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VAL LU VUE AA AV AU AU AA AV AA AV AA AA AA A A AA AU AU A RAA AU AA RAA AA RAA 17 DISCOURS D'OUVERTURE PRONONCÉ Par M BERTRAND DE DOUE, »néstpenr, Dans la séance publique du 15 juillet 1834. —— e D © DD» D = em MESSIEURS, Combien serait plus vif le sentiment d’hésitation que J'éprouve, si, pour me conformer à l'usage consacré par la plupart des Sociétés savantes, je n'avais à vous présenter aujourd’hui que des,consi- dérations devenues superflues sur les avantages des sciences et des arts. Je désespérerais, je l'avoue, de fixer l'attention de la nombreuse et brillante assemblée qui se presse autour de nous, en essayant de rajeunir en style académique un lieu commun dont toute la puissance d’un art (4) auquel je suis complétement étranger aurait peine à déguiser la stérilité. Qu'il me soit donc permis de me féliciter, si par une sorte d’usurpation née du silence de votre Règlement et à laquelle de nombreux précédens ajoutent chaque année une nouvelle sanction, le droit de vous rendre compte de vos travaux a passé du domaine de MM. les Secrétaires de la Société dans les attributions de votre Président. Ainsi , grâce à une exception qui n’est pourtant pas sans exemple, ma tâche, devonue facile, se réduit à rechercher jusqu'à quel point vous avez rempli les obligations que vous vous êtes imposées en vous réunissant, et à vous offrir un rapide exposé des résultats auxquels vous êtes parvenus. Jaloux de justifier le premier de vos titres, c’est surtout vers l’amélioration de l'Agriculture que vous avez continué de diriger vos soins. L'état imparfait où languit celle de notre département laisse beaucoup à faire et laissera long-temps encore beaucoup à désirer. Le plus grand obstacle que vous avez à vaincre n’est point, vous le savez, dans le peu de fécondité du sol ni dans lâpreté du climat, Il est, on ne saurait trop le répéter, dans cette répugnance de notre population agri- cole pour tout ce qui s’écarte de l’ancienne rou- ne. Chaque année de nombreux habitans de nos communes rurales vont chercher du travail dans les départemens du Midi. Ils passent des saisons (CS) entières dans ce Dauphiné où la culture en grand des plantes fourragères a triplé les produits de la terre, et ils reviennent dans leurs montagnes appauvries par trois ans d’une désolante sécheresse, sans chercher à y appliquer des procédés si sim- ples, si productifs et sur lesquels on dirait que leur regard ne s’est pas arrêté, Pendant combien de temps les plus proches voisins de la magnifique exploitation d’Alleret, du Roville de la Haute-Loire, en sont-ils restés immobiles , j’ajouterais presque stupides spectateurs; et ne sest-il pas écoulé vingt-cinq ans avant que ,subjugués par l'évidence, honteux d’une misère devenue sans excuse, ils se soient enfin décidés à mettre en pratique quel- ques-uns des utiles exemples qui leur étaient offerts ? En présence de pareilles dispositions , que fallait- il faire pour parvenir à introduire dans nos cam- pagnes des assolemens plus variés et y augmenter la masse des fourrages, ces deux grands pivots de PAgriculture moderne ? Précisément ce que vous avez fait, Messieurs. Indiquer dans des programmes annuellement perfectionnés les cultures les plus simples’, les plus productives, celles auxquelles il est le plus facile d’approprier notre sol. Encourager les hommes plus entreprenans qui essaicraient de sy livrer, soit par des récom- penses pécuniaires , soit par d’honorables dis- timctions. (26) Appliquer ce système de primes, dont les heu- reux résultats sont déjà constatés par plusieurs années d'expérience à l'introduction d’instrumens aratoires, d’un prix modéré, d’un usage facile et surtout de la charrue Dombasle, cet araire per- fectionné qui remplace le travail aussi lent que dispendieux de la bèche, et dont il importe si fort de généraliser emploi. C’est en persévérant dans cette voie, c’est en multipliant les instructions et en distribuant à propos les graines et les plantes dont vous désirez propager la culture que vous vaincrez bien des répugnances, etque vous accélérerez le mouvement agricole que tous vos efforts tendent à opérer. Il est à regretter, je l’avoue, que dans les deux arrondissemens du Puy et d’Yssingeaux , il se trouve un aussi petit nombre de propriétaires aisés s’occupant d'Agriculture, et que, dans cette partie du département, vous ne puissiez joindre à vos conseils, ce qui leur donnerait une grande autorité, celle de vos exemples. Sans rechercher ici dans les mœurs de Pancien Velay quelles sont les causes qui s’opposent à ce que de riches pro- priétaires puissent s'occuper avec avantage de la culture de leurs terres, je me bornerai à rappeler que les tentatives faites jusqu'à présent sont peu encourageantes. Pendant quelque temps encore, il sera prudent de se borner à faire des essais sur des réserves de peu d’étendue et à perfectionner le mode essentiellement vicieux de nos fermages, (9) soit en prolongeant la durée des baux, soit en imposant aux fermiers certaines obligations , celle, par exemple, de tenir constamment en trèfles, en luzernes, en betteraves et autres cultures améliorantes une proportion déterminée des terres affermées. Le système du métayage dirigé par un proprié- taire éclairé pourrait aussi être essayé. Il l’a été ces dernières années avec autant de discernement que de succès par l’un de nos collègues dans son domaine de la Chabanne, Ses principaux avantages seraient de propager efficacement les nouvelles méthodes, en obligeant le métayer à mettre en pratique les connaissances que possède le maitre et d’épargner à celui-ci la surveillance personnelle des ouvriers, le soin de leur nourriture et une foule de détails dont il est reconnu que nos paysans seuls savent tirer parti. Plus heureux que nous sous ce dernier rapport, on voit au contraire un certain nombre de riches propriétaires de larrondissement de Brioude se livrer directement à la culture de leurs terres et s'occuper avec fruit de tous les détails de leur exploitation. Eh! quel plus noble emploi de sa vie et de sa fortune pour l’homme ami de son pays que de consacrer l’une et l’autre à améliorer le sort de cette population laborieuse et sobre dont il est entouré, à adoucir ses mœurs, à lui inspirer par son exemple l'amour de l'ordre et du (8) travail, et, en prenant une honorable , une persé- vérante initiative de”tous les perfectionnemens , à lui apprendre comment on peut dompter un sol trop souvent rebelle’et y découvrir des sources inconnues de richesse. A ces traits rapidement esquissés, qui pourrait ne pas reconnaître le premier de nos agronomes, l'illustre créateur d’Alleret, à qui vous allez bien- tôt offrir, comme un témoignage d’admiration et de reconnaissance, cette médaille que, sans vous exposer à être taxés de présomption , vons n’auriez pu décerner à titre de récompense au père de notre Agriculture. Mais c’est à vous, Messieurs, qu'il appartenait d’acquitter la dette du pays envers l’homme courageux qui entra le premier dans la voie périlleuse des innovations et de lui donner par votre suffrage la certitude qu'il est enfin compris, et que ses utiles exemples ne seront pas perdus. Dans quelques instans, il vous sera donné lec- ture de la notice indicative des sujets de prix que vous vous proposez de décerner en 1635 et 1836. La simple comparaison entre ce programme et ceux qui l’ont précédé suffira pour y faire aper- cevoir de notables améliorations, la plupart rela- tives aux plantes et racines fourragères, dont les années de sécheresse que nous venons de tra- verser ont fait sentir le prix. On remarquera aussi dans le tableau des primes (9) accordées cette année, que le minimum de conte- nance que vous aviez fixé pour la culture de ces plantes a été fortement dépassé. Cette cir- constance est d’un heureux augure. IL est enfin un moyen d'encouragement qui paraît avoir produit d’heureux résultats dans cer. tains départemens; je veux parler des comices agricoles dont létablissement a été vivement recommandé par M. le Ministre de l'intérieur. Ces associations cantonnales s’occupant principalement d'Agriculture-pratique pourraient en effet rendre de grands services au pays. Mais leur succès est essentiellement attaché à la coopération de quelques propriétaires possédant de l'influence, de l’ins- truction et surtout animés de beaucoup de zèle. Quant à vous, Messieurs , ainsi que vous vous êtes empressés d'en donner l'assurance à M. le Préfet, ce n’est ni votre concours, ni votre appui qui manqueront à ces associations. S'il s’en formait quelques-unes, vous auriez à examiner sil ne conviendrait pas de donner à vos Annales une autre direction et de les transformer en une feuille mensuelle, où serait recueilli tout ce que vos relations et votre propre expérience vous appren- draient d’applicable au pays. Ainsi s’établiraient entre ces Sociétés et la vôtre d’utiles commu- nications. L'intérêt que vous mettez à tout ce qui peut contribuer aux progrès de notre Agriculture, me e (20) servira d’excuse pour les détails dans lesquels j'ai cru devoir entrer. Je m’efforcerai d’être plus bref dans ce que j'ai à dire de vos autres travaux. Une de vos plus heureuses pensées, puisqu'elle a eu pour objet et qu’elle aura bientôt pour résultat l'amélioration du sort d’une intéressante partie de nos concitoyens , fut l'établissement d’une caisse d’épargnes. Vos espérances n’ont pas été trompées. Secondés par tout ce que notre population renferme d'hommes bienfaisans, il a été possible de recueillir 4000 francs. Le produit de cette souscription, la plus considérable qui ait eu lieu jusqu’à présent dans notre pays, réuni au secours accordé par le dernier Conseil général, assure la dotation de notre caisse d’épargnes à laquelle il ne manque plus que lautorisation du Gouvernement. Honneur aux hommes généreux qui ont su com- prendre ce que peut valoir cette institution pour le bien-être et la moralité des classes peu aisées! Honneur à ceux dont le zèle infatigable est par- venu à recueillir une aussi abondante moisson ! Convenons-en, Messieurs, que devient le mérite de notre initiative devant lempressement avec lequel elle à été accueillie ? Le succès soutenu qu’obtiennent les Ecoles industrielles gratuites que vous fondâtes il y a quelques années au moyen d’une autre souscrip- tion presque aussi productive, me dispenserait de (au) vous en entretenir aujourd’hui, si, pour donner plus de prix à vos récompenses, vous n’aviez jugé à propos de les distribuer dans cette solennité. L'esprit d'application de ces jeunes gens dont le nombre s’est élevé cette année au-delà de 80 est toujours au-dessus de ce qu’on se croirait en droit d'exiger d’un âge aussi tendre. Cette disposition si favorable à leurs progrès tient, je n'hésite pas à le dire, à la direction spéciale de leur enseigne- ment qui a été mis tout à fait en rapport avec les professions auxquelles ils se destinent. D’excellens sujets sont déjà sortis de ces Ecoles; les uns exé- cutent ces décorations extérieures que l'étranger voit avec surprise se multiplier dans notre ville; d’autres se font remarquer dans les ateliers de la capitale; c’est à l’aide de l’un de ces élèves que l'homme de goût, chargé de diriger les travaux du monument de Duguesclin, est parvenu à faire exécuter les détails les plus délicats de cette res- tauration, sans avoir recours à des artistes étran- gers au pays. Ce n’est point à vous, Messieurs, qu'il est néces- saire de faire remarquer les avantages que présen- terait un système d'éducation fondé sur des prin- cipes analogues à ceux qui vous ont dirigé dans l’organisation de vos Ecoles. Ne les aviez-vous pas reconnus , lorsque vous consignâtes dans vos Annales le projet de créer, à l'instar de ceux qui existent en Allemagne et en Angleterre, un de ces (12) établissemens d'éducation, où les jeunes gens appartenant aux classes moyennes de la société recevraient une instruction complètement appro- priée à leur fortune, à leurs besoins intellectuels, au rôle enfin qu'ils doivent jouer dans le monde. Vous vous occupiez déjà à remplir limmense lacune que laisse à cet égard la désespérante uni- formité de l’enseignement universitaire, lorsque la loi sur l'instruction primaire est venue au- devant de vos vœux, en créant des Ecoles pri- maires supérieures, dont la bonne organisation pourra épargner aux familles d’inutiles sacrifices, et à leurs enfans bien des années perdues dans de stériles études. Je ne vous entretiendrai pas de cette Biblio- thèque historique départementale que vous venez à peine de créer et dans laquelle se réunissent déjà des matériaux précieux pour histoire du pays. L'appel que vous avez fait à vos concitoyens est trop récent; il a été trop favorablement accueilli pour qu'il soit nécessaire de reproduire ici les motifs qui vous ont déterminés à compléter ainsi lensemble des collections locales auxquels plu- sieurs de vous travaillent avec persévérance. Celles que renferme le Musée s’accroissent rapi- dement et tendent à le faire considérer, du moins sous les rapports des objets d’antiquité et d’his- toite naturelle, comme un véritable établissement départemental. Naguères il s’est encore enrichi de (13) la belle suite des roches d'Auvergne, de MM. Lecoq et Bouillet, et d’une collection des produits du Vésuve qui vous a été offerte par notre collègue, M. Albert de Brive. L’une et lautre présentent des points de comparaison extrêmement curieux avec les produits de nos volcans éteints. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il peut être conve- nable d’entrer dans aucun détail sur ces rappro- chemens. Ils trouveront plus naturellement leur place dans le cours de géologie que vous vous pro- posez d'ouvrir. Mais qu'il me soit permis de vous dire avec quel nouveau degré d'attention lœil des géologuesse dirige vers le curieux pays du Velay (à), vers cetle contrée si féconde en faits géognos- tiques (2), sur ce point l'un des plus justement célèbres de la France centrale (3), depuis que des questions d’un grand intérêt pour la science s’agi- tent à l’occasion des terrains volcaniques qui constituent les sommets les plus élevés de nos montagnes. Dans un ouvrage (4) récemment publié et que l’on peut considérer comme le résumé des observations dont ces terrains ont été l’objet, (1) Résumé des progrès des Sciences géologiques pendant l’anné 1823, par M. Amy Boué, 1834. (2) (4) Description des terrains volcaniques de la France centrale, par M. Burat, 1833. (3) Mémoire sur quelques points de la question des cratères de soulèvement, par M. Elie de Beaumont, 1334. Ci4) l’auteur fait judicieusement remarquer combien est complète et classique cette grande formation basaltique du Velay et du Vivarais, qui, subdi- visée elle-même en produits de différens âges, se he si bien, d’une part, aux trachytes par les pho- nolites, de l’autre, par la texture de ses roches, à la formation lavique des environs de Clermont. « C’est là, dit-il encore, que le terrain basal- » tique est le plus développé et que son ensemble » constitue une des plus belles pages dela géogno- » sie. L'histoire de ces roches y est écrite dans les » détails les plus minutieux, et les cours d’eau, » en mettant à nu les circonstances diverses qui » en ont accompagné l'émission, ont souvent » découvert des faits qu'on ne peut même saisir » dans les volcans brülans (1). » (1) l’auteur de ces brillans aperçus a-t-il été aussi heureux dans l’indication et l’interprétation des faits qu’il a cités dans ces mêmes contrées et entre autres auprès du Mezenc, comme pouvant servir à appuyer la théorie des cratères de soulèye- ment? Je ne le pense pas. Déjà le savant distingué par qui cette théorie a été soutenne avec autant detalent que d'égard pour des opinions contraires, M. Elie de Beaumont vient de reconnaître, dans un écrit extrêmement remarquable, que la force soulevante qui aurait donné leur forme bombée aux énormes massifs du Cantal et du Mont-Dore, ne s’est point mauifestée dans le bassin du Puy, et que les plateaux basaltiques qui environnent cette ville n’ont point été rompus ni soulevés. Mais si l’horisontalité de ces plateaux est à juste titre placée au premier rang des considéra- tions sur lesquelles repose la conclusion qui vient d’être (15) Un intérêt plus vif et surtout plus généralement senti que celui que peuvent offrir vos collections scientifiques doit nécessairement s'attacher aux énoncée; si ceux qui enveloppent encore au nord et à l’ouest le massif trachytique du Mezenc, ne sont ni plus ni moins inclinés qu’aux environs du Puy, n’est-on pas également auto- risé à affirmer qu’il n’y a point eu dans ce groupe de soulève- ment d’une certaine étendue pendant la période basaltique, mais tout au plus quelques déplacemens partiels, tels que ceux observés dans certaines masses situées à proximité du vaste cratère qui a existé auprès de la Croix des Boutières, et qu’à moins de méconnaître les premières règles de l’analogie, on est forcé de regarder comme un véritable cratère d’éruption. Il est une autre conséquence de la conclusion de M. de Beau- mont, non moins importante pour l’histoire de notre sol, et qu’à ce titre je ne dois pas passer sous silence; c’est l’appui qu’elle prête aux argumens qui tendent à attribuer à l’action lente et progressive des agens atmosphériques et des eaux la meilleure part dans l’excavation de nos vallées. En effet, les causes violentes auxquelles on pourrait avoir recours pour expliquer la configuration actuelle des environs du Puy, se réduisent à deux : 1° à dessoulèvemens ou à des déchi- remens produits par les forces qui agissent au-dessous de la surface du globe, et nous venons de voir que l’horisontalité de nos plateaux basaltiques exclut l’idée de l’emploi de ces forces sur l’espace qu’ils occupent; 2° à une débâcle ou irruption vio- lente et générale des eaux, postérieure à leur refroidissement. Rapportons ce que dit de cette seconde cause M. Poulett- Serope, dans son bel ouvrage sur la Géologie de la France centrale, Londres, 1827. « Les districts volcanisés de la Haute-Loire présentent une » suite de preuves également concluantes de ce fait. (La marche » graduelle de l’excayation des vallées.) On ne saurait douter (16) objets d'art dont le Musée s’est enrichi depuis notre dernière séance publique. Qui n’a remarqué déjà ce beau paysage de Renoux , sur lequel les rayons du soleil couchant versent des teintes si douces et si harmonieuses ? Qui n’a cher- ché dans ses souvenirs à reconnaître cette vue des boulevarts de Paris, dont l’auteur est par- que la vallée actuelle de la Loire et que les vallons où cou- lent les ruisseaux dont elle recoit les eaux dans le bassin du Puy ,ontété creusés depuis qu’a eu lieu l’épanchement des layes basaltiques dont les segmens correspondans cou- » ronnent de leurs longues colonnades les bords opposés de » ces canaux et forment les plateaux intermédiaires. Cependant ces laves sont incontestablement d’une date contemporaine avec les cônes de scories incohérentes qui s’élèvent cà et là » à la surface de ces plateaux et qui auraïent été nécessairement » entraînés lors d’une irruption violente et générale des eaux à » la surface de ces contrées. » » Il est donc évidemment impossible qu’une semblable irrup- tion ait eu lieu, et nous sommes par conséquent amenés à con- clure que la force érosive des courans qui coulent encore au fond de ces canaux, réunie à l’action directe des pluies, de la gelée et des autres météores, a seule creusé ce vaste sys- tème de profondes et quelquefois de larges vallées, telles par exemple que celle de la Loire. » Quant au temps nécessaire pour produire d’aussi grands effets au moyen de causes si lentes dans leur mode d’action, temps véritablement immense, il serait absurde de l’opposer comme un argument à une inévitable interprétation des faits; les périodes qui, pour notre intelligence bornée, et comparées avec la durée de notre éphémère existence, paraissent d’une durée incalculable, ne sont probablement que peu de chose dans le calendrier de la nature, » (%] venu, par d'heureux accidens de lumière , à déguiser ce que le point de vue offre de peu varié ? De ces deux tableaux obtenus par le Député de notre arrondissement, et dont le premier a été choisi par M. de Maubourg, avec ce goût exquis qu'il a puisé dans l'étude des chefs-d’œuvre de l'Italie , les yeux se portent sur cette grande com- position de Blondel, accordée par l’ancien Gouver- nement aux sollicitations de M. de Becdelhièvre, qui en indiqua le sujet. C’est à notre zélé colègue à vous dire, dans lénergique style de l’artiste, ce que nous devons le plus admirer ou de l’inimi- table expression empreinte dans les traits mourans de ce jeune homme, ou de ce Torse digne du pinceau de David, ou de ces draperies sur les- quelles le peintre semble avoir épuisé toute la magie des ombres et des couleurs. Actuellement que l'attention générale est en quelque sorte absorbée par la contemplation de ce tableau qui joint à des beautés du premier ordre l'attrait puissant de la nouveauté, que pour- rais-je vous dire de ces autres morceaux aussi précieux que rares que vous avez acquis aux ventes de la succession d’Agrain ? Les noms d’'Hob- bema , du vieux Teniers, de ces maîtres renommés de l'école flamande suffiraient à eux seuls pour recommander ces productions à l'œil du connais- seur ; et cependant obligé de me restreindre, je ne vous en parle que pour ne pas laisser incom- 2 (18) plet le tableau que j'avais à vous présenter de vos efforts et de vos succès. Mais que parlé-je, Messieurs, d'efforts et de succès, tout ce que je viens d’énumérer est-il bien notre ouvrage ? Nos efforts! Ah! combien ils auraient été vains sans la généreuse assistance de nos concitoyens, sans l'appui des premiers magis- trats de ce département, de celui surtout dont le nom fut gravé dans ce Musée par la reconnais- sance! De quels succès aurions-nous à nous féli- citer si les conseils généraux qui se sont succédés ne nous avaient accordé leur puissant patro- nage! C’est donc avec bonheur, c’est avec espé- rance que nous retrouvons aujourd’hui, parmi les notabilités appelées pour la première fois par les suffrages du pays à le représenter, quelques-uns de ces administrateurs qui comprirent si bien toute notre pensée. C'est pour nous une vive jouis- sance que de pouvoir leur dire en leur parlant de la prospérité des établissemens qu’ils nous ont aidé à fonder , en leur montrant les monumens qui décorent cette enceinte : voilà, Messieurs, votre ouvrage. C’est à vous que les arts doivent ces chefs-d’œuvre; les sciences, ces collections; notre histoire, ces vénérables débris; une popu- lation reconnaissante , cette instruction , ces secours que vous avez accordé avec tant de dis- cernement; notre agriculture enfin, ces encoura- gemens dont nous ne sommes que les dispensa- CS) teurs. En vous voyant associés à des hommes dont le caractère nous est connu, qu’animentles mêmes sentimens , pourrions-nous concevoir quelques craintes sur notre avenir? N'’existe-t-il pas déjà entre tous les membres du conseil général une solidarité de vues généreuses dignes de citoyens aussi éclairés, dignes de notre siècle ? Non, Messieurs, nous le disons avec confiance, ce n'est pas en de telles mains, ce n’est pas lorsqu'il est placé sous votre protection, que le dépôt sacré de la civilisation peut courir des dangers; que celle surtout de notre cher pays pourrait déchoir du rang auquel tous nos efforts tendent à l’élever. AAA AAA NAS VA AA AS AA UV AA AA AA AV AV AA AA AS NAS AVR AV AS AAA A AV AV NOTICE INDICATIVE Des Sujets de prix proposés par la Société, pour être décernés en 1835 ct 1836. $. AGRICULTURE. Des primes en argent, des médailles d’or, d'argent et de bronze, seront accordées aux pro-. priétaires, cultivateurs ou fermiers qui auront satisfait aux conditions énoncées dans le présent programme pour un ou plusieurs des sujets ci- après : 1° Plantes oléïfères. À ceux qui auront récolté la plus grande quan- ( 20 ) té de graine de colza, de pavot, de navette, ou de caméline. Cette quantité ne pourra être moindre de cinq hectolitres, soit vingt doubles boïsseaux ou grands cartons de la nouvelle mesure, 20 Plantes fourragères. 19 À ceux qui auront semé la plus grände étendue en trèfle, luzerne, sainfoin ou esparcette, en ray- grass, en fromental, et en plantes fourragères annuelles, vesces, jarousses, etc. Cette surface devra être au moins de 1500 toises carrées pour le trèfle, de 600 toises carrées pour les fourrages vivaces, et de 3000 toises pour les plantes fourragères annuelles. Le canton du Puy ne concourra pas pour ces dernières, 2° À ceux qui auront semé ou planté la plus grande quantité de betteraves champêtres, pour être données aux bestiaux après que les raves sont consommées. 3° Récoltes enfouies en vert. À ceux qui auront enfoui du lupin ou autres fourrages en vert sur l’espace de terrain le plus considérable. Gertainescommunes de l’arrondissement d’Yssingeaux retirent de grands avantages de l’enfouissement du lupin, au moment où cette plante a pris tout son développement. L'introduction de ce procédé, dans d’autres communes du département, serait un perfectionnement qui mérite d’être encouragé. 4° Culture du chanvre et du lin. Aux agriculteurs du département qui auront semé en lin, et à ceux des deux arrondissemens (21) du Puy et d’Yssingeaux qui auront semé en chan- vre le plus grand espace de terrain. Cet espace devra être au moins de 400 toises carrées. 5° Défoncemens partiels et successifs de’ terres arables ou incultes. A ceux qui auront ouvert et comblé, dans l’es- pace d’une année, au moins 1000 mètres de tran- chées, d’après le procédé de M. le comte, de Macheco. Le canton de Paulhaguet est excepté: du concours. Ce procédé a été employé ayec le plus grand succès par M. le comte de Macheco, dans sa magnifique terre d’Alleret. Il consiste à creuser à 11 pieds de distance les uns. des autres, des fossés ou tranchées de 5 pieds de large et de 15 pouces environ de profondeur, selon la nature du sol; on y enfouit ou l’on en retire les pierres qui en proviennent, ainsi que celles éparses à la. surface du champ. Une instruction sur ce sujet sera adressée par la Société à MM. les Maires du dépar- tement. Quelques années après, on ouyre de nouvelles tran- chées dans l’intervalle des premières. L’on parvient ainsi à défoncer de grandes surfaces à bien moins de frais et avec autant de succès que par une seule opération, ordinairement ruineuse pour le propriétaire. 6° Charrues à la Dombasle, Charrues dauphinoises. Une prime sera accordée aux agriculteurs ou fermiers de chacun des trois arrondissemens qui auront acheté une charrue à la Dombasle, du grand ou du petit modèle, ou une charrue dau- phinoise à orcille mobile. Cette prime sera de (22) 30 fr, pour celles du grand modèle, et de 25 fr. pour celles du petit. Les charrues à la Dombasle remplacent le travail de la bèehe; elles coûtent, rendues au Puy, savoir : celle du grand modèle, qui . demande deux paires de bœufs pour être convenablement manœæuvrée, 73 fr. 5oc,; celle du petit modèle eoûte 59 fr., et ne demande qu’une paire de bœufs. MM. Dumontatet Treveys, membres de laSociété, donneront les renseignemens qu’on pourra désirer pour se procurer ces charrues. On pourra aussi s’adresser directement à M. Guimbal fils, fabricant d’instrumens aratoires, à Issoire. La charrue dauphinoise peut labourer aussi profondément que la Dombasle. L'oreille ou yersoir mobile dont elle est pourvue la rend propre au labour des champs, dont la pente plus con- Sidérable ne permet pas d’y employer la Dombasle. La prime sera de 20 fr. 7° Semnis et Plantations d’arbres résineux. Aux propriétaires qui auront fait les semis ou plantations les plus considérables , selon l'étendue de leurs propriétés, en arbres résineux, tels que pins, sapins, épiceas, mélèses, etc. Des prix sont particuliérement réservés pour les semis ou plantations exécutés dans les cantons de Pradelles , Fay-le- Froid et Pinols. 60 Pommniers à cidre. À ceux qui auront planté à demeure la plus grande quantité de pommiers à cidre. Le nombre ne pourra être au-dessous de cinquante. MM. Jacquemet-Bonnefont père et fils, pépiniéristes à Anno- may, peuvent fournir un grand nombre de ces pommiers. (23) Un prix sera aussi accordé à la personne qui aurait greflé, avec succès, en pommiers à cidre la plus grande quantité de sauvageons. M. de Bonneville et M. Liogier offrent de fournir gratis des greffes de variétés choisies aux personnes qui en désireraient. On en trouvera aussi à la pépinière départe- mentale, caserne Saint-Laurent. 9° Hivernage des bétes à laine. Aux cultivateurs et fermiers qui auront fait passer l’hiver à leurs bêtes à laine dans des lieux » _» \ ste Q acrés et ouverts, tels que des hangars où ils soient seulement à l’abri de la pluie et des neiges. L'expérience a démontré que la plupart des maladies aux- quelles sont sujettes les bêtes à laine, proviennent de ce qu’on les tient, pendant l’hiver, dans des lieux trop chauds et pas assez aérés. Il est reconnu aussi que la laine de celles qui passent l’hiver dans des lieux aérés est d’une qualité supérieure. Notre agriculture retirerait de grands avantages de l’in- troduction de ce mode d’hivernage. 100 Amélioration des races d'animaux domestiques. À ceux qui auront introduit dans le département, 1° des taureaux et vaches pleines de race suisse ou de celle du Cantal; 2° des moutons mérinos ou d’autres races choisies. A ceux qui présenteront les plus beaux élèves en chevaux, mulets, taureaux, génisses et bêtes à laine, nés dans le département. Ces animaux devront être présentés, au Puy, dans la cour de la caserne Saint-Laurent, à la Commission chargée par la Société de les examiner, en présence de l'artiste vétérinaire du département, La veille de la foire de la St-Michel est l’époque invaria- (24) blement fixée pour Les concours de bestiaux, lesquels auront lieu dorénavant chaque année et à pareil jour. Les concurrens pour les prix ci-dessus devront, avant le 30 décembre 1834 et années suivantes, faire parvenir leur de- mande écrite à MM. Richond et Borie, docteurs en médecine, secrétaires de la Société, et l’accompagner de certificats délivrés par M. le Maire de leur commune. La Société se réserve de prendre connaissance , s’il y alieu, des faits énoncés dans les certificats. $. COMMERCE ET INDUSTRIE. Aux personnes qui auront introduit dans le département une nouvelle industrie; qui auront perfectionné celles déjà existantes, ou qui auront ouvert au commerce de nouveaux débouchés. $. SCIENCES ET ARTS: LE La Société décernera aussi, en 1635 et 1836, dans ses séances publiques et annuelles, des mé- dailles d’or, d'argent et de bronze, aux auteurs des meilleurs mémoires : 10 Sur les améliorations dont l’agriculture et lindustrie du département peuvent être sus- ceptibles, 20 Sur un point quelconque de Histoire du département, sur ses Antiquités , son Histoire naturelle , etc. 30 A l’auteur de la meilleure pièce de poésie, dont le sujet devra être pris dans l’Histoire du département, ou offrir un intérêt local. 49 À l’auteur du meilleur tableau ou dessin , de la (25) meilleure lithographie ou gravure représentant un site ou un monument du département. Les mémoires et dessins envoyés au concours devront porter une sentence et être accompagnés d’un billet cacheté renfer- mant cette même sentence et le nom de l’auteur. Les billets ne seront ouverts que lorsque les ouvrages auront été jugés dignes du prix. ; Ils devront être adressés à MM. Richond et Borie, docteurs en médecine , secrétaires de la Société, avant le premier janvier de chaque année. Les mémoires et pièces de vers couronnés seront insérés dans les Annales .de la Société : les tableaux, dessins, etc., seront exposés au Musée. Les personnes de tous les pays sont admises à concourir , excepté les membres résidans de la Société. Dans sa séance publique du 15 juillet 1834, la Société a décerné : Une médaille d’argent à M. Régis Besses, expert et propriétaire au Puy, pour avoir semé en sain- foin une surface de 2535 toises carrées dans sa propriété de Chanceaux, commune de Polignac. Une prime de 40 fr. au sieur Jean Garnier, propriétaire à Beauzac, arrondissement d’Yssin- geaux, pour avoir semé en trèfle une étendue de 3000 toises carrées. Une prime de 5o fr. au sieur Jean Berghaire, cultivateur à Saint-Privat du Dragon, arrondisse- ment de Brioude, pour avoir, des premiers, mis en pratique le procédé des défoncemens partiels et successifs de M. le comte de Macheco, et avoir ( 26) ouvert, dans le courant de l’année, au-delà de 3000 mètres de tranchées. Deux primes de 40 f. chacune aux sieurs André Faure et Jean Borel, de la même commune, pour avoir ouvert chacun 3000 mètres de ces tranchées. Une médaille d'argent à, M. Joseph Liogier , propriétaire au Puy, pour avoir planté à demeure, dans son domaine de Marminhac, commune de Polignac, 74 pommiers à cidre où poiriers pro- pres à la fabrication du poiré, Ces sujets viennent de Normandie ou d’Annonay, et sont greflés en espèces de choix. La Société voulant consacrer par un monument durable son admiration pour les travanx exécutés à Alleret par M. le comte de Macheco, a décerné, dans la même séance, sa grande médaille en orau créateur de ce magnifique établissement agricole. Elle a aussi décerné comme prix d'intelligence, de désintéressement et de fidélité, au sieur Joseph Costérisant, chargé depuis 25 ans des détails de l'exploitation d’Alleret, une médaille d'argent. Une seule pièce de vers a été envoyée pour le concours du prix de poésie. Le sujet n'étant pas pris dans l’histoire du département et n’offrant pas un intérêt local, elle n’a pu, aux termes du programme, être admise à concourir. (27) AAA AAA AP A A AN AS AVE AV AAA AS AA AS AA AE AA AA A VS ME MN M4 Fa RAPPORT Sur la conversion des céréales en farine, selon le mode de mouture, et sur leurs produits en pain ; Par M. MaANnDET. M£ssir uns, Je ne veux pas examiner ici, par quels déve- loppemens successifs Ja société humaine a été amende enfin à rendre à l'Agriculture, cette nour- rice du genre humain, une place honorable; comment, à leur tour, les arts Jui ont rendu hommage; comment la science lui a prêté son instruction. De toutes parts des Sociétés d'Agriculture se sont formées, des comices agricoles se sont ouverts : des concours publics dans lesquels le laboureur , le simple valet de ferme ont oblenu ces distine- tions flatteuses qui non-seulement encouragent, élèvent l'homme, mais encore qui lui font sentir qu'on n’est plus un obseur habitant de la cité, dès qu'on est devenu véritablement utile. Aussi dans ces classes de prolétaires, dans ces anciens ( 26 ) serfs, jadis dédaignés, on a vu surgir de tous côtés des hommes d’un haut mérite. Les uns ont appliqué avec succès de nouvelles forces motrices aux instrumens de labour; d’autres, par de meil- leurs assolemens , ont augmenté la somme des produits. Sans doute, les anciens dominateurs du sol, les grands propriétaires ont donné d’utiles exemples, et notre département n’est pas resté en arrière sous ce rapport. Mais dans les pays où la propriété est très-divisée, où le sol présente d’étroits vallons, des pentes rapides, des plaines et des montagnes, où la température varie à l'infini, à de très-petites distances, où les produits diffèrent selon la nature et la hauteur du sol, l'intensité et la longueur des hivers, il est encore bien des essais à tenter, bien des perfectionnemens à attendre. Toutefois on doit reconnaître que nous avons fait de grands progrès, et que la division des propriétés en a beaucoup augmenté les produits. Les jachères sont rares; les moindres parcelles sont livrées à la culture; les plantes fourragères se multiplient. Partout le sol est exploré plus ou moins exactement; les marécages sont rassainis par des rases souter- raines; la petite propriété s’entoure de clôtures. Sans doute on pourrait faire mieux et souvent à moindres frais; mais il convient de constater cette amélioration sensible dans l’état général des cul- tures, et de reconnaître qu'elle porte principale- (29 ) ment sur la grande et sur la petite propriété, C’est surtout la propriété moyenne qui reste le plus en retard dans cette voie de progrès. Aussi est-elle l'objet des spéculations de ceux qui n’achètent que pour morceler , et l’on peut penser que l'in- dustrie et le travail opiniätre du cultivateur ont plus produit d'améliorations qu'une instruction raisonnée. Toutefois, cette instruction pénètre dans toutes les classes, si non par les écoles, au moins par les exemples. Les travailleurs commencent à en sentir le prix, et nous pouvons espérer qu’elle pourra bientôt formuler des méthodes pour la petite propriété. Mais il ne suffit pas d'augmenter les produits, en diminuant la dépense par une meilleure direc- tion des forces et du travail, il faut encore s’oc- cuper de Pemploi que l’on peut en faire. Le sujet est vaste, et pour être traité convenablement, il faudrait sortir des limites qui me sont assignées : ce serait un cours tout entier, Le choix, les soins qu'exige le bétail; les laiteries et leurs dépen- dances ; les diverses espèces de volailles; les laines, les plantes oléagineuses, les plantes fourragères , les bois nous occuperaient successivement. Partout nous verrions combien de produits sont négligés, combien pourraient être rendus plus utiles. Le temps viendra où, dans nos campagnes, les instituteurs comprendront qu'après avoir donné ( 30 ) donné aux enfans du cultivateur des notions suff- santes de lecture et d’écriture, il conviendra de porter spécialement leur instruction sur tous ces points. Parmi les produits sur lesquels il importe de porter l'attention non-seulement de ceux qui sont chargés de les mettre en œuvre, mais même des administrations publiques, il faut mettre en pre- mière ligne les céréales. Elles sortent des mains du cultivateur ou du propriétaire, pour passer dans celles du meunier et du boulanger. Nous ne les considérerons quant à présent que dans leur conversion en pain de diverses qualités, et sous le rapport du juste bénéfice que l’industrie et la main-d'œuvre ont droit de prélever, avant de les livrer à la consommation. De tous temps, les Gouvernemens ont pensé que lexercice de ces deux professions de meunier et de boulanger devait être assujéti à des règle- mens, soit pour restreindre le bénéfice dans de sages limites, soit pour parer aux fraudes de la mauvaise foi, ou aux erreurs de l’ignorance. Trop souvent peut-être ces règlemens faits sous Pempire des préjugés ont entravé le libre com- merce des grains et des farines, l’ont surchargé de taxes onéreuses ou mal calculées ; mais ils ont toujours été utiles en prohibant des mélanges frauduleux, en déterminant les salaires ou les prélèvemens du meunier sur la mouture, en (H) fixant, selon le prix des grains ou des farines, le prix des diverses espèces de pain. Toutefois, les progrès apportés dans la meunerie ont augmenté les produits. Les grains plus exac- tement triturés, les farines mieux blutées, ont permis de réduire le son à n’être que la simple écorce du blé, en le dégageant de toute la farine qui y restait confondue. L’on a pu obtenir des farines de qualités diverses et rechercher la quan- tité de pain que chacune pouvait rendre, en par- tant d’un tâux commun. On a reconnu qu’il n’y a pas d'économie à faire entrer le son en substance dans la composition du pain , non-seulement parce qu'il ne nourrit pas par lui-même, mais encore parce qu'il est un obstacle àla bonne fabri- cation du pain. Un arrêt du parlement de Paris, du 8 juillet 1785, avait même fait défense d'employer dans le pain le gros et le menu son qui composent les issues et qu'on a séparés des farines ; mais il faut enten- dre cet arrêt en ce sens qu’il suppose qu’on a retiré du son, soit par la mouture économique, soit par le lavage, toute la farine dont il estchargé. L'on est encore loin de profiter généralement des avantages que l'expérience a fait reconnaître dans la construction des moulins, et dans les méthodes usitées pour la mouture et le blutage. Quoiqu'il se soit établi sur plusieurs points du département des moulins économiques, où sont (32) employés les moyens reconnus les plus simples et les plus avantageux, l’on continue d’user généra- lement des anciens procédés, et la mouture con- nue autrefois dans le Languedoc sous le nom de mouture à la grosse est toujours pratiquée. L’on peut facilement en signaler les causes principales: Pindustrie a fait peu de progrès dans ce dépar- tement, et les propriétaires d'anciens moulins ne sauraient, quant à présent, tirer parti d’une autre manière de l’eau, ce moteur si puissant, si recher- ché, si chèrement payé partout ailleurs, Les trois quarts des anciens moulins resteraient sans emploi si l’autre quart était converti en moulins éco- nomiques. 2° Avec les anciens moulins chômeraient ceux qui vivent de cette industrie, et le nombre en est considérable. 3° L'usage établi dans cette ville de faire des- servir la boulangerie par les garcons attachés au service des moulins, dispense les boulangers de la nécessité d’avoir un aide, et les attache à la vieille méthode. 4° Is croient encore y trouver l’avantage d’élever et d’engraisser avec leurs sons très-farineux des porcs sur lesquels ils trouvent un bénéfice con- sidérable. Qu'on joigne à toutes ces causes les habitudes si difficiles à déraciner, les vieux préjugés, le défaut de calcul, et l'on ne scra pas surpris d’ap- (35) prendre que nos moulins à grande mouture ne travaillent, pour ainsi dire, que pour les dépar- temens voisins; mais si l’on pense que l’on obtient 15 p. ,[° au moins en farine par la nouvelle mou- ture, de plus que par l’ancien mode; que l’on pourrait livrer à la population pauvre et si nom breuse de la ville et des campagnes, un pain bien meilleur, à moindre prix et en plus grande quan- üté, ne doit-on pas rechercher tous les moyens qui peuvent conduire à ces résultats ? Î y a tant de variété dans les grains d’une même espèce, selon les lieux et selon les années : les moyens usités pour la mouture ct pour le blutage diffèrent tellement dans la même localité, entreles personnes exerçant la même profession, qu'il est bien difficile de donner des résultats absolus. On peut seulement approcher de la vérité. C’est pour jeter quelques lumières sur cette importante question, et en même temps pour améliorer le service, que de nombreuses expériences ont été faites dans un de nos grands établissemens de charité, où le moulin et la boulangerie sont l’objet d’une constante surveillance, et travaillent exclu- sivement pour l'établissement. Il convient de remarquer que la mouture est obtenue par les anciens procédés toujours usités dans le pays. Comme c’est encore le mode le plus général, ilimporte de le constater , parce qu'avant 3 (34) de rechercher les améliorations possibles, il faut fixer. le point du départ. On doit observer aussi que les grains sont criblés, quoiqu'imparfaitement; que l’on n’opère, en général, que sur des blés marchands, c’est-à-dire de seconde qualité; que l'on a conservé jusqu’à présent le. très-vicieux usage de faire moudre ensemble le froment et le seigle; ce qui occasione une perte considérable, parce que le volume et la configuration de ces grains étant différens, ils ne peuvent être écrasés également, et que l’on n'obtient pas une farine aussi abondante que si la mouture eût été faite séparément. Car l’on ne peut pulvériser l’un de ces grains à un degré convenable , sans que l’autre le soit très-incomplètement ou beaucoup trop; ce qui produit ou un trop grand déchet, ou des par- ties de son tellement divisées, qu’elles passent à travers les bluteaux les plus serrés, se mêlent à la farine qui est alors terne et piquée, et dont Pemploi donne un pain d’une qualité très-infé- rieure. Enfin, le son ou l’enveloppe du froment tient beaucoup moins à la farine que celui du seigle, qui devrait plus spécialement passer sous la meule une seconde fois. Les expériences que l’on a faites ne nous appren- dront donc pas ce que l’on pourrait obtenir par les moyens aujourd’hui reconnus les plus simples, les plus productifs et les moins coûteux, mais ce que donnent réellement de résultats positifs, les (55) méthodes généralement usitées dans le pays. Ces expériences ont été faites pendant quatre mois consécutifs, jour par jour : l’on a opéré sur envi- ron 430 quintaux de farine de diverses qualités. Les grains étaient pesés avant d’être livrés au moulin, et leur produit en farine était constaté avant le blutage. L’on établissait ensuite les quan- ütés de farine et de son, résultat du blutage. Il était tenu note exacte du poids de la farine à pétrir et du pain obtenu, le pain étant pesé douze heures après sa sortie du four. L'on a obtenu, pour terme commun du pain blanc, 147 livres pour 100 livres de farine blutée à 33 p. o[° Le maximum a été de 150 livres; le rninimum de 145 livres 3/5 des fromens de dernière qua- lité, achetés au prix de 17 fr. 60 c. l’hectolitre, ont rendu 148 livres 1/2 pour 100 livres de farine. Long-temps on avait admis comme une vérité que l’on nepouvaitobtenir quede 125 à 133 livres selon la qualité des blés. S'il. était bien constaté que tel est le produit commun sur plusieurs points du royaume, il faudrait reconnaitre aux blés que nous récoltons une qualité supérieure. Il est bon cependant d'observer que nous avons em- ployé des fromens dont le poids était générale- ment inférieur à celui exigé par le département de la guerre, d’une, deux et trois livres par hec- tolitre , après le criblage. Le méteil composé ( 36 ) de 5/8 de seigle et de 3/8 de froment, du poids de 147 livres l’hectolitre en grains, a rendu 145 livres 1/4 en farine qui, blutée, à 33 p. ,[° a donné un peu plus de 130 livres de pain pour 100 livres de farine. Le pain bis composé de partie de farine de froment extraite par un second blutage du son des pains blancs, de partie d’autre farine extraite de la même manière des sons produits par les pre- mières farines du pain passé, et de partie de farine non blutée provenant d’un mélange dans lequel il entre une mesure de froment pour quatre de seigle a rendu, terme moyen, 130 livres de pain pour 100 livres de farine. Il importe de remarquer que le moyen terme du rendement des farines en pain passé et en pain bis ne peut se produire que sur des quantités con- sidérables et sur un très-grand nombre de four- nées, parce qu'il y a entre les résultats isolés de chaque fournée des différences très-considérables à raison de la cuisson et de la fabrication. On ne peut porter ces différences au-dessous d’un mini- mum de 6 p. of° et d’un maximum semblable. _ L'on a constaté également, pendant le même temps, le nombre de fournées et la quantité de bois employé pour le chauffage du four, et le résultat a présenté une dépense de 26 c. 1/2 pour 100 livres de pain : c’est un peu plus d’un quart de centime par livre. (37) Le prix du froment étant ressorti de 17 à 18 fr. lhectolitre , et celui du seigle à 13 fr. Le pain blanc est revenu à......... 10 C. Le pain. passé: À ses sais le à gje sloiéie os) V9 Ce LI2 Le pain bis à...........s.sssscsse 7 Ce 1/2 Je dois observer que sur un hectolitre de fro- ment, après le second blutage, il restait du quart au cinquième de son; et sur le mélange opéré pour le pain passé, un cinquième. Ces sons recoi- vent une utile destination dans la maison. Leur valeur dans le commerce est de 5 fr. le quintal. Il en a été tenu compte, en déduction, dans Le prix de revient du pain. Mais le bénéfice du meunier et celui du bou- langer n’ont pas été portés en ligne de compte. Ces bénéfices doivent être augmentés des dépenses diverses dont ils sont tenus et de l'intérêt des fonds qu'ils sont obligés de verser dans leurs éta- blissemens, On concoit qu’ils doivent varier, selon la position , le débit, l’habileté, l’industrie de chacun. L'on peut, par des tarifs, y assigner cependant de justes limites, ou laisser à la libre concurrence le soin de régler les prix. C’est une question purement administrative, et que nous n’avons pas la prétention de résoudre. Nous avons voulu seulement éveiller l'attention sur un sujet qui touche essentiellement aux premiers besoins de toutes les classes de la société, et qui surtout intéresse la classe ouvrière et les pauvres, Il ne (56 ) serait pas difficile de rechercher et de signaler les causes qui élèvent sur le marché le prix des grains au taux des pays les moins favorisés. Nous avons indiqué ce qu'il y a de vicieux dans le mode usité pour la mouture; nous avons fait connaitre, sur des prix donnés, le prix auquel reviennent les diverses espèces de pain, sans y comprendre cependant des frais, des dépenses, des salaires, un bénéfice, toujours variables, mais faciles à limiter dans de convenables proportions. S'il en résulte quelque bien pour le pays, nous aurons rempli la tâche que nous nous étions proposée. AAA AAA A AAA AA AAA AAA A AAA A AS A A A AA AA AA A A RAPPORT Sur lexploitation agricole d'Alleret. Commissaires : MM. DumonrTaT , Borte, docteur en médecine; DE BECDELIÈVRE, et BERTRAND DE DouE, rapporteur. Lu à la séance publique du 15 juillet 1834. a MESSIEURS , Le IL n’est aucun de nous qui, en parcourant ce que les ouvrages d'agriculture nous apprennent des riches récoltes qui se succèdent sans inter- (59) ruption dans ces belles plaines devenues inaltéra- blement fécondes par l'intelligence de leurs cul- tivateurs, n'ait éprouvé un sentiment de découra- gement, et désespéré de voir introduire dans nos montagnes les méthodes perfectionnées auxquelles sont dus de si merveilleux résultats, Il existait, il est vrai, à quelques lieues de nous, au centre de l'arrondissement de Brioude, un coin de terre favorisé où, disait-on, ces résul- tats avaient été obtenus. Dans un petit nombre d'années , un homme d’ün caractère ferme et per- sévérant avait su triompher du sol, du climat, des hommes, quelquefois plus rebelles, et méttre en pratique de séduisantes théories d’une application toujours difficile et dont plus d’un naufrage avait signalé le danger. Le problème paraissait donc résolu; ilnes’agissaitplusque d’imiter des procédés dont le mécanisme était exposé à tous les yeux. Mais vous le savez, Messieurs, parmi ceux de nos compatriotes que la curiosité ou d’hospitalières invitations appelaient à Alleret, les uns n’avaient éprouvé et ne nous rapportaient que le sentiment d’une stérile admiration. Chez les autres, et c’était le plus grand nombre, il se joignait à ce sentiment un doute plus ou moins prononcé sur les avan- tages définitifs de ces belles cultures. Si quelque: chose était propre à justifier cette défiance devenue presque générale , c'était, sans doute, le peu d’empressement que mettaient les propriétaires ( 40) voisins à s'approprier des améliorations que mieux que personne cependant ils étaient à portée d’ap- précier. Tout en rendant justice à la haute capa- cité de M. le comte de Macheco, ils s’'accordaient à représenter ses procédés comme excessivement dispendieux. Le succès, selon quelques autres, était incontestable, mais 1l n’était que momentané. Que la terre vint à changer de main; que la direc- tion des travaux nécessaires pour la maintenir dans cet état momentané de prospérité factice fût confiée à un homme moins expérimenté, elle redevenait bientôt ce qu’elle avait été, et le fruit de tant de soins , de tant de capitaux enfouis était pour toujours perdu, Telles étaient les funestes ee qui , pendant tant d'années, firent regarder cette belle création sous un faux point de vue et qui ne s’opposèrent que trop à la propagation du système perfectionné de culture dont Alleret offrait un si parfait modèle. Mais ces préventions ont dû se dissiper enfin devant l’épreuve du temps et de l'expérience. S'il n’était pas donné à tout le monde de saisir et d'exécuter l’ensemble des procédés mis.en usage par M. de Macheco, il était du moins facile au moindre cultivateur de s'approprier ceux qu'il jugeait plus immédiatement applicables à l'amélioration de son modique héritage. C’est là ce qui, après de nombreuses hésitations, est enfin arrivé. Les avantages du défoncement (4) partiel et successif des terres arables paraissant avoir plus particulièrement fixé l'attention des propriétaires voisins, vous en fites un sujet de prix dans votre programme de 1833. C’est à cette occasion que vous dûtes à M. de Macheco, une communication précieuse sur les détails de cette opération, et que quelques Membres de la Société, pour répondre à d’obligeantes invitations, firent le voyage d’Alleret. Dans la séance qui suivit notre retour, nous vous présentâmes un exposé succinct de ce qui avait plus vivement frappé nos regards. Nous vous entretinmes del’incroyable émulation avec laquelle les cultivateurs voisins d’Alleret se livrent à ces défoncemens, de l'accroissement considérable qui enrésulte dans la masse des produits, de la simpli- cité de ce procédé et de l'avantage qu’en retirerait le département, si, par notre zèle et le concours des hommes éclairés , nous pouvions parvenir à le propager. Vous voulûtes bien entrer dans nos vues, et pour atteindre plus sûrement votre but, vous nous demandâtes un rapport détaillé de nos observations. En vous présentant ce rapport, nous n’éprou- vons qu'une crainte, c’est de ne pouvoir vous rendre les impressions multipliées de surprise et d'admiration qui se sont si rapidement et si agréa- blement succédées pendant notre court séjour à (4) Alleret. Tant de détails se sont offerts à nous que nous aurions été exposés à n’être que d’infidèles interprètes de nos observations, si M. De Becde- lièvre ne nous avait communiqué des notes anté- rieurement recueillies par lui et dans lesquelles le rapporteur de votre commission a plus d’une fois puisé d’utiles renseignemens. $. I. Aperçu topographique. La terre d’Alleret est située à une petite lieue à l’ouest de Paulhaguet, presqu’au centre de lar- rondissement de Brioude et dans la commune de Saint-Privat-du-Dragon. Elle occupe un bassin de 240 hectares de super- ficie et d'environ 2000 mètres de diamètre. Ce bassin est peu profond. Son enceinte à peu près circulaire est formée par le prolongement de deux éminences volcaniques entièrement composées de quartiers de laves, de scories rougeâtres et de pouzzolanes fragmentaires. Au nord, elles s’ap- puient contre un terrain de granite et de gneis friable renfermant quelques bancs subordonnés d’amphibolites , et s’abaissent vers l'extrémité opposée du bassin pour livrer passage aux eaux. De la base extérieure de ces éminences , d’épaisses coulées de lave sont descendues dans la plaine, en se dirigeant vers Paulhaguet et Saint- Georges-d’Aurat. À l'intérieur, la lave ne se montre en grandes masses continues que derrière les (45) nouveaux hangars de l'habitation principale. Elle forme sur ce point un dyke très-intéressant à étudier. Ce n’est pas ici le lieu d'examiner si ces émi- nences, dont la structure et la composition indi- quent, de la manière la plus évidente, la proxi- mité d’une ancienne bouche volcanique, ont été deux cratères distincts aujourd’hui oblitérés, ou si elles faisaient partie des bords d’un cratère plus considérable , dont l'emplacement corres- pondait à celui du bassin actuel d’Alleret. Bornons- nous à dire que leurs débris constituent la base du sol cultivable de ce même bassin, excepté dans le voisinage des granites et des gneïs, dont les détritus entrent pour lors en proportion variable dans sa composition. Si l’on examine actuellement comment les diffé- rentes cultures sont distribuées dans le bassin d’Alleret, on trouvera les parties les plus élevées couvertes de bois de pin ou de beaux taillis de chêne, excepté là où les coteaux ont offert une exposition favorable à la vigne. Au-dessous, sur des pentes beaucoup plus adoucies , s’étend la plus grande partie des terres labourables. Celles- ci enveloppent à leur tour les prairies naturelles qui occupent les parties les plus basses. On voit, par cet apercu général des lieux, com- bien leur disposition s’est trouvée favorable à la surveillance du maître qui peut l'exercer à chaque (44) instant du jour du perron même de son château. Elle a aussi singulièrement facilité les grands tra- vaux d'assainissement et d'irrigation qui se ratta- chent aux diverses constructions qui ont été suc- cessivement exécutées. | $. II. Bdtimens d'exploitation. M. de Macheco, après avoir étudié son terrain, chercha d’abord à déterminer quelle portion il pouvait mettre en terres labourables, en prairies naturelles ou artificielles, ce qu’il lui fallait de bestiaux pour cultiver ses terres et consommer ses fourrages, et par conséquent de bâtimens pour loger les uns et recevoir les autres. Il se borna d’abord à ceux strictement nécessaires. Les pre- miers résultats ayant surpassé ses espérances, les constructions acquirent peu à peu le développe- ment qu’elles ont aujourd’hui. Toutes sont extré- mement remarquables et contribuent merveilleu- sement à l’ornement du paysage. Sans s’arrêter à examiner si des colonnes , des pilastres , des frontons sont toujours bien placés, quand il s’agit d’étables et de magasins à fourrages, etsi les règles de l'architecture y ont toujours été exactement gardées, l’observateur est dominé par la grâce et l'élégance qui règnent dans toutes ces cons- tructions. Les plus considérables sont groupées à proxi- mité du château, autour d’une première cour, à (45) laspect du levant et du midi. Élles se composent d'une écurie pour les chevaux , d’une étable à vaches et d’une étable à bœufs placées à la suite les unes des autres avec de vastes magasins à four- rage au-dessus, Dans ces étables, nous avons vu vingt-quatre vaches laitières donnant, chaque jour , deux hectolitres de lait; six paires de bœufs qui suffisent à peu près aux travaux de l’exploi- tation, et un nombre considérable de vaches, de génisses, etc. Tous ces bestiaux sont nourris toute l’année à la crèche et sont dans l’état le plus satis- faisant de santé et de propreté. En face de ces étables est l’éeurie destinée aux moutons, au-dessus de laquelle sont placés les greniers à blé. Au milieu de la cour est une fon- taine avec son abreuvoir, et à son extrémité se trouvent les bâtimens de la ménagerie avec de petites arrières-cours attenantes, dans lesquelles on nourrit les porcs, la volaille, etc. À la suite, s'élèvent, en arrière d’une seconde cour, de vastes hangars soutenus par des piliers- colonnes peints à l'huile, de cinq mètres de hau- teur sur un demi-mètre de diamètre à la base. Ils sont placés à trois mètres les uns des autres et donnent à cette construction un caractère de sim- plicité et de grandeur qui rappelle les premiers temps de l’architecture antique. En avant de cette seconde cour est une plate- forme circulaire qui sert au battage des grains et (46) au-dessous de laquelle sont de vastes celliers voütés pour la conservation des fourrages-racines et des pommes de terre. Enfin, derrière les han- gars sont adossés les bâtimens destinés à recevoir la vendange , et où se trouvent les cuves et les pressoirs, L’une de ces cuves peut contenir 1800 pots (212 hectolitres), une autre 1500 pots (180 hectolitres); d’autres plus petites servent à recevoir le surplus du produit des vignes que M. de Macheco espère porter sous peu à environ Gooo pots (700 hectolitres). Les caves sont situées au-dessous, de sorte que le vin sortant des cuves et du pressoir est conduit au moyen de tuyaux dans les futailles destinées à le recevoir. Les bâtimens isolés de lhabitation principale sont des étables à bœufs placées au milieu des prairies naturelles ou artificielles, dans le but de faire consommer les fourrages sur place et de diminuer les frais de transport des fumiers. Dis- posés et construits de manière à contribuer à la décoration du paysage, leur emplacement a été néanmoins principalement déterminé par la pos- sibilité d'y amener des eaux de source et celles des aqueducs et des tranchées remplies de pierres qui ont été pratiquées, pour l'écoulement des eaux sauvages et l’assainissement des pièces de terre voisines. Ces eaux, sont distribuées de ma- nière à abreuver les bestiaux et à entraîner avec elles les principes fécondans des urines et des (47) fumiers dans de grands réservoirs souterrains pourvus d’empellemens au moyen desquels, tour à tour retenues ou làächées selon le besoin, elles vont porter dans les prairies naturelles la fertilité et la vie. Le plus remarquable de ces bâtimens est celui qui est placé à mi-coteau, sur un point plus élevé que le château, et auquel on a donné le nom de Grand-Chalet. C’est dans cette construction d’un effet gracieux et pittoresque que brille surtout le goût de M. de Macheco. Elle a la forme d'un carré long décoré sur trois côtés de fenêtres en plein ceintre reposant sur un cordon qui règne tout autour et donnant le jour à un grenier à fourrages. Ces trois côtés sont soutenus par de petits piliers peints en jaune, Le quatrième côté est décoré de quelques pilastres qui portent sur le sol au niveau du premier étage; ce qui donne à l'édifice, vu de ce côté, l’aspect d’un petit tem- ple et permet en même temps aux chariots d'entrer dans le grenier à foin. Le même goût, la même intention de réunir l’agréable à l’utile se retrouvent dans les autres bâtimens dits le Palais, la Bergerie, le Cuvage; ces élables, jointes à celles de l'habitation princi- pale, peuvent loger 140 bêtes à corne. Vers le fond du bassin, en face du château et à l’extré- mité du large canal dans lequel toutes les eaux viennent se réunir après avoir déposé, à la volonté (46) du maître, les principes fertilisans dont elles étaient chargées, est encore un moulin à l'usage de la colonie. Enfin , les collines qui dominent ce merveilleux ensemble sont décorées de rofondes ou de belvédères qui annoncent au loin que là est un homme qui sait goûter les charmes de la cam- pagne , l’embellir et montrer en même temps tout ce qu’elle peut produire d’utile. $&. III. Distribution intérieure des étables. La distribution intérieure des étables d’Alleret mérite aussi quelque attention. Celle qui tient à l'exploitation principale et que nous choisissons pour exemple est divisée en trois compartimens. Elle a 70 mètres de longueur sur 9 mètres de large. Ses eaux s’écoulent par une double pente vers chaque extrémité du bâtiment, au moyen de deux rigoles qui règnent dans toute sa longueur, laissant entr’elles un espace ou chemin de deux mètres de large pour la facilité du service. Elles sont assez près des bestiaux pour recevoir les urines, avant que la litière en soit imprégnée et aboutissent à l’orifice de deux canaux souterrains fermés à fleur de terre par deux petites grilles. C’est par là que les urines vont se mélanger avec le trop-plein,de la fontaine et les eaux de pluie amenées des collines environnantes dans un grand aqueduc qui traverse ensuite la première cour, la bergerie; et aboutit à un immense puisard , véri- (49) table nourricier des prairies , au haut desquelles il a été creusé. A l’exception des chevaux, les autres animaux sont rangés à droite et à gauche dans la longueur de l’étable. Les rateliers sont placés assez bas; une large ouverture qui règne le long des murs dans le plancher des greniers à fourrages permet de jeter en une brassée la ration de chaque animal et établit une circulation d’air très-favo- rable à la santé des bestiaux. Trois fois par jour, le matin, à midi et le soir, on leur donne de la paille fraiche. Les fumiers sont exactement enlevés deux ou trois fois la semaine. On a déjà vu que M. de Macheco a adopté le système de la stabulation permanente. Pour assurer celte partie du service et diminuer , autant que possible, les frais qu’entraine ce mode de nourriture si avantageux sous tant d’autres rapports (1), il garde, pendant tout l'été , un faucheur qui suffit pour 40 à 45 têtes de bétail, (1) & La stabulation permanente, » dit notre correspondant, M. Grognier, professeur à l’école vétérinaire de Lyon, dans un ouvrage sur l’hygiène des animaux, dont il vient de paraître le premier volume, « la stabulation permanente exige plus de » bras, d'attelages, des étables plus grandes, plus de mise de » fonds, plus d'intelligence, plus de soin; on s’en abstiendra » partout où l’on manque de tout cela, » Et l’on s’en tiendra au pâturage, quand on n’aura pas la » volonté ou les moyens de cultiver avec sagesse et vigueur, » 4 (50) et qui est payé en proportion du nombre. Les gages des vachers et des gardiens qui soignent les écuries sont établis d’après la même base. Ces derniers sont chargés d'aller chercher le fourrage sur place, de le distribuer , d’abreuver , de renou- veler la litière, etc. On a eu la précaution de pourvoir chaque étable d’une cloche pour demander du secours lors des accidens assez fréquens dans la saison où l’on donne le vert; d’une boîte renfermant ce qui est nécessaire pour se procurer du feu; d’un tro- cart dont on a appris au gardien à faire usage lorsque les effets de la météorisation ne cèdent pas d’abord aux moyens indiqués, etc. &. IV. Ménagerie. | Les mêmes soins ont présidé à tous les détails de la ménagerie. C'est là qu'auraient pu être absorbés tous les résultats des plus magnifiques théories parfaitement mises en pratique. Et c’est là qu'il faut venir étudier tout ce que peuvent l’ordre et l’économie. Un fourneau économique dans lequel on pré- pare la soupe et les autres alimens est placé à Pun des angles de la cuisine. Dans un autre coin se trouve un petit cabinet vitré où se tiennent habituellement la fille de confiance et ses aides. Ce sont ces deux ou trois filles qui, parfaitement instruites de ce qu’elles ont à faire, procèdent au (51) pesage du pain, de la viande , à la préparation des alimens, à leur distribution entre les domes- tiques et les ouvriers, pour que chacun d'eux m’ait ni plus ou moins que ce qui doit lui revenir. On sait ainsi chaque jour , selon le nombre des bouches à nourrir, quelle est la dépense totale à faire. Tous ces détails s'inscrivent sur un registre qui fournit tout à la fois des moyens de contrôle et d’utiles renseignemens, La boulangerie est attenante à la ménagerie. On y engraisse annuellement douze à quinze porcs destinés à la consommation de la maison. Un jar- din de plus d’un hectare fournit, en abondance, toutes sortes de légumes. On trouve dans le pro- duit des vignes de quoi distribuer, de temps en temps , et surtout dans la saison des travaux, quelques rations de vin. La nourriture est saine, variée, en quantité suffisante et pourtant sans dila- pidation possible. Aussi tout le monde paraît heureux à Alleret. La bonne santé des ouvriers, leur figure joyeuse, leur respect pour le maître, le silence qui règne dans leurs repas , tout annonce l’ascendant de l’homme capable, de celui qui ne spécule pas sur le bien-être de ceux qui le servent. C’est surtout dans leurs réunions qu'il faut les voir, lorsque ce maître, sa femme ou la demoiselle du château apparaissent au milieu d'eux, les appelant par leur nom, leur parlant de leurs affaires et de (52) leurs enfans, leur tendant la main avec affabilité. Il est impossible de ne pas être touché de ce spectacle si rare et qui fait si bien l'éloge des uns et des autres. $&. V. Travaux d'amélioration. On a déjà vu par ce qui a été dit des cons- tructions rurales disséminées dans le bassin d’Al- leret, comment M. de Macheco est parvenu, par l’heureux choix de leur emplacement, à y ratta- cher tout un système d'irrigation dont la per- fection ne laisse rien à désirer et à amener ainsi ses prairies naturelles au plus haut degré de fertilité. Mais ce n’était là que la moindre partie des améliorations qui ont été exécutées. D'après divers renseignemens recueillis par votre com- mission, il paraît que cette terre, avant sa restau- ration, était exposée à de grands dégâts occasionés par les eaux sauvages; que les meilleurs champs étaient couverts de pierres, de ronces, ou gâtés par une humidité surabondante, et que sur un grand nombre de points ils ne présentaient qu’une couche de terre à peine suffisante pour les plus chétives récoltes. M. de Macheco eut donc d’abord à s’occuper de détourner les eaux qui, lors des orages et des grandes pluies , descendaient en torrens des pentes environnantes. Il fit ouvrir, au fond des (55) bois qui couronnent ces pentes, de larges tran- ches dirigées transversalement , de manière à rompre l'effort des eaux et à les amener dans de vastes puisards où s'arrêtent d’abord les gros matériaux et où elles déposent du limon que lon en retire de temps en temps pour les répandre au haut des champs voisins. Ces eaux sont ensuite reprises et conduites par des tranchées remplies de pierres et par des aqueducs souterrains inter- rompus, d'intervalles en intervalles, par des creux où elles déposent encore du limon, jusqu'aux réservoirs placés à proximité des étables ou dans le grand canal. C’est en multipliant ces tranchées (vulg. rases pierrées), qu'il est devenu possible de rassainir toutes les terres arables et de les purger en même temps d’une partie des pierres qui les couvraient. Le reste a été employé à former, dans toute l'étendue des chemins qui circulent dans le bassin d’Alleret , des encaissemens de trois à quatre pieds de profondeur, dont la terre qu'on en retirait a servi à bonifier les pièces adjacentes. Plus de 80,000 fr. ont été dépensés en journées pour ces épierremens , indépendamment du travail des domestiques et des bestiaux de la ferme. On ne trouvera pas d’exagération dans cette dépense, si l'on considère la quantité de pierres qu'ont dû fournir les défoncemens partiels auxquels M. de Macheco a successivement soumis, depuis 27 ans, (54) la plus grande partie de ses terres arables, et que c’est à ce prix seulement qu'il a pu les amener au degré de netteté désirable. Ce serait ici le lieu de décrire le procédé simple et ingénieux au moyen duquel ce travail ; vérita- blement immense , a été exécuté. Mais déjà vous avez décidé que l'instruction qui vous a été adres- sée à ce sujet par M. de Macheco, serait insérée dans vos prochaines Annales, et qu’elle serait imprimée à part pour être envoyée à toutes les mairies du département. Votre commission se bornera donc à insister ici sur l'importance de cette opération. Personne ne méconnait en effet les grands avantages des défoncemens et quelle heureuse influence la profondeur du sol exerce sur la végétation; mais personne n’ignore aussi et on peut, à cet égard, en appeler à l'expérience de tous les agriculteurs, combien ce genre d'amé- lioration est ruineux par le procédé ordinaire. C’est donc contribuer essentiellement aux progrès de l’agriculture dans notre pays, que d'y propager la connaissance du mode économique de défon- cement partiel et successif qu'a imaginé M. de Macheco et qu'il a employé avec tant de succès pour l'établissement des prairies artificielles et des autres cultures améliorantes sur lesquelles repose son plan d’assolemens. » (55) $&. VI, Assolement et produits. « Parle mot d’assolement, pris dans son accep- tion la plus rigoureuse, onentend, ditSchwerz, une rotation dans laquelle deux récoltes de céréales se suivent le moins possible immédia- tement, mais où une récolte qui salit ou durcit le sol est suivie d’une autre qui le nettoie ou l'ameublit. L'avantage qui en résulte pour les céréales est si palpable, que toute explication à cet égard serait superflue , surtout si, comme de raison, l’on considère la céréale comme récolte principale et l'autre comme récolte préparatoire à celle-ci.‘ » Mais, dit aussi cet habile agronome ; un homme sensé ne se laisse pas conduire aveu- glément par le système qu'il a adopté; c’est lui au contraire qui sait le gouverner... Les écarts qu'il se permet et les moyens judicieux qu'il emploie pour revenir à la route qu'il s’était tracée, font plus que tout autre chose recon- naître l’agriculteur qui pense. » Tels sont les principes que l’on pourrait regarder comme ayant servi de guides à M. de Macheco, dans sa théorie et dans sa pratique, si ses premiers travaux n'avaient précédé de plus de vingt ans la publication de l'excellent ouvrage qui vient d'être cité. Le système qu'il a adopté tient à la fois de ( 56) l’agriculture d’assolernens par la continuelle alter- nation sur les terres arables, entre les céréales et les plantes fourragères et améliorantes, et de l'agriculture céréale proprement dite par la grande étendue de prairies qu'il a soigneusement conservées et améliorées, afin d'augmenter la masse de ses engrais. L’assolement qu'il suit depuis long-temps est théoriquement de six ans. Il est simple, productif, n’exige qu'une seule fumure et une seule récolte sarclée pour maintenir les terres dans l'état con- venable de netteté et de fertilité. Cependant M. de Macheco reconnait que , dans la pratique, l’ordre de rotation établi n’a pu être toujours invariablement observé, et qu'il a été souvent obligé de le modifier d’après les chances des saisons, la réussite des semis et les nom- breuses contrariétés auxquelles le plus habile ne peut se flatter d'échapper. Il lui a été également impossible de maintenir la division de ses terres en six soles égales, soit par la substitution de la luzerne et de lesparcet au trèfle, et le plus ou moins de durée de ce dernier, soit par l’applica- tion partielle qu’il fait de la jachère, lorsqu'il la juge indispensable pour nettoyer ou reposer le sol, ! On ne considérera donc l’apercu suivant que comme une règle théorique que cet agronome s’est proposée pour l’ordre à suivre dans la suc- cession des cultures qui composent son assole- LA (97) ment, mais dont il ne craint pas de s’écarter momentanément toutes les fois que les circons- tances l’y obligent. Première année. Pommes de terres, betteraves, raves, carottes, fèves, haricots, colza et toutes autres cultures fumées et binées, sarclées à la houe ou à la main. C’est sur cette première année que roule, en quelque sorte, tout l’assolement d’Alleret: Rien n'est négligé pour fumer et préparer les terres : elles sont profondémentremuées avant et pendant l'hiver avec la Dombasle. Dans les terres fortes on y enfouit en même temps le fumier. Celles des- tinées aux raves sont particulièrement soignées. Elles sont labourées avant l'hiver. Le fumier long y est amené en sortant de l’étable, étendu par des femmes dans les sillons et recouvert à la charrue. Cette culture en consomme beaucoup. Pour le colza, on emploie au contraire du fumier con- sommé, On ne fait de pommes de terre que pour la consommation de la maison, parce qu’elles sont regardées comme épuisantes. Les betteraves sont semées à la raie sur des fromens fumés. Les hari- cots sur des terres riches et profondément défon- cées, où les raves réussissent aussi admirablement. Toutes ces cultures recoivent de fréquens binages et sarclages, afin d'empêcher les herbes nuisibles de venir à graine. Seconde année. Froment d'Odessa, ou céréales de printemps. (56) Le froment est semé de préférence sur les betteraves, les fèves et les carottes. L’orge sesème sur les ravières, après y avoir mis le parc et sur les autres cultures. C’est avec les céréales de prin- temps que l’on mêle la graine de trèfle, de luzerne et d’esparcet. Le froment d’Odessa est le seul cultivé à Alleret. IL y réussit parfaitement, même sur les terres fatiguées. Il est moins sujet à verser que le fro- ment ordinaire. Il pèse 1/15 de plus, sa farine est plus blanche; sa paille, plus pleine, est préférée par les chevaux. IL s’égrène facilement et on doit le moissonner avant sa maturité. Ce froment a rendu, en 1632, 17 pour un et 15 pour un sur les défoncemens nôn fumés et sur trèfles rompus à leur seconde année. Troisième année. Trèfle. C’est la base d’une bonne culture, parce qu’à de beaux trèfles succèdent toujours de beaux fro- mens sans fumer. Lorsqu'ils sont clairs ou infestés de mauvaises herbes, on les rompt dès cette pre- mière année, à mesure qu'on fauche la première herbe ou la seconde. Quatrième année. Trèfle. Il n'est conservé cette année qu’autant qu'il est très-beau et parfaitement garni. Encore ne le fauche-t-on qu'une seule fois. On l’enterre ensuite à demi-croissance de sa seconde herbe. Les trèfles, luzernes et autres fourrages légu- ( 39 ) mineux sont ordinairement plâtrés; on a remarqué qu'indépendamment de l'accroissement de vigueur de leur végétation, les récoltes qui succèdent aux fourrages plâtrés sont toujours plus belles qu'après ceux qui ne l'ont pas été. Cinquième année. Froment et seigle. C’est encore du froment d’Odessa que l’on sème sur les terres qui ont de la consistance. Le seigle est mis sur les terres légères. L'un et l’autre sont soigneusement sarclés à la main. Sixième année. Froment, seigle, avoine, vesces, pois, sarrazin, etc. Semer encore cette année du froment et du seigle paraîtra contraire à la règle qui veut qu'on ne place que le moins possible deux céréales im- médiatement l’une après l’autre. Cependant cette récolte est toujours fort belle, par suite sans doute de l'influence du trèfle qui se prolonge jusqu’à cette seconde année. On ne peut done douter que cet assolement ne maintienne les terres dans un état permanent d'amélioration, Voyons actuellement quels sont ses produits. Lors de notre voyage à Alleret, nous y avons trouvé les récoltes approximativement distribuées comme il suit : 50 hectares en froment ou seigle; 7 ———- en orge; Céréales. 9 ——-— en ayoine; ) ( 60 ) 4'hectares en pommes de terre; 4 ——-— en betteraves ou carottes; 2 ——-— en fèves; Cultures amélio- rantes, fumées, à binées , ou sar- ——-— en haricots; clées L ——-— en vyesces ; 2 1 1 ———- en colza; 4 ——-— destinés aux raves; 12 hectares en luzernes de tout âge; s 12 ———- en trèfles, etc. ; Fourrages. 9 ———- en pois, sarrazins, vesces, etc. 8 ——- en jachère. 125 hectares de terres arables. 2/12*$ de ces terres étaient donc couverts de récoltes améliorantes. 3/12° de prairies artificielles et autres fourrages. 6/12°$ de céréales. 1/12° en jachère. Le produit présumé des céréales, d’après des calculs très-modérés, basés sur la quantité d’hec- tolitres ensemencés et sur l’apparence des récoltes, était de 1200 hectolitres de froment, de 1000 hec- tolitres de seigle, orge et avoine; total 2200 hec- tolitres qui, divisés par 66, nombre d'hectares occupés par ces diverses espèces de grains, donnent un produit moyen de 33 hectolitres par hectare, c’est-à-dire, le maximum assigné par M. Matthieu de Dombasle, aux récoltes de céréales. Quant aux produits des terres arables tempo- rairement couvertes de prairies artificielles, c’est dans les bénéfices résultant de l'élève et de l’en- graissement des bestiaux qu’il faut en chercher le (61) chiffre , en faisant toutefois attention que ce chiffre représentera en même temps le produit des prairies naturelles et des terres cultivées en racines. Il se composera donc des bénéfices annuelle- ment réalisés : 1° Sur 60 vaches laitières nourries à la crèche et au vert une grande partie de l’année. 20 Sur l'élève d’un nombre proportionné de de taureaux et de génisses provenant de races choisies du Cantal et du Mezenc. 3° Sur un troupeau de 250 à 300 moutons engraissés en deux saisons sur les prés et les trèfles coupés. 4° Sur l’engraissement d’un certain nombre de bœufs achetés en septembre pour ronger les der- nières herbes, et engraissés avec du foin et des racines. En 1832, 42 de ces bœufs furent conduits à Lyon et vendus avec un bénéfice net de 3o fr. par tête, en sus des prix qui en avaient été offerts à la foire de Saint-Georges-d’Aurat. 50 Enfin, sur 100 à 150 vaches engraissées au vert et à l’étable. Ce mode de consommation des fourrages est regardé comme étant le plus lucra- tif, et il serait employé exclusivement si la vente des vaches grasses était aussi assurée que celle d’un pareil nombre de bœufs. D’après des calculs comparatifs faits avec beaucoup de soin, elles laisseraient un bénéfice de 50 à 60 francs par tête, (62) tandis qu’un bœuf ne rapporte pas plus de 60 à 70 francs, C’est d’après ces données et en évaluant l'étendue de prairies artificielles dont l'herbe a été consommée par chaque tête de bétail, que M. de Macheco a reconnu que lhectare de trèfle rapportait 250 à 280 francs, et celui de luzerne 300 à 350 francs. Et pour obtenir ces riches produits, nous vous avons déjà dit qu'il suffisait de six paires de bœufs auxquels on ajoute seulement un couple ou deux de jeunes taureaux au moment des semailles, et une ou deux paires de vaches pour le transport journalier des fourrages et des fumiers. Voilà, certes, un système de culture amené au plus haut point de perfection et dont les résultats doivent offrir un ample dédommagement des dépenses de tout genre qui ont été faites pour parvenir à l’établir. C’est à cette pensée hardie qui, lorsque tout était à créer, osa concevoir un aussi grand projet; c’est à l’esprit ferme et persévérant qui sut l’exé- cuter ; c’est à l’agronome animé du désir de répandre autour de lui des germes de perfection- nement qui, il nous est aujourd'hui permis de l’espérer, ne seront pas perdus, que votre com- mission vous propose de décerner, en séance publique, votre grande médaille d’or comme un témoignage d’admiration et de reconnaissance. Vous ne laisserez pas échapper cette occasion (63 ) de récompenser en même tempsle mérite modeste, l’ouvrier fidèle, intelligent et désintéressé qui, pendant 25 ans, seconda dans une sphère subor- donnée les travaux de son maître. C’est à ces dif- férens titres, justifiés par le témoignage de M. le comte de Macheco, dont il fut en quelque sorte le bras et qui plus d’une fois l’associa à ses vues, que votre commission vous propose encore d’ac- corder une médaille d’argent à Joseph Costérisant, chargé des détails de l'exploitation d’Alleret. A AA AA A AV VA VV AA AS AU AU UMA A A AU MA AAA VUS AU M LETTRE De M. le comte de Macheco, à M. le Président, sur les défoncemens. ESS —— MONSIEUR LE PRÉSIDENT, J’applaudis bien sincèrement à la pensée toute philantropique de la Société d'Agriculture de la ville du Puy, en indiquant des sujets de prix, soit pour des modes de culture, soit pour des semis et plantations si utiles à propager. A l’article 17, je trouve le défoncement partiel et successif des terres arables, d’après le procédé ( 64 ) que jemploie depuis 27 ans. Comme il y a une indication insuffisante dans le mode d'exécution , je crois, Monsieur, devoir vous envoyer une note à cet égard; vous jugerez si elle mérite d’être adressée aux Maires des communes rurales. Les succès que j'ai obtenus à Alleret, me font un devoir de chercher à éclairer ceux qui désirent faire usage de ce procédé, et tâcher de le pro- pager , comme base d’une grande amélioration dans une culture soignée. Les avantages du défoncement partiel et suc- cessif consistent : 19 À donner du fond à la terre; 20 À faciliter Pinfiltration des eaux à une pro- fondeur qui préserve des gelées sur des terrains imbibés, ou de l’effet des coups de soleil qui absorbent trop promptement, en été, les pluies qui n'auraient pu pénétrer assez profondément ; 3° A empêcher, par la division régulière des bancs, que les averses ne réunissent les eaux sur un seul point; ce qui arrive sur les grandes sur- faces presque planes ; 4° les labours deviennent plus faciles et plus prompts sur une terre défoncée à 15 pouces. J'ai reconnu que deux paires de bœufs, ou deux charrues, faisaient mieux et autant d’étendue que trois charrues sur un sol non défoncé. 5° Après le défoncement, on peut se dispenser de mettre du fumier pendant deux ans. Les terres (65) neuves ou rapportées , d’une profondeur de 15 pou- ces, renferment généralement plus de sel végétal que les fumiers d’étable. Cette économie est déjà plus considérable que le prix du défoncement. Pour une fumée complète , il faut six voi- tures de dix quintaux , pour un espace de 225 toises. Au prix de 8 fr., non compris la con- duite, c’est 18 fr.; lorsque, pour le même espace, le travail du défoncement ne coûte que 10, 12 ou 13 francs, selon la nature du terrain. 6° L’épierrement qui résulte de ce travail, faci- lite l'établissement des prairies arüficielles, Les pierres trouvent encore leur utilité, selon leur volume, ou à des constructions, ou à des fossés souterrains, pour les dessèchemens. 7° Non-seulement on obtient des grains plus beaux, plus nets, mieux nourris, mais l’accrois- sement des pailles est prodigieux. C’est donc une nouvelle source d'engrais. 80 À tous ces avantages , ajoutez celui de donner de l’occupation, dans les saisons mortes, à cette masse de bras qui, faute d'ouvrage chez eux, vont en chercher dans les provinces éloignées; nous connaissons tous les funestes résultats de l’émi- gration des habitans des campagnes. 9° Une dernière considération, qui sera appré- ciée par l'administration du frésor, c’est celle de voir le sol augmenter d’une valeur presque incal- 5 ( 66 ) culable, après avoir subi un défoncement suc- cessif. Il est positif qu'à Alleret, les produits ont plus que doublé par l'effet de cette opération, tout en diminuant d’un tiers le travail et le tirage, la terre se versant mieux et présentant moins de résistance. Cet exemple, suivi plus particulièrement par les habitans de la commune dont ma propriété dépend, démontre tous les avantages que je viens d’énumérer. Moyens que j'emploie pour le défoncement partiel et successif. Le champ destiné à recevoir un premier défon- cement est divisé ou tracé, au moyen de la charrue, par liste ou banc, de 16 pieds en 16 pieds. L'ouvrier qui prend ce travail à la tâche ou prix fait, est chargé de faire la seconde ligne parallèle à cinq pieds. La bèche, la pioche, ou même la charrue, sont les instrumens qu’on emploie pour soulever la terre; puis elle est rejetée, autant d’un côté que de l’autre, sur l'espace du milieu désigné sous le nom de banc. On doit observer dans le marché, que la terre sera élancée de manière qu'il reste une banquette ou espace de 18 pouces de chaque côté du fossé qu’on ouvre; cette banquette est réservée pour y placer les pierres qui se ren- contrent dans le défoncement, et laisser le fossé (67) libre pour le passage des voitures qui doivent (l'ouvrage fini) venir relever les pierres. Pour engager l’ouvrier à séparer ces pierres , on lui donne deux sous par voiture, ‘ou sur l'évaluation approximative. Le propriétaire et l’ouvrier gagnent à cette prime, qui tend à débarrasser le terrain et à le rendre plus propre à être converti en prairies artificielles. Lorsque les ouvriers ont été soigneux à élancer la terre autant que possible au milieu du banc, celui-ci, la rase et la banquette , doivent repré- senter ce plan coupé : c b ne” : ren E a Fossé. b Banquette. c banc. Il paraîtra fort difficile, au premier apercu , que la charrue et les bœufs surtout, puissent labourer l’intérieur de la rase ou fossé, puis arriver contre la banquette ; un des bœufs doit monter sur celle- ci pendant que l'autre reste dans le fossé. En effet, il y a cette première raie qui est pénible à exé- cuter , surtout lorsque le conducteur de la charrue est à son premier essai; mais bientôt la difficulté est surmontée, et le grand avantage qu’on finit par obtenir de cette excellente opération, fait tout entreprendre. Après ce premier labour, le seul'un peu difficile à exécuter, le second doit se donner encore en montant et descendant. Ce n’est que par la suite qu’on les prend en diagonal. ( 68) Si la terre est de bonne qualité, que le défon- cement ait été fait en hiver, ce qui supposera le terrain suffisamment cultivé , on peut mettre comme première récolte des fèves blanches, des raves ou turneps, des betteraves si précieuses par le fourrage qu’elles procurent dès la fin de l'été, et dont le tubercule produit si avantageusement l’engrais du bétail. Je ne conseille pas la pomme de terre comme début sur des terres défoncées; elle les épuise: je pense qu’il faut attendre à la troisième récolte, qui est celle où il convient de mettre des fumiers. L'expérience m'a démontré qu’en laissant passer l'été à mes défoncemens, pour les ensemencer en céréales d'hiver, j’en avais été largement récom- pensé par une récolte de 12, 14 jusqu’à 17 fois la semence. Après celle-là suit une récolte de printemps, el ce n’est qu’au troisième ensemen- cement que je mets du fumier. Dans mon asso- lement , l’engrais donné à la terre ne revient qu’à la sixième année de produit. Lorsqu’au bout de 6 à 7 ans, les labours ont ramené le nivellement du sol , on reprend la même opération de défoncement dans les parties intermédiaires qui étaient les bancs. Alors on sera parvenu à la perfection de ce genre de travail. D’après cela, les charrues à la Dombasle pouvant fonctionner sans obstacle, le travail en sera prompt et peu dispendieux. (69 ) Il faut observer que toutes espèces de terre ne sont pas propres aux défoncemens. Sur les 15 pouces de profondeur que je donne aux rases, si l'argile ne se rencontre qu'aux trois derniers pouces de profondeur qu'ont les fossés, la proportion ne nuira pas au mélange qu'il s’en fera; mais c’est alors le eas de laisser passer lété à ces terres remuées , sans Les rernuer. Il est inutile d'observer que si des bancs de pierres trop agglomérées se rencontrent, ce ne serait plus un travail d'économie à entreprendre. Au surplus, on peut s’en rapporter à l'intérêt par- ticulier pour faire ces essais. Ce qui est bien démontré aujourd’hui , c’est que la terre d’Alleret et les propriétés de ceux qui ont suivi ce même mode de culture, sont portées à un très-haut degré de prospérité, “mé © De DD De mme (70) A AAA APS AA A A AV AAA AA AA AAA A AA AAA AA ANA AAA AN VA EXTRAIT D'un Rapport fait à la Société par M. Tarpy, médecin , sur un Journal de la Soëiété d'Agriculture de Carcassonne. PROCÉDÉ CURATIF DE LA POUSSE DES VINS. Prenez, pour un hectolitre de vin poussé, acide sulfurique à 66 degrés (huile de vitriol), de deux à quatre gros; Acide tartrique une once à une once et demie; Racine d’Angélique coupée en petits morceaux, un gros; Iris de Florence, un gros; Benjoin, un demi-gros ; Mettez les aromates dans un petit sac de toile fine. Versez d’abord l'acide sulfurique dans le tonneau, remuez-le fortement; ajoutez-y ensuite Pacide tartrique, et mêlez encore : introduisez enfin par la bonde le petit sac contenant les aro- mates, en le suspendant au moyen d’une ficelle que vous attacherez au dehors, afin de pouvoir retirer le sac; lorsque le vin aura pris suffisam- ment le parfum, c’est-à-dire après huit ou quinze [y jours , fermez légèrement la barrique avec le bouchon. Laissez le tout en cet état pendant trois semaines ou un mois environ. Le vin aura repris sa limpidité, sa qualité primitives ; alors vous pourrez, si vous le jugez à propos, le transvaser et le clarifier comme à l'ordinaire. Sile vin n’était pas encore limpide, attendez pendant quelques jours, après quoi vous le col- lerez; la clarification étant opérée , vous soutirerez la liqueur. Si le mauvais goût n’avait pas encore disparu, plongez y un second sachet contenant les aro- mates que nous avons indiqués. Dans le cas où le vin serait très-fortement altéré, il faudrait augmenter la dose d'acide sul- furique, de manière cependant qu'on n’excédera pas la proportion d’une once par hectolitre de vin. Il faut toujours cesser de verser l’acide sulfu- furique, dès que l’effervescence occasionée par cette addition commence à diminuer. Si, au contraire, le vin n'avait qu'un commen- cement d’altération, on pourrait le rétablir en y mettant seulement une once d’acide tartrique en poudre. C’est même le moyen quedoivent employer les personnes qui craindraient de faire usage de l'acide sulfurique. Il est très-douteux que les vins des vignobles du Puy pussent supporter l'acide sulfurique ; mais l'application des principes de ce mémoire peut (922 trouver sa place dans la grande consommation des vins étrangers qui se fait au Puy. Dans les cas où le vin n’est pas trop altéré, on recommande fortement, pour le rétablir, de ver- ser dans le tonneau un seau de bon vin qu'on aura fait bouillir; le vin, quinze jours après, aura repris sa première qualité. Si le tonneau contient plusieurs hectolitres (trois ou quatre) de vin poussé, on doit ne prendre que le minimum de la dose du remède indiqué. On ne peut préciser la quantité des substances à ajouter au vin, puisqu'elle dépend du degré de l’altération de la liqueur. Si l’on a de bonne lie fraîche d’un vin généreux et fin, il sera très-avantageux de la mettre dans le tonneau du vin poussé. Si le vin poussé est en bouteilles, il faut le transvaser dans un tonneau et opérer comme nous l’avons dit. Le tonneau où l’on fait l'opération ne doit pas être rempli à plus des trois quarts, et on ne doit pas le fermer exactement dans la crainte qu'un dégagement trop abondant de gaz n’en fasse éclater les fonds. On devra pratiquer, à côté de la bonde, un fausset de deux lignes de diamètre que l’on couvrira de temps en temps, mais le moins possible. On devrait même se servir de préférence d’une sorte de soupape de sûreté disposée ainsi qu’il suit: Deux ou trois minutes après avoir agité le ton- (75) neau, vous Ôterez la bonde avec précaution et vous mettrez à sa place un tube recourbé en ferblanc, ayant la forme d’un siphon ou d’un x renversé (n) d’un pouce de diamètre; une des extrémités de ce tube sera insérée, assujétie et luttée dans l'ouverture de la bonde, et l’autre devra plonger d'environ huit pouces dans un vase rempli d’eau. En réduisant au quart la dose des substances prescrites, on guérit facilement les vins qui n’ont contracté que le goût d’amertume ou d’absinthe, ceux qui commencent à devenir gras. Il est une maxime recue de tous les œnologistes, c'est qu'en général il ne faut pas tarder à faire la consommation des vins rétablis par l’art. Moyen d'enlever au vin le goût de füt et de moisr, et de rétablir en bon état les tonneaux qui en sont restés imbibés. L'auteur du mémoire avait versé 4 à 5oo litres de vin dans des futailles où il était resté un dépôt de moût blanc qui, par sa décomposition, avait donné un mauvais goût aux futailles et par suite au vin; il l’avait transvasé provisoirement dans une barrique qui avait contenu de lhuile d'olive, pour distiller ce vin, et en extraire de l’eau-de- vie; voulant y procéder, il ne fut pas peu étonné (74) de retrouver son vin dans l’état naturel, sans odeur ni mauvais goût. Il résulte d’un mémoire présenté dernièrement à l’Académie royale de médecine, par M. Pommier, pharmacien, qu'il était parvenu à enlever à un vin le goût et l’odeur de fût ou de moisissure en versant trois ou quatre onces d’huile d'olive fine dans 100 litres de vin, ainsi détérioré, et en agitant fortement le mélange ; puis il laissa reposer le tout, afin de séparer les deux liquides : son vin resta sans mauvaise odeur ni mauvais goût. L'Académie nomma deux commissaires pour constater le fait par une nouvelle expérience. A défaut de vin ayant le goût du füt, ces com- missaires en ont préparé artificiellement , en mélangeant dans du vin ordinaire des moisissures de tonneau; ce vin en prit l’odeur et la saveur désagréables. On y mêla, avec forte agitation, de Phuile d'olive, et après deux heures de contact, on filtra pour séparer l’huile, le vin passa pur, exempt totalement de l’odeur et du goût du moisi qu'il avait contracté ; les commissaires ajoutent que M. Lejoux , secrétaire de la Société d’Agri- culture de lArriège , a recommandé d’enduire d'huile d'olive l’intérieur des vieux tonneaux moisis , afin que le vin qu’on y mettra ne s’im- prègne point d'une odeur et d’une saveur ré- pugnantes, et qu'il reste potable. Il est donc bien démontré que les huiles grasses (75) ont la propriété de dissoudre la matière dans laquelle résident l'odeur et le goût de moisi et de les annuller. Cette découverte est un grand ser- vice rendu à l’économie rurale et domestique. Des vins acidifiés. L’aigre est aussi une altération du vin à laquelle il est encore plus difficile de remédier; toute ten- tative devient même inutile, lorsque le vin a subi la fermentation acéteuse à un degré un peu avancé, Il importe beaucoup de protéger les tonneaux des effets de l’acidité, surtout lorsque , ! pour les conserver vides, on les a imbibés de vinaigre; la moindre acidité adhérente à la fu- taille peut altérer le vin, malgré qu'on l'ait bien lavée avec de l’eau froide ou à l’eau chaude. Pour rétablir le tonneau, il faut recourir à un procédé chimique bien simple : Faites éteindre dans un tonneau pénétré d'acide deux à trois onces de chaux vive, en y versant quelques litres d’eau pure; on agite pendant quatre ou cinq jours, puis on lave à grande eau, jusqu'à ce qu'elle sorte limpide : le tonneau égoutté, on le remplit de vin quelques heures après. L'effet s'explique par la formation d’un sel acétique à base , chaux qui se dissout avec facilité dans l’eau. Des personnes intéressées à vendre des barriques qui ont pris le goût du moisi, ont soin auparavant (76) de les imbiber d’un fort vinaigre pour en déguiser l'odeur du moisi;"dans ce cas, pour rétablir la barrique à pouvoir y mettre du vin, il faut se servir des deux procédés que nous venons d’in- diquer ; traiter d’abord l'acidité par le lavage avec la chaux et l’eau; puis après la disparution de l'acide, oindre les parois de la barrique avec de l'huile. ÉCONOMIE AGRICOLE. Effets favorables à La végétation, produits en remuant avec la bèche ou la houe la surface de la terre dans les temps de sécheresse (ce qui paraît un paradoxe). Un cultivateur américain considère les labours donnés à la surface de la terre, dans un temps de sécheresse, comme bien, plus propres à en pré- venir les mauvais effets, que des arrosages qu'il est presque impossible de rendre assez abondans pour la circonstance, et il en appelle a une expé- rience de vingt années qui l’a convaincu de la supériorité des labours sur les arrosages. Cette expérience lui fut confirmée par le fait suivant : Il avait un petit carré de pommes de terre semées dans une terre dont le sable formait envi- ron les trois quarts du sol, dans l'intention d’avoir une récolte de primeur; la sécheresse devint si grande qu'il désespérait de sa récolte : les tiges RP C7) des pommes de terre étaient grèles et faibles. Un jour qu'il faisait encore plus chaud et plus see que les autres, il donna à ses pommes de terre un labour complet, il passa quatre fois la charrue entre toutes les rangées. Quelques jours après, quoiqu'il n’eût pas plu, il eut la satisfaction de voir ses pommes de terre reverdir et elles pous- sèrent comme si elles avaient été abondamment arrosées par la pluie. La rosée, qui était fort abon- dante, s'était déposée sur cette terre nouvellement remuée ; il conclut qu’il faut rendre poreuse , autant qu’on le peut, la terre qu’on a intérêt à ne pas voir trop échauffer par les rayons du soleil; on introduit ainsi de Pair entre les molécules ter- restres, et la rosée y pénètre aussi plus facilement. VV VU VS UV AVR AVS LL VU UV AAA UV IA AAA MA A VA A AV A UV MS > 2 @ RAENSQUANLRE: Des travaux de la Commission chargée d'exa- miner le projet relaiif à la fondation d'une Caisse d’épargnes dans le département de la Haute-Loire. Commissaires : MM. PomrEr, MANDET , DE LEsTANG, MonNTELLIER , DUVILLARS, CALEMARD DE La- FAYETTE, € RICHOND DES BRuS, rapporteur. La Société dagriculture , sciences , arts et commerce de la ville du Puy, qui s’efforce de (78 ) naturaliser dans le département tous les établis- semens utiles, aurait cru laisser sa tâche incom- plète et manquer à sa noble mission, si elle n'avait pas provoqué la fondation d’une caisse d’épargnes à l’usage de la classe ouvrière. Elle pense que cet établissement serait un heureux complément des écoles industrielles dont elle a doté le pays, et qwelle ne peut rien faire de plus avantageux aux ouvriers, après leur avoir donné des connaissances spéciales etles avoir mis en état de rivaliser avecles ouvriers étrangers, que de leur fournir les moyens de placer avantageusement leurs économies et de se préparer un avenir prospère. Les caisses d'épargnes ont pour objet de recevoir en dépôt les petites sommes qui leur sont confiées, de leur faire produire un intérêt qui se capitalise chaque année, et d’aider ainsi les personnes labo- rieuses à se créer une petite fortune. Ce genre de placement a l'immense avantage de convenir à des sommes minimes, d’un franc par exempie, et de laisser à celui qui fait un dépôt la faculté de pouvoir le retirer à volonté, soit en totalité, soit en partie; mais n’eût-il que celui de fournir le moyen de mettre en sûreté les petites sommes dont on n’a pas un emploi immédiat, il serait déjà assez favorable aux intérêts du peuple, pour mériter toute l'attention des hommes phi- lanthropes. L’Angleterre et l'Irlande ont déjà près de 500 ( 79 ) caisses d’épargnes , et le chiffre des sommes qu'elles recoivent en dépôt s’élève à plus de 300 millions. En France, il en existe dans presque toutes les randes villes, et bientôt il y aura peu de dépar- ca qui n'en aient au moins une. Comment pourrait-il en être autrement, lorsqu'on songe aux résultats immenses qu’elles doivent produire ? Combien de petites pièces qui restent inactives dans la poche du cultivateur, de louvrier, du domestique, faute de leur trouver un emploi profitable et immédiat!!! Déposées à la caisse d’épargnes, elles seront en sûreté, porteront in- térêt, et finiront, par l’agglomération successive du capital et de l'intérêt, par former des sommes considérables. On a calculé que deux francs par mois, placés à 5 p'°J,, formaient au bout de quarante années une somme de érois mille francs à peu près. Quel est l’ouvrier, père de famille , qui ayant pour perspective de laisser à ses enfans une telle fortune , car c’en serait une grande pour eux, osera ne pas s'imposer cette petite privation!!! Outre le bien matériel qu’elles produisent, les caisses d’épargnes exercent une influence salutaire sur la moralité du peuple : elles l’accoutument à jeter sur l'avenir des regards qu’ordinairement 1l concentre sur le présent ; elles entretiennent chez lui des habitudes d'ordre et d'économie; elles le font réfléchir sur sa destinée et sur celle de ses enfans ; elles l’arrachent à sa funeste insouciance ( 80 ) et à ses habitudes vicieuses; elles lui inspirent plus de goût pour un travail qui le fait vivre et lui prépare des ressources pour lavenir; elles le rendent enfin attaché à sa famille et ami de l’ordre public qui garantit ses intérêts. Rapport de la Commission à la Societé. 1 MESSIEURS, La proposition qui vous fut faite par un de vos membres dans la séance du 3 août 1831, de fon- der une caisse d’épargnes pour le département de la Haute-Loire, fut accueillie avec trop de faveur dans cette enceinte, pour que la commission que vous avez chargée du soin de s'occuper de cet objet important, eût à examiner l’opportunité et la convenance de cette création nouvelle. Comme vous tous, Messieurs, les membres qui en font partie apprécient les immenses avantages qu’elle peut procurer au pays, et il suffisait que l’expé- rience eût constaté son utililé, pour qu’elle n’eût plus qu’à s'occuper des moyens de lever les diffi- cultés, d’applanir les obstacles et d’en doter au plus vite notre département. Le premier objet qui a dù fixer son attention, a été de savoir comment on. se procurerait les fonds nécessaires pour la fondation et l'entretien annuel de l'établissement. (81) Pour la fondation : il y a nécessairement des frais à faire; il y a un agent comptable à payer, des papiers, des registres à acheter : tous les objets nécessaires à un travail de comptabilité assez complexe à se procurer. Votre Commission, Messieurs , a jugé qu’il serait convenable d'ouvrir une souscription à cet égard, et de la faire précéder de la publication d’un écrit destiné à faire apprécier à tous les citoyens l’im- portance de létablissement que vous voulez fon- der. Elle est autorisée à croire que les hommes éclairés qui auront concouru par leurs dons volon- taires à la réalisation de ce projet utile, seront intéressés à sa prospérité, et useront de l'influence que leur fortune et leurs lumières leur donnent. sur le peuple, pour l’engager à en profiter, et à y venir déposer ses petites économies. Elle a voulu enfin, Messieurs, qu'une institution aussi impor- tante ne füt due qu'à la philanthropie et à la générosité des citoyens, et qu’elle püt servir comme tant d’autres dont notre pays peut s’enor- gueillir à autoriser les protestations que nous pouvons adresser à M. Dupin, contre la teinte lugubre dont il a flétri notre département. Elle propose donc à la Société de s'inscrire en tête de la souscription pour une somme de cent francs , nonobstant le don volontaire et facultatif de chacun de ses membres. Si, contre notre attente, la souscription ne pro- 6 (82) duisait point la somme qui est nécessaire, votre Commission pense que vous pourriez, en toute sûreté, vous adresser au Conseil général ou muni- cipal; car telles sont les preuves de patriotisme qu'ont donné les hommes qui en font partie, qu'elle croit pouvoir regarder comme non dou- teuse leur utile intervention. C’est à ces conseils qu'il faudra s'adresser pour obtenir une allocation annuelle, tant que les bonis faits par l'établissement sur les sommes qui y seront versées ne seront pas suffisans pour cou- vrir tous les frais; mais il est très-probable que ces subventions ne seront pas long-temps né- cessaires. Désirant qu'il soit fait le meilleur emploi pos- _sible des fonds qui seront versés dans la caisse, votre Commission a discuté la question de savoir s’il ne vaudrait pas mieux prêter, avec garanties suffisantes, à des chefs d’ateliers ou à des parti- culiers, que de déposer les fonds chez le Receveur général. Dans le premier cas, un intérêt plus grand pourrait être retiré, et par conséquent les retenues qu'on est obligé de faire sur celui des sommes déposées seraient moindres; mais la ma- jorité a pensé que les opérations d’une caisse d’épargnes et d’un comptoir de prêts doivent être distinctes : que les sommes versées à la caisse doivent toujours être disponibles, et que les rem- boursemens exigés doivent pouvoir être faits sans ( 55 ) délais ce qui serait impossible dans une ville comme Ja nôtre, où le mouvement des fonds ne sera probablement pas très-considérable, etoù les prêts étant forcément faits à échéances détermi- nées , la caisse pourrait se trouver prise au dépourvu. Elle a pensé d’ailleurs que la comptabilité de- viendrait beaucoup trop difficile, que les enquêtes nécessaires pour s'assurer de la solvabilité des 1n- dividus auxquels on préterait, occasionéraient une perte de temps considérable et une responsabilité beaucoup trop forte pour des administrateurs, dont la mission toute gratuite sera déjà assez grave et assez pénible. La Commission vous pro- pose donc de réclamer du Ministre des finances l'autorisation de profiter du bénéfice de l’ordon- nance du 3 juin 1829, c’est-à-dire, de pouvoir placer chez le Receveur général les fonds prove- nant des dépôts. Il s’agissait encore de savoir s’il serait facile de trouver un homme présentant toutes les garanties nécessaires, qui voulût se charger des fonctions d'agent comptable et de trésorier, moyennant une faible indemnité. Votre Commission a acquis la conviction que cette difficulté serait aisément sur- montée, et déjà un de nos collègues a proposé pour cet emploi un candidat qui serait d'autant plus en état de s'acquitter de ces fonctions, qu'elles s’allieraient parfaitement avec la vie reti- ( 84 ) rée et sédentaire qu'il mène, et qu’elles ont de l’analogie avec celles qu'il remplit déjà. Aucune somme fixe ne serait arrêtée pour le moment pour les honoraires de cet agent : le conseil des Direc- teurs la fixerait plus tard et aurait le soin de la proportionner avec le travail que pourra exiger successivement l'établissement, Votre Commission a dû fixer son attention sur les statuts qui devront diriger l'établissement et sur le règlement provisoire qu'il est nécessaire de faire pour arriver à le constituer; elle a cherché à se procurer tous les documens qui pouvaient l’éclairer; elle a médité la notice sur les caisses d’épargnes rédigée par M. A. Prévost, agent géné- ral de celle de Paris; l’instruction publiée sur le même sujet par la Société nationale pour l'éman- cipation intellectuelle, et rédigée par M. Émile Pereire; la notice de M. Félix de Viville, Directeur de la caisse d’épargnes et du mont de piété de Metz, et quelques autres brochures relatives à cet objet. Elle a remarqué quelques différences légères entre les status et règlemens suivant lesquels est administrée la caisse de Paris, et ceux qu’ont adoptés les Administrateurs de certains de ces établissemens en province. Cela devait être et cela se concoit, L'immense développement qu'était susceptible de prendre cette institution au milieu d’une capitale populeuse; la grande masse de (85) fonds sur laquelle on devait agir; la difficulté qu’il y avait à ce que toutes les personnes qui devaient prendre part à Padministration se connussent et s’appréciassent, ont dû nécessiter certaines pré- cautions et certains rouages accessoires qui ne sont point indispensables pour les fonctions ordi- naires de la machine, et dont on peut se passer; votre Commission a cru devoir s'attacher à simpli- fier, autant que possible, les moyens d’exécution, et quoiqu’elle désire laisser aux Directeurs qui seront nommés toute la latitude nécessaire pour faire le règlement qui leur paraîtra le plus conve- nable, elle a pensé que dès-à-présent il était né- cessaire de rejeter ou de modifier certaines dispositions des statuts ordinaires des caisses d’épargnes qui lui ont paru ne pas être nécessaires ou pouvoir nuire à la prospérité, ou à la fondation de Pétablissement projeté. Vous allez apprécier, Messieurs, lPutilité des changemens qu’elle propose. L'article 4 dit : Quiconque aura souscrit une somme de vingt-cinq francs au moins sera Admi- nistrateur. Les souscriptions au-dessous de cette somme ne donneront droit qu’au titre d’associé fondateur. L'article 7 : les Directeurs ne pourront être choisis que parmi les personnes qui auront sous- rit une somme qui ne pourra être moins de cén- quante francs. ( 86 ) L'article 8 : les Directeurs sont nommés par les Administrateurs à la simple majorité des voix, etc. Votre Commission a pensé qu'il était peu conve- nable de mettre des entraves à l'exercice de fonc- tions gratuites et pénibles; que l’on nuirait peut- être au produit de la souscription, en fixant un chiffre pour l'éligibilité, vu que beaucoup de per- sonnes qui, par générositéet philanthropie, seraient disposées à faire don d’une somme plus ou moins considérable, pourraient être arrêtées par la crainte de faire croire qu’elles prétendent ostensiblement à Fhonneur de figurer au nombre des Directeurs, ou même par celle d’appartenir au petit nombre des privilégiés parmi lesquels seuls les choix devraient être faits, et de s’exposer par conséquent au désagrément de refuser des fonctions gratuites, si leur zèle n’est point aussi grand que leur géné- rosité. Elle a répugné enfin de consentir à ce que des catégories fussent établies, et à ce que des citoyens distingués par leurs lumières et leur dévouement fussent éloignés même de fonctions toutes de peines, par cela seul que leur fortune ne leur a pas permis de souscrire pour une somme aussi forte que l’exigerait le règlement. Elle a donc décidé qu’on vous proposerait d’ad- mettre, que tous les citoyens qui auront souscrit pour une somme de cinq francs et au-dessus, seront Associés-fondateurs et nommeront directe- ment et à la pluralité des suffrages les Directeurs, — (87) auxquels on n’imposera aucune condition d’éligibi- lité. Votre Commission a si bonne opinion du bon sens et du jugementdeses concitoyens, qu’elle est entièrement convaincue que les choix qui seront faits présenteront toutes les garanties nécessaires. N’appréciant pas l’avantage des administrateurs , elle a supprimé cette espèce de grade privilégié, et a donné le droit d’élire, qui leur était conféré à tous les souscripteurs, à cinq francs. La Commission espère que cette fixation à cinq francs du droit de concourir au choix des Directeurs, ne lui atti- rera pas le reproche qu’elle adresse aux articles du règlement qu'elle modifie, et qu’on reconnaitra qu'obligée de poser une limite, elle ne pouvait la placer d’une manière plus convenable, eu égard aux fortunes du pays. Pour conserver à la Société, fondatrice de cet établissement, un privilége qui perpétue le sou- venir de Pinitiative qu’elle a pris, votre Commission vous propose d'arrêter que son Président fera de droit partie des Directeurs. Il n’y en aura donc que neuf d'électifs, le nombre ordinaire étant de dix. L'article 16 du règlement dit : « Les fonctions » de Directeurs durent cinq années. Les renou- » vellemenss’opèrent par cinquième chaqueannée. » Les Directeurs sortans sont indiqués par le sort » pendant les premières années, et ensuite par » l'ancienneté. » Jusques-là, la Commission n'à (88) rien à observer; elle approuve. Mais voici la fin de Particle : « Le remplacement des Directeurs sortans, » décédés ou démissionnaires, se fait par les » Administrateurs seulement, selon la forme pré- » vue par l’article 6, etc. » Ici se présentait une difficulté. La Société ano- nyme qui va être autorisée à fonder une caisse d’épargnes, le sera parle Gouvernement pour 99 ans; or, Messieurs, chaque année la mort décimant les Associés-fondateurs, il arrivera nécessairement un mowuent où cette réunion exigée par le règle- ment à l'effet d’élire des Directenrs, ou recevoir les comptes de l'administration deviendrait im- possible ou illusoire. D’une autre part, est-il né- cessaire et convenable de former un nouveau corps électoral sujet à des réunions plus ou moins fréquentes, ct obtiendriez-vous de ces élections des résultats toujours satisfaisans ? Votre Commis- sion a été unanime pour penser que cet article devait être remplacé par le suivant, qu’elle vous propose d'adopter. « Une fois la Société constituée, leremplacement des Directeurs sortans, décédés ou démissionnaires, s’opérera sur une liste de présentation de trois candidats par place , qui sera dressée par les Directeurs restans; la nomination appartiendra au Conseil d'administration de la Société d’Agriculture, Sciences , Arts et Commerce du Puy. » ( 89 ) De cette manière , Messieurs, vous conciliez tous les intérêts de l'établissement; et, en effet, il est évident que les Directeurs, qui apprécieront la nature et l'étendue des occupations que leurs fonctions imposent aux personnes qui veulent s’en charger, seront nécessairement en état de juger , mieux que personne, des qualités qui doivent être recherchées chez les candidats, et intéressés qu’ils seront de se donner des collaborateurs zélés et intelligens, puisque la responsabilité pèsera sur eux, ils devront faire de bons choix. D'une autre part, voulant empêcher que les Directeurs ne se perpétuent dans leurs fonctions et finissent par considérer leurs places comme inamovibles, ce qui arriverait s'ils nommaient eux-mêmes, puisque poliment ilsne pourraient faire autrement, que de renommer les Membres sortans, votre Commission a donné le soin de nommer au Conseil d'administration de votre Société, et elle ne croit pas avoir eu tort en lui accordant cette prérogative. N’était-il pas naturel, en effet, que, puisque vous prenez l'initiative dans la création de cet établissement, puisque vous faites la première mise de fonds, puisque de vous seuls partira le premier appel qui sera fait aux souscripteurs, puisque vous aurez fait tous les travaux prépara- toires nécessaires pour fonder et constituer cet établissemont important, il vous restât la faculté de surveiller et de diriger son administration ? La (90 ) prospérité de vos écoles industrielles, l'accroisse- ment journalier de vos collections, l'impulsion utile que vous donnez aux agriculteurs de ce département, ne sont-ils pas des preuves con- cluantes de votre zèle et de votre dévouement aux vrais intérêts du pays, et des garanties suffi- santes des soins que vous donnerez à la bonne gestion de la caisse d’épargnes? Les Membres qui forment votre Conseil d'administration , devant leurs fonctions à vos suffrages, ils sont vos repré- sentans naturels, c’est donc à eux que la Commis- sion a dû proposer d'accorder le droit de faire les nominations. Cependant, Messieurs, comme par suite d’évé- nemens que nous ne saurions prévoir, il pourrait se faire que votre Société füt obligée de suspendre ses travaux, de se dissoudre peut-être, il était né- cessaire de déterminer d’avance à qui reviendrait le droit de nomination qu’elle ne pourrait plus exercer. Votre Commission a pensé que, dans cette hypothèse, il était convenable de le conférer aux Officiers municipaux, c’est-à-dire au Maire de la ville du Puy et à ses Adjoints. Ces magistrats ayant déjà obtenu les suffrages de leurs concitoyens pour faire partie du Conseil municipal et représentant les intérêts de la ville chef-lieu, seront intéressés comme nous tous à la bonne administration de l'établissement, et donneront toutes les garanties nécessaires. Maïs nous avons confiance entière dans. ([ 9) la durée de votre Société; nous espérons que les semences que vous jetez sur la terre natale ne seront point perdues; que la génération laborieuse qui s'élève recueillera précieusement votre héri- tage; que, grâces à elle, les bienfaits de linstruc- tion que vous tâchez de répandre, seront plus généralement appréciés ; et qu’enfin notre pays ne rentrera pas dans l’ornière de la routine et de l'ignorance dont vous avez fait tant d'efforts pour _ le retirer; efforts qui, il faut le reconnaitre avec joie, n’ont point été infructueux. Votre Commission a pensé qu'il fallait laisser au conseil des Directeurs la facultéde s’adjoindre un ou plusieurs des Associés-fondateurs, à défaut des Ad- ministrateurs qu’elle a cru devoir supprimer, mais sans leur accorder voix délibérative ; ce qui modi- fierait légèrement l’article 19 des statuts ordinaires. Elle vous propose de remplacer l'article 21 ainsi concu : « Le conseil des Directeurs formera, dans son sein, cinq comités de deux Membres , lesquels seront alternativement chargés, chacun pendant un mois, de diriger la marche de l'établissement d’après les statuts et les délibérations du conseil des Directeurs. Ce comité s’assemblera à cet effet tous les samedis ; il fera la vérification des pièces comptables, des registres, de la caisse et de l’en- semble des écritures; il proposera au conseil toutes les méêures qu'il croira utiles aux intérêts (92) de l'établissement, et prendra, en cas d'urgence, celles qu'il jugera nécessaires, sauf à en rendre compte au conseil des Directeurs, auquel, dans tous les cas, 1l devra faire chaque mois son rap- port, » par celui-ci : Le conseil des Directeurs formera dans son sein les comités nécessaires pour veiller à la régularité des opérations et présider à la marche de léta- blissement. 11 fera lui-même son règlement inté- rieur. Il rendra chaque année compte de son administration à la Société d'Agriculture. Elle désire également voir substituer à lar- ticle 39, ainsi concu : « Lorsque les Directeurs auront fait au conseil » de direction une demande en révision des sta- » tuts, on devra convoquer à huitaine une assem- » blée générale des Administrateurs. A l'ouverture » de la séance, un des Directeurs fera connaître » la modification qui aura été réclamée, et les » Administrateurs nommeront dix Commissaires » Spéciaux pour statuer sur son opportunité, con- » jointement avec les Directeurs. Les décisions » seront prises à la simple majorité des voix. En » cas de partage, la voix du président sera pré- » pondérante. Si la modification est rejetée, elle » ne pourra être reproduite avant un an. Dans le » Cas contraire, elle fera définitivement partie des » Statuts, sauf le cas cependant où elle changerait » quelques dispositions de Pacte deociété, et où SR — (93 ) » par conséquent l'approbation du Gouvernement » devrait être réclamée, » celui-ci : Il ne pourra être fait de changemens aux statuts de la Société, que lorsqu'il aura été decidé et arrêté par les 3/5m65 de ses Directeurs. La modi- fication adoptée fera alors partie de droit des sta- tuts, sauf le cas cependant où l'approbation du Gouvernement devrait être réclamée. Votre Commission a voulu, par cet article, laisser aux Directeurs la faculté d'opérer dans le règlement les modifications que Pexpérience leur aurait démontrées nécessaires, et elle leur a donné ce droit direct et sans contrôle, parce qu’elle a pensé qu'ils étaient plus compétens que personne pour apprécier les avantages de telle ou telle dis- position. Enfin, Messieurs, elle vous propose de placer dans le règlement définitif un article destiné à rassurer les souscripteurs, relativement à l'emploi des fonds, dans le cas où, contre toute probabi- lité, l'établissement projeté ne pourrait point être réalisé , et qui serait ainsi concu : Dans le cas où l'établissement de la caisse d’épargnes ne pourrait point avoir lieu, les fonds de la souscription seront donnés à l’OEuvre du Bouillon; chacun des souscripteurs conservant toutefois le droit de s’op- poser pour ce qui le regarde à cette disposition, et d'exiger la restitution de la somme qu'il aura donnée. Mais nous croyons pouvoir affirmer que (94) tonte crainte à cet égard est chimérique, etque notre pays ne sera point privé de cette utile institution. Ainsi, Messieurs, ouvrir une souscription, réu- nir les électeurs et leur faire nommer neuf Direc- teurs, telles sont les premières opérations que vous devez songer à faire. Après cela, ces neuf Directeurs élus, conjointement avec votre Prési- dent, rédigeront le règlement définitif, ainsi qu'un acte de société qui sera soumis à l’approbation du Gouvernement. Ils choisiront ensuite le caissier, et veilleront à la régularité de la comptabilité et à la bonne administration de l'établissement. Tel est, Messieurs, le résumé succinct des tra- vaux de votre Commission. Puisse-t-elle avoir atteint le but que vous vous proposiez, et avoir répondu à votre attente ! Extrait du procès-verbal de la séance du 1° mars 1833. Les conclusions du rapport de la Commission sont adoptées. La Société décide qu’elle concourra à la souscription, nonobstant la souscription facultative de chacun de ses Membres, et regrette que ses ressources ne lui permettent pas de dis- poser d’une somme plus considérable que celle de cent francs; elle arrête que le rapport sera im- primé, adresssé aux Préfet et Sous-préfets, à l'Evêque, aux Maires et aux Membres des conseils municipaux, et distribué dans le département, et ue ( 95 ) enfin que le concours des autorités civiles, mili- taires et ecclésiastiques sera sollicité pour favo- riser le succès de la souscription (1). AAA A A VUS MAUVAIS A AV AU AAA VV UV UV VU VUS AA VU VU VUS VU VU BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE DÉPARTEMENTALE. Extrait des procès-verbaux de la Société. Séance du 7 février 1834. ——“sre De DD De 2m CONSIDÉRANT que ce n’est pas uniquement à l'amélioration de notre agriculture que doivent se borner les travaux de la Société, et que le titre qu’elle a pris lui impose aussi l'obligation de favo- aiser le progrès des sciences et des lettres, et de contribuer de tout son pouvoir à ajouter à l’illus- tration du pays. Que la même pensée qui l’a portée à réunir dans le Musée les monumens des arts et les produits naturels du département, exige encore qu’elle s'occupe de la formation d’un Dépôt littéraire , pour recueillir tout ce qui a rapport à son Histoire civile , religieuse et naturelle; pour consacrer la mémoire des hommes qui Pont illustré par leurs (2) La souscription a produit 4000 fr., et le Conseil général a voté une somme de 7000 fr., dont 3000 pour la caisse d’épargnes du Puy, et 2000 pour chacune de celles de Brioude et d’Yssingeaux. (96 ) écrits, et favoriser le goût des études qui auraient pour objet son Histoire. Qu'il existe déjà dans la bibliothèque de la ville du Puy un certain nombre d’ouvrages- relatifs à l'Histoire du pays; qu'ils y sont placés sous la garde d’un Bibliothécaire responsable, et que cet établissement réunit toutes les conditions propres à garantir la conservation du nouveau dépôt qui lui sera confié; Qu'il convient enfin de charger une seule Com- mission de la recherche et de la conservation des monumens archéologiques, en même temps que de la formation du dépôt dans lequel la Société propose de réunir tous les documens historiques du département; Après avoir entendu le rapport du Conseil d’admi- nistration, la Société prend la délibération suivante : ARTICLE PREMIER, Il sera formé, dans le sein de la Société , une nouvelle commission permanente , ayant pour attributions spéciales de rechercher et rassembler tout ce qui appartient aux Antiquités et à l'Histoire du département. ART. 2. Cette Commission prendra le titre de Commission de la Bibliothèque historique et des Antiquités du département. Elle sera composée , 1° de sept Membres résidans , dont feront partie le Président de la Société, celui de la Commission du Musée, =” (97) le Pibliothécaire de la ville et celui de la Société , le Conservateur des antiquités et celui des mé- dailles; les autres Membres seront élus par la Société; 29 d’un pareil nombre de Membres non résidans qui seront successivement nommés par la Société, sur la présentation de la Commission. ART, 3. Cette Commission continuera de recueillir et elle fera placer, soit au Musée, soit dans le petit Temple de Diane, les débris d’édifices, les sculp- tures, inscriptions, médailles, monnaies du moyen- âge, armes, instrumens, ustensiles et générale- ment tous les objets d’antiquité qui seront décou- verts dans le département , et qu'elle pourra obtenir. Le nom des donateurs sera inscrit sur chacun de ces objets. ART. 4. Elle s’occupera aussi de la formation d’une Bibliothèque historique, dans laquelle elle réu- nira, 1° les manuscrits et ouvrages publiés par des auteurs nés dans le département ou qui l'ont habité une certaine partie de leur vie; 2° ceux concernant l'Histoire civile et religieuse du pays, son Histoire naturelle, son Agriculture, etc. , et la Biographie de ceux de ses habitans qui se sont distingués, à quel titre que ce soit; 3° les chartes, 7 (98 ) diplomes, chroniques et tous autres documens manuscrits ou imprimés, ayant un rapport quel- conque avecnotreHistoire; 4° les Recueils desactes des autorités administratives, ecclésiastiques et judiciaires , ainsi que les Journaux publiés dans le département ; 5° Enfin, les cartes, plans, vues, dessins, gravures et lithographies qui paraîtront sur le pays, ou qui seront l’ouvrage de ses habitans. Il sera aussi fait des copies, extraits et tra- ductions des ouvrages que la Commission ne pourra se procurer par acquisition ou par don, ainsi que des articles qui paraïîtront sur le dépar- tement dans les Journaux etRecueils scientifiques. Les livres seront achetés; les frais de copie, extraits ou traductions payés par la Société, après autorisation du Conseil d'administration. M. le Bibliothécaire de la ville de Clermont sera invité, par la Commission, à vouloir bien lui communiquer les documens relatifs à l'Histoire de la partie du département qui dépendait autre- fois de la province d'Auvergne. ART. 5. Ces ouvrages et documens divers seront placés dans la Bibliothèque de la ville, sur des rayons particuliers. M. le Bibliothécaire de la ville sera invité à y réunir ceux que possède la Bibliothèque sur l'Histoire du pays. Il sera également prié de dresser du tout un catalogue particulier. y 2e ( 99 ) ART. 6. Les brochures et autres pièces de peu d’étendue seront classées, autant qu’ilsera possible, par ordre dematières. Lorsqu'il en aura Été réuni un nombre suffisant, elles seront reliées par volumes du format convenable. Une table des matières sera placée en tête de chaque volume avec le nom des donateurs. Sur l’intérieur de la couverture sera collé un cartouche imprimé, portant l'inscription : Recueilli ou acquis par les soins de la Société d'Agriculture, Sciences, Artset Commerce du Puy. ART. 7. En tête de chaque pièce obtenue par don, les noms et qualités du donateur seront inscrits avec la date du don. Le Membre de la Société quil’aura recueillie pourra y placer aussi son nom, mais dans une partie moins apparente, Lorsque l’objet donné sera d'une certaine valeur, le nom du donateur sera mentionné honorable- ment dans les Annales de la Société et il lui en sera offert un exemplaire. ART. 6. La présente délibération sera transmise à M, le Ministre de l’intérieur et à celui de linstruction publique et des cultes. Elle le sera également à M. le préfet du département et à M. l’Evêque du ( 100 ) Puy, avec invitation de vouloir bien favoriser le succès de l'établissement qu’elle a pour but de créer. Elle sera aussi adressée à M. le Maire et au Conseil municipal de la ville du Puy. ART. 9. Ladite délibération sera imprimée et adressée directement à MM. les Membres du Conseil général et des Conseils d’arrondissement, À MM. les Présidens et Membres des tribunaux de 1° instance et de commerce, ainsi qu'à MM. les Procureurs du Roi. Elle sera aussi adressée, par l'intermédiaire des Autorités dont ils relèvent, à MM. les Sous-préfets de Brioude et d'Yssingeaux, A MM. les Juges de paix, A MM. les Maires, A MM. les Curés et Desservans. Cet envoi sera accompagné d’une circulaire, par laquelle ces diverses Autorités seront invitées à seconder la Société dans un projet qui a pour but de sauver de la destruction et de l’oubli une foule de matériaux épars, et de concourir ainsi à donner au pays toute l'illustration dont il est sus- ceptible. Elle indiquera en même temps les noms des Membres de la Commission à qui devront être adressés les dons et qui demeurent chargés d’en constater le dépôt et d’en accuser réception. ON (ox ) AAA AS AV AS AV A A AVR A A A A A A A AV AS AS VV A AV MA A M A ÉCOLES INDUSTRIELLES GRATUITES. DISCOURS Lu le 26 mai 1833, par M. BERTRAND DE Dour, l’un des Directeurs, pour la distribution des prix aux élèves des classes de mathématiques et de dessin linéaire. ES Ê —— JEUNES ÉLÈVES, C’EsT avec une vivesatisfaction que nous voyons enfin briller le jour désiré où vous allez recevoir les récompenses qui vous ont été décernées par les suffrages de vos maîtres et des directeurs de l’école. Leur distribution n’est pas entourée, il est vrai, de la pompe que nous aurions voulu y mettre. C’est au Musée, c’est en présence du Con- seil général qui pourvoit si généreusement, avec le Conseil municipal de cette ville, aux dépenses de école, que nous aurions voulu vousdistribuer vos couronnes. Mais cette circonstance ne peut à vos yeux en diminuer le prix, car elle n'ôte rien aux efforts que vous avez faits pour les mériter. Ce ( 102 ) sont ces efforts, c’est l'instruction que vous avez acquise qui doivent vous les rendre chères. Cependant, jeunes élèves, ai-je besoin de vous le faire remarquer, vous voyez au milieu de vous les premiers magistrats du département et de cette cité, entourés de citoyens recommandables et par leurs lumières et par les fonctions qu'ils remplissent? Ils ont voulu s'assurer eux-mêmes de vos progrès et applaudir à vos travaux. Leur pré- sence est un sûr garant de l'intérêt qu'ils y prennent. C’est une faveur dont vous sentirez comme nous tout le prix. Elle vous excitera, nous n’en doutons pas, à faire de nouveaux efforts pour vous en rendre dignes. Continuez donc à répondre à ce que nous attendons de vous. Que votre docilité envers vos professeurs, l'application à vos devoirs croissent avec votre instruction. Ainsi vous remplirez toutes nos espérances; ainsi vous répondrez aux détrac- teurs de la diffusion des lumières et des bienfaits de la civilisation. Et nous, Messieurs, qu’anime le désir de hâter ses progrès toujours si lents au gré de l'ami des hommes, félicitons-nous de voir cette jeunesse pleine d’une touchante émulation, apprécier toute Yimportance d’une instruction dont leurs pères furent privés. L'état imparfait des arts permettait alors de s’en passer. Mais qu’ils ne s’y trompent pas, elle est devenue d’une indispensable néces- ( 103 ) sité, s'ils veulent parcourir avec quelque avan- tage leur utile et modeste carrière. On ne saurait se le dissimuler , nous sommes dans un siècle de progrès, mais quidit progrès, dit travail. Le nom- bre toujours croissant d’ouvriers de tout genre qui forment une portion si considérable, et j’ajouterai si estimable de notre population, leur impose l'obligation de se perfectionner de plus en plus s’ils veulent étendre la consommation des produits de leur industrie et soutenir la concurrence avec les grandes villes. Or , quel moyen plus efficace pour atteindre ce but, que l’enseignement que recoivent ici nos jeunes élèves. “à Permettez-moi, Messieurs, d'entrer dans quelques détails à ce sujet. Peut-être est-il dans Pintérêt du pays que ce que les jeunes ouvriers apprennent dans ces écoles soit plus généralement connu: Ce motif me servira d’excuse, je n’en doute pas, auprès de ceux de nos auditeurs pour qui ces détails n’auraient rien de nouveau. On sait que les écoles du soir sont ouvertes chaque année depuis le 1° novembre jusqu’au 127 mai suivant. Pendant ce temps, deux profes- seurs, l’un de mathématiques, l’autre de dessin linéaire, donnent alternativement leurs lecons chaque jour de la semaine de six à huit heures du soir. Les matinées du dimanche et du jeudi sont souvent employées à des lecons particulières où (104 ) à des applications des mathématiques faites sur le terrain. Le cours complet dure deux ans. L’arithmétique, jusqu'aux proportions inclusivement, avait été enseignée l’année dernière par M. Papon, pro- fesseur de mathématiques au collége du Puy. La géométrie élémentaire a été l'objet du cours de la seconde année, qui vient d’être terminé. Tout accoutumé qu’est le professeur à former des élèves destinés à parcourir une tout autre carrière , 1} a parfaitement compris la nécessité de resserrer ses démonstrations et de s’attacher de préférence aux applications que les élèves auront le plus souvent occasion de faire dans la suite. Ainsi, tout ce qui a rapport au mesurage et au calcul des surfaces et des solides, a été l’objet de nom- breux développemens. Il a aussi formé ces jeunes gens à lever et à tracer des plans, soit par des ins- trumens sur le terrain, soit au moyen de simples croquis qu'ils ont appris à mettre au net pour en calculer ensuite la superficie. Ces études sont en général fort arides et les élèves n’en comprennent pas toujours toute l'importance. Aussi avons-nous pu juger que nombre d’entr’eux seraient assez dis- posés à s’en dégoñter pour ne suivre que le cours de dessin linéaire, si le règlement de l’école n’avait sagement imposé l'obligation de’ suivre simultanément les deux cours. Nous ne laisserons pas échapper cette occasion ( 105 ) de signaler et de remercier publiquement les jeunes gens qui ont consenti à se charger pendant ces deux années des fonctions pénibles de répé- üteurs. On pourrait dire, il est vrai , qu’en les acceptant, ils ont fait preuve non-seulement de bonne volonté, mais encore de bon sens, car c’est ainsi que lon acquiert de la facilité pour s'exprimer, et que par l'obligation de bien saisir les propositions que l'on a à expliquer, on se les grave dans la mémoire d’une manière inef- facable. Toutefois ces avantages n’ôtent rien au mérite de leur dévoñment, ni à notre reconnais- sance que nous nous faisons un plaisir de leur témoigner ici. Dans la première année de son cours de dessin linéaire, M. Moiselet avait enseigné aux élèves qui suivaient alors celui d’arithmétique, les premières notions d’un art dont le nom n’était pas même connu 1l n’y a que peu d’années et qui devient aujourd’hui d’une utilité générale. Ils y avaient pris l'habitude de se servir de la règle , du compas et du crayon , de représenter exacte- ment et promptement toutes sortes d'objets, d’or- nemens et de figures géométriques dont les noms, les propriétés et le tracé leur étaient ainsi devenus familiers. Dans une seconde année, ils ont appris à con- naître et à tracer, dans tous leurs détails, les ordres d'architecture , ainsi que les ornemens ( 106 ) propres à chacun d’eux. Les compositions expo- sées montrent quels ont été leurs progrès en ce genre. Mais quelquesremarquables quelles puissent être, si l’on considère surtout l’âge des jeunes gens qui les ont exécutées et le peu de temps qu'ils ont eu à y consacrer, peut-être trouvera- t-on que cette partie de l’enseignement s’écarte, jusqu’à un certain point, du but de nos écoles, qui est de former de bons ouvriers plutôt que des architectes. C’est du moins ce qu'ont pensé quelques personnes dont l’opinion est pour nous d’un grand poids. Cependant, après un mür examen , M. Vibert et moi avons cru ne devoir rien changer à ce qui avait été réglé à cet égard par M. Ruelle, lors de la fondation des écoles. Nous avons pensé, avec notre habile et zélé pré- décesseur , que la connaissance des ordres et de leurs élégantes proportions, était ce qu'il y avait de plus propre à former le goût des ouvriers et à les guider, soit dans leurs constructions, soit dans le choix des ornemens dont elles doivent être décorées. Indépendamment des lecons d'architecture et d’ornemens, la méthode des projections, indis- pensable pour représenter géométriquement les solides sur une surface plane, a élé aussi déve- loppée cette année aux élèves. Nous croyons pou- voir affirmer que malgré les difhcultés qu’elle pré- sente, elle aété comprise parle plus grand nombre Ç 107 ) d’entr’eux. Ainsi préparés, ils ont été ensuite exercés à dresser les plans géométraux et d’élé- vation, ainsi que les coupes d’un certain nombre d'édifices et de constructions diverses. Ils ont acquis, sous ce rapport, toutes les connaissances compatibles avec leur âge. À ces exercices ont succédé des lecons sur l'art du trait de charpente et de menuiserie, et sur la stéréotomie ou la coupe des pierres. Plu- sieurs applications de ces deux arts ont éte faites, soit en bois, soit en plâtre. Elles sont en ce moment sous vos yeux. S'il n’a pas été présenté un plus grand nombre de modèles, il ne faut l’attribuer qu'au temps considérable qu'exige né- cessairement l'exécution de ces premiers essais. Au reste, les notes et les épures dont nous ne cessons de recommander la conservation aux élèves, les mettront à même d’exécuter toutes sortes d’assemblages et de fournir aux tailleurs de pierre les panneaux nécessaires pour tailler les voussoirs des arceaux et des voûtes les plus compliquées. Enfin, une dernière application des projections a été faite à la perspective dont toutes les règles sont fondées sur cette méthode. Je n’ai pas besoin de dire que cette science , peu nécessaire à de simples ouvriers, est cependant indispensable à toutes les personnes qui s'occupent des arts du dessin, s’ils veulent y obtenir quelques succès. ( 108 ) Ces lecons, qui ont été suivies par un certain nombre d'élèves de l’école de dessin ombré, exer- ceront une heureuse influence sur la suite de leurs études. C’est par là que M. le professeur de dessin linéaire a terminé son cours. Ce cours, nous devons le dire, a été parfaitement bien fait. La variété des objets qui y ont été enseignés a offert beaucoup d'intérêt aux élèves. Les plus âgés sur- tout y ont puisé une bonne et solide instruction. L’avouerons-nous, Messieurs, plus d’une fois nous- mêmes aurions été tentés de nous confondre dans leurs rangs et de profiter de cette occasion d’ac- quérir un genre de connaissances dont l’agrément et l'utilité doivent faire regretter qu’elles n’entrent pas dans le système d'éducation des classes plus aisées. Il nous reste à vous dire deux mots sur l’école de dessin proprement dit, ou de dessin ombré. L'ouverture en a eu lieu au 1°* de novembre der- nier, en même temps que celle des écoles du soir. Mais elle n’a pu être fréquentée que par un petit nombre d’élèves jusqu'au 1°* mars, où la longueur des jours a permis de l'ouvrir à six heures du matin. Les études collégiales , celles des écoles primaires absorbent à tel point le temps des jeunes gens, qu'il est impossible au plus grand nombre, quel que soit leur zèle, de fréquenter l’école de dessin dans le milieu du (109) jour. Ce n’est donc que du 1% mars qu’elle peut être regardée comme ayant été en pleine activité. L'arrivée de M. de Becdelièvre, que l’on est assuré de trouver partout où il s’agt du progrès des arts et des intérêts positifs du pays, lui a imprimé un nouvel élan. Des compositions ont lieu tous les quinze jours et excitent vivement l’émulation des élèves. D’heureuses dispositions apercues chez certains d’entr'eux nous annoncent qu'avec du travail ils pourront devenir des sujets distingués et nous dédommager des pertes récentes que cette école a éprouvées. Toutefois, nous n'avons pas cru que ce fût le moment de distribuer les prix auxquels elle a droit. Que les jeunes gens qui la fréquentent se rassurent; nous ne les perdons pas de vue. Le jour n’est pas éloigné où ils rece- vront à leur tour la récompense due à leur zèle et à leur application. Tel est l’état actuel de cette institution qui assure à notre cité, et par suite au département, des avantages dont des villes plus riches et plus populeuses sont encore privées; état, nous osons le dire, véritablement satisfaisant pour les amis de leur pays qui, les premiers, en concurent l'idée, et pour les nombreux souscripteurs qui, par de généreuses offrandes, mirent à même de la réaliser. La part que prit la Société d'Agriculture à la la fondation de ces écoles lui valut l'honorable (raao: ) privilége d’en choisir les Directeurs parmi ses Membres résidans. C’est à ce titre que M. Vibert et moi avons été chargés de leur surveillance, et que nous vous rendons compte en ce moment des travaux de l’année. Puissent le zèle des professeurs et l’émulation de leurs élèves obtenir vos suffrages, et mériter à cet utile établissement l'appui de l'administration! AA AAA AU AV AA AAA AVS AVS AA AA A AU AAA RAA VV A AA AAA AVS VS VV AV NOTICE Sur le basalte de la Roche et les phénomènes qui ont accompagné son apparition ; Par M.A. Prssrs, de Brioude, Membre non résidant. La localité dont je vais m'occuper, est d’une si faible étendue, que jai long-temps hésité à en faire le sujet d’une notice particulière, Mais depuis l'époque où létude des soulèvemens a attiré, d’une manière plus spéciale, l'attention des Géo- logues, aucun des faits qui doivent éclairer cette importante question ne doit être négligé; d’ailleurs, celui que je présente est tellement simple , telle- ment débarrassé de toute influence étrangère, qu'il suffit de jeter un coup d’œil sur la coupe que j'ai jointe à cette notice pour saisir la liaison qui existe entre le basalte et le soulèvement du (aa) terrain lacustre. Cependant , pour se rendre compte de tous les détails, il est nécessaire de connaître & priori les modifications qu’éprouve une surface plane, lorsque le soulèvement a lieu suivant une ligne droite. Parmi les divers résultats auxquels conduit le calcul (1), je citerai les sui- G b B (2) Soit AB—=r une surface plane; il est évident que sielle est souleyée en un point A, de manière à venir en C, elle sera déchirée, etla largeur de toutes ses fractures aura pour valeur BG—r. Si pour simplifier, on désigne cette quantité par S et AG par h, le triangle ABC donne S—= Ÿ”r2+h5 —r Le RL Æ AUS peut se développer ainsi: r r2 S h 3 h# h° À ki SSSR ——, + —- — etc. Si l’on suppose maintenant h Cr r 2r2 8r+ 16r0 et tous les cas que nous avons à considérer rentrent dans celui-ci: la série précédente devient décroissante et l’on voit SEM 5 : que le rapport — diminue à mesure qu’on fait croître r. Ainsi, r les fissures sont d'autant moins apparentes que la largeur du plan soulevé est plus considérable. D’une autre part, l’expres- sion S— J7 r2+h2 — r étant différenciée par rapport à r, fait connaître la disposition des fractures sur la surface soulevée, On obtient, pour différentielle, dS— dr — d DR eo oanon (“22 ) vans, comme pouvant offrir une application plus immédiate. Pour une même hauteur, les fractures produites sont d'autant plus considérables, que les surfaces soulevées ont moins de largeur. D’après cela, il -est évident que, si le soulèvement s’est étendu inégalement des deux côtés de l'axe, le plan le plus étroit doit être le plus déchiré. Une autre formule fait connaitre la disposition des fractures sur une même surface. On voit qu'en considérant des parties de plus en plus éloignées de laxe , les vides diminuent consi- dérablement. Il résulte de ces deux formules que dans les surfaces soulevées, les portions les plus déchirées doivent se trouver près du sommet et du côté le plus rapide. Voilà ce qu'indique la théorie ; exa- minons maintenant les faits. supprimant dansle premier terme le facteur communr, il vient dS —— ". dr dr. Cette seconde formule montre que V/+h? — ds diminue , lorsque r lui-même vient à décroître, et que pour dr r—0oonadS$ ——1 ce qui ne peut avoir lieu que tout dr autant que l’on a aussi S — o. Ainsi, les fractures sont d’au- tant plus rares qu’on s'éloigne davantage du sommet, et dispa- raissent tout-à-fait à la base. (Bn3 ) Disposition générale du terrain tertiaire. Le terrain lacustre recouvre la majeure partie du bassin de Brioude; partout on le rencontre en couches horizontales, excepté aux environs de la Roche. Il se compose, àsa partie inférieure, d’une puissante formation d’argile traversée par de minces couches de grès calcaire (macigno). Au- dessus viennent les marnes et le calcaire lacustre. Ces deux roches alternent et sont très-régulière- ment stratifiées. C’est principalement sur elles que j'arrêterai l'attention. Je viens de dire que partout ailleurs qu’à la Roche, les couches du terrain lacustre étaient horizontales; étudions-les maintenant dans cette localité. Les regards s'arrêtent d’abord sur une vallée qui s'étend depuis Beaumont jusqu’auprès de Lempdes. Au milieu se trouve un petit monti- cule, sur lequel est bâti le village de la Roche : quelques masses basaltiques se montrent au som- met et dans le sens de sa longueur; leur direction est d’ailleurs la même que celle de la vallée, dont Vargile rouge constitue toute la partie inférieure. Le monticule lui-même est formé par cette roche, et ce n’est qu’au sommet, à-peu-près au niveau du plateau oriental, que la marne commence à se montrer. Quant au basalte, il se trouve dans un état très-avancé de décomposition. On n'y ren- contre point de péridot, mais cà et là quelques 8 ( 114 ) nodules calcaires. Une brèche, formée en grande partie de gneis et autres roches primordiales, sépare le basalte du terrain lacustre. Nous venons de voir la marne au-dessous du basalte et au niveau des plateaux lacustres : si nous allons vers l’orient, nous la trouverons à la base de ces mêmes plateaux et à unc hauteur bien inférieure; enfin, dans la même direction et un peu à l’est de Bard, on peut l’observer au niveau de la base du monticule. L’inclinaison est ici manifeste; mais elle devient bien plus sensible lorsque l'on considère les couches supérieures. On peut s'assurer qu’elles décrivent une courbe qui tourne sa concavité vers le ciel, et dont l’ori- gine est à-peu-près à Bard. L’inclinaison de ces couches, mesurée au sommet du plateau, est de 199; il est donc évident qu'ici le sol se trouve absolument dans la même position que s'il avait été soulevé. Mais s’il en est ainsi, il doit y avoir à l’ouest des couches qui inclinent en sens inverse. C'est précisement ce que nous allons rencontrer, non en face de la Roche où ilne reste plusaucune trace de terrain lacustre, mais un peu au sud, toujours à l’ouest de l’axe de soulèvement: je veux parler du plateau de Molzon, et quoique l'incli- naison soit ici moins sensible, on peut s’assurer que les couches plongent du nord-est, tandis qu’en face, à Lauriat et à Beaumont, l'inclinaison est au contraire du sud-ouest au nord-est, ( 115 } Il me reste maintenant à rendre compte de la position de la vallée, Jai fait remarquer en com- mencant, que dans le cas de soulèvement recti- ligne, les fractures étaient d'autant plus considé- rables que l’on approchait davantage du sommet. Ainsi, en admettant que les érosions aient entraîné une partie du terrain, ce dont on ne peut douter, l'effet le plus considérable aura eu lieu près de l'axe de soulèvement, d’où une vallée dirigée du sud-est, semblable à celle qui existe. Mais nous pouvons aller plus loin; le calcul nous indique que lorsque les plans soulevés sont d’inégale lar- geur, le plus étroit est le plus déchiré. Or, si nous prenons l’origine du plan occidental à la base des montagnes primitives, nous trouvons que sa largeur est le tiers de celle du plan oriental, ou la distance de la Roche à Bard. C'était donc à l’ouest que se trouvait la partie la plus déchirée, et celle sur laquelle les eaux ont eu le plus de facilité à se frayer un passage. Il n’est donc pas étonnant que , dans cette partie, il ne reste plus aucune trace du terrain lacustre. La position isolée du plateau de Molzon peut encore se rattacher à la même cause et lui servir en quelque sorte de contre-épreuve; car, un peu avant ce point, le bassin lacustre s’élargit considérablement ét le soulèvement s’est étendu sur un espace beaucoup plus grand. La position de la vallée, sa plus grande profon- ( 116 ) deur à l’ouest et l’absence du terrain lacustre, deviennent des conséquences immédiates du sou- lèvement que nous avions d’abord soupconné. Quant à sa cause, il ne faut pas l’aller chercher bien loin. Lorsqu'on voit qu'au milieu de la vallée se trouve un monticule surmonté de plusieurs masses de basalte, que ces masses sont sur une même ligne parallèle à l’axe de soulèvement, on ne peut guère douter que ce ne soit à cette roche qu'il faille l’attribuer. Le soulèvement du terrain lacustre une ‘fois démontré, du moins autant qu'une vérité physique puisse l'être, il me reste à faire connaître l’époque à laquelle il a eu lieu. Position des galets basaltiques. Une couche de galets, pour la plupart basal- tiques, recouvre les plateaux situés sur les deux rives de l'Allier. Mais c’est simplement la partie occidentale que nous aurons besoin de considérer. Là, soit qu’on examine les plateaux de Gravenaud et de Chommaget, ou les escarpemens de Rilhac, partout cette formation est horizontale et paraît avoir succédé immédiatement au calcaire concré- tionné, dernier vestige du terrain lacustre. Elle est limitée à l’est par les escarpemens que j'ai cité et paraît avoir formé une nappe continue avec une couche semblable qui se montre de lPautre côté de l'Allier. À l’ouest, elle ne s'étend (a17) pas jusqu'aux limites du terrain tertiaire et ne dépasse jamais le point où les couches com- mencent à être sensiblement inclinées. Il en résulte donc que de ce côté sa limite est une ligne parallèle à l’axe de soulèvement. Or, c’est là pré- cisément la position qu’elle a dû prendre si, comme tout semble lindiquer, elle est postérieure au redressement des couches. D'une autre part, si nous examinons les plateaux soulevés, ceux de la Roche et de Molzon, nous ne trouvons à leur sommet aucune trace de cailloux roulés; le cal- caire concrétionné est la dernière couche que lon y rencontre. Ainsi, les deux périodes géolo- giques entre lesquelles le soulèvement a eu lieu, caractérisés par le dépôt du calcaire concrétionné et par celui des galets basaltiques, je tirerai enfin de l’examen de ces roches une dernière consé- quence relativement à l’âge du basalte. Pour cela, transportons-nous sur l’autre rive de l'Allier, et nous verrons de larges nappes basaltiques reposer toujours sur les galets que je viens de décrire. Ce fait nous conduit évidemment à admettre une séparation notable dans l'apparition des basaltes et à rapporter celui de la Roche à la fin de la période tertiaire; ce qui confirme ce que j'avais déjà avancé sur la cause du soulèvement. On voit, d’après ce court apercu, que le sou- lèvement du terrain lacustre aux environs de la Roche rend compte de toutes les particularités ( 116 ) qu'il présente en le fesant dépendre de quelques résultats principaux , et je dois le dire ici : lorsque par des faits différens on arrive au même but, il est très-probable que l’on marche dans la voie qu'avait tracé la nature, et l'hypothèse que l’on suivait prend alors tous les caractères de la vérité. Je puis donc résumer ainsi les faits que je viens de décrire. Le bassin lacustre offrait encore une surface à peu près plane, lorsque se déposait le calcaire concrétionné, dernier produit de la période ter- tiaire. Une île s’éleva sur ses bords avee tous les caractères d’un volcan sous-marin. Des phéno- mènes semblables durent se manifester sur diffé- rens points ; car, dès cette époque, les eaux abandonnèrent la partie inférieure de l'Auvergne. C’est alors qu’elles creusèrent la vallée de la Roche où ne se trouvaient auparavant que des fentes produites par lirruption du basalte. A partir de cette époque , la Limagne n'offrit plus qu'une plaine semée cà et là de quelques lacs, et sur laquelle vinrent plus tard s'étendre ces vastes coulées de lave qui changèrent encore une fois la face de l’Auvergne. ( 119 ) RAA NAS AAA PV AAA AA AU AV AS A A VAR MU LA AV AU A VU MR AV My MONUMENT Elevé au connétable BEerrrAnp-Ducuescuis , dans l'église Saint-Laurent, au Puy ; Par M. A. AyMaRo. (Lu dans la séance publique du 25 juillet 1834.) MESSIEURS, Aujourd'hui que toutes nos villes de France ne présentent, sous le point de vue politique, qu’un aspect uniforme , l'aspect d’une seule et grande cité ;aujourd’hui que l’individualité et le caractère de chaque province ont subi l’influence de cette uniformité, on aime à retrouver dans nos vieux monumens la physionomie aujourd’hui effacée de nos anciennes villes; on se plaît à ces récits naïfs, pittoresques et souvent dramatiques de nos vieilles chroniques, qui nous donnent le secret de la vie politique, militaire et religieuse de nos pères. Sous ce rapport, l'Histoire de la ville du Puy nous offre des pages riches de faits et d'intérêt. Deux traits principaux me paraissentsurtout caractériser dans nos Annales cette longue période qu’on est convenu d'appeler le moyen-dge. Le premier est cette vénération générale dont l’église du Puy était Vobjet et qui dominait tous les événemens de (220: ) cette époque. Si cette église, autrefois riche et puissante , s’éleva à ce haut degré d'illustration dont on citerait peu d'exemples dans le monde chrétien, elle dutses privilèges et ses prérogatives nombreuses à une foule de grands personnages, rois et papes, princes et prélats qui la visitèrent pendant plusieurs siècles. Le second trait que nous avons à signaler honore les habitans du Puy, autant que ces illustres pélerinages. Je veux parler de cette intrépidité aventureuse qu'ils avaient puisée dans une longue suite d’expéditions, et qui, après avoir brillé dans les Croisades , après avoir, du 12€ siècle, donné naissance à la célèbre con- frérie des Chaperons, chevalerie de bourgcois et de vilains, et vers le commencement du 13° à V’affranchissement de la commune, devait, un siècle plus tard , se déployer dans toute son énergie sous les règnes de Charles V, Charles VI et Charles VII. De tous les monumens que nous a légués cette époque, celui dont je vais vous entre- tenir, quoique se rattachant à l’Histoire générale, n’est pas une des moindres preuves de cette double illustration de notre cité, illustration religieuse et militaire, écrite à chaque*page de nos chroniques. Le monument élevé au Puy, à la mémoire du connétable Bertrand-Duguesclin , date de l’année 1360, la dernière du sage règne de Charles V. Cette époque voyait enfin la monarchie se reposer de cette longue crise pendant laquelle des guerres (r8r ) malheureuses avaient livré aux Anglais nos plus belles provinces. La Guienne, le Poitou, la Sain- tonge, le Périgord, la Bretagne avaient été tour-à- tour le théâtre des victoires‘et des beaux faits d'armes du grand capitaine; mais la guerre con- tinuait dans le Languedoc , des bandes redou- tables, connues sous le nom de compagnies des rouliers, désolaient le Gévaudan et l’Auvergne, et menacaient le Velay que sa position au sein des montagnes ne mettait pas à l'abri de leurs incur- sions, Plus d’une fois les seigneurs de ce pays, aidés des gens de la commune du Puy, avaient repoussé ces bandes qui, souvent battues et dis- persées, repuraissaient toujours plus nombreuses et plus aguerries (1). Ces rencontres fréquentes n’amenaient aucun résultat : enfin, Charles V sol- licité d'envoyer en Languedoc un capitaine expé- rimenté, avait nommé, pour commander dans cette province, le connétable Duguesclin , moule creinns et douptés en tous lieux, comme dit la Chronique. Ce fut au mois d'août de l’an 1380, que le con- nétable fit son entrée au Puy. En peu de jours, une petite armée s’y trouva réunie; elle se com- posait de plusieurs seigneurs d'Auvergne et du (1) Voyez l'Hist. du Languedoc, par D. Vaissete, et l’Hist. du Velay, par J.-A.-M. Arnaud, tom. 1, pages 210 , 12, ñ4 et suivantes. ( 122 ) Velay, et d’une forte troupe de gens d’armes que lui fournit la ville. Après avoir fait, suivant l’asage du temps, des dons et des dévotions à Notre- Dame, sa patronne (1), Duguesclin se hâte de partir pour le Gévaudan; cette province avait eu beaucoup à souffrir de la garnison anglaise qui occupaitChâteauneuf-Randon. Le connétable pousse avec activité le siége de cette place, donne plu- sieurs assauts et fait serment de ne se retirer que lorsqu'elle sera prise. Vivement pressés , les assiégés se défendent avec vigueur; ils attendent dessecours, mais vainement. Attaqués chaque jour avec une nouvelle impétuosité, ils reconnaissent bientôt qu'une plus longue résistance devient inu- tile; ils capitulent. Mais depuis quelques jours, Duguesclin était atteint d’une maladie mortelle, et lorsque le gouverneur se présente pour remettre les clefs du château, le guerrier venait de suc- comber, Ce fut le xrr1 juillet, suivant l’histoire, et le xt , suivant l'inscription du mausolée, que finit cette vie glorieuse, consacrée tout entière au service de la France. À la nouvelle de la mort du héros, laffliction fut générale et fut partagée par l’armée anglaise elle-même. L'Histoire rapporte qu'après avoir fait, pendant la maladie du connétable , des prières solennelles pour sa guérison, elle voulut EEE (1) Son cri de guerre était : UVotre-Dame Guesclin. ( 323) encore s'associer à ses funérailles. Au jour fixé pour remettre les clefs du château, le gouverneur sort de la place à la tête de sa garnison, il est introduit dans la tente du connétable , et là, en présence des principaux chefs de l’armée, il dépose les clefs sur l’illustre cercueil et « déclare » qu'il ne se rend qu’à la mémoire de Duguesclin, » afin qu'il soit dans sa destinée de triompher » même après sa mort. » Hommage noble et tou- chant qui signale autant l'esprit chevaleresque du temps, qu'il honorait les grandes qualités du guerrier qui en était l’objet. Charles V avait ordonné que le corps de son bon connétable serait transporté à Saint-Denis, pour y recevoir la sépulture , auprès du tombeau de nos rois. Les seigneurs du Velay et les habitans du Puy, de leur côté, lui rendirent de grands honneurs. Le corps fut porté dans cette ville, et après avoir été embaumé et revêtu des insignes de la haute dignité de connétable, il resta exposé dans l’église des Dominicains (l’église St-Laurent), jusqu’au 23 juillet suivant, jour où fut célébré un magnifique service funèbre. La Chronique, mal- heureusement perdue aujourd’hui et qui avait fourni aux nombreux historiens de la vie de Duguesclin les détails "curieux que je rapporte, ajoutait qu'on employa à ce service cinquante torches de cire et un drap d’or bordé de noir avec les armes du défunt, et que le professeur (124) de théologie du couvent prononca loraison fu- nèbre (1). Les entrailles du héros furent déposées dans un mausolée érigé dans le chœur, à droite du maïître-autel. Ce serait sans doute ici le lieu de décrire ce Monument qui, entr'autres singularités, nous a conservé exactement le costume et un des plus fidèles portraits que nous possédions du Conné- table ; mais on me permettra, pour l'intelligence du Monument, comme œuvre d'art, et pour celle aussi des nombreuses dégradations qu'il a subies, d'entrer dans quelques détails sur l'église qui le renferme. Cette église dépendait autrefois du couvent des Dominicains établis au Puy dès le commencement du xt siècle. L'histoire ne nous a pas laissé la date de sa fondation :nous savons seulement qu’en lan 1221, le Chapitre de Notre-Dame du Puy fit don à Saint Dominique et à ses disciples, d’une église placée sous le vocable de Saint Laurent; mais soit que cet ancien édifice occupât un autre em- placement, soit qu’il ait été détruit, il ne sera pas difficile de prouver que l’église actuelle n'existait pas à une époque si reculée : en effet, son plan (1) On trouve aussi la descripffon des funérailles de Dugues- clin, dans le Nouveau Trésor de Martène, tom. Il, et des observations sur le connétable, par D. Vaissete et le père Giflet, dans l'Histoire du Languedoc, tom. IV, pag. 27, et dans l'His- toire de France du père Daniel, tom. VIII, pag. 179. ( 126 ) simple et noble, le style des sculptures, la coupe et le profil de ses fenêtres dessinées en arcs aigus ou ogives, tout, dans son ensemble et dans les détails, rappelle ici le beau caractère du gothique du xiv® siècle. Siles documens historiques nous manquent pour préciser l’année où elle fut com- mencée, une inscription que le hasard m'a fait découvrir à la base d’un des piliers dé la grande nef, ne laissera du moins aucun doute sur la date de sa construction. On y lit: EN L’AN MCCCXL (1) (1340). Vu extérieurement, l'édifice paraît d’une grande dimension , mais d’un aspect lourd et peu monumental. Il est évident que l'église gothique, l'église du moyen-âge, n’a jamais élé achevée. C’est ce que prouvent la forme écrasée du toit, les contreforts de la facade méridionale et les deux clochers de fraiche date dont les ouvertures à plein-cintre jurent à côté des gracieuses ogives de l’ancien édifice. La seule facade devant laquelle vous ne passerez pas sans y jeter un regard d'intérêt, c'est celle (1) À en juger par ces caractères dont je n’ai pu reproduire ici les formes arrondies et contournées, et par quelques autres inscriptions que j’ai recueillies, il paraîtrait que l'écriture dite gothique à jambages droits et angulaires ne s’était pas encore introduite dans le Velay au milieu du 142 siècle, quoique nous possédions des monumens d’architecture gothique de beaucoup antérieurs à cette époque. { 126 ) formée à l’est par la saillie extérieure des trois absides. Les longues fenêtres de cette face, des- sinées en forme de fers de lances, les contreforts et leurs pierres noires et rongées par le temps, s'harmonient bien avec ces ormeaux séculaires qui l'ombragent de leurs touffes libres et vigoureuses. A la voir ainsi parée de sa belle couleur de vétusté et de ses lignes d’un effet pittoresque, cette partie de l'église s’encadre admirablement dans cette jolie vallée de la Borne, où des eaux coupées cà et là de ponts et de bouquets de saules, oùle mélange de la végétation, des fabriques et des rochers capri- cieusement découpés offrent aux pinceaux de l'artiste des paysages aussi riches que variés. On entre dans l’église par un portail d’une or- donnance à la fois simple et élégante. Je le compa- rerais volontiers à celui de la belle église de la Chaise-Dieu, construite à peu près à la même époque par le pape Clément VI. Il est composé de trois arcades se dégradant en retraite, et formées chacune de cinq tores ou bandeaux groupés et qui s'appuient sur autant de colonnettes. Il fau- drait un dessin pour rendre les heureuses propor- tions de cestriplesarcades, entre lesquelles rayonne une double rangée d’Anges et d’Archanges, figures toutes gracieuses, posées, suivant l'usage, dans des niches à dais ou tabernacles. Rien de plus minutieusement et de plus finement sculpté que les dentelles qui couronnent ces niches. Des orne- (127) mens d’un joli travail se font aussi remarquer dans les trois niches saillantes qui décorent le tympan ou la partie supérieure du portail, Si vous pénétrez dans lintérieur, vous serez frappé de l’imposante majesté du vaisseau et de la sévérité noble de toutes ses parties. La longueur totale de l'édifice, dans œuvre, est de 190 pieds,et sa largeur, de 65 (le tiers environ de la longueur). Son plan est un parallélogramme formé de trois grandes nefs, dont chacune se divise en cinq tra- vées ou arcades d’une belle hauteur. Le chœur, de forme octogone, n’a que deux travées, et les deux chapelles placées à droite et à gauche, une seule. Les nervures des voûtes, les colonnes minces et effilées qui les supportent , et les piliers auxquels ces colonnes sont accolées, offrent un ensemble de lignes d’un effet grave, mais parfai- tement en harmonie avec le plan régulier et simple de l'édifice. On observe des différences dans le travail et dans la composition des chapitaux. Ce sont, tantôt des têtes d'hommes, tantôt des figures d’animaux, des dauphins, des lièvres, des écureuils, en général d'un dessin médiocre, Ici des palmes larges et unies, là des trèfles et des feuilles frisées, ou des enroulemens de feuillages entrelacés de monstres, de quadrupèdes ailés, conceptions fan- tastiques que l’école bysantine avait empruntées au paganisme et léguées à l'architecture gothique. ( 126 ) Du reste, à l'exception de ces chapitaux et de quelques restes de niches en ogives, c’est à peine si vous trouverez sur les murailles nues et en- duites d’un frais badigeon, des vestiges de bas- reliefs, ou d’ornemens sculptés ou peints qui interrompent le développement des lignes. Savons- nous, il est vrai, tout ce que le vandalisme a détruit, tout ce qui a disparu sous lempâtement du badigeon ? Le chœur seul, quoiqu'il ait souffert de nombreuses dégradations, laisse voir encore quelques traces d’une décoration ancienne et sin- gulière. Au lieu de ces stalles en menuiseries ouvragées dans le goût du xvine siècle, et qui s'accordent si peu avec le système général d'ar- chitecture de l'édifice, des légendes écrites en caractères gothiques se développaient ancienne- ment sur les parois du sanctuaire, Les Dominicains avaient consigné sur ces tables manuscrites les noms des personnages dont la sépulture illustrait leur église. Jai reconnu, moi-même, derrière quelques panneaux que j'avais fait enlever, de longues suites de noms, parmi lesquels les plus anciens, ceux de la famille de Polignac, sont accompagnés des dates 1342 et 1572. Une énorme pierre, faisant saillie au-dessus du pavé à l'entrée du chœur et sous la première travée de la nef centrale, et l’écu à six fasces des vicomtes de Polignac, sculpté à la clef de la voûte, indiquent encore la place qui était con- —— — (129 ) sacrée dans les temps anciens à la sépulture de cette famille (1). On ne s'attend pas à trouver des peintures pré- cieuses dans les tableaux qui décorent église Saint-Laurent. Toutefois il en est dans le nombre que les artistes auront plaisir et profit à étudier. Un des meilleurs est une Descente de Croix qu'on a placée récemment dans une des chapelles latérales à gauche. On l’attribue au célèbre peintre Jean Francois, né au Puy, et qui vivait sous le règne de Louis XIV. Il y a de l'imagination et du talent dans la composition et dans le dessin de cette belle page, et quoique le tableau ait été gâté par une mauvaise restauration, on peut encore admirer le torse du Christ, le jet heureux de quelques-unes des draperies, et le sentiment in- définissable de douleur et de résignation divine (1) La tradition rapporte que la famille des Polignac avait contribué puissamment par ses largesses à l'édification de l’église. Dans l’opinion de quelques personnes, cette ‘radition, les armes des vicomtes mises en évidence à la clef des voûtes, et enfin un mausolée remplacé aujourd'hui par la pierre dont j'ai parlé et qui s’élevait à l’entrée du chœur, sont autant de preuves de la haute protection que cette famille s’attribuait autrefois sur le couvent des Dominicains. Quoi qu’il en soit, l'histoire rapporte que lorsque les Dominicains, au nombre de dix-huit cents, tinrent au Puy, en 2447, le chapitre général de leur ordre , ils furent libérallement allimentés par un vicomte de Polignac, Louys de Chalancon, Zequel outre plus leur aumosna sur le despart à chacun sept sols et deux deniers. Voy. Oddo de Gissey. Hist. de Notre-Dame du Puy, chap. xt. 9 (130 ) qu’exprime la tête de la Vierge. On croit recon- naître le pinceau du même maître dans deux tableaux qui représentent saint Pierre et saint Paul, et dans une incrédulité de saint Thomas qui se voit dans l’enceinte du chœur; mais le tableau qui décore la chapelle latérale dédiée à la sainte Vierge, serait sans contredit ce qu'aurait produit de plus remarquable cet artiste, dont la manière large, et le style pur et facile rappelle l’école des Carraches (1). (4) Ce qui frappe au premier abord dans ce tableau, c’est la singularité du sujet et l’arrangement symétrique des person- nages. On y voit au milieu la Vierge assise sur un nuage et tenant l’enfant Jésus surses genoux. À ses pieds sont agenonillés à sa droite saint Dominique, à gauche un roi de France. Ces deux personnages recoïvent chacun un chapelet, le saint des mains de la Vierge, le prince de celles de l’enfant, auquel il offre en échange sa couronne royale. Le peintre a peut-être voulu faire une double allusion au vœu de Louis XIII et à l'institution du chapelet, dont les légendaires font honneur à Notre-Dame du Puy et au fondateur de l’ordre des Domini- cains. Deux Chérubins placés au second plan, ainsi que quatre Anges groupés deux à deux aux angles supérieursdu tableau observent entr’eux la plus exacte symétrie. Cette disposition tenait, pour le dire en passant, à des usages consacrés et tra- ditionnels dont l’origine remonte sans doute à l’enfance de L'art, mais dont les plus grands génies de la renaissance eux- mêmes n’ont pas toujours osé s’affranchir; et remarquez que c'était encore là une des moindres difficultés que le peintre avait à vaincre, il fallait encore qu’il donnût de la vie et de la couleur à une scène sévère, froide, inanimée. Je ne dirai pas qu’il ait complètement réussi; toutefois, la pose des person- (PES 1. } Les peintures que je viens de citer n'étaient pas les seules qui ornassent autrefois l’église. On van- tait anciennement l'éclat et la richesse des com- positions qui décoraient dans toute leur hauteur les cinq grandes verrières du chœur. Ces vitraux précieux dont on voit encore les vestiges au som- met des fenêtres furent, sans doute, détruits pendant les guerres de religion et avec eux périrent aussi les peintures et dorures à fresques qui animaient autrefois de leurs brillantes couleurs les chapelles, les tombeaux et jusqu'aux ornemens sculptés du sanctuaire. L'histoire nous a conservé la date de ces dégradations auxquelles se ratta- chent, comme nous allons le voir bientôt, les dévastations qu'a subies un monument d’un plus haut intérêt. On sait, en effet, que pendant le siége mémorable que les habitans du Puy eurent nages est vraie et bien sentie, et le groupe de la vierge et de l'enfant ne manquent ni de cette grâce, ni de cette naïveté qui caractérisent à un si haut degré les types ravissans que nous a Jaissés Raphaël. Le peintre Jean Francois, dont le portrait, peint par lui- même, est au Musée du Puy, a laissé quelques autres tableaux qui ne sont pas sans mérite. On peut citer le Christ en croix qui décore le maitre-autel de l’église du Collége , un autre Christ placé à l’Hôpital-Général, enfin un tableau qui se voit dans l’église Notre-Dame, êt représentant les six Consuls de la ville en grand costume, et agenouillés devant l’image de la Vierge. Ce tableau est signé Joannes Franciscus Anic. invenit et fecit, et daté de l’an 1653. (.182) À soutenir en 1562, contre huit mille Religion- naires commandés par le sieur de Blacons; ceux- ci, furieux d’avoir échoué dans leur projet de surprendre la ville, saccagèrent nos faubourgs, ruinèrent le château d'Espaly et portèrent le pil- lage et la destruction dans toutes nos églises exté- rieures. La rage des Iconoclastes ne fit grâce dans celle des Dominicains, ni aux niches délicatement sculptées du portail d'où fut détrônée plus d’une statue gothique, ni aux verrières du chœur, ni au tombeau de l’évêque Bernard de Montaigut, d’où Von arracha, suivant nos historiens, de riches ornemens de bronze (1) et encore moins au mau- solée du connétable, dont la noble figure ne fut même pas respectée par les briseurs d'images. Ces deux derniers monumens se voyaient an- ciennement dans l'enceinte du chœur, à droite et à gauche de l'autel. Tout ce qui nous reste du (1) Le tombeau de cet évêque, mort en 1245, avait été pro- bablement transporté dans la nouvelle église, après la destruc- tion de l’ancienne. L'inscription rapportée par Oddo, fait mention d’une image ou statue de l’évêque que l’on voyait sur le tombeau. La voici : « B. (Beatus) vir, discretus, affabilis, atque facetus, » Sobrius et castus , pius et sine crimine fastus, » Largus in expensis, præsul jacet Aniciensis ; » Hoc in sarcophago, prœsens ut monStrat imago » Cui de peccatis veniam det fons pietatis. » Le P. Oddo en donne une traduction en vers francais qui n’est pas moins curieuse. a LAS 7 premier est une inscription emphatique en vers latins rmés, que cite le P. Oddo de Gissey, dans sa curieuse Histoire de Notre-Dame du Puy. Les vestiges, s’il en existe encore, sont probablement cachés derrière les boiseries des stalles. Le mau- solée de Duguesclin, auquel il faisait face , avait élé livré, depuis 1562, à l'abandon le plus com- plet; le temps et l'incurie achevaient de le dégra- der, lorsqu'en l'an 8, les cendres du eonnétable, retirées en grande pompe de la poussière qui les couvrait depuis quatre siècles, recurént les honneurs d’une fête publique (1). Mais personne NE (1) Voyez, pour les détails de cette solennité, une brochure in-12, en tête de laquelle on lit: Département de la Haute- Loire , féte de la république , 5 complémentaire an 8. Translation des cendres de Juguesclin, procès-verbal rédigé par M. Barrès, secrétaire-général, Ces cendres devaient être placées à la base d’une colonne qui ne fut pas érigée; un médaillon en bronze que je possède, est tout ce qui reste du monument projeté ; on y lit cette insoription gravée en creux : Aux braves morts au champ d'honneur, la patrie reconnaissante. An 8 de la république française, Département de la Haute-Loire, Lamothe, préfet. X1 paraît, d’après les registres de la paroisse, que ce fut le 10 juin 1808 , et sur la demande du conseil général, que les cendres de Duguesclin furent rendues à l’ancien monument. Ces restes sont placés dans une petite boîte de plomb de forme ronde, renfermée dans un autre coffret de même forme et de même métal, Ce dernier coffret fut ajouté, en l'an 8, comme le prouve l'inscription suivante gravée à la face supérieure : Jci reposent les cendres du cœur et des viscères du connétable Bertrand Duguesclin, ensevelies au Puy, dans l'église Saint- Laurent, et exhumées Le 5 complémentaire an 8 de la république (154) à cette époque n’eut la pensée qu’en assurant, par une restauration sage et intelligente , la conser- vation du monument, ce serait consacrer , d’une manière plus solennelle et surtout plus durable, le souvenir précieux d’une de nos gloires nationales. D'après le vœu émis en 1831, par le Conseil général, le mausolée vient d’être rétabli et placé dans la chapelle latérale à droite du chœur. Les sculptures détachées avec le plus grand soin, ont été réparées et rapportées fidèlement à leur place respective. Cette restauration, qui annonce dans son auteur une connaissance approfondie de nos antiquités du moyen-âge, est due à M. Eynac, curé de l’église de Saint-Laurent, et l'exécution au ciseau déjà exercé de M. Crouzet, jeune artiste sorti de nos écoles de dessin (1). Tel qu'il existait autrefois , le monument se composait, dans son ensemble, d’une vaste niche ou arcade pratiquée dans l'épaisseur du mur, et d’un cénotaphe de 3 pieds de haut qui en occupait la partie inférieure. On voyait sur ce cénotaphe la francaise, sous la préfecture du citoyen Lamothe, département de la Haute-Loire, Ge coffret a été placé dans l’intérieur du cénotaphe, sous la statue du connétable. (1) On a employé à la restauration du monument et de la cha- pelle une somme de 3000 francs votés par le conseil général : il faut ajouter à cette somme celle de 1000 francs, accordée par le Gouvernement, à la demande de M. Joseph Bertrand, député de la Haute-Loire. _ C5) statue du connétable couchée et armée de toutes pièces. Des emblèmes royaux et de petites figures représentant le Sauveur, la Vierge et des Anges décoraient le fond de la niche; à l'exception de la statue de Duguesclin, toutes les parties du monument et jusqu'aux moindres détails de sculp- ture, laissaient voir des vestiges des peintures et des dorures qui les avaient autrefois couvertes. La niche ou arcade dont je viens de parler, avait 12 pieds de hauteur, 7 1[2 de largeur, 2 de profondeur. Elle était à ogive et ornée extérieu- rement de trois nervures groupées, la supérieure surmontée d’un cordon ou guirlande de lys, et faisant retour à ses naissances sur les murs laté- raux, les deux autres retombant de chaque côté de l’ogive, sur deux colonnettes, Grâces à des modifications ingénieuses, cette partie du mau- solée a gagné en élégance et en légèreté, sans rien perdre de son intérêt archéologique; en effet, l’arcade, les colonnettes et leurs jolis chapiteaux à feuilles de chênes, ont été conservés (1), mais une dentelle artistement découpée à jour s’est (1) Quand je dis que l’arcade, les chapiteaux et les colon- nettes ont été conservés, je veux parler du dessin et des pro- portions de ces différentes parties qu’on a reproduites exactement; elles étaient trop mutilées pour êtreemployées. Deux seuls cha- piteaux étaient restés intacts ; ilsont été déposés au Musée. Tous les autres détails de sculpture, à l’exception d’une figure dont il sera question, appartiennent à l’ancien monument. ( 156 ) mariée aux nervures de l’ogive; aux colonnettes se sont accolés en avant-corps deux pilastres avec dais et clochetons, et enfin à la guirlande de lys presque complètement détruite, ont succédé des faisceaux de nervures légères et délicates, se redressant en pignon aigu, décorées, dans toute leur hauteur, de larges feuilles de choux et pro- jetant à leur sommet de gracieux panaches. C'était, je l’ai dit, à la partie inférieure de la niche et sur un cénotaphe que reposait la statue de Duguesclin. On l’avait figuré de grandeur natu- turelle, couvert de son armure et portant à ses côtés son écu armorié (1), une dague et l'épéede connétable. La tête est nue, suivant l'usage qui voulait, d’après Sainte-Foix, qu’on ne représentät casqués que les guerriers morts sur le champ de bataille; les mains sont jointes sur la poitrine etles pieds s’appuient sur un chien couché, Ce qu'il faut surtout remarquer, c’estavec quelle exacte fidélité cette statue reproduit le portrait peu flatté que l'Histoire nous a laissé de Duguesclin. Au dire de ses biographes, «il avait la taille épaisse , les » épaules larges, le col court, la tête mons- » trueuse; je suis fort laid, disait-il Ini-même » dans sa jeunesse, jamais ne serai bien venu des (1) Il porte d'argent à l'aigle de sable, éployée à deux têtes, becquée et membrée de gueules, à la cotice de gueules mise enr bande, brochant sur Le tout, ce qui semble une brisure de cadet. (137) » dames, mais saurai me faire craindre des » ennemis de mon roi. » Outre la statue, on voit, sur une même ligne horizontale, un joli dais gothique placé au-dessus de la tête du guerrier. Le dessin en est simple, le travail fin et soigné. À la retombée d’un de ses petits ceintres festonnés, l'artiste a jeté un cul-de- lampe assez singulier. C’est une petite figure de chien grotesquement affublé Œun capuchon et d’une robe de Dominicain. Je ne m'arrêterais pas à cette idée bizarre, si elle ne rappelait ces nom- breux exemples de critique, disons mieux, de satyre exercée par les artistes du moyen-âge contre les moines dont on retrouve de fréquentes et curieuses caricatures grimacant de mille facons diverses, entre les colonnes effilées de nos an- ciennes cathédrales, s’allongeant en gouttières sous les cornichés et se glissant jusques dans la sculpture des stalles, où le moine venait prier et se recueillir (1). Le fond de la niche avait été peint en bleu d'azur et parsemé de longues fleurs de lys d’or. Ce fond, qui représentait peut-être dans la pensée de l'artiste, un ciel semé d'étoiles, mettait en saillie trois statuettes et cinq figures d’anges à demi- cachées dans les nuages. Quelque étranges que (:) On en voit quelques exemples dans les riches menuiseries qui ornent les stalles de l’église de la Chaise-Dieu, ( 138 ) puissent paraître leur ordonnance et le choix des couleurs qui les recouvrent, la restauration a dû les reproduire exactement dans lintérêt de la vérité historique : c’est à la partie supérieure, la figure du Sauveur , tenant un globe d’une main, de l’autre donnant sa bénédiction. À ses pieds, un ange aux ailes déployées et à la chevelure dorée, supporte une couronne d’or au-dessus de l’écu de France soutenu lui-même par deux anges. Plus bas est placée la bannière célèbre connue sous le nom d'oriflamme. Elle est, comme nous l’ont dépeinte les anciens auteurs, couleur de feu, avec l'écu fleurdelisé aux quatre angles (1). À sa droite et à sa gauche , le Sauveur est encensé par deux anges, dont le mouvement ne (2) Voyez l'Hist. de Saint-Denis, par Raoul de Presles. L’ori- flamme, dit-il, esé à savoir un glaive toit doré où est attachée une bannière vermeille. Cette bannière était celle du comté de Vexin, pour lequel le roi relevait de l’abbaye de Saint-Denis. Louis-le-Gros fut le premier de nos rois qui vint la prendre dans ce monastère. l’ancienne bannière de France était de velours violet ou bleu céleste, que Louis-le-Jeune parsema de fleurs de lys d’or , lorsqu'il l’emporta à la croisade. Sous Charles V, on réduisit à trois ces fleurs de lys, en l’honneur, dit-on, de la Sainte-Trinité. L'origine du drapeau blanc ne date que du règne de Charles VIT ; c'était l’étendard de Jeanne d'Arc, sur lequel on lisait le mot Zhesus brodé dessus. Cette couleur fut adoptée par nos rois, jusqu’à l’époque où les trois bannières bleues, rouges et blanches devaient, par une fatalité assez bizarre, se retrouver dans les trois couleurs de notre drapeau national. ( 139 ) manque pas de vivacité, Au-dessous du thuriféraire de gauche, on voit la Vierge avec son enfant, cou- ronnée d’un diadème et vêtue d’un grand manteau assez semblable à celui que portaient les reines de France. La statuette qui faisait symétrie avec celle- ci, était probablement celle de saint Jean-Baptiste, que les monumens et les légendes nous montrent comme le compagnon inséparable de la Vierge. Les religionnaires l’avaient presque entièrement brisée, ainsi que les têtes du Sauveur, de la Vierge et celle du connétable qu'ils avaient pu prendre, dans un premier moment de fureur, pour l’image d’un saint personnage. Au reste, ce qui ferait croire que ces dévastations avaient été, de leur part, le résultat d’un vandalisme réfléchi, c'est qu'ils avaient respecté les emblèmes royaux et laissé intactes les figures de chérubins que leurs croyances ne proscrivaient pas. On lisait, au-dessus de la statue de Duguesclin, l’épitaphe suivante peinte en noir et en caractères gothiques sur un lambel fond blanc : Œi gist tresnoble be et vaillat messire bertrad clair conte de logumitle jadis comwestable de fraute. Qui trepassa. L'an mil. ccc. xx. Le xuu. de Jul. --- Les peintures qui ornaient autrefois les nervures du ceintre, le fond et les côtés de la niche étaient (140) à la détrempe et posées par teintes plates et unies, Le bleu et le rouge dominaient danses draperies, l’or en enrichissait les franges et brillait dans les chevelures et dans les auréoles des Saints. Le vert employé le plus ordinairement pour peindre l'esprit malin, décorait, chose assez singulière , les ailes des anges, ce qui n’étonnera pas davan- tage que le costume de Dominicains dont on avait vêtu ces naïves figures. Enfin, on s’était servi, pour le corps du monument, d’un arkose à grains fins des carrières de Blavozy, et de la pierre trachy- tique de la Pradette, et pour les parties les mieux ouvragées , du calcaire d’eau douce d’Espaly , pierre tendre et solide qui se prête merveilleuse- ment à tous les caprices du ciseau. Aux détails que je viens de donner sur l’ancien monument , ajoutons quelques modifications qu’il a subies dans la restauration. Outre son couron- nement formant fronton , orné d’entrelas en trèfles, de panaches, de pyramidelles et surmonté, à son sommet , d’une statuette de saint Dominique, vous trouverez, à la face antérieure des pilastres, deux écussons armoriés. Celui de droite qui porte d’hermines, est aux armes de Bretagne, patrie de Duguesclin; celui de gauche offre les insignés de la ville du Puy (1). Un des côtés intérieurs de la (1) L’écu de la ville est semé de France, à l'aigle d'argent, au vol abaissé, brochant sur le tout , l’écu accollé de deux palmes de sinople. - (igi) niche a été décoré d’un entrelas de bon goût au- dessus duquel deux clefs sont liées en sautoir et tiennent à un lambel, où on lit: Castel de Banda. De l'autre côté et au-dessus du même en- trelas, est posé un casque avec panache sculpté en demi-relief (1). Ce n’est pas qu'il n’y eût quelque témérité à essayer la réédification d’un monument, dont le système d'architecture riche et élégante semble avoir été presque complètement oublié depuis troissiècles. Mais cet artadmirable, appelé gothique, on ne sait pourquoi, et qui a couvert, pendant près de quatre cents ans, le sol de notre France d’édifices, où la délicatesse exquise des détails n’est surpassée que par la grandeur et la hardiesse de l’ensemble, a produit aussi dans notre pays des modèles nombreux auxquels ont été em- pruntés, avec un goût remarquable, les gracieux ornemens qui sont entrés dans la restauration du mausolée. Espérons que l'étude et la recherche de ces précieux morceaux d'architecture dispersés çà etlà, comme des perles, dans quelques-unes de nos (1) Un sentiment que le public appréciera, mais que les artistes et les antiquaires n’approuveront pas, a fait supprimer dans la restauration les longues fleurs de lys d’or quicouvraient le fond azur de le niche. Cette profusion dedorures complétait l’ordonnance gothique de cette partie du monument, (142) modestes églises de village, ou qui ornent encore, en dépit du temps et des hommes, nos vieux castels et nos édifices civils et religieux du moyen- âge, réveilleront enfin le respect et la sympathie en faveur des monumens auxquels sont attachés l'histoire progressive de nos arts, nos souvenirs et nos origines nationales, AAA A AAA AV A AV AA AY A VV A AV VV AV UV UV VU VUE AU MUR A AV VU VU VU LV NOTICE . Sur l'institution départementale des sourds- muets de la Haute-Loire, lue dans la séance annuelle du 15 juillet 1834; Par M. Bone, D. M. P. er > QD D DD © meme MESSIEURS , Chaque époque a ses hecoins et ses exigences. Instruire le peuple, mais tout le peuple; faire pénétrer dans les masses une éducation en rapport avec la position de chacun, tels sont, si nous ne nous trompons, les besoins, peut-être les exi- gences de notre temps. Quoique en aient dit cer- tains philosophes, il nous semble que plus l’homme est instruit et civilisé , plus il est sensible et aimant : la culture de l'esprit adoucit toujours les mœurs. nr (145) Ces idées générales nous ont enhardi à venir, même dans celte occasion solennelle | vous parler des sourds-muets de naissance et vous dire ce qui a été fait dans notre département, pour améliorer le sort de cette portion si infor- tunée de l’espèce humaine. L’antiquilé, à ce qu'il paraît, ne s’est point occupée de cette classe d'êtres. La même remarque se fait pour une longue période de l'ère chré- tienne. Ce n’est, en effet, qu’à dater du 15®siècle, de cette époque où lesprit humain prend un nouvel essor, où commence à apparaître le génie moderne, que l’on trouve quelques tentatives pour élever à la dignité d'homme le sourd-muct, que l’on avait jusques-là regardé comme un auto- mate vivant. L'Histoire dit que ce fut un religieux espagnol (1) qui, le premier, mit àexécution cette pensée éminemment morale. Au moyen d’exer- cices variés et long-temps prolongés auxquels il soumit quelqnes sonrds-muets, 1l leur donna la parole: Un pareil exemple fut bientôt suivi par un grand nombre d'hommes recommandables. Entr’autres, on citeun médecin (2) qui, à Amster- dam, fit l'éducation d’une sourde-muette qui parlait (1) Pedro Ponce de Léon, qui mourut en 1584. (2) Conrad Amman, mort en Hollande, en 1724. Il publia deux traités curieux et recherchés; l’un sous le titre de : Surdus loquens, Harlemii, 1692, in-8° , l’autre de Loquela, Amstelo- dami, 1700, in-82. (144) assez bien le hollandais et le latin pour soutenir des thèses dans ces deux langues. Cette méthode qui présentait le grave inconvénient d'être extré- mement pénible et longue, fut, vers le milieu du 18€ siècle, améliorée d’une manière remarquable par un gentilhomme portugais (1). Tout en suivant les erremens de ses prédécesseurs, il employa, combinée avec la lecture et l'écriture, la dactylo- logie, c’est-à-dire la représentation successive, au moyen des doigts,de toutes les lettres nécessaires pour former chaque mot. L'enseignement des sourds-muets en était à ce point, lorsque parut l'abbé de l’Epée. Nous avons en France une maxime proverbiale qui dit avec raison, que les circonstances font les hommes. La circonstance qui poussa l'abbé de l'Epée à s'occuper des sourds-muets, a quelque chose de si touchant et de si honorable pour lui, que nous ne pouvons résister à vous la dire. Il y avait à Paris nn religieux (2) de la doctrine chrétienne qui, depuis quelques mois, donnait des lecons à deux jeunes demoiselles , sœurs jumelles et sourdes-muettes. Déjà il avait obtenu quelques succès, et l'espérance la plus flatteuse encourageaitses efforts, lorsque la mort vint l’en- lever en 1755, à ses infortunées disciples. (1) Don Antoine Paréirès. (2) Le père Vanin. (145 ) Le hasard, on dirait la providence, conduisit abbé de l’Epée dans la maison de ces deux jeunes demoiselles; la mère était absente, il demande à attendre son retour , on l’introduit. Les deux muettes le recoivent avec cet air intéressant du jeune âge, relevé encore par les charmes ingénus d'un silence qui ne ressemble en rien à celui de quelqu'un condamné à ne jamais le rompre. L’abbé de l’Epée fait quelques questions , pas de réponse; il parle encore, on ne lui répond pas davantage, La mère arrive et tout s'explique. L'air ingénu, spirituel et plein de bonté de ces deux jeunes mueites, leur malheur surtout et la douleur de leur mère qui ne pouvait se consoler de la perte du précepteur de ses filles, et qui en parlait avec ce pathétique et cette énergie d’une âme de mère profondément affligée , firent, sur l'abbé de l’Epée, une vive impression. Il retourne chez lui, refléchit sur la scène dont il est encore tout ému, et ne pouvant résister au désir de porter de la conso- lation dans cette famille désolée, il court trouver la mère, et lui fait l’offre de continuer l’éducation de ses filles. L'idée d’un grand homme est toujours féconde, dit l’abbé Sicard, à qui nous avons emprunté la majeure partie du récit que nous venons de faire. De fait, l’abbé de l'Epée avait à ouvrir et déve- lopper l'intelligence de deux jeunes demoiselles sourdes et muettes. Pour cela, il fallait une mé- 10 4 C146) thode; laquelle allait-il employer, lui qui n’en connaissait aucune ? L'idée lui vint que s'il y avait un langage articulé, il y avait aussi un langage de gestes, un langage d'actions. Il essaie et applique le langage mimique à l'enseignement de la gram- maire. Ces deux jeunes élèves firent, par l'emploi de ce moyen, des progrès si rapides, qu'il n’osait y croire lui-même. Bientôt il eut à appliquer cette forme nouvelle d'enseignement à un grand nom- bre d'élèves, et les succès qu'il obtint, allèrent toujours au-delà de ses espérances. Pour qu’une vérité, une découverte soient pro- fitables, il ne suffit pas qu’elles existent, mais il faut qu’elles soient connues de tout le monde, comprises et appréciées par chacun. L'abbé de l'Epée qui avait à cœur de progager sa méthode, non-seulement la soumit aux investigations des savans de tous les pays, non-seulement il appela tous les hommes considérables à assister à ses lecons, à interroger ses élèves; mais encore il s’appliqua à former des maitres qui allèrent dans toute l'Europe propager son enseignement. C’est ainsi que l’on vit bientôt à Rome, à Madrid, à Zurich, à Vienne, à Amsterdam, s'ouvrir, sous les auspices de leurs souverains respectifs, des écoles où l’on élevait les sourds-muets, d’après la mé- thode de l'abbé de l’Epée. Quelques hommes des plus distingués de la France vinrent aussi s’ins- truire auprès de ce grand bienfaiteur de lhu- (147) manité : entr'autres l'abbé Sicard qui fut son digne successeur. Quel que soit ici notre âge, qui n’a entendu parler de ce savant académicien ? Beaucoup sans doute ont assisté aux étonnantes séances publiques qu'il donnait plusieurs fois par année, et quel est celui qui n’a applaudi à lorigi- nalité et à la précision des réponses que faisaient Massieu et certains de ses condisciples ? Qu'on nous permette d'en citer quelques-unes (r) : DEMANDE, Qu'est-ceque l'éternité ?.. Réponse, C’est le nom âge; l’aujourd'hui sans hier ni demain ; le présent sans passé, ni futur; l’existence sans nais- sance, ni mort; la jeunesse sans enfance, ni vieil- lesse; le jour sans succession, le jour circulaire, limmensité de vie. Qu'est-ce que l'espérance ?.. — Le bonheur en fleurs; l'attente d’un bien qu'on désire et qu’on croit qui doit arriver. Le désir? — Le bonheur sans fruit et sans feuilles. La jouissance ? — Le bonheur en fruit mûr. La difficulté ? — Possibilité avec obstacle. L’insouciance? — Neutralité entre le désir et le dégoût. La reconnaissance ? — La mémoire du cœur, Malgré l’excellence de la méthode de l’abbé de l'Epée, malgré les efforts de l'abbé Sicard, qui consacra sa vie à apporter des améliorations à la (1) Ces réponses ont été faites dans la séance du 6 décem- bre 1817. (146 ) méthode de son maître, l’art d'instruire les sourds- muets ne s’est néanmoins que dans ces derniers temps, popularisé en France. Les gouvernemens révolutionnaires avec leurs cruels déchiremens; Fempire avec sa constante diversion de gloire, ne laissaient guère le loisir de s'occuper de lhu- manité. Aussi, tandis que le nord de l'Europe possédait un grand nombre d’établissemens de sourds-muets, la France n’en comptait que deux, l'un à Paris, l’autre à Bordeaux. Vint la restaura- tion; avec elle la paix et la liberté qui furent les principales conditions de son existence. Dès cette époque, des pensers d'utilité générale s'emparent d’un grand nombre d'intelligence, animent une foule de généreux esprits. L’attention publique une fois dirigée de ce côté, les sourds-muets ne pouvaient être et ne furent point oubliés. De 1817 à 1632, 26 écoles ont été établies en France. Toutefois au Puy,comme ailleurs, se trouvaient des sourds-muets; comme partout ailleurs où ils n’ont recu aucune espèce d'instruction , ils étaient peu propres à pourvoir aux besoins de leur vie matérielle. Onssavait, il est vrai, que le sourd- muet est susceptible d'instruction et d'éducation, et qu’alors il pense à la manière des autres hommes ; comme eux peut prendre un métier, un état; se livrer enfin à des travaux utiles et à lui et à la société pour laquelle il cesse d’être un membre parasite. Mais pour cela, il fallait aller ( 149 ) au loin; être absent long-temps; faire, pendant plusieurs années , des dépenses continues et grandes, toutes choses difficiles pour quelques- uns, impossibles pour le plus grand nombre. Le moyen de déterminer celui qui n'a que peu de fortune à en faire le sacrifice dans lintérêt de son instruction : avant tout, on pense à vivre. Puis les besoins de la vie intellectuelle agissent tout au rebours de ceux de la vie matérielle, Un homme privé de toute substance alimentaire , sent la faim; mais plus homme est ignorant, moins il sent le besoin de s’instruire, Tout portait donc à craindre que les sourds- muets de notre pays restassent encore long- temps livrés à eux-mêmes et à leur ignorance, lorsqu'un sourd-muet, sorti naguère de l’école de Bordeaux, vint au Puy se fixer auprès de ses parens. La promptitude avec laquelle il répondait, par écrit; aux questions qui lui étaient faites; le savoir et l'intelligence qu'il montrait dans les choses ordinaires de la vie, fixèrent aisément la curiosité d’un certain publie toujours à l’affüt de ce qui est nouveau ou insolite; mais cette curiosité n'eùt été que froide et stérile, s'il ne se fût alors trouvé à la tête de l'œuvre de charité de notre ville , une vieille demoiselle au cœur généreux et à l'âme ardente et passionnée pour toutes les infortunes (1). Cette demoiselle n’eut pas plutôt (1) Mademoiselle Genestet. ( 150 ) connaissance qu'un sourd-muet {1) ayant de lins- ruction, était au Puy, qu’elle va à lui et le supplie de donner des lecons à des sourds-muets qu’elle affectionnait. Ce jeune homme, sous la direction de M. d’Authier de Saint-Sauveur (2) se met à l’œuvre et des succès ne tardèrent pas à couronner ses lecons. La renommée s’en empare, et de tout Parrondissement se présentent des élèves. Le conseil municipal du Puy, auquel aucune pensée de progrès n’était étrangère, et compre” nant au reste tous les avantages d’un tel enseigne- ment, ne tarda pas à venir à son aide, lui donna tous ses soins et le seconda de tous ses efforts. Tel était l’état des choses en 1821. Quelques années encore et de nouveaux succès éveillèrent dans tout le département l'attention publique. Le conseil général qui, sur la sollici- tation d’un magistrat (3) dont vous aimez à garder le nom dans cette enceinte, avait accordé, depuis quelques années, des fonds pour cette école nais- sante, voulut, dans sa session de 1626, connaître de cette institution. 11 interroge, prend des ren- seignemens, se livre à des investigations de toutes sortes, et bientôt persuadé des bienfaits que le (1) M. Plantin. (2) Ancien maire de la ville du Puy, ancien sous-préfet, est un des hommes les plus recommandables par ses lumières et sa philanthropie éclairée. (3) M. de Bastard, ancien préfet de la Haute-Loire, (ar ) pays pouvait y puiser , il la prend sous son patro- nage, la dote de fonds nécessaires et demande qu’elle soit placée sous la surveillance d’un conseil administratif, Depuis cette époque, les conseils généraux qui se sont succédés, ont eu à s'occuper de cet utile établissement, et tous lui ont porté le plus vif intérêt. On les a vu, dans chacune de leurs ses- sions, aller au devant de ses besoins, solliciter les améliorations à y introduire, et de plus en plus persuadés des avantages que notre localité dépar- tementale en retirait, et en retirerait surtout à la longue, ils n’ont reculé devant aucun sacrifice. C’est ainsi que dans sa session précédente, après s'être convaincu que le local actuel, dû au reste à la bienfaisance, n’était plus en rapport avec le nombre toujours croissant des élèves, le conseil général a alloué des fonds pour l'achat d’un local plus vaste et plus convenable. Cette réflexion m'amène naturellement à vous parler de l’état actuel de l’école. Dans les premières années, il n’y avaitque peu d'élèves : gradativement, ce nombre s’est accru. Cette année à l'ouverture des classes, il y en avait quarante. Aujourd'hui on en compte seulement 37, dont 15 du sexe masculin et 22 du sexe féminin. Sur ces 37, 8 appartiennent aux départemens limitrophes et 17 sont à la charge de l'école, qui, (52) outre l’enseignement commun, les nourrit, les blanchit et souvent leur fournit des habillemens. Depuis 1827, 102 élèves en sont sortis; 20 d’en- tr’eux appartiennent aux départemens qui nous avoisinent. Le personnel se compose d’un instituteur (1) et d’un surveillant pour les garcons; d’une insti- tutrice (2) et d’une surveillante pour les filles ; puis des domestiques nécessaires pour le service de la maison. Le nombre d'années d’études nécessaires pour donner à l'élève une éducation analogue à celle que pour les parlans, on nomme primaire, est de cinq à six ans. Ce temps peut paraître à beaucoup de personnes extrêmement long; mais il paraîtra court à ceux qui savent ce qu’est un sourd-muet sans instruction. « Au dehors il a toutes les ma- » nières et les usages de l'homme civilisé, et au » dedans toute la barbarie et lignorance d'un » sauvage; il est sans notions des lois, des liens » de famille, d’intérét social, de religion; en un » mot, il est dépourvu de toute idée mére, ou » plutôt générale. » Tel est le tableau qu’en a fait le judicieux médecin Itard, qui a long-temps vécu au milieu d’eux. (1) M. l’abbé Perret. (2) Mademoiselle Barthelemi, dont le zèle plein d’intelli- gence, ne s’est point démenti depuis six aus qu’elle appartient à l'établissement comme institutrice et directrice. (153) Je reviens à l’école du Puy. Quel mode d’en- seignement y suit-on? C'est une question à laquelle je me garderai de répondre, non certes que cette méthode ne mérität toute votre attention par ses procédés ingénieux et savans, mais pour cela, il faudrait vous occuper trop long-temps. Aussi me bornerai-je à dire que l’on y enseigne la langue des signes, la lecture, l'écriture, la grammaire, les élémens du calcul, de la géographie et notam- ment les idées morales et religieuses. Les filles apprennent en outre les travaux ordinaires, tels que la couture, la broderie, etc. Les ressources de cet établissement sont locales et départementales. Le Conseil municipal du Puy est dans l'habitude d’allouer une somme variable depuis 300 jusqu’à 600 fr., suivant les besoins. Cette année et l’année précédente cette allocation a été portée à 600 francs. C’est surtout le Conseil général qui lui fournit ses principaux moyens d'existence. Jusques ici la somme de 3000 fr. allouée par ce Conseil, n’a que très-peu varié depuis 1827; toujours elle a été suffisante. Cette année , le nombre des élèves s’est tellement accru, que sans un legs de 100 francs fait par M. l'abbé Lagarde, etun secours de 300 fr. accordé par le Gouvernement sur la sollicitation réitérée de M. le député Bertrand, on eût été dans la pénible nécessité de renvoyer chez eux plusieurs élèves : et cependant 25 demandes en admission, (154) “ venues de tous les côtés du département, ont été adressées pour l’année scolaire prochaine. C’est sur ces besoins nouveaux et urgens que la com- mission de cette école a appelé toute la sollicitude du Conseil général. Tuteur nommé pour veiller aux intérêts matériels et moraux du département, ce Conseil ne négligera point, nous en sommes convaincus, les intérêts de cette école qui sont aussi ceux du peuple et ceux de l'humanité. Ses lumières et son patriotisme élevé en sont de sûrs garans (1). J’eus désiré joindre à cette notice un tableau statistique des sourds-muets du département. Ce travail eût offert peut-être quelque intérêt. J'eus cherché à classer ces malheureux d’après leur âge, l’époque de leur surdité, la fortune, disons vrai, d’après l’indigence de presque tous leurs parens. Tout en établissant leur rapport à la population, j'eus cherché à tirer quelques considérations phy- siologiques du rapprochement de leur nombre avec Ja position physique et morale de nos trois arrondissemens. Malgré lappui que j'ai trouvé dans le premier magistrat du département et dans lEvêque du diocèse qui ont bien voulu seconder ces recherches de tout leur pouvoir, il a été im- possible d'arriver à une donnée un peu positive. (1) L’allocation faite par ce Conseil a été, cette année-ci, de 4000 francs. (155) Quelques Maires seulement ont répondu aux ques- tions qui leur étaient adressées. MM. les Curés ont encore été plus négligens. Nous avons vu comment, grâce à cette sym- pathie active que Mlle Genestet portait à tous les malheureux, quelques sourds-muets avaient recu en commun un enseignement propre à leur état; et comment le Conseil municipal du Puy et plus tard le Conseil général du département s'étant associés à cette bonne œuvre, une école avait été fondée. Mais est-ce assez d’avoir donné à quelques sourds-muets les alimens de la vie sociale, morale et religieuse? Est-ce assez de les avoir sortis de l’abrutissement où ils vivaient, et de les avoir mis à même de se créer une existence qui leur appar- tienne en propre? La dette de la société, en pré- sence de telles infortunes, doit-elle se borner là!!! Dans ces derniers temps, le Gouvernement a appelé la sollicitude des Préfets sur les enfans repris de justice. IL désire qu’on les mette en apprentissage chez des maîtres. Pourquoi de jeunes élèves studieux et moraux, qui n’ont d’autres torts que d’avoir été traités par lanature, comme si elle n'avait été pour eux qu’une marâtre , n’auraient- ils pas droit à la même sollicitude? malgré Vol- taire qui assurait, pour plaire à Catherine, dit-on, que la lumière nous venait du Nord, nous avons l'habitude de penser que la France est, en toutes choses, à la tête du progrès. C’est une de ces (156) illusions qu'il ne m’appartient pas de détruire. Seulement je dirai qu'il est positif que si la France a possédé, la première, une institution des sourds- muets; que si elle a la gloire d’avoir imprimé le mouvement qui a porté les peuples et les princes à s’occuper d’une manière active de cette classe d'êtres si à plaindre, en revanche d’autres contrées l'ont dépassé grandement dans cette carrière de bien. Ainsi en Prusse, en Autriche; et nous pou- vons en dire autant des puissances confédérées, tous les élèves sourds-muets , à la sortie des écoles, sont mis, suivant leurs goûts et leurs apti- tudes, en apprentissage chez des maîtres où ils restent jusqu'à leur émancipation, sous l’inspec- tion des institutions où ils ont élevés. C'est sur cette amélioration importante que je veux, avant de finir, appeler votre attention. Il serait à désirer qu'une telle amélioration füt intro- duite dans le régime de notre école départementale. Et d’abord remarquons que presque tous les sourds-muets appartiennent aux classes pauvres : comment dès-lors espérer que les parens fassent des sacrifices pour donner à leurs enfans qui sor- tent de l’école lesmoyens de se créer une industrie indépendante? D'autre part, la différence des forces entre les sexes en entraine dans les moyens de se créer cette industrie. Lorsque l'éducation d’une jeune sourde-muette est achevée, si ses parens ont quelque chose, elle trouve dans la (197) maison maternelle un asile tout prêt contre les exigences de la vie; mais si elle est orpheline ou pauvre, que va-t-elle devenir avec son inexpérience, son infirmité ,; son dénuement au milieu de ce monde égoiste et froid , elle qui w’a connu, pen- dant les cinq ou six ans qu’elle a passés à l’école, que constante protection et bienveillante sur- veillance ? On le voit, il reste encore beaucoup à faire pour doter les sourds-muets pauvres ou orphelins d’un sûr avenir, Ceux qui s'intéressent à eux avaientsongé, il y a de cela plusieurs années , à venir à leur aide. Ils désiraient qu'une maison de refuge fut créée pour les sourdes-muettes où elles pourraient se secourir mutuellement, et mettant en commun le produit de leur travail, vivre d’une manière plus agréable. Quant aux garcons, ils voulaient, qu'avant même de quitter l'école, ils entrassent en apprentissage du métier pour lequelils auraient le plus de vocation. Afin d'atteindre de tels résul- tats, ils comptaient sur la bienfaisance publique , sur l'assistance du Gouvernement, sur celle du Conseil général et aussi sur la prospérité de léta- blissement. Ils pensaient que si l'institut des sourds-muets du Puy, à l'exemple de ceux de Nancy et de Toulouse, devenait une école centrale pour les départemens du Cantal, du Puy-de-Dôme, de la Lozère, de l'Ardèche et de la Loire, les boni- fications que l’on ferait sur les pensions de ces (158 ) élèves, serviraient à donner quelques secours à la maison de refuge et un état aux élèves indigens du département. Que l’on ne s’imagine pas que ce soit là un de ces rêves creux enfantés par la philanthropie ! Les départemens dont j’ai dit plus haut les noms ne possédent point d’établis- sement analogue à celui du Puy, et déjà les Con- seils généraux de chacun d’eux ont fait des bourses en faveur de sourds-muets que notre éta- blissement a possédés ou possède actuellement. Pourquoi dès-lors n’avoir pas l'espérance que ces bourses soient un jour en plus grand nombre? Peut-être, et cela est à craindre, nous aurons quelques années à attendre pour obtenir de tels avantages; mais en matière d'amélioration on ne marche pas à la manière des dieux d'Homère qui n’avaient qu'à faire un pas et ils avaient franchi la terre. D’ailleurs ce qui pour un simple particulier livré àses propres forces, ne pourrait être qu’éloigné, peut devenir prochain, dès que c’est une affaire de tout le monde. Les départemens qui nous avoi- sinent trouveraient économie à faire élever leurs sourds-muets à l’école du Puy, et notre département qui a fait de grands sacrifices pour la créer, trou- veraitles moyens d'améliorer complétementle sort de tous les sourds-muets qu'il a à sa charge. Il serait donc à souhaiter que le Conseil général émit un vœu spécial qui fût entendu du Gouver- nement, afin d’obtenir , sur les fonds généraux (259 ) affectés aux établissemens de bienfaisance, des secours proportionnés à l’importance de notre ins- titut, et qu’aussi il engagea les départemens qui nous sont limitrophes à voter, en faveur de notre établissement, des fonds annuels pour un certain nombre de bourses (1) qui leur demeureraient spécialement affectées. AA AAA A AR AS AA AA A A A A A AA AA AVS AU VU UV NS UV AS UV VS LA VU LAS PREMIÈRES ÉTUDES DE L'ENFANCE. Par M. POoMtIER. Si l'intérêt qui s'attache à l’enfance ne n'avait donné l'espoir d’être entendu avec quelque faveur, je me serais gardé de présenter ici une simple ébauche de ses premières études. J'avais à me méfier et de moi-même et des formes peu bril- lantes d’un pareil sujet. Mais une seule idée utile, assez heureuse pour émousser quelques épines des premières lecons, pour épargner des larmes à l’en- fance et préparer plus de fruit aux études du second âge , une telle idée, si j'avais eu le bonheur de la rencontrer, était sûre du suffrage des mères et de l'accueil de tous les esprits qui m’écoutent. (2) Le prix de la pension, pour les élèves étrangers au dépar- tement , est de 300 fr. par an. ( 160 ) Cette pensée m'a rassuré, puisse-t-elle ne n'avoir pas séduit! Il faut le dire en commencant : la passion de notre siècle est l’amour du nouveau ; rien de beau, rien de bon, s'il porte le cachet de nos pères. Dans les sciences mêmes comme dans les arts et dans tout le reste, c’est après le nouveau que l’on court, et il n’est point rare de croire l’avoir trouvé quand on a reproduit une vieille idée ou rajeuni un vieux système tombé dans l'oubli. Qu'espérer aujourd’hui d’une méthode, si elle n'est pas neuve, même pour l’enseignement où toute innovation demande le plus de prudence et une grande réserve ? Une méthode est en usage : n'est-ce pas précisément une raison pour la changer? Füt-elle recommandée par les Fleury, les Fénélon , les Rollin : méthode surannée et bonne pour nos bons aïeux. Eùt-elle pour garant le sceau de lexpérience et même du succès : qu'importe ? méthode surannée encore et qui ne répond pas aux besoins du temps où nous vivons! Telle est l’opinion de l'époque; il faut se taire ou payer le tribut aux volontés de cette reine du monde. Le plan d’études élémentaires que nous essayons de tracer n’est pas sans doute tout-à-fait neuf; mais il n’est point suivi dans nos écoles ni dans les éducations privées. Ce ne sera donc pas l’em- preinte déplaisante de la coutume qui pourrait ——" (161) empêcher de ladopter. Si toutefois ce plan ne se rapprochait point de l'avis de plusieurs maîtres habiles dans l'art d’instruire la jeunesse, nous en ferons l’aveu ingénüment; ce serait pour nous une raison de ne le mmettreaujourqu'avec appréhension. L'enfant a-t-il atteint sa septième année : il sait déjà lire, écrire même assez correctement. Ses études vont commencer. Une mère n'aura pas attendu jusques là pour s'occuper à former ce jeune cœur, dont l'intérêt la touche bien autre- ment que celui de lesprit et que toutes les sciences ensemble qui ne s’adresséraient qu’à ce dernier. Elle a pris soin de faire éclore dans le cœur d’un fils chéri le germe des sentimens reli- gieux , source et garant de toutes les vertus, C'est par des traits qui parlent au cœur plus encore que par des maximes et des sentences, qu’elle a donné les premières lecons de morale. Au lieu de fables, elle à fait connaître à son enfant l'histoire de Joseph, celle de Tobie et tant d’autres-tableaux intéressans répandus dans ce livre, qui touchaient à la fois Bossuet et Racine (1); ce livre dont le charme est plus que tout autre sûr de plaire à Fenfance, parce que le caractère qui S'y fait sentir, au milieu des vérités les plus sublimes, esé la simplicité (2). £ (x) La Bible, par Fontanes. {2) Traité des Etudes, de Rollin. 11 ( 162 ) Le précepte de passer du grave au doux n’ap- partient pas seulement à l’œuvre du poète ni même à tous les ouvrages d'esprit : il me semble bien convenir aux exercices du premier âge, La gravité continue du meilleur des livres pourrait étonner ces imaginations trop tendres encore pour la soutenir; il faut varier leurs lectures. J’aime qu'ils s'y retrouvent avec des compagnons de leur âge, causant, jouant et agissant comme eux. J'ai vu les contes naïfs et gracieux de l4mi des Enfans, ses petits drames pleins de charme et d'intérêt faire les délices de ses jeunes amis, les instruire, les rendre meilleurs, les corriger en les amusant. Non, Berquin ne saurait avoir vieilli pour les enfans : cet âge n’est pas, comme un autre, sujet aux caprices de la mode; il ne connaît niles intérêts, niles passions qui changent nos goûts, nos usages, nos doctrines. Ses goûts à lui, ses penchans , ses plaisirs , ses intérêts sont les mêmes qu’au siècle dernier et dans les siècles qui l'ont précédé. Le Recueil de Berquin aura donc toujours pour l’enfance le même attrait, en lui offrant les plus utiles instructions, où l’exemple et la louange excitent l’émulation sans éveiller la vanité ; où le blâme et le reproche laissent leur aiguillon dans ces cœurs sensibles et délicats, sans les froisser. Un autre avantage de ce Recueil, c’est qu'il { 163 ) offre dans tous les instans l’à-propos de la lecon. Il est aisé d’y choisir linstruction convenable au besoin du moment. L'enfant y voit et admire une bonne action , un trait de vertu, il veut les imiter; il envie le bonheur d’un naturel aimable qui charme et gagne tous les cœurs; il ne l’enviera pas toujours sans fruit; il est témoin du chagrin et des regrets d’un autre enfant, il lui a ressemblé par sa faute, il rougirait de ne pas lui ressembler par son repentir. C’est un usage assez général d'exercer d’abord la mémoire de l'enfance par quelques fables de Lafontaine. Mais, de bonne foi, que peut y com- prendre un enfant? Le caractère des personnages, la fidélité des portraits, les finesses du langage, cette naïveté même sans modèle et sans rivale, où l’on ne sait qui l'emporte du sens ou de la grace, tout cela est au-dessus de sa portée; le but moral surtout est une vraie énigme pour lui. L'enfant se rira de la cigale ét de la fourmi qui parlent; que sera-ce du chêne et du roseau? N’est- ce pas de quoi bouleverser les idées naissantes d’un esprit qui s’essaie et ne va encore qu’à tâtons ? Pensez-vous qu'il soupconnera davantage les applications si nombreuses, si faciles même de la grenouille qui veut égaler le bœuf en grosseur, et les plaintes des membres à l'égard de Messer Gaster et le cri de haro sur le baudet, ce cri qui (164) absout sire lion et les autres puissances, gens de meurtre et de carnage, pour dévouer le scé- lérat qui a tondu quelques brins d'herbe ? Le moyen pour un enfant de saisir, de soupconner même lintention de ces petits traités de morale qu'il admirera un jour, mais que son esprit trop faible encore ne peut pénétrer ? Sa mère les lui avait appris; il vous les récite avec sagacité, c’est-à- dire avec mémoire : paroles, inflexions de voix, tout est répété par l’écho et rien de plus. Quand l'esprit de l'enfant sera un peu plus ouvert, s'il faut enfin se décider entre des fables, j'aimerais encore mieux, sans méconnaitre toute la supériorité de Lafontaine, quelques fables choi- sies de l'abbé Reyre, parce que la morale s’y rap- porte davantage à la conception de l'enfance, à ses qualités et à ses défauts, à ses idées et à ses besoins. Au reste, ce n’est point la disette de livres pour lenfance, qui nous obligerait à nous tourner vers les fables. Il existe nombre de petits recueils des- tüinés à cet âge, mais dont le choix mérite examen. Le premier besoin pour ces jeunes esprits et ces jeunes cœurs consiste à les préserver du moindre souffle qui pourrait en altérer la fleur ou la ternir. On a publié tout récemment, sous le titre de Soirées de famille, ou Souvenirs intéressans et utiles, un livre bien digne de notre choix; il exhale un parfum de vertu que les enfans ne sau- ( 165 ) raient trop respirer. Nous ne connaissons rien de mieux concu que le premier de ces souvenirs, pour expliquer à un enfant, dans le langage le plus simple à la fois et le plus touchant, les mer- veilles de la création, et pour le conduire par degrés à l’idée du Créateur. On trouve à chaque page de ce recueil la morale fondue avec le récit , sans en ralentir la marche, sans en affaiblir l’in- térêt. Un autre livre qui renferme un excellent choix de morceaux pour les premiers exercices de la mémoire, ce sont les Leçons de l'Enfance, recueillies par un de nos collègues. Jusqu'ici on n’a fait pour ainsi dire qu'essayer, préparer tout au plus les facultés de enfant. Par- venu au moment où ses études vont commencer, par où faudra-t-il débuter? Entrerons-nous dans lornière de la routine, et suivant avec notre élève la méthode usitée depuis tant de siècles, tente- rons-nous , malgré les conseils de plusieurs esprits éclairés et judicieux, de l’initier aux sciences par la grammaire ? Ainsi, dans un âge où les premières lueurs du jugement ne font que poindre, nous voudrions exiger d'un enfant qui bégaie encore, une étude où ce n’est point trop d'une certaine maturité, pour ne pas dire de toute la force de la raison. Qu'il est à craindre qu'une occupation aussi abs- traite, aussi aride, ne le rebute et le décou- rage! Et si par suite de ce dégoût il vient à ( 166 ) prendre les livres en horreur, quel moyen nous restera-t-il pour vaincre sa répugnance ou dissiper sa langueur, et rallumer en lui quelque étincelle d'émulation ? Sans doute il ne faut pas se conformer aux caprices de lenfance dans les lecons qu'on a à lui donner. Etudions son intelligence avec ses goûts, ses facultés avec ses besoins; observons ce qu’elle peut et ce qui lui convient. Sans cette attention, que doit-on se promettre, et où croit-on aboutir ? On aurait contrarié le vœu de la nature, suivi une fausse direction, confondu la capacité d’âges différens, exigé de lenfant ce qu'il faut attendre du jeune homme, et pour me servir d’un adage vulgaire, on aurait voulu lPexercer à la course, avant de lui avoir appris à marcher. La première faculté qui se manifeste chez les enfans, n'est-ce point la mémoire, ce ressort de l'esprit, si je puis parler ainsi, qui met en jeu les autres facultés et leur sert à se produire et à se développer ? Quand l'enfant sourit pour la première fois à celle qui la nourri de son lait, consolé par ses caresses, égayé par son sourire, c’est qu'il se sou- vient. S'il ne sourit pas de même à la mère qui l’a éloigné de son sein, c’est qu'il ne se souvient pas et ne peut se souvenir. Commence-t-il à diri- ger vers vous ses premiers pas, à bégayer les pre- mières paroles, c’est encore qu'il se souvient, Si, Le (167) près d’un brasier ou d’une mare d’eau, l’enfant ne se méfie pas du danger ; s’il porte la main sur un charbon ardent comme sur une rose, et saisit une épée comme un hochet , c’est qu’il ne se souvient pas. Quelques chutes ou la douleur lui enseigneront la méfiance; il la connaîtra quand il se souviendra. La mémoire est donc la première faculté en éveil dans l'esprit de l’enfant. C’est elle qui ras- semble les idées que la raison ou l’entendement compare, examine, apprécie et met en œuvre, et que plus tard l'imagination combine , applique et embellit. S'il en est ainsi, la marche de nos études est toute tracée. Celles du premier âge s’adresseront à la mémoire : les objets d'étude de l'enfance seraient donc l’histoire, la géographie, les élémens du calcul, le dessin linéaire , les notions les plus simples de la géométrie et des sciences naturelles. Après ce cours, viendraient dans leur ordre les lecons de grammaire, les principes de logique, l'art oratoire et l’art poétique, sans abandonner les objets des premières lecons qui recevraient alors plus de développement; ensuite les sciences morales et physiques, enfin, les études spéciales. Mais ne sortons point du cercle de l'instruction de l'enfance, dont nous avons à nous occuper. Un des maîtres en l’art d'écrire et de penser, Quintilien, propose, pour le début des études, la ( 166 ) lecture des poètes. Sans doute lavis de cet écri- vain, lun des plus judicieux de lantiquité, est d’un grand poids, et s'il fallait jurer sur la parole du maître, Quintilien seraitun des hommes les moins propres à nous égarer. Mais outre que les ouvrages des poètes sont d’une intelligence plus difhcile, il en est peu où l’on ne rencontre des passages qu'il convient de dérober aux yeux de l'enfance. Ce n’est pas tout, un lecteur qui n’a ‘aucune teinture de l’histoire, nous semble tout perdu au milieu des récits divers qui sont le plus bel orne- ment d’un poème. Prenez un pareil lecteur, non de dix à douze ans, mais de quinze et d’un autre âge, n'importe; montrez-lui ladmirable peinture des Champs-Elysées où le fils d’Anchise voit passer sous ses yeux l'élite de ses descendans. Montrez- lui le bouclier merveilleux , chef-d'œuvre de Vulcain; faites-lui contempler la beauté du dessin, les traits frappans de chacune des figures, et dans le cercle étroit d’une armure la gloire de Rome et les hauts faits de ses enfans. La physionomie de chaque héros est ‘si distincte , si ressemblante, qu'elle ne saurait être méconnue, à moins qu’elle ne frappe pour la première fois nos regards. Inter- rogez notre novice en histoire : sans fil pour le guider dans ce labyrinthe, sans flambeau pour l'aider à discerner les objets, qu’aura-t-il re- marqué ? Moins encore que le pieux Enée qui considéra du moins d’un œil ravi les destins ( 169 ) de sa postérité, et les admira sans les avoir compris. Qu'on ne nous objecte point les difficultés d’une langue qui mettrait, dira-t-on, en défaut un esprit plus éclairé et plus pénétrant.Tirons, si l’on veut, notre exemple de l’un de nos poètes. La Henriade nous offre précisément une peinture du même genre. Saint Louis montre à son petit-fils les nobles rejetons de sa race et cette suite nom- breuse de grands hommes, à jamais l'amour et l’orgueil de la patrie. L'exacte vérité des traits exprimés par le poète ne servira de rien à un lecteur qui ignore le caractère et les actions de nos héros, pour recon- naître le vaillant Guesclin, le sage Turenne, lau- dacieux (Villars. Reconnaïtra-til mieux ni d’Am- boise, l'ani du peuple, ni Colbert, le protecteur des arts, ni le grand roi lui-même, trop fer dans ses succès, mais ferme en ses traverses, ni cette âme si belle, si touchante de l'élève de Fénélon , dont le règne eût rendu la France trop heureuse ? Non, je ne crains point de Flas- surer, notre lecteur n'aura vu dans cette riche galerie de tableaux qu'une série confuse de noms avec une esquisse rapide de quelques portraits, tout au plus une idée vague d'événemens où l’ordre des temps se trouve même confondu. Cette vue n’a pu réveiller en lui aucun souvenir. Il a promené ses regards sans intérêt sur des objets qui lui sont étrangers. (170 ) Au premier des noms illustres que je viens de nommer , au nom du généreux guerrier qui délivra nos contrées du joug des Anglais, plusieurs d’entre nous peut-être se sont transportés par la pensée au monument relevé à sa gloire, à ce mausolée sauvé désormais des outrages du temps et de l’injure d’un trop long oubli. Un simple ouvrier, dirigé par un habile guide, a restauré avec le bonheur d’un talent long-temps exercé, les diverses parties endommagées de ce monument et rétabli celles qui manquaient. Donnez à cet artiste qui s’ignorait, dont le talent s’est éveillé dans vos écoles ouvertes à l’industrie, donnez-lui ces idées, fruits de l'étude, qui doivent servir de règle à ses inspirations, il n’aura plus besoin de la pensée d'autrui pour conduire son ciseau, pour imaginer et combiner ce qu'il veut exécuter. Et ces idées, où les puiser mieux que dans l'histoire ? Notre Julien aussi, né avec le génie de son art, sentit , dès le début de sa carrière, ce génie arrêté dans des entraves. On n'avait pris aucun soin de son enfance. C'était l'enfant de la nature. Mais quelles ressources aurait-il trouvé pour son art dans nos premières lecons de collége? La gram- maire n’eût rien appris à son ciseau, Quelle mine riche au contraire ne lui eût pas ouvert l’histoire, en éclairant sa pensée, y déposant une foule d'images, fécondantses conceptions, lui suggérant ( ag ) le type et jusqu'aux détails des sujets qu'il aurait choisis ? Alors , au sortir seulement du premier cours que nous proposons, le génie de l’arüste , sans consumer un temps précieux à réparer une lacune qui n'avait point dépendu de sa volonté, aurait pris facilement son essor, et la France compterait d’autres chefs-d'œuvre avec sa Baigneuse et son Lafontaine. Ce n’est pas dans les arts seuls que se fait aper- cevoir le vide et la sécheresse de nos études clas- siques. D'où vient que le succès de nos classes d’humanités et de belles-lettres ne répond pas aux espérances qu'ont pu donner nos classes de gram- maire ? Tant que les matières de travail ou les devoirs , suivant l'expression en usage, n’ont exigé que Ja connaissance de quelques règles ou des principes les plus simples du langage, tant que l'attention et le jugement ont suffi pour appliquer ces règles et ces préceptes, l'élève studieux a dû réussir, et il a réussi. Mais le moment est venu de donner à son style une certaine élégance avec plus de fermeté, à ses expressions plus de couleur, à ses tours plus de mouvement; de développer ou d’orner sa pensée, de remplir en l’embellissant un canevas donné, ou de traiter un sujet indiqué seulement. La mé- moire n’ayant recueilli presque point d'idées, ni de faits, ni d'images, le jugement à son tour n'a rien à rapprocher ou à comparer, et par suite (172 ) l'imagination ne peut produire aucun résultat du rapprochement d'objets qui n'existent pas pour elle. L'esprit de l'élève se trouve alors sans aliment, sans soutien; ce n’est plus qu’une mèche qui fume encore, mais qui ne jette aucun éclat. Jai vu au contraire deux élèves, au milieu de leur cours de grammaire, réussir en des exercices réservés dans nos classes pour le cours de belles- lettres. L'usage d’une lecture journalière de Fhis- toire n’était pas étranger à leur succès : il avait müri leurs idées, et donnait du ressort à leur talent, Je me rappelle encore la grâce et l'intérêt qu'ils savaient répandre dans un récit, dans une lettre ou tout autre genre de composition, et les heureuses allusions qu'ils empruntaient de leurs lectures, L'un d’eux, à peine âgé de vingt-deux ans, obtint de l’Institut l'honneur d’une mention, seule palme qui fût aussidécernée à quelques-uns de ses rivaux. Son mémoire (1) riche de raison et de savoir, offre presque à chaque page les fruits de la lecture, dans les faits qui servent d'ornement et d'appui aux réflexions profondes et aux graves raisonnemens de l’auteur. Aussi ne sera-t-il point déplacé dans la bibliothèque spéciale, où vous avez à cœur de réunir les ouvrages dont les auteurs ou le sujet intéressent le pays. Ce sont encore sans doute les mêmes étincelles (1) De l’Etendue et des Limites de l'autorité paternelle. (173) qui animèrent le talent d’un poète né parmi nous, dont la lyre harmonieuse, sans un concours de circonstances qui ont arrêté ses chants, eütrévélé sous les doigts du Barde des montagnes l’émule du Tyrtée francais et le disciple de notre Pindare. Ainsi en est-il des sujets trop rares que l’on voit surnager au naufrage commun. À quel secours doivent-ils ce bonheur? Dès leur enfance, ils avaient le goût des livres; c’est par la lecture qu'ils ont réparé les lacunes des premières lecons. N’en voit-on pas quelques autres, au sortir des études classiques, corriger de même, autant qu'il est en leur pouvoir, le tort de leur propre légè- reté ou de leur sommeil ? Gardons-nous pourtant de le dissimuler. Ici se rencontre, à moins que la prudence des parens ne veille sans cesse avec un soin inquiet, un écueil encore plus à craindre que la stérilité de imagination, l’écueil des mauvaises lectures. Qu'il nous soit permis de le dire; ce danger est aujourd’hui plus funeste , plus imminent que jamais, dans un siècle où les fondemens de lédu- cation morale reposent trop souvent sur le sable d’une doctrine d'emprunt; où le théâtre, où les livres les plus répandus étalent la licence des mœurs avec un cynisme révoltant. Et qu'on ne s’y trompe point, les lectures dont il importe de préserver l'innocence du jeune âge, ne sont pas celles seulement où son inexpérience (174) trop facile à séduire, sucerait sans méfiance et avec une joie trompeuse, un poison mortel pour ses mœurs, mortel pour ses facultés. Parmi les livres pernicieux à la jeunesse, il faut comprendre encore ces ouvrages frivoles qui ne laissent rien d’utile dans l’esprit, qui le détournent de toute lecture sérieuse et lui en inspirent le dégoût par la douceur qu'il trouve dans un autre aliment moins propre à augmenter ses forces qu'à les énerver. Heureusement, les objets d’étude dont nous avons fait choix pour l’enfance, renferment tous un attrait qui excite sa curiosité; ils amusent en instruisant et nous délivrent par là du souci de remédier à l'ennui ou de prévenir l'éloignement qu’inspire aux enfans le seul nom de lecon. En fesant de l'histoire la base et le fond des études du premier âge, on sent bien qu'il ne s’agit pas pour ces jeunes esprits d'apprendre et de retenir la date précise des événemens, ni d’ob- server les causes qui les ont amenés, ni d’en reconnaitre l'influence sur les temps à venir, ni encore de s'arrêter sur les mœurs, les usages et les lois. Ce serait retrouver, à l’entrée de la car- rière, le chemin difficile et rude que nous vou- lions éviter; nous verrions l’enfant se rebuter à chaque pas, ou de fatigue ou de ses chutes fréquentes. Il faudrait ne chercher d’abord dans l’histoire (175) que les faits, glissant d’un œil rapide sur les endroits d’un médiocre intérêt, s’arrêtant à ceux dont l'empreinte deviendrait un ornement de l'esprit et surtout une lecon pour le cœur. Presque tous les enfans prennent plaisir à entendre des contes: un recueil de traits historiques bien choisis est sûr de réveiller de même leur curiosité. Ce qui importe en premier lieu, c’est de les accoutumer à la lecture et de la leur faire aimer. Tout est gagné pour leur instruction quand ils se plaisent avec leurs livres; tout est bien-en danger une fois qu'ils en ont pris le dégoût. Je remarque un nouvel avantage à renvoyer plus tard l'étude des dates; il nous devient libre dès-lors de commencer par l’histoire qui doit le plus nous intéresser, celle de notre pays. Nous avons dit que les premiers exercices dela mémoire ont eu lieu dans PHistoire sainte, qu'un double motif a fait préférer, parce qu’elle renferme les fondemens de nos croyances, parce que la naïveté du style, jointe à la simplicité des mœurs du monde à son berceau, met ce livre plus que tout autre à la portée des enfans. A cette histoire suc- céderait donc celle de France; alors les premières impressions de l’enfance seraient pour les deux principaux intérêts de ses destinées , pour les objets qui doivent avant tout posséder ses affections, la religion et la patrie, Nous n’entrerons pas ici dans le détail de la à - 1 1006) manière de donner ces premières lecons d’his- toire, Cette explication qui nous mènerait trop loin, trouvera sa place dans un petit traité destiné au développement de notre méthode ; il suffira de remarquer en passant qu'après une lecture réglée sur la mémoire des élèves , on leur demandera compte de vive voix des traits les plus saillans et dont ils doivent avoir été le plus frappés. La mémoire ne suffit pas à tous pour satisfaire à ces questions; mais quelques-uns, ou le maitre lui-même; s’il en est besoin, suppléeront à leur défaut. On donne, s’il le faut, les questions par écrit, et les élèves sont obligés d'écrire leurs réponses. Voilà d’ailleurs de quoi remplir Finter- valle des classes, exercer leur mémoire et les accoutumer à exprimer leurs pensées. Plus tard, les élèves seront capables d’une analyse suivie des faits divers qui méritent d’être remarqués. On s'attend bien à des fautes de langue dans ces réponses et dans ces analyses? Alors, si la règle violée par lélève est simple et facile à saisir, le maître l’énonce et en donne l'explication. Paraît- elle au-dessus de la conception de lélève, le maître se contente de corriger la faute et d'y substituer l'expression qui convenait à la pensée. Au moyen de cette pratique, lorsque nous arri- verons à l’étude de la grammaire, l'enfant saura en grande partie les principes de notre langue, sans avoir eu à dévorer l’ennui de lecons qui lui (177) coûtent tant de peine et de chagrin. En ouvrant ce livre si redouté par la plupart des enfans, il ne se trouvera pas tout-à-fait en pays inconnu; il sera tout fier d’être dejà assez familier avec ce qu'on lui propose d'étudier : ainsi, nous aurons moins reculé qu'il ne semblait d’abord , pour l'étude de la grammaire, et l'esprit de nos élèves sera bien autrement cultivé et orné qu'avec la méthode en usage. Pour faire marcher de front l'étude de la géo- graphie avec celle de l’histoire, on aura pris soin de familiariser lélève avec la connaissance des termes à l’usage de cette science, en y joignant la division générale du globe. Ces notions suffront pour les lecons qu'il convient de donner à des enfans sur les pays dont il sera fait mention dans leurs lecons d'histoire. Ce serait vouloir embrouiller leur mémoire que d’essayer si tôt le rapproche- ment des anciens noms de villes ou de provinces avec les nouveaux. Mais après le récit d’un événement, il ne fau- drait pas se borner à montrer sur la carte ou sur le globe le lieu qui en fut le théâtre. Non loin de ce lieu , peut-être même dans son sein, il se trouve un monument de l’art ou quelque curiosité naturelle; ce simple bourg ou village fut peut-être le berceau d’un grand-homme, d’une invention eu d’une découverte utile. On ne passe point sous silence ce titre de gloire ou de souvenir. 12 (178) Des lecons d’histoire naturelle auront encore bien plus d’attrait. Voyez le visage épanoui d’un enfant à la vue d’un jardin ou d’un riant vallon. Quelle est cette plante ? Quelle est cette fleur? Quel est cet arbrisseau qui vient s'offrir à ses yeux pour la première fois? Ces questions ne tarissent pas, pour peu qu’au lieu de vous borner au nom des plantes vous donniez à vos réponses quelque intérêt, en expliquant leur structure, leur usage, leurs qualités. La moindre tâche à remplir, une tirade à apprendre par cœur fait souvent reculer notre élève; il ne verra dans cette lecon qu’un amusement. Il ne faudra ni reproche, ni menace, ni punition pour y captiver son esprit. Quel avantage pour le présent dans cette étude qui lui plaira par les soins même qu’elle exige pour la recherche et la récolte des plantes, pour leur préparation et leur arrangement, si vous lui faites naître l'envie d’en former un herbier! Et dans la suite, connaissez-vous une condition où l’on ne puisse en tirer quelque profit soit pour l'utilité, soit pour l'agrément? L’agriculteur pour améliorer ses produits; le riche pour embellir son parterre; l’art de guérir pour la composition des remèdes; l'industrie, le commerce et les arts pour satisfaire aux besoins ou multiplier les jouis- sances de la société. On pense bien que nous n’espérons pas tous ces fruits des simples lecons de botanique à la portée / (2179) de l'enfance; elles ne font que les préparer. Mais en attendant, quelles réflexions intéressantes ne s’offriront pas dans létude de la nature au maitre jaloux de former avant tout le cœur de son élève! Se contentera-t-il d'examiner avec lui la structure si admirable d’une tige et d’un épi de blé, sa naissance , son accroissement et son utilité? S’arrêtant à cet examen matériel, n’aurait-il des lecons que pour les sens de son élève, tout au plus pour sa raison, et rien pour son cœur? Ainsi passe la brute devant les merveilles de la nature, sans remonter à leur auteur. Mais ainsi passe-t-elle privée de la raison, foulant aux pieds le lys de la vallée comme l’herbe du sentier, incapable d’en reconnaître, incapable d’en observer ni la forma- üon, ni le tissu des feuilles, ni la beauté des corolles, ni leurs nuances, mais encore leur usage et leur fin. Combien d'utileslecons pour notre élève dans les emblèmes quis'offriront à tout pas à vos réflexions ? Iei une plante d’une forme vile en apparence, et pourtant d’une vertu efficace pour guérir une blessure ou rafraichir un sang enflammé; là, un tournesol superbe étouffant ou rongeant les plantes nées avec lui et autour de lui; plus loin, destiges de blé, les unes la tête haute et l’épi vide, les autres courbant humblement leur ‘épi chargé de grains, lui apprendront à ne pas juger du mérite sur des dehors souvent trompeurs. ( 180 ) On peut ôter encore aux lecons même de calcul quelque chose de leur triste monotonie, et faire tourner au profit de l'instruction le moyen que l’on emploiera pour les rendre moins arides. Au lieu de chiffres seuls, le plus souvent fictifs et dépouillés de toute autre idée que celle du nom- bre, ne pouvons-nous pas leur assigner une valeur empruntée de la durée des règnes de notre mo- narchie ? Chaque dynastie est divisée en plusieurs opérations, et les résultats réunis dans un dernier calcul donneront la durée de la dynastie entière. Même soin pour la durée des principales époques qu'il est bon de fixer dans l'étude de l'histoire. Notre élève aura bientôt appris par le même moyen le nombre des peuples dont se compose chacune des parties du monde; celuides anciennes provinces de la France et des départemens qui en sont formés; le nombre des espèces de quadru- pèdes connus, celui des oiseaux et des poissons; le rapport du nombre général avec celui des espèces que possèdent nos contrées ; le degré d’élévation des plus hautes montagnes; la longueur du cours des plus grands fleuves; la pesanteur des métaux et des différentes essences de bois, et tant d’autres faits pareils, selon qu’ils attirent son attention. Qu'on n'aille pas se figurer ces connaissances trop au-dessus d’un élève qui compte déjà sept ou huit années, L'enfance est curieuse de sa nature, (1162 ) et l'air de science que sembleraient lui donner ces diverses lecons ne sera pas un motif indifférent pour-ly attacher. Elles ne se fixeront pas toutes dans sa mémoire, ce serait plus que nous n’osons espérer; mais toujours quelque chose y restera, et avec notre mode actuel d’enseignement du calcul, il ne reste que la connaissance nue de la règle après plusieurs épreuves. Tous ces calculs se rattachant aux lecons d'histoire, de géographie et de physique élémentaire formeront, pour ainsi dire, une nouvelle couche sur l'esprit des enfans, et chacune de ces lecons, loin de leur être insi- pide et importune , comme l'étude sèche de l'arithmétique, les aura plus d’une fois intéressés, peut-être même amusés. Il est peu d’enfans qui n’aient un goût naturel pour le dessin. Donnez-leur un crayon ou des couleurs avec un pinceau, vous les verrez bientôt à l’œuvre , tracer , esquisser , barbouiller des figures, des arbres, une chaumière. Il ne faut pas livrer ce goût à des velléités sans règle, à des idées sans principes. Hâtons-nous de le diriger afin d’en profiter. Tout cela, dira-t-on, s’'apprend sans qu'il soit besoin de s’en occuper. Erreur: combien l'ignorent long-temps après la fin de leurs études, et ne s’en apercoivent que dans le besoin. L'étude du dessin linéaire ne serait qu'une rou- une sans une teinture des élémens de géométrie, que nous bornerons aux notions les plus simples , (182 ) nécessaires pour la mesure des lignes, des sur- faces et des solides, pour l’usage du compas et le tracé des figures. Sans ces élémens , nul moyen de s'assurer des proportions des parties d’un dessin, de la justesse de ces proportions et de la régularité de l’ensemble. Cette étude n’exige que la connais- sance des quatre premières règles de l’arithmé- tique, et nous y avons déjà pourvu. Avec cette variété de lecons où la mémoire n'aura pas les mêmes efforts à faire que pour l'étude de la grammaire, qui fait le tourment du premier âge, nous sommes presque assurés d'échapper le plus souvent à l'ennui et au dégoût. Au lieu de choses abstraites et de difficile abord, nous occupons notre élève de faits ou d’objets sensibles qui lui plaisent, qu’il peut voir ettoucher, et qui caressent pour ainsi dire son attention. Hier la lecon de botanique roulait sur les classes des familles des plantes; celle de calcul viendra naturellement aujourd’hui sur les genres de chaque famille , ensuite sur les espèces de chaque genre. Le plus habile sera bien aise de vous prouver qu'il en a retenu le nom; il sempressera de vous les nommer lui-même; sil se trompe, un autre le reprend, et voilà l’émulation en jeu. On écoutera mieux une autre fois pour n'être pas ainsi repris. Ceux dont la mémoire est plus lente ou la volonté moins zélée, finiront par retenir des explications données par leurs émules plutôt que les explica- ( 183 ) tions du maitre. De plus, il se trouvera dans cha- cune des lecons un point de contact avec les lecons d'autres études qui ont précédé, et qui s’affermiront dans la mémoire les unes par les autres , sans une répétition ennuyeuse et rebutante. On reproche aux études classiques de demeurer à peu près étrangères à la science usuelle, si for- tement recommandée par l’auteur du Spectacle de la nature ,et la plus importante pour la plupart des conditions et des états de la vie civile. Notre méthode est à l'abri de ce reproche, et n’offrit-elle qu'un avantage qui ne se trouve point dans la marche actuelle de l’enseignement, celui de ne point hérisser d’épines l’entrée de l'enfance dans la carrière de son instruction, de ne pas la décou- rager par des obstacles trop souvent au-dessus de ses efforts; ce serait assez pour mériter notre pré- férence et décider notre choix. Mais encore quels progrès plus prompts et plus solides ne promet pas un cours où les connais- sances déjà acquises donneront plus de facilité pour les études suivantes, plus de moyens de réussite dans les diverses carrières que l'élève pourrait parcourir! Prenons même des jeunes gens qui suspendent ou abandonnent leurs études au milieu du cours; rien de ce qu'ils auront appris ne sera perdu poureux, tandis qu’un élève sortant d'une de nos classes moyennes, de la dernière de grammaire, si lon veut, ne dépasse guères en ( 184 ) connaissances utiles, si même il le dépasse, un élève d’une bonne école primaire. Un plan d’études, tel que nous le concevons , nous semble devoir atteindre plus sûrement le but qu'on se propose dans l'instruction de la jeu- nesse, et mieux répondre aux intérêts comme aux vœux des familles et de la société. Que ne puis-je offrir à l’appui de ma conviction l'épreuve d’un essai! La providence ne Fa point permis. Cet essai, je le destinais à un enfant qui me fut ravi au berceau. On peut juger par cette intention d'un père, que ce plan n’est pas le produit de la seule imagination, ni d’un esprit curieux de se singula- riser par ses idées. À cette forte conviction est venu se joindre le résultat de nombreuses observations, fruit d’un long exercice dans l’enseignement. Loin de moi la présomption qu'une aussi faible voix que la mienne puisse influer sur la réforme de notre plan actuel d’études. Je n'ai passeu même la pensée dy aspirer; cette réforme doit venir de plus haut. Je n’ai fait que céder à mon amour pour la jeunesse, au zèle qui ne cessera de m’animer jusqu'à mon dernier soupir pour ses plus chers intérêts. Heureux si ces observations, que j'aurais voulu abréger, pouvaient sourire au cœur des mères, en adoucissant les premières peines de l'enfance , et seconder les vues de quelque père de famille, jaloux du succès d’un fils, plus jaloux encore de son bonheur ! ( 165 ) AAA A AAA A VA MA AV AA AA A AV AR A VE AU VU LU VAE AAA A A AV VV VA EXTRAIT D'un voyage en Italie dans l’année 183: ; Par M. Alb. pr Brive, ancien procureur du Roi. ENVIRONS DE NAPLES. Vedere Napoli e poi muori. Prov. IVap. Voir Naples et puis vivre. Dupaty. Le 13 juin, à 5 heures du matin, un riche négociant de Marseille, sa jeune et jolie femme, un milord anglais plein d'instruction et moi, nous traversions rapidement les vastes quais de Naples, en nous dirigeant vers le levant de cette ville, du côté où une fumée épaisse nous annoncait la présence du J’ésuve. C'était le but principal de notre course du jour. La gazette officielle nous avait instruit la veille que le volcan était en érup- ton , et heureux de pouvoir jouir d’un spectacle qui mavait pas toujours été offert à la curiosité de plus célèbres voyageurs, nous avions formé, pour le lendemain même, le projet d'aller voir de près celte étonnante merveille de la nature. A peine cûmes-nous quitté les dernières mai- sous de la ville, que le Vésuve se présenta à nous ( 186 ) dans toute sa majesté, la tête couronnée d’un nuage qui allait se perdré en pyramide dans les airs, les flancs ornés d’une large ceinture de ver- dure, et les pieds, d’un côté baignés dans la mer, et d’ailleurs entourés de villages riants ou de mai- sons de plaisance innombrables. Le Vésuve est un mont isolé, au milieu de la plaine la plus fertile du royaume. Sa forme est celle d’un grand cône tronqué. Aux deux tiers de sa hauteur, il se par- tage en deux sommets principaux et un troisième moins élevé. Les savans géologues pensent que ces trois masses n’en faisaient qu’une autrefois et qu’elles ont dû être séparées par les efforts brusques du volcan, ou les dégradations insensibles du temps. La plus voisine de la mer, qui est la seule enflammée, a conservé le nom plus particulier de Vésuve, la plus haute est appelée la Somma, et la plus basse l’Offarano. L’élévation du Vésuve au- dessus du niveau de la mer est, d’après lEncyclo- pédie , de 3330 pieds , qui se divisent sur une pente douce de tous les côtés. Sa base est à deux lieues de Naples et peut en avoir huit ou dix de cirecon- férence. Tel nous apparaissait alors ce volcan redoutable, au foyer duquel nous devions dans la soirée éclairer nos torches, et dont l’histoire était tracée autour de nous en caractères indestructibles. Son existence se perd dans la nuit des temps. Strabon parle du Vésuve comme d’un volcan éteint, et les laves dont sont pavées les rues d'Herculanum C187) et de Pompéia, sont la preuve irrécusable de sa haute antiquité. Mais la première éruption dont les hommes ont transmis le souvenir , ne date que du 1* siècle de l'ère chrétienne, en l'an 79, sous le règne de l’empereur Titus. Aucune éruption ne s’est signalée depuis par d’aussi grands ravages. Le Vésuve sortit de son long repos pour porter la consternalion et la mort dans toutes les contrées qui l’avoisinaient. Son explosion avait été annoncée plusieurs années à l'avance pär de fortstremblemens de terre qui renversèrént des villes et affaissèrent des montagnes : et lorsque sa fureur se fut fait des issues , la lave et les cendres en sortirent avec tant d’abondance, que, suivant Pline le jeune, des peuplades entières disparurent de la surface de la terre, et que suivant Dion Cassius, les cendres en furent portées par les vents jusqu’en Afrique et en Syrie. C’est sous cette éruption que furent en- sevelies Herculanum et Pompéia, et que Pline l'ancien trouva la mort : il commandait la flotte romaine à quelques lieues de là. Étonné par ce phénomène, il voulut, comme naturaliste, Vob- server de près, et comme magistrat, porter secours aux malheureux qui limploraient. Il aborda la plage fatale et peu de temps après il devint la vic- üme de son amour pour l'humanité et pour la science. Depuis cette époque jusqu'à nos jours, on a complé un grand nombre d’autres éruptions, dont plusieurs ont aussi offert desrésultats effrayans. ( 166 ) Charles Siganius dit que celle de 472 couvrit toute l’Europe de cendres, et qu'a Constantinople (1) la terreur fut si grande, que l’empereur Léon quitta la ville. Sous Pie IT, toutes les églises et les palais de Naples furent renversés, et on y compta plus de 30,000 victimes. A l’éruption de 1631, le port demeura à sec, et à celle de 1698, la merse retira de douze pas. A l'approche de ces épouvantables catastrophes, quel dut être l’effroi des habitans de ces contrées, qui connaissaient les malheurs de leurs pères et que l’expérience n’avaient point instruits!..... Ils périrent victimes de leur imprudence, et aujour- d’hui les mêmes plaines, ravagées si souvent par le fléau qui les menace sans cesse, sont cou- vertes de nouveaux habitans. O imprévoyance des hommes !.… Il en est des peuples comme des indi- vidus, pour qui le passé est rarement la lecon de l'avenir. Nous faisions ces réflexions philosophiques, en entrant dans Portici, jolie petite ville sur les bords de la mer et aux pieds du Vésuve. Elle est, dans la belle saison, le rendez-vous de tous les grands seigneurs et des étrangers de distinction qui se trouvent à Naples. C’est là qu’ils viennent, sous l’ombre embaumée des myrtes, des jasmins et des orangers dont est couverte toute la cam- (1) Constantinople est à 250 lieues du Vésuve. ( 169 ) pagne, chercher un abri contre les chaleurs brü- lantes de la canicule. Le roi lui-même y possède un magnifique palais. Absorbés par nos réflexions, nous remarquämes peu la richesse et l'élégance des belles vz/la ou des jolis casins près desquels nous passions, et ce ne fut qu'après avoir traversé le château royal, qu'ayant lu, au-dessus d’une petite porte qui ferme l'entrée d’un souterrain, le nom d’Æ/erculanum , nous revinmes à nous et donnämes tous à la fois au cocher l’ordre d'arrêter. Un cicerone, en nous voyant descendre de voi- ture, fit allumer des torches et vint officieusement nous offrir ses services, Nous suivimes notre guide, et précédés de plusieurs flambeaux, nous descen- dimes par une rampe bien ménagée, jusqu'à cet autre monde qui devait nous dévoiler l'antiquité avec ses mœurs et ses usages. Nous traversämes ainsi en quelques minutes près de 17 siècles, et nous nous trouvâämes transportés de l'an 1831 à Fan 799, époque où les Romains , maitres du monde entier, venaient de jeter leur plus brillant éclat. Herculanum était une des grandes villes de leur empire et des plus anciennes, puisque Denis d'Halicarnasse en fait remonter l'origine au passage d'Hercule par Pltalie, lorsqu'il revint d'Espagne, où il avait défait le tyran Gerion; elleavait disparu sous la même éruption que Pompeïa, et on avait perdu jusqu’au souvenir des lieux où cette impor- tante ville avait existé, lorsqu’en 1713, un paysan, ( 190 ) en creusant un puits, rencontra un fragment de marbre sur lequel était gravé lenom d’Herculanum. Cette découverte fut un trait de lumière et donna lieu à des fouilles qui révélèrent l’éxistence d’une ville conservée dans son entier, sous une masse volcanique de plus de 8o pieds d'épaisseur. Arrivés à cette profondeur , le cicerone nous dit: Voici la porte d'Herculanum. À ces mots pro- noncés avec une espèce de solennité, à la lumière des torches, et au milieu d’un silence profond, je ne saurais dire quel respect religieux s'empara de nos âmes. Nous allions nous retrouver, en quelque sorte, avec ces anciens que nous avons appris à admirer dès notre enfance et à regarder comme des hommes presque surnaturels. Aussi ce fut avec une impression profonde que nous franchimes le seuil d’Herculanum, L'édifice dans lequel nous entrâmes est un théâtre d’une vaste dimension, qui se trouvait incrusté dans la lave, et qu’à force de travail on a pu dégager des matières qui le remplissaient. Sa forme est ovale, plus large que longue; comme dans tous les monumens de ce genre, la moitié était destinée aux spectateurs et l’autre à la scène et aux acteurs. La scène avait 75 pieds d'ouverture sur 30 de profondeur, et était ornée d'une belle facade à colonnes de marbre. Les murs et les voûtes étaient en bri- ques recouvertes de stucs modelés en arabesque. La partie réservée au public était disposée en (ion) amphithéâtre et composée de 21 gradins placés dans une demi-ellipse de 160 pieds de diamètre sur 70 de profondeur. Entre la scène et les gradins se trouvait l’orchestre ou le parterre, de 50 pieds de longueur. Cet édifice avait ainsi dans son entier une largeur intérieure de 160 pieds, sur une longueur approximative de 150. Nous parcou- rûmes les galeries et les escaliers de marbre qui avaient servi à faciliter la circulation. Nous mon- tàmes sur la scène où avaient été représentées les comédies de Plaute et de Térence, Nous nous assimes sur cette banquette du milieu, plus élevée que les autres et réservée au proconsul de la ville. Au-dessous et sous les yeux du magistrat, était le siége des Vestales. A droite et à gauche se placaient les chevaliers, et comme de nos jours, les bancs les plus hauts étaient abandonnés au peuple. Mais on ne peut voir que successivement et au flambeau les diverses parties de ce théatre, ce qui ne nous permit pas de rapporter une idée bien claire de l’ensemble du monument, qui, à en juger par les marbres, les colonnes, les statues et les bronzes qu'on en a retirés, devait avoir beaucoup de magnificence. Nous ne pûmes même pousser nos investigations plus loin. Des rues entières ont été percées, un temple, un forum et un grand nombre d'habitations particulières ont été découverts. Mais la crainte que ces excavations ne nuisissent au palais et à la ville de Portici, à (192) fait interrompre les travaux et forcé le gouver- nement à recombler les ouvertures. A juger des découvertes précieuses qui restent à faire, par celles qui ont été faites, il est bien à regretter qu'on n’ait pas continué des recherches si heu- reusement commencées. On eut pu se promettre de ne rien laisser de caché dans les secrets de Fantiquité, Néanmoins, c’est encore dans le Musée de Naples, où sont réunis tous les objets remarquables trouvés dans les fouilles d’Herculanum et de Pompeïa, que l’on peut faire le meilleur cours d'archéologie. C’est là qu'on étudie véritablement les anciens par leurs mœurs, leurs habitudes et leurs usages. Leurs connaissances dans les arts s’y manifestent par des statues nombreuses de marbre et de bronze, rappelant toute la perfection des plus belles sculptures grecques; par des mosaïques à dessin et à compartimens; des stucs moulés et des peintures légères qui servent tous les jours de modèles aux plus jolies décorations de nos peintres modernes. On juge que les mêmes besoins avaient créé chez eux les mêmes ressources, en y voyant des ustensiles de cuisine (1) fort commodes et des instrumens d'agriculture presqu’entièrement sem- blables aux nôtres, tous les outils nécessaires à écriture de cette époque ct des candelabres, des {:) Les batteries de cuisine sont étamées avec de l’argent. (195) lampes, des ciseaux, des aiguilles, des dés à coudre, des assiettes, des cuillers et des cou- teaux. Seulement on n’a rien pu découvrir qui se rapprocha de nos fourchettes, et on est réduit à supposer que les anciens Romains se servaient, sans intermédiaire, de leurs doigts pour manger les mets secs. On peut s’y assurer que la nature avait alors la même fécondité que de nos jours; car on a trouvé des œufs, du froment, de la farine, des fèves, des noix, des amandes, des figues et des dattes bien conservés, de l'huile et du vin à l'état de dessication. Des armures de toute espèce et un grand nombre d'objets de toi- lette prouvent, que de tout temps, l’homme a voulu dominer par la force et la femme séduire par ses charmes. On y voit des brasselets, des bagues, des boucles d'oreille, des colliers, des peignes, des épingles, des miroirs en métal, et jusqu’à des pots de rouge avec du vermillon. Les armures de cette époque étaient, en général, très-lourdes , et 1l en est plusieurs que les hommes de notre siècle pourraient à peine soulever. Des instrumens de musique et de chirurgie très-im- parfaits témoignent du peu de progrès que ces deux arts avaient fait chez nos pères. Mais on avait cru long-temps qu'ils avaient ignoré l'art de faire du verre et de l’employer. Un savant napo- litain était même occupé à faire imprimer un ouvrage in-folio, pour prouver d'une manière 19 (194) incontestable ignorance des anciens à cet égard, lorsque dans les fouilles de Pompeïa, on découvrit des bouteilles de verre blanc, et peu après des carreaux servant à éclairer leurs habitations. Une découverte qui excita un intérêt bien plus vif dans le monde savant, fut celle d’un grand nom- bre de manuscrits (1). Ces pages précieuses , tracées sur des feuilles de papyrus ajoutées les unes aux autres et roulées autour d’un cylindre, n'avaient point été épargnées par la chaleur qui les avait carbonisées, Mais des antiquaires patiens ayant trouvé presqu'aussitôt le secret de les recréer, lettres par lettres et au moyen de soins très-minutieux, on dut concevoir l’espérance de reconquérir ces ouvrages de nos grands maitres que le tempsnous avait enlevés. Malheureusement, parmi les volumes qui ont pu être retirés de l'oubli, il ne s’en est encore presque point trouvé qui aient satisfait l'attente des savans. La plupart sont des traités relatifs à la musique ou à la méde- cine, sciences qui, chez les anciens, étaient à peine sorties des langes de l'enfance. Après tant d’objets remarquables, qui, dans le musée de Naples, attirent l'attention des étrangers, il en est encore un qui laisse dans tous les cœurs une impression profonde. C’est un enduit de cen- dres durcies, qui a conservé, comme dans un (1) Ce nombre est porté à 1700. (195 ) moule, les principales formes d’un corps humain. En y voyant l'empreinte d’un sein parfait, de membres délicats, d’une taille svelte et penchée en avant et quelques morceaux de linge encore attachés aux parois, on juge que ce corps était celui d’une femme, que cette femme était jeune, grande, bien faite et qu’elle fuyait sans doute, Dans le simple appareil D’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil, lorsqu'elle fut surprise par les cendres du volcan, qui l’enveloppèrent soudain et rendirent sa fuite inutile. Après avoir passé une demi-heure avec les anciens, dans un air sombre et humide, nous désirâmes revenir au milieu des vivans et nous remontämes à Portici. On nous fit remarquer, en gravissant , les couches alternes de lave et de terre végétale qui ont recouvert Herculanum à diffé- rentes époques. Dans quelques années, peut-être, une nouvelle éruption viendra-t-elle ajouter une nouvelle couche à celles qui existent déjà et ense- velir Portici sur les anciennes habitations qui gisent les unes sur les autres, comme des cadavres sur des cadavres dans un cimetière. Ces idées tristes ajoutaient à lhorreur du lieu et nous revimes la Iumière du soleil avec plaisir. Quelques pièces de monnaie nous acquittèrent auprès de nos guides et nous valurent une bruyante recon- naissance, qui nous accompagna jusqu'aux der- (196 ) nières maisons de la ville, en nous prodiguant les honneurs de lexcellence et de'tous les termes flatteurs de la langue italienne. Nous apprimes plus tard que le peuple de Naples, bas et intéressé plus qu'aucun autre, achète etpaie la libéralité de tous les étrangers par des expressions aussi exa- gérées. Mais alors, ignorant cet usage , nous quittâmes Portici avec des idées de grandeur qui ne nous étaient pas communes. Nous continuâmes notre route en passant près de Àesina, où nous devions revenir dans la soirée pour faire notre ascension au Vésuve , et après une heure de marche, nous étions aux portes de Pompeïa. Pompeïa était une ville moins importante qu'Herculanum , mais plus agréable. Plusieurs riches Romains y avaient des maisons de plaisance. Cicéron l'avait habitée long-temps, et nous nous rappelâmes avec plaisir que c'était à Pompéia qu'il avait composé son Traité de l’Amitié. Cette ville est aux pieds du Vésuve, comme Herculanum, mais sur un autre rayon de sa circonférence ct moins près de la mer. Détruite par la même érup- tion, elle a été découverte par le même hasard quelques années plus {ard. Pompeïa n’était cepen- dant cachée que sous une légère couche de cen- dres, et ce fut un cultivateur qui, en faisant une plantation, en découvrit les premières traces en 1755. Depuis cette époque, des fouilles considé- rables ont été faites par tous les gouyernemens (R97 ) qui se sont succédés à Naples, et dans ce moment un tiers de la ville paraît être rendu à la lumière. À Pompeïa, on se trouve au milieu des antiquités sans impression pénible. On arrive de plain-pied à cette ville; on n’est point obligé de quitter ce monde, pour aller la chercher en quelque sorte dans la région des enfers. En la parcourant, on se croirait même souvent dans une ville moderne, si l'absence de tout mouvement et un silence pro- fond ne venaient détruire l'illusion et rappeler la réalité, Nous y entrâmesparles anciennes casernes, espèce de cloître avec une cour au milieu et des cellules tout autour. Sur les murs intérieurs de plusieurs chambres, on voit encore des dessins burlesques au charbon, fruit du desœuvrement des anciens soldats qui les habitaient. On nous fit remarquer un cabinet retiré où lon avait trouvé les ossemens d’un cadavre serrés dans des chaines de fer qui avaient servi, sans doute, à retenir prisonnier quelque coupable. De là, nous péné- trâmes dans l'enceinte d'un théâtre comique et d'un théâtre tragique faits tous les deux sur le plan de celui d'Herculanum, mais dans des pro- portions plus petites. Nous visitämes ensuite un temple d'Isis, dans le sanctuaire duquel était un grand nombre de squelettes. C’est là que se réfu- gièrent les prêtres et les fidèles qui eurent con- fiance en la protection de leur divinité. Mais le fléau qui ravageait tout, ne les épargna pas! La (196) voûte de ce temple était soutenue par des colonnes de brique revêtues de stuc, et les murs sont cou- verts de peintures si fraîches encore qu'on les croirait de la veille. Dans le milieu du temple, on voit plusieurs autels en marbre destinés aux sacrifices , et une citerne où les prêtres puisaient l'eau lustrale. En sortant de cet édifice moins remarquable par lui-même, que par sa belle con- servation, nous parcourûmes plusieurs rues. Elles sont, en général, étroites, tirées au cordeau, bordées de trottoirs et pavées de laves sur lesquelles se voient les traces profondes des roues qui les ont sillonnées. D’espace en espace, on rencontre des puits communiquant à la rivière de la Sarno, qui passait sous la ville et servait à la consomma- tion des habitans et à l’assainissement des divers quartiers. Les maisons particulières se ressemblent toutes. Les plus grandes comme les plus petites ont une cour intérieure, au milieu de laquelle est un réservoir d’eau, pour entretenir la fraicheur dans toute l'habitation. Tous les jours donnent sur ce ciel-ouvert. Les chambres sont peu vastes, indépendantes les unes des autres et presque toutes éclairées par la porte, ou par une petite oûverture pratiquée au--dessus. Le rez-de-chaussée communiquait avec le premier étage par un esca- lier droit, sans repos et très-resserré; du côté de la rue étaient souvent des boutiques richement décorées et pavées en mosaïques très-variées. Sur (199 ) le seuil de leur porte, on lit presque toujours le mot Salve écrit en gros caractère. Ce mot hospi- talier répondait assez au Soyez le bien venu, que les marchands de nos jours, laissent lire sur leurs figures riantes, aux nombreux acheteurs qui les visitent. On a pu reconnaître facilement la bou- üque d’un chirurgien et celle d’un bijoutier, aux objets qu’elles contenaient. Nous passimes ensuite près d’une petite maison, dont la facade présente un phallus sculpté avec cette suscription : Aic habitat felicitas. Cette habitation , nous dit le cicerone, paraît avoir été un temple consacré aux mystères de Vénus ou à ceux du dieu Priape. Un cabaret et quelques autres édifices offrent aussi des peintures d’une obscénité révoltante, et nous pûmes nous y convaincre de cette vérité, que si les anciens avaient des mœurs dans leur conduite, ils n'avaient pas les yeux plus chastes que les oreilles, leurs peintures étant aussi libres que leur langage. Le prétoire où se rendait la justice est un grand bâtiment donnant sur le forum. On y remarque, sous l’estrade destinée aux juges, une place réservée aux accusés. De là, sans pouvoir être vus et sans que leur présence püût exciter lindignation ou la pitié des magistrats, 1ls assis- taient à leur jugement. Cet usage paraît plutôt grec que romain, et aurait quelque rapport avec ( 200 }) cette loi (1) de Faréopage d’Athènes, qui défen- dait à tous les orateurs d'employer devant ce tri- bunal les ressorts du pathétique, et aux juges de prononcer en présence de l'accusé. 11 ne serait d'aucune application possible à notre jurispru- dence, qui ne demande aucun compte aux juges criminels, des moyens sur lesquels a dû se baser leur conviction; et l’on concoit que sous l'empire d’une loi aussi large, la contenance d’un accusé devant ses accusateurs, son embarras ou sa bonne foi dans les réponses aux questions qui lui sont adressées, son audace ou son repentir doivent être des élémens précieux pour la découverte de la vérité. Ce qui pouvait être bon sous le régime des lois en vigueur à Pompeia, serait donc nui- sible à la justice de nos jours. Le forum est une vaste place entourée de gale- ries, où se tenaient les assemblées générales du peuple , et où se réunissaient les oisifs dans les temps ordinaires. On a encore découvert un vaste amphithéäâtre , un lavoir bannal, un grand nombre de tombeaux placés sur les bords de la voie publique et à l'entrée de la ville, et une partie des murs qui la défendaient. Les fouilles se conti- nuent toujours, mais avec une lenteur désespé- rante pour les contemporains. Nous entémoignämes (1) On sait que cette loi fut rendue après l’acquiltement de la belle Phrynée, dont les charmes subjuguèrent le tribunal. ( 201 ) notre surprise à l'ingénieur français qui était chargé de les surveiller, et il nous répondit avec beaucoup de justesse, que le gouvernement napo- Btain agissait dans les intérêts de la postérité, les cendres du Vésuve protégeant beaucoup mieux les restes de cette ville que ne pourrait le faire la main des hommes. Pendant notre visite, le soleil avait atteint le milieu de sa course, et la chaleur, répercutée par la lave et la blancheur des murs, nous rendit insupportable un plus long séjour à Pompeïa. Nous parvinmes , sans nous éloigner beaucoup , à trouver un abri sous une maison rustique dont les fondemens étaient appuyés, sans doute, sur le faîte de quelque antique édifice, puisqu'elle s'élevait sur ce qui restait encore à découvrir de Pompeïa. Là , nous pümes nous reposer des courses de la matinée et nous préparer à celles du soir. Après un frugal repas, arrosé par quelques flacons de Lacryma Christi, nous nous abandonnâmes aux réflexions que les circonstances et la pesanteur de l'atmosphère nous inspirèrent, et nous passâmes ainsi, suivant l'usage des napo- litains, les heures les plus chaudes du jour dans un repos parfait. Sur les quatre heures, une légère brise de mer s'étant levée, nous pûmes nous remettre en route et nous diriger vers le mont Vésuve. En arrivant à Resina, nous trouvàmes tout préparé pour notre prompt départ. Chacun de nous s’accommoda de (202 ) son mieux d’une monture à la Sancho pança, et accompagnés du fameux Salvatore, nous entre- primes, par un assez large sentier et à travers de beaux vignobles complantés d’oliviers et de figuiers, notre ascension au Vésuve. Salvatore est un cicerone élevé au-dessus de sa condition par ses connaissances et un exercice honorable de son état pendant plus de quarante années. Il parle toutes les langues vivantes et possède à un haut degré la science des minéraux. Pendant notre trajet, il nous entretint beaucoup des monarques etdes grands personnages qu'il avait accompagnés dans leur visite au volcan. Il nous parla aussi avec enthousiasme de nofre Châteaubriant, qui avait mis ses services à contribution des mois entiers. A une petite distance de notre route, il nous fit remarquer les ruines d’un bâtiment qu’avait habité le célèbre Pergolèse, dont les chants sombres et mélancoliques avaient été inspirés par le voisinage du Vésuve. Nous avions marché deux heures au milieu d’un riche paysage, lorsque nous fûmes surpris de nous trouver tout à coup et sans tran- sition sur un vaste plateau entièrement inculte et tout rempli de scories. Nous miîmes plus d'un quart d'heure à le traverser. Ce fut là, nous dit Salvatore, qu’étaient les vignes si renommées de Lacryma Christi. Une des dernières éruptions les a couvertes de 30 pieds de lave et les a ainsi ense- velies pour toujours dans le néant. Les vignobles (205 ) qui sont plus bas donnentde bons vins, mais très- inférieurs à la liqueur précieuse du Lacryma Christi. On n’en débitera pas moins encore dans toute l'Europe de ce vin que quelques hommes auraient pu consommer et qui a toujours été réservé pour la bouche des rois et des grands favoris de la fortune. Après cette île de désola- tion , nous retrouvâmes une végétation très- vive jusqu'à l’hermitage de Saint-Salvador, où nous arrivaämes un peu avant le coucher du soleil. L’hermite fut pour nous un hôte très- accueillant, il nous invita à accepter un léger souper et à nous arrêter quelques momens, pour attendre, disait-il, que le soleil se couchît et arriver au sommet du Vésuve à nuit close. Nous cédâmes d'autant plus volontiers à sa politesse intéressée, que devant nous se devéloppait un de ces points de vue enchanteurs qui se reproduisent de toutes les hauteurs du golfe de Naples. Nous étions aux deux tiers de lélévation du Vésuve, devant le petit hôtel de l’Hermitage, assis sous un platane dont l’ombre transparente suffisait pour nous mettre à l'abri des derniers rayons du soleil. En face de nous, s’ouvrait cette mer qui, par son immensité, effraie comme l'idée de Pin- fini. Au milieu du golfe, nous voyions s'élever la fameuse île de Caprée, témoin muet des crimes horribles et des honteuses débauches de ce Tibère, qui, suivant les propres paroles de son précepteur, ( 204 ) était une boue pétrie avec du sang. Sur la droite et un peu plus loin apparaissaient les îles d’/schia et de Procida, où les étrangers vont admirer les anciens costumes grecs, conservés dans toute leur pureté par les plus jolies filles du royaume de Naples. Ces deux îles semblent toucher au cap Misène. C’est vers ce promontoire qu'Enée aborda en Italie, et Virgile nous apprend que ce lieu doit son nom à l’un des héros fugitifs de la ville de Troyes qui mourut et fut inhumé sur ces bords (1). C’est aussi à côté du cap Misène qu'était le port militaire de l’ancienne Rome. Pline l’ancien partit de ce port pour aller s’ensevelir sous les cendres du Vésuve. C’est enfin sur ce même cap, situé au milieu des souvenirs les plus précieux de l'anti- quité, que Me de Stael a placé Corine au moment de sa dernière improvisation. Près de là sont en effet le lac 4verne et sur ses bords la fameuse ouverture de la grotte de la Sybille, par laquelle le héros de l’Enéide descendit aux enfers. La description que Virgile fait de ces lieux, leur conviendrait encore : Spelunca alta fuit, vastoque immanis hiatu, Scrupea tuta lacu nigro, nemorumque tenebris (2). (1) Monte sub aerio, qui nunc Misenus ab illo Dicitur, æternumque tenet per secula nomen. Lib. 6. (2) Au milieu d’une sombre forêt, entre des rochers affreux, s’ouyre une cayerne profonde, immense, défendue par les noires eaux du lac qui l’environne. Traduction par Binets (205 ) À quelques distances sont les Champs phlégréens : ils répandent une vapeur funeste qui détruit au loin la végétation et arrêterait, dans leur vol, les oiseaux qui auraient la témérité de les traverser; le lac Achéron, sur lequel limpitoyable Caron passait les ombres de ceux seulement dont le corps avait recu la sépulture , et les Champs- Elysées où les justes étaient récompensés de leurs vertus par un bonheur inaltérable. A côté de ces lieux illustrés par la fable, en sont d’autres célèbres dans l’histoire, La ville de Cumes était renommée par son commerce, ses richesses, et le temple d’Apollon construit par Dédale, et dans lequel il avait représenté les divers événemens de la vie de Minos. La ville de Baïa, dont les eaux médicinales attiraient chaque année un grand concours de femmes, était devenu le séjour de la volupté. Aussi n’y avait-il aucun riche romain qui ne voulüt s'y procurer une mai- son de plaisance. Marius, Sylla, Pompée, César et Néron y avaient leurs habitations d'été. C’est là que Lucullus avait son salon d’Apollon, et que Vedius Pollion nourrissait ses murênes avec du sang humain. C’est sur ces bords qne Cicéron venait se distraire des occupations pénibles de son consulat, et qu'Horace, Properce et Tibulle coulaient des jours exempts de soucis et d’ennui, entre leurs maîtresses, les huîtres si délicates du lac ZLucrin et les coupes fumeuses de ce ( 206 ) Falerne, dont on apercoit les coteaux à peu de distance. Horace (nous dit Lamartine) dans ce frais séjour, Dans une retraite embellie Par les plaisirs et le génie, Fuyait les pompes de la cour : Properce y visitait Cynthie, Et sous les regards de Délie, Tibulle y modulait les soupirs de l’amour. Un peu au-dessus de Baïa était Bauli, où Néron invita sa mère à une fête brillante, après laquelle il donna l’ordre de la faire périr dans le bâtiment qui devait la transporter dans son palais de Baïa. Le tombeau d’Agripine est encore sur les bords de la mer où son corps fut délaissé par les flots, Près de Pouzzole, on apercoit quelques piles du pont que Caligula fit jeter sur la mer. Il voulut réunir les deux bras opposés d’un vaste golfe. Mais moins heureux que Xerxès , il échoua dans sa folle entreprise. En nous rapprochant de Naples, nous renconträmes le lac d’{gnano et la grotte du Chien, dont les phénomènes sont si connus en physique ; et avant d'entrer dans la ville, nous traversämes le souterrain du Pausilippe, percé par les Romains dans les flancs d’une montagne, pour abréger la route de Naples à Pouzzole. Ce vaste passage a 900 pieds de longueur, sur 30 de lar- geur et 50 de hauteur, A sa sortie et sur le coteau riant qui fait face à l’ancienne Parthenope, est le tombeau de Virgile. La sépulture de l’auteur des ( 207 ) Géorgiques devait se trouver au sein de la cam- pagne la plus riche du monde. Pétrarque était venu porter son tribut d’admiration aux cendres du grand poète et avait planté un laurier sur son tombeau. Mais depuis long-temps ce laurier n’existe plus, et aujourd'hui un grand chêne vert ombrage seul cette tombe où les cendres de Vir- gile ne sont plus, mais dont le souvenir suffit pour y attirer encore les hommages de tout Punivers. La ville de Naples se déploie ensuite sur le coteau méridional du Pausilippe jusqu’à la mer. Vue de haut, cette ville offre un aspect uni- forme qui fatigue l'œil; toutes les maisons sont de la même élévation et couvertes de terrasses sur lesquelles les Napolitains vontrespirer la fraîcheur du soir. On n’y aperçoit point de ces flèches ou de ces tours qui distinguent ailleurs les grands monu- mens. Elle renferme cependant quelques beaux édifices, parmi lesquels nous remarquons l’an- cienne Chartreuse, transformée aujourd’hui en hôtel des Invalides. Ce palais qui couronne la ville est d’une architecture riche et élégante , et attire les étrangers, autant par ses propres beautés que par la vue pittoresque dont on y jouit. C’est dans cet asile, d’une austère piété, qu'a été ditun mot bien profond. Un voyageur, séduit par l'attrait d'un lieu si enchanteur, s’écria un jour dans son enthousiasme : 4h! c’est ici qu'est le bonheur! Oui, répondit froidement le religieux qui l’'accom- ( 208 ) compagnait , pour ceux qui passent : Tran- seuntibus. Entre la ville et nous s’étendait cette belle plaine de la Campanie, bornée, au midi , par la mer; au couchant, par Naples; au nord, par Capoue, dont les délices produisirent de si funestes effets sur l’armée victorieuse d’Annibal, et au levant par le promontoire de Sorrente : Sorrente, le berceau du Tasse, qui termine au levant la baie de Naples, comme le Pausilippe et le tombeau de Virgile la terminent au couchant. Cette riche campagne est toujours couverte de plusieurs récoltes à la fois. Les ormeaux et les peupliers y sont unis entr'eux par des guirlandes de vigne, et sous ces berceaux de feuillage croissent des moissons qui se succèdent plusieurs fois dans l’année (1). C’est de ce pays enchanté que M de Staël a dit: Qu'il avait tou- jours l'air paré comme pour un jour de fête. Des villages en grand nombre semés cà et là donnent la vie à ce paysage, et à la distance où nous nous trouvions , ressemblaient à des fleurs jetées sur un vaste tapis de verdure. : Tel était le spectacle imposant au milieu duquel nous étions placés et qui captiva long-temps toute notre attention. J'ai lu quelque part que les (1) Omnium on modo Italià, sed toto orbe terrarum, pul- cherrima campaniæ plaga est, nihil mollius cœlo, nihil uberius solo, deindè floribus bis yernat. Florus, ( 209 ) pélerins de la Mecque se crevaient,les yeux par dévotion , lorsqu'ils avaient vu le tombeau de leur prophète, afin de ne plus profaner leurs regards. Je concevrais tout aussi bien un enthousiaste de la belle nature, qui, après avoir joui d’une pers- pective si séduisante, se priverait volontairement de la vue, pour mieux conserver le souvenir d’un spectacle qu'aucun autre lieu de lunivers ne pourra jamais lui représenter. Dès que le soleil eut éteint ses feux dans les eaux du cap Misène, nous primes congé du bon hermite, et avec l’aide de nos montures et une escorte nombreuse, nous continuâämes notre route. Aquelques minutes de Hermitage, nous quittämes la végétation pour entrer sur un sol désormais tout composé de scories, de laves ou de cendres, L’her- mite de Saint-Salvador nous parut alors placé comme entre la vie et la mort de la nature, Nous marchâmes ainsi pendant une demi-heure jusqu’au pied du dernier pic du Vésuve. Là, nous mimes pied à terre, seize hommes prirent sur leurs épaules notre courageuse Marseillaise, qui ne voulut être arrêtée par aucune difficulté; les autres nous attachèrent des cordes sous les bras, et en nous précédant de quelques pas et nous tirant après eux, nous aidèrent à terminer notre ascension. Ce dernier trajet se fait sur un pic presque perpendiculaire et dans une cendre fine qui cède sous les pieds. Avant de faire un pas, 14 ( 210 ) il nous arrivait souvent d’en reculer plusieurs, et ce ne fut qu'après trois quarts d'heure d’une marche pénible et interrompue, que nous arri- vàämes au sommet du Vésuve. A quelques pas des bords se trouve le cratère: c'est un gouffre énorme qui change de forme à toutes les grandes éruptions. Alors il était à peu près rond, d’une profondeur presque égale partout de 8o pieds, et d’un diamètre de 300 toises. Le fond était comme pavé de gros quartiers de laves placés sans ordre les uns sur les autres, et tout parsemé de soupiraux ardens, d’où s’exhalaient constamment des flammes et une épaisse fumée. Ces rochers qui entourent la source de la lave, soumis à l’action continuelle du feu, en avaient recu des couleurs contre nature et d’un aspect hideux. Un vert livide, un jaune brun, un rouge sombre formaient, pour les yeux, un spectacle qui avait quelque chose d’infernal et rappelait les descriptions que les poètes ont fait du Tartare. Au centre du cratère s'était formé, depuis peu de jours, un monticule en forme de cone, au sommet duquel était la bouche du volcan. Nous restämes long-temps à considérer ces formes étranges, et je les comparai à celles que présentent nos volcans éteints. Leur ouverture sur des lieux élevés, la forme en coupe arrondie de leurs cratères, les matières scorieuses qui les remplissent, les cen- dres et les laves qui les entourent, offraient à (sue ) mon esprit des similitudes si non parfaites, du moins tellement frappantes, que je ne doutai plus de leur commune origine. Je compris dès lors facilement que des savans traversant nos mon- tagnes, à leur retour de Naples, aient pu nous donner la première idée de nos anciens volcans. Une détonation forte et prolongée comme un tonnerre vint tout-à-coup nous distraire de nos réflexions, elle fut suivie immédiatement d’une vaste gerbe de pierres enflammées, qui s’élevèrent à uncC très-grande hauteur et retombèrent dans la bouche qui les avait vomies ou sur ses bords. Alors notre guide nous engagea à nous approcher davantage, et nous ayant fait contourner une grande partie du cratère pour trouver une des- cente douce, nous pümes arriver, en passant à travers des fissures très-larges et sur des scories très-chaudes, jusqu’au pied du monticule enflammé; la lave en découlait lentement, ardente comme du métal en fusion. Quelques-uns de nos guides y allumèrent leurs torches, et les autres nous ayant demandé quelques monnaies , prirent de la lave avec leurs bâtons, y injectèrent ces pièces, firent tourner en lair cette matière liquide, afin de la rendre solide parle refroidissement, et nous offrirent ces objets comme des monumens de notre voyage. Plusieurs éruptions eurent lieu pendant que nous touchions ainsi à la bouche du volcan, et des pierres ardentes roulèrent jusqu'à ( 212 ) nos pieds. J'aurais voulu, comme beaucoup de voyageurs, pénétrer jusques dans les entrailles de la fournaise au moyen d’une corde, mais cette expérience n’est possible que dans un calme parfait. Une chaleur excessive sous la plante des pieds et au visage nous forca même bientôt à quitter la place et à remonter sur les bords du grand cratère. Là, nous nous assimes plusieurs fois, ne pouvant nous lasser de l'aspect imposant qui nous environnait. C'était par une belle nuit d'été, d’un côté se présentait la mer, toute étin- celante des flammes errantes que projettent dans les pays chauds d'innombrables insectes ; d’un autre côté, nous distinguions la ville de Naples et plusieurs villages , aux lumières fixes qui les éclairaient; au-dessus de nos têtes brillait un ciel calme et serein, et derrière, nous entendions tonner le Vésuve, que Mr° de Staël appelle la Foudre de la terre, aussi redoutable dans ses fureurs et aussi prompte à frapper que celle du ciel. Nous étions sur les bords de ce cratère , d’où sont sorties toutes ces laves et toutes ces cendres qui ont enseveli des villes, fait reculer la mer et porté l’épouvante dans tout le monde connu des anciens. Si le spectacle dont nous étions témoins nous paraissait si grand, que devait-il être au moment de ces affreuses explosions qui avaient fait trembler notre globe jusque dans ses fon- demens!.….. ( 213 ) Alors toute la montagne, agitée par de violens tremblemens, semblait devoir, à chaque instant, s'écrouler dans ses propres abimes. Bientôt elle s’ouvrait de toutes parts avec un fracas épouvan- table, et le ciel, la terre et la mer paraissaient en feu. À travers cent bouches, on voyait s'échapper avec violence des torrens de flamme, de fumée, de cendres, de pierres, de métaux fondus et d'eaux bouillantes. De ces matières, les unes étaient lancées à des distances infinies, et les autres , roulant en ruisseaux de lave sur la pente de la montagne, allaient détruire tout ce qu’elles atteignaient. A leur approche, tous les objets dis- paraissaient , les rochers étaient anéantis , les sources d’eau desséchées , les arbres. faisaient une petite flamme et tombaient en poussière. Malheur! malheur! aux imprudens qu'un vil intérêt ou un noble attachement à leurs pénates, retenaient dans leurs foyers. La mort, et une mort sans agonie, les avait bientôt frappés. En présence d'une puissance aussi formidable, que devient l’homme ? Allez, puissans du jour, qui, dans votre orgucil, ne croyez qu'à vous et à votre infaillible supério- rité, et vous, prétendus philanthropes, qui, fai- sant de l’homme le maitre de la nature, ne pouvez supporter l’idée de sa faiblesse; allez voir de près le pouvoir sans bornes que déploie le Vésuve depuis plus de deux mille ans, et vous » ( 214 ) reviendrez convaincu de votre néant et de l’exis- tence d’une haute puissance à laquelle tout est soumis, Mujuono le città, mujuono i regni, Copre i fasti ele pompe, arena ed erba, E l’uom d’esser mortal, par che si sdegni! O nostra mente cupida e superba ! (1) Tasse, chap. 15. De minute en minute, un embrasement genéral, qui nous mettait un moment comme en plein jour , venait nous distraire de nos réflexions. L'ombre et le silence reparaissaient, et nous nous livrions de nouveau au cours de nos brülantes pensées. Nous passämes ainsi plusieurs heures en contemplation... Mais enfin , nous sentimes le besoin de nous arracher à ces émotions, tant il est vrai que ce qui est au-delà d’une certaine pro- portion cause à l’homme un invincible effroi, et nous donnâmes le signal du départ. Chacun de nous prit le bras de deux conduc- teurs, et nous descendimes en moins de dix minutes le pic de cendres que nous avions mis trois quarts d'heure à gravir. La même cause qui nous retardait en montant, accéléraitnotre marche en descendant. Au bas du pic, nous retrouvames (1) Les villes, les royaumes, tout meurt, tout a son tom- beau : les plus superbes monumens, les plus pompeux édifices, tombent et disparaissent sous l’herbe etle sable qui les couvrent: et l’homme s’indigne d’être mortel ! O folie! Ô chimère de l’ambition et de l’orgneil! * Trad. par Lebrun. ( 215 ) nos montures, et précédés de tous nos hommes portant des torches aux deux mains et entonnant des chansons napolitaines , nous reprimes gaiment la route de Naples. Nous témoignâmes, en passant, notre reconnaissance au bon hermite, au moyen de quelques monnaies; nous recûmes ses adieux en échange, et toujours avec le même cortège, nous arrivämes à Resina à minuit, À deux heures, nous étions rendus à Naples. Mais avant de quitter Salvatore, je le priai de compléter la collection des minéraux qu'avec son aide j'avais recueillis moi-même sur les flancs du Vésuve. Il s’y prêta volontiers, et c’est ainsi que jai pu me procurer la caisse de produits vésu- viens, dont j'ai fait hommage au Musée du Puy, et rendre utile à mon pays une journée qui m'a laissé de si agréables souvenirs. N Et me meminisse juvabit. AAA AA AS AR AAA AA A AV A UV A AAA RAS VV VU M UV MAS AVS MS AA AU AA SUR LES IDIOTISMES De l’ancien Velay et d'une partie de V Auvergne ; Par M. Pomrer. L’usage et le goût de la langue nationale se répandent de plus en plus dans le pays; on a dû en faire la remarque avec plaisir. Mais quel lan- ( 216 ) gage! N'est-ce pas plutôt un véritable jargon qui prend la place du patois, qui en emprunte les formes pour y adapter des paroles francaises, et produit un mélange confus où le patois se déguise sous un masque francais ? À tout moment loreille est choquée des idio- tismes de nos artisans et de nos ouvriers. Osons même en convenir: certains de ces idiotismes ne s'arrêtent pas à cette classe sans instruction; ils se glissent, ils pénètrent plus qu’on ne pense jusqu’à une autre classe, qui semblerait en être à l'abri par son éducation et le commerce de personnes accoutumées à un langage correct. Il ne faut pas s’en étonner, c’est le tribut qu’on est exposé à payer partout où le patoisest l’idiôme populaire. On emploie des mots français ou du moins des consonnances francaises ; le tour et l'expression dérivent du patois, et l’on croit avoir parlé francais. Se doutait-il non plus de son jargon, cet aca- démicien de province, qui, au sortir d’une visite rendue à Fontenelle, ne retrouvant plus le chemin de la porte dans l'obscurité, criait à la servante de la maison : Faites donc lumière, faites feu; on ne se voit pas dans Les escaliers ? Et le malin Fontenelle de sourire en excusant cette pauvre fille qui n'entend, disait-il, que le francais. Beaucoup de personnes éviteront sans doute les trois premières fautes de notre académicien; peu (217) seront en garde contre la dernière. S'il fallait compter les exceptions, nous ne voudrions pas singer la sentence trop sévère de Boileau : Il en est jusqu’à trois que l’on pourrait citer ; ce serait passer les bornes. Toutefois nous croyons assez grandle nombre de céux qui prennent dans le discours chaque marche ou degré pour un escalier. Combien de mots ne sont-ils pas fréquemment détournés de leur vrai sens et employés dans une fausse acception? Il est fâcheux, dit-on, qu’un homme aussi fortuné meure sans disposer; il va laisser un héritage conséquent. C’est la seconde maladie grave qu’il fait en peu de mois; on croit que c’est une purésie. Le médecin l’a trouvé fort dangereux ; il a demandé une consulte. Ceux qui parlent de la sorte ne savent pas ou ne font pas attention que le mot fortuné s'applique au bonheur et non à la fortune; qu’on peut fort bien dire du mal qu'il est dangereux, mais non du malade; et que le mot conséquent ne s'emploie que pour exprimer laccord de deux choses entre elles, par exemple des actions d’un homme avec ses paroles. Faire une maladie est une expression barbare ; purésie n’est sans doute d’aucune langue; consulte ne se dit pas non plus pour consultation. C’est par un abus pareil de mots que plusieurs disent d’un enfant qui s'ennuie dans sa pension : & Cet enfant languit, et d’un voyageur qui s’est ( 228 ) réveillé ou levé tard, ce voyageur s’est oublié. » S’oublier rappelle l'idée d’une bienséance , d’un égard ou d’un devoir auquel on aurait manqué. Il ne faut pas dire non plus : Les machines servent à faciliter l’homme dans ses travaux. C’est une faute échappée dans le titre d'admission d’un can- didat, dont le Mémoire, rempli d’ailleurs d'avis utiles et d'observations judicieuses , annoncait Fhomme versé dans la grammaire et les bonnes lettres. Il n’est pas rare d'entendre des gens qui ne sont pas du peuple, vous dire avec assurance : « Tächez moyen de revenir demain à bonne heure; nous irons à votre devant;ne nous fassiez pas faux bon; cela nous saurait trop de mal. À propos du pre- mier de ces idiotismes, je me rappelle toujours l'embarras d’un homme de lettres qui rougit pour un autre à cause de cette réponse, nous fdcherons moyen de remplir le but. Elle était faite par un de ses confrères à un inspecteur des études, à qui on avait intérêt de prouver que lon connaissait sa langue et qu’on savait la parler. l’auteur de la bévue ne s’en apercut point probablement, tandis que le témoin muet gémissait in petlo pour tous les deux et pour l'honneur du corps auquel ils appartenaient. Je me souviens aussi d’avoir lu dans la lettre d’un régent au chef d’une académie ou d'un collége : Telle sera toujours ma gouverne , pour dire ma règle de conduite. (219) Voici un autre exemple qui n’est point encore du peuple, à moins de penser avec le chef des beaux-esprits du 18€ siècle, que le vulgaire est de tous les étages, C’est à nous-mêmes qu'il arriva un jour de saisir en passant quelques mots de l'entretien d’un poète avec son voisin : « J’aisoigné cet ouvrier près d’un quart d'heure; il a tombé dix fois son outil, » C'était apparemment le bara- gouin du voisin. On se tromperait; je reconnus très-bien d’abord le son de voix, ensuite les traits du métromane, dont le porte-feuille est riche, dit-on, en couplets, épigrammes, madrigaux et autres petits chefs-d’œuvre. Qu'on nous dise si c’est le fendeur seul ou le marchand de bois qui vous parlent de brousse, de garne , de lauzes de pin? C’estle consommateur lui-même, ayant fait ses études, qui emploiera ces mots de confiance, ou se croira obligé de s’en servir, afin d’être compris. N’avez-vous jamais entendu que dans la bouche d’un macon, de la bonne achaux, un bassoir, un mur de refente , un Jaux équerre? Et dans celle d’autres artisans, un avant-clou , des étenailles, une fergette \ une cheneau ? Ce n’est pas non plus un domestique seulement qui vous dira: « Laissez-moi faire, je vous en éviterai la peine, 1] fait bien obscur; attendez qu'on éclairera le fallot. Ne parliez pas si haut; elle à l’ouie très-fin; Allez, ne vous avisez pas ( 220 ) de moi. 71 lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Ce qu'il disait là n’a pas de nez! Le feu me fait bon. Ne tirez pas peine, je n’en soigneräi. Et combien de barbarismes tels que les suivans : Du vin farlaté ou ferlaté; un vase éberché; je suis trempe; 1] est enfle; une paire de guettes; un étrieu, un boisseau de nentilles ! Mais surtout qui croirait trouver ce dernier dièse ou bémol dans un relevé de dépenses d’un ancien maître de grammaire ? Qu’une dame de nos contrées, accoutumée à ne pas confier à d’autres le choix ni l’emplette des objets de ménage, quitte la province pour aller habiter Paris, elle demande une éclanche au bou- cher qui lui sert un gigot. Elle demande une pièce du barbe, la brounde, une quartière , une tombée et des flancs de veau, la fouillouse et un bonnet de mouton; on n’a rien compris de ce qrelle voudrait. Elle sort toute confuse. I] lui faut recourir à une de ses voisines son ancienne amie, pour se faire traduire le francais du pays. Le len- demain, nouvel embarras au marché aux herbes, quand elle nomme des racines, des carottes, la clermonne, de l’opi, du pain-froment. Voyez un habitant de Blois ou d'Orléans, venu pour la première fois dans nos provinces du Midi; voyez-le au sortir d’une conversation entre quelques maîtresses de maison. Il a vingt questions à vous faire sur beaucoup de termes où locutions qu’il ( 22r ) n’a pu comprendre. Il faudra lui expliquer l’énigme de deux sœurs que le Curé vient d’épouser aulieu de marier; celle d’une sercissure au lieu d’une reprise à un schall; du besoin d’éclaircir le linge au lieu d’essanger. » D’un frère parti de retour, c’est-à-dire reparti ou parti de nouveau; et d’une fleur qui a de lodorat. « Une de ces dames, reprend notre voyageur, disait tout bas à sa voi- sine : Jai le cœur gonfle, mon mari nous a tous agonisés, hier pour une liste de fusine déprofitée; aujourd'hui pour un mauvais ganif et une vieille chanelle rompue. » — Elle confiait à son amie qu’elle avait le cœur gros, parce que son mari venait aujourd’hui de quereller toute la famille à cause d'un canif et d'une canelle ou robinet rompu; hier c'était pour une bande de coutil mal coupée ou déchirée. « Mais qu'entendait un autre dame en se plaignant d’un enfant qui a fait toutes les écoles et dont on ne peut jouir ? » — Elle parlait de son fils qui a suivi toutes les écoles et qu'elle ne peut gouverner. — & Puis d’une nièce qui ne sait pas ressuivre ses affaires ? » -— Sans doute, cette nièce ne sait point rapiécer son linge ou reprendre ses hardes, — « Enfin de sa fille qui vaisselle mal et qui ne réduit ou ne restreint jamais l’argenterie ?» Il s'agissait de sa domestique ou fille de service qui ne serre ou n’enferme point l’argenterie, et qui lave mal la vaisselle. C22> ) 1] me semble ici qu’on se récrie : mais qui peut s'exprimer ainsi? Ce ne sont pas, 1l est vrai, des philamintes capables de chasser une servante pour un mauvais terme ou un mot malsonnant. Mais, ce langage à part, ces personnes ont les manières et le ton de la bonne compagnie. Qu’aura pensé néanmoins notre voyageur ? Il n’a pu concilier un langage pareil avec des manières aussi polies. La plupart de ces fautes, dira-t-on, sont trop grossières pour échapper à quelqu'un qui aurait une certaine habitude de notre langue. Je rougis de l’aveu, mais je m'y prends à tout pas. N'est-ce pas un de nos grammairiens, Boiste, je crois, qui a dit quelque part: « Il arrive à très-peu de per- sonnes de passer une journée sans offenser leur grammaire. » Bon! nous ne sommes donc pas les seuls! C’est du moins une consolation. Et n’avons- nous pas les uns et les autres surpris plus d’une de ces locutions dans la bouche de gens qui ne se croient pas pour cela brouillés avec leur grammaire? Que de pierres d’achoppement, que de causes d'erreurs ou de défauts en fait de langage! Tantôt c’est la phrase qui pèche par la construction; ici l’altération tient aux mots; elle se trouve dans : leur forme , dans le genre ou le nombre; là, dans le sens qu’on y attache, dans lemploi ou l’arran- gement; ailleurs, la faute vient d’une anomalie dans la conjugaison, de l'espèce du verbe ou du ( 223) régime; souvent d'une redondance de mots, ou de plusieurs vices dans la manière de prononcer. Nous n’allons pas reprendre ici cette revue d'échantillons d’un langage trop choquant pour vos oreilles , trop contraire à votre facon de parler et d'écrire. Nous avons même à craindre d’avoir lassé votre indulgence. Qu'il nous suffise donc de remarquer, et il est aisé de le reconnaître, que la plupart de ces termes et de ces expressions barbares tirent leur origine du patais; que la grammaire ne peut rien contre plusieurs, et qu'il faut chercher un autre moyen de les corriger. Nos grammairiens nous donnent sans doute les préceptes d’un langage exact et correct; mais avec toutes leurs règles, ils ne peuvent atteindre une foule de ces tours vicieux, revêtus de formes francaises qui empêchent ceux qui s’en servent d'en remarquer le défaut. L'idiôme du peuple de notre pays, j'entends même lidiôme francais, me semble un terrain obstrué de décombres qu’il convient de déblayer, afin de construire ensuite d’une manière plus facile et plus solide. Voyez le fruit de l'étude de la grammaire chez beaucoup de nos enfans. En évitent-ils micux une foule de ces locutions con- damnées par le bon usage, et sur lesquelles la grammaire se tait ? Un Recueil, destiné à reproduire chacune de ces expressions fautives, avec le correctif en ( 224 ) regard, devrait être, à mon avis, la première grammaire du peuple. Cet ouvrage servirait à purger le nouveau dialecte populaire de ces mots tronqués ou irréguliers, de ces tours défectueux, de ces termes impropres ou bizarres, en un mot de ces divers germes de jargon qui pullulent dans le discours commun etaltèrent jusqu'à la semence des meilleures études. Nous ne pensons pas toutefois (dût un nouveau Fontenelle s’égayer à nos dépens!) qu'il faille pousser le purisme ou la rigueur jusqu’à proscrire tous les mots qui ne se trouvent pas dans nos vocabulaires. Il est des ustensiles inconnus ailleurs que dans le pays : condamnez les mots employés pour les indiquer, quand iln’en existe pas d’autres qui puissent les suppléer; quel ne sera pas votre embarras ? Par exemple, voulez-vous désigner ces vases de bois à deux anses, qui servent à différens usages, à la récolte de la vendange, à ramasser l’eau de la lessive, etc. Avec le mot de gerle, vous excluez celui de bachole; de quel autre vous servirez-vous? Le mot de cornue, adopté par les personnes qui se piquent de parler français, est le nom d’un vaisseau de chimie pour distiller à grand. feu, lequel n’a rien de commun avec nos gerles ou bacholes, ni pour la forme ni pour la matière dont il est fait. Si vous parlez donc à quelqu'un de nos provinces du Nord, il se fera une fausse (225) idée du vase en question par le mot de cornue. Celui de bachole n'aura pas cet inconvénient; seu- lement l’étranger aura besoin d’une explication, si l’ustensile n’est pas sous ses yeux. Mais gardons-nous d'employer le mot balaste en usage dans quelques localités. Bachole a du moins l’avantage de son rapport avec bac, dontle diminutif est baquet, ce qui donne à ces trois mots un air de famille. Vous avez à nommer ces grands paniers ovales ou ronds d’osier, ou ceux en forme de coffre et du même tissu, destinés au transport des fruits et connus sous le nom de bennes; et cette autre sorte de panier tressé en paille et connu sous le nom de paillas; quels autres mots mettrez-vous à la place des noms usités dans le pays? Imiterez- vous ceux qui, par une fausse délicatesse pour certaines expressions , nm’osant pas nommer Ja paillasse d’un lit, préfèrent le nom composé de garde-paille, qui n’est point recu? Le mot lauzes, qui désigne des bûches de pin ou de sapin d’une dimension convenue, ne saurait être remplacé par le nom générique de büches, dont la longueur n’a rien de déterminé, et peut varier de deux à quatre ou cinq pieds et plus si Von veut. Nous ne serions pas plus sévères pour le mot casse qui exprime une cuiller à boire, si l'on n'avait un autre nom pour cet ustensile. Pourquoi en effet ne dirait-on pas une cuiller à seau comme on dit une cuiller à pot? _ 19 ( 226 ) N’excluons pas non plus le mot gouttiére. Ce mot s’entend à Paris du canal par où s’écoulent les eaux des égoûts d’un toit, et non de la voie d’eau qui provient d’une tuile cassée ou de toute autre cause. La structure des toits du Nord de la France les met généralement à l’abri de cet incon- vénient. Point de mot dès-lors pour l’exprimer; on n’en avait pas besoin. Ce n’est pas une raison suffisante pour nous de chercher un détour, afin de désigner les gouttières d’un toit. Ce mot con- vient d’ailleurs très-bien au sens que nous lui donnons. On n’est pas également fondé pour Pemploi des mots brousse et garne, parce que nous avons dans la langue un mot propre à indiquer ce que ceux- là expriment. Nous dirons donc, au lieu d’un cent de brousse de chêne ou d’autre bois, un cent de fagots de chêne, etc.; au lieu d’un millier de garne un millier de fagots de pin. Beaucoup de mots d’un usage assez ancien et général, recueillis par Boiste et Laveaux, seront reconnus sans doute par l’Académie dans la pro- chaine édition de son Dictionnaire, tels que ceux- ci: Tailleuse, repasseuse, remontage, fruitier, tricot (art de tricoter) et tant d'autres. Laissons dire à Lyon et même à Paris coufuriére pour fail- leuse, quoique l'ouvrage de l’une soit de coudre, et que celui de l’autre soit de tailler ou couper, de monter et faire une robe. ( 227) On a droit d'appeler d’un arrêt contre des mots sans équivalens , quand ils ne choquent point loreille et qu'ils ont pour eux Fanalogie et la raison. 11 est tout simple de donner le nom de repasseuse à celle qui repasse le linge, et de tailleuse à celle qui fait les robes, puisque failleur et failler sont francais dans le même sens. Rha- Dillage vient de rhabiller, ravaudage de ravauder, et l’on ne voudrait pas que l’ouvrière qui aura remonté une paire de bas demande le prix de ce remontage, ni le savetier celui du ressemelage de nos souliers ? Gracier manque à notre langue; on l'emploie depuis quelque temps dans les tri- bunaux, et il nous semble exprimer fort bien Jaire grâce , puisqu'on disait déjà un cas graciable. Insouciance et insouciant ne furent pas adoptés dans le Dictionnaire de l’Académie de 1762. Bour- daloue, je crois, avait seul osé hasarder le pre- mier de ces deux mots, et il n'avait pu lui donner le droit de cité, non plus que Corneille à un autre mot employé avant lui et qui figure dans un vers Si Connu : Ton bras est invaincu, mais n’est pas invincible. Voilà bien les vicissitudes humaines ! /ndompté a fait fortune; insaincu, incompris et autres d’une source qui n’est pas sans mérite, ont échoué, N’est-on pas fondé à dire qu'il en est des mots ainsi que des hommes pour l'emploi et pour le rang ? J'en crois la remarque fort ancienne. ( 228 ) Avant l’adoption du mot probe, de date assez récente, on était embarrassé en parlant d’une femme qui a de la probité. Disiez-vous une femme honnéte? C’était celle qui plaît par ses bonnes manières, une honnéte femme. C'était celle dont la conduite est à l'abri de tout reproche. Voltaire avait tranché la question; ce n’était pas son usage en grammaire seulement. Malgré tout le crédit de son autorité, en pareille matière , il m'aurait semblé bien étrange de dire d’après lui, une femme honnéte homme. Le même auteur a mieux réussi pour le mot impasse contre un synonyme qu'il voulait bannir. Etirer pour étendre en tirant, ni déverser pour répandre , ni beaucoup d’autres mots usités au- jourd’hui , n’avaient pas obtenu place même dans l’édition de 1798 du Dictionnaire de l’Académie. Ils Pobtiendront sans doute dans celle qui se pré- pare, dès qu'ils sont consacrés par l'usage , et notre langue , parfois indigente , malgré tout léclat dont elle brille dans Racine et dans Buffon, s’enrichira d’une foule de mots qui ont déjà cours avant d’être marqués au coin légal. D'où vient la richesse d’une langue, si ce n’est de l'abondance des mots pour exprimer tous les sentimens , peindre toutes les images, rendre toutes les pensées , enfin pour reproduire la variété des nuances de nos idées. Cherchez à dire en un seul mot les diverses manières de regarder ( 229 ) en avant, autour, derrière, en haut, en bas, ensemble, dedans, à travers, etc. Chez les Romains le même verbe modifié par une simple particule suffisait pour ces différentes expressions. Les Romains avaient de plus un grand nombre de diminutifs si propres à marquer la tendresse, si caressans, si gracieux. Voulaient-ils relever une qualité où la rabaisser? Une particule encore, jointe à l'adjectif, en fesait les frais. Notre langue, dénuée à peu près de ces avantages, cette gueuse si fière (comme on l’a nommée), qui ne veut pas qu'on lui fasse l’aumône, aurait tort de la refuser toujours. Un enfant, soutien de son vieux père, demande la charité à Beaumarchais qui lui donne une romance. Elle eut vogue à la cour de Louis XVI, et de là dans tout Paris. Honneur à l’écrivain pour cette bonne action plus que pour tout le reste de ses œuvres qui firent tant d'éclat. La fin de la romance sollicitait un peu de pain. Au siècle de Francois [e*, le poète eût fait dire à l’enfantun morcelet de pain, mot bien plus pathétique, à notre avis. : On disait alors un enfantelet comme un enfan- teau. Ce dernier seul est resté, grâces aux vers de Marot; il n’a pourtant pas la même douceur. Nos grammairiens ont conservé oiselet, bätelet, gouttelette, avec quelques autres; mais on cher- cherait en vain un coutelet, un porcelet ou pour- ( 250 ) celet, une bouchette, des gételets, qu'il faut rem- placer par des périphrases monotones : Un petit couteau, un petit pourceau, une petite bouche, de petits gâteaux. On trouve dans un de nos vocabulaires nou- veaux 7ningrelin pour signifier mince, exténué, débile. Notre mot mingolet, d’un usage peut-être aussi répandu, serait de plus conforme à la finale adoptée pour les diminutifs. Montaigne, dans son style pittoresque et naïf, se plaît sur l'oreiller de l’incuriosité. On concoit que ce dernier mot à double sens n'ait pas em- pêché de désirer le mot d’incurie pour le manque de soin, celui d’insouciance pour l’état de doux abandon, et non d’apathie,où l’on dirait que âme sommeille et se sent vivre en sommeillant. Mais la raison, le goût surtout n’a pas toujours présidé à ces sortes de changemens ni à ces suppressions. Qui ne regrette rien de ces formes d’un parler tantôt vif, tantôt doux, de ces tournures sveltes, de ces cadences hardies, de ces expressions pleines de vie on d'images, dont la grâce et la joliveté nuive n’a jamais cessé de toucher, de charmer dans Amyot? Que de mots aussi, dans notre dialecte méri- dional, seraient dignes de faveur pour leur jus- tesse ou leur précision ! Par exemple : une passe- relle, espèce de pont formé de deux ou trois poutres liées ensemble pour le trajet d’un torrent { 231 ) ou d’un ruisseau. Une œuvre de vigne (étendue qu'un homme peut cultiver en un jour), au lieu d’une hommée, terme usité dans certaines loca- lités. Une marbrune ou grisote, dénomination qui, peignant la robe du lézard gris, dispenserait de l'emploi du nom générique et de l'épithète donnée à cette espèce, afin de la distinguer des autres lézards. Un écouloir, nom applicable à certains ustensiles destinés à l'écoulement. Une fiscelle, mot emprunté du latin (fiscella) , et servant à nommer le vaisseau qui remplace chez nous l'éclisse ou le clayon d'osier, propre à faire égoutter le lait caillé. Voire enfin le mot si expressif de loubine, dérivé sans doute du latin lupa (loube en patois) comme lupin de lupus, généalogie bien digne d’une plante vorace et de l'espèce de fondrière capable d'entraîner la rume dun bâtiment. Un autre terme de notre dialecte, emprunté aussi de la même langue, congére exprime seul un amas de neige dangereux pour le voyageur. On ne comprend pas pourquoi les mots jévière, poi- siére et ravière ne sont pas admis comme chene- viére et riziére. Outre l’analogie et létymologie qui les distinguent, ils auraient le mérite d'épargner une périphrase. Nous disons faire claquer un fouet;il me semble que le bout de ficelle qui fait ce claquement, serait bien appelé claquet, au lieu de flau, mot (252 ) barbare commun à plusieurs cantons. Avons-nous besoin de deux mots claquet et cliquet, pour nommer la petite latte qui bat avec bruit sur la trémie d’un moulin? Le dernier suffirait; peut- être encore vaudrait-il mieux le mot faquet, usité dans notre langage, français même dans un autre sens, et si imitatif pour rendre le tic tac d’un moulin. On dit ce poëlon se détame, il faudrait le rétamer. Ces deux dérivés sont-ils trop éloignés de leur primitif éfamer , pour n'être pas adoptés ? Tous ces mots et un grand nombre d'autres, naturalisés déjà dans les provinces du Midi , manquent à notre langue. Ils n’ont rien de con- traire aux mœurs francaises, ce serait une injus- tice de les traiter en barbares. Me voilà bien fourvoyé de mon dessein. J'avais entrepris de parler contre les mots à proscrire, et je me trouve actuellement à plaider pour des proserits. Ce nouveau rôle me plairait davantage; mais il n’est plus temps de choisir, je dois rentrer dans mon sujet. Il faut, suivant le précepte d’'Horace, se tenir en garde contre une licence sans pudeur (1) dans lemploi des mots non encore revêtus de la sanc- tion qui doit en fixer le sens et peut seule en (1) Dabiturque licentia sumpta pudenter. (Art poét, Vers 51.) (253 ) garantir la valeur. « Les mots, a dit Leibnitz, sont les lettres de change de l’entendement. » On ne fait peut-être pas assez d'attention à toute l’influence du langage sur le raisonnement, ni à la précision que donne au jugement l'habitude de s’exprimer avec justesse. N'est-ce pas assez et trop sans doute des germes de dispute qui naissent de l'esprit de parti dans le temps où nous vivons ? Cherchons à diminuer du moins, si nous ne pou- vons Ja tarir, la source de tant de discussions qui souvent n'auraient pas lieu sans la nuance diverse du sens que deux personnes attachent au même mot! La justesse d'expression est la première qua- lité du discours, il ne faut rien négliger pour y parvenir. Commencons donc par extirper ce langage incorrect et barbare si justement reproché à nos contrées. Je ne sais s’il est rien qui oppose plus d'obstacle au succès des études de la jeunesse ; j'en appelle à ceux qui s'occupent de son ins- truction. Et ne serait-ce rien d'enlever, d’affaiblir du moins cette rouille de barbarie, cette teinte sombre dont un de nos savans a entaché notre pays avec moins de justice peut-être que de pré- vention et de sévérité (1)? (:) Notre opinion, que l’on pourrait croire dictée par l'amour du pays, est fondée sur une preuve sans réplique. M. Charles Dupin, en prenant pour base de sa carte intellectuelle des (254) Partout les regards se portent vers l'instruction populaire; si le peuple, cette classe plus nom- breuse qu'on ne croit, continue à parler un mau- vais jargon, à quoi lui serviraient les livres élé- mentaires destinés à propager les notions les plus usuelles sur Fagriculture , l’économie rurale et domestique, l'hygiène, les arts et métiers, etc. ? La lecture de l’histoire sainte et la doctrine chré- tienne devraient préparer les enfans aux premières lecons de la religion, c’est-à-dire aux premières semences de vertu et de bonheur. Ce but d’un si haut intérêt pour les individus et pour la société sera mal atteint avec l'habitude d’un idiôme qui n’est pas francais, Les enfans auront appris à lire, ils liront des mots; à écrire, ils écriront encore des mots si non obscurs, équivoques au moins et trop rarement compris. J'avais recueilli dans le temps , comme un appendice à des lecons de grammaire, un grand nombre d'expressions vicieuses et de mots défi- gurés. Il s’agissait de les mettre en ordre. Engagé par mes collègues, je me suis livré à ce travail qui n’exigeait d'autre talent que la patience et ne départemens de la France la population des écoles , a puisé ses documens dans les états fournis au ministère de l'instruction publique. Il n’a pas connu dès-lors la moitié de la population des nôtres, puisqu’on n’a jamais dressé de tableau statistique de nos écoles de filles, et que dans nul autre département elles ne sont ni plus fréquentées ni plus nombreuses. ( 235 ) pouvait tenter aucun amour-propre; s'il ne promet aucune ombre de gloire, je puis espérer du moins qu'il ne sera pas sans fruit dans nos écoles pri- maires , peut être même pour les premières études de collége. Puisse-t-il atteindre le but que je me suis proposé | VAN VAS NV A AAA VU NV AAA AAA AA AV A VU AVR VU VU AU AS UV VV AV VV AS BNOUÈRE COMMERCIALE ET INDUSTRIELLE. Chambre consultative de La fjaute-Loire. DEMANDES FAITES EN SON NOM, Par M. Auguste Lamorne , Membre correspondant. È——— À Monsieur Duchatel, MINISTRE DU COMMERCE, MONSIEUR LE MINISTRE, y 7 , 1 Délégué par la Chambre consultative de la Haute-Loire, à l’effet de la représenter dans l’en- quête qui se poursuit, je viens demander, en son ( 236 ) nom, qu'il ne soit apporté aucune modification aux tarifs des douanes actuellement en vigueur, tant que le Gouvernement n’aura point, par des moyens de communication plus faciles et moins coûteux, lié entr'eux les pays producteurs et les centres de consommation. M. Matthieu de Dombasle a publié récemment, sur la question des douanes, une brochure qui a révélé la secrète pensée de nos antagonistes , et indiqué le seul système qui convienne véritable- ment aux intérêts matériels de la France. Cette brochure est restée sans réfutation : c’est sans doute à elle que l’on doit attribuer le refus fait par les Bordelais d'envoyer des délégués comme les autres départemens, par l'impossibilité où ils se trouvent dorénavant de garder l'offensive dans une discussion qu'ils ont inconsidérement engagée par un mémoire où l’énergie de la forme a, pour les esprits superficiels, sauvé la faiblesse du fond. Que signifient les enquêtes actuelles ? Où veut- on en venir? Quels résultats peut en espérer le pays pour son bien-être ? L'industrie francaise n’a- t-elle pas déjà suffisamment éprouvé de secousses, et y avait-il nécessité impérieuse, dans les cir- constances où nous sommes placés, à aller sou- lever les passions et inquiéter de nouveau notre travail industriel ? On serait presque tenté de croire que le Gouvernement n’a lui-même ni plans m vues arrêtés, et qu'il n’a consenti à une enquête (257) que pour faire une concession à la presse, car on ne peut le supposer tourmenté par le génie des innovations quand il a tant à consolider. La presse est pour beaucoup dans l'agitation que cette enquête à fait naître. C’est elle qui, la pre- mière, a attaqué ce qu'elle appelle le monopole, l'égoisme des manufacturiers et fabricans, des maitres de forges, des exploitans de mines et des propriétaires fonciers. Elle s’est fait, de la liberté du commerce, telle qu'elle veut l'entendre, un thème qu’elle a revêtu de couleurs mensongères, mais rendues séduisantes à force d'art et de so- phismes. Chaque fois qu’elle a trouvé l’occasion de frapper sur l’industrie ou sur la propriété, elle l'a fait sans réserve; mais ses intentions se sont bientôt trahies par le soin qu'elle a mis de n’ac- cueillir aucune réponse à ses déclamations, et sa bonne foi a été suspectée même par linstinct des masses qu’elle croyait avoir attirées de son côté. Ou bien la presse est dans l'ignorance la plus com- plète sur les vrais intérêts du pays, ou bien elle le trahit au profit de l'étranger, à moins que son but ne soit de provoquer à une désorganisation sociale dont elle voudrait profiter. C’est à elle de choisir; mais si elle a la prétention d'imposer ses opinions au pays, qu'elle sache bien qu’elle succombera dans la lutte, car dans un gouvernement repré- sentatif, ce qu'il y a de plus fort et de plus puis- sant, ce sont les intérêts matériels. ( 238 ) Ce que veut le pays, avant tout, c’est que son travail repose sur des bases stables qui lui pro- mettent un avenir, et ne soit point, chaque année, à la merci de théories anti-nationales qui en arrêtent le développement. Les nations ne comprennent pas toutes de la même manière le travail qu’elles ont à exécuter : la position topographique, les richesses qu'offre le sol à exploiter, l'aptitude, les forces et le génie des habitans, forment autant de variétés que les gouvernans doivent étudier avec sagesse et matu- rité, avant de se prononcer sur la route à suivre pour arriver plus sûrement à la plus grande somme d’aisance et de bonheur. Mais une fois la direction donnée, elle devient lawmègle de tous, sous un - régime de liberté et de représentation populaire, et le travail suit son cours, sans avoir à craindre ni l’entêtement des novateurs, ni les exigences des intérêts particuliers. C’est ainsi, dit M. Matthieu de Dombasle, que le simple bon sens fit comprendre à l'Angleterre qu'il valait mieux pour elle produire les objets qu’elle consommerait, que de les acheter à l'étranger. Ce fut là l’origine des restrictions imposées par le gouvernement. Ces mesures furent coordonnées en un système complet et régulier qui recut le nom de système de protection, et qui imprima chez elle une impulsion sans exemple à toutes les industries. — Plus tard elle s’occupa d’étendre son (239 ) crédit, surveilla la direction de ses intérêts mer- cantiles, créa des colonies pour la consommation de ses marchandises ouvrées, et enfin encouragea la production par tous les moyens en son pouvoir, pour accroître sa richesse, qui faisait sa puissance et sa force, et à laquelle elle a dû de servir d'appui à ses alliés dans une guerre longue et désastreuse, Mais cette prospérité de lAngleterre n’a été réelle qu'un moment, et tant que l’industrie de ses voi- sins est restée dans l'enfance ou l’engourdissement ; car, depuis la paix, elle a marché de sacrifice en sacrifice pour soutenir son travail , et elle est arrivée au point de cesser d'exister si elle ne par- vient pas à s'opposer au développement du travail des autres nations. Sa richesse est dans sa dette, et sa dette prouve combien tout est factice et vicieux dans son organisation; car si quelque grande catastrophe imprévue venait à rendre inactifs les vingt milliards que lui ont consommé ses guerres et ses révolutions, que deviendraient et la fortune publique et ce brillant échafaudage de prospérité commerciale ? Si l’Angleterre, par le système qu'elle a suivi, nous offre aujourd’hui le spectacle, peu rassurant pour elle, d’un excès de travail et d’un excès de production, nous pouvons voir, par l’exemple du Portugal, où peut conduire le système contraire, c’est-à-dire, l’absence, chez tout un peuple, du travail industriel. Ce royaume, avec ses colonies , (240 ) réunissait tous les élémens d’une heureuse exis- tence; mais il s’est laissé éblouir par des théories du genre de celles qu’on veut implanter en France, et l’on sait de reste ce que leur adoption lui a valu : les ministres du pays, sous prétexte d'assurer à la métropole la conservation de ses possessions d'Amérique, se sont jetés dans les bras de l'Angleterre. Mais à quel prix a été obtenue cette paix maritime ? À la condition de la suspen- sion immédiate du travail intérieur, et en sous- crivant aux exigences d’un traité commercial qui rendait le Portugal entrepositaire des produits anglais. Une: partie de la population et les chefs du gouvernement se sont vus réduits à aller re- chercher, dans leurs colonies d'Amérique, les res- sources qu'ils avaient dédaignées chez eux. Mais bientôt les Brésiliens, effrayés du nombre des émigrans et des préférences dont ils étaient l’objet, ont obligé les Portugais et leur roi à reprendre le chemin de la mère-patrie qu’ils avaient abandonnée aux étrangers. Tournons actuellement nos regards vers une autre contrée du continent, je veux dire VAlle- magne, qui, plus habile, plus réfléchie, reste comme indifférente à ce qui se passe autour d’elle, se rit de nos débats, et borne son ambition à créer, chez elle, un travail qui lui profite exclu- sivement. Son agriculture, long-temps stationnaire, s’est élancée dans la voie des progrès par la pro- (241) tection des autorités, par les facilités qu’elle ren- contre dans lPabondance des capitaux et le con- cours de toutes les classes de la société. L’mdustrie manufacturière s’y développe et s’y perfectionne avec un égal succès, et de manière à lui faire naître lPidée d'alimenter un jour, s'il le fallait, les marchés étrangers. Cette portion de l’Europe jouit aujourd'hui d'une viabilité parfaite; ses produits sont à des prix modérés; elle est en pos- session de canaux et de chemins de fer qui lui permettent de multiplier ses relations. Il ne faut pas s’y méprendre, cet état de bien-être n’est dû qu'au système de protection qu'elle a adopté, et qui fait que tous les besoins sont satisfaits, ceux de la production de même que ceux de la con- sommation. Voilà donc trois systèmes mis en présence. Pour décider quel est celui qui convient le mieux à la France, 1l faut poser les questions suivantes : Chercherons-nous, comme Angleterre, à être les manufacturiers universels du globe ? Deviendrons-nous, commele Portugal, entrepôt des marchandises de tous les pays, et principale- ment de celles de l'Angleterre ? Ou aspirerons-nous, comme lAllemagne, à être paisibles producteurs sur le sol de la patrie, et à jouir, comme nos voisins, du bénéfice de nos fatigues en améliorant notre situation intérieure ? Le moment est venu pour le Gouvernement de 16 (242) s'expliquer sur le genre de travail qu’il nous des- tine. Si l’on ne veut point imiter, qu’on nous fasse part des nouvelles combinaisons auxquelles nous devrons nous soumettre; car toujours faut-il que nous soyons et fassions quelque chose, et le tra- vail ne peut ni s'asseoir ni subsister au milieu de toutes ces incertitudes. Choisissez le système, le plan qui semblera préférable, mais du moins fondez-le sur des bases larges et durables , et donnez aux travailleurs Pidée juste de ce qu’on attend d’eux pour l'avenir. Chacun alors connaîtra sa position, saura ce que réclamera de lui le bien général, et créera, sous la protection de la loi commune, un travail positif et à l'abri de nou- velles commotions. C’est en vain que nous cherchons à nous rendre raison de cette théorie bâtarde d’émancipation commerciale adaptée aux plus sévères restrictions. L'avenir qu’on laisse entrevoir à la France est un mélange bien triste de misère et de désorganisa- tion. Vouloir abaisser nos tarifs avant d’avoir imité l'Angleterre, est une des erreurs les plus graves en économie politique. Après la conquête de l'Ecosse, lAngleterre sentit la nécessité, pour que le travail de l’état conquis fût en harmonie avec le sien, de l’aider par des sacrifices en tous genres. Afin de lui imprimer impulsion qui lui manquait, elle accorda une prime d'encouragement aux industries les moins actives et les plus reculées; elle allégea (243 ) les charges du pays, et enfin organisa de vastes moyens de communication pour faciliter le trans- port de ses marchandises et faire que la population füt en quelque sorte dédommagée du tort que lui faisaient éprouver sa forme physique et son éloigne- ment. « En 1929, dit M. Charles Dupin (Forces » » » 5 » » 99 » » » » » » ” Commerciales , pages 107 et 108), avec le capital des sommes dues à l’Ecosse, lors de l'Union, fut fondée la Banque royale d’Edinburgh. Dans la même année, un acte du Parlement autorisale prince à nommer des curateurs pour protéger les manufactures ct les pêcheries d’Ecosse , d’après une clause expresse de lacte d'Union. — Les sommes distribuées par les curateurs, à titre d'encouragement ou de ré- compense, s'élèvent chaque année à cent mille francs. — Pour que l’industrie francaise recüt du ministère des secours aussi considérables, il faudrait, proportionnellement à la population, une somme de quinze cent mille francs. » Plus loin (page 148), le même économiste explique comment les améliorations furent pro- voquées par la sollicitude du gouvernement. Il dit : & En même temps que le Parlement améliorait les routes, les ponts et les ports de Ia Haute- Ecosse, il tentait d'ouvrir à la navigation de grandes voies intérieures. $es principaux ouvrages en ce genre sont le canal de Crinan et surtout le canal Calédonien. — Qu'on joigne à ces ou- (244 ) » vrages les efforts des compagnies, et alors on aura l’idée de ce qu'a fait l’autorité publique en faveur d’une contrée que sa latitude et sa forme physique semblaient condamner à rester tou- jours privée du bienfait des travaux qu'enfante » » Lu » la civilisation. » La France a-t-elle recu, de la part de l'autorité, une semblable protection ? — Son parlement s’est- il occupé d’une enquête, au seulement d’un projet d'amélioration? — A-t-on accordé aux pays les plus pauvres, les plus dépourvus de moyens na- turels, le moindre encouragement pour suppléer à l’ingratitude de leur situation topographique ? — Avons-nous, dans le cœur du pays, des banques capables d’augmenter la circulation du numéraire ? — Le taux de l'intérêt de l'argent n'est-il pas, chez nous, triple de ce qu'il est en Angleterre ? — Notre loi sur le recrutement de l’armée n’en- lève-t-elle pas, chez nous, les jeunes gens à l’âge où ils sont les plus utiles, les plus laborieux, pour nous les rendre plusieurs années après sans goût comme sans habitude du travail, privant ainsi le pays du bénéfice de leurs bras et de leur intelli- gence pendant tout le temps qu'ils sont absens ? L'administration des ponts et chaussées n’est- elle pas elle-même un obstacle au développement de toutes nos facultés, par emploi exclusif de ses ingénieurs dont elle devrait, au contraire, prendre à tâche d’étendre les travaux ? Comment peut-elle ( 245 ) exiger que des hommes de science assistent à la fortune du pays sans y prendre la moindre part ? S'il leur était permis , tout en jouissant des mêmes émolumens, d'appartenir à l’industrie particulière pendant plusieurs mois de l’année, il est incon- testable que les usines et les exploitations y trou- veraient un grand avantage, tandis que leur orga- nisation actuelle offre plutôt une résistance qu’un moyen de progrès. Enfin, les droits de navigation sur nos cours d’eau libre, les droits exorbitans de péage qui existent sur nos mauvais canaux, ne sont-ils pas encore autant d’entraves dont l’Angleterre a eu le bon esprit de s'affranchir pour faciliter la circu- lation , dans l’intérieur du royaume, de marchan- dises à bon marché? c Les encouragemens donnés par le gouvernement anglais à ses établissemens industriels forment un contraste bienaffligeant avec l'isolement, l'abandon dans lequel le nôtre nous a laissés depuis tant d'années. C’est vainement que nous tenterions de nouveaux efforts sur de nouveaux frais, pour approcher de la perfection de nos voisins : notre impuissance n’est que trop constatée par de tels résultats. Mais, en supposant qu'il nous fût donné de par- venir à rivaliser avec l'Angleterre, et à produire autant qu'elle, voyons siles améliorations qui nous y conduiraient sont à désirer pour la France, si (246 ) elles sont indispensables à sa prospérité, et si la position des manufacturiers anglais est de nature à être enviée. Ces hommes, qui ont tant dépensé pour devenir les producteurs de tous, qui ont créé des moyens si puissans de travail, sans s’être assurés que les débouchés répondraient toujours à la production, sont-ils bien certains de se main- tenir encore long-temps dans les conditions de leur supériorité ? Non, sans doute. Leur avenir est plus qu'incertain; partout ils trouvent fermées les portes des marchés par suite des réactions poli- tiques : en Russie, en Allemagne, en Prusse, en un mot dans toute l’Europe qui travaille, le sys- tème de protection est en vigueur et les repousse. Leurs colonies sont presque les seules qu'ils ali- mentent, et encore sont-elles à la veille de leur émancipation. Les états d'Amérique sont en révo- lution, et n’offrent aucune garantie. A l'heure qu’il est, leur engorgement est tel, qu'ils n'auront bientôt plus d'autre ressource, pour se débarrasser de leurs produits, que d'en faire la condition de leur alliance avec les peuples qui rechercheront leur amitié. Qui ne sait qu'en ce moment, en Angleterre, les fabricans de fer ont en magasin assez de matières fabriquées pour alimenter toute PEurope pendant deux ans! Si les nations pouvaient se donner entr’elles des brevets d'invention et de perfectionnement, l’An- gleterre conserverait indéfiniment le privilége de (247) ses progrès; mais comme d'autres peuples se sentent aussi assez de capacité pour exploiter par eux-mêmes les richesses de leur sol, un jour vien- dra nécessairement où les productions analogues étant partout au même prix, chacun d’eux n’en produira que ce qui sera nécessaire. à sa consom- mation. Il serait donc aussi impossible et aussi injuste d'empêcher ces peuples de se livrer à une industrie qui leur serait propre, qu’il serait absurde de les encourager à produire au delà de leurs besoins. Pour secourir l’Angleterre et conserver avec elle des relations d'amitié , il faudrait donc que la France renoncât aujourd’hui à son état commercial et industriel, et qu’en ouvrant ses ports, elle fermât ses principaux établissemens, et subit le joug imposé au Portugal. Il n’y à pas de puissance au monde capable de la faire reculer et de l'abrutir à ce point. L'Espagne et le Portugal sont là pour servir de lecon et non d'exemple. Deux classes bien distinctes se partagent ces deux contrées , la classe opulente et la classe misérable; lune vivant des produits d’un sol fertile à demi cultivé, et tri- butaire, pour tout le reste, de ses voisins, qui vont lui porter jusqu'aux objets les plus usuels et de la plus simple fabrication : Pautre, plongée dans la paresse dès ses plus jeunes années, vivant de peu, parce que le corps a peu à dépenser, et tombant, à l’âge viril, dans la décrépitude, à (248) défaut de travail et de bonne nourriture. Sur ce sol de misère, on ne trouve pas, comme chez nous, cette classe intermédiaire d'artisans, de bourgeois actifs et intelligens qui s’adonnent à l’industrie, à la science et aux arts; partout l'inactivité et la mort. Et l’on voudrait, à ce prix, nous forcer à devenir l’entrepôt des marchandises anglaises! On pourra le tenter, mais on ne parviendra jamais à faire accepter à la France une aussi malheureuse condition. L'Allemagne nous paraît donc offrir le meilleur exemple à imiter; elle est entrée la dernière dans la carrière des améliorations, et déjà elle nous a devancés, sans même qu’on ait eu le temps de s'apercevoir qu'elle pût avoir la prétention de se mesurer avec les autres pays producteurs. «Partout, » dit M. Matthieu de Dombasle, la population s’ac- » croit dans une étonnante proportion, et partout » laisance et le bien-être de la population ouvrière » pourraient présenter un spectacle fort surpre- » nant aux hommes qui se sont persuadés qu'il n’y » a, pour les classes inférieures, d’autres sources » de travail et d’aisance que les débouchés du » commerce extérieur, — L'Allemagne nous a déjà » dépassés, et elle nous dépassera certainement » encore beaucoup dans cette carrière de prospé- » rité et de richesse, parce qu’elle a pris une » meilleure route que nous. Si des circonstances, » qui pourront naître de la diversité de ses gou- ( 249 ) » vernemens, ne viennent pas entraver sa marche » dans cette carrière , elle est certainement des- » tinée à offrir le spectacle d’une des nations les » plus riches et les plus prospères du monde. » Il est à désirer que l’enquête actuelle soit, pour l'industrie francaise , une ère nouvelle de progrès. Ce n’est pas nous qui l'avons provoquée, et le mé- rite d'en résoudre les difficultés appartiendra tout entier au gouvernement; mais nous ne pouvons trop le prémunir contre lesprit novateur et sa fatale influence. Il ne s’agit nullement d'attaquer aucun monopole ,de détruire aucune aristocratie : le travail est là pour tout le monde; chacun peut y prendre part, et lorsqu'on voit les journaux accabler d’injures les hommes honorables qui ont sacrifié leurs veilles et risqué leur fortune pour créer un travail utile aux populations et à la tran- quillité du pays, on éprouve un sentiment de dégoût et presque de pitié , et l’on serait porté à croire que c’est un piége tendu par le ministère à l'opposition pour la dépopulariser: Tout Pavenir de la France réside, je le répète, dans le choix d’un plan bien concu et franchement exécuté. Voyez si l'Angleterre elle-même ne suit pas jusqu’à la fin sa marche avec persévérance, et si, sous l’égide de la profection, elle ne conserve pas, même contre toute espèce de droit social, le monopole de son intelligence. Elle ne préconise le système de liberté illimitée du commerce, que ( 250 } parce qu’elle a ses ateliers pleins et que ses con- sommateurs sont en lutte politique; mais elle ne continue pas moins à prohiber la sortie de ses machines et de ses ouvriers. Si vous adoptez le parti de rendre la France grande manufacturière pour le compte des étran- gers, supprimez, comme je l'ai déjà dit, ladmi- nistration des ponts et chaussées , ou augmentez le nombre des ingénieurs en les rendant indépen- dans plusieurs mois de l’année : annulez la loi de recrutement; créez des canaux, des chemins de fer, des banques territoriales , et vous saurez bientôt à quoi vous en tenir sur l'intelligence et Vactivité des habitans. Si, cédantaux vues intéressées des places mari- times, vous n’en faites qu'un entrepôt des produits étrangers, établissez une taxe des pauvres qui devra être d’un milliard proportionnellement à notre population, et proclamez , en même temps, l'esclavage pour la culture des terres; à ce prix, seulement, vous pourrez espérer la paix intérieure. Voulez-vous enfin la rendre paisible, calme, la- borieuse et intelligente ? Rentrez dans les vues sages de Sully et de Colbert, et adoptez franche- ment le systéme de protection , le seul qui soit pro- fitable et en harmonie avec notre état actuel de civilisation. Que les séductions poétiques d'union et de fraternité des peuples ne nous portent pas toujours à nous immoler à une politique de sen- (26%) timent. Rappelons-nous que la mise en pratique de ces admirables théories nous a coûté des sommes énormes qui n’ont profité qu'aux étran- gers qui se moquent de nos fantaisies chevale- resques. La Grèce a recu nos millions, et s’il y a quelque avantage à recueillir, ce sera pour l’An- gleterre et non pour nous. Le Portugal et l'Es- pagne recevront aussi nos secours, peut-être en hommes et en argent tout à la fois : nous aurons des droits à leur reconnaissance et les Anglais auront le profit. Le quart de ce que nous ont coûté toutes ces déceptions aurait grandement suffi pour rendre la France le pays le plus pros- père et le plus heureux du monde entier. Le seul enseignement que le ministère retirera de Fenquête, c’est que l’industrie n’a produit que ce que le pays a pu consommer et rien au delà, parce que chaque fois qu’elle a eu l’imprudence de hasarder trop, comme en 1820, 1825 et 1628, des crises financières sont venues ralentir son tra- vail, et mettre les ouvriers à la merci des agitateurs. Cette enquête prouvera encore l'ingratitude et Pinsouciance des gouvernans qni ont constamment laissé les départemens qui fournissent à la capitale les objets de première nécessité livrés à leurs propres forces, sans communications, et soumis à des droits de navigation et de canaux beaucoup plus coûteux que les droits que les étrangers ont à payer à leur entrée en France, pendant qu’à (252: ) Paris même on dotait la révolution de 1630 de cent millions pour achever des monumens improductifs. S'il est au monde quelque chose qui étonne, c’est que l’industrie francaise ait pu se faire jour à travers tant de difficultés, manquant à la fois de capitaux, de moyens de communication , de pro- tection et d'encouragement, et en dépit des admi- nistrations et de la bureaucratie. On vient nous parler de progrès, d’émulation pour nous mettre au niveau de la production étrangère; mais rompez donc les liens qui nous retiennent; faites que le nord de la France ne soit pas, pendant dix-huit ans, la propriété de deux Belges auxquels on a abandonné le canal de Saint-Quentin quia coûté dix-huit millions au gou- vernement; que le midi ne soit point arrêté par des droits exorbitans de navigation, et ranconné par les canaux de Briare et de Loing qui lui coûtent douze fois plus cher que les canaux du nord. Proportionnez les droits de péage avec ceux qui se percoivent en Angleterre : alors, mais seu- lement alors, on pourra, comme stimulant, per- mettre lintroduction des produits des autres nations; mais tant que ces entraves existeront, tant que l'administration sera partout, se mélera de tout, pour tout grever et pressurer, jamais la production francaise n’attemdra le bas prix des marchandises étrangères. Je m’apercois, Monsieur le Ministre, que je n’ai (253 ) encore abordé la question que dans ses rapports généraux, et je reviens à l'objet spécial de ma mission, au commerce et à l'industrie du dépar- tement de la Haute-Loire, dont j'ai mission de défendre les intérêts. Le systéme de protection est le seul que ce dé- partement puisse accepter; mais pour que cette protection soit efficace, il faut que son action se fasse sentir incessamment , sous peine de ne pou- voir plus arrêter la décadence d'une contrée à laquelle le gouvernement ne craint pas d’enlever, chaque angge , par les impôts , la somme énorme ee Re te 1 Sur. al000 000 Son revenu territorial est de..... 10,409,000 Les impôtss’élèvent à4,319,000,c1. 4,319,000 Frais d’'adm. du dép. 2,524,000 Excédant desrecettes sur les dépenses...... 1,795,000 Il reste donc en apparence au dépar- tement pour nourrir 292,000 habitans. 6,090,000 Mais comme ce département a à payer annuellement, pour l'intérêt de sa dette, dont je parlerai tout-à-l'heure, Hnetsommeides.ss elitn cite els ais sjeisistet 35700:000 Il en résulte qu'il ne lui reste en dé- MINS QUE cire ce ee ee scene ee 2 JD0 UDE | ce qui fait à peine & fr. 20 c. par individu. (254) Cette ressource étant nulle dans la masse des “besoins, on ne peut vivre et payer les impôts que par le secours de lindustrie; mais comme cette industrie est elle-même insuffisante par les diffi- cuités de la navigation, on est obligé d’altérer continuellement le capital pour procurer au gou- vernement les 1,800,000 fr. qu'il extrait tous les ans en numéraire. Il ne faut pas perdre de vue que ce capital se prend sur le fonds même de la propriété. C’est ainsi que l'arrondissement du Puy est grevé de 37 millions d’hypothèques; celui.de Brioude de 27 millions, et celui d'Yssingeaux de 10 millions seulement. Je ne parle que des créances inscrites; je n’y comprends pas les cédules et billets pure- ment chirographaires, non plus que les hypo- thèques légales non inscrites, qui, s'ils étaient consolidés, doubleraient probablement cette dette. Malgré ces souffrances et la migration d’une partie de la haute montagne, ce département con- serve une population quiest,à peu de chose près, la même que celle du reste du royaume , puisqu’elle est de 1,390 habitans par lieue carrée, et que la moyenne, pour tous les départemens de la France, est de 1,450. Mais si le travail ne manquait pas à la localité, la population augmenterait et la dette irait en décroissant: nous en avons un exemple frappant sous nos yeux. En 1615, Yssingeaux ne possédait qu'une industrie presque nulle, et sa (h5 dette hypothécaire s'élevait à 18 millions. Cette dette est aujourd’hui réduite à 10 par cela seul que Saint-Etienne a étendu ses manufactures de soierie et de quincaillerie dans cet arrondissement, qui aujourd'hui recoit un bénéfice de travail de deux millions, dont près de quinze cent mille francs pour les soieries seulement, La fabrication de la dentelle et des blondes est devenue une ressource immense pour notre dépar- tement, Elle occupe près de 4o mille ouvrières, qui se contentent du modique salaire de 30 cen- times par jour, et qui emploient à ces ouvrages les temps les plus mauvais de l’année, ceux où elles ne peuvent se livrer aux soins de l’agriculture. Ce commerce verse au pays, tous frais déduits, une somme annuelle de 3 millions qui appartiennent exclusivement à localité. Un instant cette branche d'industrie s’est ralentie et a été menacée par l’in- troduction des tulles anglais; mais les ingénieux efforts des fabricans et des marchands du Puy ont introduit une amélioration dansle travailetles des- sins, etredonné la vie à cette industrie, quiprendrait un bien plus grand essor , si les dentelles et les blondes avaient des droits moins forts à payer à leur entrée dansle Piémont, où les droits se percoiventsur le poids et non sur les prix et les qualités, ce qui fait qu'un carton de dentelles de qualité inférieure et pouvant à peine valoir 100 fr., a autant à payer qu'un carton semblable en renfermant pour 5,000 f, ( 256 ) Une branche d’industrie non moins digne d’in- térét, et qui, chaque année, acquiert un nouveau degré d'importance, est la fabrication des étoffes communes qui servent à l'habillement des ouvriers et des cultivateurs. On est au-dessous de la vérité en ne portant qu'à 50,000 le nombre de familles qui utilisent ces tissus, et à 4o fr. par famille la dépense qui en fait Pobjet. C’est donc une valeur réelle et effective de 2 millions qui se produisent et se consomment sur place. Ce genre de travail très-répandu dans nos montagnes, et principa- ment dans les lieux où l’aridité du sol*et la tem- pérature s'opposent aux travaux continus de l’agri- culture, est d'autant plus précieux, qu'il occupe les hommes pendant que les femmes se livrent au travail de la dentelle, ce qui concourt doublement au soutien et au bien-être de la famille. La race bovine et les bêtes à laine sont aussi, pour nos montagnes , la source d’un commerce très-étendu; nous comptons avoir 70,000 hôtes à cornes dont la production, l'éducation et la graisse offrent au pays un bénéfice de 800,000 fr. Les bêtes à laine produisent au-delà de 350,000 fr. pour la laine seulement, car la graisse et l’édu- cation peuvent encore être évaluées au moins à 200,000 fr. J'arrive à l’une des branches les plus produc- tives, à la houille, qui, par la position centrale des exploitations de mines, est destinée à amener (257 ) la création de moyens de communication per- fectionnés, à consommer une partie des forêts du département, et à appeler près d'elle toutes les industries qui ont besoin, pour exister, d'avoir sous la main des matières premières abondantes et d'excellente qualité. Ces exploitations produisent annuellement six cent mille hectolitres de houille, dont Fexportation exige au moins 2,000 bateaux, ce qui procure au pays une première circulation de 720,000 fr. qui se répartissent entre les propriétaires, les scieurs de long, les voituriers chargés du transport, etles constructeurs de bateaux. Le département du Puy- de-Dôme versant, de son côté ,une somme égale en boisde construction , en planches, en mâtures, etc., on voit que chaque année ces deux départemens jettent, au milieu de nos montagnes, quinze à seize cent mille francs. Mais, sans s'attacher à des objets de détail, qu'on prenne la moyenne du prix de vente de la houille sur les lieux de con- sommation moyenne, qui est de 3 fr. 5o c., en y comprenant tous les frais qui sont au bénéfice de la classe ouvrière, et l’on trouvera queles 600,000 hectolitres de charbon, de la Haute-Loire seule- ment, communiquent au cœur de la France üun mouvement numéraire de plus de deux millions. Rien ne serait plus facile que d'obtenir Le double et même le triple de cette extraction; mais cette industrie, malgré les efforts prodigieux qu'elle a | ( 258 ) faits, a contre elle des obstacles de navigation, qui paralysent les autres branches de commerce, et qui ne permettront pas de long-temps que les produits des exploitations de mines atteignent à une hauteur égale à la richesse des terrains houillers. En 1789, les bateaux ne pouvaient con- tenir , au départ, que 200 hectolitres; aujourd'hui, par l'intelligence seule des mariniers, on est par- venu à doubler la charge des bateaux. Mais il semble que chaque fois qu’un obstacle est franchi, on nous en suscite un nouveau; car non-seulement nous avons à supporter, en droits de navigation, pour arriver à Paris, une dépense injuste de 26 centimes par hectolitre ; non-seulement les canaux de Briare et de Loing nous accablent par leurs tarifs; mais encore chaque construction de pont sur l'Allier ou sur la Loire est, pour Padmi- nistration, l’occasion d’une nouvelle dépense à notre charge, comme si nous devions faire tous les frais des améliorations que les autres localités obtiennent dans leurs communications. Dépuis deux ans on a construit trois nouveaux ponts sur VAllier etquatre sur la Loire. Nous n’avions, il y a quatre ans, pour aller de Brassac à Nantes que dix ponts dont le passage nous coûtait 30 fr. par bateau, à raison de 3 fr. par pont; nous en avons actuellement 18, en attendant que ce nombre soit porté à 22, par la construction des ponts de Chazeuil, Leveurdre , Fourchambault et, Sully. (259 ) Nous aurons donc à payer dorénavant, par bateau, 66 fr. an lieu de 30. Les ministres de la Restauration avaient promis formellement de supprimer nos droits de naviga- tion ; aujourd'hui encore ladministration des ponts et chaussées reconnait elle-même combien ces droits sont nuisibles au développement de notre travail, et cependant nous n’avons encore recu aucune satisfaction, bien que ce ne soit qu'une justice bien tardive et bien imparfaite, après tout ce qui a été fait pour le Nord par labandon du canal de Saint-Quentin, qui a coûté 16 millions au gouvernement, et par les 6 ou 8 millions qui ont été accordés pour canaliser la rivière de lOise. Que dirai-je des administrateurs des canaux de Briare et de Loing, qui ne veulent modifier en rien des règlemens et des tarifs qui remontent à 1644, et qui persistent à n’admettre les bateaux de houille qu'avec un chargement de deux pieds de fond, pendant que les autres marchandises passent à 36 et 58 pouces? On ne défend pas, il est vrai, aux expéditeurs de charger comme ils l’entendent, mais au delà des 24 pouces du tarif, on leur fait payer 10 fr. par chaque pouce d’excédant, ce qui équivaut à une prohibition. Serait-ce trop exiger que de demander qu’il ne soit fait aucune diffé- rence entre les charbons de terre et les autres marchandises, dans un temps où la houille devrait, au contraire , jouir d’une préférence incontestée ? ( 260 ) Les administrateurs du canal de Briare ont écouté nos plaintes et paraissent disposés à y faire droit, mais ceux du canal de Loing ont annoncé qu'ils seraient intraitables, à moins qu’on ne passàät par le canal d'Orléans. Ainsi, parce que le canal d’Or- léans veut annihiler celui de Briare, il faut que les industries du Midi aient à souffrir de tous ces débats. Le département de la Haute-Loire, qui fait partie des départemens méridionaux, dont les Bordelais se sont rendus les défenseurs officieux, les récuse pour ce qui le concerne, et se joint à plusieurs autres départemens placés dans la même caté- gorie, pour désapprouver une démarche qui ten- drait à faire croire qu'il souffrirait qu’on le déshé- ritât du bienfait de l'union francaise. Sans doute, il s’y trouve, comme dans le reste de la France, quelques intérêts auxquels le système de liberté commerciale serait plus profitable; les soieries , par exemple, dont le produit est du 6me environ de ce que rapporte l’industrie de ce département, le verraient adopter avec plaisir; mais nos den- telles, nos draperies, nos houilles, et tous nos pro- duits, tant industriels qu’agricoles , seraient écrasés du même coup, et nos populations , rendues inac- üves, seraient plongées dans la misère. Notre département, Monsieur le Ministre, est digne de tout l'intérêt du gouvernement. Il réunit toutes les conditions nécessaires à sa viabilité, et ( 261 ) sa population qui a tant d'obstacles à vaincre dans son travail, mérite autant d’éloges que d’encoura- gemens. — Nos terres sont arides; leur exploita- tion est très-difficile, et cependant ce département est un des mieux cultivés et des plus utiles à la chose publique , puisque le gouvernementen retire près de deux millions tous les ans. — Chez nous, peu ou point de jachères; les 100 mille hectares qui restent sans culture, sont des roches ou des pâturages qui servent à l'éducation d’un nombre infini de troupeaux. — Les matières premières industrielles sont produites par nosétlablissemens, à meilleur marché que partout ailleurs, même à l'étranger. — Il ne nous manque que des moyens de transport plus faciles. Nous les aurions créés nous-mêmes , ces moyens de transport, si les capitaux étaient venus à nous; mais notre situation hypothécaire prouve notre insuffisance et notre peu de crédit : et d’ailleurs, vous reconnaitrez bientôt, si déjà vous ne l’avez reconnu, que, pour les grandes voies de communication, c’estau gou- vernement qu'il appartient de se charger de ces intérêts généraux, et que, confiées à des entre- prises particulières, elles ne tardent pas à dégé- nérer en monopoles nuisibles et fort dangereux. Je suis prêt, Monsieur le Ministre, à soutenir la discussion sur tous les points que je viens de par- courir. Je prouverai, je l’espère, combien est vide de sens et anti-français le système d'alliance qui ( 262 ) immolerait nos produits à ceux de l’Angleterre, ainsi que le système de productions à bon marché, de rivalité étrangère et de liberté illimitée, Sys- ième dont l’adoption serait le signal de lanéantis- sement de tout le travail intérieur de la France. Ainsi que l’a dit un de vos savans collègues à la tribune nationale, ce sont là des théories d’écoliers impraticables, à moins qu’on ne veuille sacrifier la fortune, le repos et tous les intérêts du pays. Il me reste à vous prier, Monsieur le Ministre, au nom de la chambre consultative que je repré- sente, de prendre en considération l'état de lan- gueur de mon département, et de ne pas le réduire à la détresse par des mesures qui pourraient com- promettre son travail, ou en amener la cessation. Ce département réclame : 1° Le maintien des droits de douane sur les draperies, les dentelles, les houilles et les produits agricoles; 20 La révision des tarifs étrangers, et notamment de ceux du Piémont, à l'introduction de nos soieries, de nos dentelles ét de nos blondes, afin que les droits d'entrée quenous avons à acquitter, se percoivent, à l'avenir, sur la valeur et la qualité de ces marchandises, et non plus sur Icur poids ; 3° La suppression des droits de navigation sur l'Allier et la Loire; 4° L'intervention du gouvernement auprès des administrateurs généraux des canaux de Briare et (265 ) Loing , pour ramener leurs tarifs à ceux des canaux du gouvernement, mais surtout pour faire dispa- raître le droit exorbitant de 10 fr. par pouce d’excédant, sur les bateaux chargés de charbon de terre. L’abolition de ce droit ne pourrait nuire aux bénéfices des propriétaires de ces canaux, puisqu'il leur resterait encore 7 cent, par tonneau et par kilomètre parcouru, au lieu de 5 cent. que per- coivent les canaux du gouvernement, et de 2 c. 2/3 que coûte le canal de Saint-Quentin; 5° L’exemption d’un droit de péage sur les “ponts nouvellement construits et sur ceux en construction; 60 Et enfin, la canalisation prochaine de l'Allier et de la Loire, au moyen d’un crédit extraordi- naire que les chambres ne pourront refuser, puisque ce ne sera pour nous que la restitution de sommes que nous avons payées depuis la loi du 30 floréal an 10, et qui ont été injustement détournées de leur destination. J'ai l'honneur d’être, avec une haute et respec- tueuse considération, L Monsieur le Ministre, Votre trés-humble et obéissant serviteur. A. LAMOTHE, Délégué de la chambre consultative de la Haute-Loire, (264 ) A AA A AA AA AA AA AA AA AA AA AAA AA AAA A AV AL AV AV LE AAA AV A AA A VE AT MON ÆATOHLE, MÉLODIE. Par M. Charles DE ROSIÈRESs. I1 est, il est au ciel une étoile que j'aime, Qui brille pour moi seul et la nuit et le jour; Le Seigneur la créa dans sa bonté suprême Pour guider mon passage au terrestre séjour. O toi qui me souris, étoile mon amie! Console mon exil, veille toujours sur moi, Jusqu’à l’heure où, brisant les chaînes de la vie, . Mon âme dans les cieux ira s’unir à toi. Comme un phare placé sur la céleste voute, À travers les écueils son éclat protecteur À mes yenx rassurés vient indiquer Ha route Où je dois diriger mon esquif voyageur. Et lorsque de ce monde, asile de misères, Le spectacle hideux afflige mes regards; Quand l'envie et l’orgueil pour des biens éphémères Sur le théâtre humain luttent de toutes parts; Alors , d’un tel tableau pour reposer mon âme, Faible et découragé , je lève au ciel les yeux : Et près de mon étoile, en brillants traits de flamme, Le grand mot espérance est écrit dans les cieux. ( 265 ) Et mon cœur rafraiehi s’enivre à cette source; Dans un désert brûlant ainsi le pélerin, Auprès d’une onde pure interrompant sa course, S'abreuye ayec délice et reprend son chemin. J'ai vu, j'ai vu pourtant, — Ô souyenance amère ! Dans un jour orageux sa lueur s’effacer… J'étais comme un enfant qui demande sa mère, Sa mère que pour lui rien ne peut remplacer. O toi qui me souris, étoile mon amie Console mon exil, veille toujours sur moi, Jusqu'à l'heure où, brisant les chaînes de la vie, Mun âme dans les cieux ira s’unir à toi. Et vous que de ses mains puissantes Le Dieu qui peupla les déserts, Sema, comme des fleurs brillantes, Aux vastes champs de l’univers; Astres! qui couronnez la terre D'un diadème de lumitre, Globes nombreux, n’êtes-vous pas Chacun aussi l’ami fidèle, Peut-être l’essence immortelle De quelque âme errant ici-bas! Si j’en crois ces larmes secrètes Qui murmurent au fond du cœur, | Ces longs soupirs, plaintes discrètes Qui trahissent quelque douleur ; Luttant contre un mal qui l’opprime, L'âme, par un élan sublime, ( 266 ) Voudrait prendre un vol radieux : Et ce bien où tout homme aspire Au sein des clartés qu’il désire, I1 le devine dans les cieux. O toi qui me souris, étoile mon amie! Console mon exil, veille toujours sur moi, Jusqu’à l’heure où, brisant les chaînes de la vie, Mon âme dans les cieux ira s’unir à toi. AAA AAA A AR AAA A AA AAA AA A A AAA A AS LES DEUX AGES, OU SOUVENIRR ET CONSULAMON ; Par M. le baron DE TALAIRAT. —_î@t © De DDe De J'étais jeune... et rempli de ce feu qui dévore Dans le bel âge des amours, Je me flattais, aimant toujours, D'être toujours aimé!.... ïe m’en souviens encore. Illusion, prestige, enchantement! Rêve d’un jour que vous fûtes charmant ! Partout, sur mes rivaux, j’obtenais la victoire : J'étais vainqueur au Pinde et vainqueur à Paphos. Chaque jour des myrtes nouveaux, Et je ceignais mon front des palmes de la gloire. Qui ne l’a pas senti ce noble et doux transport! Qui ne fut pas jaloux d’un peu de renommée? ( 267 ) A la cour, à la ville, à l’église, à l’armée, | Qui n’a pas tenté quelque effort Pour qu’on dit : le voilà ce mortel qu’on renomme ! Sur ces pensers rians qui n’a fait un bon somme! Dans des projets plus ou moins fous, Ainsi s’éparpille la vie : Et quand finit la comédie, Et la gloire et l'amour manquent au rendez-vous. Je ne suis plus... (et cet aveu me coûte), Qu’un vieux barbon, tant soit peu radoteur. Ah! plaignez-moi! car, j’ai toujours un cœur; Et vainement j’en cherche un sur la route. Je suis bien loin d’être exigeant, Un mot, un regard, un sourire, Presque rien saurait me suflre; Et sur les errata je serais indulgent. Il faut y renoncer : à l’austère sagesse IL est temps de porter un cœur désabusé. Venez, froide raison! quand le sang est glacé, Votre aspect n’a plus rien qui blesse. Sur vos traces, le front baissé, Et de moi désintéressé, Je trouve un doux abri, le besoin de mon âge. Qu'il est triste pourtant ce beau rôle de sage! Rien ne parle à mon cœur, rien ne plait à mes yeux Et tout bien calculé, mes erreurs valaient mieux. Heureux temps ! quand la fièvre, en un torrent de flamme, Cireule dans le sang et dévore notre âme! Tout était poésie à mes sens enivrés; Loin de la terre habitait ma pensée, Elle y retombe : et ma vue affaissée Ne voit que des objets tristes, décolorés, Qui de l’hiver attestent les ravages. ( 266 ) Sur des bords incultes, sauvages, Par la tempête enfin jeté, Contre les flots je me trouve abrité; Mais je regrette les orages. Point de regrets et plus de vains désirs ! Tant qu’il nous reste un jour, sachons en faire usage. S’il est des chagrins pour tout âge, Pour tout âge il est des plaisirs, Prêt de terminer le voyage, J'aime à lire dans l’avenir. J'ai sujet de me réjouir : Et je garde pour mon partage La jouissance d’applaudir. Qu’elle est belle cette jeunesse Qui s’apprête à nous succéder! Elle a de son cœur la noblesse Et nos fautes pour la guider. Evitez les écueils où nous fimes naufrage, Jeunes aiglons, au vol ambitieux! Le regard fixé vers les cieux, Au savoir joignant le courage, Dans l’histoire de wne aïeux Apprenez à vaincre l'orage, Et plus que nous soyez heureux ! Pour but de vos efforts, pour celui de vos veilles, Songez à la tribune ! il est beau d’y monter: C’est le plus noble prix qu’on puisse remporter; L’éloquence lui doit ses plus rares merveilles. Mirabeau! Qu’il est grand, quand sa puissante voix Au droit du bon plaisir vient opposer nos droits, Et s'appuyant sur eux, contraint la tyrannie À s’avouer yaincue aux foudres du génie! 7 ( 269 ) Mon vol fat moins hardi. Sous des ombrages frais, Réveur et non chagrin, aux bords d'une onde pure, Pour guide j’eus mon cœur, pour maître la nature, Et j’essayai parfois de peindre ses attraits. Oh! combien il est doux d’errer à l’aventure ! Mais depuis que les ans ont glacé mon ardeur, Les fleurs n’ont plus d'éclat, l’onde plus de murmure, Et je tai plus de voix qui réponde à mon cœur. Adieu, vierges du Pinde, Erato, Polymnie, IL faut nous séparer. Aux beaux jours de la vie, Il est doux de courir, de voler sur vos pas : C’est aux jeunes amans que vous tendez les bras, Mais alors que l'hiver a presque éteint la flamme Que le dieu des beaux-arts allima dans mon âme, Qu'il fait froid dans mon cœur, qu'il faitnuitdans mes yeux, Ma lyre, est sans accords... Je vous fais mes adieux ! AA UV MY MA AL MAY UV AV AAA AA MU UV UV AR AU AU ES AU LULU AU AV AV UV AA VAS LA LES ARHBRS, Sragment. Par le même. Ils ont dit : « Ecoutez !.... De ces vaines terreurs » Qu’enfanta l'importance, affranchissez vos cœurs. » Qu’a donc à redouter une vile poussière! » ÂAvec nous tout périt à notre heure dernière. » Les élémens divers dont chaque être est formé » Et qui restent unis tant qu’il est animé » Comme deux voyageurs fesant la mème course, » Sitôt qu'il ne vit plus remontent à leur source. ( 270 ) » Il n’est qu’un seul principe immuable, éternel, y Dont émane la terre et d’où provient le ciel, » La nature! Voilà la puissance infinie : » C’est de l'air, c’est de l’eau, c’est du feu, c’est la vie. » Et de ces tourbillons, de ce grand mouvement, » S’il résulte à nos yeux un désordre apparent, » Ce désordre, c’est l’ordre. O quel prodige étrange! » L’un meurt et l’autre naît; rien ne périt, tout change. » L’équilibre est la loi qui régit l’univers » Et qui force à marcher les astres dans les airs. » Relevez-vous , mortels, loin de courber vos têtes! » Aussi bien que le ciel, le cœur a ses tempêtes. » La foudre épure l’air : les orages du cœur » Le brisent bien souvent pour le rendre meilleur. » À quoi bon rechercher une cause première? » Pour faire aller le monde est-elle nécessaire? » Quand des fibres, des nerfs excitant le cerveau , » Suflisent.… Pourquoi l’âme , inutile flambeau ? » Les insensés!.. Voilà, par quel affreux blasphème, Du ciel et de la terre encourant l'anathème, Ils dessèchent la vie, empoisonnent le cœur Et font un fruit amer d’un fruit plein de douceur Le hasard pour arbitre! O comble de démence! C’est peu du mouvement , il fant l’intelligence. Sur le flambeau du jour, sur le voile des nuits, Ce grand nom est tracé, « Je suis celui qui suis, C’est surtout dans le cœur, c’est surtout dans notre âme, Qu'on trouve sa puissance écrite en traits de flamme. Si Dieu n'existe pas, que nous sert la vertu? Otez l'espoir à l’homme, il aura tout perdu. Il maudirait son être à l'instant qu’il succombe, S’il ne pressentait pas le réveil de la tombe. Il naquit pour aimer, pour souffrir, pour mourir. Mais par delà les cieux est un autre avenir : De la terre il en touche, et c’est là qu’il aspire. (271) Aux douleurs, à la mort on le verra sourire, Certain d’une autre vie, on le nierait en vain. L'univers croulerait si la puissante main Qui disperse à son gré les soleils dans l’espace, N’assignait à chacun son orbite et.sa place. Tout prévoir est l’effet de son pouyoir divin; Point de commencement pour lui, jamais de fin. Il est le tout-puissant, car de tout il dispose; Il est en même temps principe, effet et cause. Et quand il doit attendre, adorer, implorer, L’être qui vit ces jours oserait murmurer ! Passant du bien au mal, de la croyance au doute, L'homme voudrait des cieux voir s’abaisser la voûte! Ah ! c’est assez pour lui, d’un cœur pour s’attendrir, D'un esprit pour rêver, d’une âme pour sentir. C’est un être incomplet tant qu’il vit sur la terre. Sa patrie est aux lieux où gronde le tonnerre. C’est là qu’il pourra voir, au gré de son désir, Environné de gloire ainsi que de puissance, Celui dont aucun nom ne peut rendre l'essence, Qui n’a pas commencé, qui ne doit pas finir. D Ê ( 272) CINQUIÈME NOTICE Des Tableaux, Dessins, Antiquités, Médailles, Objets de curiosité et Collections d'Histoire naturelle du Musée de la villé du Pur. TABLEAUX. RENOUx, peintre de paysage à Paris. e] À/ le] 108. — Paysage. Le lever du soleil. Ce tableau de l'exposition de 1833, sous le n° 1995, a été u . run LU accordé au Musée par M. le Ministre de l’intérieur , sur la’ demande de M. le marquis de Latour-Maubourg, ambassadeur à Rome, et de M. Joseph Bertrand, député de la Haute-Loire. DAGnan, peintre de paysage, à Paris. 109. — Paris (Vue des boulevards de) Ce tableau, de l’exposition de 1834, sous le n° 398, a été donné au Musée par M. le Ministre de l’intérieur , à la demande de M. Joseph Bertrand, député. DE Hesm, école hollandaise. 110. — Tableau de fruits. 111. — Tableau de fleurs. Acquis de la collection de Madame veuve d’Agrain. Mme BRUNE, née PAGES, Membre non résidant de la Société. 112. — L’hermite du Mont-Anis. Etude donnée à la Société par l’auteur. M. MIrwELD. 113. — Portrait de femme. (275 ) Vanper Werr. Ecole hollandaise. 114, — Portrait de Henriette-Marie de France , reine d’An- gleterre, femme de Charles I°". Cette belle peinture, acquise par la Société, faisait partie de la collection de M€ veuve d’Agrain. CALAME. 115. — Vue de Genève. Dessin à l’aquarelle donné à la Société par l’auteur, l’un de ses membres non résidans. ee — OBJETS D’ANTIQUITÉS ET DE CURIOSITÉ. 46. — Petite sculpture en bois, imitée du gothique, exécutée et donnée par M. Bayard , curé de Saint-Vidal. 47. — Figurine celtique en bronze, trouvée à Chamalières et offerte au Musée par M. Albert de Brive, membre résidant. 48. — Masque du moyen dge en marbre blanc, représentant nne figure de femme, jeune et belle, qu'on prendrait pour celle d’une vierge, s’il n’exis- tait une tradition qui rapporte qu’elle aurait appar- tenu à une statue figurée sur un tombeau du moyen âge (1). On y reconnaît la grâce et la naïveté du style de cette époque. (1) Cette statue aurait été enfouie, dit-on, dans les fonda- tions d’une maison sise au bas de la rue des Tables, au Puy, Elle aurait été mise à découvert en 1789, et le propriétaire aurait, ajoute-t-on, permis à un sculpteur de cette ville d’en détacher le masque. 10 (274) R Recueilli et donné par M. Auguste Aymard, membre résidant, 49. — Amphore antique, trouvée près de Saint- Paulien et donnée par M. Alexis Armand, maire de cette ville, membre non résidant. 50. — Deux chapiteaux gothiques ayant appar- tenu au monument de Duguesclin. 51. — Poitrail d'une cuirasse en fer sur laquelle est figurée une croix de Malte. Donné par M. de Bonald, évêque du Puy. 52. — Eperon en fer du moyen âge. Donné par M. Jourde, notaire à la Chaise-Dieu. 53. — Armoire de la renaissance, d’une rare conservation, 54. — Un fauteuil gotltique. 55. — Un bahut gothique. COLLECTION GÉNÉRALE DES MÉDAILLES. De nouvelles et précieuses acquisitions de médailles recueillies pendant le cours de l'année 1834, ont enrichi les collections du Musée. L'appel que la Société a fait dans différentes circonstances au zèle éclairé des personnes amies de notre His- toire monumentale a été entendu, et nous avons assurance que la plus grande partie des médailles antiques ou du moyen âge trouvées dans le dépar- tement ont elé acquises pour les collections du Musée. Quelques-unes de ces pièces sont pré- cieuses par leur conservation ou leur rareté , (275 ) d’autres n’ont pas été décrites (1). Au nombre des premières, nous citerons : MÉDAILLES EN ON. Une médaiïllelce/tique d’une époque très-|Trouvée dans le dé- reculée. . « « ..« . + : « + . .|partement de laHte- Loire, Idem de l’empereur Hadrien, de la| Trouvée à St-Pau- plus belle conservation, . . .|lien (l’antiqne Rues- sium ). Idem. d’Æonorius , remarquable aussi par sa conservation et par la Idem. beauté de son revers. .« . . . Un écu au sokeillde Francois I°'. . . _.... MÉDAILLES EN ARGENT. De bellescon-|de Lepidus; la tête d'Octave|Trouvées dans la sulaires AU TEVÈTS. + + » + + + + +. + [commune de Saint- er d’'Octave . . . .. . . . . . .| Arcons - de - Barges | de Paulus Lepidus, . . . . .|[(Haute-Loire), re- cueilliesparlessoins de M. Duvillars. Quelques autres médailles consulaires trouvées à Saint-Paulien. Plusieurs mé-|de ZVerva , Faustina, Jutia| Trouvées à Saint- dailles impé-| Wammæa, Etruscilla. . . . .| Paulien(lamédaille rialés d’'Etruscilla a été Testons.. . .|de Charles IX, Henri III et| trouvéeprèsdu tom- Philippe IE, roi d'Espagne. .| beau de cette prin- 3 ; cesse). MEÉDAILLONS ET MÉDAILLES EN BRONZE, Donnés par M. de la Roche, À Un médaillon|de Ptolémée, roi d'Egypte. «| Un grand bronze|de l’empereur Antonin. . , . (1) Notre intention n’étant pas d’en donner ici une descrip- tion, mais une simple notice, afin de faire connaître seulement le résultat des acquisitions faites dans le courant de l’année qui vient de s’écouler, nous publierons plus tard la description des médailles inédites trouvées dans le Velay et l’histoire des anciennes monnaies de cette proyince. (276) Un grand bronze|de Trajan , d’une belle con-|Donné par M. Au- seryation . « « « « « « «+ « . .[lanier, membre de la société. Idem d’Antonin au R. La colonne \ Trouvés à Saint- antonine. . . .. Shoonar oc Benoît, près le vil- Idem. du même empereur au R. La | lage de Vals (Haute- tête de M. Aurel (médailles ) Loire) , et donnés AR 0) DL AMEN EX EEE .{par M. Richond D'autres grands des mêmes empereurs et des | des Brus, secrétaire etmoyensbronze feux Gordiens « « « « » « « ./ de la société. Plusieurs mé-|en argent et bronze antiques\ Données par mm. dailles |et du moyen âge . . . . . . | Bujon, président du tribunal civil ; Lan- glade fils; Sauzet, * curé à Fay-le-Froid; Lalande , employé aux contributions indirectes. La plus grande partie des médailles trouvées à Saint-Germain-Laprade n’ayant pas encore été étudiées et cataloguées, nous ne pourrons en faire connaître le nombre et les revers que dans les prochaines Annales. Les médailles qui n’ont été décrites par aucun des nombreux auteurs qui traitent de la numisma- tique, présentent d'autant plus d'intérêt qu'elles appartiennent à l'histoire numismatique de notre pays. Le Musée possédait déjà un fiers de sol d’or fabriqué au Puy, sous la première race de nos rois. La conservation parfaite des types et de la légende de cette pièce ne laisse pas le moindre doute sur l'attribution que nous lui donnons. L’exemplaire que l’on voit au Musée est probable- ment le seul connu. Nous devons rapporter à la même époque et peut-être au même règne un ( 277 ) autre tiers de sol d’or qui paraît avoir été fabriqué à Brioude. Cette précieuse médaille décrite, mais incomplètement par Leblanc (Traité des monnaies des rois de France), a été donnée au Musée par M. Largé, inspecteur de l'académie de Clermont. Des sous ou deniers du Puy ont été trouvés aussi dans le département et déposés au Musée. Les légendes de ces monnaies offrent la singularité d’étreécrites dans le patois du pays; enfin, M. Sauzet, curé à Fay-le-Froid , et membre non résidant de la Société, et M. Arnaud, fils du savant historien de ce nom, ont fait hommage de quelques jetons ou 7néréaux du Chapitre de Notre-Dame du Puy et de l’évêque Sénectère. Quelques intéressantes que soient ces acquisi- üons, nous sommes loin de posséder encore toutes les monnaies dont il est si souvent question dans les historiens du Velay, telles que les sous des évêques du Puy, les sous des vicomtes de Polignac, appelées viscontines, dontla fabrication fut, pendant toute la durée du moyen âge, une source de que- relles souvent sanglantes entre les évêques du Puy et les vicomtes; enfin, les sous en argent du Cha- pitre de Brioude, un des plus nobles Chapitres de France ,etquicomptaitle droit de frapper monnaie parmi ses priviléges les plus importans. Si on con- sidère combien sont précieuses les médailles regardées par les plus savans critiques comme élémens de toute certitude historique, on com- ( 278 ) prendra tout l'intérêt que la Société attache à la possession ou à la connaissance de ces pièces qui aident à l'intelligence ou servent à la critique de plusieurs passages obscurs de nos chroniqueurs. La Société invite donc de nouveau les amateurs ou les personnes qui découvriront quelques-unes de ces monnaies ou médailles, de quelque module et de quelque métal qu’elles soient, à lui en donner communication, elle s’empressera de les décrire et de les publier dans ses prochaines Annales. "ht 20 2Q © 3 D © D COLLECTIONS D'HISTOIRE NATURELLE. 1033—1034. ZOOLOGIE: Oiseaux recueillis dans le département... 172 Mammifères . 200000000000. 4 Reptiles 00000... ee ... 1 Parmi les oiseaux se trouve un rémis (parus pendulinus) , avec son nid, de la strurture la plus extrordinaire. Papillons nocturnes ef crépusculaires recueillis aux environs de Saint-Paulien , et donnés au Musée par M. Vallet, de cette ville........ 40 Ces papillons feront partie d’une suite que prépare M. de Laroque, membre résidant, pour les collections départementales. BOTANIQUE. Plantes recueillies dans le département ct —__ ( 279 ) données au Musée, par M. Duvillars, membre RES ITA ee St NN iere auele ele letelnlelie lo ts 150 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE. Collection générale de minéralogie destinée pour l'étude et rangée d’après la méthode de Haüy. Cette collection, l’une des plus complètes du Musée, a été augmentée en minéraux plus ou MOINS, TATES de... cesse 24 ÉCHANLIIONS. Collection générale des roches , pour servir à l'étude de cette partie importante de la minéra- logie. Elle est disposée d’après la classification de M. Alex. Brongniart, et s’est accrue de. 150 échant. Collection géologique départementale. Elle s’est accrue en roches et minéraux simples de. 17 éch. En calcaire à limnées du terrain paléotherien des environs du Puy, de...... 54% échantillons. Ces échantillons de calcaire renferment des ossemens, des dents, des portions de mâchoires de plusieurs pachydermes et entr’autres de l’Anthracotherium elaunum ; Cuvier. Des restes de petits rongeurs, de petits carnassiers, d’un ruminant, des dents et des écailles de crocodile, des fruits d’une espèce de chara, etc. En impressions de fougères, carpolites, tiges , calamites cannæformis, fer carbonaté; le tout provenant du terrain houiller de Langeac, 69 éch. Collection des roches d'Auvergne..... 205 éch. Elle est en grande partie composée de la belle suite recueillie et publiée par MM. Lecoq et Bouillet. Elle offre, ainsi que les ( 280 ) suivantes, des rapports nombreux avec les produits de nos terrains sédimentaires et volcaniques. Des roches des Monts-Dores, 52 échantillons. C’est encore ici une suite formée par MM. Lecoq et Bouillet. Collection du Cantal........,... 24 échant. Ils ont été donnés au Musée par M. J.-B. Bouillet. Il y en a de fort beaux. Des coquilles d’eau douce qui étaient jointes à cet envoi feront partie d’une collection générale de ces coquilles que M. Aug. Aymard prépare pour le Musée. Collection du Vivarais. Elle ne s’est augmentée quEide L.-206.. RiioSe cesse. NS OIÉCHATIe Dans le nombre se trouve un fragment de l’aéro- lithe tombée à Juvinas (Ardèche). Collection de minéraux du Vésuve, 106 échant. Cette belle suite a été offerte au Musée par M. Albert de Brive, membre résidant, au retour d’un voyage en Italie. Collection des roches et des fossiles des terrains DOTISTENS DE Se een ee eee doreon = D CURE) Elle a été envoyée au Musée par l'administration du Muséum d'Histoire naturelle de Paris. (281) AAA A AAA AN A AU AAA A AA A A A A AA A A A AA BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE DÉPARTEMENTALE (1). =, Ouvrages donnés où acquis en 1834. \ Divers AUTEURS. — Manuscrit composé d'extraits de plusieurs Chroniques sur l'Histoire de la ville du Puy, et écrit quelques années avant la révolu- tion. 1 fort volume in-4°, relié en parchemin. Ces extraits sont en grande partie tirés des Mémoires inédits de Medicis, Jean Burel etJacmon. Quelques-uns paraissent avoir été pris dans des manuscrits qui n'existent plus. Ce beau manuscrit a été donné par M. Dauthier de Saint-Saweur, ancien Sous-préfet, Membre résidant. MANGON DE LA LANDE. — Essais historiques sur les Antiquités du département de la Haute-Loire (manuscrit autographe des), par M. Mangon de la Lande, Directeur des domaines à Poitiers, et Membre non résidant, avec notes et dessins ori- ginaux. 1 vol. in-4° cartonné. Offert par l’auteur à la ville du Puy. © (1) Voir la délibération de la Société, page 95. ( 282 ) DipLomE DE CHARLEMAGNE. — Titre d’établis- sement des Chanoines de Paupérie, ou copie et vérification d’un diplôme original de Charlemagne, portant création de dix chanoines pauvres dans l'église cathédrale de Notre-Dame du Puy en Velay. 1 vol. imprimé {n-4°, de 17 pages. Donné par M. l’abbé Sigaud, aumônier du col- lége royal. R. P. CoppiN. — Le Bouclier de l'Europe ou la Guerre sainte, contenant des avis politiques et chrétiens qui peuvent servir de lumière aux rois et aux souverains de la chrétienté, pour garantir leurs états des incursions des Turcs et reprendre ceux qu’ils ont usurpé sur eux, avec une relation de voyages faits dans la Turquie, la Thébaïde et la Barbarie. Par le À. P. Coppin, autrefois capitaine lieute- nant de cavalerie, consul des Francais à Damiette et syndic de la Terre-Sainte, à préseut visiteur des Hermites de l’Institut réformé sous linvoca- tion de saint Jean-Baptiste du diocèse du Puy. 1 vol. in-4° imprimé au Puy. An Mpc. LxXXxXvI. Donné par M. {ymard. AMÉDÉE BuraT. — Description des terrains vol- caniques de la France centrale, avec planches. Paris, 1833. 1 vol. 4n-00. H. Fournier. — Lettres à un Curé de campagne sur les erreurs médicales du peuple, par Æ. Four- nier , D. M. à Pradelles. Puy, 1833. Brochure 1n-12. ( 283) Maupas DU Tour, évêque du Puy. — Vie du bienheureux Francois de Sales, évêque et prince de Genève, par Xenri de Maupas du Tour, évêque et seigneur du Puy, comte du Velay. Paris, 1667. 1 vol. ën-40 relié. P. E. Morin. — Essai sur la nature et les pro- priétés du fluide impondérable, par P, F. Morin, ingénieur des ponts etchaussées au Puy. Puy, 1819. 1 vol. én-60, LANTHENAS , D. M. — Inconvéniens du droit d’ainesse, par Zanfhenas , docteur en médecine, Paris, 1769. 1 vol. n-8°. RABANY-BEAUREGARD. — Promenade à Royat, poème. Clermont, 1823. 1 vol. in-60. L'Art de la Peinture, poème. Clermont, 1832. 1 vol. ën-80, La Sensibilité, poème. Clermont, 1813. 1 v.in-18. Par M. Aabany-Beauregard, de Brioude. Baron DE Tararrar. — Notice historique sur l'Eglise et le Chapitre de Brioude, par M. le baron de Talairat. Le Puy, in-8v. MM DE M*** —_ Mémoires de la comtesse d’Al- bestrophe. Puy , 18.. 1 vol. 7-12, par Mme la comtesse de M*** à A*7*, JourNAUx. — Journal littéraire, commercial et judiciaire de la Haute-Loire. Année 1834. ECRITS ET ACTES DIVERS — Relatifs à lHistoire du département , pour être classés et reliés, lorsqu'ils seront en nombre suffisant. ( 284 ) GirauD, peintre. — 4 grandes Vues du Puy. Lithographiées. > Vues du pont de la Roche-Chevalier , à Annonay. Dessins. Portrait de M. de Bonald, Evêque du Puy. Lith. Idem du général Lafayette............ Lith. Idem du général Mouton-Duvernet..... Lith. BIBLIOTHÈQUE DE LA SOGRÉTRÉ, Cinquième Catalogue des Ouvrages adressés à la Société, ou dont elle a fait l'acquisition dans les années 1833 et 1834. Mémoire sur le métayage, par M. de Gasparin, Préfet du Rhône; 1 vol. in-8°. Compre rendu des travaux de l’Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, 1832, in-00. Norice sur les travaux de l’Académie royale de Lyon, 1819 à 1626, 1652, in-00. Mémorraz d'Agriculture du département du Gers, 1832-1833. Norrice pour servir à l'Histoire de la manufacture de Lyon, par M. Grognier, Membre non rési- dant; in-6°. | | | ( 285 ) Norice sur les monnaies des Évêques de Mende, par M. Zgnon, Membre non résidant; br. in-8°. BuzzeTins de la Société industrielle de Saint- Etienne , 1832, 1633, 1654, in-6°. Mémoires de la Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de Mende , 1831 , 1832, 1833, in-6°, Mémorres de l’Académie royale du Gard, 1831, 1 vol, in-60. Journaz de la Société d'Agriculture de Carcas- sonne, 1032, 1033, in-60. JournaL de la Société de la morale chrétienne, 1833 , 1834 , in-60. Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, 1832; 4 cahiers, 1833. SÉANCES PUBLIQUES de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besancon, 1632, 1833, 18634, in-00. SAMAROBRIVA ou Saint-Quentin, par M. Mangon de la Lande, Membre non résidant; br. in-8°,. Fouizzes du camp de Vermand, par le méme; br. in-60. Journaz hebdomadaire de médecine , tomes 1 à 6, donnés par M. le docteur Reynaud, Membre résidant. EPHÉMÉRIDES de la Société d'Agriculture de l'Indre. PROPAGATEUR aveyronnais, 1632, in-60. RECUEIL de poésies, par M. 4. Demesmay , Mem- bre non résidant. ( 266 ) Norice sur la fabrication de la Dentelle, par M. Ph. Hedde, Membre non résidant. Annazes scientifiques, littéraires et industrielles - de l’Auvergne, 1832, 1833, 1634, in-80. ANNALES agricoles du département de VAisne, mai 1832 à février 1633, in-6°. ENQUÊTE commerciale et industrielle. Demandes faites au nom de la Chambre consultative de la Haute-Loire, par M. Auguste Lamothe ; son délégué , et Membre non résidant ; 1834, br. in-60. JourNaL des Connaissances usuelles, 1833, in-8°. Jourwar des Connaissances utiles, 1833, 1834, in-6°. BuzLerins de laSociété d'Agriculture de FHérault, 1032, 1633, très-incomplets. ANNALES de la Société d'Emulation des Vosges, 1631 , 1032, 1833, in-60. Mémoire sur la carie des blés, par M. Girard- M Jandriac père, Membre résidant. Précis des travaux de l’Académie royale de Rouen, 1832, 1 vol. in-00. BuzzeTins de la Société d’Agriculture , Belles- Lettres, Sciences et Arts de Poitiers , n°5 7, 8. 31 à 36. PROGRAMMES des prix proposés par la Société d'encouragement pour Findustrie nationale , 1833 , 1634, in-40. Rapporr sur la Statistique morale de la France, de M. Guerry. ! ( 287 ) Buzzerins de la Société royale d'Agriculture , Sciences et Arts du Mans, 18633, 1834, in-@0, Vues ET Coupes des principales formations géo- logiques du département du Puy-de-Dôme, vol. in-8° , par MM. Lecog et Bouillet , Membres non résidans ; avec un atlas in-4°. Coup p’ærx, sur la Structure géologique et miné- ralogique du groupe des Monts-Dores, par les mémes; in-6° , avec planches. SOCIÉTÉ nantaise d’Horticulture. Fête florale; in-12, CuronorocitE des Évêques de Clermont ; par M. Gonod, Membre non résidant, in-4°. OsservaTions sur le projet de loi relatif à la réor- ganisation de la médecine , par M. Poncef, D. M., Membre non résidant; br. in-6°, BIBLIOTHÈQUE physico-économique, 17 v.in-12, br. Résumé sur les mortiers et ciments calcaires, par V'icat; 1 vol. in-4°. AnriQuiTÉ des peuples de Bayeux, par M. Mangon de La Lande; br. in-60. Mémorres de l’Académie royale de Metz, 1830, 31, 32, 33, 34, 5 vol. in-60. Anvazes de la Société , académique de Nantes. Livraisons 6 à 22, in-60. Mémorrs sur des faits géognostiques observés en Auvergne, au contact des laves et des basaltes avec les terrains stratifiés, par M. le docteur Peghoux, Membre non résidant; br, in-80. PROMENADE au Cantal, par le méme. ( 286 }) SoctéTÉ d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du département dela Marne. Séance publique de 1833, in-60. ComPTE RENDU des travaux de la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Mâcon, 1829 à 1832, 1 vol. in-60. SIXIÈME MÉMOIRE sur la Météorologie, par M. Morin, ingénieur des ponts et chaussées, Membre non résidant; in-60. | INSTRUCTION sur la manière de faire des observa- | vations météorologiques, par le méme; in-8°. RapporrT sur les chemins vicinaux, par M. Vatout; in-6°, ’ Mémoire sur quelques écrivains ou personnages remarquables nés dans le département de la Lozère, par M. /gnon, Membre non résidant; br. in-60. | RapporrT sur les causes des variations atmosphé-#M 4 LA riques, par le méme; in-6°. Des pevorrs de l'Homme, par M. Michel, Membre non résidant; br. in-8°. Tagceaux des Mesures anciennes de la ville du M Puy, comparées aux nouvelles, par M. Matthieu, Membre non résidant. OBSERVATIONS sur une route ancienne découverte # dans les montagnes de Saint-Germain-l’Herm, " par le méme; br. in-80. Discours sur l’'Erudition en jurisprudence, par M. Jallon, avocat-général à la cour royale de Riom, Membre non résidant, br. in-8°. ( 269) RecHERCHES sur les Ossemens fossiles du départe- ment du Puy-de-Dôme, par M. labbé Crorzet, Membre non résidant; 1°T v. in4° avec planches. ANNUAIRE de la Société royale et centrale d’Agri- culture pour 1634; 1 vol. in-12. Tra1TÉ de la Culture des pins, par M. Delamarre; 2€ édition, 1 vol. in-8°, ManueLz de l'Elagueur, 1 vol. in-12, Hisroire des Végétaux fossiles, par M. Ædolphe Brongniart; in-4°, livraisons 1 à 8, avecfigures. DescripTrion de la Haute-Auvergne , par J.-B, Bouillet, Membre non résidant; 2 vol, in-8°. TRAITÉ de la Culture du Mais, par M. Bonnefous, de Turin; 1 vol. in-6°. Cours complet d'Agriculture, Pourrat frères, éditeurs, tomes 1, 2 et 3, grand in-6°. AnnaLes de la Société d'Agriculture de lAller, 1834, in-00,. DE L’Asorrrion des droits de douane sur les Houilles étrangères; par M. Aug. Lamothe, Membre non résidant; in-6°. NouvELLES OBSERVATIONS sur les dangers de modifier ces droits, par le même; in-8@°. Des inTÉRÊTSs respectifs du Midi et du Nord dela France, par M. Matthieu de Dombasle; br. in-80. Du Sysrème commercial de la France, par la Chambre de commerce d'Amiens. SECOND Mémoire sur lendiguement du Rhône, par M. Gaillard; in-6°. Lo ( 290 ) AzmAnAcH du Cultivateur pour 1835; br. Trarré des Prairies artificielles , par Gilbert ; 6° édition, 1 vol. in-80. TRarré de Chimie et de Physique appliquées à l’enseignement des écoles primaires, par M. Ber- gery, Membre non résidant; 1 vol. in-12. QuATRE Discours sur divers sujets, par le même; brochures in-80. Mémoire sur la Culture du lin, par M. Y’étillard; br. in-60. CALENDRIER du bon Cultivateur, par M. Matthieu de Dombasle ; 3° édition, 1 vol, in-8°. ( 291 ) AAA AVS AV A VA VV VU VUS VUS VV VA AU AU M LU MAUR AL AU A AAA AU AV AUX AL AS LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ. ——" “=D 20072 >—_— BUREAU. President. see M. BERTRAND DE DouE , Chev. de la Légion-d'Honneur. Vice-président.... M. MAnNDET , Pâtonnier de l’ordre des Avocats. | Secrétaire........ M. le Docteur RicHoNb DES Brüs, Conseiller de préfec- ture, Ch. de la Lég.-d’Honn. Secrétaire-adjoint. M.Bortr, Docteuren médecine. Bibliothécaire. ... N. IR Trésorier. ..,..: M.DE Parron, Receveur géné- ral, Ch. de la Lég.-d'Honn. CONSEIL D’ADMINISTRATION. MM. BERTRAND DE DOUE, Président. DE LesrTancG père, Chev. de la Lég.-d'Honneur. Le Docteur CALEMARD DE LAFAYETTE, Membre du Conseil général, Ch. de la Lég.-d’Honn. MANDET. Joyeux, Pharmacien. ( 292) COMMISSION DU MUSÉE. M. le vicomte DE Becpezièvre, Chevalier de la Légion-d'Honneur, Président. re sEcTION. — Minéralogie. MM. BERTRAND DE DOUE, n: Pres Conservateurs. RogerrT (Félix), négociant , 6 2€ SECTION. — Botanique. MM. Onpe-Duvizcars, Juge au tri- bunal civil, HiLAIRE-LATOURETTE , Docteur en médecine, Rogerr (Félix), RevnauD, Doct. en médecine, Conservateurs. 3° sEcTION. — Zoologie. 8 MM. CALEMARD DE LAFAYETTE; AT Conservateurs. RosErT (Félix), 4© SECTION. — Beaux-Arts, Antiquités, Médailles, Machines et Modèles. MM. BERTRAND DE DOUE, AvmaARD fils, Fizuor aîné, Propriétaire, ViBsERT, idem, Conservateurs. = COMMISSION DE LA PÉPINIÈRE DÉPARTEMENTALE. M. DE LesranG père, Président. Te": ( 295 ) MM. FiLuor aîné, GIRARD-JANDRIAC fils, Propre, DUMONTAT, idem, Conservateurs. JOYEUX, { BorïE , Avocat, a COMMISSION DE LA BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE ET DES ANTIQUITÉS DU DÉPARTEMENT. Membres résidans. MM. BERTRAND DE DOUE, Président. Le Vicomte DE BECDELIÈVRE. | AxmARD fils, Conservateur des Médailles et | Secrétaire de la Commission. MANDET. ODDE-DUVILLARS. RICHOND DES BRuUSs. Membres correspondans. MM. MANGON DE LALANDE, Président de la Société des Antiquaires de l'Ouest, à Poitiers. Gowop, Bibliothécaire à Clermont. Jules Desnoyers, Secrétaire de la Société de l'Histoire de France et Bibliothécaire du Jardin des Plantes, à Paris. Le Baron DE TALAIRAT, à Brioude. ARMAND (Alexis) Maire à Saint-Paulien , Membre du Conseil général. LABRUYÈRE, Doct.en médecine à Montfaucon. ( 294 ) ÉCOLE DES ARTS ET MÉTIERS. M. BERTRAND DE Dour, /urecteur des écoles de dessin linéaire et de mathématiques. M. Viserr, Directeur de l’école de dessin, de la gure et des ornemens. MEMBRES HONORAIRES. ? MM.Basrarp (Baron DE), ancien Préfet de la Haute-Loire. BorNE, ancien Sous-préfet à Brioude. Bowninuon, maréchal-de-camp. Bronac (ne) père, Propriétaire à Montfaucon. Croumouroux (DE), Propriét. à Yssingeaux. Cocomse (DE SAINTE), ancien Sous-préfet à Yssingeaux. CrozET (le comte pu), Propriétaire. DurAURE DE CITRES, Propriét. à Montfaucon. Dupin (Charles), Membre de l'Institut. Eynac (l'abbé), Curé de Saint-Laurent, au Puy. FERRAIGHNE (DE), Propriétaire à Espaly. GALLET, Vice-présidentau tribunal civil du Puy. Lesranc (DE) fils, Juge au tribunal civil du Puy. Luzy (DE), Propriétaire à Tence. Oppe-DuvirLars père , Propriétaire au Puy. PArRON (Prosper px), Ch. de la Légion-d’'Honn. PAsconw, Président du trib. civil de Brioude. RameY père, Sculpteur, Membre de Finstitut. ; ( 295 ) MM. Royer, ancien Maire de Saint-Etienne. RiBAINS (DE), ancien Maire de Pradelles. Tusa, Membre du conseil général. VeyrAc (le Baron pr), ancien Maire du Puy. MEMBRES RÉSIDANS. MM. AULANIER (Louis), Propriétaire AUTUIER (D) DE ST-SAUVEUR, anc. Sous-préfet. AymaRD fils (Auguste). Bazme (Victor), Propriétaire. BEAU DE BRIVES, Propriétaire. BEAU DE Brives (Albert), Ex-procureur du Roi. BECDELIÈVRE (Le Vicomte DE). BERTRAND DE Dour, Chev. de la Lég.-d’'Honn. BortE, Avocat. Borie, Docteur en médecine, CALEMARD DE LAFAYETTE , Doct. en médecine, Chevalier de la Légion-d’Honneur. CALEMARD-LATOUR, Propriétaire. CuaBaLIER, ancien Député du département, DE L'HorME, ancien Géomètre en chef. DE LA ROCQUE (le Comte), Avocat, DUMoNTAT, Propriétaire. DuvizLArs, Juge au tribunal civil. FizmoT ainé , Propriétaire. GIRARD-JANDRIAC père, Propriétaire. GirARD-JawpRIAC fils, Propriétaire. GIRE , Artiste vétérinaire. ( 296 ) MM. HiLAIRE-LATOURETTE, Docteur en médecine. Joyeux, Pharmacien. LAVALETTE, ancien Président du tribunal civil. LesrTancG (DE), Membre dela Légion-d’Honneur. LoBEeyrAC, Président honoraire du trib. civil. Manoer , Bâtonnier de l’ordre des Avocats. MarioL (DE), Propriétaire. Morsecer , Architecte de la ville. MonTELLIER, Juge de paix Morez, Docteur en médecine. Parron (DE),Receveur général du département, Chevalier de la Légion-d'Honn eur. Porraz, Docteur en médecine. ReynAUD, Docteur en médecine. RICHOND-ASSEZAT , Avocat, RicHonDp Des Brus, Docteur en médecine, Chev. de la Légion-d'Honneur. ROBERT (Félix) , Négociant. RosiÈREes (DE), Capitaine d’état major. Tarpy , Docteur en médecine. TREVEYS, Propriétaire. VERTAURE (DE), Propriétaire, VIBERT , Propriétaire. MEMBRES NON RÉSIDANS. , r MM. ARMAND (Alexis), Membre du conseil général et Maire à Saint-Paulien. BERGERY, Profess. à l’Écoled'’artillerie de Metz. BERNARD , Contrôleur des douanes à Nantua. k ( 297 ) MM. BLonpez, Peintre d'histoire, rue d’Albony , à Paris. Bonnomme fils, Propriétaire à Langeac. BourzueT , Naturaliste à Clermont. BRUNE (Mme) , Peintre à Paris. BurEAU, Docteur en médecine à Paris. CALAME , Peintre à Genève, CROIZET (l'abbé), Curé à Neschers (Puy-de- Dôme). CROZATIER, Sculpteur, rue du Roule, à Paris. Daupvirze , Négociant à Saint-Quentin. DEmesmay (Auguste) fils, à Besancon. DEMOUSTIER , Répétiteur à l’école de chirurgie à Paris. DEsNoyers (Jules) à Paris. DERIBIER DU CHATELET, Juge de paix à Ydes (Cantal). DERIBIER DE CHeissAC, Propriétaire à Bort (Cantal). DuBRUNFAUT, Professeur de Chimie, rue Pavée, n° 24 à Paris. FABRE, Maire et Propriétaire à Paulhaguet. FArNAUD, Propriétaire à Gap. Fourner, Professeur de minéralogie et de géologie à Lyon. Fournier, Docteur en médecine à Pradelles. GimBerT-DuvirLars, Propriét. au Monastier. Goxop, Bibliothécaire à Clermont. GRIGNARD, Géomètre en chef à Bourges. ( 298 ) MM. Grocnier, Secrétaire général de la Société d'Agriculture, Histoirenaturelle,etc., à Lyon. GuizLAUME, Ingénieur des ponts et chaussées à Grenoble. Heppe (Philippe), Fabricant à Saint-Etienne. Heppe (Isidore), agent de change à St-Etienne. HugerT, Peintre paysagiste, rue du Dragon, n° 34, à Paris. IGNon, Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture de Mende. JAcos, Docteur en médecine à Langeac. JALON , Avocat général à la cour de Riom. Joranp, Membre de la Société des Antiquaires à Paris. Joyeux, Docteur en médecine à Privas. LABRETOIGNE , Receveur des domaines à Saugues. LABRUYÈRE, Docteur en médecine et maire à Montfaucon. Lamorrne (Auguste), Membre du conseil géné- ral à Frugères. LEcoQ , Professeur de minéralogie et de phar- macie à Clermont. LENotrR, Directeur des contributions directes à Besancon. Macueco (Le Comte DE) , Propriétaire à Alleret. MaLo (Charles), Homme de lettres à Paris. MaNGon DE LaLAnp£, à Poitiers. ( 299 ) MM, Marin jeune, Président de la Société royale de médecine à Lyon. Marre u DE Domsasce, Directeur de la ferme expérimentale de Roville, MATHIEU , Professeur au collége royal de Clermont. Micuez , Chef d'institution, rue des Capucins, à Lyon. Morcaneur, Sculpteur, rue Courty, n°5, à Paris. MONTAIGNE DE Poncins, Propr. à Montbrison. MorGuESs {DE) SAINT-GERMAIN, Propriétaire à Saint-Germain-Laprade. Morin, Ingénieur des ponts et chaussées. Moussier, Docteur en médecine à St-Vallier. Nicop, Recteur de l’Académie de Nimes. PAssEroN , Homme de lettres à Lyon. PEcnoux, Docteur en médecine à Clermont. Pissis (Aimé), Professeur de chimie à Paris. PomiEr, Profess. de mathématiques à Brioude. PonceT, Docteur en médecine à Feurs. Prosr, Directeur des postes à Mende. ROCHETTE , Avocat à Brioude. Rocer, Architecte de la ville de Thiers. RUELLE, Payeur à Mâcon. RuELLE (Alexandre), Propriétaire à Serres. SAUZET (labbé), Curé à Fay-le-Froid. Tararrar (Le Baron DE), Propriét. à Brioude. TarDiEu, Médecin à Saugues. ( 300 ). MM. Trissier, Pharmacien à Lyon. TERRASSE , Propriétaire à Saint-Marcel, TarérraT, Professeur de dessin au Palais des Arts à Lyon. ViLLENEUVE, Peintre de paysages, barrière de Chaillot, à Paris. ( 301 ) Cable des Matières. Discours D’OurERTURE prononcé par M. BERTRAND pE Dour, Président, dans la séance publique nulle a 055. SET EEE “Pages AGRICULTURE, Notice indicative des Sujets de prix pro- posés par la Société, pour étre décernés en 1635 et 1836..... ONT NOT SPORE 19 Rapport sur la conversion des céréales en farine, selon le mode des moutures et sur leurs produits en pain, par M. MA4nnEr. 27 Rapport sur l'exploitation agricole d’ Alleret, présenté par M. BerTrAnD Dr Dour , au nom de la commission. .......... Are 56 Lettre de M. le comte ne Macnrco, sur les défencemens:5 ee ca otcie 63 Extrait d’un rapport fait à la Société par M. Tarpy, médecin, sur un journal de la Société d'agriculture de Carcassonne. 70 ÉTABLISSEMENS UTILES. Résumé des travaux de la commission chargée dexaminer le projet relatif à la fondation d’une caisse d’épargnes ; M. Ricuonr Des Brus, rapporteur... 77 ( 327) Décision de la Société, relative à La fondation d’une bibliothèque historique départementale. Pag. 95 SCIENCES. Discours de M. BEerrrAanp pr Dour, Lu à la distribution des prix des écoles indus- trielles gratuites du Puy....... sidi ite Notice sur le basalte de la Roche et les phénomènes quiontaccompagné son appa- rition, par M. Prssrs, de Brioude..... Notice sur le monument élevé au connétable Bertrand Duguesclin, dans Péglise de Saint-Laurent, par M. AyvmarpD fils... Notice sur l'institution départementale des sourds-muets, par M. Borrr, D. M, P... Prenvres études de l'enfance, par M. Power. LITTÉRATURE. Extrait d’un voyage en Italie dans l'année 1831, par M. Albert ne Brirr........ Sur Les idiotismes de l Ancien Felay et d’une partie de l'Auvergne , par M. PomrEr... COMMERCE. Enquéte commerciale et industrielle , opi- nion de M. Lamorue, Membre corres- pondant.........1..4.4%... rame POÉSIE. Monétoile,mélodie, narM, C. ne Rosrères. 101 110 119 142 199 165 213 235 264 ( 303 ) Les Ages,par M. le baron nr Tars1rAT. lag. 266 Les Athées, fragment, par le méme..... BEAUX-ARTS. Cinquième Notice des tableaux, dessins , antiquités, médailles, objets de curiosité elcollection d'histoire naturelle du Musée PES SNS ER, ER ee OBJETS DIVERS. Bibliothèque historique départementale , ouvrages donnés ou acquis..........,. Cinquième Catalogue des ouvrages adressés à la Société, ou acquis par elle....... Liste des Membres de la Société. ..... ne FIN DE LA TABLE. 269 272 201 204 291 { ‘ : Le - LL te 4 + RS à À ” ; k y À é # L L * a nee Po nt d'atPa à QUE Le 2 Vi ï d'he P j gtx | L . “ « cl w 4 ë c ; À ; * : À FF 1 bé ML - LA + Là A $ D La ÿrrei ] Crqile Marnes #E lalcnire, Basalte Galets / Ê . 4000 5000 sl q Ce " tl nu nt. : SM rie ne | Pure 1 > SRE T 2 NH ANNALES AT LAESOCIÈTÉ D’AGRICULTURE, = SCIENCES, ARTS ET COMMERCE DU PUY, POUR 1835-1856. Rodigees By Secretaire de Le Hocerts: DE L’IMPRIMERIE DE P. PASQUET, IMPRIMEUR DE LA PRÉFECTURE, ee er Tree NES NE NN SE A! 4 À À ‘4 el ei Er Le | li: fois APT ALES ; ANNALES LA SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE, SCIENCES, ARTS ET COMMERCE DU PUY, POUR 1855-1856 ; l RÉDIGÉES PAR LES SRCRÉTAIRES DE LA SOCIÉTÉ. at MUSEr 7 % Xi AN VE DE L’IMPRIMERIE DE PIERRE PASQUET, IMPRIMEUR DE LA PRÉFECTURE. 1856. Nora. La Société n'entend ni garantir les faits, mi adopter toutes les opinions consignées dans Îes Mémoires que renferment les Annales. — DE LA SOCHLTX AGRICULTURE) SCIENCES , ARTS ET COMMERCE DU PUY. AAA MA UV AAA A UD AA AU AV AV A LU A AV A AV AA AA A VV M4 A MU MA DISCOURS PRONONCÉ Par M. MAHUL, MAÎTRE DES REQUÊTES, PRÉFET DE LA HAUTE-LOIRE, Présidant la séance publique du 25 août 1836. a —— — MESSIEURS, Permettez-moi de vous dire que les lettres et les arts furent mes premières amours et l’objet de ma plus jeune ambition. Aussi, c’est avec une émotion profonde que je me suis vu inopinément redevable à ma situation publique, de l'honneur de présider dans cette solennité, une Société où s’unit à la culture des lettres et des arts qui sont lornement des nations, la culture des sciences qui en font la force et la fécondité; et cependant, GS (4) trop préoccupé de l'embarras des affaires, je n’ai pu même essayer d'apporter parmi vous le tribut d'une modeste émulation. Je me bornerai donc à saisir l’occasion de parler de vous, Messieurs, ou plustôtde votre institution, à cetteélite des citoyens et des magistrats qui vient vous entourer aujour- d’hui de son affection et de son orgueil patriotique. J'ai appris votre Histoire en parcourant les Annales de votre Société. Or, ces Annales sont véritablement l’encyclopédie de la contrée. Les monumens et les traditions du pays, ses mœurs, son langage , ses chroniques, ses grands hommes, son climat, ses productions, ses phénomènes, tout s’y trouve tour à tour raconté, décrit, illus- tré. Toutefois, l'Histoire locale, les Sciences natu- relles , PAgriculture surtout, y prédominent. On ne saurait trop vous applaudir de ces préférences. Elles montrent que vous sentez bien quels sont les côtés les plus utiles et les plus populaires de votre institution. La poésie, la grande poésie, celle qui est origi- nale et sublime , est un des mystères du monde. Elle ne s’enseigne pas selon des règles; elle ne se cultive pas d’après des méthodes; elle ne se fait pas en société. C’est une révélation individuelle. Si elle éclate au-dehors, elle réjouit, elle pas- sionne , elle enflamme le monde. C’est alors que les Sociétés littéraires veulent, avec raison, se parer de la gloire du poète; qu’elles n’ont pasfait, he À (5) il est vrai, mais qu’elles ont hâte de proclamer. C’est alors que PAcadémie francaise appelle Chà- teaubriand et Lamartine. C’est leur gloire et celle de leurs pareils , qui a fait d'elle une compagnie illustre; mais la gloire de Molière se créa autre- fois sans elle, et elle n’a pas fait de nos jours celle de Bérenger. Prêtez donc l’oreille, si vous enten- dez le poète; mais, sachez-le , s’il doit venir, il naïîtra , il grandira sans vous. Il n’en est pas de même des sciences et de l’his- toire ; elles sont choses d’ici-bas : nobles et grandes sans doute; mais du moins accessibles à l’étude et au travail. Les belles-lettres font partie du domaine de la science; elles peuvent et doivent s’apprendre, à condition qu'on n’entendra pas sous leur nom, ni la poésie, comme je le disais à l'instant, ni même l’éloquence , qui est la poésie de notre époque; mais la grammaire , mais la rhé- torique, qui contiennent les règles et les appli- cations de l’art du langage, instrument merveilleux de puissance et de civilisation. Les Sociétés savantes sont particulièrement aptes à cultiver les belles- lettres ainsi entendues; et c’est pourquoi vous êtes justifiés et même applaudis de leur accorder une part de votre attention. L'Histoire locale, ses monumens et ses tradi- uons, voilà véritablement, quant aux lettres, votre spécialité. C'est celle-ci, ne vous le dissi- mulez-pas , qui vous entoure d’un intérêt particu- (6) lier, intérêt qui n’est pas seulement de la curio- sité, mais qui se rattache au sentiment profond de la piété filiale. La Franceest sans doute notre patrie commune. Elle est trop noble et trop belle pour que ses enfans puissent la perdre de vue. Mais pour cha- cun de nous, il est un point dans cette France si chérie et si digne de l’être, qui est particulière- ment sensible à notre cœur. Ce point, c’est la ville quelquefois petite, le village souvent bien pauvre, par où il plut au ciel de nous faire arriver sur la terre. C’est là que vit notre mère, et peut-être je ne devrais rien dire après; c’est là que repose notre aïeul : nous y possédons une maison et un champ; notre père y est quelquefois un bien mo- deste magistrat; et nous ambitionnerons un jour de lui succéder à notre tour, quand nous serons vieux et que nous n’aurons plus d'ambition que pour nos enfans. Durant le cours agité de la vie, nous avons des connaissances partout; mais les amis d'enfance ne sont que dans le lieu natal. Il est vrai que les ennemis d’enfance sont au même endroit; c’est l’épine du lieu. Disons-en du mal chez nous, soit; mais à vingt lieues de là, si nous entendions dire par un étranger, qu'ils mont pas de l'esprit ou qu’ils n’ont pas du cœur, et qu'ils sont de notre endroit; cela nous blesserait et nous prendrions fait et cause pour eux. Oh! certes, voilà bien la patrie dans la patrie; (0) une patrie moins grandiose que celle que nous avouons devant le monde; mais plus intime et plus sensible au cœur. L’horizon, le ciel, les arbres, s’il y en a, les rochers, quand même il y en aurait trop, tout cela a pour nous une physio- nomie que seuls nous voyons, une harmonie que seuls nous entendons, et qui vient nous inspirer par fois de la mélancolie, lorsque nous nous trou- vons au loin, au milieu des tourbillons les plus brillans, en vue des contrées les plus riches, en présence des monumens les plus magnifiques, C'est à ces senlimens que vous correspondez, Messieurs, quand vous prenez sous votre patro- nage les monumens, l’histoire et les traditions locales. C’est pourquoi votre Société n’est pas seu- lementestimée, et pourquoi elle est encore aimée. Vous êtes les conservateurs et les représentans de tout ce qui reste de vos pères, el vous avez raison d’en étrefiers, Vous siégez dans ce Muséum, formé par vos curieuses investigations, au milieu des tronçons de la splendide civilisation des Romains, et parmi les ustensiles du moyen-âge, tous em- preints de la couleur de leur époque. Votre His- toire est assez entreméêlée à l'Histoire nationale de France pour qu’on l’y remarque aux endroits les plus héroïques, J'ai oui dire que la ville du Puy a vu ses murailles démolies par la civilisation avant qu’elles aient pu être conquises par les hommes d'armes, ou renversées par le canon. Qui peut (8) compter le nombre des Papes et des Rois qui visi- tèrent sa merveilleuse basilique ? la noble collé- giale de Saint-Julien de Brioude, la splendide église abbatiale de la Chaise-Dieu , sont encore des témoins imposans de la grandeur de vos pères. Voilà la portion véritablement poétique et popu- laire de votre patrimoine. Vous n'avez garde pourtant de négliger les sciences naturelles; car la nature elle-même vous invitait à les cultiver, en vous placant devant les yeux les portions mises à nu de la charpente osseuse du globe. Le spectacle de ces régions devait nécessairement engendrer des géologues; aussi, vois-je à votre tête un géologue dont je ne saurais apprécier qu'imparfaitement les travaux, mais dont je peux dire au moins que le monde savant m'avait appris le nom, lorsque j’ignorais encore que je ne devais pas rester toujours un étranger pour ces contrées. Enfin, Messicurs, vous ne vous adonnez pas exclusivement à la science et à l’art; vous vous souvenez que lutile est au premier rang de vos devoirs, et qu'il motive principalement le patro- nage honorable et précieux du Conseil général. Les Ecoles industrielles que vous soutenez et que vous dirigez, popularisent dans tout le département les arts mécaniques, et multiplient les ouvriershabiles. Mais avant tout, vous êtes la Société d'Agriculture, c’est encore le plus apparent de vos titres : l’Agri- (eg) culture, récemment élevée au rang des sciences, emporte aujourd'hui une idée de moralité et de noblesse, qui ne peut manquer de se refléter sur ceux qui la cultivent. C’est à raison d’elle que vous êtes particulièrement appréciés de l’Admi- nistration, en vue de l’aide que vous lui prêtez, pour le développement de la prospérité publique. Elle n’éprouve jamais le besoin d’un renseignement concernant la statistique ou la culture locale, qu'elle ne l’obtienne de votre savoir et de votre bienveillance. Vous propagez autour de vous les bonnes idées et les bonnes théories agricoles. Puissiez-vous apprendre à Nes de vos contrées à reboiser ses montagnes décharnées, à restaurer les races abâtardies de ses bestiaux, à livrer ses vastes domaines communaux (avec l’aide indispensable de la loi et de l'administration), à un système de culture moins désordonné et moins stérile que celui qui pèse depuis si long-temps sur eux! Vous le voyez, Messieurs, en parlant de vous, j'ai été conduit naturellement à parler de tout ce qui intéresse et honore le pays. Cela seul prouve que je ne suis ni votre courtisan, ni votre flatteur. Un nom à manqué pourtant à ces souvenirs que je me suis plu à recueillir parmi vous; c’est celui du Prélat illustre qui fut le grand civilisateur de ces contrées ; mais aussi, pourquoi la statue de Galard, ou du moins son image, n'est-elle pas (10) érigée quelque part? Je lai cherchée sur les ponts qui couvrent vos rivières, sur les routes qu’il a ouvertes , à la Cathédrale, à l’Hôtel-de-Ville, au Musée, à la Préfecture même; je ne l'ai trouvée qu’à l'Hospice. C’est assez, sans doute , pour hono- rer sa mémoire; ce n’est pas assez pour acquitter la dette de la reconnaissance publique. Je vous invite à y songer. AAA APS AAA NA AV AA AA VV A VU UV UV URL UV AU VU UV AR AA MU AY VV DISCOURS Prononcé par M.BerTRrAND DE Dour, président de la Société, dans sa séance publique du 25 août 1836. Ce n'est pas seulement pour vous, Messieu rs, ni pour vous en faire un vain titre auprès de vos concitoyens réunis autour de vous dans cette solennité, que vous m’avez chargé de vous pré- senter le résumé de vos travaux depuis votre der- nière séance publique. Si , à la vue des résultats que vous avez obtenus, il vous est permis d’éprouver quelque satisfaction, elle a, j'ose le dire, des motifs plus légitimes et que vous pouvez hautement avouer; car ils sont puisés dans le sentiment d’un devoir accompli et dans l’intime conviction que la voie que vous avez ouverte conduit au bon et à l’utile. (a) Mais, Messieurs , vous ne sauriez oublier le con- cours que vous trouvâtes chez tout ce que la cité et le département comptent d’esprits éclairés, lorsqu'au milieu de la défiance qui s'attache trop souvent à tout ce qui est nouveau, vous concüles la noble et féconde pensée de doter le pays des établissemens qui manquaient à sa prospérité. Et aujourd’hui que ces rêves de votre patrio- tisme deviennent autant de réalités; aujourd’hui que dans cette enceinte décorée par vos soins, vous vous voyez entourés de tant de généreux citoyens, parmi lesquels il n’en est aucun peut- être qui n’aie contribué de ses deniers, de son influence ou du moins de ses vœux au succès de vos entreprises, n’est-ce pas pour vous un devoir, mais un devoir bien doux à remplir, que de leur faire partager vos joies et vos espérances, tout ainsi qu'ils prirent part à vos sollicitudes ? Eh! quel moment plus propice pour acquitter cette dette sacrée, que celui où le premier corps administratif du département , en qui vous avez trouvé un si constant appui, daigne vous accorder quelques heures d’un temps précieux à la chose publique; que celui où notre premier magistrat, dans une allocution trop flatteuse sans doute, mais où vous avez reconnu l'administrateur consommé et l’homme éminent dans les lettres, vient vous renouveler l'assurance d’une communauté de vues dont vous avez déjà ressenti les effets. (12) Animés, soutenus par des encouragemens aussi unanimes, vous continucrez à diriger notre Agri- culture dans les voies de perfectionnement où elle est si heureusement entrée. Déjà d'importantes améliorations ont été obtenues : si elles ne se pro- pagent pas avec la rapidité désirable, ce n’est pas vous qui vous en étonnerez. Lorsque répondant à l’appel de votre fondateur, vous uniîtes vos efforts pour atteindre un but alors bien éloigné de vous, vous ne vous dissimulâtes pas les obstacles qui vous attendaient sur la route; avec quelle lenteur surtout, vous parviendriez à vaincre des habitudes d'autant plus invétérées qu’elles tirent leur force d'un religienx respect pour ce qu'après Dieu il y a de plus vénéré parmi les hommes que n’emporte pas encore le grand mouvement de la civilisation, les usages de leurs ancêtres. Peut-être aussi les résistances que vous éprouvez sont-elles dans la nature des choses. Les décou- vertes de l’industrie se propagent facilement parmi des fabricans concentrés dans les villes, et ayant entr’eux des rapports journaliers qui tournent tous à l'avantage de leur art. Il n’en peut être ainsi de nos Agriculteurs, isolés au milieu de leurs champs, et que la pauvreté autant que leur ignorance tient dans une perpétuelle défiance de tout ce qui pour- rait compromettre les chétifs moyens d’existence de leur nombreuse famille. Et cependant, Messieurs, grâces aux circons- (15) tances qui viennent vous seconder, et surtout à l'accroissement rapide de la population de nos campagnes, qui, créant chaque jour de nouveaux besoins , oblige impérieusement d'y satisfaire ; grâce, oserai-je le dire, au bas prix des céréales et aux étés dévorans qui se succèdent comme pour ajouter du poids à vos conseils, il y a amé- lioration marquée, incontestable dans les procédés de notre Agriculture. Si quelques-unes de vos indications ne sont pas encore comprises; si, malgré les encouragemens que vous ne cessez de proposer, la culture du chanvre reste concentrée dans deux ou trois can- tons, du moins voyez-vous celle des plantes et racines fourragères , ainsi que l'emploi de la grande charrue, s’étendre avec rapidité, progrès vérita- blement immenses, et qui seuls suffiraient à la régénération de notre Agriculture. Déjà vous avez pris vos mesures pour continuer à répandre dans le département les graines de ces plantes précieuses, auxquelles vous ajouterez, cette année, une nouvelle racine destinée à rem- plir, dans les approvisionnemens d'hiver pour la nourriture des bestiaux, un rôle non moins impor- tant que la betterave. C’est à l’occasion de ces distributions, et pour répandre sûrement et avec économie les instruc- üons nécessaires, que vous avez senti la nécessité de solliciter le concours de tout ce que nos cam- (14) pagnes renferment d’hommes animés du désir du bien, et, sous letitre d’associés correspondans, de les intéresser à vos vues d'amélioration. En attendant que vous ayez donné à cette ins- titution les développemens dont elle est suscep- tible , qu'il me sait permis d'exprimer votre recon- naissance aux personnes qui ont bien voulu vous seconder dans vos distributions de cette année. Au premier rang, vous avez déjà placé M. de Bois- Jolin, sous-préfet de Brioude, qui, aprés avoir distribué un premier envoi de graines, a eu besoin d'en recevoir un second pour satisfaire aux de- mandes qu’il avait su provoquer. Que ce fonctionnaire veuille bien recevoir le témoignage public que vous vous faites un devoir de lui rendre! Dans un pays comme le nôtre, où les soins du cultivateur se partagent entre l'Agriculture pro- prement dite et l'éducation des bestiaux, votre attention à dû aussi se diriger vers les moyens d'arrêter leur dégénération. Déjà dans sa Sfatistique de la Haute-Loire, notre confrère, M. Deribier, avait signalé l’appauvrisse- ment des races bovines dans l’arrondissement de Brioude et dans une partie de celui du Puy. La race dite du Mezenc lui paraissait seule se main- tenir dans sa pureté par la précaution que pre- naient les propriétaires de conserver les plus beaux taureaux pour la reproduction. (15) Depuis quelques années, un débouché peu im- portant d’abord, mais qui prend de jour en jour un accroissement effrayant, s’est ouvert sur nos principaux marchés pour nos vaches laitières, et il n’en est aucun où l’on ne vienne enlever , à tout prix, pour le Languedoc et le Dauphiné, celles qui offrent les indices plus ou moins certains de l'abondance de lait. Si l’on combine cette cause nouvelle de dété- rioration de notre race bovine avec le peu de soin que prennent nos cultivateurs pour perpétuer ces variétés précieuses par l’appareillage avec des tau- reaux qui en proviennent, seul moyen connu de les propager et de les perfectionner, il est aisé de prévoir les suites funestes de cette dépopulation, et l’on comprendra combien il importe de cher- cher à y porter remède. Ce n’est donc plus seulement à la plus belle vache, puisque la taille et les proportions de ses formes sont tout à fait indépendantes de la prin- cipale qualité que l’on recherche dans cette espèce d'animaux, mais c’est surtout à celle qui sera la plus abondante en lait le plus riche en beurre ou en fromage; c’est surtout au propriétaire qui justifiera en avoir élevé les produits des deux sexes pour opérer plus tard leur appareillage , que vous réserverez une prime proportionnée aux soins qu’il leur aura donnés. C’est vers ce point important de l’économie (16) rurale, que M. de Dombasle, le premier des agro- nomes de notre temps, appelle attention des Sociétés, qui, comme la vôtre, se sont plus parti- culièrement vouées à la propagation des choses utiles. Mais comme ce moyen d'amélioration n'exclut pas celui qui résulterait du croisement de races se rapprochant de celles du pays par le climat et la nourriture auxquels elles sont accou- tumées , vous avez aussi déterminé une prime propre à favoriser l'introduction de celle du Cantal. On ne saurait assez le répéter : la multiplication et le perfectionnement de la variété la plus juste- ment recherchée de la race bovine, quoique flattant moins l’amour-propre des éleveurs, seraient d’une bien autre importance pour la prospérité de notre Agriculture , que les soins que l’on pourra donner à l’éducation des chevaux de race ou de luxe. Les Mémoires que vous avez couronnés, il y a quelques années, n’ont que trop bien établi que notre pays en général et les habitudes de nos cul- tivateurs y sont décidément impropres. Puisse l’appel que nous faisons au bon sens et au patriotisme des personnes que leur situation metà même de se livrer à l’éducation des bestiaux, les déterminer à des essais qui auraient pour objet la restauration d’une race qui fait la richesse du pays ! Le besoin de plus en plus senti d'améliorer cer- taines de nos industries, nous a aussi déterminé à (17) modifier, cette année , votre programme, en pré- cisant celles qui vous ont paru être les plus sus- ceptibles de perfection. Vous avez vu avec satisfaction le progrès vérita- blement inattendu qu'a fait la fabrique de dentelles, si importante par le grand nombre de mains qu’elle occupe dans le département. Le tableau exposé par M. Théodore Falcon a mérité justement d'attirer vos regards par la nouveauté des fonds, la richesse des dessins et la perfection de leur exécution. La récompense méritée que vous avez accordée à ce jeune fabricant stimulera son zèle, et nous avons le droit d'espérer que les progrès qu’il a fait faire à la plus précieuse de nos indus- tries ne seront pas les derniers. L'occasion s’est enfin offerte de décerner les prix que quatre de vos programmes avaient inuli- lement offerts au poète qui prendrait, pour sujet de ses chants, l’histoire ou les mœurs du pays, ou à l'artiste qui saurait reproduire avec succès quelqu'un de ses sites ou de ses monumers, Un de vos Membres non résidans, M. Fournier, médecin à Pradelles, a répondu cette année à votre appel. Prenant pour sujet une de ces foires de village où nos paysans se rendent, autant pour se délasser de leurs monotones travaux, que pour y conclure quelques marchés, l’auteur a su tracer, en se jouant, quelques scènes de mœurs émi- nemment caractéristiques. Votre Commission a 2 (18) cru reconnaitre dans ces légères esquisses du mouvement, de la facilité, et surtout la vérité locale. Vous avez confirmé son jugement et décidé que cette pièce serait lue en séance publique. Vous avez aussi adopté son avis eb celui de M. de Becdelièvre sur le beau tableau actuelle- ment exposé à nos regards, eb dans lequel , pour la première fois peut-être, la physionomie de notre pays a été rendue avec sentiment: Le nom de son auteur se recommande parmi eeux des paysagistes français qui, depuis quelques années , s'appliquent, avec un zèle digne d’éloges, à faire revivre parmi nous cette célèbre école flamande, qui mit sa gloire et dut sa renommée à limitation fidèle , minutieuse peut-être, de la nature tellé qu'elle s’offrait à ses pinceaux sur les rivages bru- meux de Ïa Meuse et de la mer du Nord. C’est vous dire par quel consciencieux travail Fartiste a voulu reproduire le pays, objet de ses études, à revêtir le vif azur de nos ciels de leurs robes les plus resplendissantes, à conserver à nos monumens leur temte vénérable d’antiquité, et à arracher en qnelqué sorte à nos sites le secret de leur ravissante harmonie, de ce charme indicible qu'ils exercent si invinciblement sur nous tous, enfans des montagnes, depuis notre berceau, et auquel étranger lui-même ne peut échapper; pour peu qu’il reste placé pendant quelques années sous leur magique influence. L’honorable encoura- (19) gement que vous avez accordé à l’auteur de ce tableau ne restera pas stérile. Les beautés pitto- resques de notre pays, ainsi comprises, ainsi ren- dues, sont de nature à exciter vivement l'attention des artistes. Peut-être quelques-uns de ceux qui l'ont traversé à la hâte regretteront-ils de ne lui avoir accordé qu'un rapide et dédaigneux regard. Quant à nous, Messieurs, si nos ressources sont insufhisantes pour provoquer une de ces grandes expositions, luxe à peine permis à un petit nom- bre d’opulentes cités, du moins, en vous res- treignant aux compositions faites avec talent et dont le pays aurait fourni le sujet, entrevoyez- vous la possibilité d'ajouter ,avec l’aide du Gouver- nement et des autorités locales, une collection départementale de tableaux à celles que possède le Musée. : Après lindication de vos vues, dont votre pro- gramme est en quelque sorte l'expression, et celle des résultats que vous avez obtenus jusqu’à ce jour, j'appellerai vos regards sur la situation des établissemensauxquels vousavezattaché votre nom. Ge.n’est plus comme votre Président que je vous présenterai celle de la caisse d’épargnes du Puy, mais au nom de ses Directeurs, et pour satisfaire à la disposition de l'acte constitutif qui leur pres- crit de vous adresser annuellement le compte rendu de ses opérations, perpétuant ainsi le sou- (20) venir de la part que vous avez prise à sa création, et l’obligation que vous avez contractée de con- courir à sa prospérité. Cettecaisse, ouverte le10 mai 1835, a recu jusqu’à ce jour, en 307 dépôts, la somme de 23,722 francs, à peu près autant de milliers de francs qu'il a été versé de millions à celle de Paris dans le même espace de temps. C’est peu, bien peu de chose comparativement, Cependant, ce rapprochement n'offre rien qui doive décourager; car on trouve que dansla première année d’existence de la caisse d’épargnes de Paris, en 1818, il n’y fut versé que 54,000 fr. par 505 déposans , et que celle de Lyon, ne recut en 1823 que 79,207 fr. Ayons donc encore une fois recours, Messieurs, à cette persévérante ténacité qui a suffi pour assurer le succès des autres établissemens que vous avez fondés, et qu’à priori on déclarait im- possibles. Que les amis de l'humanité qui ont généreusement souscrit à cette œuvre éminemment utile, éminemment morale, concourent encore avec nous pour faire pénétrer, dans les classes inférieures, les idées d'ordre et d'économie que les caisses d’épargnes ont pour but de faire germer et de développer. L'avenir de la nôtre est matériellement garanti par la conversion qui a eu lieu des produits de la souscription et de l'allocation du Conseil général en rentes sur l’état, ainsi que par la subvention (21) qui lui est annuellement accordée par le Conseil municipal; l'ordre le plus satisfaisant règne d’ail- leurs dans les diverses parties de sa comptabilité, conformément aux prescriptions de l'acte consti- tutif, Il ne lui manque plus que du temps, cet élément indispensable au succès de tout établis- sement de ce genre, pour en faire apprécier les heureux effetsetla faire triompher des répugnances qu'elle devait nécessairement rencontrer. J'aurai peu de choses à vous dire, Messieurs, des écoles industrielles gratuites que vous avez ouvertes en faveur des jeunes ouvriers de la ville et du département. Leur utilité a cessé d’être mise en question, et c’est avec une satisfaction toujours nouvelle, que nous voyons les jeunes gens, qui en ont suivi les cours avec quelque succès, recher- chés en qualité d'élèves et d’appareilleurs par les architectes des villes voisines, ou poursuivre avec distinction et persévérance la carrière des beaux- arts, où les pousse l'instinct de leur talent. Il est, en effet, peu d’établissemens où l'instruction ait été si bien mise en rapport avec la destination probable des élèves, avantage inappréciable à nos yeux, et dont nous voyons, avec regret, qu'un plus grand nombre de jeunes ouvriers étrangers à la ville ne s’empresse pas de profiter. Il est juste toutefois de ne pas attribuer exclu- sivement l’heureux succès de ces écoles à la pen- sée première qui dirigea leur organisation. Il est (22) également dû au zèle et aux connaissances spé- ciales et pratiques de MM. les Professeurs. Les encouragemens que vous accordez aux élèves n°y sont pas non plus étrangers. C’est pour exciter parmi eux une nouvelle émulation , que vous avez ordonné le dépôt au Musée de leurs compositions, et que vous continuez à leur décerner, en séance publique, les prix dus à leur intelligence et à leur application. | L'intérêt toujours croissant qui s'attache au Musée, m'autoriserait peut-être à énumérer en détail, les différens objets dont ses collections se sont enrichies depuis notre dernière séance. Mais c’est dans les Notices qui accompagnent cha- que volume de vos Annales, que la mention des dons que vous avez recus trouvera plus convena- blement sa place. Je me bornerai, en ce moment, à indiquer ceux qui paraissent plus dignes d'attention. Au premier rang, figure la copie en bronze du Milon du Puget, l’une des deux statues obtenues pour le Musée par M. le marquis de Latour- Maubourg et par M. Joseph Bertrand, ancien député de l'arrondissement. Hâtons-nous d’admirer ce que ce bel ouvrage, l’un des chefs-d’œuvre de la sculpture francaise, offre de détails vrais et vigoureusement rendus dansle jeu des organes mus- culaires. Bientôt un voisinage redoutable, celui du Moïse de Michel Ange, auquel le Milon doitservir de (25) pendant, distraira puissamment vos regards, el nous fera comprendre l'immense distance qui sépare le règne de Louis XIV du grand siècle de la renaissance. Parmi les objets qui ont accru vos collections d'histoire uaturelle, je citerai la belle suite de minéraux du bassin de Brioude, offerte au Musée par M. Aimé Pissis, votre correspondant; celle des ossemens fossiles des environs de Cussac , recueillis et donnés par M. Félix Robert, Membre résidant; enfin, la collection des roches de la Saxe, formée par l’un des professeurs les plus distingués de la célèbre école de Freyberg, et donnée au Musée par un autre de vos Membres résidans. Votre médailler s’est aussi enrichi de dons qui deviennent chaque jour plus nombreux, et entr'autres d’une série de 53 médailles consulaires en argent retirées d’un tumulus auprès de Lissac, et que les ressources de l’année vous ont permis d'acquérir. Mais de quel intérêt peuvent être ces accrois- semens dans vos collections scientifiques comparés aux riches résultats des fouilles que vous avez entreprises à Margeaix, et qui ont été exécutées avec tant de succès sous la direction de M. de Becdelièvre ! Ici, sur une aride éminence, autour de quelques chaumières, d'imposans débris d’une noble archi- tecture, des fragmens de marbre, de porphyre, (24 ) des vases, des fontaines artistement sculptées, des dauphins qui lancaient des eaux abondantes sur ce sol aujourd’hui desséché. Là, aux pieds d’une humble croix ,des naïades, des amours, symboles ou divinités du paganisme, couronnés de fleurs ou de fruits, et conservant, dans leurs formes gracieuses, après quinze siècles écoulés , l'empreinte d’un ciseau digne de Phidias. Quels objets pour exercer la sagacité de Fanti- quaire ! Quels contrastes offerts à nos méditations ! Je laisse à notre savant confrère à vous exposer ses idées sur la destination primitive du monument auquel ces débris ont appartenu, ainsi que sur l’époque où il fut renversé. Les recherches aux- quelles il s’est livré et les connaissances spéciales qu'il possède, vous promettent, sinon une solution satisfaisante de ce problème difficile, du moins de curieuses données sur l’état de lart dans nos pays pendant cette période si peu connue de son Histoire. Pour nous, Messieurs, félicitons-nous de la découverte qui enrichit tout à coup le Musée d'objets déjà précieux par leur travail, mais qui, trouvés sur notre sol, deviennent pour nous d’un prix inestimable. Félicitons-nous, surtout, d’avoir préparé un lieu où ces restes, qui n'auraient pas tardé à être dispersés, pourront être conservés à l'abri des mutilations du vandalisme et des ravages du temps. (25) C’est le même désir de recueillir et de conserver qui vous a déterminé à créer cette bibliothèque historique départementale, complémentnécessaire de vos collections locales, et à opérer sa transla- tion au Musée qui devient ainsi le dépôt de toutes les richesses historiques oulittéraires, scientifiques ou monumentales du pays. C’est là, que par des recherches assidues, vous vous efforcerez de réu- nir ce qui existe encore de ses vieilles Annales. S'il ne vous est pas donné de retrouver tous les documens nécessaires à son Histoire, du moins, en recueillant les matériaux qui peuvent un jour servir à celle de notre temps, échapperez-vous au reproche que nous aurions peut-être quelque droit d'adresser à nos pères. Pour cette œuvre qui commence à peine, nous invoquerons, avec confiance, le concours de nos concitoyens. Combien de pièces égarées dans d’obsecursrecoins quiseraient du plus haut intérêt! Que sais-je, dans ces feuillets salis, auxquels vos mains osent à peine toucher, et là seulement peut- être, se trouve consigné un fait important, la solution d’un point douteux dans notre Histoire, ou quelqu'un de ces détails de mœurs d’autant plus recherchés, que celles de nos ancêtres nous sont plus imparfaitement connues. Je n’insisterai pas sur l'utilité du dépôt que vous ouvrez à ces feuilles legères, à ces documens que chaque jour disperse ou détruit, et dont la (26 ) réunion formera pourtant des volumes d’un grand intérêt. Que les personnes qui ont compris notre pensée et à qui la bibliothèque historique doit déjà de précieux matériaux, recoivent ici l'expression publique de notrereconnaissance. Elle est acquise surtout à notre honorable confrère , à M. Lobeyrac, que tant de services rendus recommandent déjà à celle de la cité, pour les précieux manuscrits de Médicis, Jaquemont et Burel, conservés jusqu’à présent dans sa famille, et dont, avec une rare générosité, il a consenti à nous confier le dépôt. Il sait qu'un soin religieux présidera à leur con- servation. Quelle plus sûre garantie pouvait en effet offrir la Société aux donateurs de la biblio- thèque, qu’en chargeant de sa surveillance celui de nos confrères que distinguent particulièrement son amour pour les lettres ét ses connaissances en bibliographie, celui que M. Pomier eùt désigné lui-même à nos suffrages ; si, au lieu de nous être inopinément ravi, les infirmités qui ont affligé ses dernières années, l’eussent contraint de renoncer à ses fonctions de bibliothécaire. Le nom respecté que je viens de prononcer m'avertit, Messieurs, qu'il me reste encore un dernier, un douloureux devoir à remplir envers ceux de nos confrères que la mort a moissonné depuis notre dernière séance publique, Ce n’est pourtant pas l'éloge de M. Pomier que (27) j’essaierai de tracer. D’autres que moi ont déjà acquitté cette dette de lamitié mieux que je ne saurais le faire. Ils nous ont dit ses vertus, sa douce piété, ses travaux présque tous dirigés vers l'artdifficile de former des hommes, ses succèsquel- quefois mêlés d'amertume, sa mort si prématurée et si prompte. Mais c’est à nous qu’il appartient de consacrer, par l’expression de nos regrets, la mémoire de notre savant et modeste collaborateur, de rappeler l’aimablé et vive bienveillance qu'il apportait dans nos réunions, son exactitude à s’y rendre, cette crainte de blesser qu’il savait si bien concilier avec le respect dû à la vérité, la part toujours active qu'il prenait à nos délibérations ; ses services enfin comme Bibliothécaire et Vice- président. J’ose le dire, Messieurs, nos regrets seront durables, car jamais ils n’ont été mieux mérités. Et pour ne pas sortir du cercle des tra- vaux auxquels M. Pomier s’est livré deconcert avec nous, les Notices qu'il a consignées dans nos Annales sur l'éducation de la jeunesse, cette pas- sion de toute sa vie, la part qu'il prit à la fondation de la caisse d’épargnes, et lutile Manuel devenu pour nous son dernier adieu, ne suffisent-ils pas pour le recommander à l'estime des gens de bien et à vos souvenirs, C’est des mêmes sentimens de philanthropie qu'était aussi animé cet autre de nos confrères que la mort a rétranché naguères de vos rangs, ét à ( 28 ) qui vous devez, à son tour, l'hommage de vos regrets. Bienfaisant, studieux, enthousiaste de tout ce qui promettait au malheureux du soulagement, à l'esprit des jouissances nouvelles, aux sciences des découvertes inattendues, M. d’Authier de Saint- Sauveur se livra, dès sa jeunesse, à l’étude de la physique. Il s’adonna surtout à des recherches sur l'électricité, où son imagination, ardente à s’en- flammer à l’idée du bien qu’il pouvait faire, espé- rait trouver des remèdes à quelques-uns des maux qui affligent l'humanité. Si plus tard, au milieu d’occupations qu’il avait recherchées pour nourrir linfatigable activité de son esprit, le mesmerisme devint à son tour l’objet de ses études; s’il ne fut pas toujours en garde contre ses décevantes illu- sions, c’est toujours dans son cœur qu'il faut chercher la source d’une erreur encore partagée par des hommes d’un grand mérite, et que vous en trouverez l’excuse. M. de Saint-Sauveur fit partie de notre Société à dater de son organisation primitive. Plus d’une fois il a eu l’occasion d'y faire preuve de zèle. Si son grand âge ne lui permettait plus d’as- sister à nos réunions pendant ses dernières années, du moins n’a-t-il jamais cessé de s’intéresser à vos vues et de les partager. Le beau manuscrit sur Histoire du Velay, dont il a fait don à la biblio- thèque historique, peu de mois avant sa mort, en fut la dernière marque. (29) Ainsi, Messieurs, s’éclaircissent nos rangs, soit que les obligations de la vie éloignent successi- vement les hommes recommandables, étrangers à notre pays, qui concoururent si efficacement à fonder notre Société et les établissemens qui en dépendent, soit que la mort moissonne sous nos yeux nos plus zélés vétérans. Encore quelques années, encore quelques pertes comine celles que nous venons de déplorer, et nous pousserions un cri de détresse si, jetant un œil inquiet autour de nous, nous n’apercevions, prête à nous rem- placer, une génération nouvelle, chère et der- nière espérance de celle qui va s’éteindre. Ses habitudes sérieuses, les études fortes et positives auxquelles elle a consacré ses plus belles années, et jusqu'à cette exagération de tous les sentimens généreux qui exaltent son ame, mais que l’âge et l'expérience ne tempéreront que trop tôt, tout nous garantit que notre œuvre ne restera pas imparfaite. Non, Messieurs, ce ne seront pas nos fils, ce ne seront pas les enfans de la Haute-Loire qui consentiront qu'elle redevienne ce qu’elle était naguères, un coin ignoré au milieu de notre belle France. Le doux nom de patrie qui retentit si har- monieusement à leur oreille ne sera pas pour eux un vain mot, et ce sentiment de bienveillance universelle qui enflamme leur jeune cœur, n’est- ce pas vers l'amélioration matérielle et morale du pays où ils ont recu le jour, qu'ils voudront d’abord le diriger ? (30 ) Autant que leurs souvenirs peuvent le leur per- mettre, qu'ils comparent. ce qu'était ce pays aux jours de leur enfance, avec ce qu'il est devenu depuis qu'il suit, d’un pas égal, la marche pro- gressive dela civilisation. Qu'ils voient l'instruction, Famour des arts, l’aisance, le goût des pures jouissances de la vie de famille, se répandre chaque jour davantage, descendre, comme par degrés, depuisles plus élevées jusqu'aux dernières classes de notre population, préparant aïnsi, sans secousses violentes, l’accomplissement des des- tinées promises .au genre humain, et qu'ils nous disent, tout en recueillant ces premiers fruits des travaux dé’ leurs pèrés, si, continuer ce glorieux ouvrage ; n’est pas une tâche digne de leur ambition. Li AAA A AAA AU A UV AA VU UV UV AA AV UV LV AV AN AU AN AA AA AV A AR 5e NOHCE HNDACATAVE Des sujets de prix proposés par la Société, dans sa séance. du 25: août. 1836, pour étre décernés en 1837 et 1938. _: 8. AGRICULTURE. Des primes ensargent, des médailles d’or, d'argent et de bronze, séront accordées aux propriétaires, éultivateurs ôu fermiers qui auront. satisfait aux (4) conditions énoncées dans le présent programme pour un ou plusieurs des sujets ci-après : 19 Plantes oléiféres. A ceux qui auront récolté la plus grande quan- tité de graine de colza, de pavot, de navette, ou de cameline. Cette quantité ne pourra être moindre de cinq hectolitres, soit vingt doubles boisseaux ou grands cartons de la nouvelle mesure. M. de Macheco a récolté, en 1836, 160 hectolitres de colza dans une pièce de 9450 toises. 20 Plantes fourragères: 10 À ceux qui auront semé au moins 3000 toises carrées de plantes fourragères annuelles, vesces, jarousses , faronch, ete, Les deux cantons du Puy sont hors de concours. 20 À ceux qui auront ensemencé la plus grande surface en trèfle, luzerne et esparcet, relativement à l'étendue déleurs terres labourables. 3° À ceux qui auront cultivé, avec les soins convenables:, la plus grande étendueen betteraves, choux cavaliers, choux branchus du Poitou, ou en grossés carottes champêtres. Des! graines de betteraves, de grosses carottes champêtres et de clioux poar fourrages seront distribuées gratuitement à dater de janvier prochain, avéc une instruction sur leur culture, aux personnes qui voudront l'essayer. Elles seront déposées, à Brioude et à Yssingéaux, chez MM. les Sous-préfets; et au Puy, chez le Président et les secrétaires de la Société, et chez le concierge du Musée. (3) 3° Récoltes enfouies en vert, À ceux qui auront enfoui du lupin, du seigle ou autres fourrages en vert sur l’espace de terrain le plus considérable. Certaines communes de l’arrondissement d’Yssingeaux retirent de grands avantages de l’enfouissement du lupin, au moment où cette plante a pris tout son développement. L'introduction de ce procédé dans d’autres communes du département, serait un perfectionnement qui mérite d’être encouragé. 4° Culture du chanvre et du lin. Aux agriculteurs du département qui auront semé en lin, et à ceux des deux arrondissemens du Puy et d’Yssingeaux, qui auront semé en chanvre le plus grand espace de terrain. Cet espace devra être au moins de 400 toises carrées. 50 Défoncemens partiels et successifs des terres arables ou incultes. A ceux qui auront ouvert et comblé, dans l’es- pace d’une année , le plus grand nombre de mètres de tranchées, d’après le procédé de M. le comte de Macheco. Le canton de Paulhaguet est excepté du concours. Ce procédé consiste à creuser, à onze pieds de distance, des fosses ou tranchées de cinq pieds de large et de quinze pouces environ de profondeur. On y enfouit ou l’on en retire les pierres qui en proviennent. Quelques années après , on ouvre de nou- yelles tranchées dans les intervalles des premières, et l’on parvient ainsi à défoncer de grandes surfaces bien plus avan- tageusement que par une seule opération (Annales de la Société, 1834). (35) 6° Charrues à la Dombasle, Charrues dauphinoises. Une prime sera accordée aux agriculteurs ou fermiers de chacun des trois arrondissemens qui auront acheté une charrue à la Dombasle, du grand ou du petit modèle, ou une charrue dauphinoise à oreille mobile. Cette prime sera de 20 francs, Les charrues à la Dombasle remplacent letravail de la béche. On peut s’en procurer chez MM. Dubois-Robert, au Puy, ou s'adresser directement à M. Guimbal-Lhéritier, à Issoire, ou à M. Eyraud, marchand de fer à Brioude. Les cultivateurs qui voudront jouir de la prime proposée, auront à adresser à M. le Président de la Société, au Puy, 1° leur facture d’achat ; 2° un certificat du Maire de leur com- mune, attestant que la charrue est en leur possession. 9° Semis et Plantations d'arbres résineux. Aux propriétaires qui auront fait les semis ou plantations les plus considérables, selon l'étendue de leurs propriétés , en arbres résineux, tels que pins, sapins, épicéas, mélèses, etc. Des prix sont particulièrement réservés pour les semis ou plantations exécutés dans les cantons de Pradelles , Fay-le-Froid et Pinols. 8° Pommiers à cidre. À ceux qui auront planté à demeure la plus grande quantité de pommiers à cidre. Le nombre ne pourra être au-dessous de cinquante. MM.Jacquemet-Bonnefont père et fils, pépiniéristes à Annonay, peuvent fournir un grand nombre de ces pommiers. Un prix sera aussi accordé à la personne qui aurait greffé avec succès, en pommiers à cidre, la plus grande quantité de sau- vageons. M. de Bonneville et M. Liogier offrent de fournir 3 ( 34 ) gratis des greffes de variétés choisies aux personnes qui en désireraient. 9° Amélioration des races d'animaux domestiques. 1° À ceux qui produiront les vaches laitières les plus abondantes en lait le plus riche en beurre et en fromages, et qui en auront élevé les pro- duits des deux sexes pour les appareiller. 20 À ceux qui auront introduit dans le dépar- tement des taureaux, génisses ou vaches pleimes, de race suisse ou du Cantal, ou des moutons mérinos et autres animaux de races choisies. La primesera de 15 à 30 francs pour la race du Cantal, selon la beauté des taureaux ou des génisses. 30 À ceux qui présenteront les plus beaux éta- lons ou les plus beaux élèves en chevaux, mulets, taureaux, génisses et bêtes à laine, nés dans le département. Ces animaux devront être présentés , au Puy, dans la cour de la caserne St-Laurent, à la Commission chargée par la Société de les examiner , en présence de l’artiste vétérinaire du dépar- tement. La veille de la foire de la Saint-Michel est l’époque invaria- blement fixée pour les concours de bestiaux. Il$ auront lieu doré- navant chaque année et à pareil jour. Nota. Les concurrens, pour chacun des prix ci-dessus, devront, avant le 10 juin 1837 et années suivantes, faire parvenir leur demande écrite à MM. Richond et Borie , docteurs en médecine, secrétaires de la Société , et l'accompagner de certificats déli- vrés par M. le Maire de leur commune. La Société se réserve de prendre connaissance, s’il y a lieu, des faits énoncés dans les certificats. (35) $&. COMMERCE ET INDUSTRIE. Aux personnes qui auront introduit dans le département une nouvelle industrie ou perfec- tionné celles déja existantes, entr'autres l’art du poêlier, du potieretdu fabricant de tuiles; à celles qui auront perfectionné les métiers et les divers ustensiles employés à fabriquer les étoffes de laine; à celles qui auront établi des clouteries à proxi- mité de nos houillères, ou partout ailleurs que dans les cantons limitrophes du département de la Loire. À ceux qui inventeraient un procédé méca- nique et économique pour le piquage des fonds et des dessins pour dentelles. $. SCIENCES ET ARTS. | La Société décernera aussi, en 1837 et 1838, dans ses séances publiques, des médailles d’or, d'argent et de bronze, aux auteurs des meilleurs Mémoires : 19 Sur.les améliorations dont l’agriculture et Pndustrie du département peuvent être suscep- | übles; 20 Sur un point quelconque de lPHistoire du département, sur ses antiquités , son histoire natu- | relle, etc.; | 30 À l’auteur de la meilleure pièce de poésie, dont le sujet devra être pris dans l'Histoire du département, ou offrir un intérêt local; | 49 A l’auteur du meilleur tableau ou dessin, de (36 ) la meilleure lithographie ou gravure représentant un site ou un monument du département. Les mémoires et dessins envoyés au concours devront porter une sentence et être accompagnés d’un billet cacheté renfer- mant cette même sentence et le nom de l’auteur. Les billets ne seront ouverts que lorsque les ouvrages auront été jugés dignes du prix. Ils devront être adressés à MM. Richond des Brus et Borie, docteurs en médecine, secrétaires de la Société, avantle 1° juin de chaque année. Les mémoires et pièces de vers couronnés seront insérés dans les Annales de la Sociéte : les tableaux, dessins, etc., seront exposés au Musée. Les personnes de tous les pays sont admises à concourir, excepté les Membres résidans de la Société. Dans sa séance du 25 août 1836, sur le rapport d'une commission spéciale, la Société a décerné : AGRICULTURE. Une médaille en or à M. le baron de Mailhet, Pour avoir élevé et présenté au concours de 1835 , quatre pou- lains ou pouliches de race, nés et élevés dans ses écuries à Vachères. Une médaille en argent à M. Saugues-Sauveur, pro- priétaire à Beyssac, commune de Saint-Jean-de-Nay, Pour avoir ensemencé , dans les années 1834 et 1835, 8000 toises en trèfles. Une médaille en argent à M. Jean-Baptiste Bruschet, propriétaire au Puy , Pour avoir ensemencé à Montbonnet, commune de Bains, 400 cartonnées de terres vaines en essence de chêne ou en pin. Une prime de 50 fr. à M. Fr. Preissat, cultivateur à Bournoncle , Pour ayoir cultivé 4 cartonnées de 225 toises en bz2tteraves, (57) dont il a obtenu près de 400 quintaux de racines, et pour avoir doublé ses cultures en prairies”artificielles. Une prime de’30 fr. à M. Jean Terrasse, cultivateur audit lieu , Pour avoir recolté près de 300 quintaux de betteraves et les avoir employées avec succès à l’engrais des bestiaux. Une charrue Dombasle à M. Pierre Savel, fermier au Poux, commune du Vernet, Pour avoir opéré des travaux et défoncemens considérables sur les terres dudit domaine. Une mention honorable à MM. Rogues, frères, au Puy, Pour des plantations considérables de mürier exécutées dans la commune de Brive. La Société a cessé d’accorder tout autre encouragement pour la culture du mürier. Une médaille en bronze à M. Jean-Antoine Thinel, pro- priétaire-cultivateur , de Roche-Aubert , commune de Lantriac , Pour ayoir semé une surface de 3000 toises en luzerne, esparcet et trèfle. Une médaille en bronze à M. Jean-André Boyer, pro- priétaire-cultivateur, des lieu et commune de Lantriac, Pour avoir ensemencé une surface de 3200 toises en luzerne, esparcet et farouch. COMMERCE ET INDUSTRIE. Une médaille en or à M. Théodore Falcon, fabricant de dentelles au Puy, Pour de notables perfectionnemens dans la fabrication de la dentelle, et entr’autres pour l’emploi de fonds qui la dis- tinguent avantageusement de celui du tul. Une médaille en argent à MM. Januel et Mounier frères, à Dunières, (36 ) Pour avoir établi, les premiers, le siége d’une fabrique de rubans dans le département. # SCIENCES ET ARTS. Une médaille en or à M. P. Thuilher , paysagisteà Paris, Pour son tableau représentant un des sites des bords de la Loire. Ce tableau a été exposé au Musée , selon le programme de 1855. Une médaille en argent à M. Fournier, docteur en méde- cine à Pradelles, Pour son poème intitulé : Les Foires d’Arlempdes. Il sera inséré dans les présentes Annales. Les auteurs des autres piècesen vers ou en prose envoyées au concours, sont invités à les faire retirer chez M. Richond, secrétaire de la Société, ainsi que les billets cachetés qui renferment leurs noms. AAA AA AS AS VU VU MR AV AV AA AU VU VV MA AV AN AVR VV VV UV VU VU VUY MU NOTICE Lue à la séance publique du 25 août 1836, sur les antiquités de Margeaix ; Par M. le Vicomte DE BECDELIÈVRE. MESSIEURS, Nous avons été heureux cette année en décou- vertes d’antiquités romaines, « Nos monts et nos vallées recèlent de précieuses archives pour l’histoire et pour les arts. ( 39) Les uns y peuvent venir étudier les mystères de nos volcans et des soulèvemens souterrains ; recueillir des ossemens fossiles qui serviront à lhistoire philosophique des révolutions du globe, et à prouver qu'il fut souvent bouleversé et tou- jours habité par des races d'animaux dont les espèces ne se renouvelèrent plus à chaque nou- veau repos : que la création de l’homme date du dernier, et ils n’oublieront pas de vous dire que la science que ces études ont pour objet, n’est point en contradiction avec la Genèse. D'autres pourront recueillir aussi des ‘scrip- tions, des médailles, des fragmens d’architecture, et de cette sculpture antique , toujours inimitable, qui serviront à l’histoire des révolutions des empires et des arts. Ce sont des ruines encore parlantes, qui font sérieusement réfléchir sur les voies de la providence, pour nous rappeler à quoi aboutissent les prétentions orgueilleuses de notre espèce humaine. Messieurs, plus j'admire les œuvres de la sculp- ture antique, plus je m’attriste de l'impuissance de nos artistes modernes à les égaler, et certes il y aurait lieu de s’affliger bien plus encore, si les causes que j'entrevois de cette impuissance pou- vaient avoir quelque réalité. Mais, Messieurs, pardonnerez-vous à ma médio- crité d’oser toucher à des questions d’un ordre aussi élevé, et à propos de quelques fragmens (4) d’Antiquités ? Je vous demande grâce pour mes idées , ainsi que pour la manière dont je les exprime. Accoutumé à penser haut avec vous, je le fais dans la simplicité de mon cœur, et j'espère en votre indulgence. Nous dûmes d’abord à quelques habitans du vil- lage de Margeaix, la découverte d’une première petite figure de Cupidon, assis sur un autel, qui fut acquise par M. Béal, ancien juge de paix du canton de Vorey, et donnée généreusement par lui au Musée. Cette précieuse découverte nous fit reprendre des fouilles commencées sur le même lieu en 1821 , et quine nous avaient donnés aucun résultat. Cependant, une tête de naïade incrustée dans un vieux mur, nous avait laissé idée qu'il avait dû exister à Margeaix, une construction antique, idée justifiée par une tradition qui y placait une église ou temple qui aurait été détruit par les Sarrasins. Nous trouvâämes, à une profondeur de 5 pieds, une aire taillée dans le roc, d’environ 15 mètres de longueur sur 5 de largeur. Immédiatement sur l'aire, nous pûmes recueillir nombre de petits cubes en verre ou en marbre de couleur qui attestent l'antique existence sur l’aire même, d’une mosaique; puis, des fragmens de poteries fines et grossières, et des marbres les plus précieux, des débris de vases en verre marin , des ossemens humains et d'animaux, des défenses de sanglier et (#1) des cornes de cerf, un grand nombre de fragmens d'architecture, une tête de naïade à peu près sem- blable à celle déjà trouvée sur le même lieu , une petite massue d’Hercule en bronze, une portion d’une grande cuve ou labrum, une tête de dauphin, un autre dauphin tout entier, la tête basse, la queue entortillée, comme les anciens se plaisaient à les représenter. La tête, le torse, deux bras, les deux jambes et une cuisse d’un second Cupidon; une troisième petite statue de ce dieu , dans la pose et avec les filets d’un pêcheur à l’épervier : les deux pieds seuls de cette charmante figure n’ont pu être retrouvés , ainsi que ses ailes. Voilà, Messieurs, les résultats des heureuses fouilles dont je viens vous entretenir. Qui est-ce qui peut douter maintenant que les arts fleurirent dans la Vellavie, sous la domination des Romains, et que ce peuple y eut des établis- semens plus nombreux et plus importans qu'on ne l'avait cru jusqu'a ce jour? Ces morceaux de sculpture en pierre du pays, grès ou granite, recueillis sur divers points éloignés les uns des autres, ne le disent-ils pas suffisamment ? Il existe entre quelques-uns de ces débris une liaison par le style et par leurs accessoires, qui ne doit point échapper à l'observation, parce qu'elle peut servir à retrouver la date de l’heureuse époque où les muses avaient établi leur séjour parmi nous, (42) On voit au pied de l'autel du Cupidon assis, un havre-sac tout-à-fait pareil à celui que porte l’un des chasseurs du grand bas-relief de la chasse aux cerfs, trouvé à Saint-Marcel, et que le Musée doit à notre collègue, M. Filhot. Dans ce dernier mor- ceau, on remarque une arbalète semblable à celle du beau sarcophage de Solignac, donné au Musée par le Conseil municipal de cette commune. Sur ce dernier monument, on peut remarquer aussi deux génies portant des fleurs, du même style des Cupidons de Margeaix. Or, le bas-relief de la chasse aux cerfs, qui se rattache, comme on vient de le voir, à nos récentes découvertes, se lie aussi par le style à d’autres débris antiques où sont représentés des cerfs, des griffons, et une portion de la figure en bas-relief d’un grand personnage revêtu du palludamentum que portaient les princes aux grandes solennités religieuses. Ce prince, ne serait-ce pas l’empereur Claude, que les traditions ont fait venir consulter Poracle d’Apollon, dont le temple était à Polignac; peut-être sur l’opportunité de la destruction du culte sanglant des Druides ? La date de ce voyage qui aurait eu lieu dans la 47° année de notre ère, et qui semble établie par l'inscription antique conservée à Polignac, ne serait-ce point celle de la construction ou de l’embellissement du temple, à l’aide des largesses que laissa le prince? Si cette hypothèse vous paraît vraisemblable, nous aurions (45) alors retrouvé la date du siècle qui nous valut quelques-unes de nos belles sculptures, celles surtout de nos récentes découvertes, et ce serait celui d’Auguste. Vous taxerez peut-être d’exagération artistique tout ce que je vous dirai sur nos Antiquités; permettez-moi, Messieurs , de m’en justifier d’a- vance, en cherchant à vous prouver pourquoi nous sommes si ardens admirateurs des œuvres de l'Antiquité, et pourquoi nous restons si froids pour celles de nos artistes modernes. Frappé ; comme je le suis depuis nombre d'années et comme je vous l’ai souvent exprimé, d’une décadence très-prononcée danses arts (déca- dence que j'attribue à une cause indépendante de la puissance de nos facultés actuelles), laissez- moi vous citer l’opinion d’un publiciste distingué qui écrit dans le journal Le Temps et qui, à l’oc- casion de l'exposition de 1836, est venu me con- firmer dans mes tristes pressentimens : « Le mal vient de plus loin, dit-il à l’occasion » des vices de l’école actuelle; il n’est pas parti- » culier à la France; il existe partout, depuis que » le souffle poétique des grands siècles a cessé de » remuer les ames et les imaginations..….» Il dit encore : « Dans les temps, toujours fort » longs, qui précèdent ou qui suivent les grandes » manifestalious du génie de l'art, il y a des » sculpteurs, mais pas de sculpture; des peintres, (44) » mais pas de peinture; des architectes, mais pas » d'architecture; nous sommes justement dans le » milieu de lune de ces périodes d’interrègne. » Je ne diffère de l’auteur de ces remarquables lignes qu’en ce qu'il considère notre époque comme appartenant à une période d’interrègne, tandis que je la place au déclin de celle qui les enveloppe toutes et qui date de la création de l’homme. Tout se lie, tout s’enchaïîne dans la nature : c'est du petit au grand. Les plantes comme les animaux, les empires ainsi que les individus n’ont- ils pas leur enfance, leur virilité, leur maturité, leur vicillesse et leur fin? Pourquoi l'histoire du genre humain, considérée dans son ensemble, ne serait-elle point soumise aux mêmes lois, et ne serait-ce pas une exception à cette harmonie uni- verselle que le Créateur s’est plu à répandre sur toute son œuvre ? Dejà le genre humain aurait eu son enfance; puis sa virilité dans ces grands siècles héroïques et historiques, où tant d’inimitables merveilles sortirent de la main des hommes; et quand le génie poétique des grands siècles cessa de souffler, les temps qui succédèrent ne furent-ils point ceux de cette maturité si voisine de la vieillesse ? Une simple liste chronologique des grands poètes ou artistes qui remplirent le monde de leur renommée , depuis Homère jusqu’à Voltaire, (45) | d’Apelles jusqu’à David , de Phidias jusqu’à Julien ; celle des monumens, depuis les Pyramides jusqu’à la Madeleine, de la Thèbes aux cent portes jusqu’à Paris; que nous offriront-elles ? sinon une échelle décroissante, hélas! par trop significative, de l’affaiblissement de la puissance du génie de l'homme... Maintenant, notre admiration pour les œuvres de l'Antiquité est-elle outrée ? Vous, qui avez passé les plus belles années de votre jeunesse sousla férule d’un régent de collége, vous savez mieux que moi qui n’ai pas eu ce bon- heur, et vous vous en apercevrez facilement à ce discours, ce qu'il en coûte d’études et de pensums pour pouvoir comprendre seulement les beautés des grands maîtres, grecs ou latins, de la poésie et de l’éloquence. Raphaël et Michel-Ange, qui sont à juste titre les objets du culte de nos plus habiles artistes, se reconnaissaient inférieurs à ceux de l'Antiquité. Michel-Ange, ce fougueux génie, qui voulut placer le Panthéon dans les airs, devenu vieux et aveugle, se faisait conduire chaque jour près d’un fragment antique que l’on nomme le Torse; là, il en parcourait toutes les formes avec ses mains, certain d'y découvrir de nouvelles beautés ; son génie s’enflammait alors, et il oubliait que ses yeux étaient pour toujours fermés à la lumière. Ainsi , Raphael et Michel-Ange élevaient des (46) autels aux artistes demi-dieux dé PAntiquité, tout comme les modernes en élèvent aux deux grands génies.de la renaissance. Que sont donc les œuvres des modernes comparées à celles de lAntiquité ? Félicitons-nous donc, Messieurs, des récentes découvertes qui sont venues ranimer nos jouis- sances artistiques. A l’aspect de ces charmantes et naïves figures d'enfans, vos ames ne sont-elles point émues ? Comprenez-vous tout ce qu'il y avait de puissance dans le génie de ces artistes de l'Antiquité, qui avaient le pouvoir de faire ainsi circuler le sang et la vie? L’habile artiste voulut d’abord vous séduire par une pose gracieuse et enfantine, naïve comme la nature. Vos yeux vous ont à peine averti que cette figure n’est qu’une pierre dégradée par le temps, que même elle ne fut jamais polie, et déjà la gracieuse pose vous fait sourire; voilà la première impression que voulut produire Partiste. Cupidon s’est fait pêcheur, tantôt à la ligne, tantôt à l’épervier. Dans la première figure, il attend, avec patience et malice, que la pauvre bêté, aquatique ou non, ait mordu à l’hamecon ; dans la seconde, il a lassurance que pas une n’échappera à ses filets. Après la pose, viennent les formes qui vous charment par leur rondeur, leur souplesse et leur harmonie. Vous ne songez point encore que ces parties (47) rondes cachent des muscles charnus; celles qui sont anguleuses, la sommité des os; cependant l'artiste, à limitation du grand sculpteur de la nature , sut donner des apparences si justes à tous ces creux, à toutes ces saillies, formés par le mécanisme merveilleux que la peau cache dans la nature, que, pour quiconque sait y voir, Ce corps opaque devient en quelque sorte transparent. Le sang circule, la vie est là. & Ainsi l'artiste ne s’occupait d’abord que de la tournure ou de l’ensemble de sa figure, puis des grandes divisions qui partagent le corps humain en grandes parties ou morceaux, en parfaite har- monie , qu'il subdivisait ensuite à l’infini, comme cela est dans la nature. Les muscles les plus charnus, les draperies les plus étoffées ne cachèrent jamais ces grandes divisions, ni les emmanchemens des membres, ni les grandes saillies des os, ni les mouvemens du squelette, dont les bonnes proportions font toute la grâce d’une figure. Voudrez-vous me permettre une analyse artis- tique de la petite figure du Cupidon assis sur son autel? Nous verrons ensemble si les principes de Fart, suivis par les anciens, y peuvent trouver leur application. Dans cette petite figures une première ligne qui part des clavicules jusqu’au nombril, divise verti- calement le torse en deux parties. (48) Une deuxième ligne divise les pectoraux; une troisième ligne, qui est très-profonde et à laquelle se vient rattacher l’arcade des vraies et fausses côtes, passe par la première intersection du droit, au-dessus de l’ombilic, et vase perdre dans le dorsal. Une quatrième ligne termine le: torse sur le devant en décrivant une courbe gracieuse , qui se rattache à l’os des îles. Enfin, la cifiquième et dernière ligne verticale, placée dans la partie postérieure du torse, part de la première vertèbre cervicale pour aller se perdre, en décrivant les légères inflexions de lépine dorsale dans le coccix. Vous remarquerez ensuite, si vous savez dis- cerner dans les saillies, celles qui proviennent des os ou des muscles; si vous savez encore comment ces derniers s’effacent en quelque sorte ou deviennent apparens, selon qu'ils restent en repos ou qu'ils sont mis en action, vous remarquerez, dis-je, avec quel bonheur l'artistea su vaincre tant de difficutés; puis, enfin, vous trouverez dans cette petite figure de la grâce , de l'expression ; vous verrez respirer cette jolie petite poitrine; vous admirerez la parfaite har- monie de toutes les parties, l'élégance des formes et de la coiffure, la fermeté, la légèreté de cejoli petit ventre avec son profond ombilic. Voilà, Messieurs, comment savaient faire ces admirables artistes de l’Antiquité. (49) Je borne là mon analyse, pour ne pasme répéter dans ce que j'aurais à dire sur le Cupidon , pêcheur à l’épervier, et de son camarade assis qui, malgré qu'ilsoit revenu tout mutilé de sa lutte avecle temps, n'en est pas moins un type de grâce et de beauté. La tête de naïade, comme celle déjà recueillie, est d’un style qui abeaucoup d’analogie avec celui de l’une des muses qui ornaient le Musée de Paris. Les dauphins sont d’un grand style et tout pareils à ceux représentés dansune grande mosaique d’Avanches. Le fragment de cuve ou Zabrum a des ornemens d’un grand caractère. Cette massue en bronze, d’un si rare fini, a dû appartenir à une figurine d'Hercule, d’une grande perfection. Tous ces morceaux de sculpture, ces marbres précieux, faisaient partie d’un édifice d’une grande beauté. Quel était cet édifice ? Je ne hasarderai aucune conjecture, je laisserai à de plus habiles le soin d’en décider, Nulles fon- dations, nulles médailles, nulles inscriptions, n'ont pu m'éclairer à cet égard. Le terrain dans lequel gisaient tous ces débris, avait été jadis totalement bouleversé. Etait-ce un temple aux bienfaisantes eaux de Margeaix, aux nymphes ou naïades de la Loire, à Diane, à Vénus, avec ses Cupidons pêcheurs et ses dauphins ? 4 ( 50) N'était-ce qu'une de ces ravissantes campagnes romaines, telles que celles dont Pline le Jeune nous a laissé la description, où Cicéron se laissait amollir, et dans lesquelles Sénèque redoutait de passer une nuit, par la crainte d’y respirer un air trop voluptueux ? Certes, le lieu était admirablement choisi; sur cette gracieuse colline, que nous pourrions appeler la baie de la Vellavie, située au fond de la riante plaine de l’'Emblavès , que notre jeune Loire baigne de ses limpides eaux, après s'être reposée molle- ment de ses courses vagabondes à travers nos monts escarpés , alors surtout que cette plaine était entourée de forêts séculaires, qui ont fait place à de riches moissons; et laissez-moi vous dire que si Cérès a droit à l’encens de nos agriculteurs, Diane et les muses lui doivent quelque rancune. On s’est d’abord demandé si ces trois petites figures sont des génies ou des Cupidons. Je penche pour ces derniers. Celui qui est dans la position d’un pêcheur à la ligne est assis sur un autel; il est évident que c’est l’attribut de sa divinité. Les deux autres lui ressemblent trop par la figure, pour n’être pas de la même famille. Ils sont cou- ronnés de fleurs, d’épis et de fruits. Si la quatrième figure, dont nous avons quelques légers fragmens, avait aussi sa couronne de glacons, il y aurait eu là des Cupidons pour toutes les saisons. Vénus, cette fille de la mer, se montrait bien (51) rarement sans être accompagnée de son fils, de ses dauphins bondissant de joie à son aspect, et de ses nymphes ou naïades; ici nous retrouvons Cupidon, les naïades, les dauphins; nul doute que la déesse n’y fût elle-même, et cette pauvre déchue , enfouie dans quelque coin, n'attend qu’un heureux coup de pioche pour reprendre son sceptre et venir régner dans ce temple des arts, au milieu de ses nymphes et de ses amours. Il existe une peinture à Pompéia, dont nous avons une description intéressante sous plus d’un rapport; c'est l'Amour qui enseigne à sa mère les ruses de la pêche à l’hamecon, et, chose digne de remarque, c’est que Vénus a la pose de notre Cupidon, pêcheur à la ligne. Je laisse parler l’au- teur, ne voulant pas prendre encore sur moi la responsabilité de ce qu’il dit à propos de Vénus et de Cupidon, sur un sexe que je crois être calomnié par lui; c'en est assez d’avoir affaire aux artistes modernes. « Cette allégorie, dit-il, fait allusion au pouvoir » de la beauté, qui, par ses piéges, fait passer » Sous la tyrannique domination de l'Amour, la » tourbe des amans qui se laissent subjuguer. » L'auteur prétend encore que cette allégorie est fine et pleine de poésie; vous en jugerez, Messieurs, mais toujours est.il que si Cupidon s’'adonnait, à Pompéïa, aux plaisirs de la pêche, il a bien pu vouloir s’y livrer aussi dans les eaux de Margeaix. (52) Il est encore évident que lédifice de Margeaix était orné de fontaines jaillissantes. Ce fait se prouve par des fragmens de tuyaux de plomb, par les trous pratiqués dans la gueule des dau- phins et par les débris du grand vase où labrum qui servait à l’usage des bains ou des étuves. Etaient-ce les eaux minérales elles-mêmes qui au- raient coulé sur la cime du coteau, tandis qu’elles sourdent aujourd’hui humblement à ses pieds et comme honteuses de n’avoir plus de temple? Je ne le pense pas... Non loin du site de Margeaix, il est une abondante fontaine qui sort en bouillon- nant d’un pic volcanique, et qui disparaît immé- diatement sous un amas de pierres, sans avoir été utilisée par l’agriculture. Les Romains recher- chaient avec trop de soins les eaux des fontaines, qu'ils mettaient toujours sous la protection d'une nymphe, pour avoir négligé celle-ci; et c’est peut-être autour de son réservoir qu'étaient placés Vénus, les Amours, les Dauphins et les Naïades. Quoiqu’il en soit, Messieurs, vous le voyez; notre pays est riche en trésors d’Antiquité. Faisons des vœux pour que des recherches d’une certaine importance puissent être reprises, afin que ces trésors ne restent pas plus long-temps enfouis. Vous me pardonuerez de vous avoir fait con- naître , à l’occasion de ces découvertes, mes peu consolantes idées sur les causes que je crois entrevoir de la décadence des arts. Plus d’une fois (53) elles ont été pour moi l’objet de doutes que j'aurais voulu résoudre à l'avantage de mon siècle. Eh! com- ment n’hésiterais-je pas encore, quand je voisautour de nous une jeunesse si studieuse, si pleine d’ar- deur, si confiante dans l’avenir? Suis-je donc bien certain qu’il soit permis aux yeux de notre faible humanité de pénétrer dans les profondeurs mys- térieuses de la Providence ? Pourquoi ne pas me laisser aller à la douce pensée que cette confiance dans l'avenir est peut-être une de ces manifes- tations surnaturelles d’une régénération qui ren- drait à la puissance du génie de l'homme toute sa virilité ? S'il en était ainsi, Messieurs, que devien- drait ma logique, si bonne qu'elle ait pu me paraître? Ah! laissons-nous aller aux séductions de l'espérance; et vous qui accourez si impatiens de remplacer ceux qui s’en vont, mettez-vous à l'œuvre, faites mieux que nous ; l'avenir vous appartient. AAA AAA A AAA AAA A NV AV A A VV AAA VV AA NAS A A AA A NAS A AL VU MÉMOIRE GÉOLOGIQUE Sur le bassin du Puy ; Par M. Félix ROBERT. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. La Géologie du Velay se perd dans la nuit des temps. L'histoire de son sol et celle des premgrs CRT 7 | (54) animaux qui l’habitèrent , nous seraient encore inconnues, sans l'ouvrage classique de M. Bertrand de Doue, qui est venu nous servir de guide dans l'étude des volcans et celle des terrains lacustres qui se sont déposés aux environs du Puy. L'analyse des couches de ces divers terrains présente à l'observateur une suite de végétaux fossiles qui n’existent plus, ainsi que les débris de plusieurs races d'animaux antiques. Cette contrée a donc été le théâtre de plusieurs révolutions suc- cessives qui auraient englouti ou submergé ces espèces perdues, dont les débrisgisent aujourd’hui dans nos calcaires, nos alluyions marneuses et volcaniques, et sousles cendres même des volcans. En voulant traiter un sujet déjà connu, mon intention n’est point de critiquer ce qui a été dit sur la Géognosie des environs du Puy, mais bien de joindre quelques observations à celles émises par notre compatriote et par les Géologues qui ont visité notre pays. J’ai cherché à expliquer les faits géologiques, en les comparant à ceux que l’on observe de nos jours. Avant de traiter chaque terrain en particulier, il est nécessaire de donner une description succincte de la forme, de la struc- ture physique de la vallée du Puy, et d'entrer dans des considérations générales sur ces dépôts lacus- tres et les volcans qui sont disséminés sur sa surface. Dans la vallée du Puy, le terrain primitif cons- (55) titue la base de tous les autres terrains, et il n’en est presque aucun qui ne lui soit quelque part immédiatement superposé. Cette vallée présente la forme d’une ellipse, dont la Loire serait l’axe le plus grand; sa longueur qui est de quinze lieues correspond à une largeur de huit; elle se trouve divisée par une barrière granitique en deux bas- sins, l’un supérieur ou bassin du Puy, l’autre inférieur où bassin d’Emblavès. Les bords grani- tiques de ces deux bassins , qui sont parfaitement conservés, s'élèvent de 800 jusqu’à 1200 mètres au-dessus du niveau de la mer; en prenant une moyenne, onaura, pour le fond de celui du Puy, une élévation de 586 mètres, prise au confluent de la Borne et de la Loire, ce qui donne à ce bassin une profondeur de 200 et quelques mètres; pour celui d’'Emblavès, en prenant la base à Lavoûte-sur-Loire, on aura une moyenne de 540 mètres, toujours au-dessus du niveau de la mer; ses bords étant plus élevés, sa profondeur peut se fixer à 300 mètres environ. Telle était la configuration de cette vallée, avant qu'elle fût comblée par les dépôts lacustres qui s'y sont formés à deux époques ou périodes diffé- rentes. Cette configuration est-elle primitive, est- elle le résultat de l'érosion des eaux ? Ces questions sont assez difficiles à résoudre; si l’on parvient à bien déterminer l’âge de ces premières formations d’eau douce, l’on arrivera peut-être à leur solution, (56) Le désordre qui règne dans le terrain primitif, l'irrégularité de ses couches qui suivent le plus souvent l’inclinaison des pentes, annonce qu'elles ont été dérangées, et qu’en se soulevant elles ont subi une oscillation que l’on pourrait comparer aux vagues d’une mer houleuse. Ce dérangement des couches primitives existe-t-il de l’époque de la fusion des granites? Je ne le pense pas. L'absence des grès houillers dans notre vallée, le désordre qui règne de même dans leurs couches, indique que le soulèvement du granite a eu lieu après leur formation. Si ces terrains secondaires n’ont pu se déposer dans la vallée, c’est qu'elle était travaillée alors par l’érosion, et que le barrage qui a occasioné le lac où se sont formés, par couches horisontales, nos arkoses, nos marnes et nos cal- caires, se rattache peut-être au soulèvement des Pyrénées ou des Alpes, dont les effets se seraient fait sentir dans nos terrains primitifs. Les eaux pluviales, très-abondantes alors par l'effet d’une température brûlante, eurent bientôt rempli ces deux bassins, qui ne présentèrent plus qu'un lac, au milieu duquel se trouvait une île ou une presqu'ile de granite ; la surface de ce lac s’arrétait au niveau des montagnes les plus basses, où ses eaux trouvèrent à se déverser, pre- mièrement dans le bassin de Langeac creusé par l'Allier, et plus tard dans celui de Retournac où le jette la Loire, En effet, si l'on supprime par la (57) pensée les volcans qui entourent la vallée du Puy, on verra que la barrière granitique qui sépare au couchant notre bassin de celui de Langeac, est moins élevée que les autres d'environ 100 mètres. Il est certain que la Loire n'avait point frayé son passage dans les défilés de Chamalières à cette première époque lacustre, et que les eaux de ce lac se déversaient par Saint-Privat ou Beyssac dans le bassin de Langeac, et de là dans celui de la Limagne d'Auvergne, ce qui complète la série de lacs indiqués par Omalius d’Halloy, dans sa carte géologique de France, depuis la Haute-Loire jusqu’à la mer. Form. lacustres. — Ce premier lac, dans le gra- nite,nous fera connaîtrecomment se sont déposés nos arkoses ou psammites, ainsique lesmarnes etles argiles sans fossiles. Les eaux qui séjournèrent un laps de temps incalculable dans ce lac, décompo- sèrent les granites quise trouvaient sur ses bords;les grains de quartz et de feldspath qui résistaient à cette décomposition, entraînés par les torrens de pluie, s’arrêtaient sur le bas et au fond des pentes pour former les arkoses, tandis que les parties argileuses, se mêlant aux eaux du lac qui tenaient en dissolution du carbonate de chaux, ont déposé par coucheshorizontales nos marnes et argiles sans fossiles, que l’on a regardé long-temps comme un dépôt marin. Là où les eaux contenaient une sura- bondance de chaux carbonatée , ilse formait des | (56 ) calcaires marneux; là où cette action était nulle, il se déposait des bancs d’argile pure; ces bancs d'argile alternant sonvent avec les arkoses et les marnes (1). Ce qui prouve que les marnes sans fossiles ne sont point le produit des eaux marines qui auraient enseveli nos montagnes, c’est que les trachytes et les phonolites , qui sont nos premiers volcans, les auraient conservés sous leurs masses, tandis que leurs laves reposent exclusivement sur le granite, sauf quelques dikes qui se sont fait jour dans le bassin d’Emblavès, à travers les marnes et argiles, comme à Mercœur, ou qui sont en contact avec nos calcaires siliceux , comme à Saint-Pierre-Eynac. Les marnes et argiles sans fossiles que l’on observe sous les volcans basaltiques anciens, qui sont postérieurs aux trachytes et qui se trouvent placés à leurs bases, nous donnent l'élévation des eaux de ce lac et la (1) On voit encore de nos jours cette décomposition des granites. Dans une notice insérée dans nos Annales de 1828, M. Déribier de Cheïssac cite plusieurs exemples où il prouve que nos argiles sableuses er figulines proviennent directement de la décomposition spontanée du granite. Au pont de Malescot, au-dessus du village de Brives, nous avons observé, avec M. Constant Prévot, des arkoses nouvellement formées, ainsi que des portions de granite décomposés en argile. On remarque cette décomposition à Duriane, à Beaubac et sur plusieurs points de notre vallée. A Malpas, on observe un banc d’arkose qui se trouve intercalé entre les marnes et argiles saus fossiles et le calcaire d’eau douce. (59) hautef de ses dépôts d’eau douce, que lon pev rapporter aux formations tertiaires; forma- {ns qui ont été en grande partie conservées par ses laves de ces volcans et celles des volcans modernes. On rencontre dans les arkoses les débris fossiles d'une première végétation, qui devait croître sur les cimes et les bords de ce lac. Ces débris se composent d’une infinité de feuilles , de fruits, de graines qui appartiennent à des dicotylédones; des roseaux souvent gigantesques, le plus souvent carbonisés ; des troncs d'arbres, etc. Ces végétaux, entraînés avec les grains de quartz et de feldspath, se mélangeaient avec la pâte des arkoses qui à remplacé la partie ligneuse; il arrivait souvent que la matière pâteuse enveloppait entièrement les plantes qui se trouvaient au bord du lac, comme on le rernarque dans les grès micachistes de Langeac et dans les arkoses de la Chartreuse de Brives. La conservation de ces fossiles vient de ce que ce terrain est un recomposé de fragmens granitiques créés par un ciment feldspathique, tandis que l’absence des végétaux et des fossiles appartenant à des êtres organisés s’explique dans les marnes et argiles par la décomposition des parties granitiques qui, ayant séjourné long-temps sous les eaux, peuvent se comparer à la vase d’un étang; les corps qui s’y sont rencontrés ont subi une entière décomposition. ( 60 ) Pendant que les terrains primitifs Coik}aient de leurs débris la majeure partie de la valrs qu Puy, les eaux qui se dirigeaient avec violence4y levant au nord et au couchant, entretenaient de courans qui empêchaient certains points de la vallée de se remplir, en rejetant de côté les par- ties marneuses qui, une fois arrivées au niveau du lac, ne présentèrent plus que des marais. C’est dans ces réservoirs auteur desquels les marnes et les arkoses étaient déposées, que les eaux calcari- fères n'étant plus mélangées avec les parties gra- nitiques en décomposition à cause de l'éloignement de ces roches, ont déposé, à leur tour, les gypses et les calcaires purs qui sont aux environs du Puy. Dans quelques endroits plus élevés, des sources thermales contenant des parties siliceuses, for- maient des calcaires siliceux, comme il s’en forme encore de nos jours. La silice toujours abondante dans les sources minérales, aujourd’hui taries, ne s’est pas toujours mélangée aux dépôts de carbo- nate de chaux; il s’est établi souvent des centres d'attraction autour desquels elle s’est groupée, et, par cet effet, elle a formé des masses globuleuses comme à Glavenas, ou des bancs de quartz rési- nites comme à Saint-Pierre-Eynac; la couleur variée de ces quartz, ainsi que des rognons de chrome oxidé que l’on rencontre dans une brèche argi- loïde, rendent cet endroit un des plus intéressans pour la Géologie etla Minéralogie de la Haute-Loire. (61) On ne remarque aucune perturbation dans le sol peñdant la formation des terrains que nous venons de décrire; il semble qu'après ces premiers désordres, la nature s’est reposée. Quelle a été la durée de ce repos? On ne peut que le supposer; des siècles le couvrent du silence de la nuit. L'étude des couches gypseuses et calcaires nous révèlent l’histoire de cette époque, ainsi que les premières races d’animaux qui habitaient ses marais. Leurs ossemens fossiles qui ont été recueillis avec soin par M. Bertrand de Doue, sont déposés au Musée du Puy. Cette belle collection, réunie à celle des coquillages fossiles et à celle des insectes et des poissons que M. Aymard a découvert dans nos plâtrières, leur fournira le sujet d’intéressans mémoires. Je ne ferai qu'indiquer ici les espèces connues jusqu'à ce jour, que l’on peut distri- buer ainsi : Dans'les marnes argileuses des plâtrières, des paludines, des cyclostomes, des empreintes d’in- sectes et de poissons. Dans le gypse et le calcaire d’eau douce, des ciclades, des lymnées, des bulines, des planorbes, des cyclostomes, des cyprès , quelques empreintes de fruits, de feuillage, enfin, les animaux dont la liste suit : 1 Espèce de paléothérium velaunum. ; sie majus. 3 d’antracothérium ! Zelaunum. MINUS « (62) 2 Espèces dé ruminans, une de la taille du chevreuil, l’autre plus petite. 1 de petit carnassier, du genre renard. 1 de rats. 1 de crocodiles. Plusieurs espèces d'oiseaux, dont les os sont le plus souvent brisés, ce qui les rend très-diffciles à déterminer. Ainsi se présentait la physionomie de notre pays à la fin de ces formations tertiaires; les eaux qui se dirigeaient dans le bassin d’Emblavès, en raison de la pente du terrain, réunies à l’action des rivières et torrens qui se déversaient dans celui de Retournac, finirent par s’ouvrir un passage de ce côté et creuser les défilés de Chamalières; prenant alors un cours régulier, elles ravinèrent nos formations lacustres qui devinrent plus tard des vallons. Les terrains calcaires et marneux qui se trouvent près du Puy, n’auraïient point*résisté alors à l'érosion des divers cours d’eau qui le sil- lonnaient, si les volcans n'étaient venus arrêter cette dégradation, en interceptant, par leurs laves, le passage des eaux de la Loire. Volcans. — Les feux extérieurs du globe qui se concentraient à l’intérieur par le refroidissement de l'écorce, communiquant par des réservoirs souterrains aux eaux de la mer ou à celles des différens lacs qui existaient à cette époque, il s'établit dans ces réservoirs une action volcanique , ( 65 ) que le voisinage des eaux occasione souvent. Des portions de terrain primiüf, combinés avec la soude et la potasse, furent mises en fusion. Une fois la matière fondue, des secousses, des trem- blemens de terre se firent sentir sur plusieurs endroits du continent et sur les points soulevés du granite, offrant le moins de résistance au gaz qui voulait s'échapper de ces premiers réservoirs; il se fit des crevasses, des dechiremens qui donnant issue à la matière, par laquelle elle se répandit sur les pentes des terrains, en combla les inégalités, s'épancha en coulées ou s’éleva en dike, suivant que la lave se trouvait plus ou moins pâteuse. Telle est l’origine des premiers volcans qui vinrent troubler le long repos qui suivit cette période lacustre, changer l'aspect et la tempé- rature du Velay, en élevant montagne sur mon- tagne et détruire en grande partie les anciens habitans de ces marais. Il s'établit une suite de cheminées d’éruption depuis le Mezenc jusqu’à Miaune, en suivant une parallèle du levant au nord, Le volcan de Miaune s'étant fait jour au nord, sur la rive gauche de la Loire, ses laves descendirent dans les défilés de Chamalières, et se joignant aux laves de Gerbison qui descen- daient de la rive droite, formèrent cette digue trachytique indiquée dans l’ouvrage de M. Bertrand, qui fit refluer les eaux dans le bassin de l’'Em- blavès, ensuite dans celui du Puy. ( 64 ) Ces deux bassins une fois remplis, il y eut un second lac, dont la surface était égale au pre- mier, sauf une différence dans la profondeur, à cause des anciens dépôts lacustres qui encom- braient notre vallée; les montagnes granitiques qui se trouvent au couchant, n'étant point exhaussées alors par les volcans modernes qui existent aujourd'hui, les eaux reprirent leur direction du côté de l’Allier. Les bancs de cailloux roulés de phonolites et de trachytes que l’on ren- contre au-dessus des calcaires, ainsi que sous les coulées basaltiques modernes , et que l’on suit depuis Farges, Taulhac, Vals, jusqu’à La Roche, indiquent que des courans venant du Mezenc se dirigeaient de ce côté; l’ascension des eaux du grand lac de la Limagne, à différentes époques, vient confirmer cette opinion. Il est fächeux que - l’on ne puisse suivre plus loin ces bancs de galets, qui disparaissent sous les laves de Croustet et sous le plateau basaltique qui provient des volcans de la chaîne occidentale; on pourrait alors fixer ces idées. IL est certain que les courans qui entrai- naient ces galets ont pu les déposer à une certaine distance dans le lac, sans pour cela les trans- porter hors de la vallée. C’est dans les fonds et sur les pentes de ces vallons ensevelis sous les eaux de ce second lac que sont venues à leur tour se déposer nos brèches marneuses et calcaires, nos lignites , et (65) enfin nos alluvions marneuses et volcaniques. Ces différentes couches nous révèlent la présence d'une nouvelle végétation et celle de grands amimaux qui appartiennent aux terrains de trans- port et d’alluvion. Toutes ces espèces ont vécu pendant la longue volcanisation de nos trachytes et celle des volcans basaltiques qui ont surgi à la suite les uns des autres. Les conglomérats volcaniques de nos premiers volcans, s’entassant les uns sur les autres en même temps qu'augmentait l'épaisseur des cou- lées de laves qui s'étaient épanchées les unes sur les autres, finirent en se refroidissant par boucher leurs cheminées d’éruptions et opposer une grande résistance aux nouvelles matières qui se fondaient insensiblement dans les anciens réservoirs. Ces matières parvenues à une fusion plus grande, en raison de la résistance des masses trachytiques, les gaz qui cherchèrent à s’échaper par leurs anciens soupiraux, durent occasioner dans ce terrain des secousses plus violentes, des dislo- cations et même des soulèvemens partiels que l’on ne peut généraliser en cratères de soulèvement, puisque cette action s’est faite plus ou moins sentir sur toute cette ligne de voléans Goe (1) M. Lecoq, savant naturaliste de Clermont, pense que les Monts-Dores et les pays à dômites, qui font partie dela chaine du Puy-de-Dôme, out élé souleyés par les mêmes ee le Y ( 66 ) Les flancs des montagnes offrant moins de résistance, il se fit, sur une ligne parallèle à celle causes; je ne citerai ici que quelques idées de son excellent Mémoire, comme points de comparaison. M. Lecoq croit que les volcans à dômites ont été soulevés par les volcans plus mo- dernes qui sont aux environs de ces puys, que la matière re- fondue aurait éte soulevée en dôme au moment cù ces derniers volcans voulaient se frayer un passage parles anciens soupiraux; des débris de terrains primitifs que l’on observe sur le puy de Chopine, servent à fixer son opinion. Appliquant cette théorie aux Monts-Dores, il pense que les volcans basaltiques qui sont aux environs de Besse et de Murol avaient cherché, à l’époque de leur fusion , à se faire jour par les anciennes cheminées des trachytes , et que l’effet de la vapeur condensée, joint aux gaz produits par la fusion des laves, ne trouvant pas d’issue pour s'échapper , auraient causé des commotions terribles et souleyé les Monts-Dores. Le point le plus considérable du soulèvement aurait eu lieu près du pic de Sancy, où se serait formé le com- mencement de la vallée des Bains, par écartement et par l’en- foncement qui en est le résultat. Les eaux arrivant des divers rayons du soulèvement vers uu même point, auraient formé le cirque qui est au commencement de la vallée et l’auraient creusée comme on la voit maintenant. Ces observations qui ont fait la controverse des géologues, au congrès de Clermont, setrouvent en partie confirmées par les nouvelles éruptions du Vésuve. On écrit de Naples, 2 avril 1835 : « La population de cette capitale est depuis long-temps habi- tuée aux phénomènes continuels du Vésuve; mais l’éruption d’hier a présenté des circonstances dont les habitans les plus âgés n’a- vaient pas encore vu d’exemple. » Depuisquelques jours , le volcan n'exhalait plus qu’un peu de fumée, quand tout-à-coup}, à sept heures du soir , on entendit uno explosion épouvantable et l’on vit sortir avec impétuosité (67) des trachytes, des ouvertures par où s’épanchèrent, sur un terrain horizontal ou faiblement incliné, les nappes basaltiques qui forment les plateaux du cratère une masse de laves enflammées. Il est impossible de se faire une idée de l’énormité de cette masse de feu; elle occu- pait tout le cratère, qui a 2000 pieds de diamètre, et s'élevait à plus de 1200 pieds; aussi les matières embrasées, retombant avec un horrible fracas sur le cratère qui les avait vomies, le fermèrent entièrement, entrainant avec elles au moins 25 pieds du plateau. Alors les nouvelles matières volcaniques ne trouvant plus d’issue , la montagne entière futébranlée , et quatre secousses de tremblement de terre se firent sentir jusqu’à Naples, qui ce- pendant est à trois lieues du volcan, dont un bras de mer le sépare. Pendant quelques instans , les sombres lueurs que l’on apercevait à travers les flancs les plus élevés du Vésuve et le bruit terrible qui les accompagnait, indiquaient suffisamment la lutte qui avait lieu au sommet intérieur du plateau. » Une foudroyante explosion, semblable à la première, apprit bientôt que la violence de l’éruption venait de couvrir le cra- tère, et jusqu’à dix heures du soir le volcan ne cessa de lancer, à 12 ou 1500 pieds de hauteur, d'immenses colonnes de feu et de rochers enflammés. Ces éruptions se succédaient avec tant de rapidité, que les matières qui retombaient se heurtaient ayec celles qui sortaient du cratère. Les détonations étaient presque continues ; elles imitaient tour-à-tour le bruit du tonnerre ou le feu roulant d’une formidable artillerie. » Déjà les paysans des campagnes voisines et des villes en- vironnantes fuyaient de leurs maisons, emportant à la hâte ce qu’ils avaient de plus précieux, lorsqu’à dix heures du soir les detonations cessèrent complètement avec la dernière éruption des matières enflammées. La chute de celle-ci combla de nou- veau-le cratère, ce qui aunonce de prochaines et violentes se- cousses. (Journal du Hävre.) ( 66 ) supérieurs. Aux basaltes anciens ont succédé les volcans modernes dont les cônes d'éruption se sont établis de la circonférence au centre de la vallée du Puy. Du pied de ces cônes à scories, l’on voit sortir des coulées basaltiques qui se sont épanchées horizontalement sur les marnes et les calcaires d’eau douce, et ont formé, par le retrait, les belles colonnades que l’on admire dans nos deux bassins. Les volcans modernes qui surgirent sur la bar- rière granitique qui fermait au couchant notre vallée, interceptèrent à leur tour les eaux du lac qui se dirigeaient vers l’Allier et firent porter avec force les eaux du bassin du Puy dans celui de VPEmblavès. Ces eaux , avec le temps, finirent par creuser leur ancienlitet se réuniren rivières, en se faisant jour le plus souvent entre deux coulées par- ties de deux cônes opposés. Les rivières, transpor- tant au loin quelques lambeaux des terrains qui remplissaient la vallée, creusèrent nos vallons, en mettant à découvert les brèches volcaniques, ainsi que les alluvions qui contiennent les restes fossiles des animaux perdus dans cette conflagration des volcans. Les espèces que j'ai déterminées avec M. l'abbé Croizet et celles connues jusqu'à ce jour, peuvent se distribuer ainsi qu’il suit (1): (1) Mémoire sur les Fossiles de Cussac de Polignac, par F.Robert ( Annales de 1829). Mémoire sur les Ossemens fossiles de $t-Privat , par M. Bertrand de Doue ( Annales de 1828). ( 69 ) Dansles alluvions marneuses, où se rencontrent les squelettes entiers : 1 espèce de Rhinocéros .......,.....,..... PMinutus. 1 de Cerf gigantesque... ............|Soklhacus. 2 de Daims, dont l'une est gigantesque. | Polignacus. L AAUFORE A. reason see ed dte 2 IUPURS 1 de Bœuf gigantesque ............| Velaunus. 2 d’Antilopes .................,.. | Antilopes. Dans les brèches, alluvions et cendres volca- niques : | 8 espèces de Cerfs ou Daims de la taille ordinaire. 2 d'Eléphans nina AT ee 1 de Rhinocéros ...........,......! Leptorinus. 2 de Tapirs, l'une très-petite ss... | Arvernensis. 1 AelUheval AE eee ere Adamicus. 2 de HyEneS.... reste OPElEU Enfin, plusieurs fragmens d’os d’oiseaux du genre oie et de la famille des échassiers, qui ont été trouvés dans les alluvions marneuses, ainsi que des empreintes de coquillages qui se rappor- tent aux ciclades, aux cypris et aux lymnées. Après cet apercu général de la géologie du Velay, il nous reste à étudier en ‘particulier quel- ques-uns de ces terrains, Je me borneraï, dans ce premier Mémoire, à décrire les brèches volca- niques qui sont aux environs du Puy; je conti- nuerai dans la suite l’étude de nos volcans; heureux si mes observations peuvent servir au progrès de la science! (70) BRÈCHES VOLCANIQUES. Les brèches volcaniques qui sont aux environs du Pay, attirent l'attention des étrangers et des Géologues, par leur nature et leurs formes arron- dies qui s'élèvent le plus souvent du fond de nos vallons à des hauteurs considérables; placées sur des sites extrêmement pittoresques, leurs cimes couronnées de vieux châteaux en ruines ou d’églises avec leurs clochers pointus, rappellentles temps historiques du Velay. Ces brèches ont-elles été déposées dans nos vallons alors sous les eaux, par les déjections et les cendres des volcans basal- tiques, anciens ou intermédiaires? ou bien sont- elles le résultat de dikes qui se seraient moulés dans nos calcaires et nos marnes, ainsi que le produit d’éruptions boueuses sorties de nos volcans modernes ? Ces questions sont loin d’être résolues affirmativement. Les faits que j'ai recueillis en particulier, réunis à ceux que nous avons observé avec M. Auguste Aymard, pourront servir à éclairer ces questions. J'appuierai nos observations d’un article que rapporte l’Echo du Monde savant. « Un journal de Calcuta donne des détails sur un volcan situé sur la montagne de Hayadon (montagne du Dragon furieux), dans la presqu'île d’Arakan; il paraît que cette montagne offre un grand nombrede petits cônes éteints, et que deux seulement sont en activité. Ces bouches ont pré- senté la curieuse succession d’éruptions ignées et (aa) de déjections boueuses. Les bouches volcaniques répandues autour de la montagne Isnivome, font présumer que ses produits ont été différens de ce qu'ils sont aujourd’hui, et que la force de pro- jection était alors beauconp plus considérable, » Les brèches volcaniques qui se trouvent autour de nos cônes volcaniques, comme à Denise, à Eyssenac, etc., me paraissent provenir de déjec- tions semblables; celles qui se trouvent au nord du volcan d’Eyssenac, ressemblent beaucoup à une coulée de laves; cette éruption boueuse que l’on voit sortir du pied de la montagne, en suivant la pente du terrain, s’est déversée dans la gorge de la Roche, qui fait le commencement du vallon de Vals. Au domaine de Laval, la matière s’est accu- mulée à des hauteurs considérables, et l’on observe parfaitement la stratification des couches qui sont horizontales dans cet endroit, tandis qu’elles sont inclinées sur les pentes qu’a parcouru léruption. Cette émission des brèches volcaniques a été suivie par une coulée basaltique qui les a recouvertes et protégées contre l'érosion de la rivière de Dolézon, qui se précipite au fond de la gorge, de rocher en rocher; près du village de la Roche, ce torrent forme une très-belle cascade, que l’on ne pourrait découvrir au milieu des arbres qui bordent le rivage, sans le bruit qu’occasione la chute des eaux. Cette gorge, remarquable par son paysage sauvage et pittoresque, ne l’est pas moins sous ses (72) rapports géologiques, par ses assises de brèches qui alternent avec les basaltes et les bancs de cailloux roulés qui sont intercalés entre ces diffé- rentes coulées. Les brèches qui sont autour du volcan de Denise, ont beaucoup d’analogie avec celles d'Eyssenac, par leurs stratifications, leurs caractères minéra- logiques et leurs formes arrondies et fantastiques. Celles qui se trouvent au nord de ce volcan, pro- viennent de même d’une éruption qui a une grande puissance ; la matière pâtefise que l’on voit sortir du flanc de la montagne, s’est répandue dans le vallon, en suivant la pente du terrain jusqu’à Polignac, où, ayant rencontré les marnes et argiles qui lui ont opposé une digue, elle s’est accumulée jusqu'à la hauteur où se trouve le château. Dans cette commune, la brèche de Rocheli- magne offre deux faits géologiques qui concordent avec le volcan de Hayadon. La partie de la roche qui regarde le midi est un dike ou cheminée d’éruption qui s’est fait jour à travers les marnes et qui a épanché autour d'elle une lave à scories qui passe dans quelques endroits au basalte; ce basalte a une tendance à la forme prismatique par ses fissures verticales. Là où la lave est en contact avec les marnes, ces marnes sont fortement alté- rées et quelquefois redressées, des feuillets de fer hydraté les séparent de la matière ignée. Du milieu de la cheminée, on voit sortir une déjection us dr (75) boueuse qui a recouvert la lave et qui a coulé, au nord, jusqu'au village de Rochelimagne, où elle a revêtu la forme arrondie des brèches qui sont autour du Puy. Cette roche renferme de belles géodes de fer hydraté, ainsi que de beaux cristaux d’arragonite en aiguilles. On remarque dans le fond du vallon, la suite de ce volcan qui a surgi sous les marnes; on le suit depuis le domaine de la Barbeire jusqu’à la croix qui est placée sur le chemin qui conduit au village de Bilhac. Ce village est adossé contre une coulée basaltique venant du volcan de Ste-Anne, et se trouve couronné par des brèches volcaniques qui ont précédé cette coulée. Ces brèches ressem- blent au premier abord à des alluvions, et l’érup- tion boueuse qui les a produites a dû être très- considérable; elle s'étend depuis le nord de Ste- Anne jusqu’au ruisseau de Marminbac. Au couchant, sous les cendres et scories de ce volcan, il sort du flanc de la montagne la suite de cette éruption ou peut-être une seconde qui se dirige vers le domaine de Sinzelle; la matière suit parfaitement la pente du terrain, et les stratifications sont dans le même sens. Arrivée vers Sinzelle , elle a rencontré les marnes et argiles et s’est relevée comme les brèches de Polignac, en affectant les mêmes for- mes, En remontant, cette matière a formé une caverne mystérieuse qui vous cause en la trouvant une surprise agréable : cachée par un groupe pr (74) d'arbres , son entrée qui est de 45 pieds de large sur 15 de hauteur, correspond à une profondeur de 100 pieds environ; cette caverne va en dimi- nuant jusqu’au fond, où l’on peut arriver sans accident. : Au levant du volcan de Ste-Anne, les brèches volcaniques alternent avec les basaltes; sous la route neuve qui longe la montagne, avant d’ar- river au détour qui conduit vers Borne, l’on apercoit des brèches à stratifications horizontales qui correspondent à celles de Flayac. Un filon de ces brèches, que lon observe au milieu d’un chemin qui conduit de ce point au village de Polignac, annonce qu'uncéruption boueuse s'était dirigée dans ce vallon, et, en s’'accumulant, avait formé la roche de Flayac. Cette éruption ayant été dans la suite coupée par les eaux, comme celle de Denise, il n’est resté que des fragmens isolés qui se rattachent entr'eux. Les stratifications de Flayac sont très-difficiles à observer; cependant, du côté de Ste-Anne ,, on remarque plusieurs grandes divisions à stratifications horizontales. Les brèches volcaniques de Corneille, de Saint- Michel et d'Espaly, que nous avons étudiées avec M. Auguste Eymard, nous ont offert les résultats suivans : ces rochers ne présentent point de fissures ni de stratifications horizontales, tandis qu’elles sont toutes verticales ou peu inclinées. À l'extérieur, on observe des feuillets verticaux — (75) parallèles entr'eux , qui s'élèvent depuis leurs bases jusqu’à leurs sommets. La base de ces rochers s'enfonce profondément dans le calcaire qui se montre aux environs. À une petite distance de la brèche d'Espaly, en allant vers Denise, la borne a mis à découvert des couches calcaires évidemment redressées dans la direction de ce rocher; un trou nouvellement creusé dans le calcaire de Paradis laisse apercevoir les couches de ce terrain, qui sont horizontales du côté de la montagne et qui se redressent brusquement dans le même sens des premières. Depuis le dernier débordement de la rivière, il est très-difficile de reconnaitre ce redressement des couches calcaires. À l’Arbousset, près d’Espaly, une coulée basal- tique qui se dirige de bas en haut, repose sur des cendres et des brèches volcaniques qui se redressent sur le calcaire; un dike prismatique que lon remarque dans le lit de la Borne, près de la digue de M. Boyer, ainsi que des cendres et des brèches qui se redressent fortement du côté de Denise, et qui supportent la coulée prismatique de la Croix de la Paille, annoncent qu’il existait dans ce bas fond un cratère qui aurait donné lieu au soulève- mentdu calcaire etquiaurait produit la coulée qui a formé la butte basaltique de la Croix de la Paille. En effet, si la lave est descendue de Denise, il est fort difficile de croire qw’elle a pu prendre ses formes aussi régulières, sur une pente aussi rapide, (787 tandis que si elle est sortie du fond de ce premier cratère, elle s’est cristalisée en prismes, en s’ap- pliquant horizontalement sur les flancs de la mon- tagne. Je pense que le rocher d’Espaly faisait partie de ce cratère, qui aurait fourni une déjection boueuse qui se serait durcie à l'air, quand les eaux l’ont démantelé en creusant le vallon : on distingue encore une grande partie du cirque formé par le cratère, Un fait que j'ai nouvellement étudié à Saint- Michel, vient achever d’éclaircir pour moila ques- tion sur l’origine de ces rochers et me convaincre qu'ils sont le résultat d’éruptions pluto-ncptu- niennes. Du côté du nord. en face de la maison de campagne de Bonneville, Saint-Michel repose sur une cheminée : basaltique que lon voit sortir de terre; à quelques pieds au-dessus du niveau du sol, la lave se divise en plusieurs filons basaltiques qui sont adhérens à la brèche et qui s’identifient avec elle, en la traversant dans le sens des feuillets verticaux. La matière volcanique qui a formé Saint-Michel est la même que celle qui a produit Corneille ; ces deux rochers sont sans doute sortis de cette cheminée qui s’est fait jour à travers le calcaire, sous les eaux du second lac qui a couvert notre vallée pendant la période volcanique; arrivée au sommet du mont Anis, la matière pâteuse s’est répandue sur la surface du terrain, ce qui a donné (7) lieu à quelques stratifications horizontales que l’on observe à Corneille, du côté du levant; là, comme à Espaly, il existaft peut-être un cratère qui au- rait été démantelé par les mêmes effets. La conservation de ces brèches est due à leur base profonde que les eaux n'ont pu creuser; sans cette cause, leurs débris seraient dispersés dans le vallon; leurs formes arrondies et fantastiques proviennent de l'érosion de ces mêmes eaux qui ont entrainé les calcaires qui sont aux environs, ainsi que leurs parties les moins dures. Ces dikes se composent de cendres, de scories, de laves qui renferment quelquefois de la chaux carbonatée, concrétionée (fiorite), du granite vitrihié, du gneis altéré avec grenats, des fragmens de calcaire qui ont subi l’action du feu, du quartz irisé ou cor- diérite, quelques zircons, des globules de calcé- doine; tous ces produits sont liés par un ciment faisant effervescence aux acides. De même que la brèche d'Espaly, celle de Ceyssac s'élève en dike du fond d’un vallon extré- mement resserré, et rien n’annonce qu’elle soit le résultat d’un dépôt, la matière se serait conservée sous les nappes basaltiques qui bordent le vallon; quelques fragmens des marnes et argiles sont adhérens à la roche, ce qui dénote qu'elle a été dégagée de ce terrain par le ruisseau qui coule à sa base. Les plateaux inférieurs de Ronzon et de Mont- (78) redon qui correspondent à celui de Chadrac , annoncent que le bassin du Puy n’était point fini de creuser à l’époque des dernières éruptions des volcans modernes ; sans cela, les laves eussent coulé jusqu’au fond des pentes. La différence de niveau des plateaux basaltiques supérieurs aux inférieurs, explique le creusement de notre vallée pendant la période volcanique. Rien ne s’oppose à ce qu'il y eut des cheminées sous les marnes et les calcaires, par où seraient sorties ces déjections boueuses qui se sont durcies à l'air quand les eaux les ont laissées libres en creusant nos vallons tels qu'ils existent aujourd'hui, avec leurs dikes et rochers désignés sous le nom de brèches vol- caniques. ANA AA M AA AU NU UV AAA AAA AG AAA AAA AAA IA AA AS ESQUISSE GÉOGNOSIQUE DES ENVIRONS DE BRIOUDE; Par M. Aimé Pissis, Membre non résidant. —___—— #—— Le but principal de cette Notice étant de servir à l'intelligence de la carte d’une partie de la Haute-Loire et de faire connaître des observations que je ne pourrais exprimer graphiquement, j'ai dû me borner à la seule exposition des faits, sans (79) en déduire aucune conséquence. Comme il fallait néanmoins adopter un ordre quelconque, j'ai suivi le plus naturel, en groupant ces diverses observa- tions d’après leur plus grande analogie; et dans le cas où elles pourraient conduire à quelque théorie un peu fondée, elle ressortirait de l’en- semble même des faits. J’examinerai d’abord l’étendue des diverses for- malions, puis l'inclinaison et la direction des couches dans les roches stratifiées, la hauteur qu’elles atteignent au-dessus de l'Océan; enfin, la direction des principaux filons et des brèches volcaniques. J'ai cru devoir, pour plus de régu- larité, séparer en deux classes les roches de cette contrée : la première contient toutes celles qui sont stratifiées, et la seconde celles qui se mon- trent en filons, en amas ou sous forme de coulée. FORMATIONS STRATIFIÉES. Groupe gneissique. Cette formation constitue la majeure partie des environs de Brioude. Elle se compose presque uniquement de trois roches : le gneiss, le stéa- schiste et le micaschiste; on pourrait y joindre le diorite, qui forme de minces couches subor- données au gneiss. Les diverses parties où elle se trouve à découvert étant indiquées sur la carte, il est inutile que je les rappelle ici. Elle se montre ( 80 ) d’abord sur les rives de l'Allier, à une hauteur de 390 mètres; puis elle s'élève graduellement, à l'est et à l’ouest, pour former deux chaînes de montagnes : les Bitons et la Margeride. Elle atteint dans ,cette dernière partie une hauteur absolue de 1501 mètres. La chaîne orientale est un peu moins élevée; la hauteur du pic de Berbezit, qui en est le point culminant, n'étant que de 1250 mètres (1). ? Du gneiss. Cette roche est la plus développée du groupe qni nous occupe ; elle se montre dans tout le bassin de l'Allier, depuis le confluent de l’Allagnon jusqu’au-delà de Chanteuges, et forme à elle seule toutes les ramifications des deux chaînes indiquées plus haut. Elle est aussi la roche qui atteint le niveau le moins élevé; on la rencontre rarement au-dessus de 1000 mètres. Ses couches sont tou- jours fortement inclinées; je n’en ai jamais vu d’horizontales, si ce n’est dans quelques points où cette position paraît tout-à-fait accidentelle : telles sont les couches que l’on voit entre Ber- bezit et la Chaise-Dieu. Elles plongent d’abord de l'est à l’ouest, puis se courbent subitement pour devenir horizontales sur une longueur d’environ (1)Statistique de la Haute-Loire, par M. Déribier de Cheissac. (81) huit mètres; arrivées à cette distance, elles s'in- flichinent de nouveau et plongent en sens inverse du premier. Le plus généralement les couches de cette roche forment avec l'horizon un angle de 50° à 80°. Quant à leur direction et au sens dans lequel elles plongent, il est on ne peut plus variable , surtout dans les vallées, Au sommet des , chaines , la direction semble présenter un caractère plus constant, et se rapproche assez de celle des lignes de faite. Elle éprouve néan- moins de nombreuses variations ; c’est ainsi que les couches sont dirigées du nord-est aux environs de la Chaise-Dieu, tandis qu’à une petite distance, sur la plaine de Condat, leur direction coïncide avec le méridien. Micaschiste. Le micaschiste peut être considéré comme l'axe des deux chaînes principales; c’est lui qui constitue les sommets les plus élevés et descend rarement au-dessous de 800 mètres; il est loin d'offrir d’aussi nombreuses modifications que le gneiss, et les échantillons de cette roche prove- nant de points très-éloignés, ont toujours entr’eux un caractère de ressemblance que l’on ne peut méconnaitre., Il renferme aussi très-peu de miné- raux, rarement des filons ou des amas de quartz hyalin, qui est d'ailleurs la seule substance qui sy montre un peu répandue. Quant à ses couches, 6 | ( 82 ) elles présentent les mêmes observations que celles du gneiss; leur direction m'a cependant paru plus constante, et dans les points où je l'ai mesurée, elle s’écartait très-peu de la ligne de faite. C’est ce qi a lieu pour le groupe septentrionai de la Margeride; là, les couches comme les points culminans , se dirigent de l’est à l’ouest, Stéaschistes. Le gneiss et le micaschiste ne se trouvent pas immédiatement en contact; ils sont séparés par une roche talqueuse dont la stratification est tou- jours fort confuse. C’est véritablement un réseau de toute sorte de filons, notamment de substances quartzeuses, Si l’on réunit par des lignes les divers points où elle se trouve à découvert, on voit qu’elle forme des deux côtés de l’axe des Marge- rides une zoue quise maintient à peu près au même niveau , et toujours au-dessous du micaschiste. Voiciles diverseslocalités où je lai observée : Tro- penat , Chazelles , Mercœur , Ally, Pebrac; et sur le versant oriental etsur le versant occidental: Saint- Poney, Vabres et le Merle, La chaîne des Bitons pré- sente à l’ouestles mêmes observations. Cette roche paraît être uniquement le gîte des filons métalli- fères; il est rare qu’elle se montre à découvert sans qu’on y trouve du sulfure d’antimoine , de la galène ou des pyriles. La plupart des mines ex- ploitées dans le nord de la Haute-Loire appar- ue de (63) üennent à cette formation. La mine de la Chas- saigne présente même, sous ce rapport, un fait très-intéressant, puisqu'il montre que cette roche se retrouve également au-dessous du gneiss. La partie supérieure du puits est creusée dans cette dernière roche, tandis que le filon exploité se trouve au milieu du stéaschiste. L’on voit en résumé que le gneiss occupe les points les plus bas de cette partie de la Haute- Loire que le micaschiste se montre sur un niveau supérieur, et que l’axe des deux chaînes qui courent du sud au nord, de chaque côté de VAllier, est uniquement formé de micaschiste. à Groupe carbonifére. Les roches qui font partie de ce groupe forment des deux côtés de l'Allier plusieurs petits systèmes, presque toujours placés au confluent d’une rivière, La partie où elles ont pris le plus de développe- ment se trouve au nord de Frugères, dans tout Pespace compris entre l'Allier et PAllagnon. C’est aussi le point où la houille se montre en plus grande quantité; elle alterne avec des couches de schiste renfermant an grand nombre d'empreintes végétales qui se rapportent pour, la plupart au genre equisitum, aux fougères et aux graminées. Lés autres roches qui forment ce terrain, sont le psammite et les arkoses; celles-ci constituent un pett système de montagne qui se montre sur ( 84) les bords de l'Allier, en face de Jumeau; elles semblent occuper la partie inférieure des terrains houillers, du moins reposent-elles immédiatement sur le gneiss. Les couches de cette formation sont toujours fort inclinées, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre; mais un fait général, c'est que partout où je les ai observées, elles reposent en stratilication discordante sur les couches de gneiss. Leur direction n’est pas moins variable que leur inclinaison; il est rare qu’on puisse les suivre sur quelques centaines de mètres sans les voir se courber et tout-à-coup se diriger soit à droite, soit à gauche de la ligne qu’elles avaient paru suivre. Le terrain houiller de Langeac pré- sente, après celui de Frugères, le plus de déve- loppemens; il se compose absolument des mêmes roches, et présente pour ses couches les mêmes observations. Il est surtout remarquable par la grande quantité de fossiles qu’il renferme; mais il présente, indépendamment de cela, deux autres faits assez importans : le psammite schisteux est la roche dominante: on sait qu’elle se compose de quartz etde mica; or, cette dernière substance pré- sente presque toujours ici une couleur blanche, et cette couleur est aussi celle du mica qui se trouve dans les gneiss environnans, tandis qu'à une dis- tance de deux ou trois lieues, c’est le mica noir qui domine ; le second fait est relatif à la hauteur qu’atteignent dans quelques parties les couches (85) de ce terrain, On en rencontre d’abord au niveau de Allier, c’est-à-dire àenviron 500 mètres au-dessus de lOcéan, et, un peu plus au sud , elles attei- gnent 1000 mètres. Lesautres lambeaux du terrain houiller sont beaucoup moins étendus; les couches carbonifères y sont extrêmement rares et de peu de puissance. Ces divers groupes possèdent d’ailleurs entr'eux un ensemble de caractères qui les dis- tingue toujours des parties plus étendues de la même formation. Le péroxide de fer paraît do- miner dans les roches qui les constituent; il leur donne un aspect rougeâtre et semble tenir ici la place des matières bitumineuses; il y amême unde ces lambeaux que lon pourrait rapporterau gneiss rouge, si la différence de couleur d’une roche, si la présence d’une substance minérale particulière prouvaient des caractères suffisans pour établir une séparation entre deux systèmes identiques d’ailleurs, quant aux autres caractères. Ce terrain se montre sur la rive droite de Allier, près du village de Lende; il se compose de couches de psammite et de pouding qui finissent par se confondre avec l'argile rouge qui constitue toute la plaine au-dessous des plateaux de Rilhac. Quel- ques-unes de ces couchesrenferment du carbonate de cuivre et du sulfate de baryte. Le premier de ces corps se rencontre dans le gneiss qui sup- porte ce terrain, et présente ainsi un fait analogue à celui du mica de Langeac, où il est disséminé dans les couches et ne forme pas de filons. ( 66 ) FORMATION LACUSTRE. L'étude de ce terrain présente de grandes diffi- cultés à cause dela variété des roches qui le com- posent et de leur peu de développement, dans la partie où il semble avoir atteint toute son étendue en épaisseur, à la montagne de Molzon, près le village de Beaumont. Voici la série que l’on observe : à la partie inférieure et en contact avec le gneiss, l'argile rouge stratifiée; au-dessus, une couche très-puissante de marne bleue, traversée par quelques bancs de calcaire lacustre semblable à celui des environs de Clermont, puis vient une nouvelle couche d'argile rouge qui se distingue des couches inférieures, en ce qu’elle contient une quantité notable de carbonate de chaux; c’est une marne fortement argileuse : sur cette couche repose un gneiss à ciment calcaire (macigno de Brongniart), qui supporte lui-même une couche de calcaire concrétioné, souvent carié, comme le silex molaire et renferment des nodules d’agate, d’autres fois très-compacte et offrant tous les carac- tères du calcaire jurrassique; telle est, en général, la cemposition de ce terrain dans toute sa partie occidentale ; mais lorsqu'on s’avance à l’est , toutes ces roches se modifient, se confondent et ne forment plus qu’une puissante masse de sable qui conserve encore dans ses diverses parties la cou- leur des couches qui leur sont parallèles. Ainsi, on y trouve une couche verdâtre qui correspond (87) à la marne bleue; il est rouge dans celle qui est la continuation de l'argile calcarifère et plus ou moins blanc dans sa partie supérieure qui est le prolongement du calcaire concrétioné; toutes ces modifications peuvent s’observer au pont d’Arvant, sur la route de Brioude à Lempdes. On peut suivre la dernière de ces couches dans toutes ses modi- fications; 1l suffit, pour cela, de se diriger de ce point vers les plateaux de Laroche. En passant près de Bard, le sable devient bientôt plus compacte et forme un grès calcaire; puis le quartz de celui-ci devient de plus en plus rare, et l’on n’a plus qu'une masse compacte de carbonate de chaux renfermant encore un peu de silice. Toutes ces diverses couches sont généralement horizontales, excepté sur quelques points que j'ai fait connaître dans une notice sur Laroche. Elles présentent encore une inclinaison sensible, en plongeant au nord à la Croix des Frères, sur la route de Brioude au Puy. Cette formation contient peu de fossiles; les seuls mollusques que j'y ai rencontrés, sont quelques lymnées qui se trouvent auprès de Laroche, dans une couche calcaire qui n’a pas plus de deux pouces d'épaisseur et qui s'étend à peine à quelques mètres. On trouve quelques osse- mens de grands mammifères dans le Macigno, aux environs de Bard. Alluvions. Des couches sableuses alternant avec des galets ( 88 ) basaltiques ou quartzeux recouvrent toutes les formations que je viens de décrire et ne laissent çà et là que quelques points à l’observateur. Ces couches sont généralement horizontales et forment le sommet des plateaux lacustres. Je n’y ai point encore rencontré de fossiles, quoique je les aie étudiées avec toute l'attention qu'il m'a été pos- sible d'y donner. Je n’ai pas indiqué cette forma- üon sur la carte, parce qu’elle aurait dérobé la plupart des autres terrains. Ses limites sont, en général, celle du terrain lacustre; elle forme, de chaque côté de lAllier et de l’Allagnon , deux zones souvent interrompues, mais qui se continuent fort loin au-delà du département. ROCHES D’ÉPANCHEMENT. GRANITES. Granites ou filons. Le granite ne forme aux environs de Brioude que des filons, dont l'épaisseur atteint quelquefois trente mètres; ils ne traversent jamais d’autres formations que le gneiss; on le voit alors enve- lopper de grosses masses de cette dernière roche qui semble d’ailleurs n’avoir éprouvé aucune alté- ration; les feuillets sont tout aussi distincts que dans les parties éloignées du granite, quelquefois seulement elle offre une teinte rouge due à la suroxidation du fer. Sur tous ces points, le granite présente toujours, à la couleur près, les mêmes (89) caractères; son grain est très-fin et l’union assez rare; on n'y rencontre jamais de gros cristaux de feldspath, comme cela a lieu pour d’autres variétés de cette roche. Grande formation des granites. Le gneiss se montre sur la rive gauche de l'Allier, depuis le confluent de l’Allagnon jusqu’au- près de Saugues; mais arrivé à ce point, les mon- tagnes changent tout-à-coup d'aspect; ce ne sont plus ces formes arrondies qu’elles avaient d’abord; les vallées se trouvent encombrées d’une grande quantité de blocs énormes et rappellent, par leur aspect, les contrées trachytiques. Tous ces blocs et les montagnes qu'ils recouvrent sont formés par un granite à larges cristaux de feld- spath, renfermant degrandes paillettes de mica noir; il est presque toujours dans un tel état de décom- position, qu'il se désagrège avec la plus grande facilité, et c’est à peine si l’on en trouve quel- ques fragmens assez durs pour avoir des échan- üllons dout les surfaces ne soient pas ternies par les nombreuses fissures qui divisent ces blocs. Cette roche constitue une série de montagnes coniques que j'ai suivies depuis la Bessière jusqu’à Grandrieu, et qui paraissent s'étendre bien au-delà en se dirigeant toujours vers le sud. Il ne m’a pas été possible d'observer son contact avec le gneiss, ce qui m'aurait sans doute offert plusieurs faits \ (90 ) intéressans. La plupart de ces montagnes sont couvertes de bruyères, et il faudrait trouver quelque ravin qui en mit l’intérieur à nu, J’engage les géologues qui auraient l'intention de parcourir ces montagnes, de suivre principalement la ligne de séparation que j'ai indiquée sur ma carte; bien que cette limite n'offre pas toute l'exactitude que j'aurais désiré y apporter, je leur épargnerai ainsi bien des courses inutiles; car en-decà et en- delà les montagnes sont toujours les mêmes, tou- jours du gneiss et du granite; et s’il est quelques faits capables d'éclaircir l’origine de ces mon- tagnes, c’est à la jonction de ces deux roches qu’on doit les observer. Serpentine. Cette substance forme toujours des amas ou des dikes de peu d’étendue, au milieu du gneiss et assez généralement dans le voisinage des bouches volcaniques. Ils semblent d’abord disséminés sans aucun ordre; mais si l’on joint par des lignes droites les divers points où cette roche apparait, on trouve que de toutes les lignes ainsi menées, celles qui en renferment le plus sont deux lignes parallèles dirigées à peu près du sud au nord.Ces divers points sont : Jumeau, Paulhac, Malapeyre, Champagnac-le-Vieux, Coste-Cirgue, Saint-Ilpize, Saint-Poncy;et, au sommet des Margerides, le hameau de la Pauze. La ligne la plus orientale (91) comprend la Pauze, Saint-Ilpize et Coste-Cirgues; Fautre ligne, Saint-Poncy, Malapeyre, Paulhac et Jumeau. Le seul point qui se trouve hors de série, est Champagnac; les minéraux qui caractérisent cette formation, sont : l'amiante, le quartz fibreux , le sulfate de chaux et, dans quelqueslieux, le cal- cairesucharoïde. L’éloignement où se trouve cette roche de toute formation sédimentaire, empêche de déterminer l’époque de son apparition. Elle doit cependant avoir joué un rôle important dans la formation des deux principales chaïnes qui traver- sent cette partie du département ; c’est du moins ce que semble indiquer le fait suivant : Lorsque j’ex- plorais les Margerides, je fustout étonné du chan- gement brusque qu’elles me présentèrent à leur extrémité septentrionale; laligne de faite avait jus- qu’alors couru du sud au nord; je la vis se diriger tout-à-coup de l’est à l’ouest; la nuit commençait et je m’arrêtai dans une petite ferme qui se trouve sur ces montagnes. Le lendemain, je remarquai que les murs de cette habitation étaient presque uniquement construits avec des serpentines; je cherchai alors le gisement de cette roche, etje ne tardai pas à le trouver tout près de là , sur le bord d’un bois de pin, et je pus m'assurer ainsi qu’elle se trouvait précisément au point où la chaîne change de direction. ( 92 ) FORMATIONS VOLCANIQUES. Les trachytes ne se montrent point auprès de Brioude : la partie la plus rapprochée où on les observe est la base du Cézalier, à environ huit lieues de cette ville; mais il n’en est pas de même des formations basaltiques; ces roches occupent, après le gneiss, la plus grande surface. Elles se rattachent à deux systèmes principaux, dont elles ne sont que le prolongement, celui de la Durande et celui du Cézalier. Tantôt elles recouvrent de larges plateaux et leurs nappes se trouvent subi- tement interrompues par les vallées. Dans ce cas, elles reposent ordinairement sur une couche de galets basaltiques, tels sont les Easaltes de Blesle, de Lamothe, de Chilhac, etc. D’autres fois de minces coulées s’échappent d’un cône de scories et descendent jusqu’au fond de ces mêmes vallées. Les laves de la Vergneure, de Saint-Arcons, de Nantière, se trouvent dans ce cas. Indépendamment de ces dispositions qui sont les plus fréquentes, le basalte forme encore des dikes isolés, tels que les pics de Laroche, d’Esteil et de Saint-Ilpize. Cette roche repose alors immédiatement sur le gneiss ou sur les couches tertiaires. Les cônes de scories sont assez souvent terminés par un cra- tère; ils ne suivent aucune direction déterminée ; ils sembleraient cependant former une espèce de cirque autour du bassin de Paulhaguet; mais on (95) peut tout aussi bien regarder la courbure de cette ligne, comme une bifurcation de la série de bouches volcaniques qui partent du pic de la Durande, s'étend vers le sud et passe au lac du Bouchet. La plupart des éruptions volcaniques ayant eu lieu à travers le gneiss, les laves qu’elles ont produites doivent présenter fort peu de miné- raux disséminés. Ce sont toujours des roches pyroxéniques, et le péridot est presque la seule substance que lon y rencontre. Elles renferment en outreune grande quantité de fragmens de gneiss, le plus ordinairement fondus à leur surface de contact. Le volcan des Grèses, près Lamothe, est - remarquable pour ce fait; il est rare que l’on casse une des nombreuses bombes volcaniques qui s’y trouve, sans voirle milieu occupé par un fragment de cette roche. Je n’ai jamais rencontré sur aucun de ces cratères le fer oligeste qui tapisse si sou- vent les laves des monts Dômes, Il n’y a non plus aucune couche stratifiée au-dessus de ces diverses coulées. . AAA VI A A AV AA UV VV AU MY AU VAR AV AU AVR RAA PL A AV UV RAR VU AR LAS MA VA DISCOURS SUR LES ÉTUDES HISTORIQUES ; Par M, Victor Pissis, Membre non résidant. Depuis quelques temps, Messieurs, les études historiques out repris faveur en France. Le Gou- ( 94 ) vernement les encourage ; le public paraît y prendre goût; notre jeune littérature entre avec ardeur dans cette direction, L'époque actuelle est décidément une époque sérieuse, une époque de travail; et l'esprit humain trouve aujourd'hui ses jouissances et ses délasse- mens dans de graves et laborieuses études qui jadis eussent effrayé les plus ardens. Ainsi, la géologie, la minéralogie, les autres sciences naturelles qui , il y a peu de temps encore, n'étaient cultivées que par un petit nom- bre de savans, sont devenues aujourd'hui en quelque ‘sorte populaires, grâces à la manière dont elles ont été professées et expliquées. Ainsi, l'Histoire qui, pendant plusieurs siècles, est restée le patrimoine exclusif de nos vieux Bénédictins, est aujourd’hui l’étude de tout le monde; nos vieilles chroniques nationales, nos vicilles chartes, nos vieux manuscrits abandonnés long-temps à la poussière de nos bibliothèques, sont aujourd’hui compulsés, étudiés, expliqués par une foule de jeunes hommes studieux; les femmes elles-mêmes qui, en France, onttant d'influence sur nos idées , nos goûts, nos habitudes, se sont décla- rées en faveur de ce genre d’études; elles ont poussé la littérature dans cette voie, et ont forcé le roman de se faire historique. Bientôt, j'espère, le Journal des Modes nous donnera la suite des lettres de M. Augustin Thierry, sur l'Histoire de France. (95) Félicitons-nous, Messieurs, d’une tendance aussi honorable pour notre époque; il pourra en sortir de belles et grandes choses; et quand tous les trésors enfouis dans nos vieilles bibliothèques auront été explorés, quand tous les matériaux d’une grande histoire nationale auront été ras- semblés, peut-être quelque main habile et intel- ligente, qui se cache encore, viendra-t-elle fonder à la gloire de notre littérature, un monument qui lui manque jusqu’à présent. En attendant, et pour favoriser cette heureuse impulsion que nous venons de signaler, il serait à désirer que toutes les Sociétés savantes donnassent des encouragemens à ce genre d’études; que le Gouvernement fit part aux bibliothèques départe- mentales des richesses que contiennent, sous le rapport historique, les bibliothèques de Paris et particulièrement la bibliothèque royale; que de nouvelles éditions de nos vieux chroniqueurs fussent répandues dans les provinces, et que les hommes de savoir et d'étude fassent chargés spé- cialemeut de recueillir et de publier les résultats de leurs recherches et de leurs travaux. Pénétrés de Putilité de cette mission, des hommes labo- rieux etintelligens, que leur position tient éloignés de la capitale, se livreraient avec persévérance à l'étude de nos vieilles chroniques, écriraient des histoires locales, et prépareraient ainsi Pœuvre à laquelle nous devons tous nous intéresser, la fondation d’une grande Histoire nationale, (96) Je n’ai pas, Messieurs, la prétention de pouvoir être utile sous ce rapport; ce n’est certes pas la volonté qui me manquerait; mais le temps d’abord, et puis, vous le comprenez, bien d’autres choses. Mais notre pays est riche en jeunes hommes labo- rieux et savans auxquels cette tâche honorable pourra sourire; et j'ai la confiance qu'avant peu notre département pourra s’honorer à cet égard de quelque œuvre de conscience et de savoir. Oui, Messieurs, je connais, dans la Haute-Loire, plus d’un jeune bénédictin qui, sous lhabit et les mœurs élégantes du 19° siècle , cachent une science profonde, et travaillent, depuis plusieurs années, dans le but de nous faire part de leurs intéressantes et utiles recherches sur d'Histoire de France. Parmi les études de ce genre, celles qui portent spécialement sur notre Histoire locale seront dignes, ce me semble, de fixer l'attention de votre Société. Déjà un de nos anciens confrères, le docteur Arnaud, nous a donné une Aistoire du Velay qui sera utile à ceux qui voudront l’entre- prendre sur un plan pluslarge et plus philosophique. L'Histoire du Velay et l'Histoire d'Auvergne se lient essentiellement l’une à l’autre; il y a eu long-temps solidarité entre ces deux pays; long- temps les comtes du Puy , les vicomtes de Polignac, ont été les fidèles alliés des comtes d'Auvergne, et ont partagé leur bonne ou leur mauvaise fortune. | (97) Dans les classes peu éclairées il a existé, il existé peut-être bien encore un préjugé de localité qui ten- drait à donner des intérêts opposés à ces deux pays que le lien d’une administration commune doit au contraire essentiellement rapprocher. Mais déjà, Messieurs, ce préjugé s’efface chaque jour; déjà tout le monde ici comprend le bienfait de la centralisation, de l'unité gouvernementale qui doit nécessairement amener l’unité des vues, des inté- rêts, des besoins, ct par suite faire disparaitre l’étroit préjugé de la localité, Pégoisme de la com- mune, l'intérêt du clocher, au profit de l'intérêt plus grand, plus noble, plus fécond, de la grande communauté. En partant de ce point de vue, Messieurs, et revenant au sujet que j'avais d’abord indiqué, je dis qu'une Ihstoire d'Auvergne , par exemple, devra intéresser tout notre département, et que celui qui entreprendrait consciencieusement et : avec intelligence la tâche de fouiller dans nos vieux manuscrits pour en rebrer les matériaux d’une bonne histoire locale, et qui ensuite saurait écrire en philosophe une telle Histoire , celui-là mériterait notre reconnaissance à tous. Il y a quelques années, à la suite d’études assez sérieuses dans ce genre, j'avais commencé un travail sur l'Histoire d'Auvergne, travail bien peu complet, bien peu digne de fixer votre attention, mais dont vousme permettrez de vous lire quelques 7 (98) pages, tant je compte sur votre indulgence, Messieurs , peut-être devrais-je dire sur votre patience! ESSAI SUR L'HISTOIRE D'AUVERGNE. FRAGMENT. En remontant à la plus haute antiquité, on pense que l’Auvergne a été d’abord un état monar- chique très-étendu. Suivant Strabon, elle était limitée d’un côté par la Loire, et de l’autre par les territoires de Narbonne et de Marseille (1). Athénée dit que ses rois étaient extrêmement puissans, et Diodore de Sicile rapporte qu’on trouvait abondamment de l'or dans ces contrées (2). Aussi les armes romaines pénétrèrent-elles diffi- cilement dans cette partie des Gaules; un peuple qui pouvait mettre en campagne des armées de cent mille hommes, comme celle que l’Arverne Bituitus conduisit contre Domitius, l’an 627 de Rome , n’était certes pas un peuple facile à conquérir (3). La lutte fut longue et opinñtre, et il ne fallut pas moins que le génie et la fortune de César pour dompter ces vieilles races Arvernes, dont (1) Strabon, Géogr., lib. 4, pag. 152. (2) Athen., lib. 4, cap. 14. — Diod. Sic. , lib. 5, cap. 20. (3) Elorus, pag. 77. — Velleius Paternus, lib. 2, pag. 175. (99 ) les ‘têtes et les poitrines furent long temps plus dures que le fer des Romains. Enfin, la défaite de Vercingentorix, l’an 702 de Rome, réduisit l’Auvergne en province romaine; et depuis cette époque jusqu’à linvasion des Goths, en 475, elle resta sous la domination de Rome. Rechercher quelle fut l'influence de la civilisa- sation romaine sur cette vieille terre d’Aavergne qu’elle occupa pendant plus de cinq siècles; quelles idées, quelles mœurs nouvelles naquirent de ce mélange des races conquises et du peuple conquérant; quelles modifications le caractère national put recevoir de ce contact avec des maîtres aussi avancés en civilisation que les Romains; c’est là une tâche que je n’entreprendrai pas au- jourd'hui, mais qui serait, ce me semble, d’un grand intérêt. Vers la fin du 5€ siècle vient la conquête des Goths, nouvelle perturbation que nous apporte la faiblesse de l'empire, et qui remuera encore pro- fondément le sol de notre vieille Auvergne. Iei le courage et l’opiniätreté de nos aïeux sait en- core lutter contre la faiblesse de leurs anciens maîtres et le choc de l'invasion nouvelle: Hecdicius, comte ct chef des milices arvernes, bat plusieurs fois les Goths, et, abandonné à ses propres forces par les Romains, il se défend vaillamment; enfin, la diplomatie de ce temps-là, pardonnez-moi ce ( 100 }) mot, Messieurs , je veux dire les évêques députés par l'empereur, viennent arracher les armes des mains d'Hecdicius, et négocier un traité qui cédait définitivement l’Auvergne à Euric, roi des Goths. On peut voir dans les lettres de Sidoine Apolli- naire, qui avait été un des plus ardens promoteurs de la résistance, et qui par suite du traité fut relégué dans un fort près Carcassonne, les regrets avec lesquels l'Auvergne se soumit à cette nou- velle domination (1). Du reste, cette domination des Goths ne fut pas aussi pesante qu'on l'avait craint. À cette époque, les Goths étaient des espèces de barbares roma- nisés. Convertis au christianisme, ils étaient déjà un peu adoucis par le commerce des Romains et avaient adopté une partie de leurs institutions. Leurs chefs aspiraient au titre de Restaurateurs de l'empire, et dans cette vue, ils épargnaient les peuples vaincus et s’établissaient auprès d’eux plus tôt comme hôtes que comme conquérans. Aussi voyons-nous l’Auvergne, qui s'était si obs- nément défendue contre ces Goths, prendre sans hésiter leur parti quand d’autres barbares, restés tout barbares, les Francs vinrent en 507, guidés par Clovis, combattre les Goths à Vouglé. Le résultat de cette bataille où périrent plusieurs vaillans chefs auvergnats, notamment Apollinaire, (1) Sid. Appoll,, lib. 7, epist. 7. ( 101 ) fils de Sidoine, en combattant auprès d’Alaric, tué lui-même de la main de Clovis, fut pour lAu- vergne un nouveau changement de maîtres, et désormais les Francs nous compteront au nombre de leurs conquêtes. Après la mort de Clovis, en 511, et par le partage de ses campemens entre ses quatre enfans, PAuvergne échut à Theuderic, roi d’Austrasie. C’est ce Theuderic qui voulant faire une irruption en Auvergne pour châtier la révolte qui avait livré Clermont à Childebert, roi de Paris, disait à ses soldats : « Je vous conduirai dans un pays où vous » trouverez de l'argent autant que vous en pourrez » désirer, où vous prendrez en abondance des » troupeaux, des esclaves et des vêtemens (1). » Notre Auvergne était alors en effet une des plus riches provinces des Gaules, parce qu’elle était restée plus en dehors des grandes invasions ger- maniques qui depuis près d’un siècle avaient ravagé les Gaules du nord. Theuderic vint donc en Auvergne (an 532), assiégea et prit Clermont, par suite des intelli- gences qu’il s'était ménagées avec saint Quintien, évêque de cette ville, qui, étant l'ennemi per- sonnel des Apollinaire, préférait la domination étrangère à celle des grandes familles du pays. Le château de Clermont et celui de Thiers (2) Grégoire de Tours, lib. 3, cap. 2. ‘( 102 ) furent brûlés. L'église de Brioude, où les habitans s'étaient retirés avec toutes leurs richesses, fut pillée et dévastée, et la province entière, au dire de Grégoire de Tours, eut à souffrir toutes les horreurs de la guerre (1). Depuis cette époque et pendant plus d’un siècle et demi, l’Auvergne fait partie du royaume d’Aus- trasie, et nous voyons se succéder dans la souve- raineté nominale de ce pays toute cette famille Mérovingienne, dontles dissensionsintestines etles querelles sanglantes durent nécessairement amener bientôt l’affaiblissement de l'autorité , et laisser reprendre aux gens du pays l’influence que la con- quête lenr avait ôtée. Que pouvaient, en effet, pour ladministration d’une province si éloignée, ces faibles rois d’Austrasic, ces Mérovingiens dé- générés, incessamment ballottés entre la crainte de nouvelles invasions germaines et la nécessité de se prémunir contre les piéges de leur propre famille ? Que pouvaient, pour ou contre l'Auvergne, un Sigebert, une Brunehaut, toujours entourés des poignards de Frédégonde? Que pouvait toute cette race homicide , absorbée par les soins de ses vengeances personnelles et horrible échange de trahisons, de meurtres et d’assassinats qui signalent toute la fin du 6€ siècle ? Aussi voyons-nous, pendant tout ce temps, ESS SES (1) Grégoige de Tours, liv.2, chap. 25. ( 103 ) l'administration redevenir en quelque sorte gau- loise ou romaine. C’est un Arverne qui est envoyé par Sigebert en ambassade à Constantinople; c’est encore un Arverne , Firmin, élevé récemment à la dignité de comte, qui est chargé par le roi d’Aus- trasie de combattre Gontran, son frère, roi de Bourgogne. . Ainsi la barbarie des conquérans est forcée de recourir au génie des vaincus et de subir leur influence, leurs services et souvent aussi, sans doute, leur fierté. Ainsi le glaive des barbares a pu faire quelque temps courber la tête à ces vieilles races gauloises; mais la Gaule du 6€ siècle se souvient d’avoir été romaine; elle se rappelle avoir fourni des sénateurs à Rome et des chefs à l'empire ; elle sent sa supériorité morale sur ces hordes conquérantes que le Nord a vomies sur elle, et elle profite des dissensions du vainqueur pour relever la tête et reprendre de fait une légi- time influence dans l'administration du pays. Bientôt nous voyons cette influence grandir et se fortifier par l'Eglise, cette nouvelle autorité qui, au milieu même de ces bruyantes invasions, avait fait son chemin à petitbruit, etqui, aujourd’hui à son tour, fait courber la téte au Sicambre, pénètre et étreint toute la société nouvelle, couvreles vaincus de sa protection et devient un asile même pour les vainqueurs. Ainsi le prêtre devient le membre le plus influent de la société moderne; peu à peu ( 104 ) il en devient le plus riche, et bientôt le barbare se met entièrement sous sa tutelle. Nous avons dit que les dissensions intestines des Mérovingiens avaient laissé respirer les vaincus pendant la dernière moitié du 6® siècle, limbé- cillité de leurs successeurs livre le gouvernement aux maires du palais, et depuis Dagobert jusqu’à Charles-Martel, nous ne voyons plus la conquête du Nord peser sur le Midi. Au commencement du 8 siècle, lAquitame, c'est-à-dire l’Auvergne, le Poitou , la Guienne et presque tout le Midi de la Gaule se sépare entièrement du Nord et se choisit un duc souverain, nommé Eudes. Ainsi s’introduit la dissolution dans l'empire des Frances : l'Aquitaine et la Bourgogne cessent d’être France, et désormais nous voyons ces contrées désignées sous le nom de Pays romains. Envahie du côté du Midi, l’Aquitaine est obligée d’appeler à son secours les hommes du Nord, et la bataille de Poitiers ( an 732), en refoulant les Sarrazins au-delà des Pyrénées, vient convaincre en quelque sorte d'impuissance les Pays romains et les replacer sous la dépendance des Francs. Aussi voyons-nous, en 735, Hunald, fils de Eudes et duc d'Aquitaine, reconnaître Charles-Martel pour son légitime souverain. Cette soumission n’est pas de longue durée; décidément la domination franque est antipathique à ces races du Midi restées plus Gauloises, plus ( 105 ) Romaines, ou plus Gothiques; et le vieux sang des Arvernes se soulève, malgré lui, contre le joug de ces Francs qui pour lui sont toujours des barbares. En 760, Pépin est obligé de mener ses bandes contre l'Auvergne , d’assiéger les châteaux de Clermont, Chantelle et autres, et d'emmener pri- sonnier Blandin, comte d'Auvergne. En 767, nou- velle révolte de Auvergne, et nouvelle expédition du roi Pépin qui, cette fois, dit notre vieux chro- niqueur Frédégaire, « rase le fort de Clermont et » tous les châteaux de l'Auvergne, s'empare de » Bourges, capitale de l’Aquitaine et ville très-for- » lifiée, et réduit Guaifre, prince d'Aquitaine, à » se retirer dans le Périgord où il fut tué l’année » suivante, ainsi que son conte d'Auvergne, qui » périt les armes à la main. » A l'avènement de Charlemagne (an 968), la conquête des Francs s'étend et se consolide; le monde tend à s'asseoir; l'unité de l'empire devient le résultat de cette puissante administration qui ne sommeille pas un instant et qui sait embrasser à la fois tous les soins d’une si vaste domination. Un essai de révolte a encore lieu en Auvergne, vers l’an 769 ; mais la tranquillité ne tarde pas à y être rétablie, et en 7978, Charlemagne en confie le commandement, avec le titre de comte, à Ithier. Observons ici que ces comtes d'Auvergne ne sont jusqu’à présent que des fonctionnaires amovibles ( 106) qui n’exercent sur le pays aucune espèce de sou- veraineté, mais possèdent seulement le comman- dement militaire. Déjà, sous la domination des Romains, on trouve de ces comtes préposés à la haute administration du pays, et l'historien Justel cite un Brandulus, comte d'Auvergne, qui vivait en 375. Les Goths suivirent cet exemple, et Gré- goire de Tours,comme Sidoine Apollinaire, parlent souvent de Victorius, comte d'Auvergne , pour les Goths. Sous Clovis et ses successeurs, l’Auvergne est encore administrée par des comtes, et au siége de Clermont par Theuderic, en 532, le roi d’Austrasie était acccompagné d’un certain Hilping, comte ou duc d'Auvergne. Plus tard nous trouverons ce titre plus signifi- catif; et quand la conquête se sera en quelque sorte défaite, quand le pouvoir aura perdu son unité et se sera partagé entre les grandes familles féodales, le titre de comte d'Auvergne aura une portée bien différente de celle qu'il a jusqu’à ce moment. En 781, l’Aquitaine est érigée en royaume, en faveur de Louis-le-Débonnaire, et le château d’Ebreuil , en Auvergne , devient une maison royale. Plus tard, Louis-le-Débonnaire donne l’Aquitaine à Pépin, son fils puiné, et ensuite à Charles-le- Chauve , son dernier fils, qui vient lui-même en Auvergne pour s’y faire reconnaitre. A cette époque, à peu près (826), se rapporte (107 ) une charte de ce même Louis-le-Débonnaire, men- tionnée au tome 3 du Recueil de Dom Luc d’Achéry, aux Annales de Lecointe , dans les Capi- tulaires de Baluze. Par cette charte, le roi concède le comté de Brioude à Bérenger, qui avait rétabli l'église de saint Julien, brûlée par les Sarrazins, et augmente de cent mas la dotation du chapitre qui y était établi et qui désormais ne relèvera que du roi. Cette charte, Messieurs, n’est point le titre de la fondation du chapitre de Brioude; c’est une confirmation de toutes les autres preuves apportées par lhistoire à l’existence fort ancienne de ce chapitre ; institution qui fut dans le principe militaire autant que religieuse, et qui donna peut-être plus tard l’idée de l'institution des che- valiers de St-Jean de Jérusalem et du Temple. On sait en effet et par Grégoire de Tours et par d’autres historiens respectables, que dans les premiers siècles du christianisme le tombeau de saint Julien de Brioude acquit une grande célé- brité , et que, pour protéger les nombreux pélerins qui venaient visiter ce tombeau, il se forma une société de chevaliers qui dans la suite ont formé le chapitre et ont renoncé à porter les armes quand les circonstances ont cessé de l’exiger (1). (1) Voyez Bély, Histoire du Poitou, et Justel, Histoire de la maison d'Auvergne. ( 108 ) Pardonnez-moi, Messieurs, cetie courte digres- sion en faveur du chapitre de Brioude, qui méri- terait certainement un livre tout entier. Dans l’histoire de notre province, une institution qui a compté parmi ses membres les plus hauts digni- taires de l'Eglise, les plus illustres aînés des grandes maisons d'Auvergne, des princes souve- rains, des rois de France; une institution qui, plus vieille que la monarchie, s’est maintenue presque jusqu’à nos jours grande , forte, riche et puissante; qui a lutté avec succès et contre le tiers-état et contre la féodalité elle-même ; qui maintes fois a fait venir à résipiscence ces puissans vicomtes de Polignac qui s’avisaient de piller ses terres, et a mêlé dans ses querelles la monarchie elle-même; une pareille institution mérite bien de fixer un instant nos regards et d’occuper une place dans nos Annales. Mais je reviens à des idées plus générales, et je retronve notre Auvergne tout entière en face de l'administration de Charles-le-Chauve, au milieu du 9° siècle. Le grand empire de Charlemagne est tombé en lambeaux; Charles-le-Chauve, son petit-fils, n’est plus qu’une humble créature des évêques qui Font fait roi et qui gouvernent en son nom. Un capi- tulaire, de 846, institue les évêques commissaires- royaux pour administrer le pays; un autre capitu- tulaire, de 857, confère aux curés un droit ( 109 ) d'inquisition contre tous les malfaiteurs; le gou- vernement devient théocratique; le vrai roi de France est l'archevêque de Reims, le fameux Hincmar, c’est lui qui convoque les évêques et les comtes quand il faut marcher contre l'ennemi. Le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel se trouvent donc réunis dans les mêmes mains. Com- ment ces faibles mains défendront-elles le pays contre linvasion des Normands, au Nord, et les nouvelles invasions des Sarrazins, au Midi? Il faut quelque chose de plus dur, un élément de résis- tance plus matériel, plus opiniâtre, plus populaire, pour résister à ces sauvages pirates du Nord qui viennent périodiquement ravager nos plus belles provinces, ou à ces farouches enfans de l'Afrique, que Toulouse, Arles, Poitiers, le Languedoc, l'Auvergne et le Dauphiné voient insolemment fouler leurs campagnes sous les pieds de leurs chevaux. Aussi le peuple accuse-t-il tout haut la théo- cratie d'impuissance à défendre et à gouverner la France, et l'archevêque de Reims transmet lui- même au pape ce pénible aveu : « Voici les » plaintes que le peuple a élevées contre nous, » écrit-il : cessez de vous charger de notre dé- » fense; contentez-vous d'y aider de vos prières; » si vous voulez notre secours pour la défense » commune... priez le Seigneur apostolique de » ne pas nous imposer un roi qui ne peut de si ( 0) » loin nous aider contre les fréquentes et sou- » daines incursions des païens (1), » Le pouvoir central de la royauté, le pouvoir local de l’épiscopat se trouvent dès ce moment également condamnés. La force des choses amène la féodalité, c’est-à-dire le pouvoir local des comtes et des seigneurs. Ce sont là en effet les véritables héritiers de Charlemagne; et la faible et languis- sante autorité de Louis-le-Débonnaire, de Charles- le-Chauve, de Louis-le-PBègue et de ses fils, n’a fait que préparer la France à cette forte et puissante institution du gouvernement féodal qui désormais sera seul chargé de la défense de l’état. L'année même de sa mort, en 877, Charles-le- Chauve avait signé l’hérédité des comtés; c'était résigner la souveraineté. Les comtes, jusques là magistrats amovibles, deviennent des souverains héréditaires, chacun dans le pays qu’ils adminis- traient, Les peuples n’ont plus que haine et mépris pour des rois qui ne savent point les défendre; ils se serrent autour de leurs véritables défenseurs, autour des seigneurs et des comtes. Rien de plus populaire que la féodalité à sa naissance. Cette grande révolution s'achève par la déposition de Charles-le-Gros, en 888, et l'extinction de la dynastie Carlovingienne. Les seigneurs construisent des châteaux et des forts; ils occupent les défilés EEE RSR El Q@) Auvales de Saint-Bertin (au 859). (aa) des montagnes et les passes des fleuves; ils ferment * le passage aux incursions barbares; ils défendent le sol en un mot; c’est là la première, la plus grande, la plus noble mission du souverain, quel qu'il soit. Robert-le-Fort a péri en combattant les Nor- mands à Brissette (866). Son fils Eudes, plus heu- reux, défend Paris contre eux en 865. Il est élu roi en reconnaissance de ses services, par une assemblée de seigneurs tenue à Compiègne (866.) Vers le même temps, un comte de Toulouse, devenu puissant par la guerre, est sur le point de se faire élire roi d'Aquitaine; Eudes marche contre lui, et se fait reconnaitre roi de France et d’Aqui- taine (689.) C’est de cette époque, c’est-à-dire de la fin du 9° siècle, qu’on peut suivre, avec quelque certi- tude, l'Histoire des comtes d’Auvergne, je veux dire des comtes souverains soumis toutefois à la suzeraineté tantôt des ducs d'Aquitaine, et tantôt des rois de France. Le gouvernement féodal s’est établi; il a pris racine dans le sol; il est consolidé. Désormais, le roi de France ne sera que le premier seigneur du royaume , seigneur souvent moins riche et moins puissant que beaucoup de ses vassaux. Le premier comte d'Auvergne, depuis linstitu- tion des comtés héréditaires, est Bernard, en même temps comte de Bourges, qui fut tué en (112) 881, dans une bataille livrée en Auvergne contre Boson, duc de Provence et de Bourgogne, et l’un des premiers fondateurs de la féodalité. Guérin , fils de Bernard, lui succède , et meurt sans postérité; il est remplacé par Guil- laume Ier, dit le Pieux, qui devient aussi comte de Bourges, marquisde Nevers, et duc de Guienne; c’est dire que c'était un des forts et des puissans de la nouvelle société féodale. Ce même Guil- laume fonde l’abbaye de Cluny, le prieuré de Sauxillanges (912), et donne des biens considé- rables à l’église de Brioude, où il a été enterré. Mort en 919, il est remplacé par Guillaume II, son neveu, comte de Poitiers, duc d'Aquitaine. C'est lui qui, ayant battu les Normands qui rava- geaient l’Auvergne en 923, et en ayant tué plus de douze mille, refuse, l’année suivante, de reconnaître Raoul, récemment couronné roi de France et successeur de Charles-le-Simple. Remarquons en passant cette opposition des hommes du Midi à l'établissement de la dynastie Capétienne, opposition qui a commencé à la fin du siècle dernier, quand le roi Eudes est venu se faire reconnaitre en Aquitaine, qui continue au- jourd’hui en présence de Raoul, et se prolongera jusqu’à Hugues-Capet, qui, en 993, sera obligé de venir assiéger Poitiers , pour soumettre Guil- laume II, alors comte d'Auvergne. Cette opposition est facile à expliquer : le Midi (115) luttait, depuis plusieurs siècles, contre la domi- nation du Nord; la conquète des Francs n’avait jamais été bien complète sur ces vieilles races d'Auvergne, de Guienne et de Poitou. Charlemagne seul avait réellement fait cesser toutes ces tenta- tives d'indépendance qui recommencèrent sous ses faibles successeurs; et depuis l'établissement du régime féodal , les rois de France ne comptaient plus que pour fort peu de choses dans les pro- vinces du Midi. Ce n'était certes ni un Charles-le- Simple, ni un Louis-d'Outre-Mer qui pouvaient imposer à ces fiers et puissans comtes d'Auvergne, plus riches, plus forts et réellement plus puissans qu'eux. Mais on sentait que cette grande famille des Capets, ces nobles enfans de Robert-le-Fort, ces Eudes, ces Hugues, ces grands comtes de Paris, si riches et si vaillans, seraient nécessaire- ment des suzeraius plus fiers et plus exigeans que les descendans dégénérés de Charlemagne; et, sous le prétexte d’une vieille fidélité à ces anciens maitres, on cachait le motif plus vrai et plus réel d’nne ambition qui aimait mieux garder pour soi l'autorité tout entière que de la partager avec une nouvelle dynastie. M: C’est là, je pense, la manière la plus naturelle d'expliquer cette longue et persévérante résistance des grandes familles féodales du Midi à l’établis- sement définitif de la troisième race. Cependant, comme uvus lavons dit, cette résistance fut 8 ( 114 ) vaincue par Hugues-Capet, au siége de Poitiers, en 995, et Guillaume IIT, comte d'Auvergne, fut le dernier champion de cette lutte. Sous les premiers rois Capétiens, le génie remuant de notre Auvergne sommeille quelque temps, et jusqu'à la fin du 112 siècle, c’est-à-dire jusqu’à la première croisade, notre histoire locale n'offre rien de bien remarquable. Survient ce grand mouvement de la croisade dont le premier centre est Clermont, et qui, en Auvergne plus qu'ailleurs, échauffe toutes les ima- ginations, excite tous les courages, et emporte vers l'Orient toute l’activité, toute la vie, toutes les ambitions. Guillaume VI, comte d'Auvergne, prend part à l’expédition et y paraît avec éclat, accompagné de la foule de ses grands et petits vassaux. A son retour de la Terre-sainte, il prend les armes contre l’évêque de Clermont, son rival d'autorité, l'attaque dans sa cathédrale, s’en rend naître et s’y fortlie. Le pauvre évêque, expulsé de son église, est obligé d’invoquer le secours du roi Louis-le-Gros, qui vientlui-même en Auvergne en 1126, fait raser plusfeurs châteaux du comte, chasse la garnison que celui-ci avait mise dans Clermont, et, suivant le langage de l'abbé Suger, rend l’église à Dieu, les tours au clergé et la cité à l’évêque. Mais le comte renouvelle bientôt ses hostilités, (0254) et, s'étant reconnu le vassal du duc d’Aquitane, il l’engage à prendre sa défense. Louis-le-Gros revient en Auvergne, accompagné des comtes de Flandre, de Bretagne, de Nevers et de plusieurs autres grands vassaux; il fait le siége de Mont- ferrand ; c’est pendant ce siége qu’Amaury de Montfort, ayant fait une centaine de prisonniers, fit couper la main droite à chacun d’eux, la mit dans leur main gauche et les renvoya ainsi dans la place. Ce trait de barbarie froide et ironique dénote les mœurs du temps; 1il est d’ailleurs digne d'un Montfort, de cette race néfaste, dont le nom s'attache à toutes les cruautés exercées plus tard dans le Midi, à l’occasion de la fameuse croisade contre les Albigeoïs, Sur ces entrefaites, le comte d'Auvergne fut secouru par le duc d'Aquitaine , son seigneur suzerain, qui vint avec une armée camper dans les montagnes voisines du Puy-de-Dôme; celui-ci fit représenter au roi que c'était à lui à faire jus- tice entre le comte, son vassal, et l’évêque; on convint que ces deux derniers se rendraient à Orléans, à la cour du roi, où chacun s’expliquerait en présence du duc. Le comte offrit des otages, et promit de s’en rapporter à la cour des pairs et au jugement des grands du royaume ; il tint parole, et l’évêque eut satisfaction. C’est la première fois qu'il fat reconnu d’une manière si authentique ( 116) que l'Auvergne était fief immédiat du duché de Guienne (1). Vers le même temps, Louis-le-Gros fut encore obligé de mettre ordre aux entreprises que le comte d'Auvergne , accompagné du comte du Puy et du vicomte de Polignac, faisait sur les terres de l’église. C'était surtout l’église de Brioude qui avait invoqué le secours du roi (2). Louis livra une bataille où les trois seigneurs furent pris; les forca de restituer les biens dont ils s'étaient emparés, et leur fit jurer de cesser toute espèce d'entreprise contre l’église. La féodalité est toujours puissante; vous le voyez, Messieurs, elle soutient bataille rangée contre le roi de France; mais déjà elle se laisse vaincre; les croisades Pont affaiblie, tandis qu’elles ont fortiñhé la royauté; et puis viennent déjà les milices des communes sous leurs bannières parois- siales; et dans les luttes entre la royauté et les seigneurs, les communes ne seront pas toujours pour ces derniers. Le roi de France grandit chaque jour; ce n’est déjà plus ce petit seigneur de Paris et d'Orléans, dont les domaines étaient resserrés de toutes parts entre ceux des grands vassaux de Bretagne, de Flandre, de Bourgogne et de Poitou. La croisade RE 1 hu 9. d dé fe NE (à) Suger, Vie de Louis-le-Gros, pag. 128. (2) Anselme, tome 1, pag. 76. (117) Va enrichi; il a acheté le comté de Bourges et d’autres terres au-delà de la Loire; il a déjà pris pied dans le Midi, et l'expédition contre le comte d'Auvergne fait pressentir de plus grands projets, et deviner la grande expédition du 13€ siècle, la guerre contre les Albigeois ou la conquête défi- nitive du Nord sur le Midi. Depuis quelques temps, tout réussit à cette monarchie; le roi a châtié le seigneur de Coucy dans sa ville de Laon; il a battu le comte d’Au- vergne et le vicomte de Polignac, à fait rendre à une foule d’églises les biens dont elles avaient été spoliées, et a acquis des comtés, des seigneuries, des domaines de toutes parts. Aujourd’hui, en 1136, le plus riche souverain de la France, le comte de Poitiers et d’Aquitaine , donne au fils de Louis-le- Gros sa fille Eléonore, seule héritière de tant d'états; et par ce mariage qui apporte dans la maison des Capet la Guienne, le Poitou, l’Au- vergne, la Gascogne, c’est-à-dire les plus belles provinces du Midi, le roi de France se trouve tout-à-coup plus puissant que les grands vassaux qui jusques-là semblaient devoir lui imposer leurs lois. Il est impossible, Messieurs, même dans une Histoire locale, de passer sous silence ces grands changemens dans l'état de la monarchie; et par exemple il est important pour nous de noter le mariage de Lonis-le-Jeune avec cette riche, cette (116 ) belle, cette galante Eléonore de Guienne, puisque c’est par ce mariage que l’Anvergne et toute l’Aqui- taine passèrent un instant sous la souveraineté immédiate du roi de France qui, il faut le dire, se montra peu digne d'une si belle fortune, puisqu'il ne sut garder ni la dot, ni la femme, et que, peu d'années après, son heureux rival, le roi d'Angleterre, était en possession de l’une et de l’autre. C’est vers ce temps que se place un événement important dans notre Histoire locale : Guillaume , comte d'Auvergne , avait suivi à la deuxième croisade, en 1147, Louis-le-Jeune, ou plus tôt Eléonore de Guienne; car c'était elle qui, aventureuse, brillante, légère et spirituelle comme une femme du Midi, possédait au suprême degré l’art de commander à ses Poitevins, à ses Au- vergnats, à ses Gascons, à tous ces hommes du Midi, si mobiles , si inconstans, mais si sensibles aux grâces d’une femme, et si charmés de recon- naître dans cette femme un esprit tout méridional. Après la malheureuse issue de la croisade, Guillaume revint en France (1150), et crut tout naturellement venir reprendre son comté d’Au- vergne ; mais alors comme aujourd'hui les absens avaient souvent tort; et Guillaume-le-Vieux, son oncle, qui, pendant le séjour de l'autre à la Terre-Sainte, avait usurpé le comté, refusa de le lui rendre , en se prétendant légitime héritier ( 119 ) de son frère Robert III, dont Guillaume n'était que le petit-fils, Au fond, le pauvre croisé s'était ruiné pour aller à la Terre-Sainte; il avait vendu ou engagé ses plus beaux domaines ; il revenait malade, découragé et sans argent. L'autre, au contraire, l’usurpateur, avait amassé de grandes richesses et avait profité de l’absence du légitime propriétaire pour se faire des partisans dans la province; il était le plus fort, et c'était là son droit, La contestation fut portée devant le roi de France, qui d’abord y donna peu d'attention. C'était le temps de son divorce avec Eléonore; il perdait par ce divorce la moitié de ses états, qui, par le second mariage d’Eléonore, allaient tomber dans la maison d’Anjou et bientôt dans le domaine de la monarchie anglaise; et au milieu d'aussi cruels embarras, Louis-le-Jeune devait nécessai- rement attacher moins d'importance à la succes- sion du comté d'Auvergne. Henri, duc d'Anjou et bientôt roi d'Angleterre, épouse Eléonore , et avec elle la riche dot que le roi de France a laissé reprendre. Comme suzerain du comté d'Auvergne, le nou- veau duc de Guienne prend le parti de Guillaume- le-Jeune, celui qui avait été dépouillé. Louis VIT, au contraire, soutient l’usurpateur : des négocia- tions sont entamées à ce sujet, et l'affaire traîne en longueur pendant plusieurs années, ( 120 ) En 1180, nouvelles négociations entre Philippe- Auguste et le roi d'Angleterre, qui promettent de s’en rapporter sur ce différend à une assemblée d’évêques et de seigneurs du royaume. Les histo- riens n’expliquent pas trop si c’est cette assemblée ou toute autre autorité qui décida la contestalion; mais ce qu'il y a de certain, c’est qu'un arran- gement fut pris, et que d’après cet arrangement, on composa un nouvel apanage aufils de Guillaume- le-Jeune, qui fut définitivement privé de la suc- cession au comté d'Auvergne, mais qui recut en indemnité un démembrement de ce comté, com- posé des seigneuries de Vodable, Rochefort, Herment, Champeix, etc. Ces terres ainsi délaissées à Guillaume VII, furent appelées le Dauphiné d'Auvergne ; et Guillaume, ainsi que ses successeurs, prirent désormais Île titre de Dauphin, qui devint une dignité et le signe d’une souveraineté dévolue à la branche aînée de la maison d'Auvergne, tandis que le comté, proprement dit, passa à la branche cadette (1). Désormais ces deux titres de comte et de dauphin d'Auvergne seront tout-à-fait indépendans et indi- queront deux souverainetés bien distinctes. Les querelles de Philippe-Auguste et de Richard- Cœur-de-Lion remplissent , avec la troisième D ed (1) Anselme, pag. 50, tome 8. — Art de vérifier les dates, pag. 719. — Baluze, tome 1, pag. 158. — Justel, pag. 104. (@ 2) croisade, toute la fiñ du 12€ siècle. Notre Auvergne se trouve mélée à ces querelles; elle s'attache à la cause du roi d'Angleterre, et par suite attire sur elle les arme du roi de France qui la ravagent deux fois en peu d'années. Guy, comte d'Auvergne, abandonné à ses propres forces par Richard, est obligé de venir à compo- sition, et de se reconnaître vassal de Philippe. Mais celui-ci ne s’en tiendra point à ce premier succès ; 1l Ini faut plus qu’une vaine suzeraineté ; il travaille à devenir réellement roi de France , et saura profiter des querelles de ses vassaux pour s'emparer de leurs domaines, L'occasion se pré- sente bientôt : Robert , évêque et seigneur de Clermont, est en lutte, depuis plusieurs années, avec Guy, son frère; il a invoqué plusieurs fois le secours de Philippe-Auguste, et le roi qui a long- temps différé, pour mieux dissimuler ses projets, se décide enfin à envoyer en Auvergne Guy de Dampierre, seigneur de Bourbon, à la tête d’une armée nombreuse (1210.) La guerre, ainsi déclarée, est soutenue vigou- reusement. Nos villes et nos châteaux tiennent bon. Notre brave noblesse auvergnate reste fidèle au pouvoir local; et le comte est, pendant trois ans, soutenu par toute la province contre les efforts de Dampierre et les attaques de l’armée royale. Les siéges mémorables de Riom, de Tournoël, de Nonette, d’Issoire, de Vic-le-Comte, attestent la ( 122 ) longue résistance opposée par le pays; et qui voudrait raconter toutes les prouesses des nobles champions de cette lutte, tous les beaux faits d'armes de nos chevaliers, et déjà aussi toute la bravoure de nos milices communales, aurait certes plus d'une belle page à écrire. Mais enfin la résistance de nos pères est vaincue ; nos villes capitulent ; nos châteaux baissent leurs ponts-levis devant l’étendard aux fleurs-de-lis ; l'Auvergne est conquise par le roi de France. C’est ici que le pauvre comte saura ce que lui coûte l'intervention du roi dans sa querelle; c’est maintenant que ses terres et ses domaines paieront les frais de la guerre, et que sa couronne de comte verra passer ses plus beaux fleurons sur la couronne de France. Philippe-Auguste a vaincu; et on devine bien que ce n’est pas au profit de l’évêque de Clermont qu'il a fait la guerre pendant trois ans, Aussi com- mence-t-il par garder pour lui-même tout ce qui vaut le mieux dans sa conquête; puis du reste, il fait une part pour Dampierre, qu'il établit con- nétable d'Auvergne, une autre pour le comte, et une autre pour le dauphin. Dès lors, ce beau comté d'Auvergne, cette puis- sante souveraineté locale, qui tant de fois avait lutté avec succès contre la monarchie, n’est plus qu’une souveraineté démembrée , une image affai- blie de l’ancien établissement féodal. Déjà partagé ((a85 ) vers la fin du siècle précédent en Dauphiné et en comté, il éprouve aujourd’hui une division bien plus considérable, et tombe au rang des petits fiefs de la couronne de France. La souveraineté directe passe presque tout entière au roi. Louis VIII en fait un apanage pour un de ses fils; et plus tard, le roi Jean l’érige en duché-pairie. Vous voyez que la féodalité a déjà vieilli et qu'elle ne tient plus tête aussi fièrement à la monarchie, Vous apercevez cette noble figure du roi de France qui grandit chaque jour, et déjà vous entrevoyez dans le lointain le retour de cette unité, de cette centralisation que vous avez regrettée, sans doute, en voyant la France au 9° siècle se diviser -en une foule de souverainetés locales. Mais la monarchie a encore bien des efforts à faire, bien des épreuves à subir; et les grands vassaux de la couronne ,etles prétentions rivales de l'Angleterre lui livreront encore bien des assauts avant qu’elle puisse sortir grande et forte des langes dont jusqu’à présent nous la voyons entourée. La Providence mène lentement l’homme à ses fins: le temps n’est rien pour elle; et dix siècles ne sont pas trop à ses yeux, pour perfectionner cette noble institution de la monarchie, pour rétablir cette belle unité du pouvoir, cette puis- sante centralisation qui, seules, ont fait de Ja France une grande nation ! ( 124 ) Le fragment que je viens de lire s'arrête au commencement du 13° siècle, et le champ qui nous reste à parcourir est encore bien vaste et bien fécond : histoire féodale, histoire de la mo- narchie , histoire des ordres religieux, histoire des communes ou du tiers-état; voilà comment, pour être bien expliquée et bien comprise, doit désormais se diviser l'histoire même locale. Je ne fais qu'indiquer ce plan; des mains plus habiles l’exécuteront. Laissez-moi , Messieurs, re- nouveler, en finissant, le vœu que les études historiques soient encouragées par votre Société; que ces études portent principalement et de pré- férence sur notre histoire locale, et qu’enfin parmi nos compatriotes il se trouve quelque, homme de conscience et de travail qui entre- prenne sérieusement d'écrire l'histoire de notre pays, et de faire pour l’Auvergne ce que d'habiles et illustres écrivains ont déjà fait pour d’autres provinces dont l’histoire n’offre pas plus d'intérêt que la nôtre. Il est digne de vous, Messieurs, d'accueillir une idée que vous saurez féconder; il est digne de votre Société qui s’honore déjà de travaux si utiles et qui compte dans ses rangs des savans et des artistes si distingués dans plus d’un genre, d'encourager, de rechercher, de deviner au besoin les jeunes talens qui voudront se rendre utiles dans la noble carrière que je me contente de (‘525 ) désigner, mais que vous, Messieurs, vous saurez leur montrer, leur faciliter, leur aplanir. Le but de votre institution est de prêter appui et pro- tection à tous les travaux utiles, à tous les per- fectionnemens, à tous les progrès de l’art ou de la science; c’est un noble but, Messieurs, et la manière honorable dont vous l’avez rempli jusqu’à présent prouve que vous avez su le comprendre et l’'embrasser dans toute son étendue. AAA AA AA A AR A VV UV AA AA AA VV VU MN VUS MU VV UV UV UV AY My CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES Sur l'Art de se vétir et le tissage, depuis leur origine jusqu'à nos jours (1); LUES DANS LA SÉANCE PUBLIQUE DU 25 AOUT 1836, Par M. Ph. HEDDE. MESSIEURS, La Société d'agriculture du Puy s’est toujours proposée de répandre les connaissances acquises, de faire connaître les meilleures méthodes de culture, de signaler les nouvelles découvertes dans les arts, de propager l’usage des instrumens et des métiers perfectionnés, de relever enfin aux yeux de tous et placer à leur véritable rang les travaux utiles et modestes, inspirés par l'amour du bien. Si ses travaux ont jusqu’à ce jour été plus par- ( 126 ) ticulièrement dirigés vers l’agriculture, c’est que dans notre département cette industrie y occupe le plus grand nombre des habitans, et y fixe généralement l’attention publique. Ce n’est pas que nous devions négliger l’in- dustrie manufacturière qui nous intéresse sous tant de rapports, et notre Société n’a pas séparé dans le cercle de ses travaux ces trois sources de la prospérité publique : agriculture, Vindustrie manufacturière et le commerce, qui, par des rap- ports si multipliés, se lient et se soutiennent mutuellement; car inutilement l’agriculture ob- tiendrait de la terre d'abondantes productions, si les manufactures ne les mettaient en œuvre ou si le commerce n’en procurait les débouchés. Aussi l’une de ces industries ne saurait éprouver des pertes ou un ralentissement d’activité sans que les autres n’en souffrissent. Notre Société s’est empressée de décerner cette année, comme elle l’a fait les années précédentes, des récompenses à ceux qui ont apporté des per- fectionnemens dans l’agriculture, l’industrie ma- nufacturière et les beaux-arts. Elle vient d'accorder une médaille d’or à M. Théo- dore Falcon, fabricant de dentelles, qui a apporté de grandes améliorations dans cette branche d’in- dustrie; et la belle collection qu’il a exposée dans cette enceinte, doit vous prouver que notre ma- nufacture de dentelles a les moyens de produire _ (227 ) aussi bien que les autres fabriques de même genre, de la France et de l’étranger (2). Pour faciliter le développement de la fabrication des rubans dans notre département, la Société vient aussi d'accorder une médaille d'argent à MM. Januel et Mounier, de Dunières, qui ont établi dans ce bourg une manufacture dans la- quelle on exécute tout ce qui a rapport à ce genre de fabrication. Je ne puis vous entretenir, Messieurs , de tout ce qui fait le motif des travaux de la Société; je me bornerai seulement à vous retracer les progrès de l’art du tissage dans les différentes contrées du monde et les efforts qu'on fait aujourd’hui pour étendre cette industrie. Le digne Magistrat et mes honorables Collègues que vous venez d'entendre ont été favorisés par des matières qui prétaient plus à léloquence et aux discours fleuris; aussi j'ai craint un instant que l’objet que je me propose de développer ne parût sec et aride et qu’il ne présentàt pas à cette assemblée un sujet assez intéressant; mais je suis encouragé lorsque je vois les plus grands auteurs de l'antiquité, tels qu'Aomèére , Pline, Virgile, n'avoir pas dédaigné de consacrer leurs veilles à entretenir de ces sujets non-seulement les hommes de ces temps, mais encore toutes les générations auxquelles leurs immortels écrits étaient destinés. Sans doute, Messieurs, je resterai bien au- (128) dessous d’un pareil sujet, mais peut-être que Famour que je porte aux arts industriels me servira de titre à votre indulgence, et que par mon zèle et mes efforts je parviendrai à suppléer à ce qui me manque, sous le rapport du talent ; du reste, les connaissances variées et étendues que possèdent la plupart de nos concitoyens et le vif intérêt qu'inspire la prospérité publique me font espérer qu’on daignera m'honorer de quelque atttention. Vous présenter, Messieurs , quelques considé- rations générales sur l’art de se vêtir et le tissage, depuis leur origine jusqu'à nos jours; vous faire connaître les matières employées à cet effet et les divers procédés au moyen desquels ces ma- tières ontété transformées en tissus : tel est le plan du travail que j'ai l'honneur de vous offrir. L'homme nait dépourvu de vêtemens; mais combien d'animaux concourent à lui procurer les matières propres à les former; combien de plantes sur la terre sont chargées du même soin! Ce vaste magasin de la nature serait pourtant insuffisant, si Dieu n’avait doué sa créature d’un esprit inépuisable en inventions, pour les faire servir à notre usage, Aussi, de tous les arts, celui qui sert à nous vêtir est, sans contredit, après l'agriculture, le plus utile et le plus nécessaire, et il en est peu dont l'invention ait fait plus d’hon- ( 129 ) meur à l’homme et où il ait montré autant de sagacité et de génie. Dans l’origine, le besoin de se vêtir fut sans doute dû à d’autres causes qu’à la nécessité de mettre le corps à l'abri des intempéries de l'air; car c’est dans l'Asie mineure et dans les autres contrées de l'Orient, berceau du genre humain, où la température exige le moins que le corps soit couvert, que nous devons placer les pre- mières inventions qui ont rapport à l’art de se vélir. A mesure que l’homme comprit la nécessité de se couvrir, ses habillemens répondirent à la sim- plicité de ses mœurs; mais devenu plus indus- trieux à mesure que ses mœurs se corrompaient , l'art de se vêtir, qui ne connaissait d’autre règle que le besoin, devint un art important; et le luxe, accourant à son secours, établit entre les habitans de la terre une espèce de rapport auquel on donna le nom de commerce. Les historiens sacrés et profanes s'accordent tous à donner pour vêtemens, aux premiers hommes, des dépouilles de plantes et d'animaux. Nous retrouvons encore dans les costumes dont se couvraient jadis les peuplades sauvages du Nouveau-Monde , la manière dont devaient être vêlus nos premiers pères. Les uns formaient leurs vêtemens d’écorces d'arbres, de feuilles ou de joncs entrelacés gros- 9 (130 ) sièrement; d’autres se couvraient de la peau ow du duvet de diverses espèces d’animaux (3). Plus. tard, les hommes ne tardèrent pas à utiliser ces toisons pour former des feutres, puis des fils continus au moyen du fuseau, et enfin des tissus qui, tout grossiers qu'ils furent d’abord, ne laissèrent pas que de flatter leur vanité; et comme il est de la nature des inventions humaines de s’accroître par la communication des idées, tel qui n’aurait pas eu assez de génie pour in- venter cette grossière étoffe, eut assez d'adresse pour la perfectionner. Ennuyés de la monotonie et de l’uniformité de ces tissus, ils cherchèrent à les varier par des dessins ou des couleurs dif- férentes. Les premiers inventeurs transmirent leurs dé- couvertes à leurs successeurs; mais le temps, les guerres et les révolutions amenèrent souvent la perte de ces découvertes, et il fallut faire de nouvelles recherches et de nouvelles observations pour donner de nouveau l'existence à des arts qui avaient cessé d’être mis en pratique. Tel a été, Messieurs, ce me semble, la marche de l'in- dustrie de Fhomme dans les découvertes qui se rapportent à l’art du tissage, et qui l’ont conduit à pas si lents à la perfection où 1l est aujourd’hui. Je n’entrerai pas dans l'examen de ces temps si reculés, où l'art de se vêtir était dans l'enfance; il me suffit de rappeler que les traditions les plus (131) anciennes que nous ayons, nous font connaître que cet art remonte aux premiers âges du monde, et que dans tous les temps et chez toutes les nations, on s’est toujours appliqué à rechercher des tissus qui, en couvrant le mieux le corps, ne gênassent pas la liberté des mouvemens. La recherche et l'emploi des matières propres à les former ont fait l’objet de l’étude constante de tous les peuples, et c’est à des tentatives sans cesse interrompues et sans cesse renouvelées que nous devons cette multitude de tissus si variés qui suffirait à peine de nos jours à contenter les caprices sans cesse renaissans de la mode. Mais, développons le sujet dont je viens de vous donner un léger apercu; et d’abord quelles sont les matières que l’homme a utilisées de préférence ? Si nous ouvrons la Génèse, sans contredit le plus ancien livre du monde (4), nous apprenons que du temps des Patriarches, environ 2000 ans avant l’ère chrétienne , les peuples pasteurs avaient grand soin de recueillir, pour leurs vêtemens, La laine de leurs troupeaux. Si nous consultons les historiens profanes de la haute antiquité, ils nous apprennent que les premières tribus qui peu- plaient les riches plaines de l’Asie, recherchaient les chèvres du Thibet, pour s'enrichir de leur duvet, devenu si renommé de nos jours (5). Sitoujours, l'histoire en main, nous poursuivons nos recherches, nous voyons l'Egypte, cette belle C2 ) patrie des arts, employer la première le duvet du cotonnier, avec lequel on forma dans la suite des tüssus tellement recherchés, que le roi Pharaon ne crut mieux honorer Joseph, intendant de toute Egypte, qu'en le faisant revêtir d’une robe de byssus. ou coton (6). L'homme continuant ses recherches, ne tarda pas à découvrir dans cerlaines plantes des matières propres à servir à la confection de ses vétemens, et de là la découverte des tissus de lin, dont lori- ginese perd dans la nuit destemps, puisque Moïse, le premier de nos historiens, observe que cette plante était cultivée en Egypte bien long-temps avant l’époque où il écrivait; et comme légis- lateur, il voulut que les ornemens des prêtres et des lévites fussent formés du lin le plus fin. Chose admirable! lindustrie humaine qui déjà avait fait de si grands progrès, était loin d’être satisfaite; toujours avide, toujours ingénieuse, elle étudia les mystères de la nature, pour trouver dans son sein de nouvelles richesses, et ce fut dans le chef-d'œuvre d’une chenille qu’elle sut découvrir la soie, qui lui fournit le luxe de ses habillemens. Si nous compulsons les traditions de l’histoire, si nous examinons les annales des peuples les plus anciens, nous remarquons que c’est dans le vaste empire de la Chine que cette étonnante découverte a eu lieu, et nous voyons long-temps (5) les peuples de l'Asie aller chercher dans cette contréeles riches ornemens de leurs rois, que plus tard ils parvinrent à confectionner eux-mêmes. L'Europe acquit bientôt la connaissance de cette industrie. Vers le milicu du 6° siècle, deux mis- sionnaires chrétiens, arrivant des Indes à Constan- ünople, glorieux de propager lesarts, apportèrent les premiers des œufs de vers à soie, en donnant des instructions nécessaires pour les élever et en obtenir d’heureux résultats. Encouragés par les soins de l’empereurJustinien, cette industrie naissante prit en peu de temps des développemens si rapides, que la célèbre Athènes et Corinthe, sa rivale, offrirent des manufactures où l’art de la soierie se perfectionna. Ce ne fut que dans le 15° siècle, sous Louis XI, que les Français se livrèrent à cette industrie (7). Voilà, Messieurs, quelles furent les premières matières dont se servit l'homme pour se vêtir, Il semble que la nature ne pouvait lui en offrir de nouvelles; cependant en suivant l’homme dans ses recherches, nous le voyons aller fouiller dans les entrailles de la terre, pour y trouver non-seulement ce qui pouvait servir à sa cupidité, mais aussi de nouvelles matières pour rehausser léclat de ses vêtemens, et de là l'emploi de l'or, de Pargent et même des pietreries. Moïse nous fait connaitre que l'or qui entrait dans les ornemens sacerdotaux, était réduit en (154 ) feuilles, découpé en lames très-minces et plié autour de fils de différentes couleurs (8). Une découverte en amène toujours une autre. C'était bien quelque chose que d’avoir imaginé de recueillir les dépouilles des animaux et les filamens fournis par les végétaux; mais on n’eût pas retiré un grand avantage de cette découverte, si on n'avait pas trouvé le secret de les réunir par le moyen du fuseau, et d’en former un fil continu (9). Il est constant que l'invention du fdage au fuseau remonte à la plus haute antiquité. Les Egyptiens attribuaient l'honneur de cette décou- verte à Isis, les Chinois à une de leurs premières impératrices, les Lydiens à Arachné, et les Grecs à Minerve. Je pourrais faire observer que les tradi- tions de presque tous les peuples s'accordent à donner aux femmes le mérite d’avoir inventé tous les ouvrages à la main qui ont Nb objet la con- fection des vêtemens. Passons maintenant aux divers procédés aux moyens desquels l'homme est parvenu à donner aux vêtemens de belles couleurs. La plupart des matières propres à former des tissus sont naturellement d’une couleur terne et sombre, et l'homme sentit le besoin de les revêtir de cette variété de nuances dont la nature pare avec un si vif éclat toutes ses plus belles pro- ductions. Sans doute, la compression de certaines plantes, l’effet de l’eau sur quelques substances (255 ÿ minérales, fournirent les premières idées de l'art de la teinture. Sans doute, il fallut faire bien des essais, il fallut employer bien des moyens pour arriver au point d'imiter les diverses couleurs de cette belle nalure; mais toujours infatigable, l’industrie de l’homme, à force de recherches, obtint les résul- tats après lesquels elle soupirait, Les écrivains des premiers âges nous font une description pompeuse des vêtemens de couleurs variées dont se servaient leurs contemporains, Ici, Moïse parle des étoffes teintes en bleu-céleste, en orange et en pourpre, dont le tabernacle était enrichi; là, Homère emploie des expressions ad- mirables pour décrire les riches ornemens de ses dieux et de ses héros. Le père de l’histoire, Hérodote, en parlant des premiers rois, nous les montre toujours revêtus de la pourpre. La pourpre, celte couleur si belle et si célébrée dans les chants des poètes, fut, suivant les tra- ditions de toute lantiquité, due au hasard : le chien d’un berger de Tyr, pressé par la faim, brisa sur le rivage de la mer un coquillage, et soudain lanimal fut couvert d’une couleur si vive et si éclatante que l’on s’empressa de l’imiter sur les tissus (10). Après avoir parlé des matières premières et des couleurs, je suis amené à vous exposer , Messieurs , les divers procédés employés pour la confection des tissus. ( 136 ) Le premier ouvrage de l'industrie humaine fut une étoffe plus ou moins souple, formée de matières laineuses, que la gomme de certains arbres permettait d’'unir: Pline le Naturaliste, cet homme à qui l'antiquité était si familière, assure que les anciens faisaient un grand usage de ces espèces de feutres. Que d'ouvrages ne fallüt-il pas entreprendre pour obtenir un tissu régulier composé d’une chaîne et d’une trame ? Que d’essais, que de recherches, l'esprit ingénieux de l'homme ne dût- il pas faire pour les confectionner avec célérité et économie, en un mot, tels que nous les avons aujourd’hui ? L’art de tisser au métier était déjà connu du temps de nos premiers écrivains : alors les fils de la chaîne, assujettis à leurs extrémités au moyen de gros rouleaux, étaient tendus verticalement , à peu près comme cela se pratique pour les tapis- series des Gobelinset les schals de cachemire (11). Comme nous, les anciens employaient divers moyens pour embellir leurs tissus d’ornemens variés; ils se plaisaient à les enrichir de brillantes broderies, et les Historiens du peuple juif nous dépeignent tantôt celles dont étaient décorés les riches draperies qui environnaient le sanctuaire ; tantôt ils nous représentent les filles de Sidon occupées à orner d’élégantes broderies les voiles dont elles se couvraient aux jours de fête. (137) Le chantre de la Grèce, Homère, nous montre dans les murs de Troyes Hélène, occupée à ter- miner un merveilleux ouvrage de broderie qui représentait les combats sanglans des Grecs et des Troyens; et ailleurs, le poète nous dit qu’Andro- maque travaillait à une broderie de fleurs, lors- qu’elle apprit la mort du valeureux Hector. Ce n'était pas seulement avec le secours de Paiguille que les anciens ajoutaient des ornemens à leurs tissus; comme nous, ils savaient les em- bellir sur le métier par des fils de chaine et de trame de couleurs différentes (12). Comme nous, à l’aide de limpression, ils repré- sentaient, sur les tissus déjà formés, des dessins d'une variété admirable : Hérodote nous apprend que des peuples qui habitaient les plages de la mer Caspienne, imprimaient sur leurs étoffes des dessins d'animaux et de fleurs qui duraient autant que le tissu lui-même (13). Je ne vous parlerai pas, Messieurs, des divers procédés employés jusqu'à nos jours par les Indiens, pour obtenir ces tissus éclatans connus sous le nom de schals de cachemire, qui peuvent être considérés, d’après leur confection, comme de véritables broderies exécutées sur le métier , 1l me suffit de vous faire observer que ces peuples, quoique privés de la plus grande partie des con- naissances et des machines dont jouissent les ouvriers de l’Europe, exécutent cependant encore ( 138 ) aujourd’hui, comme Il y a près de 2000 ans, avec un nombre infini de petites navettes et quelques outils grossiers, des tissus dont on ne peutse lasser d'admirer la finesse et la beauté des couleurs (14). En terminant, Messieurs, il m’est pénible, je ‘l'avoue, de me taire sur une industrie qui, quoique connue, ce me semble, dans les temps anciens, paraît n’avoir jamais acquis le degré de perfec- tion où nous la voyons aujourd’hui : c’est la fabri- cation de la dentelle, ce tissu presque aérien qui sert à relever les grâces des femmes de tous les pays civilisés; la dentelle, production importante de nos pays , puisqu'elle en est la première branche de commerce. L'histoire ne mentionne pas l’époque à laquelle on doit attacher cette invention; mais il nous est facile de juger des progrès de cette industrie, en comparant ces espèces de réseaux, ornemens adoptés pendant les siècles de Francois Ier et d'Henri IV, avec les blondes, les dentelles et les tulles qui font aujourd’hui l'honneur et la gloire de nos fabriques. Je ne vous parlerai pas non plus des costumes divers qui ont toujours distingué les peuples, ni des changemens qui y ont été introduits dans la suite des âges; de ces costumes dont les historiens de l'antiquité nous font une si belle description, qui, chezles Egyptiens, les Hébreux, les Grecs, et en général chez tous les peuples de l'Asie, consis- (159 ) taient en une tunique qu'une ceinture (15) servait à attacher, et un manteau richement décoré que les femmes remplacaient ordinairement par une écharpe ou un voile. Ce voile dont se couvrit la timide Rebecca, lorsqu'elle apercut Isaac pour la première fois; ce voile, du prix de mille pièces d'argent, dont Abimelec, roide Gérare, fit présent à Sara, qu’il avait enlevée à Abraham. Enfin, Homère nous représente Ulysse vêtu d’un manteau de pourpre très-fine, qui s’attachait avec une double agrafe d’or. Ce manteau était brodé par-devant , et on y ‘avait représenté , entr’autres sujets, un chien tenant un faon prêt à le déchirer. Sous ce manteau, ce prince avait une tunique formée d’une étoffe extrêmement fine, dont Homère compare l'éclat à celui du soleil (16). Je n’essaierai pas non plus de vous retracer les innombrables phases de la mode : c’est une ma- tière qui n’entre pas dans le plan du travail que je me suis proposé. Je viens, Messieurs, de vous exposer, quoique d'une manière bien imparfaïte, la marche de l'in- dustrie humaine dans lart du tissage dans les temps reculés , et à la vue de tant de recherches et de tant de succès, il nous est impossible, sans doute, de ne pas être pénétré d’un vif sentiment d’admiration et de reconnaissance pour ceux qui nous ont transmis cet héritage. (140) Mais si nous portons nos regards dans le sein des manufactures dont s’enorgueillit: notre belie France; si nous pénétrons dans les ateliers où règne l’industrie, n’avons-nous pas droit de repous- ser le reproche que quelques esprits jaloux osent faire à notre siècle d’être bien au-dessous de l’in- dustrie de nos pères ? Ce sont nos contemporains qui ont inventé ces machines , chefs-d’œuvre du génie puissant de l'homme, qui, mues par de puissans moteurs, ont multiplié d'une manière étonnante les travaux manuels, soit pour le cardage et la filature de la laine et du coton, à l’aide de nouveaux méca- nismes qui, en même temps qu'ils centuplent le produit de Pancien travail à la main, obtiennent encore des fils dont on ne peut se lasser d’ad- mirer la régularité et la finesse (17) : Soit pour l'impression des tissus , au moyen de cylindres de métal sur lesquels un dessin, même à plusieurs couleurs, est obtenu avec une célérité et une économie surprenantes (18) ; Soit enfin en exécutant les tissus les plus com- pliqués avec la machine du célèbre Jacquard (19), et le fond de la dentelle (20),et la maille du tricot avec plus de régularité et plus de perfection qu’à la main, à l'aide d’un seul mécanisme (21). A là vue de ces merveilles de l'industrie manu- facturière, à la vue de l’activité qu’elle déploie autour de nous, pourrions-nous rester indifférens? (14) . Non. Tant d'efforts ne seront pas perdus pour nous, et déjà, grâces aux encouragemens donnés par notre Société d'Agriculture, grâces au zèle qui a toujours animé la haute administration du dépar- tement, de grandes améliorations ont été appor- tées dans la plupart de nos diverses branches d’in- dustrie; espérons qu’elles ne resteront pas sta- tionnaires et qu’elles suivront l’impulsion qui leur est donnée par les contrées industrielles qui nous environnent. : NOTES. (1) Cette notice est expliquée par les livres anciens et mo- dernes, et par les échantillons de tissus trouvés dans le manus- crit de la Bible que Théodulphe, évêque d'Orléans, donna à l’église de Notre-Dame du Puy, vers l’an 835 de l’ère chré- tienne, comme on le voit par la note ci-après : « Le père Odo de Gissey, dans son Histoire de Notre-Dame du Puy, chap. 10, liv. 2, pag. 236, dit : «que Théodulphe, premier abbé de Flory-sur-Loire, et après évêque d'Orléans, fit présent à Notre-Dame du Puy, d’un beau volume qui se garde et se montre en la trésorerie de cette église, contenant le vieil et ancien Testament, l’antique Chronographie de saint Isidore, un livre de nominibus Hebraicis, et un autre, de expo- sitione diversarum rerum, comme un Traité de Deo de ujus attributis, ét de veriis rebus moralibus, le tout distribué en 138 articles. » Il paraît que Théodalphe fit don de ce manuscrit à Notre- Dame du Puy, en actions de grâces de ce que, lors du temps de Louis-le-Débonnaire, l’an 835, il fut délivré de la prison d'Angers, où le jour des Rameaux, le roi passant avec la pro- cession pardevant la conciergerie, il se mit à chanter le can- (142) tique si connu, que l'Eglise a depuis lors introduit dans ses cérémonies. » Ce précieux manuscrit, qui a été conservé par M. l’abbé Lafond , et que Mgr de Bonald, évêque du Puy, a eu l’obligeance de me montrer dans les archives de l’Evêché, est du format grand in-4°. À la première page, j’ai remarqué une note qui m’a paru écrite par une main plus récente que le manuscrit, qui fait connaître que ce travail a été fait par Théo- dulphe, en 835. Une partie du manuscrit est écrite sur des feuilles de vélin ordinaire, avec lettres noires et rouges et quelques leltres en or; l’autre partie est écrite sur des feuilles de vélin teint en pourpre, en lettres d’or et d'argent, sur lesquels on remarque desornemens de divers genres et de diverses couleurs, du style byzantin. Le dernier feuillet de ce manuscrit renferme des souhaits de Théodulphe au lecteur, et, au milieu d’une couronne, cette inscription : Le livrelest fini. Il paraît que Théodulphe, pour préserver les caractères d’or et d’argent de son manuscrit du contact et du frottement qui, à la longue, lauraient fini par les faire tomber, avait mis à chaque page un morceau d'étoffe de l’époque où il vivait; ces échan- tillons qui m’ont paru presque tous d’origine indienne, n’ont plus d’analogues parmi les tissus modernes. Ces échantillons auxquels personne n’avait jusqu’à présent fait grande attention, m’ont paru si remarquables pour l’histoire.des progrès de l’art du tissage, que j’ai cru devoir les décomposer tous et faire connaître mon opinion sur chacun d’eux en parti- eulier, comme on le verra dans les notes suivantes. La reliüre de ce manuscrit est formée au moyen de deux pla- teaux de bois, recouverts d’une toile blanche de lin très-gros- sière, qui a beaucoup d’analogie avec la toile des bandelettes qui recouvrent la plupart des momies égyptiennes. Cette toile est recouverte à son tour d’un velours en soie de couleur pourpre ou écarlate fin, très-bien conservé. Tout porterait à croire que cette reliüre serait presqu’aussi ancienne que le manuscrit lui-même. (143) (2) Le tableau qui avait été exposé au Musée par M. Falcon, était formé de quarante échantillons de dentelles blanches, de deux pouces et demi de hauteur, fabriquées au moyen de cent cinquante fuseaux, avec du fil de coton du numéro 250, du prix de 90 francs lekilogramme, provenant des filatures dela Flandre. Ces dentelles avaient été fabriquées dans les environs de Saint-Bonnet-le-Château (Loire) et de Craponne( Haute-Loire). Elles étaient remarquables par leur bonne exécution : les dessins reposaient sur plusieurs fonds, composés avec les mailles ou points de JJieppe, le point grecque et quelques fonds nouveaux, et ils avaientconservé, après le travail de l’ouvrière, des formes très-gracieuses, ce que l’on ne peut généralement obtenir que bien diflicilement dans notre fabrique. L'on se plaint, peut-être avec quelque espèce de raison, que les dessins exécutés par nos ouvrières sont moins bien exécutés que les mêmes dessins provenant des autres fabriques rivales, et l’on prétend même que cela provient de ce que nos fabricans et nos piqueurs détériorent les dessins en cherchant à en rendre le travail plus facile aux ouvrières, ce qu’ils n’obtiennent qu’en supprimant un certain nombre de points d'appui ou épin- gles des cartons de dentelles. Combien n’a-t-il pasfallu de temps et de peines à M. Falcon, pour pouvoir obtenir une aussi grande amélioration qui lui permig d’arriver à exécuter des articles dignes d’être recherchés par la grande consommation ? Que l’on se figure ce jeune fabricant parcourant à cheyal les villages situés aux environs de Craponne, à peu près comme cela se pratique aujourd’hui pour la fabrique de rubans de St-Etienne, muni des cartons de nouveaux dessins que lui-même a composés et piqués, les remettant aux ouvrières, avec les fils et les instruc- tions nécessaires, les aidant encore des connaissances qu’il a dans cette fabrication et stimulant le 2èle des plus habiles ou- vrières par des primes d’encouragement et des récompenses en argent, Un article n’étaitpas plus tôt exécuté, que cet habile manufac- turier lui en substituait un autre beaucoup plus ingénieux, et c’est (144) ainsi qu’à chaque saisonona vu sortir de cette fabrique un grand uombre d’articles et de dessins nouveaux de la plus belle exéeu- tion , destinés pour la consommation de la capitale. (5) J'ai remarqué dans le Musée britannique, à Londres, un grand nombre de yètemens des peuples sauvages des deux Amé- riques, des îles de la mer da Sud, des Indes et de l’Afrique, qui avaient été recueillis dans les voyages de Christophe Colomb, de Cook et des célèbres navigateurs. Le cabinet d’histoire naturelle de M. d’Allard, à Montbrison, qui a acquis une juste célébrité, renferme aussi une collection de vêtemens qui avaient servi aux mêmes peuples , parmi les- quels on remarque des bonnets, dés tabliers et des étendards en plumes de diverses couleurs , des souliers en peau de boa, et des sandales en peau de rhinocéros , des gibecières, des hamacs et des étoffes faites avec le phormium tenax , l’aloës-pitt et di- verses autres plantes filamenteuses. (4) Quoique Voltaire donne pour les plus anciens livres du Monde les Sanscrits des Indiens, livres que personne n’a vu ni connu, qui n’ont peut-être jamais existé que dans son imagi- nation, la Bible est sans contredit le plus ancieu livre qui soit aujourd’hui sur la terre, au moins les livres de Moïse et les suivans, jusqu’au /° livre des Rois. On a appelé en témoignage contre Moïse l’histoire chronologique , l’astronomie et la géo- logie; mais les objections ont disparu devant le travail que vient de faire la Société anglaise de statistique de Calcuta. Tout le système des antiquités indiennes a été renversé de fond en comble par les utiles travaux de cette Société, et le même coup a fait tomber tout le système des antiquités de la Chine, dont Voltaire n’a cessé de nous parler. (5) Le tissu n° 6, de la Bible de Théodulphe , est en poil de chèvre, couleur rouge foncé. La chaîne et la trame de cette étoffe m’ont paru formées au moyen de fils en poils de chèvre de la plus grande finesse. Ce tissu surpasse en beauté nos mousselines- laines modernes. (6) On appelle coton les filamens qui enveloppent les semences (145) contenues dans la gousse ou coque d’un arbuste de plusieurs contrées âu Levant, des Indes orientales et de l’Amérique. Dom Calmet, Campenon et plusieurs auteurs, ont beaucoup dis- cuté sur le mot de byssus, que les écrivains sacrés out donné à la matière dont étaient formés les yélemens des anciens; cependant, quoiqu’ils ne soient pas parfaitement d'accord à ce sujet, tout porte à croire que ce serait le coton que l'on aurait voulu désigner par le mot de byssus. Parmi les tissus de la Bible de Théodulphe, on remarque plusieurs morceaux (n° 1 ) de toile de coton, dont la couleur approche beaucoup de celle du nankin des Indes. Ce tissu, qui m’a paru assez fin et bien fabriqué, porte 88 fils de chaïne sur 64 fils de trame par pouce. Il était raccommodé en plusieurs endroits avec du fil beaucoup plus gros que celui qui entrait dans la confection du tissu lui-même, J'ai aussi re- marqué que le tissu avait été écrasé d’un côté, au moyen d’un cylindre , et apprêté avec un mélange de gomme et de farine. (7) La soie. Le P. Duhalde ( Æistoire de la Chine) rapporte qu'environ 1800 ans avant Jésus-Christ, une des femmes de Wang-Ti découvrit l’art d’élever fês vers à soie, trouva le moyen d’en filer le cocon et de former des tissus de soie; et un autre historien, de Guignes ( Voyage en Chine), rapporte que l’im- pératrice fait célébrer tous les ans à Pecking la fête de la récolte des feuilles de mürier. A juger de la description qu'Hérodote fait d’une laine plus belle et plus fine que l’ordinaire, et qu’il dit être le fruit d’un arbre sauyage des Indes, pays le plus reculé que les Orientaux con- nussent de son temps, du côté du Levant, il paraïtrait que ce serait la premièreidée qu’on auraiteudela soie. Il n’était du reste pas extraordinaire que des gensenvoyés dans ces contrées pour la reconnaître, ne voyant qu’en passant les cocons des vers à soie dont les arbres pouvaient être chargés, eussent pris ces cocons pour des pelotons de laine. Aristote, le plus ancien des naturalistes, est celui qui donne la description d’un insecte le plus approchant du ver à soie. Pline 10 ( 146 ) en parle aussi; enfin Pausanias, qui a écrit après Pline, donne une très-mauvaise description du ver à soie. L'histoire nous apprend (fopicius) que la soïe se vendait à Rome au poids de l’or, sous l’empereur Aurélien; elle nous apprend encore qu’'Héliogabale fut le premier empereur qui porta une tunique de soie. Les empereurs qui lui sucédèrent, Valen- tinien, Valens et Gratien défendirent de porter des vêtemens tout en soie. Les Pères de l'Eglise des premiers siècles s’éleyèrentlong-temps contre le luxe des habillemens de soie. Ce ne fut que vers la fin du 9° siècle, à peu près à l’époque où Théodulphe travaillait à son manuscrit, que la fabrication des tissus de soie commenca à se répandre en Europe. Ce fut à Thèbes, à Argos et Corinthe que furent établies les premières manufactures de soïeries dont elles furent en possession jusqu’au 12° siècle. À cetteépoque, Roger, roi de Sicile, à son retour des croisades, fit la conquête du Péloponèse et emmena avec lui, de Corinthe et d'Athènes, des ouvriersen soieries. Îl ne tarda pasà établir des manufactures de soieries à Messine et à Palerme. Les premiers tissus de soi@ ne parurent guères en France que dans Le 13° siècle. L’usage en fut prohibépar une loi somptuaire ; on permit seulement aux jeunes mariées d’en porter des garui- tures à leurs manteaux. Vers la fin du 15° siècle, des réfugiés italiens étant venus se fixer à Lyon, apportèrent dans cette ville la fabrication des tissus de soie, et cette industrie fut encouragée par Louis XI et ses successeurs, qui accordèrent des priviléges à ces ouvriers. Sous Louis XIV, Colbert fit venir de Bologne un habile moulinier en soie, appelé P. Benay, qui établit des usines pour l’apprêt des soies. L’édit de Nantes, donné par Henri IV, avait permis à la production de la soie de prendre un grand développement dans les Cévennes et dans le midi de la France ; mais la révocation de cet édit, qui eut lieu sous Louis X1V, porta un coup funeste à cette industrie. Les nations étrangères , l'Angleterre , la Suisse, (147) l'Espagne, l'Allemagne s’empressèrent d'accueillir les Ouvriers, qui établirent des manufactures en soieries qui sont aujourd’hui en concurrence avec les nôtres, Le tisssu de la Bible de Théodulphe, qui porte len°2, a perdu l'éclat de sa couleur blanche primitive. La chaîne est formée d’un fil de soie grège à un bout, d’en- viron 10 à 12 Cocons, assez tordu, On compte 64 fils de chaine et Go fils de trame dans un pouce. Le fil de la trame m’a paru être composé avec une matière beaucoup plus fine que celle fournie par nos troupeaux iudigènes: ce qui ferait présumer que c’est du poil des chèvres du Thibet, dont on fait usage encore aujourd’hui dans la confection des schals-cachemire. Cette étoffe paraît avoir été Taccommodée en différens endroits avec un fil très-gros, dont la matière est à peu de chose près la même que celle de la trame. Le tissu qui porte le numéro 3 est vert; la chaîne, for- mée d’une soie grège de 10 à 12 CoCons, a perdu sa couleur primitive, tandis que celle de la trame s’est parfaitement con- servée, Cette trame, beaucoup plus fine que celle du n° 2, est formée des mêmes poils de chèvre, L'analogue de ce tissu serait aujourd’hui l’étoffe appelée /Aiber. ) Le tissu n° 4 est une espèce de canevas parfaitement carré, dont la chaine et la trame sont formées d’un trés-gros fil de soie, à un bout cuit, très-tordu, Le tissu moderne qui aurait beaucoup d’analogie avec lui, serait celui qu’on appelle communément hernani, Le tissu n° 5 est en soie, couleur amarante, assez bien conservé; la chaîne est crue et la trame cuite, Cette étoffe m’a Paru avoir quelque analogie avec nos marcelines grossières, Les tissus des n°° 9 et 10 m'ont paru avoir perdu leur couleur primitive; Ce sont des espèces de gazes fines en soie. La chaine et la trame sont formées d’une soie préparée et tor- due , dans le genre de celle des crêpes ordinaires des fabriques de Lyon et de Saint-Etienne. Si ces tissus sont aussi anciens que le manuscrit lui -même, ils pourraient bien avoir servi à former ces vétemens de soie (146) transparens contre lesquels les Pères de l'Eglise des premiers siècles déclamèrent si long-temps.. Je serais encore fondé à croire que ces gazes’entraient aussi dans la confection de ces robes que Varon appelle toga vitrea, tunique à jour ; que Publ. Syrius nomme ventus textilis, tissu de vent; enfin, Pline l’ancien, dans son Histoire naturelle, livre IV, nous dit que les femmes montraient en public leurs formes sous ces vêtemens transparens. Le tissu u° 11, en soie de couleur bois, est un crêpe de même couleur, dans le genre des tissus appelés aujourd’hui crépes de Chine , genre de fabrication qui ne fut apporté en France qu’en 1818, par M. Beauvais de Lyon, qui parvint à découvrir les procédés au moyen desquels ils sont fabriqués dans l'Inde. La chaîne et la trame du tissu, formées d’une soie cruetrès- tordue, sont disposées de manière à présenter dans la contexture du tissu un fil torda dans un sens et un fil tordu dans f’autre sens. Après le tissage, l’étoffe est décreusée et teinte; chaque fil après le décreusage, produisant un tiraillement dans le sens de la torsion, rend le tissu élastique et moelleux. Le tissu n° 12 est un crêpee de Chine du même genre que le u° 11, mais beaucoup moins souple, attendu qu’il ne paraît presque pas avoir été décreusé. (8) Or. C’est une une chose merveilleuse que la perfection que l’on a apportée dans le travail des métaux destinés à la con- fection des tissus. Aujonrd’hui, on prend un lingot d'argent cylindrique, ayant environ nn pouce et demi de diamètre sur environ un pied de long. On le fait chauffer et on le recouvre, pendant qu’il est encore chaud, d’un certain nombre de feuilles d’or , pesant en- viron deux onces. On fait passer ce lingot ainsi préparé dans des filières de grosseur de plus en plus petites, jusqu'à ce qu’il devienne aussi fin qu’un cheveu. On a calculé que, par cette opération, le fil a acquis une longueur d’environ un million de pieds (environ ( 149 ) cent lieues}, sans que l’on s’apercoive, même à l’aide du micros- cope, que l’or ait laissé la moindre partie du fil d'argent à dé- couvert. Ce fil, appelé trait, est employé dans les fabriques de dorures. D’autres fois on le fait passer entre deux cylindres de métal destinés à l’écraser; il prend alors le nom de /ame, Ces lames sont destinées ordinairement à recouvrir des filsde soie sur des métiers à guimper, (9) Le filage au fuseau remonterait à la plus haute antiquité. Les livres saints nous apprennent que lVoéma, sœur de Turbal Caïn, inventa l’art de filer les matières destinées à former des tissus; et il paraîtrait que cette opération se faisait à peu près de la même manière chez tous les peuples de la haute au- tiquité. (Go) Plutarque rappporte, dans la Vie d'Alexandre, que ce conquérant trouva dans les trésors des rois de Perse une quan- tité prodigieuse d’étoffes pourpre, qui, depuis près de deux ceuts ans qu’elles y étaient gardées, conservaient encore tout leurlustre et leur première fraîcheur. Pline et Aristote donnent des détails sur la préparation de la pourpre ; mais quand le secret de cette belle couieur, dont les historiens de l’antiquité nous ont peut-être exagéré la beauté, serait perdue, je ne crois pas que nous ayons à regretter aujourd’hui cette couleur, qui est peut-être bien surpassée par notre ponceau fin à la cochenille. (1) Ne pourrait-on pas présumer que c’est l’araignée qui a donné la première idée du tissage, lorsqu’on fait attention à la manière dont cet insecte forme sa toile ? Autrefois on travaillait les étoffes debout ; Homère et Virgile déposent de cet ancien usage. Les fils de la chaîne etaieut tendus verticalement de haut en bas. Sénèque nous apprend que les Egyptiens furent les premiers qui changèrent cette méthode; bien plus, Homère semblerait faire présumer que de son temps on brochait des tissus au moyen de petites navettes ou espoulins employés dans la fabrication des schals-cachemire, Ce poète (150 ) décrivant les courses qu'Achille fait célébrer en l'honneur de Patrocle, voulant montrer combien les deux émules, qui se disputaient le prix de la course à pied, se suivaient de près, dit: « Telle une femme, à la belle ceinture, passe avec rapidité dans » la chaîne du tissu la trame obéissante que ses doigts tiennent » tendue; chaque fois la navette s'éloigne, se rapproche et semble » vouloir eflleurer sa poitrine. » Ce qu’on vient de lire est la traduction presque littérale. Voici comment Madame Dacier traduit le même passage: « Bientôt le fils d’Oïlée devance ses » rivaux; mais Ulysse le suit d’aussi près qu’une femme qui dé- » vide sa laine, passe son fuseau près de son sein.» Quelle confiance peut-on porter à nos traductions, si elles sont faites ayec aussi peu de soin? (12) Pline attribue l'invention destissus faconnés surle métier aux Babyloniens. Plusieurs historiens rapportent queles Tyriens et les Phéniciens, qui étaient autrefois les maîtres du commerce de tout le monde, faisaient un grand trafic de ces étoffes con- nues sous le nom de damas. Fulcandus prétend que Palerme était renommée par ses tissus faconnés, mélangés d’or. Francois I*° favorisa l'introduction de cette industrie en France, en faisant venir des ouvriers génois qui apportèrent la fabrication des damas et des velours. Cette industrie se fixa de préférence à Lyon et y acquit, au bout de quelques années, une grande importance. Vers la fin du 18° siècle, la ville de Lyon était presque la seule qui se livrât à la fabrication des étoffes riches de soie, brochées or et argent, pour meubles et ornemens. Ce fut à cette époque qu'ont été exécutés sur les métiers à la grande-tire ces dessins d’animaux, de fleurs, d'oiseaux, de paysages, etc., de la plus riche exécution, qui sont conservés aujourdhui comme des objets de curiosité. Le fond du tissu n° 16, de la Bible de Théodulphe est en soie couleur ponceau fin ; la chaîne est en soie crue et la trame est cuite; il porte d'un côté une bordure de deux pouces de hauteur, formée au moyen de trames de différentes couleurs ( a5ä) lancé. Une partie du dessin, formant un fer à cheval, est ponceau et bleu, et l’autre ponceau et vert; cette dernière cou- leur a entièrement disparu. La trame du broché est liée en sergé à l’envers du tissu. Je présume que cette étoffe a été exécutée sur un métier à la grande-tire, (13) Pline fait connaitre un procédé employéparles Egyptiens, pour obtenir des toiles peintes. Ce procédé consistait à enduire certains endroits d’une toile d’apprêts ou mordans, et l’on trem- pait cette pièce ainsi préparée dans une chaudière de teinture. Un procédé, à peu près analogue, est employé encore aujourd’hui en Chine et à Mulhouse pour les toiles peintes. (14) La fabrication desschals , dans l’Inde, est très-ancienne, et le tissage, dont elle n’est que le perfectionnement, remonte chez les nations de l'Asie aux temps les plus reculés. C’est dans le nord de l’Inde et dans quelques autres parties de l’Asie que se trouvent les plus belles laines, les poils de chèvre et de chameau, et les duvets les plus fins, comme les plus propres à cette fabrication. Les voyageurs qui ont visité ces contrées s’accordent tous à donner aux métiere et aux procédés employés une simplicité remarquable. Dans le métier indien, encore employé dans la fabrication des schals de Cachemire, la chaîne est tendue verticalement et l’ou- vrier introduit suceessivement, au moyen de petites navettes ou espoulins garnis de trame, toutes les couleurs nécessaires À chaque partie du dessin qu’il veut obtenir et qui est indiqué sur la chaîne au moyen d’un trait en couleur. Il passe alternativement tous les fils de trame dans l’ouverturede la chaine, et les fixe en les entrelacant les uns avec les autres, de telle sorte que chaque partie du dessin présente à l’envers , après le tissage, une espèce de cordonnet. Il arrive même quelquefois qu’une partie du schal u’ayant pu être crochetée pendant le tissage, est cousue après. Les schals indiens étaient peu connus en France avant l’expé- dition d'Egypte, Après cette expédition, un grand uombre fut (329 introduit par les ofliciers de notre armée; mais leur prix três- élevé en a toujours restreint l’usage aux classes aisées de la société. Ayant fait connaître le schal de l’Inde, dois-je passer sous silence le tissu qui le remplace chez nous! Dans le schal-cachemire francais, le dessin est ordinairement formé sur le fond du schal par une trame lancée tout au travers de l’étoffe, et qui ne ressort à l’endroit que dans la partie où elle doit paraître dans le dessin. Quand le schal est terminé, on dé- coupe à l’envers toutes les portions de fil qui flottent et que l’exécution du travail a repoussées au dehors, ne laissant que la partie qui doit figurer le dessin. Cette opération, en isolaut et privant de leur soutien tous les fils du lancé qui entrent dans la composition de chaque sujet du schal, lui enlève une partie de sa solidité. Les fils n’étant pas bouclés comme dans le schal de l'Inde, et se trouvant seulement plus ou moins serrés les uns contre les autres, l’usage et le frottement les ouvrent et lesfont tomber de bonne heure. Le tissu de la Bible de Théodulphe, qui porte le n° 13, est un crêpe de Chine, fond bois, ayec bordure à olives, broché en soie, par les procédés d’espoulinage employés encore aujour- d’hui dans la confection des schals cachemire de l’Inde. Le broché ne porte que quatre couleurs: bleu-raymond, amarante, jaune foncé et jaune chair. La chaîne et la trame du tissu étaient teintes avant le tissage ; aussi le crêpe est-il moins parfait que eelui des n° 11 et 12. Le tissu n° 14 est du même genre que le n° 13. Le dessin à mouches contresemplées, porte aussi les mêmes couleurs. Le tissu n° 15 dont la chaine est en soie et la trame en poil de chèvre dans le genre dutissu n° 2, porte une bordure brochée espoulinée, facon des schals-cachemire de l’Inde, mais à deux couleurs seulement. (15) Les historiens de la haute antiquité nous font connaître que les personnes de qualité portaient des ceintures précieuses et magnifiques , tandis que les jeunes filles portaient des rubans et des liens qui venaient s’attacher au-dessous du sein. Les pau- ( 295") vres portaient des ceintures en cuir. Homère parle de la ceinture de Calypso et decelle de Circé. La matière des ceintures était ordinairement le lin, On y ajoutait à l’aiguille de la broderie, de l’or, des pierreries mêmes. (6) Ce que l’on appelait l’habillement de dessus, chez les anciens, était le manteau, formé de matières plus ou moins précieuses et qui était plus ou moins richement décoré. Quelle magnificence et quel luxe ne régnait-il pas dans l’ha- billement qu'Homère donne à quelques-uns de ses héros ? Mous voyons dans le monument trouvé à Saint-Marcel, qui est déposé au Musée du Puy, uu modèle du vêtement national des Gaulois. Ce monument offre deux costumes complets des Gaulois. Le maître, qui porte les armes pour la chasse, a pour vêtement la tunique romaine; tandis que le domestique, qui porte le sac des provisions, est vêtu de la caracalla ou sorte de blouse, ou tunique courte appelée dans les temps anciens sarrau, chez quelques peuples du nord, nom qu’elle a conservé de nos jours. Il paraitrait que les anciens avaient un moyen de faire sur le métier des tuniques sans coutures. La coiffure des ministres des autels que nous donne Moïse était, à peude choses près, le turban porté encore aujourd’hui par les peuples de l’Orient. La chaussure consistait généralement en des espèces de brodequins ouverts par devant , que des liens venaient attacher sur le devant dela jambe. (17) L'histoire est aussi dans les progrès de l’industrie et du commerce. Une invention, une découverte, une industrie nou- velle ont souveut influé sur la prospérité d’un état. Il n’y a guère plus d’un demi-siècle que le coton et la laine étaient filés à la main, En 1765, un barbier anglais, Highs, de Lancashire, inventale métier à filer à six broches, qu’il appela Jenny, du nomde sa fille Jeannette, Un de ses contemporains, Richard Arkwrght, sans pouvoir se glorifier d'aucune invention en mécanique, mettant un zèle et une patience à toute epreuve pour se procurer les découvertes des autres, et un talent extra- ordinaire pour les faire servir à ses propres vues, parvint à tirer (154) parti de l’ingénieuse invention de Highs et à faire une fortune colossale, -tandis que l’inventeur est mort dans la misère. Arkwrght, dans sa grandeur usurpée, ne lui tendit seulement pas une main protectrice. Nous venons d’avoir, il y a quelque temps, à Saint-Etienne, un exemple à peu près semblable: les Aouser, de Bâle, qui avaient apporté les premiers métiers à la barre, sont morts dans les hospices de eette ville, et leurs descendans sont aujourd’hui dans unétat voisin de l’indigence. L'invention d’Highs , la substitution des cylindres aux doigts, changea le commerce de toute l'Angleterre et du monde entier. La mécanique au moyen de laquelle un ouvrier pouvait produire deux cents fils, là où où l’on n’en produisait qu’un auparavant, fit tomber la production à un prix bien inférieur à celui que l’on paie dans l’Inde ,là où le travail de l’homme est à peine rétribué. Si l'emploi des machines a prodigieusement étendu la fabrication des tissus de laine et de coton, elle a aussi contribué à accroître la fabrication des tissus de soie et surtout celle des rubans. Le métier sur lequel on peut tisser à-la-fois 122, 15 ,20 et 30 pièces en diminuant les frais, a excité la production. Depuis quelques années, les métiers à plusieurs pièces à la barre se sont per- fectionnés à Saint-Etienne au point d’exécuter ayec précision et facilité les articles les plus compliqués. (28) Long-temps réduite à l’emploi de moyens assez grossiers pour charger les tissus de dessins et d’ornemens diversement coloriés, la fabrique d’indiennes doit au perfectionnement de la gravure et des procédés mécaniques une supériorité marquée sur les Indiens, sous le rapport de l’économie et de la rapidité de l’exécution et de la perfection dans le travail. Jusqu’à la fin du 18° siècle, l'impression était faite au moyen de planches portant en relief le dessin qne l’on voulait obtenir sur le tissu. Vers 1800, l’on essaya d’obtenir l’impression du tissu, au moyen de cylindres de métal sur Jesquels le dessin était gravé en taille douce. Ce nouveau mode d’opérer causa une révo_ lution, dont les effets sur la prospérité de l’art sont incalculables. Ces cylindres ont permis non-seulement de fabriquer en peu de (LaB5r') temps et avec une grande économie des masses de toiles peintes, mais ils ont apporté dans cette opération une précision et une correction jusqu'alors inconnues. C’est à Mulhouse que l’on peut admirer les progrès de cette industrie. On est parvenu à imprimer aujourd’hui au rouleau avec trois Couleurs à la fois. (9) L'invention de la mécanique à la Jacquard a opéré une grande révolution dans la fabrication des étoffes et des rubans faconnés. Ayant l’application de cette ingénieuse machine, le travail des tissus était compliqué. Jacquard voulut prouver que tous les tissus avaient le même principe, puisqu'il est parvenu à les exécuter tous avec une seule machine, qui a renversé le système des métiers à la grande-tire et à la haute-lisse. Cette machine est teliément ingénieuse et si peu compliquée, que les ouvriers les plus ordinaires peuvent seuls conduire leurs métiers sans aucun auxiliaire, et arriver à exécuter sur le tissu les dessins les plus délicats et de la plus grande exécution; plus de ces lacs et de cette infinité de cordages qui rendaient le tra- vail de la fabrication long et pénible; une seule pédale et quel- ques cordes ont tout remplacé. On a établi depuis quelque temps des métiers d’étoffes de soie à la Jacquard dans la maison de la Providence du Puy. La So- ciété d’Agricelture a cru devoir accorder, en 1835, un encou- ragement aux directeurs de cette fabrication. (20) Exécuter le point de la dentelle et les tulles avec plus de régularité etplus de perfection qu’à la main, au moyen d’une machine , eût paru une chose impossible il y a moins d’un demi- siècle. Il était réservé à MM. Sauzéas et Dervieux, de Saint- Etienne, de résoudre ce problème. Aujourd’hui les tulles fabri- qués par d’ingénieux mécanismes inondent tous les marchés du monde. A voir les perfectionnemens que l’on apporte chaque jour dans toutes les branches d'industrie, qui peut nous assurer que la dentelle faconnée ne s’exécutera pas un jour par quelque nou- veau procédé ? ( 156 ) (21) Il faut convenir que les habillemens des anciens devaient être bien défectueux, puisqu'on ne connaissait pas les tissus à maille, qui se prêtent si bien aux formes des objets qu’ils sont destinés à couvrir. Avant que l’on eût découvert les bas tricotés à l’aiguille, on se servait de bandes d’étoffes cousues, que l’on adaptait parfai- tement à la forme des jambes et des pieds. Ce n’est que depuis Francois Ie" qne l’on trouva le moyen de tricoter les bas; Henri II porta, aux noces de sa fille, les premiers bas de soie tricotés à l’aiguille que l’on ait vus en France; enfin Henri III porta aussi comme un objet de curiosité, aux noces de sa sœur avec le duc de Savoie, une paire de bas de soie tricotés. Quand nous voyons tricoter des bas à l’aiguille, nous admi- rons la dextérité des mains de l’ouvrière, qui, quoiïqu’elle ne fasse qu’une seule maille à la fois, n’en exécute pas moins plusieurs mouvemens différens. Combien n’a-t-il pas fallu de génie au mécanicien qui est arrivé à composer une machine qui a exécuté simultanément tous ces mouvemens, non-seulement pour une seule maille, mais encore pour une suite de mailles que l’on pourrait porter à l'infini? Ce fut sous le ministère de Colbert qu’un serrurier francais, dont l’histoiren’a pas conservé le nom, inventa le métier à faire les bas, et ce fut à Louis XIV que furent présentés les premiers bas fabriqués à l’aide de cette machine. On prétend que les bonnetiers de Paris, redoutant les effets de cette découverte, engagèrent le valet de chambre du roi à couper plusieurs mailles de ces bas, ce qui en détermina la rup- ture dès que le roi voulut s’en servir; les bas furent trouvés mauvais et rebutés. L'’inventeur n'ayant recu aucun encoura- gement en France, passa en Angleterre, où il fut trés-bien ac- cueïlli, et on lui donna les moyens d'organiser des fabriques de bas que les Anglais exploitèrent pendant quelques années. La France n’a pas tardé à reprendre à l'Angleterre cette industrie, à laquelle Lyon et Nimes viennent d'apporter un dernier degré de perfection, par l'invention des métiers à mailles- (157) fixes, l'application de La mécanique à la Jacquard et des machines qui permettent d’arriver à l'exécution des ouvrages à jour de la plus rare perfection. L'industrie fait chaque jour de si grands progrès, que, bientôt peut-être il n’existera pas une seule opération dans les arts qui ne soit exécutée par quelque mécanisme particulier, et ainsi la main de l’homme finira par se trouver insensiblement remplacée par l’action de quelque machine. AM AAA A AA VU AV A UN VU VUS VV AV A A AS AA A A A M AS VV A UV VA NOTICE Sur quelques Médailles trouvées à Lissac, près S'aint- Paulien ; Par M. Aug. Aymarp. Les monumens de la puissance romaine les plus variés et les plus authentiques sont, comme vous le savez, Messieurs, les nombreuses médailles de tout métal et de tout module que nous livre cha- que jour le sol de notre pays. Mais, soit qu'avant la conquête des Gaules par César, le Velay se gouvernant par ses propres lois, ses relations de commerce avec les provinces romaines fussent peu fréquentes, soit par toute autre cause que nous ignorons, nous navions jamais rencontré jusqu'ici qu'un très-petit nombre de médailles ou monnaies antérieures à.lempire. Vos collections que vous avez mis tant de soins ( 158 ) et de zèle à enrichir de tout ce qui se rattache à l'histoire de notre pays, ne possédaient donc au- cune de ces médailles de la république, si estimées par les curieux, que lun des savans les plus distingués de notre temps disait d'elles : « La » variété des types et des symboles qui se trou- » vent dans ces médailles, les simulacres des » divinités, les portraits des personnages illustres, » lesnoms des premières famillesromaines qu’elles » nous transmettent, tout sert à l’étude de la » mythologie et à celle de l'histoire, à la con- » naissance des mœurs et des usages civils et » militaires des Romains, et même à nous faire sui- » vre les progrès de l’art monétaire depuis le com- » mencement de la fabrication des monnaies d’or » etd’argent jusqu’au beausiècle d’Auguste {1). > Les cinquante-trois médailles que j'ai l'honneur dé mettre sous vos yeux appartiennent à cette brillante époque de l’histoire numismatique; elles ont été trouvées dans la commune de Lissac, à peu de distance de l’ancienne capitale du Velay. Elles sont d’un argent fin, et, comme vous le voyez, de ladimension d’une pièce de 50 centimes; mais elles diffèrent des mesquines monnaies de notre temps par une grande pureté de dessin et par le relief des têtes et des figures des revers, ee (a) Mionnet : Préface, — De la rareté et duprix des médailles romaines, tome 1. (159) qui s'élève dans quelques-unes de ces pièces jus- qu’à la demi-ronde bosse. Vous remarquerez aussi que deux de ces mé- dailles ont leur rebord ou leur flan dentelé; les pièces ainsi fabriquées sont aussi appelées cré- nélées. Les auteurs pensent que cette pratique avait été adoptée par certains monétaires, pour indiquer que c'était de la monnaie légitime et qui n'était pot sujette à être fourrée ou falsifiée. La valeur de l'argent, plus élevée dans ces temps anciens que de nos jours, ne conseillait-elle pas aussi cet usage afin que ces pièces ne fussent rognées ? Quoi qu'il en soit, les consuls aux coins desquels ont été frappées le plus grand nombre de ces médailles, comme le constatent les légendes, appartenaient aux vingt-une familles suivantes : Æmilia, Cæcilia, Calpurnia, Carisia, Claudia, Cordia, Cornelia, Domitia, Fabia, Hostilia, Julia, Junia, Manilia, Mineia, Plantia, Plancia, Porcia, Rutilia, Tituria, Vibia, Volteia. On retrouve sur deux de ces pièces les noms célèbres de Si/la et celui de Scipion; une autre à l'effigie de Juba fils, roi de Mauritanie, parait avoir été frappée 49 ans avant notre ère. La plus ancienne, sans contredit, est celle qui présente la figure de Janus à deux tétes; on pense qu’elle remonte aux premiers temps de la fabrication des monnaies romaines. Or, suivant Pline, les premiers deniers furent ( 160 }) frappés vers l’an de Rome 485. Ces deniers valaient primitivement dix as, ce qui est exprimé par le chiffre X qu’on lit dans le champ de quelques-unes de ces pièces; mais plus tard la valeur de l'argent paraîtavoir augmentée; car d’après le même auteur, il fut décidé, sous la dictature de Fabius, que cette même valeur serait portée à 16 as. Ainsi donc si, comme l’ont pensé les meilleurs critiques, la figure de Janus Bifrons , si la tête de Rome casquée accompagnée de la légende Rom, si la victoire traînée dans un char à deux, trois ou quatre chevaux, rapellent les types les plus usités dans les premiers temps, on peut observer dans cette suite, quoique peu nombreuse, les progrès de l’art numismatique à Rome, depuis la fin du 5esiècle de la fondation de cette république jusques au commencement du 8°, époque à la- quelle il faut rapporter la médaille de Juba et celle de Jules César, qui porte pour type des instrumens de sacrifice et au revers l'éléphant, avec le nom de ce dictateur à l’exergue. Il est assez remarquable que ces deux médailles, qui rappellent une époque où la conquête avait réuni le Velay aux provinces romaines, soient les plus récentes de cette jolie suite de deniers con- sulaires. Ne faudrait-il pas en conclure que l’en- fouissement de ce petit trésor date des premières années du gouvernement des empereurs romains ? (TOR 7) RAA AAA AA AAA AAA AA AS A AAA A AA ARS AA AS AAA A AA AA AAA AA AAA A AAA AA RS NOTICE HISTORIQUE Sur J. Baupoin, de l’Académie française ; Par M. SAuzET, Membre non résidant. Pour critiquer, dit uu homme d'esprit, il faut avoir lu attentivement; et lire un auteur avec réflexion, C'est lui faire tout l'honneur possible. Une véritable pensée de progrès que le temps doit infailliblement féconder, a été concue par la Société académique du Puy, lorsqu'elle a décidé qu’on s’occuperait activement de réunir sur un même point toutes les productions historiques, littéraires, scientifiques et artistiques, ainsi que tous les manuscrits et imprimés nés dans le pays, ou ,qui ont eu pour auteurs des hommes du pays. Cette colléètion ne pourra manquer de devenir, sous peu, un objet d'un intérêt véritable, d’une émulation puissante, un vrai service rendu prin- cipalement à notre littérature historique, surtout si on a soin de compléter cette pensée en re- cueillant, en même temps, tousles renseignemens qué les traditions de famille et les souvenirs de lamitié pourront fournir sur nos écrivains et nos artistes. Quoique notre littérature n’ait pas jeté un éclat bien brillant et que le catalogue de nosillustrations 11 ( 162 ) ne soit pas très-étendu , tout atteste cependant qu'on n’a pas toujours négligé parmi nous la culture des lettres et la pratique des arts; comme les autres, nous avons eu nos sculpteurs, nos architectes, nos peintres, des troubadours, des poètes, des annalistes et des historiens, et nous avons donné deux hommes à l’Académie francaise : le cardinal de Polignac et Jean Baudoin. Le premier , dont la gloire appartient à la France entière, est trop célèbre et trop généralement connu pour en parler ici; le second l’est infiniment moins et peut-être trop peu; c’est ce qui m’en- gage à présenter à la Société quelques recherches et quelques études que j'ai faites sur cet écrivain. Jean Baudoin naquit à Pradelles, au commen- cemént de 1564, d’une bonne et honorable famille. Son père, praticien et consul de cette petite ville, prit le plus grand soin de son éducation et de celle de Pons Baudoin , son frère, qui Eltiva aussi les lettres, et dont il nous reste quelques vers qui ne sont point mauvais, pour le temps, Ses études finies, son père voulut le faire entrer dans la car- rière qu'il avait suivie lui-même, mais cette voca- tion ne fut pas la sienne; aussi ne tarda-t-il pas à l’'abandonner et à quitter le foyer paternel. Tour- menté par je ne sais quelles idées aventureuses d'indépendance et de liberté, 1l se mit à voyager : il parcourut l'Espagne, Ftalie et l'Allemagne. On a conservé long-temps dans sa famille un ma- | | ( 163 ) nuscrit, incomplet et mulilé, de son voyage en Italie. Ce sont des notes sans prétention qu'il prenait à la hâte sur tous les objets qui le frap- paient et qu'il croyait dignes d’être remarqués. Lassé enfin de tant de courses infructueuses, il vint se fixer à Paris. Dans les entr'actes de ses voyages, Baudoin avait été présenté, avec d’autres personnes de nos contrées, à lillustre reine Marguerite, qui habitait le château d'Usson. Courtisan du malheur, jeune et sans ambition, il mérita de fixer les regards de Pillustre captive qui, dans Ja suite, lui donna des marques positives de sa bienveillance; car lorsque, après dix-huit ans d’exil, il lui fut permis de quitter l'asile que Canillac s'était appliqué à lui embellir, et de revenir à Paris, elle se lattacha pour un service tout personnel, enle nommantson lecteur. Ce furent là, sans doute, les plus délicieuses années de sa vie; il fut constamment admis avec les savans, les gens de lettres les hommesles plus brillans et les plus aimables du temps, auprès de cette princesse si distinguée par la bonté de son cœur, la noblesse de son ame, son esprit et sa beauté. Après sa mort, il passa à l'infortuné maréchal de Marilhac, qui eut la tête tranchée à la place de Grève, victime de lambition vindicative du cardinal de Richelieu. Baudoin de plus en plus connu, fut recherché et (164 ) fêté par le grand monde et par les hommes de la plus haute classe de la société. Il eut ses libres entrées chez le duc Gaston d'Orléans qui l’ac- cueillait avec estime ct considération, et l’ad- mettait souvent et familièrement près de lui. «Ce » prince aimait les sciences; dans le temps que » la guerre lui laissait, 1l faisait tenir chez » lui de savantes conférences où l’on arrivait » préparé sur les matières qu'il avait indiquées; » ce fut là où notre compatriote fit connaissance » avec les écrivains qui primaient alors : Théo- » phile, Malherbe, Faret, Balzac, etc. » Privé ensuite successivement de ses protecteurs, sans avoir su mettre à profit le bon vouloir de la fortune lorsqu'elle lui souriait, il n’eut d’autres ressources que ses travaux littéraires, auxquels il se livra exclusivement et avec ardeur; c’est sur- tout dans cet intervalle qu'il termina les nom- breuses traductions qu'il nous a laissé de quel- ques auteurs grecs, latins, espagnols, italiens et anglais, de Salluste, de Tacite, de Suétone, de Patercule, du Tasse, de Bacon, de Ripa, de Suger; traductions défectueuses, sans doute, que d’autres postérieurement faites ont mis en oubli, mais qui ne sont pas sans mérite, comparées à celles qu'on avait alors; c’est le témoignage que lui rend, après sa mort, l’auteur de l'Histoire de l’Académie francaise, Pélisson : « Nous lui avons obligation, » dit-il, d’avoir mis en notre langue un très-grand ( 165 ) » nombre de bons livres ; son chef-d'œuvre est la » traduction de Davila; mais il en a fait plusieurs » qui ne sont pas à mépriser. » Avant de partir pour Paris, il avait fait imprimer à Lyon le premier de ses ouvrages, Les larmes d'Héraclite, petit poème de vingt-deux pages, divisé en sixains et dédié à M. de Bélièvre, arche- vèque de Lyon. Soit timidité, soit modestie, Baudoin se couvrit du voile de l’anonyme, etdonna ses Débuts littéraires , sous le nom d’Antoine de Bandolle, avocat au parlement de Provence. Le premier ouvrage qu'il fit paraître à Paris, fut son Parallèle de César et de Henri IF ; le second, la Traduction de Dion Cassius de Nicée, contenant la vie de vingt-six empereurs, abrégée par Saint- Xiphilin, corrigée et illustrée par lui d’annotations et de maximes politiques, toujours sous le nom du même Antoine de Bandolle. Il fit un voyage exprès en Angleterre , par ordre de la reine-mère Marie de Médicis, pour traduire l’Arcadie de la comtesse de Pembrok (1), par Philippe Sydney. Ce fut là qu'il rencontra une demoiselle francaise qui était depuis quelque temps dans ce paysetqui l’aida dans son travail, Elle était plus jeune que lui, et était douéedes qualitésles plus (2) Trois volumes in-6°, avec figures, Paris, 1625. Le premier volume estde la traduction d'un gentilhomme francais(Baudoin }, etles deux autres de Geneviève Chapelain. ( 166 ) utiles et les plus attachantes; ils se marièrent, attirés et fixés réciproquement par une réunion complète de tous les rapports d'idées, de sentimens et de position. L'Académie francaise n’existait point encore. Vers cette époque seulement commencaient ces assemblées secrètes chez Conrard et Desmarets qui donnèrent lieu à son établissement, Là se réunissaient les gens de lettres les plus distingués, passant les jours les plus heureux dans l’agréable réunion des occupations les plus sérieuses et des amusemens de l'esprit; là, avant de livrer un ouvrage au public, l’auteur le soumettait non à des lectures d’apparat , mais à d’utiles examens dans lesquels lamitié implorait les conseils du goût et recueillait non pas toujours de quoi flatter son amour-propre, mais toujours (ce qui vaut mieux sans doute) de quoi rendre louvrage meilleur. Baudoin fut un des membres les plus considérés et les plus utiles de ces savantes réu- nions, et lorsque Richelieu voulut établir défini- tivement l’Académie, il le désigna pour en faire partie; il fut même un des neuf qui fournirent des Mémoires sur les Statuts qu'il convenait de donner à la compagnie qu'on voulait ériger. En 1636, la cour le chargea de traduire en francais le ’indiciæ gallicæ de M. de Priézac, son confrère et son ami, réponse au Mars gallicus, violente satyre politique que la cour d’Espagne ( 167 :) avait fait faire au fougueux Jansénius contre la France et la politique du cardinal-ministre, Sa vieillesse fut soufrante et pénible, par la goutte et les autres infirmités qui l’assiégèrent, Homme sans prévision, parce que durant le cours de sa longue carrière, il avait négligé tout le positif de la vie réelle, ne rêvant qu’une existence toute idéale de gloire et de rénommée littéraire, il eut dans ses dernières années quelques privations à éprouver. Il mourut à Paris en 1650, dans sa soixante-sixième année, laissant deux filles. Il avait eu un fils, jeune homme de quelque espé- rance, qui fut tué ; à l’âge de 18 ans, au siége de Mardick. Charpentier, le traducteur de Xénophon , fut son successeur à l’Académie. Outre sa propre langue, qu'il écrivait avec pu- reté, les langues mortes et plusieurs langues vivantes lui furent familières. Il connaissait le grec, le latin, l'italien, l'espagnol et langlais. Quelques-uns de ses ouvrages, son Recueil d’em- blémes surtout, supposent des connaissances très- variées, et une richesse rare d’études et de sou- venirs. Il ne fut pas seulement auteur, il fut encore éditeur de plusieurs ouvrages renommés en son temps et utile annotateur. 11 surveilla impression in-f0 d’une traduction du Zraite des bienfaits de Sénèque, par Malherbe, qu'il enrichit de précieuses remarques. On lui doit encore une édition de la ( 168 ) traduction du même Sénèque, par le président Mathieu de Chalvet, avec notes. Scœvole de Sainte- Marthe à jugé ce travail digne d’éloges. I] fit aussi paraître les Commentaires de César, traduits par Blaise de Viginière, illustrés de notes et de maximes politiques dont on fait cas pour l’érudition qu’elles renferment , ainsiqu'une traduction du Catéchisme du cardinal Borromée, par le P. Antoine Pacaud, jésuite, augmenté, dans chaque chapitre, d’exem- ples et d'histoires analogues. Baudoin cultiva aussi dans ses loisirs la poésie, sinon avec de grands succès, du moins sans désavantage aux yeux de ses contemporains. C’est lui qui a fait tous les quatrains qui se trouvent dans la grande Histoire de France de Mézerai. Plusieurs pièces de sa composition figurent à coté de celles de Malherbe, son amr, Racan et Colletet père, dans un recueil de pièces fugitives, intitulé: Les Muses illustres de notre temps, et elles ne le déparent point. Je citerai ici quelques vers pris au hasard dans un autre de ses ouvrages. Que de fois n'est-il pas arrivé d’en lire de plus mauvais dans des auteurs de ce temps plus hautement casés dans l'estime des biographes ! Vers sur La Paix. C'est dans la paix que toutes choses Prospèrent selon nos désirs, Comme au printemps naissent les roses, Dans la paix naissent les plaisirs; (169 ) Elle met l'abondance aux villes, Donne aux champs les moissons fertiles ; Æt de la majesté des lois, Appuyant les pouvoirs suprêmes, Elle affermit les diadèmes Placés sur la tête des rois. Il me serait difficile de fixer ici le mérite des nombreux travaux de notre compatriote. Je dirai seulement que quelques biographes ont été à son égard d’un rigorisme injuste et révoltant. Ses ouvrages gagnent à être connus; on trouve dans quelques-uns des pensées ingénieuses et profondes qui dénotent un esprit observateur et la connaisance du monde , des sentimens doux et vertueux qui font chérir et estimer lécri- vain , et des morceaux entiers écrits avec une clarté, un naturel et souvent même une élégance peu connue de son temps. Sa traduction de l’Æis- toire des Incas, dont je voulais citer un fragment (j'ai eu crainte d’être trop long) (1), offre une lecture attachante et' dramatique. Un des pre- miers il traduisit le Tasse, et le père Niceron, son détracteur, convient que sa traduction est bonne et fidèle, et qu’elle n’a été effacée que par celle de Mirabeau. Sa traduction des Guerres civiles de France, (2) C’est le récit de la mort de Pizare, qui rappelle celui que Vertot a fait, dans les Reévolutions du Portugal, de la mort de Michel Vasconcellos. (170 ) par Davila, est son chef d'œuvre; elle eut le plus grand succès et fut réimprimée plusieurs fois, même avec quelque luxe de typographie. Le car- dinal de Richelieu en fut si content, qu'il lui fit une pension de douze cents écus, dont il ne toucha que le brevet, ce ministre étant mort peu de temps après. Il est des hommes pour qui la vie n’a qu'aspérités et déceptions, qu'une dure et irrésistible fatalité semble poursuivre sans relâche: Baudoin fut de ce nombre; il se vit privé, par une cause à peu près semblable, d’une pension viagère bien plus considérable encore , qui l'aurait mis pour toujours à l'abri des atteintes de ces besoins qu’on lui a si amèrement reprochés. A la prière d’un chevalier de Malte , il entreprit de terminer l'Histoire de cet ordre célèbre, par Boissat le père; il l’avait continuée depuis 1551 jusqu’à son temps, avec sommaires et notes mar- ginales, suivie d’une traduction des Efablissemens et des Ordonnances de l'Ordre. Pour cette Histoire et pour la traduction de la Vie des Saints et des Saintes de Saint-Jean-de-Jérusalem, ce chevalier lui avait promis une pension viagère de mille écus, mais celui qui pouvait la lui donner étant mort, il perdit tout le fruit de son travail. La bibliothèque de la ville du Puy possède un exemplaire fort beau de la 2° édition in-f° de l'Histoire de Malte, et un autre exemplaire, même format, de la 3e édition de l'Histoire de Davila. (az) La fécondité trop productive de notre compa- triote paraît avoir été le principe des paroles de dédain et de discrédit que quelques auteurs ont écrites contre lui. Comment tant faire et bien faire assurément? Mais en faisant la part du temps et des habitudes de l’écrivain , l’étonnement cessera. Cet homme a travaillé pendant quarante- cinq ans, et alors l’homme-auteur n’était point, comme de nos jours, Fhomme indispensable de tous les plaisirs, de toutes les réunions, de tous les athénées, mais bien plus tôt l’homme de médi- tation, d'isolement et de labeur, pour qui la vie se consumait tout entière dans un travail inces- sant et consciencieux. Les anonymes du Dictionnaire historique, l’auteur des Trois siècles, l'abbé Feller, MM. Chaudon et Delandine,ont donnésur cet écrivain un article litté- ralement identique. M. Beuchot ,dansla Biographie universelle, a présenté la même lecon avec quel- ques variantes, et c’est le père Niceron qui a fait tous les frais de cette érudition d'emprunt, Dans quarante--deux volumes, il a prétendu analyser et classer toute la littérature moderne, étrangère et nationale; et la seule lecture, même cursive, des auteurs qu’il a jugés, aurait fait plus qu'absorber la vie humaine la plus longue. Epouvanté, sans doute, du travail qu’aurait exigé pour sa part la lecture réfléchie des œuvres de notre compatriote, il a trouvé plus commode de procéder à son égard (172) sans tant de soins et de facons. Les autres qui l'ont suivi, trouvant Particle fait, s’en sont em- parés , l’ont jugé d’aussi bon aloi qu’il était de bonne prise; et c’est ainsi que se font la plupart du temps les jugemens littéraires! Non, et je le dis sans préoccupation de pays, non certainement il ne fut pas sans mérite, il honora son pays, les lettres et les sciences, celui que deux reines amies des lettres honorèrent de leur estime et de leur confiance, celui que les savans traitèrent avec une considération toute particulière, qui eut pour amis les hommes les plus éminens de l’époque, dont les ouvrages plu- sieurs fois imprimés en France et chez létranger furent enrichis de gravures des plus habiles ar- tistes du temps, des Briot, des Picard; celui qui fut recu membre de l’Académie francaise alors que le seul mérite en ouvrait les portes, qu'on ne connaissait ni la cabale, ni les visites académi- ques, ni la camaraderie littéraire. Outre les ouvrages mentionnés dans ceite Notice, Baudoin a composé ou traduit les suivans : Les Aventures de la cour de Perse, où sont racontées plusieurs histoires d’amour et de guerre de notre temps. L'homme dans la lune , traduit de l’anglais de Godwin. Les Amoursde Clytophon et de Lemippe, traduit du grec de Tatins. Histoire négropontique, contenant la vie etlesamours d'Alexandre Castriot, arrière-neveu de Simderberg (1). ee 2e ne ssh MR ne PO es Re ES (1) Ces quatre ouvrages sont anonymes ; le père Niceron n’en parle pas, mais ou peut consulter Barbier : Dictionnaire des Anonymes. (175 ) Lettres de Busbec, sur son ambassade en Turquie, et des lettres qu’il écrivit à l’empereur lorsqu'il était eu France (1). Les Métamorphoses du vertueux, tiré de l'italien de Laurent Silva; in-8°, Paris, 1611. L’Amphithéâtre de la vie et de la mort de Pierre Onat, évêque de Cayette; in-4®, Paris, 1612. L’Entrée du duc de Pastrana, ambass. extr. de S. M. Cath. pour le mariage du roi; broch. de 8 pages. Discours d’un fidèle Français, sur la majorité du roi; 15 pages in 8°, Paris , 1614. Les Délices de la Poésie francaise; in-8°, Paris, 1613. Discours moraux sur les sept psaumes pénitentiels, traduits de l'italien, 2 vol., Paris, 1614. Pratique pour bien prècher, trad. de l’italien de Jules Mazarini, jésuite ; Paris, 1615. Nouvelles morales, traduites de l’espagnol de Diégo Agréda; Paris, 1621, Diversités historiques, ou Nouvelles relations de quelques histoires du témps; in-8°, Paris, 1621. La Cité de Dieu incarné, trad. de l'italien de Vincentio Gil- berto ; 4 volumes in-8°, Paris , 1622. Mythologie ou Explication des Fables, contenant la généalogie des dieux, trad. du latin; in-fol., Paris, 1627. Le Ceuseur chrétien, du P.Hyacinthe,capucin; in-8° , Paris, 1629. Histoire de la rébellion des Rochelois et de leur réduction à l’obéissance du roi; in-8°, Paris, 1629. Histoire apologétique d’Abbac, roi de Perse, trad. de l'italien ; in-12, Paris, 1634. Sermons théologiques et moraux sur les Eyangiles, etc., trad, de l’italien du P. Chizolle; in-8°, Paris , 163u. Lindamire, histoire indienne ; in-8°, Paris, 1638, La Crétidée de Manzini, trad. de l'italien. oo (1) Dreux de Radier parle seul de cet ouvrage, qu'il appelle bon; c'est un tableau“intéressant du règne de Henri II. (174) Les Homélies du Bréviaire, avec lecons de tous les Saints; 2 volumes in-5°, Paris, 1640. Le Prince parfait; in-4°, Paris, 1640 et 1643. Les saintes Métamorphoses, ou le Changement miraculeux de quelques grands Saints; in-4°, Paris, 1644. Les Pénitentes illustres, avec des ‘avis salutaires aux dames de toute condition; in-8°, Paris, 1648. Les Fables de Philèphe, moralisées; trad. in-8°, Paris, 1649. Deux Avertissemens de Vincent de Lerins, trad, du latin ; in-8°, Paris, 165u. Négociations et Lettres d’affaires ecclésiastiques et portiques, écrites au pape Pie IV et au cardinal Borromce, par Hippolyte, d’Est, avec annotations ; in-4°, Paris, 1650. Ces lettres sont de 1561 et 1562. ee ote Palis de leite VOSUPIAI PIECE Ausi deserere et celebrare domestica facta. Hor. AAA AA AA AA VAR AVR UV VU AS VU VU VA AG VV VUS VU AV AR AV AV VV AA AA RAY AA NOTICE HISTORIQUE Sur les généraux FRrÉvVOL DE LACOSTE; Par M. DE LABORIETTE, membre résidant. —_—_—_—_—2SS }———— LA ville de Pradelles ( Haute-Loire ) fournit, pour PHistoire du pays, un contingent dont elle s’enorgueillit à juste titre. Aux succès obtenus dans l’étude des sciences par les Bawupoiïn, les MorTEssAGNEs qu'elle a produits, se joint, pour elle, le glorieux avantage d’avoir vu sortir de son sein les généraux DE LACOSTE, doués d’un mérite (175) égal à Pimportance et à l’utilité des services qu’ils ont rendus. Leur nom, si cher aux personnes qui vécurent avec eux, n'a besoin d'aucune louange pour arriver à la postérité, Rappeler simplement ce qu'ils ont fait, c’est à la fois rendre justice à leur mémoire et respecter cette modestie sublime qui fut la compagne fidèle de leurs actions. Jean-Bruno FRÉVOL DE LACOSTE, général de brigade, chevalier de l’ordre de Saint-Louis et de celui de la Légion-d’'Honneur, naquit à Pradelles, le 24 janvier 1726. A peine avait-il dix-sept ans quand il commenca sa carrière militaire, par le service de grenadier au régiment de Condé. Il mit moins d'une année pour recevoir sur le champ de bataille le brevet de lieutenant dans le même régiment, M. de Lacoste fit avec une distinction qu'ont signalée les Fastes militaires publiés en 1967 et 1779 , les campagnes de 1745, 1746, 1747 et1948, époque où survint la paix. Il se rendit plus remarquable encore à l'attaque de Pafféchoffen, au passage du Rhin par l’armée de Conti, dans lequel il recut une blessure; au passage du Var, à l'attaque du Broc et du Col-de-FAssiette. Dans cette dernière affaire, un coup de feu brisa le drapeau qu'il portait. Trente-huit officiers de son régiment périrent ou restèrent blessés sur le champ d'honneur. (176 ) La survenance d’un rhumatisme aigu, fruit de la vie des camps, de graves considérations d’in- térêt privé, obligèrent M. de Lacoste de renoncer à l’activité; et en 1752, étant parvenu au grade de capitaine, il se retira dans sa famille, à Pradelles. M. de Lacoste réunissait à une fortune plus qu’aisée et à une position supérieure dans sa ville natale , toutes les inclinations généreuses. Son éducation soignée, son intelligence rare, sa bonté naturelle avaient disposé son ame et son esprit pour la philanthropie du siècle qui marchait. Cette vertu le préoccupait entièrement; elle avait attiré sa pensée sur le sort regrettable de ses conci- toyens; il ne désespéra pas de les voir jouir d’un bien-être, Pour y contribuer , il employa quarante ans de sa vie et la plus grande portion de son patrimoine. Au temps reculé où le studieux abbé de Mortes- sagnes écrivait au savant Faujas de Saint-Fond , qu’il n'osait annoncer qu'avec précaution et à un petit nombre de personnes raisonnables, la découverte qu'il avait faite en explorant le sol de Pradelles et de ses environs, d’une infinité de cratères d’an- ciens volcans et de beaucoup d’accidens dignes de la méditation des naturalistes, une profonde igno- rance n'était pas la cause unique qui faisait redouter aux voyageurs la traversée de nos mon- tagnes; les assassins, les incendiaires, les voleurs, les hommes à froide vengeance, s'y tenaient la C827.) tête haute, organisés par compagnies et à main armée; les gorges de l'Allier, de la Loire, les bois circonvoisins étaient autant de repaires à leur dis- position, que la force publique n’abordait jamais sans péril. La population sauvage, indolente, supersti- tieuse, esclave de ses vieilles habitudes, était inhabile pour imprimer à l’agriculture un avance- ment quelconque; les terres, en partie , demeu- raient sans culture, abandonnées pour un prix vil, à la dépaissance des troupeaux étrangers. Les arts mécaniques suivaient le niveau de la science et de l’économie rurale. Ils se réduisaient à la pernicieuse fabrication de couteaux à gaine, longs de dix à quinze pouces , armés d’une lame à deux tranchans, facon de poignard d’un usage commun et trop funeste. Tout le commerce roulait sur lapprovisionne- ment des objets de consommation. Les marchés, les fêtes baladoires, rendez-vous général d’une jeunesse impétueuse et cruelle, se terminaient communément par des combats sanglans, dans lesquels on voyait souvent les individus les plus pacifiques périr victimes d’une rivalité haineuse qui subsistait entre les domiciliés de différentes paroisses. Tel était à peu près l’état des choses, lorsqu'en 1768 M. de Lacoste fut nommé commandant pour le roi à Pradelles. Son zèle dans cet emploi lui 12 (176) mérita le grade de lieutenant-colonel, et, en 1779, son commandement fut étendu aux montagnes du Vivarais, du Gévaudan et du Velay, ce qui lui donnait une consistance de cent trente-deux pa- roisses de villes, de bourgs ou de villages. L'exercice de M. de Lacoste se prolongea sans interruption jusqu'à l’année 1791, qu’arriva la suppression des commandemens de province. Cette même année, M. de Lacoste fut promu général de brigade et mis à la retraite. Dans le principe de la création de l’ordre de la Légion-d'Honneur, il en recut la décoration au milieu des élans les plus flatteurs d’une satisfac- tion généralement partagée. I fallait l'habileté, le courage, la prudence, la modération et lactivité du général de Lacoste pour parvenir, dans cet espace de temps, à l’ar- restation de tous les malfaiteurs, à l’anéantisse- ment complet des bandes de brigands et de con- trebandiers qui infestaient la contrée; pour opérer, sans le secours des voies irritantes, le désarmement progressif des personnes mal famées ; pour assurer les communications, ramener au devoir ceux qui n'auraient faibli que par entraînement, et garantir le repos de tous. Ce résultat merveilleux fut atteint par le général de Lacoste, et il le dut peut-être plus à ses qua- lités privées qu'à l’ascendant de sa charge. Le repentir ouvrait un droit à la protection du général. (179) L'infortune, n'importe son origine , excilait sa sensibilité et en recevait toujours des soulagemens. Sa persévérance, son crédit auprès des états de la province, source féconde de grâces et de secours qui étaient répandus suivant l'opportunité des circonstances, concouraient puissamment , avec les sacrifices personnels du général, pour réparer autant que possible les désastres qui avaient surgi du temps et des événemens. C'était à l’aide de ces ressources que des habitations nombreuses et un village presqu’entier furent relevés de leurs cendres. Une surveillance continuelle et qui n’avait rien d’arbitraire , une justice plus préventive que sévère, d’amples aumônes distribuées aux misérables, l'amour dn travail qui grandissait, les productions agricoles venues plus abondantes , le goût de l'instruction qui s'était accru, des écoles fondées pour encourager l’'émulation , un bénéfice évident, des avantages pour tout le monde, ne pouvaient manquer de dessiller les yeux des montagnards et de détruire ce qui avait germé de mauvais dans leur cœur; aussi, bientôt l'esprit du pays changea, les mœurs gagnèrent de jour en jour, les crimes devinrent rares, et plus tard la violence et la force cessèrent de décider des intérêts; le respect des personnes et des propriétés ne fut plus une vaine maxime dans les relations communes; l’au- torité de la loi recouvra son empire; le recen- sement des milices, le paiement de l'impôt, qui ( 160 ) “ avaient donné lieu à tant de perturbations, se firent sans obstacles. Les turbulens n'étaient pas seulement comprimés, ils s’éloignèrent d’un pays où ils n’avaient plus d’asile et d'appui. La civilisa- tion s’avanca rapidement; ses progrès étaient arrivés à un tel point, qu’à l'avènement des com- motions politiques et, alors qu'en d’autres lieux des hommes coupables, des frénétiques célé- braient l’aurore des libertés publiques par lagi- tation effroyable du meurtre et de l'incendie, la partie de ces montagnes, qui était échue par voie d’incorporation au département de la Haute-Loire, mérita le privilége qu’elle a conservé jusqu’à nos jours, d’être mise en ligne des localités dont les habitans n’ont pas discontinué de faire preuve d’une parfaite soumission aux lois et d’un dévoue- ment sans réserve au maintien du bon ordre. En août 1789, des brigands armés et en nombre alarmant, avaient investi les riches abbayes de Mazan et des Chambons, pour les piller et pour les dévaster. Le général de Lacoste, après s'être concerté, selon sa louable coutume, avec les officiers de police et de justice, courut, en tête des gardes nationaux et de la légion corse, battre, mettre en fuite l’audacieux attroupement , et, par cetle conduite énergique, il sauva les deux établissemens qui devaient peu tarder d’appartenir au domaine de l’état. Le bien qui a été opéré par le général de Lacoste ( 181 ) est immense ; il a déterminé les éloges et la muni- ficence de tous les gouvernemens qui se sont succédés. L’authenticité de ses œuvres est écrite en mille endroits et restera pour jamais dans les traditions de famille avec l'empreinte d’une pro- fonde reconnaissance. Ea convention nationale, dans son décret du 19 juin 1793, reconnut officiellement que le général de Lacoste avait bien mérité de la patrie, et rému- néra ses services d’un principal de trente mille livres, couverti en une rente annuelle et viagère de trois mille livres. Par un décret impérial , cette rente fut délarée réversible en faveur des trois vertueuses dames de Lacoste, filles du général (1). Cette vie entièrement laborieuse, toute dédiée au bonheur et à la prospérité d’un pays; cette vie longue suivant le temps, mais bien courte pour l'attente des hommes de tout âge, de toute con- dition qu’elle intéressait, allait toucher au terme fatal en présence duquel les vœux, les efforts hu- mains restent frappés d’une désolante impuissance. Le général de Lacoste mourut au Puy, le 31 dé- cembre 1808, dans la quatre-vingt-unième année (1) Les deux moins âgées de ces dames ont passé dans le célibat une vie toute dévouée au soulagement despauvyres : l’ainée, mariée avec M. Boucharenc de Chaumeils, capitaine d’infan- terie, chevalier de Saint-Louis, a laissé trois enfans, et c'est à sa descendance que sont dévolus le nom et l’hérédité de la famille de Lacoste. (182) de son âge, assisté des consolations religieuses, environné des tendres soins de sa famille. Jusqu'au dernier de ses momens, il conserva le sang-froid d’un brave, le calme d’un homme consciencieux et cette bonté d’ame, la politesse exquise, Pobli- geance excessive, l'esprit éclairé qui faisaient rechercher sa société. Il s’endormit.........1Il recut dans la tombe l’hommage d’une douleur universelle, éloquemment exprimée par M.Barrès, secrétaire général de la préfecture, bien digne interprète des regrets que laissait une perte aussi grande, André-Bruno , comte pE LAcosTE ( FRÉVOL }), général de brigade du génie, aide-de-camp de l'Empereur et Roi, officier de la légion d'honneur, chevalier des ordres de la couronne de fer et de St-Henri de Saxe, né à Pradelles le 14 juin 1795, fils du général, fit ses premières armes à dater du mois de mai 1795, en qualité d’adjoint aux forti- fications , dans les places fortes de Parmée du Nord, et successivement avec le grade de lieutenant dans l'armée des Pyrénées Occidentales, où il préluda à cette série d'actions éclatantes qui ont si fort illustré sa carrière militaire. La paix arrêtée avec l'Espagne, le comte de Lacoste passa de l’école de génie de Metz, à l’armée du Rhin et Mozelle , y suivit les campagnes de Van 4 et de l'an 5, et se fit remarquer notable- (183 ) ment dans la retraite de Bavière, à la bataille de Ribeirach et au siége de Kell. Choisi en l’an 6 pour faire partie de l'expédition d'Egypte, ses talens supérieurs, son intrépidité héroïque lui firent prendre une forte part dans les hauts faits de cette campagne mémorable et surtout à la bataille des Pyramides , au siége Del- arisch, à l’assaut de Jafa, dans lequelil recut du général en chef, le grade de capitaine, au siége de St-Jean d’Acre , au siége d’Aboukir et du Caire, aux batailles d'Héliopolis, d'Alexandrie et au blocus du Caire. Pour prix de ses services et de deux blessures recues dans la campagne de Syrie , il acquit le grade de chefde bataillon que s’empressa de lui confirmer le gouvernement consulaire. Rentré en France, le comte de Lacoste recueillit un nouveau témoignage de la confiance que le gouvernement accordait à son mérite. Il fut envoyé, avec le titre de sous-directeur, dans les places fortes de la république italienne. Le siége de Gaietta , qui amena sa promotion au grade de colonel, devint le terme brillant de ses travaux en Italie. A l’avènement de la guerre contre la coalition de la Prusse avec la Russie, le comte de Lacoste, qui venait d’être nommé aide-de-camp de l'Em- pereur , assista activement aux célèbres campagnes de 1606 et 1807. Les ordres du jour, les bulletins de l’armée font foi de la palme de gloire qui lui (184) revint, particulièrement au siége de Dantzich et à la bataille de Friedland où il fut blessé. En août 1808, il fut nommé général de brigade, et presqu'aussitôt il se rendit en Espagne pour commander le génie. Il dirigea le siége de Sarra- gosse avec une valeur prodigieuse, et au moment où il allait toucher au but de ses efforts, le 1° février 1809 , il fut atteint au front par une balle qui le ravit pour toujours à sa patrie, aux affec- tions de sa famille et de ses nombreux amis. Ce jour néfaste jeta le deuil dans l’armée, l'Empereur s'y associa par la manifestation touchante de ses regrets. Le général de Lacoste avait une instruction pro- fonde, l'esprit vif et orné, des mœurs douces et simples , des formes nobles et prévenantes; la gaité de son caractère remplissait de charmes sa conversation. Il parlait peu des faits historiques de la guerre et jamais de ceux auxquels son nom se rat- tachait, ilne mettait de prix à la faveur de sa posi- tion, qu’autant qu'elle lui donnait la facilité d’exer- cer son obligeance pour tous, et, préférablement, pour ses compatriotes et ses camarades. La repré- sentation l’importunait, il ne se trouvait heureux que dans l'intimité. L'empereur Napoléon, si juste appréciateur du mérite des hommes, n’avait pas seulement honoré d’une ample confiance le général de Lacoste , il aimait de toute l’affection d’un père. Son opinion ( 185 ) était fixément arrêtée sur le talentet les heureuses qualités de ce brillant sujet ; et lorsque celui-ci sacrifiait la dernière goutte de son sang pour ajouter un trophée de plus à la gloire francaise, par la prise de Sarragosse , le héros des héros, entouré de ses valeureux guerriers , disait hautement à un M. de Lacoste qui lui était présenté : Vous avez un parent qui ira bien loin siune balle nel'arrête; » paroles toutes solennelles, mais malheureusement trop prophétiques , que le burin de l'histoire à gravées | Napoléon avait voulu quele bronze ou le marbre pussent transmettre aux générations à venir les traits et les noms du général de Lacoste. En 1816, l’auteur de cette notice a découvert dans le rebut du Muséum des Petits-Augustins, le modèle en plätre, parfaitement ressemblant, qui devait servir pour la statue mise en projet (a). Serait-il impos- sible pour un pays qui a donné tant de braves à la défense des intérêts nationaux , d'obtenir aujour- d’hui la réparation d’un oubli, d’une injustice qui froissent les sentimens de tout bon Francais ? Le cœur du général comte de Lacoste que ren- ferme une urne composéeavec des matières prises sur l'ennemi, fut adressé par ordre du gouverne- ment à M. le Préfet du département; et ce cœur (1) La statue pédestre du général de Lacoste avait été confiée au talent de M. Clodion, sculpteur. ( 186 ) si grand , si vertueux, si libéral , repose obscuré- ment, ignoré dans un coin du cimetière de la ville de Pradelles, sans qu'aucune inscription attire vers lui les regards , le tribut bien merité de la vénéralion et des regrets du passant !!! Nota. — Le général de Lacoste avait un autre fils (Louis-Etienne), né à Pradelles, le 2 septembre 1765, élève de l’école militaire, condisciple de Napoléon Bona- parte, qui l’estimait et le considérait comme un sujet de grand avenir. Il sortit de l’école, sous-lieutenant de l’arme du génie, le 11 septembre 1781, fut employé sans inter- ruption aux places fortes de Mézières, de Metz, de Sar-Louis, de Thionville, de Longwy, de Saint-Omer, d’Aire , de Saint-Vénérand , de Bayonne , d'Hernani (pays conquis), et nommé capitaine le 8 février 1792 ; son savoir répondait à sa valeur. L'un cet l’autre lui avaient fait donner pour destination les places de frontières, les places en état de guerre et l’armée des Pyrénées occi- dentales, où il fut tué près d'Hernani, le 20 messidor an 3 (8 juillet 1795). L'amour de son état, le courage qui était héréditaire dans sa famille, l'ayant jeté dans un lieu écarté de l’armée française et où se trouvait en embuscade une bande de paysans espagnols, ils l'assas- sinèrent avec une atrocité révoltante. (187) AAA AAA AS AA AR AA AAA A AA AA AA AAA A AA AA A AA AE AE AA A AA AA Ve LES FOIRES D’ARLEMPDE ; Par M. Hipp. FOURNIER, nembre non résidant. Nobis Deus hæc otia fecit. (Wirg.) L'AUTEUR, en présentant cette pièce de vers pour le concours du prix annuel de poésie insti- tué par la Société d'Agriculture, ne s’est pas dissimulé que la nature un peu ardue et fort peu poétique du sujet qu'il a choisi, ainsi que son peu d'habitude de gravir le mont sacré, n'étaient pas capables de lui donner l'espoir de rester vainqueur dans la lice; aussi ce n’est pas une couronne qu'il a eu en perspective. Dans ce loisir , en quelque sorte fortuitement consacré aux Muses, mais à dessein employé à un travail qui offrit un intérêt local, il s’est principalement proposé de faire d’abord une agréable diversion à ses occupations ordinaires, de se rappeler ensuite au souvenir de ses Confrères de la Société , et de leur donner enfin une preuve du zèle dont il est animé pour ce qui a trait à l’histoire du département. Déya l’agriculteur, au déclin de l’année, Récolte dans ses champs cette humble solanée, Fille de Parmentier, reine des végétaux, Qu'on ne dédaigne pas sous les lambris royaux, (168 ) Mais qui surtout du chaume est la grande nourrice Quand Cérès aux mortels se montre peu propice. Cette époque sourit, quatre fois en un mois, Au retour désiré des marchés arlempdois. Sur les bords de la Loire et non loin du village S'étend un verd gazon, fertile pâturage. Des siècles sont témoins que dans ce vaste champ La foire hebdomadaire attire le marchand. Le Puy, Le Monastier, Langogne, Saugue et Mende, Coucouron, Montpezat , cheminent vers Arlempde; D’autres cités que guide un soin industrieux Accourent de plus loin trafiquer en ces lieux. De ce nombreux concours le privilége antique Enrichit tous les ans cette rive rustique. Mais ce pays scabreux, impropre aux débouchés, Par qui fut-il doté de si fameux marchés? Au temps où les seigneurs prélevaient la censive, Exploitaient des vilains la sueur lucrative, Administraient leurs fiefs en maïtres souverains Et méprisaient les rois, leurs faibles suzerains, Le haut seigneur d’Arlempde, avisé, politique, Dans le but de grossir son budget trop modique Et de faire un renom à son obscur hameau, Décréta cette foire au sein de son château. Depuis lors, triomphant des jalouses intrigues De bourgs plus importans, malheureux en leurs brigues , Arlempde a conservé cette propriété Malgré la défaveur de sa localité. Tant est puissant l'attrait des vieilles habitudes ! Elles ne cèdent pas aux combats les plus rudes. De l'intérêt privé l’aveugle entétement, L'amour de Ja routine et du temps le ciment, ( 189 ) Du besoin de réforme étouffant l'évidence, Des antiques abus protégent l'existence. C'est ainsi qu'en dépit du cri de la raison, L'intérêt du commerce et de tout Je canton Ne peut forcer Arlempde, hameau si peu viable, Rocher aux gros charrois toujours inabordable, À concéder sa foire à d’autres bourgs voisins, Labourés en tous sens de commodes chemins, Possédant comme Arlempde une grande prairie, Sans rochers escarpés qui gênent l'industrie. Mais un peintre que charme un site original, Peut bien pour un marché priser un tel local; Car s’il est peu propice au négoce, à l'échange, Il imprime à la foire une figure étrange, Un coup d'œil pittoresque, un aspect merveilleux Et fait de la prairie un bazard curieux. Ce lieu, dans son ensemble à peindre difficile , A rebuté cent fois mon crayon inhabile. Puissé-je, pour complaire au critique lecteur, En esquisser les traits au gré de l'amateur ! Un pré, tout encaissé daus des monts basaltiques , Se présente au milieu de brèches volcaniques. Quand, du haut des rochers qui forment ses remparts , L'observateur perché promène ses regards, Il est surpris de voir, s’agitant dans l'abime, Une foule d’humains que l'intérêt anime. Il rêve en géologue : et le bourdonnement, Quimonte de là-bas jusqu'à lui sourdement Lui paraît remplacer la foudre anéantie D'un volcan dont ce gouffre est l'aire refroidie , Ou d’un lac desséché par les solaires feux Il voit la cavité dans cet ovale creux. (190 ) De ce profond bassin la plaine gazonnée, Pacage précieux la moitié de l’année, Champ de foire, en octobre, à chaque mercredi, Par la froide Méjeanne est baignée au midi. C'est là que ce ruisseau, sous un pont centenaire, Décharge dans la Loire une onde tributaire, Après avoir nourri la prairie au couchant Par un fertile bras qui coule en murmurant. Ici mugit la Loire, en son cours vagabonde, Infidèle à son lit, en ravages féconde, Transformant en un jour, à flots impétucux, Le bord de la prairie en rivage pierreux. Plus loin, on voit Arlempde et son château gothique Et ses sombres rochers de figure conique, Dont l'orgueilleux sommet brave le firmament Et domine du pré le vaste emplacement. Déjà l’astre du jour des monts dore la cime. Voyez se dessiner, sur les bords de l’abime, Avec ses gras troupeaux l'industriel des champs Et d'objets variés les avides marchands. La foule, parcourant mille sentiers en pente, Dans le foiral descend en masse confluente… La vente est commencée : et dans ce grand bazard, Le peuple commerçant que méle le hazard, Va, vient , et rencontrant bientôt la chalandise, Du geste et de la voix vante sa marchandise. Déjà, pour établir des marchés plus certains, Les mains des contractans ont frappé dans leurs mains Des coups assaisonnés de jurons énergiques Et sur-le-champ suivis de rasades bachiques. Le résineux sapin, en plancher transformé, Au milieu du forum de gazon parsemé, ( 191 ) À l’aide de supports s'étend en longues tables Dont les ais sont garnis d’alimens confortables , Et de chaque côté s’allonge en escabeau Une poutre de pin vierge encore du rabot. C'est là que s'asseyant, sous la voûte céleste, On vient, en trafiquant, prendre un repas agreste. Mais ce ne sont ni vins, ni mets délicieux Que le traiteur romade apporte dans ces lieux. D'un aigre Vivarais de grandes outres pleines , Gisant sur des tréteaux, jaillissent en fontaines, Ou, grâce à l’art aisé de baptiser ad hoc, De maints tonneaux s'écoule un clairet Languedoc. Ailleurs, on voit des sacs, des caisses d'emballage, Où sont amoncelés, parfumés de fromage, Et quartiers de lard rance et poulets décharnés Et gigots de mouton de vers assaisonnés. Si de votre estomac la fibre délicate, Parmi ces vins, ces mets, ne voit rien qui la flatte, Etanchez votre soif dans le fleuve voisin, Et qu'un peu de pain sec apaise votre faim ; A moins que vous n'ayez, redoutant l'abstinence, Fait voyager en croupe une honnête pitance. Toutefois, les gourmets peuvent assez souvent Trouver au foiral même un repas excellent. Des feux sur le gazon s’allument et pétillent : Les truites de la Loire à la poéle frétillent ; Par deux pieux supportée, une traverse en bois Suspend une marmite où Gaster aux abois Peut puiser un bouillon de vertu restaurante ; Une saucisse au gril s'apprête succulente ; Enfin l’on peut encor, pour sa digestion, De la graine arabique humer, l'infusion. (192) C'est ainsi qu’en plein air, dans ce lieu sans auberge, Sans aucun restaurat et sans toit qui l'héberge, Le peuple du bazard, comme dans un bivouac, Sous le soleil d'octobre emplit son estomac. Mais dans ces grands marchés, quel objet de commerce Meut des spéculateurs la foule si diverse? La plupart des chalands: portent ici leurs pas Pour commercer entr'eux sur les bestiaux gras. L'espèce qui chérit l’ovale fruit du chêne, Celle qui de nos draps fournit l’utile laine, Et celle dont le cuir forme le maroquin Ou des vaisseaux servant à contenir le vin; Celle enfin, de la ferme admirable parure, Qui prête son secours à notre agriculture; Tels sont les bestiaux, exposés au foiral, Qui de tous ces marchés font l’objet principal. L'on y remarque encor plus d’une autre industrie : Le banal colporteur, sans foyer, sans patrie, Marchand cosmopolite et rusé trafiquant, | Pour forcer le débit arrête tout passant; Et, pour accréditer plus sûrement sa vente, Préconise , en criant, sa boutique ambulante. Ici sont étalés les feutres de Goudet Qu'en foire a transportés le paisible baudet. Là se vend, à propos, sur le bord de la Loire, Le filet si funeste à la gent à nageoire. Là, deux bourgs hôteliers, Pradelle et Costaros , Viennent pour se pourvoir de grives, de levrauts. Mais, qui vois-je assiégeant les fournisseurs de bouche? Le fisc à l’œil avide! à tout il faut qu’il touche! Quel furet ! il sait tout, le nom du débitant Et les litres de vin qu'il vend à chaque instant. U195) Pauvre cabaretier, paie sans artifice; Car un procès-verbal détruit tout bénéfice : Oui, paie en attendant que la chambre ait voté Contre ce lourd impôt une loi d'équité. Quel est cet orateur qui là-haut s'époumonc? Pourquoi ce groupe épais qui partout l'environne ? C'est un homme aimanté; car c'est un charlatan, Habile bateleur, marchand d'orviétan, Des badauds du marché véritable sangsue. Crédule paysan, retourne à {a charrue : Si tu ne fuis, mon cher, contre un mauvais présent, Tu cours le grand daïger d'échanger ton argent. Cet adroit grippe-sou , ‘fort de ton ignorance Et d'un brevet menteur fait en parchemin rance, Après l'avoir leurré par plus d'un plaisant tour, Te persuadera qu'il fait nuit en plein jour. Ton esprit, trop enclin aux croyances frivoles, Pour de l'argent comptant prendra ses fariboles. Sa folle panacée, amorce de fripon, N'est qu'un remède inerte ou peut-être un poison Qu'aux dépens de ta bourse et de ton existence Il veut t'inoculer pour bien lester sa panse. Si tu ne veux donner bientôt dans le panneau, Fuis donc cet homme ct crains les drogues de tréteau. Venez voir opérer, sur la place publique, Ce fameux rhabilleur, au regard prophétique. Arrive un pauvre diable avec un bras cassé; Le clairvoyant Gourgeon croit le membre luxé : Il empoigne hardiment et le bras et l'épaule, Les tiraille, les tord, et de la parabole Leur imprime vingt fois les brusques mouvemens , Malgré de l’estropié les profonds hurlemens. 15 (a94 ) Enfin, le renoueur {que le ciel le bénisse! ), Tout fier et tout suant, met fin à ce supplice. Il sonne son triomphe : il a fait craquer l'os!!! Adieu, bourreau! blessé, prends un peu de repos. L'insensé! quand du faux et cruel Esculape, Après de longs tourmens , tout contus il s'échappe, Il respire; ….. et dès-lors se sentant soulagé, Il croit qu’en vérité son membre est arrangé. Le peuple fasciné, contemplant la victime, Applaudit au bourreau d’une voix unanime : Il apprend bien plus tard le résultat fâcheux De l'ignorante main du rebouteur fameux ; Mais l'erreur sourit trop à la sotte pécore, Et malgré cent leçons elle lui plaît encore. Cet art des rhabilleurs est un art merveilleux , Car en ligne drecte il dérive des cieux ! Absurde préjugé! surprenante croyance! Si l'on a cru jadis au mesmérisme, en France, Si l’on vit la scrophule , aux siècles féodaux , De nos rois guérisseurs redouter les manteaux, Je conçois qu'en ces temps de vaine astrologie Le peuple pouvait croire aux tours de la magie. Mais qu'au temps du bon sens, la rouille des Gourgeon, Des Rouchon, des Bélair et de nos Sauveton Ait plus de cours que l'or, soumis à l'éprouvette, Des Reynaud, des Richond et de nos Lafayette! O monstruosité !.... S'il vous faut un tableau, Au lieu d'aller d’un peintre emprunter le pinceau, Yrez-vous d’un maçon demander la truelle? Si vous avez brisé votre violoncelle, Irez-vous implorer l'outil d’un sabotier Au lieu d’avoir recours à l’art d’un bon luthier? (195 ) Mais c'est assez gémir sur ce triste spectacle. Allons rire là-bas, admirons cet oracle Au front méditatif, au maintien assuré, Au regard sibyllin, au langage inspiré. Plus d’un badaud oisif , plus d’une jeune fille Viennent, le cœur ému , Consulter la sibylle. Du premier, Je lutin emportera les grains, Dérobera les pois, Coupera les regains ; Mais d’un oncle richard Je prochain héritage Saura de cet esprit réparer le dommage. De la jeune Isabeau, le malin pronostic A son tour divertit le crédule public : « Par un beau Jouvenceau , belle, trop courtisée » Aux fruits amers d'amour vous êtes exposée; > N'allez jamais au bois seule avec votre amant : Je prévois de vos cœurs le trop fatal aimant. » C'est ainsi qu'en vendant l'horoscope comique , La prêtresse nourrit son gaster famélique. Mais pour acheter, vendre et gagner des écus, A ce fameux marché tous ne sont pas venus. Des villages voisins la gaillarde Jeunesse Est venue en amour essayer sa prouesse, Des Colins de vingt ans, tendres spéculateurs , Ne sont ici présens que pour gagner des cœurs. Voyez comme en ces lieux Ja coquette Ardéchoise Et la nymphe d’Arlempde et la prude Bargeoïse Des hameaux d’alentour hantent les Adonis. Admirez ces amans, par les mains réunis, Parsemés deux à deux sur le champ de la foire, Et mariant leurs bras en double balançoire, Passer sur le forum, plantés en vrais piquets, Le tiers de la journée à d’amoureux caquets. » S LA (196 ) Cependant le soleil, terminant sa carriëre, Déjà dans l'Océan va cacher sa lumière ; Déjà de tous côtés les marchés sont finis Et chacun va bientôt regagner son logis ; Quand par hasard s'élève une rumeur soudaine, Présage avant-coureur d’une tragique scène. De jeunes villageois, aux esprits querelleurs, Trop long-temps de Bacchus ont humé les vapeurs; Leur cerveau s’est couvert de lugubres nuages Qui par le moindre choc éclatent en orages. La discorde mugit : à l'insulte, aux jurons Succède en un clin d'œil le jeu des lourds bâtons; Puis, perfide, au milieu de la troupe acharnée, L'horrible coutelière est bientôt dégaînée. L’ivresse au cœur farouche a nagé dans le sang : Parmi les spectateurs la terreur se répand. Venez au grand galop, brave gendarmerie, Des cruels combattans apaiser la furie. Une brigade accourt...... Prodige monstrueux ! Ces ivres batailleurs, soudain d’accord entr'eux, Tournent toute leur rage et leur soif de désordre Contre les préposés et les soldats de l'ordre. Le brigadier Polus, dans son sabre ayant foi, Veut imposer la paix en invoquant la loi. Mais les cris de révolte : Haro sur les gendarmes! Enfans de la montagne; aux armes! Vite, aux armes ! Du groupe murmurant partent avec fureur. La brigade, à ces cris, s’élance avec ardeur Et charge des mutins la nombreuse cohue Qui résiste et sur elle à flots épais se rue. Les bouteilles de loin volent avec éclat Et l’'émeute, en s’armant, fait un vaste dégât ; (297) Les cailloux menaçans, grêle de projectiles , Narguent en sûreté les sabres inutiles ; On entend se méler le bruit des pistolets , Le fracas des gourdins et le choc des stylets. Bientôt tout le foiral n’est qu'une arène affreuse Où l'émeute à la fin reste victorieuse. La brigade aux abois, ne pouvant plus lutter Contre tant d’ennemis près de la culbuter, Est réduite à chercher son salut dans la fuite. La horde, sans pitié, s’acharne à sa poursuite. La pierre contondante harcèle les fuyards Qui, désorientés et pris de toutes parts, Courent déconcertés dans le foiral immense Pour éviter les coups de la rebelle engeance; Bien heureux quand enfin, à sa rage échappés, Ils ont atteint le haut des sentiers escarpés, Et que, ne craignant plus de mortelle blessure, Ils survivent au moins à leur déconfiture. Fière de cet exploit, la troupe des mutins S'écoule en entonnant de discordans refrains Qui, hurlant dans les airs comme aux champêtres noces, Fêtent insolemment le mercredi des bosses (1). Telle est parfois la fin des marchés arlempdois. Mais il existe un temple où l’on venge les lois. Un jour les révoltés, saisis par leurs victimes, Aux assises verront Thémis punir leurs crimes. (:) Nom donné par le peuple à celle des foires d'Arlempde qui se termine souvent par des disputes sanglantes. ( 198 ) AA AS AA AS AA AS AA AA AA AA VA AA AS A A AA A A AU LR A MVL A AA AS AE AU AA LA JEUNE CHRÉTIENNE A SES DERNIERS MOMENS; Par M.leB°n pETALAIRAT, membre non résidant. ÉELMGHEe Rursm post tenebras espero lucem. Que la Religion est auguste et puissante! Parle-t-elle?.... A sa voix le faible devient fort. Sur son lit de douleur , en face de la mort, La vierge, sans pâlir, trouve l'heure trop lente. Elle sait qu’un réveil est promis à sa foi. Par-delà les soleils elle ira dans l’espace, Elle ira... sûre alors de retrouver la trace Du Dieu dont ici-bas elle a gardé la loi. Ce tableau, tour-à-tour déchirant et sublime, Ce tableau, je l’ai vu... Je crois encore le voir. Elle souffre et sourit... C’est la mort... C'est l'espoir! On dirait un vainqueur et non une victime. « Cessez vos tendres soins, je naquis pour mourir. » Parlez-moi de mon Dieu ! Je l'entends, il m'appelle; » Il descend jusqu'à moi de sa gloire éternelle. » Et comme son épouse à lui je vais m'offrir. » Bénissez votre enfant, vous, qu'à ma dernière heure, » Près de mon lit de mort je surprends à pleurer. » Vous, qui m'étiez si chers, il faut nous séparer. » Adieu, sur cette terre! Au ciel est ma demeure. (199) » Je veillerai sur vous de l'asile où je cours ; » Où j'échappe aux périls offerts à ma jeunesse ; » Où je vous attendrai : comptez sur ma promesse. » Au revoir dans le ciel! Pour être heureux toujours. Elle dit : et son front à l'instant s'illumine. Les cieux à ses regards ont paru s’entr'ouvrir. Alors, en souriant, elle commence un hymne Dont le dernier accord fut son dernier soupir. « La vie est froide comme l'ombre » Pour qui n’aspire pas au ciel. » Mais sous les yeux de l'éternel, » De nos jours qu'importe le nombre ! » La rose et le lys dans nos champs, » Pour paraître n'ont qu'une aurore. » Elle est plus fugitive encore » La trace de nos pas errans. » Ma coupe n'était point tarie » Et du festin il faut sortir! » Des pleurs amers du repentir » Du moins je n’ai pas bu la lie. » Qu'ai-je besoin de m'attendrir ? » Voici le moment du courage. » J'avais trop compté sur mon âge; » J'étais jeune! et je vais mourir. « Que dis-je? la mort! C’est la vie ! » Quel beau réveil m'attend demain ! » Tu me recevras dans ton sein, « O Verbe! à puissance infinie ! ( 200 ) » Le voile tombe de mes yeux. » Jour éternel , tu viens d’éclorei » O mon Dieul c’est là ton aurore, » Mes chants vont s'achever aux cieux. » BAAAAA ANA AN AA AA AAA AAA AS AAA AA AAA RAS AA AAA AAA AAA RAA AAA RAA RAA AAA AAA AS MINUIT, Par M. MARÉCHAL, membre correspondant. a —— Mon sang porté trop rapide à mon cœur Bouillonne encor dans mes veines ardentes; Tant la journée eut des heures brülantes! Mais la nuit vient me rendre la fraicheur : Il est minuit. Qu'est devenu ce bruit long et confus Qui remplissait et fatiguait le monde? Ce bruit semblait la tempête qui gronde, Mais il s'éteint... Mais on ne l'entend plus : Ïl est minuit. Heureux prestige, à douce illusion! Prête à mon cœur ta puissance secrète Lorsque tout dort, quand la terre est muette, L'heure a sonné pour l'inspiration : Il est minuit. Je prends mon luth; peut-être, sous ma main, Produira-t-il un chant pur et sonore; La nuit me rend ce calme que j'implore, Et que le cœur au jour demande en vain: Il est minuit. ( 201 ) Chante, ma lyre, un cantique pieux, Unis tes vœux aux vœux de l'ame pure, Qui dans le cloître où la vertu s'épure, En cet instant porte sa voix aux cieux: Il est minuit, Prions le ciel; car déjà le méchant, Dans l'ombre, ourdit la trame de ses crimes; Du doigt, peut-être, il marque les victimes Qu'il va frapper de son glaive sanglant : I est minuit. Infortuné, toi qu’un chagrin rongeur Consume, hélas! au printemps de ta vie, Veux-tu sentir ton ame rafraichie? Viens à la nuit confier ta douleur : Il est minuit. Couple charmant, à vous, jeunes époux! Qu'aucun ennui, qu'aucun souci ne blesse, Livrez vos cœurs aux transports de l'ivresse ; L'amour vous crie : Amans réveillez-vous : Il est minuit. Mais le bonheur est un fantôme vain Qui nous échappe alors qu'on croit l'atteindre; Et puis la vie est si prompte à s’éteindre, Que nul ne sait s’il redira demain: I est minuit. Pourtant voilà comme au souffle du temps S'anéantit des ans la faible trace : Dicu! de ma vie un jour encor s’efface, L’airain sonore a redit aux vivans : Il est minuit. ( 202 ) AAA AA AA A AA A MA AA AA LA VV MU VV M AS VAS MUR MA MAL 8 A A AA VA AA A SIXIÈME NOTICE Des Tableaux, Dessins, Antiquités, Médailles, Objets de curiosité, Collections d'Histoire natu- relle du Musée de la ville du Puy, et des Livres et Manuscrits reçus par la Société, depuis la publication des dernières Annales. TABLEAUX, STATUES, DESSINS, etc. REYNIER, paysagiste à Paris. 116. — Vue d'Auvergne. Tableau de l’exposition de 1835, donné au Musée sur la demande de M. Joseph Bertrand , député. MIcHEL-ANGE. 117. — Moïse (Copie réduite en bronze du), qui existe à Rome dans l’église de Saint-Pierre aux liens. Donné au Musée , sur la demande de M. le marquis de Latour- Maubourg, ambassadeur à Rome. Le Pucer, sculpteur. 118. — Milonde Crotone. Copie en bronze réduite par Desprèz. Donné au Musée par le Gouvernement, sur la demande de M. Joseph Bertrand, député. Juzes Romain. Ecole italienne. 119. — Dessin de plafond représentant les divinités de l’Olympe. Donné au Musée par M. le vicomte de Becdelièvre. 120. — Odalisque : lithographie d’après M. Ingres. 121, — Danaé : Lithographie d’après le Corrège. 122. — Vuede Saint-Michel et du temple d’Aiguilhe : litho- graphie d’après le tableau de M. de Becdelièvre. ( 203 ) OBJETS D’ANTIQUITÉ ET DE CURIOSITÉ. 56. — Téle de naïade en grés recueillie à Mar- geaix, en 1836, et du même style que celle décou- verte en 1821. 57. — Cupidon assis sur un autel, pêchant à la ligne. Un havresac est au pied, ainsi qu’une boîte à appâts. 56. — Autre Cupidon jetant un épervier. 59. — Troisième petite statue de Cupidon. Go-61.— Deux dauphins , compagnons de Vénus. Leur pose est celle que les Romains avaient cou- tume de leur donner. 62.— Fragmens de cuve ou vase nommé labrum. Les n°5 56 à 62 ont été trouvés à Margeaix, en 1836, dans les fouilles faites sur l'invitation de la Société, par M. le vicomte de Becdelièvre. 63. — Lampe romaine en poterie trouvée à Vorey. Donnée par M. Savelon. 64. — Brique provenant des ruines de Babylone, avec caractères cunéiformes. Donnée par M. le marquis de Latour-Maubourg (1). () Cette brique, provenant des ruines de Babylone, a été envoyée par M. Rousseau, consui de France à Bagdad, à M. le marquis de Latour-Maubourg, ambassadeur de France près la sublime Porte ottomane, qui en a fait hommage au Musée de la ville du Puy. Les caractères cunéiformes gravés sur les briques de Babylone sont, d’après M. le baron Sylvestre de Sacy, d’une commuue origine avec ceux qui couvrent les ruines de Persépolis, et dans ( 204 ) 65. — Quatre petites figurines en émail bleu, représentant des divinités égyptiennes. 66. — Divinité des anciens Mexicains. Cette figure en pierre, connue sous le nom de dios tres- cuernos, a été donnée par M, Achille Bertrand, négociant à Mexico. 67. — Fer de flèche en obsidienne noire, des anciens Mexicains; donné par le même. 68.— Petit bas-relief en bois, imité dugothique, représentant le Sauveur et la Sainte Vierge, exé- lesquels sont écrites beaucoup d'inscriptions trouvées dans le nord de la Perse, il y a peu d'années, par le voyageur Schulz. Il existe, selon M. de Sacy, cinq ou six genres ou sytèmes d’é- criture cunéiforme. Les seules ruines de Persépolis en présentent trois systèmes, dont un seul, qui est évidemment alphabétique, a cédé en partie aux efforts faits pour le déchiffrer et a donné, ayec une vraisemblance qui approche de la certitude, les noms de Darius, de Xercès, d'Hystaspe, peut-être de Cyrus, et les mots roi et roi des rois. Les autres systèmes d’écriture cunéiforme, et notamment celui des monumens babyloniens, sont bien pluscompliqués et n’ont été jusqu'ici l’objet d'aucune découverte, Car on ne peut raison- nablement admettre ce qu’a écrit sur ce sujet un allemand, M. de Lichtenstein. Pami les briques de Babylone, il y en a qui portent des fi- gures; un lion, par exemple. Un allemand, M. de Hager, a publié une Dissertation sur les briques de Babylone, mais sans rien expliquer. Ces notions sont extraites d’une lettre adressée, le 2 sep- tembre 1835 , par M. Sylvestre de Sacy, à M. de Latour-Maubourg, qui avait demandé à ce savant illustre quelques informations, pour les joindre à la brique destinée au Musée de la ville du Puy. Cl ( 205 ) cuté et donné par M. l’abbé Bayard, desservant de Coubon, membre non résidant. 69. — Fusil de forme ancienne, espagnol ou napolitain, provenant du château de Magniaud le Gabion, en Forez, donné par M. Isidore Hedde, membre non résidant. 70. — Casque en fer du moyen-âge, complet dans toutes ses parties, trouvé à Rosières, et donné au Musée par M. de Rosières, capitaine d’état- major, membre non résidant. 71. — Deux bas-reliefs en bois représentant Francois Ier et la Reine, Donné par M. de Brive père, membre résidant. 72. — Quatre panneaux ayant appartenu à un dressoir gothique. Ges sculptures offrent deux anges agenouillés et la figure de saint Pierre ct de saint Jean-Baptiste. 95. — Morceau d’un des drapeaux de Charles- le-Téméraire, pris à Morat, et rapporté de l'arsenal de Berne, par M. de Becdelièvre. 74. Figurine en cuivre argenté, représentant un abbé avec les attributs épiscopaux , trouvée à la Chaise-Dieu , et donnée au Musée par M. de la Pommeraie, directeur des contributions indirectes. 75. — Planche en cuivre, gravée, représentant un sujet religieux. 76-77. — Divers débris du moyen-dge groupés à droite et à gauche de la porte d'entrée, à l'in- térieur du Musée. Les colonnettes, ornées de deux ( 206 ) figures en grand relief, proviennent de, l'Hôtel- Dieu, ainsi que l'ange supportant un écu. 78. Cuivre gravé en creux, représentant divers écus, armoiries, parmi lesquels plusieurs appar- tiennent à quelques-unes des anciennes seigneuries du Velay et du Vivarais. L’écu qui occupe le centre de cette plaque est entouré de la légende écrite en sens inverse: Insignia M. C. Beraudi sacerdotis, A. de Mazengone. Des lambels liés aux autres écus portent les noms de Y’inassac, St-Avond, Giorand, Montbel, Varennes, Nagu, Antraigues, Poinsac, Mons, Saint-Vidal, la Baume, Mazengon, Ser- vissac , Coteaux. 70..— Médaillon en bronze, qui avait été placé dans les fondations d’une colonne qui devait être érigée sur le boulevard Saint-Louis. ‘On lit d’un côté : An VIII de la république , Département de la Haute-Loire. Lamothe , préfet; et de l’autre : Aux Braves, morts au champ d'honneur , la Patrie reconnaissante ! 80.— Médaillon hébraïque, en vermeil, offrant d’un côté l’image du Christ, et de l’autre une inscription en caractères hébreux. 81. — Boite à mouches, en émail, donnée par M. de Becdelièvre. ( 207 ) COLLECTION GÉNÉRALE DES MÉDAILLES. Les collections numismatiques ont recu pendant le cours de cette année un accroissement d'autant plus remarquable, qu’elles ne se composent que des médailles recueillies dans le département de la Haute-Loire. Deux trouvailles, dont nous avons eu occasion de signaler toute l'importance, ont en- richiles collections du Musée de près de huit cents pièces de différens modules. Nous devons aussi à la généreuse bienveillance de plusieurs personnes un assez grand nombre de médailles, quelques-unes précieuses par leur rareté, par leur belle fabrique et par leur antiquité. Nous nous empressons de détailler ces divers dons et acquisitions. MÉDAILLES EN OR. Médaille de|celtique. Tête de femme à|Trouvée dans le moyen module | sauche, R. Cheval au galop et | département de la divers signes symboliques. Haute-Loire. Médaille de celtique, Tête laurée, R. Une | Cette jolie méd., petit module | femme dans un char à deux | trouvée dans le dé- (quinaire,) | chevaux. partement, a été donnée par M le MÉDAILLES EN ARGENT. |v'° de Becdelièvre. 53 Deniers | auxtypesde vingt-une familles | (1) Acquisesparles consulaires romaines (voyez page 15 des | soins de MM. Ber- Annales ). trand de Doue et Aymard. (1) Ces médailles ont été trouvées à une centaine de mètres du village de Lissac, dans une propriété du sieur Garnier. Elles étaient renfermées dans un vase d’une poterie grossière qui fut brisé au moment de la découverte. Ce vase et ces médailles sont au reste les seuls objets qu’on ait retirés du lieu de l’enfouis- ( 208 ) Trois deniers | de diverses familles romaines. consulaires Undeniercon-|fourré. sulaire, Idem. Une médaille Idem. Deux médaill. Une médaille Une médaille lancée Idem. Idem. Un denier Trois gros tournois Un teston Une médaille Idem. à l'effigie de T'bère ; au revers, l’empereur assis, la haste à la main. de Domitien, avec la désigna- tion de consul pour la 14° fois. au type de Verva. d’ Antonin Caracalla. de Philippe (Gls) ; au revers: Principi juventutis. de ’alérien ( senior). de Maximien (Hercule). de Louïis-le- Débonnaire; au revers : Christiana religio. de Philippe-le-Bel, de Charles 1X. avec la figure de M°° la mar- - UN 0 L | quise de Wévigné, et le mil- lésime 1696; au revers, une ’ fleur est entourée d’une dra- perie au-dessus de laquelle on lit : Servabit odorem. Trouvés à Saint- Paulien. Donné par M. de Bonald, évêque du Puy. Donné par M. Sau- zet, curé à Fay- le Froid. Trouvée dans le département de la Haute-Loire. Idem. Tronvées à Saint- Paulien. Donnée par M. le v'e de Becdelièvre. Trouvée à Saint- Paulien. Donnée par M. le vte de Becdelièvre. Tronvée à Saint- Paulien. Douné par M. Sau- zet, curé à Fay-le- Froid. Trouvés au Puy, danslesfondations de l’évéche, Donné par M. Au- bert, notaire à la Chaise-Dieu. Donnée par M. le v'e deBecdelièvre. sement, caché soigneusement sous un de ces amas de pierres brutes auxquels on donne dans le pays le nom de chiers. Les archéologues , versés dans l'étude des antiquités celtiques, ont souvent désigné quelques-uns de ces chiers, mais d’une plus grande dimension etd'une structure plus régulière, sous le nom detumulus, Nous n’osons pas affirmer que celui de Lissac ait la même origine que ces monumens celtiques. | Une médaille Médaille de très-petit mo- dule, Uu grand mé- daillon, Un médaillon Neuf médailles, engrand bronze, Une médaille grand bronze, Deux méd. id. Une méd. id. Idem, Unetrès-belle médaille Une médaille grand bronze, à, ( 209 ) frappée à l'occasion de l’éta- blissement du chemin de fer de St-Etienne à Lyon. Un des côtés offre le Rhône et la Loire , représentés avec leurs attributs ; Mercure, placéentre ces deux fleuves, montre du doigt le chemin de fer, sur lequel roulent des wagons. Exergue 1836. Au revers, deux écus aux armes de Lyon et de St-Etienne, etréunis par deux palmes, sont entourés de la légende : Chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon. offrant la figure équestre de Louis XIITL; aurevers, on lit : Place royale , à Paris, 5 no- vembre 1629. MÉDAILLONS ET MÉDAILLES EN BRONZE. frappé à l'effigie de Xavier Bichat. avec la tête de Jean Racine (de la galerie métallique des grands hommes). des empereurs Ÿ’espasien, Tra- jan, Hadrien, M. Aurèle, Maximin, et des princesses Agrippine, Fabine et Faustine (inère). de Trajan; au revers : Rex Parthis datus. imitées de l’antique et répu- tées des Padouans , aux types de Vitellius, Vespasien et Domitien. de Commode. de M. Aurèle, à l'effigie de Faustine (mère). à l'effigie de M. de Quelen, Cette belle méd., due au burin de M. Tiollier, a été donnée par M. Ri- chond des Brus, “conseiller de pré- fecture. Don. par le même. Donn.parM.l’'abbé Brosset, chanoine. Données par M. de Bonald , évêque du Puy. Donnée par M. le vt de Becdelièvre. Données par M. de Bonald , évêque du Puy. Donnée par M. le docteur Tardy, membre résidant, Donnéepar M.Sau- zet, curé à Fay-le- Froid et membre non résidant. Cette belle méd. a frappéeàl'occasionducholéra.|a été donnée par 14 Seize méd. en moyen bronze Dix-sept mé- dailles Quatre méd. 716 médailles Quatre méd. 14 idem, en petit bronze, 18 médailles 1 petit bronze Un médaillon Quatre méd. Valerius Maximin, ! Maxence ( 210 ) « grecques, celtiques etromaines. Ces dernières, aux efligies d’Auguste, Claude, Wespa- sien, Trajan, Gordien (jeune), Philippe (père). de divers empereurs romains. Idem. aux effigies des huit empereurs suivans: Dioclétien, Maxi- mien Hercule, Constantius I, Galère Maximien, Sévère, V’alère et Constantin-le- Grand. impériales. gauloises etromaines, Deux de ces dernières sont du Bas- Empire et frappées dans les colonies. antiques et du Bas-Empire. de V’ictorin (jeune), avec le revers rare: ÆZquilas Aug. à l’efligie du pape Lucius T; au revers et dans le champ se voient les clefs de S. Pierre, autour desquelles on lit: C/a- { ves regni cœlorum, | modernes. Un double | de Louis XIII. tournois Un liard Un jeton de Louis XVI, ayec le mil- lésime 1793. du 148 siècle. | | Chaise-Dieu. l’auteur, M. Gay- rard, à M. le v'* de Becdelièvre qui s’est empressé de l’offrir au Musée. Donuées par M. de Bonald, évêque du Puy. Trouvées à Saint- Paulien et données par M. Sauzet,curé à Fay-le-Froid. Donn. par M. Bau- douin - Gimbert, propriét. au Puy. Trouvées à Saint- Germain-la-Prade et acquises par les soins de MM. Ber- trand de Doueetde Saint-Germain. Donn. par M. Au- bert, notaire à la Chaise-Dieu. Données par M. de Bonald, évêque du Puy. Donné par M. le v'e de Becdelièvre. Donné par M. Sa- velon, percepteur à Vorey. Données par M. le docteur Tardy. Donnés par M. Au- bert, notaire à la Donné par M. le y'e de Becdelièvre, Ce) Un jeton |du moyen-âge. LA AL Den Trois jetons | modernes, : 1 OCEL € membre résidant, ToTAL GÉNÉRAL des médailles acquises en 1836. . 899. tt © D © DD © D + em COLLECTIONS D'HISTOIRE NATURELLE. ZOOZLOGIE. Trois peaux d’antilopes , données par M. Joseph Pissis, docteur en médecine, de Brioude, Peaux d'oiseaux étrangers, données parle même. Test de tatou, donné par M. Achille Bertrand, négociant à Mexico. Peau de boa, donnée par M. Garnier, de Paris. Mdchoire de requin, donnée par le même. Hermine tuée à Saint-Jean-de-Nay. Collection générale de mollusques et coquilles fluviatiles et terrestres de France, au nombre de plus de 1090 espèces ou variétés. Cette collection a été recueillie et classée par M. Auguste Aymard, membre résidant. Collection de mollusques et coquilles vivantes et fossiles du département de la Haute-Loire. Recueillie et classée par le même. GÉOLOGIE , MINÉRALOGIE , PALÉONTHOLOGIE. Collection générale de minéralogie : Echantillon d’or natif des mines du Mexique, donné par M. Achille Bertrand, négociant à Mexico. v{Cer2 7) Autre échantillon de cuivre, fer et or natif de la mine du Monestier près Briancon, donné par M. Sirger, gendarme. Collection géologique départementale. Elle s’est accrue en roches, minéraux simples et corps organisés de fossiles, des objets suivans, savoir : 25 Echantillons de roches et minéraux des envi- rons du Puy, présentant une suite d'impressions de végétaux sur les arkoses de la Chartreuse de Brives; un pavé de géans en miniature, formé par des cendres volcaniques rougeâtres; un prisme basaltique à quatre pans; diverses variétés de trachyte, etc. Ces échantillons ont été recueillis et donnés par MM. Bertrand de Doue et Auguste Aymard, membres résidans. 88 Echantillons de minéraux et de roches de l'arrondissement de Brioude. Recueillis et donnés par M. Aimé Pissis, membré non résidant. Empreintes de larves d'insectes, de l’ordre des coléoptères, trouvées dans les marnes du terrain gypseux, du bassin du Puy. Par M. Auguste Aymard, membre résidant (1). Une suite de 150 échantillons d’ossemens fossiles de cerfs, de bœufs, d’antilopes, d’éléphans, de rhinocéros, de tapir, de cheval et de mastodonte. Recueillis aux environs de Cussac et donnés par M. Félix Robert, membre résidant (2). (1) Une Notice sur cette découverte a été insérée dans le Bulletin dela Société géologique de France, tome 6,1835, p. 255. (a) Voyez Annales de 1829. ( 213 ) Une mâchoire inférieure de rhinocéros, retirée du terrain d’attérissement à Paradis près le Puy. Recueillie et donnée par M. Auguste Aymard. Ossemens fossiles de cheval, découverts à Taulhac près le Puy, dans le terrain d’attérissement, im- médiatement au-dessus du calcaire paléothérien. Is ont été donnés par M. Pons-Rigaud, Collection du Vivarais. Elle s’est accrue de 30 échantillons recueillis et donnés par M. Auguste Aymard. Collection des roches de la Saxe. Cette belle suite, composée de 205 échantillons recueillis par M. Reich, professeur à la célèbre école de Frey- berg, a été donnée au Musée par M. Bertrand de Doue. BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE DÉPARTEMENTALE (1). $ Ier, IMPRIMÉS. Manvez d'Hygiène, par M. Pissis , docteur en médecine à Brioude. Puy, an 11, in-6°, donné par M. J. Pomier. Noricesurl'Enseignementmutuel, par M.Raymond, avocat au Puy. Souvenirs et Impressions de voyage, par M. Z'ictor (1) Par délibération de la Société , en date du 5 février 1836, la bibliothèque historique départementale et celle de la Société ont été réunies aux collections que renferme le Musée. (214 ) Pissis, vérificateur des domaines à Paulhaguet, Membre non résidant; 1 vol, in-8°, Paris. Discussions relatives à des découvertes sur l’Artil- lerie, par M. J.-F.-G. Mallat, ingénieur civil au Puy; br. in-60. DEscripTIoN du Portail de église du Bourg- Argental, par M. Welchior Digonnet, du Puy; br. in-40. GRAND Duo romantique pour violon et alto, par le même. Diverses OBSERVATIONS de Droit, divisées en cinq livres, par M. Maurice Bernard, conseiller du Roi en la sénéchaussée du Puy; Paris, 1626, 1 vol, in-8°, donné par M. Duvillars, vérili- cateur de l'enregistrement. Divine Comépre du Dante, 4 livr. in-8°, traduction en vers, par M. Ch. Calemard de Lafayette. DICTIONNAIRE topographique de la Haute-Loire, 1 vol. in-6°. Hisroire du département de la Haute-Loire (can- ton du Puy), par M. Dulac de la Tour; Puy, 1813, 1 vol. in-8°, donné par M. Dulac-Roux. ManueL des Locutions vicieuses les plus fréquentes dans le département de la Haute-Loire, par feu M. Pomier, vice-président de la Société. Hisroire de l'Eglise angélique de N.-D. du Puy, 1785. (Anonyme, M. Pouderoux, chanoine de ladite église.) Donnée par M. Jules Pradier. ReLaTioN de ce qui s’est passé dans une procession G 2255) générale où l’image de la Vierge a été portée en cérémonie par toute la ville du Puy, le 2mai 1709; par M. Bousquet. ORDONNANCE Du Rotr, du 18 octobre 1683, relative à l'élection des consuls du Puy. Autre Ordonnance du 11août 1763, relative à l'éligibilité des négo- cians, directeurs de l’Hôpital-Général du Puy, comme seconds consuls; br.in-8°, données par M. Jules Bertrand-Théry, avocat. HISTOIRE GÉNÉALOGIQUE de la maison d'Auvergne et de celle de Turenne, donnée par M. Carria , archiprêtre de la Cathédrale du Puy. Mémoire sur la répartition de la contribution fon- cière de l’année 1791, dans le département de la Haute-Loire, par M. Romeuf de la Valette, président de ladministration municipale de Lavoüte-Chilhac, donné par M. l'abbé Sauzet, membre non résidant. RapporT sur la surcharge du département de la Haute-Loire , par M. Jerphanion, membre de Fadministration centrale du département, an 5, donné par le même. s OBSERVATIONS au nom du commerce et de Pin- dustrie de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme; par M. Aug. Lamothe, membre non résidant. LETTRE à M. Duchâtel, ministre du commerce; par le même. DE L'INFLUENCE de la nouvelle loi de douanes sur l’agriculture des départemens du centre ; par le méme. ( 216 ) Osservarions relatives au nouveau Cimetière du Puy; par M. Girard-Jandriac père, membre résidant. Revus pu Lyonnais, esquisses physiques, morales et historiques, 1'° année, 1"° livr., janvier 1635, contenant un article sur le Puy en Velay; par M. César Berthollon; donnée par M. Ph. Hedde, membre résidant. ANNUAIRE du département de laHaute-Loire, pour 1835et 1856, 2 v.in-10, publiés par P. Pasquet. JournaL littéraire, commercial et judiciaire de la Haute-Loire , années 1835 et 1636. CoLLecrion des comptes et budgets du départe- ment; donnée par M. Mahul, préfet. Raprorr du Préfet de la Haute-Loire au Conseil général, session de 1836. Ixsrrucrions sur Soit-Montré; par G.-4. Bertrand, chanoine hebdomadaire moindre de l'église ca- thédrale du Puy, contre le syndic du chapitre, in-4°, 1776; donnée par M. Aug. Aymard, membre résidant. Conrérences du diocèse du Puy, 1 vol. in-8°. LETTRE PASTORALE de Mgr l’Evêque du Puy, pour le Carême de 1837; in-4°. $ IE. MANUSCRITS. Orponwance de Louis XV autorisant le prieur de l’abbaye de Viaye, à acquérir des biens fonds en faveur d’une plantation de 15,000 müriers faite (217) sur un arpent de terre, sur parchemin; donnée par M. de Becdelièvre, Membre résidant. Mémorres manuscrits sur la ville du Puy; par Maître Etienne de Medicis, bourgeois du Puy; à v. in-40. Cet ouvrage, connu sous le titre de Podio, renferme des extraits d'anciennes Chroniques snr l'Histoire de cette ville, et lerécitdes événemens arrivés du temps de l’auteur, jusqu’en 1558. Mémoires de Jean Burel, contenant fout ce qui s'est passé de curieux dans la ville dn Puy et aux environs, 1 vol. manuscrit in-40. Dans ces Mémoires, d'environ 916 pages et qui s'étendent jusqu’à l’an 1629, l’auteur, zélé catholique, après avoirrapporté quelques faits d’une époque antérieure à son siècle, décrit en détail les événemens arrivés dans le Velay jusqu’en 1597. Il dédie son ouvrage aux magistrats, consuls et citoyens dela ville du Puy. Mémoires manuscrits pour l'Histoire du Puy et du Velay, par Antoine Jacquemon; 1 gros v.in-4°. Ces trois manuscrits ont été mis à la disposition de la Société par M.C. Lobeyrac , ancien président du tribunal de première instance du Puy. Recuerz renfermant, en manuscrits ou imprimés, diverses pièces en prose ou en vers, Lettres- patentes du Roi, Arrêts du Conseil d'état, Mande- mens et autres, qui ont rapport à l'Histoire du Puy; 2 vol in-4°, 1 Recugrz de Pièces manuscrites , 1 vol. gr. in-4°, contenant : 19 DisserTATION sur l'Antiquité de l'Eglise du Puy, par M. Maurin, chanoine; 1766. 20 INVENTAIRE contenant les titres et priviléges de Ja Maison consulaire de la ville du Puy. ( 226 ) 30 OrbonNancE de police, concernant la vente des grains; 1709. 4° EvazuaTioN des grains, année par année, de 1669 à 1792. 2e Recuz1z de Pièces manuscrites, 1 vol. gr.in-4°, contenant : 10 UNE Norice sur Antoine Clet, imprimeur au Puy, auteur de diverses pièces en prose et en vers. 20 LE SERMON MANQUÉ, comédie en 5 actes; 1749. 30 M. LAMBERT, comédie en #4 actes; 1797. 4° LE BoRGNE, comédie en un acte. Les deux’ premières pièces sont écrites en vers francais et patois; la troisième en vers français. La scène de la première est à Vals; celle des deux autres, au Puy. Ces trois pièces sont dudit Antoine Clet. Les Tarp-veNus; Nouvelle gévaudanoise, avec cette épigraphe : & Parmi les brigands qui composaient cescompagnies, » quelques-unsprirent le nom de T'ard-venus,» (Anquetil). Manuscrit par M. Jean-Louis Labretoigne, receveur de l’enre- gistrement et des domaines, membre non résidant. CoLLECTION manuscrite d'observations médicales insérées dans divers journaux de médecine; par M. Tardieu', docteur en médecine à Saugues, membre non,résidant. Arzas de la ville du Puy, sur papier grand-aigle. Donné par M. l’abbé Carria, archiprêètre. PLans d’élévation et topographique des anciens murs dela’ ville du Puy, {d’après un dessin (219 ) original de M. Brunel, ancien ingénieur; par M. Auguste Aymard, membre résidant. Donnés par ce dernier. Ecrtrs et Acres divers, relatifs à l'Histoire du département, pour être classés et reliés lors- qu'ils seront en nombre suffisant. EE BIBLIOTHÈQUE DE LA SOCIÉTÉ. Essai sur le meilleur système d’assolement dans le Midi, par Abric Chabannes; in-80. Journaz de la Société d'Agriculture de Carcas- sonne, années 1835, 1836. JourwaL de la Société de la Morale chrétienne, tomes 6, 7, 8, 9 et 10. ANNALES de la Société d'Agriculture du département de l'Allier, 1835, 1636. Feuizze du Cultivateur forésien , n°5 1 à 12. OBsERvATIONS sur l’influence des étangs, relative- ment à la salubrité; in-6°. DE L'INSALUBRITÉ d’une partie du département de la Loire; in-0°, ANNALES agricoles, littéraires et industrielles de PArriège , 1835, 1836. ANNALES de la Société académique de Nantes, livraisons 24 à 32. De L’Aventr industriel de la France, par M. Matthieu de Dombasle, Membre nou résidant; 4° éd., in-&°. Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, 1834, 1835. ( 220 ) BuzLETINS de la Société d’agriculture de l'Hérault, 1035, 1836. BuzceTiNs de la Société industrielle de Saint- Etienne, 1035. SoctéTÉ d’Encouragement pour l'Industrie natio- nale. Programme des prix proposés dans ses séances de décembre 1834 et 1835. BuzreTiN de la Société royale d'Agriculture , Sciences et Arts du Mans; 1835 et 1836, 1"et 29 trimestres. AcADÉmIE des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besancon; 1833, 1636. ConsipéeATions sur les Machines, par M. Aug. de Gasparin; br. in-6°. Mémorre sur le Mûrier multicaule, par M. Zénon, de Lyon; in-80. DE LA STABULATION permanente, par M. J.-C. Fabre- d’Evire , médecin vétérinaire à Genève; br.in-60. Précis d’un Cours d'Hygiène vétérinaire , par M. Z. F. Grognier, membre non résidant; un vol. in-6°, Lyon, 1633. Précis d’un cours de multiplication et de perfec- tionnementdes principaux animaux domestiques, par le même; 1 vol. in-8° , Lyon, 1834. Erupes sur les dépôts métallifères, par J. Fournef, membrenonrésidant, professeur de minéralogie à la Faculté des sciencesde Lyon; 1 v.in-6°, rel. ANNaLes scientifiques, littéraires et industrielles de l'Auvergne, 1035, 1836. (223 ) RecueiL publié par la Société d'Agriculture de l'arrondissement de Falaise; n°5 1 à 6. DissERTATION sur un tombeau romain, par M. Man- gon de Lalande, membre non résidant, président de la Société des Antiquaires de l'Ouest; in-4°, Poitiers. OBSERVATIONS adressées à la Société ébroïcienne d'Evreux, par le même. DisserTATION sur le tombeau romain de Varenilla, par le même. Mémoires et ANALYSE des travaux de la Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de Mende; 1833—1834. BuzzeTin de l’Académie ébroïcienne (Eure); 1834, n° 12. Mémoire sur la meilleure proportion entre le diamètre et la hauteur d’une cheminée, etc., par M. P.-F, Morin, membre non résidant et ingénieur des ponts et chaussées. INrropucrioN à la Théorie générale de l'Univers, par le même; in-8°. Mémotre sur les Encombremens des ports de mer, par le même; in-60. Deuxième Mémoire sur les mouvemens et les effets de la mer, par le même; in-60. PrREmïER Rapporr de la Commission chargée de procéder à l'enquête sur le Tabac; in-6°. Journaz des Connaissances usuelles; 1835. Plus, 27n9%$ donnés par M. d’Authier de Saint-Sauveur. ( 222 ) Mémoire sur les courtillières, par M. ZLacène; Lyon, br. in-60. FLEURS, FRUITS €@t ORNEMENS lithographiés, par M. Thierriat , peintre, professeur à l’école royale des Beaux-Arts de Lyon, membre non résidant; cinq livraisons. La Société en a fait don aux écoles industrielles placées sous sa direction. Cours complet d'agriculture, Pourrat frères, édi- teurs ; tom. 4, 5, gr. in-6°. Mémoires de la Société royale d’Agriculture, Histoire naturelle et Arts utiles de Lyon, 1033—1034; 1 vol. in-8°, Séance du 12 sep- tembre 1836; 1 vol. in-6°, Précis analytique des travaux de l’Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, 1833; 1 vol. in-60. ProcrAmMEs de la Société royale et centrale d'Agriculture , 1835, 1836. Norrices sur Joseph Chinard et Antoine Coysevox, sculpteurs, et sur Philibert Delorme, de Lyon, par M. Passeron, membre non résidant. RapporrT sur la Pomme de terre de Rohan, par MM. Jacquemet-Bonnefont père et fils. Essar sur les Orobanches, par. M. Ch. Dumoulin, membre non résidant; br. in-68°, Bordeaux. SocréTÉ d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne; 1635. DE LA PEINTURE sur verre ou Notice historique sur ( 223) cet art, dans ses rapports avec la vitrification, par M. Æ. Thibaud. AcADÉMIE royale des Sciences , Belles-Lettres et Arts de Bordeaux. Séance publique des 18 sep- tembre 1835 et 22 septembre 1836. INSTRUCTION pratique et Programme des prix relatifs à la fabrication du Sucre de betteraves dans les petites exploitations rurales. OBsERvATIONS sur les moyens d'établir la culture du Mürier et l'éducation des vers à soie dans l'arrondissement de Brioude, par M. Rochette, membre non résidant. CATALOGUE des espèces et variétés de mollusques terrestres et fluviatiles, à l’état vivant, et des espèces fossiles recueillies dans les départemens du Cantal, du Puy-de-Dôme et partie de celui dela Haute-Loire, par M. J.-B. Bouillet, membre non résidant; 1 vol. in-8°, Clermont. CaraLoGue de la collection de coquilles exotiques, par le même;‘br, lithographiée, in-@°. L’Arr de ferrer les chevaux, traduit de l'allemand, par M. F. de Brack ; in-80. Mêmorres de l’Académie royale de Metz; 1834- 1835. Trarré/des manuscrits, par 4.-4. Monteil; 2 vol. in-60. PREMIER et DEUXIÈME RAPporTs à la Société royale et centrale d'Agriculture, par sa Commission d’OEnologie; in-8°. (224 ) Norice sur une Borne romaine trouvée près de Pontarlier, par M. Bourgon. | LE BATARD D'APOLLON, poème satyro-comique, par C. Tinel. New TREATMENT of malignant diseases ,etc., par M.4.-M. Bureaud-Riofrey,docteur en médecine, membre non résidant; Londres, in-6°. Revue médico-chirurgicale anglaise, n° 1, par le même. De r'EnseiGNEmMENT du Dessin, par 47. Dupuis; gr. in-60, Discours sur l’origine des Armes et des Ecussons. Donné par M. Carria. AnNaLes de la Société d'Emulation des Vosges; tom. 2, 22 cahier. Recuerz de Connaissances usuelles, publié par la même Société; n9$ 17 et 16. Norices historiques sur quelques édifices religieux du département dela Lozère, par J.-J.-M. Ignon. Rapport de l’Académie de Mâcon, sur son concours, par M. Lacretelle. CATALOGUE des médailles impériales romaines de la collection de M. J.-B. Bouillet, membre non résidant. Des FRANGEs employées à orner les bords des rubans, par M. Ph. Hedde. PRE ( 235 ) VV AU VUU AAA VAR AA, MAS LAS RAA A AAA AA A AS AA AV AA A A LA AS MU A LE AA AS AV AA LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ. —— rs 0 D QD © > ———— BUREAU. Président, M. Bertrand de Doue, chevalier de la Légion-d’Honneur. Vice-président... M.Mandet, bâtonnierde l’ordre des Avocats. Secrétaire........ M. le docteur Richond des Brus, conseiller de préfecture, ch. de la Légion-d’Honneur. Secrétaire-adjoint. M. Borie, docteuren médecine. Bibliothécaire.... M. Odde-Duvillars , juge au tribunal civil. Trésorier..... .. M.De Parron, receveur général, ch. de la Légion-d'Honneur. ee CONSEIL D’ADMINISTRATION. MM. Bertrand de Doue, président. De Lestang père, chev. de la Lég.-d'Honneur. Le docteur Calemard de Lafayette, membre du conseil général, ch. de la Lég.-d'Honn. Mandet. Joyeux, pharmacien, (226 ) COMMISSION DU MUSÉE. M. le vicomte de Becdelièvre, chev. de la Légion- d'Honneur, président. 1€ SECTION. — Minéralogie. MM. Bertrand de Doue, Robert (Félix), négociant, Conservateurs. Aymard (Auguste), 2€ SECTION. -— Botanique. MM. Odde-Duvillars , \ Hilaire-Latourette, docteur en médecine, Conservateurs. Robert (Félix), Reynaud, doct. en médecine, , 3e SECTION. — Zoologie. MM. Calemard de Lafayette, Robert (Félix), Conservateurs. &esecrion.— Beaux-Arts, Antiquités, Médailles, Machines et Modèles. MM. Bertrand de Doue, Aymard (Auguste), Filhot aîné, propriétaire, Vibert , idem, Conservateurs, COMMISSION DE LA PÉPINIÈRE DÉPARTEMENTALE. M. De Lestang père, président. (227) MM. Girard-Jandriac fils, propriétre, Joyeux, De Laboriette, juge, Conservateurs. De Lavalette, Treveys, propriétaire, COMMISSION DE LA BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE ET DES ANTIQUITÉS DU DÉPARTEMENT. Membres résidans. MM. Bertrand de Doue, président. Le vicomte de Becdelièvre. Aymard (Auguste), conservateur des Médailles et secrétaire de la Commission. Mandet. Odde-Duvillars. Richond des Brus. Membres correspondans. MM. Mangon de Lalande, président de la Société des Antiquaires de l’Ouest, à Poitiers. Gonod, bibliothécaire à Clermont. Jules Desnoyers, secrétaire de la Société de PHistoire de France et Bibliothécaire du Jardin des plantes, à Paris. Le baron de Talairat, à Brioude. Armand (Alexis), maire à St-Paulien, membre du conseil général. Labruyère, doct. en médecine à Montfaucon. { 228 ) ÉCOLE DES ARTS ET MÉTIERS. M. Bertrand de Doue, directeur des Écoles de dessin linéaire et de mathématiques. M. Vibert, directeur de l'École de dessin, de la figure et des ornemens. ee ——— MEMBRES HONORAIRES. MM. Bastard (baron de), ancien préfet de la Haute- Loire. Bertrand (Joseph), ex-député. Borne , ancien Sous-préfet à Brioude. Boudinhon , maréchal-de-camp. Bronac (De) père, propriétaire à Montfaucon. Choumouroux (Le comte de), à Yssingeaux. Crozet (Le comte du), propriétaire. Dupin (Charles), membre de l'Institut. Eynac (L'abbé), curé de St-Laurent, au Puy. Ferraighne (De), propriétaire à Espaly. Gallet, vice-président au tribunal civil du Puy. Latour-Maubourg ( Le marquis de), ambassa- deur à Rome. Lestang (De) fils, juge au tribunal civil du Puy. Luzy (De), propriétaire à Tence. Odde-Duvillars, propriétaire au Puy. Parron (Prosper de), ch. de la Légion-d'Honn. Pascon, président du tribunal civil de Brioude. Ramey père, sculpteur, membre de l'Institut. MM. MM. (2497) Royet, ancien maire de Saint-Etienne, Ribains (De), ancien maire de Pradelles. Tuja, membre du conseil général. Veyrac (Le baron de}, ancien maire du Puy. MEMBRES RÉSIDANS. Aulanier ( Louis), propriétaire. Aymard fils (Auguste). Balme (Victor), propriétaire. Beau de Brives, propriétaire. Beau de Brives (Albert), ex-procureur du Roi. Becdelièvre (Le vicomte de). Bertrand de Doue, ch. dela Légion-d'Honneur. Borie, avocat. Borie , docteur en médecine. Calemard de Lafayette, docteur en médecine, chevalier de la Légion-d'Honneur. Calemard-Latour, propriétaire. Chabalier, ancien député du département. De la Rocque (Le comte), avocat. Dumontat, propriétaire. Duvillars , juge au tribunal civil. Filhot aîné, propriétaire. Girard-Jandriac père, propriétaire. Girard-Jandriac fils, propriétaire. Gire, artiste vétérinaire. Hedde (Philippe), propriétaire. Hilaire-Latourette, docteur en médecine. MM. MM. ( 230 ) Joyeux, pharmacien. Laboriette (De), juge au tribunal civil. Lavalette, ancien président du tribunal civil. Lestang (De),membre dela Légion-d'Honneur. Lobeyrac, président honoraire du trib. civil. Mandet, bâtonnier de l’ordre des avocats. Mariol (De), propriétaire, Moiselet, architecte de la ville. Montellier , juge de paix. Morel, docteur en médecine. Parron (De), receveur général du département, chevalier de la Légion-d'Honneur. Porral, docteur en médecine. Reynaud, docteur en médecine. Richond-Assezat, avocat. Richond des Brus, docteur en médecine, chevalier de la Légion-d'Honneur. Robert (Félix), négociant. Treveys, propriétaire. Vertaure (De), propriétaire. Vibért, propriétaire. MEMBRES NON RÉSIDANS. Armand (Alexis), membre du Conseil général et maire de Saint-Paulien. Bayard (L'abbé), curé à Coubon. Béal , propriétaire à Beaulieu. Bergery, profess. à l'Ecole d'artillerie de Metz. Bernard, contrôleur des douanes à Nantua. (( 281) MM. Blondel, peintre d'histoire, rue d’Albony, à Paris. Bonhomme fils, propriétaire à Langeac. Bouilhet, naturaliste à Clermont. Brune (Me), peintre à Paris. Bureau, docteur en médecine, À Paris. Calame, peintre à Genève. Cognet, bibliothécaire de la ville de Saint- Chamond. Croizet (L'abbé), curé à Neschers (Puy-de- Dôme ). Crozatier, sculpteur, rue du Roule, à Paris, Daudville, négociant à Saint-Quentin. De l’Horme , ancien géomètre en chef. Demesmay (Auguste) fils, à Besancon. Desmoulins (Charles), à Lanquais, pr.Bergerac. Demoustier, répétiteur à l’école de chirurgie à Paris. Desnoyers (Jules), à Paris. Deribier du Châtelet, juge de paix à Ydes (Cantal). Deribier de Cheissac , propriét. à Bort (Cantal). Dubrunfaut, professeur de chimie , rue Pavée, n° 24, à Paris. Fabre, maire et propriétaire à Paulhaguet, Farnaud, propriétaire à Gap. Fournet, professeur de minéralogie et de géologie à Lyon. Fournier , docteur en médecine à Pradelles. Gimbert-Duvillars, propriétaire au Monaslier, ( 282 ) MM. Gonod, bibliothécaire à Clermont. Grignard, géomètre en chef à Bourges. Grognicr, secrétaire général de la Société d'Agriculture, Histoire naturelle, etc.,àEyon. Gueyffier (Théodore), à Brioude. Guillaume, ingénieur des ponts et chaussées à Grenoble. Hedde (Isidore), agent de change à St-Etienne. Hubert, peintre paysagiste, rue du Dragon, n° 34, à Paris. Ignon , secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture de Mende. Jacob, docteur en médecine à Langeac. Jalon , avocat général à la Cour de Riom. Jorand,Membre de la Société des Antiquaires, à Paris. Joyeux, docteur en médecine à Privas. Labretoigne, receveur des domaines, à Saugues. Labruyère, docteur en médecine et maire à Montfaucon. Lamothe (Auguste), membre du conseil gé- néral , à Frugères. Lecoq, professeur de minéralogie et de phar- macie, à Clermont. Lenoir, directeur des contributions directes, à Clermont. Macheco (Le comte de), propriét. à Alleret. Malo (Charles), homme de lettres à Paris. Mangon de Lalande, à Poitiers. ( 233 ) MM. Martin jeune, président de la Société royale de médecine à Lyon. Mathieu de Dombasle, directeur de la ferme expérimentale de Roville. Mathieu , professeur au collége royal de Clermont. Michel, chef d'institution, rue des Capucins, à Lyon. Molchneht, sculpteur, rue Courty, n° 5, à Paris, Montaigne de Poncins, propriét. à Montbrison. Morgues (De) Saint-Germain, propriétaire à Saint-Germain-Laprade. Morin, ingénieur des ponts et chaussées. Moussier, docteur en médecine à St-Vallier. Nicod, recteur de l’Académie de Nîmes. Passeron , homme de lettres à Lyon. Peghoux, docteur en médecine à Clermont. Pissis (Aimé), professeur de chimie à Paris. Pissis (Victor), vérificateur des domaines à Paulhaguet. Pomier, profess. de mathématiques à Brioude. Poncet, docteur en médecine à Feurs. Prost, directeur des postes à Mende. Rochette, avocat à Brioude. Roger, architecte de la ville de Thiers. Rosières (De), capitaine d'état-major. Ruelle, payeur à Grenoble. Ruelle (Alexandre), propriétaire à Serres. (234) MM. Sauzet (L'abbé), curé à Fay-le-Froid. Talairat (Le baron de), propriét. à Brioude. Tardieu, docteur en médecine à Saugues. Teissier, pharmacien à Lyon. Terrasse, propriétaire à Saint-Marcel. Thiériat, professeur de dessin au Palais des Arts, à Lyon. Villeneuve, peintre de paysages, barrière de Chaillot, à Paris. ————————S—— EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX DE LA SOCIÉTÉ. Séance du 2 décembre 1836. ART. 1. Il est créé, sous le titre de Correspon- dans ,une nouvelle classe de Membres de la Société. Arr. 2. Les Membres correspondans seront élus en nombre à peu près égal, dans chacun des vingt- huit cantons du département, parmi les personnes les plus en position de seconder, par leur zèle et par leurs connaissances théoriques ou pratiques , les vues de la Société pour l'amélioration de notre agriculture. Arr. 3. Leur élection aura lieu sur la présenta- tion de trois Membres dans les séances consacrées à celle des Membres résidans. M. le Président leur donnera connaissance de leur nomination et leur adressera un exemplaire de la présente délibération. Il les invitera en mêmetemps à lui faire connaitre leur acceptation. e ( 235 ) Arr. 4. Tous les Membres correspondans auront droit à recevoir, gratuitement, les programmes et le bulletin de la Société. Ils auront part aux distributions de graines, plantes, etc., qu’elle se propose de faire annuellement et qui leur par- viendront sans frais. Ils seront admis à ses séances ordinaires et publiques. Leurs obligations consistent à faire des essais sur les cultures et les procédés nouveaux, suscep- übles d’être utilement appliqués à l’agriculture du département , qui seront indiqués; à en répandre la connaissance parmi leurs voisins les plus intel- ligens et à donner, autant que possible, commu- nication à la Société des résultats qu'ils auront obtenus. Arr. 5. Chaque année il sera décerné, en séance publique , une ou plusieurs médailles à ceux des Membres correspondans qui se seront distingués par leur zèle à mettre en pratique ou à propager de nouvelles cultures. AT. 6. En conséquence , il sera publié par la Société, sous le titre de Bulletin agronomique et industriel, un recueil d'instructions et de procédés d'agriculture susceptibles de recevoir leur appli- cation dans le département. Les matériaux en seront pris dans les publications que recoit la So- ciété, dans les ouvrages d'agriculture de sa biblio- thèque et dans les rapports et les communications que ses Membres sont invités à lui adresser. (236) Ce Bulletin paraîtra à des époques indéterminées etseulement lorsqw’il aura été réuni des matériaux suffisans pour une feuille d'impression. La pagi- nation sera disposée de manière que Ja réunion de ces feuilles puisse former un volume. Il sera adressé , franc de port, aux Membres résidans , aux Membres honoraires non et résidans qui habitent le département, et aux Membres cor- respondans. Il sera rédigé par une Commission, dite du Bulletin, composée du Président, des Secrétaires et du Bibliothécaire de la Société. Nota. La liste des Membres correspondans nommés en vertu de la précédente délibération, n'étant point encore close, on ne publiera leurs noms que dans les Annales pro- chaines. ( 237) AV A AAA A AA AV A MA AMV AR AV AU AAA VE V4 AA AR AA AU AE AA LA AVE AA Le Cable des Matières. Drscours prononcé par M. MaAuvr, préfet de la Haute-Loire, dans la séance publique du DOIAOUAIOO Des ue Te doe aptee + Pag. \ 13 Discours prononcé par M. BERTRAND DE Dove, président de la Société, dans la InémMme SÉANCE .rervesrese se do cos. 10 AGRICULTURE ET INDUSTRIE. Cinquième Notice indicative des Sujets de prix proposés par la Société, pour étre dé- CÉRICS CIE TO CL 100. saveshse 30 Considérations générales sur l’art de se vétir et le tissage, depuis leur origine jusqu’à nos jours; par M. Philippe Hedde........ 125 SCIENCES. Notice sur les antiquités de Margeaix, par M. le vicomte de Becdelièvre..... LES 38 ( 236 ) Mémoire géologique sur le bassin du Puy ; par M. Félic-Rabert CRE RNA ES Esquisse géognosique des environs de Brioude; par AT. Aimé PISSLS Es eee Con 00e nes ae Notice sur quelques médailles trouvées à Lissac, près St-Paulien; par M. Auguste yanard Ris: Me ue ucestbte see LITTÉRATURE. Discours sur les Etudes historiques ; par M. Victor Preis mn terside.e dde Notice historique sur J. Baudoin, de l’Aca- démie française ; par M. Sauzet,......... Notice historique sur les généraux Frévol de Lacoste; par M. de Laboriette........... POÉSIE. Les Foires d'Arlempde ; par M, H. Fournier. A La jeune Chrétienne à ses derniers momens ; par M. le baron de Talairat............ Minuit ; par M. Maréchal .......... PCA} OBJETS DIVERS. Sixième Notice des tableaux, dessins, anti- quités , médailles, objets de curiosité , collections d'histoire naturelle du Musée de 53 78 93 161 (259) la ville du Puy, et des livres et manuscrits reçus ou acquis par la Société depuis la publication des dernières Annales........ 202 Liste des Membres de la Société........... 225 Extrait des Procésverbaux de la Société; Séance du 2 décembre 1836....4..4..... 234 FIN DE LA TABLE. > # 7 Ardes en ê. ae Antony > © Chéhomyer € Fpulm Pie Herteur o de sons metres rl GS! Ger 2277 Jai © Gun © Auihafiutes Eyue © ° SY Aubemine 7 si oVDume di: ag Za hopatre la) Chaise Créréerer angle © À ar es 1 ô ENT diet 0 VJ _—— cn NRTE GEOGNOS 107, DES de Ds tio ” onÿe CCS a À LAS CA > ES ) 1 NDS & ; AS PNA me TS AE à A | 1 = : 4 ' ' à : 0 ei : _ ï Ï ; ‘ L] Û * te e | A \ À ü E j - Q L 1 | L Fy : " € : Û 1 . , , | ( L n l Î : : . L Le" à | LE ; D " : , dl L ê 1 : r Us 3 | n d û - Te 0 L E] : ; L nt ' } dd ï k L Li L l - : L ” M . ' x D L] l . 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