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ANNALES

LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE,

SCIENCES, ARTS ET COMMERCE DU PUY,

POUR 1830-1851.

RÉDIGÉES

PAR LES SECRÉTAIRES

DE LA SOCIÉTÉ.

DE L’IMPRIMERIE DE P. PASQUET,

IMPRIMEUR DE LA PRÉFECTURE.

ANNALES

DE

LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE,

SCIENCES, ARTS ET COMMERCE DU PUY,

POUR 1850-1851.

RÉDIGÉES

PAR LES SECRÉTAIRES

DE LA SOCIÉTÉ,

AU PUY, DE L’IMPRIMERIE DE PIERRE PASQUET,

IMPRIMEUR DE LA PRÉFECTURE,

TOAT.

| ANNELRS

DE

LA SOCALTÉ DAGRICULTURE, SCIENCES, ARTS ET COMMERCE DU PUY.

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DISCOURS

PRONONCÉ

Par M. DU PUY, PRÉFET DE LA HAUTE-LOIRE, OFFICIER DE LA LÉGION-D'HONNEUR,

Présidant la séance publique et annuelle de la Société d'agriculture, sciences, arts et commerce

du Puy, du 15 mai 1831.

Messieurs,

C'Esr une heureuse pensée qui a présidé à l'établissement de ces réunions périodiques dans lesquelles l'élite de la population donne d’utiles encouragemens et des suffrages flatteurs aux citoyens qui offrent à la société le tribut de leurs talens.

La session du Conseil général est une favorable époque pour constater les progrès de la civilisa-

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tion qu'à bon droit on attribue à l'instruction, chaque jour plus généralement répandue. En effet, les notabilités du département appelées à régler les intérêts matériels et moraux du pays, comprennent bien leur mission, en distribuant à tousles genres de mérite encouragement ou la récompense.

Leur suffrage est le plus puissant véhicule de lémulation. De tels juges ne sont-ils pas les meilleurs organes de l’opinion, qui ne saurait en avoir de plus intelligens ni de plus impartiaux ?

Tous les yeux sont frappés du mouvement de nos progrès; mais quelle immense carrière nous reste encore à parcourir! Le terme de nos travaux sera l’amélioration de la condition humaine, le bien-être du peuple! Marchons dans cette voie avec une persévérance religieuse, guidés par la philosophie et le patriotisme , sous l'heureuse influence de la paix.

Pendant l’année 1612, en parlant des merveilles enfantées par cet homme prodigieux dont la mémoire recoit aujourd'hui un tardif, mais éclatant hommage de ses ennemis, un étranger disait un jour : « À combien de générations de souverains la France doit-elle les codes, les monumens, les trophées érigés sous la dynastie napoléonienne ? A un seul homme et à douze ans de guerre, répondit l'enthousiasme! » Hélas ! l'histoire impartiale et sévère répond aussi ce qu'il en a coûté: la pire des révolutions , quinze ans d’une restauration fatale !

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Aujourd'hui, l’heureuse destinée de Louis-Phi- lippe lui réserve le bonheur de fonder la liberté, avec l'indépendance de sa patrie. Honneur au Roi populaire ! Sa gloire sera plus pure, plus durable, et surtout plus féconde que s’il subissait la néces- sité de devenir un conquérant.

L'honneur militaire, je le sais, électrise notre jeune France, enflamme son courage par les glo- rieux souvenirs d’exploits prodigieux; la guerre lui semble l'unique aliment d'une ardeur dévo- rante. Ah! comme vous, jeunes citoyens, j'ai connu ce besoin d'illustration; comme vous, j'ai senti cette soif de renommée, et, pour cette noble ambition, j'ai mille fois affronté le péril des combats; mais croyez-en la voix d’un vétéran, l'indépendance de la patrie doit être seule le mo- bile de l’héroïsme. Que d’audacieux ennemis osent menacer Ja France, et sans distinction d'âge ni de rang, des millions de bras se lèveraient pour la défendre, aux cris unanimes de Vive Le Roi! Vive la liberté!

A l'apologie de la paix, un sang généreux a coloré les fronts de ceux qui aspirent à la gloire; cependant, au bruit d’une guerre prochaine, quelles alarmes! quels funestes pressentimens ! que de cœurs uleérés! que d’amantes, de filles, de sœurs, de femmes éplorées ! etles mères, les malheureuses mères! J'ai vu des mères, au déses- poir de la perte d’un fils, blasphémer la victoire.

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L’heureuse révolution de 89, en faisant d’une nation asservie au bon plaisir un peuple de ci- toyens, a subi diverses alternatives de prospérité, de désastre, de gloire et d’asservissement; mais le feu sacré se conservait au foyer régénérateur de la France, lorsqu'une étincelle du soleil de juillet l'a rallumé plus pur, plus brillant, sans doute, plus fécond. Enfin, dans cette glorieuse année de 1830, le vaisseau de l’État, après une naviga- tion toujours aventureuse sur l’océan des révolu- lions, est entré à pleines voiles dans le port, désormais à l'abri des tempêtes.

Le calme succède enfin à de cruelles et pé- rilleuses tourmentes, et la France, arborant les brillantes couleurs de son drapeau national, ter- rifie ses ennemis et consacre sa puissance à fonder la félicité publique.

Après la conquête de la liberté et la déclaration des droits de l’homme , il reste encore à faire pour compléter notre régénération.

L'honneur, la justice, la nature, le sentiment intime de notre propre bonheur, réclament l’abo- lition d’un préjugé bizarre qui asservit encore la plus belle moitié du genre humain , lorsque dans lélégancede nos mœurs nous lui rendons une sorte de culte.

Nos Codes seront admirables, purgés du prin- cipe sauvage qui place les femmes dans une odicuse infériorité sociale, Grâce au développe-

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ment de la raison publique, comme au respect pour tous les droits, la finesse artificieuse et la dissimulation hypocrite ne seront plus les armes d’un sexe que dégradait une ignoble et absurde éducation. Qu'à l'avenir la culture intelligente de l'esprit et du cœur des femmes proclame l'égalité des droits, en révélant cette capacité morale qui sait acquérir les plus beaux talens et pratiquer les plus hautes vertus.

Heureux si ce sexe enchanteur réunit les avantages positifs d'une raison puissante et d’un esprit éclairé, sans rien perdre du charme de la beauté, des grâces et de cette sensibilité expansive d’une âme chaleureuse.

Alors, ct seulement alors, cette France si peu- plée, si belle, si riche de son sol, si célèbre par les rares qualités d’une population vaillante, généreuse, spirituelle, sera digne de marcher à la tête de la civilisation, avec l’orgueil d’avoir ennobli la condition des femmes, en leur offrant des hommages plus purs et tels que la galanterie n'en prodiguàt jamais.

A cette époque prochaine d'une émancipation que réclame le grand principe de l'égalité sociale, autant que le bien-être de la vie intérieure, notre puissance politique s’en accroiîtra, et les nations policées nous proclameront unanimement le pre- mier peuple de la terre.

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DISCOURS D'OUVERTURE

PRONONCE

Par M. BERTRAND DE DOUE, PRÉSIDENT,

Dans la séance publique du 13 mai 1831.

*

MESSIEURS,

S'il y a quelque chose qui soit capable de détourner les hommes de l’objet accoutumé de leurs méditations, c’est sans doute le spectacle que présente un grand peuple, alors que s’armant pour son indépendance, ou se levant indigné pour sauver ses institutions des injustes agressions de la violence ou de la fraude, il s’arrache spontané- ment à toutes ses habitudes. Dans l'enthousiasme qui le maîtrise, ses forces sont portées au plus haut degré d'énergie; une seule, une grande pen- sée domine toutes les autres, et jusqu’au soin des intérêts personnels , tout est momentanément oublié, ou se subordonne du moins aux intérêts devenus plus pressans de la chose publique.

Mais ce n’est pas seulement dans le forum et parmi les rangs armés des citoyens que se mani-

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feste cette vive agitation, symptôme inséparable des grandes commotions politiques : l'artisan oisif dans son atelier, le laboureur auprès de ses bœufs immobiles, le commercant sur le seuil de son comptoir devenu désert, y sont également en proie. La famille réunie autour du foyer domes- tique ne peut, même dans cet asile consacré à la paix, échapper à linévitable influence; et encore, tandis qu'alarmé des interminables dis- cussions que soulève la question du jour, le cœur d’une mère se livre en secret à de tristes pressen- timens, son nourrisson s'endort sur ses genoux en balbutiant des chants de liberté, et l'adolescent qu'enflamme lapproche du péril, relève fièrement la tête et rêve déjà de combats et de gloire. Serait-1l donc surprenant, Messieurs, que dans cette fermentation universelle, vos travaux pré- sentassent un ensemble moins satisfaisant que dans le cours des années prétédentes ? Eh! qui pourrait, sansinjustice, vous en faire un reproche! Les arts, on le sait, ne fleurissent qu'à l'ombre de l'olivier, et pouviez-vous ne pas vous ressentir de la préoccupation générale des esprits ? Toutefois, si vos efforts pour approcher du but que vous vous êles proposé d'atteindre en les réunissant n'ont pas obtenu tout le succès dont ils auraient été couronnés dans des temps plus tranquilles, vous n'avez, du moins, perdu de vue aucun des établissemens confiés à votre sollicitude.

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Au premier rang figurent ces écoles industrielles dont le succès justifie si bien les prévisions phi- lantropiques de leurs fondateurs. Grâces à l’'ému- lation des élèves et à la bonne direction que ceux de nos collègues, chargés de leur surveillance, s'efforcent d'imprimer aux études , une génération entière d'ouvriers intelligens sortira successivement de ces écoles. Les habitudes d'ordre et d’applica- tion qu'ils y contractent influeront aussi, n’en doutons pas, sur l’avenir de cette portion inté- ressante de notre population. Tant d'avantages vous avaient fait désirer, Messieurs, que les habi- tans de cette cité ne fussent pas les seuls à y par- ticiper. Ouvertes dès leur fondation aux jeunes ouvriers du département, des avis ont été plusieurs fois insérés dans les feuilles publiques pour les engager à s'y rendre. C'est à MM. les Maires qu'il appartient maintenant de faire comprendre à leurs administrés tout le prix de l'instruction qui leur est gratuitement offerte.

Vous n'avez pas moins à vous féliciter des accroissemens qu'a recus le Musée. Parmi plusieurs morceaux de prix dont il s’est enrichi cette année, vous avez surtout remarqué un Caton mourant, tableau brillent à la fois la liberté du pinceau, la vigueur du coloris, la vérité de l'expression, et qui est attribué à Salvator Rosa. Le célèbre Regnault, que la mort a trop tôt effacé de la liste des Membres honoraires de votre Société, le

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regardait comme un type des divers genres de mérite qui caractérisent l’école italienne. Quelque précieux que soit ce nouveau don de M, de Bec- delièvre , l'époque il vous a été offert est trop voisine de celle notre zélé collègue s’est séparé de nous, pour qu'aux jouissances que cette pein- ture promet aux amateurs des arts, il ne vienne se mêler un pénible souvenir. De nombreux, d'ho- norables exemples ont prouvé que lingratitude, qui, en politique, fut trop souvent le prix de ser- vices rendus, n’a point entaché les Annales des sociétés scientifiques. Je ne craindrai done point, Messieurs, d’être désavoué par vous, soit que je devienne ici l'interprète de votre reconnaissance pour les bienfaiteurs du Musée, soit que, me re- portant vers le passé, je rende un public hom- mage aux hommes qui dans ces temps encou- rager les arts, favoriser les progrès des lumières n'était point, vous le savez, un titre à la faveur, dotèrent notre cité d’un établissement dont elle se glorifie et à qui vous devez votre propre exis- tence.

Les objets d’antiquité se sont aussi accrus de deux fragmens de colonne et de deux bas-relicfs, retirés par vos soins des murs de la place du Fort. Ces bas-reliefs se rattachent par leurs dimensions, par leur sculpture véritablement antique et sur- tout par le choix de leurs sujets , tous relatifs aux exercices de la chasse, à ceux que vous possédez

(12) déjà dans cette enceinte. Les uns et les autres ont fait partie d’une frise à laquelle les divers fragmens que vous êtes parvenus à retrouver assignent plus de vingt-cinq pieds de longueur.

Ainsi se confirment chaque jour les conjectures de M. de Lalande, sur l'emplacement et la desti- nation d’un grand monument jadis consacré sur le mont Anis au culte de Diane. Ces restes, quoi- qu’en petit nombre, suffisent pour faire juger de sa magnificence. Ils prouvent avec quel succès nos aieux cultivaient les beaux-arts avant que la main des barbares et un zèle mal entendu en eussent dispersé les débris.

Des travaux d’un autre genre ont occupé ceux d’entre vous, qui sont plus spécialement chargés de la conservalion et de l'accroissement des collec- tions d'histoire naturelle. Une section de botanique a été formée, et tandis que le laborieux auteur de la Flore de la Haute-Loire poursuit infatiga- blement l'inventaire de nos richesses végétales, un herbier se forme sous ses yeux et fournira à une jeunesse studieuse de nouveaux moyens d’ins- truction. Bientôt, Messieurs (permettez-moi de devancer vos suffrages, car jamais ils ne furent mieux mérités), bientôt un nouveau collaborateur unira ses efforts aux vôtres. Les plantes qui em- bellissent nos vallons, celles qui croissent igno- rées sur les âpres sommets de nos montagnes, ne suffiront pas à ses investigations. À la végétation

(15) actuelle , il voudra ajouter celle des siècles qui ne sont plus, et enrichir nos collections de ces roseaux gigantesques, de ces fougères délicates qui atten- dent au fond de nos houillères la main qui doit les rendre au jour et leur assigner un rang dans notre Flore antédiluvienne.

Enfin, les restes de corps organisés, enfouis dans les carrières à chaux qui environnent le Puy, ont donné lieu à des recherches non moins inté- ressantes. À mesure qu'un travail assidu dégage ces curieux débris du milieu du calcaire ils sont enveloppés, des espèces inconnues d’ani- maux renaissent en quelque sorte et viennent grossir la liste de celles qui vécurent sur le bord de nos lacs, bien des siècles avant les premières éruptions volcaniques. Trois espèces de petits carnassiers, un rongeur très- voisin du loir, et plusieurs pachydermes analogues à ceux de Mont- martre, ont déjà été reconnus, ainsi qu'une espèce de crocodile qui paraît appartenir au sous-genre des caimans. La voracité connue de ces reptiles explique pourquoi les os des animaux auxquels les leurs sont associés, se trouvent toujours brisés et dispersés, On regrette que cette circonstance, toute propre qu’elle est à répandre quelque jour sur l'histoire de ces antiques races, rende si diffi- cile le rétablissement de leur charpente osseuse.

Mais, Messieurs, quelque attrait que présentent ces études à ceux qui en sont véritablement épris,

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elles ne vous ont point fait oublier que c’est sur- tout vers l’amélioration de notre agriculture que doivent se diriger désormais vos encouragemens et vos soins. On ne saurait se le dissimuler, il n'est point d’établissemens industriels, quel que soit leur nombre et leur importance, qui puissent rendre à nos campagnes ce que la fabrication de la dentelle y faisait rentrer de main-d'œuvre avant la découverte, si funeste pour nous, des métiers à tulle. Aujourd'hui que, par une diminution progressive dans la quantité des produits et le prix des facons, celte industrie est devenue impuissante pour rappeler dans le département la masse énorme de numéraire que limpôt et des importations ruineuses en font annuellement sortir; comment combler cet effrayant déficit, si nous ne parvenons à obtenir de notre agriculture des produits plus variés et plus riches? Notre sol est peu fertile sans doute; ses récoltes incertaines comme notre climat; mais fécondé par une race d'hommes robustes et laborieux, il ne refusera ni à leurs travaux, ni à vos espérances, de quoi rem- placer les objets de consommation que nous tirons à grands frais des provinces du Nord et du Midi.

Loin de nous, toutefois, la pensée de nous isoler de la grande famille à laquelle nous sommes glorieux d’appartenir , et de porter atteinte à cette communauté de besoins, de mœurs et d’affections, si chère à tous les cœurs francais, et si redou-

(25) table aux ennemis de ce beau nom. Mais c’est ici pour nous une question ou de vie ou de mort: ce que le pauvre emprunte du riche ne lui offre trop souvent qu'une ressource trompeuse et passagère ; et, parmi tant de départemens dont un luxe dan- gereux et l’imperfection de notre Agriculture nous rendent tributaires, combien peu en est-il avec qui la balance de nos échanges soit en notre faveur !

Ainsi donc, restreindre Ja masse toujours crois- sante de nos importations, nous attacher à multi- plier celles de nos productions susceptibles d’être exportées avec avantage, tel est le problême que vous avez à résoudre, le but que vous devez atteindre , si vous ne voulez voir enlever chaque année le numéraire qui circule encore dans le département, et disparaitre enfin ce signe déjà si rare de vos richesses.

C’est dans ces vues, dont il est difficile de con- tester la justesse, qu'a été concu le programme des prix que vous vous proposez de distribuer en 1832, et dont il vous sera donné lecture par M. le Rapporteur de la Commission chargée de préparer ce travail.

Aujourd'hui que vous êtes rassurés sur votre avenir par les idées larges et généreuses qui pré- dominent dans l’administration, et que vous ne pouvez douter de l'intérêt que prend à vos travaux le premier Magistrat de ce département; aujour-

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d'hui que les sentimens connus des Membres actuels du Conseil général vous garantissent la continuation des secours que ne vous refusèrent jamais leurs prédécesseurs, toutes les fois que vous les réclamâtes au nom de l'intérêt du pays ou pour contribuer à son illustration, il ne vous reste plus, Messieurs, qu’à poursuivre avec persévé- rance le système d'améliorations dont la nécessité vous est depuis long-temps démontrée. Les heu- reux résultats qu'ont produits, pour la naturali- sation du muürier, les encouragemens que vous décernâtes à cette culture, en 1826, ne peuvent laisser aucun doute sur Fempressement de vos concitoyens à répondre au nouvel appel que vous faites à leur zèle et à leur patriotisme.

Cependant, c’est en vain que vous vous atten- driez à voir l’étroit héritage du pauvre se conver- tir, à votre voix, en un champ d'expériences. C’est surtout à vous qu'il appartient d'appuyer vos pré- ceptes de l'autorité bien autrement puissante que leur donneront vos exemples. Indépendammentdes améliorations indiquées dans votre programme, et pour lesquelles il vous est avec raison interdit de concourir, il en est encore un grand nombre que réclame Fétat si imparfait de notre agricul- ture et auxquelles vous destinerez une portion, quelque faible qu'elle soit, de vos propriétés. L’arrondissement de Brioude se livre avec succès à la culture du chanvre : 1l s’est ainsi soustrait au

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lourd tribut que paient ceux du Puy et d'Yssin- geaux, pour se procurer la toile nécessaire à leur consommation. Ne peut-on y étendre davantase cette culture? La nature du sol de l'ancien Velay ne permet-il pas de y introduire ? et celle dulinne peut-elle aussi devenir, pour les parties montagneu- ses de la Haute-Loire comme pour les froides plaines de la Lithuanie, une utile ressource? Quelques plantations de pommiers à cidre ont eu lieu aux environs du Puy; mais qu'il y a loin de ces faibles essais à ce qui reste à faire pour diminuer, d'une manière sensible, les sommes énormes que nous versons chaque année, pour nos boissons, dans le seul département de l'Ardèche !

Combien d’autres cultures plus ou moins pro- ductives, et qui toutes auraient pour résultat de relever le prix de nos céréales, parfois si avili, et, dans tous les cas, de nous affranchir d’une partie des importations que nous sommes trop souvent réduits à solder avec du numéraire. De nobles, d'utiles exemples ont été donnés par plusieurs de vos Membres non résidans; ils n’ont pas été sans quelques fruits. Les belles cultures d’Alleret, que trop long-temps on se borna à admirer, trouvent enfin des imitateurs; et les forêts naissantes de mélèzes , naguères circons- crites aux portes d'Yssingeaux, couvrent déjà de leur tendre verdure les sommets glacés du Mégal.

Ayons donc le courage de l'avouer, Messieurs,

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(18) notre sol, trop négligé jusqu'ici, n'attend qu'un effort de notre volonté pour nous livrer des pro- ductions mal à propos regardées comme l'apanage exclusif de pays éloignés ou de climats plus heu- reux que le nôtre.

Eh! quel moment plus favorable pour entre- prendre ces paisibles conquêtes que celui de toutes parts le goût de la campagne pénètre dans les rangs divers de la société, se change en une véritable passion et devient de plus en plus un besoin de l'époque actuelle! L'homme quia ressenti une fois le charme irrésistible qu'exercent sur notre âme les beautés de la nature, pourrait-il, en cffet, cesser de puiser à cette source intarissable de jouissances aussi vives que pures ?

Que sera-ce si, à ces émotions trop vagues quelquefois, trop poétiques peut-être pour qu’elles soient généralement partagées, se joint l'attrait plus positif de la propriété! Si au plaisir que fait naître la vue d’un site pittoresque se mêle l’idée que c’est à nous qu'il doit ses plus délicieux ombrages ! J’en appelle à ce que vous avez éprouvé, et je vous demande si plus d’une fois contem- plant l'héritage embelli par vos mains, vous n'avez pas ressenti quelque chose de cette joie secrète que vous éprouveriez en écoutant l'éloge de votre fils chéri.

Mais l’uule fut toujours inséparable du senti- ment du beau; rien de ce qui est vrai ne saurait

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demeurer stérile. Les embellissemens dont les hommes aisés se plaisent à décorer leurs habita- tions rurales ne seront pas perdus pour la société. Fatiguées du tumulte des villes, de nombreuses familles iront chercher le calme dans les riantes solitudes qui leur sont préparées; elles y porteront l'élégance de leurs mœurs, répandront autour d'elles les bienfaits d’une véritable instruction, et, pour charmer leurs loisirs, se livreront à des essais toujours honorables s'ils pouvaient n'être pas fructueux. Heureux notre pays, si, par la puissance de l'exemple et un contact journalier , ces familles ainsi disséminées au milieu de nos cultivateurs parvenaient à améliorer les habitudes et à développer l'intelligence de cette classe d’hom- mes si utile et si négligée; heureux surtout si elles leur rendaient familières les idées d'ordre et de liberté sur lesquelles repose aujourd'hui notre état social; non cet ordre servile, au nom duquel le despotisme commande l’obéissance et défend l'examen; non cette liberté inquiète, tracassière, qui vit de troubles et meurt de ses excès; mais l'ordre et la liberté comme vous les comprenez, Messieurs, et comme il faut les comprendre pour assurer à jamais la gloire et le repos de notre chère patrie.

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AAA A A A AY A AR AA LU A A AL AV VE AA AE AA AA AA AA LA A AU UV ML AA LAS

RAPPORT

Sur les sujets de Prix proposés pour le département dela Haute-Loire.

Commissaires : MM. TREVEYS , TARDY , GIRARD- JanDriAC fils, BoRiE, avocat, et MANDET, rap- porteur.

Messieurs,

Les anciens élevèrent des temples à Osimis, à Cérès , à Triptolème, à Saturne : ces divinités dans lesquelles PAgriculture fut personnifiée , eurent leurs prêtres et leurs poètes; mais ils n'étaient pas cultivateurs, ceux qui élevaient des autels à cette nourrice du genre humain, ceux qui chantaient en vers harmonieux les délices de la vie cham- pêtre. Aussi l'Agriculture ne fit pas de rapides progrès; il lui fallait des exemples plus que des préceptes. Elle était, sauf quelques rares excep- tions de temps et de licux, livrée à une classe d'hommes privés presque partout de droits poli- tiques, sans instruction et presque sans intérêt dans les amélorations qu’on leur demandait.

C'était à la cour d’Auguste, sous la protection

(21) de Mécène, que Virgile et Horace soupiraient des idylles, donnaient d’utiles conseils aux culti- vateurs et chantaient les doux plusirs de la cam- pagne.

Eüt-on vanté Serranus qui semait son champ quand on l’appela au commandement de l'armée romaine , Cincinnatus retournant à sa charrue après avoir recu les honneurs du triomphe, s'ils n’eussent pas fait exception à la règle commune !

Le vieux Caton écrivit quelques préceptes. Cicéron dit fort bien que rien n'est meilleur, plus utile, plus doux, plus digne d’un homme libre que l'Agriculture ; et cet éloge est encore bien au-dessous de celui qu'en fait Xénophon.

Mais si ces grands hommes aimaient à se dé- lasser des fatigues de la vie publique dans leurs riches campagnes, on peut croire aussi qu'ils ne faisaient de l'Agriculture qu'en théorie, et tout au plus pour l’embellissement de leurs jardins; car les mœurs n'avaient pas changé lorsque Pline écrivait : « Nous abandonnons la culture à des » fermiers mercenaires, nous faisons travailler la » terre par des esclaves ou par des forcats, et

lon serait tenté de croire qu'elle a ressenti cet » affront. »

Dans des temps plus voisins de nous, la France, courbée sous le joug féodal, présentait-elle autre chose que des mercenaires ou des serfs pour les

(22) travaux agricoles; et doit-on s'étonner si, de tous les arts, c’est le plus ancien, le plus utile ne ait fait le moins de-progrès ?

En élevant le cultivateur au rang de citoyen, en lui rendant la liberté, nos lois nouvelles l'ont attaché au sol. Quand il a travaillé pour lui, Fin- térêt et le simple bon sens, à défaut d'instruc- tions suffisantes, l'ont dirigé dans la voie des améliorations. Le morcellement des propriétés, résultat des lois sur les partages et d'un nouveau genre de spéculation, en a fait passer une grande partie dans ses mams, et bientôt il a su, sans études, en doubler les produits. Les jachères ont diminué, les assolemens ont été mieux entendus, les fourrages ont augmenté, les bestiaux sont devenus plus nombreux, le toit de chaume a pour ainsi dire disparu.

Sans doute, d'utiles exemples ont été donnés par de grands propriétaires, qui ont compris qu'il fallait remplacer par une meilleure culture les produits qu'ils ne pouvaient plus prélever, à titre de redevances, sur les héritages qui relevaient de leurs anciens domaines; sans doute aussi, les nom- breuses instructions des Sociétés d'agriculture, qui se sont formées dans tous les départemens, n’ont pas été perdues; mais le plus grand mobile a été l'intérêt personnel. Il y a d’ailleurs dans le gros bon sens du peuple, plus de finesse, plus de justesse qu’on ne le pense communément, et

(25) tous les jours il en donne la preuve, par le prix qu'il met à la propriété.

En vain l’administration publique calcule le prix des terres, pour fixer le montant de l'impôt, et demande à quel taux lon place l'argent dans tel canton en propriétés rurales. Quand on lui répond que c’est à 2 12, à 3, à 4p'°%, le culti- vateur qui les achète sait fort bien qu'il peut en doubler les produits etqu'il obtiendra 5,6et 8 pr°/,.

Ces propriétés morcelées rapportent dans ses mains un produit plus que triple. On est donc bien dans l'erreur quand on croit, avec d'anciens baux ct des contrats de vente, pouvoir établir un juste rapport entre le prix des terres et leurs véri- tables produits.

Toutefois, Messieurs, je suis loin de croire qu'il n'y a rien à faire dans l'intérêt de cette classe nombreuse de petits propriétaires; mais je pense que le premier, le plus grand bienfait pour eux est de faciliter les moyens d’enseignemens, en établissant des écoles primaires : jusques-là, les exemples seuls peuvent les instruire, et ces exem- ples leur manquent trop souvent.

Cependant, ce département et ceux qui le tou- chent nous présentent de grands propriétaires dont les établissemens agricoles peuvent servir de modèles; les uns ont fait venir de Suisse les plus belles races de bêtes à cornes; ceux-là ont amé- lioré, par l'introduction du mérinos et par le

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croisement, l'espèce de nos bêtes à laine; d'au- tres, par de nombreux semis, ont multiplié les espèces d'arbres les plus propres au sol; d’autres enfin, par des irrigations mieux entendues, par des prairies artificielles, par des usines établies sur leurs propriétés, ont singulièrement augmenté leurs produits.

Mais ces grands agronomes n'exercent une cer- laine influence qu'autour d'eux. Une classe de propriétaires, qui tient le milieu entre la grande ct la petite propriété, arrête, par son état sta- tionnaire , les développemens de l’agriculture. Plus occupée des travaux des autres professions aux- quels elle s’'adonne, et qui ont fait l’objet de ses éludes et de ses spéculations, que de ses pro- priétés rurales, elle en confie aveuglément Fadmi- nistration à des fermiers peu fortunés, auxquels elle craint trop souvent de livrer les avances nécessaires pour la culture. Heureux encore ces pauvres fermiers, quand les baux à ferme, pres- que toujours à trop courtes échéances, ne leur défendent pas expressément les défrichemens les plus utiles, les assolemens les plus convenables !

Il est rare qu'un bail ne soit pas la copie litté- rale des baux antérieurs; et le plus souvent, pour en comprendre les stipulations, 1l faut remonter à des baux qui datent d’un demi-siècle. Ce sont les domaines de ces mauvais tenanciers qui sont ordinairement un objet de spéculation, et dont

(25) les produits croissent si rapidement quand ils sont divisés.

Ces domaines sont les plus communs dans ce département ; ce sont leurs propriétaires et les fermiers que la Société a eu principalement en vue dans le programme qu'elle à arrêté.

Les premiers appartiennent, en général, à une classe assez éclairée pour sentir tous les avantages qu'ils peuvent retirer d’une meilleure culture; il ne s’agit de leur part que de consentir des baux à plus longs termes, de slipuler pour condition principale un mode spécial d’assolement, de faire opérer successivement le défrichement des mau- vaises pâlures et des prés qui ne sont pas arrosés, d'y substituer beaucoup de prairies artificielles, d'agrandir et d’aérer leurs étables, de fournir aux fermiers un fonds de cheptel plus considérable et une plus belle espèce de bétail.

En réglant tontes ces opérations de manière à les opérer progressivement, le propriétaire n'aurait à faire que de bien légères avances, dont il serait bientôt amplement dédommagé. Quand on pense que, pour obtenir ces résultats, 1l ne faudrait an propriétaire qu'un examen détaillé de sa propriété, on se demande comment il ne peut prendre sur ses affaires habituelles, sur ses habitudes, le temps nécessaire pour s'en occuper.

L'empire de Ja routine est-il donc si bien établi, que amour du bien public, le sentiment de

( 26 ) lintérêl personnel ne puissent en triompher ! Espérons, Messieurs, que les sujets de prix pro- posés pourront y contribuer.

La Société n’a pas cru devoir borner sa sollici- tude aux moyens à prendre pour arracher à une funeste apathie la classe nombreuse des proprié- taires que je viens de signaler.

D’autrés améliorations étaient sollicitées d’au- tant plus vivement, qu’elles conviennent à la plus petite comme à la plus grande propriété, qu’elles n’exigent pas plus d’avances de fonds que la culture ordinaire des céréales, et que leurs pro- duits sont désirés sur nos marchés. C’est la cul- ture des plantes oléagineuses, si utiles dans un département qui ne récolte que la moindre partie des huiles qu'il consomme. Les prairies artifi- cielles, le reboisement de nos montagnes, ne doivent pas cesser également d’appeler notre attention, Déjà quelques cantons ont répondu à l'appel de la Société. Nous espérons que leur exemple aura de l'influence ; mais de nouveaux cncouragemens nous ont paru nécessaires.

Privés des grandes routes, des canaux qui faci- litent toutes les communications, l’industrie , si florissante à nos portes, a bien de la peine à se développer dans ce département. Nous avons cherché à stimuler ses efforts par un prix par- üculier.

Telles ont été, Messieurs, les considérations

(59) générales qui nous ont dirigé lorsque nous avons arrêté le programme des prix que la Sociélé aura à distribuer l’année prochaine. Peut-être trouvera- t-on que la littérature, les sciences, les beaux- arts auraient aussi réclamé une place spéciale dans celte distribution annuelle; mais nos res- sources sont bornées, et nous aurions méconnu le but essentiel que s'est proposé le Conseil général de ce département dans la fondation de cette Société, si nous n'avions pas donné aux fonds qu'il veut bien mettre à notre disposition l'emploi le plus utile à la classe la plus nombreuse.

NOTICE INDICATIVE

Des sujets de Prix proposés par la Société, pour être décernés en 1832, dans sa Séance publique.

Prix pour les meilleurs Fermiers ou Métayers, et pour les Propriétaires-Agriculteurs.

La SoctéTÉ décernera plusieurs prix à ceux qui auront le mieux satisfait aux conditions suivantes :

10 2 ce sont des fermiers ou métayers, il faudra qu'ils aient démeuré au moins neuf ans dans le domaine qu'ils exploitent ;

29 Pour tous les concurrens, être de bonnes vie et mœurs ;

Être soigneux de ses bestiaux pour Ja nour-

( 26 ) riture el le pansement, et surtout ne point les maltrailer;

Être économe des fourrages, ne rien négliger pour les conserver, surtout les augmenter par des prairies artificielles ;

Bien labourer, se faire remarquer par sa diligence à donner les différentes facons aux terres, employer beaucoup la bêche, surtout la charrue à la Dombasle;

Bien monter une charrue, en ajuster toutes les pièces de manière à ce qu’elle laboure bien la terre, sans trop fatiguer les bœufs;

Faire bien écouler l’eau des champs, par le moyen des saignées et des égoûls ;

89 Avoir soin de récurer les élables, de les tenir toujours très-propres et suffisamment aérées; ne point laisser brûler les fumiers par le soleil, mais les recouvrir de terre, après les avoir arrangés sur le tas, chaque semaine au moins;

Ne point laisser ravager les haies et les bois par le bétail; avoir le plus grand soin de leur conservation et de leur aménagement.

IVota. Les candidats devront produire un certificat délivré par le propriétaire, pour les fermiers métayers; et par le Maire, pour les propriétaires-agriculteurs. La Sociélé se réserve de prendre connaissance de l’exactitude des faits énoncés au certificat.

D'autres prix seront décernés : Pour la culture du pavot, à l'effet d'extraire l'huile de sa graine.

Cettecullure, essayée sur plusieurs points de cet arrondissement,

(29) a donné des résultats très-satisfaisans : M. Bonnefoux, receveur de l’euregistrement à Saint-Paulien, etM”* Fournier, d’Allègre, ont obtenu une livre d’huile pour deux livres de graine, moitié huile vierge.

Pour la culture du colza, du ruta baga ou navet 1 le) de Suède, dela caméline etautres plantes olcifères. 1

Dans les pays montagneux, le colza a donné des produits extraordinaires, On peut citer l'exemple du fermier de M.Johany, de Pradelles : ses produits ont élé de cinquante livres d’huile pour cent livres de graine. Il parait que la graine du colza con- vient mieux dans nos montagnes; car dans le bassin du Puy, on n'avait eu que trente-trois livres par cent.

Pour la culture de la Inzerne, du trèfle, du chapre ou sainfoin, du ray-grass ou fromental.

La Société se fera un plaisir de donner aux agriculteurs les instructions les plus détaillées sur la culture de ces diverses plantes, sur les terrains les plus convenables et sur les produits qu’on peut en attendre,

A celui qui aura fait les semis ou plantations les plus considérables (selon l'étendue de sa pro- priété, surtout dans les montagnes) en mélèzes, pins des Alpes ou pins communs : sont exceptés les cantons du Puy.

A celui qui aura les plus beaux élèves en che- vaux, mulets, taureaux, génisses el bêtes à laine, nés dans le pays.

On devra les présenter, au Puy, à la foire de la Dédicace on à celle de Notre-Dame d'août, à la Commission qui sera nommée par la Société.

À l’auteur du meilleur Mémoire sur les divers sols du département qu'il convient de reboiser,

(50)

sur le choix des méthodes à suivre selon les lieux et le climat, sur l'éducation des arbres forestiers et sur l’essence des arbres propres à chaque localité.

A ceux qui auront introduit une nouvelle fa- brique ou un nouveau genre d'industrie, suscep- üble de recevoir un développement avantageux au pays.

Déjà la Société en avait fait l’objet d’un prix spécial, en 1828, mais ce sujet est trop important pour le département pour ne pas y revenir.

Nota. Les prixque décerne la Société, consistenten médailles

d'or, d'argent et de bronze.

AAA VV LES VUE AA MU VE VE AR UV MA A AE M MAL UE LR VAL AA AV UE AE AA AAA AAA AV

RAPPORT

Sur les Mémoires adressés à la Societé, sur La question mise au concours par le Conseil général du département.

Commissaires : MM. pe Lesranxc , FiLuior , DUMONTAT , GIRE, et MONTELLIER, rapporteur.

MEssrEurs,

Appelée à vous rendre compte des résultats du concours ouvert par la Société, sur la demande expresse du Conseil général de ce département el sur un sujet qui intéresse éminemment l'Agri-

(51)

culture de ce pays, et l’on pourrait dire sa prospérité , votre Commission n’a consulté que son zèle , et elle vous prie, Messieurs, de lui accorder votre indulgence et votre attention, vu surtout le peu de temps qu'elle a eu pour vous présenter un travail si important et qui fût digne de son objet,

Messieurs, la question mise an concours par le Conseil général était celle-ci :

« Est1l plus avantageux aux propriétaires de la » Baute-Loire de se livrer à l'éducation des che- » vaux que de faire des élèves de mulets? »

Trois Mémoires sont parvenus au Secrétariat de la Société.

Dans les examens successifs auxquels se sont livrés vos Commissaires, le Mémoire 1°, por- tant pour épigraphe : « La somme des richesses » territoriales particulières est le chiffre véritable » des richesses de l'État, » et celui 2, portant celle-ci: « 1n rebus arduis, lento gradu, » leur ont paru avoir un mérite à-peu-près égal.

Le prenuier est divisé en deux paragraphes.

L'un est intitulé : Soins à donner aux poulains et aux jumens poulinières, et calcul des dépenses et du produit net.

L'autre est intitulé : Soins à donner à l'élève du mulet, et calcul des dépenses et du produit net.

L'auteur à fait précéder la discussion de quelques observations importantes sur les produits en pâtu-

(5)

rages et prairies de ce département, el il examine s'ils ont l'étendue nécessaire pour l'entrelien des bestiaux de labour indispensable à son agriculture, et faire simullanément des élèves de chevaux. De plus, il s’agit, dit:1l, de s'assurer encore si ces päturages sont, par la nature du sol et la qualité de l'herbage, convenables à cette dernière espèce d'animaux.

L'auteur soutient que la Haute-Loire remplit les conditions de qualité indiquée ; mais, en même temps , il pense que la grande élévation de quelques-uns de ses cantons qui, d’ailleurs, sont les plus riches en pâturages, ont une température trop froide et surtout trop variable; ce qui influe d’une manière {rès-nuisible sur la vue des jeunes poulains.

D'autre part, l'auteur pense que le département ne trouve dans ses prairies naturelles que les res- sources à-peu-près nécessaires aux besoins de son agriculture et à sa consommation intérieure, ce qui explique comment les propriétaires ne s’y livrent pas à l'éducation des chevaux, branche d'industrie agricole qui est en quelque sorte un indice de la surabondance des fourrages, puis- qu’elle oblige à sacrifier une certaine étendue de prawie et à la laisser en pacage pour les jumens poulinières et leurs produits.

Mais, dit l’auteur, « peut-être pourra-t-on m'ob- » jecter que l'éducation du mulct doit présenter

(35 )

les mêmes inconvéniens. Je réponds que celle- ci, dans la Haute-Loire comme dans l'Auvergne, est loin d’entrainer de semblables soins. En général , les fermiers ou les propriétaires qui font saillir une jument du baudet, habitent des villages d’où dépendent des pacages commu- naux plus ou moins vastes, ils envoient paître la mère et son suivant une partie de l’année, sauf à leur donner au retour quelques poignées de fourrage au rätelier; mais ils se gardent bien de leur abandonner un pré pour leur tenir lieu de pâtural.

» Il faut donc conclure de ces observations dont on ne saurait guères, je crois, contester l'exactitude, qu'il y a peu de communes dans ce département l’on puisse se livrer à l'éducation des chevaux avec quelques chances de succès. » Mais lors même que le propriétaire rural réunirait dans son domaine toutes les conditions exigées pour élever des poulains, voyons sil en retirerait un bénéfice , et si ce bénéfice serait du moins équivalent à celui que produit l'élève du mulet. »

Après ce préliminaire , l’auteur se livre avec

détail au calcul de la dépense occasionée par une jument poulinière qui aura produit deux poulains dans Fespace de trois ans, en supposant qu'il n’y aura pas eu d’accidens, qui ne sont cepen- dant que trop nombreux.

3

(34)

Cette dépense est fixée à 249 fr., et le produit brut à 450 fr.; ce qui donne 67 fr. pour chacune des trois années.

L'auteur ajoute : « Que pour se livrer à ce genre » de spéculation, avec quelque probabilité de » retirer un avantage, il faut posséder un bien de » quatre paires de vaches, et récolter soixante » milliers de foin. »

Passant au $. 2, relatif à l'élève du mulet, l’auteur indique ce qu'il faut faire pour retirer le plus grand avantage possible de ce genre de spé- culation.

Les résultats des détails et des calculs présentés par l’auteur, sont ceux-ci :

Les produits, pendant la même période de trois ans, seraient de 399 fr., et la dépense de 54 fr.; reste donc du produit 345 fr., ce qui donne 115fr. par an.

A cet avantage considérable, l’auteur ajoute qu'une jument poulinière de race, dans une ferme, est presque inutile pour tout autre service; tandis qu'une jument muletière est d’un usage presque journalier pour porter les denrées et les grains au marché, etc., etc.

L'auteur, dans un Exposé concis, assure en outre que le commerce des mulets produit ure importation d’espèces équivalant à l’exportation de celle causée au Gouvernement par la privation des ressources en chevaux qu'il pourrait tirer de

(35 )

la Haute-Loire, et ajoute que c’est à l’aide des

importations de numéraire procurées par la vente

des objets exportés, et spécialement par celles

des mulets, qu'un grand nombre de propriétaires

de ce département acquittent leurs contributions.

Enfin, l’auteur termine son Mémoire par la

conclusion suivante :

LU

« I] n’en est pas moins à désirer que le Gou- vernement fasse des efforts pour propager, plus qu’elle ne l’est en ce moment, l'éducation des chevaux dans ce pays. Il est certainement quelques cantons les spéculations des pro- priétaires, sous ce rapport, pourraient ne pas être sans résultats; mais pour les y déterminer, il faudrait plus que des encouragemens.

» L'espèce des jumens du pays est généralement abâtardie, et lon ne voit presque nulle part une bête de race susceptible de porter de beaux poulains. Il ne s’agit donc pas seulement de nous envoyer un nombre plus ou moins consi- dérable d’étalons , d'accorder des primes, etc., si d’ailleurs les mères qu'on destine à la repro- duction sont dépourvues de toutes les qualités convenables à une bonne poulinière. Nous le dirons encore, au risque de nous répéter, il importe, avant tout, de renouveler l'espèce de celles-ci; et tant que cette régénération n'aura pas eu lieu, l'État ni les propriétaires nourrisseurs ne peuvent espérer de tirer de

(56) l'élève des chevaux de ce département aucun véritable avantage. » Par quelle voie pourrait-on y parvenir ? Nous n’aborderons pas cette nouvelle question; elle est tout à la fois indépendante de celle que nous venons de traiter, et d’ailleurs subor- donnée aux mesures que la haute administration jugerait convenables d'adopter pour arriver à des résultats impossibles à obtenir, tant que les élémens de reproduction resteront les mêmes. » Mais ce que nous croyons avoir mis hors de doute, c’est que dans l’état actuel de notre agriculture , c’est-à-dire tant que la race des jumens ne sera pas renouvelée dans ce dépar- tement et que l'amélioration des cultures n’y aura pas augmenté nos ressources en fourrages, les propriétaires-cultivateurs auront intérêt à se livrer de préférence à l'élève du mulet, »

3 (e) SD] , Le Mémoire 2 a pour épigraphe : In rebus arduis , lento gradu.

Il a semblé à votre Commission que l’auteur avait

traité la question proposée par le Conseil général , en homme qui connaît et les ressources du dépar-

tement et tous les détails que cette question

comporte; mais elle a reconnu également que, comme l’auteur du Mémoire 1%, il avait né-

(37) gligé de citer des exemples pris, soit dans ce département, soit dans les départemens voisins, pour appuyer et corroborer ses assertions ; ce qui eût été bien important, bien décisif et tout à la fois instructif pour ceux qui s'occupent de ce genre de spéculation.

Ce Mémoire se distingue particulièrement par des détails très-intéressans sur plusieurs points relatifs à l’état se trouve actuellement ce dé- partement, quant aux élèves en chevaux et mulets et aux avantages résultant de l’une et de l’autre espèce de ces animaux.

D'accord avec l’auteur du Mémoire sur ce point, que notre département est propre, par sa température, son climat et ses pacages, à l'élève des chevaux, il démontre d’une manière claire et précise comment il se fait que près des 19/20%° des poulinières soient livrées au baudet.

Les observations de l’auteur, sur la construction des écuries et les effets produits par cet état de choses, sont justes et méritent l'attention des propriétaires-agriculteurs.

Il en est de même des observations de l’auteur, sur l'espèce d'abandon, ou, si l’on veut, le défaut de soins lors de la conduite et de la tenue au pacage des jumens, et dans les écuries et sur lin- salubrité de celles-ci.

Enfin, après avoir conclu qu'il est plus avan- tageux que les cultivateurs continuent à se livrer

(58)

à l'élève du mulet, tant qu'ils négligeront de se créer les ressources qui leur manquent pour s’oc-

cuper de l'éducation des chevaux, Pauteur indique

ce qu'il conviendrait de faire pour ce dernier

genre de spéculation.

C’est dans le Mémoire même que ceux qui

s'occupent de ces objets pourront puiser des

renseignemens utiles.

La Commission ne peut non plus s'empêcher

de transcrire ici la phrase par laquelle l’auteur

a

2 2 » Lu 2 2? » 2»? 2 2?

LL

terminé son Mémoire.

« Telles sont les considérations que j'ai jugé à propos de faire valoir, pour motiver mon avis sur une question aussi importante. Si une pra- tique de vingt années dans une branche de notre économie rurale et domestique, si une connais- sance des localités et une étude de ce qui a rapport à l'éducation des animaux domestiques dans notre département, m'ont mis à même de proposer quelque chose d’utile , que tout l’avan- tage en retombe sur mon pays et mes conci- toyens, c’est la plus douce récompense que je puisse ambitionner. »

Le troisième et dernier Mémoire a pour épi-

graphe :

lAdiutiliatnitoras er UE NE GE

Consilium nobis resque locusque dabunt. (Ox.)

L'auteur, dès la première page de son Mémoire,

( 39 ) convient que, sous le rapport de l’éducation et du commerce des bestiaux, le profit du proprié- taire-agriculteur de la Haute-Loire n’est pas en proportion avec ses ressources.

Il observe avec raison que dans l’état de médio- crité se trouvent nos chevaux, ils ne peuvent pas soutenir la concurrence, et n’offrent au pro- priétaire que des débouchés difficiles et un béné- fice incertain, tandis que l'élève des mulets ne présente pas le même désavantage; car, dit:l, il est reconnu que les jumens de petite taille, même atteintes de vices de conformation, sont propres à produire d’assez bons mulets, tandis que si Fon se propose d'élever des chevaux, on ne saurait apporter trop de soin au choix des mères.

Malgré un fait qui paraît aussi décisif, l’auteur soutient que si les propriétaires se fussent attachés à améliorer la race au lieu de la laisser dégénérer, tout l'avantage serait pour ceux qui se livreraient à l'éducation des chevaux.

Il observe aussi avec raison que le profit que le propriétaire attend de l'élève des mulets, dépend de l’ouverture de nos communications avec l’étran- ger, et principalement avec l'Espagne. Ensuite, il fait remarquer qu'il est trop vrai qu'on est obligé de les vendre sans pouvoir attendre le terme de leur plus haute valeur , et cela sans courir de grands risques; la nécessité, dit-il, entre pour beaucoup dans cette détermination.

(40, )

L'auteur déplore la nécessité nous sommes dans ce département de nous pourvoir ailleurs de chevaux nécessaires à l’usage de ses habitans, et cherche à prouver qu'il nous serait facile de nous soustraire au tribut que nous payons à nos voisins pour nous procurer les chevaux dont nous avons besoin, et il observe judicieusement que les che- vaux étrangers au pays s’accoutument difficilement au genre de vie auquel on les assujettit.

Il fait remarquer aussi que les produits de la culture des terres étant très-bornés dans ce dépar- tement, et les pâturages et fourrages étant l'unique ressource de nos propriétaires, il faut nécessaire- ment qu'ils élèvent des animaux, et surtout ceux qui leur promettent le gain le plus considérable.

L'auteur observe qu'il est journellement témoin des soins qu’on donne aux mulets, et soutient qu'avec les mêmes soins, l’on pourrait faire de bons chevaux qui rapporteraient un profit bien plus considérable.

Il soutient aussi que, dans le nombre des pro- priétaires qui élèvent des mulets, il s’en trouve quelques-uns qui élèvent des chevaux, et que ceux-ci sont les propriétaires les plus éclairés.

Il ajoute que le nombre des propriétaires qui élèveraient des chevaux serait infulliblement plus grand si les étalons étaient plus multipliés.

« Dans ce département, dit:1l, la plupart de » nos propriétaires sont insoucrans, le moindre

(4)

» dérangement leur coûte; le haras de baudet se

Lu

trouve plus à leur portée : cette raison suffit pour les déterminer. »

On ne peut s'empêcher, en terminant l’analyse

de ce Mémoire, d’en citer les deux derniers passages.

Voici comment l'auteur s'exprime à cet égard :

2

« Tout propriétaire qui voudra se donner la peine de réfléchir, sentira la conséquence de ce que j'ai avancé, et bien mieux que je ne lai expliqué dans ce faible travail. Ce serait un bien très-avantagenx opéré dans le département, si les conseils, l'exemple et les travaux des Mem- bres de la Société d'agriculture pouvaient déter- miner le plus grand nombre de nos cultivateurs à s'adonner à l'éducation des chevaux.

» Pour parvenir à cet heureux résultat, il ne faudrait que du goût chez nos propriétaires. Quand on l'a, tout le reste vient ensuite. 1l n’y a que les premiers essais qui coûtent quelques démarches et quelques avances. Quand une fois le premier établissement de commerce est fait, il ne faut presque plus rien pour en entretenir le courant; on y trouve tous les jours de nou- veaux débouchés et de nouveaux profits. »

En nous résumant, Messieurs, nous vous dirons

que les trois Mémoires dont nous venons de vous

présenter l'analyse, ont'paru à votre Commission

être l'ouvrage d'hommes animés d’un vrai dévoue-

(42) ment et d'un grand désir d’être utiles, et de con- courir à la prospérité du département,

Tous ces Mémoires, quoique spéciaux et res- treints, sont assez IMportans pour que la Com- mission ait cru devoir rendre justice à l'intention des auteurs. 11 ne faut pas, a-t-elle pensé, que, dans cette cause, aucun mérite demeure sans récompense, aucun effort sans résultat.

Tels sont , Messieurs, les fruits du concours ouvert sous vos auspices; on entend les premiers fruits, car ceux-ci en porteront d’autres, nous devons l’espérer. Le Conseil général a cru devoir éveiller l’'émulation des agronomes- et de tous ceux qui s'intéressent réellement au bien de notre pays. Il a senti que notre département avait le plus grand besoin, surtout en ce qui concerne l'Agriculture, d’éveiller l'attention, de provoquer le dévouement de ceux de ses habitans que leurs études et leurs expériences ont initié dans ce qui peut amener et produire des résultats avan- tageux à notre contrée malheureusement si re- culée dans tous les genres d'instruction et de civilisation. Qu'il nous soit permis, en terminant, de faire des vœux pour que le Conseil général porte une attention toute particulière sur létat de notre agriculture, sur les grands besoins en tout genre qu'elle éprouve, et sur les encou- ragemens à lui donner.

Messieurs, après un examen particulier fait par

(43)

chacun des Membres de la Commission, des trois Mémoires dont l'analyse vient de vous être faite, et ensuite d’une discussion générale et appro- fondie sur chacun de ces Mémoires, la Commission a été unanime sur ce point, qu'aucun des con- currens n’a appuyé ses assertions sur des exemples tirés des localités, ce qu'il eût été facile de faire, puisque un assez grand nombre de propriétaires qui se livrent soit à l'éducation des chevaux, soit à l'élève des mulets, habitent le département, et c’est cependant ce qui eût été de la plus haute importance, comme d’une grande influence ; l'exemple étant tout en pareille matière.

La Commission a ensuite reconnu quil n'est malheureusement que trop vrai que, dans l’état actuel de l’Agriculture de ce département, c’est- à-dire tant que les propriétaires n'auront point augmenté nos ressources en fourrages par la cul- ture des prairies artificielles ; tant que les pro- priétaires n’auront pas apporté les améliorations convenables dans la construction de leurs écu- ries, et enfin tant que la race des jumens pouli- nières ne sera pas renouvelée, il y a plus d’avan- tages à se livrer de préférence à l'élève du mulet qu'à l'éducation des chevaux.

En conséquence, la Commission est d'avis que le prix voté par le Conseil général du département soit accordé par moitié à chacun des auteurs des Mémoires et 2, et qu'il soit accordé

(44) une menlion honorable à l’auteur du Mémoire n°3 AL)

(1) Par délibération du 12 mai 1851, le Conseil général a décerné le prix par moitié aux auteurs des Mémoires n°“ 1 et 2, et mention honorable a été accordée au Mémoire 3, dont

l’auteur est M. Labilherie fils, maire de la éommune de Grèze.

(Vote des Editeurs.)

(45)

AAA AU AU AUS MU UV LU AU VU VU UV MU VU EU LE A ML AU AS AU MU UV AN A LV

MÉMOIRE

SUR CETTE QUESTION :

Est-il plus avantageux aux propriétaires de la P 5 Haute - Loire de se livrer à l'éducation des chevaux que de faire des élèves de mulets ?

Par M. DERIBIER DU CHATELET, MEMBRE NON RÉSIDANT (1),

La somme des richesses territoriales parti- culières est le chiffre véritable des richesses de l’État (Phrase extraite du Mémoire).

AvanrT de nous occuper de la solution d’une question que le Conseil général à jugé assez inté- ressante pour être mise au concours, il convient d'examiner si les prairies et les pâturages de la Haute-Loire ont l'étendue nécessaire pour nourrir les bestiaux de labour indispensables à son Agri- culture, et faire simultanément des élèves de chevaux. De plus, il est bon de s'assurer encore

@) M. Deribier est propriétaire dans le Cantal, et se livre depuis longues années à l’éducation des chevaux. I] a donc parlé d’après sa propre expérience. Il n’a fallu rien moins qu’une pro- fonde conviction pour le déterminer à se prononcer dans cette question, contre ses propres habitudes et son gout particulier.

(Note de l'Auteur.)

(46) si ces pâturages sont, par la nature du sol et la qualité de lherbage, convenables à cette der- nière espèce d'animaux.

Il faut aux jeunes poulains, d’après les con- naisseurs dans la partie, des pacages peu char- gés de plantes grasses, et moins encore de plantes marécageuses; il faut que les graminées y domi- nent, ou, en d’autres termes, que les végétaux dont se nourrit l'élève au vert, tiennent plus de la paille que du foin.

H importe encore que le sol soit sec et caillou- teux pour leur dessécher la jambe. Enfin, quoique un pays inégal et montueux ne soit pas contraire, soit même favorable aux poulains, il est reconnu que les lieux trop élevés, d’une température trop froide, et surtout trop variable, influent d’une manière très-nuisible sur la vue de ces animaux.

Nous pensons que Fherbage de la Haute-Loire remplit les conditions de qualité que nous venons d'indiquer; mais la grande élévation absolue de quelques-uns de ses cantons qui, d’ailleurs, sont les plus riches en paturages, présente aussi Fin- convénient que nons avons signalé; c’est-à-dire, que des affections sur la vue des jeunes poulains s’y manifestent fréquemment.

Quant à l'étendue de prairies que l’on peut ici transformer en pâturages, pour être consacrés à cette branche d'économie rurale, nous croyons superflu de nous livrer à des recherches statis-

(47)

üques sur cette matière. Il suffira de faire observer que la superficie du département du Cantal n’est pas d’un sixième plus grande que celle de la Haute-Loire, et cependant les productions du pre- mier, en bestiaux et surtout en fromages, sont bien au-dessus de cette proportion. On fait dans la Haute-Loire bien peu d'élèves en bestiaux; ce ne sont guères que des bœufs gras qui s’en expor- tent, et ce commerce même est bien loin d’avoir l'importance de celui de la haute Auvergne,

Si donc la Haute-Loire ne trouve dans ses prairies naturelles que les ressources à-peu-près nécessaires aux besoins de son agriculture et à sa consommation intérieure, on s'explique comment les propriétaires-cultivateurs ne sy livrent pas à l'éducation des chevaux, branche d'industrie agri- cole qui est en quelque sorte un indice de la surabondance des fourrages, puisqu'elle oblige à sacrifier une certaine étendue de prairie et à la laisser en pacage pour les jumens poulinières et leurs produits. Nous ferons plus bas les calculs de cette dépense, à laquelle il faut ajouter la dété- rioration du sol, qui perd tout à la fois en quan- üté et en qualité : en quantité, par suite du piétinement des animaux qui le parcourent en tous sens; en qualité, parce que les mauvaises plantes, étant évitées ou dédaignées par les che- vaux, montent en graine et envahissent le terrain au détriment de la bonne herbe.

(46)

Peut-être pourra-t-on n'objecter que l'éducation du mulet doit présenter les mêmes inconvéniens. Je réponds que celle-ci, dans la Haute-Loire comme dans l’Auvergne, est loin d’entrainer de semblables soins. En général, les fermiers ou les propriétaires qui font saillir une jument du bau- det, habitent des villages d’où dépendent des pacages communaux plus moins vastes, ils envoient paitre la mère et son suivant une partie de Pannée, sauf à leur donner, au retour, quelques poignées de fourrage au râtelier; mais ils se gar- dent bien de leur abandonner un pré pour leur tenir lieu de pâtural.

Il faut donc conclure de ces observations, dont on ne saurait guères, je crois, contester l’exacti- tude, qu'il y a peu de communes dans ce dépar- tement l’on puisse se livrer à l'éducation des chevaux avec quelques chances de succès.

Mais lors même que le propriétaire rural réu- nirait dans son domaine toutes les conditions exigées pour élever des poulains , voyons s’il en retirerait un bénéfice, et si ce bénéfice serait du moins équivalent à celui que produit l'élève du mulet.

Pour cela, il convient d'entrer dans quelques détails sur les soins à donner aux uns et aux autres.

(49) $. Ier. Soins à donner aux poulains et aux jumens pouli- nières. Calcul des dépenses et du produit net.

Le propriétaire qui se propose d'élever des poulains doit se procurer une jument de l’âge de quatre à cinq ans, d’une taille avantageuse, forte dans ses membres, c’est-à-dire n'étant pas d’une grande finesse. Il aura soin de la faire saillir, au- tant que possible, à la fin de mars ou au com- mencement d'avril, pour que le poulain, arrivant à l'entrée du printemps, puisse profiter de la pointe de l'herbe et se purger plus aisément de la gourme et des humeurs qui nuisent à son accrois- sement. Il est reconnu que les produits tardifs n'ont pas cet avantage, et qu'en outre les chaleurs de lété les fatiguent beaucoup, à cause de la délicatesse de leur peau: il ya plus; à cette époque, lherbe étant plus nourrissante, le lait de la mère est trop fort et souvent fait périr l'élève.

Aussitôt qu'une poulinière a mis bas, on peut l'envoyer au pacage; car trois ou quatre jours suffisent pour assurer les jambes du nourrisson et lui donner la force de suivre sa mère, et de tourner et jouer autour d'elle. Il faudra cepen- dant, dans les jours trop froids et orageux, si communs dans nos départemens de montagne, éviter de les laisser sortir de l'écurie, surtout dans les premières semaines.

4

(50 )

A un an, il est de l’intérét du propriétaire que le poulain soit nourri au râtelier, en lui donnant chaque jour une ration égale et bien choisie. Il faudra mêler avec soin le foin et la paille, pour que le tout se mange à la fois; car l'élève étant alors sevré, il lui faut une nourriture solide et substantielle. Dans le courant de la journée, il sera bon de l'envoyer , avec sa mère, quelques heures au pacage. Il profitera de ce moment pour essayer et développer ses membres, s’ébattre, se coucher, et de retour à l'écurie, il en aura plus de gaieté et d’appétit, Il est reconnu qu’un poulain ainsi conduit gagne en force et en taille; au sur- plus, de pareils soins et un tel régime ne doivent se rapporter qu'à un sujet qui à des qualités et donne des espérances; car un poulain commun ne paierait pas les peines et la dépense, et, dans ce cas, un propriétaire ne saurait trop tôt s’en défaire.

Une poulinière dont les productions sont dis- tinguées , ne doit être saillie que tous les deux ans. L’année perdue, en apparence, sera bien compensée par la bonté des élèves qui seront mieux nourris, et par le repos que l’on procurera ainsi à la mère, dont les facultés productives s'épuiseront moins vite.

Une poulinière commune et qui n'offre rien de beau dans ses produits, doit, au contraire, être sallie tous les ans.

(Hi)

Enfin, de deux à trois ans, l'élève est également nourri au râteler. Il faut compter cinquante quin- taux de foin, trente quintaux de paille et dix hectolitres d'avoine, non compris le vert au prin- temps, et le son, de temps à autre , le reste de l'année. :

Résumons maintenant les dépenses d’une pouli- nière tant pleine que surlée.

La première année, il faut sacrifier en pacage, qualité médiocre, un demi-hectare environ, c’est- à-dire une surface de 1250 toises de terrain à- peu-près. À la vérité, le nourrisson consomme peu d'herbe , mais aussi la mère dépense plus, tant que le lait est la seule nourriture du jeune pou- lain. Nous estimons que l'emplacement abandonné à cette spéculation pourrait rendre au proprié- taire vingt-cinq quintaux de foin.

Quant à la nature du sol, il faut, autant que possible, qu'il soit sec, un peu en pente et sus- ceptible d’être arrosé, pour renouveler une herbe courte et fraiche. Tout terrain trop gras ou maré- cageux influe d’une manière ficheuse sur la vue et la qualité des jambes des chevaux qui s'y nourrissent.

Une poulinière suitée qui aurait mis bas en mars en avril peut bien rester, comme il a été dit plus haut, habituellement au pacage, excep- tion faite des mauvais jours, jusqu'à la fin d'oc- tobre ; mais , passé cette époque, il conviendra de

(52)

nourrir au râtelier plus fortement , afin que la mère ait toujours en abondance du lait, dont la quantité doit augmenter au fur et à mesure que le jeune animal prend de l'accroissement. Si en novembre il y a quelques beaux jours, on peut encore faire sortir la jument et le poulain vers l'heure de midi, ne füt-ce que comme prome- nade; celui-ci ne peut que gagner à cet exercice salutaire.

D'après des calculs basés sur l'expérience et les données qui précèdent, nous pouvons évaluer ainsi qu'il suit la dépense d’un poulain parvenu à lâge de trois ans, non compris celle de la mère :

Pourun poulain, jusqu’à l’âge d’unan. 1of. »°, 29 Pour la seconde année, dépense à

l'écurie, 25 quintaux de foin et 15 de

paille, que nous ne pouvons évaluer,

prix de récolte, au-dessous de.. ... 6o » De deux à trois ans, il faut compter

5o quintaux de foin et 30 quintaux

de paille, plus 10 hectolitres d'avoine,

non compris le vert qu’il convient de

lui faire prendre au printemps, ainsi

que le son en hiver et en été....... 160 »

TOME CDS »

Ainsi un poulain, parvenu à l’âge de trois ans,

(53 ) aura coûté 230 francs, sans y comprendre les soins du propriétaire et le temps du pansement.

Nous faisons également abstraction de la dé- pense occasionée par la mère, parce que notre but étant principalement de comparer le produit net de l'élève du cheval avec celui de lélève du mulet, nous éliminerons , commeélémentcommun de part et d'autre, les frais de la jument portière.

Le nourrisseur aura alors deux chances à courir : ou le poulain est très-distingué, et, dans ce cas, il convient de redoubler de soins afin de le vendre comme étalon et d'en tirer un parti avantageux ; ou le poulain est ordinaire et ne répond plus à votre attente; dans ce cas, il faut le faire couper et le mettre en vente dès que l’occasion favorable s’en offrira.

Un poulain ordinaire se vend, à un an, de 80 à 150 francs.

Un poulain de deux ans doit faire de 140 francs à 190 fr., rarement 200 et 240 francs.

Enfin, un poulain de trois ans doit être payé de 200 à 300 fr., et même quelquefois 350 francs.

Nous estimons qu'il y a généralement plus d’a- vantage à vendre à un an ou à dix-huit mois, sauf la circonstance assez rare le sujet serait d’une grande beauté.

En partant de ces bases, nous disons qu’une jument saillie en 1831 produira un poulain qui,

en 1835, c’est-à-dire âgé de trois ans révolus,

(54)

peut être estimé de 200 à 350 francs, ou, terme

moyen MOMIE. M SQL. 26 dot 27 ap CS En 1852, elle n’est point saillie..... » » En 1833, étant saillie, elle produira

un poulain qui, en 1835, aura un an ré-

volu et vaudra de 80 à15ofr., ou, terme

mosends luna Mucttieniis.21Dr75, 188 À ajouter, pour valeur de la chance

d’un très-beau sujet, propre à être vendu

pourétalonte. is. tie dis eliGages

Toraz du produit brut...... 450 »

ee Nous avons évalué d’autre part la dépense d’un

poulain de trois ans, à.............. 230 » Il faut y ajouter pour frais des deux

saillies, y compris l’avoine et le pour-

Boire UPS, GRR AN ER ER 9 » Plus , pour la tenue du second poulain

d'un an au pacage ...ss...sossesoree 10

Toraz de la dépense...... 249 »

Ainsi, le produit brut étant de..... 450 » LI AÉéDERSE dE NL. becs 240 »

Le Propürr net est de....... 201 »

C'est-à-dire que le bénéfice serait, abstraction faite des chances d’accidens, quine sont que trop nombreuses, de 67 francs par an.

Ajoutons que, pour se livrer à cette spéculation

(55) avec quelques probabilités d’en retirer un avan- tage, il faut posséder un bien de quatre paires de vaches et récolter soixante milliers de foin, et si le but est manqué, la perte s'accroît en raison d'une consommation de fourrage faite au détri- ment des autres animaux attachés au domaine.

Il nous reste à parler de l'élève des mulets, et nous allons, ainsi que nous l’avons fait pour celui des chevaux, dire quelques mots sur son éduca- tion, et rapprocher ensuite du produit brut la dépense qu'occasione cette branche d'industrie agricole.

$. IL

Soins à donner à l'élève du mulet. Calcul des dépenses et du produit net,

Un propriétaire qui veut s’adonner à l'élève du mulet doit faire choix d’une ou de deux jumens de taille moyenne, ayant du ventre et haute sur ses jambes. Celles qui viennent du Poitou, de la Bretagne ou de l'Auvergne conviennent le mieux. Cependant, quand on craint la dépense, ou que déjà on possède une jument de la race du pays, il faut bien s’en accommoder.

Quoi qu'il en soit, le propriétaire qui possède de quoi nourrir une jument produisant des poulains, c'est-à-dire qui a l'étendue de prairie dont nous avons parlé en terminant le paragraphe précédent, peut, sans gêne, avoir deux jumens muletières.

(56)

Les jumens auxquelles on donne cette destina- tion onten même temps cet avantage, qu’on peut indépendamment les employer à porter le bât ou la selle; mais il faut rarement s’en servir à la voiture.

Au temps de la saillie, c’est-à-dire, en mars et en avril, vous faites choix d’un baudet distingué plus par sa vivacité et sa forte constitution que par sa taille élevée. Ceux-ci sont ordinairement peu proportionnés, et les produits s’en ressentent. Quand vous avez fait cette découverte, il ne faut pas hésiter d'y conduire vos jumens, la station füt-elle à trois et à quatre lieues de votre ferme. Cette course faite assez vite pour aller, ne doit l'être au retour qu’au pas, dans la crainte que la jument, trop échauffée, ne s’élave.

Au bout de quelques jours, il est bon de vérifier si votre bête est en chaleur, en la présentant à un étalon. Cette vérification est importante, parce qu'il arrive assez souvent que les jumens ne con- coivent qu’à la seconde, à la troisième, souvent même qu'à la quatrième fois.

Au commencement de novembre, on peut déjà très-bien reconnaître si la jument est pleine. Il est prudent de ne lui faire porter que de légers fardeaux, de ne point la presser à la montée, et d'éviter les temps de galop. Il faut être très- soigneux aussi pour la faire boire et jamais trop froid, surtout quant la température de latmos-

(370

phère est plus élevée ou plus basse que celle de l’eau, c’est-à-dire dans les grandes chaleurs et dans les grands froids (1). S'il y a quelques beaux jours à la fin de l'automne , n’envoyez vos jumens pleines que fort tard au pacage, et faites-les rentrer de bonne heure. L’herbe froide, et sou- vent gelée sous les arbres, peut leur donner des coliques et occasioner l'avortement.

Quand l’époque de mettre bas est arrivée , ayez soin de ne pas laisser vos jumens attachées ; il faut qu'elles soient libres dans un coin de l'écurie, fermé de planches ou de claies, de manière à ce qu’elles se trouvent assez au large pour se tourner et s'étendre à leur aise.

Quand elle a mis bas, on peut, si les jours sont beaux, l'envoyer au pacage avec le nour- risson, sans toutefois l’exposer trop tôt au mau- vais temps. Du reste, le mulet résiste mieux aux intempéries que le poulain, et quatre à cinq jours suffisent pour lui donner de la force aux jambes. Le jeune élève croît assez vite, et déjà au commencement de novembre, il est de vente.

Le prix varie suivant la taille et la qualité. Les mules sont, en général, plus recherchées que les

(2) Il est clair que les soins à donner aux jumens muletières, et que nous indiquons ici, doivent à plus forte raison s'appliquer à celles qui portent des poulains. ,

(56) mulets, et celles qui ont les jambes fortes pré- férées à celles qui les ont fines.

Un mulet, à six mois, se vend de 90 à 150 fr., et ce prix va même à 200 francs lorsque le com- merce de l'Espagne et du Languedoc a de l'activité; car on sait que ces animaux ont cette destination.

Établissons actuellement la comparaison du pro- duit brut avec la dépense.

Nous pourrions nous dispenser de faire entrer en ligne de compte, dans les frais, ceux du pacage de l'élève, puisque nous avons remarqué que c’est le plus souvent sur des pâtures communales que les propriétaires envoient la mère et le nour- risson; mais admettons que cette dépense s'élève, comme pour les poulains du premier âge, à 10 francs, nous calculerons (pour trois ans) les frais de pacage d’un mulet pendant six mois : Clio cou Rene 0 ce Ii

Plus, pour trois saillies, avoine 54f. comprise, à 8 fr. lPune.......... 24

Or, la jument saillie, pendant trois années consécutives, du baudet, produira trois mules ou mulets , que nous évaluerons, toutes chances favorables comprises, à 133 fr. l’une; le produit brut des trois années sera de............ 399f.

LANdÉDENSES PER En emerecrenrcec is

Réste‘de-produitiemamrimnl. ve tr 0945

Ge ‘qui dénne par an bre est 2 ILLO

(59)

Si actuellement nous rapprochons de ces calculs ceux faits pour l'élève des chevaux, qui ne rend qu'un produit net de 67 fr. par an; si nous fai- sons entrer en ligne de compte, d’une part, la presque inutilité d’une poulinière de race dans une ferme (pour tout autre service), les panse- mens et les soins qu’elle exige, etc.; d'autre part, l'usage presque journalier d’une jument muletière pour porter au marché les grains et le maître lui- même, l’économie sur la nourriture du grand nombre de celles qui n’ont d'autre pacage que les communaux, nous verrons qu'en résultat le béné- fice retiré de l'élève des mulets est double de celui que rapporterait l'élève du cheval.

IL reste donc démontré pour nous, et proba- blement aussi pour ceux qui auront suivi nos calculs, que les propriétaires ruraux de la Haute- Loire, en s’'abandonnant à l'éducation du mulet et en négligeant l'élève du cheval, ne sont point en cette circonstance, comme ils peuvent l'être dans beaucoup d’autres, sous l'empire d’une routine aveugle, et que la préférence donnée à la première de ces spéculations sur la seconde est appuyée tout à la fois sur le raisonnement et l'expérience.

Cette conclusion, nous le sentons, paraîtra au premier abord peu favorable aux intérêts de FÉtat, qui a de fortes raisons de propager dans les parties de la France qui en sont susceptibles l'éducation des chevaux, puisque les achats que

(60 )

nous sommes obligés de faire à l'étranger, pour la remonte de notre cavalerie, nous rend ses tribu- taires pour des sommes considérables...... Sou- mettons à l'analyse cette objection fàcheuse, d’a- près laquelle on semblerait admettre que dans cette circonstance les intérêts particuliers de notre pays se trouvent réellement en opposition avec les intérêts généraux du Gouvernement.

Sans doute, il serait à désirer que le superflu de nos fourrages, dans un département d’ailleurs favorable à l'éducation des chevaux, fût employé à augmenter en ce genre les ressources de la France, et à diminuer ces importations qui font écouler au-dehors une si grande quantité de numéraire. Mais si, d’une part, la Haute-Loire ne possède point en prairies et ‘en pacages une étendue suffisante pour se livrer à cette spécu- lation; si, de l’autre, il y a un bénéfice presque double à espérer en remplacant l'élève du cheval par celui du mulet, qui oserait conseiller aux propriétaires ruraux de suivre une marche con- traire ? Ne serait-ce pas forcer la nature, et agir comme un agriculteur inconsidéré qui, dans un terrain propice au seigle ou à l’avome, voudrait semer du froment, par le seul motif que cette dernière céréale est plus généralement nécessaire et d’un prix plus élevé, sans songer que la même récolte qu'il obtiendrait ne compenserait pas même les frais de sa fausse spéculation ?

(61)

Mais est-il bien vrai, si, n’écoutant qu’un mou- vement patriotique, les propriétaires renoncaient subitement à l'élève du mulet pour s’'abandonner à celui des chevaux, que lÉtat y gagnerait ? La somme des richesses territoriales particulières et des industries qui s’y rattachent, est le chiffre véritable des richesses du royaume. Le budget général de celui-ci est donc l'expression de besoins et de ressources qu'il a été convenu de mettre en commun. [’excédant des ressources appartient aux contribuables comme le déficit est à leur charge. D'après ce principe, que je crois incon- testable, il est impossible que l'intérêt bien dé- montré de la masse des propriétaires d’un dépar- tement se trouve en opposition avec celui de l'État. Et, en effet, pour revenir à notre sujet, n'est-ce pas en Espagne que la plus grande partie des mulets, sortant du pays, sont envoyés ? Et le numéraire qui rentre dans le département n'est-il pas, d’après les calculs présentés plus haut, à-peu-prés le double de celui qu'y verserait la vente des chevaux qu’on aurait élevés à leur place ? Il faut donc admettre que le commerce de mulets produit une impor- tation d'espèces équivalant à l'exportation de celles qu'occasione au Gouvernement la priva- tion des ressources en chevaux qu'il pourrait ürer de la Haute-Loire ? En d’autres termes, avec quel argent FÉtat paie-t-il les chevaux achetés à l'étranger ? Sans doute, avec celui versé au trésor,

(62) provenant des contributions de chaque dépar- tement; et comment les propriétaires de la Haute- Loire paieront-ils leur contingent, si ce n’est à l’aide des importations de numéraire procurées par la vente des objets exportés, et spécialement par celles de leurs mulets ?

Ce raisonnement établit donc d’une manière péremptoire que le numéraire sorti des coffres de l'État, pour achat de chevaux en Allemagne, est plus que compensé par le numéraire que fait rentrer d'Espagne la vente des mules (bien en- tendu seulement en ce qui concerne la Haute- Loire).

Il n’en est pas moins à désirer que le Gouver- nement fasse des efforts pour propager, plus qu'elle ne l’est en ce moment, l'éducation des chevaux dans ce pays. Il est certainement quel- ques cantons les spéculations des proprié- taires, sous ce rapport, pourraient ne pas être sans résultats; mais pour les y déterminer, 1l faudrait plus que des encouragemens.

L'espèce des jumens du pays est généralement abâtardie, et l’on ne voit presque nulle part une bête de race susceptible de porter de beaux pou- lains. Il ne s’agit donc pas seulement de nous envoyer un nombre plus ou moins considérable d’étalons, d’accorder des primes, etc. , si d’ailleurs les mères qu’on destine à la reproduction sont dépourvues de toutes les qualités convenables à

(63)

une bonne poulinière. Nous le dirons encore, au risque de nous répéter, il importe, avant tout, de renouveler Fespèce de celles-ci; et tant que cette régénération n'aura pas eu lieu, État ni les propriétaires nourrisseurs ne peuvent espérer de tirer de l'élève des chevaux de ce départe- ment aucun véritable avantage,

Par quelle voie pourrait-on y parvenir? Nous n'aborderons pas cette nouvelle question : elle est tout à la fois indépendante de celle que nous venons de traiter, et d’ailleurs subordonnée aux mesures que la haute administration jugerait con- venable d'adopter pour arriver à des résultats impossibles à obtenir, tant que les élémens de reproduction resteront les mêmes.

Mais ce que nous croyons avoir mis hors de doute, c’est que, dans l’état actuel de notre agri- culture, c’est-à dire tant que la race des jumens ne sera pas renouvelée dans ce département, et que Pamélioration des cultures n’y aura pas aug- menté nos ressources en fourrages, les proprié- taires-cultivateurs auront intérêt à se livrer de préférence à l'élève du mulet.

(64)

VA MA AE AU MA A AR VU VV UV VUS VU VE MU MU AU UE RAY AU LU M LA MU MAL MAY ARE

MÉMOIRE

SUR CETTE QUESTION :

Est-il plus avantageux aux propriétaires-culti- vateurs de la Haute- Loire de se livrer & l'élève du mulet ou à l'éducation du cheval ?

Par M. Antoine-Amédée EsBRAYAT, VÉTLÉRINAIRE A BRIOUDE,

In rebus arduis, lento gradu.

Pour répondre à une question aussi importante que celle qui précède et qui se rattache à une branche de notre économie rurale et commerciale, il est essentiel d'entrer dans quelques détails qui, quoique minutieux en apparence, jetteront du jour sur la décision que je dois porter.

Le département de la Haute-Loire, eu égard à sa statistique agricole, est-il plus favorable à l’'édu- cation des chevaux qu'à celle des mulets? Que s’y est-il pratiqué à cet égard et que s’y pratique- t-il de nos jours ? Quelles sont les ressources qu’il nous présente, soil en jumens poulinières, soit en chevaux et baudets-étalons ? Quelles sont nos richesses en prairies naturelles, artificielles et pacages ? Possédons-nous des établissemens ru- raux susceptibles , sous le rapport de la cons-

(65 ) truction des écuries, étables et hangars, de loger commodément et sainement les poulinières et leurs productions ?

Quels sont les soins que l’on donne à ces jeunes animaux, et à quel âge les soumet-on au travail ?

Telles sont les questions qu'il me semble indis- pensable de traiter avant de donner un résumé satisfaisant.

Le département de la Haute-Loire, situé entre le 20€ degré 45" de longitude et le 222 degré 8", Ile de Fer, et entre le 44e degré 45" de latitude et le 45° degré 24", est ceint d’une chaïîne de montagnes; son intérieur, parsemé par de nom- breuses élévations volcaniques, est aussi partagé par deux chaïnes de montagnes. Il est arrosé par deux rivières principales, la Loire et l'Allier; par un grand nombre d’autres plus petites, et quantité de ruisseaux qui le traversent en tous sens. L'air, quoique sain, y est sujet à des variations remar- quables dans sa température, d'après le plus ou le moins d’élévation des terrains et leur aspect. Il est divisé en trois arrondissemens : celui du Puy, celui de Brioude et celui d'Yssingeaux.

Considéré sous le rapport de léducation des animaux domestiques, ce département offre de grandes ressources par ses fourrages secs, ses prairies et ses pacages , qui sont de bonne nature et en assez grande quantité. Il y a dans chaque arron- dissement une infinité de domaines métairies

J

( 66 )

qui ont une quantité de bestiaux suffisante pour l’exploitation, l’engrais des terres et la consom- mation des fourrages. Chaque établissement de ce genre entretient deux ou trois jumens poulinières, qui n’ont d'autre emploi que de transporter le maître ou les denrées aux foires et marchés voisins. Il est bien peu de ces métairies qui n’aient un ou deux troupeaux de bêtes à laine, qui sont parqués dans les champs pendant la belle saison. Dans beaucoup de cantons, le propriétaire spécule sur l’engrais des terres et sur le produit de la toison; dans d’autres, et ce sont ceux se trouvent les pâturages les plus gras et les plus abondans, ces troupeaux sont renouvelés deux ou trois fois dans l’année pour être engraissés ; ce genre de spéculation est souvent très-lucratif.

Malgré tous ces avantages, ce département est bien loin d’avoir recu cette impulsion rapide pour les améliorations qui se font remarquer dans le Puy-de-Dôme, le Cantal et autres départemens limitrophes. Chacun suit l’ancienne routine, et notre race bovine, bien loin de s'améliorer, s’abâtardit tous les jours; le manque de chevaux se ferait bientôt sentir, si nous n’avions recours À nos voisins ou aux autres provinces de la France. Quoi quil en soit, je ne craindrai pas d'avancer que notre département est très-propre, par sa température, son climat et ses pacages, à l'élève des chevaux, Comment se fait-il donc que

(@L D) depuis longues années l'on n'ait pas cherché à ürer profit de cette branche d'industrie, et que près des 19/20t$ des poulinières soient livrées au baudet? C’est ce que je vais tâcher de prouver par les détails suivans :

Des Jumens poulinières.

Ce que nous possédons en ce genre, n'a pas de caractère distinctif; c’est un mélange de toutes nos races francaises. La majeure partie nous vient de la Bretagne et du Poitou; les habitans indus- triels de nos montagnes émigrent à l’approche de l'hiver, pour aller chercher du travail dans les départemens plus riches ou plus commercans, et du fruit de leur économie achètent des jumens de trois à cinq ans, qu'ils viennent vendre dans le pays. Le surplus nous vient du Forez, du Cantal et de l’Aveyron; ce sont les meilleures, lorsquelles sont bien choisies; mais il est rare que le proprié- taire-cultivateur en achète d’un prix au-dessus de deux ou trois cents francs. En général, les pou- linières de nos campagnes sont de petite taille, mal choisies et le plus souvent tarées ou affectées de vices héréditaires, Quelques propriétaires aisés possèdent, à la vérité, des jumens assez bien choi- sies, qui, appareillées à de bons étalons, ont donné des productions assez distinguées.

Des Chevaux étalons.

Il n'existe pas, dans ce département, d’étalons

( 68 ) approuvés. Comme peu de propriétaires se livrent à l'élève des chevaux, et vu le prix élevé des étalons de choix et de race pure, le profit qu'ils en retireraient serait bien loin de couvrir les dé- penses d'achat ou les frais d’entretien; personne, à ce que je sache, ne s’est livré à ce genre de spéculation. J'apprends à l'instant, avec plaisir, qu'un étalon vient d’être accordé par le Gouver- nement, et qu'il est ou sera placé dans l’arron- dissement d’Yssingeaux. Le Puy-de-Dôme nous envoie tous les ans quelques étalons tirés du dépôt de Parentignat, lesquels sont répartis dans nos trois arrondissemens; mais ces étalons, en- tretenus à grands frais et accouplés avec nos pou- linières , ont-ils donné de bonnes productions? Remplissent-ils le but que se propose le Gouver- nement? Voyons-nous beaucoup d'officiers de ca- valerie venir en remonte dans nos pays? Avons- nous des chevaux de luxe provenant de ces mêmes étalons? Nous sommes aussi pauvres sur la quan- tité que sur la qualité. Des Baudets étalons.

Si la dégénération des races s’est faite ressentir chez le cheval, elle est encore bien plus marquée chez l'espèce du baudet. Non-seulement ceux qui servent à la monte de nos jumens sont de petite aille et de peu de valeur, mais le nombre n’en est même pas suffisant pour la quantité des pou- linières. Ces animaux exigent les mêmes soins

( 69 )

que le cheval; ils sont plus sobres, supportent plus long-temps la faim et la fatigue, et, comme étalons, peuvent couvrir un bien plus grand nom- bre de jumens. Chaque baudet sert de 60 à 120 jumens, et quelquefois 150 par an; et quoique cet animal soit mal soigné dans le courant de année, excepté pendant la monte, il a l’avoine à profusion , il suffit pour un nombre aussi consi- dérable de femelles qu'il couvre souvent jusqu’à six ou huit fois dans l’espace de quatre mois.

Le prix du saut est généralement de six francs et un quarton d'avoine. Il est hors de doute qu’un baudet de la forte espèce de ceux du Poitou, et du prix de douze à dix-huit cents francs, procu- rerait un assez grand bénéfice, lors même que le saut ne serait porté qu’à la somme de dix francs. On obtiendrait, par ce moyen, des productions plus élevées en taille, plus fortes et d’une plus grande valeur.

Des Ecuries, FEtables.

Quiconque a parcouru les campagnes, et même quelques villes de notre département, est non-seu- lement surpris de voir la malpropreté qui règne dans le plus grand nombre des écuries, étables et bergeries, mais aussi de l'exposition vicieuse et de la mauvaise construction de ces bâtimens, Ils sont mal pavés et souvent en aucune manière, peu élevés, peu aérés, n'ayant, pour la plupart,

(70)

qu'une très-petite fenêtre; les entrées sont trop basses, le sol intérieur est souvent au-dessous du sol extérieur : presque point d'écoulement pour les urines; s’il en existe, c’est dans un coin de l'écurie ou devant la porte, et c’est ordinairement lon ramasse les fumiers qui y séjournent plusieurs mois. C’est surtout lorsque l’on nettoie ces écuries qu'il est dangereux d'y rester; l’odeur infecte qui s’en exhale est des plus pernicieuses. Les planchers des fenils placés au-dessus sont sou- vent à claire-voie; les exhalaisons qui s'élèvent des corps animaux et les vapeurs empestées de ces fumiers se fixent sur les fourrages et les ren- dent plus ou moins nuisibles. J’ai constaté qu’une botte de foin du poids de cinq kilogrammes, res- tée suspendue pendant quelques jours au plancher d’une de ces étables, avait bientôt gagné un demi- kilogramme en sus de son poids.

L'on trouve souvent dans la même écurie des bêtes à cornes, des jumens , des poulains, quelque- fois des cochons, qui ne sont séparés que par une simple claie de parc. Les hangars ne sont pas assez multipliés dans les campagnes; ils convien- draient cependant infiniment mieux dans le beau temps, le jour comme la nuit, que des écuries si malsaines. Grand nombre de bâtimens modernes, et principalement les anciens châteaux, ont des écuries voütées bien construites et qui réunissent tous les avantages possibles,

(71) Des Prairies, Pacages, etc.

Jai déjà dit que nous étions assez riches en prairies, pacages, et que leur qualité ne laissait rien à désirer. J'observerai cependant que ces pâturages sont, pour la plupart, sans murs de clô- ture; que les haies qui les entourent ne sont pas assez élevées ou assez fortes; qu'ils ne sont pas environnés de fossés assez larges pour que les jeunes élèves ne puissent les franchir. En outre de ce, comment élever, dans le même pacage, des mâles de dix-huit mois à trois ans et demi avec des pouliches du même temps ? Les jeunes chevaux s’épuiseraient bientôt auprès de ces femelles ou de leurs mères, à moins qu'on ne les châtrèt de bonne heure, ce qui serait contraire au but que l'on se proposerait. J’observerai aussi que l’on ne cultive pas assez en grand les prairies artificielles, source abondante de richesses, principalement dans les années de disette, et que ces fourrages, bien récoltés et mélangés avec de la paille lors- qu'on les serre dans les granges, sont un aliment très-économique et très-sain, soit pour les jeunes chevaux, soit pour les bêtes à cornes.

Je dirai quelque chose, en passant, sur les soins que l’on donne aux poulains et sur la manière dont on les élève dans nos campagnes.

Quinze ou vingt jours après le part, la jument est de nouveau conduite à l’étalon; si elle est fécondée, elle porte et allaite en même temps;

6.72)

ce qui est contre les lois de la nature. Il est reconnu qu'une femelle qui est pleine ne peut allaiter avec avantage , et que son nourrisson souffre plus ou moins de cet état de choses, Les jumens et leurs productions sont tenues au pacage dans la belle saison; en hiver, elles sont nourries dans les écuries, elles sont tenues à une tem- pérature trop chaude. On est dans l’habitude de laisser accumuler une grande quantité de fumier sous leurs pieds, les ouvertures des écuries sont soigneusement bouchées; dans certains cantons, on leur donne le foin à profusion; dans d’autres, beaucoup d'avoine; ce que j'ai été à portée de vérifier plusieurs fois : tous ces soins mal entendus leur portent un grand préjudice. Au retour du printemps, il est assez ordinaire de voir ces ani- maux atteints de diverses maladies cutanées, telles que la gale, des dartres; souvent ils sont couverts de poux. Ce que je dis ici des solipèdes, est appli- cable aux ruminans.

Généralement on châtre les mâles trop tôt, ce qui arrête le développement de certaines parties du corps, surtout de l’avant-main. L’entier déve- loppement des formes, la vigueur et la force né- cessaires pour supporter le travail, ne sont bien développés, chez le cheval auvergnat comme chez le cheval limousin, qu'à la cinquième année; cependant on est dans l'habitude, dans nos pays, de monter ces animaux dès l’âge de deux ou trois

(75) ans ; on les soumel même, à cette époque, à des travaux pénibles; aussi n'est-il pas rare d'en voir le plus grand nombre fatigué des extrémités; d’autres, sujets à plusieurs maladies, principa- lement des organes de la vue.

D'après ce que je viens de dire, en général, sur les ressources que nous présente le département, soit en poulinières, soit en chevaux ou baudets étalons, soit en établissemens ruraux; et si l’on fait attention surtout aux soins qu’exigent les jeunes chevaux et à la dépense que nécessite un pareil genre d'industrie, la question sera bientôt décidée. Mais pour rendre plus sensible la diffé- rence qu'il y a de se livrer à l'une plutôt qu'à l’autre de ces deux espèces, et l'avantage qui peut en revenir au propriétaire, je vais faire servir le fait suivant à l'appui de ce que j'avancerai, ayant toujours égard à notre position actuelle.

Je suppose deux propriétaires ayant chacun quatre jumens du prix de 200 ou 250 francs, de la taille de quatre pieds deux ou trois pouces, propres au travail et à la reproduction; lun de ces particuliers fait servir ses jumens par le bau- det, l’autre par l'un des étalons du dépôt de Parentignat. Je suppose encore que toutes ces jumens, ayant été fécondées, mettent bas sans accident, et qu'il y ait deux mâles et deux fe- melles de chaque espèce; le lait de la mère suffit à chaque individu jusqu'à l’âge de huit ou dix

(740)

mois. À cette époque, le maïtre des mulets veut vendre ses élèves; il le pourra facilement, vu que ces productions sont assez recherchées et qu'il s’en fait un assez grand commerce dans ce département; il retirera sans peine de 120 à 190 francs de chaque mulet ou mule, ce qui lui fait un profit net de 480 à 550 francs. Le second propriétaire ne peut, à la même époque, vendre avantageusement ses productions; il est obligé de les garder jusqu'à l’âge de trois ou quatre ans, qui est une des époques la plus avantageuse à la vente des chevaux. Voilà donc trois années de dépenses, de soins, pour élever quatre poulains provenant de pères et mères peu distingués. Joignons à cela le peu de développement que prendront ces animaux par défaut de soins ou de soins mal dirigés, les diverses maladies aux- quelles ils seront sujets, les frais de pansemens, la castration chez les deux mâles; et en supposant même que ces quatre individus viennent à bien, ce ne sera jamais que des productions décousues qui, dans trois ans , auront occasioné chacune cent écus de dépenses et dont le propriétaire aura de la peine à retirer le prix de ses déboursés. Le fait que je viens de citer est sanctionné par l’expé- rience, et le propriétaire-cultivateur, qui trouve plus de bénéfice à élever des mulets que des chevaux, s’en tiendra long-temps à ce genre d'in- dustrie. En effet, d'un côté, un profit plus ou

(75) moins grand, mais presque toujours certain et qui se renouvelle tous les ans; de l'autre, un produit très-éloigné et sujet à des chances souvent très-défavorables.

Je ne craindrai donc pas d'avancer, que quoique le département de la Haute-Loire jouisse d’un cli- mat et d’un sol très-favorables à l'élève des che- vaux, et que quoique ses pacages et ses fourrages secs soient assez abondans pour que les proprié- taires-cultivateurs puissent s’adonner à ce genre d'industrie, 1l vaut beaucoup mieux néanmoins qu'ils continuent à se livrer à l'élève du mulet,

tant qu'ils négligeront de se créer les ressources qui leur manquent,

Faut-il donc abandonner une branche aussi im- portante de notre économie rurale et se livrer exclusivement à l’éducation du mulet? Bien que ce que je vais proposer soit en dehors de la ques- tion et puisse faire le sujet d’un second Mémoire, je crois devoir essayer de prouver qu'en suivant une autre route que celle qui a été frayée jusqu'à ce jour, et qu'en sortant des ornières d’une vieille routine, nous pourrions rendre plus pro- ductif ce genre d'industrie et parvenir à former de beaux et bons chevaux.

Je citerai, à l'appui de ce que j’avance, léta- blissement de M. de Pradt, tout en convenant que peu de propriétaires peuvent faire les mêmes avances; celui que viennent de créer MM. Cré-

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mieux et Sambuci, de Clermont. On voit déjà dans le premier de ces établissemens des poulains de la plus belle espérance, et je ne doute pas que par la suite ce haras ne fournisse de bons chevaux et même des étalons de choix. On y remarque aussi chez l'espèce bovine des améliorations importantes, résultat du croisement de la race suisse avec la race indigène. Nombre de proprié- taires sont allés puiser dans cette pépinière des taureaux qui contribueront à peupler leurs écuries d'animaux qui, par leur beauté, leur force et leur poids, prouveront que cette espèce a recu une amélioration bien sensible.

Pour améliorer les races et obtenir de belles productions, il faut choisir les individus mâles et femelles les plus beaux. En conséquence, que les propriétaires-cultivateurs de la Haute-Loire, le plus à même de se livrer à l'éducation du cheval, soit par rapport à leur fortune, leurs propriétés agricoles, leurs établissemens ruraux, se procu- rent de bonnes et belles jumens, le plus appro- chant possible de la race qui les distingue, d’une taille plus élevée que le commun de ce que nous possédons, de quatre pieds quatre pouces jusqu’à dix pouces; que ces femelles soient bien étoffées, exemptes de vices et de maladies héréditaires.

Jobserverai que, eu égard à la nature de notre sol et à la qualité de nos pacages, nous ne pou- vons d’abord qu'élever des chevaux de selle, tels

C7)

que chevaux propres à la cavalerie légère, dou- bles bidets et autres de ce genre; mais que bien- tôt les premières et les secondes productions gagnant en beauté, en taille et en force, nous obtiendrons des chevaux plus précieux et propres à tout genre de service. Cette marche paraît lente, mais elle est plus sûre et mène à des résultats certains.

Que l'Administration obtienne du Gouvernement un ou deux étalons des pays méridionaux, tels qu’arabe, persan, barbe, turc ou espagnol, ce sont presque les seuls qui conviennent à notre pays. Les chevaux du Nord n’ont jamais amélioré les races du Midi, pas même les chevaux anglais, quelque beaux qu'ils soient, s'ils ne sont de race pure : l'expérience a prouvé ce que j'avance. Il sera, sans doute, très-facile d'obtenir des étalons barbes , que ramènera notre armée d’Afrique. Quoi qu'il en soit, avec des jumens bien choisies et accouplées à de beaux étalons, on obtiendra des productions qui, étant bien soignées, dédomma- seront le propriétaire des avances qu'il aura faites; l'espèce s’améliorera insensiblement, et le plus grand nombre de particuliers, une fois bien per- suadés qu'il y a du bénéfice à élever des chevaux de belle espèce, suivront l'impulsion qui aura été donnée.

Comme linstruction dans ce genre d'industrie ne peut naître que de l’émulation , Fémulation doit

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étre soutenue par l'intérêt. Que des primes soient donc accordées dans chaque arrondissement aux particuliers qui élèveront les plus beaux chevaux et en plus grande quantité; que ces primes soient données avec justice et discernement; les étran- gers ne seralent pas admis à y participer. Ces sortes d’encouragemens en vigueur dans le Cantal, le Puy-de-Dôme et dans beaucoup de provinces, contribuent à stimuler lamour-propre du pro- priétaire , qui y trouve encore un dédomma- gement en cas de perte fortuite, comme pour les avances qu'il a été obligé de faire ; j'ose même avancer que tant que des encouragemens et des récompenses en argent ne seront pas accordées, le cultivateur n’entreprendra pas de faire des chevaux.

Les particuliers qui nourrissent un grand nom- bre de bêtes à grosses cornes devraient être bien persuadés que l'éducation du cheval est intime- ment liée au nourrissage; que les chevaux, dans les pacages, ne font que consommer l'herbe trop courte qui ne peut l'être par le gros bétail ; en sorte que ceux qui comptent cinquante ou soixante vaches dans leurs métairies, doivent tenir quatre jumens pour consommer les her- bages que laissent les ruminans, et qui seraient en pure perte.

Telles sont les considérations que j'ai jugé à propos de faire valoir, pour motiver mon avis

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sur une question aussi importante. Si une prà- tique de vingt années dans une branche de notre économie rurale et domestique, si une connais- sance des localités et une étude de ce qui a rapport à l'éducation des animaux domestiques dans notre département, m'ont mis à même de proposer quelque chose d’utile, que tout l’avan- tage en retombe sur mon pays et mes conci- toyens, c’est la plus douce récompense que je puisse ambitionner.

AAA AA A A MU LU VU MU AU UV VU UV UV VS VU VU UV VU ML MU VAL MU M AU MU A LU

NOTE

Lue par le Président de la Société, à la Séance publique du 13 mai 1831.

L’'INCERTITUDE sur l’époque se réunirait le Conseil général du département a rendu un peu tardif l'appel que la Société a fait aux personnes qui croiraient avoir des droits aux prix qu'elle décerne annuellement en séance publique. Un seul prétendant s’est présenté. M. Théodore Gueyffer, de Brioude, inventeur d’un métier à faire des filets, caparacons, filoches, etc., a adressé à la Société le plan de sa machine et des échantillons de filets qui offrent la même solidité que les filets exécutés à la main, et dont la maille peut être obtenue dans toutes les dimensions, depuis quatre

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lignes jusqu'à quatre pouces de grandeur; un enfant de quinze ans peut faire 40,000 mailles par jour. Le mérite de cette invention ne peut être contesté, et la Société ne doute pas que lorsque ces filets seront livrés au commerce, le bas prix auquel il pourra les établir ne leur assure une juste préférence, et ne leur procure un débouché lucratif.

En attendant que M. Théodore Gueyffier ob- tienne ainsi le dédommagement à ses efforts, la Société, adoptant les conclusions des Com- missaires chargés de l'examen du plan et des filets qu'il a produits, lui décerne une médaille d'argent.

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AAA ANS AV AR VV UV VU VU UV VUV VU VU UV UV UV VU VU AU AY LULU VA AR AAA

_RAPPORT

Sur le résultat des fouilles faites dans un tumulus, près Borne, route du Puy à Brioude ;

Par M. DERIBIER DE CHEISSAC.

MEssrEeurs,

En faisant peser sur moi une partie de ce fardeau que portait seul un collaborateur (1) dont la retraite laisse parmi nous un si grand vide et tant de regrets, vous avez moins consulté mes forces que ma résignation. Je viens faire acte de bonne volonté, et c’est du résultat de mon pre- mier essai que j'aurai à vous entretenir.

Quand le voyageur qui suit la route de Brioude au Puy est descendu des montagnes de Fix et qu'il approche de Borne, petite commune sur la rivière du même nom (2), il peut apercevoir, sur une colline dominant la rive opposée, trois

(1) M. le Vicomte de Becdelièyre était conservateur du Musée et des médailles, l’un des directeurs des écoles industrielles et chargé de la recherche des antiquités.

(2) À une lieue de Polignac, autant de Saint-Paulien, et à une lieue et demie du Puy.

G

(82) monticules bien alignés, indiquant la direction de la route, à vol d’oiseau.

Examinés de près, ces trois cônes se distinguent aisément de plusieurs autres monceaux de pierres entassées sans autre but que d’en débarrasser les champs voisins. L'ancienne route d'Auvergne au Puy rasait le pied du plus considérable.

Le terrain sur lequel ïls sont situés n’est ni cultivé, ni cultivable. Quelques lignes de terre végétale y recouvrent à peine le roc, partout il ne se montre pas à nu. La largeur moyenne de cet espace, y compris la vieille route , est de 50 mètres sur une longueur de 400. Ce lieu est appelé, par les gens du pays, les Mais.

Selon les antiquaires, ces monceaux de pierres ou de terres jectisses, portant chez les Romains les noms de Tumuli ou Cumuli, étaient ou des tombeaux véritables, des monumens élevés pour marquer une limite entre deux peuplades, ou encore des points d'indication pour la tenue des marchés et des rendez-vous d'échanges de denrées ou d'objets de cominerce.

Dans quel but avaient été élevés ceux dont nous parlons? Des fouilles seules pouvaient nous. ap- prendre quelque chose de plus positif que les conjectures émises par les archéologues.

Déjà en 1822, mon frère, qui habite le Cantad, avait remarqué dans son arrondissement plusieurs de ces buttes artificielles, et il en avait fait ouvrir

(83) quelques-unes. On peut voir le résultat de ses recherches dans un Mémoire qui a été inséré au tome V du ecueil publié par la Société royale des Antiquaires, dont il est correspondant.

Les objets qu'il y a découverts, tels que des urnes entières ou brisées, des ossemens calcinés, du charbon, des armes, quelques meubles ou ustensiles , ne laissent pas de doute sur leur origine, et ce sont évidemment de vrais tombeaux qu'il a fouillés.

La présence ou l'absence d'indices semblables pouvaient donc seules aider à assigner la nature et la destination des fumuli de Borne.

Je fis attaquer le plus considérable. Il avait 15 mètres environ de diamètre et 4 de hauteur verticale au-dessus de sa base qui reposait sur la roche nommée par M. Bertrand-Roux, brèche vol- canique argiloïde. Les pierres dont il était revêtu à l'extérieur étaient en général grosses comme trois ou quatre fois le poing; mais elles dimi- nuaient de volume à mesure qu’on pénétrait dans Pintérieur, et s'y trouvaient mélées à une assez grande quantité de terre végétale dominait pourtant le cailloutis tel qu'on lFemploie aujour- d’hui comme gravelage sur nos routes.

On peut penser qu'en commencant à mettre la main à l'œuvre, les questions qui n'étaient adres- sées par mes ouvriers étaient fréquentes. Ce n’est pas un des moindres ennuis qu'éprouvent lanti-

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quaire et le minéralogiste dans leurs courses pénibles , que d'avoir à répondre aux curieux. L’habitant des campagnes, le montagnard surtout, ne suppose pas que celui qui parcourt ses rochers, armé d’un marteau pour en détacher des échan- üllons qu'il dépose soigneusement dans son sac, puisse avoir autre chose en vue que la découverte d'une mine d'or, d'argent, ou tout au moins de charbon. Il croit de même que l'homme qui fait faire des fouilles de l’espèce de celles que je diri- geais , possède déjà devers lui, soit au moyen de livres rares ou mystérieux, soit peut-être même à l'aide d’un peu de sorcellerie, la presque certi- tude qu'il existe un trésor caché.

Cette opinion était celle de mes travailleurs, L'un d'eux, petit vieillard encore vert, me racon- tait, en s'appuyant de temps en temps sur sa pioche, comment , dès sa plus tendre enfance, il avait oui dire qu'une caisse d'argent était renfermée dans le Chier-Gros (1) (C’est le nom par lequel on désigne le plus grand des fumuli dans le pays). Il ajoutait que toute sa vie il avait entendu parler du projet d’en faire la recherche, et il se félicitait d’avoir assez vécu pour assister à ce grand œuvre.

(1) Chier ou tchier signifie en patois monceau de pierres. I dérive sans doute de l’espagnol sierra, ou du latin serratus, hérissé de dents de rocher. Une dent molaire isolée est aussi appelée {chier dans l’idiome de la haute Auvergne. Un bloc de

rocher saillant recoit aussi cette dénomination (Lou tchier blon),

( 85 )

Cette idée populaire prouve que, depuis um temps immémorial et qui doit remonter à leur origine, ces buttes factices ont été considérées par le vulgaire avec un mélange de curiosité et de respect, auxquels des pensées de cupidité n'étaient pas étrangères. Elle annonce encore qu'un motif religieux ou politique, ou un but d'utilité quelconque les ont fait ériger.

Nous trouvämes successivement quelques frag- mens de poterie assez grossière, consistant prin- cipalement en anses et en goulots qui, sans doute, comme parties plus épaisses des vases, avaient résisté au tassement ou au choc des pierres amon- celées. Mais ces fragmens n’ont point le caractère de fabrique romaine, Je ramassai aussi deux clous et une petite quantité d’ossemens qui ne paraissent pas avoir appartenu à l'espèce humaine.

À un mètre environ de profondeur et dans la partie la terre abondait davantage, nous trou- vames un petit tube creux, en cuivre, de six cen- timètres environ de longueur sur un demi-centi- mètre de diamètre intérieur, avec des moulures saillantes, d’un millimètre aux deux extrémités et dans le milieu. Je ne peux émettre aucune con- jecture sur l’emploi de ce petit instrument, à moins qu'on ne suppose, par analogie avec les porle-crayons de nos jours auxquels il ressemble un peu, qu'on l'ait fait servir au même usage. |

.

Mas bientôt j'arrivai à une découverte tout

(86 )

autrement importante. Un de mes ouvriers ra- massa en ma présence, et presque en même temps, deux pièces de monnaie en billon, de 20 millimètres de diamètre. Les caractères de Fune sont presque effacés et tout-à-fait indé- chiffrables; mais on lit facilement sur l'autre, en belles lettres gothiques, le mot RoBERTUS; et au revers : DUCIS + B +.

Bien que très-satisfait d’une aussi bonne for- tune, je continuai de faire fouiller jusqu’à ce qu'ayant atteint le roc, sans trouver autre chose qui eut rapport à mon objet principal (1), je dus annoncer à ces braves gens que leur tâche était finie. Ce ne fut pas sans un certain désappoin- tement qu'ils recurent le salaire convenu et qu'ils renoncèrent à l'espoir secret (que nonobstant mes franches explications ils avaient toujours conservé) d'avoir une part dans le trésor qu'ils supposaient que je cherchais, et qui se réduisait ainsi à leurs yeux à deux vieilles pièces de six liards.

Pour moi, je me suis cru véritablement récom- pensé de ma peine, puisque j'ai obtenu pour résultat d'établir l’âge de ces monumens, et de mettre ainsi les savans à portée d’en déduire des conséquences qui peuvent ne pas être sans intérêL.

Il est d’abord évident que les deux pièces de

(1) Voyez à la fin du Mémoire la note A,

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monnaie ayant été trouvées à plus d’un mètre de profondeur dans lintérieur et vers le centre du tumulus, celui-ci est contemporain, sinon pos- térieur au règne du prince au nom duquel cette monnaie a été frappée. Trouvée dans un pays qui a été sous la domination de Robert I et de Robert Il, lun et lautre comtes d'Auvergne et du Felay, on serait tenté de la rapporter à lun des deux, si le revers pvcrs. 8. ne nous obligeait à l’attribuer à Robert, duc de Bourgogne, frère du roi de France Henri Ier, qui lui céda la souve- raineté ce duché en 1032. Il vivait encore en 1094 (1). Ainsi, l’époque de l'érection des tumuli qui ont fait l’objet de nos recherches doit être fixée vers le milieu du XI siècle. Ils ne sont, par conséquent, ni celtiques, ni romains, comme on l'avait cru jusqu'ici, ni même des premiers siècles de Fère chrétienne (2).

Nous avons maintenant à examiner quelle fut leur destination primitive.

Bien qu'il s'y soit trouvé quelques ossemens, quelques débris de poterie, j'aime mieux admettre

22

(1) On voit dans les Monumens de la Monarchie francaise, du P. Montfaucon, le sceau gravé de ce prince, ayec cette inscrip- tion : RosErrus, Dux BuRGUNDIÆ. Le génitif DVCIs, qui est sur notre pièce de monnaie, indique un mot sous-entendu, celui de filius, par exemple, Alors elle serait plus moderne de quelques années.

(2) Voyez à la suite de ce Mémoire la note B.

( 86 )

la conjecture assez probable que les uns et les autres furent ramassés dans les champs, pêle-mêle avec la terre et le cailloutage, quand on travailla à ériger cette butte, que de regarder ces objets comme des indices d’une inhumation sur cet emplacement. Que prouverait, en effet, la pré- sence de ces fragmens de vases, à une époque on n’en faisait plus usage dans les funérailles ? Que prouveraient, de même, quelques ossemens en très-petite quantité, et qui d’ailleurs, comme on l’a dit, ne paraissent pas appartenir à lespèce humaine ? Je ferai encore remarquer que je n’y ai pas reconnu ces grandes dalles dont on recou- vrait les cendres ou les os des personnages in- humés , et que cet arrangement symétrique des pierres de la base, signalé par mon frère, dans les fumuli qu'il a ouverts, n'existait pas dans celui-ci.

Mais si ces buttes ne sont pas des tombeaux, elles n’ont pas été érigées non plus comme indi- “cation de marchés publics ou lieux d'échanges. Cet usage est bien reconnu pour avoir été celui des Celtes; mais je ne sache pas qu’il se soit per- pétué jusqu’au XIe siècle.

Il ne reste donc que l'hypothèse de les regarder comme 7ronticules limitans, entre les territoires de deux villages ou de deux seigneuries.

S'il m'était permis de hasarder une autre expli- cation, je ferais remarquer que vers l'époque de

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l'érection des petits monumens dont nous parlons, époque constatée par la présence de nos deux pièces de monnaie, l'église de Notre-Dame du Puy avait acquis une grande célébrité; que lon s'y rendait de toutes parts en pélerinage; que le roi de France Robert l’avait visitée en 1029; ne serait-il pas assez probable que, pour servir de guides aux pélerins qui après avoir fait leurs dévo- tions au fameux tombeau de saint Julien de Brioude se rendaient à l’église du Puy, on eût élevé ces signaux sur le point le plus apparent de la route d'Auvergne, pour les empêcher de se jeter dans le vallon marécageux qui est entre Saint-Paulien et Polignac? Ce qui me paraît donner quelque poids à cette opinion, c’est l'existence d’un autre mon- ticule artificiel tout-à-fait semblable à celui que nous avons décrit et qui est précisément dans la direction, à vol d'oiseau, de Borne au Puy, tout auprès des vestiges d’un vieux chemin qui con- duisait à cette capitale du Velay. Il est situé sur la pente nord-ouest de la montagne Sainte-Anne, à-peu-près à moitié trajet entre ces deux localités. Il est à présumer que ces signaux ou guides avaient été érigés en plus grand nombre; mais que dans toutes les parties le terrain s’est trouvé culüvable, le propriétaire riverain les a détruits.

Quoi quil en soit de ces conjectures, nos fouilles ont établi en fait que notre fumulus et

(90 ) ceux qui sont sur cette ligne ne datent que du XI siècle, et nous laissons aux archéologues le soin d’en tirer les conséquences que leur éru- dition , aidée, de nos recherches, pourra leur suggérer.

Vote À. Sous l’une des dernières pierres que l’on souleva, et qui touchait le sol sur lequel repose le tumulus, j’apercus de très-petits grains rougeâtres adhérant à la croûte terreuse dont la pierre était enduite. Quelle fut ma surprise d’y reconnaitre les semences d’une plante paraissant avoir appartenu à la famille des crucifères! Ces petites graines ovoïdes, d’un millimètre au plus de dimension, sont fort dures sous la dent, et comme silicifiées à leur surface qui est très-lisse, même vue à la loupe. Brisées sous la pression d’un marteau, sur un papier, elles offrent à l’intérieur une substance blanche, d’aspect farineux, qui se détache de la pellicule extètieure, et qui, placée sur la langue, donne quelques indices de saveur.

Pour m’assurer s’il y avait réellement pétrification , j’ai remis quelques-unes de ces graines à M. Ruelle, qui les a successivement plongées dans l’acide nitrique et l’acide sulfurique concentré. Nous les en ayons retirées au bout de dix jours, sans qu’elles aient éprouvé la moindre altération, même dans leur couleur, tandis que des graines de genres analogues, soumises à une pareille expérience, ont été converties, dans un quart d'heure, en une matière charbonneuse. Cet état de conservation, après huit cents ans de séjour sous terre, est bien propre à confirmer ce que Pon a dit de l’étonnante durée des semences quand elles sont à l’abri de toute influence atmosphérique. D’une autre part, ce fait-démontre que les infiltrations siliceuses , contrairement à ce qui a été récemment avancé, ont continué de s’opérer

postérieurement aux plus modernes révolutions du globe.

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Wote B. Sidoine Apollinaire | évèque de Clermont-Ferrand, vers le milieu du siècle, dans une lettre qu’il écrit à son neveu, lui apprend comment, se rendant dans cette ville dont il n’était pas encore le premier pasteur , il surprit et arrêta des scélérats fouillant des tombeaux et sur le point de profaner les

cendres de son grand-père, inhumé dans ce lieu même. Voici le commencement de son récit :

& Avi mei prohavi tui tumulum hesterno (proh! dolor) die » pene manus profana temeraverat ; sed Deus affuit ne nefas tantim » perpetraretur, Campus autem ipse dudum refertus tam bustua- » dibus favillis quàèm cadaveribus, nullam jam dit scrobem reci- » piebat. Sed tamen Tellus, humatis quæ superducitur, redierat » in pristinam distenta planitiem pondere nivali seu diuturno im- » brium fluxu sidentibus acervis, Qu fuit causa ut locum auderent » tamquam vacantem corporum bajuli rastris funebribus impiare. » Quid plura! Jam niger cespes ex viridi, jam suprà antiquum » sepulchrum glebæ récentes, cum fortè pergens ad arvernam » urbem publicum scelus à supercilio vicini collis aspexi, meque » æquo effuso, tam per æquata quüm per abrupta proripiens et » more exiguæ sic quoque impatiens antequàm pervenirem, fa- » cinus audax prævio clamore compescui, etc... »

On a voulu inférer de ce passage, que le tumulus de Borne , qui a faitle sujet de notre Mémoire, pourrait bien être le tombeau du grand-père de Sidoine Apollinaire. Voici mes raisons pour ne pas adopter cette hypothèse,

Je dirai d’abord que le tombeau du grand-père de l’illustre évêque n’était pas un tumulus, et que le lieu se passa la scène décrite par Sidoine a fort peu de rapport avec celui se trouve notre monument. Il est en effet question dans le text d’un endroit en pleine campagne, destiné à des sépultures pu- bliques et probablement situé à proximité d’une ville d’une po- pulation considérable, puisqu'il y est dit que le grand nombre d’inhumations qui s’y étaient faites ne permettait plus depuis long-temps d’y ouvrir de nouvelles fosses : nullam jam dix scrobem recipiebat. Si on creusait des fosses, on n'érigeait donc pas de

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tumulus ; fait qui me paraît résulter encore du passage suivant, Sidoine fait remarquer que la terre dont on recouvrait les morts, tassée par le poids des neiges et l’effet des pluies, s'était affaissée et avait repris son ancien niveau : redierat in pristinam planitiem ; ce qui ne saurait s’entendre d’un tumulus de douze à quinze pieds de hauteur.

On trouve à la suite de la lettre de Sidoine une épitaphe en vers, de sa composition, qu’il envoya à son neveu, en le char- geant de la faire graver sur une pierre et de la placer sur le tombeau de son aïeul. Une pierre de cette forme pouvait-elle être mise sur le tumulus de Borne, construit comme nous l'avons décrit !

J’ajouterai une dernière observation. Sidoine suivait ce jour- là, dit l’auteur dont nous combattons l'hypothèse, la route de Lyon à Clermont; il venait donc du côté de Thiers (1); car autrefois, comme aujourd’hui, cette route devait passer par le Forez et non par le Velay; parce que la distance de Clermont à Lyon, par Feurs, n’est que de trente lieues, tandis qu’il y en a quarante-cinq, au moins, en passant par Borne,

près le Puy.

(1) Le commentateur de Sidoine dit en effet que le tombeau du grand- père de Sidoine était près de Clermont.

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AV A VU MU UV AU MU LOU M UV A VU UV VU MU MA AR EL MU A AV AE AA AR UT

APERCU

Sur la Botanique en général , et, en particulier, sur celle de la Haute-Loire.

Par M. Duvizcars fils, Membre résidant.

Rura mihi et rigui placeant in vallibus amnes;

Flumina amem sylyasque inglorius..….. ( Wirg.).

SourCE inépuisable de jouissances, soit qu'elle nous conduise doucement sur les sommets des monts escarpés, au fond des fraiches vallées, dans les plaines que fertilise l'Agriculture, ou dans les solitudes incultes, la Botanique, ne füt - elle qu'une science de pure curiosité, suivant la pensée de Jean-Jacques, mériterait néanmoins les hommages et la reconnaissance de tous ceux qui la cultivent. En effet, l'exercice modéré qu'elle procure entretient la santé ; l'attention qu’elle exige , l'intérêt qu'elle inspire, les sites rians qu’elle découvre, nous distraisent de nos peines; et 1l est encore vrai de dire, au moral, qu’elle sème de fleurs le sentier de la vie.

Mais la Botanique n’a-t-elle pas d'autre impor- tance? N'est-elle qu’une science d'agrément, une science de mots, comme on s’est plu à le dire? On pourrait le penser, si reconnaitre et nommer

( 94 )

les végétaux, les classer suivant certains carac- tères, élait autre chose que le premier pas du botaniste dans une carrière immense.

Sans parler de la connaissance des divers organes des plantes et de leurs fonctions, ce qui constitue Fanatomie et la physiologie végétale, sous com- bien de rapports ne peut-on pas les envisager, soit respectivement entr'elles, soit avec les deux au- tres rêgnes de la nature, suivant les latitudes et les climats qui les voient naître; enfin, suivant l'usage habituel que Fhomme ne cesse jamais d'en faire ?

À peine pourrai-je indiquer ici quelques-unes de ces nombreuses relations : tout se coordonne, tout se lie dans la nature, par une chaîne pour ainsi dire imperceptible. Maïs avant d'entrer dans aucun détail, qu'il me soit permis de combattre une opinion de quelques amis de la Botanique, qui me paraissent par trop désintéressés et qui veulent l'aimer uniquement pour elle-même, sans s'occuper le moins du monde de lutilité des végétaux dans les arts, et surtout dans la mé- decine. L'idée seule des maux dont certaines plantes sont le remède, suffit, à leur avis, pour détruire une partie du charme de cette aimable Science.

Eh quoi! l'éclat, la fraicheur de la rose, sa douce odeur, auraient-ils moins d’attraits pour nous, parce qu'on retire de ses pétales une eau

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distillée, employée contre Fophtalmie, et que fa conserve qu'on-en fait peut ranimer un estomac débile? La fraise parfumée nous semblerait-elle moins délicieuse, si nous pouvions nous persua- der, avec Linnée, qu’elle nous préservera de la goutte ?

Non, la connaissance des propriétés des plantes, loin d’inspirer le dégoût, encourage le botaniste; elle le rassure dans ses courses solitaires. Il peut tomber; ch bien! les feuilles de lhièble, de la menthe ou de la morelle noire, écrasées entre deux pierres et appliquées sur ses contusions, en opéreront la guérison. La migraine le surprend; elle cédera peut-être à une infusion de serpolet, aisément préparée dans la première chaumière. Et plût à Dieu que le suc des feuilles de frêne nous rassurät entièrement contre le venin de la vipère,

cachée quelquefois sous nos pas parmi les fleurs et

la verdure! Les vertus des plantes doivent nous les rendre plus chères; étudions-les donc sous tous leurs rapports d'utilité et d'agrément, sans crainte de diminuer en rien le plaisir que fait naître leur aspect enchanteur. À une délicatesse exagérée, préférons le précepte d'Horace :

Omne tulit puctum, qui miscuit utile dulei,

L’heureuse influence des végétaux s'étend jus- qu'à l'air que nous respirons. Les feuilles, comme on le sait, et les parties vertes de la plupart des plantes, exposées à l’action de la lumière, en

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absorbant lacide carbonique de latmosphère et en exhalant du gaz oxigène, rendent l'air plus salubre; en se chargeant de son humidité, elles contribuent à fixer les molécules aqueuses sur les sommités; elles en diminuent lévaporation, en s'interposant aux rayons solaires; et, par ces divers moyens, alimentent les réservoirs des fon- taines, toujours plus abondantes dans les lieux couverts d’une active végétation.

Qui pourrait compter leurs bienfaits? Combien de fois de hauts peupliers, en attirant la foudre sur leurs cimes pyramidales, n’ont-ils pas pré- servé lhumble toit du cultivateur? La vue de certaines plantes a souvent fait trouver de l’eau au voyageur altéré; d’autres fois, un aliment à sa faim.

Assez d'ouvrages ont paru sur l'emploi des végétaux dans léconomie rurale et domestique, pour que je me dispense d’en parler; et je serais entrainé trop loin, quelque curieuse que füt cette étude, si jentreprenais de les considérer par rapport aux animaux auxquels ils servent de nourriture, d'abri ou de berceau.

Quand même les relations respectives des plantes ne sufhraient pas pour fixer notre attention, nous serions intéressés à connaitre les influences salutaires ou nuisibles qu'elles exercent entre elles? Si les unes ne peuvent croître qu'à l'abri des autres, il en est qui préjudicient à celles qui

(97 ) se rencontrent dans leur voisinage ou qui les font périr. Le pollen de l'épine-vinette, par exemple, occasione, à ce qu'on assure, la carie du fro- ment; la sarrette des champs étouffe l'avoine, et la rhinanthe, crête-de-coq, toute sorte de récolte; les mousses, qui entretiennent dans les bois une humidité favorable aux racines des arbres et au développement de leurs graines, empêchent de pousser lherbe des prés; les plantes parasites amaigrissent toutes celles aux dépens desquelles elles vivent; ainsi le gui, l’une des plus remar- quables, détourne la sève des rameaux il s’atta- che et les fait dessécher; il attaque particulière- ment les arbres qui donnent des fruits à pepins, et sile gui de chêne a été si célèbre, c'est, sans doute, à cause de sa rareté.

Ce n’est pas seulement par rapport aux deux règnes organisés de la nature que les végétaux doivent être considérés : la position géographique des lieux, le caractère des terrains sur lesquels ils croissent, établissent la plus euricuse diversité dans la végétation. « Chaque végétal, dit M. Biot, » ne peut vivre qu'entre certaines limites déter- » minées de température... L'aspect des plantes » qui subsistent dans chaque contrée offre done » une espèce de thermomètre vivant. » Le même aspect, jusqu'à un certain point, peut aussi rem- placer le baromètre, pour apprécier l'élévation du lieu lon se trouve; et les annales des voyages en offrent plus d'un exemple. 7

(98 )

Je ne ferai d’autres remarques sur la topo- graphie végétale, que celles qui auraient trait au département de la Haute-Loire. Linnée et Bernardin de Saint-Pierre ont trop bien démontré les pro- priétés météorologiques des plantes, pour que je me permette d'y revenir après eux.

Envisagée sous un point de vue tout nouveau, la botanique et la géologie des fossiles viennent ouvrir une mine féconde de découvertes non moins extraordinaires que satisfaisantes, On peut en juger par la seule énonciation du but que se propose le naturaliste géologue. Il s’agit pour lui de reconnaître les diverses générations d'êtres organisés qui, dans des temps antérieurs à l’exis- tence du genre humain, ont occupé la surface du globe, qui en ont disparu et s’y sont suc- cédées à la suite d’épouvantables catastrophes, de déterminer l’ordre, et, autant que possible, la

durée de chaque période ces générations ont existé; quels bouleversemens les ont fait périr; la position et la nature des couches terrestres qui contiennent chacune de ces générations suc- cessives : tel a été l’objet des savantes recherches de MM. Cuvier et Brongniart. Si le premier a ressuscité à notre imagination des races d’ani- maux perdues pour nous et ensevelies depuis tant de siècles dans les entrailles de la terre, le second nous a fait connaître plusieurs sortes de végétaux étrangers au sol qui les recèlent,

(/980) ou dont les dimensions n’ont plus d’analogie avec ceux qui nous restent.

La première végétation qui ait paru est celle dont l’organisation est la plus simple. Elle con- siste, suivant M. Adolphe Brongniart qui va me servir de guide, en six familles, dont deux, d’après leurs débris obscurs, pourraient appartenir aux phanérogames; les quatre autres évidemment aux cryptogames. Avec quelle admiration ne ver- rions-nous pas aujourd’hui ces prêles, s’élevant à quinze pieds; ces fougères arborescentes, à cin- quante; ces lycopodes, jusqu’à soixante-dix; for- mant ensemble d’épaisses forêts, à la destruction desquelles on attribue la formation des grandes couches de houille ?

Au-dessus de ces couches, et de certains grès jusqu'à la craie, parait une seconde végétation les cryptogames dominent encore. Les fou- gères seules y figurent pour un tiers, les deux autres se composent de la famille des cycadées et de celle des conifères. C’est parmi ces végétaux enfouis et sous nos pas, et dont le déve- loppement égale celui qu'ils atteignent mainte- nant entre les tropiques, que circulaient ces plesio-saurus, ces ichtyo-saurus, reptiles amphi- bies d’une structure gigantesque.

La troisième et dernière végétation de ces anciens temps offre plus de ressemblance avec celle qui embellit la nature actuelle, du moins

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sous d’autres latitudes. Dans les terrains tertiaires, dans les gypses surtout, on retrouve les lauriers, les melastômes et la superbe famille des palmiers. Avec eux se rencontrent les ossemens de mammi- fères inconnus de nos jours, des paleotheriums, anoplotheriums et de bien d’autres que nousn’avons plus, ou qui ne peuvent se multiplier que dans des climats plus chauds. C’en est assez, je pense, pour donner une idée de tout l'attrait, de toute l'importance de la Botanique.

La Haute-Loire , par l'inégalité et la diversité de son sol, est certainement un des départemens du centre de la France dont la flore doit être la plus variée.

La richesse de sa végétation, nous osons le dire, n’est pas connue. L’indispensable Flore publiée en 1825, nous prouve qu'une grande partie du dépar- tement a été peu explorée. En effet, le bassin de l'Allier, depuis Langogne jusqu'à Brassac, le pen- chant oriental de la Margeride, une partie du bassin de la Loire jusqu'à Aurec, n’offrent qu'un petit nombre de points cités dans notre Flore. Faut-il s’en étonner ? La vie d’un seul homme con- sacrée entièrement à rechercher les plantes d’une seule province, ne suffirait pas pour en achever la Flore. La formation d'un herbier départemental contribuera puissamment à compléter la nôtre; mais les amis de la science doivent faire des vœux pour que le goût de la Botanique se répande dans les autres localités.

(101)

C’est aux environs de sa demeure que le bota- niste peut se flatter d'embrasser à peu près l'en- semble des végétaux.

Jusqu'à présent, l'étude de la Botanique paraît avoir été concentrée au Puy, du moins les habi- tans de cette ville me semblent les seuls qui aient fait connaitre les résultats de leurs herborisations : leur zèle est insuffisant. Que sont, en effet, quelques excursions botaniques dans les endroits les plus célèbres, sur le Mezenc les recherches sont si faciles? Il faudrait le parcourir plusieurs fois pendant chacun des quatre ou cinq mois de son année florale.

Un artisan m’annonce, en juin 1025, qu'il va traverser le Mezenc, je le prie de m'apporter des plantes au hasard; une fulipe seule, ditil, a fixé son attention : c'était l’anémone de Haller, espèce nouvelle pour nous.

Que de richesses, un botaniste qui en aurait le temps , ne découvrirait-il pas dans ces régions élevées? S'il y séjournait jamais, qu'il dirige ses pas aux bords du Lignon naissant et de ses affluens, aux sources de la Loire, dans les vallons situés entrele Gerbier-de-Joncs et le Béage, dans celui de Bonnefoi, autour du mont Sépoux et du plateau de Sistroux! C’est qu’environné des tableaux les plus pittoresques et les plus variés, il trouvera du moins des eaux, de lombrage et des fleurs; ces touffes de hêtres que la dent des bestiaux a taillées en cônes parfaits, tels que ces ifs qui se voyaient

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dans les parcs de nos châteaux gothiques. Sou- vent, de leurs pointes, s’élancent des rameaux divergens qui présentent un second cône renversé sur le premier. Avec eux, contrastent majestueu- sement à la vue les noires pyramides de hauts sapins qui s'élèvent à l’envi dans les airs avec les crées tranchantes, les pics aigus des roches trachytiques.

Il ne manquerait rien à la beauté sauvage de ces déserts, si le feuillage délicat ettendre du jeune mélèze, les branches tombantes du bouleau, son tronc blanc, apparaissaient de temps en temps à travers les clairières, au milieu de l'ombre obs- cure des sapins. C’est là, je le répète, dans ces bouquets de bois, le long de ces ruisseaux sortant des rochers, dans ces vertes prairies, qu'il faut cher- cher les plantes des Pyrénées et des Alpes, plutôt que sur la croupe monotone et nue de ce Mezenc, dont la chétive végétation, sans cesse battue des vents, est sans cesse dévorée par les troupeaux.

Si la division politique nous ôte la plupart de ces sites trop peu connus, n'importe; la géographie botanique et la géognosie les mettent également dans nos limites naturelles. Quelles découvertes n’a-t-on pas lieu d'y espérer, quand on songe qu’il est difficile de faire une promenade un peu pro- longée aux environs du Puy, sans trouver quelques espèces nouvelles !

Des herborisations peu nombreuses depuis quatre ou cinq ans ont fait rencontrer, aux portes même

( 103 ) de cette cité, jusque dans son enceinte, plusieurs espèces non encore observées (1); et l’on ne doit pas s’en étonner, quand après plus d’un siècle de recherches autour de la capitale, par les plus célèbres botanistes, de nouvelles plantes y ont été récemment trouvées.

L'auteur de la Statistique de la Haute-Loire ayant indiqué déjà l'exclusion ou la préférence que certains végétaux donnent à tel ou tel terrain, je m’abstiendrai d’en rien dire. L’on sent d’ailleurs que cet objet nécessiterait une longue suite d’ob- servations. Je me permettrai une seule remarque dans l'intérêt des propriétaires, qui, d’après l’au- torité imposante de M. Bertrand de Doue et de l’auteur que je viens de citer, regretteraient de ne pouvoir créer des bois de sapin dans les ter- rains basaltiques, c’est qu'il ne faut pas renoncer à les y propager , puisque dans les bois de la montagne de Breysse, l’un des volcans éteints les plus considérables de notre pays, le sapin occupe à peu près autant de place que le pin ou le hêtre, et qu'il y croit très-bien. |

Relativement aux différentes stations des plantes,

(4) Entre autres , Arabis sagittata, à Corneille, Aiguilhe; Caucalis scandicina, 1bid.; Lactuca saligua, au Breuil; Medi- cago maculata, ibid.; Thlaspi ruderale, aux ponts de Saint- Jean , de Saint-Barthelemi, à Vienne; Coronopus vulgaris, sur

la promenade et la place du Breuil, à la porte du Musée.

(104)

suivant les divers climats du département, l’on sent qu'il n’est pas possible de poser des bornes rigoureuses. La configuration, l’exposition du sol, sa surface découverte ou boisée, peuvent favoriser la multiplication de certaines espèces à des hau- teurs fort inégales; mais on ne doit pas juger de leurs habitudes par quelques individus isolés; du reste, il en est un grand nombre susceptible de croître indistinctement dans les sites les plus opposés. Sans essayer d’en donner la nomencla- ture, je citerai la luzule blanc de neige, le lis mar” tagon, le pigamon à feuilles d’ancolie, la gentiane croisette, la parnassie des marais, l’anthyllis vul- néraire, que j'ai trouvés sur nos plus hautes mon- tagnes et dans le creux du Puy; l'impatrente n’y touchez pas, le long du Lignon près de l'Enceite, et dans les montagnes de Queyrières; le cirse à trois têtes, dans les prairies à l’est de Brives, et dans celles de Fay-le-Froid ; enfin , la centaurée dent de peigne, sur les rives de la Loire, aux Salles, au sommet du Mezenc et du Gerbier-de-Joncs.

Quant aux végétaux, que leur sensibilité aux changemens de température rend plus constans dans leur habitation, je les divise en quatre classes qui occupent trois zones ascendantes.

La première classe comprend les plantes qui appartiennent uniquement à la zone que j'appel- lerai chaude, la vigne peut être cultivée.

La seconde, celles qui se trouvent et dans la

(105)

zone chaude et dans la zone intermédiaire ou tem- pérée, mais non dans la froide.

La troisième, celles de la même zone tempérée qui ne se trouvent pas dans la chaude quoiqu’elles existent aussi sur nos hautes montagnes.

J'ignore s’il en est d’exclusivement attachées À cette zone intermédiaire.

La quatrième, enfin, celles qui sont tout-à-fait particulières à la zone froide, à nos montagnes les plus élevées.

Voici la notice de quelques-uns des végétaux que j'airecueillis moi-même, et que je crois devoir com- prendre dans cette classification. J’emploierai les noms latins, comme moins variables et plus usités.

ZONE CHAUDE. 17É CLASSE,

Parictaria officinalis, Amaranthus sylvestris, Euphorbia lathyris, E. peplus, Physalis alkekenoi, Datura stramonium, Heliotropium europæum , Serophularia canina, Orobanche cærulea, Salvia sclarea, Lactuca saligna, Podospermumlaciniatum 4 Andriala integrifolia, Xeranthemum inapertum , Tussilago petasites, Artemisia campestris, Circæa lutetiana, Berberis vulgaris, coronopus vulgaris, Saponaria ocymoides, Buffonia perennis, Saxifr aga cotyledon, Sedum ærachnoideum, Spiræa filipen- dula, Clematis vitalba, Astragalus glycyphyllos, Coronilla varia, Trifolium subterraneum,

( 106 )

ZONE INTERMÉDIAIRE.

22 CLASSE.

Andropogon ischæmum , Convallaria majalis, C. polygonatum, Phalangium liliago, Iris germa- nica, I. pseudo-acorus, Arum maculatum, Humulus lupulus, Ligustrum vulgare, Asclepias vincetoxi- cum, Lysimachia vulgaris, Convolvulus sepium, Solanum nigrum, S. dulcamara, Symphytum off- cinale, Asperugo procumbens, Lithospermum off- cinale, Pyrola uniflora, Verbena officinalis, Linaria vulgaris, L. minor, Teucrium botrys, Nepeta ca- taria, Melittis melissophyllum, Campanula trache- lium , Sambucus ebulus, Sherardia arvensis, Chon- drillajuncea,Hieracium sabaudum, H,amplexicaule, Lactuca virosa, L. perennis, Prenanthes viminea, Eupatorium cannabinum, Erigeron canadense, Senecio crucifolius, Evonymus europæus, Erysi- mum alliaria, E. barbarea, Cheiranthus cheiri, Dianthus armeria, D.prolifer, Saponaria officinalis, Resedaluteola, Adoxa moschatellina, Lithrum sali- caria, Portulaca oleracea, Adonis æstivalis, Thalic- trum flavum, Delphinum consolida , Hypericum hirsutum, Corydalis bulbosa, Lathyrus aphaca.

ZONE INTERMÉDIAIRE. 32 CLASSE.

Juncus squarrosus, Paris quadrifolia , Veratrum album, Convallaria bifolia, C. verticillata, Ophrys

( 107 )

midus-avis, Gentiana pneumonanthe , Veronica scutellata, Pirola rotundifolia, P.secunda, P. minor, Pinguicula grandiflora, Stachys alpina, Asperula odorata, Prenanthes purpurea, Doronicum parda- hanches, Ligusticum meum, Stellaria nemorum, Circæa alpina, Geum rivale, Comarum palustre, Trollius europæus, Ranunculus aconitifolius, Hy- pericum dubium, H. montanum, Viola grandi- flora (1), Trifolium spadiceum.

ZONE FROIDE.

CLASSE.

Pteris crispa, Lycopodium selago, Juncus fili- formis , Hemerocallis liliastrum , Crocus vernus (2), Orchis nigra, O, albida, Gentiana lutea, Euphrasia nana, Thymus grandiflorus, Campanula persici- folia (3), Phiteuma hemisphærica , Vaccinium myrüllus (4), Cacalia petasites, Gnaphalium dioi- cum, Arnica montana, Doronicum austriacum, Senecio sarracenicus, S.leucophyllus, Chærophyl- lum hirsutum, Ligusticum austriacum, Hesperis ino- dora, Cardamine amara , Dentaria digitata, Thlaspi montanum, Biscutella lævigata , Silene rupestris, Saxifraga rotundifolia. S. stellaris, Rosa alpina,

(1) Variété à fleur violette.

(2) Variété à fleur violette.

(3) Variété , si je ne me trompe, remarquable par ses feuilles rapprochées.

(4) Variété à fruit blanc.

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Alchemilla alpina, Ranunculus platanifolius, Ane- mone ranunculoides, A.halleri, Aconitum napellus, Viola lutea, V. grandiflora (1), Trifolium alpinum, Salix depressa.

Je terminerai un apercu bien superficiel, sans doute, mais suffisant pour laisser entrevoir à quelle variété, à quelle étendue de connais- sances se rattache l'étude de la Botanique. Heu- reux, s'il pouvait contribuer en quelque chose à propager dans nos contrées une science non moins utile qu'elle est charmante, non moins satifaisante pour l’esprit que pour le cœur !

Combien d'hommes inoccupés, et qui ne cher- chent qu'à se fuir eux-mêmes , trouveraient en elle un gracieux refuge contre cet ennui qui les suit sans cesse dans leurs promenades insou- ciantes, dans leurs visites pour tuer le temps, et jusqu'au sein de ces réunions règne une réserve, une gêne que les bienséances n’impo- sent pas seules !

(1) Variété à fleur jaune.

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RAPPORT SUR L'EMPLOL DA LA GÉLATINES

Commissaires : MM. TarDy , DE LAROCQUE, et BoriE, D. M. P., rapporteur.

Di meliora..... miseris succurrere disco.

MESSIEURS,

Le Gouvernement, désireux de répandre toutes les connaissances qui peuvent améliorer le sort et la position de l'homme, a adressé à M. le Préfet de la Haute-Loire un livre sur la gélatine. Ce livre est composé de plusieurs Mémoires qui ont trait au procédé employé par M. Darcet, de l’Aca- démie des sciences, pour extraire la gélatine des os, de quelques instructions succinctes sur l’em- ploi de cette gélatine, et de deux rapports faits au conseil général des hospices par les adminis- trateurs des deux plus grands hôpitaux de Paris, l’on se sert de la gélatine, en l’obtenant d' aps ès la méthode de M. Darcet.

Le premier magistrat de notre département, dans sa sollicitude pour le bien général, a voulu donner la plus grande publicité possible à de tels travaux; et, pour cela, il s’est adressé à vous,

(. ro)

Messieurs, et a engagé notre président à nommer une Commission qui mit l'administration à même d'apprécier les avantages que nos principaux éta- blissemens publics pourraient retirer de l’usage de la gélatine. Cette Commission, dont je suis auprès de vous l'organe, a senti toute limportance de la tâche que vous lui avez imposée; et moi, Messieurs, plus cette tâche était importante, plus j'ai senti ma faiblesse, plus aussi j'ai compris que ma voix était par trop obscure et trop inconnue pour éveiller, dans nos contrées, l'écho qui dira et le nom de M. Darcet et la reconnaissance que la classe la plus nombreuse et la plus intéressante de la société doit vouer désormais à ce chimiste phi- lantrophe. Ce n’est donc que pour moi seul que je réclame votre bienveillante indulgence ; con- vaincu, au reste, qu'un peu plus tôt, un peu plus tard, on utilisera, même dans notre pays l’on se plaît tant à suivre les ornières de la routine , la découverte dont je vais avoir l’honneur de vous entretenir.

Personne m’ignore que les animaux, à sang chaud, ont été divisés en deux grandes classes : les herbivores et les carnivores; que ladjectif omnivore a été donné à l’homme, parce qu'il se nourrit avec des substances végétales et animales. Cependant un grand nombre d'observations médi- cales ont démontré que l’homme ne peut pas impunément suivre un régime constamment vé-

( t3#)

gétal; et Lagrange, ce géomètre de qui Monge disait : « Je regarde Newton comme supérieur à Euler , mais je place Lagrange au-dessus de Newton. » Lagrange qui, dans ses momens de loisir et pour se délasser , s’occupait de médecine, d'hygiène, mais qui étudiait tout cela à sa manière, avec son génie, prouva qu'un homme adulte à besoin, par jour, de deux livres d’aliment solide, et encore faut-il, pour que la santé ne se détériore pas, que cette masse alimentaire contienne au moins deux parties de substance animale ou azotée contre sept de substance végétale.

D'autre part, M. Magendie, médecin, et un de nos physiologistes expérimentateurs les plus cé- lèbres , a conclu, d’après un grand nombre d'expériences qu'il a faites sur le régime alimen- taire, que l'estomac de l’homme s’accommode très-bien d’un régime purement animal, mais que la vie devient languissante, toutes les fois que pendant long-temps on fait usage d’un régime purement végétal; que la diversité et le mélange des alimens est un principe d'hygiène d’une haute importance.

Maintenant, par la pensée, transportez-vous dans nos campagnes, dans les faubourgs de nos villes; pénétrez dans nos prisons et surtout dans ces nombreuses maisons l’on travaille à la dentelle; veuillez y examiner la nourriture de tous les jours; mterrogez et la santé et la force physique, et la

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force intellectuelle et l’état moral de tous ces êtres humains ; puis, dites s'il n’est pas nécessaire , urgent d'améliorer leur régime alimentaire ? Mais, en attendant que notre agriculture et notre com- merce aient pris un vaste développement, trou- ver, sans augmenter d’une manière notable leurs dépenses, ce surcroit de substances animales dont ils ont si grand besoin ?

Telle est la question qu'il était peut-être utile de vous soumettre avant de vous faire connaitre les travaux de M. Darcet.

Vous le savez, les os, cette partie dure, solide et qui fait la charpente du corps des animaux, n'étaient utilisés que par les tourneurs, les table- tiers, les boutonniers, les évantaillistes. IL était réservé à la chimie, science inconnue de l’anti- quité, que nos aïeux ont apercue , science qui est appelée à jouer un si grand rôle dans les des- ünées futures des peuples, et que de notre temps les J’auquelin, les Chaptal, les Darcet, les Chevreul ont élevé si haut, par les applications si utiles et si nombreuses qu'ils en ont faites à presque toutes les branches de la philosophie naturelle; il était, disons-nous, réservé à la chimie de prouver queles os de la viande de boucherie, ces os dont nous ne faisons aucun cas, que nous jetons aux animaux do- mestiques, recèlent en abondance une matière éminemment nutritive. La propriété qu'ils ont de brûler avec flamme lorsqu'on les expose au feu

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avec le contact de l'air, lavidité avec laquelle certains carnivores se jettent sur eux pour les ronger, le plaisir que l'homme lui-même trouve à broyer entre ses dents et à savourer la partie spongieuse des os longs de nos jeunes animaux de basse-cour ; tous ces motifs, et beaucoup d’au- tres que je néglige, avaient sans doute de tout temps fait pressentir que dans les os il est des substances qui peuvent servir à la nourriture de l’homme. Ce ne fut cependant qu’en 1781, au fort des travaux des économistes, que Papin, qui, cherchant à connaître le premier la force motrice de la vapeur d’eau, essaya d'extraire la gélatine des os , en traitant ceux-ci par la vapeur dans la machine à forte pression qui porte encore son nom. Ce procédé, par des raisons qu'il est inutile de rappeler, ne fut point fructueux. On se mit dès-ors à extraire la gélatine en râpant les os, les réduisant en copeaux, puis les traitant, dans des vases ouverts, par l’eau bouillante. Un pareil pro- cédé, eu égard à la petite quantité de substances qu'on obtenait, était beaucoup trop coûteux; aussi fut-il abandonné et remplacé, il ya une quinzaine d'années, par un procédé tout chimi- que, et qui consiste à faire digérer les os par des acides minéraux. Les succès en furent incontes- tables; la gélatine que les hommes habiles en obtenaient, faisait même espérer que bientôt cette dernière occuperait un rang élevé parmi les subs-

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tances qui servent d’aliment aux hommes. Mail- heureusement l'ignorance s’empara de cette bran- che d'industrie qui était trop récente pour que, surtout en France, des préventions défavorables ne s’élevassent pas rapidement contre elle, si les produits ne répondaient pas constamment à l’at- tente et aux désirs du consommateur. C’est ce qui arriva, et on cessa de se servir de la gélatine comme substance alimentaire, et M. Darcet, à qui appartenait ce procédé, l’abandonna pour en revenir à celui plus économique que Papin avait mis le premier en œuvre, et qu'après des essais nombreux, M. Darcçet est parvenu à perfectionner de telle manière, qu'on doit dire qu'il en est l'inventeur.

Il n'entre point dans le but de ce Rapport de vous montrer l'excellence de ce procédé par lequel on obtient toute la graisse et toute la gélatine que possèdent les os, en même temps qu'on obtient cette dernière d’une qualité supé- rieure: je ne chercherai pas davantage à vous faire la description de l'appareil; de tels détails trouveront leur place et seront seulement utiles lorsqu'on désirera fonder un établissement de ce genre.

La gélatine, principe immédiat des animaux, est une substance insipide, inodore et l'élément le plus nutritif de la viande. C’est à la gélatine que sont dues les propriétés nutritives des bouillons

{ 115 ) faits avec les viandes de boucherie. Or, les os, considérés seulement sous le point de vue qui nous occupe, et sans entrer dans leur analyse chimique , contiennent sur 100 parties :

Substance terreuse.......... 60. ÉTAISSCR EE cer arme Coco se 10: COMME SNA 30.

Il est en outre démontré que, terme moyen, 100 livres de viande contiennent 8o livres de graisse ou de viande et 20 livres d’os: que les 20 livres d'os, traités par l’appareil de M. Darcet, fournissent 6 livres de gélatine qui peuvent donner 300 bouillons, tandis que 100 livres de viande ne peuvent faire que 200 bouillons. Il est facile de voir que dans les grands établissemens publics de notre ville, tous les jours l’on con- somme 100 livres de viande, si, au lieu d’en jeter les os, comme cela se fait, on les conservait et on en extrayait la gélatine, on pourrait, avec ces os, obtenir un tiers de bouillon de plus qu’on en a fait avec la viande dont on a recueilli les os. A ces avantages qui, je pense, doivent vous pa- raître assez \grands, ajoutons actuellement les améliorations que l’usage de la gélatine est sus- ceptible d'apporter dans notre régime alimentaire et notamment dans celui des grands établissemens publics. Nous avons vu que 100 livres de viande donnent 200 bouillons; mais cette viande une

«

( 116 )

fois bouillie se réduit à moitié, et ne pèse, par conséquent, plus que 50 livres. La même quantité et la même qualité de viande cuite en rôti, par exemple, se réduit seulement à 67 livres. On économise donc près d’un de viande toutes les fois qu’en la faisant cuire on ne veut pas obtenir d'elle du bouillon. Et veuillez remarquer que la viande qui est cuite en bouilli a laissé échapper, par lébullition, les sels, la graisse, l’osmazome, surtout la gélatine ; enun mot, presque tous les principes stimulans et nutritifs qu'elle pos- sédait, et n'offre plus à l'estomac que de la fibrine à digérer. La viande préparée en rôti est, au contraire, éminemment nutritive, attendu qu’au- cun des principes qu’elle recèle ne se perd.

De l’ensemble de ces faits, qui sont des plus exacts, on peut conclure que toute grande réunion d'hommes se nourrira d’une manière plus agréable, plus substantielle et plus économique toutes les fois qu’elle voudra employer la découverte de M. Darcet; mais il s’agit de porter la conviction dans les esprits, et, pour cela, étayons-nous d'observations nettes, claires et précises.

Les Membres de la Faculté de médecine de Paris ont dit dans un rapport : « Cent livres de » viande, dont 25 sont employées pour faire le » bouillon avec 3 livres de gélatine des os, don- » nent 200 bouillons et 12 livres et demie de » bouilli, etles 75 livres restantes peuvent fournir

ee

(117)

» 5o livres de rôti. On voit donc que, par ce » moyen, l’on a une égale quantité de bouillon de » qualité supérieure, et 50 livres de rôti; de plus’, » 12 livres et demie de bouilli. Les malades, les » convalescens, les gens de service de l'hôpital, » dit toujours le même rapport, n’ont pas apercu » de différence entre le bouilli et celui qu’on leur » donnait précédemment. Ils ont été plus abon- » damment nourris et très-satisfaits d’avoir du rôti » au lieu de bouilli. »

Maintenant, supposons un ménage, un collége ou tout autre établissement l’on ait tous les jours besoin de 16 bouillons.

En mettant dans la marmite 2 livres de viande, 4 onces de gélatine sèche, 9 à 10 pintes d’eau, on aura, par ce moyen , seize bouillons, une livre de bouilli, et on a économisé 6 livres de viande.

L'œuvre de charité de notre ville met, tous les dimanches, dans sa marmite, 100 livres de viande qui, le bouillon fait, se réduisent à 50 livres. Si cette œuvre, au lieu de 100 livres, n’en mettait dans sa marmite que 25 et 3 livres de gélatine, elle obtiendrait la même quantité de bouillon, qui serait assurément meilleur que celui qu'elle donne; plus 12 livres et demie de bouilli, et écono- miserait 75 livres de viande qui pourrait être dis- iribuée en rôti, en bœuf à la mode, ou donnée crue aux malades indigens.

(1299

Quant aux avantages que les hôpitaux pourraient

retirer de l'emploi de la gélatine , le régime

alimentaire qui a été proposé par M. Darcet, et qui est suivi dans beaucoup d’hôpitaux de Paris,

présente trop d'intérêt pour n'être pas lu en entier; craignant néanmoins d’abuser de votre

attention, je ne vous en dirai que les principaux résultats.

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« Si chaque hôpital pouvait avoir un appareil pour extraire la gélatine des os, on y aurait ainsi, en matière animale , de quoi constituer deux fois et demie autant de bouillon qu’en peut donner la viande traitée comme on le fait ordinairement, on aurait par suite : du bouillon faible, préparé avec la viande seule, comme on le fait à présent; du bouillon plus fort et autant riche en gélatine que les médecins le demanderaient; des gelées à la viande, au citron, au rhum. Quant aux conva- lescens et aux gens de service, on pourrait leur donner : des soupes grasses ou maigres bien plus nutritives que celles qu'ils recoivent actuel- lement; du rôti au lieu de mauvais bouilli; des légumes aussi riches en matière animale que s'ils étaient cuits dans du bouillon ordi- naire. Ce régime, en apportant amélioration et économie dans le régime alimentaire des hôpi- taux, pourrait permettre la distribution de soupes bien nutritives aux malades guéris, pendant huit

(119) » ou dix jours après leur sortie de lhôpital, ce » qui contribuerait à assurer le rétablissement com- » plet des malades sortans et éviter les rechutes. »

Ailleurs, on lit : « Les ouvriers de la monnaie » des médailles, à l’aide d’un appareil établi sous » la direction de son inventeur, sont parvenus, » en vivant en commun, à se nourrir abondam- » ment et d'une manière agréable, tout en ré- » duisant la dépense moyenne de chacun d'eux, » de 35 sous à 11 et 12; c’est-à-dire qu’ils ont » obtenu les deux tiers d'économie.»

Nous connaissons quelques-uns des avantages précieux que, grâce à la gélatine, on peut intro- duire dans le régime alimentaire; voyons actuel- lement si nos ressources en os sont suffisantes pour que lon puisse avec succès faire les dépenses que nécessite l'appareil inventé par M. Darcet.

Le relevé approximatif de la consommation de la viande de boucherie dans notre ville, porte la moyenne proportion annuelle de cette consommation à 673409 kilogrammes, qui don- nent 134661 kilogrammes d'os qui pourraient suffire pour préparer 8090 kilogrammes de géla- tne, 4040430 bouillons, ce qui ferait, par jour, 11070 bowillons. Dans la supposition tonte gratuite d’une grande disette ou d’une épidémie qui s'attache toujours à la classe la plus malheureuse, quelle re- connaissance n'aurait-on pas pour de tels bienfaits !

Mais au train de la vie ordinaire, on ne peut

( 120 )

compter, d’une manière probable, que sur les os de la viande qui se consomme dans les grands établissemens publics. D’après les recherches que j'ai faites et que je crois assez exactes, il résulte (je vous fais grâce des calculs que de telles recher- ches ont nécessité) que les deux hôpitaux réunis peuvent, tous les jours, fournir de 15 à 16 livres d'os frais; le collége, le grand et le petit séminaire peuvent en fournir au moins 30 livres, ce qui, sans parler de l'abattoir et des aubergistes, por- terait la somme totale des os que tous les jours, sans aucune peine, sans aucun frais, on pourrait amasser , à 45 livres; mettons 4o livres, qui, traités par l’appareil de M. Darcet, fourniraient 4 livres de graisse, 12 livres de gélatine que l'on pourrait mettre en tablettes ou qui donneraient Goo bouillons d’une aussi bonne qualité , aussi salutaires et aussi nourrissans que ceux que l’on fait avec la viande de boucherie dans les meilleurs ménages de notre ville.

Il ne reste plus, ce semble, qu’à connaître le prix auquel pourrait s'élever cette masse de bouillon, et le calcul en est facile à faire.

J'adopte, en forcant toutes les dépenses, que la mise de fonds pour un pareil établissement est de : AéhattdeWapparels eee. I00O Marmite pour la cuisson des soupes. 800

À reporter....... 2800

(aa) Report... :.#:#:2300f

Divershustensiles 381: 2.220" 500 Port et mise en place de l'appareil. 200

Somme totale...,..... 3000

En élevant l'intérêt de cette somme à 12 pr of° à cause de la détérioration, on dépense, par an, 360! francs, disons : par jour..4 |......... 1f On brülera un demi-hectolitre de charbon de terre qui ne peut pas coûter plus de AMROTICS Cle nee dans de nu ele te AU Aux deux hommes, pour soigner Pappareil, AD OO CN case cle ne nee US

a

On dépensera donc parjour, au maximum. 6

Avec une pareille somme, attendu que je ne parle pas de la location de l'établissement qui est accordé par la mairie, l’œuvre de charité de notre ville peut distribuer journellement Goo bouillons d’un demi-litre, qui, en y faisant fondre la graisse qu’on a recueillie, ne reviendraient tout au plus qu'à un centime.

Tous ces faits parlent assez haut d'eux-mêmes, pour que nous n’ayons plus rien à ajouter, d’au- tant que nous ne pouvons ici placer que les jalons qui doivent guider les administrateurs dans les investigations auxquelles ils peuvent se livrer. I est d'ailleurs nécessaire, avant de fonder un

( 158 établissement propre à extraire la gélatine des os, qu'il soit fait un travail à part, spécial, l’on entrerait dans tous les détails, sans lesquels on pourrait faire de fausse route , ou ne point obtenir les résultats qu’on a droit d'attendre.

Quoi qu'il en soit, les avantages que présente la gélatine, considérée sous le point de vue d'é- conomie ou d'utilité publique, sont immenses, incontestables ; la mauvaise foi la plus insigne n’oserait pas s'élever contr’eux. Reste maintenant à dire les services hygiéniques qu’un tel aliment est susceptible de rendre à nos contrées, que tant de scrophuleux habitent, et pour lesquels une nourriture animale est si bienfaisante. C’est un travail à faire; il est du plus haut intérêt.

Malgré tout le bien qu'une pareille découverte peut nous apporter, n'est-il pas à craindre que notre apathie, nos préjugés, la puissance de la routine militent encore long-temps contre son application ? Eh quoi! ne saurons-nous jamais secouer les préjugés qui obscurcissent la raison, rétrécissent l’intelligence, et qui sont cause que notre pays ne comprenant que difficilement les produits des arts et des sciences, ne peut, par cela même, parcourir que d’un pas lent et trop tardif la carrière des améliorations ! Sans doute l'instruction, en pénétrant dans les masses, en par- venant jusques aux dernières extrémités du corps social, chassera loin d'elle tout ce quiarrête, dans nos

( 1930

contrées, le développement de l'esprit humain. Pour cela, il faut malheureusement du temps, beaucoup , peut-être........ Mais il est dans notre localité départementale des hommes pleins de patriotisme, voués au bonheur de leurs sem- blables; il est des administrateurs habiles, zélés, que l’on verra toujours se passionner dès qu'il s’agit du bien général ; et ceux-là, certes, malgré les occupations si actives de la vie poli- tique , ne resteront point indifférens auprès d’une découverte dont les produits peu coûteux viennent au secours de la classe la plus nombreuse de la société, satisfont ses premiers besoins et assurent ses plus vives jouissances (1).

a ——————————/ ——————————— ——— ———

(1) Ce Rapport était à l’impresion, lorsque M. AI. Donné lut à l’Institut (Académie des sciences) un Mémoire sur l’emploi de la gélatine, comme substance alimentaire. Ce Mémoire fitun certain bruit, non-seulement parce que l’auteur s’élevait contre des idées déjà recues , mais encore parce qu’il semblait jeter de la défaveur sur la gélatine employée comme substance alimentaire.

L'indépendance dans les opinions, la tolérance dans l'examen étant un des grands besoins et des grands bienfaits de notre époque, c’est un devoir pour nous de donner une analyse du Mémoire de M. Donné, etde mettre ainsi nos lecteurs à même d'apprécier les motifs qui ont porté l’auteur à penser que la gé- latine n’était point une substance aussi nourrissante qu’on l'avait cru jusqu'ici : « Personne n’ignore, dit-il, que la gélatine des os » est depuis long-temps préparée comme une substance essen- » tiellement nutritive, très-propre à être donnée aux malades et

# aux pauvres qui ne trouvent pas dans leurs alimens ordinaires

(124)

tout ce qu’il faut pour réparer leurs forces. Ce régime est déjà

ÿ

» même adopté dans plusieurs hôpitaux et établissemens publics » de Paris et de la province. Si la gélatine possède en effet les » qualités qu’on lui attribue, on concoit qu’elle offre une im- » mense ressource pour la classe pauvre, puisqu'on peut retirer » des os qu’on laisse perdre chaque jour, assez de substance pour » nourrir un très-grand nombre d’individus. C’est une augmen- » tation de richesses créées, pourainsi dire , par la chimie; c’est » de quatre bœufs en faire cinq, comme le démontrent les cal- » culs de M. Darcet.

» Mais la gélatine a-t-elle véritablement toutes les qualités » qu’on lui accorde , et les expériences qui ont été faites à ce » sujet jusqu’à présent sont-elles concluantes? » Telle est la question que M. Donné s’est proposé d'éclairer. Pour cela, après s’être pesé, il commenca par prendre le matin 10 grammes de gélatine sèche avec 3 onces de pain, et il éleva successivement cette quantité jusqu’à 5o grammes, ce qui équivaut à 10 bowls environ du meilleur bouillon à la viande; cette gélatine était sous forme de gelée au citron , au rhum, ou simplement salée et aromatisée avec un peu d’oseille. Pendant les six jours que dura ce régime, il éprouva continuellement un sentiment de dé- faillance, etle sixième jour il était maigri de deux livres.

Pendant la seconde semaine, il remplaca la gélatine par du bouillon à la viande; mais comme il lui fut impossible de prendre au-delà d’un litre et demi (environ six bowls) de bouillon liquide, il porta la dose de pain jusqu’à cinq onces ; le huitième jour, il avait repris une livre et demie en poids, et il n’avait plus éprouvé aucun sentiment de défaillance.

Le premier chien qu’il soumit à ses expériences, montra d’abord une grande répugnance à manger la gélatine qu'on lui présenta salée , mélangée avec de la graisse et même avec un peu de pain. Il finit pourtant par en manger cha- que jour une quantité souvent équivalente à douze ou quinze demi-litres de bon bouillon. Le sixième jour, ce chien était maigri de quatre onces. Pendant la seconde semaine, il refusa toute espèce de gélatine, et il ne vécut que d'une once ct

a =

{ 2259)

demie de pain par jour; enfin, il termina lui-même cette pénible expérience en s’emparant de plusieurs livres de bœuf bouilli qui avaient été déposées hors de sa portée; il les dévora en entier, et il engraissa rapidement d’une livre. Le second chien refusa toute espèce de gélatine pendant quatre jours ; comme on ne lui donnait absolument rien autre chose, il était très-affaibli le cinquième jour, et alors on se décida à lui laisser manger du pain.

Après la lecture de ce Mémoire, M. Gay-Lussac, dont l’au_ torité est si imposante, a exprimé le regret de voir qu’on ait publié si rapidement le résultat d’expériences nullement con- cluantes, au risque d’anéantir subitement les résultats si favo- rables aux pauvres, que M. Darcet n’a pu obtenir qu'après quinze ans de peine et de contradiction. Pour lui, il est con- vaincu que la gélatine est douée de propriétés très-nutritives, et que l’auteur aurait mettre plus de prudence avant de jeter des préventions sur une si heureuse application de la chimie à la nourriture de l’homme.

L'Académie pensant que s’il y avait eu quelque inconvénient à provoquer le doute, il fallait que cette importante question fût entièrement résolue; pour cela, elle a nommé une Commis- sion dont la Société doit attendre avec impatience le rapport.

( 2261)

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NOTICE

Sur le volume, la distribution et la qualité des eaux qui alimentent la ville du Puy ;

Par M. RUELLE.

L'ABONDANCE et la pureté des eaux contribuent autant à la prospérité d’une ville qu'à la sécurité et à la santé de ses habitans. Ces aqueducs, dont nous voyons encore les immenses débris, attes- tent combien les Romains mettaient de l’impor- tance à posséder de belles fontaines. Un tel avan- tage ne fut sûrement point méconnu dans des temps plus rapprochés de nous; mais les vices du régime féodal, la longue durée des guerres civiles et le besoin de s'assurer des ressources que l'ennemi ne put leur ravir, portèrent sans doute les habitans des villes fortifiées, ou en- ceintes de murailles, à construire de préférence des citernes et des puits. On s’expliquerait ainsi pourquoi cette ville, qui eut à soutenir de si vives attaques, n'avait autrefois que trois fontaines jaillissantes (1), tandis qu'on y compte encore

(1) Saint-Jacques, le Plot et les Farges. IL est probable que celle du Théron n’existe que depuis l’époque de la construction

(2773

241 puits ou dépôts d’eau pluviale. Quelles que soient d’ailleurs les conjectures que l’on pourrait former à cet égard, notre intention est de nous borner, dans cette Notice, à présenter une sorte de statistique des fontaines du Puy, à indiquer les améliorations dont elles paraissent susceptibles et à donner l’analyse des eaux qui viennent les ali- menter. Nous pouvons répondre de l'exactitude des faits, car n'ayant trouvé ni le plan descriptif des fontaines et de leurs sources, ni renseignemens écrits, il à fallu tout voir et Loul vérifier; mais nous appelons un examen rigoureux sur ce qui paraîtra l'expression de notre jugement, avec la confiance qu’en relevant des erreurs on ne nous contestera point l'intention de mettre en évidence d'utiles vérités.

SECTION 1I'e. STATISTIQUE.

La ville du Puy paraitrait au premier aspect très- mal située pour avoir des fontaines jaillissantes

des bâtimens du collége par les Jésuites. On lit dans la Géo- graphie blaviane, édition de 1663 , que le Puy possède dix fon- taines, dont quelques-unes ÿ viennent par tuyaux et bournaux , mais nous pensons que l’auteur a désigné sous le nom de fon- taines, certaines sources, telles que celles de Montferrand , du Bouillon, de la Porte de Vienne et de Sainte-Claire, qui con- servent encore cette fausse dénomination. On ne peut d’ailleurs élever aucun doute sur la véracité d’un auteur qui affirme que la ville du Puy »’a point de port de mer,

( 126 )

ou même de grandes provisions d’eau; mais il existe, sur les pentes des collines qui l’environnent, des sources assez élevées et assez considérables pour alimenter plusieurs fontaines; et les eaux pluviales qui s’'infiltrent dans le Mont-Anis, vien- nent toutes se rendre, par la disposition des cou- ches, dans un grand nombre de citernes ou de puits.

La partie la plus haute de la ville est de 74 mè- tres au-dessus du faubourg Saint-Jean, qui en est la partie inférieure. Sa population est de 16,000 âmes, sur une superficie de 55 hectares. On y compte actuellement six fontaines jaillissantes que nous allons décrire,

19 Fontaine de Saint-Jean. Deux sources se rendent au regard de cette fontaine, situé sur la propriété de M. Paul, au bas du vallon de Guittard. Les eaux parcourent, dans des conduits en bois, une distance de 346 mètres, coulent sur la place Saint-Jean et donnent 26 litres par minute, ou 1 pouce 6/7° (1). Le bassin de cette fontaine a 2" 36 de capacité. On ne pourrait en élever les eaux à plus de 2 ou 3 mètres de leur hauteur actuelle.

20 Le regard supérieur de la fontaine du Théron, propriété de M. Vallat, au quartier de Roche-

(1) Le pouce d’eau des fontainiers équivaut à 14 litres par minute. L’eau doit couler par un tuyau d’un pouce de diamètre,

en entretenant le niveau de l’eau à une ligne an-dessus du bord interne et supérieur de ce tuyau.

(129)

Arnaud, recoit deux sources d'inégale grosseur. À 125 mètres au-dessous est placé un autre regard (propriété de M. Lashermes) vient se rendre une troisième source. Ces deux repos (1) communiquent par un simple aqueduc en tuiles cimentées. Du regard inférieur à la fontaine, l'eau parcourt une distance de 391 mètres dans des tuyaux, dont 860 mètres en fonte et le reste en bois; elle fournit 34 litres d’eau par minute dans un bassin dont la capacité est de 9" 34. Ces eaux sont d’abord conduites dans les bâtimens du col- lége, l’on en retient environ un tiers; le reste revient couler à l'extrémité sud de la rue de la Chaussade.

Le nivellement porte les eaux du regard supé- rieur à 12 mètres au-dessus du seuil de la porte de l’église du Collége, et celles du regard infé- rieur à 7 mètres au-dessus de la fontaine (2).

Fontaine du Plot. Une source assez abon- dante, mais très-négligée, se rend dans un repos construit sur la propriété de M. Arnaud-Ladevèze, quartier de Roche-Arnaud ; mais la moitié au moins est livrée aux propriétaires voisins, d’après

(:) Nous nous servirons indifféremment des mots regard ou repos, ce dernier terme étant employé dans le pays pour désigner le point de départ des conduites d’eau.

(2) Ce nivellement et ceux qui vont suivre ne peuvent être considérés comme exacts qu'à 1 ou 2 mètres près, en plus ou en moins.

9

( 130 )

un droit acquis ou réservé (il ne leur en est que le tiers). L'autre moitié , accrue par une seconde source qui s’y réunit dans le pré de M. Lobeyrac, se rend à un autre regard cons- truit sur la propriété de M. Bertrand-Rousson, au même quartier, après un cours de 358 mètres, pendant lequel elle traverse, sur une longueur de 200 mètres, au moyen d’un mauvais aqueduc en tuiles sans ciment, la prairie de M. Lobeyrac, dont elle recoit les infiltrations. De l'extrémité de cette prairie au repos du champ de M. Bertrand- Rousson, l’aqueduc, quoique en tuiles, est con- venablement cimenté. Il se réunit ïei à la source principale la moitié d’une très-belle source qui, du domaine de M. Arnaud, se rend dans un regard situé sur la propriété de M. Pons, et coule ensuite dans un aqueduc en pierre de 7o mètres de longueur. Une grande partie de cette dernière source se perd avant d'arriver au repos du champ de M. Bertrand-Rousson, tous ces cours d’eau réunis ne peuvent plus être contenus dans les bourneaux, malgré la diminution qu'ils ont éprouvée. Leur trajet, de ce dernier regard à la place du Plot, est de 1000 mètres. La moitié des tuyaux de conduite est en fer et l’autre moitié en bois. Quoiqu'il y ait encore de très-grandes déperditions d’eau, du regard à la fontaine, celle- ci donne 30 litres par minute. Son bassin, le plus grand de tous, a 23" cubes.

(3819

Une ligne horizontale tirée du repos supérieur, arrive à la hauteur de la rue du Bouillon, vis-à-vis la rue Meymard.

Le niveau pris au regard de la propriété de M. Pons, donne 15 mètres au-dessus de la fontaine, et celui du champ de M. Bertrand-Rousson porte les eaux à 3 mètres plus bas que le précédent.

4 Le premier repos de la fontaine de Saint- Jacques est dans un champ qui appartient à M. Rivière, quartier des Capucins, à la hauteur du toit de la tour des Archives.

La source se rend par un aquedue en pierre de taille de 403 mètres de longueur, très-souvent dégradé ‘par des éboulemens de terre, dans un regard inférieur situé sur la propriété Cortial ; ce dernier point est au niveau du seuil de la porte de lHôpital-général. Un troisième regard (enclos de M. Digonnet, même quartier) recoit de plus une petite source qui vient du champ de M. Eyraud. Le nivellement nous a donné 6 mètres au-dessus de la place Plâtrière ou du seuil de la porte du Tribunal criminel. La distance du deuxième au troisième repos est de 147 mètres, que la source franchit dans des tuyaux en terre cuite. De ce der- nier regard à la fontaine de Saint-Jacques, les eaux parcourent une ligne de 360 mètres, et donnent quelquefois jusqu'à 90 litres par minute, mais plus souvent à peine 15. Le bassin a 4" de capacité.

59 La fontaine des Farges a son regard près

( 1529)

d'un chemin public, au quartier des Adrets, com- mune de Polignac. Il recoit deux sources qui viennent de la vigne de M. Gallice et de l’enclos de M. Aulanier. Ces eaux réunies se rendent par des conduits, dont 552 mètres sont en bois et 6o mètres en fonte, à l’extrémité nord-ouest de la rue des Farges , elles donnent 28 litres par minute. Le bassin n’a que 267 cubes. On pourrait élever les eaux de cette fontaine jusqu'au point de jonction des rues de Montferrand et des Farges.

Deux belles sources, et une troisième qui est beaucoup moindre, arrivent au repos de la /on- laine des Tables, situé dans la propriété de M. Hedde, à Laboriette, commune de Polignac. Après un cours de 120 mètres dans des conduits en terre et de 1,240 mètres dans des tuyaux en fonte, elles viennent couler sur la place des Tables, elles donnent 31 litres par minute. Le bassin a 7" cubes. Les eaux de cette fontaine pourraient s'élever à 6 mètres au-dessus de la place du Greffe.

Il existe à notre connaissance quatre autres fon- taines coulant au niveau ou au-dessous du sol: celles de la rue de Montferrand , des dames du Bouillon, de Sainte-Claire et de la porte de Vienne, dont les eaux provenantdu Mont-Anis, elles traversent des couches gypseuses, sont peu propres à la boisson. Nous ne les considérerons que comme des réser- voirs pouvant être utiles en cas d'incendie. Les trois premières de ces sources donnent ensemble

(133) 31 litres par minute; la capacité des réservoirs est d'environ 4om. Celle de la porte de Vienne a éte convertie en puits, par la suppression d’un escalier qui venait y aboutir.

Les sources des six fontaines jaillissantes que nous avons décrites, parcourent ensemble, du point de leur apparition jusqu'aux regards infé- rieurs, 1,203 mètres dans des aqueducs en pierre de taille, ou en tuiles quelquefois cimentées; et des regards inférieurs aux fontaines, une dis- tance de 4,069 mètres, dans des conduits en bois, en terre ou en fer; total, 5,272 mètres. Elles donnent ensemble 178 litres d’eau par minute (12 pouces 5/7) ou 256,320 litres en vingt-quatre heures (1). Les bassins des fontaines, y compris ceux de Sainte-Claire, de Montferrand et du Bouillon, contiennent 688" 57, équivalant à 86,570 litres.

Nous avons mesuré les eaux des fontaines après de longues sécheresses et après une saison plu- vieuse, ainsi qu'en été et en hiver, afin d'obtenir, autant que possible, la moyenne des quantités; mais, malgré ces précautions, l'évaluation ne peut encore être qu'approximative, parce qu'il sur- vient très-souvent aux conduits des dégradations

(1) Nous avons supposé que la fontaine de Saint-Jacques, la plus variable de toutes dans ses produits, donnait 29 litres pax

minute.

(154)

telles, que l'arrivage de l’eau à certaines fontaines se trouve intercepté pendant plusieurs jours. Nous, croyons donc approcher davantage de la vérité en n'estimant qu'à 200,000 litres la quantité d’eau potable fournie par les six fontaines, et à 60,000 celle que contiennent tous les bassins (1).

On porte généralement à 7 litres le volume d’eau nécessaire pour un individu pendant 24 heures, ce qui donnerait, pour la consommation journa- lière des habitans du Puy, 112,000 litres. Il y aurait alors un excédant de 86,000 litres, et si lon ajoute à ce résultat l’eau puisée dans les citernes et les puits, dont l'usage est habituel à la plupart des habitans de la haute ville, on trou- vera qu'il y a surabondance pour les usages domes- tiques; mais, d'une autre part, si l’on considère que les fontaines sont placées à une grande dis- tance les unes des autres; que plusieurs quartiers en sont privés; que les bassins, en général trop petits, n’offrent qu'une faible ressource pour les incendies (2); que la plupart des rues de la ville sont sales, étroites, tortueuses et d’un accès diffi-

QG) Is sont rarement pleins, et en général très-sales, La plu- part de ceux que nous avons mesurés contenaient plus d’un demi-mètre de substances végétales corrompues; ce qui offre beaucoup d’inconvéniens pour le service des pompes.

(2) Deux maïsons ont été consumées, rue des Farges, entre deux de nos plus belles fontaines coulant alors à plein tuyau, et la chaîne se prolongeait jusqu’à la rivière.

(-135)

cile,on conviendra qu'ilimporte à la santé comme à la sécurité des habitans , que ladministration municipale cherche à leur procurer des eaux plus abondantes et plus convenablement distribuées.

La quantité d’eau qui se rendait à Paris, en 1826, était de 27 litres par individu; elle doit être d’en- viron 120 litres après l'achèvement des travaux du canal de lOurcq, c’est-à-dire dix fois plus con- sidérable qu’au Puy; et cependant un grand fleuve traverse la capitale. Plusieurs des villes de France situées également sur des rivières navigables se sont procurées jusqu'à 145 litres d’eau par habi- tant; mais de pareils exemples, que nous ne citons que pour faire ressortir notre pénurie, ne pour- raient être suivis sans inconvéniens par une ville dont les revenus sont insuffisans, l’industrie faible- ment prospère et qui éprouve le besoin d’écarter ce qui, même dans des entreprises aussi utiles, serait un luxe.

SECTION II. AMÉLIORATIONS.

La nécessité bien reconnue de procurer aux différens quartiers de la ville des eaux beaucoup plus abondantes, a fait naître plusieurs projets que nous allons rappeler ou faire connaître à nos lecteurs.

M. Deribier, à qui nous devons la Statistique du département, ayant été chargé, par la Société aca- démique du Puy, de lui faire un rapport sur le

(136 ) système de pompes de l'invention de M. Arnollet, concut lheureuse idée d'adapter aux besoins de la ville un appareil hydraulique qui, d'après Fattes- tation du duc de Raguse, portait dans sa propriété de Châtillon, à 500 mètres de distance et à 30 de hauteur, 364 litres d’eau par minute. Le Rappor- teur proposait de disposer de l’une des roues du moulin d’Aiguilhe, appartenant aux hospices, et d'établir le réservoir supérieur sur la plus haute des terrasses de lHôpital-général , qui est à 60 mètres au-dessus de la rivière de Borne. Cette élévation étant double de celle du réservoir de Châtillon, on n’aurait pu y porter qu’en- viron la moitié de l’eau que recoit celui-ci, c’est- à-dire 162 litres par minute; mais cette quantité eût encore été au moins équivalente à celle que donnent toutes nos fontaines réunies. Un filtre établi au fond du réservoir eût rendu les eaux pro- pres à tous les usages domestiques (1). M. Deribier

(1) Nous croyons devoir donner ici, pour les personnes qui, n’habitant point la ville, n'auraient à leur disposition que des eaux souvent troubles ou stagnantes, la manière de construire un filtre avec célérité et économie :

Tonneau défoncé par un bout avec un robinet au fond et une éponge devant le robinet, en dedans;

Couche de sable très-fin ,bien lavé, de 6 pouces d'épaisseur ;

Couche de charbon, pilé et tamisé, de 8 pouces;

Couche de sable grossier}, bien lavé, de 6 pouces;

Double fond percé de petits trous, recouvrant le tout,

Il est nécessaire de relayer de temps en temps le charbon et

RE RE UE

(137)

présumait, d'après des apercus comparatifs, que la dépense ne s’élèverait qu’à 25,000 francs. La Société ayant appelé sur ce projet l'attention de l'autorité municipale, des explications furent de- mandées à M. Arnollet, en linvitant à venir exa- miner les localités; mais cet ingénieur, qui avait d'abord paru vouloir se charger de l’entreprise, cessa plus tard de s’en occuper et ne répondit plus.

L'ancien projet d'amener au Puy les eaux de la belle source de Laroche, commune de Saint-Chris- tophe, fut renouvelé, en 1826, par M. Avit aîné, avec des moyens d'exécution qui ne parurent point praticables , à raison des difficultés financières, mais qui pourront être adoptés, avec des modifi- cations, à une époque plus ou moins éloignée. D’après ce projet, les eaux de Laroche (1) seraient conduites dans des aqueducs souterrains en pierre, sur la colline de Ronzon, du côté des Capucins, l’on construirait un chäteau-d’eau qui, domi- nant toute la ville, enverrait de l'eau dans ses différens quartiers. On élèverait devant hôtel de la préfecture une fontaine monumentale, entourée

le sable, et lorsqu'on s’apercoit que l’eau perd de sa limpidité. Les filtres formés avec du sable suffiraient pour clarifier l’eau (c’estle moyen qu’emploie la nature}, mais les filtres à charbon la clarifient et la dépurent tout à la fois.

(1) On nous a dit que cette source donnait 1200 litres d’eau par minute (six fois autant que les fontaines du Puy ); nous

croyons cette éyalualion un peu exagérée.

( 138 )

d’un vaste bassin, dont l’écoulement formerait un canal qui irait distribuer ses eaux dans les jardins du Breuil, après avoir embelli la promenade pu- blique. Des concessions faites aux particuliers de la haute et basse ville, pour leurs ateliers, leurs jardins ou leur usage personnel, indemniseraient en partie des dépenses que cette grande entre- prise aurait occasionées. Pour pourvoir à ces dé- penses, M. Avit, dont nous reproduisons fidèle- ment les vues, proposait :

Une contribution de 30,00of pendant dix ans,

ET et ee AR 427 Dre TON AD 20 Une retenue sur les revenus de la

ville, de 4ooof pendant vingt ans, ci.. 60,000 De vendre une partie des eaux,

jusqu’à concurrence de.........+.+:+ 30,000

ToOmAL M Ce. E te r10 000

De créer 300 actions de 1000 francs, qui, remboursables par 10°, en dix années, avec in- térêt et prime aux 150 premiers actionnaires dé- signés par le sort, et avec intérêt seulement pour les 150 autres, se trouveraient hypothéquées sur les 410,000 francs provenant de l'impôt, de la retenue ou des concessions. Cette opération pro- duirait en définitive un excédant de 35,000 fr. qui permettrait de porter , au besoin, à 335,000 francs la totalité des dépenses de l'entreprise, au lieu

( 139 )

de 300,000 francs qu’elle devait coûter , d’après un ancien devis. M. Avit annoncait qu'il s’engageait à prendre 25 actions.

L’emprunt proposé avait pour but de faire jouir plus promptement la ville des avantages qu'elle eût retiré de l'exécution de ce projet, mais il nous semble que les dépenses seraient considéra- blement réduites si, tout en admettant des action- naires, on employait quatre ans ou même six au lieu de deux pour lachèvement des travaux, et si l’on ne faisait des appels de fonds qu'au fur et à mesure de leur emploi. Nous croyons aussi qu'il serait plus convenable d’éviter toutes les dépenses d’embellissement, et qu'il suffirait d'établir aux Capucins un regard de six mètres cubes, un réser- voir plus considérable sur la place du Fort ou dans le cloître de la cathédrale, et une fontaine sans ornemens, mais avec un vaste bassin au Breuil. On pourrait, moyennant ces réductions, suppri- mer dans le projet qui nous occupe la condition, bien difficile à remplir , d’une retenue de 4000 fr. opérée pendant vingt ans sur les revenus de la ville. Nous ne doutons pas d’ailleurs que les con- cessions d'eau ne produisissent une somme im- portante, sinon égale à l'évaluation présentée par M. Avit.

En 1828, M. de Bastard, alors préfet de ce département, donna connaissance au maire de la ville du Puy de la proposition faite par M. Cordier,

TA

(140 )

constructeur d’une belle machine hydraulique à Béziers, d'élever les eaux de la Borne à la hauteur de la terrasse supérieure de l'Hôpital-général. Sui- vant la lettre de cet ingénieur, que nous avons sous les yeux, la dépense eût été de 45,000 à 50,000 francs; il garantissait le bon effet et la solidité de toutes les pièces de la machine pen- dant un an, et n’en portait l'entretien annuel qu'à 300 francs (1), en y comprenant le salaire d’un homme chargé de régler le vannage d’après les variations du niveau de l’eau de la Borne ou du canal. M. le maire répondit au préfet qu'un abattoir devant être incessamment établi à peu de distance du point l’on prendrait les eaux pour alimenter la machine hydraulique, il était à craindre que les écoulemens de labattoir n’altérassent la qua- lité de ces eaux et ne les rendissent impropres, malgré la filtration, aux usages auxquels elles seraient destinées (2).

Dans l'attente indéfinie de l’exécution de lun de ces projets, il convient de retirer tout lavan- tage possible des fontaines existantes , en augmen- tant le volume des eaux, en employant le trop- plein des bassins à former des réservoirs pour les

(1) Nous croyons cette dernière estimation bien au-dessous de la vérité.

(2) L’écoulement de l’abattoir ne pourrait nuire à la bonté des eaux de la Borne , mais nous sommes persuadés qu’on n’en

boirait qu’ayec une grande répugnance.

en a ni

(141) incendies (quand leur assiette favorise cette dis- position) et en suppléant par des citernes publiques au manque de fontaines dans plusieurs des quar- üers de la haute ville. Nous allons exposer ici les améliorations qui nous ont paru praticables et pouvoir être faites sans de grandes dépenses.

Les eaux des fontaines de Saint-Jean et du Thé- ron ne pourraient être accrues que par des fouilles d’un résultat incertain, quoiqu’on nous ait affirmé qu'il existe d’autres sources dans le vallon de Guit- tard et à Roche-Arnaud ; mais il conviendrait que celle du Théron fût surmontée d’un réservoir, ou que son bassin füt aggrandi et qu'elle se trouvât isolée au milieu d’une petite place.

La fontaine des Tables recoit à peine la moitié de l’eau qui arrive à son regard, parce que les conduits en fer étant d'un calibre trop petit, sont facilement engorgés par la rouille, et que les conduits en terre sont très-mal cuits et laissent suinter Peau (1). Le trop-plein du bassin de cette fontaine (ou même l’eau qui, dans la nuit, s'écoule par le tuyau) pourrait être avantageusement uli- lisé en formant au-dessus un vaste réservoir sou- terrain, dont l'écoulement serait rendu à M. de Laroque qui en est le propriétaire. Si toutes les eaux qui tombent dans le regard du champ de M. Hedde étaient conduites sur cette place, on

——————_———

(1) Ces observations sont communes à toutes nos fontaines.

(142) pourrait, à la fois, établir une fontaine à la place du Greffe et un réservoir dans la rue Raphaël, près de la maison de M. Champanhac.

La fontaine de Saint-Jacques donnerait cons- tamment beaucoup d’eau, si les bourneaux en terre étaient mieux confectionnés. Il serait néces- saire de réparer l’aqueduc supérieur, afin de pré- venir l'accès des eaux troubles.

Celle des Farges perd dans son cours un tiers au moins de l’eau qui arrive au regard, et l’on pourrait aisément y amener d’autres sources. Le bassin de cette fontaine est beaucoup trop petit. On oublie trop souvent, dans ces sortes de constructions, que ce n’est que dans les grands amas d’eau que lon peut trouver des ressources utiles en cas d'incendie.

Nous n’avons pu nous rendre compte du mo- tif qui a fait supprimer la fontaine qui existait sur le boulevard Saint-Louis. Si cette fontaine gênait la voie publique, on pouvait d'autant plus aisément la placer ailleurs , que le niveau du re- gard (propriété de M. Borie, à la Combe des Brus, commune d’Espaly ) correspond au pre- mier degré du grand escalier de la Cathédrale. La source donne environ 25 litres d’eau par minute.

De toutes les fontaines de la ville, celle du Plot est la plus susceptible d'importantes amélio- rations. Nous nous sommes assurés qu'en réunis- sant toutes les sources qui se montrent sur les

(145 )

pentes de Roche-Arnaud et du Fiou, dont la qua- lité ne s’altère que par des négligences (1), on pourrait alimenter encore deux belles fontaines dont l’une devrait être placée au Breuil, et autre, après avoir formé un réservoir au Clauzel, place du Martouret, irait remplacer au collége l'eau qui serait alors rendue à la fontaine du Théron.

Quelle que soit la grande élévation de la plupart- des repos, il serait impossible d'établir des fon- taines dans la haute ville, sans faire de très-grandes dépenses en achat de conduits capables de résister à une aussi forte pression. Il s’y trouve à la vé- rité, en grand nombre, des citernes particulières et des puits; mais ces amas d’eau sont loin de présenter les mêmes avantages que les réservoirs publics. Il est important que les personnes appe- lées à fournir de leau aux pompiers n'aient, autant que possible, que deux ou trois lignes à former des points l’on puise l'eau jusqu’au foyer de l'incendie. Le tumulte et le désordre sont inséparables des directions qui se croisent ou se multiplient. Peut-être y a-t-il aussi quelques incon- véniens à laisser pénétrer, la nuit surtout, dans les maisons se trouvent les citernes, certains individus trop souvent disposés à faire leur profit de la terreur publique.

———————— me

(:) Voir ce que nous avons déjà dit de l’aqueduc qui tra- verse la prairie de M. Lobeyrac.

(144)

Les points qui nous paraïîtraient les plus conve- nables pour l'établissement de réservoirs publics seraient, d’après des calculs des distances, les places du Fort, du Tribunal criminel, de Saint- Pierre-Latour, du Greffe, des Tables, de Sainte- Claire et du Martouret (1).

La citerne de la place du Fort serait facilement alimentée par une partie des eaux pluviales recueillies sur la toiture de la Cathédrale et du nouvel Evéché.

- Il existe aux prisons une citerne assez vaste, pour qu'on püt se dispenser d'en établir une autre sur la place Plâtrière ou du Tribunal eri- minel; mais si l’on voulait éviter de communiquer avec les prisons, la toiture du bâtiment fournirait assez d’eau pour remplir les deux citernes à la fois. Il serait utile, dans le premier cas, de faire mettre une pompe à balancier à la place de la mauvaise pompe en bois qui est adaptée à la citerne des prisons ; cette dépense serait au compte du département.

On pourrait amener sur la place de Saint-Pierre- Latour, une partie des eaux qui alimentent la

(1) Nous avons fondé ces calculs sur l’opinion qu’il faut un homme par mètre sur la ligne de secours à établir du foyer de l'incendie au point l’on prend l’eau, et que l’on perd d'autant plus d’eau qu’on a une ligne plus étendue à parcourir ou plusieurs lignes à former, et qu’on est obligé d'employer un

plus grand nombre d'hommes.

(145 ) citerne existant dans la caserne de Sainte-Marie, si rarement occupée par les troupes.

La citerne de la place du Greffe pourrait rece- voir une partie des eaux dutoit de la Cathédrale (1). Nous avons entretenu nos lecteurs du réservoir à établir sur la place des Tables; quant à celui que nous proposons de construire au-devant de la porte d’entrée du couvent de Sainte-Claire , il suffirait d'agrandir le bassin déjà existant , qui, outre la source appelée fontaine de Sainte-Claire, pourrait encore recevoir une partie de l’eau des toits de ce couvent,

La citerne du Clauzel, place du Martouret, serait alimentée par l'écoulement de celle de la rue du Bouillon, en attendant qu'on y eût amené une partie des eaux de Roche-Arnaud et du Fiou.

Comme il suffirait que ces différentes citernes eussent la capacité nécessaire pour contenir l’eau qu’exige l’une des pompes à incendie, manœuvrée pendant trois heures consécutives, on devrait leur donner 36 mètres cubes, et les munir d’ailleurs d'une pompe à balancier, ou y adapter un gros robinet lorsqu'elles pourraient être construites au-dessus du niveau du sol.

L'établissement de ces réservoirs et des con-

(1) Nous avons déjà dit qu’on pourrait y amener une partie de l’eau des sources de la fontaine des Tables.

10

(146) duites d’eau, l'achat des pompes, les réparations à faire aux fontaines actuelles et la construction d’une nouvelle fontaine au Breuil, nécessiteraient une dépense qui, effectuée en deux ou trois ans, serait peu considérable comparée aux avantages qu'elle procurerait à la ville.

Il est à observer que toutes ces constructions seraient également utilisées si Fon se déterminait plus tard à amener au Puy les eaux de Laroche, puisqu'elles dispenseraient de refaire et d'agrandir les bassins des fontaines actuelles.

Nous présumons qu'il peut être utile de donner ici, comme renseignement, l’apercu des ressources que l’on pourrait se procurer au moyen des eaux pluviales qui tombent sur la toiture de nos grands édifices (1) dans le courant d’une année, en admettant, ce qui est hors de doute, qu'elles donnent au moins un demi-mètre cube d’eau

pour un mètre carré (2). ! litres. Hôtel-de-Ville (869 mètres carrés). . . . . . . . 435,000.

GathédraleN(20950) MARNE TE CCR Et r, 70000 Nouvel EveeRé (Ro SEE EE ER eee 529,000.

A reporter. . . . 2,443,000.

(1) Nous n’avons pas compris dans ces calculs l’église de Saint- Laurent, la caserne du même nom, les bâtimens de la préfec- ture ni l’église des Carmes , comme étant situés près des rivières.

(2) Il tombe annuellement en France une lame d’eau de 54°" de hauteur.

( 347.)

Report.) 21: 2,443,000. I »'449

Hôtel-Dieu. (2317) .. 7... . . 1,158,000. Consommation intérieure (1). . . . 243,000.

Hôpital-général (3433). . . . « . . . 1,716,000.

: ; d { 1,059,000. Consommation intérieure, . . . . . 675,000. Le Collége et son église (3942). . . 1,971,000. ges ne (5942) 971; 1,588,000. Consommation intérieure, . . . . . 333,000. Musée et caserne de Ste-Marie(2225). 1,112,000. o! (2) Consommation intérieure, . , . . . 1,533,000. Séminaire (L8OB) sense tele 949,000. 540,000. Consommation intérieure. . . . . . 409,000. pu Lt Couvent de Sainte-Claire (1977). . 988,000. 896,00 Oo, É 0 : _ ) Consommation intérieure, . . . ,. 92,000. PHsonS (947) EN te 973,000. Consommation intérieure. . , . . . 128,000. 845,000.

ne

Total des eaux pluviales disponibles, , . . . 8,236,000.

Il résulte de cet exposé, que le moins considé- rable de nos édifices (lHôtel-de-Ville) peut four- nir une quantité d’eau suffisante pour remplir, douze fois lan, une citerne de 36 mètres cubes, et que les eaux recueillies seulement sur les toits de la Cathédrale et de lEvêché produiraient

(1) La consommation intérieure a été évaluée en portant à 7 litres d’eau par jour celle de chaque individu.

(2) Nous avons supposé que la caserne Sainte-Marie renfer- mait toujours une garnison de 600 hommes, et qu’il y avait constamment 150 individus au collége. Nous rappellerons d’ail-

leurs qu’il existe une fontaine dans ce dernier établissement,

( 148 )

2,008,000 litres, ou vingt-deux fois plus que n'en contiennent les bassins des fontaines, Si l'administration municipale faisait construire, sur la place du Fort ou dans le cloître de Notre- Dame, un réservoir assez vaste pour contenir les eaux qui tombent sur ces deux édifices, elle y trouverait l'avantage de pouvoir établir, par inter- valle, un courant dans les rues de la ville. En portant ce cours d’eau à 6 pouces pendant quatre heures consécutives, on pourrait le renouveler au moins quatre fois par mois en été, et con- server , pendant les six mois d'hiver, le réservoir toujours plein.

SECTION III. DES INCENDIES.

Nous ne pouvons mieux démontrer la nécessité de se prémunir contre les incendies, qu’en donnant l'évaluation de l’énorme quantité d’eau qu'ils peuvent consommer. Les trois pompes que possède la ville, et dont les orifices sont d’inégale grandeur, peuvent lancer ensemble 375 litres d’eau par minute; en admettant, ce qui est assez ordi- maire, qu'on n'en emploie que deux, la quantité d’eau dépensée se trouvera réduite à 250 litres. Un incendie exigeant la manœuvre de ces deux pompes pendant trois heures, occasionerait une consom- mation de 45,000 litres d’eau; mais les paniers à incendie perdant au moins le tiers de leur contenu

pendant le trajet, il faut porter à 67,500 litres la

(149) quantité d'eau employée pour lextincuüon du feu, on à 101,250 litres, si le jeu continu des trois pompes devenait nécessaire; ce qui excède de beaucoup le produit de toutes nos fontaines et leurs bassins pendant le même espace de temps.

Si la distribution fautive, et, en général , la pénurie de l'eau, placent momentanément les propriétaires des maisons incendiées dans une perplexité cruelle, leurs craintes diminuent bien- tôt par l’empressement que chacun met ici à leur porter des secours. Aucune population en France ne fait, en pareil cas, preuve de plus d’ardeur et d'un zèle aussi persévérant. On croirait voir une nombreuse famille courant disputer aux flammes le toit paternel; et si quelque chose restait à désirer dans ce conflit d’intentions bienfaisantes, ce serait, peut-être, qu'il y eût plus d'ordre et moins de donneurs d'avis.

On doit des éloges à la compagnie des sapeurs- pompiers, qui ne cesse de justifier l'utilité de son institution et dont le zèle a moins besoin d’être excité que contenu; mais nous croyons que pour rendre le service de cette compagnie encore plus régulier et conséquemment plus utile, il con- viendrait que le capitaine eût le droit de sévir immédiatement pour les fautes de négligence ou d'indiscipline commises par les sapeurs-pompiers comme par les surnuméraires, et de leur infliger

jusqu'à six heures de détention, sans appel au

(150)

conseil de discipline; que les nominations eussent lieu sur sa présentation; qu'il y eût quatre pompes au lieu de trois, et que deux de ces pompes avec leurs accessoires fussent placées dans un dépôt à la haute ville (1); enfin , que le capitaine des sapeurs-pompiers füt chargé, avec augmentation de traitement, de la surveillance spéciale des fon- taines et réservoirs publics. La compagnie devrait être portée à 50 hommes, au lieu de 34, et son règlement qui, sur beaucoup de points, est tombé en désuétude , serait susceptible de recevoir d’u- üles modifications en ce qui concerne l’uniforme, les frais d'équipement, la solde de retraite et l’ins- truction des sous-officiers. Nous croyons aussi qu'il serait nécessaire que cette compagnie eût deux sergens, deux caporaux ou chefs d’escouades et six surnuméraires de plus.

Afin d'attendre, autant que possible, le but que nous nous sommes proposé, nous ne devons point omettre d'indiquer ici des précautions d’une grande importance, qui nous paraissent avoir été oubliées totalement négligées. Elles consiste- raient : à faire payer, pour tous les feux de che- minée, une amende proportionnée à la valeur

(1) I est bien plus facile de faire amener ces deux pompes dans la basse ville , si elles y devenaient nécessaires, que de les conduire dans la haute ville, en cas d'incendie.

( 151 )

des maisons (1); à faire exécuter les règlemens qui prononcent aussi une amende contre les char- pentiers qui placent des enchevêtrures à moins d’un mètre de distance des tuyaux (2) ; à rendre popu- laire la méthode si facile d’éteindre les feux de cheminée , au moyen du soufre en poudre (3); à veiller au curage des bassins et à leur propreté, en défendant, sous peine d'amende, d’y laver des herbes, etc.; à chercher à réduire le nombre vraiment incroyable des boulangers, dont les maisons , en général mal construites et encombrées de menu bois, deviennent des causes perpétuelles d'incendie (4).

Après avoir longuement énuméré les améliora- tions que les fontaines du Puy peuvent recevoir, les dépenses que nécessiteraient des constructions

nee

(1) Code pénal, art. 458 à 472. En Allemagne, dans les villes de la plus médiocre importance, il y a un maître ramoneur qui d'ordinaire est un hommo aisé, chargé ; sous sa respousa- bilité, du nettoyage des cheminées, Qu'il en soit requis ou non, il fait procéder à cette opération quand il le juge convenable, A cet effet, une taxe est imposée sur chaque maison, au moyen de laquelle le ramoneur est payé et paie ses gens. (On sait que la suie se vend 30 à 40 sous le quintal. )

(2) Ordonnances des 26 janvier 1672 et février 1756. Code pénal.

(3) Voir les Annales de la Société académique du Puy, année 1826.

(4 On peut affirmer que sur cinq incendies , trois au moins ont eu lieu chez des boulangers.

( 1559

nouvelles et les précautions que la ville doit prendre pour prévenir les incendies, une réflexion vient s'offrir naturellement à l'esprit. Si les fon- taines jaillissantes suffisent aux besoins journaliers des habitans, l'entretien d’une compagnie de pom- piers et la quantité d’eau que l’on se procu- rerait de plus, à grand frais, ayant exclusivement pour but de pourvoir aux incendies, convient-il que la ville, dont toutes les maisons seront tôt ou tard assurées par des compagnies étrangères , fasse ces dépenses au profit des assureurs; ou, en d’autres termes, la ville doit-elle s'imposer pour la con- servation de ses bâtimens, quand elle paie déjà un tribut considérable aux compagnies intéressées à les préserver de l'incendie; et n’aura-t-elle accru ses dépenses que pour augmenter leurs bénéfices annuels (1) ?

Ces questions seraient résolues par la négative, si toutes les maisons de la ville étaient assurées;

0

(1) En Angleterre, les compagnies d’assurances possèdent des pompes toujours prêtes à manœuvrer ; elles ont des pompiers à leur solde, des portefaix pour transporter les meubles, des gardes de nuit, etc., etc.

En France, les statuts des compagnies leur donnent la faculté de concourir, avec les autorités locales, à l’établissement des secours contre l’incendie, et de prendre les mesures les plus pro- pres à suppléer à la négligence des assurés; par exemple, au défaut de ramonage des cherainées, etc. Il résulte de ce rapprochement, qu’en Franceles compagnies ont faitleurs statuts, et qu’en Angle-

terre le gouyernement a stipulé pour le peuple.

(253)

car elle devrait alors s’en remettre exclusivement aux assureurs du soin de prendre les mesures préservatrices de leur destruction par le feu; mais les intérêts des propriétaires non assurés devenant inséparables des intérêts de ceux qui paient la prime d'assurance , puisque l'incendie peut égale- ment les atteindre ou se propager des uns aux autres, il est impossible que ladministration muni- cipale ne rende pas les précautions de sûreté commune à tous, quoiqu'il soit évident que les intérêts de la ville se trouveront de plus en plus lésés, en raison directe du nombre des maisons assurées.

Dans cet état de choses, le mode d'assurance que je proposerai pourrait être adopté avec avan- tage par les villes populeuses qui voudraient s’af- franchir d’un tribut très-onéreux et le transformer pour elles-mêmes en un bénéfice annuel,

Il y a eu dans la ville du Puy, de 1808 à 1827, période de 20 ans, neuf incendies, dont le sinistre a été évalué, par les propriétaires des maisons IPCERAIAES DNA ee dssscn ee ae ces DIAOONE

Et la perte du mobilier, à...... 8,470.

TOTAL... 25... , 39,958 CR | En admettant que les pertes se soient élevées à cette somme (ce qui est évidemment douteux), le sinistre , pour une année, a été de 2,000 francs.

(154)

La ville renferme deux mille maisons, dont la valeur, en y comprenant celle des édifices publics, peut être portée à.......++:+ 20,000,000 fr:

Le mobilier qu'ellescontiennent AE. Sodtrse dt io ti, 1006:60000:

Les risques locatifspour les habi- tans non propriétaires des maisons qu'ils occupent, à..,...,,..+.+ 2,000,000.

28,000,000 fr: mnt Toutes les maisons de la ville étant assurées par des compagnies, la prime annuelle à payer serait, terme moyen: Pour les maisons 60 centim. pour 1,000 fr.), den eu SANS NET TON NETE 20 Pourle mobilier 1fp'1,000f)de. 6,000. Pour les risques locatifs 15 c. par 1,000 fr.) de................. 300.

CU

Total des primes...... 16,300.

SNISILE ANNUEL... - secs es ee 2000

Bénéfice annuel pour les com- PAYNICS.e esse denses 16,300. 2 0 -BP CAR RE Si, d’après le vœu de l'administration munici- pale et l'autorisation du Gouvernement, la ville assurait elle-même pour tous les risques du feu,

(155 ) en temps de paix, à 4o cent. pour 1,000 fr. (1) (au lieu de 6o c.), la prime serait de.... 8,000 fr- Les risques mobiliers à 75 c. pour 1,o00!fr; (au lieu ders fr)ide 4... #1%#,5o0. Les risques locatifs à 10 cent. pour 1,000 fr. (au lieu de 15 c.) de....... 200.

Le total des primes à payer à lad- ministration municipale serait de.... 12,700. Le sinistre annuel étant de....... 2,000.

Le fonds de réserve appartenant à la ville serait annuellement de...... 10,700. La différence de la prime payée aux compagnies, à celle que les habitans paieraient à la ville, étant de...... 5,600.

Le bénéfice annuel pour la ville SOTAILUe ne Se Die isheiele cle co NO 200:

Il résulte de cet exposé, que les habitans feraient d'abord une économie réelle de 5,600 fr. par la réduction de la prime, et qu'après avoir couvert les pertes annuelles, il resterait en outre, à l’admi- nistration municipale, un fonds de réserve de 10,700 fr., qui, placés en rente sur l'État, assure-

(1) Dans les compagnies d’assurances mutuelles, la prime est de 37 cent. pour 1,000 fr. pour les frais d'administration, indépendamment des appels de fonds qui auraient lieu pour cou- yrir les sinistres,

(156)

raient, après quinze ou seize ans, un pareil revenu à la ville, et lui donneraient les moyens de cou- vrir un sinistre de 214,000 fr. IL est évident que les citoyens du Puy auront payé cette somme en pure perte aux compagnies, pendant la même période. Les frais que comporterait ce mode d’as- surances se borneraient à une remise allouée au percepteur de la commune, et au traitement d’un directeur ou chef de comptabilité (1).

Si ce projet n'est point adopté maintenant, il pourrait être effectué plus tard et favoriser ainsi la réalisation de celui qui consiste à amener au Puy, avec de si grands frais, les eaux de la source de Laroche.

Rien ne prouve mieux combien les bénéfices annuels des diverses compagnies sont au-dessus

(1) On nous a objecté que les meubles n’étaient point com- pris dans les polices des compagnies d’assurances mutuelles, [1ne s’agit point ici d’une assurance mutuelle, mais d’un mode parti- culier et encore inusité, au moyen duquel tous les risques sont assurés parune contribution imposée aux habitans d’une seule ville, Il est vraisemblable que si les risques mobiliers ne sont point garantis dans les assurances mutuelles , qui comprennent toujours un grand nombre de communes, c’est par la dificulté d’apprécier la valeur et de constater l’existence réelle des objets assurés ; mais cet inconvénient ne saurait exister pour une seule ville la con- naissance de la valeur approximative du mobilier des habitans est si facilement acquise. L’inconvénient de ne pouvoir assurer les objets mobiliers n’est d’ailleurs que l’un de ceux que l’on

ourrait reprocher au mode d’assurances mutuelles. F

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des risques, ou combien ces risques sont inférieurs à la prime, que de les voir s’accroître sans cesse et assurer indifféremment des villes presque entièrement privées d’eau. N’aurait-on au Puy, d’autres ressources contre les incendies que les citernes particulières, et supprimerait-on la com- pagnie de pompiers, qu'il se présenterait encore des assureurs au même taux.

Les hommes qui s’accommodent volontiers d’une opposition, quelque peu fondée qu’elle soit, ne manqueront peut-être pas d’objecter que si la moitié de la ville brülait, ses habitans feraient une perte énorme, parce que le sinistre ne serait point couvert, au moins en totalité. Nous leur répondrons qu'ils ne doivent pas éprouver plus de sollicitude pour la sûreté de la ville que tant de particuliers qui ne se font point assurer n’en ont pour leur propres maisons; que cette même sollicitude pourrait se porter sur les compagnies qui, assurant tant de risques, mettent de plus en plus en péril les intérêts des assurés ; que l'événement aw'ils redoutent pour le Puy n'a point eu lieu, depuis huit cents ans que cette ville existe, et lorsqu'on n’y voyait ni compagnie d'assurances, ni sapeurs-pompiers, ni autant de fontaines qu'elle en a aujourd'hui; qu’il est im- possible d'admettre qu’une ville dont les mai- sons sont, en général, peu élevées, construites en pierre et recouvertes en tuiles, les nouvelles

( 158 )

constructions sont de plus en plus solides, qui est approvisionnée d’une certaine quantité d’eau, qui a deux rivières au pied de ses murs, une compagnie de pompiers et trois pompes; 3,000 individus dans la force de Pâge peuvent voler au secours des maisons incendiées; il est impossible , répétons- nous, que cette ville puisse jamais éprouver, en pleine paix, un pareil désastre. Quelles que soient d’ailleurs les objections que l’on pourrait élever contre le projet d'assurances dontnous avons entre- tenu nos lecteurs, et malgré notre disposition à dé- férer à l'opinion d'autrui quand elle nous paraît judicieuse, il résultera toujours , des considérations qui précèdent, que la ville du Puy aura bientôt à payer 16,000 francs par an pour couvrir un risque de 2,000.

SECTION IV. ANALYSE DES EAUX (1).

L'étude de la nature des eaux communes a tou- jours été considérée comme très-importante sous les rapports de lhygiène publique et de leur emploi dans les arts. Une commission composée de nos plus habiles chimistes a consacré un temps considérable à lanalyse des eaux de la Seine et de celles qui alimentent les fontaines de Paris. ILest probable que l’eau impure, ou mélangée de substances nuisibles , ne peut passer dans

(1) Voir le tableau des analyses à la fin de cette Notice.

(159 )

Passimilation animale sans obstruer ou irriter certains viscères, et doit produire des maladies d'autant plus redoutables, qu'elles affecteront à la fois un grand nombre d'individus (1); chacun sait d’ailleurs combien il est utile dans les arts de n’employer que l'eau la plus pure, qui lave et blanchit mieux, prend mieux les couleurs, etc., etc., parce que tenant très-peu de substances en dissolution, elle est d’autant plus disposée à se charger de celles qu'on lui présente.

L'eau absolument pure (qui ne s'obtient que par la distillation) est très-fade, et l'estomac ne s’en accommode point; il en est de même de celle qui a bouwulli, parce que la chaleur en a fait évaporer l'acide carbonique et Fair qu'elle contenait. La même cause enlève une grande par- tie de sa saveur à l’eau stagnante qui, en été, est mise quelaue temps, sous un petit volume, en contac , avec Fair atmosphérique ; l'eau fraiche est donc la plus convenable à l’homme, et nous ne buvons de l’eau chaude avec plaisir que lorsqu'elle a été aromatisée par le mélange de diverses substances.

L'eau que lon trouve à la surface ou dans le

(1) Rien ne contribue plus à la conservation de la santé que l’usage des bonnes eaux, comme rien n’est plus capable de l’altérer que celles qui possèdent de mauvaises qualités (Tour- telle, Ælémens d'hygiène).

( 160 )

sein de la terre contient toujours plus ou moins de sels terreux ou métalliques et des gaz : lors- que ces substances s'y trouvent en assez grande quantité pour lui donner une odeur ou une saveur prononcée et qu’elle exerce quelque action mé- dicale sur l’homme, elle prend alors le nom d’eau minérale.

Ces notions paraïîtront peut-être hors de notre sujet; mais quoique nous ne les supposions igno- rées que du plus petit nombre de nos lecteurs, elles pouvaient encore, selon nous, trouver place dans cette Notice.

On peut regarder, comme très-bonnes à boire, les eaux qui sont fraiches , limpides (1) , sans odeur, sans saveur, qui cuisent bien les légumes et dissolvent le savon sans former des grumeaux, en produisant beaucoup de mousse lorsqu'on agite le mélange; qui, ayant bouilli pendant un quart d'heure dans un vase de cuivre non étamé et étant refroidies, n’ont laissé ni résidu au fond, ni tache sur les parois du vase; enfin si, faisant évaporer deux ou trois litres d’eau et calcinant le résidu, il ne prend pas une couleur noirûtre. Ces signes infaillibles d’une bonne eau peuvent

(1) Ce caractère seul ne prouverait pas la bonté de l’eau, car celle des puits, la plus chargée de sélénite, paraîtaussi limpide que l’eau distillée. L’eau de la mer, les liqueurs très-sucrées ne perdent point de leur limpidite.

( 161 )

être aisément reconnus pertout sans aucun d”s procédés plus exacts employés par les chi- mistes.

M. le docteur Arnaud aïiné, dont les utiles pro- ductions ont recu de justes éloges, s'est livré en 1767 , à l'examen de la nature des eaux de la plupart des fontaines de la ville, mais il s’est borné à en prendre la pesanteur spécifique et à les sou- mettre aux épreuves que nous venons d'indiquer. Le jugement qu'il a porté sur leur qualité, en gé- néral , a été confirmé par nos propres expériences, à de légères différences près qui tiennent au per- fectionnement des méthodes; son travail n’a pas été publié.

Toutes les sources qui donnentleurs eaux à nos fontaines jaillissantes traversent desterrains volca- niques et pénètrent ensuite plus ou moins dans des couches marno-argileuses qu’elles trouvent immé- diatement au-dessous , en se chargeant de quelques molécules calcaires. Ces eaux sont d'autant plus pures, qu'elles parcourent une moindre profondeur dans ce dernier terrain avant de paraître au jour; ainsi celles des fontaines de Saint-Jacques et de Saint-Jean, qui ne se montrent que dans la partie inférieure de deux collines très-élevées, ou qui traversent des bancs de calcaire marneux, sont plus chargées de carbonate de chaux que toutes les autres, et leurs conduits en sont ordinairement incrustés,

{1

(1627

Les eaux qui ne filtrent qu’à travers les terrains volcaniques sont d'une grande pureté; nous cite- rons entr'autres celles de Laroche (commune de St- Christophe), et celle de Laval (commune de Vals) à laquelle le peuple attribue la propriété de guérir les aphtalmies, comme il croit à la faculté qu'ont les eaux de la Loire de guérir les ulcères aux jam- bes. Nous présumons qu'elles n’agissent que par leur grande pureté qui les dispose à se charger plus facilement de molécules étrangères, et par un degré de fraicheur qui les rend légèrement stimulantes.

Les puits qui existent en si grand nombre dans la ville donnent des eaux de différentes qualités. Ceux de Saint-Laurent, du Martouret, de Saint- Jean, et en général de la basse ville, fournissent la plus mauvaise ; elle est meilleure dans la haute ville la plupart des puits recoivent en même temps l'écoulement des toits. Mais il est certain que les filets d'eaux qui, provenant du Mont-Anis, viennent alimenter les puits, sont très-inégale- ment chargés de molécules gypseuses; ce qui ne pourrait s'expliquer qu’en supposant que les bancs de chaux sulfatée n’y ont pas la même puissance, ou que la petite couche d'argile, qui les recouvre quelquefois, a pu s'opposer à linfiltration d'une partie des eaux pluviales qui tombent sur cette montagne,

L’excellence des eaux de nos fontaines jaillis-

ns neue à

(163 )

santes nous porte à trouver beaucoup plus mau- vaises celles de certains puits (1) qui ne contien- nent pas une plus grande quantité de sels en dissolution que les eaux d’Arcueil et de Ville- d’Avray (2), près Paris, dont la cour faisait exclu- sivement usage autrefois, avant que l'analyse eût démontré que celles de la Seine sont infiniment préférables (3).

Les grandes citernes, telles que celles des hospices et des prisons, fournissent de l’eau d’une très-bonne qualité; il ne doit pas en être ainsi à l'égard des citernes des particuliers la plus grande surface des murs, relativement au vo- lume de l’eau, peut déterminer Faltération de celle-ci. |

Nous avons cru devoir présenter l'analyse des eaux des trois rivières quiarrosent notre territoire, dans la vue de montrer combien leur excellente qualité serait favorable à l'industrie. 11 n’en existe certainement pas de meilleures dans les pays l'on vante la fixité et la vivacité des couleurs qu’on y applique aux étoffes, la beauté du papier, l? trempe des métaux, etc., etc., etc.

Nous n'avons fait qu'indiquer dans le tableau des

(1) Exemple : celui de la porte de Vienne. (2) Le résidu deces eaux est de 10 grammes 20 c. sur 10 litres. (5) On trouvera dans le tableau le résultat de l'analyse qui

en à été faite par M. Thénard.

(264 )

analyses, les sels déliquescens trouvés dans les eaux, sans en désigner l’espèce, parce que n’opé- rant que sur un faible résidu, il devenait extré- mement difficile d'évaluer le poids de chacune d'elles. La même raison nous a porté à réunir aux sels déliquescens d’autres substances, telles que les carbonates de magnésie de fer et le sel de cuisine , dont la quantité est presque inappré- ciable,

Ayant remarqué qu'un grand nombre de per- sonnes ont de la répugnance à boire les eaux blan- châtres de plusieurs sources ( qui sont d’ailleurs d’une bonne qualité ) et vont au loin en chercher d'autres qu'elles croient bien préférables, nous avons voulu connaitre exactement la quantité d’ar- gile qu'elles tenaient en suspension (1). Il est résulté de nos expériences :

Que celle qui est la plus trouble ne contient ( sur dix litres ) que 25 grammes d'argile.

20 Celle qui a la couleur du petit lait, 6 gram.

Celle qui est blanchätre, 4 grammes,

Celle qui est opaline, 2 grammes.

Celle dont la limpidité est légèrement altérée (Exemple : à Doue, chezM. Bertrand), 1 gramme.

On peut donc utiliser ces eaux pour les usages domestiques avec d'autant plus de sécurité que

(1) Nos expériences ont été faites sur des eaux recueillies à Saint-Marcel, à Doue et à Lantriac.

( 165 l'argile n’a aucune propriété malfaisante (1), et que la quantité contenue dans les eaux soumises à ces quatre dernières expériences n'équivaut point aux sels terreux qui se trouvent dans cer- taines eaux des pays calcaires, dont on use sans inconvénient.

La seule des eaux de nos fontaines jaillissantes qui nous ait donné à l’analyse des substances orga- niques en quantité notable, est celle du Plot, qu'on regarde généralement comme moins agréa- ble à boire que les autres. Cette eau étant ex- cellente à la source, nous avons lieu de croire qu'elle se charge du détritus des végétaux dé- composés et peut-être même de substances ani- males, en traversant sur une longueur de 200 mètres, dans un aqueduc presqu’à jour, la prairie de M. Lobeyrac.

En le considérant dans ces résultats généraux , nous devons reconnaitre ici que notre travail analytique sur les fontaines du Puy n'a fait que confirmer l’epinion populaire. Nous sommes donc portés à conclure que si l'analyse offre l'avantage de déterminer avec une très-grande précision la quantité et la nature de toutes les substances que les eaux communes tiennent en dissolution,

(1) Les sauvages de la Nouvelle-Calédonie, et bien d’autres peuplades en Amérique, mangent de l'argile avec plaisir et en

mettent dans unc'espèce de pain sans en étre jamais incommodés.

(166 )

les hommes ont pu, sans le secours de l'art et par une longue expérience, en reconnaitre la qualité et en faire, dans certains cas, des appli- cations rarement démenties par la science; nous pourrions en dire autant des eaux minérales, froides ou thermales, qui ont guérir bien des malades avant qu'on sût en faire l'analyse et qu'elles eussent été prescrites par les médecins.

NV A NU NU VU UN MUR AU UN UV A UN VU MAR MAUR AU VAL VUS VU US VU VU VU VU VV

ÉPITRE À UN AME,

SUR SON ÉLECTION... PROBABLE;

Par M. le baron de TALAIRAT.

12 mai 1831.

Dr tes concitoyens on dit que le suffrage, De ta publique estime éclatant témoignage, T’appelle à prendre place au rang des députés ! Et bientôt, au grand jour, tous les votes comptés Vont proclamer ton nom parmi ceux qu’à la France Viendra révéler l’urne git notre espérance. Fidèle à ton mandat, à tes devoirs soumis, Te voilà donc chargé, pour le bien du pays, D'éclairer le Monarque, en lui montrant sans cesse Nos vœux et nos besoins, juillet et sa promesse, Tout est là! Quel destin ! En est-il de plus beau ? Les débats vont s'ouvrir, Veuve de Mirabeau,

( 167 )

La tribune t'attend ! Par ta mâle éloquence, Confonds les ennemis de notre indépendance, Fais taire les flatteurs, si prompts à s’alarmer ; Louangeurs toujours prêts, toujours lents à blämer, Impose à ce troupeau dont la langue frivole Réclame la clôture et jamais la parole. Dans tes nobles travaux cherchant la vérité, Pour règle, prends les mœurs ; pour but, la liberté.

Plus il est vieux l'abus, plus il est temps qu’il cesse. Vite, la main à l’œuvre; allons, point de faiblesse. Tout ministre est un homme et sujet à l'erreur: Découvre le sophisme et combats son auteur, Jaloux de maintenir l'équité sur la terre, Tu ne rechercheras, ni ne craindras la guerre. Des souffrances du peuple ayant enfin pitié, Du milliard obligé retranche la moitié, : Le bon marché nous plait dans toutes les affaires ; Il nous convient surtout en fait de ministères. L'épreuve est délicate ; on voudra reculer: À chaque franc soustrait, tu les verras trembler. Toi! marche d’un pas ferme, et de toute la France, Les bénédictions seront ta récompense.

Il est temps que l’on sache courent s’engloutir Les trésors qu’à nos champs le fisc ose ravir ! Tout travail, il est vrai, mérite son salaire; Mais l'honneur suffit, l’or n’est plus nécessaire, La gloire est l’aiguillon des vertus, du talent; Attachons donc la gloire et retranchons l'argent.

Il est un grand procès dont tu seras l'arbitre, Pour quel temps et comment, à quel droit, à quel titre Un prix existe-t-il? Et ce prix des travaux

De l'orateur célèbre ou du sang des héros,

( 166 )

Sera-t-il recueilli par l’indigne lignée Que le courroux du ciel leur a souvent donnée ! Cet intérêt est grave; il te donne à penser: Lis dans notre avenir, avant de prononcer: Examine, consulte et rends l'arrêt sévère.

Voilà de tes travaux une esquisse légère De leur nombre pourtant ne sois point effrayé; Ils sont grands, le prix l’est; l'honneur l'aura payé !

AV MU AU MU VA VU VU VU VU VU AU MU MUR VUS UV AU LU UE AV AU UV MU LU MU MU LE ARS

MA SOIXANTAINE.

Par M. le baron de TALAIRAT.

J’Ar soixante ans, c’est un malheur sans doute; Mais un plus grand, c’est de s’en affliger. Le mal est sans remède, à quoi bon y songer? Il s’accroît, lorsqu'on le redoute, Bientôt la surdité, le marasme ou la goutte M'avertiront de déloger. Sur mon fragile esquif, indolent passager, Jusques au bout gaîment je veux suivre ma route.

A l’aspect de mes cheveux blancs, Je vois fuir des amours l’escorte aimable et chere! Adieu, jolis enfans, adieu, troupe légère ! Il faut nous séparer : hélas! j'ai soixante ans, J'ai passé la saison de plaire ; Pour moi l’année est sans printemps, Et le bocage sans mystère.

Doux langage du cœur, soupirs, tendres accens,

(169 )

Je dois vous oublier, si je puis, et me taire :

On se rirait de mes teurmens, Quand je voudrais aimer , trouver une belle Qui se laisse attendrir à mes vœux supplians? Pour me faire écouter je ne sais plus de chants; Je n'ai plus de secrets pour vaincre une rebelle: Partez, amours, partez! emportez sur votre aile Les désirs insensés et les songes rians ; Nous nous connaissons de long-temps : Vous m'avez protégé ; mais je vous fus fidèle.

A Bienfaisante amitié, viens remplacer l’amour !

Quand ton frère me fuit, montre-toi secourable | Je n'aurais rien perdu, si ton sourire aimable M'assure tes faveurs jusqu’à mon dernier jour.

Quel plus doux emploi de la vie! Qui possède un ami redoute peu l'ennui,

Il ne vient pas... on court chez lui. Ah! te voilà! bon jour! et l'âme est rafraîchie;

Et puis on conte du vieux temps

Les bons tours, les ruses de guerre,

Iris, Chloé, Lise, Ursule, Glycère, Obtenant, tour-à-tour, nos vœux et notre encens,

Et de l’amour nous payant le salaire.

Toi, fin renard; moi, ton compère ;

Toujours unis, toujours courans,

Et francs lurons et verts galans,

Trompeurs, trompés.…. C'était notre affaire. Et de rire à ces mots... et puis, ‘quand vient le soir , En se serrant la main, on se dit : au revoir !

Quelquefois, dans ma solitude,

(170) Au culte des neuf sœurs consacrant mon loisir, Je saurai me faire un plaisir Et des beaux-arts et de l'étude ; Et du passé cherchant à retenir La leçon parfois un peu rude, Soulever, sans inquiétude, Le voile épais de l’avenir.

J'y lirai notre destinée

Fixe à jamais, à jamais fortunée

Sur la base auguste des lois,

Et la majesté de nos Rois

De plus de splendeur couronnée, Alors que pour le livre sont inscrits nos droits Nous n’aurons plus à trembler chaque année, Et que la Charte enfin sera la vérité,

A tes pieds, sainte liberté, Je verrai, glorieux trophées,

T'ous les cœurs réunis, les haïines étouffées. Heureux temps | moment souhaité! Quand ton nom, partout répété, Servant d’égide à notre France, Scellera la triple alliance

Des grands, du peuple et de la royauté,

Si je pouvais voir se lever l’aurore De ce jour si pur et si beau!.….. Ah! qu’il vienne du moins luire sur mon tombeau ! Cet espoir me console encore.

Jeunes gens, écoutez des récits d'autrefois !

(171) Conter est Le plaisir du sage ; Il est un besoin de mon âge :

Qu'à votre bienveillance il m’obtienne des droits. J'ai vu ces jours, l'élégance Couvrait beaucoup de faussetés ;

Où, sous des dehors apprêtés Se cachait beaucoup d’ignorance;

Où, les grands airs de la magnificence

Laissaient percer beaucoup de pauvretés ;

Où, l'on sacrifiait à l’impure licence,

En croyant se plonger au sein des voluptés, Restes des mœurs de la régence, Mauvais fruits que l'arbre a portés ; Où, des rangs la froide étiquette Etait une affaire d'état;

Où, l’on parlait moins d’un combat Que d’un voyage ou d’une fête.

Pendant qu’ainsi l’on courait au plaisir, Que le vice régnait, et que, pour en sortir, On n’osait pas tenter un effort magnanime,

Sous nos pieds se creusait l’abime nous avons failli périr. T'errible écueil! vaste naufrage ! bientôt vinrent s’engloutir Talens, beautés, grâces, vertus, courage, Et la vieillesse et le jeune âge, L’innocence et le repentir, L'homme de cour, l'habitant du village, Le simple et le machinateur, Le prêtre et le blasphémateur, T'ous emportés durant l'orage.

(172) Le croiras-tu, postérité!

Chaque jour la tempête accroissait nos alarmes ; Le flot contre le flot se brisait irrité;

Maïs pour lutter contre l’adversité, Le désespoir nous fournissait des armes, Tant dût coûter d'efforts et de sang et de larmes

L’enfantement de notre liberté!

Enfin, elle est votre conquête! C'est un bien désormais qu’on ne peut vous ravir; Et sous la loi du bon plaisir Vous ne courberez plus la tête. Nous avons travaillé, vous allez recueillir. Ne soyez point ingrats ; d’un si bel héritage Quand vous êtes prêts à jouir, Rendez grâce aux efforts des hommes d’un autre âge : IL a fallu le conquérir. Pour vous sont tous les avantages, Vous êtes sans regrets, comme sans repentir. Vous avez les beaux jours, nous eùmes les orages; Nous étions fous, vous serez sages; Nous avons démoli, c’est à vous de bâtir. Mais sur la tombe nous allons dormir, Si vous passez, que vos hommages Viennent nous réveiller, doux comme le zéphir.

De ces jeux brillans la lyre Sous nos doigts rend un son divin, Le temps, poursuivant son chemin, Commande que je me retire, L'hiver vient glacer mes accens, Adieu, rêves de poésie,

(175) Volupté des amours, jeunesse de la vie, Douce extase de l'âme et délire des sens! O fraîcheur du plaisir, source pour moi tarie, Gloire enivrante! et vous, beaux-arts, troupe chérie, Adieu donc, adieu tout! hélas! j'ai soixante ans.

Mais jusqu’au dernier jour, mon cœur toujours le même, Par ce qui le charma se laissera charmer. Ah! peut-on se lasser d’aimer!

C'est croire encor que l’on nous aime.

AAA AAA AAA MU VU UV LU UV UV UV ML VU UV LM MU MU UV LUE UV UV LU LUXE ART

RÉVERIE

IMITÉE DE L'ALLEMAND;

Par M. Charles de Rostrères, officier d'état-major.

CETTE rêverie, empreinte de tout le mysticisme germanique, est imitée plutôt que traduite de Fréderic Richter, l’un des plus célèbres écrivains de l'Allemagne. Bien que cette composition ne soit pas dans le goût francais, je n'ai pu résister au plaisir de traiter un sujet qui m'a paru générale- ment rempli de grâce, de suavité et d'une morale profonde et touchante.

La plume si harmonieuse et si mystique de M. de

Lamartine qui à si heureusement imité tant de

(174) beaux passages du livre de Job, dont l’auteur de cette rêverie semble également pénétré, aurait seule pu traiter dignement un pareil sujet.

Tout en conservant le caractère de cette com- position, je me suis cru obligé de supprimer, dans la forme, quelques images qui n’ont paru un peu trop fortes, un peu trop éloignées du goût et du génie de notre langue; images que plusieurs auteurs romantiques de nos jours ne se seraient fait aucun scrupule de rendre et même de ren- forcer; car on sait que si la littérature allemande surtout a ouvert les portes au romantisme, il a le tort, en voulant la suivre, de s’égarer bien souvent sur ses traces. Est modus in rebus.

Fréderic Richter, pour lequel Mme de Staël professait une si haute admiration, a publié tous ses ouvrages sous le nom de Jean Paul.

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LA MORT D'UN ANGEÆe

Quan» l’âme va quitter ce vallon de misère, Un Ange part du ciel, un Ange tutélaire, Le meilleur, le plus tendre, ami de la douleur, Qui nous prend dans ses bras, nous serre sur son cœur, Et, versant des parfums de rose et d’ambroisie, Cueiïlle dans notre sein notre âme refroidie, L'’échauffe avec amour de son souffle divin , Et mollement l'emporte aux régions d’Eden :

(175 )

C’est l’Ange protecteur de notre heure derniére, Ange compâtissant que pourtant sur la terre L’humanité souffrante ose appeler la mort.

Son frère aux yeux d'azur, jeune ange aux ailes d’or, Deux fois quitte pour nous sa céleste demeure : C’est lui qui nous reçoit à notre première heure ; Ami consolateur, ce messager du ciel Dépose deux baisers sur le front d’un mortel :

Le premier pour qu’il entre aux portes de la vie Un peu moins malheureux ; et, sa course finie, Le second le conduit au ciel en souriant,

Lui qui dans ce séjour parut en gémissant.

Lorsque des flots de sang , inondant nos rivages, Des combats meurtriers signalaient les ravages , Et que tant de mortels expirant dans les pleurs Déposaient en tremblant leur âme et leurs douleurs Sur le sein de l’ami de notre heure dernière,

Il s’'émut; la pitié vint mouiller sa paupière :

& Comme un homme une fois, dit-il, je veux mourir, « De ses derniers tourmens ah! je veux m’enquérir, & Afin de les calmer quand je prendrai sa vie, »

Des esprits immortels la phalange infinie

Entoure avec amour ? Ange compâtissant ;

Chacun doit le couvrir à son dernier moment

De célestes rayons, qui de la mort humaine Annonceront pour lui la présence certaine ;

Puis son frère s'approche et lui donne un baiser :

Mon doux ami, dit-il, j'en viendrai déposer

& Un second sur ta bouche , à ton heure derniére ; & Ce sera le signal de ta mort sur la terre, »

Plein d'amour , de pitié , l'Ange prit son essor Vers un champ de bataille respirait encor

(176)

Un bel adolescent ; d’une large blessure Son sang coulait à flots : un triste et long murmure De son sein fracassé s’échappait sourdement. Sa fiancée en pleurs priait en l’embrassant ; Mais il ne sentait plus son étreinte brûlante, Et les gémissemens confus de son amante Lui paraissaient le bruit éloigné des combats : Oh ! comme l’Immortel le serra dans ses bras ! Comme il le recouvrit de son aile empressée ! De son corps tout meurtri la jeune âme blessée Fut tirée à l'instant par un souffle divin ; L'autre Ange alors la prit, la baisa , puis soudain L'enleva mollement au bienheureux empire. L'âme parut aux cieux avec un doux sourire,

Dans ce corps engourdi glissant rapidement L’Immortel généreux ranima puissamment Les sources de la vie; hélas ! quelle souffrance Vint enlacer alors sa nouvelle existence ! Dans l’étroite prison d’un orbite nerveux Son œil s’enveloppa d’un voile ténébreux , Cet œil d'ou jaillissaient des torrens de lumière ! Il sentit sa pensée , et si prompte et si claire, Graviter lourdement dans l’orbe d’un cerveau. Tout s’assombrit soudain ; et ce printemps si beau, Cet éternel printemps qui flattait sa paupière , Et cette vaporeuse et brillante atmosphère Qui des plus doux parfums avait nourri ses sens ; Tout changea, s'affaiblit à ses yeux impuissans. Un tumulte confus balança ses idées : T'elles des animaux nous semblent les pensées Que nous nommons instinct; la soif le dévora; D'aiguillons acérés la faim le déchira ;

(177) Un sang épais et lourd circula dans ses veines, Et les accens plaintifs des misères humaines S'échappèrent bientôt d’un sein noyé de sang: & Est-ce donc la mort ? » dit-il en soupirant, Les yeux fixés au ciel, sa première patrie ; Hélas ! encor pour lui ce n’est que la vie, Car il ne voit pas d’ange et de ciel radieux, Et le signal de mort n'éclaire pas ses yeux. Après bien des soupirs, sa force l’abandonne : La terre sous ses pieds s’agite et tourbillonne ; Et bientôt du Sommeil aimable messager Le Songe sur son front commence à voltiger ; Puis d’une aile magique il voile sa paupière. L'Ange vit en dormant la céleste lumière Et le cercle nombreux des habitans du ciel ; Il crut , se détachant d’un corps matériel, S'envoler vers l’'Eden ; mais son réveil fut sombre : Etendu sur la terre tout était dans l'ombre, Il se dit en pleurant : « Ce n'était pas la mort, « C'était sa douce image : et je gémis encor « Bien que j'aie un instant avec mon regard d’ange « Aperçu des Esprits la brillante phalange. » L’amante du guerrier le serrait dans ses bras : La jeune fille hélas! ne s’apercevait pas Que, pour reprendre aux cieux son essence premiére, L'âme de son époux avait quitté la terre, Et que ce corps humain cachait un Immortel. Elle presse la main du messager du ciel Qui bientôt se complait aux baisers d'une femme ; D'un amour inconnu l’Ange à son tour s’enflamme , Et, cédant mollement à des transports si doux, De ce corps qu'il anime il ose être jaloux,

12

pA

(1787

Il:ne veut pas mourir avant sa jeune amie, Et, pour l'aimer encore, il s’attache à la vie. Mais hélas! le destin et le vent du malheur Avaient, avant le temps, incliné cette fleur ; Et bientôt sur la terre elle tomba glacée. Mais la Mort lui fut douce ; et de la fiancée La pâle Défaillance assoupit les tourmens : Elle touche du doigt ses débris palpitans ; Soudain un voile épais s'étend sur sa paupière, Et la neige de mort la couvre tout entière. De l’Ange resté seul qui dira les douleurs? Oh! combien il voudrait réchauffer de ses pleurs, De ses baisers brülans, le corps de son amie! Il croit toucher alors au terme de la vie; IL attend le baiser et le signe de mort; Mais la voûte des cieux ne s'ouvre pas encor. Au lieu d'Esprits divins, d’éclatante lumière, Un ténébreux nuage enveloppe la terre : Il soupire, étonné de ne pouvoir mourir Et d’avoir ici-bas tant de maux à souffrir. & Pauvres humains, dit-il, qu’abreuve la souffrance, Oh! comment pouvez-vous tenir à l'existence ? & Comment à la vieillesse osez-vous aspirer, « Quand chacun de vos jours a vu se resserrer « Le cercle des amis chers à votre jeune âge, & Et qui charmaient du moins votre triste voyage ? & Quand leurs tombeaux épars, s’élevant sous vos pas, & Sont pour vous les degrés qui mènent au trépas, « Et que vous restez seuls dans cette arène vide ?.. Et vous trouvez encor le trajet trop rapide!.. Malheureux opprimés, qui vivez dans les pleurs, & Oh! comment pouvez-vous supporter vos malheurs

( 179 )

Au milieu des mortels , sous sa figure humaine, De ses jours importuns l’Ange traina la chaine : Il vit des passions l’assemblage hideux ; Les désordres du vice afiligèrent ses yeux ; Il lui fallut des Grands dévorer les caprices, Et d’un sceptre oppresseur les froides injustices ; De près il observa ces aigles couronnés Qui boivent les sueurs des peuples consternés : Il entendit le bruit de leur aile sauvage ; Il vit toute la terre, au sein de l'esclavage, Gémir dans les anneaux de l’infernal serpent Qui , sans aucun relâche, en fait son aliment : Ce monstre immense, affreux, dont Satan en colère A des hommes déchus enlacé la misére , Dans le cœur palpitant des mortels opprimés Enfonce avec fureur ses dards envenimés.

Pour surcroït de douleur, il fallut que cette âme, Qui de l'amour divin ne connut que la flamme, De la haine ici-bas sentit les aiguillons, Ces aiguillons chargés des plus subtils poisons ; Cette douleur enfin lui parut la dernière: & Ah! ditil, maintenant je vais quitter la terre, & Mais la mort fait bien mal! » Ce n’était pas la mort, Car le signal divin ne parut pas encor.

Il vécut quelques jours marqués par la souffrance ; Mais bientôt sous le poids de sa lourde existence Il se sentit fléchir : et vers le champ des morts Chancelant il marcha , pour y laisser ce corps Misérable tribut que réclamait la terre.

Il cherche son amie, et sur sa froide pierre Il s’assied, agité d’un triste souvenir ,

Et là, les yeux au ciel , il aspire à mourir ;

( 160 )

Il songe , en soupirant , aux misères humaines:

Il souffre , et peut comprendre au prix de quelles peines

Les mortels malheureux achètent leurs vertus ,

Car pour lui maintenant tous leurs maux sont connus, Hélas ! profondément touché de leur constance ,

Il pleure avec amour sur la sombre existence,

Sur le sort rigoureux de ces infortunés

Qui dans un astre obscur gémissent enchaïînés,

Et, sous le cri puissant de leur propre misère

Portant les yeux au ciel , invoquent sa lumière :

A peine ont-ils l’espoir de se lever un jour

Sur un autre horizon de bonheur et d'amour. À tant d'émotions enfin l’Ange succombe,

Et, vers le soir , s'incline expirant sur la tombe

De l'être qu'’ici-bas avait chéri son cœur ,

Qui, seul , avait charmeé sa terrestre douleur.

À son œil obscurci par degrés tout s’efface ;

Comme un écho lointain , se répand dans l’espace

De son;dernier soupir le bruit harmonieux ;

Un nuage vermeil passe devant ses yeux,

Ondule sur son front ; et d’une aile légère

Le Sommeil s’en échappe , et touche sa paupière. L'Ange revoit des cieux les fortunés jardins,

Les esprits immortels, et les rayons divins :

« Songe trompeur, dit-il, abuses-tu mon âme? »

Mais son frère , entouré d’une céleste flamme,

Lui donne le baiser, et lui dit: « C’est la mort !

a O frère , doux ami , vers nous prends ton essor, »

( 181 )

ENVOI A M" DE *“******

DE ces vers agréez l'hommage, Vous qui du ciel reçûtes en partage Esprit, talens et sensibilité : De la plaintive humanité Votre cœur aisément reconnaîtra l’image. En exil ici-bas, de l’Eden rejeté, L'homme hélas! accablé de sa terrestre vie, Se sent pour le ciel et pleure sa patrie. Avec regret je dois en convenir, Cette histoire n’est pas enfant de mon loisir : Un cerveau germanique en concut la pensée, Qu'en vers alexandrins ma muse a retracée, Je vous les dois, ces vers, veuillez les accepter : Cédant à vos conseils, j'ai voulu profiter D'un moment de repos qu’exigeait la prudence, Et pour moi de Pégase éveiller l’indolence. Autant vaut aligner quelques vers, bien ou mal, Que de lire un roman, dormir sur un journal, Ou bâtir en Espagne, ou charger sa palette. On a du temps pour tout, même pour la Gazette, Lorsqu'on est aux arrêts, ou qu’un grave docteur D'un repos nécessaire impose la rigueur ; Mais si vers Apollon une voix engageante Appelle mon esprit, ma muse obéissante S'éveillant par degrés, se débat de son mieux Pour saisir au passage un vers harmonieux. Ainsi, dans ses cfforts heureux de me complaire, Je charme quelquefois mon réduit solitaire. Oh! comme des mortels le destin rigoureux

Vient affliger cet Ange abandonnant les cieux

( 182)

Pour prendre sur la terre une figure humaine ! Comme vite il fléchit sous le poids de sa chaine, Étonné qu’ici-bas l’homme ait tant à souffrir ! Un instant l’amour seul, ineffable plaisir, À su de ses tourmens charmer la violence : L'amour serait-il donc une divine essence ? L'amour qu'a pu si bien comprendre l’Immortel !.… Ok l'oui, c’est l'anneau seul qui nous rattache au ciel.

Cuarzes DE R.

MARS 1030.

ANA A AV VU AU A UV AU AR A UT AA UE UV AE UV AA ME MA AA M MS

VERS ADRESSÉS AUX DAMES,

EN SÉANCE PUBLIQUE,

A la suite de la lecture d'un Mémoire sur des Recherches d'antiquité ;

Par M. DERIBIER DE CHEISSAC.

D’ux discours médité pour une Académie Un peu d’ennui toujours est l’assaisonnement. Des hommes l'oreille aguerrie Peut, avec patience, entendre le savant Dissertant sur l’histoire ou l’archéoiogie. Mais aux dames il faut plus de ménagement, Surtout quand on les voit, pleines de confiance Avec empressement en ces lieux accourir, Et se croyant sûres d'avance D'y rencontrer quelque nouveau plaisir... Trop heureux qui pourra remplir cette espérance!

( 183 )

Mais le moyen d’être écouté

En leur parlant d’antiquité 7... J'éprouvais, je l'avoue, un embarras pénible, Enfin, je me suis dit: tu ne peux amuser.

Sois ennuyeux le moins possible, Aurai-je réussi? je crains de m'abuser….. Belles! pour les savans ayez de l'indulgence. IL est entre eux et vous plus d'une ressemblance. Les femmes sont, dit-on, curieuses; hé! bien, Je crois que là-dessus nous ne vous devons rien, Si, plein de son sujet, un bavard d’antiquaire

Va publiant tout ce qu'il sait (Et ce qu'il ne sait pas), n'est-ce pas votre fait? Sur lui, convenez-en, vous ne l’emportez guère!.

Pour rendre le rapport complet, O vous ! qui ne savez garder aucun secret, Apprenez-nous celui de plaire!

( 184 )

AAA A AA A A A AU VU MUR UV A A AR UV A AA 4 A AU AU UV VU VU AG MR Va =

RECUEIL

De divers articles d Économie rurale et domestique, extraits des rapports faits par M. CuasaLrer et par M. Pomier (séance du 1°" juillet 1831 ).

Nouvelles espèces de pins à introduire dans le département de la Haute-Loire.

IL existe dans le département du Gers deux espèces de pins qui ne sont pas encore bien con- nus : le premier est appelé pinus pyrenaica, pin nazaron. La description qui en est faite est presque celle du pin d'Alep; il est moins sensible au froid que ce dernier. Sa forme est pyramidale, sa crois- sance est prompte; M. de la Peyrouse en possède dans son pare qui, à vingt ans, avaient soixante pieds de hauteur; son introduction dans ce dé- partement serait un bienfait. Le second, appelé pinus sanguinea , pin à crochet ou pin noir, pré- sente un moindre intérêt; 1l ne dépasse pas trente ou quarante pieds de hauteur; sa croissance est lente pendant long-temps; et il croit à peine de six pouces chaque année.

Une troisième espèce de pin y est encore men- tionnée , c'est le pinus palustris ou australis : 1

( 185 )

croit naturellement dans les sables arides, et il s'élève au-dessus de soixante pieds; ses feuilles, réunies par trois dans une longue gaine, ont plus d’un pied de longueur, et les grands panaches qu'elles forment aux extrémités des branches lui donnent l'aspect le plus pittoresque ; son bois est

très-dur. (Extrait du Mémorial d’agriculture du département

du Gers, série, tome 1.)

ee

Moyen pour conserver la frafcheur et la verdure des feuilles de l'orme, du fréne et de l’érable.

Pour conserver la fraicheur et la verdure des feuilles de l’orme, du frêne (fraxinus florifera) et de lérable, il faut les cueillir vers la fin de sep- tembre, à l'heure la chaleur est la plus ar- dente , les laisser trois ou quatre heures étendues sur le pavé; les mettre, aussi serrées que pos- sible, dans des tonneaux et les couvrir de sable. Quand un tonneau est entamé, il faut le tenir soigneusement bouché, pour préserver les feuilles du contact de l'air. Pour éviter les dépenses de tonneaux, on peut les enfouir dans une fosse qu'on recouvre avec de la paille, puis d’une cou- che de terre; à défaut de fourrage des prairies, les bêtes à cornes et les moutons mangent très- bien ces feuilles ainsi conservées, (ibid. )

( 166 ) Notice sur Le Ray-grass d'Italie, ef sa culture.

Le Ray-grass, ou ivraie d'Italie ( Lolium perenne italicum) est de tous les fourrages l’un des plus abondans; les bestiaux et les chevaux en sont fort avides ; soit en vert soit en sec, il les engraisse très-promptement, et donne à leur chair une excellente qualité; il procure aussi aux vaches une beaucoup plus grande abondance de lait.

Son produit est d’ailleurs très-avantageux; cette herbe atteint communément une hauteur d’envi- ron quatre pieds, et peut donner trois et même quatre coupes.

Cette culture a été suivie avec succès en Alle- magne; et depuis deux ans, elle commence à se propager avec fruit en France.

Le Ray-grass d'Italie réussit dans presque toutes les terres; cependantles terres fraîches et humides, la luzerne et le trèfle ne sauraient végéter, lui sont toujours plus favorables, il vient même très- bien dans des landes humides et froides, ainsi qu’on l’a reconnu dans la ferme modèle de Verneuil.

On peut le semer en toute saison, pourvu qu'on choisisse un temps humide; le milieu d'avril est le moment le plus convenable; mais si on le sème à la fin de septembre ou les premiers jours d'oc- tobre, on aura dès le commencement de Fhiver un gazon épais, et dont la première fenaison pro- duira le double d’un pré ordinaire. Il y a donc de

(187)

grands avantages à reurer de cette culture com- parativement à celle de la luzerne, qui n'arrive à son plus haut produit que deux ou trois ans après la semaille.

Cette plante a aussi une puissance remarquable pour résister à la rigueur des hivers, et peut par conséquent être cultivée heureusement dans le nord de notre pays.

Quelques agriculteurs pensent que cette plante ne doit pas être aussi durable que le Ray-grass ordinaire; cependant on assure qu'en Italie et en Allemagne les prés en sont aussi beaux, au bout de six ou sept ans, que pendant les premières années. Au surplus, quand on s’apercoit que l'herbe devient claire, si l’on ne veut pas ense- mencer de nouveau, on peut renouveler le pré, en laissant mürir la graine jusqu'à ce que la tige retombe sur elle-même et se sème naturellement.

Pour que cette plante réussisse, 1l suffit après la récolte du blé, du colza et des pommes de terre, d'un labour peu profond; mais il faut qu'il le soit davantage après le trèfle ou la luzerne. D'ailleurs on agit comme pour les autres prairies: on fume , et l’on retourne le fumier an premier labour; puis lon ne fume plus que tous les trois ans. On doit bien herser la terre; lon sème à la volée. Il est très-avantageux, lorsque l’état du sol le permet, après que la semence a été recouverte d’un léger coup de herse, de passer un fort rou-

(188 )

leau, ce qui presse la semence dans la terre et égalise le terrain pour la fauchaison.

Il faut environ 50 kilogrammes de graine par hectare; ces 50 kilog. coûtent 120 francs tout rendu, en s'adressant à M. Minier , négociant à Paris, rue des Jeûneurs, 6.

(£Extrait du Journal des Connaissances usuelles. )

. Méthode pour la récolte des foins artificiels.

Dans les années pluvieuses , les trèfles, les luzernes, les sainfoins et autres plantes du même genre sont généralement mal récoltés, et le plus souvent gâtés et pourris, après toutefois avoir coûté aux cultivateurs beaucoup de soins et de frais de main-d'œuvre pour les faire tourner et retourner pendant plusieurs jours, dans les inter- valles des averses.

Un procédé, en usage dans diverses contrées de l’Allemagne , consiste à mettre l'herbe en très- grosses meules dès le lendemain du jour elle a été fauchée, et à la presser et fouler fortement et bien également dans toutes ses parties. La fer- mentation commence d'ordinaire à s'établir peu d'heures après que les tas ont été formés, et elle augmente rapidement. On doit alors observer avec soin l’état de la fermentation, et lorsqu'elle est parvenue au point la chaleur ne permet plus de tenir la main dans la meule, on démonte

( 189 )

cette dernière promptement, et l’on étend le fourrage.

Quelques heures de soleil, ou même de vent, suffisent pour dessécher complètement l'herbe qui a subi cette fermentation, et pour mettre le foin en état d'être rentré. Les feuilles etles fleurs, qui sont les parties les plus savoureuses des foins arti- ficiels, ne s’en détachent pas comme dans ceux qui ont été tourmentés pendant plusieurs jours dans les alternatives de pluie et de quelques heures de beau temps, et dont il ne reste que les tiges ligneuses, dures, peu ou point nourrissantes, parce que le principe sucré en a été lavé et dissous par l’eau.

Il est important de ne pas manquer de démon- ter les meules, aussitôt que lherbe est parvenue au degré de fermentation déjà indiqué. La pluie même ne doit pas faire retarder cette opération , sans laquelle tout se gâterait. Mais dès que le four- rage est refroidi, on peut le remettre en meule ou le rentrer sans craindre qu'il s'échauffe de nouveau.

Le foin ainsi préparé acquiert , à la vérité, une couleur brune; mais l’auteur de la note affirme que ce fourrage est sucré, savoureux, qu'il prend une odeur miellée, et plait beaucoup aux animaux qui s’en nourrissent.

(ÆExtrait des Annales scientifiques de l’Auvergne.)

( 290 )

Moyen fort simple de préserver les arbres à fruits des effets de la gelée.

ON sait que la gelée est peut-être moins nuisible à la plante, que les premiers rayons du soleil qui, en frappant la glace, produisent un chan- gement subit dans la température; -ce qui détruit promptement la vie de la fleur. Pour éviter cet effet, il s’agit de prendre de l’eau fraîchement puisée et d’en asperger toutes les parties de l'arbre qui sont gelées. Il est essentiel, pour le succès de l’opération, de la pratiquer avant le lever du soleil.

(£xtrait du Journal des Connaissances usuelles.)

Procédé pour engraisser les bœufs et Les cochons.

Le plâtre est un moyen pour l’engraissement des bœufs et des cochons. À cet effet, l’on donne par jour à un bœuf ou à un cochon de deux ans une bonne cuillerée à soupe de plâtre que l’on mêle dans leur boisson, encore mieux dans du grain trempé d’eau; on ne donne que la moitié de cette portion à un animal plus jeune. Cet ingré-

dient stimule la digestion et excite la soif. ( Extrait du Mém. d'Agriculture du dép‘ du Gers.)

Nouvelle méthode pour blanchir La laine en suint.

Ox déroule la toison dès qu’elle est enlevée ; on l’étend sur le pré, en placant au-dessus la partie

(191 ) qui adhérait à la peau; on la laisse ainsi exposée le jour et la nuit: au bout de deux ou trois jours, la laine a acquis une grande blancheur, (zbid.)

Propagation des truffes.

UNE expérience a été faite par M. le comte de Noé, pair de France, à l'ile de Noé. Il prit à Cahors, il y a eu trois ans en automne, une quan- tité de truffes; il les fit nettoyer : la terre et la pelure furent jetées dans une charmille sous des chênes, après avoir approprié la place. Ces ré- sidus furent couverts de terre et de feuilles mortes; l’année dernière on a trouvé des truffes, et il a vu par lui-même que la terre fouillée dans cette partie présentait des germes de ce tubercule. Cette année, on en a trouvé d'assez grosses et aussi bonnes que celles du Quercy; aucun soin n'avait été donné à cette expérience. (ibid. )

Destruction des limaces.

Au point du jour, avant la retraite des limaces, il faut jeter dans un vase contenant 100 kilogr. d’eau une pierre de chaux vive et récente, d’en- viron huit pouces cubes. Quand elle est fondue, on remue cette eau avec un bâton; et lorsque le mélange est achevé, on arrose les plantes avec ce lait de chaux; les limaces et autres insectes pé-

M =) rissent immédiatement; celles même qui n’ont pas été frappées, s’éloignent. Cet arrosement ne nuit en rien à la végétation.

(Æxtrait du Journal des Connaissances usuelles. }

Destruction du ver blanc du hanneton.

Un anonime a indiqué à la Société d’Horticul- ture le moyen de préserver du ver blanc le terrain que l’on veut ménager. Il consiste à répandre sur cette partie , au printemps , une couche d’un demi-pouce d’épaisseur de cendres de charbon de terre. Cette substance produit encore un amen- dement favorable sur ce terrain. (Ibid. )

Destruction des taupes.

Un agronome (M. d’Albret) , est parvenu en peu de temps à délivrer un jardin infesté de ces ani- maux, au moyen de noix bouillies dans la lessive, et placées dans les galeries connues sous le nom de passage. Il n'hésite pas à croire que le même moyen doit être funeste aux mulots, souris ou musaraignes. (Ibid. )

Destruction des courtillières ou taupes-grillons.

On enlève avec la bêche des plaques de gazon avec l'herbe bien fraîche, d'environ deux pouces

(193) d'épaisseur; on place les gazons dans les carrés ou plates-bandes, enfin, dans les endroits l’on voit les traces des courtillières. On arrose ces gazons tous les soirs, etle matin de bonne heure. En renversant les mottes de gazon, on trouve assez ordinairement ces animaux par-dessous. On renou- velle de temps en temps les gazons, on les change de place et on les tient toujours frais par des arrosemens répétés. L'époque la plus favorable pour mettre en usage cette méthode est le prin-

temps; mais on le peut aussi durant tout l'été. (Ibid. )

Composition contre Les limaces, chenilles et autres insectes.

Mettez dans un pot de fer une livre de chaux vive et une livre de soufre; chauffez fortement, et en remuant ajoutez peu à peu quatre à six livres d’eau, et laissez bouillir un instant. Les endroits arrosés de cette bouillie seront bientôt désertés par les limaces. En étendant davantage la disso- lution, on pourra, avec un balai, arroser les arbres endommagés par les chenilles qui périront

infailliblement. ( Ibid.)

/

Utilité du fumier de porc, pour détruire Les o] pucerons.

La présence des pucerons indique ordinairement

quelque maladie aux arbres, et principalement aux 29

(194 ) racines attaquées par les insectes. En entourant le pied de larbre avec du fumier de porc, on parvient à se débarrasser de ces insectes qui pé- rissent promptement. ( Ibid.)

Pilules cänicures.

Ce qu'on appelle vulgairement la maladie des chiens, cède à l'usage des pilules suivantes :

Coloquinte en poudre, 2 gros; poudre de tribas, 1/2 once; muriate doux de mercure, 1/2 once; lartrite de potasse antimonié, 1 gros; oxide d’an- timoine sulfuré rouge, 6 gros; sirop de nerprun, en suffisante quantité.

Cette masse doit être divisée en 360 pilules.

On en donne une ou deux, suivant l’âge et la force de l'animal, pendant deux ou trois jours consécutifs. (Ibid. )

Manière anglaise de saler le beurre.

On prend deux parties de sel de cuisine, une partie de sucre et une partie de salpêtre; on pile le tout et on le mêle parfaitement; on répartit ensuite une once du mélange sur douze onces de beurre, que Fon pétrit à la manière ordinaire, pour que les sels pénètrent de toutes parts. Le beurre, ainsi pétri, se met dans des pots que l’on a soin de bien boucher, Cette méthode, qui permet

( 195 ) de le conserver trois années et plus, a encore Favantage de le rendre ferme et moelleux. Il faut le laisser dans les vases, au moins trois semaines, avant de s’en servir.

(Extrait du Propagateur Aveyronnais.)

Procédé pour la conservation des viandes.

À un garde-manger en bois ou en toile, placé à l'ombre et exposé autant que possible au nord, on adapte une roue à vent de 3, 4 ou 5 pieds de bras, dont l’axe pénètre dans l'intérieur et repose sur un mentonnet. À cet essieu sont adaptés plu- sieurs volans, qui, mis en mouvement par la moindre agitation de la roue extérieure, établis- sent un courant d'air extrêmement vif, qui suffit pour empêcher la putréfaction.

Les alimens sont placés sur des tablettes, ou mieux, suspendus dans le voisinage des volans. Par ce moyen fort simple, on peut conserver bien au-delà du terme ordinaire, des viandes, du gibier et même du poisson. On peut en faire usage dans les laiteries considérables et autres lieux l'air a besoin d’être souvent renouvelé.

(Extrait du Journai des Connaissances usuelles. )

Maniere de conserver Le lard.

Ce procédé est d'autant plus utile, qu'il est simple et peu coûteux. Après que le lard a été

(196 )

dix-sept jours dans le sel, on prend une caisse qui puisse en contenir trois ou quatre pièces. On met du foin au fond, et l’on a soin d’entourer et de séparer chaque pièce avec un lit de foin; on ferme la boîte lorsqu'elle est bien remplie et foulée avec du foin dans toutes les parües; on la dépose dans un lieu sec, à labri des animaux nuisibles. Le lard gardé de cette manière ne rancit jamais et conserve un excellent goût. (Zbid.)

Moyen pour vieillir les vins.

Pour y parvenir, les bouteilles pleines, à un verre près, sont mises bouchées et jusques à moitié col dans un chaudron dont l’eau est échauffée jusques à environ 6o degrés. Après qu'elles ont été maintenues une heure à cette température qu'il ne faut pas dépasser, on achève de les remplir et on bouche; le vin paraît avoir 10 à 12 ans. On obtient à peu près le même résultat en tenant les bouteilles pendant deux heures dans un four à une chaleur modérée.

(£xtrait du Mémorial d'Agriculture du département du Gers.)

Moyen de conserver les asperges.

On coupe les asperges vers la Saint-Jean, épo- que l’on cesse de les récolter ; on les lave soigneusement et on les sèche avec un linge, de sorte qu'il n’y reste ni sable ni terre. Ensuite on

( 197 )

prend de la farine bien sèche, on la mêle avec la sixième partie de sel séché et pulvérisé, et on en saupoudre chaque asperge séparément, en obser- vant bien que la coupe inférieure en soit entière- ment enduite. On lie alors ces asperges en bottes de cinquante au moins, selon leur grosseur, avec de l'écorce qui n’est pas sujette à couper comme le fil ou la ficelle; on saupoudre encore avec le mélange les bottes d’asperges et on les enveloppe séparément dans une pâte faite de farine bise ou à pain, et roulée en gâteau de l'épaisseur d’un couteau; mais 1l faut que cette pâte soit bien pétrie.

Les bottes d’asperges, ainsi enveloppées et bien fermées de haut en bas par la pâte, ressemblent, sous cette forme, à de gros rouleaux. On les laisse sécher en un lieu sec, avec le soin que la pâte ne se fende pas, afin que l'air ne s'introduise point dans l'intérieur. On range ensuite ces rouleaux dans des pots de grès ou dans une terrine ; on verse par-dessus de la graisse fondue, et on les conserve dans un lieu frais et sec. Chaque fois qu'on veut manger des asperges, on prend une botte; lorsqu'elle est ouverte, on en retire les asperges que l'on met tremper une heure ou deux dans de l’eau, puis on les accommode à la ma- nière ordinaire, Elles sont aussi bonnes que celles du printemps.

(Exrait du Journal des Connaissances usuelles.)

( 198 )

Procédé pour obtenir des artichauds bons à manger en entier.

On enveloppe la pomme d’artichaud parvenue à la moitié de sa croissance dans un linge noir assez épais pour intercepter la lumière et la libre circulation de l'air. Il faut choisir un temps sec pour que F'artichaud ne soit pas dans un état d’hu- midité. La ligature ne doit pas gêner le pédicule; les artichauds étiolés de cette manière ont toutes leurs parties molles et succulentes; c’est un mets délicat ct d’une digestion facile.

(£xtrait du Mémorial d'Agriculture du dép* du Gers. )

» LA

Cidre artificiel.

Prenez : eau, 100 litres; cassonade commune, 12 livres ; acide tartarique, 8 onces (ou, à défaut, crème de tartre, 1 liv. 1/2); esprit de vin sans goût, à 36°, 2 litres; fleurs de sureau, 4 onces; fleurs de mélilot, 4 onces.

Mélangez bien le tout, brassez fortement, ôtez la bonde et laissez fermenter daus un lieu élevé à une température de 15 degrés de Réaumur. Lors- que la fermentation est finie, on bouche, on descend à la cave; au bout de dix jours, on sou- tire à clair; collez avec la colle de poisson et mettez en bouteilles, couchez-les; aussitôt que les bouchons partent, relevez les bouteilles, pour

@ les recoucher lorsque la fermentation cesse de se faire sentir. Cette boisson a quelque analogie avec le vin muscat, et chaque bouteille revient à 15 centimes.

(Æcxtrait du Journal des Connaissances usuelles.)

Savon à détacher.

On fait dissoudre du savon blanc, sec et très- divisé, dans de bon alcohol; on broie le mélange dans un mortier avec cinq ou six, jaunes d'œufs. On y ajoute peu à peu de lessence de térében- thine, et lorsque la pâte est bien ;pétrie, on y in- corpore de la terre à foulon très-divisée, pour donner une consistance convenable. Lorsqu'on veut faire usage de cette composition , on humecte l'étoffe tachée avec de l’eau chaude, si cela est possible, et l’on frotte dessus avec la savonnette pour en dissoudre une partie. Alors, à laide de la main, d'une éponge ou d’une brosse, on agite fortement, on fait pénétrer la matière à détacher, on l’étend, et peu de temps après, on peut laver VPétoffe pour retirer entièrement ce savon. Il con- vient pour toutes les taches, excepté l'encre et

la rouille. (Extrait des Annales scientif. de l’Auvergne. )

Eau pour enlever Les taches d'encre sur létoffe ou sur les parquets.

On prend huile de vitriol, une once; on y mêle

( 200 ) huit onces d’eau de pluie, en agitant avec pré- caution.

Quand on veut enlever les taches d’encre sur le linge, on prend un peu de cette liqueur que l’on étend d'autant d’eau; on a mouillé auparavant l'étoffe; puis, avec un pinceau, on étend lacide qui disparaît promptement ; on lave ensuite létoffe dans plusieurs eaux.

Pour un parquet, on humecte la tache d’encre avec de l’eau chaude, on frotte de nouveau avec un linge et de l’eau; puis on touche la tache avec l'acide que l’on étend au pinceau, et on frotte bien au torchon, afin que l'acide pénètre toute la partie tachée. Lorsqu'on voit que la liqueur a pro- duit son effet, on lave plusieurs fois avec de l’eau.

(Extrait du Journal des Connaiss. usuelles, )

Peinture grossière et économique, à l'extérieur.

Tous les bois extérieurs, tels que portes co- chères, constructions de campagne, etc., peu- vent recevoir cette peinture avec le plus grand avantage; il suffit d'écraser dans trois ou quatre livres d’eau bouillante une livre de pommes de terre dont on a préalablement enlevé la peau et qu'on a fait cuire; on ajoute ensuite deux livres de chaux éteinte dans quatre livres d’eau: on opère le mélange et on le passe au tamis. Ce badigeon

( 201 })

est suffisamment encollé par les objets indiqués , et a toujours parfaitement réussi.

(Extrait des Annales scientifiques de l'Auvergne.) x

Briquets phosphoriques.

On met dans un grand flacon, chauffé au bain de sable, huit parties de phosphore pur que l’on fait fondre doucement, sans laisser oxider. Quand la fusion est entière, on ajoute quatre parties de magnésie. On mélange le tout, à une chaleur de 90° thermomètre de Réaumur, et on modère le feu à mesure que l'opération se termine. Abaissée à 33°, cette composition forme une poudre que l'on met en flacons bien bouchés. Elle est propre à enflammer des allumettes ordinaires.

(Extrait du Journal des Connaissances usuelles, )

Draps imperméables.

En plongeant du drap pendant un certain temps dans une dissolution de parties égales d’acétate de plomb et d'alun, on parvient à le rendre imperméable. (Ibid. )

Bolles et souliers imperméables.

Les pêcheurs de la Nouvelle-Angleterre savent rendre leurs chaussures imperméables par le pro- cédé suivant, qu'ils connaissent, dit-on, depuis

( 202 ) plus de cent ans. On fait bouillir une pinte d’huile de lin, une demi-livre de suif de mouton, six onces de cire blanche et quatre onces de résine. Cette composition s'applique chaude (de manière cependant à ne pas brüler le cuir) sur les bottes et souliers neufs. On létend partout avec une brosse et elle n’ôte rien à la souplesse du cuir, en séchant. Les pêcheurs restent très-long-temps avec

des bottes ainsi préparées, sans qu’elles prennent l'humidité. (cbid.)

Reméde contre La brülure.

Ce remède, le plus ancien de tous et peut-être un des plus négligés, quoiqu'à la portée de tout le monde, est l’usage de l’eau froide, qui doit être renouvelée aussi souvent qu’elle s’échauffe. Il n’est pas moins efficace que facile : une immer- sion de plusieurs heures a suffi pour guérir les brülures les plus graves.

Si la brûlure est profonde, et qu'on ne puisse y remédier de prime-abord, on prendra le duvet d’un roseau d’étang, vulgairement nommé roseau de la passion ({ypha latifolia), et on l’appliquera sur toutes les parties à découvert.

S'il y a ulcération et suppuration, les panse- mens doivent se faire avec du cérat saturné on fait quelquefois entrer un peu d’opium, afin de calmer la douleur. Mais il faut éviter de panser la plaie trop fréquemment. (/bid.)

( 205 )

Amélioration des cendres pour Les lessives de menage.

Le moyen d'augmenter la force des sels conte- nus dans les cendres consiste À mouiller ces cendres pour en former un bâti sur du bois dis- posé dans le foyer, et à mettre le feu à ce bois. Les cendres , fortement échauffées , acquièrent une plus grande force, qui tourne au profit de la lessive. Chacun sait que les cendres, malgré cet emploi, sont bonnes sur les prairies, soit arti- ficielles, soit naturelles, comme sur les terres à semences , ct qu'elles sont très-favorables pour détruire le jonc dans les prairies. (Zbid.)

AAA AAA M MU AR AV A MU UV A AA A AU A AU AV AU LU AA AU AA MA A

Catalogue des Ouvrages

Adressés à la Société pendant l'année 1830 , et non mentionnés dans les Annales.

MÉmorRes de la Société royale et centrale d’Agri- culture pour 1829, 2 vol. in-80.

ComPTrE rendu des travaux de l’Académie des Sciences , Arts et Belles-lettres de Besancon; 1630, 1 vol. in-60.

ComprTE rendu des travaux de l'Académie royale

( 204 ) des Sciences, Belles-lettres et Arts de Bordeaux; 1829, 1 vol. in-60.

ComPre rendu des travaux de la Société des Sciences, Arts, Belles-lettres et Agriculture de Saint-Quentin, pour 1828 et 1829; 2 vol. in-80.

ANNaLes scientifiques, littéraires et industrielles de l'Auvergne, pour 1830; in-8°.

Mémoires de la Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de Mende ; 1829, 1 vol. in-80.

Compre rendu des travaux de la Société d’Agricul- ture, Commerce, Sciences et Arts du dépar- tement de la Marne; 1830, 1 vol. in-6°.

ANNALES de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Dordogne; 1830 , in-6°.

LE PROPAGATEUR aveyronnais; 1830, in-00.

L'ACRICULTEUR manufacturier, par M. DUBRUNFAUT; 1830, in-0°.

L'INDUSTRIEL ; 1830, in-60.

Aperçus historiques, ou Histoire sommaire de la Médecine, par C. Tarpy, docteur en médecine, Membre résidant; in-12.

L'Innicareur de Saint-Étienne, par Ph. HEDDE, Membre non résidant, br. in-6°.

Manuez du Garde champêtre, par TEISSIER , Sous- préfet à Saint-Élienne, Membre non résidant; 1 vol. in-6°.

Mémoire ou Dissertation sur Samarobriva, par

Mancon DE LALANDE , Membre non résidant; br. in-80.

( 205 )

Mémoire sur l'emploi des produits volcaniques dans les arts, par Rocer, Membre non résidant; br. in-60,

PérirTion à la Chambre des députés, sur les Offi- ciers de santé, par Ans. TARDIEU, D. M. M., Membre non résidant; br. in-8°.

Exrrarr de la délibération de la Chambre de commerce de Lille, sur la Législation des bre- vets d'invention; br. in-6°.

Arercu de la Législation de Droin-Pays, sur les Brevets d'invention; br. in-8°,

ConsinérATIONS sur la même question, par Viga- rosy ; br. in-60.

ANALYSE des réponses aux questions proposées pour la révision des lois sur les Brevets d’in- vention; br. in-6°.

Norice sur les procédés du parlement d’Angle- terre, sur le Commerce de grains; br. in-8°. Essar sur les avantages d’une éducation spéciale pour l'Agriculture, par M. Blang; br. in-80. Norice sur Bourbonne et ses eaux thermales,

par Lemolf; br. in-8°.

Mémoire descriptif du Moteur-Laborde ; br. in-8°.

De La Répucrion des droits sur le sel , par J. Milleret; br. in-8°.

Oswaz ou la Vengeance, poème, par Vigarosy ; br. in-80. |

( 206 )

RÉSUMÉ des observations thermométriques et barométriques faites en1830,chaque jour à midi, au Puy, hôtel de préfecture , cabinet de M. DERIBIER, à 629 mètres d’élévation au-dessus de La mer.

N. B. La division du thermomètre est centigrade. Les indications du

baromètre sont exprimées en millimètres et réduites à o de température.

Janvier...

Fevrier. .

Mars

Avril. . .. Mars. + Juims it. Juillet. . . AH et Septembre. Octobre. . Noyembre. Décembre.

..

EE

Moyenne générale, . . +.

Moyenne thermométr.

Moyenne barométr.

703,50 706,»

710,95 703,65 707,25 710,55 707,40 709,20 707,10 723,» 797,90 699,70

707,20

il Maxima et minima du baromètre et du thermomètre, à midi; ce dernier placé à l’ombre, aspect du nord.

MOIS.

Janvier. . . Février. . . Mars. 10h. Avril. « «

MATE 7e

Juin. Juillet. .. Août. Septembre. Octobre . . Novembre. Décembre.

Thermomètre

J. : Maxim.

le25+ 6,2 le26+ 8,5 le31+17 » le 19+18 » le28+17,5 le 18+22,5 le27+30 » le 6+24 » le 2+18,7 le 2+14,4 le 8+14,2 le31+11,5

Thermomètre J. Minim.

le 6— 12,5 3— 11,7 5+ 5,» 54 8,5 1+13,7 7+14,3 le22+20, » le21+16,2 le 30410, » ler

le26+ 2,50,

le25— 5,5»

Baromètre. J: Maxim.

74" 718 718 711 713 716 715 717 715 720 715 TLO

le 2 le 27 le26 le 30 le 2 le24 le26 leso le26 le22 le 24

le15

Baromètre, J. Minim.

le2o le 6 le 9 le 1 les2 le 5 le21 le 4 le22 le 30,706 le29/702 le 9l685

693” 692 706 694 702 709 705 707 701

( 207 )

A AV VA VU A MU AL A MU VU UV VU LU UV UV UV VU AU MS VU UV A A M MU MU A

LISTE

DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ.

BUREAU.

Président. ....... M. BERTRAND DE Dour, Nés’. Vice-président.... M. ARNAUD aîné, Docteur en médecine. Secrétaire....,... M. RüELLE, Payeur du dépar”. Secrétaire-adjoint. M. Derigrer pe CuetssAc, Chef de division à la préfecture. Bibliothécaire.... M. Pomier , ancien Principal du collége du Puy. Trésorier........ M. DE PARRON, Receveur gé- néral du département.

CONSEIL D’ADMINISTRATION.

MM. BERTRAND DE Dour , Négociant, Président. DE Lesranc, Chev. de la Légion-d'Honneur. CALEMARD DE LAFAYETTE, Doct. en médecine. MANDET , Avocat.

Joyeux, Pharmacien.

COMMISSION DU MUSÉE.

M. BERTRAND DE DOUE, Président.

( 208 ) 17€ SECTION. Minéralogie.

MM. BERTRAND DE DouE, Négociant, RüUELLE, Payeur du départem', :

“.& onservateurs.

DeriBter, Chef de division à la

préfecture,

2€ SECTION. Botanique.

MM. ARNAUD aîné, Docteur en mé- decine, HiLAIRE-LATOURETTE, idem , M =. AN 2 Conservateurs. Félix Ro8erT, Négociant, Onpr-Duvirrars, Juge au tri-

bunal civil.

3€ secTION. Zoologie.

MM. ARNAUD aîné, Docteur en mé-\ decine, CALEMARD DE LAFAYETTE, idem, } Conservateurs. Moussrer , idem, Félix RoBerT, Négociant,

SECTION. Beaux-Arts, Antiquités, Machines et Modèles.

MM. ARNAUD ainé, Docteur en mé- decine, DeriB1Eer, Chefdediv. à la préf.,/ Conservateurs. FizxioT, Propriétaire, ViBERT, idem,

AUOUS dw Puy.

CARBONATE QUE

déliquescens de

et

AUTRES,

Grammes, Grammes,

Eau

Eau di Citern Fontai Citern Eau de

Fontai : 0,60.

Fontai

Fontai Fontai Fontai Sourci

Sourc{

OBSERVY ATIOLS.

Les sels dont la quantité est in- diquée dans la dernière colonne, se composent principalement d’hy- drochlorates de soude et de chaux, de carbonates de magnésie et de fer, et de sulfate de magnésie, On trouve de plus, dans les eaux des citernes et des puits, un peu de nitrate de chaux.

Aucune de ces eaux n’ayant des propriétés médicales, il a paru inu- tile de déterminerlesquantités d’air et d’acide carbonique qu’elles con- tiennent,

Ces eaux ne peuvent servir à la cuisson des légumes secs, et leur usage, pour la préparation des ali- mens Ou comme boisson, doit être nuisible à la santé.

TABILE AN De L'aualyse des É aux des foutœuues eu de euvious du Puy.

= 2

PESANTEUR = 2 QUANTITÉ | TOTAL | SULFATE |carponare | SELS ÉCIFIQUE. ñ x SRESLENS DES RESIDUS déliquescens : NOMS DES EAUX. ee D'EAU de de OBSERVATIONS. après et Barom. 711, : 7 analysée, À CHAUX: CHAUX, Therm, 17°c, l'évaporation. AUTRES, RS CORRE er Litres, Grammes. Grammes, Grammes, Grammes, 1, Bad distillée en er CoeN R C CON 10,000 » » » » » » 2, Eau de Laval (commune de Vals). ......... 10,000 4o, 10, 0,67. 0,05. 0,30. 0,32. 3. Eau de Laroche (commune de St-Christophe). . | 10,000 4o. 10. 0,70. 0,08. 0,32, 0,30. Er . ( phe) 1 4 17 , Û Les sels dont la quantité est in- 4. Eau de la Borne, au pont d’Estroulhas. . . . . , | 10,000 45. 10. 0,80. 0,30. 0,25. 0,25. diquée dans la dernière colonne, se composent principalement d’hy- 5. Eau de la Loire, au pont de la Chartreuse. . . . 10,000 70. 10, 0,90. 0,20. 0,40. 0,90, drochlorates de soude et de chaux, de carbonates de magnésie et de 6 Dolai au-dess UE LE O ; D. 1,05. 0,25 0,35, 0,45. SE 6. Eau du Dolaison, au-dessus du Bre . 10,000 55 10 , Q)29° 1 A) fer, et de sulfate de magnésie, On 7: Citerne de l’'Hôtel-Dieu. ... . . . . . . . . . . . . | 10,001 » 10. 1,10, 0,07. 0,20. 0,83. LOMYE de plus, dans les caux des citernes et des puits, un peu de 1 S: Fontaine du Plot RE Ce Re NIETO, 000 90. 10. 1,10, 0,25. 0,40. 0,45, nitrate de chaux, \ 5 Aucune de ces eaux n'ayant des n [ = ns n A . Cyr » . s . 9. Citerne des prisons. . . . . crc see set 1. 110,001 N10. 10. 1,40. 0,10. 0,25. DO, propriétés médicales, il a paru inu- À , , e tile de déterminerlesquantités d’air {| 10. Eau de la Seine, au-dessus de Paris (M. Thénard),. » » 10. 1,62. 0,50. 0,12, : EST : | et d'acide carbonique qu’elles con- 11. Fontaine de Saint-Laurent, ou des Farges. . . . .| 10,001 8o. 10. 1,70. 0,30. | 0,80 0,60. tiennent. 12. Fontaine des Tables. .,. .. ..... » + + o.… ….… | 10,001 9o. 10. 1,80, 0,40. 0,40. 19. Fontaine du Lhéron: 0. de cu ei 10,002 40. 10, 2 » 0,90. 0,85. 0,65. 14. Fontaine de Saint-Jacques. . . . . . . as Role .10,003 60. 10. 2,25. 0,65. 1 » 0,60. 15. Fontaine de Saint-Jean, .......... 0 11010,004 15 10, 2,50. 0,40. 1,79. 0,55. Ste Ces eaux ne peuvent servir à la 16. Source dite fontaine de Vienne, . , . . . .. . .| 10,010 Go, 10. 10,25 3,30. 1,20. 5,75. enisson des légumes secs, et leur Q : : ca x e usage, pour la préparation des ali- 17. Sour ai inte- ANUS ot 6 Fith0: 10, 12,80. 3,80. 1,30. 770: ED S A 7- Source dite fontaine de Sainte-Claire 10,014 15 C © , Û HO One Laltoru ob re Û Q se : 5 5 >,95 isi à la santé. 18, Puits des Farges, et en général de la basse ville. . | 10,017 20. 10, 19,10. 6,10 2,05 10,99. nuisible à la santé

( 209 ) COMMISSION DE LA PÉPINIÈRE DÉPARTEMENTALE.

M. De Lesranc ,Ch. dela Légion-d’Honn., Président. MM. Firior ainé, Propriétaire, JanprrAc fils, idem, Dumonrar, idem, Conservateurs. Joyeux, Pharmacien, BortE, Avocat,

ÉCOLES DES ARTS ET MÉTIERS.

M. RUELLE, Payeur du département, Directeur de

l’école de dessin linéaire et de mathématiques.

M. ViserT, Directeur de l’école de dessin de La gure et des ornemens.

MEMBRES HONORAIRES.

MM. le Baron Armand pe Basrarp, Officier de la Légion-d’'Honneur, ancien Préfet du dépar- tement, Président honoraire.

Borne, Officier de la Légion-d'Honneur, an- cien Sous-préfet de Brioude.

BoupiNHon, Maréchal-de-camp, Officier de la Légion-d'Honneur.

DE BRONAC, Propriétaire.

De CaHoumouroux, Propriétaire, Chevalier de la Légion-d’'Honneur.

Le Comte pu CRoZET, Chevalier de la Légion- d'Honneur.

DUFAURE DE CITRE , Propriétaire.

14

( 210 ) MM. Le Baron Charles Dupin, Membre de lAca- démie des Sciences. DE FERRAIGNHE, Chevalier de Saint - Louis, Conseiller de préfecture. GALLET , Vice-président du trib. civil du Puy. IncREs, Membre de l’Académie des Beaux-arts. Édouard DE LesranG, Juge au tribunal civil. Oppe-DuviLLars, Propriétaire. DE PARRON (Prosper), Ch. delaLégion-d'Honn. Pascon, Président du tribunal civil de Brioude. Ramey père, Membre de l’Acad. des Beaux-arts. DE Rigains, Maire de Pradelles, Chevalier de la Légion-d'Honneur.

Rover, ancien Maire de la ville de St-Étienne. DE SAINTE-COLOMBE, ancien Sous-préfet d’'Ys- singeaux, Chev. de la Légion-d'Honneur.

Soumer , Membre de l’Académie francaise.

Tusa, Docteur en médecine, Membre du Conseil général.

Le Baron DE VEyRAC, Chevalier de la Légion- d'Honneur.

MEMBRES RÉSIDANS.

MM. ARNAUD aîné, Docteur en médecine. AULANIER (Louis) , Propriétaire. AymARD fils.

BALME (Victor), Propriétaire. BEAU DE BRIVES, Propriétaire.

( :21a ©

MM. BERTRAND DE Dour , Négociant. BiLLOER, Ingénieur en retraite. BortE, Avocat. Borie, Docteur en médecine. CALEMARD DE LAFAYETTE ,; Doct.en médecine. Cazemarp-Larour, Commissaire de police. CHABALIER, ancien Député. ; D'AUTHIER DE SAINT-SAUVEUR, ancien Sous-

préfet.

DE L'HoRME, ancien Géomètre en chef. DE LAROCQUE, Avocat. DeriBter, Chef de division à la préfecture. DE Rosikres, Officier d'état-major. Dumonrar, Propriétaire. Duvizcars, Juge au tribunal civil. Frzuior ainé, Propriétaire. GIRARD-JANDRIAC père, Propriétaire. GiRARD-JANDRIAC fils , Propriétaire. GiRE, Artiste vétérinaire. GRIGNARD, Géomètre en chef du cadastre. HiLaArRE-LATOURETTE, Docteur en médecine, Joyeux, Pharmacien. LAVALETTE, Propriétaire. DE Lesranc, Chev. de la Légion-d'Honneur. LogeyrAC, Président du tribunal civil. MANDET, Avocat. DE MarioL, Propriétaire. Morsecer, Architecte de la ville du Puy. MONTELLIER, Avouc.

( 222 )

MM. More, Docteur en médecine. DE MorGuUESs DE SAINT-GERMAIN, Propriétaire. MoussiEr, Docteur en médecine. O’FFARELL, ancien Maire du Puy. DE ParroN , Receveur général du département. PomtER, ancien Principal du collége du Puy. + RicHOND-AssEzAT, Avocat. Ricuonp pes Brus, Secrétaire général de la préfecture. RoBerT (Félix), Négociant. RUELLE, Payeur du département. Tarpy, Docteur en médecine. TrEveEYs, Propriétaire. DE VERTAURE, Propriétaire. ViBERT, Propriétaire.

MEMBRES NON RÉSIDANS.

MM. Acurzuon, Notaire à Pradelles.

Bazgis, Naturaliste à Turin.

BERGERY, Professeur à l’école d'artillerie de Metz.

BERNARD, Contrôleur des douanes à Nantua.

BLONDEL, Peintre d'Histoire à Paris.

Bonnomme père, Propriétaire à Labruyère.

Bonnomme fils, Propriétaire à Langeac.

Bonxomme (Théofrède), à Pradelles.

Le Vicomte DE BECDELIÈVRE, Conservateur honoraire du Musée.

| | |

(1225)

MM. BourzzeT, Naturaliste à Clermont.

CRoZATIER, Sculpteur à Paris.

Daupvizze, Négociant à Saint-Quentin.

DELALANDE , Inspecteur des domaines à Bayeux.

DEmesmay (Auguste) fils, à Besancon.

Dumousrier, Répétiteur à l’école de chirurgie à Paris.

DERIBIER DU CHATELET, propriétaire à Ydes.

DUBRUNFAUT, Professeur de technologie à Paris.

FarNAUD , Secrétaire général de la préfecture à Gap.

Fourner, Notaire à Pradelles.

Fourner, Directeur des mines à Pontgibaud.

GENESTET , Négociant à Saint-Chamond.

GIMBERT DU ViILLARD, Prop'e au Monastier.

GRoGNIER, Secrétaire de la Société d'Histoire naturelle à Lyon.

GuiLrAUME, Ingénieur des ponts et chaussées à Grenoble.

Heppe (Philippe), Fabricant à Saint-Étienne.

HugerT, Peintre paysagiste à Paris.

JorAnD, Membre de la Société des Antiquaires a Paris.

Joyeux, Médecin à Privas.

LecoQ, Professeur de Minéralogie à Clermont.

Lenorr, Directeur des contributions directes à Besancon.

Le Comte pE MACHECO , Propriétaire à Alleret.

Mao (Charles), Homme de lettres.

(214) MM. MARTIN jeune, Président de la Société royale

de médecine à Lyon.

MaTIEU DE Domsasce , Directeur de la ferme expérimentale de Roville.

MaTuieu, Régent du collége de Thiers:

Micuez , Chef d'institution à Lyon,

Morcaneuz, Sculpteur à Paris.

MONTAIGNE DE P@NCINS, Propriétaire à Mont- brison.

Morin, Ingénieur des ponts et chaussées à Saint-Brieu.

PasseroN, Homme de lettres à Lyon.

PEecoux, Médecin à Clermont.

Pomter, Profess. de mathématiques à Brioude.

Prosr, Naturaliste à Mende.

RoCHETTE , Avocat à Brioude.

Rocer, Architecte de la ville de Thiers.

RUELLE , Propriétaire à Serres (Hautes-Alpes.).

Le Baron DE TALAIRAT, Membre du Conseil général, à Brioude.

Tarpreu, Médecin à Saugues.

TEissiER, Pharmacien, Professeur de chimie à Lyon.

Teissier , Sous-préfet à Saint-Étienne.

TERRASSE, Propriétaire à Saint-Marcel.

TuiertAT, Professeur de dessin au Palais des Beaux-arts à Lyon.

ViLLENEUVE, Peintre paysagiste à Paris.

(245)

TABLE DES MATIÈRES.

Discours prononcé par M. Du Puy, Préfet du département de la Haute-Loire, dans la séance

publique du'a3mat1651%r"} 4. ssh Pag.

Discours prononcé dans la méme séance, par M. BerrrAnD DE Dour, Président de TS OCEAN St en M nRe Lee

Rapport sur les sujets de prix proposés pour le département de la Haute-Loire, par M. MANDET.... Ame er Soiiets dead

Rapport sur la question mise au concours par le Conseil général du département, par MCHONTERLLIERN ON, ESRI etes

Mémoire de M. DErig1ERr Du CHATELET, sur la question mise au concours par Le Conseil DÉRÉTA DRE EC ieeice see selles lee else

Mémoire de M. Antoine-Amédée ESBRAYAT, SAUT ICELLE TILÉTILENGUESÉION a serie cie sie eo iel ete le

Note lue par le Président, sur les prix décer- RES) DARRLANOCLÉLE eee el ele ss ele nie je els

Rapport sur le résultat des fouilles faites dans untumulus,par M. DERIBIER DE CHE ISsAC.

Aperçu sur la Boiquyiquegeñgs énéral, et en

3

©

( 216 ) particulier sur celle de la Haute-Loire, par M. Durrriars fils............ Pag, Rapport sur l'emploi de la Gélatine, par M, Bori1e, Docteur en médecine........ Notice sur le volume, La distribution et la qualité des eaux qui alimentent la ville du. Puy, par M RUELLE. 4e 4. ose os Épitre à un ami, par M. de TirarraT. Ma soixantaine, par le méme............ Réverie 1mitée de l'allemand, par M. DE RosrÈRES Ans x EL ER Laser de Vers adressés aux Dames, en séance pu- blique, par M. Drerrs1Er DE Curissac.. Recueil de divers articles d’économie rurale et domestique, extraits des rapports de MM. CxazazrEer et PomIERr........... Catalogue des ouvrages adressés à la Société pendant l'annéeh630% 5.15 h6e tete Résumé des observations météorologiques faitesten ABB SEMESTRE ES Liste des Membres de la Société..........

93

109

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ANNALES \* Li:

LA SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE . EE

SCIENCES, ARTS ET COMMERCE DU PUY,

POUR 1852-1855. Ra ges

Por les res M oce.

DE L'IMPRIMERIE DE P. PASQUET,

IMPRIMEUR DE LA PRÉFECTURE.

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ANNALES

DE

LA SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE,

SCIENCES, ARTS ET COMMERCE DU PUY,

POUR 1852-1855.

RÉDIGÉES

PAR LES SECRATAIRES

DE LA SOCIÉTÉ.

AU PUY, DE J'IMPRIMERIE DE PIERRE PASQUET,

IMPRIMEUR DE LA PRÉFECTURE.

1833.

ARRELES

DE

LA SOCHLTÉ AGRICULTURE 0

SCIENCES ; ARTS ET COMMERCE DU PUY.

AAA VV AE UV RAA AE AAA A AU AR A A VU VE VUE MA A MUR VU MAMA UN LU MU VV MUR

DISCOURS D'OUVERTURE

PRONONCÉ

Par M. BERTRAND DE DOUE, PRÉsiDENT,

Dans la séance publique du 29 janvier 1835.

MESSIEURS,

De toutes les affections qui se partageni le cœur de l’homme et qui exercent sur son existence une action tour-à-tour salutaire ou ficheuse, l’amour du pays qui nous à vu naître n’est pas celle que la nature y a le moins profondément implantée.

Elle a même ce caractère particulier que, tan- dis que d’autres sentimens naturels tels, par exemple, que lamour filial, augmentent en pro- portion des soins dont nous avons été l'objet,

(4) celui-là s'accroit au contraire en raison de la rigueur du climat et de l’âpreté des sites au mi- lieu desquels s’écoula notre enfance.

Ainsi, l’heureux habitant des plaines s'éloigne de son pays avec indifférence; il pèse froidement les avantages et les inconvéniens de ceux le retient le soin de sa fortune, et, oublieux du sol natal , il dit avec l’adage :

» La patrie est partout l’on se trouve bien. »

Cette maxime n’estpas, vous le savez, Messieurs, à l'usage du montagnard de la Haute-Loire,

En vain de longues années se sont succédées depuis qu'il a été arraché des lieux agrestes qui frappèrent ses premiers regards : sous le plus beau ciel, du sein des plus fertiles contrées, alors même qu'il y jouit d’une aisance inaccoutumée, ses yeux se tournent avec amour vers ses chères montagnes ; l'arbre solitaire, le rocher sauvage qui abritaient son humble demeure, se retracent sans cesse à son imagination. C’est qu'entouré de sa famille et rendu à la simplicité de ses pre- mières habitudes, il viendra finir sa carrière.

Telle est la puissance du lien mystérieux par lequel l’éternelle sagesse a voulu fixer le cœur du montagnard sur le sol ingrat oùelle l'a fait naître.

Mais ce sentiment, tel que le concoivent les esprits éclairés, n’est plus l’aveugle instinct auquel obéit le vulgaire. Aimer son pays, c’est pour eux chercher à le sauver d’un injuste oubli; c'est

=

(5)

travailler à dissiper les sombres nuages dont l'ignorance le tient enveloppé; c’est le guider dans les voies du progrès et de la civilisation. Heureux s'ils parviennent à y faire croître une palme nou- velle, digne d’être ajoutée à celles dont se com- pose le brillant faisceau des gloires nationales! Heureux surtout de concourir , dans leur étroite sphère , à l'amélioration du sort de ceux de leurs concitoyens que le hasard fit naître sur les degrés inférieurs de l'échelle sociale !

C’est ainsi que vous comprites ce qu’attendait de vous votre pays lorsque , répondant à l’appel du fon- dateur de notre Société, vous vous réunîtes pour exercer le noble patronage qui vous était offert. Je ne vous rappellerai pas comment en un petit nombre d'années votre histoire, vos antiquités, votre sol furent tour-à-tour explorés. Ma tâche est aujourd'hui moins étendue; elle se borne à vous présenter le résumé de vos travaux depuis le jour où, dans cette enceinte, en présence du premier Magistrat du département et de MM. les Membres du Conseil général, vous leur exposâtes vos vues pour la prospérité de votre agriculture, et les remerciâtes.de lappui qu'ils vous ont toujours si généreusement accordé.

Pourquoi faut-il que je commence par réveiller de pénibles souvenirs , en vous rappelant les pertes que notre Société a récemment éprouvées dans la personne de MM. Arnaud aîné, O‘Farrell

(6)

et de Billoër! Assez de travaux, assez de services rendus à la chose publique signalent le nom de ces hommes recommandables à la reconnaissance de leurs concitoyens, pour que je sois dispensé d’énumérer ici tout ce qu'ils ont fait de bon et d’utile. Mais ce que vous n’oublierez pas, c’est la part active qu'ils prirent à vos travaux; c’est lempressement qu'ils mirent toujours à vous prêter le secours de leur longue expérience. Combien surtout notre Société naissante fut-elle redevable au zèle de M. Arnaud, soit que, comme votre président, il dirigeât vos délibérations; soit que, rentré dans son cabinet, il se livrât avec cette persévérante assiduité qui le caractérisait, aux recherches scientifiques dont il a enrichi vos Annales.

C’est au moment vous éprouviez des pertes aussi sensibles, que le départ inopiné de deux de nos collègues les plus distingués par l'étendue et la variété de leurs connaissances vint encore les accroître. À cette affligeante nouvelle, de sinistres prédictions se firent entendre. Elles menacaient surtout l’avenir de ces Ecoles gratuites des Arts et Métiers que M. Ruelle avait concouru à diriger avec tant de succès. Mais c'était peu connaître le prix que vous attachez à la conservation de ces établissemens et l’admirable émulation qui en est le principal ressort. M. Vibert et moi, sommes heureux de vous le dire, jamais MM, les Pra-

—- ne Te

(702

fesseurs n’ont mieux compris dans quel esprit doit être dirigée l’instruction dont leurs jeunes élèves se montrent si avides. Jamais ceux-ci n’ont montré plus d'application et n’ont fait de plus rapides progrès. Jamais enfin, tâche ne fut aussi agréable à remplir , aussi satisfaisante dans ses résultats que celle que vous nous avez confiée, Que toutes les craintes se dissipent, Messieurs, tant que de généreux secours seront accordés à ces Ecoles, elles continueront de prospérer et de peupler nos villes d’excellens ouvriers et d'hon- nêtes ciluyens.

C'était peu pour votre zèle de contribuer ainsi au développement intellectuel des classes labo- rieuses. Dans votre sollicitude, vous avez en- core voulu leur assurer les moyens de conserver le fruit de leur travail et favoriser ces habitudes d'ordre et d'économie qui exercent une si grande influence sur leur moralité comme sur leur P: être. Le projet de doter cette ville d’une d'épargne vous avait été soumis plusieurs : avant que des journaux animés de vues philar piques eussent cherché à fixer Pattention sur établissemens encore peu connus, Sous pet jours, la Commission que vous avez chargé réunir les renseignemens nécessaires vous son rapport. Certains que nos concitoyens nous abandonneront pas dans nos vues pou bien du pays, nous hâtons de nos vœux Pins!

(8) nous serons en mesure de solliciter l’ordon- nance royale qui doit autoriser l’établissement de cette caisse, dans laquelle l’ouvrier, et en général celui qui vit d’un modique salaire, pourra placer sûrement et utilement ses moindres éco- nomies.

Au milieu de ces soins donnés à l'amélioration du sort de l’habitant des villes, vous n’avez pas oublié ce qu'exige l’état encore si imparfait de notre agriculture, Les encouragemens que vous allez lui décerner doivent être considérés comme un nouveau pas dans le système de primes dont il a déjà été fait une si heureuse application pour l'introduction de la culture du mürier. Prenant pour point de départ le rapport pleut de vues judicieuses qui vous fut présenté, en 1830, par notre collègue M.Mandet, vous vous êtes attachés à perfectionner ce système , à en élargir les bases et surtout à lui imprimer un caractère de durée et de périodicité que vous avez jugé nécessaire

pour en assurer le succès. Certain dorénavant que .

chaque année, à la même époque, des récom- penses sont.acquises à qui aura su les mériter, le cultivateur se mettra d'avance en mesure de con- courir et ne craindra plus de se livrer à des essais dont il aura eu le loisir de calculer les chances. Tt nous y trompons pas, Messsieurs, ce n’est l'intelligence qui manque à nos cultivateurs , s plutôt une certaine portée dans leurs combi-

+

(9)

naisons. Autour du Puy, nous les avons vus créer, en quelque sorte, la culture des plantes fourra- gères annuelles, et cette culture se propager si rapidement , que votre Commission a jugé inutile de lui réserver un prix. Rien , dans les méthodes nouvelles, ne surpasse, selon nous, les soins qu'on apporte dans la plaine de Brioude à la cul- ture de la fève commune. L’enfouissement du lupin, usité de temps immémorial auprès de Saint- Maurice-de-Lignon, n'est-il pas un des procédés les plus recommandés par les agronomes mo- dernes? Et récemment encore, lorsqu’à la suite d’une souscription à laquelle voulurent prendre part plusieurs propriétaires étrangers à votre So- ciété, vous confites à vos fermiers ces charrues à la Dombasle dont l'introduction devait ren- contrer tant de difficultés, n’avez-vous pas admiré avec quelle adresse et quel empressement ils en ont fait usage dès la première fois ?

Les préjugés de nos paysans ne sont donc pas aussi invétérés qu'on se plait à le répéter. Pour vaincre la répugnance qu’ils témoignent pour les innovations que l'expérience n’a point encore sanctionnées, il faut surtout s’appuyer de la puis- sance de l'exemple et se borner à leur proposer une série d'améliorations simples, incontestables et sagement graduées. Mais, on ne saurait trop le redire, ne demandons à nos cultivateurs rien de ce qui suppose un esprit capable de combinaisons

(10) compliquées : une ferme-modèle, avec ses pro- cédés perfectionnés, ses instrumens coûteux et la variété de ses assolemens, n’exciterait en eux, quelle que fût d’ailleurs la richesse de ses pro- duits, qu'une stérile surprise et ne serait dans nos montagnes, du moins d'ici à quelques années, qu'un établissement de luxe.

Jusqu'ici, Messieurs, je ne vous ai entretenu que de ceux de vos travaux qui portent le carac- tère d’une utilité immédiate et qui répondent plus particulièrement à la devise que vous avez adoptée. Mais l’apercu que j'ai à vous offrir resterait incom- plet, si je ne rappelais vos efforts pour natura- liser parmi nous le goût des arts qui embellissent la vie et pour faire comprendre à la génération qui s'élève combien les travaux de Pesprit peuvent répandre de charmes sur les loisirs de l'homme studieux, et refléter d'éclat sur la terre natale. Après l’utile, l'agréable est aussi un besoin.

C’est dans cette vue que vous avez ajouté à votre programme annuel un prix pour le meilleur Mé- moire sur votre Histoire ou vos Antiquités; que vous en avez proposé un second pour les recher- ches d'Histoire naturelle faites dans le département; que d’autres enfin ont été réservés au poète ins- piré par l’amour du pays, ou pour le pinceau qui saura reproduire ce que les bords de la Loire et de l'Allier, la profondeur de nos bois et cesruines féodales qui couronnent nos rochers offrent de scènes pittoresques.

(11)

Ce n'est point non plus pour flatter une vaine curiosité que vous avez réuni ici les monumens des arts. La pensée qui présida à la création du Musée avait un but plus digne de vous, celui de familiariser nos jeunes compatriotes avec les pro- ductions de peintres distingués et de leur offrir des modèles capables d’enflammer leur imagina- tion. Eh! n'est-ce pas ici, jeune infortuné, dont les arts et ton pays déploreront long-temps la perte prématurée ,que tu sentis s’allumer en toi le feu sacré du génie et que tu appris à exprimer ce que la nature découvre de beautés à l’œil ravi de l'artiste! N'est-ce pas à la vue de ceschefs-d’œuvre que tu acquis la conscience de ton inconcevable talent, et que tu pus t'écrier avec le Corrège :

« Anch'io son pittore. » & Et moi aussi je suis peintre. »

Ah! puisse cet hommage rendu à ta mémoire, puisse l'expression de nos regrets adoucir la dou- leur d’une familleen deuil et inspirer à tes jeunes compagnons le désir de t'égaler etde nous dédom- mager de tant d'espérances décues (1).

(1) Félix Bon, au Puy, recut les premières lecons de dessin à l'Ecole fondée par les soins de la Société. La nature Pavait doué de rares dispositions, que M. le vicomte de Becde- lièvre, l’un des Directeurs de l’Ecole, se plut à développer. Tout annonçait qu’il deviendrait un peintre du 1°° ordre,

C’est à l’âge de 19 ans, au moment sa famille s’était déterminée, d’après les conseils et les indications de M. de

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L'importance que vous attachez à former une galerie d'objets d'art n’a donc pas besoin d’être justifiée. Pourriez-vous ne pas trouver grâce même aux yeux de l'homme le plus enclin à censurer tout ce qui n’est pas d’une utilité matérielle , s'il savait avec quels faibles moyens d’aussi surprenans résultats ont été obtenus , et combien peu il en a coûté à la ville et au département pour créer et entrelenir ce Musée qui restera comme un admi- rable exemple de ce que peuvent le zèle, l'amour des arts et l’esprit d'association réunis ?

Cette année encore, il s’est enrichi de plusieurs tableaux de maître , parmi lesquels un beau paysage d'Ommeganck rappelle ce que l’école flamande mo- derne a produit de plus suave. Un autre paysage par Guindrand, transporte le spectateur dans le vallon retiré, au fond des Alpes dauphinoises, l'artiste alla chercher, à son retour de Rome, d’'heureuses inspirations. Quatre études du même auteur, prises dans les environs de Grenoble, ini- Ueront nos jeunes gens dans l’art difficile de saisir rapidement et de fixer, en quelques coups de pin- ceau , l'impression fugitive du moment le paysage se montre avec tout son éclat. Je vous

Becdelièvre, à l’envoyer dans un des premiers ateliers de pein- ture dela capitale, qu’il a été enleyé par une maladie cérébrale, affection malheureusement trop fréquente chez les individus doués d’une intelligence précoce.

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rappellerai aussi ce beau portrait de Henri II, peint en 1555, dont vous êtes redevable à M. le marquis de Latour-Maubourg. Ce don et celui de quatre magnifiques canopes en albâtre oriental, dont il a enrichi le Musée, assignent à notre illustre compatriote un des premiers rangs parmi les personnes qui se sont plues à doter cet éta- blissement, Enfin, un bouquet de fleurs peint à la manière de Redouté, par M'e de Girardot, et divers objets d’art donnés au Musée par M. du Puy, vous rappelleront l'intérêt que ce Magistrat a pris à vos travaux pendant son administration.

Vos collections archéologiques, déjà riches des débris que vous êtes parvenus à recueillir, se sont aussi augmentés d'un cippe antique, nouvellement découvert à Solignac-sur-Loire, et qui vous a été offert avec un louable désintéressement par le Conseil municipal de cette commune. Deux beaux bas-reliefs, échappés aux mutilations qu’a subi le reste de ce monument, ont paru mériter d'être lithographiés dans vos prochaines Annales. Les instrumens de chasse qui y sont figurés ont donné lieu à d’intéressantes recherches qui vont vous étre soumises par un de nos collègues : elles ajouteront aux connaissances acquises sur les usages de nos aïeux dans ces temps reculés..

Quelle que soit Findulgence à laquelle vous m'avez accoutumé , Messieurs, ce serait en abuser ; ce serait fatiguer le brillant auditoire dont nous

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sommes entourés, que d'entrer dans de minu- tieux détails sur l'accroissement progressif de vos collections d'histoire naturelle. Depuis long-temps vous aviez entrevu combien sont ordinairement insignifiantes ces collections générales qu'on ren- contre partout et qui, partout incomplètes, ne dédommagent jamais de ce qu’elles ont coûté ni des soins journaliers qu’exige leur conservation.

Pour donner aux vôtres un véritable intérêt, vous avez voulu qu’elles présentassent avant tout le tableau de lHistoire naturelle de la Haute-Loire, ct que des productions étrangères n’y fussent admises que comme objets d’études ou pour servir de termes de comparaison. Formées dans cet esprit, elles ne pourront manquer d’exciter vivement l'attention du voyageur charmé de trou- ver ainsi réunies dans un seul local les richesses naturelles de tout le département, et de pouvoir tout à-la-fois les comparer avec celles des pro- vinces voisines. À combien de rapprochemens encore inapercus celte comparaison ne donnera- t-elle pas lieu, et surtout que de facilités offertes à nos jeunes compatriotes pour les déterminer à étudier ce sol qu'ils foulent avec indifférence.

Sans doute, Messieurs , l'étude de la nature offre encore dans nos montagnes une carrière assez attrayante , assez vaste, pour engager les esprits observateurs à lui consacrer leurs loisirs. Que d’apercus nouveaux naissent déjà de cette

(15°) ingénieuse théorie des soulèvemens qui fixe, d’une manière si inattendue, la date relative des mon- tagnes du centre de la France dont les nôtres font partie, et qui explique enfin pourquoi on n’y rencontre aucun de ces terrains d’origine marine, si abondans au contraire sur les Alpes et les Pyré- nées ! Combien d'espèces d'animaux inconnus dorment encore ensevelies dans nos terrains lacustres et sous les produits de nos volcans! Que de richesses végétales enfouies dans nos houilières elles sont à peine soupconnées, et quel im- mense et curieux travail que de ressusciter , en quelque sorte, ce monde antique que tant de siècles séparent de lère nouvelle à laquelle l’homme a attaché son nom!

Il ya certainement dans ces investigations de quoi justifier la direction toute locale que vous vous plaisez à imprimer à vos travaux. Mais si cette tendance à choisir votre pays pour l’objet de vos recherches présente d’abord quelque chose d’un peu circonscrit, de trop exclusif peut-être , du moins ne sera-ce pas aux yeux de nos conci- toyens nécessairement animés des mêmes vues que nous, qu'elle aura besoin d’excuse. Ne la trou- verions-nous pas d’ailleurs dans le long oubli auquel ce pays a été condamné, dans le pieux désir de lui restituer ses titres, dans l’intime con- viction que son Histoire, celle de ses hommes illustres, de ses mœurs, de ses anciennes lois,

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offre une mine inépuisable à qui essaiera de lex- ploiter. Et par exemple, quel riche texte fourni- raient les Annales de nos guerres civiles à la plume féconde d’un autre Walter-Scott ! Combien de poésies naïves, ouvrage de nos troubadours, dont les noms et la célébrité nous sont seuls connus, restent ignorées dans de poudreuses archives et attendent qu'une docte main les retire enfin de leur obscurité ! Un crayon étranger s’arrogera-t-il toujours l'injurieux privilège de reproduire nos sites, nos monumens, et ne serait-ce pas aux enfans de la Haute-Loire qu'il appartieudrait d’en- treprendre et d'exécuter la description pittoresque de leur pays chéri!

Je m’arrête, Messieurs; ces aperçus, qu'il serait facile de multiplier, sont trop séduisans ; ils m’en- traîneraient au-delà des bornes que j'ai me prescrire. Puissent-ils se réaliser ! Puissent des hommes doués d’une volonté forte, animés par l'amour des lettres et des arts, entreprendre cette elorieuse tâche! Si les plaisirs purs qui naissent de l'étude, si lindicible satisfaction qu'éprouve l'esprit dans l’exercice de ses plus nobles facultés ne leur paraissaient pas une récompense suffisante de leurs veilles et de leurs travaux, ils sont du moins bien sûrs d'en trouver une, digne de toute leur ambition, dans la reconnaissance de leurs con- concitoyens et dans les suffrages que vous leur réservez.

(870)

AAA ANA AAA AV A A A A AA A AAA AA AS A A AU

RAPPORT

Fait à la Société d'agriculture, etc., le A dé- cembre 1832, sur le concours pour les Primes et Médailles accordées par elle, et décernées dans la séance du 29 janvier 1833.

Commissaires : MM. GïIrRARD - JANDRIAC père, Dumonrar, Duvizcars fils, Sylvain TREVEYS, et MONTELLIER, rapporteur.

MESSIEURS,

=

Créée pour concourir à la prospérité de l’Agri- culture, des Sciences et du Commerce de notre belle patrie, mais surtout de ce département, la Société s'est constamment efforcée de remplir dignement la noble mission dont elle s’est chargée, et n'a rien négligé de ce qui pouvait engager dans la voie des améliorations les agriculteurs de nos campagnes, Vous jugerez de ses efforts et de sa sollicitude, par le rapport que je suis chargé de vous soumettre.

Jusqu'ici les fonctions de rapporteur ont été remplies par des hommes d’un mérite distingué

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(18) et possédant des connaissances spéciales. Nous devons regretter qu'ils n’aient pu cette année prêter le charme de leur talent à ce travail, et déguiser l’aridité du sujet par l'élégance et la facilité de leur style.

Pour moi, qui me suis chargé d’une tâche bien au-dessus de mes forces et qui suis dépourvu des connaissances qu’elle aurait exigée, je réclame votre indulgence, et je crois y avoir des droits.

Ce n’est pas d'aujourd'hui seulement qu'on a proclamé que l’agriculture fait la vie et la force des états; et cependant, que de trésors ont été prodigués pour des découvertes stériles, tandis que cet art si noble et si utile restait sans encou- ragemens et sans secours!!!

Ce que les Gouvernemens, au milieu des soins variés qui les occupent, n'auraient pu faire pour sa prospérité, les Sociétés d'Agriculture l'ont en- trepris par dévouement pour leur pays; eton doit le dire à la louange de ce département, les Auto- rités locales et le Conseil général ont toujours montré le plus grand empressement à seconder toutes les entreprises utiles et à s'associer à toutes les vues philantropiques.

Messsieurs, le premier soin de la Commission de la Société a été de donner la plus grande pu- blicité à la Notice indicative des prix à décerner. Outre linsertion dans les Annales et dans le Journal du département, cette notice a été con-

2

Ro

(19) signée dans des affiches apposées dans les villes et les communes du département.

Si un plus grand nombre de concurrens n’ont pas répondu à ces appels réitérés, ce n’est donc point votre Commission qu'il faut en accuser. Diverses circonstances, telles que l’apathie de l'habitant des campagnes, et une espèce de mé- fiance sur la sincérité des offres qui lui sont faites, éloigneront peut-être encore pendant quelque temps de vos concours les culiivateurs dont les titres seraient les mieux fondés.

Pour nous, Messieurs, persévérons dans les voies que nous venons à peine d'ouvrir; perfec- tionnons nos programmes et félicitons-nous de ce qu'il s’est lrouvé un certain nombre de personnes qui ont su nous comprendre, et qui ont pensé que leur exemple et lencouragement auquel elles avaient droit ne seraient pas perdus pour le pays. :

Le 197 prix annoncé par votre programme de- vait être décerné aux meilleurs fermiers et propriétaires cultivateurs qui auraient le mieux compris certaines conditions qui exercent une influence salutaire sur le succès de l’agriculture; il n’est parvenu À votre Commisssion aucune demande pour ce prix. Vous examinerez, Messieurs, sil convient de le renouveler ou d'attendre, pour le replacer sur votre programme annuel, que nos agriculteurs , plus familiarisés avec l'idée des

(20) récompenses qui attendent leur zèle et leur ap- plication, viennent au-devant de celles que la Société est chargée de leur distribuer.

Aucun concurrent ne s’est non plus présenté pour réclamer le prix que vous aviez destiné pour l’encouragement de la culture du pavot. En gé- néral, la culture des plantes oléagineuses a lieu dans notre département sur une trop petite échelle pour laisser espérer qu’elle reçoive de sitôt un certain développement. Dans les pays l’on s’adonne en grand à la culture de ces plantes, il existe un nombre plus ou moins considérable de moulins dont les propriétaires vont acheter au marché la graine nécessaire à l’entretien de leur usine, et revendent au commerce ou aux parti- culiers l'huile qu'ils en ont extraite.

Chez nous, au contraire, cet usage n’est point établi, la culture des plantes oléagineuses est réduite à de petits carrés de colza propor- tionnés à la consommation annuelle de quelques cultivateurs plus intelligens ou plus économes.

Aussi votre Commission a-t-elle éprouvé quel- que embarras lorsqu'elle a eu à discuter les titres du seul prétendant qui se soit présenté pour le prix réservé à la culture du colza. A la vérité, le programme ne déterminait pas le minimum de graine récoltée, nécessaire pour obtenir le prix. Deux instructions ayant été publiées par vous pour guider les cultivateurs dans leurs essais, la

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Commission chargée de la rédaction de ce pro- gramme avait supposer qu'il ne pouvait man- quer de se présenter un certain nombre de con- currens, et alors, toutes choses égales d'ailleurs, le prix appartenait à celui qui aurait prouvé avoir recueilli la plus grande quantité de colza. Celle qu'a récolté le sieur Jacques Perillou, de la com- mune de Grazac, arrondissement d'Yssingeaux, ne s'élève qu’à dix double-boisseaux, ou deux hecto- litres et demi; mais il est essentiel de remarquer que celte quotité de graine a été recueillie sur une étendue de 200 toises carrées.

Il est vraisemblable que d’autres cultivateurs en ont obtenu des quantités plus considérables ; mais le sieur Perillou est le seul qui ait répondu à votre appel. Il à paru à votre Commission qu’il y aurait du danger à l’écarter; que le point important était, en ce moment, d'attirer sur vos programmes annuels lattention des cultivateurs, pour vous mettre en position d'exiger d'eux de plus grands efforts pour l'avenir, et elle vous propose d’ac- corder au sieur Perillou une médaille d'argent du prix de trente francs.

Un seul concurrent, le sieur Matthieu Offève, de la commune de Brives près le Puy, s’est pré- senté pour réclamer le prix que vous avez consacré à l’encouragement de la culture des luzerne, sain- foin et autres fourrages artificiels. Bien que Îles observations qui vous ont été soumises par votre

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Commission, relativement au sieur Perillou, pus- sent être également applicables au sieur Offève, elle n’a pas hésité à vous proposer d'accorder à ce dernier une médaille d'argent du prix de 4o francs. Ce cultivateur, avec une persévérance qu’on ne saurait trop louer, est parvenu à convertir une surface de cinq cartonnées de mauvais terrain en une belle pièce d’esparcette. Il a commencé par acheter pour soixante-quinze centimes de graines, et c’est en employant successivement celles qui ont résulté de trois ou quatre récoltes consécu- lives, qu'il est parvenu à ce résultat. Cet exemple d'autant plus digne d’éloge qu'il a été donné par un homme peu aisé, n’a pas été perdu; il a été bientôt suivi par plusieurs habitans de la même commune.

Si les titres des concurrens déjà nommés vous paraissentminimes, iln’en est pas de même de ceux qui assurent à M. de Bonneville les droits les mieux acquis à la reconnaissance de ses compatriotes.

Ici les succès qué vous avez à récompenser sont le fruit d'opérations entreprises sur une toute autre échelle.

Les plantations qu'il a exécutées dans sa pro- priété de Bonneville, commune de Saint-Pierre- Eynac, tout près du Pertuis, et qui proviennent presque toutes de ses semis, sont répandues sur un espace de terrain extrêmement considérable.

Elles consistent, en dix mille mélèzes, mille

(25) épicéas , autant de pins exotiques de diverses espèces.

29 Il à aussi planté en bordures, quinconces et avenues, plus de mille arbres forestiers, tels qu'ormeaux, frênes, tilleuls, sycomores, bou- leaux, peupliers d'Italie et peupliers blancs.

Toutes ces plantations sont dans le meilleur état.

Ces pépinières, créées par ce propriétaire, comprennent plus de trente mille arbres résineux, tels que mélèzes, épicéas, pins de diverses es- pèces, et un nombre à peu près égal d'arbres forestiers on fruitiers en pourettes.

Elles renferment enfin quatorze mille pieds d'arbres d’essences variées, prêts à être mis en place, et une assez grande quantité d'arbres frui- tiers greffés.

Ces plantations, opérées avec autant de soin que de succès sur une des dépendances les plus éle- vées du Meygal, ont rappelé à votre Commission celles qui ont valu, de votre part, à M. de Chau- mouroux une médaille d’or, ct elle a pensé qu'il convenait de donner à M. de Bonneville, au nom du pays, le même témoignage de satisfaction.

Venant maintenant aux concurrens pour les prix à décerner à ceux qui auraient fait les plus beaux élèves en chevaux, mulets, taureaux, génisses et bêtes à laine nés dans le département, votre Commission regrette également qu'ils n’aient pas été plus nombreux,

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Dans ceux qui se sont présentés, elle a particu- lièrement distingué M. Fabre, notaire et maire de la ville de Paulhaguet, arrondissement de Brioude;

M. Gouy fils, propriétaire au lieu de Laschams, commune de Saint-Pierre-Eynac;

Gabriel Troubat, de la commune de Polignac.

Le (M. Fabre) a présenté deux chevaux de deux et trois ans, issus de la même mère et pro- venant de l’étalon le Chdtelain, du dépôt royal de Parentignac.

Il à aussi produit un taureau de race suisse, âgé de deux ans, de la pius grande beauté. Ce taureau provient de l’une des deux vaches laitières que M. Fabre a tirées de la Suisse.

Le (M. Gouy) a présenté deux pouliches de deux ans. Ces deux pouliches proviennent aussi de l’étalon Le Chätelain, et sont remarquables par leurs formes.

M. Gouy a de plus présenté un jeune poulain provenant de l’étalon l’Héritier, du même haras. Ce jeune animal n’étant point encore assez déve- loppé, pourra être présenté au concours prochain.

Le (Gabriel Troubat) a présenté un taureau, race du pays, âgé d’un an et d’une force remarquable.

Après avoir procédé à l'examen de ces divers élèves , en présence de M. Gire, artiste vétérinaire, et avoir pris son avis, votre Commission vous propose de décerner :

10 A M. Fabre, maire et notaire à Paulhaguet,

(25) une médaille d’or, pour avoir élevé deux pou- lains issus de l’étalon du haras de Parentignac; avoir introduit dans le département deux vaches de race suisse, et produit au concours un taureau de la même race.

29 A M. Gouy, propriétaire dans la commune de Saint-Pierre-Eynac, une mention honorable, pour avoir présenté deux poulains de deux ans, race du même étalon, et une pouliche d’un an.

39 À Gabriel Troubat, de Polignac, une prime de trente francs, pour avoir élevé et produit au concours un taureau, race du pays, d’une force et d’une beauté remarquables,

Il ne reste plas à votre Commission qu'à vous soumettre la Notice indicative des sujets de prix que vous vous proposez de décerner. Elle n’en- trera à cet égard dans aucun développement ; ceux qui ont paru indispensables ayant été pla- cés à la suite de chacun des articles dont se compose cette Notice. Vous remarquerez cepen- dant, Messieurs, que conformément à une de vos délibérations, le 26 septembre, veille de la foire de la Saint-Michel, a été invariablement fixé pour les concours des bestiaux, lesquels auront lieu dorénavant chaque année à pareil jour. A cette époque, les travaux les plus pressans sont ter- minés dans nos campagnes; cette circonstance et l'espoir de vendre plus avantageusement le len- demain les bestiaux qui auront été remarqués

(26 ) lors de leur présentation au concours, y atlire-

ront, nous osons l’espérer, un plus grand nombre de concurrens.

NOTICE INDICATIVE

Des Sujets de prix proposés par la Société, pour étre décernés en 1833 et 1834.

$. AGRICULTURE.

Des primes en argent, des médailles d’or, d'argent et de bronze, seront accordées aux pro- priétaires, cultivateurs ou fermiers qui auront satisfait aux conditions énoncées dans le présent programme , pour un ou plusieurs des sujets ci- après : %

19 Plantes oléiféres.

A ceux qui auront récolté la plus grande quan- tité de graine de colza, de pavot, de navette, ou

de cameline. Cette quantité ne pourra être moindre de cinq hectolitres, soit dix doubles boïisseaux ou grand carton delanouyellemesure.

20 Plantes fourragères vivaces.

À ceux qui auront semé la plus grande étendue en trèfle, luzerne, sainfoin ou esparcette, en ray- grass ou fromental.

Cette surface devra être au moins de 1200 toises carréespour le trèfle, et de Goo toises carrées pour les autres fourrages.

(27) 39 Récoltes enfouies en vert.

À ceux qui auront enfoui du lupin ou autres fourrages en vert sur l’espace de terrain le plus considérable. .

Certaines communes de l’arrondissement d'Yssingeaux retirent de grands avantages de l’enfouissement du lupin, au moment cette plante a pris tout son développement. L’introduction de

ce procédé, dans d’autres communes du département, serait un perfectionnemeut qui mérite d’être encouragé.

Culture du chanvre.

Aux agriculteurs des deux arrondissemens du Puy et d’Yssingcaux, qui auront semé en chanvre le plus grand espace de terrain.

Cet espace devra être au moins de 300 toises carrées.

Défoncemens partiels et successifs de terres arables ou incultes.

À ceux qui auront ouvert et comblé, dans l’es- pace d’une année, au moins 2000 mètres de tranchées , d’après le procédé de M. le comte de Macheco.

Ce procédé a été employé avec le plus grand succès par M. le comte de Macheco , dans sa magnifique terre d’Alleret. Elle con- siste à creuser à quelques mètres de distance les uns des autres, des fossés ou tranchées d’environ un mètre de large et d’une pro- fondeur déterminée par la nature du sol, dans lesquels on en- fouit les pierres éparses à la surface du champ. Les années sui- vantes, on ouvre de nouvelles tranchées dans l’intervalle des premières. L’on parvient ainsi à défoncer de grandes surfaces à bien moins de frais et avec autant de succès que par une seule opération, ordinairement ruineuse pour le propriétaire.

( 28 ) Charrues à La Dombasle.

Une prime sera accordée à chacun des trois agriculteurs ou fermiers de chacun des trois arrondissemens qui auront acheté les premiers une charrue à la Dombasle, du grand ou du petit modèle. Cette prime sera de 30 francs pour celles du grand modèle, et de 25 francs pour celle du petit.

Ces charrues, dont le travail remplace celui fait à la béche, coûtent, rendues au Puy, savoir : celle du grand modèle, qui demande deux paires de bœufs pour être convenablement manœu- vrée, 73fr. 5o centimes; celle du petit modèle coûte 59 francs, et ne demande qu’une paire de bœnfs-

MM. Dumontat et Treveys , membres de la Société, donneront les renseignemens qu’on pourra désirer pour se procurer ces charrues.

On pourra aussi s’adresser directement à M. Guimbal fils, fabricant d’instrumens aratoires, à Issoire.

Semis et plantations d'arbres résineux.

Aux propriétaires qui auront fait les semis plantations les plus considérables, selon l'étendue de leurs propriétés, en arbres résineux, tels que pins, sapins, épicéas , mélèzes, etc.

Des prix sont particulièrement réservés pour les semis ou plan-

tations exécutés dans les cantons de Pradelles, Fay-le-Froid et Pinols.

89 Pommiers à cidre.

À ceux qui auront planté à demeure la plus grande quantité de pommiers à cidre. Le nombre ne pourra être au-dessous de cinquante.

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MM. Jacquemet-Bonnefont père et fils, pépiniéristes à Annonay, peuvent fournir un grand nombre de ces pommiers.

Un prix sera aussi accordé à la personne qui aurait greffé avec succès, en pommiers à cidre, la plus grande quantité de sauva- geons. M. de Bonneville offre de fournir des greffes de variétés choisies aux personnes qui en désireraient. On en trouvera aussi

à la pépinière départementale, caserne Saint-Laurent.

Âivernage des bétes à laine.

Aux cultivateurs et fermiers qui auront fait passer l'hiver à leurs bêtes à laine dans des lieux

Put ile . aérés et ouverts, tels que des hangars ilssoient seulement à l'abri de la pluie et des neiges.

L'expérience a démontré que la plupart des maladies auxquelles sont sujettes les bètes à laines, proviennent de ce qu’on lestient, pendant l'hiver, dans des lieux trop chauds et pas assez aérés. Il est reconnu aussi que la laine de celles qui passent l’hiver dans des lieux aérés est d’une qualité supérieure.

Notre agriculture retirerait de grands avantages de l’introdue- tion de ce mode d’hivernage.

100 Amélioration des races d’animaux domestiques.

À ceux qui auront introduit dansle département, des taureaux et vaches pleines de race suisse ou de celle du Cantal; des moutons mérinos ou d’autres races choisies.

À ceux qui présenteront les plus beaux élèves en chevaux, mulets, taureaux, génisses et bêtes à laine, nés dans le département.

Ces animaux devront être présentés, au Puy, dans la cour de la caserne Saint-Laurent, à la Commission chargée par la Société deles examiner, en présencede l’artistevétérinaire du département.

La veille de la foire de la Saint-Michel est l’époque inve-

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riablement fixée pour le concours de bestiaux, lesquels auront lieu dorénavant chaque année et à pareil jour.

Les concurrens pour les prix ci-dessus devront, avant le 30 décembre 1833 et années suivantes, faire parvenir leur demande écrite à MM. Richond et Borie, docteurs en médecine, secré- taires de la Société , et l’accompagner de certificats délivrés par M. le Maire de leur commune. La Société se réserve de prendre connaissance , s’il y a lieu, des faits énoncés danses certificats.

$. COMMERCE ET INDUSTRIE.

Aux personnes qui auront introduit dans le dé- partement une nouvelle industrie; qui auront per- fectionné celles déjà existantes, ou qui auront ouvert au commerce de nouveaux débouchés.

$. SCIENCES ET ARTS.

La Société décernera aussi, en 1833 et 1834, dans ses séances publiques et annuelles, des mé- dailles d’or, d'argent et de bronze, aux auteurs des meilleurs mémoires,

19 Sur les améliorations dont l’agriculture et l’in- dustrie du département peuvent être susceptibles.

20 Sur un point quelconque de l'Histoire du département, sur ses antiquités, son histoire na- turelle, etc.

À l’auteur de la meilleure pièce de poésie, dont le sujet devra être pris dans l'Histoire du département, ou offrir un intérêt local.

A l’auteur du meilleur tableau ou dessin, de la meilleure lithographie ou gravure représentant un site ou un monument du département.

Les mémoires et dessins envoyés au concours devront porter

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une sentence et être accompagnés d’un billet cacheté renfermant cette même sentence et le nom de l’auteur. Les billets ne seront ouverts que lorsque les ouvrages auront été jugés dignes du prix.

Ils devront être adressés à MM. Richond et Borie, docteurs en médecine, secrétaires de la Société, avant le 30 septembre de l’année 1833 et suivantes.

Les mémoires et pièces de vers couronnés seront insérés dans les Annales de la Société; les tableaux, dessins, etc., seront exposés au Musée.

Les personnes de tous les pays sont admises à concourir, ex- cepté les Membres residans de la Société.

AAA AR AU AY LA UV VU UV AA A M A AV A AN A A AL UV AE AV VV VAL UE VU

RAPPORT

Sur l'usage de la Charrue de Roville;

Par M. DüumonTaAT.

L'AGRICULTURE qui, dans les pays voisins dunôtre, était arrivée à un si haut degré de prospérité, restait chez nous entièrement stationnaire. La dépense des travaux agricoles et le salaire des domestiques n'étaient plus en rapport avec les produits qu'on obtenait. Les grandes propriétés étaient négligées; les cultivateurs seuls donnaient à grands frais quelques soins à leurs terres; mais grace à l'excellente charrue de Roville , nous pou- vons espérer de voir bientôt nos domaines re- tournés comme les belles plaines de la Limagne d'Auvergne, et devenir fertiles comme elles.

Ayant été chargé de faire quelques expériences

(3)

avec la Charrue à la Dombasle qui était déposée au Musée, j'eus l'honneur de rendre compte de leur résultat, et il fut si satisfaisant , que plusieurs Membres de la Société d'agriculture, voulant pré- cher d'exemple , souscrivirent pour une forte commande de charrues, qui a été bientôt suivie d’une seconde ; MM. Bertrand, de Brive, de Mariol, de Jagonas, de Vertaure, Lafayette, deFerraignhe, de Bonneville, Marthory, Porral, Robert et moi, possédons chacun une ou plusieurs de ces char- rues perfectionnées ; mais cet instrument indis- pensable aux grandes propriétés ne suffisait pas pour obtenir toutes les améliorations dont elles sont susceptibles ,et ne voulant donc rien négliger pour obtenir un plus grand résultat, la Société a demandé d’autres instrumens modèles, et elle a pensé qu’une dépense aussi éminemment utile obtiendrait l'approbation des hommes éclairés et philantropes qui composent le Conseil général.

La charrue à la Dombasle, simple et solide dans sa construction, mérite à son auteur distingué la reconnaissance de tous les cultivateurs. J'ai fait labourer vingt cartonnées (1) de terres argileuses, quinze de granitiques, huit de volcaniques et dix d’alluvion : partout j'ai réussi admirablement. Il est cependant essentiel que les terres ne soient pas trop pierreuses, du moins qu’elles soient

(1) La cartonnée de 200 toises.

( 35

débarrassées de rochers; il ne faut pas non plus de trop grandes pentes, afin que le versoir puisse faire retomber la terre dans le sillon ouvert; ce- pendant j'ai labouré sans difficulté un terrain sur lequel on pouvait compter 15 pouces de pente par toise, et on rencontrait assez souvent des pierres de 6 pouces de diamètre, et même de plus grosses; au reste, cette charrue a l'avantage de pouvoir être contenue par le laboureur depuis 4 pouces jusqu’à 15 ou 16 de profondeur, ce qui démontre évidemment qu'elle peut servir dans presque tous les pays.

Un attelage d’une paire de bœnfs et deux paires de vaches m'a suffi pour la faire manœuvrer , et jaurais même pu diminuer le tirage dans les terres granitiques l'instrument reste constam- ment débarrassé de terre. Avec cet attelage, j'ai tracé des sillons de 13 à 14 pouces de profondeur ; la forme de ces sillons n’est point triangulaire comme celle que produit nos araires , qui laissent toujours une portion de terrain sans travailler entre deux; mais bien carrée et de quatorze pouces de largeur dans le fond. C’est dans ce fossé, bien nettoyé par le versoir, que la terre enlevée au sillon suivant se jette merveilleusement du haut en bas, en sorte que la terre est parfaitement retournée et renouvelée. Si des plantes ou des racines se trouvent sur le passage de la charrue, elles ne peuvent lui résister; car le tranchant du

5

(34) soc, en forme de demi-dard, fauche les perpen- diculaires dans leur base; et le coutre placé sur le devant, tout à côté du soc, est destiné à couper les transversales ou tracantes, quelque résistance qu’elles puissent présenter; ainsi, la surface du labour est débarrassée de tout ce qui peut nuire; elle présente une ondulation agréable à la vue et une élévation telle que la bêche ne sau- rait la donner, Je ne doute pas qu’un pareil labour puisse éviter la facon de celui qu’on est obligé de faire pour enterrer les semences, et qu'un simple

hersage doive suffire au printemps. En reconnaissant tait d'avantages, ne tiendrons-

nous pas le même langage qu’un cultivateur des environs de Rodez tenait à un membre de la So- ciété centrale d'agriculture de l’Aveyron, au sujet de ces charrues :

« Je ne puis plus, dit-il, regarder sans dégoût » le labourage de mes araires, depuis que j'ai vu » marcher vos charrues à la Dombasle; rien de » plus naturel que ce sentiment, répondit l’aca- » démicien; l’araire du pays entre dans le sol » comme un coin, en projetant à gauche et à » droite des éclats de terre et des mottes gazon- » nées, tout cela forme un labour aussi mauvais » au fond que hideux dans la forme. La charrue » de Roville découpe la terre et la renverse; en » outre, elle lui donne une élévation considérable » au-dessus du niveau du sol : on dirait qu'elle la

(35) » fait mousser. Le laboureur qui la suit des yeux » observe cet effet avec un mouvement bien vif » de joie et de plaisir. À mesure que l'instrument » avance, il croit voir se gonfler le sein de la » nourrice commune, que son araire ne savait » que déchirer et mettre en pièces. »

Cette comparaison ingénieuse, mais vraie, n’est point exagérée. J'ai vu aussi, dans le cours de mes expériences, des cultivateurs s’extasier en voyant la quantité de travail que faisait la charrue : travail qui ne peut se comparer pour la bonté qu'à celui de la bêche. Cette approbation d'agriculteurs routiniers donne la mesure de son excellence; car il faut de grands avantages pour déterminer nos paysans à changer leurs habitudes ou leurs méthodes.

Quelques personnes se sont récriées sur ce que tous les propriétaires ne peuvent point avoir les bestiaux nécessaires pour se servir de cet ins- trument; mais ilest une charrue moyenne qu’un fort cheval ou une paire de bœufs fait manœuvrer; elle fait le même travail que la grande, seulement elle s'enfonce moins profondément dans la terre; cependant j'ai tracé avec elle des sillons de 9 à 10 pouces de profondeur. Cet instrument n'ayant que la moitié de la longueur de laraire, est très-utile pour les petites pareelles, un grand attelage tourne difficilement; on peut même l’em- ployer dans les terres qui ont peu de fond et dans celles qui offrent des figures irrégulières. Fajou-

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terai que ces charrues sont parfaites pour faire les rigoles d'irrigation dans les prés. +

Jai essayé d'employer la grande charrue à défricher un pacage de dix cartonnées ; il était admirable de voir couper ces bandes de gazon avec la terre; c’est un ruban sans fin déroulé en spirale, dont l'épaisseur enlevée est de 9 à 10 pouces de hauteur sur 10 à 12 de largeur, suivant habileté du laboureur. Pour cette défriche, j'ai employé deux paires de bœufs, et jai pu retourner dans quatre jours, pour 32 francs, ce que n’ont pas voulu me faire des ouvriers, pour-100 francs, avec la bêche. Cet exemple, n’en doutons pas, engagera les cultivateurs à faire une plus grande quantité de prairies artificielles, puisque les frais de défrichement tant redoutés se réduisent à peu de travail. |

Je ne m’étendrai point surles premières difficultés que peuvent rencontrer les laboureurs. Jusqu'ici bien de gens ont écrit et donné d’excellens con- seils, soit pour se servir plus habilement de cet outil aratoire, soit pour billonner et conserver à la surface de la terre un niveau qui peut se cou- vrir d'inégalités , si on s’écarte de leurs moyens ; mais le travail que fait la charrue parle assez haut et est trop attrayant pour que les cultivateurs s’en dégoütent, et il est trop facile pour qu'ils ne parent pas aux inconvéniens signalés; il suffit d'indiquer qu’il est nécessaire de disposer le tirage

(333

de l’attelage de manière à ce qu'il fasse une ligne droite depuis le crochet de la charrue jusqu’au joug des premiers bœufs ; autrement un attelage incommode l'autre en le forcant à lever ou à baisser la tête. Je conviens qu'un soc plus long dans les terres argileuses conviendrait mieux et serait moins sujet à sortir de terre; mais on peut suppléer à cet inconvénienten alongeant le tirage; ce qui peut s’effectuer facilement en se procurant des anneaux ouverts qu’on ajoute à volonté.

Quant au billonnage, ou à la forme à donner au labour, il est déterminé par la situation des lieux passe la charrue; du reste, l'expérience en apprend bientôt plus que tous les livres. J’ai retourné cinquante cartonnées de terre en douze jours; la dépense à raison de 8 francs par jour, pour les bestiaux ou les hommes, fait 96 francs. Pour faire le même travail avec la bêche dans ces mêmes terres, il faut trois cents journées d'hommes, ce qui à z fr. fait 500 francs. Il y a donc économie de 2/3 dans la dépense, sans compter qu'on peut faire sa besogne en peu de temps et éviter par le désagrément d'être surpris par les pluies ou autres intempéries qui peuvent survenir.

J'aurais désiré pouvoir faire quelques expériences avec les nouveaux instrumens modèles qu'a recus la Société, et qui sont l’extirpateur à cinq bran- ches, la roue à cheval et le semoir; mais ils sont malheureusement arrivés trop tard, Dans un

(38 ) autre rapport, j'aurai l’honneur de vous faire con- naître les résultats que j'aurai obtenus. Heureux, Messieurs, si en favorisant l'introduction des ins- trumens perfectionnés et faisant apprécier tous leurs avantages, nous pouvons concourir à la richesse de ce département.

AAA A AA A AA A RAA AAA A A A A AS NS NU NAN VA VV UV AN Vs

RAPPORT

Sur des truffes noires trouvées ,en décembre 1831, dans l'ancien clos des Cordolicrs au Puy;

Par M. OppE-DuviLLaARs.

MESSIEURS,

Avant de recherchersi des truffes ont pu croître dans notre sol , soit spontanément, soit qu’elles y aient été introduites, il semble nécessaire de dire un mot sur ce végétal, le seul peut-être qui se dérobe entièrement aux rayons du jour , qui croisse et se multiplie sous une couche de terre plus ou moins épaisse, sans y adhérer par aucunes racines, ni par aucunes fibres,

De la famille des champignons, elles avaient été réunies par Linnée au genre Lycoperdon, Vesseloup. Mais les botanistes actuels ont pensé

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qu'elles devaient constituer un genre à part, le genre truffe, {uber.

Permettez-moi de vous rapporter la description

anatomique de ce champignon remarquable , d’après le dictionnaire classique d'Histoire natu-

» »? Cu »

»”

relle : « Le tissu de la truffe est formé de fila- mens ou tubes cylindriques articulés, et diver- sement unis entre eux par leurs extrémités, blancs , transparens et ne renfermant aucuns corps étrangers ; entre ces filamens se trouvent des vésicules sphériques plus ou moins déve- loppées, dans l’intérieur desquelles naissent les corps reproducteurs ; Ce sont de petites sphères brunes, dont la surface est déjà hérissée comme celle des truffes, et que Turpin nomme truff- nelles. Elles sont au nombre de trois ou quatre dans chaque vésicule. Ces corps reproducteurs se répandent dans le sol après la destruction de la truffe mère, qui se réduit en une sorte de pâte ou bouillie. Les petites truffes prennent leur accroissement dans la terre sans puiser leur nourriture autrement que par toute leur surface. »

L'on distingue quatre espèces de truffes : la

grise, la musquée, la blanchâtre et la comestible,

ou truffe noire. Les deux dernières espèces se

trouvent dans l'Ardèche et la Drôme; la truffe

blanchàtre croit en été, elle est à peine recouverte

de quelques millimètres de terre; elle se conserve

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moins et n’est pas aussi estimée que la truffe noire. C’est celle-ci que l’on nous apporte du Viva- rais et qui à été découverte dans le clos de M. Dugone. Elle appartient aux climats tempérés; on la trouve depuis la fin de l’automne jusqu’en hiver, ordinairement dans les bois de chêne, de châtaigniers et de charme, à dix ou quinze cen- timètres de profondeur, dans les terres légères argilo-sabloneuses, un peu ocreuses. Ces indica- tions ne sont pas absolument exclusives : elles peuvent se rencontrer ailleurs que dans les bois et dans des terrains un peu différens-

Je me hâte d’en venir à l’intéressante décou- verte de truffes noires dans le clos de M. Dugone. Elle fut faite vers les premiers jours du mois de décembre dernier, par le jardinier, en piochant une plate-bande qui longe une allée de tilleuls, à l'aspect du levant, sur une longueur de plus de trente mètres. Un petit mur soutient le terrain de l'allée élevée au-dessus de la plate-bande d’environ un demi-mètre. Une rangée de pommiers nains déjà vieux est adossée au mur; le rang des tilleuls le plus rapproché n’est guère qu'à deux mètres, et à un peu moins d’autres deux mètres, vis-à-vis le mur, existe une autre rangée de pommiers en espaliers, en sorte que l'étroite plate-bande se trouve ombragée de tous côtés ; et comme elle est encore dominée par Vallée, les feuilles des arbres y forment constamment une couche de litière

ms tatin

(41) pendant l'hiver. Les truffes furent rencontrées et dans toute la plate-bande, mais surtout au pied des arbres et près de leurs racines. On en recueillit environ une cinquantaine de la grosseur d’une noix muscade, excepté deux qui pouvaient être de la dimension d'une pomme moyenne.

Le 28 janvier , nous nous transportämes sur les lieux avec un de nos collègues qui eut la complai- sance de nous accompagner. La terre ayant été fouillée devant nous, en quatre endroits différens, nous vimes extraire de deux de ces endroits quatre truffes.

Comme les premières qui nous avaient été mon- trées, elles étaient noires à l’extérieur, hérissées de tubercules prismatiques , brunes intérieure- ment, marbrées de veines blanchâtres, fort odo- rantes, en tout semblables aux truffes noires du Vivarais , et d’une qualité non moins bonne.

Le terrain qui les recelait est un humus sablo- neux. Notre collègue, M. Deribier, a bien voulu en faire l'analyse; voicile résultat de son opération:

Sur cent parties de cette terre séchée convena- blement et soumise à des lavages multipliés pour en séparer les parties solubles dans’ l’eau, et sus- ceptibles d'y rester en suspension pendant une minute, 1l s’est trouvé au fond du vase cinquante- six parties de sable graveleux, composé de débris de roches volcaniques, de fragmens de quartz et de petits morceaux de plâtres, ou de débris de

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ciment, de chaux et de sable. Les sédimens pro- venus des divers lavages ont donné aussi sur cent parties :

Humus provenant de matières animales ou végétalest 45-2030 0575.02" 20 "parties

Carbonate de chaux............. 15

Duidesderféranani Sax AUD UNI

Silice et alumine..5..........1. 50

TOTAL sets KÉOO

Quoiqu'il y ait quelques rapports entre le climat et le terrain de l’enclos de M. Dugone, avec le climat et les terrains la truffe croit habituelle- ment, nous ne pensons pas que l’on doive pré- sumer que la truffe noire soit indigène du creux du Puy. Si cela était, on y en aurait probablement trouvé depuis long-temps. Ce n’est pas une de ces plantes qui restent inapercues faute d'observation; leur parfum est trop remarquable, elles sont trop recherchées , pour qu’elles n’eussent pas atüré l'attention. Il nous semble donc que les truffes découvertes chez M. Dugone y ont été semées fortuitement,

La moindre-de leurs parties renferme, comme

nous J’avons rapporté, des vésicules remplies de corps reproducteurs ou truffnelles. Il suffit que quelques débris de ces champignons aient été mélés aux fumiers qui ont servi d'engrais à la plante-bande, pour que, dans des circonstances

(45) favorables, ils se soient développés et multi- pliés.

Nous n’ignorons pas que jusqu'ici, la plupart des tentatives qui ont eu lieu pour la propagation des truffes sont restées sans succès. On rapporte, entre autres expériences à ce sujet, que des Api- cius modernes ont fait transporter à Paris de la terre du Périgord avec les truffes qui y étaient nées, sans qu’elles aient pu s’y reproduire; mais ce fait ne prouverait pas l'impossibilité de la réus- site, Le climat de Paris, la nature du sol sur lequel la terre Wauspuitée avait été déposée, l'aspect, le voisinage des corps environnans, pouvaient être contraires à la truffe; peut-être aussi l'influence de certains végétaux lui est-elle nécessaire. Elle ne croît guère, à ce qu'il paraît, qu’auprès des racines des arbres. Le chevelu de ces racines, qui n’est autre chose qu'un amas de tubes déliés, aspire les sucs propres à nourrir les tiges et sécrète en outre une humeur qui imprègne la terre envi- ronnante. Cette double action la rend ou apte, ou impropre à produire certaines plantes. Qui peut comprendre comment les différens corps organisés ou non réagissent les uns sur les autres ?

Les terrains incultes des bois recèlent plus par- ticulièrement les truffes, L'ombre, la litière des feuilles tombées, les émanations des racines ou autres causes qu'on ne saurait définir sont, sans doute, indispensables à leur développement. Mais

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quand les conditions voulues par la nature se rencontrent dans les lieux on les transplante , elles doivent s’y multiplier.

Combien de semences que lon n’est parvenu à faire germer qu'avec les plus grandes difficultés ! Que de tentatives infructueuses, avant d'imaginer la méthode de la stratification , sans laquelle les semis des graines de plusieurs arbres, entre autres celles du sorbier des oiseleurs, ne lèvent jamais!

Il est donc raisonnablement permis d'espérer de voir multiplier quelquefois les truffes noires , si l’on est assez heureux pour rencontrer un ter- rain qui leur soit approprié.

L'allée de tilleuls, les plantations de pommiers, qui avoisinaient de partout celles dont nous nous occupons, et ce qui est à remarquer, l'état du terrain laissé depuis deux ans sans culture , leur offraient, sans doute , les accidens favorables des bois. Le climat et le sol de l’enclos des Cordeliers ne sont pas sans analogie avec le climat et le sol des lieux l’on a coutume de les trouver : elles ont done pu y croître et s’y reproduire.

Depuis que ce rapport a été fait, s’est écoulée l’année 1832, l’une des plus sèches qui se soient vues : aussi la croissance des végétaux auxquels l'humidité est le plus nécessaire , a été singulière- ment contrariée, entr’autres celle de toute espèce

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de champignons, notamment des truffes, dont le prix élevé constate assez la rareté. Néanmoins, malgré une saison si peu propice, elles se sont reproduites dans le clos de M. Dugone, en pareil nombre que l’année précédente; seulement elles étaient encore plus petites et moins parfumées, ce qui ne peut être attribué qu’à l'extrême séche- resse de l’année. Ces nouvelles truffes se trouvaient groupées autour de celles que M. Dugone avait eu la précaution de laisser pour semence, et qui étaient encore reconnaissables à la moisissure blanche de leurs débris,

Voilà donc une nouvelle récolle de truffes bien constatée. Elle doit suffire pour encourager et faire espérer la réussite de quelques-uns des essais que lon pourrait faire afin de les naturaliser dans notre pays, en en semant de fraiches dans des terrains légers et sabloneux, sur la lisière des taillis de chêne ou aux bords des charmilles et des plantations de pommiers, à l’aspect du levant.

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AAA NAS UV VV ANR AR MAN AAA AU AAA AU AAA AA AV AV ANA AU LA A

DE L'AMÉNAGEMENT Et de l’Exploitation des bois de pin dans les environs du Puy ;

Par M. BERTRAND DE DOUE.

Parmi les étrangers qui viennent au Puy pour la première fois, il n’en est aucun qui ne soit plus moins choqué du singulier aspect que présentent les bois de pins qu'il apercoit aux approches de cette ville. On dirat une espèce différente de celle qui peuple nos futaies; peut- être même plus d’un botaniste hésiterait-il avant de reconnaitre dans ces troncs écourtés et dif- formes, dans leurs rameaux tortueux s’élevant à peine à 6 ou 10 pieds de terre, l'arbre dont le port est si majestueux lorsque, sur un sol plus pro- fond, il est livré à la seule nature.

Mais tout chétifs que paraissent ces bois, les produits de la tonte périodique à laquelle on a imaginé de les assujétir rachète bien amplement aux yeux de l’agriculteur ce que leurs formes, dégradées par cette opération, ont de désagréable.

Je me suis proposé, dans ce Mémoire, de faire connaître par quels procédés à-la-fois simples et ingénienx, de pauvres paysans sont parvenus à dompter un arbre aussi rebelle que le pin, à le

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réduire en coupes réglées, et à couvrir de ces taillis d’une nouvelle espèce plusieurs milliers d'hectares de tout ce qu'il y a de plus mauvais terrain dans un rayon d'environ deux lieues au- tour de la ville.

Le mode particulier d'élagage, si parfaitement approprié à la nature du pin au moyen duquel on a obtenu ces importans résultats, ne parait pas avoir fixé jusqu'ici l'attention des écrivains agronomes. M. Bosc est peut-être le seul qui en ait fait men- tion. Il dit à l’article Pin, du Nouveau Cours complet d'Agriculture : que « dans la ci-devant » Auvergne on forme des tétards avec les pins, » c’est-à-dire, qu'on leur coupe la tête, et tous les » trois ou quatre ans une partie des branches » latérales. Il ne lui a pas paru, ajoute-t-il, que » ce mode d'exploitation offrit des avantages, et » 1l est plus coûteux que celui généralement » adopté. »

Nous nous garderons bien d'adopter cette conclusion, qu'un savant aussi distingué n'aurait pas hasardé s’il n’eût été induit en erreur par des renseignemens inexacts sur le pays est pra- tiqué ce mode d'exploitation, ainsi que sur ses produits. Disons, au contraire, d’après lexpé- rience et la connaissance des lieux, qu'il est le seul qui puisse y être employé, et que nul autre n’y serait aussi profitable. Si les environs du Puy sont préservés de la disette du bois de chauffage

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qui commencait à s’y faire sentir, nous en sommes bien certainement redevables à ces forêts de la petite propriété que chacun peut créer presque sans frais ‘sur les plus mauvaises parcelles de son héritage, dont on entre en possession au bout de quelques années, et qui suffisent et au-delà à la consommation de ceux qui les ont plantées (1).

En engageant les propriétaires qui désireraient se livrer à la culture du pin à mettre en pratique les principes d'aménagement qui vont être indi- qués , je n’exagérerai pas les avantages qu'ils peu- vent en espérer. Les terrains incultes ou de nature inférieure qu'ils y consacreront , acquerront, sans aucun doute, nne grande valeur relativement à leur valeur actuelle ; mais, comme certains agro- nomes, je ne les bercerai pas de lespoir d’une fortune millionnaire (2), l'expérience est pour nous apprendre que le prix des produits agricoles décroit à mesure qu'ils sont plus abondans. Déjà autour du Puy où, à la vérité, la culture du pin en taillis ou sur souche s’est propagée au point

(Gi) Ces bois fournissent en très-grande partie à l’énorme con- sommation de combustible qui se fait dans les campagnes depuis que la pomme de terre est devenue une partie essentielle deleur subsistance. Ils alimentent-plus de 150 fours de boulanger, ainsi que ceux à plâtre et à poterie du Puy et de Charensac. Les seules tuileries de Fay consomment plus de 60,000 fagots.

(2) Voyez le Traite pratique de la culture des pins à grandes dimensions, par L. G. Delamarre. Paris, 1831.

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que le cinquième de la surface de certaines com- munes en est actuellement couverte; le prix de la garne du fagotage qui en fait le principal pro- duit a baissé de plus d’un quart. Il faut bien que le cultivateur y trouve encore son compte, car il ne cesse de planter.

&. I. Des terres que l’on plante en pins.

Les auteurs qui ont traité de la culture des arbres résineux s'accordent à représenter le pin sylvestre on commun, qui est celui qui forme le fonds de nos bois, comme un des plus robustes. L'expérience prouve en effet qu'il pent croître au moins pendant un certain nombre d'années dans les plus mauvaises terres, même dans celles qui se refusent à nourrir toute autre espèce d'arbre, Les argiles et les marnes pures, les bas-fonds inondés par des eaux stagnantes et les rochers basalliques, impénétrables à ses racines, sont à peu près les seuls emplacemens dans: lesquels il ne peut réussir.

Il n'est pas plus difficile sur les expositions Ainsi que la plupart des arbres de cette famille, il préfère celle du nord; mais différent en cela du sapin, du laricio et de plusieurs autres espèces, il ne craint pas d'être placé au midi. Lorsqu'il est réduit en taillis, il y brave la sécheresse et les vents dont il ne pourrait se garantir s'il était en futaic.

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Aussi nos paysans ne s'inquiètent-ils ni de l'aspect ni du sol. Ont-ils quelques côtes arides et escarpées, des terrains vagues une herbe rare peut à peine pousser, la moindre veine de de terre parmi les rochers, un mauvais champ qu'ils ont fini par laisser en friche après y avoir dix fois perdu et leur travail et leur semence, voilà les emplacemens choisis qu'ils destineront à une pinatelle (1). Pourvu que les jeunes pins qu’ils y transplantent résistent aux sécheresses d’un pre- mier été, ils savent que le succès en est à peu près assuré. Il ne leur restera plus qu'à remplacer pendant un an ou deux les pieds qui auront man- qué et qui seront d'autant moins nombreux qu’on aura apporté plus de soin dans leur transplantation.

Mais supposons un instant ces pins abandonnés à eux-mêmes sur un sol pareil. Pourra-t-on raison- nablement s'attendre à les voir acquérir un certain développement? En d’autres termes, y a-t-1l possi- bilité de les aménager en futaie ? Non, sans doute. On peut en juger par ceux qui dans quelque coin écarté échappent parfois à la hache du bücheron. A mesure que la tige principale s’allonge, elle se dégarnit de ses branches inférieures; au bout d’un petit nombre d’années, le jet terminal s'arrête à la

(2) C’est le nom que donnent les paysans aux bois de pin taillis, par opposition à celui de latteyre (de lattes, solives), qu’ils réservent aux futaies.

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hauteur de 8 ou 10 pieds; bientôt la tête se rabougrit, le tronc cesse de grossir, les vaisseaux s’obstruent par l'accumulation de la résine. Ce pin est gâté, disent nos paysans; c’est qu'alors en effet il est trop tard pour ranimer une végétation qui s'éteint, et que l’on eût entretenue en sup- primant la partie supérieure du tronc, ou, selon expression peu exacte mais consacrée par l’usage, en le réduisant en souche ou en taillis.

C’est ainsi seulement que des côtes arides, telles que celles de Peyredeyre et de la Roche- Rouge, que certains plateaux basaltiques à peine revétus de quelques pouces de terre végétale et que les scories amoncelées sur les flancs de nos anciens cratères ont pu nourrir les bois qui mas- quent leur triste nudité et fournir d’utiles res- sources contre la rigueur de nos longs hivers.

Ce serait toutefois donner une fausse idée de ces bois de pin, que de les représenter comme étant tous situés dans des terres décidément im- propres à tout autre genre de culture. Un bon nombre de propriétaires mieux éclairés sur leurs intérêts, après avoir comparé le produit de leurs bois de pin avec ce que rapportent les champs de qualité inférieure , ont reconnu qu'il y avait plus de profit à planter ces derniers, que de s’obstiner à les cultiver à grands frais pour en retirer à peine le montant des travaux. Les mauvaises pièces de champ situées sur des pentes rapides et exposées

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aux dégâts des eaux qui en entrainent la terre, celles trop éloignées du manoir pour y transporter commodément les fumiers, ont été plantées en bois. Propriétaires, fermiers, cultivateurs, tous n’ont eu qu’à s’en féliciter. La surveillance, les engrais, les travaux, concentrés dans un moindre espace, sur des terres plus rapprochées et plus susceptibles d'amélioration , y ont fait recueillir à moindres frais de plus abondantes moissons. Cet excédant a dédommagé et au-delà des faibles et incertaines récoltes auxquelles on avait su re- noncer ; le produit de ces bois a été tout bénéfice.

Ce n’est pas tout : au bout de quelques années, pendant lesquelles on a en éloigner les trou- peaux, ceux-ci ont trouvé, sur un sol jadis aride, un herbage plus ou moins abondant; car le mode d'aménagement des bois de pin, tel qu'il est usité autour du Puy, offre encore cet avantage, qui n’est pas. à mépriser dans un pays l'éducation et l’engrais des bestiaux forme une branche im- portante de l'industrie agricole. On a remarqué en effet que tandis que sous les futaies de pin on n’apercoit le plus souvent que de la mousse mélée à quelques écorces et à des piquans des- séchés, les pins réduits en taillis et situés dans des terres et des expositions analogues laissent croître une herbe peu délicate, il est vrai, mais dont les moutons s’accommodent très-bien. Dans certaines saisons, et à défaut d'autre nourriture

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en quantité suffisante, ces animaux tronvent à se nourrir aux dépens des branches inférieures qu'ils dépouillent de leurs feuilles et des plus jeunes pousses, mais ordinairement sans de grands dom- mages pour les branches réservées pour la coupe, qui sont en général hors de leur portée. Mais comme ils s’attaquent aussi aux jeunes pins qui fournissent au repeuplement naturel des bois, on fera bien de leur en interdire l'entrée vers la fin de l'hiver et dans les premiers jours du printemps, époque ces animaux sont le plus affamés.

Concluons que le pin peut être planté avec avantage à toutes les expositions et à peu près dans tous les terrains de qualité inférieure ; que sur ceux qui sont extrèmement maigres, la réduc- tion en taillis est indispensable pour entretenir leur végétation et en tirer parti; enfin, que lon ne doit se dispenser de cette opération et disposer ses pins en futaies que un sol plus profond ou plus riche leur permettra d'acquérir tout le développement dont ils sont susceptibles.

$. II. Des Sernis.

Des différens moyens usités pour créer un bois de pin, le plus naturel et le plus simple, celui dont on peut se promettre le plus de succès, serait, à ce qu'il semble, de faire un semis à démeure.

Il est facile en effet de se procurer de la graine qu'on sèmerait à peu de frais, puisqu'il suffit de

(54) la recouvrir avec un râteau, après avoir gratté la terre à deux ou trois pouces de profondeur ou l'avoir labourée légèrement, on aura pu se servir de la charrue.

Le plant sorti et garanti, s'il est possible, par quelques abris, contre les coups de hâle qui quel- quefois le font périr par centaines, on n'aurait, pendant les premières années, qu’à le garantir de la dent des bestiaux.

Au bout de trois ou quatre ans, un premier éclaircissement, lorsqu'il serait jugé nécessaire, fournirait du plant excellent pour peupler les clairières ou être transplanté ailleurs.

Plus tard enfin, lorsqu'on aurait à procéder à l’espacement définitif des pins destinés à demeurer en place, le produit des pieds intermédiaires qu'on serait obligé de couper dédommagerait et au-delà le propriétaire de toutes ses avances.

Malheureusement la voie du semis, dont je viens d'indiquer rapidement les principales opérations, n’est jamais employée par nos cultivateurs; et parmi les propriétaires qui ont voulu l'essayer, 1l y en a bien peu qui aient eu à s’en louer. Sans m'arrêter à rechercher s'ils n’ont pas réussi faute d’avoir pris les précautions nécessaires, si c’est parce que la nature des terres que l’on met en bois est peu favorable aux semis, ou bien enfin parce que notre climat exige qu'on prenne des soins particuliers pour garantir le jeune plant du

(55 ) hâle, je renverrai les personnes qui voudraient faire de nouveaux essais, aux ouvrages d’agricul- ture, elles trouveront à cet égard tous les renseignemens qu’elles peuvent désirer. C'est surtout des procédés suivis dans le pays, dont j’ai à rendre compte.

$. IL. De la transplantation.

Ce procédé est, comme je viens de le dire, exclusivement employé aux environs du Puy. Ilest économique, d’une pratique facile et convient par- faitement aux habitudes de nos cultivateurs. Il consiste à faire arracher soit dans ses propres bois, soit dans ceux de ses voisins, lorsqu'ils sont suffisamment peuplés, les jeunes pins nécessaires à la plantation projetée. On trouve aussi dans quelques communes des ouvriers qui se chargent tout à la fois de les fournir et de les planter au prix extrêémement modique de 6 ou 7 francs le millier. Ils s’obligent même à remplacer ceux qui auront péri la première année; c’est ce qu'ils appellent garantir leurs plantations; mais l’expé- rience à prouvé que, malgré ce bon marché appa- rent, il y a plus d'avantage à se procurer soi- même le plant nécessaire et à le faire déraciner et mettre en place par ses propres ouvriers.

Voici de quelle manière s’y prend le plus grand nombre.

Dans les mois de février, mars et avril, quelque-

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fois en novembre ou décembre, lorsque le temps le permet, on fait arracher dans de vieilles pina- telles, du plant de deux, trois ou quatre ans qui s'y trouve certaines années en assez grande quan- tité. On choisit celui qui n’a pas plus: de trois à quatre pouces, parce qu'on a remarqué que la reprise en est plus assurée. On a soin aussi de ne pas toucher aux jeunes pins placés de manière à pouvoir regarnir les clairières, et l’on prend de préférence ceux qui sont trop rapprochés des anciennes souches ou qui se nuiraient récipro- quement en grandissant. Au moyen de ces pré- cautions, on fait peu de tort au repeuplement naturel du bois dans lequel à lieu enlèvement du plant. Le mieux serait, sans doute, de lever ce plant avec la motte, de le ranger avec précaution dans des corbeilles et de le placer ensuite dans des trous préparés à cet effet. Le succès serait alors assuré. A peine les jeunes pins s’aperce- vraient-ils de la transplantation. Mais ce n’est pas ce qui se pratique, et j'avoue que ce procédé ne peut pas être employé dans le plus grand nombre de cas.

En général, on tire avec précaution les jeunes pins hors de terre après qu’elle a été soulevée à la pioche et de manière à ne point endommager les racines; d’autres moins soigneux, les arrachent à la main. Ils les mutilent alors plus ou moins, au grand dommage de leurs plantations.

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Si le bois dans lequel on prend les jeunes pins était à proximité du lieu l’on veut les placer, on ferait bien de n’en arracher le matin que la quantité qu'on croit pouvoir en planter dans le reste du jour, de les réunir en petits paquets que lon garantirait avec soin du moindre coup de soleil et que l’on mettrait en jauge en arrivant sur les lieux pour les prendre au fur et mesure du besoin. Mais le plus souvent, on déracine son plant quand on en a le temps. On en fait de gros paquets qu'on laisse dessécher ou que l’on met en jauge dans un coin de jardin pour les planter à son loisir, J’ai même vu les hommes qui plantent les jeunes pins au millier , après les avoir arrachés avec précipitation partout ils pouvaient en dérober , les laisser ensuite séjourner un mois ou deux avant de les mettre en place. Faut-il s'étonner si de certaines plantations réussissent si mal!

Enfin, de manière ou d'autre, on s’est procuré les pins nécessaires à sa plantation. Il ne s’agit plus que de les mettre en place. Cette opération est extrêmement simple et laisse peu à désirer, lorsqu'on y apporte quelques soins. L’ouvrier qui en est chargé ouvre, en trois ou quatre coups de pioche, une petité fosse plus profonde que large. Il ramène vers ses pieds la terre qu'il a remuée et la dispose en dos d'âne sur le bord même du trou. Il prend ensuite nn pin dans le petit paquet ou dans le panier qu'il a déposé près de lui et le

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place le plus d’aplomb qu'il est possible , de manière que les racines atteignent le fond du trou, et que sa tige s’appuie contre le petit tas de terre qu'il en a retiré. Alors s’avancant d’un demi-pas, il donne en avant du trou quelques autres coups de pioche, ramène la terre contre le jeune pin, en ayant soin que la plus meuble soit immédiatement placée sur les racines, et après l'avoir ainsi cou- vert, il consolide le tout en pressant avec le pied et placant dessus une pierre ou deux, sil yena à sa portée.

Lorsque la terre n’est pas trop endurcie, un ouvrier peut planter jusques à 3 et 400 pins par jour. Il en forme des lignes ou rangées qu'il dirige en allant de bas en haut dans les terrains en pente. S'ils sont plusieurs ouvriers, chacun fait sa rangée et dispose ses pins en échiquier, par rapport à ceux de son voisin.

On laisse ordinairement un intervalle de cinq, six ou sept pieds entre les rangées et autant d’un pin à l’autre. Cette distance pourrait, sans incon- vénient, être portée jusqu'à huit ou neuf pieds dans les terrains un peu profonds l’on prévoit que les pins acquerront une certaine grosseur. Supposons qu'ils soient espacés de 6 pieds, 200 en- viron suffiront pour garnir une cartonnée de 180 toises carrées et un peu moins de 3000 pour un hectare. En évaluant les dépenses au plus haut et sans avoir recours aux ouvriers qui plantent au

(59) millier, on voit que les frais de plantation d’une cartonnée s’élèveront au plus à 2 francs et pour un hectare de 25 à 30 francs.

Cependant si l’on avait du plant en abondance, relativement à l'étendue de la pièce qu’on se pro- pose de convertir en bois, il y aurait de l'avantage à planter beaucoup plus serré, à 2 ou 3 pieds par exemple. On pourrait alors se dispenser de rem- placer les pins qui n’auraient pas réussi, et au bout de quelques années, coupant au pied les moins vigoureux ou les plus rapprochés, sans toucher à ceux destinés à demeurer en place, on se trouverait couvert et au-delà de ses frais de plantation.

Encore quelques considérations sur la trans- plantation des pins.

La première est relative à l’époque la plus con- venable pour cette opération, que nos paysans exécutent, ainsi que je lai déjà dit, en novembre et décembre, ou bien en février, mars et avril, selon qu’ils en ont le temps et avec un succès varié, Cependant je reconnais avec tous les auteurs qui ont traité des arbres résineux, qu'il faut choisir le moment ils entrent en sève et leurs boutons commencent à gonfler, pourvu toutefois , ajouterai-je d’après mon expérience, que la transplantation ait lieu #nmédiatement après que les jeunes pins ont été déracinés. Hors ce cas, je crois qu'il est plus avantageux de les

( 60 ) planter un peu avant qu'ils entrent en végétation, c’est-à-dire , en mars ou au commencement d’avril. Cependant certains propriétaires trouvent que les jeunes pins résistent mieux à la sécheresse , lors- qu'ils ont été plantés en novembre ou décembre.

Une recommandation non moins importante est de choisir, pour faire sa plantation, un temps couvert et brumeux s’il est possible. Zes racines de ces arbres et de leurs congénères sont, dit M. Bosc, si sensibles au hdle, qu'une heure d'exposition à l'air, lorsqu'il nest pas brumeux , suffit pour les frapper à mort. Aussi conseille-t1l de les tenir à l'abri de Fair dans des pots ou dans des paniers, ou bien de tremper leurs racines, aussitôt après leur sortie de terre, dans un gâchis formé de bouze de vache, de terre franche et d’eau par portions égales.

C’est, sans aucun doute, parce qu'on néglige ces précautions et que sans soupconner le danger, on laisse les jeunes pins exposés à l’air et au soleil, qu'on voit aussi souvent manquer des plantations, sans pouvoir en assigner la cause.

Je regarde enfin le moment la terre est saturée d'humidité après la fonte des neiges ou des pluies abondantes, comme étant une circonstance: très-favorable à la transplantation des pins. On y trouve en effet le double avantage deles mieux déra- ciner et d’en assurer la reprise par un contact plus immédiat des racines avec laterre qui les recouvre.

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Ainsi donc, en résumé, les plantations faites en mars et avril, dans une terre humide, par un temps sombre et brumeux, avec des sujets bien déracinés et immédiatement mis en place, seraient celles qui offriraient le plus de chances de succès, surtout si le sol dans lequel on opère a un peu de profondeur et s’il ne survient pas de trop grandes sécheresses pendant l'été suivant.

&. IV. Des soins à donner aux jeunes bors.

Quelques soins que l’on ait donné à la trans- plantation des jeunes pins, il est bien rare que dès l’année suivante on n’ait à en faire remplacer un certain nombre que la sécheresse d'autres accidens font ordinairement périr. On sera peut- être obligé d'y revenir une seconde et même une troisième fois , pour ne pas laisser de vide entr’eux et mettre à profit son terrain. Les frais de ces rem- placemens se réduisent, en général, à peu de chose.

Un soin non moins important, aussitôt que l’on a terminé sa première plantation, est d’en écarter les bestiaux. Que dans les premières années une vache pose le pied sur un jeune pin, c’est autant de perdu; mais ce dommage est peu de chose en comparaison des dégâts qu'occasionera un trou- peau de moutons, s'il parvient à s’introduire dans une pinatelle nouvellement plantée. Des pins dé- racinés, d’autres broutés jusqu’au collet, un plus grand nombre dont le jet principal a été coupé,

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sont les traces fâcheuses que ces animaux laissent de leur passage. Le danger diminue lorsque l’œil terminal est parvenu à environ trois pieds de hau- teur hors de la portée des moutons. Encore ceux- ci font-ils beaucoup de mal en broutant les pousses latérales dont ils arrêtent le développement. Si le bois est habituellement livré au parcours des moutons, on voit les jeunes pins prendre la forme d'une pyramide qu’on dirait taillée avec des ciseaux et qui rappelle les ifs des anciens jardins francais. Ceux qui ont été ainsi tronqués ou rabougris languissent plusieurs années avant de reprendre leur jet. Le moment l’on pourra commencer de les couper est retardé d'autant.

Deux autres ennemis des jeunes pins sont en- core à surveiller, si l’on veut les voir prospérer. Le premier, est un insecte que je crois appartenir au genre charancon et qui se loge dans les pousses de l’année on l’apercoit au printemps, lors- qu’elles commencent à s’allonger. Il s'y introduit par l'extrémité supérieure, parcourt le tube de la moëlle, dont sans doute il se nourrit, et sort quelque temps après par l'extrémité inférieure de la pousse, qui d’abord se flétrit et ensuite se courbe et se dessèche. Cet insecte que l’on re- marque plus particulièrement sur les jeunes pins, peut-être parce que ses ravages y sont plus aisé- ment apercus, s'attaque aussi à ceux d'un âge plus avancé et fait périr leurs jets les plus

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vigoureux. Combien de beaux arbres déjà dis- posés en futaie ont été ainsi privés de leur flèche et tout-à-coup arrêtés dans leur accroissement! Là, il n’y a point de remède; mais, dans de jeunes pinatelles, il sera facile d'arrêter la trop grande multiplication de ces insectes, en coupant les jeunes pousses très-reconnaissables dans lesquelles ils sont logés et en les écrasant.

Les chenilles dites du pin, sont des ennemis non moins redoutables (1). En automne, elles se renferment dans de gros cocons formés de soies blanches, fortement entrelacées et dans lesquels elles bravent les froids les plus rigoureux. Les jours la température s’adoucit, elles en sortent le matin en troupes nombreuses pour se nourrir des feuilles du pin auquel il est attaché et y rentrent chaque soir.

Au printemps, elles labandonnent peu-à-peu , se répandent sur les arbres voisins, en dévorent les feuilles et les en dépouillent quelquefois entiè- rement. En 1830 et 1831, elles causèrent les plus grands dégâts. Dans les bois autour de la Roche- Rouge, sur un espace considérable, elles n’avaient pas laissé une seule feuille. Les arbres ainsi dépouillés et couverts seulement de nombreux cocons, présentaient un coup d'œil hideux. Un

(:) Cette chenille est la larve de la phalène du pin (pha- læna pinaria, Fabr. ).

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grandnombre périrent. Les autres ne-se remettront jamais de ce qu'ils ont souffert pendant ces deux étés. Croirait-on que ce spectacle affligeant ne put arracher les propriétaires de ces bois à leur incon- cevable indolence, et que les avis, les menaces même de lautorité ne purent leur faire com- prendre leurs véritables intérêts. On vit au con- traire d’autres bois situés à peu de distance de ceux qui furent ainsi ravagés et dans lesquels on avait remarqué lautomne précédente une aussi grande quantité de cocons, être complètement préservés par la précaution que prirent les pro- priétaires de les faire enlever et brüler dans le cours de l'hiver. Cest le moyen aussi facile qu'assuré de détruire ces chenilles,

$. V. De l'exploitation des bois de pin.

Après avoir indiqué les précautions à prendre pour la conservation des jeunes bois de pin, …l reste à faire connaître les procédés employés pour leur exploitation, lorsqu'ils ont atteint l’âge con- venable pour subir lopération du dépointage. C’est ordinairement après 10 ou 12 ans de trans- plantation qu’elle doit être faite dans les bois qui ont été soigneusement garantis des bestiaux. Il en faut 15 à 18 pour ceux que, par des motifs quel- conques , on a consenti à livrer au parcours. 8 ou 9 ans suffiraient pour les bois provenant de semis faits en place.

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Les pins ont pour lors atteint 6 à 8 pieds de haut. Leurs verticilles supérieurs indiquant autant de pousses annuelles, sont éloignés les uns des autres d'environ un pied. C’est le moment de leur plus grande vigueur. Il faut se garder de le laisser échapper. Encore deux ou trois ans, leur végéta- tion se ralentirait; la sève aurait déjà abandonné les branches inférieures dans lesquelles il importe de la concentrer; ce seraient des arbres perdus ou du moins devenus impropres au mode parti- culier d'aménagement auquel on les destine, et dont il est temps d'exposer enfin les principes.

On sait que Les pins vivent plus par leurs feuilles que par leurs racines; qu'ils ne peuvent se faire des yeux dans le'vieux bois, et que ce n’est méme que par les bourgeons situés aux extrémités des branches et des rameaux que leur végétation peut se développer.

Un pin privé de ses bourgeons doit donc néces- sairement périr. Toutes choses égales d'ailleurs, il sera d'autant plus vigoureux que la quantité de feuilles sera en proportion plus considérable, rela- tivement au volume des autres parties de larbre qu'elles contribuent essentiellement à nourrir.

Il faut donc, si l’on veut entretenir la végéta- tion des pins, leur conserver toujours un certain nombre de branches pourvues de leurs bour- geons. Pour ceux qui croissent sur un sol très- maigre, il faut encore s’efforcer d'établir l'équilibre

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(66 ) entre la quantité de feuilles qui suppléent à l’in- suffisance des sucs fournis par les racines, et le volume toujours croissant des parties ligneuses, c’est-à-dire, du tronc et des branches qui absor- bent une trop grande portion de ces sucs au pré- judice du reste de l'arbre.

Or, ce n’est que par la suppression d’une partie du tronc et des branches que cet équilibre pourra être maintenu.

D'une ‘autre part, les branches les plus vigou- reuses, celles qui ont pris une direction verticale, et qu’on pourrait comparer aux branches gour- mandes des arbres fruitiers, sont précisément celles qui consomment le plus et qui sont en même temps les moins garnies de feuilles.

Ce seront donc-celles-là qu'il faudra retrancher. En les supprimant, la sève qu’elles absorbaient se reportera sur des rameaux plus faibles, dont elle développera la végétation devenue languissante.

Ceux-ci, supprimés à leur tour, donneront lieu au

développement et au retranchement successifs de nouveaux rameaux, de manière que le volume total des parties ligneuses n’augmentera pas sen- siblement, ou du moins que leur accroissement ne s’opérera qu'avec beaucoup de lenteur.

Tels sont les principes théoriques du mode d’élagage que linstinct ou le hasard a suggéré à nos cultivateurs, et qui est si parfaitement appro- prié à la végétation particulière du pin.

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Sans doute, lorsque les propriétaires des côtes arides qui forment les plus grandes parties du terri- toire des communes de Chaspinhac et de St-Quintin imaginèrent les premiers de tirer ainsi parti des pins rabougris qui croissent épars dansles fentes de leurs rochers, leur méthode dut être d’abord bien im- parfaite. Perfectionnée depuis par une longue expé- rience, elle est devenue une véritable routine ; mais celte routine se trouve si bien d'accord avec les indications de la théorie, qu'il n’y a rien de mieux à faire que de rapporter ici les règles qui paraissent la diriger et auxquelles nos bûcherons obéissent pour ainsi dire à leur insu.

10 Rabattre d'abord, par une première amputa- tion, la tige principale du pin aussi bas que pos- sible , en conservant toutefois à sa base une quantité suffisante de rameaux feuillus, et, à l'extrémité supérieure de la partie conservée , quelques bran- ches susceptibles de se transformer en gourmands. On a déjà vu à quel âge doit s’exécuter ce pre- mier dépointage; il se fait ordinairement à un pied et demi ou deux pieds au-dessus de terre. Le paysan, plus avide du profit du moment, est

| aussi en général plus disposé à affamer ses bois; il les dépointe à un pied, quelquefois plus bas, et ne s’en trouve pas mieux.

| Ilarrive presque toujours qu'un certain nombre

| de pins plus faibles ne peuvent subir en même

temps que les autres l’opération du dépointage ;

| | : : | on les renvoie pour lors à la coupe suivante.

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Mettre un intervalle de quatre à cinq ans entre les coupes, à partir du dépointage. Cet inter- valle est regardé comme suffisant pour laisser prendre aux branches destinées à fournir le fago- tage, le développement convenable. L’aménage- ment.par quatre ans.est en général adopté par les cultivateurs. Il est pourtant un peu court pour les bois qui manquent de vigueur; celui par cinq ans m'a toujours paru préférable , parce que c’est dans le cours de la cinquième année que les jets verticaux font le plus de progrès. s

Supprimer à chaque coupe les branches les plus fortes, les plus élevées , celles surtout-qui ont pris une direction verticale. Dans l'aménagement par cinq ans, les plus grosses branches atteignent sur les terrains médiocres 3 ou 4 pouces de dia- mètre à leur base; c’est de la forte garne. Celle qu’on obtient sur des souches faibles, soumises à l'aménagement de quatre ans, n’a guère de brins de plus de 2 pouces de diamètre.

Ménager, au contraire, les branches faibles et basses, celles surtout qui ont un jet marqué et une tendance à prendre la direction verticale, Cependant, on voit tous les jours des branches qui étaient presque horizontales, une fois débar- rassées de celles qui les contrariaient, reprendre d'elles-mêmes la direction verticale et, par suite, de la vigueur. Les bücherons épargnent aussi les branches bien posées, mais qui n’ont pas encore la grosseur qu’elles doivent acquérir , afin, disent-

(69) is, qu'il y ait davantage à prendre à la coupe suivante.

59 Ne couper les branches basses ou traïnasses que successivement et à mesure qu'elles acquièrent une certaine grosseur ; à moins que par leur nombre, ou leur vigueur, elles ne menacent de priver de sève tes branches supérieures. Il faut alors les retrancher, en commencant par celles placées sous les grosses branches destinées à être conservées, et qui s’en approprieront la sève.

60 Augmenter le nombre des branches bifur- quées , à mesure que les souches grandissent, afin d'en élargir La téte. Sur les souches ainsi for- mées, on n'a plus qu'à abattre les grosses bran- ches verticales qui s'échappent et au-dessus leur tête. Il faut aussi supprimer, mais de temps à autre et avec ménagement, les branches tout-à-fait rabougries par la dissémination d’une sève insuffisante et dont on a perdu lespérance de voir sortir des jets verticaux.

79° Maintenir surtout (et cette règle résume celles qui précèdent) un juste équilibre entre les branches feuillues ou nourrices et les parties ligneuses qu’elles ont à entretenir. Si on coupe trop, on prive la souche d’une trop grande partie des feuilles nécessaires à sa nutrition. Si l’on ne coupe pas assez, la sève, subdivisée entre un trop grand nombre de rameaux, n’est plus capable de développer des gourmands ou branches verticales.

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Elle demeure en quelque sorte stagnante. Il faut, pour éviter lun et l’autre de ces inconvéniens, un certain coup d'œil que l'expérience seule peut donner.

Déraciner Les souches, lorsque, par l'effet de l’âge ou par quelque faute grave dans la taille, l'équilibre est rompu entre les branches feuillues et le gros bois, et qu’elles ont cessé de produise des jets verticaux. Il ne reste pour lors qu’à les arracher, après les avoir dépouillées de leurs bran- ches. On doit d'autant moins hésiter à prendre ce parti, qu’elles sont ordinairement entourées d’un plus ou moins grand nombre de jeunes pins qui n’attendent que du jour pour prendre leur essor, et qu'il en sort d’ailleurs presque toujours de la terre remuée lors de larrachis. C’est ainsi que s’opère de lui-même lerepeuplement des pinatelles.

Enfin, choisir pour faire la coupe des bois de pin les temps de morte-sève, et de préference la fin de février et le mois de mars. Plutôt, le mau- vais temps pourrait contrarier l'exploitation; plus tard , la végétation commencerait à se manifester. C’est aussi le moment les cultivateurs sont le moins occupés. Quelques-uns cependant coupent leurs bois en septembre; ils y trouvent, disent-ils, l'avantage de vendre leur garne à meilleur prix et plus facilement qu’au printemps.

La coupe se fait ordinairement à une petite dis- tance de la souche et en y laissant toute sorte de

(7) chicots et de talons, dont il ne paraît résulter aucun inconvénient.

Pour faciliter l'intelligence de ces règles, fai- sons-en l'application aux divers cas qui peuvent se présenter lors des deux premières coupes. Ce sont les plus importantes pour bien disposer sesjeunes arbres et préparer celles qui doivent suivre. On n’y saurait apporter trop d'attention.

PREMIÈRE COUPE.

Supposons un pin de 10 à 12 ans de transplan- tation. Sa tige principale a déjà atteint 6 à 8 pieds de haut; ses verticilles supérieurs forment autant de rangs ou d’étages placés les uns au-dessus des autres, à la distance d'environ un pied. Chacun d'eux est composé de cinq branches latérales, sauf celles qui s’oblitèrent à la suite de divers accidens, ou parce que trop de vigueur dans les branches adjacentes en a arrêté le développement, Tous, excepté le plus élevé, du milieu duquel s'élance la flèche terminale, ont déjà produit des rameaux secondaires d'autant plus multipliés, qu'ils appartiennent à des verticilles plus rapprochés de terre. Eh bien! c’est cette belle tige, au moment elle pyramide avec le plus de vigueur et qu'elle déploie toute l'élégance de formes particulières aux pins de cet âge, qu'il faut se résoudre à cou- per , immédiatement au-dessus d’un des verticilles inférieurs, à deux pieds au-dessus du sol. J'ai

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assisté souvent à cette mutilation. J'avoue que chaque fois j'ai éprouvé un véritable sentiment de regret. Il fallait, pour la permettre, que l’expé- rience m’eût bien convaincu de son indispensable nécessité; mais combien de fois avais-je épargné les pieds les plus remarquables par leur belle venue pour les voir peu de temps après diminuer de vigueur et perdre entièrement leur jet avant qu'ils eussent atteint 15 pieds de hauteur. Ce n'est, je le répète, que sur les terrains ayant quelque profondeur, que l’on peut s'attendre à voir prospérer les pins qu'on aurait l'intention d'élever en futaie.

Les opérations de la première coupe ne se bornent pas toujours à cette faicheuse mais indis- pensable suppression de la plus belle partie de la tige principale. On s’en tient lorsque les bran- ches latérales qui forment les verticilles au-dessus duquel a eu lieu le dépointage, et celle des rangs ou étages inférieurs n’ont pas encore acquis une cer- taine grosseur et qu’elles peuvent, sans inconvé- nient, être conservées jusqu'à la coupe suivante; mais si, dans ces mêmes verticilles, il y a une ou deux branches latérales déjà fortesetquimenacent, dans l'intervalle des deux coupes, d’emporter la souche, on doit aussi les supprimer. Tantôt on les rabattra au point d’intersection avec la tige principale; tantôt au-dessus du premier rang de leurs rameaux secondaires, selon que la souche

(73 ) restera encore garnie d’un nombre suffisant de ces branches latérales, ou qu'il faudra préparer des jets verticaux pour le besoin des coupes à venir.

S'il y avait au verticille supérieur trois ou quatre branches latérales très-faibles et une de médiocre grosseur, 1l faudrait aussi retrancher cette der- nière, si elle avait surtout une tendance à prendre la direction verticale. C’est la seule manière d’at- tirer la sève dans les autres branches et d'obtenir de bonsjets sans trop élever la souche. Si celle--ci était bien garnie près du pied, on pourrait égale- ment couper quelques-unes de ses branches basses, en choisissant toujours les plus fortes. C'est une règle générale.

DEUXIÈME COUPE.

Lors de la seconde coupe, c’est-à-dire, après quatre ou cinq ans, pendant lesquels on ne tou- chera pas aux jeunes pins, leur taille sera un peu plus compliquée.

On pourra, abattre près du tronc une ou deux branches des plus fortes du rang supérieur, qu'on aépargnées à la coupe précédente, et laisser celles qui sont plus faibles; en faire de même pour celles des étages inférieurs qui commenceraient à surcharger la souche, en exceptant cependant celles qu’on jugerait propres à établir une bifur- cation et que l’on ravalerait alors jusqu'au-dessus du premier rang de leurs rameaux secondaires.

Si au verticille supérieur il ne restait qu'une

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très-forte branche se dirigeant à peu près verti- calement, qu'on n’oserait pas couper à sa base, de crainte d’affamer la souche, et qui portât un premier rang de rameaux secondaires nombreux et bien fournis, on la rabattrait immédiatement au- dessus de ces rameaux sur lesquels s’établirait la taille à la coupe suivante.

S'il y restait deux fortes branches placées aux deux extrémités d’un diamètre quelconque de la souche, et que leurs premiers rangs de rameaux fussent également fournis et de même hauteur, on les couperait toutes deux au-dessus de ces rameaux.

S'il en restait trois à peu près d’égale force, on les couperait aussi au-dessus de leurs premiers rangs de rameaux. Cette taille convient aux sou- ches vigoureuses, qu’elle maintiendra basses et bien garnies. Mais si l’on prévoyait que leur sou- che ne pourra les nourrir, il faudrait en ravaler une ou deux jusqu’au tronc.

En général, lorsque de deux ou trois branches il y en aura une ou deux à conserver, on préférera toujours pour cela celles qui auront le premier rang de rameaux secondaires le mieux fourni et le moins élevé au-dessus de la naissance de la branche.

Il faut faire aussi attention à ne pas toucher aux petits rameaux, à moins qu'ils ne soient en trop grand nombre; plus tard, ils pourront fournir des branches bonnes à couper.

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Enfin, si une‘branche ne remplissait pas la des- tination pour laquelle elle aurait été réservée, on en serait quitte, une ou deux coupes après, pour la ravaler jusqu'à une première bifurcation et même jusqu'à la souche. Le pin ne paraît pas redouter les fortes plaies, lorsqu'elles ne sont pas faites rez-tige, et s’il lui reste d’ailleurs assez de rameaux feuillus pour alimenter ce qu'on lui a laissé de gros bois.

C’est en exécutant, d’après ces indications, l’élagage périodique des jeunes souches de pin, que l’on parviendra, n'importe sur quel sol, à les maintenir dans un état satisfaisant de vigueur. Ainsi conduites, elles n’emploieront pas moins de cinquante à soixante ans pour atteindre leur maximum de hauteur, qui ne dépassse guères 6 ou 7 pieds. Il est vrai qu'avant cet âge on est ordinairement obligé d’en déraciner quelques-unes dont on n'a pu diriger à son gré la végétation; mais le plus grand nombre ira jusqu'à soixante- dix, quatre-vingts et même au-delà de cent ans, donnant à chaque coupe des dépouilles plus ou moins abondantes.

A ces détails sur l'exploitation des bois, j'en ajouterai quelques-uns relatifs au faconnage de la garne.

Après que leur bois a été abattu, les bûcherons n’y touchent pas de trois ou quatre jours, afin que les feuilles du pin perdent de leur roideur et qu'ils

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puissent les manier plus commodément. Alors ils débitent les plus fortes branches en barreaux ou rondins de 5 à 4 pieds, et en séparent à coups de hache les rameaux latéraux, pour que le tout s'arrange mieux dans le fagot. Ils en font de même des branches plus faibles, pour peu qu’elles soient embrouillées ou trop longues.

Tout le bois de la coupe ainsi préparé et disposé à mesure en longues trainées toutes les branches sont couchées dans le même sens, ils en prennent successivement ce qui est nécessaire pour leurs fagots, qu'ils serrent fortement avec deux liens de paille de seigle qu'ils ont eu la précaution de mouiller. Ils les mettent ensuite en büchers de vingt-cinq ou de cinquante fagots qu’on laisse sur place jusqu’à ce que la garne soit à moitié sèche et qu'elle ait perdu une partie de son poids; encore alors, un bûcher de cinquante fagots fait-il une forte charretée pour une paire de vaches.

Il faut environ trois journées pour abattre, préparer, lier et mettre en bûcher cent fagots. La facon du cent varie de trois à quatre francs; mais la plupart des cultivateurs, propriétaires de bois (et le nombre en est considérable ), s’occu- pent eux-mêmes de ce travail dans leurs momens perdus; tout est alors bénéfice pour eux.

&. VI. Du produit des bois de pin.

Voyons actuellement ce que peuvent rapporter

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les bois de pin, conduits et exploités d’après le système d'aménagement qui vient d’être exposé. Si on se rappelle ce qui a été dit au 8.1, de l'aridité des terrains que lon consacre à cette culture, on s’étonnera, non de la médiocrité de leurs produits, mais bien plutôt qu’on soit parvenu à les mettre en valeur et à obtenir quelque chose d’un sol aussi stérile.

Il résulte des renseignemens que j'ai recueillis auprès de divers propriétaires, et des données que me fournissent des notes tenues avec soin depuis plus de trente ans :

19 Que le produit des coupes quinquennales faites dans les meilleurs bois de pin, c’est-à-dire, dans ceux en pleine vigueur sur les terres qui ont un peu de fond, est de go à 100 fagots par cartonnée de 180 toises carrées, ou de 1300 à 1500 fagots par hectare, ce qui donne, pour le produit annuel de la cartonnée, 18 à 20 fagots, et pour lhectare 250 à 300;

20 Que dans les plus mauvaises pinatelles, celles qui ont été plantées sur les sols les plus maigres et les plus improductifs, le produit an- nuel , calculé d’après celui des coupes par quatre ou cinq ans, est de 5 à 6 fagots par cartonnée, de 70 à 80 par hectare;

Enfin, que les bois plantés sur des terres d’un degré intermédiaire donnent à chaque éla- gage 50 à Go fagots par cartonnée, soit 750 à 850

(78) par hectare; ce qui équivaut à un produit annuel de 10 à 12 fagots la cartonnée, ou de 150 à 170 pour l’hectare. |

À une lieue de la ville, la garne vaut, prise sur place, de 12 à 16 francs le cent, selon la force du bois et la grosseur des fagots. Lorsqu'elle ‘est portée au marché, elle se vend de 15 à 21 francs.

Il est dès-lors facile d'évaluer en argent les revenus annuels de ces bois. Ils sont peu consi- dérables, sans doute, mais ils égalent souvent ce que valait le sol lui-méme, ce qwil wait coûté avant d’être planté en pins.

C’est là, je pense, une amélioration assez im- portante pour fixer l’attention des agriculteurs qui ont à leur disposition de ces terres vagues auxquelles ils n’attachent aucune importance, parce qu’elles n’ont en effet pour eux aucune espèce de valeur,

Le prix du bois de chauffage peut varier, il est vrai, dans chaque localité, selon son abondance ou sa rareté, selon le nombre et l'aisance des habitans, la distance des villes, la nature des communications , le prix de la main d'œuvre, etc. ; ce sont autant de circonstances dont un pro- priétaire intelligent devra nécessairement tenir compte; mais quelques défavorables qu’elles puis- sent être, il y aura certainement avantage pour lui et pour le pays à utiliser par des plantations de pin qu’il soumettrait au mode d'aménagement

| | | | | | |

(40) développé dans ce Mémoire, les terrains dont il ne saurait tirer autrement parti et sur lesquels il y a impossibilité d'amener cet arbre à l’état de futaie.

AAA A A AV AA AU LV UV AU AA AU VS VU UV VS UV VU VV UV RAA A A AS

RAPPORT

Sur la Culture de La Betterave et du Mirier ;

Par M. Félix ROBERT.

MeEssrEurs,

CHARGÉ par votre Président, de faire un rapport sur le 77 du Journal des connaissances usuelles et pratiques, j'ai extrait de deux Mémoires, l’un sur le sucre de betteraves et l’autre sur les müriers, quelques faits qui m'ont paru du plus grand in- térêt pour notre département.

Le article de ce journal est un Mémoire sur le sucre de betteraves, adressé à M. d'Argout, ministre du commerce et des travaux publics , par M. Aristide Vincent, fabricant.

Après avoir cité ces, belles paroles du grand Sully : « Que pdturage et labourage sont les » mamelles de lÉtat; que les dons de la terre

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» sont les seuls inépuisables, et que tout fleurit » dans un État fleurit l’agriculture, » l’auteur nous fait connaître les progrès qu'a fait en France l’agriculture depuis ce grand homme jusqu'à nos jours ; il nous donne l’histoire de la fabrication du sucre indigène, ses résultats, ainsi que les avan- tages de cette industrie. Ce Mémoire , qui est fort intéressant, ne peut être analysé; mais il me fournit l’occasion de vous présenter quelques ob- servations sur des expériences faites sous mes yeux sur la plantation des betteraves.

M. Robert-Faure a fait semer, dans toutes les expositions de son domaine de Roche-Arnaud, des graines de betteraves, et le résultat a surpasssé toutes ses espérances : les betteraves sont par- venues à une grosseur extraordinaire, sans perdre de leur qualité, et il s’en est trouvé qui ont pesé jusqu’à 6 et 7 kilogrammes. N'ayant pu s’en servir pour la fabrication du sucre, elles ont fourni une nourriture abondante aux vaches du domaine et leur ont donné beaucoup plus de lait; et leur tige, mélée avec la paille, a fourni aussi une pâture excellente. Ces avantages en agriculture, une fois reconnus, il serait à désirer qu’à l'exemple des fabricans du Nord et même d'Auvergne, l’on vit s'établir une fabrique de sucre de betteraves dans notre département, qui serait une source de prospérité agricole et commerciale.

Le 2€ article est une Notice sur la culture du

(81) mürier et l'établissement des vers à soie des Ber- geries royales, créées par M. Camille Beauvais.

L'établissement oula ferme des Bergeries royales est situé à quatre lieues de Paris, sur les coteaux enfoncés qui bordent à gauche la route de Lyon. La ferme, dont l'étendue est de 400 arpens, était louée, il y a quatre ans, la somme de 800 francs; M. Camille Beauvais en devint le fermier et porta de suite les baux à Gooo francs. L’intention de cet agriculteur, en prenant la direction de ce do- maine, était de résoudre un problème qui nous semble ne faire plus de doute, c’est-à-dire, de cultiver le mürier et d'élever des vers à soie sous la latitude de Paris. Secondé par les vues philan- thropiques de M. le duc de Doudeauville, alors ministre de la maison du Roi, M. Camille Beauvais, après avoir rencontré mille obstacles à surmonter, entreprit à cette époque une plantation de mû- ricrs; et déjà, sur une partie du terrain des Bergeries, il existe un champ d’une seule pièce se trouvent réunis quatre mille de ces arbres, qui offrent la plus belle apparence.

Ces müriers, qui ont résisté aux hivers rigou- reux de 1628 et 1829, sont à tiges nombreuses et sans tronc principal, c’est-à-dire, qu'elles partent toutes du collet; c’est donc une espèce de culture du mürier en prairie quia été établie par M. Camille Beauvais, qui y trouve de grands avantages, tant sous le rapport d’un produit plus prompt, que

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par la facilité avec laquelle on peut étendre et renouveler les pertes de la plantation; en outre, les personnes qui cueillent les feuilles ne sont pas exposées à des chûtes, et passent moins de temps à leur cueillette. On voit, par cette plantation vraiment modèle, que le mürier peut très-bien réussir aux environs de Paris. Les plants sont en quinconce et sont espacés de douze à quinze pieds de distance.

En vous donnant cet extrait, j'ai voulu, à l'exemple de M. Camille Beauvais, encourager les propriétaires qui ont commencé à planter le müû- rier dans notre département, à ne pas se décou- rager et à poursuivrre une entreprise qui offre des succès assurés, puisque les müriers de nos pays ont aussi résisté aux hivers rigoureux de 1828 et 1629, même dans les expositions du nord.

Des expériences faites à Roche-Arnaud, pendant ces deux hivers rigoureux, prouvent que les mûriers plantés à l’exposition la plus froide de cet endroit, se trouvaient au printemps plus vigoureux et mieux portans que ceux exposés au midi; ces derniers ayant éprouvé plusieurs fois les variations du dégel pendant ces hivers, étaient malades et plus languissans.

Comme les gelées du printemps viennent sou- vent surprendre la pousse des premières feuilles, il conviendrait, pour s'assurer tous les ans une

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récolte pour la nourriture des vers à soie, d’avoir des plantations de müriers plus nombreuses, afin de diviser la cuaillette en deux années; c’est-à- dire, que le mürier demandant à être taillé tous les ans, il fautentailler la moitié en branches très- rapprochées, afin de donner une pousse vigoureuse pour l’année prochaine; et l’autre moitié n’étant pas taillée, fournirait une plus grande quantité de feuilles qui viendraient plutôt; ainsi, l’on au- rait la certitude de pouvoir élever des vers à soie toutes les années.

On voit par cet exposé que l’on peut planter le mürier dans les environs du Puy: Le mürier planté en haie réussit encore mieux qu’en plein vent; ce qui vient à l'appui des expériences de M. Camille Beauvais. Les haies vives ont de plus l'avantage d’embellir une propriété et de rem- placer les murs de division que l’on a l'habitude d'établir dans notre pays. Il ne suffit pas de planter négligemment le mürier dans les terrains incultes et d'en faire des bois, il exige au contraire d’être cultivé et taillé au moins tous les deux ans; les soins qu'on lui donne sont toujours richement compensés par un plus grand produit de feuilles.

Messieurs, plusieurs Mémoires insérés dans nos Annales, traitent cette question avec beaucoup d’étendue, et je ne serais pas revenu sur ce sujet, si je n'avais compris combien il estutile de détruire

(84) toute prévention en faisant connaître le résultat de quelques expériences faites avec succès.

Ce n’est pas dans un moment chaque pays rivalise d'industrie que nous devons rester station- naires; si nous jetons un coup d’œil sur Saint- Étienne et sur ses environs, nous sommes obligés de convenir que nous sommes bien loin d’avoir Jactivité et l'industrie de ses habitans. Quand tout prospère chez eux, avec leurs fabriques de rubans et d'armes, leur métallurgie, leurs carrières, leurs chemins de fer, nous ne savons pas mettre nos ressources à profit.

En établissant des magnauneries , nous pourrions fournir les matières premières pour la fabrique de rubans de Saint-Étienne , avec d'autant plus d’avan- tage que nos soies pourraient rivaliser avec celles du Piémont et du Bourg-Argental près Annonay, se récolte la plus belle soie de France. Ce pays montagneux a quelque analogie avec le nôtre, avec ses coteaux couverts de vignes et son climat variable. Les fabricans de Saint-Étienne achète- raient de préférence nos soies, trouvant à leur portée les qualités qu'ils sont obligés de faire venir de très-loin; celles du Bourg-Argental étant achetées d'avance par les fabricans de blondes de Chantilly, qui les paient jusqu’à 100 francs la livre. Les soies fabriquées à Aubenas en 1830, avec des cocons envoyés du Puy, ont été reconnues pour des soies de première qualité et vendues baeucoup plus cher que celles du midi.

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Si à la fabrique des dentelles nous joignions celles du sucre et de la soie, nous pourrions négocier avec nos voisins , et avec plus davantage encore si la route centrale du Midi à Paris pouvait se terminer.

Messieurs , c’est à nous à indiquer les moyens qui peuvent donner de la prospérité à notre pays. Les préjugés rendent souvent, il est vrai, nos. efforts impuissans; mais ne nous décourageons pas : persistons, et nous finirons par en triompher.

RÉSUMÉ

DE DIVERS RAPPORTS LUS DANS LES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ.

ANNÉES 1832—1633.

NO 17 Rapport sur le Mémorial du Gers; par M. DE Martor,

J’en ai extrait ce qui suit, dit l’auteur : le 1er arlicle contient des considérations sur la nourri- ture des bestiaux à l'étable et sur lusage des végétaux cuits, par Louis Grognicr, professeur vétérinaire; ce n'est qu'en passant que ce pro- fesseur traite de la question de la stabulation : eetle expression est employée aujourd'hui pour

( 86 ) exprimer Fidée de la nourriture exclusive à l’étable. D’après Matthieu Dombasle, les animaux nourris de cette manière font la moitié plus de travail que ceux qui sont entretenus différem- ment; les vaches ont beaucoup plus de lait, et on obtient trois fois plus de fumier et de meilleure qualité. L’agronome Fellemberg a exprimé le vœu que toutes les montagnes fussent soumises à une police publique, c’est-à-dire, à une régie; que leurs pâturages fussent réservés pour l'éducation des jeunes veaux, qui prendraient un développe- ment plus complet et deviendraient plus forts et plus robustes. Au premier apercu, ce projet pré- senterait de très-grands avantages; mais en y réfléchissant, on reconnait que c’est un rêve d'économie domestique impossible à réaliser. Je n’abuserai pas de votre temps, pour détailler les nombreux inconvéniens qu'il présenterait ; laissons donc à nos grands faiseurs politiques former des plans, des systèmes, ct les faire mettre de suite à exécution. Mais en agriculture, il ne peut pas en être de même; on ne marche pas si vite : toute innovation, quelqu'avantageuse qu’elle puisse être, rencontre des usages, des routines, qu'il faut sur- monter, et ce n’est qu'à la longue, et grâces aux Sociétés formées et organisées comme la nôtre, qu'en propageant et répandant les bons principes, on peut parvenir à déraciner de vieux préjugés. Une amélioration sensible se fait déja remarquer

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dans notre situation agricole, mais il nous reste beaucoup à faire. Un des plus sûrs moyens de propager les bonnes méthodes, c’est d'engager instamment les gros propriétaires à les accueillir, à les mettre en pratique et à donner l’exemple aux autres. En semant le plus possible des prairies artificielles, on nourrirait beaucoup plus de bes- tiaux à lPétable et on ne tarderait pas à obtenir des résultats si avantageux, que tous les yeux se dessilleraient.

Le article donne des détails sur le peuplier de la Caroline, introduit en France depuis bien long-temps; il forme un arbre de première gran- deur, c’est-à-dire, qu'il atteint cent pieds de haut dans moins de quarante ans. Il est difficile de voir rien de plus beau dans sa jeunesse; ses feuilles ont souvent six pouces de diamètre : il vient dans toutes les régions; on le plante par boutures. Il viendrait beaucoup mieux par graine, mais il n'existe plus de famille de cet arbre en France. Un particulier de Marseille s’est chargé d'en faire venir de son pays natal.

Dans le 59 article, il est question du maïs, ou blé de Turquie. On y blâme les particuliers qui coupent en vert la tige supérieure ainsi que les feuilles pour les donner aux bestiaux, qui en sont très friands. Cette suppression nuit beaucoup à la grosseur et à la qualité du grain; on ne doit le faire que lorsque l'enveloppe de l’épi est sèche et

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presque mûre. Cette culture est peu en usage dans notre département. Pour vous donner un exemple de son grand rapport, je vous citeraiune expérience que j'ai faite : ayant semé dans le coin d’un jardin les grains provenant de trois épis, j'ai récolté en- viron trois cartons parfaitement mürs. Je compte, le printemps prochain, faire plus en grand un au- tre essai et consacrer à cette culture un champ d'environ trois ou quatre cartonnées. Je ferai part à la Société du résultat que j'aurai obtenu.

2e, Extrait du rapport de M. CHABALIER, sur les Annales de l'Agriculture francaise, 44.

Observation sur la greffe des noyers.

Il serait, sans doute, avantageux dans nos cli- mats nous sommes sujets à des gelées jusques en mai , d'adopter la greffe de l'espèce des noyers tardifs, qui assurerait aux propriétaires qui peuvent consacrer des terrains à cette culture, une récolte utile et agréable.

Pour s'assurer de la réussite des greffes sur des jeunes noyers plantés depuis 7 à 8 ans, ou lorsqu'ils sont assez forts pour former une belle tête à quatre ou cinq branches, on les raccoureit à 12 ou 15 pouces du tronc , ne année avant de les greffer en mars ou du moins après les froids; on place les chalumeaux au printemps d’après sur quelques jets les plus vigoureux. Quant aux vieux, il faut conserver toutes les branches principales et

( 89 ) ne faire l’amputation qu'au-dessous de la première division ; l’année suivante, on les greffera sur les nouveaux jets comme dessus.

Il n’est pas besoin d'observer qu'il est indispen- pensable de couvrir la coupe des branches avec l’onguent ordinaire des jardiniers.

La manière d'élever les müriers blancs en prai- rie et de les préserver de la gelée paraît mériter quelque attention, depuis surtout que divers pro- priétaires s'adonnent, avec succès, à la culture des vers à soie dans ce département.

M. le docteur Augustin Bassi, de Lodi, dans un Mémoire qu'il a donné, annonce avoir semé, le 25 avril 1819, dans son jardin, de la graine de mürier ; elle commenca à lever à mi-mai; ses vers étant éclos le 14 juin, il les a nourris avec les petites feuilles du semis; il l'appelle pré mûrier, parce qu'il le sema très-épais.

L'auteur repousse tout autre aliment pour les vers à soie; la chicorée et même la scorsonère peuvent bien leur conserver la vie, dit-il, maisils ne fourniront pas la soie propre à ourdir.

Il serait trop long d'indiquer dans un rapport tous les moyens consignés dans ce Mémoire pour la réussite d’un pré müûrier et le préserver de la gelée. Les propriétaires qui voudront se livrer à cette culture n’ont qu'à se mettre sous les yeux le Mémoire précité du sieur Auguste Bassi, consigné dans ces Annales.

(go)

3. Rapport de M. Pomter, sur différens arlicles de la séance publique de Saint-Quentin.

Après avoir présenté des considérations générales sur les divers moyens que peuvent employer les Sociétés d'Agriculture pour favoriser ladoption des bonnes méthodes et engager les agriculteurs dans la voie des améliorations, le Rapporteur ter- mine ainsi son travail :

À ces observations d’un intérêt général pour tout notre département, j'en ajouterai une relative à la culture du chanvre et du lin. On a lieu de s'étonner que ces deux genres de culture soient totalement négligés dans ceux de nos cantons l'âpreté du climat etla nature dusol n’y mettraient aucun obstacle. Tels sont au moins tous les envi- rons du Puy et FEmblavès.

Un agronome expérimenté, que vous comptez parmi vos collègues, m'a assuré que la culture du chanvre prospérerait dans le territoire du Puy et les campagnes voisines; qu’elle y fut en usage, et qu’elle a été abandonnée seulement à cause des soins exigés pour la préparation des terres, la garde du champ, jusqu’à ce que la plante ait levé et surtout pour le rouissage.

Il y aurait ici à combattre encore , outre la rou- tine, la nonchalance malheureusement trop com- mune de nos cultivateurs. Mais ce n'est pas une raison de désesperer du succès. Seulement il fau- drait prêcher d'exemple , il faudrait que des pro-

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priétaires éclairés, faits pour imprimer le mou- vernent, fissent l'essai d’une culture qui réussirait si bien, surtout le long de nos rivières, et qui nous affranchirait d'un tribut considérable que le manque d'une matière de première nécessité nous oblige à payer à des cantons ou plus actifs ou plus imdustrieux ?

Si vous adoptiez cette proposition, il serait aisé de répandre, par la même voie que vous venez d'employer pour le programme des prix de 1632, une instruction sur la culture, la récolte, la pré- paration et l'emploi du chanvre et du lin. On n’ob- tiendrait pas dès la première et la deuxième année, je le sens, tout le succès qui serait à désirer; mais aussi de quelle jouissance ne seraient pas payés des soins persévérans, quand vous seriez parvenus à introduire une culture nouvelle et d'un si grand avantage pour nos cantons !

42. Extrait du rapport de M. DERIBIER, sur 7 n°$ des Annales scientifiques de l'Auvergne.

Le Rapporteur annonce que dans les quatre pre- miers numéros qui ont élé soumis à son examen, Pitinéraire minéralogique et historique de Cler- mont à Aurillac, par Saint-Flour, occupe la plus grande place. Mais, quelque intéressant que soit ce travail, il ne compte pas s’en occuper pour l'instant, se réservant d’y revenir plus tard, et de lui consacrer un article spécial. Parmi les

( 92) articles d'agriculture que contiennent ces n°5, M. Deribier signale surtout ceux qui lui paraissent avoir pour ce département un but immédiat d'utilité.

La culture de la carotte, considérée comme ali- ment pour les bestiaux, est fort importante et devrait être propagée. Suivant le chevalier Tollard, auteur du Mémoire relatif à cette plante, on doit choisir de préférence les terres profondes, légères; on sème à la fin de février jusqu’en fin juillet les carottes grosses jaunes de Flandre, la grosse blanche longue, et la blanche grosse à collet hors de terre. On les sème à la volée à raison d’une livre de graines par cartonnée de 200 toises. Pour obtenir une récolte considérable, on répand, par cartonnée, une voiture et demie de fumier de cheval bien pourri, on l’enterre avec la charrue à 11 ou 12 pouces de profondeur, on sème, on. herse et on passe le rouleau.

M. de Dombasle, dit M. Deribier, estime qu’une récolte de carottes est moitié plus considérable en poids qu’une récolte de pommes de terre, etqu’elle est double en volume. On les donne crues et cou- pées par morceaux aux bœufs, aux vaches, aux chevaux, aux porcs, aux moutons. On peut les mêler avecune petite quantité de baies de genièvre, avec du son, du foin, et on les donne cuites aux volailles.

On peut encore semer les grosses carottes,

(95 ) longues, en mars, sur le seigle, le colza d'hiver , le blé, le lin, etc. On passe le rouleau. Lorsque la première récolte est faite, on herse. Huit à dix jours après , on bine et on éloigne les carottes à environ 7 à 11 pouces.

M. Deribier donne, d’après le même auteur, une note sur la culture du navet.

Il signale un moyen de retarder la germination des pommes de terre destinées à la plantation , qui a été proposé par M. Vilmorin, et qui consiste à faire monter, en février ou au commencement de mars, ces tubercules dans les greniers ou sur le carreau de chambres hautes , vacantes, à les étendre de manière à ce qu'il n’y ait qu'une cou- che de l’épaisseur de deux ou trois pommes de terre au plus, et à tenir les lucarnes ouvertes le jour et même la nuit, lorsqu'on ne craint pas la gelée ou la pluie.

Enfin, un procédé pour détruire infailliblement les chancres des arbres, qui consiste à cautériser profondement la plaie avec un fer incandescent, ou avec de lamiante imbibé d'acide sulfurique.

Un de ces cahiers, dit M. le rapporteur, con- tient une description de la vallée de Royat et Fontanat, par M. Lecoq. Elle est pleine de vérité et d'intérêt, également éloignée de cette séche- resse qui rebute les lecteurs étrangers aux sciences naturelles, et de cette emphase poétique qui rend si souvent les tableaux de ce genre vagues et

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méconnaissables. Le minéralogiste et le professeur de botanique s’y cachent pour ne laisser aper- cevoir que le simple amateur de la nature. Mais on y devine partout l'homme instruit, soit qu'il nous fasse remonter à des époques des torrens de laves ayant cessé d’inonder cette vallée furent remplacés par les eaux magnifiques qui jaillissent de toutes parts des grottes et des rochers de Royat, soit qu'il nous fasse admirer ce luxe de végétation qu’elles entretiennent, soit que ramenant nos regards vers l’œuvre des hommes, il nous montre successivement les vestiges des constructions an- ciennes ou les nombreuses usines dont l’industrie moderne a couvert le ruisseau.

Je n’extrairai rien de cette description, mais je vous engagerai à la lire. Si vous n’avez jamais vu les lieux, vous aurez le désir de les connaitre; si déjà vous les connaissez, vous en retrouverez avec plaisir le tableau fidèle.

Dans ce même est une Notice sur l'emploi du genêt, comme plante textile. Cet arbuste est trop peu répandu sur le sol de ce département pour que nous pensions qu'il soit nécessaire d’at- tirer sur ce point l'attention de nos cultivateurs. Peut-être vaudrait-il mieux engager ceux de lar- rondissement du Puy à semer le chanvre lui- même, dont la culture y est presque partout à peine connue ou inusitée, Cependant chez nos voisins, je ne dirai pas de la basse Auvergne,

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mais de la haute, le plus petit propriétaire pos- sède son jardin à chanvre, dont il récolte de quoi fournir à sa famille au moins le vêtement de pre- mière nécessité; tandis qu'aux environs du Puy, le pauvre comme le riche est contraint d’'a- cheter son linge, dont il pourrait si aisément économiser une grande partie de la main d'œuvre. Les nombreux propriétaires qui font partie de cette Société ne pourraient-ils pas ici, comme en tant d’autres choses, prêcher d'exemple ? Je laisse, en passant, celte idée à vos réflexions.

Suit nn article sur la culture de l’ivraie d'Italie, lolium perenne italicum.

Cest , dit l’auteur de cette Notice, le fourrage le plus abondant que lon connaisse. Semé en octobre, il a déjà au commencement de l'hiver un gazon aussi épais que dans un vieux pré, et la première fenaison est de plus du double du pro- duit d’un pré ordinaire.

Les cahiers de février et mars renferment l’his- toire d’un anévrisme de l'aorte, par M. Missoux, docteur en médecine, qui est fort remarquable; elle sera lue avec intérêt par les hommes de l'art.

« Le siècle de Louis XIV fut un siècle d’ima- gination; celui de Voltaire et de Rousseau un siècle d'examen et de scepticisme; celui nous vivons doit être un siècle de réalité. L’utile et le positif, tel est le but vers lequel doit tendre

(96 ) toute réunion scientifique ou littéraire qui veut marcher avec ce siècle.» Voilà la pensée que M. Bayle-Mouillard a développée, avec un talent remarquable, dans un discours sur le caractère distinctif du 19° siècle. Il faut le lire en entier : il perdrait trop à être cité par parcelles.

Enfin, dans le de mars se trouve une disser- tation fort intéressante sur l’usage alimentaire de substances cuites pour les ruminans domestiques.

L'auteur, M. Grognier, du Cantal, professeur distingué de l’école vétérinaire de Lyon, et notre collègue, combat l’erreur de ceux qui ont soutenu que les substances cuites n'étaient pas convenables aux ruminans. Ses raisons sont appuyées tout à-la-fois sur des considérations physiologiques et sur l'expérience.

AAA AAA A A AV AV A A AU AA AV AS AV AA AR VU A MU A MA AR LA Ms

CONSLDÉRATRON

Sur l’usage alimentaire, pour les ruminans domestiques, des substances cuites ;

Par L. F. GRoGNIER, Membre non résidant.

CE ne sont pas seulement des opinions grossières et ridicules, mais encore des préjugés scientifiques qui, étant répandus dans les campagnes, peuvent

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mettre obstacle à d'importantes améliorations. C'est ainsi que l’idée de la nécessité prétendue de l’exercice musculaire pour le maintien de la santé du bétail, a repoussé en quelques contrées la stabulation permanente et absolue. On a jugé des besoins hygiéniques des ruminans domestiques par ceux des solipèdes, sans considérer les différences qui les distinguent dans les formes, les allures, l'ydiosincrasie. On n’a pas songé que pour la sti- mulation habituelle de la vie, l’exercice muscu- laire de la rumination suppléait celui des muscles locomoteurs. Au reste, ce ne sont plus les raison- nemens , mais l'expérience qu’il faut opposer à une trompeuse analogie. La stabulation permanente est pratiquée depuis long-temps en Suisse, comme en Angleterre, en Allemagne, comme dans les Pays-Bas et une partie de la France, et partout le bétail qui en est l’objet, se montre beau, sain, du meilleur produit.

Il est un autre préjugé physiologique également funeste au bon entretien du bétail : ce préjugé , qui est cher à un grand nombre de vétérinaires, représente les végétaux, divisés, atténués, cuits et pulpeux, comme impropres à lalimentation des ruminans, à moins toutefois qu'on ne les donne en petite quantité, et comme supplément léger à la nourriture ordinaire. Du temps que M. Godine jeune était professeur d'hygiène à école vétérinaire d’Alfort, il déposa cette opinion

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dansles Annales de l’agriculture francaise (tom 24). 11 avait été consulté par un propriétaire sur l'usage alimentaire pour le bétail, des pommes de terre cuites à la vapeur. Il proscrivit cette nourriture , donnant pour motif les graves inconvéniens des alimens d’une digestion et d’une assimilation trop faciles, d’où résulte, selon lui, laffaiblissement des organes digestifs trop peu exercés; il ajoutait que des alimens divisés par des machines, rendus pulpeux par la cuisson, n’éprouvaient dans la bouche qu’une mastication, une macération lé- gères, d’où il résultait une insalivation insuffisante pour une bonne digestion. De plus, M. Godine regardait, comme se dérobant à la rumination , les alimens descendus dans le rumen, sous un état de division et d'atténuation marqué; ainsi, d’après ce système, les alimens divisés et atténués conviendraient encore moins aux ruminans qu'aux autres herbivores.

Nous allons examiner ce système; et d'abord jetons un coup d'œil sur lappareil digesuf chez les ruminans. On les regarde comme polygastres, et cependant ils n’ont réellement qu'un seul es- tomac : on ne peut pas donner ce nom au rumen, au réseau, au feuillet. Ces organes, dont le vo- lume est énorme, recoivent en petite quantité de légers filets, tant nerveux que sanguins; aussi leur sensibilité est-elle fort obtuse; des clous, des grosses épingles, d’autres métaux anguleux, poin-

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tus, tombent dans le rumen ; ils s’y fixent; d’autres vont s'implanter dans les cellules du réseau, dans les lames du feuillet, sans que l'animal paraisse s’en apercevoir. On ouvre le rumen avec un cou- teau, et l'ouverture est assez grande pour intro- duire le bras, afin d'aller chercher les alimens avalés; on jette des breuvages par cette fenêtre , et on la ferme à volonté. On raconte qu'un paysan qui, comme tant d’autres, exercait l’art vétéri- naire, ayant ouvert le rumen d’une vache avec un grand couteau, laissa par mégarde tomber son instrument dans ce sac; il cacha cet événement; la vache guérit : elle offrit deux mois après une grosse tumeur à la cuisse, qui s’abcéda. On vit sortir, à l'ouverture de labcès, le couteau du paysan.

A quoi servent pour la digestion, et le rumen, et le réseau, et le feuillet? à emmagasiner les alimens ; à empêcher qu'ils n'arrivent au véritable estomac avant d’avoir acquis une quasi-fluidité; à les renvoyer pour qu'ils prennent cet état, au moyen d’une seconde ou troisième mastication. Ce sont des réservoirs et des instrumens de ru- mination , appareils fort inutiles pour l'animal à la mamelle, parce que le lait, comme les autres alimens liquides, n’a nul besoin d’être ruminé; aussi, dans le premier âge de la vie, les organes chargés de cette fonction sont-ils comme l'utérus avant la puberté, seulement ébauchés. Alors la

( 100 ) caillette qui recoit la nourriture sans rumination préalable, offre une grande capacité relative.

La caillette est le véritable, Funique estomac ; c’est dans son intérieur que par l'influence presque exclusive du pneumogastrique, les substances ali- biles éprouvent ce changement prodigieux qui en fait des fluides vivans. Ils n'avaient, sans doute, éprouvé jusqu'alors que de légers changemens physiques ou chimiques. Le travail digestif qui s'opère dans la caillette doit être le même, soit que les substances alimentaires qui y arrivent, aient été coupées, divisées, pulpées, presque flui- difiées par des hache-pailles, des meules, des mar- mites ou par les dents, le rumen, le réseau et le feuillet. Et si, sous le rapport de laptitude à la digestion et à l'assimilation, il existe entre ces substances quelques différences , elles sont en faveur de celles qui ont été ruminées plusieurs fois. Ainsi, l’usage des alimens divisés, cuits, pulpés, presque fluides, exigeant peu de rumina- tion, donnent plus d’exercice à l'organe digestif, et en soutiennent moins les forces. M. Godine a donc grand tort de leur reprocher d’être d’une digestion et d’une assimilation trop faciles. Les seuls organes qui, par le genre d'alimentation dont il s’agit, ont été moins exercés, sont des organes dont le plus ou le moins d'exercice inté- resse fort peu la vie générale. Cet exercice, comme nous l'avons dit, peut suppléer celui des muscles

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locomoteurs, qui peut l'être à son tour par des frictions cutanées, ce qu'on nomme pansement de la main, pratique stupidement repoussée comme inutile ou même nuisible par la plupart des pro- priétaires de bétail

L’argument le plus fort contre les pommes de terre cuites, la paille hachée, et tous autres ali- mens divisés et atténués, est la nécessité de l’in- salivation pour animaliser les alimens, et la néces- sité de la mastication pour exciter les organes sali- vaires. Ainsi, point de salive, point de digestion. possible; et sans le mouvement des mächoires, sécrétion nulle ou du moins insuffisante de cette humeur nécessaire. Or, Les pommes de terre cuites, délayées dans l'eau tiède, exigent peu de mouve- mens maxillaires; donc elles sont pour les rumi- nans une fort mauvaise nourriture.

Nous nous demandons d'abord s'il est vrai que la salive donne aux alimens le premier degré d'animalisation ; c'était l'opinion de Dumas, qui attribuait à cette liqueur animale « le pouvoir de » détruire ce que les substances ont d'hétérogènce » et d'étranger; d’ébaucher en quelque sorte sur » elles Les traits de l’animalité ; de les mettre en: » état de subir les changemens plus intimes que » le travail de l'estomac et les forces de Fassimi- » lation leur préparent. » (Principes de physio- logie, 1806, t. I, page 241.) Le savant Chaussier ne fait pas jouer à la salive un rôle si important,

( 102 ) « Il est probable, dit:il, que la salive ne fait subir » aucuns changemens intimes dans la bouche aux » alimens; qu’elle leur est seulement ajoutée pour » aider leur trituration, leur ramollissement , leur » réduction en pâte, pour commencer déjà à mêler » dessucs vivans à des matières encore étrangères, » et pour servir aux changemens qu’elles subiront » dans l'estomac. Du moins on ne voit autre chose » dans ces alimens mâchés et pénétrés des divers » sucs de la bouche; ils ont encore toutes leurs » qualités physiques et chimiques propres, » (Dic- tionnaire des sciences médicales, art, Digestion.)

Nous adoptons les probabilités admises par Chaussier, plutôt que les assertions absolues expo- sées par Dumas. Comment prouver que la salive imprime dans la bouche aux alimens Les traits de l’animalité.

Rien, au reste, de moins constant que la quan- tité de salive qui peut couler dans un temps donné. M. Girard parle de dix litres de cette humeur qui, après un jeùne de deux jours, sor- tiraient des canaux parotidiens, pendant le temps que l'animal mangerait une demi-botte de four- rage. (Traité d’anat. vétérin, 1820, tom. IT, p.25.) Le canal de stenon, dit Dumas, ayant été coupé sur un homme, il en sortit seize livres de salive dans lespace d’un jour. (Principes de physiologie, tom. If, pag. 49.)

La sécrétion et l’évacuation de la salive, de

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même que la nature de cefluide, sont subordonnées à une foule de causes étrangères, à tous les actes de la digestion, sans que ceux-ci en soient trou- blés. Parmi ces causes, sont la snrabondance ou la pénurie des autres sécrétions , la saison, le climat, l'ydiosincrasie, l'habitude , influence de certaines substances alimentaires. On sait quelle quantité de salive est provoquée dans l’homme par l'usage du tabac, les corps dits sialogogues, les frictions mercurielles; on a observé que, sous l'influence de ces agens, les glandes salivaires augmentaient de volume et d'activité d’une manière prodigieuse, et cette exhubérance est indépendante de la compression et des mouvemens exercés par les organes contigus. Il n’est pas probable qu'un fluide animal dont la sécrétion est si variable, même dans l’état normal, et si peu en harmonie avec l'acte digestif, joue un si grand rôle dans cet acte; supposons-le plus grand encore, il resterait à prouver que la mastication est nécessaire pour la sécrétion salivaire.

Avant lillustre Bordeu, il était permis de croire que les organes de sécrétion, et notamment la parotide, se vidaient comme une éponge , par l'effet d’une pression osseuse musculaire; et d’après cette théorie grossière, dont les sectateurs sont encore nombreux, on déduisait, comme on déduit encore, la nécessité de la mastication pour la sécrétion de la salive, sans laquelle point de

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bonne digestion. Bordeu a prouvé par des dissec- tions et des expériences irréfragables, que, chez l'homme comme chez les brutes, les glandes sali- vairesne pouvaient être comprimées par les parties qui les environnent, et que d’une manière toute particulière la parotide était à Pabri du mouvement des mâchoires, de la contraction des muscles et même du resserrement de la peau.

Quelle est donc la cause de Fexcrétion ? Bordeu l'a dit dans ses belles recherches sur les glandes; c’est la vie de l'organe et sa sensibilité nerveuse que mettent en jeu certaines circonstances, et parmi elles, il en est de pathologiques, comme l'esquinancie, certaines affections pulmonaires, des aphtes. Alors l’excrétion salivaire est quelque- fois prodigieuse, quoique les os et les muscles des mâchoires soient en repos; et n’a-t-on pas vu la salive couler à grands flots malgré la luxation du maxillaire inférieur , malgré la paralysie des agens moteurs de cette pièce osseuse ? et dans l'état phy- siologique, qui n’a éprouvé que la salive arrive spontanément à la bouche par l'effet de la pré- sence, du désir de la vue des alimens ? Le flux de cette humeur est rapide; il est quelquefois poussé avec force. Magendie a vu un homme, de la bouche ouverte duquel partait un jet de salive qui arrivait à plusieurs pieds de distance. Que conclure de tout ceci? sinon que des alimens qui n’exigent point de mastication, comme les pommes de terre cuites, n'empéchent point la sécrétion salivaire.

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Arrivant dans la bouche en même temps que ces substances, les devancant quelquefois, le suc salivaire se mêle avec elles, et les suit après la rumination. La salive coule dans l'estomac après le repas; elle s’unit au suc pancréatique, autre espèce de salive, dont l’excrétion est assurément indépendante du mouvement des mâchoires. Il y a une insalivalon: gastrique comme une insalivation buccale. Cette dernière sera utile, lorsque des alimens fibreux, durs, auront besoin d’être brisés, broyés, moulus par l’action mécanique des dents; elle en favorisera la pulpation. Elle sera superflue, si cette action à eu lieu hors du corps par un instrument quelconque; et les alimens réduits à l’état pulpeux par la cuisson, n’auront nul besoin de mastication, et si l’insalivation leur est néces- saire, ils le trouveront dans l'estomac.

De ce qu'un vieil animal édenté digère mal des substances solides, on en conclut la nécessité de la mastication, et l’on a raison. Mais on croit ce mouvement nécessaire pour faire arriver de la salive; tandis qu'il ne l’est que pour diviser, atté- nuer, moudre, pulper, malaxer la nourriture, afin d'en rendre la digestion plus facile, toutes choses qui pourraient avoir été opérées avant le repas. Nous ne disons pas pour cela que linsali- vation soit inutile, mais nous soutenons, d’après le raisonnement et l'expérience, qu'elle peut avoir lieu dans la bouche sans mastication, et s’opérer

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dans d’autres organes. Si linsalivation buccale, provoquée par le broiement maxillaire , était indis- pensable, on ne pourrait expliquer lénergique digestion des carnivores qui ne mâchent pas, et dont la sécrétion salivaire ne laisse pas que d’être fort considérable, comme le prouve le volume des glandes chargées chez eux de cette fonction. Pour eux, l’insalivation est gastrique; il en est de même pour les mammifères allaités. Quel est celui d'entre eux qui mâche le lait dont il se nourrit exclusivement ? Il n’en est aucun néanmoins chez lequel ne soient déjà développées des glandes sali- vaires, et qui, par conséquent, soit dépourvu de salive. Ce fluide arrive même dans la bouche des veaux, comme dans celle de Pagneau et de l’en- fant à la mamelle.

On nourrit et même l’on engraisse sur les mon- tagnes d'Auvergne des porcs uniquement avec du petit lait, résidu de la fabrication des fromages, et si, pour digérer ce liquide, la salive est néces- saire, on ne peut pas dire que la sécrétion en soit provoquée par un mouvement des mâchoires. Les veaux à la mamelle ne ruminent pas plus que les porcs, et sur les montagnes d'Auvergne, c’est jusqu'à l’âge de six à dix mois, que sont à la mamelle ceux d’entre eux que l’on veut élever.

Ne pourrait-on pas prolonger ce régime jusqu'à l'âge adulte, pendant toute la vie? Que devien- draient alors et le rumen, et le réseau, et le

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feuillet réduits à Pinaction ? Si, poussant plus loin l'expérience , on tirait race d'animaux ainsi modi- fiés, à quels résultats ne pourrait-on pas arriver ? Qui peut assigner des bornes à la puissance de lhomme sur l'espèce comme sur lindividualité des animaux domestiques ? Il n’a sans doute pas at- teint cette limite, le fameux agronome anglais (Backwel), qui a pétri d'une main si ingénieuse les formes et les qualités d’un nombreux bétail.

Ces animaux ruminans, constamment nourris de liquide, rumineraient-ils ? nous l’ignorons; mais des pommes de terre cuites ne sont pas des liquides comme le lait. Or, comme il n’y a que les alimens liquides qui puissent se dérober à la rumination, et encore sous la condition qu'ils aient été avalés à petites gorgées, on peut donner des pommes de terre cuites aux ruminans, sans arrêter une fonc- ton qui est, au reste, beaucoup plus mécanique que vitale. 1l est possible toutefois que ces tuber- cules cuits et mêlés à l’eau tiède, recoivent, en revenant à la bouche sous forme de pelottes, moins de trente ou quarante coups de dents. Il est des observateurs qui se sont amusés à compter le nombre de mouvemens de mâchoires exécutés sur la pelotte soumise à la rumination , et ils ont conclu de leurs graves recherches qu'il y avait de grandes variations entre chaque bouchée dans le même repas; il est bien probable qu'il y en a pareillement selon le genre d’alimens. Au reste, le

( 108 ) nombre de coups de dents, fût-il réduit à vingt, à dix, à cinq, à deux, les pelottes soumises à cette action ne peuvent-elles pas recevoir les conditions nécessaires pour aller subir dans la cailleite, sous une influence nerveuse, l'acte vital qui doit les changer en chyle.

M. Godine pense que des alimens atténués et divisés, une fois descendus dans le rumen, ne peuvent pas être soumis à l’acte de la rumination. Ce vétérinaire confond toujours des alimens atté- nués et divisés, tels que les pommes de terre cuites et écrasées, de la paille ou autres four- rages hachés, avec des alimens tout-à-fait liquides, comme du lait, de l’eau blanchie par la farine, etc.

J'ai vu des bœufs à l’engrais, nourris exclusive- ment de soupes et de buvées de diverses sortes, peu consistantes, qui ruminaient parfaitement, et il faut observer que si, par ce régime, l'énergie digestive avait été affaiblie, on ne pourrait expli- quer l’engraissement de ces animaux. On engraisse des bœufs, on entretient des vaches laitières près des distillerres, près des sucreries de betteraves, presque exclusivement avec Le résidu mou et pul- peux de ces fabriques, et on ne s’est pas apercu que ces animaux aient cessé de ruminer. Il serait, au réste, assez indifférent que cette fonction peu vitale cessât du moment que les uns de ces ani- maux prendraient facilement de la graisse, et que les autres donneraient du lait en abondance.

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Ce n’est pas le plus ou le moins de consistance des alimens, mais leur volume qui est nécessaire à la rumination. Un bœuf cesse de ruminer après un long jeûne, quoiqu'il porte encore dans les appareils de la rumination jusqu’à vingt-cinq ou trente kilogrammes de masse alimentaire, et dans cet état 1 mourrait de faim, s'il ne prenait de nouveaux alimens. Très-peu de temps après les avoir recus, il les rumine avec ceux qui étaient immobiles dans ses prétendus estomacs. Ceux qui ont écrit sur la rumination n’ont pas expliqué ce phénomène, dont la solution n'entre pas dans mon sujet; is n'ont pas expliqué davantage un phénomène plus important, la cessation subite de la rumination dans presque toutes les maladies du bétail, même les plus légères. On ne peut attri- buer cette inertie à la faiblesse musculaire , puisque dans cet élat, l'animal peut faire plusieurs lieues, comme je men suis assuré en traitant le typhus de 1814. Le premier signe bien sensible de cette grave maladie était souvent la cessation de la rumination; on se hâtait de vendre, et souvent au loin, l'animal qui offrait ce symptôme: heu- reux quand c'était pour la boucherie; car la viande des bœufs frappés et même morts du typhus, n’a rien d’insalubre, tandis que cette épizootie est, dans l'espèce bovine, éminemment contagieuse.

Nous wexaminerons pas la question de savoir

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si la rumination est un acte volontaire, instinctif ou simplement mécanique; il nous suffit de la certitude qu'il peut s'exercer sur des substances divisées, atténuées ou cuites avant d’être ingérées, et leur volume en cet état est souvent plus consi- dérable que sous tout autre. Les bêtes bovines qui, dans les premiers jours du printemps, pâtu- rent l'herbe tendre , ruminent de la même manière que celles qui, pendant l'hiver, sont nourries de foin, de paille, de feuilles avec les rameaux seu- lement. Dans les premiers, la pelotte ruminée ne fait que se présenter à la bouche, ayant peu besoin de mastication, et j'ai cru remarquer que quelquefois même elle ne s'y présentait pas du tout. L’acte de la rumination était alors pour la vache mollement couchée dans la prairie, une distraction, un amusement, l'effet de l'habitude : même chose peut arriver aux bêtes bovines ali- mentées avec des végétaux cuits, sans le moindre détriment pour l'acte digestif.

Elles ruminent et digèrent très-bien, les vaches laitières nourries, dans quelques contrées, prin- cipalement de soupes quelquefois fluides, et alors nommées buvées, qui se composent de son, d’avoine moulue, de pommes de terre cuites, de turneps cuits et écrasés, de farine de seigle et d'orge fortement salée. Il est dans ce pays de grandes fermes, l’on a construit tout exprès des fourneaux pour ces préparations, ef les avan-

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tages qu’elles offrent, compensent largement les frais d'établissement, ceux de combustible et de main d'œuvre.

On va plus loin dans les Etats-Unis: on y fait cuire à la vapeur non-seulement les pommes de terre et les turneps, mais encore le foin et la paille. Les vaches alimentées ainsi presque exclu- sivement , fournissent en abondance un lait excellent.

Ce ne sont pas des vaches laitières, mais des bœufs à l'engrais, qui sont nourris exclusivement avec des pommes de terre cuites à la vapeur, chez M. de la Chapelle, à la Rouge, près de Meximieux. J'ai vu,son fourneau qui est très-simple, et je tiens de lui-même que, malgré les frais de combustible et de main-d'œuvre, il était difficile de mieux engraisser les bœufs et avec plus d'économie.

Ce ne sont pas seulement les bêtes bovines, mais encore les bêtes à laine, et même les che- vaux, que dans la Flandre francaise on alimente avec succès, en leur donnant pour toute nourri- ture des soupes de fourrage, dont la pomme de terre est la base. Ce tubercule est râpé, jeté dans une cuve avec de la paille, du foin haché; on y dirige de la vapeur. Quand tout est cuit, on laisse refroidir, et on l’apporte au bétail; pas d'autre nourriture l'hiver comme l'été, que ces soupes, dont seulement on varie la composition. Il en est il n’entre pas un brin de foin, par la raison

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qu’on n’en récolte pas du tout. Ainsi, dans la ferme flamande de Villiers, dont la contenance est de 86 hectares,. toutes les prairies, tous les pâtu- rages ont disparu; et pour y nourrir un nombreux bétail, on fait cuire des pommes de terre à la vapeur; on les étend sur le sol; on les écrase sous des pieds garnis de sabots, en y incorporant, au moyen d’une certaine quantité d’eau, de la paille hachée.

On a calculé avec toute l'exactitude flamande que la nourriture des bêtes de travail, des bœufs à l’engrais soumis à ce régime, coûtait, terme moyen, 1 fr. 10 C. à 20 c.

Ces détails sont puisés dans un Mémoire pré- senté à la Société d'agriculture d’Avesnes, par une commission chargée d'explorer les améliorations agricoles de l'arrondissement.

Le fils d’un des commissaires (M. Lecoq), se trouvant attaché à l'établissement auquel j'ai lhon- neur d’appartenir, j'ai lui demander des ren- seignemens; je n'eusse pu mieux m'adresser. Pen- dant trois ans, il a été employé en qualité de médecin vétérinaire à la grande ferme de lEpine, il a vu commencer l'usage des soupes de four- rage. Raisonnant d’après la théorie que j'ai com- battue dans le présent Mémoire (nécessité des alimens d’une certaine consistance pour la masti- cation , insalivation , rumination , digestion) , M. Lecoq prophétisa de fréquentes indigestions et

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un dépérissement progressif, et cependant, pen- dant deux ans qu'il soigna le bétail ainsi nourri, il n’eut à traiter que quelques maladies inflamma- toires moins graves et moins nombreuses que dans les fermes voisines, le bétail était soumis au régime ordinaire; il vit des chevaux de labour forts et vigoureux sous Finfluence de cette nour- riture cuite. On l’a donnée à des moutons atteints par la cachexie, et la maladie s’est arrêtée au point qu'après avoir été engraissés en quarante jours, ils ont été vendus au même prix que s'ils l’cuscent pas été malades.

Ces faits , auxquels nous pourrions en ajouter beaucoup d’autres, valent mieux que tous les rai- sonnemens. Nous n’examinerons pas ici l'influence, sur les substances végétales, de l’eau et du calo- rique; nous nous contenterons de faire observer que ces corps organiques, Soit qu'ils soient doués ou privés de vie, se métamorphosent les uns dans les autres. La gomme devient fécule; la fécule devient sucre. Ce quicontenait peu d’élémens ca- pables d’assimilation peut en acquérir beaucoup ; ce qui pouvait résister aux forces digestives, peut devenir d’une digestion facile, et l’action du calo- rique et de l’eau n'est-elle pas éminemment propre à déterminer ces changemens ? Que des chimistes les démontrent par le jeu des affinités, nous les prouvons par une expérience de tous les jours. Est-ce que la cuisson ne développe pas le principe

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sucré dans un grand nombre de fruits et de racines? n'a-t-on pas, à l’aide de certains ingré- diens, saccharifié jusqu’à la paille, au bois, aux vieux chiffons ?

On sait que l’eau devient nutritive, en se soli- difiant dans la fermentation panaire par une loi qui nous est inconnue; pourquoi un phénomène analogue n’aurait-il pas lieu par la simple cuisson des végétaux? Tout porte à croire que non-seule- ment leurs qualités, mais encore leur masse nutri- tive, sont augmentées par cette préparation.

Ce n'est pas tout : des végétaux crus, réputés impropres à l'alimentation, ue peuvent-ils pas devenir alimentaires par la cuisson? Et ne pour- rait-on pas assurer d'avance que les plantes âcres et grossières des marécages, les fougères des forêts, les genèêts et les bruyères des sols arides , deviendraient, par la cuisson, d’une digestion et d’une assimilation faciles ?

Et dès-lors quelle augmentation de ressources alimentaires pour la multiplication d’un bétail, dont la pénurie est le plus grand scandale de l'agriculture francaise !

Le bétail le moins nombreux et le moins pro- duetif, dans une étendue donnée, est celui qui pâture en liberté sur des sols la végétation est abandonnée à la nature, et la faux ne passe jamais. Vient ensuite celui qui est nourri sur des sols dont l'herbe spontanée est devenue plus suc-

(215) culente par les travaux de l'homme, et en partie du moins desséchée et emmagasinée pour la nour- riture du bétail pendant la saison rigoureuse.

La troisième méthode, plus féconde, consiste à cultiver des fourrages avec le même soin que des céréales ou des légumes, et à le faire consommer presque en totalité dans les étables.

Ces trois méthodes sont suiviès simultanément et à des degrés divers dans toutes les contrées de l'Europe.

Il fut un temps la première dut être exclu- sive partout, comme elle l’est encore chez les Arabes et les Houtentote; comme elle l’est par la force des choses, dans la moitié de l’année, chez les agriculteurs montagnards des peuples civilisés.

La seconde remonte à la plus haute antiquité. Une botte de foin servait d’étendard aux fondateurs de Rome, et il est question d'herbe fanée pour la nourriture des bœufs, dans le plus ancien comme le plus vénérable des livres. Quant aux chevaux, ils étaient nourris, comme ils le sont encore en Orient, d'orge et de paille. Ce n’est que dans les temps modernes et en Europe, qu'on s’est avisé de nourrir comme les vaches, un animal svelte, élastique, plein d'élégance.

Deux siècles se sont à peine écoulés depuis l'introduction de ces riches cultures, qu'on a bizarrement nommées prairies artificielles. Ce n’est que depuis un demi-siècle qu’elles se sont propa-

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gées encore avec une extrême lenteur, et il est des contrées, je ne dis pas en Afrique ni même en Espagne, mais dans notre France, les prairies ensemencées et temporaires, les cultures des racines fourragères, qui se marient si bien aux assolemens méthodiques, sont complétement in- connues.

La quatrième méthode, bien supérieure à toutes les autres, se propagera-t-elle avec plus de rapi- dité ? Sentira-t-on bientôt que c’est principalement, après avoir subi la cuisson , que pour notre bétail, comme pour nous-mêmes, les alimens sont les plus riches en principes alibiles sous une masse donnée, les plus savoureux, les plus faciles à être digérés et assimilés.

J'aime à voir dans un avenir peu éloigné cette grande révolution; elle sera favorisée par la sura- bondance d’un combustible fossile inconnu à nos pères, et dont une masse inépuisable est cachée dans les entrailles de la terre; par le perfection- nement des machines à vapeur, qui doit amener une si grande économie de combustibles et de main d'œuvre. C'est ainsi que toutes les décou- vertes s’enchainent dans les moyens d'augmenter la richesse publique et d'avancer la civilisation, comme ‘tous les préjugés, toutes les erreurs cons- pirent pour maintenir l'espèce humaine dans l'enfance et la misère.

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NOTHCE BIOGRAPHIQUE DES MÉDECINS DE LA HAUTE-LOIRE ;

Par le docteur RicnonDp pes Brüus, Secrétaire de la Société.

MESSIEURS,

Rien n’est plus naturel que ce sentiment qui fait énorgueillir Fhabitant d’une contrée des merveilles que l'art ou la nature y ont enfantés, et des hommes qui, par leur courage, leur talent ou leurs vertus, s’y sont illustrés. Il semble qu'un peu de cette gloire qui est la juste récompense des travaux de ses enfans se reflette sur le pays qui les a vu naître, et qu'en vertu de cette espèce de solidarité qui existe entre tous les hommes d'un même pays, soumis aux mêmes lois, aux mémesusages,aux mêmes vicissitudes, aux mêmes chances, une part de leur illustration doive lui appartenir. Ce sentiment qui crée l'esprit national et qu'entretient l'amour sacré de la patrie, est des plus honorables et doit être encouragé. C’est en se montrant juste appréciateur des hommes que recommandèrent leurs talens, qu'on enflamme les

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âmes généreuses du désir de les imiter. C’est en honorant les morts qui furent des modèles de vertu, qu’on encourage les vivans à marcher sur leurs tra- ces. Il serait donc d’un bon exemple de conserver, dans chaque département, l’histoire des hommes qui ont bien mérité de leur pays, et qui ont acquis des droits à la reconnaissance ou à l'admiration de leurs concitoyens. Ces tables historiques, transmises d'âge en âge, tendraient à former une génération meilleure, à augmenter le zèle pour le travail, le goût pour les sciences, le respect et l'amour pour la vertu, le dévoñment à son pays, et à assurer de dignes successeurs aux Hommes qui auraient l'honneur d'y figurer.

L'ingratitude tue le bienfait. L’ingratitude, Pin- différence et l'oubli qui menacent le savant, sus- pendent trop souvent ses travaux. Il recule effrayé devant des recherches longues et pénibles, de- vant le sacrifice prolongé de son temps, lorsqu'il n’est pas soutenu par l'espérance d’une récom- pense honorable, Or, quel plus noble encourage- ment pourrait-on donner, que l’assurance de vivre dans le souvenir de ses concitoyens, de voir ses travaux appréciés, de figurer sur la liste des hom- mes qui firent honneur à leur pays, et d’être cités comme un noble exemple aux générations à venir ?

Déjà, grâces aux recherches de l'abbé Pouderoux, de l'abbé Laurent, de M. Arnaud et de M. Deribier, les noms de beaucoup de compatriotes recomman-

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dables par leurs écrits leurs actions, ont été conservés et sont connus. En présenter la liste dans nos Annales qui sont consacrées aux intérêts et à la gloire de ce département, me parait chose utile et convenable. Mais, médecin, je dois donner une mention spéciale à mes collègues, et appré- ciant mieux que tout autre l'étendue de leurs ser- vices, revendiquer , pour mon pays, la part de gloire qui doit lui revenir de leurs travaux. Puis- sent les fleurs que je m’apprête à jeter sur leur tombe, prouver que les services rendus à l'huma- nité ne sont pas perdus; et que dans cette carrière de bienfaisance le dévouement n’est pas sou- tenu par la perspective de la gloire, par les en- couragemens et les éloges de spectateurs ou de compagnons, mais par la seule satisfaction de faire secrètement le bien, il est une récompense tardive quelquefois, mais assurée !

10 CHAUMETTE. Au premier rang des méde- cins de nos contrées qui illustrèrent leur nom par leurs écrits, doit être placé Antoine Chaumette, à Vergezac, qui, après avoir étudié à Mont- pellier (sous Rondelet et Saporta, puis à Paris, sous Sylvius), vint exercer son art dans les lieux qui l'avaient vu naître. Une pratique fort étendue, qu'une réputation méritée lui avait valu, le mit à portée de recueillir un grand nombre d’obser- vations qu'il publia après en avoir confié la rédac- Lion à Fontanus. Il publia ensuite un ouvrage écrit

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avec beaucoup d'ordre et de vérité, qui contenait tout ce qui avait été imprimé de meilleur jusqu’à lui, sur l’art chirurgical, et qui eut le plus grand succès. Cet ouvrage, qui eut un grand nombre d'éditions successives et fut traduit en francais , en allemand, en italien, en hollandais, était inti- tulé : Enchiridion chirurgicum , externorum reme- dia, tum universalia, tum particularia , brevissimé complectens, quibus morbi venerei, curandi me- thodus, probatissima accedit ; Paris, 1560.

29 LYONNET. Robert Lyonnet, au Puy, était un médecin fort distingué. Il devint médecin consultant de Louis XIII. Ayant eu Poccasion d’ob- server la peste qui désola ce pays en 1629 et 1630, il fit un traité inütulé : Reconditarum pestis, et contagii causarum curiosa disquisitio, ejusdemque methodica curatio (in-6°, Lyon, 1639), qu'il dédia à Charles Bouvard, médecin du roi. Quelques années plus tard, il publia encore un traité inti- tulé : Dissertatio de morbis hereditariis; Paris, 1647, in-40.

30 Durieu. Jean Férapie Dufieu, à Tence au commencement du 18€ siècle, exercait avec distinction la médecine à Lyon, après avoir fait son cours à Montpellier. Chirurgien du grand Hôtel-Dieu de cette ville, correspondant de la Société royale des Sciences de Montpellier, il publia plusieurs ouvrages, et notamment un Manuel physique pour expliquer les phénomènes

(128 ) de La nature (Lyon, 1958, 1in-8°), qui eut une seconde édition en 1760; un Dictionnaire d’ana- tomie et de chirurgie (2 vol. in-12, Paris, 1766), et un Traité de Physiologie (2 vol., Lyon, 1762), qui obtint le suffrage du grand Haller.

Que n’aurait pas fait ce médecin distingué, st sa carrière avait pu se prolonger, puisque lors- qu'il mourut, âgé de trente-deux ans, aux eaux du Mont-d'Or, il était investi de la confiance publique, possesseur d’un poste éminent et déjà célèbre par ses écrits!!!

SozréLiAGEs. Charles de Solléliages, de Brioude, docteur en imédecine, était très-versé dans les langues grecque et latine. Une thèse grecque, qu'il soutint en 1760, lui valut les ap- plaudissemens de tous les professeurs de Mont- pellier.

99 BarRÈs. Barrès, chirurgien à Blesle, pu- blia, en l’an 9, une Description topographique de ce canton. En mettant de côté la partie géologique de ce petit ouvrage, qui repose sur une physique aujourd'hui surannée, on y trouve des vues utiles en agriculture et de bonnes observations d’éco- nomie rurale.

60 Prssis. Pierre-Joseph Pissis, à Brioude, docteur en médecine, ancien professeur de chimie et de physique à l'école centrale, au Puy, a pu- blié un Traité d'Hygiène, reconnu, dit M. Deribier, pour un chef-d'œuvre de médecine populaire.

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Il a laissé plusieurs manuscrits pleins d'intérêt, dont l’un, qui se trouve entre les mains de M. Mandet, est relatif à la manière de rétablir les vins altérés, et contient des observations fort bien faites et fort utiles aux pays vignobles de ce dépar- tement (1).

MEYRONENC et Siccer. Meyronenc, doc- teur en médecine, doyen de la célèbre compagnie de MM. les médecins de la ville du Puy, était très-expert et habile dans son art, et jouissait d'une réputation étendue et méritée. Il vivait au milieu du 17° siècle. Voilà ce qu'apprend de lui Adrian Sicler, médecin spagyrique, dans lou- vrage qu'il fit imprimer au Puy, en 1670, et qui a pour titre : Histoire inouïe d’un accouchement de dix-neuf mois, ouvrage grandement utile aux médecins, chirurgiens , chimistes, cabalistes et curieux. Sicler avait, à ce que prouve son ouvrage, une imagination vive et ardente, et une érudition vaste et variée. Mais il avait toute confiance dans la science cabalistique. Il croyait à l'influence des astres sur le jeu et le développement de notre frêle machine, et il était complétement sous l’em- pire des préjugés du temps. Quelques citations suffiront pour donner une idée de sa crédulité. L'enfant qui, suivant lhistoire authentique que

(1) N'ayant pas pu me procurer les ouvrages des trois mé- decins sus-nommés, j’ai pris la notice qui les concerne dans la Statistique de notre sayant collègue M. Deribicr.

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publie Sicler, resta dix-neuf mois dans le sein de sa mère, prononcait, disait-il, quelques mots. Il écouta, il reconnut que ce n'était que successi- vement que diverses lettres étaient prononcées; il les recueillit, et les anagrammatisant, il se convainquit qu'elles signifiaient Jésus, abba, id est pater, et jehova. Malgré cela, la mère et toutes les personnes instruites de cette grossesse extraor- dinaire, restèrent persuadées qu’elle portait un monstre, et tous les moyens de favoriser son expulsion, sans exciter sa rage, durent être em- ployés. Ce fut, grâces aux remèdes de notre auteur, que l'accouchement ent enfin lieu. Voici ce qu'il dit à cet égard : « Je portai à notre Antoi- » nette une poudre innominée que je lui fis pren- » dre dans trois cueillerées d’eau, après y avoir » fait le signe de la croix, afin que par l'efficace » de cette marque de notre salut, la vertu de » mon remède fût confirmée dans sa force .…. » voulant imiter le phénix de lArabie, lequel » avant de se purger avec la fleur nommée ros- » solis, il la foule auparavant avec son pied droit » qu'il a fait quasi en forme de croix, comme » pour le marquer au cachet de ce signe salutaire. » Sicler explique la longueur de cette grossesse » de la manière suivante :

» J'estime que l’une des principales causes de » la prolongation de cette naissance, selon les » règles de l'astrologie, ne peut procéder que

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» d’une mauvaise opposition de Vénus et de la » lune envers les astres masculins, qui sont Sa- » turne, Jupiter, Mars, le Soleil et Mercure, » lesquels, par un regard contraire, réprimèrent » les bonnes influences que la lune a coutume de » départir aux femmes qui sont en travail d’en- » fant. » L'explication est , on le voit, très-satis- faisante.

L'ouvrage de Sicler, dédié au cardinal de Polignac, est précédé de l'Histoire généalogique de cette illustre famille du Velay; histoire qui manque de critique et de goût, mais qui renferme pourtant quelques faits assez curieux.

Si l’auteur a tenu sa promesse, il doit avoir pu- blié quelques autres ouvrages, car il dit dans celui-ci : « Au premier jour, Dieu aidant, je vous » ferai voir ma philosophie chimique enrichie de » 400 secrets sur diverses sciences et maladies, » ma chirurgie morale et méthodique, et ma » théologie universelle des signatures de la croix » de Jésus. » Mais tous les efforts que j'ai fait pour me les procurer ont été, jusqu'à présent,

NI

infructueux.

69 Lamr. Le docteur Lami , au Puy, exercait, avec distinction, la médecine dans le milieu du 182 siècle. Il était fort estimé du docteur Balme, et ila, je crois, publié quelques ouvrages que je n'ai pu me procurer. C’est à lui qu’on doit, à mon avis, attribuer un ouvrage intitulé : Deliciæ

({ 425.)

eruditorum, publié en 1744, dans lequel se trouve un éloge mérité des efforts tentés par M. de Sainte- Pallaie, pour réunir toutes les œuvres des trou- badours. Ce qui doit donner quelque consistance à cette opinion, c’est que plusieurs de nos com- patriotes figurent avec honneur sur la liste de ces poètes provencaux, et qu’un savant de nos contrées devait, plus que tout autre , s'intéresser au succès d’une entreprise qui devait projeter un peu de gloire sur eux. Je pense donc , jusqu'à nouvel ordre, que le savant docteur Lami, auteur de cet ouvrage, est notre compatriote.

CHAPOT. Le docteur Chapot naquit et mourut au Puy. Après avoir fait son cours.à Mont- pellier, en 1754 et années suivantes, il vint exercer la médecine dans sa ville natale, et obtint bientôt la confiance de ses concitoyens. Il publia, en 1779, le premier volume d’un ouvrage intitulé : Système de la nature sur le virus écrouelleux.

Dans cet ouvrage, remarquable sous plus d’un rapport, M. Chapot s'élève avec talent et indépen- dance contre les opinions ridicules qu’on professait sur Ja nature de la maladie scrophuleuse, et s'efforce de prouver que ce n’est que par l’étude attentive et approfondie des circonstances dans lesquelles se développe cette affection , des tempéramens et des différences de constitution des personnes chez lesquelles on l’observe, de sa marche, de ses complications, etc., qu'on parviendra à avoir des

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notions suffisantes pour se fixer sur la cause pre-

mière et la nature intime du mal : que jusque-là, il y a du danger pour la science et pour les ma- lades, à admettre les causes invoquées par les auteurs, telles que l’épaississement de la lymphe, lâcreté ou l'acidité des humeurs, ou un virus par-

ticulier; toutes inventions de l'esprit humain et non le fruit de l'observation. « On n’entend plus parler , dit-il, de monades, de tourbillons, de ma-

»

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tière subtile; tous ces êtres merveilleux, qu’une imagination enchanteresse enfanta, ont été con- vertis en une bonne physique expérimentale, qui fera chaque jour de nonveaux progrès, Pourquoi donc nous autres médecins ne tenterions-nous pas une pareille métamorphose ? Pourquoi ne convertirions-nous pas nos tourbillons de fluide nerveux, nos monades virulentes, et surtout nos formes mécaniques, en une bonne médecine analytique, expérimentale, fondée sur lerapport des sens et de la raison? Serions-nous moins amis du vrai, plus esclaves des préjugés ?

» Écartons loin de nous, dit-il encore , l'hypo- thèse, comme la peste de l'école, qui conduit à l'erreur par de très-bons argumens. Prenons la seule route qui conduit au vrai, l'observation; c’est à la raison et à l'expérience à décider. Je ne connais que ces deux autorités qui soient irréfragables, s'entend, lorsqu'elles vont en- semble, ce qui n’est pas commun. »

on

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On voit par ces citations, que Chapot ne jurait pas in verba magistri; que sa haute intelligence l'avait élevé au-dessus des vulgaires théories, et que, tout en reconnaissant la difficulté de faire triompher des opinions nouvelles, il ne reculait pas devant la tâche de les émettre et de les défendre. Cela seul dénote un esprit judicieux, une grande habitude de la réflexion, et beaucoup d'indépendance dans la pensée.

La description de la maladie scrophuleuse est faite d’une manière satisfaisante dans l’ouvrage de M. Chapot, et bien que les théories médicales, sous l'influence desquelles il écrivait, aient changé de- puis que la physiologie a éclairé de son flambeau l'étude de la médecine, sa dissertation présente encore de l'intérêt. On doit regretter que ce travail soit resté incomplet.

10° LANTHENAS. Francois Lanthenas, au Puy , était un médecin de talent; mais les circons- tances le poussèrent dans une carrière autre que celle à laquelle il s’était destiné. Recu docteur en médecine à Reims, le 13 septembre 17984, Lan- thenas publia, en latin, un petit écrit ayant pour titre : ZL’Education, cause éloignée et souvent méme cause prochaine de toutes les maladies. On regrette, en lisant cet ouvrage fort bien pensé et purement écrit, que son auteur n'ait pas consacré tout son temps à des recherches sur la médecine, et Lout son talent à des écrits sur cette science.

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On a encore de M. Lanthenas un petit Mémoire intitulé : De Pinfluence de La liberté sur La santé, La morale et le bonheur, la question est plutôt envisagée sous le rapport philosophique et politique que médical. M. Lanthenas prit une part active au mouvement politique qui agitait la nation en 1789. Ilconcourut, avec quelques hommes de mérite, à la rédaction de brochures et de journaux politiques. Il était assez naturel de se passionner alors pour la liberté; elle apparaissait si belle!!! Le sang n’a- vait pas encore fumé sur son autel, et les discordes civiles n’avaient pas déchiré le sein de la patrie.

Honoré de l’estime deRoland et de l’amitié de son illustre femme, Lanthenas s’associa à leurs pensées patriotiques, et devint chef d’une des divisions du ministère de l'intérieur, lorsque ce courageux citoyen fut placé à sa tête.

Plus tard, nommé député par le département du Rhône, il figura sur la liste des vingt-deux Giron- dins que la montagne destinait à léchafaud; et peu s’en fallut qu'il ne payât de sa tête ses sym- pathies pour ces illustres proscrits.

Il ne m'appartient pas de juger les actes, les opinions et les écrits politiques de M. Lanthenas : c’est le médecin seul dont je dois m'occuper ici. Toutefois, je crois pouvoir donner la liste des ouvrages qu'il a publiés, et dire qu’en général ils dénotent dans leur auteur un esprit éclairé et in- dépendant, une grande conviction et des inten- tions nobles et philanthropiques.

SES CEE 7

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Inconvéniens du droit d’afnesse, un vol. in-80, 1787; 20 L’Amiral réfuté par lui-méme, sur P Afrique et sur Les noirs, 1790; Des Sociétés populaires, considérées comme une branche essen- tielle de linstruction publique, 1790; De la liberté indéfinie de la presse, 1791; La né- cessité et moyens d’établir la force publique sur la rotation continuelle du service militaire, et la représentation nationale sur la proportion exacte du nombre des citoyens, 1792; Déclaration des devoirs de l'homme, des principes et maximes de La morale universelle , 1793; plusieurs discours

et projets de loi; enfin, Bases fondamentales de l'instruction publique, un vol. in-8°. Ce dernier

ouvrage est un des meilleurs de M. Lanthenas. Passionné pour Finstruction, il fit toujours beau- coup d'efforts pour propager les lumières et faire adopter un plan fixe d'éducation. «Il ne s’agit pas » seulement, disait-il, de détruire des priviléges » et des abus, de proclamer de belles maximes; » mais 1l faut avant tout propager les lumières, » éclairer les citoyens, répandre la vérité, dissiper » l'erreur, combattre le mensonge, encourager » les bonnes mœurs, et adopter un bon sys- » tème d'éducation publique; autrement, nous » préparons nous-mêmes la destruction de l’édi- » fice que nos travaux s'efforcent d'élever. »

10° GARDES. Alexandre Gardès, au Puy, ft, avec distinction, son cours de médecine à

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Montpellier, et fut recu docteur en 1774. Il publia, à cette époque , un petit traité intitulé : De vagind, de utero et de ligamentis latis. I vint s'établir dans sa ville natale, il obtint bientôt la con- fiance due à son talent. Nommé, peu de temps après, médecin des hospices du Puy, Gardès se fit remarquer par son zèle empressé à secourir les pauvres malades confiés à ses soins, par la dou- ceur et l’affabilité de ses manières, et par sa grande activité. Persuadé par l'expérience de chaque jour, que l'intérêt des malades exige une certaine émulation parmi les médecins qui sont chargés de les secourir, Gardès, quoique investi de l'entière confiance des administrateurs, ne voulut pas rester seul à la tête du service médical. Il obtint d'eux, que les médecins se succéderaient par trimestre , tandis qu'ils devraient être réunis dans tous les cas graves, Les avantages d’une telle méthode sont incontestables, et il est fâcheux qu'ils n’aient pas été mieux appréciés. Dans l’an 4 de la république, le typhus s'étant déclaré parmi les prisonniers hongrois qui avaient été dirigés sur le Puy, Gardès érigea en hôpital, les salles du séminaire, se pro- cura rapidement tout ce qui était nécessaire pour combattre ce fléau, et resta presque constamment au milieu des malades, sans tenir compte des dangers auxquels il s'exposait. Ce courage des mé- decins n’est point chose rare. À chaque épidémie, on les voit se disputer l'honneur d'aller observer

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sa marche et s’exposer à ses coups; mais tandis qu'on décerne des palmes et des couronnes au guerrier qui montre du courage, alors qu'il est entouré de spectateurs et de compagnons d'armes, et qu'il est excité par le bruit du combat et Pespé- rance d’un succès brillant et utile à son pays, on semble regarder comme tout simple et tout natu- rel le dévoûment du médecin, comme si la mort était moins redoutabie, lorsqu'elle avance escortée de souffrances et d'horreur, et frappe autour d'elle d'un bras sûr, que lorsqu'elle renverse inopiné- ment et au hasard au milieu du fracas des batailles.

Gardès, atteint par la maladie qu'il s’efforcait de combatttre, succomba. Victime de son dévoûment et de son humanité, il descendit au tombeau, em- portant avec lui l'estime, les regrets et la recon- naissance de tous ses concitoyens. Son nom, insé- parable de celui des dames Brun et Hugon, qui moururent comme lui du typhus dont elles avaient respiré le germe en prodiguant leurs soins aux malades, ne périra pas. Il est surtout gravé dans le cœur des habitans de Saint-Julien-Chapteuil , auxquels il rendit une foule de services, et pour lesquels sa main bienfaisante ne se lassa jamais.

Un beau trait nous honore encore plus qu’un beau livre; Dans la postérité, la vertu nous fait vivre. Dupaty.

120 BALmE. Le docteur Balme, correspondant

de la société royale de médecine, était un de ces

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médecins instruits et infatigables, qui ne termi- nentun ouvrage que pour en commencer un autre. L'histoire de sa vie se résume dans celle de ses écrits. Tous ses momens furent en effet consacrés à des recherches utiles, à des méditations appro- fondies sur divers points de l’art de guérir, et à la rédaction des observations que sa pratique étendue lui permettait de recueillir,

au Puy, le 9 octobre 1742, Balme alla faire son cours à Montpellier, Il suivit les lecons de Fizes, de Sauvages, de Lamure, de Venel, et de Charles Leroy, partisan si éclairé de la médecine hippocratique, et se fit remarquer par son apti- tude, son zèle et son assiduité. À peine arrivé de l’école, Balme obtint la confiance de ses conci- toyens : mais ne s’abusant pas sur lisuffisance de ses connaissances, et désireux de recueillir, au- près des médecins distingués qui illustraient alors l’école de Paris, les préceptes les plus sûrs de l’art à l'exercice duquel il s'était voué, il ne craignit pas, après deux ans d’une pratique qui s’augmen- tait chaque-jour, de partir pour la capitale; faisant ainsi le sacrifice du présent au besoin d'apprendre et d'accroître ses richesses. Il passa deux années dans ce grand centre de lumières, et fut à portée d'apprécier les idées nouvelles que commencait à répandre Bordeu.

De retour au Puy, Balme publia successivement un grand nombre de Mémoires importans, et plu-

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sieurs ouvrages étendus, qui lui valurent une réputation méritée, des récompenses publiques de la Société de médecine, et les éloges des journaux du temps.

Les bornes que je dois me prescrire et le plan de cette Notice ne me permettent pas de présenter une analyse raisonnée de chacun de ses ouvrages; je me bornerai donc à signaler les principaux, et à énumérer les autres.

Ayantété témoin du succès de la nouvelle doctrine du pouls, et ayant pu apprécier plus tard son im- portance dans la pratique de la médecine, Balme en fit le sujet d’une lettre à l'auteur du journal de médecine, qu'il publia en 1768. L'année d’après, il publia dans le même journal un Mémoire dans lequel il s’efforca de réfuter Dehaën, qui s'était déclaré contre l'usage des vomitifs.

Avant que les travaux de lécole de Broussais, héritière de ceux de Bordeu, de Bichat, de Pinel, de Morgagny, de Bonnet, de Lieutaud, etc. , eus- sent éclairé l’histoire des maladies chroniques, et effectué le rapprochement de deux nuances de l'état morbide, que des théorics mensongères avaient isolées, l'étude de ces maladies était très- difficile; c'était l’écueil de la médecine. Aussi, tous les hommes, amis de leur art, s’efforcaient- ils d'ajouter quelque chose aux connaissances ac- quises, et de jeter quelque jour sur ce point en- core obscur. Balme s’occupa avec assiduité de ces

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maladies ; elles devinrent pour lui l’objet de l'étude la plus appliquée et des réflexions les plus pro- fondes. « Je cherchais partout, dit-1l, une doctrine » qui fût comme celle des maladies aiguës : le » fruit de l'observation et de l’expérience.» Le résultat de ses méditations fut consigné dans un Mémoire qui fut inséré dans les n°$ de février, mars et avril 1774, du Journal de médecine.

Balme ayant, malgré l'application la plus sou- tenue, éprouvé des surprises et des revers dans sa pratique; ayant trouvé des maladies rares dont les auteurs ne contenaient point d'exemples; et des maladies qu’il était impossible de prévoir, de connaitre et de guérir, publia l'histoire de ces divers cas dans les journaux d'avril 1974, février 1786, mai 1767, septembre 1790, janvier 1791.

En juin 1777, il publia une lettre dans laquelle il s’efforca de prouver que la grossesse n’est point un obstacle fondé à lallaitement, et que l'opinion qu'il combat, très-préjudiciable à la tranquillité des familles, n’a pour appui que la servile défé- rence des disciples pour la décision des maîtres. L'opinion de M. Balme n’a pas prévalu et ne devait pas prévaloir. Car l'expérience démontre, d’une manière incontestable, que la grossesse altère le lait, le rend plus séreux et le prive des qualités nutritives qui sont d'autant plus nécessaires à l'enfant qu'il prend plus de développement,

Dans un autre Mémoire intitulé : Justification

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des nourrices mercenaires, M. Balme, tout en re- connaissant que l'allaitement maternel serait, en général, préférable, si les mères consentaient à remplir strictement les devoirs que la nature leur impose, soutient qu'on a exagéré le danger des nourrices mercenaires, prend leur défense et fait apprécier le peu de reconnaissance qu’on a géné- ralement pour elles, tandis qu’elles prennent pour leur nourrisson les sentimens d'amour d’une véri- table mère. Ce Mémoire parfaitement écrit, fait honneur à l’esprit, au talent et aux sentimens de M. Balme.

La difficulté et la longneur des convalescences dans beaucoup de maladies inspirèrent à Balme le désir d’en approfondir les causes et de trouver les moyens d'y remédier. Des études approfondies, des recherches attentives, une observation rigou- reuse et soutenue, lui donnèrent enfin les lumières qui lui manquaient, et il fit part au public du résultat de ses travaux, en publiant un Mémoire plein d'intérêt sur les convalescences, dans le Journal de médecine de 1778.

L'année suivante, appelant l'attention de ses concitoyens décimés par l’affreux fléau de la petite vérole, sur les avantages de l'inoculation, il s’efforca de surmonter les préjugés qui s’oppo- saient à l'introduction de ce moyen, et plaida chaudement sa cause dans une lettre qui contenait beaucoup de faits concluans. En 1985, Balme

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s’éleva avec chaleur, dans l'intérêt de la science et des bonnes mœurs, contre la doctrine de Mes- mer, qui, à l’aide du charlatanisme le plus effronté, faisait chaque jour des dupes et de nouveaux prosé- lytes. Il publia, à peu près à la même époque, l'His- toire d’une fièvre putride bilieuse qui, depuis plu- sieurs années, ravageait la ville du Puy. Le Mémoire qu'il écrivit à ce sujet, accueilli avec intérêt par la Société de médecine, obtint un des prix insti- tués par elle pour exciter l’'émulation des médecins.

En 1989, il publia encore un Mémoire sur cette même maladie, que l'hiver rigoureux de 1788 avait modifié dans sa marche; il fut imprimé, par ordre de la Société, à la suite de celui qu'elle avait couronné.

L'agitation générale qui régnait à cette époque , la préoccupation de tous les esprits par les événe- mens importans qui se succédaient sur la scène politique, ne purent arracher Balme à ses études et à ses méditations. Il fallait être bien ami de son art pour s’en occuper sans relâche et avec le même zèle, sans être troublé par les cris patriotiques qui dans toute la France accueillirent le serment du Jeu-de-Paume et par le retentissement du canon qui renversait la Bastille; car un peuple entier qui se lève spontanément pour revendiquer ses droits, qui brise violemment avec le passé et se livre avec enthousiasme à l'espérance d'un avenir plus prospère, inspire nécessairement des

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mn ÉÉORS 2e

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sentimens qui émeuvent, remuent l'âme et la remplissent de pensées tumultueuses comme les passions du moment.

On ne parlait alors que de patriotisme : Balme voulut prouver le sien, en publiant le résultat de ses travaux, et en faisant profiter ses concitoyens des lumières qu'il avait acquises.

Le suicide était devenu une maladie de lépo- que; chaque jour les feuilles publiques instrui- saient avec détail de tous ces événemens désas- treux; il semblait qu'elles applaudissaient au pré- tendu courage de ceux qui osaient briser avec la vie. Balme, persuadé que toutes ces morts volon- taires étaient le produit d’une maladie mentale ou d'un délire complet occasioné par le désespoir, publia une Dissertation, imprimée à Lyon en 1789, dans laquelle il s’efforca de démontrer la solidité de cette opinion.

Consulté souvent par des habitans de la campagne ou par des ouvriers, pour des maladies qu'ils attri- buaient àune application soutenue, à un travailtrop long-temps prolongé, ou à un effort, Balme fixa son attention sur les causes réelles de ces affections di- verses, et après des méditations approfondies etdes recherches nombreuses, il fit paraître son Mémoire sur les efforts. Ce travail fort remarquable dénote chez l’auteur, non-seulementune grande érudition, mais encore une grande habitude d'observer et de tirer des conséquences justes et rigoureuses des

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faits soumis à son examen. Nul auteur, avant Balme, n’avait songé à englober dans un même cadre les maladies d'espèces différentes qui peu- vent être la conséquence médiate ou immédiate d'un effort, c’est-à-dire, de Faction prolongée d’un ou plusieurs organes. En appelant Fattention des médecins sur cette série de maladies trop souvent méconnues , Balme a rendu un véritable service à la science.

Un autre ouvrage fort important de cet auteur, ses Recherches diététiques, fut publié en 1791. Dans ce Mémoire, 1l examine avec soin, sous le rapport hygiénique, les établissemens d'éducation, les colléges, les séminaires, et trace les préceptes qui devraient y être observés.

Il fait ensuite apprécier le danger des réu- nions trop nombreuses des ouvrières en den- telles, dans un espace trop étroit; les incon- véniens des brasiers dont elles font usage, et il fait l’'énumération des diverses maladies auxquelles leurs habitudes et la nature de leur travail les prédisposent.

Long-temps le traitement de la petite vérole a été dirigé d’après cette idée erronée, qu'il est nécessaire de pousser au-dehors les humeurs vi- ciées par le virus variolique, et de les éliminer le plus complétement possible.

Le malade couché dans un appartement scrupu- leusement fermé , accablé sous le poids des couver-

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tures , abreuvé de boissons chaudes et excitantes, était constamment maintenu dans une atmos- phère brülante , et recevait encore des remèdes plus moins irritans, dont les effets devaient être de pousser vers la peau. Depuis Sydenham, il a été reconnu que le but qu'on devait se pro- poser d'atteindre était, au contraire , d’atténuer linflammation, de diminuer l’ardeur et la chaleur générales, de prévenir les congestions, de remé- dier enfin aux phlegmasies qui peuvent accom- pagner ou compliquer la variole. Mais il a été long-temps difficile de faire prédominer cette méthode et de faire renoncer à celle que la rou- tine et l'habitude avaient consacrée. La voix des Tissot, des Fouquet et de tant d’autres avait été méconnue. Balme sentit combien il était nécessaire d'éclairer ses conciloyens sur cet objet important; il publia donc un Mémoire fort bien pensé, dans lequel il précisa le traitement qui doit générale- ment être suivi, et les circonstances particulières qui peuvent autoriser quelques emprunts à la méthode échauffante; se montrant ainsi médecin éclairé etsans préjugés, comme aussisans engoue- ment pour une méthode exclusive.

Arrêté comme suspect etconduit dansune maison de détention, en octobre 1793, Balme sut résister au chagrin et mépriser la calomnie. Calme dans les fers , comme il avait été en 1789, il chercha dans l'étude une consolation et mit encore à pro-

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fit, dans lintérêt de ses semblables, les momens de solitude et de repos qu'il devait à leur injus- tice. Semblable à Condorcet, qui, dans sa cachette et sous le coup de la mort qui le menacait, écrivit son bel ouvrage surles progrès de l'esprit humain, Balme rédigea dans sa prison l’ouvrage qui lui a fait le plus d'honneur et lui a assigné, parmi les écrivains , le rang distingué qu'il occupe; c’est son Traité des rechutes. Cet ouvrage, rempli de faits intéressans, mérite d'être lu, Il à rempli une grande lacune qui existait dans la science; et bien que les théories aient changé, et que beaucoup d'explications péniblement élaborées soient aujour- d’hui sans valeur, il sera toujours consulté avec fruit. Balme publia à la même époque un petit écrit intitulé : Ma justification, dans lequel il ré- fute les accusations qui avaient motivé sa détention.

À peine rendu à la liberté, il reprit ses travaux et le cours de ses observations. Toujours infati- gable ; il publia successivement plusieurs Mé- moires sur les fièvres puerpérales, sur les moyens de remédier à la rage déclarée , et enfin sur les hémorragies utérines. Ce dernier travail, fort inté- ressant, abordait une matière peu connue jus- qu'alors, et donna lieu à la publication de lim- portant Mémoire de Baudelocque, sur le même sujet.

Enfin, Balme publia, en 1604, un Mémoire intr- tulé : Réclamation importante sur les médecins

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accusés d'irréligion, dans lequel il s'efforce &s prouver que depuis Hippocrate, aucune société de médecine, aucune académie, aucune école particulière n’ont fait présumer l'ignorance ou le mépris de la divinité; que si quelques hommes, comme Arnaud de Villeneuve, surnommé l'héré- siarque , Paracelse et Servetont soutenu des erreurs et abusé de leur esprit, on ne voit du moins aucune trace de matérialisme dans leurs écrits, et qu'ils n'ont jamais pu exercer une grande influence. La philosophie du 18° siècle a seule été cause, dit-il, des calomnies dirigées contre les médecins. L'étude, comme l'exercice de l’art de guérir, n'ont jamais dans aucun temps disposé à l'irréligion, mais bien à l’adoration de la divinité, à l'admiration de ses ouvrages et à la reconnais- sance de ses bienfaits.

Ce travail est fort remarquable, tant sous le rapport du style qui est chaleureux et persuasif, que sous celui du raisonnement qui est entraînant. Je regrette seulement que M. Balme ait attaquéavec peu de ménagement un homme d’un mérite supé- rieur , Cabanis. Ce savant médecin a donné, il est vrai, quelque prise à l’accusation ; cependant, en s’occupant avec passion de l'idéologie et en appro- fondissant les phénomènes de l'intelligence, il a eu le soin d'observer qu'il regardait les causes pre- mières comme placées hors de la sphère de ses recherches, ct comme dérobées pour toujours aux

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moyens d'investigation dont l’homme peut dis- poser.

M. Balme mourut au Puy, le 1* décembre 1805.

Telle est la longue série des ouvrages com- posés par notre compatriote. On s'étonne avec raison qu'il ait pu publier tant d’écrits im- portans au milieu des travaux d’une clientelle nombreuse, et qu'il ait pu s'exercer avec un égal succès sur tant d'objets divers. Mais telle était la haute portée de son esprit, que dominant son sujet, observant avec pénétration, saisis- sant avec rapidité les points saillans d’une ques- tion, il triomphait aisément des difficultés qui auraient entravé la marche d’un homme moins distingué.

Balme était observateur judicieux, médecin éclairé et profond, et écrivain facile et spirituel.

Il mérite incontestablement d'occuper ie pre- mier rang parmi les médecins qui ont fait honneur à leur pays et qui ont des droits à la reconnais- sance de leurs compatriotes.

13° DANCE. Parmi les médecins de notre époque qui ont de justes droits à notre admiration, nous devons placer un de nos jeunes confrères, notre ami, notre contemporain, qui, victime de son zèle et de son amour pour la science, a été récemment moissonné par le terrible fléau qui a désolé notre belle patrie et a été frappé par le cho- léra, au moment il s’efforcait d’en étudier les

(143) caractères et d’en arrêter les ravages. Dance mar- chait à pas de géant dans la carrière scientifique; son nom était déjà inscrit sur la liste des médecins les plus distingués, et il aurait certainement obtenu une grande illustration.

Peu d'années se sont écoulées depuis l’époque quittant le bourg de Saint-Pal-en-Chalancon , il était né, Dance arriva à Paris avec une ambi- tion d'apprendre extraordinaire, et la ferme ré- solution de consacrer tous ses momens au tra- vail. À peine il étudiait les élémens de la science, que déjà il s'irritait de trouver des questions obs- cures, et de ue pouvoir résoudre toutes les diffi- cultés. De là, des efforts opiniâtres, des veilles prolongées, et une assiduité rare à tous les cours il pouvait puiser une instruction solide. En peu de temps, Dance se fit remarquer parmi les élèves les plus studieux, aimer par les professeurs, et rechercher par tous les jeunes gens désireux de former des liaisons utiles à leur instruction. Bientôt 1l parut dans ces concours nombreux les élèves viennent essayer leurs forces et disputer quelques palmes. Le succès le plus honorable cou- ronna ses efforts : placé en première ligne, par les suffrages des professeurs, il dut successivement à son mérite les places d’externe et d’interne dans les hôpitaux, et de nombreux prix à l'école pra- tique de Paris. Ainsi la carrière scolastique de Dance fut signalée par des succès nombreux,

(144) présage de succès plus importans et plus flatteurs encore,

En 1625, nommé à l’unanimité, par tous les médecins et chirurgiens de l'Hôtel-Dieu , pour rem- plir les fonctions d'aide de clinique dans cet hô- pital, Dance accepta avec empressement une place qui lui donnait l’occasion de faire de nom- breuses observations, et de soumettre au creuset de l'expérience les idées théoriques qui lui parais- saient avoir besoin de cette sanction.

En 1826, il soutint avec distinction sa thèse inaugurale, et fut inscrit honorablement sur la liste des docteurs en médecine. Bientôt 1l se pré- senta au concours de l’agrégat; et telle était déjà l'étendue de ses connaissances, qu'il fut remarqué parmi les médecins distingués qui étaient entrés avec lui dans la lice, et jugé digne de prendre place parmi les hommes destinés à devenir professeurs.

Ami sincère de son art, Dance ne voyait pas seulement.dans son étude assidue un moyen de se fonder une réputation et de se créer une fortune, mais bien la science à enrichir de faits bien ob- servés, et l'humanité à en faire profiter. Aussi, malgré la haute position qu'il s'était créée , 1l con- tinuait sans relâche ses recherches cadavériques, ses visites dans les hôpitaux, ses rédactions d’ob- servations et ses travaux de cabinet; el appréciant toute la valeur de son temps, il ne se délassait d'un travail qu’en se livrant à un autre.

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Dance n'était pas seulement remarquable par sa haute intelligence, mais encore par toutes les qualités du cœur. Il forcait, par ses manières douces et polies, ses rivaux eux-mêmes à l’aimer. Quoique victime quelquefois de sa franchise etde la facilité avec laquelle il faisait connaître le résultat de ses travaux, il ne voulut jamais changer d’ha- bitudes. Il préféra se voir ravir quelques pensées utiles, que de renoncer à des entretiens familiers dans lesquels il trouvait de la douceur et du plaisir. Le mérite était chez lui rehaussé par une grande modestie. Ennemi de toute intrigue, se dé- fiant de ses forces , il paraissait toujours être le seul à méconnaitre son talent, et il faut qu'il en ait eu beaucoup pour s'être élevé au rang qu'il occupait, dans un siècle l’on est si disposé à croire les gens sur parole, et à se laisser imposer par la médiocrité présomptueuse et intrigante.

Nommé, en 1832, professeur de clinique à la Charité, en remplacement de M. Leroux, mort du choléra, Dance se livra avec un zèle infatigable aux recherches et aux travaux que lui imposait la mission délicate et importante qu'il avait à remplir. Effrayé des ravages de l'épidémie, il s’efforcait vainement de lutter contre elle, et comme si cette mortalité désespérante eût résulté d’un manque de soins, ou d’une insuffisance de connaissances, il s’accusait et ne croyait jamais avoir assez fait pour ses malades, alors qu’il était béni par eux et

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admiré par ses confrères. Tant de peines et de travaux devaient porter atteinte à sa santé!!! ses forces chancelèrent, quelques malaises, précur- seurs de la maladie, inspirèrent des craintes à ses amis; mais loin d'écouter les conseils que lui dic- taient la prudence et l'amitié, il ne voulut point suspendre ses travaux; il persista dans ses fonc- tions dangereuses, et bientôt, victime de son dé- vouement et de son courage, il succomba.

Dance était âgé de 35 ans; il a emporté les regrets et l'estime de tous les amis de la science.

Voici la liste des Mémoires qu'il a publiés :

19 Thèse inaugurale sur les maladies de la matrice, 14 février 1826; 20 Observations tendant à prouver que les vomissemens opinidtres *survenus au commencement de la grossesse dépendent le plus souvent d’un état morbide de l'utérus et des produits de la conception, juin 1827 (‘Archives générales); de la Phlébite utérine et de la

5 phlébite en général, considérées principalement

£ sous le rapport de leurs causes et de leurs com- plications, décembre 1828 (Archives générales) ; de l'usage du Tartre stibié à haute dose däns le traitement des rhumatismes articulaires (Ar- chives 1829); 59 Mémoire sur les fièvres graves ; Observations sur plusieurs affections de lu- térus et de ses annexes, 1829 ( Archives); Me- moire sur l'hydrocéphale aiguë, observée chez la-

dulte (1829); Observations de tétanos inter-

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mittent (1831); Mémoire sur l'emploi des fric- tions mercurielles dans la péritonite puerpérale; 109 Observations sur une invagination intestinale, février 1852 (Archives); 11° Observations sur une forme particulière de lapoplexie, dans laquelle les foyers sanguins sont multiples et disséminés sur plusieurs points de la périphérie du cerveau, mars 1932 (Archives); 129 Article sur les abcés métastatiques dans le nouveau dictionnaire de médecine; 13° De lAcrodynie, ou Histoire de l'épidémie qui a régné à Paris en 1828 ef 1829, qui était caractérisée par des douleurs et des four- mnillemens dans les extrémités, et qu'on a cherché à rapprocher de la colique végétale et de l’ergo- tisme convulsif (article du nouv. Dict. de méd.).

Parmi les nombreux manuscrits laissés par Dance, on a trouvé plusieurs Mémoires, dont ses amis ont déjà publiés les suivans : à

149 Observations pour servir à l'histoire des ma- ladies des reins, juin 1832 (Archives); 159 Meé- moire sur l'odeur fétide et sterorale que présen- tent certains abcès développés dans l'épaisseur des parois abdominales, octobre 1832; 160 Observa- tions du choléra-morbus, recueillies au commen- cement de l'épidémie, à la clinique de Charité (à).

Dans tous ces Mémoires, aussi bien écrits que

(1) Au moment il a été frappé par l'épidémie, Dance

s’occupait de la rédaction d’un ouvrage complet sur la médecine.

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profondément pensés, on reconnait l'observateur infatigable, le médecin habile et judicieux, et le savant consciencieux. La science doit à Dance quelques progrès et beaucoup de lumières répan- dues sur plusieurs points obscurs de l'art de guérir. Aussi l’on peut dire de lui comme le célèbre Corvisard a dit de Bichat : « Nul à son âge n’a » fait tant et si bien pour la science médicale, » nul n'avait donné de si grandes espérances et » des gages plus précieux de ce qu'il devait faire ; » la médecine ne pouvait faire une plus grande » perte. »

159 ARNAUD. Jean-André-Michel Arnaud , au Puy le 26 septembre 1760, est le dernier mé- decin distingué qui doive figurer sur cette notice. Il y a peu de temps encore que la mort est venue l’arracher d’au milieu de vous (1) et terminer une carrière toute consacrée à l’utile. Vos regrets, Messieurs, furent amers, la perte était immense!!! Puissent mes paroles, faible témoignage de l'estime et de la considération que ses travaux et ses vertus lui avaient justement acquis, adoucir le chagrin de ses nombreux amis et conserver le souvenir de ses qualités distinguées.

M. Arnaud fit avec distinction ses premières études au collége du Puy. De il passa au sémi- naire il fit sa philosophie et il soutint suc-

(1) Il est mort le 24 noyembre 1831.

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cessivement deux thèses publiques , lune de logique , l'autre de physique. Se destinant à l'étude de la médecine, il recut de son père les premières lecons, et se rendit ensuite à Montpellier pour y faire son cours. Recu docteur en juillet 1782, il partit pour Paris dans l'intention de perfectionner ses connaissances et d'y suivre les lecons des hommes distingués qui, comme Vic d’Azyr, illus- traient alors l’école de médecine. De retour dans son pays, M. Arnaud s’associa à tous les travaux de son père et le suivit dans ses visites aux hôpi- taux et auprès de ses malades en ville, jusqu'en l’année 1785, il fut lui-même élu médecin des hospices et des prisons du Puy. Investi de la con- fiance publique, il occupa bientôt un rang dis- tingué parmi les praticiens de cette ville, et il le conserva jusqu'à sa mort. La longue carrière de M. Arnaud a tout entière été consacrée À des travaux d’une utilité réelle; et on ne concevrait pas comment, au milieu des soins assidus qu'exige l'exercice d’une profession pénible, il a pu com- poser les ouvrages importans qu'il a publiés, si lon ne savait qu'il ne se délassait des travaux de la médecine qu'en se livrant aux travaux du ca- binet, L'observation d’un grand nombre de ma- lades lui donna l’occasion de faire des remarques importantes et d'apprécier les effets de certains remèdes : c'est le résultat de ces recherches, quifut consigné dans divers Mémoires qui furent adressés

( 150 )

à des Sociétés savantes , et lui valurent des di- plômes d’associé correspondant. Ainsi, il appartint à l’ancienne Société royale de Médecine de Paris, à la Société de la Faculté de médecine de la même ville, à l'Académie de Dijon, à la Société médicale de Bordeaux et à celle de Lyon.

M. Arnaud était remarquable par l'étendue et la variété de ses connaissances, par un esprit d'ordre et de méthode qu'il apportait dans toutes les ac- tions de sa vie, par la régularité de ses habitudes, .la ponctuelle exécution de toutes les tâches qui lui étaient imposées, et par son infatigable acti- vité. On l’a vu jusqu'aux derniers jours de sa car- rière, continuer ses visites dans les hôpitaux, donner ses soins aux malades qui réclamaient en ville son ministère; assidu aux séances de votre Société qu'il affectionnait, et s'acquitter scrupu- leusement des devoirs que lui imposaient les di- verses fonctions que vous lui aviez confiées.

Simple et modeste, M. Arnaud ne faisait jamais parade des connaissances étendues qui résultaient de ses longs travaux. Appelé presque constamment dans les cas qui présentaient de‘la gravité, et des conseils éclairés devenaient nécessaires, nous l'avons toujours vu écouter avec bienveillance les observations de ses confrères même les plus jeunes et les moins expérimentés, présenter lui-même son opinion avec réserve et modestie, discuter avec bonne foi, examiner consciencieusement, et

( 292 ) ne pas hésiter à faire le sacrifice de lavis qu'il avait d’abord donné, si de nouvelles lumières avaient jailli de la discussion.

M. Arnaud avait un esprit juste et éclairé, etun cœur noble et droit. Il était plein d'amour pour le bien public, et ami zélé des lumières. Son caractère était sérieux, mais cet air sérieux n’avait rien de sombre ni d’austère; il était à lhabi- tude de la méditation et à la gravité des pensées qui l’occupaient sans cesse; il ne nuisait point à l’affabilité et à la politesse de ses manières, et il donnait de la dignité à son maintien.

M. Arnaud écrivait purement. Son style était précis et correct ; mais sans recherche, sans tour- nures poétiques. Tel était chez lui l'amour du vrai, du positif, qu'il semblait attacher toute la puis- sance de son esprit à se prémunir contre les écarts de l'imagination, et à ne rien dire qui pût dimi- nuer la force ou la précision du discours.

M. Arnaud recherchait peu le monde, sans le fuir en misanthrope. La culture des sciences répandait sur sa vie de la sérénité et du bonheur. Heureux et sage celui qui, malgré la fièvre poli- tique qui s’est emparée de tous les esprits et a absorbé toutes les intelligences, peut voir d’un œil calme, sinon indifférent, le mouvement irré- gulier imprimé à la société par les passions, sans y prendre part. Son âme, libre du joùg qu'imposent la haine, l’envie, la jalousie, et toutes ces passions

(453) dévorantes enfantées par le démon de l'esprit de parti, peut s'élever au-dessus des tourmentes de ce monde misérable, et embellir des plus pures jouissances l'Élysée qu'a su créer sa raison.

M. Arnaud était pieux, mais il avait cette piété douce, sincère, tolérante, qui semble élever les sentimens de l'âme, rendre plus vives les affections du cœur, et est l'indice ordinaire des plus pures vertus. On a remarqué qu’en général les hommes qui se livrent à l'étude de la botanique sont reli- gieux, soit que l'élégance et la symétrie des for- mes des végétaux, la fraicheur et l'éclat de leurs couleurs, l'accord de toutes leurs parties, la mar- che régulière de leur développement, les ramènent sans cesse vers l’idée d’une intelligence ordon- natrice; soit qu'absorbés par une étude qui a tant d’attraits, ils n’aient pas l’occasion d’être frappés de ces distributions bizarres de biens et de maux, qui semblent accuser Providence (1).

M. Arnaud a peu écrit sur la médecine elle- même, ou du moins peu de ses Mémoires ont été imprimés. Je ne connais qu'une Dissertation sur les usages de l'électricité en médecine, écrite en latin, et présentée à Montpellier pour obtenir le grade de bachelier ; un Mémoire sur les pneumonies bilieuses, adressé à l’Académie royale de médecine de Paris; et un Mémoire sur les eaux minérales

(1) Voyez Cuvier.

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des Salles, des Pandraux, des Estreix, etc., qui a été inséré dans nos Annales de 1827.

Je regretterais que l’art que je cultive n'ait pas été l’objet exclusif des méditations de M. Arnaud, si des ouvrages d’une utilité plus générale n’étaient point sortis de sa plume. Mais oserais-je me plaindre de la direction donnée à ses travaux, lorsqu'on leur doit la Flore du département et l'Histoire de notre pays!!!

La botanique était la science de prédilection de M. Arnaud: illa cultiva avec un zèle soutenu jusqu’à son dernier jour. C’est principalementsur lesplantes que l’on rencontre dans ce département qu'il avait fixé son attention. Utilisant les courses dans la cam- pagne que la confiance publique lui faisait faire, il enrichissat chaque jour son herbier de quelque es- pèce nouvelle. Il voulait compléter l'Histoire de son pays, par celle des richesses végétales qui couvrent son sol. De nombreux matériaux furent réunis; un grand ouvrage fut entrepris; mais jugeant que les circonstances n'étaient pas favorables pour sa publication, et cédant aux instances de la Société de cette ville, qui appréciait combien pourrait étre utile la Flore du département, M. Arnaud mit de côté tout amour propre d'auteur, et faisant le sacrifice de ses longs et pénibles travaux, il se décida à publier sous le titre de Flore du dépar- tement de la Haute-Loire, Tableau des plantes qui y croissent, disposées suivant la méthode

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naturelle, un simple extrait et comme le squelette de son ouvrage. Dans cet abrégé, M. Arnaud, pour faciliter les recherches du jeune botaniste, donne, outre le nom latin et francais de chaque plante, le nom commun ou trivial lorsqu'il en existe, et même le patois. Il fait une légère description de la plante, et désigne l’époque de sa floraison et les lieux on la rencontre. Au moment parut son ouvrage (1825), le nombre des espèces con- nues et décrites était de 1208; depuis cette épo- que, M. Arnaud en a découvert 200 nouvelles. Leur description, faisant un supplément à la Flore, se trouve dans les Annales de 1829.

Sans cesse occupé de travaux positifs, qui exi- gent du temps et de la précision, M. Arnaud voulut connaître la durée moyenne de la vie des habitans du Puy. Il fit de longues recherches et des relevés minutieux des tableaux nécrologiques pendant une longue période d'années, et, sans se laisser arrêter par l’aridité de ce travail, il exécuta complétement son entreprise. En voici le résultat sommaire :

1990 mâles.

Morts depuis 1781 à 1790 : 4449, { ont 2459 femelles.

1922 mâles.

Morts depuis 1816 à 1825 : 4466, {on 2544 femelles.

Il résulte de ses calculs, que la durée moyenne de la vie fut, pendant la première période, de 3a années 11 mois 10 jours; et pour la seconde,

ne

(155 ) de 33 ans 9 mois 28 jours, ce qui prouve qu’elle s’est accrue de 2 ans 10 mois vingt-deux jours.

On concoit que ce résultat est important; qu'il peut être attribué à lamélioration du sort du peuple, au bien-être général, à la propagation de la vaccine, aux progrès de la médecine, et qu'il peut servir d’argument contre ceux qui se plai- gnent des progrès de la civilisation.

M. Arnaud examine encore dans son Mémoire le degré de longévité comparatif des deux sexes, l'époque de l’année la mortalité est la plus forte et la nature des maladies régnantes à chaque saison. Toutes ces considérations pleines d’in- térêt, rendent ce travail fort curieux et fort impor- tant pour la Statistique médicale de ce dépar- tement (1).

Mais ce n’est pas seulement des sciences qui ont des rapports plus ou moins directs avec la médecine que s’est occupé M. Arnaud; il a encore laissé un monument impérissable de son infati- gable ardeur et de son amour pour son pays, l'Histoire du Velay.

Désirant connaitre l'Histoire de son pays, M. Arnaud consacra tous ses momens de délasse- ment à faire des recherches et à recueillir des notes dans les nombreux ouvrages qu'il lut succes- sivement. Ces extraits s'étant considérablement

(1) Annales de la Société, année 1826.

(156 ) multipliés, et les faits qu'ils constataient présen- tant beaucoup d'intérêt, M. Arnaud céda aux solli- citations de ses amis, et rédigea en corps d'histoire ce qui, d’abord, ne devait former qu'un cadre chronologique à son usage.

L'ouvrage de M. Arnaud est divisé en deux vo- lumes et en cinq livres :

Le premier, qui s'étend jusqu'à l'an 963, contient FHistoire du Velay, sous le gouvernement des Gaulois, la domination des Romains , celle des Visigoths, des rois d’Austrasie et des rois francais; sous la domination des ducs d'Aquitaine et le gou- vernement des ducs et comtes.

Le second commence par la réunion du Velay aux états de Guillaume Taillefer, comte de Tou- louse, et finit par la réunion de ce comté à la couronne de France.

Le troisième renferme les divers événemens arrivés dans le Velay, depuis l'an 1229, jusqu’au règne de Francois IL:

Le quatrième retrace le tablean des guerres civiles qui, pendant 30 années , désolérent le Velay, jusqu'à ce qu'il se soumit à Henri IV.

Le cinquième enfin comprend l'Histoire de ce pays depuis l'an 1596, jusqu'à la fin du règne de Louis XV.

Cette simple exposition suffit, je pense, pour faire apprécier toute l'importance d'un pareil ouvrage, dans un pays surtout ce n'est pas

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depuis longues années qu'on a quelque droit de réclamer contre la teinte lugubre dont nous a flétri M. Dupin.

L'ordre chronologique qu'a suivi M. Arnaud, était le plus naturel et celui qui s’alliait le mieux avec les idées d'ordre et de précision qui le carac- térisaient. Peut-être aurait-il pu donner plus d’en- semble à ses tableaux, plus de fini à ses descrip- tions , présenter quelques considérations géné- rales sur les mœurs , les habitudes de époque, les priviléges des villes, le mode d'élection des magistrats, et donner à son ouvrage un intérêt dramatique. Toutefois, les matériaux de ce travail secondaire se trouvent en partie dans le livre de M. Arnaud, et tel qu'il est, il est plein d'intérêt et lui donne des droits incontestables à figurer sur la liste des hommes qui ont bien mérité de leur pays. Oser entreprendre une pareille tâche était déjà un acte de bon citoyen. En effet, combien peu d'hommes auraient le courage de se con- damner à un travail long et fatiguant, à des recherches pénibles au milieu de volumes pou- dreux, de parchemins déchirés et souvent indé- chiffrables , n'ayant , pour perspective, que la renommée du compilateur, et pour récompense, la reconnaissance de ses concitoyens, récompense si sonvent refusée par l’ignorant présomptueux au savant modeste, par loisif à l’homme laborieux, par létourdi nourri de lectures frivoles à celui

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qui a päli sur des travaux arides et a produit des ouvrages utiles, récompense enfin qu’on ne doit raisonnablement attendre que de limpartiale postérité.

Amuser plutôt qu'être utile, telle semble être la devise des hommes du jour ; cette devise est la conséquence de nos goûts frivoles et de la légèreté de notre esprit; les hommes qui ont la conscience de leurs talens, et qu'une avidité de jouir tour- mente, spéculent sur nos faiblesses et nos travers. Leurs ouvrages doivent leur rapporter à l'instant de la gloire ou de l'or. Iraient-ils consumer leurs efforts à produire des ouvrages que quelques savans seuls liraient? Ils font du bizarre, du mer- veilleux, du fantastique; ils cherchent à frapper les esprits par des idées originales qui séduisent un moment, mais ne laissent aucune trace après elles. Leur nom répété par les cent voix de la banale renommée et transmis d’écho en écho, jusqu'aux dernières provinces, devient populaire un jour. Bientôt, il est vrai, cet auteur frivole ou boursouflé est renversé du piédestal. Roi de la veille, il perd sa couronne; comme un météore lumineux, il a ébloui un moment, il n’est plus. Mais que lui importe sa réputation éphémère ? IL a eu le talent de l’exploiter. Son ouvrage n’a été profitable ni aux sciences, ni aux arts, ni à lhis- toire, mais à lui seul, seul il peut dire : J'ai faut de l’utile.

De

=

(159 )

Honneur donc aux savans laborieux qui, placés hors de cette voie funeste, ne se laissent guider que par le désir de faire le bien, et osent entre- prendre des travaux dont le terme est souvent si éloigné, en se disant : Gloria nostra est testimo- nium conscientiæ nostræ.

Je pourrais, Messieurs, parler encore des services nombreux rendus par M. Arnaud à notre société, dont il fut long-temps le président; je pourrais, pénétrant dans l’intérieur de sa famille, vous le montrer bon père, bon époux, occupé à diriger lui-même l'éducation de ses enfans; sa réputation. ne pourrait que gagner à l’histoire de sa vie privée; mais un de nos savans collègues a déjà pris lini- tiative à cet égard. M, Pomier a déjà jeté quelques fleurs sur la tombe d’un ami : il a dit beaucoup mieux que je ne pourrais le faire; je dois donc m'arrêter et borner ma tâche; trop heureux, Messieurs, si vous jugez que je n'ai pas été un trop faible interprète de vos sentimens et de vos regrets (1).

(1) Un sentiment de bienséance, facile à apprécier, ne nous a permis de parler que des médecins qui ont payé leur tribut à la nature; nous croyons pourtant devoir rappeler qu’une des découvertes les plus importantes pour l'humanité, la lithotritie, est due à notre compatriote, notre contemporain et notre ami, M. Civiale, de Paulhaguet, C’est sa découverte que l’Académie royale des sciences a déclaré glorieuse pour la Chirurgie francaise

et consolante pour l'humanité. M. Civiale doit être placé au

( 160 )

AAA AA A AS AV AA AU A A VV A VU A AA AR A AV AV AA VUS AUS UV AAA AS

NOTICE

Sur un tombeau antique trouvé à Solignac- sur-Loire ;

Par M, A. AYMARD.

MESSIEURS,

Les monumens les plus dignes de nous inté- resser sont, sans doute, ceux qui appartiennent au pays que nous habitons; mais combien ils méritent d’être soigneusement étudiés, lorsqu’ils

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premier rang parmi les hommes dont peut s’enorgueillir notre département.

Nous avons, pourcette fois, borné nos recherches aux médecins du département; notre intention étant de présenter, plus tard, une Biographie de tous les hommes qui se sont illustrés par leurs talens, leurs écrits, leurs actions éclatantes ou leurs vertus, nous prions ceux de nos compatriotes qui posséderaient quelques do- cumens, de vouloir bien nous les communiquer. La Société acceptera avec reconnaissance les ouvrages qu’ont écrit les ha- bitans dela Haute-Loire, si on consent à lui en fairehommage ; elle les achètera ou en prendra seulement communication, sui- vant le gré du propriétaire. Elle a le droit d’espérer que tous les amis de la gloire de leur pays s’eflorceront de la seconder et de favoriser l’entreprise toute patriotique qu’elle a déjà com- mencé.

('z6r1)

nous ont conservé les seules traditions authen- tiques des temps les moins connus. Les siècles qui précédèrent l'établissement du christianisme dans la f’ellavie, nous ont légué de nombreux monu- mens élevés, les uns par les Gaulois, les autres par leurs descendans et sous l'influence des arts et de la civilisation romaine. Un savant archéologue (1) vous en à fait connaitre les précieux débris. Dis- persés sur notre sol et exposés à des mutilations déplorables, vous les avez sauvés, Messieurs, d’une destruction complète, en les recueillant dans l'enceinte de votre Musée. Mais de nouvelles recherches, poursuivies avec un zèle constant, ont produit de nouvelles découvertes; et pour ne citer que celles qui n’ont pas été décrites, j'indi- querai un beau bas-relief trouvé à Saint-Marcel en 10627, une inscriplion et quelques débris anti- ques à Saint-Germain près Brives, deux fragmens de pilastres cannelés et des bas-reliefs retirés des fondemens de ancien évéché, enfin une pierre servant de sarcophage et trouvée en 1831 dans un des caveaux de l'église de Solignac-sur-Loire (2).

(1) Essais historiques sur les Antiquités du département de la Haute-Loire, 1826, par M. Mangon Delalande.

(2) C’est au zèle éclairé de M. Latourette, maire de Solignac, que nous devons la conservalion et le dépôt au Musée de ce précieux monument. On trouva des ossemens humains dans le cercueil, qui était recouvert par une autre pierre d’une énorme dimension.

11

(262)

Je ne vous entretiendrai, Messieurs, que de ce dernier monument, le plus remarquable de tous par ses énormes proportions autant que par lori- ginalité et le bon goût des sculptures qui le dé- corent. Notre collègue, M. Vibert, en a reproduit les gracieux détails, avec autant de vérité que de talent, dans les deux dessins qui sont joints à cette Notice.

Cette pierre est une arkose de Blavozy. Elle forme un bloc quadrilatère, dont la hauteur est de 2"M44, la largeur, de o" 70, sur 0" 46 pour les côtés.

Les deux faces latérales sont ornées de sculp- tures en demi-relief et surmontées d’une corniche de o" 11 de saillie. Au-dessus de cette corniche, la pierre figure un toit couvert sur ses deux pentes par des feuilles en forme d’écailles.

La troisième face est taillée à plat et sans indices d’ornemens; enfin, une niche profonde ou cercueil a été grossièrement creusée dans la face antérieure.

Les rebords de cette excavation paraissent d'une coupe irrégulière et comme hachée, mais en examinant avec attention les deux côtés de l’ou- verture, j'ai observé, aux deux tiers de la hauteur, les traces d’un encadrement taillé en creux, et dans lequel j'ai reconnu des lettres bien con- servées. Je les donne telles que je les ai lues;

("1639

elles ne sont d’alleurs susceptibles d'aucune in- terprétation :

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—————

Au-dessous de ce cartouche, on distingue des traces de nœuds et de draperies, dont la corres- pondance des deux côtés de la pierre est aussi évidente.

Ces lettres et ces traces de sculpture me sem- blent offrir l'empreinte la plus flagrante des muti- lations qu'a subies ce précieux monument. Elles prouvent que cette pierre, avant d’avoir été creu- sée pour servir de sarcophage, avait été employée à un usage plus ancien, et que , dans cette desti- nation première, la partie antérieure présentait une surface pleine et occupée par une inscription et par des bas-reliefs dont on ne peut qu'indiquer l'existence, et enfin, que le monument devait être dressé de manière que le toit que j'ai décrit en format le couronnement, C’est aussi ce qui explique les entailles et les restes de tenons en

(164) fer qui se voient à la base et qui auraient servi à sceller la pierre sur un piédestal.

Il faut encore remarquer que les faces inclinées du toit sont entourées d’un cadre dont un des côtés, celui de la partie antérieure, a disparu; ce qui fait supposer que, dans l’origine, cette face était préservée des injures du temps par une corniche pareille à celle qui règne au-dessus des faces latérales.

Quelle fut donc l'antique destination de ce monument? Sa pose et sa forme première, cette inscription, les bas-reliefs qu’il me reste à décrire et qui , sur une foule de sépulcres romains, expriment des usages funèbres , tout me fait penser que cette pierre est un cippe funéraire, monument que la piété érigeait sur les tombeaux pour en indiquer la place et pour les mettre à Pabri de toute profanation.

Ces cippes,surmontés quelquefois de masques (1) monstrueux, de larves à visages effrayans , repré- sentaient aussi des images riantes, tirées des croyances religieuses ou prises dans la vie com- mune. On les entourait des soins les plus touchans, on les couronnait de fleurs, on y suspendait des instrumens aimés du défunt, ses armes, tous les objets qui avaient fait le bonheur ou la gloire de sa

(1) Le Musée du Puy possède un cippe trouvé à Ceyssac et qui est surmonté d’une figure de ce genre.

t

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vie. Aussi rien n'est-il plus propre à nous donner une haute idée des mœurs antiques que de voir avec quel respect, de combien d'images douces et consolantes étaient décorées les sépultures des anciens. Une des faces latérales de notre cippe nous offre un joli tableau que le sculpteur a divisé en deux scènes (/oy. pl. 1.) Dans la scène supé- rieure, on voit une figure ailée qui supporte une guirlande de fruits et de fleurs. Au-dessous c’est une figure pareille : celle-ci soutient des deux mains une patère évasée qui paraît chargée de fruits. Le mouvement de ces génies est vif et grâcieux ; ils semblent voltiger au milieu des larges feuilles de lacanthe, plante qui se plaît surtout parmi les sépultures. L'artiste aurait-il voulu représenter, sous ces formes symboliques , l'image de ces mânes qui erraient auprès des tombeaux et auxquels on consacrait des fruits, des fleurs, des offrandes de toute sorte?

Les attributs figurés sur la seconde face latérale (voy. pl. 2.) indiquent évidemment que la chasse fut l'exercice favori du personnage qui reposa sous la pierre de Solignac. Aux pieds d’un arbre dé- pouillé d’une de ses principales branches, on reconnait un chien accroupi et retenu par une longue courroie. Au-dessus s'offrent les armes du défunt : à droite la gaine renfermant le large cou- teau de chasse appelé secespita, puis un carquois, et enfin à gauche une autre arme qui n’est pas une

( 166 ) des singularités les moins curieuses de notre monument.

Cette arme est une arbalète détendue, dont l'arc, le manche et la rainure sont parfaitement conservés. C’est là, sans contredit, une des plus anciennes représentations de l’arbalète. Nous ne la trouvons ni sur les nombreux trophées, ni sur les monumens de toute forme destinés à éterniser la gloire romaine, et sur lesquels nous voyons encore les dépouilles , les armes, tout ce qui caractérisait les provinces conquises ou alliées. Les auteurs du haut empire ne nous en ont même pas laissé le nom, et ce n’est que vers la fin du siècle que l'histoire en fait mention. Il résulte d’un passage du Traité sur l'art militaire, par Flavius Vegetius (1) que l'usage de l’arbalète, appelée par cet auteur arcubalista, manubalista, avait été adopté dans les armées romaines, sous le règne de Valentinien IT.

Mais notre monument appartient évidemment à une époque plus reculée; il porte le cachet d’un temps l’art n'avait point encore oublié ses pre- mières règles et ses justes proportions, et cepen- dant sous Gallien, près de deux siècles avant Valentinien II, la décadence de Part est si frap- pante, qu'il semblerait, dit Winkelmann (2), que la barbarie se fut alors introduite dans l'empire.

(1) Flavius Vegetius, De re militari , lib. viij, cap. ix. (2) Winkelmann, Hist. de l’art de l'Antiquité, liv. 6, cb. 8.

( 167 )

Cette époque, Messieurs, est celle des plus beaux monumens de la Vellavie ; elle a été fixée d’une manière si positive, que vous me permettrez d’invoquer l'autorité de l'écrivain qui a le mieux connu les antiquités de notre pays.

Des débris nombreux avaient conduit M. Dela- lande à penser qu'un temple, consacré à la déesse de la chasse, avait été élevé dans les temps antiques sur le mont Anis. Quelques bas-reliefs contemporains de la fondation de ce temple sont du premier siècle de notre ère; d’autres qui pa- raissent attester une restauration, rappellent le style du temps de Dioclétien.

Un de ces fragmens, un des plus curieux que possède le Musée du Puy, nous a offertun carquois etune arbalète aussi parfaitement désignés que sur le cippe de Solignac. Il à été découvert à Saint-Marcel (1). Le bas-relief sculpté sur une des grandes faces de la pierre, paraît avoir été employé à décorer le même édifice que les plus anciens bas-reliefs décrits par M. Delalande. Ce sont exacte- ment les mêmes proportions, le même style, le même sujet. On y voit, comme dans ceux-ci, des biches, un chien, des chasseurs. Le premier de ces personnages, à droite, porte, sous le bras gauche , les armes dont j'ai parlé.

Les bornes de cette Notice ne me permettent

(2) Il à été donné au Musée par M. Filhiot.

( 168 )

pas de donner une description détaillée de ce monument. Elle aura sa place dans une Notice il ne sera pas sans intérêt de faire connaitre tous les débris auxquels il se rattache, Qu'il me suffise de constater que les Vellaviens faisaient déjà usage de l’arbalète au premier siècle de notre ère, époque fut érigé, sur le mont Anis, un sanctuaire consacré à la déesse de la chasse.

Et maintenant si nous comparons les bas-reliefs du cippe de Solignac et celui de Saint-Marcel, nous conclurons de la parfaite conformité de ces armes et du chien représentés sur lun et l’autre de ces monumens, et mieux encore des rapports frappans que nous offrent leur style et leur exé- cution; nous conelurons, dis-je, que ces sculp- tures sont du même temps.

Je me résume : la pierre de Solignac érigée sur la tombe d’un chasseur vellavien servit primitive- ment de cippe sépulcral. Sur l’une de ses faces, le sculpteur paraît avoir voulu figurer les em- blèmes d’une vie qui finit au tombeau; sur l'autre, les symboles d’une vie qui commence à ce dernier asile. La face principale n’a pas été détruite entiè- rement. Un couronnement formé par une large corniche, au fronton la formule si connue qui dédiait le tombeau aux dieux mânes, au-dessous une épitaphe courte et précise, comme les ins- criptions de la bonne époque, enfin, un bas-relief, tels sont les ornemens dont il réste sur cette face

( 169 )

des indications précises et dont l'ensemble com- plétait ainsi un monument élégant et pittoresque.

Ne cherchons pas à déterminer de quelle époque date sa dernière destination , encore moins à expliquer par quel bizarre caprice de destruction on a choisi, pour la creuser, la face principale, celle qui offrait le plus de sculptures saillantes, tandis que la face postérieure présentait une sur- face plane et sur laquelle on pouvait avec moins de peine adapter la pierre qui servait à recouvrir le cercueil. Les bas-reliefs échappés à une aussi dé- plorable mutilation sont d’un véritable intérêt, et sous le rapport de l'art et sous le rapport historique. Le choix et la simplicité des sujets qu'ils repré- sentent et leur excellente exécution attestent à quel degré d'avancement l’art avait élé porté dans notre pays vers le premier siècle de notre ère; enfin, ils nous ont conservé une des armes dont l'usage fut connu de nos pères, environ trois cents ans avant d'etre généralement adopté dans l'empire romain (1).

(1) Quelques auteurs ont même écrit que l’usage de l’arbalète ne remontait pas au-delà des premières croisades; mais, outre le témoignage de Végèce, l’abbé Suger en a fait mention dans la viede Louis-le-Gros. Il y est dit que ce prince attaqua Drogon de Mauriac avec une grosse troupe d’arbalestriers. On s’est servi de cette arme en Europe jusqu’en 1139, époque l’usage en fut suspendu par un concile tenu sous Louis-le-Jeune. L’arbalète

que le concile défendait, comme trop meurtrière entre chrétiens,

(170)

RÉSUMÉ DE DIVERS RAPPORTS.

Rarrorr de M. BERTRAND DE DOUE, sur la Carte géologique du bassin de Brioude.

MESSIEURS,

Depuis long-lemps vous aviez compris combien il serait à désirer que le travail qui a été exécuté dans une grande partie de l’ancien Velay, fut con- tinué dans l’arrondissement de Brioude, et que lon parvint ainsi à compléter la détermination géologique du sol de la Haute-Loire. Jusqu'alors, en effet, il vous sera difficile de concourir effica- cement à la rédaction de cette carte topographique

ne le fut pas trop contre les infidèles. Les croisés l’adoptèrent en Orient, d’où ils la rapportèrent en Enrope : c’est ce qui a fait penser à quelques écrivains , à M. de Chäteaubriand entr’autres (Études historiques), que l’Europe avait recu cette arme de l'Orient, à l’époque des premières croisades. Tout le monde sait que depuis lors, jusqu’à la fin du 15° siècle, les arbalestriers et les francs-archers formaient la plus grande partie de nos armées. Ainsi, au moyen âge comme dans les temps antiques, l’arbalète

fut toujours en France une arme nationale.

(171) du département, pour laquelle le Conseil général aaccordé, dans sa dernière session , une somme assez considérable.

Malheureusement les circonstances dans les- quelles se sont trouvés ceux de nos collègues qui s'occupent de minéralogie, ne leur ont pas permis d'exécuter ce travail et de réaliser les espérances qu'ils nous avaient données à cet égard, il y a tantôt cinq ans.

C’est donc avec une véritable satisfaction que nous avons vu M. Pissis consacrer ses loisirs à l'étude de son pays et nous livrer, pour son coup d'essai, une carte dans laquelle on trouve indi- quées, sur un espace d'environ trente lieues car- rées dont Brioude occupe le centre, la nature et les limites des différens terrains qui se montrent à la surface du sol.

Votre Commission n’a pu s'assurer de l’exacti- tude des observations de M. Pissis; elle croit cependant en trouver une garantie dans la sim- plicité même des phénomènes géologiques que présentent les environs de Brioude, et dont cette carte est en quelque sorte l’expression. En effet, sur une formation de gneiss qui sert comme de fond aux formations postérieures et dans laquelle on apercoit quelques amas subordonnés et très- circonscrits d’amphibolite et de serpentine, on apercoit d’abord deux dépôts de terrain houiller, dontcelui de Brassac a donné lieu à des exploitations

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importantes. Viennent ensuite quelques autres pe- tits dépôts de terrains tertiaires, tous plus ou moins analogues à ceux des environs du Puy, mais dans lesquels on n’a point encore rencontré des restes organiques, tels que ceux qui caractérisent si heu- reusement les derniers; enfin, une douzaine de lambeaux basaltiques et deux ou trois amas de peperine sur des points plus ou moins élevés. Ils indiquent le voisinage de bouches volcaniques et des dégradations considérables subies par le sol environnant, postérieurement au dépôt de ces matériaux qui a nécessairement eu lieu dans des bas-fonds devenus aujourd’hui des points proé- minens.

A une époque à peu près contemporaine, s’est déposé le vaste terrain d’alluvion qui couvre une partie considérable de la plaine ou plutôt du bassin de Brioude, et dont M, Pissis nous fait connaître les limites. Quelques-uns des cailloux roulés qui sont accumulés dans ce terrain , suffi- ront pour déterminer son âge avec plus de pré- cision, et pour s'assurer s’il est exact de le ranger, ainsi que l’a fait l’auteur dans le tableau des super- positions qui accompagne sa carte, entre les peperines et les basaltes.

Tels sont les principaux faits qui naissent de l'examen du travail de M. Pissis, L’esquisse que jen ai tracé à la hâte suffira, je l'espère, pour vous en faire apprécier l'importance.

(173) PROJET D'UNE ÉCOLE MOYENNE.

Raprorr de M. Pomier, sur des objets relatifs à l’Instruction publique , contenus dans le du Journal de la Société de la morale chrétienne.

MESSIEURS,

Entre les divers articles dont se composent les trois premiers n°5 du Journal de la Société de la morale chrétienne , notre Président avait remarqué un extrait de cinq lettres sur l'instruction pu- blique , il pensait qu'il serait possible de puiser quelques observations utiles à nos écoles ou à nos colléges.

Précisément un passage de la 1" lettre, con- sacrée aux élablissemens de Francfort, m'a rappelé des réflexions qui faisaient partie d’un autre rap- port lu à la séance du 3 décembre 1830. Frappé d'un vide sensible dans les différens degrés d’en- seignement convenables aux différentes classes de la société, j'y proposais de former une école moyenne pour les jeunes gens à qui les lecons de nos écoles élémentaires ne suffisent pas, ou qui dans les cours d’études de nos colléges acquièrent, à grands frais de temps et de travail, quelques connaissances vagues, la plupart sans but et d’une

(174) trop mince utilité pour les diverses carrières ils peuvent entrer.

Voici le passage dont il s’agit : « Entre les écoles » populaires et le gymnase est une école appelée » Ecole moyenne, comme il en faut dans les villes » pour les enfans qui ne doivent pas suivre une » profession libérale, et qui pourtant ont besoin » d’une culture plus étendue que celle des enfans » pauvres. Cetétablissement est souslasurveillance » d'une commission économique nommée par la » ville. Il gagne au-delà de ses frais , et l’excédant » est employé à défrayer les autres écoles. On y » donne une culture morale par l’enseignement » de la religion, une culture intellectuelle par » l’histoire et la géométrie; enfin, une culture » œsthétique, comme on dit en Allemagne, par le » chant et le dessin, »

Un établissement de ce genre m'avait semblé et me semble toujours d'une grande utilité pour une multitude de jeunes gens qui végètent dans nos colléges durant neuf ou dix ans, embarrassent souvent la marche des classes ou les surchargent tout au moins sans aucun fruit pour eux, ou avec de trop faibles avantages pour balancer l'emploi d'années aussi précieuses, dont il était facile de mieux profiter.

Quoique vous n’ayez donné aucune suite à ma première proposition sur cet objet d’une impor- tance réelle et plus générale peut-être qu'on ne

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(175) pense, je ne me suis point découragé; je reviens aujourd'hui à la charge, persuadé que la difficulté des fonds avait sans doute arrêté plutôt que toute autre raison. En approuvant le projet d’une école telle que je l'indiquais, on sentait le regret de ne voir aucun moyen de l’organiser.

Peut-être concevrez-vous aujourd’hui avec moi la possibilité d'obtenir chez nous ce qu’on a obtenu ailleurs. Une école moyenne verrait affluer, sur- tout au bout de quelques années, grand nombre de jeunes gens qui ne sont point destinés à des professions libérales, et ceux surtout qui laissent leurs cours à moitié, s’arrêtant ainsi à mi-chemin, soit qu'ils se dégoûtent par le défaut de succès, soit que les parens eux-mêmes finissent par se lasser de contraindre un enfant à des études dont ils entrevoient un peu tard l'inutilité pour l’état auquel on le destine.

Un assez long exercice des fonctions de l’ensei- gnement ma mis à portée d'entendre beaucoup de familles demander pour leurs enfans un simple cours, tantôt de grammaire francaise et d’arith- métique, tantôt de géographie, quelquefois de belles-lettres francaises. Jai vu un élève com- mencer par ces premiers cours seulement, pren- dre ensuite le goût d’une instruction plus étendue, solliciter lui-même son entrée dans les classes de latinité, les parcourir avec distinction, cueillir plus tard des palmes dans les écoles de la capi-

(176) tale , malgré la supériorité des études de ces écoles, et venir enfin, à votre salisfaction, s'asseoir dans vos rangs.

Des études trop fortes pour certains esprits les rebutent. Plus simples et plus analogues à la ca- pacité de l'élève. elles lui procurent la jouissance des progrès qu'il obtient. Ces progrès excitent son émulation; ce qu'il connaît déjà lui inspire le désir de connaitre davantage. Cultivées d’abord dans un collége, c’est-à-dire, dans un terrain trop fort pour elles ou mal approprié à leur nature, ses facultés auraient peut-être avorté; essayées dans une école inférieure, elles ont pris racine, se sont développées avec vigueur et vont produire des fruits abondans.

Mais ce sont surtout les élèves à qui les lecons d’une école moyenne suffisent qui doivent en re- ürer le plus grand profit. Aucune des connaissances acquises ne leur sera inutile, La grammaire leur aura appris à s'exprimer avec justesse, à écrire comme à parler leur langue avec correction; l’arithmétique leur facilite et rend plus sûrs tous les calculs et opérations que peut exiger le commerce ou l'exercice de plusieurs arts méca- niques; au même but concourt Fétude de la géo-

graphie envisagée particulièrement sous le rapport .

des produits du sol, de l'industrie et des fabriques de chaque pays, et celle des élémens de géomé- trie pour l'exactitude d’un plan ou d’un devis, pour

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(177)

la distribution d'un bâtiment, pour la coupe des pierres et des bois, pour tant d’autres objets usuels. Ceux qui aspirent à une instruction plus élevée ajouteraient à ces notions un cours de style, d’his- toire et de physique, pour suppléer aux études des colléges. Alors quelle que fût la carrière qu'ils embrasseraient, aucune de ces lecons ne serait perdue pour eux.

Quant aux moyens d'exécution du projet, ne pourrait-on pas compter sur 50 et même 60 élèves, dont lesrétributions à cinq francs par mois donne- raient trois mille francs du moins deux mille cinq cents, qui n'étant paint passibles des droits universitaires , resteraient en entier pour les hono- raires de trois maitres, de mathématiques , de grammaire , et de dessin? Le premier joindrait à l’enseignement des mathématiques celui des no- tions élémentaires de physique; le second ferait succéder aux lecons de grammaire, celles de géo- graphie, d'histoire et de belles-lettres francaises; le troisième réunirait au dessin linéaire l’en- seignement des autres parties de son art.

Ce n’est là, Messieurs, qu'un simple apercu du plan de notre école et des moyens de létablir. Une commission prise dans votre sein, si telle est votre pensée, s'occuperait de ce plan, le müûrirait à loisir par ses réflexions, et porterait, je n’en doute point, à votre délibération un ensemble de vues et d'idées, dont je n'ai fait que vous offrir le canevas.

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(178 )

La deuxième et la troisième lettre traitent de l'avantage des réunions annuelles ou semestrielles des instituteurs d’un canton, pour se communiquer les méthodes qu'ils emploient et les succès qu'ils obtiennent ; de l'assistance des maîtres d’école pendant quelque temps, aux lecons de l'école normale , l’enseignement est profondément moral et religieux, méme en musique; des écoles d'asile pour les enfans, dont nous vous avons entre- tenus une autre fois avec quelque détail; d’une école gratuite pour les ouvriers et du placement des orphelins dans des familles honnêtes; enfin, des quatre Manuels employés dans toutes les écoles. Ces articles méritent d’être remarqués; mais ils concernent spécialement le comité d’ins- truction primaire appelé par ses attributions à féconder des germes aussi précieux.

Un motif qu'on n'aura pas de peine à sentir, me détermine à consigner ici une remarque impor- tante qui se trouve dans la quatrième lettre, et tire un nouveau prix du nom de l’auteur, M. Cou- sin, célèbre par ses lecons de philosophie, au- jourd’hui conseiller d'état et membre du conseil royal de l’université. Elle regarde l’enseignement religieux dans les colléges, et peut porter ses fruits par l’entremise de plusieurs membres de cette société qui occupent un rang au bureau du collége ou dans l'administration.

M. Cousin se plaint que nos aumôniers se bor-

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nent aux offices, à la confession et à ce qu'il y a de plus indispensable dans leurs fonctions. « C’est

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trop peu, dit-il, pour les besoins religieux des élèves ; 1l faut comprendre ces besoins et y satisfaire... Je voudrais que laumônier fit au moins deux conférences par semaine sur la religion chrétienne, ct non pas aux com- mencans. Pour ceux-là, le catéchisme et lhis- toire biblique suffisent; c’est aux élèves des humanités et de rhétorique (on pourrait y join- dre ceux de philosophie), qu’un digne et savant ecclésiastique devrait l'adresser. Des jeunes gens de cet âge trouveraicent une instruction solide et utile à tous égards dans l'explication des mo- numens du christianisme, qui se lierait à toutes leurs études historiques et philologiques ; quand, pendant quelques années, ils auraient ainsi vécu dans un commerce intime avec les saintes écritures, il ne serait plus facile de tourner en ridicule auprès d'eux le christianisme , sa forte morale, sa sublime philosophie et sa glorieuse histoire. » M. Cousin déclare qu'il sollicite ins-

tamment et depuis long-temps cette mesure, et il termine par cette réflexion si frappante de vérité : « On se plaint des progrès de limpiété et de la

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superstition; mais il faut le dire loyalement, nous contribuons beaucoup à propager l'une et autre en laissant dépérir lenseignement reli-

» gieux dans nos colléges. »

( 180 )

La cinquième lettre est remplie d'observations sur les écoles et gymnases de la Saxe, les pro- fesseurs sont nommés par les magistrats de la ville qui les paie; usage qui existerait partout , si la sagesse et l'intérêt public prévalaient sur des motifs faciles à deviner sous le régime de l'empire, mais qu’on ne saurait s'expliquer sous un gouver- nement libéral.

En Saxe, les parens sont obligés, sous peine de prison, d’envoyer leurs enfans à l’école, depuis cinq ans jusqu’à quatorze, âge de la communion. Que nous sommes loin de ce zèle, malgré toutes les promesses faites depuis longues années pour j'encouragement et la propagation de l’instruction populaire, et avec nos orgueilleuses pensées de supériorité sur nos pères en ce genre comme ailleurs! Rabattons un peu de cette fierté, en nous rappelant que la même loi qui existe en Saxe avait été réclamée en France aux états géné- raux de 1560.

L'objet qui semble occuper et intéresser le plus l'auteur de cette lettre, ce sont les diverses épreuves exigées, en Allemagne, des aspirans au titre de professeur. Ce titre n’est pas accordé, comme en France, sur un simple concours ou examen, fort souvent réussit mieux, non pas le plus habile ni le plus instruit, mais le plus hardi. Nos voisins veulent des succès réels après un certain temps d’essai, ou quelqne ouvrage qui

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excite l'attention, M. Cousin ne peut concevoir que dans un pays civilisé, tout près de VAlle- magne, c’est-à-dire dans le nôtre, on puisse suivre une autre marche , après des résultats si éloignés de répondre aux espérances.

PROJET D'UNE CAISSE D'ÉPARGHE.

M. Pomrer propose encore de fonder une caisse d'épargne.

« Il n’est aucun de nous, dit-il, qui n’ait dé- ploré cent fois la malheureuse existence de nos ouvriers. Quelle en est la source? Elle n’est que trop connue. Parvenez à les arracher à leur habi- tude grossière, à l’ivrognerie, et vous aurez dès- lors extirpé bien d’autres vices à-la-fois , réduit considérablement le nombre des crimes, prévenu le déshonneur de plusieurs misérables et la dé- tresse de tant de familles.

» Comment y réussir ? En amenant les chefs de ces familles à réserver une partie de leurs salaires, celle qui sert d’aliment à leur vice habituel, afin de la placer dans la vue d'un intérêt pour eux et pour leurs enfans. Ils y consentiront sans doute plus volontiers, si on leur ménage la faculté de retirer ces fonds au besoin et à leur volonté.

» Ce serait le moyen d'augmenter le nombre des propriétaires, c’est-à-dire, des personnes inté- ressées à l’ordre parce qu'elles posséderaient; de

( 162 )

diminuer celui des oisifs, toujours prêts au mal, toujours à la merci de qui veut les séduire, parce qu'ils ont le pied toujous levé pour le désordre et la main pour le butin; d'améliorer le sort de la classe inférieure, en y introduisant quelque aisance

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à la place d’une gêne et d’une misère affreuse; de préserver les enfans du spectacle de ces querellessi fréquentes entre leurs parens et de la contagion des habitudes les plus vicieuses : causes funestes dont le résultat trop ordinaire est de remplacer en eux les sentimens de famille par des manières brutales, sinon par l’abandon même de leurs parens.

» Cette idée nous a sonri, Messieurs; il vous appartiendrait sans doute d'empêcher que ce vœu ne ressemble au rêve du bon abbé de Saint-Pierre, en confiant le soin de le mürir à quelques-uns de nos collègues accontumés à réfléchir sur les avan- tages d’un projet, à combiner les diverses parties d’un plan, à peser enfin les difficultés avec les moyens pour assurer l'exécution et aplanir les obstacles qui pourraient s'y opposer. »

La Société, prenant en considération la propo- siion de M. Pomier, a aussitôt nommé une com- mission composée de MM. Pomier, Mandet, Mon- tellier, Duvillars fils, Calemard-Lafayette, de Les- tang, et Richond des Brus, qui s’est procuré tous les documens nécessaires pour faciliter l'exécution de ce projet philanthropique, et a fait un rapport

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favorable, Elle espère qu'avant peu le pays sera doté de cette utile institution.

M. le docteur LAFAYETTE fait un rapport sur une Dissertation présentée par M. le docteur REyNAUD, comme titre d'admission, et qui a pour titre : Mémoire sur laffection tuberculeuse des singes.

& Persuadé, dit-il , que la médecine doit trouver beaucoup de lumières dans la pathologie com- parée, que celle-ci doit fournir des inductions d'autant plus rigoureuses, que les observations dont elles sont déduites se rapporteront à des espèces plus rapprochées de la nôtre, M. Reynaud a cru devoir se livrer à des recherches sur laffec- tion tuberculeuse des singes. Il a ouvert ceux qui mouraient au Muséum, et ce n’est pas sans éton- nement que sur vingt, d'espèce et de grandeur différentes, soumis à son examen, 1l a trouvé des tubercules plus ou moins nombreux sur dix-neuf. Il peut signaler comme principales conséquences de ce travail :

» 19 Que presque tous les singes meurent de de phtisie;

» 20 Que si la fréquence de cette maladie doit être imputée au changement de climat, de régime, aux habitudes vicieuses auxquelles ils se livrent avec tant d'ardeur, il est difficile d'apprécier l’in- fluence respective de ces différentes causes et notamment de la dernière;

(184)

» Que si chez eux, comme chez l’homme, le poumon est le plus constamment atteint de tuber- cules, cette parité ne se rencontre pas dans tous les autres organes; ainsi la rate présente bien plus fréquemment des tubercules dans leur espèce que dans la nôtre, tandis qu’au contraire le mésentère et les intestins en sont plus souvent affectés chez l'homme que chez les singes;

» Enfin, que la diffusion des tubercules déjà très-remarquable dans l’espèce humaine, l’est en- core bien plus dans les singes, très-souvent on voit tous les organes simultanément affectés. »

M. le docteur Ricxonp-pEs-Brus fait à la Société un rapport verbal sur une maladie rare dont se trouve atteinte une de ses clientes. Il s’agit d’hy- datides acéphalocystes développées dans l’intérieur de la poitrine. La malade, pendant plus de six mois, en a rejeté chaque mois, à l’époque mens- truelle, une énorme quantité de grosseur diffé- rente; plus tard, cette régularité dans lexpecto- ration des hydatides a cessé, et après un grand nombre de crises terribles pendant lesquelles des menaces de suffocation immédiate épouvantaient la malade et le médecin, un corps volumineux et membranenx, qu'on crut être une portion consi- dérable du kiste, se détacha; et depuis cette époque, les hydatides semblent avoir disparu. La malade a échappé aux accidens graves que pro-

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voquait chaque crise d’expectoration; sa santé s’est améliorée, et chaque jour un mieux sensiblesemble se prononcer, bien qu'elle conserve une toux opi- niâtre, et qu'elle rejette constamment un liquide d'un goût et d’une odeur nauséabondes. M. Richond annonce qu'il présentera plus tard l'histoire dé- taillée de cette affection curieuse.

M. HicarRe-LATOURETTE lit un rapport sur le cippe antique trouvé dans la commune de Solignac, dont il est le Maire, et annonce que le Conseil municipal en fait hommage à la Société.

Une Notice détaillée de ce monument ayant été insérée déjà dans ce Recueil, nous n'’analyserons pas son travail.

ANA ANA AAA AA A AR AV A AV A UV A A MU A UE VA VU AA A MU MU VU MM MS

DE H'ESPREAY KA HU ACAS

Par M. Charles DE ROSIÈRES.

IL n'est pas rare d'entendre dire que les hommes qui ont le plus d'esprit manquent souvent de tact. Examinons jusqu’à quel point cette assertion peut être fondée: Qu'est-ce que l'esprit? Qu'est-ce que le tact ?

L'esprit consiste à voir les choses sous toutes les faces, à saisir tous les rapports qui peuvent

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exister entr'elles : un homme d’esprit trouve en- core à voir d’autres ne voient plus : il découvre, dans le prisme des idées, des couleurs qui échappent au vulgaire.

Le tact consiste à comprendre ce qui doit être dit et fait à propos; et il n’est pas rare de ren- contrer beaucoup de personnes de fort peu d’es- prit qui possèdent cette qualité.

Si ces définitions sont justes, comment supposer qu'un homme d'esprit ne découvrira pas plus vite et plus finement toutes les convenances, auw’un homme d’un esprit moins clairvoyant ? Ces conve- nances sont-elles autre chose que les rapports entre les objets et les idées ? Sont-elles autre chose que les idées vues sous toutes leurs faces? Et la perception de ce faisceau d'idées n’est-elle pas du ressort de l'esprit? N'est-ce pas positivement ce qui constitue un esprit plus ou moins pénétrant?

Le tact est donc nécessairement une consé- quence de l'esprit. On ne peut avoir de Fesprit sans tact. Mais, sans être homme d’esprit, on peut avoir et montrer du tact, tact toujours relatif à l'esprit, mais qui, du moins, répond à la banale acception qu'on donne généralement à ce mot; il suffit, pour en avoir, de connaitre certaines con- venances sociales, dont la connaissance est à la portée des esprits les plus bornés; et, pour en montrer, il suffit de les respecter : mérite qui ne dépend guères que de la volonté.

(187)

Ce n’est donc que ce respect des convenances et non leur connaissance et leur appréciation qui peut marquer la différence d’un homme d'esprit à celui qui n’a que dutact; car, soyez persuadé que, partout ce dernier pourra remarquer qu'il y a lieu à faire l’application de ce que le monde appelle du tact, un homme d'esprit, précisément parce qu'il est homme d'esprit , aura apercu l'écueil avant lui, et plus vite et plus finement que lui; et qu'il en verra bien d’autres dont ne se doutera pas l’homme qui n’a que du tact.

Mais il est vrai de dire que, lors même qu'il en a la connaissance la plus parfaite, un homme d'esprit brave ces écueils plus souvent qu’un homme ordinaire ; il se sent assez de ressources, assez de moyens pour ne pas succomber. Celui-ci au contraire est toujours disposé à se tenir sur ses gardes; il a grand soin de ne pas se livrer lorsqu'il a été assez heureux pour apercevoir un pas diffi- cile; mauvais voilier, il évite de loin le danger; l’autre a assez de voiles, ou croit en avoir assez pour en triompher.

Ainsi, pour ce qui est de ces convenances qu’on appelle du tact, l'homme d'esprit les discernera tout aussi bien et mieux qu’un homme ordinaire, mais plus que celui-ci, il s’affranchira du respect, du moins lorsque les circonstances lui paraissent de nature à le lui permettre; tandis que l’homme qui se renferme dans son tact respectera partout

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ces convenances avec une scrupuleuse observa- tion. Il sera trop heureux de montrer du tact un homme d'esprit ne trouvera souvent pas né- cessaire d’en faire preuve.

Au lieu de dire que les hommes d'esprit man- quent souvent de tact, il serait donc plus juste de dire que sowent ils ne veulent pas en montrer; car, je le répète, comment supposer que ce que la vue bornée de lun a pu apercevoir ait échappé à l'esprit plus fin et plus pénétrant de l’autre ?

Sans doute, un homme qui n’a aucune ressource dans l'esprit a grandement raison de se renfermer dans un gros bon sens; d’abord, parce qu'on lui accordera du fact, et que c’est bien quelque chose pour le consoler; ensuite 1l fait preuve de modestie, car rien de plus vain et de plus com- plétement ridicule qu'un homme sans esprit qui veut se lancer; puis, quelquefois, on lui saura gré de certaines intentions, lors même qu'il ne les aura pas eues; enfin, c’est un retranchement der- rière lequel il cache la faiblesse de ses forces.

Tandis qu’un homme d'esprit a quelquefois tort de s'affranchir de ces convenances, même avec tout son ésprit; mais alors son amour propre l’entraine au-delà; il cède au désir de briller un instant; ses idées se succèdent rapidement , sur- tout si, avec son esprit, il est doué d’une imagi- nation vive. Il lui arrivera de blesser quelques susceptibilités; quelquefois il y portera remède,

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s'il le juge à propos, et qu'il veuille s’en donner la peine; mais il aura fait dire de lui qu'il n’a pas de tact. Erreur : il y a eu amour propre, en- trainement, souvent insouciance, mais non pas manque de tact.

A vrai dire, il y a tant de susceptibilités dans le Monde, que, si l’on voulait continuellement faire preuve de tact, il faudrait se résoudre ou à être faux ou à ne dire et ne faire que les choses les plus insignifñantes.

Si un homme d'esprit, en négligeant de montrer du tact a tort quelquefois, généralement il s’ar- range assez bien pour trouver son compte.

Labruyère a dit qu'un homme d'esprit et d'un caractère simple peut tomber dans quelque piège; il ne pense pas que personne veuille lui en dresser et le choisisse pour être sa dupe : cette confiance lui fait prendre moins de précautions; mais il n’y a qu'à craindre pour ceux qui en viendraient à une seconde charge : il n’est trompé qu'une fois.

C’est, sans. doute, l'extension de cette pensée qui a fait dire, après Labruyère, un peu trop généralement peut-être, qu’on ne pouvait dompter un sot, et qu'un homme d'esprit se laissait sou- vent mener par le nez; car un sotse défie de tout, et s’entète de peur d’être dupe; iln’est même pas rare de le voir tirer vanité de cet entêtement qu'il prend pour de la fermeté. Un homme d’esprit a rarement de la défiance et se livre quelquefois.

( 190 ) Généralement ce n’est que dans les occasions qui lui offrent peu d'importance qu'un homme d'esprit, cédant à l'entrainement de ses idées, croit

pouvoir négliger de faire preuve de tact; mais :

que la circonstance en vaille la peine; que son honneur, que sa délicatesse y soient intéressés; qu'il se propose un but qui le flatte vivement; qu'il soit chargé d’une affaire délicate, d’une mis- sion difficile; on le verra alors mettre en jeu tous les ressorts de son esprit et respecter habilement toutes les convenances; c’est alors qu’il saura par- ler, se taire et agir à propos; connaitre à leur juste valeur les personnes qu’il doit employer et se plier adroitement à leurs caractères; c’est alors qu'il dres- sera et changera ses batteries suivant toutes les loca- lités, et toutes les ressources de son esprit: par cela même qu'il en a plus qu'un autre, ilaura plus de tact; et s’il se livre ou parait se livrer, ce sera toujours avec intention. Peut-être encore le vulgaire, qui n'aura pas compris toutes ses idées , l’accusera-t-1l d’avoir quelquefois manqué de tack; car le vul- gaire blâme ce qu’il ne comprend pas, le vulgaire improuve, en fait de conduite, ce qui sort à ses yeux de la sphère ordinaire des choses convenues.

Un homme ordinaire, en pareille occasion, n'aura que son esprit pour règle de son tact; l’un ne sera pas plus étendu que l’autre, et quelle que soit la prudence de sa conduite, pourra-t-il pré- voir, faire ou déjouer ce qui est au-dessus de lui,

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(191) ce que son esprit ne lui permet pas de com- prendre ?

Ainsi donc, si l’on remarque que dans telle occasion un homme d'esprit a manqué de tact, c’est que la circonstance ne lui a pas paru «valoir la peine de calculer ses actes et ses paroles; ou que l’on s’est trompé sur la nature de ses inten- tions, ou le motif qui a guidé sa conduite. Il laisse aux gens bornés le soin ridicule de s’en- tourer, constamment et pour des riens, d’une auréole mystérieuse de tact et de discrétion, indice à peu près certain de leur impossibilité à émettre une idée tant soit peu neuve ou piquante.

On va quelquefois jusqu'à dire que tel homme d'une nullité complète, d'une absurdité reconnue, a du tact. Bon Dieu! qu'est-ce que le tact d’un sot? de se taire; pour avoir du moins un avan- tage sur le sot qui parle. Il a du tact, dites-vous, parce qu’il comprend certains principes de con- duite sociale, parce qu'il a ce gros bon sens qu'il suffit d’être homme pour avoir ?.. S'il a du tact, pourquoi ouvre-t-il la bouche pour dire la bêtise la plus grossière ?.. 11 lui est donc plus difficile de s’'apercevoir de la sottise de ses paroles que de suivre deux ou trois axiômes de société : c’estdonce que se borne son tact!.. Oh! Grâce! Grâce pour le mot!..

On disait un jour, devant quelques dames, que les femmes ne pouvaient garder qu'un seul secret.

(192) « Lequel ? » demanda un sot à qui l’on donnait du tact. « Celui de leur âge, répondit vivement un jeune homme d'esprit. » Là-dessus, une de ces dames qui passait, pour s’ôter volontiers quelques lustres, baissa la tête et rougit. « Mon cher » ami, continua à haute voix notre sot qui avait » du tact, on ne dit pas de pareilles choses devant » des dames, lorsqu'on sait qu’une d'elles passe » pour diminuer son âge; il ne faut jamais blesser » personne; moi, qui n'ai pas votre esprit, mais

» qui ai du tact, je n'aurais pas fait une pareille » bévue. » Et il disait fièrement cette galante gentillesse devant la dame, qui n’en rougissait que davantage. « Je crois n’avoir offensé per- » sonne, reprit froidement le jeune homme; ces » dames ont toutes trop d'esprit pour avoir ce » travers, et d’ailleurs l'esprit n’a pas d'âge. »

Voilà le tact d’un sot!!! une sottise quand il parle.

Ce respect pour ces convenances de société, que vulgairement on appelle du tact, se modifie suivant l’âge et la position du personnage, la société qui l'entoure, ct la gravité des circons- tances; mais c’est la nature de ces circonstances qui est différemment appréciée par les personnes de plus ou moins d'esprit. Évidemment un homme d'esprit doit mieux les juger qu'un homme d'un esprit inférieur : non pas toujours suivant l’opinion du vulgaire, mais dans la réalité des faits. Et lon

( 195.) trouvera très-commode et très-raisonnable de dire: » Il a de l'esprit, mais sans jugement’; il a l'esprit » faux. »

Or, qu'est-ce que l'esprit sans jugement? C’est l'esprit des sots. Peut-on être ce qu'on appelle un homme d'esprit, si l’on ne fait qu’apercevoir les choses, sans pouvoir les juger? Mais on peut avoir l'esprit, le jugement faux ? Oui, mais alors on n’est pas homme d'esprit, car cette qualification ne peut résulter que de la finesse et de la justesse des apercus. Suffit-il de parler à tort et à travers pour avoir de l'esprit . Hélas! oui quelquefois, mais devant qui?

On peut donc assurer que le tact est subordonné à l'esprit, et que montrer tout le tact dont l'esprit est susceptible, ne dépend en général que de la volonté, laquelle doit résulter du caractère de chaque individu, et de l'appréciation des circons- tances; appréciation qu'un homme d'esprit, je le répète, doit mieux faire que tout autre, précisé- ment parce qu'il est homme d'esprit; et Dieu me garde de comprendre les esprits faux dans cette acception.

Que s'il est des cas il a tort ne pas tenir compte de cette appréciation, c’est à son amour- propre alors, et non à son manque de tact, je le répète, qu'il faut s'en prendre : amour-propre mal placé peut-être, mais qui le paie sans doute avec avantage du reproche qu'il veut bien encourir.

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(LE Sur ce point, les gens d’un esprit ordinaire parai tront quelquefois avoir sur lui avantage du tact; et cela se concoit : moins entraînés par leurs idées, ils respecteront plus froidement les con. venances.

Il est à remarquer que les femmes d'esprit ont dans le monde un bien grand avantage sur les hommes d'esprit, lorsqu'il s’agit de montrer du tact ; ce n’est pas qu’elles aient moins d’amour- propre, moins de désir de faire valoir leur esprit; mais leur éducation et la sévérité de leur position sociale leur donnent une habitude continuelle de tout calculer, d’être toujours sur leurs gardes ; et, plus que les hommes d'esprit, elles résisteront au penchant de briller, de peur de se livrer. Elles n’auront pas vu l’écueil mieux que ceux-ci, mais elles le fuiront, ou se contenteront du moins de louvoyer , lorsque les autres, par amour-propre ou par témérité, le braveront quelquefois.

Jean Bart, pour montrer à Louis XIV comment on passe au-travers d’une flotte ennemie, se rua sur les courtisans du monarque, et les forca à s'écarter devant ses gestes énergiques : cette dé- marche, par trop brusque, déplut fortement aux courtisans ; mais le vainqueur de Dunkerque se sou- ciait peu de plaire ou de déplaire à ces Messieurs : il savait fort bien que cette comparaison ne serait pas de leur goût; et, soutenu par le regard appro- bateur du Roi son maitre, il ne prit pas la peine

(195 ) de montrer du tact devant les gens de cour , et se laissa librement aller à sa franche et spirituelle métaphore.

Molière, composant et publiant son Tartuffe il démesque l'hypocrisie de son siècle, savait très- bien qu'il se ferait des ennemis mortels de tous les faux dévots; mais cédant à son indignation, au besoin impérieux de corriger les mœurs, et peut-être aussi à la gloire de publier un ouvrage d'esprit, il s’expose à leur colère et s'inquiète fort peu de montrer du fact. Un petit esprit faible et cauteleux se serait renfermé dans son tact. Avec du fact et des ménagemens chez les auteurs, que deviendraient les satyres et les comédies ? Que deviendraient les mœurs ?.. Leur tact consiste à saisir finement et à faire adroi- tement ressortir sur la scène tous les ridi- cules. Vous vous reconnaissez? tant mieux pour lui : Vous vous fûchez ? tant pis pour vous : vous avez le bon sens d'en faire votre profit et de vous corriger? Honneur à l’auteur, sagesse à vous.

Châteaubriand est disgracié : il publie quelques brochures constitutionnelles dont les idées avaient sainement müri dans sa tête; il s’aliène de plus en plus la cour, et la cour ettantde gens de dire qu'il manque de tact, et n’a pas d'esprit de conduite. Ainsi pensent les petits esprits lorsqu'ils remar- quent qu'ons’est conduit différemment qu'ils ne

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se seraient conduits eux-mêmes en pareille occa- sion! Petites gens qui mesurez tout à votre aune, qui n'avez que le tact des choses ordinaires , avez- vous compris sa pensée ? s’est-il soucié de montrer du tact?.. Pensez-vous que sil eût voulu recon- quérir un ministère, il n’eût pas su mieux que vous quelle était la marche à suivré pour arriver à son but? Il a mieux aimé obéir aux élans de son beau génie, de sa brillante imagination, que de suivre terre-à-terre des erremens aujourd’hui à la portée de tout le monde. Son beau discours sur la liberté de la presse ne le flatte-t-il pas plus qu’un portefeuille ?.. Et vous vous en allez répé- tant que c’est par dépit qu’il s’est jeté dans l’oppo- sition (1), qu'il a changé d'opinion ? Son opinion, dans le sens abstrait de ce mot, son opinion n’a pas changé : et quand l'expérience, en l’éclairant, aurait modifié quelques-unes de ses idées, faudrait- il lui en faire un reproche ?..

Et ici qu'il me soit permis de jeter en passant une idée qui peut-être encore effleurera le para- doxe, mais n'importe : on dit communément qu'un honnête homme doit toujours voir et penser de même; je le demande : Y a-t-il moins de sagesse À ouvrir son esprit aux observations, et par suite aux résultats d’une expérience éclairée, qu’à s’obs- tiner à ne toujours voir que comme on a vu une

(1) J’écrivais ces pages en avril 1830.

(197) première fois, quelle que soit la lumière que le temps et la raison vous aient placée devant les yeux? N'est-il pas au contraire dans la nature hu- maine, et je le dis en généralisant, n'est-il pas dans notre nature de rectifier nos jugemens d’après l'influence de l’âge et la force de l'expérience ?.….. Je vais plus loin, et j'en appelle à tous les hommes qui ont un peu de franchise : ne leur est-il pas souvent arrivé d’avoir d’abord jugé une chose de telle manière , concu un projet en apparence fondé sur la raison, et d’avoir quelque temps après, sou- vent peu de jours après, changé de jugement et ri de leur projet? Oui, sans doute, dans les actes ordinaires de la vie privée, dira-t-on; mais en politique on ne doit jamais changer... Et pourquoi non, si j'agis franchement ? Pourquoi ne voulez-vous pas que je m'éclaire ? Dois-je me refuser à l'évidence des faits? Me boucher les oreilles, en criant : Vous ne pensez pas comme moi, donc vous ne dites que des absurdités ; donc vous avez tort? Aujourd'hui surtout, à l’origine d’un gou- vernement représentatif en France, nedois-je pas, moi Francais, ouvrir mon esprit à tout ce qui peut éclairer sur la nature et sur les effets d’un nou- veau régime ? Ne dois-je pas mieux les sentir, mieux les comprendre aujourd’hui qu'il y a quinze ans ? Les formes de ce gouvernement ne me sont- elles pas naturellement aujourd'hui plus claires ? Ne se dessinent-elles pas plus nettement à mes

(196 ) yeux? Peut-on assurer d’un enfant au berceau ce qu’il sera plus tard? Et si plus tard je trouve qw'il s’est développé, dois-je le nier parce que j'avais cru, en le voyant naître, que tel climat ne con- venait pas à sa constitution ?... Erreur, sophisme dont tous les jours font justice, car l’arbre cons- titutionnel étend de plus en plus ses rameaux sur les donjons les plus monarchiques; et la monar- chie n’y perd pas, car sa force est dans la consti- tution; ou pour mieux dire: aujourd'hui la mo- narchie c’est la constitution.

On peut donc, ce me semble, sans être incon- séquent avec soi-même, modifier et quelquefois changer ses idées, même ses idées politiques. Aussi, je l’avouerai, ne suis-je pas trop partisan de l'argument à l’ordre du jour, d’opposer à tel discours prononcé hier, telle phrase que l’orateur aura prononcée il y a quinze ou vingt ans. Mais il importe ici de ne pas confondre un courtisan adroit, qui change d'opinion suivant ses intérêts, avec un homme d’un caractère droit et probe, qui ne modifie sa pensée que d’après la conscience de la vérité.

Ceci me ramène naturellement à mon sujet, car bien des gens appellent tact ce qui n'est que fausseté; d’où il suit qu’à leurs yeux un homme franc est moins bien partagé sous ce rapport qu'un homme faux. Mais c’est un thème usé depuis long-temps , que la franchise ne doit

( 299 ) occuper dans le monde qu'une bien petite place; el il n’est guères que quelques jeunes gens qui ont la naïveté de prendre la franchise pour une qualité : vienne un peu d'habitude du monde!

Je crois avoir suffisamment démontré que le tact était une conséquence de l'esprit, consé- quence qui découle tout d’abord des définitions; et pourquoi on croit remarquer absence de tact chez certains hommes d’esprit, lorsqu'il n'y a qu'amour-propre, souvent insouciance, et quel- quefois témérité.

Ces trois défauts, car, à vrai dire, ce sont tou- jours des défauts, se modifient encore par l’urba- nité. L'éducation, l’usage du monde et la position sociale peuvent donner cette urbanité; l'esprit seul peut donner le tact.

Il n’est qu'un cas un homme d'esprit puisse encourir involontairement ce reproche : c’est lorsqu'il est distrait : ainsi , il parlera de personnes bossues devant des bossus, et commettra, sans intention, mille inconvenances de ce genre; c’est alors à sa distraction et non à son manque de tact qu’il faut s’en prendre.

Dire que l'esprit c’est le tact, que plus on a d'esprit, plus on a de tact, paraîtra, sans doute, une opinion paradoxale à ces personnes qui pen- sent peu par elles-mêmes, et qui répètent, sans réflexion, ce qu'elles entendent dire : pour elles la clarté des définitions, l’évidence et la liaison

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des raisonnemens sont fort peu de chose; elles trouvent plus commode de garder leur opinion telle quelle.

D'ailleurs, il est si délicat, si difficile de parler de l'esprit: on s'entend généralement si peu sur Pacception de ce mot. Le brevet d’homme d’esprit se donne comme le portefeuille d’un ministre, souvent à tort et à travers. L’aigle d’un salon n’est souvent qu’un sot dans un autre, et cela se con- coit : il y a tant de sortes d’esprits appelés à nous juger; un esprit léger, vif et brillant sera à peine apprécié par les esprits profonds; ceux-ci, rare- ment compris par les premiers, leur feront peu d'effet.

Dans le monde, l’esprit n’est bien souvent qu'une chose de convention.

Les femmes les plus spirituelles , dont les repar- ties sont promptes et brillantes, sont presque toutes incapables de suivre le fil d’un raisonne- ment; un homme de beaucoup d'esprit me disait qu'il n’avait trouvé dans sa vie qu’une femme qui, dans la discussion répondit ad hoc à ses raisonne- mens. En général, elles changent l'état de la ques- tion : leur esprit ne s’attache qu’à quelques mots saillans, à quelques rcparties fines et adroites, mais presque toujours isolées du thême de la dis- cussion. Ce sont des troupes légères qui voltigent continuellement d’un terrain à un autre. Est-ce par impossibilité naturelle d’asservir leur esprit à une

me

( 201 ) suite régulière d'idées, ou par manque de volonté? Il paraît assez raisonnable d’admettre que la cause est dans la mobilité de leur organisation, et sur- tout dans leur éducation dépourvue presque tou- jours des fortes études qui forment l'esprit d’un homme.

Elles n’ont, en général, que l’esprit du monde, qui souvent n’est rien aux yeux d’un bomme pro- fond. En sont-elles moins aimables pour cela? Non, sans doute; je pense qw’elles le sont davan- tage : leur conversation légère, badine, fine et spirituelle a cent fois plus de charme que n’en aurait avec elles le sérieux des discussions : et puis, chez ce qu’on appelle les femmes solides, le pédantisme suit de près, et quoi de plus ridi- cule qu'une pédante? Tant pis pour moi peut- être, mais je n’aime pas les femmes solides.

Le meilleur esprit est, sans contredit, celui de savoir se mettre à la portée de tout le monde : ainsi un homme d’esprit évitera les discussions sérieuses devant un cercle de femmes. En général, gardez-vous bien de les laisser indiffé- rentes dans la conversation : leur âme est ennemie de cette languecur.

De la diversité des esprits résulte naturellement la diversité des jugemens. Ces pages que je viens d'écrire en suivant l’impulsion du mien, de com- bien de manières seraient-elles jugées par les uns et par les autres, si je les livrais au grand jour ?..

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Les uns, et c’est le plus grand nombre, ne voulant ou ne pouvant pas les comprendre, les jugeraient d’après ma réputation, si j’en avais une; d’autres, par défiance d’eux-mêmes, souvent plus que par incapacité, attendraient pour se prononcer le jugement du public, et se feraient une opinion de l'opinion générale. Ceux-ci trouveront mes ré- flexions fort justes, parce qu’elles sont d'accord avec les leurs; ceux-là me trouveront l'esprit faux, parce que je n'aurai pas pensé comme eux, et ne s’apercevront pas qu’en me qualifiant d'esprit faux, ils se donnent modestement le brevet d’esprits justes. Quelques sots, qui ne m’auront pas com- pris, se permettront néanmoins de me juger; car plus d’un sot juge sans comprendre. Les uns me trouveront trop diffus, d’autres trop concis. Mon style, elair et facile pour quelques-uns, sera pour quelques autres obscur et lourd. Ceux qui ne veulent que des résultats pour se les rappeler plus facilement et les débiter ensuite de mémoire, et qui se soucient fort peu des raisonnemens, trouveront qu’il me suffisait dénoncer ma pensée en deux mots; et ils l’auraient admise ou rejetée suivant que l'autorité de mon nom leur aurait paru plus ou moins influente. Quelques-uns me ren- verront au gros livre d'Helvétius, afin de me faire sur l'esprit des idées plus saines.

]l est temps de finir votre polémique, me répondra peut-être quelqu'un dont l'esprit aura

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suivi le fil de mes idées, et en aura saisi toutes les nuances. « Je conviens avec vous que le tact est une conséquence naturelle de Pesprit, qu’au fond Fun n’est autre chose que l’autre ; j'ad- mets assez volontiers les raisons que vous donnez pour expliquer comment les hommes d’esprit sont quelquefois plus portés que d’autres à négliger de montrer du tact, mais en ont-ils moins tort? Ne semble-t-il pas au contraire qu'ils n’en sont que plus coupables de s'affranchir du respect de ces convenances sociales, s'ils sont les premiers à les apercevoir toutes les fois qu’elles se présentent ? » Et qui vous dit le contraire ?.... Oui sans doute ils sont quelquefois coupables : ils le sont, lorsque leur amour-propre atténue le danger, et que la témérité le leur fait braver; ils ne le sont pas, lorsque leur esprit les avertit froidement qu’il n°y a pas lieu à montrer du tact d’autres personnes plus bornées croiraient devoir le faire. Du reste, sans chercher à les excuser, j’ai voulu seulement vous faire convenir de la fausseté de l’opinion qui souvent refuse du tact aux hommes d'esprit; ils n'en manquent pas, mais.ils négligent quelquefois d'en montrer,

Cette distinction ne serait qu'une subtilité, si je n'étais convaincu que bien des personnes refu- sent franchement à des hommes d'esprit le don de s’apercevoir de ce qui doit être dit et fait à propos.

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AAA AA AA AS UV LU AUS VV MU VU VU VU A AAA VV VA AA VV VUS VV VU VUE WU UT

APERCUS

OU

ESQUISSE SUR L'ESPRIT ET LE TACT ;

Par M. Pommier.

UNE esquisse sur l'esprit et le tact exigerait une touche habile, dont fit preuve un de nos collègues en traitant le même sujet. Je me suis hasardé, sans un pareil avantage, à reproduire cette thèse épineuse sous un autre jour. Serai-je seulement assez heureux pour ne pas montrer dans ces nou- veaux aperçus un aveugle qui se piquerait de goût en fait de couleurs ?

Lequel est à préférer de l'esprit ou du tact? Question délicate, qui risque au moins d’effleurer le paradoxe aux yeux des partisans du tact ou de ceux de l'esprit. En général, le point de vue d’où chacun les considère l’un et l’autre est tout-à-fait différent. Au lieu de les regarder en face, on se range de côté, on ne les voit que de profil; Fun efface l’autre, c’est l’effet de la position. À mon tour, n’ai-je pas à craindre de les envisager d’un point trop éloigné ?

Si l’on parvenait à bien fixer les limites du tact et celles de esprit, la question de supériorité

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entre les deux rivaux ne serait plus un problème. Essayons. D'abord , qu'est-ce que le tact? Le tact, suivant nous, est au discernement ce que lins- tinet est à la raison; une faculté qui précède la réflexion et n’a pas besoin de son secours pour saisir et distinguer ce qui convient ou ne convient pas. Le tact est le don de là-propos, mais ce n’est pas seulement pour les usages et les manières du monde. On lui doit la perception soudaine de cet à-propos dans nos actions comme dans nos paroles. C’est la main de l'intelligence et du sentiment,

Ne voir dans le tact que la seule connaissance ou la pratique de manières de pure convention, souvent si frivoles, si fugitives , ce serait en accorder le brevet ou le refuser sur un motif assez mince. À ce prix, il aurait manqué de tact, peut- être même d'esprit, l’homme de lettres si finement plaisanté par Delille, après un repas il s'était trouvé avec de jeunes seigneurs de la cour. « Ce » pauvre abbé Cosson ! a-t-1l su arranger seulement » sa serviette, rompreson pain, briserses coquilles » d'œuf? Et combien d’autres facons indispen- » sables ou presque aussi importantes, dont il ne » s’est pas même douté. » Delille s’entendait en esprit et au ton de la bonne compagnie; de qui croirons-nous qu'il se raillait ?

Mais, qu'est-ce que l'esprit? « Quand vous dites » dun homme qu'il a de esprit, on est en droit » de vous demander, duquel? » a dit Voltaire.

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On lavait dit sans doute long-temps avant lui, et on le répètera souvent sans doute après lui... L'esprit !.... Il n’est donc pas aisé de le définir; on serait moins embarrassé de dire ce qu’on entend en général par esprit.

L'esprit seul suffit pour faire un bel esprit; joignez-y le tact, c’est alors le bon esprit ou celui de l’homme d’esprit. Les uns prennent en effet pour esprit les pointes, les saillies , des bluettes, l'art de dire de jolis riens; c’est aussi le bel esprit, celui de Dorat et de son école, celui peut-être qui fait fortune auprès du grand nombre. D’autres avec lun de nos grands poètes lappellent Le sel de la raison (1); expression plus étendue que le nom de sel attique donné par le peuple le plus spirituel de l'antiquité aux traits fins et délicats, aux étincelles vives et pétillantes de l’esprit.

L'esprit : n’est-ce pas pour la conversation , une prestesse d'idées, une élégance, une facilité, un choix d’expressions qui flatte et ravit? Pour les ouvrages d’imagination , celte délicatesse de dessin, . de coloris et de nuances, si exquise dans plusieurs pièces fugitives de Grésset, si brillante dans les descriptions de Delille; cette vivacité, cette finesse

(1) Qui dit esprit, dit sel de la raison. Raison sans sel est fade nourriture, Sel sans raison n’est solide pâture. (Rousseau, épit, 3°, Liv, 1°.)

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de trait séduisante dans les lettres de Sévigné; admirable, dirai-je dans les saillies? non, dans les naïvetés du bon homme autant que dans les scènes les plus piquantes de Molière? Pour les affaires, une conception prompte, une sagacité féconde en ressources, habile à combiner les divers rapports des choses entre elles, en même temps que les obstacles et les moyens ? Le meilleur esprit est celui qui réunit le plus de ces avantages et les possède dans un haut degré.

& Voilà, s’écrie un bel esprit, un portrait bien » lourd d’un objet aussi délié, aussi subtil. » Et parvient-on à peindre un Protée qui échappe au moment lon croit le saisir? Venons donc à quelques applications; peut-être nous mettront- elles en voie d'apprécier ce qu’on appelle esprit.

Un des grands raisonneurs du siècle dernier, qui ne trouvait ses raisons qu’au bas de l’escalier et ne battait son adversaire que lorsque celui-ci était déjà loin, Rousseau par hasard n’avait-1l point d'esprit ? Il employait des heures entières à l’arran- gement d’une phrase. On en dit autant de Buffon; était-ce encore un pauvre d'esprit? Et Massillon, minutant un billet à un laquais ?.…

On a disputé sur le siége de l'esprit. Chez cer- tains, vous le diriez tout entier à la surface; ailleurs, c’est un filon caché qui ne se montre qu'avec peine à la lumière.

& Un homme parait lourd, grossier, stupide; il

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ne sait pas parler, ni raconter ce qu'il vient de voir. S'il se met à écrire, c’est un modèle inimi- table; il fait parler les animaux, les arbres, les pierres, tout ce qui ne parle point; ce n’est que légèreté, qu'élégance, que beau naturel et que délicatesse dans ses ouvrages.

» Un autre est simple, timide, d’une ennuyeuse conversation ; il prend un mot pour un autre, et il ne juge de la bonté de sa pièce que par l'argent qui lui en revient; il ne sait pas la réciter ni lire son écriture. Laissez-le s'élever par la composition; il est roi et un grand roi, il est politique, il est philosophe; il entreprend de faire parler les héros et de les faire agir; il peint les Romains, ils sont plus grands et plus Romains dans ses vers que dans leur histoire. »

Ce sont des portraits de fantaisie , dira-t-on. Point du tout; Labruyère nous les a laissés d’après nature. Un bel esprit aura jugé ces deux hommes à la première vue; et comment? Ce sont deux idiots... Quels idiots, bon Dieu !.. Lafontaine et Corneille.

À propos du premier, entendez encore notre bel esprit : « Mais vous ne connaissez donc pas le mot si joli de Me de La Sablière , J’ai fait maison nette aujourd'hui ; je n'ai gardé que mes trois bétes, mon chien, mon chat et Lafontaine ? » Et vous pouvez penser s'il triomphe d'une citation aussi heureuse !!! d

TE

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Les grands génies n’ont pas toujours l'esprit de l'instant; le leur est celui de tous les âges. D’autres possèdent tout leur avoir en petite monnaie; un compte ordinaire et de mince valeur est d’un acquit facile, très-facile pour eux. S'agit-il d’une valeur un peu élevée? La monnaie sera toujours prête, mais le fonds bientôt épuisé.

Est-il vrai que dans certains siècles l'esprit serait moins rare que le tact, ce frère jumeau du sens commun ? « Les anciens sont beaux et nous som- mes jolis.» Dieu me garde d’un tel blasphème contre notre siècle! C’est sur celui de Louis XIV que s’exprimait ainsi Mme de Sévigné. Mais en quoi les anciens l’'emporteraient-ils sur les modernes ? En esprit ou en goût, qui ressemble bien au tact, si ce n’est lui, dans les ouvrages d'esprit ?

Que d'esprit dans les Lettres de Dumoustier sur la Mythologie, dans les Églogues et dans les Dia- logues des morts de Fontenelle! Ne serait-ce faire aussi que de Pesprit de dire qu'il en a fallu beaucoup plus à Virgile, à Gessner, à Fénélon, pour en mettre moins dans des ouvrages du même genre, et au même Fontenelle dans ses Éloges? Et qu'est-ce que cette dose d'esprit de plus, si ce n’est legoût, qui est le tact des auteurs ?

Le tact peut donc négliger, écarter même l’es- prit, et pour plaire davantage. En dira-t-on autant de l'esprit envers le tact? Le tact sans esprit est une pendule sans timbre, mais qui donnera

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(“2ror) l'heure. L'esprit sans tact ressemble à une pendule dérangée qui sonne l'heure et ne la donne pas.

On dit l'esprit du monde, l'esprit des affaires, l'esprit de système, l'esprit des sciences. L’es- prit du monde n’est guères que l'habitude des usages et des manières du monde, comme l'esprit des affaires est, avec la connaissance des lois, l'habitude de les interpréter et de les appliquer. L'esprit des sciences tient à l'intelligence aidée de la réflexion, et l'esprit de système à l’imagination, et parfois aussi au génie.

On dit encore esprit du jeu, esprit d'intrigue, de secte, de parti et autres. Passons vite l'éponge sur tous les esprits de cet aloi; ne sortons point de notre sujet.

Il n’est pas rare de rencontrer dans un même cercle deux hommes d’un esprit peu ressemblant. L'un charme, séduit et enchante par ses saillies. C’est un feu d'artifice continuel; on est ébloui. Il sort au milieu des louanges, laissant la plupart de ses auditeurs-extasiés. Une voix s'élève, quelques observations font cesser le prestige :

La forme tombe , le fonds reste, Et l'esprit s’est évanoui.

L'autre n’a pas cette vivacité, cet éclat; on la écouté sans enthousiasme ; mais l’on demeuré pé- nétré, persuadé. Personne ne s’est récrié d’admi- ration. Il se retire, et tout le monde s'accorde à louer l’à-propos de ses paroles, la justesse de

( 211 ) ses raisons. C'est un homme d'esprit, dit-on à l'envi. Au fait, 1l a peut-être moins d'esprit que de tact. Combien d'hommes avec plus d'esprit qu'il n'en faut, ne se montrent pas toujours hommes d'esprit!

Dans les négociations, le tact voit le but, ne le perd pas un instant de vue; il se sert de l'esprit pour arriver; il arrive souvent sans lui. L'esprit réussira sans doute, mais suivant le plus ou le moins de tact de l'ambassadeur.

Dans les affaires privées, comme en politique, à combien de gens il arrive de prendre pour du tact les finesses et les subtilités! Certes, je ne sais plus ce qui mérite le nom de ruse. Mais quel en doit être le résultat au moindre soupcon de sub- terfuge ou de déguisement? si ce n’est d’inspirer de la méfiance et de rendre suspects les meilleurs moyens de persuasion.

Il est d’autres circonstances délicates, la franchise deviendrait un écueil si l'esprit et le tact ne venaient à son secours. Alors ils se con: fondent au point de ne faire plus qu'un l'un et l'autre, même pour l'œil le plus exercé. Qu'on nous dise lequel des deux domine le plus dans le mot si connu de Bossuet à Louis XIV sur les spectacles : 11 y a de grands exemples pour, et d’invincibles raisons contre. L’amour-propre du monarque élait chatouilleux; en évitant de le blesser, le prélat dans sa réponse ne déroge ni à

(212) la gravité de son caractère, ni à la rigidité de sa doctrine.

Telorateur qui n’a rien de commun avec celui que nous venons de nommer, ne vise qu'à l'éclat. Son discours, d’une diction pompeuse, savant, plein de verve, fourmille de traits saillans. Il ne laisse rien à désirer que le choix du sujet quine peut con- venir à ses auditeurs animés d’une toute autre pen- sée, et venus la plupart avec d’autres sentimens, tous dans une autre espérance. C’est une belle ha- rangue , une véritable pièce d’apparat, et plus en- core un hors-d’œuvre, brillant si l’on veut. Qu'un orateur se garde, a dit un ancien, de ressembler à un homme ivre au milieu de gens sobres ! Si la me- sure des convenances et de la position, si le tact manque à tant d'esprit, tout beau qu'il puisse être, cet enthousiasme est une grande faute, bril- lante tant qu’on voudra.

Un poète d'humeur assez moqueuse , se raillait d'une pareille éloquence au sujet d’un vol de che- vreaux. Le patron du plaignant s'était mis en frais d'esprit et de savoir. Il citait les guerres et les discordes sanglantes de Rome, et Marius et Sylla, et vingt autres noms tragiques. Aurait-il fini sans le plaideur qui l’interrompt? « Hé! de grâce, un » mot de mes chevreaux! »

Dans un plaidoyer.de ce genre, quelle dépense d'esprit !... Pour une cause perdue. D’où peut venir cet échec? L’orateur, tout entier au soin de son

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amour-propre, n'a pas eu le temps de songer à sa cause, il voulait briller; c’est tout le succès dont il s’est occupé.

Tel autre ne possède pas telle matière ou la connait mal; saura-t-il s’abstenir de se méler à la conversation ? Il veut aussi briller et ne se rappelle pas le trait du vieux philosophe qui, sans avoir fait la guerre, se mit à deviser sur cet art en présence d’Annibal. On sait comment notre discoureur s’en tira. Ce n’est point du tout l'esprit qui lui man- quait. Sans esprit, il se serait par impuissance; avec du tact, il eût gardé le silence par choix, c'est-à-dire qu'il aurait eu l'esprit de se taire, et celui-ci n’est pas le plus commun.

N'attendez pas du bel esprit le sacrifice d’un bon mot; il ferait plutôt celui d’un ami. Il lui faut tout éclipser, tout effacer. N’allez done pas non plus lui parler du conseil qu'un ancien homme d'état (dont le nom m'échappe), donnaità son fils partant pour une ambassade avec plusieurs collè- gues : « Observe de n’employer jamais le moi, ni » dans la négociation, ni dans le compte de votre « mission. » Le tact de ce père, versé dans la connaissance des hommes , sacrifiait ici l’amour- propre qui nous aliène les cœurs à un sentiment bien mieux entendu qui nous les gagne et les at- tache à nous. Le bel esprit n’entendrait rien à ce Jangage.

L'esprit a son rire moqueur, plus piquant par-

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fois que ses paroles , et le tact son silence quelque- fois plus expressif, plus éloquent que tous les discours. Un homme s’est trouvé d’un grand esprit, d'un grand sens, puissant par la force de sa raison, par la profondeur de son savoir, puissant encore par la parole. Ilentraïînaitune assemblée d’hommes distingués par les talens et les lumières; il se tait, et l’on trouve à son silence plus que de l’esprit.

Une délibération importante avait eu lieu dans le sénat de Rome. Un jeune romain y assistait. Au sortir de la séance, sa mère l’interroge, curieuse de savoir ce qui s'était passé au sénat. Plus il hésite, plus elle presse. Le jeune Papirius $’avisa d’un détour ingénieux. Sa réponse détournée, voilà l'esprit; sa réserve, voilà le tact. Qui ne connaît cette réponse un peu maligne et le singulier émoi qu’elle excita chez les dames romaines ?

L'esprit peut marcher avec le tact, sans doute. L'un n'exclut pas l’autre; mais il ne le suppose pas non plus. Le grand obstacle pour le tact n’est pas la médiocrité ni peut-être même labsence de l’es- prit; c’est la brusquerie d’un caractère qui s’é- chappe au point de l’égarer; c’est la passion qui ne manque jamais de l’obscurcir ou de l’éteindre.

Il en est de même de l'esprit. Que la gloire de nos grands hommes offusque l’amour-propre, excite l'envie de Voltaire; qu’une critique subtile et mordante ait ému la bile du poète le plus brillant mais le plus irascible, il sent le besoin

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de la répandre; il y trempe sa plume. Cette fleur d'esprit s’est changée en piquans dardés par la jalousie, en poison distillé par la malignité. Vous ne reconnaissez plus la touche de Pécrivain dont on a dit qu’il avait le plus de cet esprit que tout Le mnonde a, sauf les divers degrés. En pareil cas, l'esprit devient une arme sans garde ou sans arrêt, propre à vous nuire autant qu'à votre en- nemi. Plaignons celui qui ne saurait ou ne vou- drait s’en servir que pour blesser.

On rencontre souvent des hommes qui ont de l'esprit, beaucoup d'esprit, et quelquefois peu de tact. Celui-ci peut se trouver chez un homme d'un esprit médiocre, jamais chez un sot. Le tact d’un sot! Et n'est-ce pas la main d’un manchot qui ne le serait plus s’il avait cette main ? Ce serait par hasard qu'un sot pourrait paraître avoir fait quelque chose avec du tact. Un sot ces- serait de l'être dans les choses il aurait pu mettre du discernement,

Le croirait-on? Un sot a de l'esprit au moment il loue le nôtre. Je ne parierais point qu’on ne s’y laissit prendre avec de l'esprit. Le tact sera toujours à l'abri de ce leurre grossier. Et qui ose- rait dire ne s'être jamais surpris à trouver plus d'esprit à celui qui avait le plus du nôtre, et seu- lement parce qu'il avait le plus de ce dernier ? La réflexion vient après; et si elle est écoutée, elle ne sanctionne pas toujours le jugement spontané,

( 216 ) Cela est vrai surtout dans les débats politiques, peut-être dans toute polémique de quelque genre qu’elle soit.

On peut très-bien être homme de société homme de cabinet, homme d'état et même homme de cour sans une dose rare d'esprit. L'amour-propre n’y trouvera pas toujours son compte, il est vrai. Mais concevez sans tact un homme d’état, ni de cour, ni de cabinet, ni de société; s’il réussit, à coup sür ce sera un triomphe de fumée.

Phocion a laissé un nom illustre, moins sans doute par son esprit que par ses vertus. Le prince des orateurs le redoutait. « Voilà, disait-il, la hache de mes discours.» Démosthène reconnaît donc dans une lutte l'esprit a tant d’avantage, quelque chose au-dessus de Pesprit ?

Na-t-on pas dit aussi des Spartiates, qui certes ne se piquaient guères d'esprit, que les babillards Athéniens , d’une réputation toute différente, craïgnaient autant leurs mots que leurs coups ?

« Après l'esprit de discernement, ce qu'il y a au monde de plus rare, ce sont les diamans et les perles. » Qui a dit cela? Un des écrivains les plus judicieux du grand siècle, le peintre de mœurs déjà cité, qui n’a point eu de supérieur en justesse ni en finesse d'esprit. Il était juge impartial, il possédait au même degré lesprit et le tact.

Que faut-il en conclure? Le partisan du tact souscrira sans peine à ce jugement; impossible au

(217) bel esprit de s’y rendre et de ne pas en appeler. Mais afin de ne pas finir même par la simple apparence d’un trait caustique, hâtons-nous de reconnaître l’esprit pour la grâce du tact, et le tact pour le guide de lesprit.

ANA AAA NA NN AAA VV NAN NV AR A VAN VV A UV A AU AAA AR NA AU AV AA AV AAA A UN SOIR DE REVERIE. POÈME DÉDIÉ A M. DE LAMARTINE;

Par M. Charles de ROsIÈRES.

Ainsi tout change , ainsi tout passe, Ainsi nous-mêmes nous passons, Hélas ! sans laisser plus de trace Que cette barque nous glissons Sur cette mer tout s’efface, LAMARTINE ( Baya ).

L’asrre du jour s’abaisse, et d’un plus doux rayon Réchauffe à peine encor les fleurs de mon parterre : Le jour est pur ; Zéphir embaume l’atmosphère;

Je veux aller ce soir errer dans le vallon,

Loin d’un monde bruyant, et de ma rêverie

Suivre le libre cours... Douce mélancolie,

Je m’abandonne à toi; de douloureux plaisirs,

De magiques transports viens enivrer mon être : Bonheur délicieux, qui coûtes des soupirs, Souffrance que le cœur est heureux de connaître, Venez seuls m'occuper : vous seuls me suffisez ;

Du néant des grandeurs c’est vous qui m'instruisez :

( 216 )

Ainsi que vers le ciel on voit monter la flamme, Du Dieu qui la forma vous approchez mon âme; Des leçons du passé vous savez l'avertir,

Et parmi ses débris lui parler d'avenir.

Que l’air du soir est frais, et que tout est tranquille! Arrétons-nous ici!.. Quelle épaisse vapeur S’élève dans les airs, et s'étend sur la ville! Qu'ai-je vu près de moi, sous un saule-pleureur?.… Approchons... Des cyprès, des croix couvrent la terre!.. Un saint frémissement a saisi tous mes sens, Visitons ces tombeaux... Que j'aime un cimetière... Une mère à son fils fait des adieux touchans : Pauvre enfant! de ses jours il n’a vu que l'aurore, Mais il repose heureux, et nous souffrons encore! Ajoutons ces deux vers : puissent-ils un instant De sa mére éplorée adoucir le tourment |

Comme d’un lys tremblant une larme qui tombe Se perd dans le gazon à l’aube du matin,

D'une mère plaintive il a quitté le sein, Et disparu, glissant sous l'herbe de la tombe.

Ici , c’est une vierge, orgueil de ses parens, Qui, pour mourir plus belle, a vu seize printemps ; Ainsi nait sous un aulne et se perd dans le sable Un ruisseau dont le cours est bordé de lilas; Bientôt il disparaît, mourant sous un érable,

Et de l’érable à l’aulne on compte seize pas.

Plus loin, quels sont ces mots gravés sur une pierre Que j'aperçois debout auprès de cette terre Fraichement remuée?.. & Amour, espoir, beauté, > Hélas! dans un seul jour tout vient d'être emporté... > De son époux à peine embellissant la vie,

(219 ) » Par le destin cruel Elise fut ravie ; > La mort, de l'Hyménée éteignant le flambeau, » Sous le lit nuptial lui creusait un tombeau, » Et la rose d'Hymen en un jour s’est flétrie! »

Muse d'amour et de mélancolie, Sur ce cercueil viens moduler un chant Mystérieux, plaintif comme la vie, Comme elle, hélas! fugitif et touchant... Sous cette terre est une jeune femme Qui, souriant à son bonheur nouveau, A l'espérance abandonnait son âme,

Mais le voile d'Hymen recouvrait un tombeau.

Faut-il la peindre, à l’autel d'Hyménée, A son époux jurant serment d'amour, Et puis la vierge élégamment parée Le soir au bal brillant encore un jour!.. Chut! c'est ici l’asyle du mystère, L'heureux époux détache le bandeau. Elle a touché son linceul funéraire, Car c’est le drap d'Hymen qui la couvre au tombeau!

Quelle päleur sur cette jeune tête !..

Ce corps est froid du souffle de la mort : Elle n’est plus, la Reine de la fête!

Elle est ici!.. peut-être vierge encor...

Ainsi plaisir, amour, beauté, génie,

Espoir, projets au sortir du berceau,

La mort n’a rien de sacré dans la vie,

Rien n’est certain à l’homme excepté le tombeau.

Elle a passé comme l'herbe légère Vole et s'enfuit au souffle des hivers :

( 220 )

Loin de sa tige une feuille éphémère Court s’engloutir dans l’abime des mers... Et nous aussi nous passerons comme elle! Si de nos jours brille encor le flambeau, La mort demain l’éteindra de son aile, Qu'importe un jour de plus lorsqu'on marche au tombeau ?

Le

De la pourpre du soir l'horizon se colore, Et lentement la nuit déroule son rideau, Cependant sur les murs d’un antique château Un rayon du soleil vient se jouer encore,

Comme un nuage épais voile l'azur des cieux, Ces débris dont le temps a bruni la surface, Dentelés , inégaux, se détachent des feux Que l’astre en s’éloignant a semés sur sa trace.

Et moi, nonchalamment assis sur le coteau, Réveur, je suis le cours de mes libres pensées, Et, goûtant doucement le charme du tableau, J'abandonne mon âme au vague des idées,

Combien de fois la terre a changé d’habitans | Que de noms engloutis dans l'océan des âges, Depuis que ces donjons dégradés par le temps Dominent le vallon et bravent les orages !

L'homme naît, vit et meurt ; et de ses jours obscurs Rarement sur la terre il laisse quelque trace : Déjà le terme arrive... A peine si ces murs Se sont un peu noircis pendant ce court espace |

Que de fois du soleil s’éloignant radieux Vous vites le déclin!... Que de fois de f’aurore

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EEE

(222)

A son réveil d'été vous recüûtes les feux !.. Hélas! bien plus que moi vous les verrez encore !

sont-ils aujourd’hui ceux qui de nos remparts Ont jadis élevé les pierres avec peine ?.. Ce sable que les vents soulèvent dans la plaine En contient-il encor quelques restes épars ?..

Qu'il est beau le rayon qui ce soir vous éclaire ! Que de reflets dorés sur vos murs obscurcis! Qu'ils glissent mollement sous les feuilles du lierre Dont les sombres rameaux décorent vos débris!..,

Au pied de la colline est un lac qui reflète Vos donjons morcelés, vos tours et vos créneaux ; Et du ciel étoilé la voûte se répète, Comme une nappe d’or, dans le miroir des eaux,

Charme des souvenirs, vous séduisez mon âme... Je sens qu’autour de moi tout s’anime et tout vit, Comme un songe d'amour, dans l’ombre de la nuit, Nous arrive des cieux sur des ailes de flamme,

Sans doute, au temps passé, de fastueux seigneurs Avaient fait de ces lieux leur demeure chérie ; Au milieu de leur cour, enivrés de grandeurs, Et craints de leurs vassaux ils y passaient leur vie.

Fiers et montés sur de fougueux coursiers, La Lance au poing, quels sont ces chevaliers ? Le fer, l'acier qui cachent leur visage Brillent sur eux comme au jour du combat. Servant d'amour et décoré du gage Que lui donna belle de haut parage Chaque guerrier rivalise d'éclat,

Et vient combattre au tournoi qui s'apprête,

(. 222:)

Déjà tremblant et de crainte et d'amour, Maintes beautés président à la fête, Comme leur cœur palpite dans ce jour ! Comme en ce jour leur regard se promène Sur les guerriers qui bientôt dans l’arène Vont disputer le prix de la valeur!

Et pour celui qui sut charmer leur cœur Combien de vœux elles font en silence!

Des jeux soudain le signal est donné; Par les hérauts un chevalier nommé Dans le champ-clos impatient s’élance : Impétueux et brandissant sa lance,

Un fier rival sur son bouillant coursier, Comme l'éclair traversant la carrière, Dans un instant atteint son adversaire ; Et de son choc, heurtant le chevalier, Il l’étourdit et l’étend sur la terre.

Lors au combat venant se présenter, T'ous à leur tour signalent leur courage; Mais vainement ; nul ne peut résister :

Et le vainqueur, découvrant son visage, Vient recevoir le prix de la valeur; Heureux et fier, vers sa belle il s’avance.…. C'est Eginhard, le chevalier d'Ermance Dont le regard lui promet le bonheur,

*

Quels accens belliqueux ont frappé mon oreille ? Soudain de toutes parts tout s'émeut, tout s’éveille : J'entends le bruit du fer, le choc des boucliers,

La terre retentit sous les pas des coursiers ;

( 225 )

D'impétueux soldats gravissent la montagne ; Mais bientôt repoussés, épars dans la campagne, Comme un flux mugissant ils montent de nouveau ; Et par mille détours assiégent le château. En vain de tous côtés ils cherchent un passage, Au pied de ses remparts se brise leur courage, Et l'antique château brave tous les efforts ; Les glacis sont couverts de blessés et de morts , Le reste s’est enfui : satisfait de sa gloire, Le noble châtelain célébre sa victoire; Pour se venger encor, suivi de ses vassaux, Bientôt il va lui-même attaquer ses rivaux.

*

Des sons plus doux se font entendre Sous les fenêtres du castel.…., Chut! c’est la voix plaintive et tendre De quelque jeune ménestrel ; J'entends les accords de sa lyre Qui s'unissent à ses accens : D'amour il gémif, fl soupire, Et tout bas il redit ces chants :

« Belle Héléna, ma voix l'appelle, » Ah! viens répondre à mon ardeur ; » C’est moi, ton troubadour fidèle, » À qui tu promis le bonheur : » Ilest minuit, tout est tranquille, » Chacun repose autour de nous, » À mes vœux sois enfin docile, » C’est le moment du rendez-vous.

» C'est l’heure Diane amoureuse,

ÿ

Auprès de son jeune chasseur,

( 224 )

Pendant la nuit silencieuse, D'amour vient goûter le bonheur : L’heure la jeune mariée

Est &ans les bras de son époux, Et l'instant que la fiancée

CNW Wii 4.16

A choisi pour son rendez-vous,

> C’est l'heure doucement la rose Recçoit les baisers de Zéphir :

A nos transports rien ne s'oppose, Éveille-toi pour le plaisir.

Va, ne crains rien, ma bien-aimée, Il n’est plus de regard jaloux... Hélas! ta fenêtre est fermée,

CUIR ETES ER OE N

Et c’est l'heure du rendez-vous, »

Alors s’entrouvre la fenêtre ; Puis, à la lueur de Phæbé, Je vois doucement apparaître La jeune et craintive beauté... Le page avec sa bien-aimée Fort bien s’est sans doute entendu, Car la fenêtre s’est fermée, Et tous les deux ont disparu.

*

T'antôt un jeune cerf, à la course légère, Pressé par des chasseurs, traverse la clairière Et s'enfuit dans les bois; Et soudain sur ses pas une meute bruyante S'élance, et s’attachant à sa trace fumante, Va le metire aux abois,

(: 226:)

Le malheureux, bientôt chassé de sa retraite, En sort tout haletant : le cor de sa défaite Entonne le refrain ; Mais lui dont le malheur n’abat point le courage, Fièrement dans le lac se jetant à la nage, Croit vaincre le destin,

Que servent dans les eaux les pieds d'une gazelle ?.... Hélas! le cerf atteint par la meute cruelle, Est traîné vers le bord : Par le nombre vaincu, sous les dents déchirantes I gémit, il succombe, et des larmes sanglantes Ont signalé sa mort.

*

Ainsi, suivant le cours de mon humeur rêveuse, De souvenirs vivans je peuple ces débris, Qui des bruyans plaisirs d’une cour orgueilleuse Sous un maitre puissant retentissaient jadis.

Alors ils n’entendaieut que des accens de guerre, Que des refrains de chasse ou des soupirs d'amour : T'out s’y tait maintenant ; et, cachés sous le lierre, Les reptiles impurs en ont fait leur séjour;

Seulement quelquefois à l'heure des ténèbres, Voltigeant lourdement sur leurs réduits obscurs, Les oiseaux de la nuit font retentir ces murs De leur aile bruyante et de leurs cris funèbres,

Mais du moins , si nos jours, nos travaux, nos plaisirs, Si par l’aile du temps promptement tout s'efface, Pour une âme qui rêve il reste quelque trace, Et pour elle du moins il est des souvenirs.

15

( 226 ) Cependant de ses feux l’astre du jour éclaire Des hommes comme nous plaintifs et malheureux, Et sur son char d'argent s’avançant dans les cieux Phœbé se montre à moi paisible et solitaire,

Et nourri de pensers vagues, délicieux, M'éloignant à regret de ce vallon tranquille, Je reprends lentement le chemin de la ville, Le bruit y règne encor : livide et dégoûtant, Le vice m'apparaît, le vice au regard sombre, Se nourrissant de fange et se cachant dans l’ombre.

Plus loin, qu’ai-je entendu? C'est un accord brillant Qui donne le signal des plaisirs, de la danse, C'est un concert, un bal... je suis invité... Faut-il, faut-il ce soir, y portant ma présence, Morose observateur de la frivolité, Me mêler froidement aux vanités des hommes, Et, comme eux un instant cherchant à m’étourdir, Des biens que j'ai goûtés perdre le souvenir ?...…. Inquiets, maladifs, malheureux que nous sommes, Nous usons notre vie à chercher le plaisir.

Insensé ! l’homme veut échapper à lui-même Lorsque le vrai bonheur ne réside qu’en lui; Heureux, heureux qui sait, dans le repos qu’il aime, Ne trouver qu’en lui seul sa force et son appui!

Paisible, retiré sous mon toit solitaire, Et les yeux attachés sur l’astre de la nuit, Je rêve, je le suis dans son humble carrière, S'échappant par degrés de l'ombre qui s'enfuit,

Quel sentiment m'agite?.… Est-ce une douce flamme Qui du disque argenté se glisse dans mon âme?

( 227) D'où vient que je soupire ? Est-ce un vague désir? Est-ce un retour au monde? Est-ce un doux souvenir /

Que fais-tu loin de moi, toi que mon cœur adore? Sais-tu du souvenir savourer la douceur? Dis, viens-tu quelquefois, la nuit, penser encore À l’ami qui sans toi n’a plus de vrai bonheur ?

Que dis-je? N’es-tu pas pour moi toujours présente? Comme moi sur Phœbé tu diriges les yeux... Je te vois, je te parle, et ton image errante Sur un nuage d’or me sourit dans les cieux.

Vous qui me comprenez, vous dont l’âme est nourrie Du bonheur douloureux de la mélancolie, Quitterez-vous ces biens, ces magiques douceurs Pour le bruit d’un vain monde et ses plaisirs trempeurs!

NOTE.

J'avais d’abord intitulé cette pièce : La Mélancolie ; mais, en la relisant, je me suis apercu qu’il y avait plus derêverie que de mélancolie. Bien que ces deux sentimens se rapprochent souvent et s’identifient quelquefois, il faut se garder de les confondre : on peut réver sans mélancolie, comme on peut être mélanco- lique sans rêver.

La vue des ruines dispose l’âme à rêver; elle nous porte à ré- fléchir sur le néant de l’homme, sur la fragilité de ses œuvres : ainsi dans les souvenirs que j’ai attachés à un vieux château dé- truit, il y a plus de réverie que de mélancolie; et, comme ces souvenirs occupent une grande partie de cette pièce de vers, je lui ai donné le titre d'Un soir de Réverie, en laissant toutefois à la mélancolie la place qu’elle a droit d'occuper dans une âme réveuse.

J'ai cherché à esquisser rapidement quelques-uns de ces sou-

( 228 ) venirs, en me servant du rhythme convenable à chaque sujet; ainsi un tournoi, un siége du château , une chasse, une scène d'amour ont chacun un rhythme différent.

On remarquera sans doute que dans ce petit poème le vers est bien souvent coupé, que les enjambemens sont fréquens, que les transitions sont parfois un peu brusques, et que généralement les phrases poétiques ne sont pas de longue haleine; c’est à quoi je me suis attaché. J’ai évité soigneusement de faire ce qu’on appelle des vers ronflans, qui d’ailleurs sont peut-être les plus faciles à trouver.

Les grandsmots , leslongues périodes, les inversionsbrillantes, qui peuventtrouverleur place ailleurs, m’ont paru tout-à-fait hors de mon sujet.

Une rêverie sombre, un sentiment doux et mélancolique ne s'expriment pas ainsi. L'idée doit être jetée naturellement sans affectation, elle doit couler avec abandon; c’est comme une causerie ayec soi-même. Seulement, si quelquefois la pensée est grande, relevée, l’expression doit lui répondre. C’est ceque j’ai tenté de faire dans plusieurs stances sur le néant de l’homme, sur la rapidité de ses jours ; alors on doit rechercher quelques beaux vers, quelques vers à effet, et, sans se perdre dans les nues, on peutse permettre dedire, à la vue d’un vieux château dégradé :

« Combien de fois la terre a changé d’habitans ! » Que de noms engloutis dans l’océan des âges, » Depuis que ces donjons, dégradés par le temps, » Dominent le vallon , et bravent les orages! »

« sont-ils aujourd’hui ceux qui de vos remparts » Ont jadis élevé les pierres avec peine? » Ce sable que les vents soulèvent dans la plaine » En contient-il encore quelques restes épars! »

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(2290)

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RÉFLEXIONS ARCHÉOLOGIQUES

Lues au dessert du Banquet annuel de la Societé des Antiquaires de Normandie,

le 24 juillet 1832 ;

Par M. DELALANDE , Membre non résidant.

ESS ——

C’en est donc fait, Messieurs, nous suivons le torrent; Nous tombons dans le luxe; adieu nos vieux usages |. Eh! quoi, ne pouvions-nous diner plus simplement ? Au lieu de consommés et d’excellens potages,

Ne suffisait-il pas de servir le brouet, Comme on le servit aux sept sages Pour premier plat de leur banquet! Après, seraient venus quelques débris antiques, Rares morceaux, précieuses reliques : Tel, découvert sous les murs de Memphis, Un aloyau du bœuf Apis, Reste curieux de l’idole; Et tels encore, avec soins préparés, De ces ognons jadis en Egypte adorés. Puis, des fouilles de Rome à grands frais retirés, La moitié d’un oison, sauveur du Capitole; Un poulet presqu’entier, l'un des poulets sacrés Des prêtres et du peuple autrefois vénérés;

( 230 )

Un simple extrait, quelques parcelles De la meilleure des cervelles, Cervelle de l'oiseau favori de Junon, Que les gourmands d’alors avaient mise en renom Et que chanta Pétrone en son satiricon; Un reste du turbot à la sauce piquante, Que vantait le sénat et qu'encore on nous vante ; Des mets d'ail, de fromage et d'huile composés (1); Mets recommandés par Horace, Pour mieux faire goûter et boire à pleine tasse De ces vins généreux, de ces vins renommés, Qu’à Falerne on a retrouvés Desséchés au fond d’une amphore, Mais qui, d’un peu d’eau détrempés, Sont jugés excellens encore. Enfin, on nous eut régalés, Pour le dessert, d’un peu de miel d'Hymette Et de quelques parfums dans une cassolette, Le tout venu de Pompéia.

Voilà le seul banquet qu’il convenait de faire, Vrai banquet d'amateurs, vrai banquet d’antiquaire, Banquet narguant le choléra, Ce choléra maudit, inconnu chez nos pères, Et qui vient insulter au siècle des lumières. Avec nos vieux débris on pourrait s’en moquer; Car, nous le verrions fuir sur un sol étranger, Si nous pouvions, Messieurs, nous passer de manger, Il est bien temps, allez vous dire; Il eut fallu, pour nous endoctriner, SR rh: oo uso fulon got Mihimbur Pheneth fe. eh (2) C’est le moretum, hachis composéd’ail, de fromage , d’ache etd’huile. (Encyclopédie).

(252 ÿ Prècher d'exemple et nous prouver Qu'une misère, un rien peut vous suffire, Nous aurions su vous contenter! Je n'avais garde, chers confrères ; Veuillez au contraire observer Que si j'ai plaisanté sur de telles matières, Je ne l’ai fait qu'après diner, Près de vous donc j'obtiendrai grâce !... J'espère même à ce banquet normand Revenir encor dans un an; Vous promettant d’y bien tenir ma place, Quand je devrais passer pour être un peu gourmand.

Re ro rs re re De do Sd

MÉLODIES,

Par M. Charles DE ROSIÈRES.

O MON DIEU!

Ad te, Domine, levayi animam meam. Ps, XXIV.

O mon Dieu! ces trois mots exhalés de notre âme, Ainsi que les parfums s'élèvent jusqu'aux cieux ;

Ils montent au Seigneur, aussi purs que la flamme, Plus doux qu'un doux accord d’un luth mélodieux.

C’est le cri qu'ici-bas arrache la souffrance ; C'est un écho plaintif que réveille un soupir: Serait-ce dans nos cœurs la voix de l'espérance! Ou n'est-ce pas du ciel un vague souvenir ?...

(2355) O mon Dieu! c’est à vous que triste et solitaire S'adresse l’orphelin, du monde repoussé ; C'est de vous qu’il attend un appui tutélaire, Des riches orgueilleux le pauvre délaissé,

Sous des climats lointains, les Jeux vers sa patrie, L'exilé par ces mots formule sa° douleur :

Heureux si, près de lui, quelque voix attendrie Murmure, en soupirant, ce nom consolateur!

C'est le cri d’un mortel que l'injustice accable, Que l'envie a sali de ses impures mains; Faible, se résignant à la haine implacable,

Il appelle à son Dieu des jugemens humains.

Oh! quels mots diraient mieux une amitié trahie, Un bonheur qui n’est plus, un désir impuissant , D'un amour abusé l’erreur évanouie,

L'élan de la pitié, l’espoir de l’innocent!?

Ainsi donc, à mon Dieu! l’homme à chaque misère Prélude par ton nom aux plaintes de son cœur!.….. Serait-ce de son sort l'expression amère,

Et d'un reproche à tai l'accent accusateur?

Ah! s’il ose élever une voix qui t’offense, Pardonne-lui, Seigneur, il est bien malheureux; Pardonne, et ne reçois que le cri d'espérance D'un enfant exilé qui se souvient des cieux.

Ton nom, ton nom sacré, notre âme le recèle : Le coup de la douleur l'y fait briller soudain; Ainsi que le caillou renferme l’étincelle

Qu'un choc inattendu fait jaillir de son sein.

Ainsi l’onde s’épanche avec un doux murmure ; Ainsi la harpe, au soir quand passent les zéphirs,

rue

(12583 D)

A la brise des mers, aux voix de la nature Plaintive, vient mêler d'harmonieux soupirs.

C’est un mot échappé des célestes phalanges, Descendu jusqu’à nous, sans doute avec l'amour : Les seuls mots conservés du langage des anges

Que l’homme a su jadis, qu’il doit reprendre un jour.

NOTICE SUR M. ARNAUD,

Docteur en médecine , ancien Président de la Société,

Lue à la séance du 2 décembre 1831;

Par M. Pomrer.

Messieurs,

En approchant aujourd'hui de cette enceinte, aucun de nous sans doute n’a pu se défendre d’un sentiment de tristesse. Combien a redoubler cette émotion pénible à la vue du siége rarement vide jusqu'ici... et désormais nos regards cher- cheront en vain un confrère si digne de nos regrets! Aussi, quelle que soit la voix qui s'élève en ce moment, elle est sûre de parler à vos cœurs, en vous entretenant de l'homme de bien, du mo deste savant qui honorait cette Compagnie par ses

( 254 )

connaissances, son pays par ses ouvrages, l’huma- nité par ses vertus.

Attaché de bonne heure aux études propres à la la médecine, toutes nombreuses que sont les bran- ches de la science de l’art de guérir, M. Arnaud ne s’y borna point. S'il donna en premier lieu ses soins à l’étude des parties de l'Histoire naturelle relatives à sa profession, il ne renonca point aux sciences qui ne s’y liaient par aucun rapport.

C’est l'étendue comme la variété de ses connais- sances qui l'avaient mis en relation avec plusieurs savans distingués, dont quelques-uns, par suite de cette correspondance, sont devenus Membres de notre Société. Tels furent aussi les titres qui lui ouvrirent la porte de plusieurs Sociétés sa- vantes; je me contenterai de citer les Académies de Dijon et de Lyon.

Et ne devait-il pas aux mêmes titres les diverses fonctions que vous lui aviez successivement con- fiées dans la commission du Musée ? Membre des deux sections de Botanique et de Zoologie, ne lPavez-vous pas élu plus tard à celle des Beaux-Arts et des Antiquités ? Il semble que chez lui le savoir, comme le zèle, était propre à tout, prêt à tout.

La Société désira posséder un herbier des plantes de notre département; M. Arnaud n'offrit pas seu- lement les doubles qu'il avait pu conserver de ses récoltes ou conquêtes en botanique. Nullement détourné par les soins journaliers de sa profession

(2) et de ses emplois, il consent de donner son temps à cet herbier, l’ornement de notre cabinet d’his- toire naturelle. C’est lui qui l’a disposé, mis en ordre, et qui excitait l’émulation de ceux de nos collègues capables de le seconder dans cette in- téressante collection.

Au départ d’un autre collègue, regretté à tant de titres, de cet ami des arts à qui le Musée était si redevable, je devrais dire peut-être , à qui nous sommes redevables du Musée, il n’était pas facile de réparer une brèche aussi sensible, Non content d'enrichir ce Musée par une foule d'œuvres dues au zèle de ses démarches auprès du Gouvernement et des particuliers, M. de Becdelièvre l’embellissait encore de ses propres ouvrages, et classait chaque objet dans cet ordre qui lui prête un nouvelintérêt. Quileremplacera, du moins pour l’arrangement du médaillier ? M. Arnaud est choisi pourremplir cette nouvelle tâche, et il accepte encore. Ne dirait-on pas que toutes ses journées se composaient d’heures de loisir, et qu'il n’avait qu'à s’occuper des seuls objets utiles ou agréables à la Société ? Tant l'ha- bitude de lordre, le zèle et l'amour du travail savent, sinon multiplier le temps, au moins metlre à profit un bien d’un si haut prix, trop ordinaire- ment méconnu!

Cependant, outre les soins consacrés à sa pro- fession, soit dans les emplois qu’il remplissait aux hospices et aux prisons de cette ville, soit auprès

( 236 )

du lit des malades qu’une confiance bien acquise faisait recourir à lui, M. Arnaud se livrait à d’autres travaux recommandables pour ses compatriotes. Que de recherches, que de veilles n'avait pas exi- gées son Âistoire du Felay, ce livre dont l’idée seule annonce le citoyen ami de son pays! Que de manuscrits, que de livres il avait fallu se pro- curer, lire ou compulser! Cette Histoire, il est vrai, avait paru lorsque la Société d'agriculture renaquit pour ainsi dire de ses cendres et que M. Arnaud fut appelé à la présider.

Mais un ouvrage non moins important loccu- pait, la Flore du département de la Haute-Loire ; ouvrage dont il ne faudrait pas juger par l’abrégé qui en a été publié et qui n’en est guères que le squelette. Ce recueil complet n’a point vu le jour, vous en savez le motif; il n’eüt pas offert une simple nomenclature de nos plantes avec des in- dications destinées à servir d'itinéraire à nos jeunes botanistes. L’hygiène, la médecine et les arts y auraient trouvé d’utiles développemens sur les propriétés, les vertus et l'emploi divers de nos végétaux.

Je n'hésite pas de plus à croire qu’il reste des observations et des notes intéressantes sur diffé- rentes matières parmi les manuscrits de M. Arnaud. Il serait bien à désirer qu'on pût les recueillir et qu'elles ne fussent point perdues pour la science ni pour le pays.

=

(237)

Ce ne sont pas là, Messieurs, tous les titres de M. Arnaud à nos éloges comme à nos regrets. Pourrais-je négliger ceux qui méritent bien plus encore notre estime, ceux dont il s’'epplaudit lui- même bien davantage aujourd'hui ? C’est vous dé- signer assez les qualités de cette belle âme et sa pratique constante de toutes les vertus.

trouver un homme d’un commerce plus sûr, d'une intégrité, d’une bonne foi plus antique; un homme plus ferme dans ses principes, plus assidu dans ses fonctions, plus zélé dans tous les devoirs civils et religieux? Devoirs publics, devoirs de famille, tous étaient remplis avec une ponctualité dont il reste trop peu d'exemples. Ceux qui ont fait partie avec lui des divers Conseils ou Commis- sions, savent tous s'il n’était pas également exact aux séances l’appelaient des fonctions gratuites comme aux soins de ses autres emplois. Ils savent s’il n'y apportait pas toujours un esprit d'ordre, une sagesse, une pureté d’intentions animées de Pamour du bien public.

Père de famille , il ne se contentait pas de choisir à ses enfans des maîtres qu’il jugeait dignes de sa confiance pour leur instruction’; il trouvait encore, malgré les occupations diverses qui remplissaient toutes ses journées, 1l trouvait le moyen de dou- bler les lecons des maitres par des répétitions assidues, et d'en multiplier les fruits par des lecons particulières.

( 238 )

Et pourquoi ne vous parlerais-je pas des exem- ples plus précieux encore qu’il leur donnait ? «Un » cœur naturellement droit et simple avait été en » lui une grande disposition à la piété. La sienne » n'était pas seulementsolide, elle étaittendre etne » dédaignait pas certaines petites pratiques de la » religion.» Ainsi parlait Fontenelle, en achevant l'éloge d’Ozanam, et il ajoute que Pillustre mathé- maticien professait la simplicité dela foi du peuple.

Si je ne vous avais pas rappelé la source de cette louange, l’auriez-vous crue empruntée ailleurs et seulement appliquée à M. Arnaud? Ces réflexions, il faut Pavouer, ne sont guères de la couleur du siècle nous vivons. Mais ce qu’un philosophe du 18e siècle louait dans un Membre de lAca- démie des sciences de son temps et ce qu'il ne manquait pas de relever dans l'éloge de la plupart de ses confrères, cesserait-il d’être louable de nos jours, parce qu’on aurait cessé de le louer? Tou- jours suis-je assuré que je n'ai pas craindre de remarquer cette conformité dans M. Arnaud avec des savans d’un âge certes on ne se piquait pas de crédulité, et de la remarquer devant des hommes qui, jaloux de ne rien perdre des lumières de leur siècle, ne se croient pas obligés pour cela d’en adopter les opinions exclusives, encore moins les préjugés,

Je n’ai pas prétendu, Messieurs, faire entendre ici un éloge de M, Arnaud; cet éloge serait trop

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incomplet, trop au-dessous de lui. C’est le faible tribut, ou plutôt l’'épanchement d’un cœur qu’il honora de quelque amitié. Un meilleur interprète de vos sentimens saura, n’en doutons point, con- sacrer dans vos Annales la mémoire d’un aussi estimable collègue, par un témoignage plus digne de son mérite et de vos regrets.

AMV AY UV UV AS VA VV A AA A AV VU AV A MR AU A URL AR A AS A LU

NOTICE SUR M. O'FARRELL ;

Par M, Pomter.

LA ville du Puy vient de perdre, dans la personne de M. O’Farrell, un citoyen recommandable par ses vertus publiques et privées, par un attachement aujourd’hui trop rare à la foi de ses pères, par les fonctions diverses qu'il a remplies avec une pru- dence et un zèle constans.

Issu d’une famille distinguée d'Irlande, il des- cendait d’un officier du comté de Longfort, qui avait marché sous les drapeaux de Jacques IT, et qui préféra s’expatrier et renoncer à ses possessions plutôt qu'à ses sermens et à sa religion. Réfugié en France avec les siens, ce brave officier, com- battant dans nos rangs à la bataille de Fontenoy, eut une cuisse cassée et vit deux de ses frères tomber à ses côtés.

( 240 )

Son petit-fils dont nous déplorons la perte, Pierre O’Farrell fut chargé, jeune encore, de l'inspection des travaux publics du Vivarais et du Velay, sous les auspices de son frère, ingénieur de l’ancienne province de Languedoc. C'est alors qu'il dirigea les ouvrages de la côte de Mayres, sur la route centrale de Paris au midi de la France : ouvrages qui excitent la surprise du voyageur et admiration même des gens de l'art.

Il présida, en la même qualité, à la construction du pont Saint-Jean, sur la route de Lyon; à l’ou- verture de la route de Taulhac; ensuite à celle de l'avenue d’Espaly, pour la communication avec l'Auvergne, abandonnée par suite de nos troubles et des événemens.

A l’époque de l’organisation des ponts et chaus- sées par départemens, en 1790, il fut nommé ingénieur en chef de celui de la Haute-Loire. Alors fut construit, d’après ses plans, le pont Saint- Barthelemi, à l’une des principales entrées du Puy. Plus tard fut tracée et exécutée, pour ainsi dire sous ses yeux, la belle route du pont d’Es- troulhas jusqu’au sommet de la côte Sainte-Anne. L'entrée du côté de Lyon, les divers faubourgs depuis cette entrée jusqu'à la sortie d'Auvergne, étaient obstrués, impraticables, bordés dans leur plus grande étendue par des fossés ou plutôt des cloaques infects et par des jardins profonds, sans parapet pour garantir les passans. C'est par les

(241) soins de M. O’Farrell, que toute cette partie, au- jourd’'hui la plus fréquentée et la plus belle de la ville, a été percée, assainie, dégagée de tout en- combre e: livrée à l'architecture, qui a converti ces encombres et ces cloaques en beaux édifices.

C’est an mode adopté par lui pour lentretien des routes, à la distribution éclairée, au sage emploi des fonds appliqués aux chemins, que nous devions ce bel état des nôtres, envié par les dé- partemens voisins; et avant lui, le Puy était ina- bordable aux voitures, et ne connaissait d'autre moyen de transport qu’à dos de mulet.

Un événement fâcheux, quoique indépendant de la prévoyance de M. O’Farrell, vint troubler, quelques années après sa retraite du génie civil, la satisfaction que lui assurait le souvenir des tra- vaux préparés et conduits par lui à leur fin avec un plein succès. On sent que nous voulons parler de la chute du pont de Vieille-Brioude. Mais, s’il est de la prudence humaine de prévoir, de sus- pendre même les atteintes du temps qui mine et détruit tout, il ne lui appartient point de deviner l'époque de leurs résultats, encore moins de les empêcher. M. O‘Farrell, en entreprenant de ren- forcer ce pont, voulut rétablir les communications interrompues pour nous, et pour longues années, entre le midi et le nord de la France, s'il avait cherché à fonder ailleurs un autre pont, afin de remplacer celui de la Bajasse. Il travaillait en

16

( 242)

même temps à la conservation d’un monument unique en France, et qui, n’étant que l’œuvre de simples macons du pays, avait mérité, par l’éten- due de son ouverture, par l’élévation, la forme svelte et hardie de sa voûte, d’être pris pour un ouvrage des Romains. Nous devons now abstenir ici de discuter les observations faites après coup, si faciles alors, et souvent moins justes que spé- cieuses. Des maîtres habiles, exercés dans ce genre d'architecture, des inspecteurs distingués par leurs talens, éclairés par une longue expérience dans leur partie, avaient vu et admiré les ouvrages d'art entrepris pour ce pont ct si bien exécutés sur les plans de M.0’Farrell. Quoi qu'il en soit, ces travaux n’ont pas été perdus pour le nouveau pont, et sans doute ils ont contribué à la restauration de ce superbe monument, qui eüt été détruit sans retour et abandonné, si après sa chute on eût trouvé à proximité un autre moyen de communi- cation établi.

Ce n’était point assez pour M. O’Farrell que les soins de ses fonctions : il savait saisir et il saisit toujours avec empressement les occasions de faire quelque bien et de servir son pays. Chargé par le ministre de la guerre d’une commission relative au service militaire, il requit, pendant la tourmente révolutionnaire, l’église de Saint-Laurent pour ce service, et conserva ainsi ce bel édifice gothique, le plus beau vaisseau que nous possédions, menacé

(245 ) alors de la destruction par le vandalisme de ces temps désastreux. L'église des Carmes fut également conservée, sous le prétexte d'y déposer les cintres du pont Saint-Barthelemi.

Cest encore lui qui restaura l'église et les bâti- mens de Saint-Maurice (aujourd'hui occupés par les dames de la Visitation) , afin d'y établir , en 1802, un pensionnat, érigé l’année suivante en école secondaire et destiné à l'éducation des jeunes gens de famille que les parens étaient obligés d'envoyer au loin pour leurs études.

Tant de services ne pouvaient être méconnus par le public, qui sait toujours apprécier le mérite et reconnaître les bienfaits, quand son jugement n’est point égaré ou altéré par une influence étrangère. M. O’Farrell recut à plusieurs reprises des témoignages.signalés d'estime et de confiance de la part de ses concitoyens. Appelé par leur vœu au collége électoral du département de la Haute-Loire , il fut encore élu candidat suppléant au corps législatif.

Le Gouvernement ne fit donc que s'unir à la voix générale, en lui accordant la récompense décernée à ceux qui ont bien mérité de la patrie, la croix de la Légion-d'Honneur. Les preuves si nombreuses de capacité données par M, O’Farrell, et ses longs services, le firent aussi juger digne du grade d’imspecteur divisionnaire. Il fut flatté d'une pareille marque de juste appréciation; il

(244) eut pourtant la modestie de la refuser, ou peut- être jugea-t-il plus utile à son pays de conserver le poste qu’il occupait.

Nommé au Conseil général, après sa retraite du service des ponts et chaussées, il n’a cessé d’en faire partie jusqu'à son dernier jour.

Le terme de ses fonctions d'ingénieur en chef aurait être, pour ce respectable vieillard, celui des travaux d’une aussi longue carrière. Le temps du repos semblait être arrivé pour lui, et bien acquis. M. O’Farrell est tiré de sa retraite; il est revêtu de la dignité, ou plutôt de la charge de Maire de la cité. Les finances de la ville étaient dans le plus ficheux état par le malheur destemps, et non par la faute de ses prédécesseurs; elles furent rétablies; la ville était obérée, ses dettes furent payées, des embellissemens publics entre- pris, la rue Saint-Pierre percée, celle de la Cour- rerie élargie, la grande allée à l'extrémité du Breuil ouverte et plantée; le collége tiré pour ainsi dire de ses ruines : classes, salles d'étude, appar- temens, chapelle, bibliothèque de la ville, tout fut reconstruit, embelli ou restauré. Aucun sacri- fice ne coûta au Conseil de la commune, qui s'empressait d'adopter les propositions du magis- trat dont il approuvait les vues et les desseins toujours dictés par lintérêt du pays.

Pourrait-on oublier cette prudence, cette fer- meté à la fois, cette vigilante activité avec laquelle

(245)

il sut, assisté de ce même Conseil, maintenir l’ordre, prévenir toute collision funeste et garantir la sûreté de tous, durant la présence de l'étranger dans nos murs? Peu de temps encore avant sa mort, M. O’Farrell a fait acte de son dévoüment au service public : ni son âge ni ses infirmités ne Pen avaient détourné.

Atteint depuis quelque temps d’une maladie douloureuse, il a soutenu ses souffrances avec un courage et une résignation toute chrétienne. Enfin, entouré des soins d’une tendre épouse et de ses dignes filles, après avoir recu les secours et les consolations de la religion, il s’est endormi du sommeil des justes, le 3 novembre, à six heures du matin.

Nous avons gardé le silence sur les qualités privées et les vertus domestiques de M. O’Farrell. Ces qualités, ces vertus, exercées à l’ombre denos maisons, appartiennent à la famille ou à FPamitié. C’est à elles d'en sentir le prix et d’en conserver le souvenir. Droiture, sûreté de conseil, finesse de tact dans les affaires épineuses, urbanité dans les manières, affabilité même envers les inconnus, compassion pour les malheureux, empressement à les obliger, sagacité pour en trouver les moyens, pratique exacte et constante de tous les devoirs de père, de citoyen et de chrétien, non! vous ne sauriez vous effacer de l'esprit des siens et de ceux admis à son intimité; non plus que ces paroles de

( 246 ) la sagesse si fréquentes dans sa simple conver- sation , ni celles tombées en quelque sorte de ses lèvres mourantes.

Il faut le dire avant de finir : M. O’Farrell n’était point assez connu de la génération nouvelle. Homme de cabinet, peu accoutumé à se répandre, n’aimant guères à se produire, il a passé en faisant le bien, sans éclat, sans ostentation, laissant à ses œuvres le soin de le louer; et à son exemple, nous n’en avons pas eu d'autre dans ces lignes consa- crées à sa mémoire.

Aussi la passion du jour, l'esprit de parti s’est tu au pied du cercueil de l’homme de bien. Un suffrage unanime attestait la perte que le pays avait à déplorer. Le Maire, ses deux Adjoints, les Membres du corps municipal, les Fonctionnaires publics, auxquels est venu se joindre M. le Préfet, ont disputé d’empressement avec la Société d’agri- culture et l'élite nombreuse des citoyens, pour lui rendre les derniers honneurs.

(247)

AAA AA AA AS AV VU A VU LU LVL UV UV VU M AV A LU UV VU MU MUR VV 4 VU M

RELATION

D'un trait héroïque de Jeanne Savy, de la commune de Monistrol-d’ Allier ;

Par M. le docteur TARDY.

L’'ACADÉMIE francaise a décerné dans sa séance annuelle, le 9 août 1832, indépendamment des grands prix, douze médailles de 600 francs cha- cune, pour récompense d'actions grandes et géné- reuses. La femme Jeanne Savy , demeurant au hameau de Lavialle-des-Tours , commune de Monistrol-d’Allier, canton de Saugues, départe- ment de la Haute-Loire, figure au nombre des personnes qui en ont recu une.

On ne pourra s'empêcher d'admirer avec atten- drissement la noble conduite et le courage héroïque de cette brave femme. Voici le fait :

Le 17 décembre 1831, vers trois heures du soir, le feu prit dans la maison habitée par Antoine Comte, vieillard paralytique. On s’empressa d'y porter du secours, mais la flamme avait déjà en- vahi presque tout le bâtiment, et notamment la chambre gisait dans son lit le vieillard impo- tent. Plusieurs hommes firent d'inutiles efforts : ils furent ou arrêtés par les flammes ou étouffés par la fumée; entr’autres, Julien, propriétaire du lieu , s'était exposé au danger, pour sauver Antoine

(248 ) Comte; 1l avait eu de la peine à en échapper lui- même. La femme Julien, qui était présente, s’é- cria : « Il ne périra pas, ou nous périrons tous les deux!..» Ace mot, sans consulter ses forces et sans avoir égard à sa grossesse avancée, elle s’élanca an travers de la flamme et de la fumée, et au bout de quelques minutes on la vit reparaître, empor- tant Antoine Comte presque asphyxié; elle-même était hors d’haleine et à demi-suffoquée. Après avoir ainsi arraché ce malheureux à une mort certaine et affreuse, elle le conduisit chez elle et l'y soigna pendant huit jours, pour le remettre de l'effroi qu'il avait éprouvé.

M. le Préfet, instruit de cette action magnanime par un rapport de M. le Maire de Monistrol, se hâta d'envoyer à la femme Savy la somme de cent francs. Le Ministre de l’intérieur lui adressa à son tour une médaille en argent, etenfin l’Académie l’a couronnée.

La Société du Puy, désirant encourager tous les sentimens nobles et généreux et récompenser le courage et la vertu, a décidé, dans sa séance du 7 septembre 1832, que la relation de ce trait de dévoûment serait lue dans sa séance publique, qu’elle serait insérée dans ses Annales, et que, pour perpétuer dans la famille de Jeanne Savy le sou- venir de sa conduite héroïque, on lui adresserait, outre un exemplaire des Annales, une copie ma- nuscrite de l’article qui la concerne.

ER PS

( 249 )

QUATRIÈME NOTICE

Des Tableaux , Dessins, Antiquités , Médaillier et objets de curiosité du Musée de la ville du Puy.

REGNAULD.

77. Tête d'Alceste. Étude au crayon et à l’estompe pour le beau tableau que fit l’auteur, d’Hercule enlevant Alceste des enfers.

78. L’Apollon du Belvédère (Dessin).

79. Une Académie de femme (Dessin).

80. Tête d'étude de femme ( Dessin).

821. Tête d’étude (Peinture),

INGRES, Membre honoraire de la Société acadé- mique du Puy et de l’Institut. 82. Philémon et Baucis recevant chez eux Jupiter (Hom- mage de l’auteur à la Société). LAWRENCE, peintre anglais. 83. Duchesse de Berry ( Copie).

TE 84. Angélique et Médor (Auteur inconnu. ). 85. Portrait (École française, auteur inconnu).

86. Paysage (École francaise, auteur inconnu ). BLONDEL , Membre honoraire de la. Société et de l'Institut.

87. Tète d'étude.

88. Paysage ovale (École francaise, auteur inconnu). 89. Le Cardinal de Polignac (Copie).

LE ROI DE LIANCOURT.

90, Paysage.

( 250 )

REGNAULD. 91. Deux rotules (Études pour un Christ }.

GRIGNARD, Ingénieur du cadastre, Membre de Ia Société. 92. Plan de la ville du Puy; nivellement des points principaux. BLONDEL, Membre honoraire de la Société et de

l’Institut.

95. Le triomphe de la Religion sur l’athéisme. Un beau jeune homme meurt entre les bras de la Religion ; l’Espérance lui montreunavenir; un philosophe athée nelui parlaitque du néant.

Ce tableau a été donné par le Gouvernement. Il fut commandé en 1529 et terminé en 1833. LM :

HOBBEMA, peintre hollandais, élève de Ruysdael.

94. Paysage avec de grands arbres ,une vache et la bergère. Les tableaux de ce maître sont fort rares en France.

TENIERS le vieux (David), peintre flamand, à

Anvers en 1581. 95. Un concert dans un fond de paysage.

SALVATOR ROSA , à Naples en 1615.

96. La mort de Caton d’Utique.

Ce beau tableau provient du cabinet de M. Regnauld, peintre, qui le regardait comme un chef-d'œuvre d’exécution. Il le con- servait dans son atelier depuis quarante ans, comme type de la plus belle peinture ( Donné au Musée par M. de Becdelièvre ).

JOLIVART, peintre de paysage, à Paris. 97- Paysage (Copie, par M. de Becdelièvre ). GUINDRAND, peintre de paysage, de Lyon. 93. Vallée des environs de Grenoble.

99. Quatre Études d’après nature, du mème peintre, dans le même cadre, et du même pays.

Le

( 251 ) OMEGANK, peintre d'Anvers.

100. Paysage avec des moutons.

PORBUS (Francois), d'Anvers, 1570. 101. Henri II (Portrait d’), donné au Musée par M. le marquis de Latour-Maubourg.

CORNU, peintre de Lyon.

102. Raphaël (Portrait de). Dessin fait à Florence pour le Musée, donné par l’auteur.

POELEMBURG (Corneille ), Hollandais à Utrecht, en 1506.

103. Paysage. Danse villageoïise.

La manière de ce peintre est suave et légère. La nature y est représentée à peu de frais ; les masses sont larges ; le clair obscur bien entendu; les figures touchées ayec esprit, mais incorrectes.

104. Portrait du général Lafayette, gravé d’après le tableau original de Scheffer. Donné par M. Dupuy.

105. Bouquet de fleurs dessiné par Mlle de Girardot, et donné par elle au Musée.

PORBUS (Attribué à).

106. Marie Stuart (Portrait de); donné par M. le baron de Glavenas.

107. Tableau de fleurs (auteur inconnu ).

ANTIQUITÉS ROMAINES.

36 bis. Deux chapiteaux corinthiens (en grès), sur la corniche de la porte du Musée, provenant d’un monument romain découvert à Espaly, sur l'emplacement duquel furent faites les fouilles de 1822; donnés au Musée par M. Filhiot aîné.

( 252 )

37. Bas-relief (en grès), représentant des chasseurs, un cerf, une biche; l’un des chasseurs porte une arbalète. Le goût du dessin, le style et les accessoires représentés dans ce fragment en font un morceau précieux.

38. Monument tumulaire (en grès), trouvé au cimetière de Solignac. Il a été donné au Musée par le Conseil municipal de cette commune. Le style et les accessoires font attribuer le travail de ce fragment à la même époque et peut-être au même artiste que le bas-relief 37.

39. Bas-reliefs (en marbre blanc). Sur les deux faces de la plaque, une figure en demi-relief d’un côté, de l’autre deux masques en bas-relief.

On ignore l'antique destination de ce monument. Il provient d’une fouille faite à Vienne en Dau- phiné. Donné au Musée par M. de Becdelièvre.

OBJETS DE CURIOSITÉ.

INVota. La série des n°* est conforme à celle du catalogue gé- néral du Musée, et ne fait pas suite aux Notices précédentes.

13. Parasol chinois, donné par M. Hedde (Isidore) de Saint-Étienne. 14. Poire à poudre, des 14 et 15€ siècles,

avec ornemens gravés, représentant un guerrier armé d’un bouclier et d’un sabre.

15. Casse-téte des sauvages , donné par M.de Saint-Sauveur.

( 253 ) 16. Crapaudine. Ces sortes d'objets servaient à la guerre. 16 bis. Casse-téte des sauvages, donné par M. de Becdelièvre. 17. Vitre peinte (15° siècle).

18. l’agode : divinité indienne ou chinoise.

19. Petit chat en porcelaine du Japon, gar- niture en argent; donné par M. de Becdelièvre.

20. Ciseaux pour la sculpture, ayant appar-

tenus au célèbre Julien, notre compatriote; donnés par sa famille. 20 bis. Sa médaille de membre de l'institut.

21. Petite téte en os, représentant une tête couronnée.

22. Pelite cuiller en bronze, ainsi qu’un an- neau, trouvés à Saint-Marcel.

25. Empreinte d'un cachet gothique que pos- sède Mgr lEvêque du Puy.

24. Deux petites haches fort anciennes, irou- vées à Saint-Marcel.

25. Chaussure des dames d'Alger. Objet ap-

porté par un officier de l’expédition; donné par M. de Becdelièvre. 26. Deux vases en farence (152 siècle).

27. Deux bas-reliefs en albdtre, sous le même n°. 26. Fers de flèche et médailles, trouvés à

Saint-Paulien et donnés par M. Miallon. 29. Chaussure des dames de Maroc , donnée

(254 ) | au Musée par M. le marquis de Laroche-Saint- André, consul francais à Barcelone.

30. Vase en verre opale (15° siècle).

31. Plat en faïence (15° siècle), donné au Musée par Madame de Vinols.

32. Pipe en terre {Ile de Corse).

33. Bas-relief en ivoire.

34. Coquilles de Pélerin, trouvées sur un squelette, dans les fouilles pour les fondations du tribunal de commerce.

35. Défense de sanglier , donnée par M. de Choumouroux,

36. Perles fines que l’on trouve dans des moules d’un ruisseau des environs de Saugues; données par M. Dumazel.

37. Éperon et chien de fusil, trouvés au château des Ubas (Ardèche) ; donnés par M. d’Agrain.

38. Tuile portant la date de 1145 , trouvée au même château.

39. Petit objet en coco, dont on ignore l'usage.

ko. Petite rotonde en marbre de diverses couleurs, donnée par M. Henri, sous-intendant militaire.

41. Trépied en bois doré.

42. Deux petits bas-reliefs en albätre.

43. Voir le 81 de la Notice.

43 bis. Voir le 83 idem.

44. Un boulet et deux balles, trouvés dans

(255) une fouille faite, en mai 1832, par M. de Becde- lièvre, sur le champ de bataille de Marengo. 45. Sceau d'André V'alladier , abbé de Saint- Arnould de Metz, à Saint-Pal-de-Chalancon

(Haute-Loire); donné par M. Teissier, préfet de PAude.

MÉDAILLIER. Collection générale des médailles du Musée.

Médailles antiques en or, argent, billon et bronze de tous les modules: ,........, 964 Monnaies du moyen âge et modernes, A6 toutgumaétal 01 28 sn sons s 206 Médailles et médaillons anciens et des derniers règnes; médailles des hommes CÉDRIC ben Emi mimer sacs 137

OTAL RES Mere 1399

Dans ce ‘chiffre sont comprises les médailles acquises en 1633. Les suites des médailles antiques ne devant se composer que de celles recueillies dans le département, n’ont pu s'enrichir cette année que d’un petit nombre de pièces. Il est à regretter que les cultivateurs qui découvrent fré- quemment des monnaies antiques , attachent si peu de prix à leur conservation. Les pièces de bronze, la plupart d’un haut intérêt historique,

( 256 ) ;

sont le plus souvent dispersées; les pièces en or et argent tombent à vil prix dans le creuset des orfèvres. Les monnaies francaises ne sont pas plus appréciées; quelques-unes sont devenues d’une rareté extrême. Cependant plusieurs acquisitions faites en 1633 permettent d’espérer que le Musée possédera bientôt une des suites de médailles les plus intéressantes : celle des monnaies francaises depuis le commencement de la monarchie jusqu’à nos jours. La plus belle découverte en ce genre a été faite à Chamalières; elle a fourni pour la col- lection du Musée, dix pièces en or de la plus belle conservation. La Société fera tous ses efforts pour compléter cette importante suite; espérons que toutes les personnes amies de leur pays et des monumens sur lesquels est écrite son histoire, voudront bien nous fournir tous les renseignemens qui pourraient nous aider à arriver à ce but.

( 257 )

CATALOGUE

Des Ouvrages adressés à la Société pendant les années 1831et 1832, et non mentionnés dans les Annales.

a ———

Hisrorre de Thionville, par M. Teyssier, Préfet du département de l'Aude, Membre non rési- dant; 1 vol. in-8°.

TRAITÉ CLASSIQUE des participes francais, imprimé en 1629; par M. Mathieu, Membre non résidant.

BuzceTiN de la Société d'Agriculture de l'Hérault (années 1630 et 1831).

Mémoires de la Société royale d’Abriculture (année 1828), 2 vol. in-80.

LE BANQUET D'ESTHER, par M. Ch. Malo, M.n.résid.

ANNALES de la Société d'Agriculture de la Dor- dogne , 1830.

Mémorres de l’Académie de Metz, 1629.

BIBLIOTHÈQUE du propriétaire rural, 1828.

L’AGRICULTEUR manufacturier , par M. Dubrunfaut, Membre non résidant; 1631.

ANNUAIRE de la Société royale et centrale d’Agri- culture, 1829.

Mémoires de l’Académie de Dijon, 1631, quatre livraisons en 2 cahiers.

OBsERvATIONS sur les mortiers francais, br. in-8°; par M. Royer, Membre non résidant.

27

( 256 )

ANNALES scientifiques, littéraires et industrielles de l'Auvergne, 1631.

Mémorraz d'Agriculture du Gers, 1831.

ComPTE RENDU des travaux de l’Académie de Saint-Quentin, 1829.

JourwaL d'Économie rurale et politique.

BuzLeTins de la Sociéte d'Agriculture de St-Étienne.

Mémoree sur la culture du sapin et du peuplier d'Italie; par M. Bernard, Membre non résidant.

ANNALES de la Société d’émulation des Vosges.

ComPTE RENDU des travaux de l’Académie des Sciences de Besancon, 1831.

TuéoriE philosophique de enseignement des sourds-muets.

ARITHMÉPIQUE des écoles primaires; par M. Ber- gery, Membre non résidant.

GÉOMÉTRIE des mêmes écoles; par le méme.

GÉOMÉTRIE des courbes; par le méme.

GÉOMÉTRIE appliquée à l’industrie; par le méme.

CARTE GÉOLOGIQUE de l’arrondissement deBrioude; par M. Pissis, Membre non résidant.

ComPTE RENDU des travaux de l'Académie de Bordeaux, 1830.

Mémorres de l’Académie de Lyon, 1831.

PROPAGATEUR AVEYRONAIS, 1032.

ITINÉRAIRE du département du Puy-de-Dôme; par MM. Lecog et Bouillet, Membres non résidans. JournaL de la Société dela Morale chrétienne, 1832. ANNALES de la Société académique de Nantes, 1830.

(259 )

RecnerCues sur le choléra; par M. Poncet, médecin à Feurs.

Rapporr sur le choléra, par MM. PeghouxetFleury.

5eMémorre sur la Météorologie; par M.Morin,M.n.r.

ComPprE RENDU des travaux de la Société indus- trielle de Mulhausen, 1031.

Discours sur l’Instruction primaire, br. in-60; par M. Bergery, Membre non résidant.

Mémorre sur l'Éducation morale et physique des enfans , br.in-8°; par M. de Saint-Sauveur , M. rés.

Norrice sur le plomb vert des environs de Pont- gibaud ; par M. Fournet, Membre non résidant.

Norice sur les mincrais de plomb carbonatés; par le méme.

CATÉCHISME constitutionnel de la Charte de 1830, br. in-16; par M. Richond, avocat, Memb. rés. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES , présentées par

M. de Lamartine, sur une question à proposer par la Société académique de Mäcon, br. in-8°, Norrices ou RAPPORTS sur divers sujets de prix pro- posés par la Société centrale d'Agriculture, 1832. Recuercues sur le château de Randan, 1 vol. in-8°. Norrice sur l’état de lAstronomie en 1832, br. in-8° ; par M. /sid. Hedde, Membre non résidant. DEscriprron de la voûte céleste, in-6°; par le méme. Exposé du système planétaire, b. in-6° ; par le méme. Mémotre sur la silice gélatineuse de Ceyssat; par M. Fournet, Membre non résidant. Leçons élémentaires de grammaire, par M. Thiel, de Metz,

( 260 )

APPENDICE

Articles divers sur l'Agriculture et l'Economie domestique.

AGRICULTURE.

Tour le monde sait que l’art de cultiver les terres, si long-temps soumis à l'empire des pré- jugés ou d’une routine peu éclairée, a été depuis un assez grand nombre d'années l’objet d'études

g sérieuses. Cependant, malgré les expériences pra- tiques, malgré les nombreux écrits qui ont été publiés sur cet art, duquel dépend et la richesse des propriétaires et la prospérité générale de la nation, nos méthodes en agriculture sont encore peu sures, et cela sans doute parce que les résul- tats pratiques peuvent facilement être controversés. De là, pour obtenir en agriculture des améliora- tions promptes et certaines, le besoin de prendre pour base non la pratique seulement ,mais bien la théorie, qui est aussi nécessaire dans cet art qu'elle l'est dans tous les autres. Telles sont les ré- flexions qui nous ont engagé à faire quelques extraits de l'Art de préparer les terres , par

( 261 ) M. Humphry Davy, un des chimistes les plus célèbres de l’Angleterre.

« Des sols, de leurs parties constituantes et de leurs fonctions.

» Les sols propres à la culture des plantes ali- mentaires doivent être composés de huit espèces de substances , qui sont : la silice, la chaux, l'alu- mine, la magnésie, loxide de fer, l'oxide de manganèse, les matières animales et végétales en décomposition, et les combinaisons salines , acides ou alcalines.

» Il est facile de concevoir que si l'une de ces substances entrait dans la composition d’une plante et que le sol sur lequel la plante est déposée ne la contenait pas, cette plante ne pourrait atteindre sa fructification ordinaire. Ainsi le blé, lavoine et plusieurs graminées à tige creuse, ont un épi- derme siliceux qui sert à les forüfier et à les garantir des plantes parasites et des insectes. Le trèfle et la plupart des fourrages artificiels con- tiennent du plätre, et la pratique prouve que le plâtre est un bon engrais pour les prairies artifi- cielles. Les substances alcalines se trouvent dans toutes les plantes; la pratique a encore reconnu que les matières susceptibles de donner des alcalis par leur décomposition, étaient d’excellens engrais.

» Les plantes ne jouissant pas de la faculté de lo- comotion, ne peuvent croître que dans les lieux

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elles trouvent de quoi se nourrir. Le sol est nécessaire à leur existence, parce qu’il leur fournit des alimens, et leur permet d’obéir aux lois mé- caniques en vertu desquelles les racines s’enfoncent dans la terre, pendant que la tige et les feuilles se développent dans Fair. Comme les végétaux différent par les systèmes des racines, des bran- ches et des feuilles, ils réussissent plus ou moins bien dans les différens sols; c’est pourquoi il faut connaître la composition des plantes qu’on veut cultiver et celle du terrain, afin de lui ajouter ce qui pourrait lui manquer pour offrir à la plante les alimens qui lui conviennent. Les végélaux qui ont desracines bulbeuses demandent un fonds plus poreux et plus léger que ceux qui sont pourvus de racines fibreuses. Ceux dont les radicules sont courtes exigent des terrains plus fermes que les plantes à racines profondes ou étendues. Un bon terrain à turneps, sur neuf parties, en a donné huit de sable siliceux ; un champ remarquable par les beaux chênes qu'il produit, est formé de six parties de sable et d’une d'argile et de matière tenue. Un excellent sol à blé a fourni trois parties de sable sur cinq parties.

» De ces divers sols, le dernier avait le plus de cohérence et le premier le moins. Les parties tenues rendent les terres tenaces et compactes, surtout lorsqu'elles contiennent beaucoup d'argile. Une petite quantité de celles-ci suffit pour disposer

( 263 ) un fonds à la culture de l'orge et des turneps. Une récolte passable de turneps a été obtenue dans un terrain composé de onze parties de sable sur douze. Une plus grande proportion de sable pro- duit constamment une stérilité complète.

» Les matières végétales et animales, quand elles sont bien divisées, ne rendent pas seulement les terres cohérentes, mais encore les rendent plus douces et plus pénétrables, mais elles ne doivent pas être employées en trop grande quantité. Un fonds qui serait entièrement composé de matières impalpables, serait tout-à-fait stérile.

» L’alumine, la silice, les carbonates de chaux ou de magnésie, employés séparément, sont inca- pables de fournir une bonne végétation. Tout fonds qui, sur vingt parties, en renferme dix-neuf de ces substances est improductif. Ce n’est que par une grande division des parties de ces corps, par leur contact et leur mélange, que leur décomposition peut s’opérer, et qu’ils deviennent utiles à l’ac- croissement des plantes.

» La matière terreuse des tourbes est constam- ment analogue à celle des couches qui les sup- portent. IL est probable qu’elle en provient et que les plantes se sont chargées des principes contenus dans le stratum, avec lequel elles étaient encore en contact. Dans les sols formés de craie, les cendres de ce combustible contiennent beaucoup de substances calcaires et très- -peu d’alumine et de

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silice. Elles renferment aussi une quantité consi- dérable d’oxide de fer et de gypse, qui sont deux corps fournis par la décomposition des pyrites, si abondantes dans la chaux carbonatée. Les tourbes tirées de divers sols granitiques et schisteux, ont constamment donné des cendres principalement siliceuses et alumineuses. Les sols maigres et pau- vres, tels que ceux qui provienneñt de la décom- position des granits et des grès, n’ont souvent produit, pendant des siècles, qu’une faible végé- tation; ceux, au contraire, qui sont formés par la décomposition de la pierre à chaux, des basaltes, se recouvrent d'herbes vivaces et donnent, quand on les soumet aux opérations de l’agriculure, des récoltes abondantes, quels que soient les végétaux qu'on y cultive.

» Il est bon d’avoir des termes précis pour la désignation des espèces de terres : M. H. Davy pro- pose de conserver celle qu'ont adoptée les culti- vateurs, mais en déterminant les proportions de leurs composans. Ainsi la dénomination de ferrain sablonneux ne peut être donnée qu’à celui qui contient 7/8 de sable. Les terrains dont le sable forme la base et qui font effervescence avec les acides, doivent se nommer ferrains sablonneux calcaires, afin de ne pas les confondre avec les siliceux. Les terrains argileux ne méritent ce nom que lorsqu'ils contiennent 5/6 d'argile et 1/6 seulement de matière terreuse impalpable, etqu’ils

ne

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ne font qu'une légère effervescence avecles acides; le nom de marne ne convient qu'aux terrains qui contiennent 2/3 de cette substance et 1,3 de ma- tière impalpable, et qui font une effervescence considérable avec les mêmes réactifs. Un terrain, pour être qualifié de fourbeux, doit au moins contenir la moitié de matières végétales. |

» Lorsque la partic terreuse d’un sol provient évidemment de la décomposition d’une roche par- ticulière, il convient de le désigner par un nom tiré de celle-ci. Si c’est une terre rouge et fine, située immédiatement au-dessus d’un basalte dont les élémens se dissocient, on pourra la nommer terre basaltique. Si elle abonde en fragmens de quartz et de mica, comme cela arrive fréquemment, on l’appellera granitique, et ainsi de suite.

» En général, les sols dont la composition est fort hétérogène, sontdits sols d’alluvion ou formés par les dépôts des rivières. La plupart sont doués d'une grande fertilité. Ils diffèrent beaucoup entre eux. Les plus productifs ont donné à M. H. Davy une partie de sable siliceux et huit de matière ex- trémement tenue. Un sol riche, dans le voisinage d’Avon, lui a donné 3,5 de sable fin et 2/5 de ma- tière impalpable. Un excellent sol du vallon de Tiviot lui a donné 5/6 de sable siliceux et 1/6 de matière impalpable. Un excellent pâturage a donné 1/11 de sable siliceux grossier et le reste matière tenue.

( 266 )

» Dans tous les cas, la fertilité dépend de l'état de division et du mélange des matières terreuses, végétales et animales.

» Lorsqu'on recherche la composition des sols dans le dessein de lesaméliorer, il ne faut négliger aucun des ingrédiens qui contribuent à les rendre M En les comparant avec ceux du voismage, dont l’exposition est la même, on apercoit sou- vent la meilleure manière de les amender. Si on les lave et que les eaux se chargent de sels de fer ou de matières acides, on fait usage de la chaux vive, et alors on convertit ce sel pernicieux en engrais. Si l’un renferme un excès de matière cal- caire, on laméliore au moyen de l'argile et du sable; si celui-ci est en trop grande proportion, on J’allie avec l'argile, la marne ou les matières végétales. Une pièce de terre formée de sable léger, ayant considérablement souffert dans Pété de 1805, M: Davy recommanda l’application de la tourbe ; elle produisit les meilleurs effets, et le propriétaire mandait dernièrement qu'ils étaient encore sensibles. Cet engrais supplée à la matière végétale et animale; quand il est en excès, on y remédie par le feu et les substances terreuses. Les tourbières, les fondrières et les marais doivent être d’abord desséchés, l’eau stagnante étant fu- neste à tous les végétaux nutritifs : ainsi, avant de les mettre en culture, il faut les saigner. Quand les terres tourbeuses et douces ont subi cette

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opération, on les rend souvent plus productives en répandant à la surface du sable ou de l'argile. Lorsqu'elles sont acides ou qu’elles contiennent des sels ferrugineux, l'emploi des matières cal- caires est indispensable; si elles renferment beau- coup de branches, de racines d'arbres, qu’elles soient couvertes de végétaux vivans, il faut, ou enlever ces matières, ou les incinérer. Dans ce dernier cas, les cendres fournissent d’excellentes substances terreuses pour améliorer la texture de la tourbe.

» Enfin on ne peut pas bien cultiver si l’on ne connait pas parfaitement la nature de son terrain, puisqu'on sera exposé à y semer des plantes qui y croitront mal ou n’y croîtront pas. Ce n’est qu'en comparant de bons sols, comme certaines terres vierges du Brésil qui produisent 150 pour un, ou de Buénos-Ayres qui donnent 35 à 40 pour un, avec les nôtres, que nous pouvons voir ce que nous pouvons ajouter à ceux-ci pour les rendre capables de produire autant que ceux-là, et cette comparaison ne pourra être bien faite qu’au moyen de l'analyse chimique.

DE L’ANALYSE DES TERRES. Considérations préliminaires.

« Les terres différent entre elles de nature, de propriété et de fertilité, d'aspect, de composition

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et de pesanteur. Les élémens constituans des sols, dans diverses circonstances, sous l'influence de climats variés, changent de proportion et de mode d'action, et les uns par rapport aux autres, et par rapport aux plantes qu'ils nourrissent.

» La science, toute d'observation, qui apprend à juger et à apprécier ces changemens, s'appelle analyse; c’est la partie la plus difficile, la moins connue de l’agriculture. L'analyse seule peut jeter sur toutes les questions fondamentales de cette science une lumière vive et durable; c’est à la connaissance et à l'étude des principes fécondans des terrains que sont dus les changemens impor- tans survenus dans la culture de certains pays et de certains végétaux. L'analyse est une branche de la science connue sous le nom de chimie appli- quée à l’agriculture; il existe peu de volumes complets écrits sur ce sujet. Si néanmoins cette branche de la science est moins en usage que d’autres pratiques, ce n’est point que l’on ignore les avantages qu’elle peut offrir, mais plutôt parce que, pour être expert en pareille matière, cela exige la réunion de deux genres d’études qui sem- blent s’exelure, la science du cabinetet la science des choses qui se passent en plein air; et peu de personnes sont à même de partager leur temps de telle sorte, qu'il y en ait assez pour tout étudier. Mais dans l’état actuel des choses, il n’est plus permis dedélaisser d'une science ce qui se raltache

Pom -

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utilement à l'agrandissement de celle que l’on pré- fère; tout ce qui s’y rapporte mérite en particu- lier l'attention la plus sérieuse; l’agriculteur éclairé doit savoir un peu de chimie.

» L'analyse des terres peut être considérée sous deux points de vue : comme étude des propriétés physiques d’une terre, comme étude des propor- tions chimiques. Dans le premier cas, il s’agit le plus souvent de s’assurer si la terre n’est pas trop ou trop peu légère, perméable ou impénétrable à Pair ou à l’eau. Dans le second cas, il est conve- nable et judicieux de savoir quels sont les élémens constlituans d’une terre pour corriger ce qu’elle peut avoir d’aigre , de froid , de brûlant, d'impropre à telle ou telle plante, à telle ou telle culture ; l’analyse précède et motive l'amendement.

Quels sols doivent étre analyses.

» Peu de sols sont constitués très-heureusement et dans les meilleures conditions. (Avant de nous occuper des procédés relatifs à l'analyse physique, mécanique ou chimique, nous allons définir et classer les terrains en plusieurs séries.) Un terrain qui réunit dans sa composition le mélange le plus convenable de terres n’a pas besoin d’être amendé et par conséquent analysé; des labours, une quan- tité suffisante d'engrais, doivent le rendre fertile; mais celui l’une des terres que nous examine- rons prédomine à tel point qu'elle donne à toute

. (276 ) la masse un caractère différent, cette terre exige une étude pour être corrigée par des mélanges de substances qui aient des qualités opposées. Avant même d'entrer dans les détails sur la partie pra- tique, examinons ensemble et isolément les terres et leurs diverses nuances.

EXAMEN DES TERRES QUI DOIVENT ÊTRE SOUMISES A L’ANALYSE.

Les terrains argileux, calcaires et siliceux (1).

» Le sol argileux est peu facile à labourer , et quoiqu'en apparence sa cohésion, sa ténacité, sembleraient devoir protéger les racines des plan- tes, il arrive qu’au dégel cette terre se délite, se crevasse et laisse à nu les fibres qui sont saisies par la gelée, si elle se manifeste de nou- veau; pendant lété, cette terre se crevasse, devient imperméable à l'air, est difficilement pé- nétrable à l’eau. Tout ce qui peut la rendre plus meuble, plus poreuse, plus légère, donner de l'écoulement aux eaux , lui convient parfaitement, ainsi que le mélange des sables, des terres cal- caires, des craies, des marnes très-maigres, de Îa chaux, etc. Certaines terres non argileuses offrent les mêmes inconvéniens que les terres argileuses, ce sont celles qui sont composées de particules

0

(1) Les terres calcaires, sablonneuses, siliceuses, ne sont

toujours que des modifications de ces terres mères.

= ge

(271) extrêmement fines, susceptibles de s’'agglomérer et de prendre corps.

» Ce solargileux, factice, devient pâteux par les pluies; il se duxcit et se crevasse par la sécheresse; il n’absorbe pas l'humidité de Pair, et s’il s'imbibe abondamment d’eau, il l’a retient avec une sorte de ténacité.

DES TERRAINS CALCAIRES.

» Les terrains calcaires ontdesqualités, des pro- priétés et des défauts opposés à ceux des sols argi- leux; les eaux s’y infiltrent aisément et s'évaporent de même. L'air les pénètre aisément et y perd son humidité, ce qui contribue puissamment à la fé- condité, surtout dans les pays chauds; la facilité de labourer en tous temps permet d’adapter à cette terre tous les genres de culture. Ce sol sem- ble avoir peu besoin d’amendement; on peut ce- pendant l'améliorer en le rendant un peu plus consistant, et capable de retenir davantage l'hu- midité; c’est à ces sols que conviennent les mar- nes grasses, le limon des rivières et les fumiers substantiels.

DES TERRAINS SILICEUX.

» Les sols sablonneux et siliceux ont la plus grande ressemblance; ils sont formés par des dépôts des rivières ou alluvions, ou des débris de roches siliceuses délitées et entrainées par les pluies; ces terres sont presque stériles lorsqu'elles

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ne contiennent pas d’autres principes. Les terres sablonneuses ont besoin d’être amendées, et c’est avec l'argile que l’on peut opérer leur amélioration; seules, l’action des vents, de la chaleur, suffirait pour les dessécher, même à une grande profon- deur. Le caractère distinctif de ces terres est d’être excessivement perméable à lair et à l’eau; elles sont pulvérulentes , légères et peu consistantes.

» Telles sont les rois divisions principales à éta- blir entre les terres; la terre végétale ou humus qui s’y trouve apportée ou mélangée, quoique changeant du tout au tout les propriétés végéta- tives de ces terres, n’est cependant considérée que comme un produit accidentel, indépendant de la constitution primitive du sol auquel elle est unie; l'addition du fumier aux terres, et toutes les subs- tances animales et végétales dont on conseille l'usage , n'ont pour but que laugmentation de cette terre végétale, de cette matière active et presque indispensable à la nutrition et à l’accrois- sement des plantes. Voyons maintenant quelles sont les meilleures proportions des terres et quelles sont celles qui fournissent les meilleurs résultats, mélangées ou naturellement fournies.

» Tous les sols consacrés à l’agriculture sont donc des mélanges de silice, de chaux et d’alu- mine. Ces terres sont plus ou moins chargées de terre ou de sable de diverses natures et en diffé- rentes proportions, ainsi que des débris de subs-

(273) tances animales ou végétales; les autres matières que l’on y découvre par l’analyse ne sont pas en assez grande quantité pour qu'elles puissent être classées en raison de leurs élémens; seulement si elles sont trop abondantes, le sol en est moins propre à la végétation, telles sont celles qui sont chargées d’oxide de fer (1), de magnésie ou de manganèse. La nature des terres situées dans le, voisinage de certaines montagnes bien connues serait facile à connaître , si le temps , la main des hommes, le cours des eaux, n’en avaient modifié la constitution primitive, de telle sorte que le ca- ractère distinctif a presque disparu ; il faut donc les juger et les apprécier d’après leur état actuel.

DIVISION DES TERRES ARABLES.

» On peut diviser les terres arables en six classes principales, quel que soit le pays on les cul- tive. Ceci posé, j'appelle :

» 1. Les bonnes terres légères, peu chargées de sable, mélangées naturellement et régulière- ment avec un sol noirâtre ou grisätre pas trop lourd; elles ont un certain liant qui les rend douces au toucher, grasses sous les doigts et faciles à pétrir en boules. Le vent n’éparpille pas trop cette terre, elle n’absorbe ni trop lentement ni

(1) Les terres chargées d’oxide de fer, de manganèse ou de magnésie, sont d’une infertilité désolante, et ce sont les plus difficiles à amender.

16

(274 9 trop vite l'eau des pluies; aussi elle ne se resserre pas en croûte épaisse à la surface, et les eaux n’y sont point retenues par une ténacité qui les em- pèche de s’infiltrer. Telle est la meilleure espèce de terre; tous les fruits y réussissent, et presque toutes les espèces de plantes y prospèrent.

» 2, Cette terre légère a ordinairement une

teinte pâle, grise ou jaunâtre; elle est sablonneuse ou pierreuse; elle participe des qualités recomman- dables de la première terre; mais, avec un tiers de plus d'engrais, elle fournit toujours des récoltes médiocres. On croit que le sable ou les pierrailles, ou les galets y dominent; parmi ces terres il s’en trouve qui contiennent un sable jaune, coloré par de l'argile. Ces terres sont un peu plus fertiles. On appelle terre sablonneuse douce. Les sols de cette espèce ne présentent qu’à la profondeur de 5 ou 6 pouces une terre un peu fertile; en creusant plus profondément, on ne rencontre que le sable pur ou la roche; rarement on peut rendre ce ter- rain meilleur en creusant davantage.

» N0 3. La troisième espèce de terre légère s’ap- pelle terre de bruyère, et se compose d’un sable aride, dont lesgrains se séparent et sont très-divi- sibles comme du verre pilé; il s’y trouve au tra- vers des portions de terreau, de fibres non encore décomposées, qui donnent au tout une couleur foncée.

» Les terres fortes ont aussi deux nuances ou

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degrés, en bonne et mauvaise qualité; la terre grasse, la première de cette classe, et la en suivant l’ordre établi, est un mélange de sable et d'une plus ou moins grande quantité d'argile ; et en raison de cette quantité, la terre est un peu légère, très-peu compacte. La terre grasse légère est la meilleure pour la culture; elle se rapproche beaucoup de la terre 1, car elle est à un cer- tain point douce, moelleuse au tact, et, en la remuant, les mottes, quoique heurtées fortement, s’ouvrent sans se perdre en poussière et sans rester collées; elle s’unit facilement aux eaux qui s’y imbibent d'une manière égale, les racines s’y im- plantent aisément.

» Les terres grasses plus fortes contiennent une plus grande quantité d'argile, et ne s’immiscent pas aussi bien à l’eau; elles sont trop tenaces, trop compactes. Pendant les grandes sécheresses, le sol prend du retrait, se crevasse et se durcit à tel point que les racines ne peuvent plus pénétrer ou sont exposées à l'air; enfin, la culture en est trop difficile et coûte de trop grands frais.

» N°05. On appelle terreglaise, une espèce inter- médiaire entre la terre grasse compacte et l'argile pure. Cétle espèce de terre est fort mauvaise pour la culture, plus mauvaise encore que la terre grasse très-forte , car elle présente tous les incon- véniens de celle-ci au plus haut degré; il faut des labours profonds, l’addition de la chaux et des

(276) famiers de cheval. Mais ce n’est qu’à grande peine, et après bien des fatigues, que l’on finit par les rendre fertiles; les pierres aui sont apportées dans un semblable terrain sont loin d'y être nuisibles.

» Les terres 6 sont celles composées entière- ment d'argile; elles sont tout-à-fait impropres à la culture, si ce n’est en les amendant par les cen- dres, la chaux, le charbon, et en y apportant des engrais; mais le plus souvent on ne réussit en au- cune manière à les fertiliser.

» Ce que l’on entend par terres froides ou chaudes dépend de la formation physique de la terre: Far- gile et les terres compactes sont desterres froides, parce qu’elles conservent long-temps lhumidité, et que par conséquent les plantes y végètent mal. Une terre est dite chaude quand, mélangée à l’eau, elle abandonne aisément ou -ekle l’absorbe avec facilité; chaque partie d’un terrain absolument le même peut aussi, selon l’exposition, être froid ou chaud, ainsi que si le sous-sol est formé de maté- riaux dissemblables. Nous avons déjà une fois ex- pliqué ces dénominations : après ce que nous venons de dire, il sera aisé de nous entendre.

Pour les qualifications de terrains, que les pierres d’un sol soient calcaires ou siliceuses, C’est dans le plus grandnombre de cas une chose indifférente, si les autres proportions nutritives se trouvent convenablement disséminées. Quelques végétaux s’accommodent mieux des terres calcaires que des

(277 ) terres siliceuses; mais c’est une autre question qui trouvera son explication quañd nous parlerons des assolemens et des conditions favorables à telle ou telle plante.

» En résumant les diverses analyses qui pour- raient être faites sur les terres végétales, la con- clusion à en tirer est qu'il n'y a point de bon terrain sans un mélange de ces trois terres : argile (alumine et silice) sable grossier siliceux, et carbonate de chaux ou pierre calcaire. Le mélange des terres est donc indispensable pour un grand nombre de localités, et si lon consulte Panalyse des sols moins fertiles, on verra que la fertilité diminue en proportion de ce que l’une ou l’autre des trois terres principales domine. L'effet des gelées, des labours, de l’addition du fumier, est de diviser à Pinfini les molécules d’un terrain. Cette division , portée à son maximum, cesse bientôt d’être utile, parce qu'alors le sol devient pulvérulent sans consistance, et que la moindre pluie le convertit en boue froide, l'air n’a plus d'accès, les racines ne peuvent plus remplir leurs fonctions : et M. Davy a observé que toute terre composée de dix-neuf vingtièmes de matières im- palpables était complètement stérile; les fumiers corrigentmomentanément ce défaut; mais, comme leur effet est passager , il convient mieux de méler le sable et le gravier nécessaires pour rétablir la fertilité. C’est une des pratiques que les agri-

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culteurs ne comprendront pas ou ne voudront pas mettre en usage. |

» De ce que nous venons de dire que les terres très-fertiles étaient presque toujours composées de trois matières principales, il ne faudrait pas conclure que celles qui ne contiennent que peu de terre végétale et des débris de pierre calcaire ou siliceuse seraient complétement stériles; loin de : mais alors elles sont plus exclusivement propres à telle ou telle culture. Ainsi la plus grande partie des terres sur lesquelles reposent les vignobles de la Bourgogne sont formées seu- lement de pierres calcaires, en morceaux plus ou moins gros, et de poudre de pierre calcaire mêlée à une très-petite quantité de terre végétale et d’ar- gile, Les plaines de la Touraine sont aussicompo- sées des mêmes principes, et n’en sont pas moins propres à la culture d’une grande variété de plantes. Mais, comme les terres dont le mélange constitue les terres fertiles n’ont pas, à beaucoup près, les mêmes qualités, qu’elles se comportent différemment avec l'air, l'eau et la chaleur, qui sont les agens les plus puissans, il faut apprécier leurs propriétés respectives pour modifier le trop ou le trop peu qui peut exister dans les proportions de lune ou de l’autre.

» Voici quelques indications qui serviront à aider le classement des terres :

» La terre siliceuse ou la silice est celle qui se

( 279 )

trouve dans le voisinage des roches dures primi- üves, les lieux se rencontrent les granits, les pierres faisant feu sous le briquet, les mines, les agates, les grès, les sables vitrifiables. Les parti- cules de terre de ce genre sont ordinairement rosées ou jaunâtres , et très-anguleuses; ces terres absorbent l'humidité avec une grande avidité, et les routes et les chemins qui les traversent sèchent irès-promptement. La silice a pour caractère d’être insoluble dans les acides, et d’être rude au tou- cher et difficile à rayer.

» La terre alumineuse, Cette terre ordinaire- ment colorée jouit de la propriété de happer à la langue, de se coller fortement , d’adhérer aux objets sur lesquels on la place, d’absorber mal Peau et de la rendre difficilement; c’est la base des terres à briques, à foulon, à poteries gros- sières; elle se durcit au feu et prend beaucoup de retrait; elle recoit toutes les formes qu’on veut lui donner.

» La terre calcaire, ou terre composée de dé- bris de pierre à chaux, est reconnaissable à ce qu’elle est soluble dans les acides avec efferves- cence. Les terres calcaires sont presque toutes composées de carbonates calcaires, ainsi que les marbres, la craie, les pierres à bâtir, les pierres propres à faire de la chaux, les graviers ou galets. roulés.

» Ces caractères suffiront pour faire reconnaître

( 260 ) au premier coup d’œil quelle terre on possède. A l’article Analyse nous entrerons dans de plus grands détails.

» Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, ces terres vierges et qui n’ont jamais été cultivées, sont d’une grende stérilité. Sans la terre végétale, en effet, toute terre qui ne produit rien naturellement , qui ne se couvre point chaque année de ce que l’on nomme mauvaises herbes, ne sera point propre à la culture; mais celle qui produit des plantes sauvages sans aucune culture, celle qui a été couverte de forêts, celle qui est le résultat de dépôts d’alluvions limoneux, sera fer- tile, alors qu’elle aurait été couverte spontanément d'une végétation vigoureuse; car, les débris de cette végétation, bien loin d’appauvrir un sol, lui rendent plus qu'ils n’en ontrecu. Voyons maintenant comment, avec quelques expériences faciles, on peut déterminer la nature d’une terre par l'analyse.

DE L’ANALYSE MÉCANIQUE:

On prend à la surface du champ que l’on veut essayer une petite quantité de terre, puis, à une certaine profondeur , on humecte séparément chaque quantité avec un peu d’eau pour pouvoir former de petits cubes ou de petites boules , que l’on expose à l'influence des rayons solaires jusqu’à complète disparution de l’humidité. Lorsque ces petites boules sont sèches, on les examine succes- sivement : celles qui conservent une solidité mé-

A

( 281 )

diocre, et qui peuvent cependant être écrasées entre les doigts et réduites en poudre, annoncent un sol qui peut devenir fertile par une fumure convenable; les boules qui acquerront trop de solidité par la dessiccation et ne pourront être écrasées aisément, indiqueront un sol trop tenace, trop compacte, elles auront besoin d’être amen- dées; enfin, celles qui seraient trop pulvérulentes, qui tombent d’elles-mêmes en poussière, auraient besoin d’être mélangées avec une terre plus forte avant d’étre améliorées par le fumier.

» Cette manière d'apprécier une terre suffit pour donner une ädée juste des travaux à faire pour la rendre plus productive : on peut aussi avoir recours à la méthode par la voie humide, conseillée par M. Payen. On prend un poids déter- miné de terre, que l’on fait dessécher au soleil; on l'humecte avec un poids déterminé d’eau, et on verse le tout sur un entonnoir dont la douille est bouchée par un tampon de papier. On essaie de la même manière les terres du sous-sol et des différentes parties du domaine. Celles de ces terres qui se séparcront promptement de Feau qu’on y méle seront évidemment plus perméables que celles qui conserveront l’eau pendant plus long- temps. Cette donnée permettra d'ajouter à ces terres des quantités convenables de terres fortes aux sols trop légers, et des doses proportionnelles de sable à celles qui seront trop compactes.»

( 282 ) Moyen d'augmenter le produit des tubercules de la pomme de terre.

Des expériences faites en grand nombre dans ces dernières années paraissent avoir prouvé que len- lèvement des fleurs de la pomme de terre, après leur entier développement et avant la formation du fruit, produit une augmentation de tubercules égale au moins au tiers de la récolte ordinaire; mais un fait qui mérite d’être consigné et qui prouve d’une manière irréfragable que nos paysans observent et mettent à profit des faits de physio- logie végétale qu’ils ne peuvent expliquer, c’est que, dans une graude partie de la Bretagne, les paysans sèment leurs pommes de terre très-tard; les premières gelées arrivant au moment la pomme de terre est en fleurs, elles se trouvent saisies et détruites par cette gelée, qui laisse fleurs et feuilles étendues sur la terre; les paysans qui ont observé qu'ils recueillaient plus de pommes de terre après cet accident, ont renouvelé l’expé- rience, qui ayant réussi est depuis passée chez eux en pratique. Les pommes de terre gagnant beaucoup dans la terre après les premières gelées, n’en sont tirées que le plus tard possible, { Journal des Connaissances usuelles. Octobre 1831.)

Methode pour connaître le poids de viande nette des bestiaux.

M. Mathieu de Dombasle donne, d'après un

ES

( 283 )

agriculteur Hamand qui le lui a communiqué, un moyen de connaître d’une manière presque exacte le poids de viande nette des bestiaux. Ce procédé, qui semble lui avoir réussi, ainsi qu’à ceux de ses élèves qui l’ont mis en usage, est facile à employer.

Il s’agit de mesurer, au moyen d’une ficelle di- visée , le périmètre du thorax de l'animal.

. La première division est de 1 mètre 82 centi- mètres de l’extrémité; cette longueur est celle de la circonférence d'un bœuf de 350 de viande nette, Les nœuds suivans sont placés à des dis- tances qui correspondent à un demi-quintal ou de 50 livres de viande; ces distances ont été prati- quées ainsi qu'il suit :

Le premier nœud placé 1 mètre 620 millim. La première division de la distance entre le pre-

mier etlesecond, estde » 73 Deuxième division... » 72 Troisième division... 71 Quatrième division. ... » 69 Cinquième division. ... » 65 Sixième division...... » 64 Septième division, .... » 59

2m. 290

Ainsi, la mesure d’un bœuf de 350 livres étant de 1 mètre 82 centimètres, celle d’un bœuf de 700 livres sera de 2 mètres 2q centimètres, et

( 264 ) l'échelle se trouve divisée ainsi qu'il suit pour la longueur de la mesure par demi-quintal de viande :

Mesure d’un bœuf de 350 1 mètre 820 mill. de 400 1 893 de 450 1 965 de 500 3; 036 de 550 2 105 de 600 2 170 de 650 2 231 de 700 2 290

Lorsqu'on veut procéder au mesurage d’un bœuf, celui qui opère se place près de l’épaule gauche de l'animal, et, tenant d’une main l'extré- mité non divisée de la mesure sur le garrot du bœuf, il passe l’autre extrémité entre les deux jambes du bœuf. Par exemple, derrière la jambe gauche et en avant de la jambe droite, un aide, placé de l'autre côté du bœuf, prend cette der- nière extrémité de la mesure en avant de la jambe droite, et la faisant remonter sur le plat de l'é- paule droite, la donne au premier qui réunit les deux extrémités vers le garrot entre les parties les plus élevées des deux omoplates. Du côté la mesure passe en arrière d'une des deux jambes, elle doit remonter immédiatement derrière l’é- paule; et du côté elle passe en avant, elle remonte sur le plat de l’épaule.

L'opérateur , après avoir rapproché de l’extrémté

( 285 )

non divisée de la mesure le point qui vient s'y joindre en serrant très-modérément, remarque ce point en le serrant des deux doigts de la main droite; et làächant Pautre extrémité, elle tire à lui la mesure, et compte le nombre de divisions et de fractions de divisions qui forment la mesure du bœuf; car chaque division peut facilement se partager à lœil en trois ou quatre parties, et même davantage.

Pour que cette opération soit exacte, il faut que l'animal soit bien placé; c’est-à-dire qu’une jambe ne soit pas-plus en avant que l'autre , et, pour plus de sûreté, procéder de suite à la contre-épreuve, en agissant de la même manière que pour le côté opposé; et éviter surtout que le bœuf ne fasse aucun mouvement entre ces deux opéralions.

La position du bœuf exerce aussi une influence marquée sur la mesure. La tête doit être placée dans sa situation ordinaire, c’est-à-dire qu’ellesoit droite, ni trop basse, ni trop élevée.

Cette opération est bientôt apprise et ne demande que quelques secondes pour être pratiquée. On pourrait se servir, pour la mettre en usage, d’une toile divisée selon l'échelle donnée, tel que cela est adopté par les tailleurs d’habits, par exemple.

M. Mathieu de Dombasle a observé que plus Panimal était gros, plus la proportion de la divi- sion est décroissante; ainsi, de 250 à 400 livres, elle est de sept centimètres, tandis qu’elle n’est

( 286 )

plus que de cinq pour les bœufs de 1000 à 1100 livres par 50 livres de viande.

On peut appliquer ce mesurage aux moutons; mais les données sont moins certaines à cause de la toison de ces animaux.

Cette méthode à été mise en usage par de jeunes élèves de la ferme de Roville, qui ont étonné par la justesse de leur décision les bouchers des abattoirs de Nancy. Il était rare qu'ils se trompassent de plus de 15 à 20 livres, et il est peu de bouchers qui ne fassent une approximation plus éloignée. (Journal des Connaïssances usuelles. Janvier 1830.)

Moyen de bonifier l'eau d’un puits.

Si l’on veut que l’eau d’un puits soit claire, et qu’elle n’ait aucun goût de limon, il faut faire l’excavation des terres beaucoup plus considérable qu'on n’a coutume de la pratiquer.

Si l’on veut, par exemple, construire un puits de cinq pieds de diamètre, l’excavation doit étre de douze à quinze pieds. On fait un faux puits auquel on en donnera dix à douze de diamètre; au milieu de cette tranchée, l’on construit le véri- table puits, sur un diamètre de cinq pieds , mais de manière que les pierres mal jointes laissent fil- trer l’eau ; ensuite on remplit de sable et de cail- loux le faux puits, afin que l’eau ne puisse arriver dans le vrai puits qu'après avoir filtré à travers ce sable et ces cailloux.

(287)

Cette opération est un peu dispendieuse, il est vrai; mais l'avantage d’avoir une eau limpide et saine dédommage bien de cette dépense. (Idem. Décembre 1632.)

Moyen très-simple de conserver les grains, de les préserver des calendres, charançons, et autres insectes.

Trempez des draps de toile de chanvre dans de l’eau , tordez-les, couvrez-en votre tas de grains: deux heures après vous trouverez tous les charan- cons attachés à vos draps, qu'il faut ramasser avec soin, pour ne pas laisser échapper les insectes , et les tremper quelque temps dans l’eau pour les noyer. (/dem. Idem.)

Pad } D RESUME DES OBSERVATIONS THERMOMETRIQUES ET BAROMÉTRIQUES

Faites en 1831 et 1832, chaque jour à midi, au Puy, Hôtel de la Préfecture (commencées au cabinet de M. DErtBIER, à 629 snètres d’élévation au- dessus de la mer , et continuées au cabinet de M. De L’HoRME, à la méme hauteur ).

IV. B. La division du thermomètre est centigrade. Les indica- tions du baromètre sont exprimées en millimètres.

Moyenne Moyenne

Moyenne Moyenne theimométr. | barométrig.

thermométr.| barométriq.

à

SE millimètres.

30,47 | 706,55 4,15 | 709,12 7,04 |1797,95 12 ,32 |. 707,32 19 ,72 | 709,17 19 77 | 707,54 | 21 ,79 | 710,95 1:23:661 731,25 16 ,30 | 712,60 13 ,44 | 712,90 8 ,70 | 706,64 1,36 | 710,08

millimètres. À Janvier ..| 39,51 | 703,43 Février ..| 6,99 | 709,76 Mars: 3) iso i766;26 April. 15) 4 3794470207 Mai.....| 17 ,94 | 706,69 Juin.....| 20 ,91, | 710,00 Juillet...| 22 ,61 | 711,50 Août.....| 21,31 | 709,45 Septemb.| 17 ,36 | 707,77 Octobre..| 16 ,07 | 712,00 Novembr.| 7,60 | 710,96 Décembr.| 5 ,36 | 707,22

br ed 13 ,00 706,34 12 ,27 709,97

EIRE EE EL EE EE A I SI EE IVota. L’observalion à maxima et minima n’a pu être faite à

défaut d’instrument. .

À partir du mois de mai 1833, un udomètre placé au jardin

de la Préfecture sert à mesurer la quantité d’eau tombée.

=

( 269 )

AAA AAA AA AAA A A A A AA A A AA AAA AAA AAA AA A AA A A VE Tv+ EN 51 Sie

DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ.

=>

BUREAU.

Président....,... M. BERTRAND DE DOuEr. Vice-président et]M. PomIER, ancien Principal Bibliothécaire ..\ du collége du Puy.

Secrétaire ,...... M. RicHonp pes Brus, Docteur en médecine et Membre du Conseil général.

Secrétaire-adjoint. M.Borte, Docteur en médecine,

Trésorier... ..... M. DE PARRON, Receveur général du département.

CONSEIL D’ABMINISTRATION.

MM, BERTRAND DE DOUE, Président. DE LesranG, Chev. de la Légion-d'Honneur. CALEMARD DE LAFAYETTE , Doct. en médecine, Chevalier de la Légion-d’'Honneur, MANDET , Avocat. Joyeux, Pharmacien.

COMMISSION DU MUSÉE.

M. BERTRAND DE DOUE, Président. 19

rer

(290.7 1e SECTION. Minéralogie."

MM. BERTRAND DE DOUE,

se NT Conservateurs. Ro8erT (Félix), Négociant,

2€ SECTION. Potanique.

MM.OnpE-Duvizzars, Juge au tri- bunal civil, HILAIRE-LATOURETTE, Docteur en médecine, RoBerT (Félix), ReynaAuD, Doct. en médecine,

Conservateurs.

SECTION. Zoologie.

MM. CALEMARD DE LAFAYETTE , Doc-\ teur en Médecine, MoOuUSSIER , idem, RoBEerT (Félix),

Conservateurs.

SECTION. Beaux-Aris, Antiquités, Médailles, Machines et Modèles.

MM. BERTRAND DEDOUE,

AymaARD fils, Mb Conservateurs. FILHIOT , Propriétaire,

VIBERT , idem,

COMMISSION DE LA PÉPINIÈRE DÉPARTEMENTALE.

M. De LesrAnc ,Ch.delaLégion-d'Honn., Président.

(291) MM. Frzmior ainé, Propriétaire, | JanprrAc fils, idem , DUMoNTAT , idem, Conservateurs. Joyeux, Pharmacien, BoriE, Avocat,

ÉCOLE DES ARTS ET MÉTIERS. M. BerTrAND DE Dour, Directeur de Fécole de dessin linéaire et de mathématiques.

M. Viserr, Directeur de l'école de dessin de la Jigure et des ornemens.

MEMBRES HONORAIRES.

MM.Basrarn (Baron pE), ancien Préfet de la Haute-Loire. Borne, ancien Sous-préfet à Brioude. Bouninxon , Maréchal-de-camp, commandant le département de la Loire. BronaAc (DE) père, Propriétaire à Montfaucon. Caoumouroux (DE), Propriét. à Yssingeaux. CoLomse (ne SAINTE-), ancien Sous-Préfet à Yssingeaux. CrozerT (le Comte pu), Propriétaire. DurAURE DE Cirres, Propriét. à Montfaucon. Dupin (Charles), Membre de l'Institut. FERRAIGNHE (DE), Propriétaire à Espaly. GALLET, Vice-présidentautribunal civildu Puy. LesranG (px) fils, Juge au tribunal civil du Puy. Luzy (px), Propriétaire à Tence. Onpe-DuvicLars père, Propriétaire au Puy.

( 292 )

MM. PARRON (Prosper DE), Ch. de la Légion-d’'Honn. Pascon, Président du trib. civil de Brioude. Ramey père, Sculpteur, Membre de l’Institut. RoYET, ancien Maire de Saint-Étienne. RisaINs (DE), ancien Maire de Pradelles. Tus4, Membre du Conseil général.

Veyrac (Le Baron pe), ancien Maire du Puy.

MEMBRES RÉSIDANS.

MM. AULANIER (Louis), Propriétaire. AUTHIER (D°) DE SarNT-SAUVEUR , ancien Sous-Préfet. AymARD fils (Auguste). BALME ( Victor), Propriétaire. BEAU DE BRIVES, Propriétaire. BEAU DE BRives ( Albert), Ex-procureur du Roi. BECDELIÈVRE (Le Vicomte DE). BERTRAND DE Dour. Borne, Avocat. BoriE , Docteur en médecine. CALEMARD DE LAFAYETTE, Doct. en médecine. CazEmARD-LATOUR, Propriétaire. CHABALIER , ancien Député du département. DE L'HORME, ancien Géomètre en chef. Dr LAROCQUE, Avocat. DumonTaT, Propriétaire. DuvizLArs, Juge au tribunal civil. Ficmior aîné, Propriétaire.

( 298 )

MM. GIRARD-JANDRIAC père, Propriétaire. GIRARD-JANDRIAC fils, Proprictaire. GIRE, Artiste vétérinaire, HiLAIRE-LATOURETTE , Docteur en médecine. Joyeux, Pharmacien. LAVALETTE, Propriétaire. LESTANG (DE), Membre de la Légion-d'Honneur. LogeyrAC, Président du tribunal civil. MANDET , Avocat. MarioL (DE), Propriétaire. Moxsecer, Architecte de la ville du Puy. MONTELLIER, Avocat. MorEeL, Docteur en Médecine. MorGUES (DE) DE SAINT-GERMAIN, Propriét. MoussrEer, Docteur en médecine. Parron (n£e),Receveur général du département. PorrAL, Docteur en médecine. PomtER , ancien Principal du collége du Puy. ReynAuDp, Docteur en médecine. RICHOND-ASSEZAT, Avocat, RicHonDp pes Brus, Docteur en médecine. Ro8erT (Félix), Négociant. RosièREs (DE), Officier d’état-major. Tarpy, Docteur en médecine. TREvVEYS, Propriétaire. VERTAURE (DE), Propriétaire. VIBERT, Propriétaire.

( 294 ) MEMBRES NON RÉSIDANS. » MM. BERGERY, Professeur à l'École d'artillerie de Metz. B£rNarD, Contrôleur des douanes à Nantua. BLONDEL, Peintre d'histoire, rue d’Albony, à Paris. BonNHommeE fils, Propriétaire à Langeac. BouiLHET, Naturaliste à Clermont. Bureau, Docteur en médecine à Paris. CROZATIER, Sculpteur, rue du Roule, à Paris. DauDEviLLE , Négociant à Saint-Quentin. DecaLanDe, Inspecteur des domaines à Bayeux. Demesmay (Auguste ) fils, à Besancon. Dsmousrier , Répétiteur à l’école dechirurgie à Paris. DERIBIER DU CHATELET , Juge de paix à Ydes (Cantal). DerisieR DE Cuneissac, Propriétaire à Bort (Cantal). DusrunrauT, Professeur de chimie, rue Payée, n°24, à Paris: Fasre, Maire et Propriétaire à Paulhaguet. FARNAUD , Propriétaire à Gap. Fourxer , Directeur des mines à Pontgibaud. Fournier, Docteur en médecine à Pradelles. GimBerT-DuviLLARD, Propriét, au Monastier. GRIGNARD , Géomètre en chef à Bourges. GRoGNIER, Secrétaire général de la Société d'Agriculture, Histoire naturelle, ete, à Lyon.

(295) MM. GUILLAUME, Ingénieur des ponts et chaussées

à Grenoble.

Heppe (Philippe), Fabricant à Saint-Étienne.

Heope (Isidore), Agent de change à St-Étienne.

HuserT, Peintre paysagiste, rue du Dragon, 34, à Paris.

Icxon, Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture de Mende.

JorAND, Membre de la Société des Antiquaires à Paris.

Joyeux, Docteur en médecine à Privas.

Lecoe, Professeur de minéralogie et de phar- macie à Clermont.

Lenoir, Directeur des contributions directes à Besancon.

Macxeco (Le Comte DE), propriétaire à Alleret.

Maro (Charles), Homme de lettres à Paris.

MarTin jeune, Président de la Société royale de médecine à Lyon.

MatuiEu DE DomBAsLe, Directeur de la ferme expérimentale de Roville,

Marureu, Régent du Collége de Thiers.

Micuer, Chef d'institution, rue des Capucins, à Lyon.

MorcuaneuT, Sculpteur, rue Courty, n°5, à Paris.

MonTaAIGNE DE PoncINs, Propriétaire à Mont- brison.

Morin, Ingénieur des ponts ct chaussées.

LS

(296 )

MM. Passrron , Homme de lettres à Lyon. P£scuoux, Docteur en médecine à Clermont. Pissis (A.....), à Brioude.

PomtEr , Profess, de mathématiques à Brioude.

PoncerT, Docteur en médecine à Feurs.

Prosr, Directeur des postes à Mende.

RocneTTE, Avocat à Brioude.

Rocer, Architecte de la ville de Thiers.

RuELLE, Payeur à Mâcon.

RUELLE (Alexandre), Propriétaire à Serres.

TacArRAT (Le Baron pe), Propriét. à Brioude.

Tarpreu , Médecin à Saugues.

TeissreR, Préfet de l’Aude.

Teissier, Pharmacien à Lyon.

TERRASSE , Propriétaire à Saint-Marcel.

TurértAT , Professeur de dessin au Palais des Arts à Lyon.

VizLeNeUve, Peintre de paysages, barrière de Chaillot, à Paris.

ERRATUM.

Page 179, ligne 32, au lieu de l’adresser, lisez : s'adresser.

( 297 )

Œable des Maticres.

Discours D’OurERTURE prononcé par M. BERTRAND

DE Dour, Président, dans la séance publique du

29 JANVIER LOI decor vomenoece sue PAs D

AGRICULTURE.

Rapport sur le concours pour les primes et médailles accordées par la Société, et décernées dans la séance du 29 janvier 2099, par, Me. MONTELLIER asser sels cite

Rapport sur l'usage de la Charrue de Roville, Par MDuMONTAT:... eee. ce

Rapport sur des truffes noires trouvées, en décembre 1831, dans l’ancien clos des Cor- deliers au Puy, par M. Onrr-Durrzzars.

De l'aménagement et de lexploitation des bois de pin dans les environs du Puy, par M. BerTrAND DE Dour......,.....,..

Rapport sur la culture de la betterave et du ndrier, par M. Félix Rorrrr...... ...

Résumé de divers rapports lus dans les séances ordinaires de la Société et relatifs à l'agri- CULEUT Eee sets eee destine ei

Considérations sur l'usage alimentaire, pour les ruminans domestiques, des substances cuites,par M. Grocnier, Memb. non résid.

#7

31

38

46

79

85

96

( 298 ) SCIENCES.

Notice biographique des Médecins de la Haute- Loire, par le Docteur Ricxonp nes Brus, Secré- latre de I Societe rene ere tags 117

Notice sur un tombeau antique, trouvé à Solignac-sur-Loire, par M. AvwmarD fils. Rapport de M. Brrrranr DE Dour, sur la Carte géologique du bassin de Brioude.. Rapport de M. Pourer sur des objets re-

latifs à linstruction publique. .........7

Rapport de M. CazewarD DE LAFAYETTE sur un Mémoire relatif à l'affection tuber- culeuSerUes Street TE ets

LITTÉRATURE. De l'Esprit et du Tact, par M. Charles DE

PROSRARPSENNEE EELEENC et, 10e Aperçus ou Esquisse sur l'Esprit et le Tact, par M. PonIER......seseseseesesesssee Un soir de réverie, poème dédié à M. De La MARTINE, par M. Charles Dr Rosrères.. Réflexions archéologiques, lues au dessert du banquet annuel de la Société des Anti- quaires de Normandie,par M.DELA41L4NDE , Membre non résidant. ................ Mélodie ,0 mon Dieu ! par M. C.pE Rosrères,

NÉCROLOGIE.

Notice sur M. ARNAUD, ancien Président de la Société, par M. POMIER.. see

160

170

165

204

D Vy

( 299 )

Notice sur M. O'FARRELL ,par M, Pourrer. Pag.

Relation d’un trait héroïque de Jeanne Savy, de la commune de Monistrol-d Allier, par Ml Docteur TARDE se eee ne

BEAUX-ARTS.

Quatrième Notice des tableaux, dessins, an- liquités , Médailles et objets de curiosité du Musce de la ville du Puy... 4...

OBJETS DIVERS.

Catalogue des ouvrages adressés à la Société pendant les années 1831 et 1832, et non mentionnés dans les Annales. ......,...

Extraits divers relatifs à lagriculture et à Péconomie domestiques. doesecsces

Résumé des observations thermomeétriques et barométriques faites en 1831 et 1832, par MM. Drrrs1er et DE r'Horme.....,

Liste des Membres de la Société..........

FIN DE LA TABLE,

247

249

257

261

260 269

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