nn à 225 .500 225.000 RE : PSS ARR PSE RER 140,000 180.000 Charente-Inférieure ....:...-.. .. {78.000 147.000 CERTA. | ARR A TUE. ce 125.000 270.000 CITE SE LISTER ER RES 167.600 342.700 TRE NS PR RE 45.000 240.000 RO Eee ms ei 150.647 203.507 POSE NORÉE SL is. 2. 330.984 o8.460 CURE CEE ORNE 222.000 271.000 3 DCE ER SRE 171.650 296.000 GO SR ER et Lun AR 120.000 27.000 ici: VERRE À 42.057 295.320 Pure ser D en da rte 182.000 200.000 PRES CLS ROR S es Deit u 100.491 477.265 MIN ÉUORSNE ANR PER RE 360.000 25.000 DERRUER TE TRE 8.900 300.000 marotnep(Eante St... 220.1: 123.400 184.400 HER ST RER EE 203.500 52.000 Gironde ......... A Ada NE à 131.880 132.400 RER mm D ei ua 7.000 240.000 Me Va imer 2: 727 7ù 0 942.900 19.500 nl «D 120.000 995.000 DM CO ed. ec. di ue 112.200 105.000 RE EAN, CU me 188.000 131.000 LITRES ET D RP 149.359 15.840 DÉRRES ARE RANERRARn n 93.000 300.000 LETTRES SAP SRE PRE TES 93.000 182.000 RUE RM RSR RER EE 171.000 61.09) BoremiHaute-) SRE TL Lire 180.000 250.000 EDITÉ LTÉE TIOURE CRE ee ue cv 308.000 44.000 DÉPARTEMENTS Loiret Lot Lot-et-Garonne Lozère Maine-et-Loire Manche Marne Marne (Haute-) \Nayenne Meurthe-et-Moselle Meuse Morbihan Nièvre Puy-de-Dôme Pyrénées (Hautes-) Pyrénées-Orientales Rhin (Haut-) (Belfort) Saône-et-Loire Sarthe Savoie J S GTA ner RS AE EVA Ten ANS Selne-INÉTIEUTE RAR EP Selue-£t-Marner A MERE Sel OISe op Er EEE ET MAVHES (DEUX) ARE RNRe DONNE LCR D D ÉGN 6 0 RAR RO ARS NE ARE SES Farn-et-Garonne: 2. 4420 0N 000 0e NUE EC RECU 2 € EDR LS MATCNMISES ER LE LS RP ANNE ERP VEN dé EE IN Tee er RE Arr MEME. ARNASNE HN nn PR UES Nienne (Haute eRe ne MOSSES ER ee RME TEL OTMIC ES, res MOTORS CU te Totaux. PR elateïe she ls ieishe nNoletole ls ss late etc) sole te entorehe sig ælaalzheége ele esse ess) ete ee tac n'iolele hote pus rheleluls aie nie slots nrhlels eee ete ee atciale as /stelete se nn PVTÉNBESTUIEASS ES) RP MANS LEA N A ENS REA TE ANSE TS SAOe, IUÉIQU LE") nes meer er CC eue lenotole org ep ln tple ne aies (one ele es © sHale te ele ele ptploe sa lelaleetsle so 1 ses DaVOLe AUMAUTÉ-)ARREenE eNes A4 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE ESPÈCES ET —— Bovine Ovine 112.203 208.889 76.060 233 .R20 195.930 100.217 93.900 265.000 186.514 47.000 324.000 151.000 99.000 97.800 0.928 85.09% 211.692 48.420 24.340 16.400" 29.308 90,946 944.200 o8.800 190.000 75.000 08.120 7.600 102.000 201.000 222 .300 49.500 168.000 112.000 296.600 180.000 230.000 909.000 102.000 180.000 14.700 150.000 14.414 1.165 94.000 40.000 133.300 92.100 990.000 126.000 230.000 41.250 130.000 90.000 108.000 12.000 9.500 1.100 389.254 92,548 65.000 300.000 40.000 150.000 271.000 90.000 114.830 134.410 151.100 389.200 74.300 91.050 9.000 150.000 2.609 109.296 310.000 100.000 76.800 273.500 241.000 390.000 105.000 28.500 137.410 261.920 12.286.819 13.483.189 INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EN FRANCE 415 Au 1* Juillet 1915, il n'existait plus en France que 12.286.849 têtes de bétail, alors que la statistique de 1911 en comportait 14.532.000. C'est donc un déficit réel de 2.200.000 têtes, dont 700.000 té- tes sont restées dans les pays envahis, et 1.500.000 têtes manquant au troupeau des autres départements à la date du 1% Juillet 1915, ce qui prouve une fois de plus que les chiffres que nous avons précédemment énoncés sont confor- mes à la vérité. * x Voici d'autre part à titre d'indication les chiffres qui nous ont été fournis par le Ministère de la Guerre concernant les prélèvements opérés par ses services dans les divers départe- ments à la date du 1% juillet 1915. Les achats pour l'alimentation des troupes de l'arrière ne figurent pas dans cette statistique, pas plus que les achats effectués pour la fabrication de conserves de viande. Cette statistique ne saurait être considérée comme rigou- reusement exacte : elle ne donne pas le chiffre total vrai de l'emprise fait par les services de la Guerre sur le troupeau national. TABLEAU 416 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Nombre de têtes de bétail bovin prélevé dans chaque dépar- tement soit par voie de réquisition, soit par voie d'achats directs ou par commissionnaires, depuis le début de la guerre jusqu'au 1° juillet 19156. NOMBRE TOTAL RÉGIONS DÉPARTEMENTS Ë de têtes OBSERVATIONS ne AA DR Er A ELET 15.300 TE AMSTB RE Re » Département envahi. 13° ATTEL rn enns 31.600 15° Alpes (Basses-)... 100 14e Alpes (Hautes-)... 600 15° Alpes-Maritimes … 600 15e Ardéciie rer 11.100 6e Ardennes et » Département envahi. 17e AMC TÉ TERRES ES %.800 20 ATEN 6.000 N 16e AU AE PRET ERA 5.600 16° AVENLONMEE Ne 9.400 5 Bouches-du-Rhône » 3° Calvados mere 18.600 13 Cantal eee 9.400 12e Charente . ........ 12.200 18e Char..-Inférieure.. 13.700 8° Cher nn 14.900 12e COFTOZE ER NES 8.700 15e Corse te sr » 8e Côte LOT AUX 22.700 10e Côtes-du-Nord ... 11.700 128 Creuse 29.400 12e Dordogne mr 12.350 7e DOUDSF RER AE 29.250 14e DTOME ee 6.700 à 3e EUTE-RSSRATTARLE 16.800 à qe Eure-et-Loir ....- 2.900 11e FANISTÈREMRREEREE 18.900 15° Garde Er Rene. » 16e Garonne (Haute-). 14.300 ln Gers Re e 11.600 18e Gironde ee 16.500 16° Hérault » 10e Ille-et-Vilaine .... 19.800 9e INATERS SESSIRRC EE 16.100 Je Indre-et-Loire .... 11.100 149 LÉO EE Me .. 5.600 7e Jura en NE - 24.200 {Re Éandesis entr 7.800 5° Loir-et-Cher ».900 13 Loire ressens rt 7.800 PORT 7e + INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EN FRANCE A17 NOMBRE TOTAL RÉGIONS DÉPARTEMENTS de têtes OBSERVATIONS 13° Loire (Haute-).... 15.900 11° Loire-Inférieure .. 32.700 5° UNE Ein suce 13.000 dre 15) ER Te 5.600 L'7kl Lot-et-Garonne .. 13.200 16° RUMÉPES 0. 0.600 ge Maine-et-Loire ... 24.700 10e Manches... 20.200 6e ETC NES 1.900 20° Marne (Haute-)... 1.900 4° Mavenness:...:. 33.400 20° Meurthe-et-Mos... 6.700 6e MEUSES 2-30. 0 D 29.200 {1e Morbihan sen 18.200 8° NICYPe Léon 15.400 | qe NOTE: mea sa » Département envahi. 2e ON ES PS ART TRR 3.100 4e (OT Ed fe 16.200 13° Puy-de-Dôme ..'. 16.200 18° Pyrénées (Basses-) 10.150 18e Pyrénées (Hautes-) 20.000 16° Pyrénées-Orient..…. 4.700 T'AS Rhin (Ht-) [Belfort] » 14e Rhône: 2000. 4.300 *e Saône (Haute-)... 1.900 | 8e Saône-et-Loire ... 22.050 4 4e ÈLE FEU D SAN te 20.400 14° NOEL: one 9.280 14 Savoie (Haute-)... 10.500 j Paris ÉOMIP nr ecmeee à » + 3e Seine-Inférieure .. 22.000 : 52 Seine-et-Marne ... 4.200 Paris. Seine-et-Oise ,.... 6.400 1 dE Sèvres (Deux-)... 29.000 . 2e STONE APM 1.500 16° THEIR SRE 9.300 17e Tarn-et-Garonne. 6.300 15° NET RTS LR » 15° MNAUCIUSES Luc » fe Vendée”... 249... 26.500 ge MIeNTE 3. se 16.800 12° Vienne (Haute-).. 27.400 21° Vosges. =.:..;.. 18.800 5 N'ONNE LES Luce 8.320 Potal ; 1.011.500 A 118 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Il s’agit, comme on le verra dans ce tableau, de plus d'un million de têtes de bétail. Le déficit sur notre cheptel français est donc un fait réel auquel il faut prêter la plus grande attention si l'on veut éviter, par la suite, la perte plus consi- dérable et irréparable que pourrait entraîner une telle situa- tion. L'examen des statistiques publiées par le Ministère de l'Agriculture dans le Journal Officiel le 21 juillet 1915, nous permet de constater que l'emprise n'a pas eu seulement lieu sur les animaux d'âge, mais également sur les jeunes bêtes, puisque les élèves, qui étaient au nombre de 2.840.000, en 1911, se trouvent réduits au nombre de 2.581.870, en 1915, ce qui constitue, rien que pour les élèves, le déficit de 260.000 têtes, soit 10 %. Ce déficit provient des vols commis par les Allemands et de la réquisition inconsidérée de jeu- nes animaux. C'est Ià la preuve flagrante de l'incapacité des Commis- sions de réquisition qui ont fait porter celles-ci aussi bien sur le bétail jeune que sur le bétail âgé, sans se rendre compte qu'en moyenne une génisse de trois ans est encore appelée à donner six veaux dans son existence, alors qu'une vache de huit ans n'est plus susceplble de donner qu'un veau. C'est la preuve du bien-fondé des plaintes dont nous nous sommes fait l'écho à la tribune, en signalant les cas nom- breux d'envois à la boucherie de vaches pleines et de bétail Jeune, d'animaux de travail ainsi que d'animaux trop mai- gres, d'un mauvais rendement et inutilisables sans engrais- sement préalable. Cette étude nous permet de voir également que l'emprise a été faite aussi bien sur les bœufs que sur les vaches et que le troupeau de vaches étant tombé de 7.600.000 bêtes, en 1910, à 6.346.000, en 1915, la capacité productive de notre cheptel s est considérablement amoindrie. Il est, paf conséquent, ab- solument nécessaire d'apporter des remèdes à cette situation. Il en est de même pour les ovins et pour les porcins. Le INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EN FRANCE 119 troupeau de moutons est, en effet, passé de 16.467.700 à 13.483.189 au 1° juillet 1915. C'est une diminution de 3 mil- _lions de têtes qui attemt ainsi presque le quart du troupeau national et qui continue à augmenter la dépécoration de la France. Le troupeau de pores est également diminué, puisqu'il est passé, de 7.200.000 à 5.500.000. L'ensemble de cette diminution porte aussi bien sur les animaux d'âge que sur les jeunes : en particulier, les agneaux et agnelles de moins d'un an sont descendus de 4.250.000 à 3.637.000 et c'est là un signe de l'atteinte très sensible qui à été portée à notre troupeau national par la guerre que nous devons subir en ce moment. Dans le discours si remarquable, si documenté, dont tous les passages seraient à citer, que l'honorable M. Develle a prononcé au Sénat le 29 juillet dernier, l'éminent sénateur rappelait : « Comme il est malheureusement certain qu'il ne sera pas possible de limiter les prélèvements opérés sur le bétail avant l'année prochaine, peut-être avant le mois de février, c'est entre 3 et 4 millions de têtes qu'il faudra fixer le chiffre des pertes subies par notre troupeau national. « … Le chiffre de nos effectifs bovins ne sera guère supé- rieur à ce qu'il était en 1830. c'est-à-dire à l'époque où la France comptait moins de 35 millions d'habitants, alors que la consommation de la viande était presque nulle dans nos campagnes. « Je n'exagère rien en disant que jamais la silualion ne fut plus grave, car les effectifs bovins devront SeTviIl non seU- lement à l’'approvisionnement du marché d'une nalion de 39 millions d'habitants, mais, nous en avons la ferme espé- rance, à l'alimentation de la Belgique délivrée et de l'Alsace reconquise. » Et dans la séance du 30 juillet, M. le Ministre de l'Agricul- ture reconnaissait combien la.situation normale sera difficile à rétablir, en raison de la lenteur de l'effort. I} citait le chiffre 420 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE de 13.100.000 bovins, montant de notre effectif de 1885, comparativement à celui de 14.800.800 en décembre 1913 et montrait qu'il avait fallu près de trente ans pour gagner les 1.700.000 têtes ue nous venions de perdre en quelques mois, tout en avouant que les statistiques établies par son Ministère étaient trop optimistes, puisqu'il déclarait que le déficit réel s'élevait à plus de 2.500.000 têtes. < C. — Besoins de la France en viande après la querre. Nous croyons nécessaire d'attirer également l'attention sur les besoins de la France en viande après la guerre. Il faudra tout d'abord reconstituer les 700.000 têtes de bé- tail qui sont restées dans les pays actuellement envahis. Il faudra aider au repeuplement de la Belgique qui avait plus de 2.000.000 de têtes de bétail et il faudra en outre, satis- faire aux besoins de la population civile après la guerre. Faut-il penser que l'alimentation de la population civile reprendra après la guerre le cours normal qu'elle avait aupa- ravant ? Nous ne le croyons pas. En effet, les soldats qui auront été habitués à consommer une movenne de 400 grammes de viande pendant deux ans. ne pourront se déshabituer d'une facon absolue, après la guerre, de cette consommation ; ils se trouveront amenés à consommer dans leur foyer une quantité de viande plus con- sidérable qu'ils ne-le faisaient auparavant. Il s’ensuivra, dans la population civile, une augmentation sensible de la consommation de la viande, puisque déjà le dixième de la population, c'est-à-dire les soldats rentrés dans leurs foyers, consommera une quantité de viande beaucoup plus grande qu'auparavant. Si on évalue à 100 grammes par homme cette augmentation, c'est à 40 tonnes par jour et à 120.000 tonnes par an qu'il faut la fixer. Cette consommation plus considérable sera malheureuse- : Ÿ INFLUENCE DE LA GUERRE SUR LE BÉTAIL EN FRANCE 424 ment un peu alténuée par les perles en hommes que nous aura Occasionnées celle terrible guerre. Malgré la diminution de notre population, malgré la dimi- nution de notre cheptel national et malgré la hausse sur les - cours qui résullera de la diminution du cheptel et de l’aug- mentation de la consommation, il faut prévoir, au minimum, le retour au chiffre de la consommation totale d'avant la guerre. Il faut donc prendre les mesures nécessaires pour que notre cheptel ne s’affaiblisse pas davantage et qu'après la guerre la population française puisse trouver les quantités de viandes qui lui seront nécessaires. Et s’il est besoin pendant un certain temps, après la guerre, de faire appel comme complément, à de la viande frigorifiée, il est certain que tous nos braves combattants par qui elle à été fort bien accueillie sur le front, que ce soit du bœuf ou du mouton, seront d'excellents propagandistes prêts à réfu- ter les arguments de ceux qui auraient intérêt à en détourner la population civile et les nombreux « cuistos » rentrés dans leurs foyers montreront volontiers à nos ménagères les meilleurs modes d'emploi ! (1) (4) Extrait du Rapport fait au nom de la Commission de l'Agriculture, sur le projet de loi autorisant l'Acquisition de Viandes Frigorifiees. APPROVISIONNEMENT DE PARIS EN LAIT AVANT:ET PENDANT LA GUERRE(G Par J.-E. LUCAS INGÉNIEUR AGRONOME CORRESPONDANT DE L’ACADÉMIE D'AGRICULTURE DIRECTEUR DES FERMES AGRONOMIQUES DE GOURNAY-SUR-MARNE (S.-ET-O.) Quelques années avant la guerre, dans le courant d'octobre 1911, lors de la forte épizootie de fièvre aphteuse, une crise du lait s'était subitement fait sentir à Paris. Les Sociétés d'Agriculture et de Puériculture s'en émurent et cherchèrent à en connaître les causes. La section agricole du Musée Social voulut bien me conlier l'étude de cette question qui fit également l'objet d'une com- munication à l’Académie d'Agriculture. Des dispositions furent prises pour remédier en partie à cette crise : dans ces dernières années, les arrivages reprirent à nouveau leur allure normale. La guerre vient de créer une situation analogue à celle d'octobre 1911; la crise du lait se présente avec une acuité encore plus grande qu'à cette époque. Il nous a semblé inté- ressant d'en étudier les causes et de réunir tous les renseigne- ments concernant l'influence de la guerre sur la production, le transport, les frais de ramassage et de distribution du lait destiné à l'alimentation de Paris. Ce travail n’a pu être exécuté qu'avec l’aide précieuse du Service sanitaire de la Préfecture de la Seine, des Compa- onies de chemins de fer, des Sociétés laitières et du Syndicat (1) Communication faite à l’Académie d'Agriculture, le 22 décembre 1915. nn tél à dns tt Génbt APPROVISIONNEMENT DE PARIS EN LAIT 423 des nourrisseurs que je liens à remercier de leur précieux concours. Pour les années qui ont précédé la guerre, nous avons emprunté au rapport présenté par M. Marrer, sur les opéra- lions du Service vétérinaire sanitaire, les chiffres qu'il y publie et nous nous sommes appuyés sur les travaux de M. Paul Vncey, publiés en 1896, sur ceux de M. Brocn, publiés en 1902 et sur l'étude que nous avions faite de la question en 1912. APPROVISIONNEMENT DE PARIS EN LAIT L'approvisionnement de Paris en lait est assuré d'une part, par les fermiers et nourrisseurs qui, installés aux portes de Paris, livrent leurs produits par leurs propres moyens el d'autre part, par les Sociétés laitières qui empruntent les che- mins de fer pour drainer dans un plus grand rayon le lait complémentaire nécessaire à lalimertation parisienne. LAIT DES FERMIERS ET NOURRISSEURS Le lait des fermiers et nourrisseurs est produit par les vaches vivant dans Paris, dans le département de la Seine el dans les communes limitrophes des départements voisins. Le Service de statistique municipale donne, chaque année, le nombre de nourrisseurs et de vaches existant dans la Seine. Pour établir les quantités de lait produites sur place, nous utiliserons ces chiffres et nous y ajouterons ceux du nombre de vaches vivant en Seine-et-Oise, dont le lait est vendu dans le département de la Seine. En Seine-et-Oise, parmi les 50.900 vaches qui existaient en 1913, 5.000 environ vivaient dans les étables proches de Paris el fournissaient à la capitale une partie du lait qui lui était destiné. En général, les bêtes des nourrisseurs, lréquemment renouvelées, produisent une moyenne de 10 litres de lait par tête el par jour. Il existait en 1913 15.220 vaches. 14 Â24 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE NOMBRE DE VACHES CONTRIBUANT A L'ALIMENTATION DIRECTE DE PARIS, EN LAIT Nombre moyen Année 1915 Nourrisseurs de vaches Nombre total par vacherie Paris se ene ie 98 14 à 15 1.400 BaAnEUE NEA ATARIMNMUEE 523 1@ #17 8.820 Dee et OISE Re ne » » 5.000 15.220 Ces 15.220 vaches produisaient, avant la guerre, ume moyenne de 152.000 litres de lait par jour, soit 55.480 tonnes par an représentant les 15,07 % de dla vente totale du lait à Paris et en banlieue. LAIT DE CAMPAGNE 1° OQuantilé totale transportée. — La production locale est complétée par l'apport sur Paris de quantités considérables de lait récolté par les Sociétés laitières dans Îles campagnes. Il est arrivé à Paris. en 1913, 325.873.500 litres de lait, soit une moyenne journalière de 892.800 litres. 2° Varialions mensuelles. — Le lait arrive en quantités plus ou moins grandes suivant les saisons et les besoins de la consommation. La différence d'écart atteint 250.000 litres par jour, passant par un maximum au printemps et diminuant dans des proportions assez fortes pendant les mois d'été où la vente est moins importante. Pendant cetle dermère période, la production est cepen- dant forte puisque les vaches trouvent dans les herbages une nourriture abondante qui favorise la secrétion du lait. Il en résulte que pendant. la période estivale, les Sociétés lulières, qui achètent toute la production de nos cultivateurs, Lansforment une partie du lait en beurre et en fromage. L'apport plus ou moins grand du lait à Paris a une répercus- sion sur la produeclion même du beurre et du fromage, et, par conséquent, sur le cours de ces denrées. > Provenance et qualité. — Le laït récolté avant la guerre rar APPROVISIONNEMENT DE PARIS EN LAIT 12 dans 270 centres de ramassage provenait avant tout de l'Ouest, du Sud-Ouest et du Nord et, pour des quantités plus faibles, de l'Est et du Sud-Est. L'ensemble de cette production est de 325.873.500 litres soit 892.800 litres par jour. APPORT MENSUEL DU LAIT EN 1913 (EN QUINTAUX) (1) 1913 État Orléans P.-L.-M. Est Nord Totaux Sn . 95.856 45.080 44.088 35.146 51.290 271.460 Février nd. 91.608 42.648 40.984 32.301 50.650 258.191 j VS DL PNA CR 92.216 47.152 43.392 36.832 56.740 283.332 : AR FTÉ PM SAINS 102.328 47.728 44.472 34.442 56.230 285.200 1 RO LANTESSEES 112.016 52.056 44.624 37.105 63.310 309.111 RP LL... 105.136 49.488 42.688 34.282 57.680 289.274 ET Me à. U 91.800 44.764 41.296 31.523 55.060 264.143 VASTE STE REERER 75.072 40.192 35.928 28.257 51.210 230.659 Septembre ....... 81.024 40.192 39.056 28.894 46.710 235.876 Octobre ......... 91.136 45.288 46.336 33.933 51.890 268.583 Novembre ...... 102.336 44.264 42.000 33.264 51.050 272.914 Décembre ...... 107.528 47.400 47.624 35.700 51.740 289.992 1.155.056 545.952 512.488 401.679 643.560 3.258.735 Pourcentage ..... 33 % io 116 GA 1S)aG 21% COURBE 2843 A 271 . jt 268 12 " — © D] L € Fe $ Y La è y î n $ à $ $ S S Ê £ È Û S è SN 5 & a Ÿ à (1) Au cours de cette note afin d’uniformiser les renseignements fournis par les Compagnies de chemin de fer, nous avons converti les hectolitres en quintaux. Afin de simplifier les calculs nous avons adopté comme densité du lait 1.000 au lieu de 1.035. Decemmtlre 243 126 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Le classement de l'apport du lait, par régions distantes de Paris de 50 en 50 kilometres, permet, en grande partie, de mieux se rendre compte de sa provenance. RÉPARTITION DES ENVOIS DE LAIT SUIVANT LES RÉGIONS (EN OUINTAUX) ro Etal Orléans P.-L.-M. Est Nord Totaux rs OA EDR 75.328 35.600 33.416 12.570 45.100 202.014 6.2 50 à 100 .. 642.840 303.816 285.208 292.450 281.000 1.805.814 55,5 100 150 311.360 147.168 138.144 66.410 120.350 785.432 24 » 150% 200" 60.256 24.480 26.736 19.222 197.110 331.804 10,2 PDO 25 DES: 40.168 19.464 18.264 7.039 » 84-835 02:06 250 à 300 .. 15.064 7.120 6.680 3.988 » 3228520010 0 800 à 350 6.024 2.884 2.240 » » 10.648 0,3 350 à 400 .. 4.016 1.920 1.800 » » SO 1.155.056 545.952 512.488 401.679 643.560 3.258.735 Pour plus de la moitié, le lait est envoyé d'une distance comprise entre 50 et 100 kilomètres, des plateaux de Ia Brie, de la plaine de Montereau, des plaines du Loiret, du plateau de la Beauce et de Pontoise et des vastes plaines de l'Oise. Pour 6,2 % il provient d'une distance inférieure à 50 kilo- mètres et pour 38,3 % d'une distance plus grande comprise entre 100 et 400 kilomètres renfermant des centres importants créés depuis 1910 dans l'Aube, l'Yonne, la Sologne, l'Eure, l'Orne, la Seine-Inférieure, la Somme. Ce lait est d'ailleurs porté à Paris pour 33 % par le réseau de l'Ouest-Etat, pour 17 % par l'Orléans, pour 16 % par la ligne de Lyon, pour 13 % par l'Est et pour 21 % par le Nord. Dans les années qui avaient précédé la guerre, pour remé- dier à la crise de 1911, de nouveaux centres de ramassage avaient été fondés en Eure-et-Loir, Indre-et-Loire, dans le Calvados, llle-el-Vilaine, le Pas-de-Calais et les Ardennes. 4° Qualité. — Le lait apporté à Paris est de qualité diffé- rente suivant les contrées d'origine. Sauf quelques exceptions, on classe généralement les laits dans l’ordre suivant : la région de l'Oise produit les laits les moins riches: la plupart des animaux de cette région- vivent en stabulation permanente et v sont nourris avec les déchets APPROVISIONNEMENT DE PARIS EN LAIT (by de nombreuses distilleries de la région : la Somme et le Vexin d'une part, la Sarthe de l'autre envoient des laits un peu plus riches. Mantes, Pontoise, le Loir-et-Cher et tout le nord de la Brie lournissent des laits moyens légérement devancés par ceux de l'Aube, de la Marne, de l'Yonne et du sud de Seine-et-Oise. Le sud de la Brie, le Gâtinais et le Loiret expédient des laits riches, laissant à l'Eure, l'Eure-et-Loir et le Calvados le soin de fournir les laits bulyreux que peuvent produire leurs herbages de toute première qualité. QUANTITÉS TOTALES DE LAIT CONSOMMÉES AVANT LA GUERRE Les arrivages par chemin de fer étant de 892.800 litres de lait par jour, la production de lait des nourrisseurs de 152.000 Ntres, il était donc consommé à Paris 1.044.000 litres de lait par jour, soit par an 381.060.000 litres. 1° Quantilé de lail consommée par habitant. — Le dépar- tement de la Seine comprenant 4.154.052 habitants, la quan- Hilé de lait consommée par habilant était de 0251 par tête et par Jour. En appliquant ce chiffre à la population parisienne la consommation s'élablit- de la façon suivante PAPE. 2. 2.888.110 habitants 725.900 litres Banlieue ...... 1.265.932 = 319.000 En réalité, ces chiffres sont légèrement modifiés. À Paris, il y a beaucoup plus d'hôpitaux qu'en banlieue : à Paris vit la classe aisée qui consomme, en général, une plus grande quantité de lait que la classe ouvrière. D'après les indications qui ont pu nous être fournies, il ressort que la consommation parisienne doit être de 850.000 litres et celle de la banlieue de 194.900 litres. 2? Nombre de producteurs intéressés el nombre de vaches ulilisées. — Cette quantité de lait a été produite par environ 100.000 vaches occupant à peu près 10.000 vachers. En sup- posant le prix moyen de 0 fr. 17 le litre de lait en campagne * 428 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE et de 0 fr. 40 chez les nourrisseurs, la vente du lait constitue un revenu quotidien pour les producteurs de 212.570 francs, soit un revenu annuel de 77.588.000 francs. 3° Commerce du lait. — Le lait de nos campagnes est, en général, ramassé par les Sociétés laitières qui, passant matin et soir dans les fermes, prennent aux agriculteurs, tout le lait qu'ils produisent. Amené dans un dépôt de ramassage, ce lait après pasteurisation, est envoyé par chemin de fer en gare de Päris où des voitures lailières le prennent pour en faire la livraison. Deux Sociétés laitières vendent directement leurs produits. Ces Sociétés possédaient en 1912, 48 centres de ramassage et vendaient dans leurs 120 boutiques de Paris et dans leurs 220 boutiques de la banlieue, environ 230.000 litres de lait, SD le NE : Quelques crémiers s'étaient syndiqués en union pour aller chercher eux-mêmes le lait en campagne: ils possédaient quatre centres de ramassage et vendaient environ 20.000 litres deMaiteoitre 507 Quelques cultivateurs, au contraire, voulant se substituer aux Sociétés coopératives, s'étaient syndiqués pour apporter directement le lait, soit dans les boutiques leur appartenant, soit aux crémiers. Ces associations, au nombre de 50 environ, fournissent à Paris 60.000 litres de lait, soit les 6 % de la vente. Tous les autres crémiers de Paris, qui forment la grande majorilé, sont approvisionnés par les Sociétés laitières fusion- nées en un vaste syndicat possédant 170 centres de ramas- sage et distribuant plus de 550.000 litres de lait, soit les 55 % de la vente. 4° Nombre de personnes intéressées par le commerce du lait. — Comme nous venons de le voir, toutes ces Sociétés possèdent 270 dépôts en province, occupant une moyenne de 8 employés par dépôt et 35 dépôts de distribution, utili- APPROVISIONNEMENT DE PARIS EN LAIT 429 sant environ 19 personnes et livrent le lait dans Paris à 4.700 crémiers et à 220 dépôts de vente directe. Il s'agit donc là de 5.740 boutiques occupant de 2 à 3 per- sonnes. Nous résumons, dans un lableau, le nombre de personnes employées à la production du lait Nombre d'établis-\ de PETSONDES | je personnes sements par établissement au total Production en campagne .......... 98 » 10.000 INIQUITISSEUTS MP ATIS RE... eee dec 98 2 196 Nourrisseurs banlieue ............ 528 2 1.046 Centres de ramassage ............ 270 9 2,439 Centres de distribution .......... qi 19 779 OMÉDETSAPATIS re ART es 4,700 2à 8 11.750 Crémiers banlieue ................ 300 2 à S 750 Bbépotside-Paris :. 01... 0. Mu) 520 1 520 Dépôts de banlieue .............. 220 1 220 Il s'aoit donc d’une populalion d'environ 27.500 personnes ta) travaillant à l'alimentation de Paris en lait. VARIATIONS DE L'APPROVISIONNEMENT EN LAIT à VARIATIONS DANS LE TEMPS Le mouvement de l'apport du lait a fait l'objet d'études suc- cessives faites par M. Paul VincEx en 1896, par M. Brocn en 1902 et par moi-même en 1912. Ces varialions ont élé en grande parlie nécessitées par une augmentation toujours constante, dans le département de la Seine, de la population qui est passée de 3.340.000 habitants en 1896 à 4.154.042 en 1911, augmentant ainsi du 1/5, comme le montre le tableau ci-dessous : Annèes 896 1901 1911 una t CA ROSE TT PSE 2.536.834 2.714.068 2.888.810 Étedbe ddr OR ARE TEE 328.282 386.796 519.169 Sanson tes. Mas, 475,898 569.066 746.763 3.840.514 3.669.930 4.154.042 430 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Celte population s'est surtout fixée dans les communes suburbaines, nécessitant ainsi un apport de laut dans les quar- tiers éloignés et rendant plus difficile encore la distribution quotidienne de cette denrée. V'ARIATIONS DES QUANTITÉS . L'étude des variations des quantités de lait apportées nous a permis d'établir un tableau et un graphique montrant, d'une part, la diminution de la production du lait des nourris- seurs, el, d'autre part, le développement de l'apport du lait par chemin de fer dans ces dernières années. LAIT DES NOURRISSEURS Nourrisseurs Nombre total Nombre Nombre Années — de de de litres Paris Banlieue nourrisseurs vaches de lait 106 ER UNE 447 938 1.385 17.323 173.230 OO AT 354 909 * 1.263 12.400 164.000 J'OOGAMMMFENE 276 815 1.089 14.800 148.000 LATONCMEPNERRE 141 629 770 12.960 129.600 MONDE AE 111 558 669 » » ROLE AMENER 98 523 651 10.220 102.200 LONA ETENERT 95 513 608 9.300 93.000 OLA 60 589 448 7.514 75.140 Ce tableau montre l'importance de la diminution de la quantité de lait produite par les nourrisseurs avant et pendant la guerre : depuis 1896 cette production est descendue pro- gressivement de 173.230 à 75.140 litres de lait, rien que pour le département de la Seine. Les exigences du Service sanitaire qui obligent les nourris- seurs à placer leurs animaux dans les locaux suffisamment importants pour répondre aux exigences des règles d'hygiène. les difficultés de: se procurer à bon compte la nourriture nécessaire à ces animaux, provoquent chaque année la dimi- nution du nombre de représentants de cette corporation. Aux moindres arrêts des moyens de transport, comme nous avons dù en subir pendant la première période de la guerre, la Cr dus D ae ne ne APPIROVISIONNEMENT DE PARIS EN LAIT 131 crise du lait se trouve accentuée par la proportion de plus en plus infime de nourrisseurs. Les quelques communes de Seine-et-Oise qui, à proximité du département de la Seine, produisaient autrefois le lait livré directement aux communes suburbaines voisines, ont vu leur cheptel considérablement diminué par le fait de la guerre. Le nombre de vaches laitières en Seine-et-Oise est en effet passé de 59.900 en 1912 à 26.400 en 1915. La diminution des vaches laitières a donc été de près de 90 % dans le département de Seine-et-Oise. Ce fait peut être attribué à la réquisition considérable qui s'est produite dans les premiers mois de la guerre. Les chemins de fer étaient exclusivement réservés aux besoins de la mobilisation: le troupeau de précaution ramené sur Paris était uniquement constitué par le bétail réquisitionné dans les départements de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne et de quelques cantons de l'Oise. Ces réquisitions ont élé des plus sévères : au lieu de laisser les vaches dans les étables sous le coup d'une réquisition différée, les services de l’Intendance ont immédiatement dirigé ces bêtes sur Paris, où, faute de soins difficiles à organiser, elles ont perdu immédiatement leur lait. Ce troupeau de vaches étant diminué de moitié, on peut admettre que les 5.000 vaches qui, avant la guerre, contri- buaient à l'alimentation parisienne, ont été réduites à 2.500: l'apport du lait des nourrisseurs de Seine-et-Oise a été dimi- nué de moitié : de 50.000 litres à 25.000 litres. Le lait produit sur place, non transporté en chemin de fer, élait donc avant la guerre de 152.000 litres et, du fait même de la guerre, cette quantité a été immédiatement réduite à 100.000 litres par jour. Plus tard, les services de l'Intendance qui enregistraient chaque jour des vélages provenant d'un troupeau de bou- cherie mal réquisitionné ont comblé, en partie, ce déficil en produisant une moyenne de 30.000 litres de lait par jour. AG2 ANNALES DE EA SCIENCE AGRONOMIQUE LAIT DE CAMPAGNE à Les Compagnies de chemin de fer ont apporté dans ces dernières années des quantités de lait de plus en plus impor- tantes. OUANTITÉS DE LAFF APPORTÉES À PARis DE IS96 À 1915 (EN LITRES) Années Ouest-Etat Orléans Lyon Est Nord Total 1896. » » » » » 83.483.702 1901. 70.235.695 28.738.000 32.120.000 29.823.557 28.719.259 189.636.511 1906. 91.056.289 36.988.000 35.854.074 41.609.312 36.564.444 242.072.119 1910. 108.910.370 44.316.000 43.411.111 42.836.548 34.582.955 274.056 .984 1911. 98.073.330 47.092.800 48.714.500 40.803.000 47.752.000 282.435 .630 1912. , 98.447.440 50.861.600 52.048.800 39.219.000 57.426.000 294.002.800 1913. 115.505.600 54.596.200 51.248.800 40.167.900 64.356.000 325.873.500 1914. 108.043.200 49.572.000 46.777.600 31.812.400 45.707.000 281.912.200 1915. 109.286.500 48.328.800 43.575.200 25.587.000 25.956.500 252.734.000 APPORT MENSUEL DE LAIT EN 1914 (EN QUINTAUX) 1914 État Orléans P.-L;-M,; Est Nord Totaux Panviet eric 102.648 48.560 46.280 38.599 46.060 282.147 HÉVrIenS Eee er 95.512 43.896 42.016 34.989 46.990 205.405 MATE NT EEE CRT 2e 102.408 48.104 43.328 38.642 57.190 289.672 AE AE RE 104.640 48.696 46.472 36.507 53.260 289.575 NTNÉRASEE r enUAE 107.176 51.840 47.808 37.379 60.920 305,123 À HOUR AREA A EEE LS 101.688 49.296 45.920 35.704 56.460 289.068 Je ae 92.584 46.304 41,296 33.062 53.920 266.166 AO reel ent GA D21 NT GMT 3520018 TEEN 29 T0 162.629 Septembre ....... 67.176 26.208 29.976 6.355 7.270 137.095 OctobremMEEeEEer 78.648 31.504 30.856 12.246 14.290 162.544 Novembre ....... HT OLO MOT TAG IE COCO TTTRRElEE ED 173.583 Décembre ....... 91.112 39.616 34.784 17.285 . 15.320 198.117 1.080.438 495.720 467.776 318.124 457.070 2.819.122 APPORT MENSEEL DE LAIT EN 1915 (EN OUINTAUX) 1919 État Orléans P.-L.-M. Est Nord Totaux ANVICES ARE At 87.848 42,184 34,704 20.001 17.590 202.327 Février ER ene 88.016 39.512 35.880 19.441 17.560 200.409 Mars Per trie 97.952 42.704 44.352 22,064 20.810 227.882 ANT EME Rec ces 96.384 41,160 38.712 21,835 20.610 218.701 NAT PAT PS CES 102-9523 520041250025 00 PMMPE NTIC 258.401 AO Ve te ts NA ES LINE 93.168 39.960 36.696 24.134 25,140 219,098 Jollete me ERIC 90.192 59.296 35,560 22.341 23,090 230.619 AOC ANA RENE 78.416 35.072 32.192 21.186 20.690 187.556 Septembre ...... 75,976 32.776 31.336 20.943 : 17,290 178.321 Octobre er mePrE 85.712 32.320 35.272 20.058 16.480 189.842 Novembre .:.... 93.987 - 36.064 33.896 17.494 26.240 207.681 Décembre ....... 102-262. 38:1201- "36-024 21282.28 555 226.643 1.092.865 483.288 435.752 255.870 259.565 2.527.540 APPROVISIONNEMENT DE PARIS EN LAIT 133 CE tableau montre que l'approvisionnement de Paris en lait a peu augmenté en 1911 et 1912. La fièvre aphteuse s'est abattue sur le troupeau durant l'été 1911 et a contribué à diminuer la production du lait pendant les derniers mois de 1911 et les premiers mois de 1912. La crise du lait s'est pro- duite durant l'hiver 1911-1912. En dehors de celte période passagère, l'apport de lait sur Paris par voie ferrée n'a cessé d'augmenter. Les chiffres prouvent que cet accroissement a non seulement compensé la diminution de lait produite par les nourrisseurs (63.223.950 en 1896 à 33.040.000 en 1913, soil en moins 30.183.950), mais qu'il a considérablement dépassé ces chiffres (83.483.700 en 1896 à 325.873.500 en 1913, soit en plus 242.389.800). Pendant la guerre la diminution d'apport de lait a été consi- dérable : 1913 1914 1915 Différence Pourcen- en moins tage leva Le août |... 196.071 T. 198.515 153.743 44.772 22,5 % LM AUNAl déc. -. SU. - 129.820 T. 83.39% » 46.424 35,7 % Ioubteammoliidéc Pet... 129.820 T. » 98.991 30.829 23,7 % Lespremier semestre de la guerre, elle a attemt 35,7 sen elle a été, pendant les sept premiers mois de 1915, de 22,5 %, et durant les cinq derniers mois de 23,7 %. Au 1% novembre 1915, Fapport journalier par chemin de fer était de 612.000 litres, celui des nourrisseurs de 795.140. Paris recevait donc par jour 687.000 litres, au leu de 1.044.000 avant la guerre. ll est à remarquer que la diminulion est surtout sensible pour les Compagnies du Nord et de l'Est dont les expéditions en septembre 1914 furent réduites de 80 %. Le fait n'est pas surprenant, ces régions étant envahies par l'ennemi. | Au contraire, les départements de l'Ouest et du Sud ont envoyé une quantité de lait raisonnable. En octobre 1914, une partie de la population et surtout les enfants ayant quitté Paris, les demandes diminuent. On constate que durant la première année de guerre, malgré la 134 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE diminulion considérable d'apport, les approvisionnements en lait peuvent faire face aux besoins de la consommation pari- sienne. VARIATIONS SUIVANT LE LIEU DE PROVENANCE Avant la guerre, pour augmenter la quantité de lait exigée par l'alimentation de Paris, 1l avait été nécessaire de s’adres- ser successivement à des contrées de plus en plus éloignées. La comparaison des cartes dressées d’après les documents fournis par l'enquête de M. P. Vncey en 1896 et par celle que nous avons pu établir en 1912, montre l'extension consi- dérable du rayon d'action qui s'étend de plus en plus et se développe dans les herbages, au delà des vastes plaines qui entourent la capitale. Ce ne sont plus seulement, comme en 1896, les 11 départe- ments : Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Oise, Seine-[nfé- rieure, Eure, Eure-et-Loir, Loir-etCher, Loiret, Yonne, Marne, Aisne qui alimentent Paris, mais ce sont également les 12 départements suivants : Haute-Marne, Aube, Indre-et- Loire, Sarthe, Mavenne, Ille-et-Vilaine, Orne, Calvados, Somme, Pas-de-Calais, Nord et Ardennes. L'alimentation parisienne est donc assurée par la produc- ion en lait, non seulement des fermes où la vache vit la plu- part du temps à l’étable et v est considérée comme productrice de fumier, mais encore des premiers pays d'herbage, qui prélèerent vendre leur lait en nature. Les fermiers de ces contrées abandonnent l'industrie du beurre et du fromage pour fournir les Sociétés laitières installées dans leurs contrées. Ces centres de ravitaillement sont généralement moins avantageux pour les grandes Sociétés laitières. Avec la stabu- lation, en effet, il est toujours possible de réduire, en été, le nombre d'animaux du troupeau proportionnellement à la la diminution de la consommation parisienne. Dans les herbages, au contraire, la production du lait APPROVISIONNEMENT DE PARIS EN LAIT 139 augmente en été et oblige les Sociétés laitières à une trans formation du lait en beurre et en fromage. En outre, la crise de la main-d'œuvre s'est fait moins sentir dans les herbages où la vache laitière est en général unique- ment exploitée par le propriélaire lui-même et sa famille. Dans les grandes fermes, il devient impossible de se procurer de bons vachers: les fermiers abandonnent petit à petit la production du lait. Cette manière de voir est confirmée par l'examen des courbes des quantités de lait produites dans des séries de dépôts pris dans chacune des différentes contrées servant à l'alimentation de Paris; la production du lait dans les fermes a atteint son maximum en 1908, puis a diminué en 1909, plus rapidement encore en 1910, pour continuer ensuite une courbe légèrement décroissante. Les centres d'herbage, au contraire, n'ont cessé de voir leur production s'accroître dans de très fortes proportions, même pendant la crise de 1911. C'est ainsi qu'en comparant les pourcentages d'apport dans les différents ravons entre 1910 et 1913 on voit celui des zones proches de Paris rester stationnaire, celui des zones moyennes diminuer et celui des zones les plus éloignées, augmenter. 0 50 100 150 200 250 300 350 Km. : à 50 à 100 à 150 À 200 à 250 à 300 à 350 à 400 ELU NP 6,0 53,9 29,8 8,1 1,4 0,62 0,12 0,14 LOST RTR 6,2 55,5 24,0 10.2 2,6 1,00 0,30 0 ,20 D'autre part, si nous comparons ces différentes courbes de production au prix de vente des fourrages, nous constatons que la production du lait est restée normale tant que les lourrages ont élé bon marché, et qu'elle à diminué propor- Hionnellement au fur et à mesure de l'augmentation du prix de celte denrée. Si la production dans les herbages n'a pas subi le même sort, c'est que, dans ces pays, la vente du fourrage est tota- lement inconnue ou défendue, ce qui permet une production normale du lait. 136 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE V'ARIATIONS MOMENTANÉES À côté de ces grandes variations, provenant de conditions économiques et sociales, il y a eu des diminutions momen- lanées pouvant être attribuées à des causes diverses. Tout d'abord, en 1911, la fièvre aphteuse a contribué à produire cette baisse. Depuis la guerre, le nombre des vaches en France a consi- dérablement diminué. Si nous comparons la statistique de 1912 à celle du 1% juillet 1915, nous constatons dans les dépar- tements importateurs de lait à Paris une diminution de 649.978 vaches constituant une baisse de 27 %. Tableau de comparaison Du NOMBRE DE VACHES AVANT ET APRÈS LA GUERRE Nombre de Nombre de Différence Départements vaches en vaches en s Pourcentage 1912 1915 en moins Seine-et-Oise ........... 50.900 26.400 25.500 48 % Seine-et-Marne ........ 69.650 46.800 22.850 30 © Oise 52e NE LEE ARE 76.030 59.500 16.530 210% Seine-Inférieure ...... 164.830 159.664 5.166 BU BUre Dre VRR EE oi 85.350 79.908 5.442 (A Hure-et-Loira eee rer 76.280 72.453 3.827 HAE Dore Cher er PET EreE 69.720 62.200 7.520 LDC MO TRES Mean ete en Or 107.730 81.456 26.274 24 % Monnet ne ner 91.250 84.510 6.720 TRS Marne eee nn 76.340 40.540 35.800 46 % AUSTE ER or ee Ones 88.170 9.530 78.640 89, Haute-Marne .......... 57.580 48.750 8.830 15 % AUDE APR IR ere 62.510 39.000 23.810 ONCE Indre-et-Loire -....... 95.330 82.000 13.330 (AC? Barbe Me EAST ARE 129.120 115.500 13.620 10 % Mayenne "20e 97-990. 90.560 7.430 TIGE Tle’et-Vilaine ..::..... 279.510 239.700 39.810 14 % OTRE MEANS RNRrrS 95.050 88.500 6.550 rar Cala OS EE Er 195:520 2% 0 133:000 2.520 18 % SOMME Lee a 101.330 59.481 41.849 al & Pas-de-Calais .......... 143.350 92.800 50.550 35 % NOTONS ER ET EREn Ae 180.780 31.400 149.380 B21 ArdenTes Tee ce 59.530 » 59.530 100 Dotaux MR eee 2.893.630 1.745.652 649.978 27 % A! 4 APPROVISIONNEMENT BE PARIS EX LAIT 437 INFLUENCE DE CES VARIATIONS Variations de 1911. La baisse du lait dans les grandes fermes en 1910 avait été en partie compensée par l'augmen- lation de la production dans&les pays d'herbage : le grand public parisien ne s'aperçul point de ces variations peu sensibles dans leur ensemble. En 1911, dors de da fièvre aphteuse, le déficit S'accentua par la diminution de production des pays d'herbage: la crise du lait se fit alors sent: avec rigueur dans la capitale. Elle fut assez rapidement conjurée, grâce à l'initiative des Sociétés laitières, qui n'hésitèrent pas, pour sahslatre leur clientèle, à aller chercher le lait dans des centres éloignés de Paris, tout en payant des prix élevés pour le transport. Ces Sociétés furent aidées dans leur tâche par les Compa- gnies de chemins de fer qui, dans des circulaires très bien comprises, fournirent aux Sociétés laitières de précieuses Indi- cations sur les nouveaux centres de production et donnèrent quelques facilités, en réduisant légèrement leurs prix de trans- port. | La Compagnie d'Orléans, sous l'impulsion de son dis- tingué directeur du service commercial, M. Brocn, mit en marche des trains spéciaux qui contribuèrent en grande partie à canaliser sur Paris une partie du lait du départe- ment de l'Indre-et-Loire qui ne parkicipait nullement autre- fois à l'alimentation parisienne. L'Etat organisa des trains jusqu'à Rennes, le Nord abaissa ses tarifs pour permettre de ramasser le lait duePas-de-Calais et des Ardennes : l'Est apporta le lait de Rethel et de la Haute-Marne : le P.-L.-M. permit d'exploiter de nouveaux centres dans l'Yonne et l'Auxerrois. L'augmentation des centres d'apport de laut à Paris permit donc en 1910 de suppléer à la disette de cette denrée. 458 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Varialions pendant la guerre. — C'est à un procédé ana- logue que vient d'avoir recours la Chambre syndicale de la laiterie en gros. Jusqu'à 350 kilomètres de Paris et partout où les conditions de transport ont permis de le faire, la laiterie en gros à créé de nouveaux dépôts de ramassage. Dans le Centre et en particulier en Touraine, elle à passé des contrats avec des industriels beurriers pour l'achat d’une partie de leur production. Les machines, pasteurisateurs, chaudières, filtres, etc... ont été envoyés sur place. Des pourparlers sont engagés pour élendre ces mesures dans les Charentes. Les résultats déjà obtenus ont permis de se rendre compte que le prix de revient du lait est excessivement élevé. On pourrait toutelois l'emplover utilement, si les services de transport, pour la Hvraison à Paris étaient encore accélérés. RÉPARTITION DES ENVOIS DE LAIT SUIVANT LES RÉGIONS PENDANT LA GUERRE Années 1914-1915 Pourew PER Etat Orléans P.-L.-M. Est Nord Totaux taire Km. DRE 68.128 31.008 27.816 10.820 13.750 151.522, "6,2 50 à 100 .. 581.384 264.600 237.468 195.480 170.040 1.448.872 60,3 100 à 150 281.688 128.168 114.976 12.702 39.510 576.964 34,6 150 à 200 .. 54.504 24.800 22.248 6.605 460 108.617 4,5 200 à 250 .. 37.240 16.944 15.200 » » 69.384 2,9 250 à 300 .. 13.624 6.200 8.560 293 » 25.677 1,0 300 à 350 4,536 2.080 1.880 » » 8.496 0.3 350 à 400 .. 3.656 1.664 1.480 » » 6.800 0,2 1.044.680 475.464 426.528 225.900 223.760 2.396.332 D'ailleurs, comme le montre le tableau ci-joint, malgré l'absence d'apport des pays envahis sur les Compagnies du Nord et de FEst, le pourcentage d'envoi des régions éloi- gnées, entre 200 et 400 kilomètres, reste le même. C'est donc qu'il a considérablement augmenté sur les autres réseaux. r + à APPROVISIONNEMENT DE PARIS EN LAIT 439 PRIX DE REVIENT DU LAIT PENDANT LA GUERRE Le prix de revient du lait a fait l’objet d'une étude spé- ciale que j'ai eu l'honneur de présenter à la Société Natio- nale d'Agriculture en 1912. L'application des données four- nies par les équivalents fourrages et les tables de M. Mar- LÈVRE à permis d'établir pour des vaches lailières des types de ration appliqués dans la pratique courante. Le prix de revient de ces rations a été minutieusement établi. Il serait fastidieux de reprendre cette étude, mais 1l semble intéressant d'examiner l'influence de la guerre, sur ces prix de revient. PRIX DE REVIENT DE L'ALIMENTATION D'UNE VACHE Avant la guerre En hiver En été A TE Poids Prix Coût Poids Prix Coût ÉTAIT ESS 7,5 0,40 (1) 0,60 2,5 0,40 0,20 PÉRRRAMPRR Pne. uminoceses 25,. 16, (2) 0,40 Hourrages vents ........\..4..... (3) 33,7 1,50 0,50 TOR PER nor ne es dose iue 2,5 0,25 (4) 0,125 2,5 0,25 0,125 Aliments concentrés ............... 2, 0,20 (5) 0,40 2, 0,20 0,40 1,525 1,225 Après la guerre En hiver En été | En ne pre Poids Prix Coût Poids Prix Coût HOMEdespré 2.757 pee 7,5 0,50 0,75 2.5 0,50 0,25 Befteraves ,......,.....,,. 255. 27," 0,40 Fourrages verts-—.......... 33,7 2, 0,77 PATIO RE 2 ere seidre 2,5 0,30 0,15 2,5 0,30 0,15 Aliments concentrés ...... 2, 0,21 0,42 2, 0,25 0,50 1,72 1,67 (1) La botte de 5 kilos. — (2) Les 1.000 kilos. — (3) Les 100 kilos. — (4) La botte de 5 kilos. — (5) Le kilo. 15 440 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE Ces prix s'entendent pour une ferme éloignée de toute communication ; aux abords immédiats des grandes villes, ils doivent être élevés au moins de 0 fr. 10 pour les four- rages, À francs pour les betteraves, 0 fr. 05 pour la paille. Dans ces conditiops, la nourriture revient à 2 fr. 35’en hiver ét lir70tenvele Depuis le début de la guerre, dans les pays de pâturage, la nourriture revient à un prix analogue à celui que pour- raient rapporter les prés, s'ils étaient soumis à la fauche. La production normale de ces prés est d'environ 2.000 bottes qui, à 0 fr. 40, représentent un rendement de 800 francs à l'hectare. Il faut en déduire les trois coupes et les trois fenai- sons, soit 150 francs, les frais de bottelage, ramassage, etc. soit 50 francs. La production d'un pâturage, peut être évaluée à 600 fr. l'hectare ; elle est généralement suffisante pour alimenter 2 bêtes. La nourriture de chaque vache revient donc à 300 fr. par an, soit à : 300 —— — 0,83 par jour. 360 Toutefois, un pré est rarement assez bon pour qu'en hiver il ne faille pas donner aux vaches un supplément de nour- riture correspondant à 2 kilos de tourteaux par tête, soit à 0 fr. 50 par jour. Dans ce dernier cas, quoique la Journée de pré soit un peu moins chère, la nourritude de la vache lai- üère revient à 1 fr. 30 par Jour. Frais d'amortissement Depuis le début de la guerre, les cours sont tellement trou- blés, qu'il est bien difficile d'établir la différence de valeur d'une vache au début et en fin de lactation. On peut toutelois admettre les chiffres minima que nous avions pu établir en 1912 Dans les fermes, près des grands centres 0 fr. 50 p. jour ns —— CIDIDAÉES EE ETES MENT 0720 = s M St, Gituh doté APPROVISIONNEMENT DE PARIS EN LAIT 441 Dans les herbages, l'amortissement est compensé par la valeur du veau. Soins aux vaches Les soins à donner à la vache laitière (distribution de nourriture, nettoyage, enlèvement du fumier, traite) ne per- mettent pas de confier plus de 20 bêtes à un seul vacher. Un bon vacher reçoit de 180 à 200 francs par mois, ou de 90 à 110 francs et sa nourriture, soit de 180 à 200 francs. Cette dépense de 6 francs par jour, grève le prix d'entre- tien de la vache laitière de 0 Îr. 30 par tête. Il est vrai que, dans les petites exploitations, où le nombre de bêtes est infime, la traite était autrelois faite par la fer- mière elle-même: cette dernière est actuellement aux champs; elle doit prendre du personnel pour les besoins de sa vacherie et c'est pour elle une augmentation considérable de frais. Frais généraux d'exploitation Les frais généraux d'exploitation que nous avons pu éta- blir en 1912 à O0 fr. 08 par tête et par jour et à 0 fr. 10 pour les frais généraux, se sont considérablement augmentés. Il n'est pas exagéré de les porter à 0 fr. 20. Frais totaux d'entrelien d'une vache Près des Dansune ferme Dans un villes éloignée herbage — Frs Frs Frs NOuFTIGUrE 1-7 2,35 2,00 1,30 k | Amortissement .......... 0,50 0,20 EN HIVER Intérêt argent .......... 0,10 0,10 0,10 a | Soins des vachers ...... 0,30 0,30 0,30 \ Frais généraux .......... 0,10 0,10 0,10 3,35 2,70 1,80 NOULTIENTE RAS eat 1,76 1,62 0,83 Amortissement/".:.:..:...7. 0,50 0,20 EN ÉTÉ À Intérêt argent ........:... 0,10 0,10 0,10 Soins des vachers .......... 0,30 0,30 0,30 | Frais généraux ............ 0,10 0,10 0,10 2,76 2,32 ls 442 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE PRIX DE REVIENT D'UN LITRE DE LAIT A LA FERME Si une vache donne, en moyenne, 12 litres de lait chez l'agriculteur, 10 litres chez l'éleveur, le prix de production du lait revient à Près des Dans une Dans un villes ferme herbage AI RMS PERS NE ne RATES 0,28 0,22 0,18 D RE M Ten RENE SE 0,23 0,18 0,13 Ces laits sont vendus aux Sociétés laitières à des prix variant entre 0 fr. 13 et 0 fr. 17 dans les pays d'herbage, où ils sont la seule ressource de l'éleveur. Ils sont payés 0 fr. 20 et 0 fr. 25 dans les fermes éloignées où le fermier ne voit dans la production du lait qu'un moyen pratique de se procurer du fumier sur la ferme. Aux portes des grandes villes, il est vendu en gros, au prix moyen de 0 fr. 30. | Le prix de vente du lait compense à peine les frais de production. Cette exploilation ne laisse comme bénéfice dans les herbages que la vente des vaches en pleine lactation et le fumier produit dans les fermes. Nous avions démontré en 1912 que les prix de vente du lait étaient inférieurs à ceux de l'étranger. Les documents que nous possédons actuellement ne nous permettent pas d'établir les cours divers du lait à l'étranger pendant la guerre. FRAIS DE TRANSPORT JUSQU'A LA CRÉMERIE Frais de ramassage. — Nous avons démontré en 1912 qu'un centre de ramassage réunissait en moyenne 200 pots de lait par jour ; chaque voiture faisait deux tournées de 30 à 40 kilomètres et ramassait, suivant les saisons, de 40 à 60 pots. Pour assurer ce service, il fallait utiliser à voitures et avoir 3 chevaux par voiture, sans compter les chevaux allant du dépôt à la gare. APPROVISIONNEMENT DE PARIS EN LAIT 413 Les frais d'un dépôt de ramassage étaient donc HONCHevVAUX ANA ITA SE RE es lan ace aies 60 francs Von res A LT BORA EN LE EME perte 6 — ARCharretiera A OEtr DD PE RAT AE NS PR ns use 22 — Che do dépOt EN ne den ue: datent aa se dec ed 10 — 622 l’OUomptable payeur is. Ten dus creer bee 'Mécanicient es nes US Le RTS eee 2 Tete vie 6 — Rob aroon” de Conte: 2002. M ee enr re 4 — 1 ILE TOO EN DO PSS SN OO OR re 5 — Charbon pour pasteurisation et pompes .............. 10 — Pncaron dut DALIMENEES EE: | um Me NT ete Mare die deb 10 — Réparations du bâtiment et du matériel .............. 10 — Réparations des pots (perte et étamage) ............ 4 — PMOEtISSOMENt AU MALÉTIEL anne she « daelde der sde ee 7 — Intérêt de l’argent : 25.000 francs à 4 % ............ 3 — Frais généraux: assurances, vétérinaire, carbonate, etc. 5 — 168 francs soit une dépense totale de 168 francs pour 200 pots, et de 0 fr. 84 par pot. Depuis le début de la guerre, les conditions de ramassage ont élé tout à fait modifiées : certaines fermes ont vu la plus grande partie de leur bétail réquisitionné ou n'ont pu le renouveler ; elles ne peuvent plus fournir que des quantités infimes de lait. Pour assurer l’alimentalion en lait de Paris, pour ne pas perdre cette production restreinte et ne pas . abandonner des quantités de lait, si minimes soient-elles, le ramasseur continue à faire les mêmes tournées. L'un d’entre eux nous écrit : « Il y a des voitures dans les dépôts de campagne qui font présentement 40 kilomètres pour ramasser 120 à 150 litres, soit de 6 à 8 pots. » Dans ces conditions on comprend que les frais généraux, restant très sensiblement les mêmes, leur répartition sur une production moindre, augmente sensiblement leur pourcen- tage ; 1ls s'élèvent à 1 franc par pot. FRAIS DE DISTRIBUTION DANS PARIS Les frais de distribution dans Paris sont également assez élevés. Un dépôt de distribulion recueille, en général, le lait 444 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE de quatre ou cinq centres de ramassage, il distribue 1.000 pots par jour à l’aide de 12 voitures à deux chevaux, chargeant en moyenne 80 pots. Ces voitures qui font deux fois le trajet pour livrer le lait durant la nuit et pour récolter _ les pots vides pendant le jour effectuent un très long parcours qui nécessite l'emploi de quatre chevaux par voiture. On peut établir comme suit, les frais quotidiens d'un dépôt de distribution : ED Chevaux ant iranese en Een cr ec CE CCC 250 francs 12ÉDiyreurs 4 8 1. P. 1 — TABLE DES MÉMOIRES Approvisionnement de Paris en lait avant et pendant la guerre CRÉR BO RRT SUT Dane dite sh Sete PE ue oaqe LITE TS _ Associations (Les) agricoles et la guerre (P. SAGOURIN)........ Dosage de la matière grasse dans les crèmes (L. LINDET)...... Ætude de deux levures de lactose (H. DELAVAL et J, LOYER)... Génie (Le) rural et la guerre de 1914-1916 (M. RINGELMANN).. Influence de la guerre sur le bétail én France (H. COSNIER).... Institut (L’) National Agronomique et la guerre (G. WÉRY).... Organisation (Vers l’) du travail agricole (F.-L. BRANCHER)... Préface du numéro de guerre (E. TISSERAND).............:.. ! Récolte (La) et le prix du blé en 1915 (H. HITIER)............ Salaires (Les) et l’exode rural (A. BECKERICH).............. Semences (Les) des plantes cultivées et leur détermination NS ESA are D NA ue d'onefe ca detre te Sn Ces Variations (Les) du gluten (MARCHADIER @b GOUJON).......... Il — TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES = Agriculture Enlèvement des avoines sauvages et des mauvaises hérbes... 57 Enlèvement des avoines sauvages........................... 98 £ Alimentation du bétail Le maïs comme base de la nourriture des bœufs.............. 60 Quelques expériences d'alimentation de la volaille (A. KINROSS) 61 Coût de la nourriture des vaches en vue de la production du Ib RTE PR MT RS NE A LÉ Po DER DER 83 Amidon Sur la pluralité des amidons CHANREDNRS ER nr de 775 Associations : Les associations agricoles et la guerre (P. SAGOURIN).......... 382 Avoines Énlèvement des avoines sauvages.......:...........:.... 57, 58 Variétés 'AVOINOSS. me Te are Ur on Tr el 56 Bétail Influence de la guerre sur le bétail en France (H. COSNIER).... 398 Betteraves Fumures de la betterave............ FR LÉ das LÉ LS PSE Beurre Variations de composition des beurres (BONN, DUBERNARD et PAGES), RER ET ee ME nee die role ae 82 Blés . A propos de la diminution du gluten des blés français (FLEU- HENT) SE Nr RAT ee FI PR cn a a eu ae te La culture des céréales au Canada (H. HITIER)................ .. 56 Récolte et prix du blé en 1915 en France (HITIER)......:..... _ 254 Bovidés Le maïs comme base de la nourriture des bœufs.............. - 60 Coût: de Ja nourriture: des vaches ER M Eee 83 a il da din put ne rit Etes PURE, OUR PRE PME RE TT TE Brasserie - Concentration des ions hydrogènes dans la bière (EMSLANDER). De un des orges séchées à la touraille (WEIN= NN... ee. dd a à MR ER Bu OR TN ar AO C9 Pn LAS À 24 CN ONE PME EE OR PE OS OS TE APS "A Céréales (Voir Avoines, Blés.) RE QE Chimie analytique " - Dosage de la matière grasse dans les crèmes (LINDEr) .:...:.% … - * Dosage des acides monoaminés dans le sang (LEMATTE)........ - Etude critique de la méthode de Césaro pour la recherche du L 8 coco’ dans le beurre (STOECLIN).........:................ L_ Examen biologique du miel (THONI).............1.......... PE Variations du gluten (MARCHADIER et GOUJON).....,........,. e 4 ; 1 214 Chimie végétale Ps Sur la pluralité des amidons CPANREPPR SE PR re 7 Développement d’un bourgeon chez une plante vivace (ANDRÉ). Sur la mobilité de la potasse dans les tissus végétaux (MAQUEN- LL ON TE TS A CE SR RS PE DOC EE TIR Variations du gluten (MARCHADIER et GOUJON).............. En À propos de la diminution du gluten dans les blés bed Distillerie (Voir Fermentation, Microbiologie.) #7 La anidé Ro CARONDI ASS Lu M PP lee ne CN Do L'utilisation rationnelle des vinasses de distillerie (MATIGNON). ? Economie rurale (Voir Main-d'œuvre.) La réforme agraire de 1906 et la transformation économique ne RTS CIM à GA 2 À 4 0 50 2 DER NC EE Approvisionnement de Paris en lait (J.-E. LUCAS)............ Le Les salaires et l'exode rural (BECKERICH) AT Se let ON POSE Engrais (Voir : Sols.) 85 78 79 . 56 422 85 3 Entomologie Rapport phylopathologique DOUrTADISSESRE TN ER RE Led 68 Action des fumigations d'acide cyanhydrique sur le Diaspis pentagona. (VNUILLET) :...:..:.40. les de correcte 68 Destruction des germes des maladies infectieuses {transportés par les mouches (WHITE) :., 0 528. Net 69 Histoire des insectes de l'Inde (GROSSH)................,... 70 Note sur l'emploi du sulfure de carbone pour la destruction des: insectes nuisrbhles (GASTINE) SE RE ER LE ee 70 Instructions pour l'emploi du sulfure de carbone (GASTINE).. 72 Les insectes parasites du cotonnier dans LES! Africain (Wons- DATI) NE TS MT PAT EN OCÉ Te A NAN ET er le CR 72 Revue de phytopathologie (VAYSSIÈRE).................: RE A} Fermentation (Noir Distillerie, Microbiologie.) Les théories de la fermentation (FERNBACH)......... PRICE 71 Sur une forme thermostable de l’invertine (DURIEUX)........ - 80. Sur la thermogénération de la sucrase (BERTRAND et ROSEN-, BÉATE) LE LT RTE er EE PER Re RE RS RS Pets 2 80 ; Fromagerie Fromageries de fermes (ARNOULD)....:..:.,......:........ LS Fromage de Holot (GRO ES RARE Mo ee RE Génie rural : Le génie rural et la guerre de 1914-1916 (MAX RINGELMANN) .. 296 à 4 2 Germination Pouvoir germipatif des orges séchées à la touraille (WEIN- MORAMY Re I Sin Peer be SR R EU ANT AE UN SR 84 Effets de la térébenthine et de la paraffine sur la germination des graines de navets (CORBETT)...:,., 5.47%. Se .D8 Gluten A propos de la diminution du gluten des glés (FLEURENT) - 85. Variations du gluten (NARCEARIER CLÉ OUION): TL: eur SRI 7 j . institué agronomique L'Institut Agronomique et la guerre (WÉRY) :. à.::.:.. LAS 280: Lait à Kpprovisionnement de Paris en lait S -£: PUCAS= SE SUR PA na la nourriture des vaches en vue de la production du STATE NE ES AR PP AE A SRE Fe 83 Dosage de la matière grasse dans les crèmes (LINDET)........ Variations de la composition des laits dans le Nord PU Du- BERNARD et PAGÈS)...... L ù À Main-d'œuvre f Vers l’organisation du travail agricole (BRANGHER)........... 274 Fe Salaires et Fexode TUTAL (BBOMERICT) HE ele re at. 85 à ÿ Microbiologie De: : (Voir Distillerie, Fermentation.) b= Relation entre la production des cellules de levure et lapré- pol sence d'oxygène libre (BROWN). sur nn me have vas 43 . Rapport des substances protéiques de la levure avec la sucrase HSE aRARS CRM TO RE TE nt ET a de OA AR EE eut tar ee re bu dd dre 0 81 ES Etude de deux levures de lactose (DELAVAL ef, LOYER). ....... 21 & Décomposition du caoutchoue par les microbes (SOHNGEN et . FH 0 TA OR Re LT RER RE PA POS A 1e ee NP EE 2e CUP POS 83 : S Miel - Examen biologique du miel (THONI)...../.1:.,.........,... 86 s Œufs Fe Second concours de ponte (MURPHY)........................ 63 + Quelques facteurs affectant le poids, la composition ef l’éclo- F D MS CN M Re LS LR Lee eo 64 cé Quelques facteurs modifiant la quantité de bactéries dès les PC A D PR RS ER RO A PU da Bruce den OU s Fécondité des moutong (AINSWORTH, DAVIS et TURNER).,..... 59 Pathologie végétale Addition de savon mou à l’arséniate de plomb pour traitement -_ cryptogamique (EDWARDES-KER)........ TRS PASSE 66 Verrues des pommes de terre CUPAOUES) OL NE NES UP 2 67 | Pommes de terre bte de pommes de PORPO RS DAT ON ve De AE 4e er 466 Verrues des pommes de terre (MULHOUSE) NRA ERA le RE STE 67 4 ne à Sang Dosage des acides monoaminés dans le sang (LEMATTE)...... 87 Semences # Les semences des plantes cultivées et leur détermination PT TES NOR TR PE RS NS A EE EN CET 30 Effets ra la ‘térébenthine et de la paraffine sur la germination des graines de navets (CORBETT).. .,.....,4/2,....:2 20380 58 Sols (Voir Engrais.) | ; Note sur l'emploi du sulfure de carbone pour l'assainissement “des terres-eldes’ 1Lerreaux (GASTINR) 2 LR See : Eléments minéraux du sol (HALL et BRENCHLEY)............, 4 Sucrerie Les filtres-presses nouveaux, leurs applications dans les sucre- ries américaines (AULARD) PEN Ar AA PR Nr EE Re CRETE : Volailles (Voir Œufs.) Oéelqués expériences d'alimentation de la volaille Rose) Difformités des volailles (STEWART) .:.........../.:1.0. 2 Second concours de ponte (MURPHY)........... rose see LE ee 2" 2e OR 4 Ca Lx —_ « _ Ainsworth, 59. - "André, 15. : - D Arnould, 77. LEE Aulard, 85. -Beckerich, 85. _ Bertrand, 80. Bonn, 82. _ Brancher, 274. _ Brenchley, 73. - Brown, 78. Pa _ Corbett, 58. Re Stoner: 298. : ban 76. _ Dubernard, 82. - Durieux, 80. _ Edwards-Ker, 66. - Emslander, fe F ernbach, 17. Fleurent, 85. _Fol, 85. _ François, 30. _ Gastine, 70, 72. _ Goujon, 7 __Grossh, 70. _ Groud, 82. 53 Grove, 78. : Hall, 73. ê Hitier, 56, 254. -Kinross, 61. Lematte, 87. Lindet, 1. Loyer, 21. Lucas, 422. Maquenne, 76. Marchadier, 7. Matignon, 79. Mulhouse, 67. Murphy, 63. Pagès, 82. -Ringelmann, 296. Rosenblatt, 80. : Sagourin, 382. Sohngen, 85. Stenart, 63. “ Stoeclin, 86. Tanret, 75. Thomas, 81. Thoni, 86. Tisserand, 217. Turner, 59. Vayssière, 72. Vuillet, 68. Weinswurm, 84. Wéry, 220. White, 69. Worstatt, 72. AR HT * + L ré l a PA York Botanical Garden Libra ML 3 5185 00258 6277 n) | FA FRA , A% it »e Lu nntetss + Tatatatatat * … LA toi. LISA AE 2 4 a SEE ARR NS ar aiseteiatetolateiers rite miatete" Ÿ AT RTC ODUU EN SPAONE Hits RL saritre : MES HAMHNX & : . ttete te svivloia tigintsteterelpiats EX at XX istate re x: e'pieter sitirtetes hit * 11412; ' +'e . & 0 ste? #: d L . / WY taf. LE] “ / * 3 ; ? \ . . 1: : Tata Hottes Fi : sel nnnetets 5: estate x SH title + alerts M ne nee een ipieretets state ini ie rater tatetetet f et. RAC 14 HA de te Létetetateretats ut qe Tétines: HAMMAM) Ë te Te etats < 1 tetete et. . tte Tata re tuer AS) fat? SX X HR ? al 1 419 se à Va .! stelete RO PART Hataieletete LA tete D à fut aa etats ?. tri ours PANARES ETS CA 4. . U L Patate rte elle tetes plate tripes te sine Re : RE _ HARAS ATP TNT Er etat * it's ttats ‘ sur 1 . 1 Ve 'e nt ets re .. a Tata | ï RER RNSE L | lets x titiatetelete . QT té 14 Te tarot : etat nt e atatstète . 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