7, ce 2 — APPLE sf AR CR =: | 54e er à ARE Le Son # Le F rie. ee 4 C2. or es : À Fe A à D æ A Ta, A1 2 Pr « È x. Le = “ é e pres ee 2e S LAS - ES Te AS Len Jar, > DE > RE Re re LE LL les "+ RS sn Re (9 ë, EU CAC ET d EN Rs. SOS UUÈR 1 a lit Fu 2 ANNEE \ i WE DE Es LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, É VAR Fe A SCIENCES, ARTS ET COMMERCE DU PUY : SU POUR 1837-1858. Rédigées MR naine Ve load AU PUY, DE L’IMPRIMERIE DE J.-B, GAUDELET, IMPRIMEUR DE LA SOCIÉTÉ, RUE GRANGEVIEILLE. ; LE ne FT ne Pi NS. "Éu ANNALES DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES , ARTS ET COMMERCE DU PUY , POUR 1857-1858 ; RÉDIGÉES PAR LES SAGRÂTAIRES DE LA SOCIÉTÉ. AU PUY, DE L'IMPRIMERIE DE J.-B. GAUDELET, SUCCESSEUR DE P. PASQUET. 1859. Nora. La Société n'entend garantir les faits , ni adopter toutes les opinions consignées dans les Mémoires que ren- ferment les Annales. ERNELES DE LA SOCHLTR D’AGRICULTURE » SCIENCES, ARTS ET COMMERCE DU PUY. AVR VUU VV VAR AY AA LU AA AV AA AA VUE MU AU AA LR VAR UV AAA MA AA VA VU LU LEA LEA VU COMPTE RENDU PRÉSENTÉ A LA SOCIÉTÉ, DANS SA SÉANCE PUBLIQUE DU 22 AOUT 1838, Par M. BERTRAND DE DOUE, président. MESSIEURS, Le retour périodique de la solennité qui réunit autour denous ce concours nombreux de citoyens et les premières autorités du pays, ramène pour votre Président l'obligation de vous présenter le compte rendu des travaux qui vous ont occupé depuis votre dernière séance publique. Ce compte, pour être complet, exigerait une foule de détails auxquels je ne me laïsserai pas entraîner ; je m’efforcerai au contraire de le (4) rendre aussi rapide que possible , et deracheter ainsi ce que sa périodicité même el l'obligation d’ap- peler encore votre attention sur des sujets dont je vous ai plus d’une fois entretenu, doivent y jeter de monotonie. Qu'il me soit toutefois permis de m’arrêter quelques instans sur la mesure la plus importante que vous ayez prise depuis la création de votre Société, îMmesure qui a si fort agrandi la sphère de vos travaux et étendu jusque dans les cantons les plus reculés du département l'influence que vous devez désirer d'exercer dans l'intérêt de notre agriculture. Pénétrés de l’idée que lutilité d’une Société comme la vôtre ne s’apprécie que par les travaux qu’elle accomplit ou par l'émulation qu’elle ex- cite, vous aviez d'abord cherché à signaler votre existence par des établissemens dont les avan- tages ont été généralement appréciés; mais ces établissemens étaient plus ou moins étrangers au but principal de votre institution. Il y avait, il faut bien le reconnaitre, dans l’ensemble de vos travaux, comme Société d'agriculture, quelque chose de vague, d'incomplet, qui indiquait un vice réel dans votre organisation. Et en effet, Messieurs , isolés comme vous l'étiez, comptant à peine dans le département vingt Membres non résidans, tous admis dans votre sein à des titres honorables, mais la plupart étrangers à l’art que vous avez mission spéciale d'éclairer et (5) d'encourager , quelle action pouviez-vous exercer sur notre population agricole ? Une réforme dans les bases de votre association était devenue indispensable; l’adjonction des nota- bilités scientifiques et littéraires du paysne suffisait plus à l’accomplissement de vos projets d’amélio- ration; il fallait ouvrir vos rangs à tous les hommes d'expérience et de pratique, appeler à vous cenx que leur position ou leur savoir met à même d'exercer autour d’eux une utile influence ,et vous placant au centre de cette association vraiment dé- partementale , intéresser chacun de ses Membres, par votre exemple et vos encouragemens, au per- fectionnement de notre agriculture. Cette grande mesure dont les fruits ne se sont pas fait attendre, vous l’avez préparée avec matu- rité. Elle renferme le germe d’une foule de déve- loppemens que le temps et votre persévérance amèneront indubitablement. Ainsi, en formant dans chacun de nos vingt- huit cantons un eadre dans lequel viendront successivement prendre place les propriétaires les plus zélés et les plus intelligens, vous avez préparé les élémens d'autant de comices agricoles. Espérons que les cantons les plus avancés, tels que ceux du Puy, de Brioude et de Paulhaguct prendront bientôt cette honorable initiative. La part que vous vous empresserez de leur donner dans les subventions qui vous sont si généreuse- ment accordées parle Conseil général, multipliera (6) bientôt ces réunions si propres à faire naïtre une louable émulation chez nos cultivateurs. La publication de votre Bulletin agronomique, dont le 5° n° est sur le point de paraître, ne pro- duira pas de moins heureux effets. Le besoin d’un moyen de communication s'était souvent fait res- sentir, mais vous avez voulu qu'il fût en dehors de la presse périodique, trop souvent l'organe passionné des partis. Dans ce Recueil, uniquement consacré à entretenir entre tous les Membres de la Société des relations de chaque jour, à trans- mettre vos vues, à les contrôler par l'expérience, chacun pourra déposer ses propres observations, en même temps qu'il y trouvera consignés les procédés et les cultures nouvelles jugés suscep- tibles d’être introduits avec avantage dans Île département. Vous avez dû surtout vous féliciter, Messieurs, de vous trouver toutd’un coup en rapport avec un aussi grand nombre de citoyens recommandables animés du même esprit et concourant au même but que vous. Vous êtes heureux aujourd'hui de voir ceux de vos nouveaux collègues à qui leurs occupations ont permis de se réunir à vous, vous donner par leur présence un gage de l'intérêt qu'ils prennent à vos travaux. Pourquoi faut-il que le souvenir des pertes que vous avez éprouvées, vienne troubler cette satis- faction ? (3) A peine votre juste reconnaissance avait-elle placé sur le tableau de vos Membres honoraires M. le marquis de Latour-Maubourg, que la mort est venue le frapper. Je ne vous dirai pas quels services notre illustre compatriote avait rendus à la France dans les missions délicates dont il avait été chargé. Son éloge a déjà retenti dans une tribune plus digne du rang élevé qu'il occupait dans notre hiérarchie constitutionnelle; mais vous n’oublierez pas que c’est à ses sollicitations que vous devez entr’autres dons ce magnifique bronze du Moïse de Michel-Ange , chef-d'œuvre de la sculpture moderne et sans contredit un des plus riches morceaux de nos collections. Je citerai aussi parmi les objets d’art qu’il vous avait offerts personnellement, les quatre vases égyptiens en albâtre oriental, qu’il avait rapportés de son am- bassade à Constantinople et dont ik fit don au Musée, La mort de M. de Maubourg est pour nous comme pour le pays une perte qui ne sera pas de sitôt réparée. Avec moins de titres à votre reconnaissance, M. le docteur Tardy, que la mort nous a récem- ment enlevé, a droit aussi à l'hommage de votre affection et de vos regrets. Tant que sa santé le lui permit, il se montra um des plus assidus à vos réunions de chaque mois. Il s’acquittait avec zèle et souvent avec talent des rapports dont il (8) était chargé. Il a publié une Histoire de la méde- cine, qui est dans votre bibliothèque. Vous n’avez pas oublié non plus qu'il a enrichi vos Annales d’une Notice historique sur notre compatriote, le lieutenant-général baron de l'Estrade, ce noble et et brave vétéran des guerres d'Amérique. On y trouve d’intéressantes particularités que M. Tardy avait recueillies de sa bouche et qui sans lui seraient restées ignorées. Quelques tristes que soient ces souvenirs, ils ne doivent pas nous détourner plus long-temps de la tâche qui nous reste à remplir. Bientôt de nombreux encouragemens vont être distribués aux agriculteurs que vous en avez jugés dignes. Peut- être les titres auxquels quelques-uns ont été obtenus paraïitront-ils insuffisans, Si vous en avez décidé autrement, c'est que vous avez dû tenir compte des circonstances et de la position des hommes. Sans doute quelques centaines de toises semées en betteraves ou consacrées à la culture de l’esparcet ou du colza mériteraient à peine que l’on en tit mention, si le terrain où ont eu lieu ces essais était celui d’un riche particulier, ou s’il était situé là où ces cultures sont déjà devenues populaires. Mais si le pauvre dans son humble station cède au besoin d'améliorer dont vous êtes vous-mêmes tourmentés; si, obéissant à votre voix, il con- sacre une partie de son mince héritage à des (9) cultures encore inconnues dans le hameau reculé qu'il habite; s'il a bravé les railleries dont la jalousie et l'esprit de routine n’ont pas manqué de lassaillir; je le demande, Messieurs, n’a-t-il pas, lui aussi, mérité vos encouragemens? Tels sont d’ailleurs la lettre et l'esprit de vos derniers programmes. Nous sommes heureux de le dire , décidément il y a progrès dans les diverses parties de notre agri- culture. Depuis votre dernière séance, quarante- huit primes, pour charrues dombasle, ont été ac- cordées; partout les fourrages se multiplient; les graines que vous avez si abondamment distribuées ont donné lieu à de nombreux essais; de grands défoncemens s’opèrent ; la jachère disparaît sous les récoltes sarclées; la cultnre du müûrier, quel- que temps stationnaire, est aujourd'hui mieux comprise et ses avantages mieux appréciés. Vous le voyez, Messieurs, la voie dans laquelle vous êtes entrés est bonne; il ne s’agit que d'y persévérer. L’amélioralion de-nos races de bes- tiaux est la seule branche de notre industrie agri- cole qui laisse à désirer; pour laquelle, avouons- le, tout est encore à faire. C’est là que les sub- ventions obtenues par MM. les Députés du dépar- tement, ou dont vous êtes redevables à la solli- citude de notre premier Magistrat, doivent trouver leur emploi. Elles seront malheureusement insuf- fisantes pour réaliser, dès cette année, le projet :( 10% que vous avez concu de placer dans chacun de nos cantons un taureau étalon des races d’Au- brac, du Rouergue, de Maillargues ou de celle du Mezenc. De nouveaux progrès dans la fabrique de la dentelle, cette industrie toute départementale, puisqu'elle s'étend, quoiqu’en proportionsdiverses, dans nos trois arrondissemens, ont justifié les encouragemens que vous accordâtes, il y a deux ans, à M. Théodore Falcon. Cet intelligent fabricant vous a présenté cette année un nouveau tableau de ses produits. On y remarque une heureuse variété de fonds et de dessins parfaitement exécutés et qui font honneur à l’habileté du fabricant et à la direction qu'il donne à ses ouvrières. C’est aux douze plus par- faites d’entr’elles que vous avez voulu cette fois décerner une prime. Elle leur sera distribuée par MM. les Maires de leur commune. Ces récom- penses inattendues exciteront leur émulation et ne peuvent que produire un excellent effet. Je regrette de ne pouvoir parcourir en détail les autres branches d'industrie et les inventions nouvelles qui ont mérité vos encouragemens. Dans quelques instans, les jeunes élèves de votre école industrielle, qui a déjà fourni tant de bons ouvriers au pays, se présenteront pour recevoir à leur tour les couronnes dues à leurs succès. Vous avez voulu par cette faveur dont ils com- (11) prennent très-bien tout le prix, ajouter encore à leur jeune émulation et donner une marque de votre satisfaction à MM. leurs professeurs. Les mo- dèles exposés dans le Musée rendent témoignage de l'excellence de l’enseignement que recoivent leurs élèves. La Caisse d’épargnes à laquelle, par ses statuts , votre nom est si honorablement associé , continue à mériter la confiance qui lui est due. Ce que quelques préventions lui refusent encore, elle l’obtiendra du temps et d’une plus juste appré- ciation des services qu’elle est appelée à rendre à notre population. Les versemens qui, dans tout le cours de l’an- née 1837, ne s'étaient portés qu'à 24100 francs, s'élèvent déjà pour 1838 à plus de 25000 francs. Le nombre des déposans nouveaux suit la même progression. C’est, vous le voyez , une notable amélioration. Dans le nombre des versemens sont compris ceux opérés par quatre caisses de secours mu- tuels établis depuis peu par les corporations des ouvrierscordonniers, des menuisiers , des tailleurs et des maitres cordonniers de cette ville. Ces associalions font honneur au bon esprit de notre population ouvrière. Eles mériteraient d’être en- couragées autrement que par les facilités qu'ils ont trouvées dans la caisse d’épargnes et par l'honorable mention que je suis heureux d’en faire devant vous. (12) Je n’ai plus qu’à vous entretenir, Messieurs , des accroissemens qu'ont recu les riches collections réunies dans ce Musée, où viennent se résumer chaque année une grande partie de vos travaux. Le catalogue auquel vous travaillez montrera avec quelle persévérante sollicitude vous avez cherché à rendre chaque jour cet établissement plus digne de la faveur marquée dont il jouit auprès de nos concitoyens, et du rang distingué qu’il occupe parmi les Musées des départemens. Mais, sans remonter plus haut que votre der- nière séance publique, de combien d’objets pré- cieux ne s'est-il pas enrichi ? Et d’abord, quel don plus digne de votre recon- naissance que celui des manuscrits originaux de Médicis et de Burel, dont vous êtes redevables à Monseigneur de Bonald. Leur rare conservation, leur authenticité, l'intérêt tout particulier qu'ils ont pour notre histoire, et jusqu’au nom vénéré du Prélat qui a voulu en assurer la possession à sa patrie adoptive; tout fait, de ces beaux ma- nuscrits , l’ornement le plus précieux de votre bibliothèque, Bientôt l’un de nos jeunes collègues viendra y déposer un manuscrit d’un ordre inférieur, il est vrai, mais dans lequel les amateurs du moyen- âge trouveront plus d’un enseignement. Ce ma- nuscrit a été recueilli sur les originaux dispersés dans diverses bibliothèques de la capitale. Il ren- (18) ferme un grand nombre de poésies encore inédites denos troubadours, singulier mélange de galan- terie, d'amour et d’amères satyres. C’est à ces sour- ces inconnues que M.Francisque Mandet a puiséla plus grande partie des matériaux que, grâce au constant et généreux patronage du Conseil général, il est sur le point de publier. Ainsi, par les sa- vantes et consciencieuses recherches de notre infa- ugable Collègue, se trouvera réalisé le vœu que vous aviez émis il y a quelques années. Le pays et la science ne doivent pas moins de reconnaissance à M. Anatole de Planhol, pour son grand ouvrage sur les magnifiques tapisseries de Péglise de la Chaise-Dieu, dont il vous a fait l'hommage. Dans ce vaste ensemble de compo- sitions, toutes tirées de l'Histoire sainte, l’œil ne sait ce qu'il doit le plus admirer, ou de la naïveté des curieux détails que l'artiste du 15€ siècle y a pour ainsi dire entassés, ou de la gracieuse pureté que le crayon toujours élégant de notre compa- triote a mis dans leur reproduction. En voyant surgir tout-à-coup un talent aussi distingué et auquel ses premières productions pro- mettent tant d'avenir, vous vous êtes plaints de ne pas le compter parmi vous. Bientôt , Messieurs, vos rangs vont s'ouvrir pour le recevoir; il est assuré du moins d’y trouver des Collègues animés de cet amour du pays auquel il a dû l’heureux choix de son premier sujet, (14) Tels sontles principaux objets dont s’est enrichie votre bibliothèque historique. Encore quelques acquisitions de cette importance et cette collec- tion, qui date à peine de hier, deviendra digne de l'intérêt de tous ceux qui attachent quelque prix à la conservation de nos monumens historiques et littéraires. Votre médaillier, qui s’accroit chaque jour de monnaies de différens âges trouvées dans le dé- partement, fournit aussi matière à d'intéressantes recherches. Celui de nos collègues à qui la con- servation en est plus particulièrement confiée, s'occupe en ce moment d’un travail qui sera inséré dans nos prochaines Annales et qui jettera un nouveau jour sur le droit de battre monnaie que possédaient, entr’autres, les évêques du Puy et les comtes de Brioude, ou qu’usurpaient certains de nos barons, pour rétablir leurs finances souvent fort délabrées. Ce travail sera accompagné de planches gravées par M. Xavier Breysse, jeune artiste dont vous avez jugé le talent digne de vos encouragemens. Vous n’avez pas négligé non plus les occasions qui se sont présentées pour compléter vos collec- tions déjà si riches d’histoire naturelle. Un heureux hasard a fait découvrir dans nos plâtrières des restes assez nombreux et parfaite- ment conservés du Paleotherium du Velay, dont il n'avait été rencontré aucun nouveau débris, (15) depuis ceux que le célèbre Cuvier reconnut cons- tituer une espèce distincte, à laquelle il donna le nom du pays où elle avait été trouvée. Dans l’état actuel de nos connaissances, cet animal doit être considéré comme le premier mammifère qui ait paru au bord des eaux qui ont si long-temps couvert les environs du Puy. Une découverte bien intéressante aussi, est celle d'énormes dents et de quelques os parfaitement conservés de l’Elephas primigenius de Cuvier, espèce fossile très-rapprochée de l’éléphant d’Asie. Ces ossemens ont été recueillis dans le détritus volcanique, par M. Charles de Chardon, mélés avec ceux de quelques espèces de petits rumi- nans, et donnés par lui au Musée avec une géné- rosité qu'on ne saurait assez louer. S'il m'était actuellement permis de décrire quelques-uns des objets d’antiquité dont cette partie de vos collections s’est enrichie depuis peu, je vous parlerais de cette jolie statuette en marbre blanc dont vous êtes redevable à M. l'abbé Carria, archiprêtre de la cathédrale; de ces vases étrus- ques, partie essentielle de toute collection d’an- tiques ; de ces armes couvertes d’incrustations de nacre et d'ivoire, luxe né des habitudes guerrières de nos pères pendant leurs cruelles dissentions; mais j'ai hâte de vous entretenir d’an monument d’un bien autre intérêt, puisqu'il serait le plus ancien de ceux qui constatent l’existence des (16) Vellaviens, comme formant un peuple distinct au milieu de ceux qui habitaient les Gaules lors de l'invasion romaine. Un autre souvenir s’y rattache encore; car cette main symbolique que couvrent des caractères grecs, emblème de concorde etd’union, le comte de Caylus, le père Montfaucon, et, après eux, notre honorable collègue, le savant auteur de J'Essai sur les Antiquités de la Haute-Loire, s’ac- cordent à la considérer comme un gage donné en signe d'alliance aux Velauniens par les habitans de l'Auvergne. Jusqu'ici ce bronze avait échappé à vos recher- ches; ce n’est que depuis quelques mois qu'il a été découvert dans les collections de la Biblio- thèque royale, à Paris, par notre compatriote M. Jules Pradier. Dans l’impossibilité d'obtenir la cession de ce singulier monument de la diplo- matie gauloise, M. de Becdelièvre s’est adressé à M. Crozatier, et, grâce à son inépuisable obli- geance, vous en possédez enfin une épreuve aussi en bronze, dont la fidélité vous est garantie par lhabileté de l'artiste qui l’a exécutée et qui vient d'en faire don au Musée. Vous conserverez religieusement ce symbole d'union entre deux peuples qui, au rapport de Strabon, vivaient, il y a deux mille ans, sous le même gouvernement et sous les mêmes chefs. Il y a là pour nous, Messieurs, plus qu’un souvenir. (17) Puissent ceux qu'il rappelle, resserrer plus étroi- tement les nœuds d’une alliance qui date de tant de siècles, et nous rendre chaque jour plus chère cette communauté d'intérêts, née de la mémo- rable révolution qui a réuni encore une fois les deux peuples! Où trouverai-je maintenant cette variété de tours et d'expressions dont j'aurais besoin pour formuler à mon gré les témoignages de votre reconnais- sance pour cette galerie, car c’est le mot; pour cette galerie de tableaux dont le Musée s'enrichit en un jour comme par enchantement, et qui absorbent à juste titre l'attention générale. Par où commencer? Aurai-je égard à la valeur du don ou au mérite du donateur ? Si toutefois la palme appartient au goût exquis qui a présidé à leur choix et au zèle qui les a obtenus, si un rare dévouement au pays, si une influence incontestée sur son avenir artistique sont des titres que vous ne puissiez méconnaître, comme ‘moi, Messieurs, vous ayez tous nommé M. de Becdelièvre. Et je ne crains pas qu'une vieille amitié me fasse illusion. Ce beau portrait où nous retrouvons avec bonheur les traits denotre Julien si fidèlement rendus; cet album de la Haute-Loire, cette bonne fortune à laquelle chacun de nous a voulu prendre part; ce Musée, enfin, que nos yeux parcourent avec ravissement ; tout cela n'est-il pas son 2 (18) ouvrage ? Et cette fête de famille où nous aurions été si heureux de le revoir après sa longue absence, pendant laquelle il n’a cessé de s’oc- cuper de nous, que nous eût-elle laissé à désirer, si notre bien-aimé Collègue eût été là pour par- tager notre joie et recevoir nos félicitations ? Mais écartons ce juste sujet de regrets. Ce n’est plus. seulement en votre nom parti- culier, mais encore comme organes de la recon- naissance publique, que vous avez actuellement à remercier notre honorable compatriote et col- lègue, M. Crozatier, pour les objets précieux dont il s’est plu à décorer le Musée et sa ville natale. Trente ans se sont écoulés depuis que, bien jeune encore, il fut contraint de s'éloigner de nous, et ces trente ans de travaux et d'efforts pour par- venir à se faire un nom dans l’art difficile qu'il avait embrassé n’ont pu effacer de son cœur le souvenir des rians vallons où s’écoulèrent ses premières années. C’est encore à lui que nous devons aujourd’hui cette forêt du célèbre paysagiste Cabat. Je ne vous ferai pas l'éloge de cette charmante étude; mais au milieu des jouissances qu'elle promet aux connaisseurs, qu'ils n’oublient pas à quelle main généreuse ils en sont redevables. Dans cet autre tableau, ouvrage de Thuillier, vous avez reconnu d’abord la riche variété de tons, la touche naïve, la suave harmonie qui (19) caractérisent les ouvrages du peintre distingué à qui vous décernâtes naguère votre médaille d’or et qui pendant deux ans est venu s'inspirer de vos sites. C'est au patriotisme, au goût éclairé pour les arts, au noble emploi que M. Auguste Lamothe, membre du Conseil général, sait faire de sa for- tune, que nous devons ce beau paysage. Parmi ceux que possède le Musée, il est jusqu'ici le seul dont le sujet ait été pris dans le département. Cette particularité ajoute un nouveau prix au don de notre compatriote. Bientôt peut-être, si les sollicitations réunies de M. de Bastard, notre président honoraire, et de M. de Becdelièvre , obtiennent le succès qu'il leur est permis d’espérer, un grand tableau du même auteur, représentant les ruines du château de Lavoüte-sur-Loire, enrichirait encore nos col- lections. Il serait lé premier de cette suite de paysages historiques dans lesquels vous aimeriez à voir reproduire ce qui reste encore de nos vieux Monumens. ‘En attendant que cet espoir se réalise, admi- rons ces jolies compositions de Bouton et de Le Prince, qui ont obtenu des suffrages mérités à Pexposition de 1856. Que vos regards se portent enfin sur ce beau portrait de M. de Galard, que vous devez au talent de M. le professeur Giraud. Comme vous, ( 20 ) notre compatriote entendit le vœu exprimé, dans votre dernière séance publique, par le magistrat qui présidait alors à l'administration de ce dépar- tement. Comme vous, il comprit que les arts devaient aussi leur tribut au prélat qui les avait chéris et protégés. Remercions-le d’avoir si bien payé leur dette et d’avoir enrichi le Musée d’un bon portrait de plus. Ici, Messieurs, se termine ma tâche. Qui pourrait, dans cette réunion de volontés et d'efforts dont je viens de vous présenter le tableau, ne pas reconnaitre la tendance nouvelle des es- prits vers un but naguère négligé ou même inaperçu ? Partout autonr de vous elle se manifeste. Voyez avec quelle intelligence profonde des procédés et des formes gracieuses du moyen-âge notre res- pectable Collègue, M. l'abbé Aynac, poursuit la restauration de sa belle église de Saint-Laurent. Ici, nos fontaines se parent des vases élégans de la renaissance; là, elles s’approprient et rendent à leur destination primitive les restes mutilés des monumens religieux du quatorzième siècle. La chapelle de Chanteuges, ce modèle achevé du gothique fleuri, sauvée des outrages du temps et de la main non moins redoutable de l’homme par le Conseil genéral; enfin, ces subventions si vive- ment sollicitées et enfin obtenues en faveur des basiliques de Saint-Julien de Brioude et de la (21 ) Chaise-Dieu dont elles assurent la conservation. Voilà, n’en doutons pas, des signes assurés de l'heureuse révolution qui s'opère dans les idées du pays; car c'est surtout par le respect qu'il porte aux monumens du passé, qu’un peuple s’initie _au culte des lettres et des arts. (22) AAA A AA LA AA AA AA A A A AA AAA A A A LA A AV ALL M 6° NOTICE INDICATIVE Des Sujets de prix proposés par la Société, dans sa séance du 22: août 1838, pour étre décernés en 1839 et 1840. A —— $. AGRICULTURE. Des primes en argent, des médailles d’or, d’ar- gent et de bronze, seront accordées aux proprié- taires, cultivateurs ou fermiers qui auront satisfait aux conditions énoncées dansle présent programme pour un ou plusieurs des sujets ci-après : 19 Plantes oléifères. À ceux qui auront récolté la plus grande quan tité de graine de colza, de pavot, de navette, ou de cameline. Cette quantité ne pourra être moindre de dix hectolitres, soit quarante doubles boïsseaux ou grands cartons de la nouvelle mesure. 29 Plantes fourragères. 19 À ceux qui auront semé au moins 3000 toises carrées de plantes fourragères annuelles, vesces, jarousses, farouch, etc. Les deux cantons du Puy sont hors de concours. 29 À ceux qui auront ensemencé la plus grande surface en trèfle, luzerneet esparcet, relativement à l'étendue de leurs terres labourables. (25) 3° À ceux qui auront cultivé, avec les soins convenables, la plus grande étendue en betteraves, choux cavaliers , choux branchus du Poitou, grosses carottes champêtres, maïs ordinaire ou quarantain. 4° À ceux qui auront essayé le plus en grand et avec plus de succès la culture de l’œillette, de la spergule, de la garance, du pastel et du char- don à bonnetier. 5° Aux propriétaires qui auront formé les pépi- nières les plus considérables d’arbres forestiers. Des graines de betteraves , de grosses carottes champêtres et autres seront distribuées annuellement, avec une instruction sur leur culture, aux membres de la Société qui résident dans le département, et par leur intermédiaire aux cultivateurs qui en désireront. 3° Récoltes enfouies en vert. À ceux qui auront enfoui du lupin, du seigle ou autres fourrages en vert sur l’espace de terrain le plus considérable. Certaines communes de l’arrondissement d’Yssingeaux retirent de grands avantages de l’enfouissement du lupin, au moment où cette plante a pris tout son développement. L’introduction de ce procédé, dans d’autres communes du département, serait un perfectionnement qui mérite d’être encouragé. 4° Culture du chanvre et du lin. Aux agriculteurs du département qui auront semé en lin, et à ceux des deux arrondissemens du Puy et d'Yssingeaux, qui auront semé en chan- vre le plus grand espace de terrain. 4e Cet espace devra être au moins de 400 toises carrées. (24 ) 50 Défoncemens partiels et successifs des terres arables ou incultes. A ceux qui auront ouvert et comblé, dans l’es- pace d’une année, le plus grandnombre de mètres de tranchées, d’après le procédé de M. le comte de Macheco. Le canton de Paulhaguet est excepté du concours. Ce procédé consiste à creuser, à onze pieds de distance, des fosses ou tranchées de cinq pieds de large et de quinze pouces environ de profondeur. On y enfouit ou l’on en retire les pierres qui en proviennent. Quelques années après, on ouvre de nou- velles tranchées dans les intervalles des premières, et l’on par- vient ainsi à défoncer de grandes surfaces bien plus ayantageuse- ment queparuneseuleopération (Annales de la Société, pour 1834). 6° Instrumens d'agriculture perfectionnés. 5 P Une prime sera accordée aux agriculteurs ou fermiers de chacun des trois arrondissemens qui auront acheté une charrue à la Dombasle, du grand ou du petit modèle, une charrue à oreilles mobiles, une herse à dents de fer, ou tout autre instrument perfectionné. Cette prime sera de 20 f. Les charrues à la Dombasle remplacent le travail de la bêche. On peut s’en procurer chez MM. Dubois-Robert et Fournier, marchand defer au Puy ; ou s’adresser directement à M. Guimbal- Lhéritier, à Issoire, ou à MM. Eyraud et Mouret, marchands de fer à Brioude, et à M. Massardier , charron à Saint-Didier- la-Séauve, pour les charrues à oreilles mobiles. Les cultivateurs qui voudront jouir de la prime proposée, auront à adresser à M. le Président de la Société, au Puy, 1° leur facture d’achat ; 2° un certificat du Maire de leur com- mune, attestant que la charrue est en leur possession. Ces pièces doivent être sur papier libre et en feuilles séparées. (25 ) 9° Semis et Plantations d'arbres résineux. Aux propriétaires qui auront fait les semis ou plantations les plus considérables , selon l'étendue de leurs propriétés, en arbres résineux, tels que pins, sapins, épicéas, mélèses, etc. Ces prix sont doublés pour les semis ou plantations exécutés dans les cantons de Pradelles, Fay-le-Froid et Pinols. 8° Pommiers à cidre. À ceux qui auront planté à demeure la plus grande quantité de pommiers à cidre. Le nombre ne pourra être au-dessous de cinquante, MM. Jacquemet-Bonnefont père et fils, pépiniéristes à Anno- nay, peuvent fournir un grand nombre de ces pommiers. Un prix sera aussi accordé à la personne qui aurait greffé avec succès, en pommiers à cidre, la plus grande quantité de sauvageons. M. de Bonneville et M. Liogier offrent de fournir gratis des greffes de variétés choisies aux personnes qui en désireraient. 9° Amélioration desraces d'animaux domestiques. 19 À ceux qui produiront les vaches laitières les plus abondantes en lait le plus riche en beurre et en fromage, et qui en auront élevé les produits des deux sexes pour les apparciller. 2° À ceux qui auront introduit dans le dépar- tement des taureaux, génisses ou vaches pleines, de race suisse ou du Cantal, ou des moutons mé- rinos et autres animaux de races choisies. La prime sera de 15 à 30 francs pour la race du Cantal, selon la beauté des taureaux ou des génisses. (26 ) 3° À ceux qui présenteront les plus beaux éta- lons ou les plus beaux élèves en chevaux, mulets, taureaux, génisses et bêtes à laine, nés dans le département. Ces animaux devront être présentés, au Puy, dansla cour de la caserne Saint-Laurent, à laCommission chargée par la Société de les examiner, en présence de l’artiste vétérinaire du département. La veille de la foire de la Saint-Michel est l’époque invaria- blement fixée pour les concours de bestiaux, lesquels auront lieu dorénavant chaque année et à pareil jour. IVota. Les concurrens, pour chacun des prix ci-dessus, devront, ayant le 10 juin 1839 et années suivantes, faire parvenir leur demande écrite à M. Borie, docteur en médecine, ou à M. Auguste Aymard , secrétaires de la Société, et l’accompagner de certi- ficats délivrés par M. le Maire de leur commune. La Société se réserve de prendre connaissance, s’il y a lieu, des faits énoncés dans les certificats. $. COMMERCE ET INDUSTRIE. Aux personnes qui auront introduit dans le département une nouvelle industrie ou perfec- tionné celles déjà existantes, entr’autres la fabri- cation de la dentelle; à celles qui auront perfec- tionné les métiers et les divers ustensiles employés À fabriquer la toile et les étoffes de laine, et qui auront établi une fabrique de métiers (Une prime : de 20 fr. sera accordée aux ouvriers qui en feront l'acquisition). Aux ouvriers ou chefs d’atelier qui auront établi un métier d’étoffe de soie ou de rubans dans les cantons du Puy et autres du dépar- (27) tement où cette industrie n’est pas encore intro- duite. Une prime de 20 fr. leur est également acquise pour chaque nouveau métier qu’ils auront établi. A celles qui auront établi des clouteries à proximité de nos houilières, ou partout ailleurs que dans les cantons limitrophes dn département de la Loire. À ceux qui inventeraient un procédé mécanique et économique pour le piquage des fonds et dessins pour dentelles, Enfin, aux fabricans des plus beaux meubles en ébénisterie. É $. SCIENCES ET ARTS. La Société décernera aussi, en 1639 et1640, dans ses séances publiques, des médailles d’or, d'argent et de bronze, aux auteurs des meilleurs Mémoires : 1° Sur les améliorations dont l’agriculture et l’in- dustrie du département peuvent être susceptibles: 2° Sur un point quelconque de lPHistoire du département , sur ses antiquités, son histoire natu- relle, etc.; 30 A l’auteur de la meilleure pièce de poésie, dont le sujet devra être pris dans l'Histoire du département, ou offrir un intérêt local; 4° A l’auteur du meilleur tableau ou dessin, de la meilleure lithographie ou gravure représentant un sile où un monument du département. Les mémoires et dessins envoyés au concours devront porter une sentence et être accompagnés d’un billet cacheté renfermant ( 26 ) cette même sentence et le nom de l’auteur, Les billets ne seront ouverts que lorsque les ouvrages auront été jugés dignes du prix. Ils devront être adressés à M. Borie, docteur en médecine, ou à M. Auguste Aymard , secrétaires de la Société, ayant le premier juin de chaque année. Les mémoires et pièces de vers couronnés seront insérés dans les Annales de la Société : les tableaux, dessins, etc. , serout exposés au Musée. Les personnes de tous les pays sont admises à concourir , excepté les Membres résidans de la Société. RE —— Dans sa séance du 22 août 1838, sur le rapport d’une Commission spéciale, la Société a décerné : $S. AGRICULTURE. Une médaille en or à M. Hippolyte Tuja, pro- priétaire à Langeac. Défoncemens considérables opérés en majeure partie d’après le procédé de M. de Macheco; semis considérables en bette- raves; plantations de müriers et autres améliorations notables. Une médaille en argent à M. J.-L. Gratuze, propriétaire à Saint-Jean-Lachalm. Semis considérables de trèfle; eulture du colza; semis et plantation d’arbres résineux. Une médaille en argent à M. le chevalier de la Rochette, propriétaire à Saint-Didier. Etablissement d’une fabrique de charrues-dombasle à oreilles mobiles, construites d’après ses plans. Une prime de 4o francs à Jean Massardier, charron à Saint-Didier. Pour avoir exécuté cette charrue, sous la direction de M. de la Rochette. (29) Une médaille en argent et une charrue-dombasle à M. Bouche, propriétaire à Langeac. Semis de 48 cartonnées en trèfle; prairies naturelles quadru- plées ; 300 cartonnées de défoncemens et 2500 mètres de murs provenant de ces défoncemens. Une médaille en argent à M, Roche , propriétaire aux Breux, commune de Mézères. 100 cartonnées de 200 toises plantées en pin; 3000 toises semées en trèfle ; défoncement de 300 cartonnées. Une médaille en bronze à M. Victor Montalban , propriétaire à Frugières-le-Pin. Pour 12000 toises semées en trèfle, jarousses et vesces. Une médaille en bronze à M. Vallet, propriétaire à Saint-Paulien. Pour un Mémoire sur la culture des lentilles, dont il serafait un extrait. Une prime de 60 francs et deux primes pour herse et charrue à M. Antoine Bard, colon à Bournoncle. Pour semis de 10 hectares en colza, vesces d’hiver, sainfoin, trèfle, betteraves, etc. Une prime de trente francs à M. J. Chantemesse, fermier aux Bories, commune de Brive. 40 cartonnées de mauvais terrain argilo-marneux, jusqu’alors improductif, semé en esparcet. Une prime de 20 francs à M. André Chabanes, fermier à Soyes, commune de Polignac. Ensemencement de 3 cartonnéés en carottes et betteraves. Une prime de 20 francs à M. Zouis Gaspard, fermier à Saint-Jean-de-Nay. (30) Ensemencement de 2 hectolitres et demi de graine de lupin, pour enfouir en vert. Une prime de 20 fr. à M. Jean-Claude Valour, propriétaire au Fau, commune de Mézères. Semis de 600 toises carrées en colza; récolte de 5 hectolitres. Une mention honorable à M. ££, Rochette, avocat à Brioude. Divers défoncemens de terres incultes, dans lesquelles ont été ensuite plantés avec succès des müriers et des betteraves. Une mention honorable à M. François Bard, propriétaire à Saint-Privat-d’Allier. Plantation de terrains incultes en vignes, noyers, pommiers et müriers, Une prime de 30 francs à M. Antoine Jaquef, nourrisseur au Puy. Présentation d’un beau taureau de deux ans et demi, employé à la monte. Une mention honorable à M. Jean-L, Gratuze, de Rossignol. Présentation de six beaux beliers, de race du Quercy, de l’âge de six mois à deux ans. $. COMMERCE ET INDUSTRIE. Remercimens adressés par la Société à Madame veuve Æedde, au Puy; Une médaille en argent accordée à M. Prun, contre-maitre dela fabrique de M, Gust.Chabalier, au Puy; (31) Une gratification de 20 fr. au sieur Jacq. Cros, ouvrier à ladite fabrique ; Pour l'établissement d’un métier perfectionné pour le tissage des étoffes de laine, et à la charge par M. Brun d’yintroduire les perfectionnemens indiqués dans le rapport de la Commission qui sera inséré dans le Bulletin de la Société. Une prime de 20 fr. sera accordée aux fabricans et ouvriers qui feront l’acquisition de ce nouveau métier. Une prime de 120 francs à MM. Desvignes et Chabannes , fabricans d’étoffes de soie au Puy. Pour l'établissement de six nouveaux métiers dans leur fabrique, à raison de 20 francs par métier. Une médaille en argent à M. Xavier Breysse, du Puy; Une prime de 100 fr. à M. Jos. Rabany, du Puy; Pour l’invention d’une machine propre à piquer les cartons des dentelles, et à titre d'encouragement. Cette machine serait susceptible de reproduire avec précision les dessins d’un carton-modèle et d’en livrer jusqu’à mille épreuves par jour, à un tiers de diminution sur les prix actuels. Le procédé du tracé des cordons serait tout aussi expéditif, Une prime de 160 francs à distribuer par 10, 15 et 20 fr., entre douze ouvrières de M. Falcon, fabricant de dentelles au Puy. Leurs dentelles ont été exposées au Musée. Ces ouvrières ap- partiennent aux communes de Saint-Julien-d’Ance, de Saint- André-de-Chalencon, de Roche, de Saint-Pierre-Duchamp, de Saint-Georges-Lagricol. Les primes accordées leur seront distribuées par MM. les Maires de leurs communes respectives. (32) Une médaille de bronze à M. 4lphonse Richard , fabricant de dentelles au Puy. Exposition de dentelles en fils métalliques, or ou argent. Une médaille en argent àM.Sébastien Couturieux, de Mirecourt. Etablissement au Puy d’une fabrique d’instrumens de musique. Emploi de bois indigène, reconnu supérieur à ceux du Tyrol. Exposition de guitares d’un nouveau modéle et de violons qui ont obtenu l’approbation du célèbre Lafont. $. SCIENCES ET ARTS. Une médaille en argent à M. Dewains-Desfon- taines, d’Alencon. Poème intitulé : LA CHAPELLE DE SAINT-MICHEL ; légende. Avec cette épigraphe : Oh! laissez-nous nos légendes naïves , nos ballades et nos sorciers... Ce Poème sera lu en séance publique et imprimé dans les prochaines Annales. Une mention honorable à M. Maréchal, directeur des postes, à Brioude. Poëme en vers alexandrins, intitulé : PROGLAMATION DU ROI CHARLES VII, À ESPALY. Une médaille en argent à M. Xavier Breysse, graveur au Puy. Exposition de deux sujets d’ornemens et de planches de mé- dailles antiques et du moyen-âge, gravées sur cuivre. Ces gravures ont été exposées au Musée et seront jointes aux prochaines Annales. (35) AA A A A VE A AA AA MA MA A M AAA VAE MU VU VAL AA MA AA AA AS VA LAA LAW MA TABLE DES MATIÈRES Contenues dans les cinq premiers numéros du ulletin agronomique et industriel publié Iletin ag que et industriel publ par la Société et distribué à MM les Membres honoraires r'ésidans, non résidans et correspon- dans, domiciliés dans le département (1). Délibération de la Société, en date du 2 dé- décembre 1836, portant création d’une nouvelle classe de Membres de la Société, sous le titre de Correspondans.. ..sss.eesossesecesse. Page. 3 Lettre du Président de la Société à MM, les Membres correspondans et à MM, les Membres (1) Dans sa séance du 2 décembre 1836, la Société prit une délibération par laquelle , outre les Annales, elle publierait un Bulletin agronomique et industriel, Cinq numéros de ce Bulletin ont déjà paru; le sixième est sous presse. Les matériaux en ont été pris dans les diverses publications que recoit la Société, dans les rapports et les communications de ses Membres. En donnant la table des ciuq premiers numéros, notre but est de mettre les lecteurs des Annales à même d’apprécier l’es- prit dans lequel ce Bulletin est rédigé et de donner une idée sommaire des travaux de la Société, tant en agriculture qu’en industrie. Les explications dans lesquelles nous venons d’entrer;, rendent suffisamment compte des lacunes que l’on observera cette année dans nos Annales, pour tout ce qui a trait à l’agriculture et à l'industrie. (Vote des Editeurs .) 3 ( 54 ) honoraires et non résidans, relative à cette délibération. ..sossssesessecssssesese Pag. 5e Programme des sujets de prix proposés par la Société, pour êlre décernés en 1637 et 1838 cc cosoessesesseseosstosonseee Instruction pratique sur l'emploi de l’araire perfectionné, à un seul versoir,deM. Mathieu de Dombasle, par la Commission du Bulletin. 4. I. Des diverses parties de lacharrue Dom- basle : Coutre. — Soc. — Sep. — Versoir. — Gorge. — Age. —Mancherons — Régulateur. $. IL. De l’ajustage et du maniement de la charrue. — Aciérage des socs de charrue. Instruction sur la culture de la betterave; par la Commission du Bulletin............. Variétés. — Qualité du sol. — Préparation du terrain. — Semis. — Travaux pendant la végétation. — Récolte. — Produits et usages. Moyen de faire grossir la tête des artichauts. Lettre de M. le comte de Macheco, sur le défrichement des trèfles............s..e. Lettre du même, sur un nouveau mode d’échalassement de la vigne......s..e.oree Notice surles avantages de l'emploi du fumier végétal, par M. Doniol membre correspondant, Notice sur l'avantage d’ensemencer de bonne heure les terres friables, par le même.,.... [Sa 13 26 32 33 36 41 (35) Notice sur la culture du maïs, par M. Pomier, membre non résidant . ...sssesseeose Pag, Du sulfatage, comme moyen préservatif de la carie du froment, par M. de Dombasle, membre non résidant ...sesessvsoseooeese Moyens de combattre et de prévenir la mé- téorisation chez les ruminans ; par la Com- mission du Bulletin. . 644.44 ..5%%2Rra0e ie De la fenaison des trèfles, luzernes, sain- foinss par IUMÉME. se mlopielsltée osier Du hersage des céréales au printemps; par Jam EME NEO Se A RE LR Communication faite à la Société, sur les produits des graines qu’elle a fait distribuer en 1837, par M. Levé-Dumontat, m. résidant. Communication faite à la Société, sur le même sujet, par M.Hilaire-Latourette, m. rés. A Communication faite à la Société, sur la fabrication des étoffes de laine dans le dépar- tement de la Haute-Loire; par M. Ph. Hedde, membre fGsidant..e soie je omppiois raie lune casio) Lettre relative à la culture decéleri-rave et à une distribution de graines de cette plante; par M.le comte-de V.. vus 0 69 sie vie olo Instruction sur la culture de la carotte, comme plante fourragères par la Commission du Bullet MMS D ONX A. DENT 4 44 65 72 74 77 79 (36) Instruction sur la culture du mais; par la Commission du Bulletin............../Pag. Observations générales. — Place du maïs dans les assolemens.— Préparation du sol. — Semailles. — Des soins à donner au maïs du- rant sa croissance. — Récolte, égrenage et conservation. — Produit et emploi comme plante fourragère. Dela cachexie aqueuse des bêtes à laine... Manière d'élever les veaux sans lait....... Nouveau moyen de remplacer avec avan- tage les cloches en verre................. Avis sur la distribution de graines de bette- raves, de carotte champêtre, de maïs ordi- naire et quarantain, et tableau des Membres de la Société chargés d’en faire la distribution dans les vingt-huit cantons du département. Rapport sur la charrue à versoirs mobiles, offert à la Société par M. le chevalier de La Ro- chette, membre correspondant. ........... Quelques observations aux personnes qui écrivent sur Pagriculture; par M. Doniol, membre corrrespondant.....s.e.sssssseuse Lettre sur les produits obtenus des graines distribuées par la Société et sur le parti qu’on tire, dans certaines parties du département, de la variété de chou cavalier violet, dit 66 104 109 109 110 113 118 (37) chou d’Yssingeaux; par M. de Saint-Germain père , membre non résidant.......... Pag. Lettre sur les résultats obtenus des graines distribuées par la Société; par M. Saugues- Sauveur, membre correspondant.......... Letttre de M. le comte de Macheco, sur la culture des terrains inclinés.....,...,,.... Lettre du même, sur l’augmentalion du prix illicite du plâtre, sur le fauchage du blé etlesmiachines tt Dalire etre RE Coup d’œil sur le passé, le présent et l’avenir de l’industrie agricole; par M. Ch, Giraud... Notices diverses sur le chanvre du Piémont. Des distributions de graines de cette espèce de chanvre ont été faites par la Socicté en 1838. Des plantations de müriers dans le centre de la France; par M. Camille Beauvais. ...., Exposition. — Nature du sol, — Choix des müriers, — Modedeplantation. — Préparation du terrain. — Manière de planter. Culture du jardin potager; par M. de Dom- SO EE RC EE ES PS TN Avis relatif à la prochaine séance publique DEMO OCIC ES ÉCART euh ue 6° Programme des sujets de prix proposés par la Société, dans sa séance du 22 août 1836, pour être distribués en 1839 et 18%40,....... 121 144 161 (38) Rapport fait à la Société, sur un nouveau métier à tisser les étoffes de laine et descrip- tion de ce métier......seosssvesee eee Page Rapport adressé à la Société par M. Léon Labatie, membre correspondant, sur une éducation de vers à soie qu'il a faite cette année au Chambon, commune de Vorey..., Extrait d'une Notice adressée à la Société, sur une éducation de vers à soie; par Mes- dames Borel ef Besses... ++... Loi concernant les vices redhibitoires dans les ventes et échanges d’animaux domesti- ques, du 20/m414038.....2-.........s De la succession des récoltes relativement à la propriété qu'ontles plantes de pouvoir ou de ne pouvoir pas succéder à elles-mêmes ou à d’autres; par J-Ne de Schwerz.. 9... Du semis du mürier; par M.Amans Carrier. Culture du Jardin potager; par M. de Dom- basle..… 5. SAR OR RPM PRET 172 182 107 194 109 ( 359) AV VERS SV VAL MAS Ar VRP LR AA AS AAA A AA AV RAA AS AA RAA RS AVS AA AV LA ne GA A LR AA MÉMOIRE Sur les Eaux thermales de Bagnols (Lozère) ; Par M. Jacos, membre non résidant. lle pater rerum qu secula dividit astris, - .. fragilem nostri miseratus corporis usum , Telluri medicas fundere jussit aquas. ( CLaUDIANUS , Zdyl. FL, ) Une grande réputation a consacré, depuis un temps immémorial, l'importance des eaux ther- males de Bagnols. Cette réputation est-elle justifiée suffisamment, auprès des malades, par la tradition dont les erreurs se rectifient si lentement malgré les progrès de la raison publique et auprès des médecins eux-mêmes, par les notions théoriques que les traités d’hydrologie générale contiennent sur les propriétés matérielles de cette source? Sur cette double question, le doute parait égale- ment permis. Quelques travaux spéciaux , entre lesquels je citerai les Mémoires des docteurs Brunel-Labrugeresse et Barbut, la Dissertation inaugurale du docteur Combe, de Villefort; et (40 ) les Observations de M. de Valdenuit, ancien préfet de la Lozère; ces travaux auraient pu mieux faire apprécier les thermes de Bagnols. Mais incomplets et trop peu répandus, ils n’ont produit qu'une influence passagère et limitée. Aussi voit-on tou- jours un grand nombre de malades allant s’ap- pliquer le traitement sulfureux de Bagnols sans précautions, sans discernement, sans autre guide que la routine, n’en rapporter que des résultats fâcheux qui compromettent à-la-fois etleur santé et la renommée de l'établissement. Oserai-je avancer aussi que plus d’un jeune praticien est embarrassé de déterminer la conduite de ses cliens sur l’op- portunité générale et le mode particulier d’admi- nistration de ces mêmes eaux par rapport à leurs maladies, ignorant lui-même la plupart de leurs propriétés qui, obtenues par des combinaisons en dehors des investigations chimiques, se trou- vent constatées seulement dans le cahier clinique du médecin directeur ? Un ouvrage accessible à l'intelligence des ma- lades par la simplicité des détails joints à la pré- cision des conseils , et se recommandant à Ja science par une érudilion toute pratique et indé- pendante des doctrines exclusives, dans lequel les effets défavorables sont à chaque page rapprochés des effets salutaires, et les contre-indications des indications, cet ouvrage paraîtra bientôt, pour compléter l’instruction populaire et médicale sur (41) les thermes de Bagnols. Le médecin attaché à leur direction, le docteur Blanquet, est l’auteur de cet ouvrage, dont il est à regretter que la publication se fasse encore attendre quelque temps. Durant deux saisons que j'ai passées à Bagnols, les fréquens entretiens que j'ai eus avec ce res- pectable confrère et nos visites communes auprès de ses malades les plus remarquables pouvaient déjà suffire à rectifier mes premières notions sur le pouvoir médicateur de ces eaux que j’éprouvais en même temps comme malade; mais ne bornant pas à ce premier avantage sa bienveillance à mon égard, M, Blanquet a bien voulu en outreme con- fier son manuscrit, avec la double faculté d’en extraire des notes et de les communiquer, si je le jugeais à propos. J'ai cru, Messieurs, faire un acte utile à mes con- citoyens en répandant de suite les notes que j'ai recueillies et qui peuvent aider à connaitre plus exactement la source de Bagnols. Je me suis donc hâté de les réunir dans ce Mémoire que j'ai lhon- neur de vous présenter comme un faible tribut de ma gratitude pour la place qui me fut si hono- rablement accordée parmi les Membres non rési- dans de voire Société. L'ouvrage du docteur Blanqnet m'a fourni les malériaux les plus importans, ceux qui se rap- portent aux considérations thérapeutiques. J'ai recherché dans diverses sources les autres détails (42) statistiques, dont la plupart n'intéressent que la curiosité, mais qui néanmoins m'ont paru être aux premiers un complément utile. A l'appui de cette origine des documens prati- ques, qui sera le premier titre de mon travail à votre indulgence, j'invoquerai la raison d’un in- térêt local qui ressortira sans doute du. voisinage de Bagnols par rapport au département de la Haute- Loire, du grand éloignement des autres sources de même nature, et de l’affluence des malades de nos contrées qui, chaque année, y représentent la majorité proportionnelle des baigneurs. Toute- fois, Messieurs , en recommandant ainsi ce Mémoire à votre intérêt, je crois l’avoir recommandé à l’at- tention publique, Il me semble en effet que les documens quiregardent les sciences, l’agriculture et les autres branches que protège, avec autant de succès que de zèle, la Société académique du Puy, une fois accueillis et approuvés par elle, doivent de son sein refluer insensiblement sur les masses, et avec le temps s’y substituer aux pré- jugés de la routine. Il reste à remplir sur Pétablissement de Bagnols une tâche, plus grande mais plus diffcile. Ne pouvant la poursuivre directement , j’oserai du moins l'indiquer à ceux de nos Collègues qui, réunissant à une égale philanthropie une plus puissante influence, pourraient aider à la conduire vers un heureux dénouement. (43) Jusqu'à ce jour l'établissement de Bagnols, ex- ploité par une administration particulière, a pré- senté des abus considérables, sans parler des améliorations progressives qu’elle a négligé d’ac- corder aux besoins de l'hygiène et aux exigences de la civilisation. Vainement un médecin-inspec- teur y est installé pour présider à la direction des eaux, lorsqu'il n’a presqu'aucun ponvoir effectif. Ainsine gouvernant pas exciusivement lesthermes, il constate tous les jours, sans pouvoir les prévenir ni même trop souvent les combattre, les résultats funestes qu’entraine la liberté laissée à tous les baigneurs de s'appliquer le traitement minéral suivant leurs caprices et hors de sa surveillance. Sans aucun doute, ses conseils auraient empêché la fin anticipée de plusieurs malades qui, à di- verses époques, ont été retirés morts des salles d’étuves (1). pen (1) La saison actuelle a déjà fourni sa déplorable épreuve : une femme de la ville de Saugues , atteinte d’une affection céré- brale chronique, suite d’une violeute contusion sur la tête, se hâta, à peine arrivée à Bagnols, d’aller se placer sous le robinet de la grande douche; elle brayait déjà la défense du médecin qui l’avait traitée de cette maladie, et elle se garda bien de s’éclairer de l'avis du médecin-directeur ; mais elle a payé cher l'inspiration de son aveugle imprudence. Au bout de quelques minutes de cette première exposition sous la douche, elle fut retirée sans Connaissance et sans mouvement, respirant à peine, et peu d’instans après avoir été transportée dans son lit, elle rendit le dernier soupir. (44) Je ne puis qualifier les excès grossiers qui sont commis habituellement dans les piscines publi- ques, protégées d’abord par l'absence bien impor- tune de toute lumière et ensuite par le défaut de moyens répressifs. Et cependant, avec l'insuf- fisance du nombre des baignoires particulières réduit à 9, tandis que 30 rempliraient avec peine les besoins du service, la répugnance provoquée par de pareils excès et contre laquelle il devrait être au moins permis de se prémunir à prix d’ar- gent, est imposée au plus grand nombre des malades qui, ne pouvant obtenir d'assaut un bain particulier, sont bien forcés de se réfugier dans le bain commun. Entreprendrai-je d'indiquer les autres disposi- tions hygiéniques et les ressources thérapeutiques que l’on trouve réunies dans les grands établisse- mens ? Il suffira de dire que leur absence cst presque complète à Bagnols. Toutefois cetteannée nous avons trouvé dans une maison du village quelques-uns des médicamens les plus usuels, qu'il fallait auparavant envoyer chercher au chef- lieu du département et quelquefois attendre plus de vingt-quatre heures, tandis que le malade en éprouvait le plus urgent besoin. Une si légère amélioration, dont l'éloge appar- üent d’ailleurs à une personne étrangère à l’éta- blissement, méritait-elle d'être signalée devant les dangers plus graves dont menace encore les (45) baigneurs une modification qui a réduit cette année le nombre des membres de l'exploitation ? Un riche acquéreur, après avoir désintéressé plusieurs autres créanciers de cette malheureuse source grevée déjà de deux expropriations, a entrepris contre l'unique propriétaire qui partage maintenant avec lui les bâtimens et terrains con- tigus , une grande contestation sur le droit de propriété exclusive de toutes les eaux thermales, Le conflit était encore très-animé aux approches de la saison, lorsque le préfet de la Lozère est venu sur les lieux interposer une sage médiation. Les parties ont accepté un accommodement pro- visoire, et du moins jusqu’à la fin de l'été ce funeste débat restera suspendu. A cette époque, trois experts déjà nommés, de Clermont, d’Alais et de Mende, eurent à éclairer les points conten- tieux de la propriété minérale; mais la décision définitive restera sans doute long-temps encore engagée dans les décourageantes lenteurs de la justice. Je ne pousserai pas plus loin l’énumération de toutes ces conséquences défavorables d’une ad- ministration particulière, devenue cependant au- jourd'hui , par l'incertitude de l’action mise en instance, excusable de ne pas réaliser les amélio- rations qu’elle a peut-être projetées, Il est plus im- porlant d'indiquer enfin le moyen, sans doute déjà pressenti, de remédier à tant d'abus : «le Gou- (46) vernement devrait acquérir les sources de Bagnols, ou du moins aider l'administration départementale de la Lozère à s’en rendre elle-même propriétaire. » L'intérêt de cette grande question mest pas cireonscrit dans les limites de la Lozère , 1ls’étend au moins à huit départemens voisins, parmi les- quels le nôtre doit être compté des premiers. Que les administrations de ces diverses contrées réunissent tous leurs efforts, et l'autorité su- périeure ne pourra ne pas écouter favorablement leurs demandes, exprimant, ainsi réunies, les besoins d’une immense population ? Quel que soit le moyen adopté, les frais d’une meilleure exploi- tation ne sauraient être très-considérables, appro- priés aux exigences d’un pays pauvre, etcependant déja découvert par les plus importantes communi- cations. Il faut en effetrendre hommage àl’adminis- tration de la Lozère de son zèle à améliorer les an- ciennesrouteset à remplacer par d’autres plus faciles et plus sûres celles qui étaient trop ardues et périlleuses. Quelques réparations suffiraient dans les distributions publiques de l'établissement thermal, dont les constructions présentent un état d’entre- tien satisfaisant; et pour les indigens, la conser- vation des piscines communes suppléerait pres- qu’au défaut d’un hôpital. Cette condition, rem- plissant le devoir le plus grave envers l'humanité, épargnerait à la direction des bains une dépense qui figure, comme une des plus onéreuses, dans (429 presque tous les établissemens qui appartiennent à l’état. Il resterait seulement à réaliser plusieurs dispositions prescrites par l'hygiène, pour l'utilité des baigneurs; on devrait encore y joindre quel- ques autres modifications plus dispendieuses, pour les embellissemens que recherche l’opulence. Ces diverses concessions ne sauraient être refusées. Le Gouvernement a sans doute reconnu, dans les grands établissemens dont il est propriétaire, que les dépenses affectées aux exigences du riche, plus impérieuses, si elles sont moins respectables que les besoins du pauvre, s'’accompagnent d’un re- venu toujours progressif, En même temps il a dû constater l’accroissement industriel que développe VPaffluence des baigneurs dans tous les pays voisins de ces grands établissemens, et cette dernière raison, qui touche la fortune publique, doit lui être plus chère que celle de ses revenus parti- culiers. Telles sont, Messieurs, les considérations qui devraient être d’abord recommandées à notre administration et à celles des départemens voisins, et qui, présentées ensuite simultanément à l’au- torité supérieure, la détermineraient peut-être à une grande mesure en faveur de la source ther- male de Bagnols. Convenablement exploitée , cette source peut rivaliser un jour avec les établisse- mens les plus renommés des Pyrénées. (46 ) A. STATISTIQUE. Esquisse géologique de Bagnols. Le village de Bagnols (autrefois Baies), s'élève en amphithéâtre sur le versant d’une montagne qui n’est que le prolongement de la Lozère, à l'aspect du levant et sur la rive gauche du Lot, Le sol de ce pays présente des masses de nature schisteuse, surmontées d’une roche calcaire, et parsemées de quelques filons de quartz. En remon- tant le Lot sur la rive droite, vers l’ancien chà- teau de Tournel, on découvre quelques veines de plomb et de fer sulfurés, lesquelles ont été vaine- ment cherchées sur les côteaux de la rive opposée, d’où surgit la source sulfureuse, si ce n’est dans l'ouverture même de cette source d’où l’on a retiré quelques fragmens de ces pyrites. La station moyenne du baromètre à Bagnols est de 0,812 (25 pouces); toutefois le voisinage des montagnes de la Eozère et du Palais y fait varier la température d’une manière extrême; le froid humide prédomine. En été, une chaleur, favo- rable à l’action du traitement minéral, se con- centre dans le vallon; mais les moindres orages qui tombent dans le village ou même derrière les montagnes circonvoisines, refroidissent subitement la température, et dérangent quelquefois pour long-temps la saison des eaux- (49) Parmi les productions médicinales qu’on ren- contre au voisinage, on remarque la ciguë , la jusquiame, le napel, la digitale pourprée, la sapo- naire, l’angélique, ete. La population du village de Bagnols se compose d'environ 500 habitans. Les auberges peuvent loger à la fois 600 malades, dont le nombre moyen est de 1700 pendant toute la durée d’une saison. Etablissement thermal. L'origine des eaux minérales de Bagnols se perd dans la nuit des temps. Aucune pierre, aucune inscription votive, aucun monument n'élablissent la date de leur première application à lart de guérir. Une tradilion religieuse constate seulemerñt l'antiquité de leur renommée. Sainte Enimie, fille de Clotaire IT ot sœur de Dagobert (614-628), aurait été, par ordre de son père, transportée à Bagnols, pour y chercher la guérison d’une lèpre qwelle avait, par ses prières, attirée sur sa figure, afin de déplaire à un prince dont elle repoussait l'alliance. L'église de Bagnols est sous l’invocation de cette sainte. Une preuve plus convaincante que les traditions populaires, la découverte d’anciens travaux, dans lesquels on reconnut l’œuvre des Romains , confir- merait Pantiquité de ces thermes dont la distribu- tion en trois salles, conservée jusqu’à nos jours, offre une grande ‘analogie avec celle des bains 4 (50) dont Vitruve nous a transmis la description. Ces travaux, déblayés en 1764 par les ordres du comte de Morangier, seigneur de Bagnols, consis- taient principalement en une coupole octogone bâtie en pierres énormes, au milieu d’un grand carré creusé lui-même en partie dans le roc, et une voûte longue, au milieu de laquelle se trou- vait un aqueduc en picrre. Les eaux qu’il recevait formaient alors une colonne de plus de trois pouces de diamètre. Le pavé de la coupole ct du carré était formé d’un mastic épais de deux pieds, dont les marteaux ne purent briser la consistance. Il ne reste aujourd’hui aucun vestige de ces tra- vaux, et il est beaucoup à regretter qu’on n’en ait pas même conservé le dessin. Dans l’état actuel, la source thermale surgit vers la basse pente d'une montagne schysteuse appelée Pervenche, qui borde le Lot, à 0,040 au- dessus des basses eaux de cette rivière, et à 32m de distance de sa rive gauche. A son issue, elle est recue dans un bassin parallélogramme, qui est creusé dans la roche, recouvert de pierres bien cimentées et renfermé dans un grand caveau voûté, Les murs sont construits en moëllons cal- caires, inégalement découpés par l’action corro- sive des eaux. L'ouverture de la source occupe l'extrémité sud-ouest au bas d’un pan coupé que forme le schyste de la montagne, et au niveau du fond du bassin où arrivant par un conduit hori- (51) zontal, elle s'élève à 0,052. L'intérieur de cette ouverture, dans lequel on ne sent aucun travail de main d'homme, est rendu inégal par diverses arètes que présentent les feuillets schysteux, M. de Valdenuit découvrit dans ce bassin deux phéno- mènes qui méritent d’être cités : c’est d’abord un bruit souterrain, prolongé et produit par les érup- tions de grosses bulles de gaz qui, s’échappant du sein de la montagne, arrivent et crèvent à la surface de l’eau, à peu près toutes les minutes. Ce sont ensuite diverses espèces de mucilages (composition accidentelle de glairine hydratée, mêlée d’autres principes étrangers), qui flottent le long des murs du bassin, ressemblant, soit à des fleurs de sureau macérées, soit à des frag- mens d’éponges grossières, soit à du frai de gre- nouilles, etc., etc. Dans la paroi occupant le nord du bassin, est placé, à 0,052 du fond, un tuyau en fonte de décharge, de 4 pouces 1/2 d’ouverture, lequel conduit 113 litres d’eau par minute dans les salles destinées aux douches. À sa sortie de ce tuyau, l’eau se divise de manière que les 3/5 entretiennent trois douches de cette première salle, appelée les grandes douches , les grandes étuves, ou l'enfer (des hommes), tandisqueles deux autres cinquièmes se rendent dans une salle semblable et mitoyenne (des femmes). Ces douches, qui sontdescendantes, for- ment chacune une colonne liquide de 1,040 de (52) hauteur. Au-delà de la grande étuve sont deux autres salles séparées l’une de l’autre par une porte en bois que perce un petit guichet. Elles sont plus spacieuses. La première, destinée aux bains de vapeur, et dite salle des petites étuves; la deuxième , aux bains publics, et dite piscine. La même distribution a lieu dans les deux salles correspondantes des femmes. Au-devant de ces différens caveaux, s’allonge transversalement un corridor voûté servant de vestibule, et dans lequel l’eau thermale est encore dirigée pour deux usages : d’abord au fond, dans un petit caveau creusé dans lépaisseur du mur où elle sert aux bains de pieds et de jambes, etc., etc.; etenfin, au milieu, dans un tuyau dont le robinet fournit aux buveurs un filet d’eau continu, Tout près de l'établissement public qui vient d'être décrit, étaient placés autrefois deux éta- blissemens particuliers qui ont été détruits, l’un et l’autre, cette année. Le premier, très-ancien, recouvert par la petite maison contiguë à la grande auberge et dont la muraille est baignée par le Lot, était entretenu par un tuyau provenant de la grande source. L'eau qui traversait la petite place, recue d’abord dans nn caveau où elle se divisait pour le service de trois douches (une ascendante , une descendante et une latérale), était ensuite conduite dans une salle contiguë, pour y alimenter neuf baignoires fermées dans (53 ) autant de cabinets. Le second , qui n’est resté ouvert que durant la saison de 1837, situé au- dessus de l'établissement public, était fourni par uue source isolée et d’une température inférieure. L'eau y arrivait de même, primitivement dans un caveau pourvu seulement d’une douche descen- dante, et de là elle allait s’accumuler dans un réservoir de la salle voisine, divisée comme la première, en neuf bains particuliers. Ces deux établissemens sont fermés depuis cette année. Le premier, par le défaut d’accommode- ment du propriélaire de la maison avec le nouvel acquéreur de la grande source; le second, par l'insuffisance de quantité de la petite source ré- cemment découverte. Ils ont été remplacés par deux nouveaux établis- semens ouverts cette dernière saison, mais dont un seul a pu être complètement exploité, Celui-ci, qui est situé dans une ancienne cave dépendant de la grande auberge, est entretenu par le même filet d’eau qui alimentait l'ancien. Il n’est formé que d’une seule salle partagée en neuf cabinets, et 1l faut regretter qu’on n’y ait pas annexé un ca- veau de douches particulières. L'autre , non encore achevé et très-proche du réservoir de la grande source de laquelle il’'est dépendant, ne possède actuellementque quatre baignoires qui, n’étantpas même séparées par des cabinets, n’ont presque pas été employées, si ce n'est la dernière, au- (54) dessus de laquelle tombe une douche descendante d’environ six pieds d’élévation. Le propriétaire de cet établissement avait voulu y former une piscine particulière, mais l'insuffisance du filet d’eau qui l’approvisionne a rendu cette entreprise impos- sible. Au-devant du premier caveau de ce même établissement, qui est divisé en trois comparti- mens, jaillit, à environ 4 pieds de haut, une source ferrugineuse qui a été découverte pendant les derniers travaux et dont la température est de 220, Après ces différentes distributions, les eaux de la grande source et celles des deux établissemens particuliers s’écoulent à diverses heures, par leur pente naturelle et en deux trajets distincts, vers la rivière, où celles provenant des bains publics arrivent, contenues au-dehors par un petit lavoir en pierre. Les bâtimens de l'établissement public sont en substruction sur le sol dela mon tagne Pervenche ;, et ceux des établissemens particuliers sont surmontés d’autres constructions qui dépendent de la grande auberge. Le temps des bains publics est déter- miné, le matin et le soir, à des heures régulières, après lesquelles les eaux étant évacuées, les salles d'étuves et de douches restent ouvertes pendant plusieurs heures. Dans l'établissement particulier, où l’on est soumis à une rétribution spéciale, les bains sont préparés à toutes les heures du jour, (87 7 et les baigneurs s’y succèdent au bout d'une heure. La température de la grande source qui entre- tient l'établissement public et le nouvel établisse- ment particulier, présente différens degrés, selon le plus où moins grand éloignement du bassin. Cette température varie de 34° à 30 ( Réaumur ); ainsi la température de la salle des douches se maintient à 54° fixes, tandis qu’elle baisse de près de 29 dans la salle d’étuves, et de 4 dans la pis- cine. Dans l'ancien établissement particulier, qui était plus rapproché de la source -mère, l’eau conservait ce dernier degré dans les baignoires; tandis que dans le nouveau, elle semble un peu plus abaïssée. Cette différence peut provenir de deux causes : le plus grand éloignement de l’eau par rapport au bassin d’où elle dérive et Ja moins grande profondeur du caveau, qui est d’ailleurs plus aéré que l’ancien. Toutefois ées différens de- grés de température constituent tous des bains excitans; seulement l'excitation est plus grande à mesure que l’on s’administre les eaux plus près de l'origine de la source. La température du second établissement particulier, qui fut ouvert l’année dernière seulement, était fixée naturelle. ment à 270. Ce degré de chaleur constitue les bains tempérés. Cette source n’étant plus exploitée, on supplée actuellement à son défaut, pour obtenir les bains selon cette dernière indication , au moyen (56) d'une certaine quantité d’eau froide de la rivière que l’on mêle à l’eau thermale. Mais il faut reconnaître que cette préparation artificielle des bains tempérés est moins avantageuse que la com- position naturelle de laquelle on disposait l’année dernière, et cette différence ressort de deux in- convéniens incontestables : d’abord, la division des élémens minéralisateurs quis’affaiblissent parle mélange de l’eau de rivière; ensuite, l’inexactitude presque inévitable dans le degré d’abaissement de la température naturelle, abaissement opéré avec un plus ou moins grand nombre d’arrosoirs, et pour la vérification duquel le gardien des bains, intéressé d’ailleurs à épargner sa peine , n’applique ordinairement d'autre thermomètre que le bout de son doigt; et cependant l'importance théra- peutique de cette détermination de la tempé- rature est extrême. Dans l'indication de la mé- thode excitante, la différence d’un à deux degrés peut s'accompagner souvent de résultats fàcheux ; on voit en effet des malades qui, supportant très- favorablement la chaleur de la piscine, ne peuvent séjourner une seule minute dans les étuves, même après y être entrés par ménagemens gradués, ainsi qu'il convient toujours de le faire. Il devient alors facile de conclure combien peut être funeste, dans l'indication contraire de la méthode tem- pérée, l'administration d’un bain conservant le degré plus ou moins élevé de l'excitation. Le plu: (57) grand nombre des malades n’en sont pas moins exposés tous les jours aux conséquences d’une pareille inexactitude contre laquelle deux moyens peu dispendieux suffraient pour tenir à couvert la responsabilité de l'administration thermale. « Chaque cabinet devrait être pourvu d’une lumière et d’un thermomètre à bains.» Le prix des bains particuliers qui, sur le tarif approuvé parle Préfet, est taxé à 1 franc pour le propriétaire, et 25 cent. pour le gardien qui le prépare, tandis que le premier s’attribue exclusivement les deux rétri- butions, et que le second harcelle ensuite les malades pour obtenir une gratification supplé- mentaire, ce prix est assez élevépour qu’on demande l'application d’une mesure si simple et cependant si nécessaire. Propriétés physiques des eaux minérales de Bagnols. L'eau minérale de Bagnols est limpide et inco- lore, si ce n’est lorsqu'elle est vue par réfraction et de suite après avoir élé puisée ; alors elle offre une teinte légèrement opaline, qui se dissipe par le repos ou le refroidissement, tandis qu’elle de- vient plus prononcée par l’ébullition. L’élévation de la température trouble ainsi le liquide, sans doute en laissant précipiter les carbonates terreux tenus en dissolution par Pexcès d'acide carbonique. Elle présente une apparence onctueuse , dont (56) l'effet est sensible à la peau quand on la tourhe. Cette propriété a rapport à la présence de quelques filamens très-déliés qu’elle tient en suspension, de même que d’un petit nombre de flocons épars d’une matière pseudo-animale d’un blanc jaunâtre (glairine ou barégine). Elle exhale, à son issue de la source, une odeur d’acide hydro-sulfurique (celle des œufs durcis) qui disparaît promptement à l'exposition à l'air. Cependant cette odeur, presque nulle dans les réservoirs, demeure cons- tamment répandue aux abords de l’établissement. Sa saveur est fade, peu prononcée, nullement désagréable, L’impression du calorique prédomine sur une très-légère sensation d’astriction qui dé- note l'existence d’un principe alcalin; mais l’eau devient tout-à-fait insipide par le refroidissement, particularité qui dénote la grande volatilisation de ses principaux élémens. Sa pesanteur spécifique diffère à peine de celle de l’eau distillée. Elle doit donc contenir une très-faible proportion des subs- tances minérales qui la composent. Enfin la tem- pérature qui ,dansle bassin, est de 35° (Réaumur), n’est que de 34° dans la salle des douches, de 35° dans celle des étuves et de 32° dans la piscine. Ce phénomène de la thermalité des eaux miné- rales est trop digne d'intérêt pour pouvoir s’em- pêcher ici, sinon de discuter, du moins de citer les théories les mieux accréditées sur ce grand fait de la géologie, (59 ) Une première influence, celle qui provient de la combinaison des principes connus ou ignorés d'une eau minérale, concourt au développement du calorique; elle est dite théorie des réactions chimiques. Il faut y ajouter l'influence du feu central, dont la théorie appartient à Fourrier et à Laplace; celle d’un foyer propre de chaleur con- servé par les volcans éteints, d’après Berzélius; enfin, celle d’une action électro-motrice entre les diverses couches du globe, d’après le professeur Anglada. Aucune de ces théories ne doit être adoptée ni rejetée exclusivement; ileslsans doute plus raison- nable de considérer les diverses influences aux- quelles elles se rattachent, comme agissant d’une manière combinée dans le développement de la thermalité, Ce phénomène sera donc, en résumé, produit par une triple action chimique, calori- fique et électrique. Propriétés chimiques des eaux minérales de Bagnols. Les eaux minérales de Bagnols ont été soumises plusieurs fois à l'analyse chimique, et les résultats n'ont jamais été identiques ; la différence a été prononcée surtout à l'égard de la quantité propor- tionnelle de l'élément sulfureux, libreet combiné, qui prédomine sur les autres principes. Le défaut d’une appréciation rigoureuse provient, sans doute, de l'éloignement des lieux où l’on a opéré.Toutefois ( 6o ) les eaux thermales de Bagnols sont généralement qualifiées eaux sulfureuses, hydro-sulfatées. Passant sous silence les explications théoriques qui s’y ratlachent, je me bornerai à citer deux de ces analyses pratiquées, à des époques diver- ses, par deux chimistes également renommés : la première, à Nimes, par M. Plagniol, inspecteur de l’Académie; la seconde, à Paris, par M. Ossian- Henry. A. 10,000 parties d’eau, en poids, ont donné 4,039 de substances solides en dissolution; les unes, dont le poids total ne s'élève qu’à 0,044, se sépa- rent à une première évaporation et consistent en sous-carbonate de chaux et de magnésie, et en une petite quantité de silice et de glairine. Les autres ne peuvent être obtenues que par une évapo- ration complète. Leur poids total de 4,260 résulte de 1,727 sulfate de soude. 0,239 chlorure de sodium. 1,856 sous-carbonate de soude. 0,436 silice. B. 1000 grammes, ou un litre d’eau minérale, ont donné: Quantité Azote se dégageant à la source aveclesaci- indéterminée. PRINCIPES à volatils. pue des carbonique et hydro-sulfurique. Acidehydro-sulfurique, très-sensible à la source. 0,139 Acide carbonique, libre. (61) 0,143 Chlorure de sodium. « traces. Id. de potassium. 0,089 Sulfate de soude anhydre, 0,015 Id. de chaux dd. PRINCIPES 0,053 Carbonate de chaux. fixes. 0 006 Id. de magnésic. 0,160 Id. de soude anhydre. » traces. Sulfate de fer. 0,003 Silice et alumine. 0,004 Matière organique azotée. Toraz dessubstances fixes. 0,473. ( Journal de Pharmacie, n° 3, mars 1837.) ss ——— THÉRAPEUTIQUE. Quelques considérations sur les actions thérapeu- tiques des eaux minérales de Bagnols. Les considérations qui se rapportent aux pro- priétés médicinales des thermes de Bagnols, four- niraient la matière d’une longue dissertation, sans que l’on püût encore en déduire, sur leurs divers modes d'actions, une théorie rationnelle. Ne pré- tendant pas envisager cette question sous le rap- port scientifique, mais plutôt dans ses applications pratiques, je me bornerai à résumer quelques- unes des notices médicales les mieux accréditées, qui pourront faire ressortir les principales indica- tions et les différens moyens d'administration que comportent ces eaux sulfureuses. Deux méthodes spéciales sont établies pour (62) évaluer le pouvoir thérapeutique d’une eau miné- rale, et subsidiairement pour diriger son emploi. 10 La rnéthode théorique, qui est basée sur la connaissance de ses propriétés physiques et chi- miques. 20 La Méthode expérimentale, qui est basée sur l'observation clinique. Bergmann a dit : & Connaître la composition » d’une eau minérale, c’est, en quelque sorte, » devancer l’expérience. » Mais il faut ajouter que l'expérience est le complément indispensable de cette étude organique des eaux. La chimie est leur anatomie, tandis que l'observation expérimentale est leur physiologie. L'influence médicalrice d’une eau minérale ré- sulte de la combinaison de plusieurs actions par- tielles qui se rapportent, chacune isolément, aux divers principes physiques et chimiques de sa cons!itution, Cette influence, générale et complexe, modifiée d’ailleurs par les agens environnans et par les dispositions individuelles, offre toujours une analogie avec les actions particulières des élémens. La même eau peut donc offrir des propriétés diffé- rentes, en raison de celles qui sont affectées à chacun de ses élémens particuliers, et certaines de ces propriétés seront plus prononcées, si le principe dont elles dérivent est lui-même pré- dominant. Appliquant cette manière de procéder à l’eau (63) sulfureuse de Bagnols, je vais isoler les propriétés diverses attribuées à ses élémens principaux, et de leur combinaison nous verrons résulter un pouvoir médicinal complexe qui convient plus ou moins à un certain nombre de maladies analogues et différentes. La température de la source revendique deux effets opposés selon ses différens degrés princi- paux; au sortir du réservoir, à 34°, l’eau est puis- samment excitante et diaphorétique. Abaissée à 27° artificiellement, elle devient au contraire émolliente et anti-spasmodique. | Le principe sulfureux, le plus important de tous, exerceunpouvyoirspécifique sur le système cutané, réveille le ton relâché des membranes muqueuses, et détermine enfin, comme diaphorétique , les mouvemens fluxionnaires qui ont été vicieusement concentrés. Les carbonates alcalins joignent à une excitation plus prononcée sur lappareil lymphatique une grande aptitude à résoudre les engorgemens asthé- niques des glandes et des viscères, Ils agissent aussi sur le système urinaire. On attribue à l’acide carbonique une action sédative, anti-spasmodique, anti-septique. Le principe pseudo-organique est réputé jouir d'une propriété extrêmement émolliente. Quant au gaz azote et à la silice, leur efficacité n'est pas déterminée. ( 64 ) L'action complexe et simultanée de toutes ces actions partielles el isolées est représentée par une excitation spécifique, de laquelle le développement direct d’une petite fièvre démontre la présence sur l'organisme. Les effets de cette réaction per- turbatrice sont d’autant plus favorables qu’ils sont pluslents etinsensiblement progressifs. Mais , outre cette excitation directe qui constitue et résume les propriétés immédiates des eaux de Bagnols, ces mé- mes eaux développent d’autres effets dits secondaires ou de détermination, consécutifs à l’action directe ct constitués eux-mêmes par les évacuations diu- rétiques, ou par les évacuations diaphorétiques, ou par ces deux évacuations à la fois. Du reste, l’influence complexe , le résultat de la combinaison de ces diverses propriétés, immé- diates et secondaires de la source de Bagnols, sont d'autant plus prononcés que les deux élémens principaux, le calorique et le principe sulfureux, sont dans un degré de concentration plus grande, le calorique à son degré primitif, et le principe sulfureux dans ses proportions naturelles. Dans les conditions opposées d’abaissement de la tem- pérature et de division de la substance sulfureuse, par la trop longue exposition à l'air et surtout par le mélange de l’eau froide ordinaire, les alcalis prédominent, et alors l'excitation est remplacée par les propriétés émollientes et antispasmodiques. Ces développemens que fournit la méthode (65 ) théorique suffisent déjà pour faire pressentir les propriétés principales, communes aux eaux ther- males de Bagnols et aux autres sources sulfureuses, telles que celles de Barèges, Cauterets, Bagnères, de Luchon, Bonnes, etc. Ainsi elles devront con- venir à certaines maladies parvenues à l’état chro- nique, qui réclament dans leur traitement ordi- naire quelques-unes des vertus spécifiques attri- buées aux divers élémens que nous avons étudiés séparément. Elles seront conséquemment indi- quées dans les exanthèmes cutanés, les affections scrofuleuses , les rhumatismes, les engorgemens articulaires, les paralysies traumatiques, les ul- cères rebelles, etc.; et, dans la condition d’une température moins élevée, elles seront appliquées favorablement contre certaines affectionsnerveuses générales ou locales. On conçoit aussique le genre excitant de cette médication ne convient que dans les maladies chroniques, exemptes de fièvre con- tinue et de lésion organique, et qu'il produirait des effets funestes administré dans les affections aiguës simples et, à plus forte raison, compliquées d'un travail de désorganisation. Mais faut-il croire que le pouvoir curatif des thermes de Bagnols soit complètement déterminé par ces indications ? Tout leur état de vie et d'action serait-il concentré dans ces étroites limi- tes? Non, sans doute; car les propriétés inhérentes à la composition matérielle de ces caux, telles 5 (66 ) qu'elles viennent d’être déduites de leur analyse, se nuancent à l'infini par l'effet des agens envi- ronnans, par les dispositions individuelles et par les modes particuliers d’administralion. I’obser- vation clinique , lexpérience directe, peuvent seules approfondir, dans de si nombreuses modi- fications, la puissance médicatrice d’une eau mi- nérale, et pour formuler cette puissance dans tous ses détails d'indications et d'applications, il est nécessaire qu'un médecin ait fait de cette étude pratique, sur les lieux et pendant de longuesannées, son occupation assidue et presque exclusive. Ce n'est donc que dans ces traités spéciaux, où sont réunies et discutées un très-grand nombre d’ob- servations cliniques et où les préceptes sont tous appuyés sur les conclusions de l'expérience di- recte; ce n’est, dis-je, que dans les traités spéciaux que peuvent s'éclairer les erreurs populaires et se compléter les connaissances médicales sur toutes les propriétés thérapeutiques d’une eau minérale. L'ouvrage du docteur Blanquet réalisera ces con- ditions en faveur des thermes de Bagnols. Précautions préparatoires au traitement des eaux minérales de Bagnols. Le temps le plus favorable à l'emploi des eaux thermales de Bagnols est du 1°" juillet à la fin de septembre; on y voit cependant des malades s’y rendre plus tôt et d’autres plus tard; on cite (67) même un professeur distingué de l’école de Mont- pellier qui vient, depuis plusieurs années, y suivre le traitement minéral pendant tout le mois de décembre. Le temps deseaux est partagé en plusieurs époques, de dix à vingt jours, dites saisons. Cet espace de temps suffit ordinairement à produire l'excitation spécifique qui, comme il a étédit, constitue l’effet thérapeutique des thermes sulfureux. Cependant il vaudrait mieux prolonger la durée du traitement et prendre alors les eaux à plus petites doses. La première précaution que doit observer un malade, c’est de consulter un médecin éclairé sur la convenance de l'affection dont il est atteint avec les effets thérapeutiques des thermes sulfureux, de même que sur son aptitude à entreprendre un voyage dont les fatigues peuvent quelquefois pro- duire plus de mal qu'il ne peut résulter de bien par l'influence des eaux même parfaitement indi- quées d’ailleurs. Le défaut de ce double conceil est funeste, chaque année, à plus d’un malade qui viennent aggraver leurs maux par l'emploi intem- pestif du traitement minéral, ou qui ne par- viennent au lieu de leur destination que dans un état d'irritation ou d’'affaissement général, qui contre-indique cette médication. On en cite un très- grand nombre auquel ces conditions contraires ont rendu laction des eaux plus ou moins fu- neste : plusieurs ont payé leur imprudence par une mort rapide. ( 66) À côté de ces premières recommandations adres- sées aux malades, doit trouver place un reproche encouru par quelques médecins qui envoient sou- vent leurscliens à Bagnols, dans le seul butdeles y faire profiter des influences hygiéniques et sans tenir compte de l'influence médicatrice des eaux. Cette conduite inconsidérée compromet à-la-fois leur jugement, le moyen thérapeutique et le reste précieux d’une santé que les malades auraient pu prolonger chez eux par les soins ordinaires. Toute- fois les malades doivent encore ne pas s’en rap- porter aux seuls conseils d’un médecin qui a connu leur affection, et le rapport de celle-ci avec les eaux minérales. Il ne leur est pas moins utile ni moins indispensable de s’éclairer, aussitôt après leur arrivée dans l'établissement et durant tout leur séjour, des avis du médecin-directeur, lequel saura confirmer la convenance de ces eaux, pré- ciser les moyens particuliers de leur administra- tion et modifier enfin leur emploi, selon les effets journaliers qui devront être soumis exactement à son observation. Il est presque toujours utile denepas précipiter l'emploi des eaux de Bagnols. Quelques jours, sur- tout à la suite d’un long voyage, doivent être donnés au repos et quelquefois même à l’adminis- tration de quelques remèdes, parmi lesquels il faut dans tous les cas indiquer les ménagemens hygié- niques. Entr'autres dispositions morbides qui dé- (69 ) rangeraient le traitement minéral, l'embarras gas- trique, la pléthore, soit locale, soit générale, deman- dent à être préalablement combattus. Les moyens ordinairesles dissipent assez rapidement; mais quel- quefois les mêmes phénomènes morbides se re- produisent pendant l'administration des eaux. Alors il suffit le plus souvent de suspendre leur emploi quelques jours, durant lesquels la nature se charge seule de dissiper ces accidens et, au besoin, on les combat de nouveau par les remèdes appropriés. Malgré tous les soins pour favoriser l'efficacité des eaux sulfureuses , leur usage, dans quelques circonstances, exaspère la maladie contre laquelle onles dirige rationncllement. Cette recrudescence, qui se rapporte directement à l'excitation spéci- fique des eaux , est loin d’être toujours défavorable; elle n’est d’ailleurs le plus souvent que momen- tanée et passagère. Dans les cas opposés, où elle persiste en devenant progressive, il convient de diminuer cette influence immédiate des eaux, en les mitigeant davantage, ou même en les suspen- dant durant quelques jours. D’autres dispositions se présentent où les eaux, qui paraissaient avoir été primitivement efficaces, finissent par ne produire qu’une action impercep- tible. Cette espèce d’inertie, succédant à une activité manifeste, est l’effet de l'influence devenue habi- tuelle de lagent thérapeutique sur l’organisme ; c’est une tolérance générale, Mais linaction n’est | (70) qu'apparente, car l’action immédiate des principes minéralisateurs ne cesse pas de pénétrer intimé- ment dans les tissus organiques, pour se démontrer plus tard par des effets secondaires. Du reste, ces effets se prolongent plus ou moins long-temps après l'application minérale, souvent même ils ne sont appréciables qu’un ou plusieurs mois après. Mais le succès de cette médication, loin d’être moins favorable, est plus complet lorsqu'il est plus retardé; et c’est par cette propriélé princi- pale que les eaux thermales de Bagnols con- viennent surtout aux affections chroniques et asthéniques, lesquelles réclament en particulier des moyens doux et tardifs. Enfin, les malades doivent, lorsqu'ils sont re- venus dans leurs foyers, observer plus ou moins long-temps un régime modéré et toute espèce de ménagemens pour favoriser le développement des effets qui, le plus souvent, n’ont été que sim- plement préparés par le traitement des eaux de Bagnols. Cette recommandation s'adresse plus par- üiculièrement aux malades qui en ont rapporté une grande aptitude à la diaphorèse; car l'exposition au froid suffirait, en répercutant une transpiration générale ou partielle, non-seulement à faire avorter le bienfait de lamédication , mais encore à aggraver les accidens primitifs. Il reste à ajouter que, malgré la plus grande efficacité d’une première saison des eaux sur une (71) maladie donnée, il est rare que la guérison soit confirmée; il est prudent de les employer deux et méme plusieurs autres années de suite, surtout quand l'amélioration n’a été qu'éphémère. Différens modes d'administration des eaux mine- rales de Bagnols. On emploie l'eau thermale de Bagnols en bois: son, en bains, en étuves, en douches, en injections, lotions, frictions pédiluves, etc. La quantité de boisson varie beaucoup selon les circonstances, telles que l'indication du traitement excitant ou calmant, l’état particulier du malade, les effets généraux qu’il en éprouve, etc. Toute- fois cette dose varie de 4 onces à 3 livres par jour, La qualité est aussi sujette aux mêmes mo- difications : on emploie l’eau pure ou mélangée; mais le plus souvent on commence par la prendre coupée, soit avec du lait , soit avec les bouillons de poulet et de veau, soit avec des tisanes adoucissantes ou amères. La proportion de divers mélanges qui diminuent le calorique et affaiblissent l'élément sulfureux, rend l'excitation minérale plus ou moins modérée. Selon les indi- cations spéciales, on continue jusqu’au bout l'usage de l’eau ainsi mitigée, ou en diminuant graduel- lement la quantité du liquide étranger, on boit plus où moins prochainement l’eau sulfureuse toute pure. | (72) On diminue également l'action excitante des bains, en les composant avec l’eau thermale arti- ficicllement refroidie de plusieurs degrés par le mélange de l’eau froide naturelle. Les étuves et les douches peuvent être prises également à des degrés différens , mais cependant à des degrés qui se rapportent toujours à l’exci- tation. Celle-ci sera obtenue par ces moyens, à un degré modéré, dans le caveau du nouvel établissement particulier; à des proportions plus élevées , dans le caveau de l’ancien établissement particulier et dans la salle publique des petites étuves (les étuves s’administrent seulement dans cette dernière) ; et enfin, les étuves et les douches seront prises, à l'extrême degré, dans la salle des grandes étuves du même établissement public. Les injections, les lotions, les bains de jambes, de pieds et de toute autre partie, peuvent être administrés à un degré plus ou moins concentré, en employant pure ou mitigée l’eau minérale , à laquelle on peut conséquemment donner sous ces dernières formes l’une ou l’autre de ses deux grandes indications. Pour les malades qui doivent subir simultané- ment avec l’eau en boisson, les bains, les étuves, les douches, etc., il est à propos qu'ils ne se soumeltent pas inconsidérément à toutes ces épreuves. Ils doivent arriver graduellement de la (73) petite étuve à la salle des douches modérées, et de celle-ci à la salle des grandes douches, en ayant soin de rester peu de temps les premiers jours dans ce dernier caveau. Ils pourront ensuite sans danger y prolonger insensiblement leur sé- jour. Les frictions opérées simultanément avec la douche et les étuves , en complétant le dévelop- pement de la sueur, favorisent, en outre, le dé- placement des engorgemens fluxionnaires. Maladies qui réclament l'emploi des eaux minérales de Bagnols. La matière de ce chapitre sera la plus impor- tante, puisqu'il résumera la partie expérimentale du manuscrit du docteur Blanquet. Je tracerai d’abord la série des affections pour lesquelles il a constaté l'efficacité la plus évidente des eaux qu’il dirige, et à chacune de ces affections je consa- crerai ensuite quelques développemens empruntés à son ouvrage, qui feront ressortir les indications et contre-indications, de même que les diverses formes d’administrations qu’il a attribuées à leurs principales modifications, Je ne prétends pas d’ail- leurs juger les idées théoriques qui ont présidé à la classification adoptée par ce praticien con- sommé, pour les maladies sur lesquelles s’exerce depuis si long-temps son étude spéciale. 1l est plus à propos de reconnaitre l'exactitude conscien- (74) cieuse dont sont empreintes les nombreuses obser- vations qu'il a réunies, la précision rigoureuse avec laquelle il formule ses conclusions thérapeu- tiques, et surtout l’égale bonne foi avec laquelle il énumère, à côté des faits qui justifient la répu- tation de son établissement, tous ceux qui ont pu la compromettre. 19 Rhumatismes chroniques, musculaires ou articulaires, simples ou compliqués : des diatèses sanguine, nerveuse, bilieuse, etc.; d'hémorrhoïdes , d'hémorrhagies nasale, gastrique, utérine, de métastases viscérales, d’affections articulaires, de névralgies locales. 20 Maladies catarrhales : enrouement , aphonie, catarrhe guttural, pulmonaire, vésical, surdité. 30 Maladies de poitrine : de nature catarrhale, par vices dartreux, rhumatique, scorbutique, etc., par vice scrofu- leux, précédées d’hémoptysie, etc. ,asthmes, humide et sec. 4° Maladies scrofuleuses : rachitis. 5° Paralysies : par diverses causes. 6° Maladies cutanées. 7° Maladies laiteuses. 89 Maladies utérines : leucorrhée , chlorose , aménor- rhée, etc. , stérilité. 9° Maladies : suites des affections vénériennes et du trai- tement mercuriel. 109 Faiblesse générale, épuisement, état nerveux, gas- tralgie, chronique, obstructions des viscères abdominaux. 119 Luxations, fractures, entorses, plaies, ulcères, contusions. Je rapprocherai de cette série des maladies auxquelles s'applique avantageusement le traile- (75 ) ment minéral de Bagnols, le petit nombre d’autres maladies chroniques auxquelles il est essentielle- ment contraire; ce sont : les anévrismes du cœur, les congestions sanguines du poumon et du cer- veau, et enfin toutes les affections anciennes, sur quelque organe que soit leur siége, et quelque soit leur caractère primitif, lorsqu'elles sont com- pliquées de phlegmasie aiguë, et surtout d’une dégénérescence organique. Je ne comprends pas ici un certain nombre d’autres contre-indications, qui sont accidentelles et particulières, que présentent des affections auxquelles, en général, les eaux de Bagnols sont salutaires. Ces détails trouveront leur place dans les articles où il sera traité de ces maladies. N° 1. lhumatisme chronique, musculaire et articulaire. Le rhumatisme, devenu chronique, occupe le premier rang parmi les maladies qui affluent à Bagnols, sous le double rapport de la fréquence de cette affection et de l'efficacité des eaux ther- males. 11 se présente, sous un nombre infini de formes, d’après son siége et son état de simpli- cité on de complication, A. Rhumatisme simple.—Le rhumatisme simple, c’est-à-dire exempt de pléthore ; d’exaltation vicieuse du système nerveux, de lésion intesti- nale, de maladie organique, d’hémorrhagies cons- (7%) titutionnelle, etc., est combattu, presque tou- jours, avec succès par les eaux de Bagnols, qu’il soit vague, ou fixe, musculaire ou articulaire. Toutefois, la guérison est d’autant plus rapide et plus solide, que l’affection est moins ancienne et seulement accidentelle; car si elle est héréditaire, il ne faut espérer du traitement minéral qu’une amélioration provisoire. Dans cette première forme, on emploie les eaux en boisson, bains, étuves, douches et frictions. L'espèce articulaire (avec engorgement des tissus articulaires) ne comporte que les bains de vapeur et la boisson, surtout lorsqu'elle est dégé- nérée en goutte. Barthez ne permet l'emploi des eaux sulfureuses que dans les accidens consécu- tifs à la goutte, et lorsque ce vice a été modifié par une crise favorable, Mais la sévérité de ce précepte ressort par l’action des eaux de Bagnols, constatée directement, lorsqu'elles ont été appli- quées dans lintervalle des attaques de la goutte même la plus intense. Cette action se démontre par une métasynchrise destructive du molimen arthritique, et par la double résolution des engor- gemens articulaires et des concrétions tophacées. Il faut seulement se garder d’entreprendre le trai- tement lorsque la fluxion goutteuse est imminente, parce que l'excitation qui l'accompagne aggrave- rait les accidens. Lorsque le rhumatisme a produit un engorge- (748) ment considérable de plusieurs articulations, et que cet engorgement a été rebelle à l’action des bains de vapeur , il faut recourir alors exclusive- ment à la douche dirigée sur chacune des articu- lations malades. Dans ces différens cas, l’eau s’administre à sa température naturelle, s’il n’y a pas de contre- indication dans les dispositions individuelles qui oblige de la prendre mitigée, du moins sous les deux formes comportant le mélange d’un liquide étranger, la boisson et les bains. Ces dispositions, qui doivent modifier et quelquefois même empé- cher l’application du traitement minéral, seront indiquées dans les développemens suivans. B. Rhumatisme compliqué. — Le rhumatisme compliqué n’est considéré par le docteur Blanquet que dans ses variétés principales, dont les unes rendent le traitement des thermes de Bagnols plus incertain, et d’autres le contre-indiquent, tandis que presque toutes elles nécessitent des remèdes préparatoires. Ces complications les plus remar- quables sont : La diathèse sanguine , laquelle, à un haut degré, est une contre-indication absolue aux eaux sulfu- reuses, tandis qu’à un degré modéré qui aura été obtenu soit naturellement, soit par ladminis- tration des moyens rationnels, elle n’empêche pas les effets favorables du traitement minéral. La diathèse nerveuse , qui n'exclut presque ; (78 ) jamais l'usage des eaux de Bagnols, pourvu que cet usage soit dirigé méthodiquement. Les grandes douches, les étuves, les bains publics ou particu- liers, à la température primitive, sont nuisibles avec cette disposition, tandis que les demi-bains mitigés, la petite douche et la boisson coupée s’accompagnent d’une influence salutaire. La diathèse bilieuse, qui est une contre-indica- tion complète, lorsqu'elle est prononcée à un très-grand degré et alors caractérisée par la teinte jaune de la langue, Famertume de la bouche, un dégoût prononcé, des vomissemens habituels, une constipation opiniâtre, ou une diarrhée bilieuse. À un degré modéré, la médication sulfureuse peut être utilement appliquée, lorsqu'on a combattu les accidens saburraux par des apozèmes, les laxatifs légers, les eaux gazeuses, etc. Ces moyens peu- vent être employés dans l'intervalle du traitement minéral; cependant il vaut mieux qu'ils laient été ayant d'arriver à Bagnols. La diathèse scorbutique , qui proscrit d’une ma- nière rigoureuse les eaux thermales sulfureuses , même dans son état le plus doux, et dans la forme la plus tempérée de ces eaux qui, ayant, entre autres, la propriété de favoriser la dissolution des fluides, et l'aptitude à cette dissolution spontanée étant le caractère duscorbut, ontété constamment défavorables aux malades atteints de ce vice. La diathèse hémorrhoïdale |, qui ne contre- (79) indique les eaux que dans le cas où les hémor- rhoïdes sont fluentes ou très-douloureuses, tandis que dans un degré plus modéré, leur suppression ou leur trop petite abondance permettent le trai- tement sulfureux aux rhumatismes, principale- ment lorsque la turgescence sanguine a été préa- lablement combattue. Dans ces cas, les bains et la boisson doivent former exclusivement la médi- cation. Cependant, si la forme du rhumatisme l’exigeait, on pourrait essayer l’étuve et la petite douche, en dirigeant cette dernière, d’abord sur les extrémités inférieures, et ensuite sur le siége du rhumatisme. La diathèse hémorrhagique (épistaxis, hématé- mèse , rectonlagie, ménorrhagie) qui contre- indique formellement les eaux thermales de Bagnols, même dans leurs modes d'administration les plus doux, quel que soit le siége de cette diathèse. Les métastases viscérales, simulant différentes maladies internes qui seraient exaspérées par les eaux de Bagnols, si elles étaient primitives, tandis qu’elles en éprouvent des résultats favorables, lorsqu'elles proviennent ainsi du ‘transport d’un rhumatisme du dehors au-dedans. Les organes les plus aptes à attirer ce déplacement, sont : le pou- mon, le cœur, l'estomac, l'intestin, les reins, la ves- sie, larate,le foie et la matrice. On remarque alors dessymptômes qui feraientsoupconner la pleurésie ( 80 ) chronique, ou la phthysie tuberculeuse, l'asthme, l’anévrisme du cœur, la gastrite ou l’entérite, la splénite, la cystite, l'hépatite ou l’hypocondrie, la métrite ou l’hystérie, etc. Le diagnostic de ces affections est assez difficile, surtout lorsque le rhumatisme a envahi directement les viscères, et il en résulte dans le traitement de longues et ficheuses aberrations. Il faut alors demander les antécédens du malade, ses prédispositions per- sonnelles et héréditaires, les vicissitudes atmos- phériques auxquelles il a été soumis. On rassemble ensuite les indications fournies par la méthode exclusive, avec lesquelles on aura dû constater l'inutilité du traitement approprié aux diverses affections dont la maladie actuelle simule les symptômes; enfin, si l’on remarque dans les urines un sédiment muqueux ou glaireux, indice presque positif de l’existence du vice rhumatismal (toutefois lorsque les organes urinaires se présen- tent dans l’état normal), avec ces diverses circons- tances commémoratives, on doit se hâter d’appli- quer les traitemens externe et interne des eaux de Bagnols qui, dans de pareils cas, produisent des guérisons rapides et inespérées. — La préexis- tence d’un rhumatisme externe duquel la sup- pression coïncide avec Pinvasion d’une affection interne, facilite le diagnostic , et demande l’appli- cation immédiate des eaux thermales. — Dans ces diverses occurrences, onlesadministre en boisson (81) simple ou coupée, selon les dispoitions indivi- duelles ; en bains, étuves et douches. Les douches, dirigées d’abord sur les extrémités, le seront en- suite sur le siége des douleurs, mais avec ména- gement. Les affections articulaires, qui comprennent l'in- flammation chronique du périoste, l'engorgement des enveloppes articulaires et la carie des os avec ou sans ankilose: elles sont favorablement modi- fiées par les eaux de Bagnols, qui, en combattant directement le principe rhumatismal, dissipent les gonflemens articulaires, favorisent le jeu des tendons, détergent les ulcères et rétablissent enfin la circulation locale. — La fièvre consomptive et le commencement de la résorption purulente sont des complications contr’indiquant les eaux sulfureuses. — On les administre dans les pre- miers cas en boisson, en douches, en étuves et en bains. Ceux-ci doivent toutefois précéder les douches, surtout s’il y a amaigrissement du membre, rétraction des muscles ou des tendons, et enfin éréthysme prononcé de toutes les par- ties malades. Les névralgies locales parmi lesquelles les plus remarquables sont: la sciatique, le tic douloureux, les névralgies frontale , sus-orbitaire , faciale, dentaire, sous-linguale, trachéale , etc. Ces diffé- rentes névralgies, qui sont ordmairement rebelles aux antiphlogistiques, aux révulsifs, aux dérivatifs, 6 (82) aux anüspasmodiques, ont cédé quelquefois aux bains mitigés et à la douche dirigée, seulement après un certain nombre de bains, d’abord sur les parties les plus éloignées du siége du mal, etenfin sur le siége lui-même, si la douche peut y être appliquée. Toutefois on voit rarement la gué- rison suivre de près l'administration des eaux; elle ne fait que la préparer, et ce n’est qu’au bout de plusieurs mois et quelquefois après deux ou trois saisons que les accidens sont radicalement dissipés. Il existe une forme de rhumatisme qui mérite une-attention particulière, c’est celui qui occupe les enveloppes du cràne et qu’on appelle vulgai- rement cafarrhe cervical. Ce rhumatisme de la tête s'accompagne d’une sensation de pesanteur incommode, remplacée d’autres fois par des dou- leurs violentes; il est en outre compliqué ordi- nairement d’une exaltation vicieuse du système nerveux, et quelquefois d’ophtalmie, d’odontalsie, d'otite, etc.; le siége du mal paraît s'étendre jus- qu'au périoste du crâne. Ces divers symptômes morbides, qui résistent presque toujours aux sai- gneés générales et locales, au séton, au vésica- toire, au moxa, aux sudorifiques, aux antispas- modiques, etc., cèdent quelquefois au traitement sulfureux de Bagnols, sous la forme de bains mi- tigés et de boisson coupée, auxquels on ajoute ensuite, et environ dix jours après, l’étuve et la (85) douche; cette dernière dirigée d’abord sur les pieds et graduellement sur la nuque et sur la tête elle-même. N° 2. Maladies catarrhales. Les maladies désignées sous cette dénomination offrent une grande analogie avec les affections rhumatismales. Leurs symptômes, en effet, sont le plus souvent confondus; cependant :l existe entr’elles une distinction qui facilite beaucoup leur diagnostique. C’est que les rhumatismes attaquent plutôt les muscles, les tendons et tous les tissus de l'appareil articulaire, tandis que les eatarrhes envahissent les membranes muqueuses qui tapis- sent la bouche, le gosier , le poumon, le tube intestinal, la vessie et la matrice. En outre, les rhumatismes offrent ordinairement, du moins au début, l’état inflammatoire; tandis que les catar- rhes affectent le plus habituellement la forme sub- aiguë. Du reste, si ces signes différentiels sont moins tranchés, les conséquences d’une erreur dans le diagnostic seraient peu importantes par rapport au traitement des eaux de Bagnols qui conviennent également à l’une et à l’autre de ces deux espèces d'affection. Parmi les maladies catarrhales auxquelles con- vient plus spécialement ce traitement, il faut citer : L’enrouement ; lequel reconnait pour cause ordi- (64) näire l’action du froid sur la muqueuse laryn- gienne ou pharyngienne, par l’impression d’un air frais et vif, ou par le contact de l’eau lorsque le - corps est en état de transpiration. Cette altération de la voix qui résiste souvent aux boissons chau- des, adoucissantes et sudorifiques, cède ordinai- rement à l’eau minérale de Bagnols, prise en boisson coupée , en bains et en douches. L’aphonie , qui reconnait la même cause et qui est le résultat du rélâchement des cordes vocales, produit lui-même par la subinflammation de la muqueuse laryngienne. Elle est.combattue avec la même efficacité et par les mêmes moyens que l’enrouement; mais le traitement sulfureux devient inutile et il peut être même nuisible, si l’aphonie est symptomatique de la phtysie pulmonaire, d’un ulcère du larynx, ou enfin d’une paralysie des nerfs vocaux. Le catarrhe guttural , lequel est caractérisé par la sécheresse du gosier et de l’arrière-bouche, avee rougeur et inflammation chronique de la mem- brane muqueuse du voile du palais et des amyg- dales, par un sentiment d’aridité incommode qui force toujours à crachoter, et qui est compliqué souvent d’une excitation générale du système ner- veux. Cette affection, ordinairement rebelle aux antiphlogistiques, aux révulsifs, aux dérivatifs, etc., est souvent combattue efficacement par l’eau ther- male coupée avec le lait et prise abondamment, (85 ) par les bains tempérés qui conviennent surtout aux malades dont le système nerveux est surex- cité; par les douches sur les extrémités; et enfin par Pétuve, lorsqu'on soupconne une coïncidence rhumatismale. Le catarrhe guttural, par cause syphilitique , est au contraire exaspéré par les eaux minérales de Bagnols. Le catarrrhe pulmonaire, dit vulgairementrhume de poitrine, affection fréquente chez les personnes dont la poitrine est naturellement ou accidentel- lement délicate, sensible aux vicissitudes atmos- phériques et susceptible de devenir le centre de fluxions qu'accompagne ensuite une irritation ca- ractérisée par la toux et par l’expectoration d’une matière muqueuse plus ou moins consistante, Abandonnée trop long-temps à elle-même, cette affection dégénère trop souvent en lésion tuber- culeuse du parenchyine pulmonaire, — Les eaux de Bagnols sont salulaires contre le catarrhe pul- monaire, lorsque l’alonie y prédomine sur l’irri- tation ; ce qui se remarque principalement sur les individus lymphatiques. Le traitement minéral rend le ressort au poumon, rétablit la transpiration insensible, dissipe les engorgemens du üssu cel- lulaire et des glandes bronchiques, etc. On l’ad- ministre en boisson coupée et on y ajoute les bains tempérés chez les sujets nerveux, surtout quand il y a lieu de soupconner la suppression de la transpiration insensible. Le même traitement (66) est contre-indiqué dans le catarrhe pulmonaire chez les malades sanguins et prédisposés à l'irri- tation, à moins que leur constitution ait été préa- blement modifiée par le régime, et, au besoin, par les moyens antiphlogistiques. Le catarrhe vésical, affection plus fréquente chez les vieillards et caractérisée par la tension dou- loureuse de l'hypogastre, par des envies d’uriner souvent répétées, par une sensation d’ardeur et et d’érosion au col et le long de l’urètre, enfin, par des dépôts glaireux dont la partie la plus pesante reste au fond du vase, et la plus légère à la surface et au centre du liquide. Les eaux sont administrées dans cette maladie sous forme de boisson, de bains et d’étuves. Elles sont contre- indiquées par la complication de l’hématurie et celle d’une dégénérescence, si elle est présu- mée, dans le tissu des reins. La surdité, accident simple ou compliqué de né- vralgie, héreditaire ou produit le plus souvent par descauses de nature catarrhale. On prescrit contre la surdité les douches sur la tête, les étuves, s’iln’ya pas surexcitation nerveuse générale, et quelquefois des injections dans les oreilles. Les bains tempérés conviennent spécialement, s’il y a complication de névralgie. Cependant les injections et les dou- ches peuvent être nuisibles sur des sujets sanguins, conséquemment faciles à l’irritation. Il vaut mieux alors débuter par quelques bains mitigés et puis em- (87) ployer les étuves, et enfin les douches dirigées d’abord sur les pieds, eten dernier lieu sur la nuque. La surdité héréditaire ne permet que l'espoir d’un soulagement , tandis que la surdité accidentelle peut obtenir une guérison radicale. Quelques mots peuvent être ajoutés ici sur la surdité provenant d’autres causes, Lorsqu'elle est consécutive à une fièvre catarrhale, grave, ataxi- que, etc., les bains, les étuves et les douches ten- dent à dissiper la paralysie du nerf auditif, soit par action révulsive, soit par une action spéciale qui élimine le résidu du principe morbifique, —Sielle peut étre rapportée à l’action surles oreilles des vices dartreux, scrofuleux ou psoriques, lesbains mixtes, la boisson et les injections suflisent et dispensent de la douche sur la tête; enfin , lorsque la surdité est compliquée d’un écoulement séreux ou puru- lentdu conduitauditif, l'emploi des eaux de Bagnols exige beaucoup de précautions. Les injections suffisent quelquefois pour linterroripre; mais s’il persiste, il convient d’y ajouter les bains tempérés et la petite étuve. N° 3. Maladies de poitrine. Le docteur Blanquet forme cinq variétés des maladies de poitrine , auxquelles le traitement minéral de Bagnols est favorable, pourvu toutefois que l'affection soit limitée au premier degré de la tuberculisation, savoir : (86) Maladies de poitrine, de nature catarrhale, dé- générées en affection tuberculeuse par la négli- gence ou l'insuffisance du traitement, Maladies de poitrine, par vicesrhumatismal, dar- treux , teisneux, scorbutique , provenant du trans- port de ces principes sur l’organe thorascique. Maladies de poitrine scrofuleuses, le plus sou- vent heréditaires ou consécutives à une pneumonie chronique , à la suppression d’un flux habi- tuel, etc., etc. Maladies de poitrine, précèdées d’'hémoptysie, indépendantes des causes ci-dessus énumérées , chez des individus ayant la poitrine mal confor- mée ou naturellement faible. Maladies de poitrine, provenant spécialement de la suppression des menstrues, ou consécutives aux fièvres intermittentes, typhoïdes, etc. etc. Je passerai sous silence les longues considéra- tions, appuyées elles-mêmes sur un très-grand nombre d'observations cliniques, d’après lesquelles le docteur Blanquet a établi cette division de ma- ladies thoraciques et rempli les cadres affectés à chaque variété, pour me borner à la simple cita- tion des propositions thérapeutiques qu’il en a dé- duites. Toutefois, auparavant, je ferai observer que dans ces différentes affections dont la nature res- sort plus ou moins clairement à ses yeux de l'examen des circonstances commémoratives , le médecin-directeur des thermes de Bagnols applique ( 89) son traitement avec de très-grands ménagemens, ayant à surveiller une double influence de ce traitement sur l'affection primitive dont le trans- port du dehors au-dedans a produit l'altération pulmonaire, et sur cette altération pulmonaire, devenue la maladie prédominante. Il a remarqué souvent, par l’action minérale, les vices dartreux, teigneux, scrofuleux, opérer un second déplace- ment du dedans au-dehors , et alors, en même temps qu'il avait à continuer l'emploi des eaux réclamé encore par l'affection pulmonaire devenue plus simple, il en modifiait les moyens d’appli- cation pour les approprier à la guérison radicale de Péruption. L'eau de Bagnols est utile presque constamment dans les affections thoraciques, de nature catar- rhale, lorsqu'elles ne sont qu’au premier degré. Elle agit en rétablissant la transpiration insensible, en tonifiant le poumon et en faisant révulsion à l'excès de son état fluxionnaire. Elle est également favorable aux affections tho- raciques provenant des vices rhumatismal, dar- treux , teigneux ,etc.,en provoquantle déplacement de ces vices du dedans au-dehors. L’usage continué des eaux, surtout sous la forme de bains, finit aussi par détruire le principe constitutionnel et les accidens externes qui en résultent. Toutefois l’effi- cacité du traitement minéral est beaucoup plus rare dans les affections de poitrine qui dérivent de ( 90 ) Ja diathèse scorbutique; encore faut-il l'avoir com- battue par des remèdes méthodiques; sinon la contre-indication est formelle, L'eau de Bagnols n’est pas inutile dans les mala- dies thoraciques de nature scrofuleuse, bien que ce vice tuberculise essentiellement le parenchyme des poumons. Elle peut enrayer la marche des accidens, si on l’administre avant les progrès de la deuxième période et lorsque les tubercules sont encore dans létat de crudité. S'ils ont suppuré, peut-être contribueraient-elles à retarder du moins la terminaison inévitable de cette maladie. Elle n’est pas absolument contre-indiquée par lhémoptysie même abondante, pourvu que la dernière hémorragie ait eu lieu à une assez longue distance du moment où on l’administre, surtout lorsque le sujet est lymphatique, et que lhémop- tysie est produite par latonie et le relâchement du viscère. L'eau de Bagnols peut guérir indirectement les affections thoraciques consécutives à l’aménorrhée, en rétablissant le flux menstruel, à condition tou- tefois que le traitement soit commencé avant que la poitrinesoit trop gravement altérée. Elle combat avec le même avantage les accidens précurseurs de la phtysie qui se développe quelquefois à la suite d’une fièvre intermittente typhoïde, etc. Enfin la contre-indication de l’eau de Bagnols est générale et absolue avec la diathèse inflam- matoire , la suppuration avancée , la fièvre hectique, (91) les sueurs copieuses, les diarrhées abondantes, et l’hémoptysie active et récente. Dans ces diverses variétés de maladies thoraci- ques, et indépendamment de leurs causes diffé- rentielles, les modes d’administration les plus habituels de l’eau minérale sont la boisson d’abord coupée avec du lait de vache ou d’ânesse, ou une tisane adoucissante, en quantité graduellement augmentée, et plus tard toute pure, les bains tem- pérés, plus ou moins long-temps après eux, les petites douches dirigées doucement sur les parois thoraciques, enfin, l’étuve, dont l'indication spé- ciale est de déplacer du dedans au-dehors la dia- thèse vicieuse, etde laquelle, siune trop vive irrita- tion l’accompagne, on revient de suite aux bains tempérés. Ceux-ci, long-temps continués , combat- tentradicalement les éruptions revenues au-dehors. Æsthmes, humide et sec. Cette affection consiste en une altération fonctionnelle du poumon, carac- térisée par une oppression spasmodique qui gêne à-la-fois la circulation du sang dans le parenchyme et les mouvemensdela respiration, Cette altération est produite, dans ia première variété , par un relâchement de l'organe, par un empâtement des bronches , s’accompagnant d’une expectoration fréquente et plus ou moins abondante d’une ma- tère muqueuse; et dans la seconde, par un état de tension et d’éréthisme, sans expectoration, si ce n'est quelquefois à la fin de l’accès. Dans l'asthme humide, qui affecte ordinairement (9%) des sujets faibles, épuisés, irritables, la boisson coupée et les bains tempérés sont souvent salu- taires. Les bains sont toutefois contre-indiqués par l'hydropisie et l’anasarque consécutives à cette espèce d'asthme. Si les malades sont jeunes et robustes, on peut en outre leur permettre la douche et l’étuve, mais à la condition d'y rester exposés peu de temps. L’asthme sec résiste plus souvent à l’action des eaux de Bagnols. Cependant la boisson coupée peut être efficace indirectement, en combattant le trouble de la circulation pulmonaire et en diminuant la rigidité du poumon. Dans ce cas, les pédiluves et les demi-bains agissent comme ré- vulsifs de l’état spasmodique du viscère, et la vapeur de l’eau que lon peut en outre se borner à aspirer par le guichet de la porte qui sépare la piscine de la salle des étuves; cette vapeur relâche et lubrifie la membrane des cellules aériennes. N° 4. Maladies serofuleuses. Cette maladie, attribuée généralement à l’atonie du système glandulaire et lymphatique , a pour symptômes principaux : lengorgement des glandes mésentériques et des sous-maxillaires, des ophtal- mies séreuses, des fluxions sous lenez, des gonfle- mens articulaires, avec abcès, ulcères, nécroses, etc., etune torpeur générale, la langueur des fonc- tions digestives, un amaigrissement progressif, etc. L'eau de Bagnols est indiquée contre ces divers (95) accidens, et on l’emploie sous forme de boisson, de bains etde douches; maiselle ne semble qu'agir indirectement, c’est-à-dire en complétant lin- fluence d’un traitement antiscrofuleux qu'il est utile d’avoir antérieurement observé. C’est en favo- risant la résolution des engorgemens glandulaires, la cicatrisation des ulcères, l'expulsion des os ca- riés, et en rétablissant les fonctions digestives et avec elles les forces vitales, que se détermine efficacité de la médication sulfureuse. Mais eette efficacité est beaucoup plus douteuse, sans le se- cours préalable d’un traitement spécifique. Toutes choses égales d’ailleurs, les eaux agissent mieux chez les sujets qui n’ont pas atteint la puberté, et lorsque encore le vice scrofuleux n’a pas pro- duit de grands désordres. Les écrouelles, qui appartiennent à ce genre d'affection, peuvent être amendées par les eaux de Bagnols lorsqu'elles affectent une forme ato- nique; mais si elles présentent des accidens in- flammatoires et surtout si elles sont compliquées de scorbut, d’épistaxis, de fièvre et de marasme, le traitement sulfureux est alors rigoureusement contre-indiqué, Le rachitis, cette maladie de l'enfance qui pro- vient de laffaiblissement des forces assimilatrices et qui est caractérisée par la tuméfaction de la parte spongieuse des os, leur courbure et leur déviation, par le volume extraordinaire du ventre, l'engorgement des glandes mésentériques , par la ( 94 ) bouffissure de la face, etc. , etc., indique le trai- tement excitant de Bagnols, qui tend à ranimer les fonctions digestives, à combattre l’engorgement des viscères et des articulations, ét à rendre aux solides leur énergie normale, etc. On l’'administre sous formes de boisson et de bains tempérés. Ces deux moyens suffisent aux enfans; mais on y ajoute la douche pour les malades qui approchent de la puberté. N° 5. Paralysies. Les paralytiques sont très-nombreux parmi les malades de Bagnols; le plus grand nombre en re- viennent soulagés , quelques-uns guéris, et d’au- tres au contraire plus gravement affectés. Ces résultats du traitement minéral sont ainsi modifiés outre les différences des constitutions indivi- duelles, par les variétés de la nature des maladies qui ont produit les paralysies. Plusieurs variétés ont été établies; les principales sont : La paralysie, par action du froid, suppression de transpiration, par affection rhumatismale. — Le traitement est alors indiqué, pourvu que le cerveau ne soit pas simultanément atteint et que le sys- tème sanguin ne soit pas dans un état d’éréthisme. La paralysie , succédant à l’apoplexie provenant elle-même, soit d’une hémorragie cérébrale, soit d’un coup de sang qui, en se portant subitement surl’encéphale, distendsesvaisseauxoutre-mesure, soit enfin de accumulation d’une sérosité plus ou (65 ) moins abondante dans quelques portions du vis- cère. Le traitement minéral est contre-indiqué dans la paralysie, suite de l’hémorragie cérébrale, même après Ja résorplion présumée du fluide épanché. Il est au contraire indiqué dans la para- lysie produite par le coup de sang, pourvu toute- fois qu’on ait détruit, par un traitement prompt et actif, la congestion sanguine et qu'il n’y ait pas de signe d’une lésion cérébrale quelconque. Le traitement est aussi indiqué dans la paralysie, suite de l’apoplexie séreuse, sur laquelle il agit en outre directement par la propriété qu'il a de tonifier les tissus relâchés. | La paralysie, suite d’une chute ou d’une con- tusion. La paralysie, par vices dartreux, psorique, etc. La paralysie, par la piqûre des nerfs. Lc traitement minéral est indiqué dans ces trois espèces, avec les modifications appropriées aux dispositions individuelles. Il est d’ailleurs administré, dans ces divers cas, sous les formes de la boisson coupée et pure, des bains, des étuves (de courte durée) et des dou- ches, dirigées d’abord sur les extrémités infé- rieures, et agissant alors comme dérivatives, et appliquées ensuite sur la tête avec de grands mé- nagemens, Le même traitement est contre-indiqué dans d’autres paralysies, quelle que soit la nature de leurs causes ; (2%) Quand le cerveau est affecté organiquement, état qui se démontre par les vertiges, les douleurs de tête habituelles, une altération profonde des facultés intellectuelles , labolition d’un ou de plusieurs sens; Quand il y a tendance manifeste à la congestion cérébrale; Quand l'irritation prédomine , avec des douleurs ‘violentes; Quand il y a tremblement, rétraction et amai- grissement d'un ou de plusieurs membres; Enfin, quand on a lieu de supposer le ramollis- sement du cerveau ou de la moelle épinière. N° 6. Maladies cutanées. Malgré la grande diversité de leurs formes, les maladies cutanées peuvent se rapporter presque toutes à une nature analogue, et conséquemment le même moyen peut exercer sur elles une effica- cité conforme, modifiée seulement par les diffé- rences individuelles. Il faut encore établir une exception pour les mêmes maladies qui ont une origine héréditaire. La guérison de ces dernières ne peut être, toutes conditions égales d’ailleurs, aussi rapide ni aussi solide que celle des maladies accidentelles. Les eaux de Bagnols remplissent, dans ce genre d'affection ,une double indication : celle de changer le mode de vitalité de la peau, et celle d'attaquer le vice spécial dela constitution. Mais encore est-il (92) nécessaire que leur administration soit précédée ctaccompagnée d’un régime hygiénique et médica- menteux, capable de rompreleshabitudes vicieuses de l'appareil cutané. Voici d’ailleurs les circons- tances qui favorisent l'influence spécifique de l’eau minérale sur les exanthèmes de la peau, lesquels à Bagnols se présentent le plus fréquemment sous les formes de la gale et du porrigo : si le malade est jeune et qu'il ne provienne pas d'auteurs dar- treux; s'il est d’un tempérament lymphatique, peu sanguin ou non irritable; si l’invasion du mal est récente; s'il n’y a pas d’ulcérations ou du moins qu’elles soient peu profondes; enfin, s'il n’y a pas de complication scorbutique, Dans les conditions opposées, les eaux de Bagnols seront inefficaces et quelquefois même nuisibles. On les administre en boisson coupée et en bains, auxquels on ajoute la douche et les étuves, s'il y a complication rhumatismale, pourvu encore que la portion de la peau malade ne soit pas ulcérée ni trop délicate, ni trop disposée à l'irritation. N° 9. Maladies laïteuses. L’étiologie des affections ainsi désignées est loin d'être déterminée. Les uns admettent que le lait peut, en se supprimant, envahir le parenchyme des viscères ou le tissu cellulaire sous-cutané; d’autres, que le lait, abandonnant ses vaisseaux sécréteurs, se mêle avec le sang ouaveclalymphe ; 7 ( 98 ) d’autres enfin, que cette suppression s’opère im- punément. En laissant celte question dans son incertitude , on ne peut contester qu'avec la sup- pression brusque du lait coïncident ordinairement divers accidens morbides, soit la production de tumeurs externes plus ou moins volumineuses, soit des symptômes de congestion sur la poitrine, le cerveau ou d’autres viscères. L'action des eaux de Bagnols sera donc observée sur les maladies, sinon symptomatiques, du moins consécutives de la suppression prompte du lait. Mais cette action doit être dirigée avec les plus grands ménagemens, de sorte à ne produire qu'une résolution lente et graduée des tumeurs ou des engorgemens chro- ques, dontla disparition trop rapide risque souvent de donner lieu à des métastases très-graves. On emploie alors l’eau minérale seulement en boisson coupée et en bains tempérés. Elle est contre- indiquée par la disposition des tumeurs à l'inflam- mation suppuratoire. N° 6. Maladies utérines. Ce genre de maladies comprend : La leucorrhée ou fleurs blanches, écoulement passif d’une matière muqueuse ou puriforme par le vagin, qui provient soit du dérangement de la transpiration, soit d’une fluxion catarrhale ou rhumatismale ; de l’affaiblissement naturel ou ac- cidentel de l'utérus ; des vices dartreux, psorique (°99 ) et teigneux ; ou parfois d’une atonie particulière des forces digestives, à laquelle se joint le plus souvent une surexcitation du système nerveux. L'état d'atonie et de fluxion dont sont alors affec- tées les parties génitales, recoit une double indi- cation des eaux thermales de Bagnols, qui forüfient à-la-fois les organes digestifs et utérins, tandis qu’elles rompent le vice fluxionnaire par une forte révulsion sur la peau. Elles s’administrent par boissons, bains, douches et étuves. Elles sont contre-indiquées par la pléthore générale ou lo- cale, par l’orgasme trop prononcé de la matrice, ct enfin par une exaltation vicieuse du système nerveux. Toutefois cette dernière complication peut être efficacement combattue par l’eau en boisson mitigée et par les bains tempérés. La chlorose ou püles couleurs, affection carac- térisée par la décoloration de toute la peau, la paleur des gencives, l’affaiblissement des forces digestives, la torpeur des membres,'les palpi- tations, la céphalagie et tous les symptômes ordi- naires du trouble de la circulation sanguine. Les eaux de Bagnols, par leur action sur l’atonie des organes digestifs, sur la stase de la circulation et sur linertie de tout l'organisme, réalisent les in- dications principales de cette maladie, surtout quand elle est, en outre, accompagnée de la sup- pression ou de la diminution des règles. On les administre en boisson coupée et en bains mitigés. ( 100 } L'aménorrhée ou la suppression du flux mens- truel, et les accidens précurseurs de sa première apparition. La propriété emménagogue des eaux de Bagnols est constatée indirectement par l’avan- cement des menstrues qu’en éprouvent presque toutes les femmes qui les emploient pour une affection quelconque; d’où se déduit, pour toutes les malades menstruées qui se rendent à Bagnols, le précepte d'entreprendre le traitement minéral peu de jours après leurs dernières époques; car le cours naturel ou anticipé, par accident des règles, contre-indique l'application de ce trai- tement. Les accidens consécutifs, soit à la suppression complète, soit à la diminution des règles, varient selon les causes et les dispositions individuelles; ils sont tantôt inflammatoires, tantôt atoniques , etc. Ne se bornant pas toujours au viscère utérin, qui devient alors fluxionnaire, ils se répandent sur un ou plusieurs viscères; avec un trouble plus ou moins prononcé dans les appareils sanguins et nerveux. Les eaux de Bagnols ne détruisent pas absolument toutes les causes et tous les effets de ces dérangemens de l'utérus, mais leur utilité est incontestable dans presque tous les cas où la sup- pression est récente, le tempérament lymphatique, avec ou non co-existence de chlorose, mais pourvu qu'il n’y ait pas pléthore générale ni lésion pro- fonde d'aucun viscère, Elles sont inefficaces chez ( 101 ) les femmes non menstruées à l’âge de vingt et et vingt-quatre ans, chez celles dont l’aménorrhée date de trois et quatre ans, enfin aussi chez celles dont la menstruation est précédée, plusieurs jours d'avance , de coliques violentes. Mais chez les filles pubères, elles favorisent la première invasion du flux périodique. Dans les cas indiqués, on admi- nistre l’eau thermale en boisson, bains de jambes, demi-lavemens, et en douches dirigées d’abord sur les pieds et ensuite sur la région lombaire. La stérilité, Les eaux minérales de Bagnols par- tagent, avec d’autres sources médicamenteuses, le préjugé d’une vertu bienfaisante contre l’inap- titude à la fécondité. Cetteréputation, mal fondée en général, offre cependant quelques exceptions favorables; mais dans ces cas, leur efficacité ne peut être jugée que comme très-indirecte. Ainsi elles ne pourraient produire du succès que sur les stérilités qui ne dépendent pas d’un défaut de conformation ou d'une lésion de l'utérus; mais seulement de l'irrégularité et de la suppression des règles ou de la faiblesse de la région lombaire, ou de l’atonie et de la rigidité de la matrice. La guérison de ces dernières affections pouvant être obtenue du traitement spécifique de Bagnols, con- venablement modifié, pourrait amener consécu- tivement la guérison dela stérilité, si celle-ci était entretenue par l'influence de l’une ou de plusieurs de ces affections, Toutefois la stérilité ne dépend. ( 102 ) pas toujours exclusivement de la femme; elle peut encore dériver d’un défaut inhérent à l’homme, tels que l’impossibililé d’éjaculation, par suite de obstruction ou de la paralysie des vaisseaux sper- matifères , la faiblesse lombaire, etc., etc. Les eaux de Bagnols ont opéré, par un mode d’agir qu’on ne prétend pas toujours expliquer, sur l’un et l'autre sexe des modifications qui ont eu pour résultat une grossesse prochaine après plusieurs années de stérilité; et ce phénomène n’a pas été observé seulement sur des femmes qui avaient employé le traitement de Bagnols, mais encoresur d’autres femmes dont les maris seuls s'étaient ap- pliqués le même traitement. N° 9. Maladies , suite des affections vénériennes et du iraitement mercuriel, Le traitement minéral de Bagnols est appliqué avec succès contre les accidens consécutifs à la syphilis, tels que douleurs ostéocopes, roideur des articulations, éruptions cutanées, faiblesse locale ou générale, de même qu'aux accidens consécutifs à l’action du mercure sur les appareils nerveux, musculaireei lymphatique. Letraitement est contre- indiqué dans la période aiguë de la syphilis et dans la lésion du cerveau produite par l'effet de l’admi- nistration de la médication mercurielle , lorsque cette lésion se démontre, soit par la paralysie d'un ou de plusieurs membres, soit par le trem- blement, ( 105 ) N° 10. Fuiblesse générale , état nerveux, gas- tralgie, etc., etc. La faiblesse générale : cet état d’épuisement, de prostration de toutes les forces vitales, avec atonie des organes digestifs, hypocondrie, ver- tiges, hébétude, quelquefois compliqué de semi- norrhagie , etc,, reconnait pour causes les plus fréquentes, les maladies graves dont la conva- lescence a été mal dirigée, les excès vénériens, une prédisposition héréditaire transmise aux en- fans par des parens scrofuleux, phtysiques, etc. Le traitement de Bagnols est très-favorable à cet état. On ladministre sous forme de bains mitigés ‘abord , puis graduellement élevés à 32°, de la boisson prise depuis un verre jusqu’à six 2 progressivement dans la journée, simple ou coupée avec le lait, les bouillons de veau ou de poulet, une tisane adoucissante, ou enfin avec les sirops antiscorbutique et de quinquina. L’élal nerveux : dénomination vague qui expri- mera ce dérangement, présumé de nature ner- veuse, des fonctions les plus importantes, s’ac- compagnant d’une surexcitation vicieuse de tout l'organisme, avec prédominance du trouble fonc- uonnel d'un organe particulier, soit de lestomac, soit du poumon, soit de l'utérus, etc., représenté conséquemment d’après ces différens siéges, par la gastralgie, la dyspnée, l’hystérie, un tremblement (104) général ou partiel, etc. Cet état, contre lequel échouent ordinairement d’autres moyensrationnels ou empiriques , est avantageusement combattu par le traitement de Bagnols, en bains tempérés et en boisson coupée, prolongés plus ou moins long- temps, suivant la date de l'affection, La gastralgie , à l'état chronique. Cette maladie, malgré son extrême fréquence, est loin d’être bien déterminée par les nosologistes, Mieux connue par ses désordres fonctionnels que par sa nature pa- thologique, elle est tour-à-tour considérée comme une gastrite chronique , une affection rhumatismale ou catarrhale, ou asthénique ; comme un embarras bilieux; enfin, comme une névrose. Ce dernier caractère lui serait attribué par le plus grand nombre. Quoiqu'il en soit, le traitement minéral de Bagnols, appliqué comme moyen rationnel par les uns et empirique par les autres dans la gas- tralgie chronique, a été reconnu favorable dans les cas suivans : chez les malades lymphatiques, éprouvant une inappétence habituelle, sans fièvre ni douleurs; chez les malades nerveux, éprouvant des rapports acides dans l’œsophage et même des vomissemens; chez d’autres malades atteints du vice rhumatismal , avec coïncidence du trouble des fonctions digestives; chez les femmes chloro- tiques, etc., etc. Des douleurs épigastriques, pro- venant directement d’un effort violent, d’une chute ou d’un coup, et les symptômes bien mani- ( 105 ) festes dela gastrite chronique, contre-indiquent les eaux de Bagnols qui, dans les cas précédens, s’administrent seulement en boisson coupée et en bains tempérés. L'influence salutaire du même traitement s’est remarquée dans d’autres affections nerveuses pro- venant de l’empoisonnement ou consécutives à des fièvres graves qui ont ébranlé vivement le système nerveux; caractérisées, les unes par des convulsions passagères, des crampes épigastriques et des vomissemens rebelles; les autres par un affaiblissement des fonctions intellectuelles , le mutisme, l’hébétude, par la paralysie d’un ou de plusieurs membres; quelques-autres enfin par une surexcitation de tout l’appareil nerveux ou par le trouble particulier des fonctions d’un seul or- gane, etc., etc. Les -obstructions des viscères abdominaux. Ce genre d’affections dont l'étiologie est loin aussi d’être régulièrement fixée, indique le traitement minéral de Bagnols, quand on soupconne l’alté- ration viscérale en rapport avec une influence rhu- matismale ,rachitique, scrofuleuse, psorique, etc. , et surtout quand il y a prédominance de l’atonie. La préexistence d’un état d’irritation doit rendre très-circonspect dans l'application du même trai- tement, que proscrit d’une manière absolue la complication du moindre symptôme franchement inflammatoire. ( 106 ) N° 13. Fractures, luxations , plates, ulcères, etc. Les fractures. Ce n’est que dans leurs accidens consécutifs qu’elles sont modifiées efficacement par les eaux de Bagnols, et lorsque le cal est par- faitement consolidé, au moins cinq mois après leur origine ; car ces eaux ont la propriété de détruire le cal lorsqu'il est récent. Leur action favorable se démontre principalement dans les fractures des os longs, vers leurs extrémités, les- quelles fractures sont ordinairement compliquées de distension, dilacération des ligamens et des capsules articulaires, d’inflammation chronique , d’engorgement, d’ankylose, etc. Les eaux s’admi- nistrent, dans ce cas, en boisson, bains mitigés et purs, et spécialement en douches. Les luxations. La roideur et la douleur qui per- sistent dans quelques luxations, malgré leur par- faite réduction, obtiennent habituellement une facile résolution par l'effet des bains, des douches et du lavage des eaux de Bagnols. Contre les acci- dens plus graves qui accompagnent la réduction incomplètement opérée, tels que l’engorgement, la rigidité et souvent l’immobilité du membre, quelquefois même l’ankylose, les douches jouissent d’une propriété plus active que les autres moyens; elles dissipent Pengorgement, lubréfient les liga- mens et les tendons, et rétablissent quelquefois la première liberté des mouvemens articulaires. Les entorses. Les entorses graves qui ont pro- (107) duit la distension forcée et quelquefois même la rupture des capsules, des ligamens et des aponé- vroses articulaires; accidens auxquels succède iné- vitablement une inflammation violente et rebelle; ces entorses n’obliennent leur guérison du traite- ment minéral de Bagnols que lorsqu'elles ne sont pas trop anciennes. Dans le cas opposé, elles se compliquent du type rhumatismal, et devenant alors sujettes à l'influence des variations atmos- phériques, elles sont plus difficiles à être soulagées par le même traitement. Il est un genre d’entorses non moins rebelles à l’action minérale; ce sont celles qui ont été produites par l’effet des manœu- vres des fameux rhabilleurs sur des malades atteints de simples foulures ou de douleurs rhumatismales, ou du vice scrofuleux au siége d’une articulation sur laquelle ils sont parvenus à développer des entorses réelles, en tiraillant avec une stupide et violente opiniätreté les capsules dont le déchire- ment produit essentiellement des inflammations, des «bcès fistuleux, la carie, et enfin souvent, pour dernière terminaison, la mort. Les plaies, par armes à feu, par instrumens tranchans et piquans. Dans les plaies d'armes à feu, leseaux de Bagnols agissent, sous la forme de douches, en dissipant l’engorgement consécutif et quelquefois, en outre, en favorisant, par lou- verture des cicatrices, la sortie des esquilles osseuses, des fragmens de projectiles, des lam- beaux de linge, etc. Dans les blessures par instru- ( 108 ) mens tranchans et piquans, les eaux sont indiquées surtout lorsque des vaisseaux artériels, des nerfs, des aponévroses, des ligamens ou des tendons ont été intéressés, d’où s’ensuivent l’engourdissement des membres, des douleurs, la rétraction, la roi- deur et quelquefois même l’immobilité. Les acci- dens consécutifs des plaies latérales , par instrumens tranchans, surtout celles du genou, de l’articula- tion huméro-cubitale, du poignet, du pied, sont encore plus graves et presque toujours compliqués d’ankilose. Contre ces divers désordres, la médi- cation thermale de Bagnols ne peut exercer une influence satisfaisante que si son emploi a été pré- cédé d’un traitement rationnel et prolongé. On administre alors les eaux sous formes d’étuves et de douches. Il est souvent indispensable de les continuer durant plusieurs saisons. Les ulcères, Certains ulcères entretenus par l’atonie des parties affectées, sont combattus effi- cacement par les eaux de Bagnols, pourvu qu'ilne s’y joigne pas l'influence d’un vice spécifique, tels que le scorbut, la syphilis, etc. La gangrène. Enfin, influence salutaire du trai- tement de Bagnols s’exerce encore dans les accidens consécutifs aux plaies produites par la gangrène, où s’est fait une plus ou moins grande déperdition de substance. En lubréfiant les chairs de cicatrisa- tion, les eaux diminuent la roideur qui leur est propre, et conséquemment favorisent les mouve- mens des parties voisines, ( 109 ) AA AAA AA AA AA A MA MY VA AV AR UV A AAA AAA AAA AA AA AA AA AA AA AR VE ESQUISSE GÉOGNOSIQUE DU CANTON D'ALLÈGRE. D ——— En publiant la carte qui accompagne cette Notice, nous avons eu un double but. Faire connaître d’abord la topographie du canton d'Allègre; indi- quer ensuite quelle est la position et la limite des différens terrains qu’on y rencontre. Nous n’avons rien à dire ici quant au premier point, quoique ce soit là le résultat qui nous ait le plus préoccupé et que nous avons le plus désiré d'atteindre, si ce n'est que ce travail est une rédaction aussi exacte qu'il nous a été possible des cartes communales qui ont, il y a quelques années, été dressées par les employés du cadastre. Nous avons pensé qu’il y avait une lacune dans cet intéressant et im- mense travail, et nous nous sommes efforcé de la combler avec les matériaux que nous avons trouvés sous notre main. Heureux si le résultat répond à notre désir d’être sur ce point utile à nos concitoyens! Heureux surtout si notre pensée est comprise par des personnes qui sauront la réaliser mieux que nous n'avons pu faire! Quant au second point, pour faire comprendre ( 110 ) les teintes diverses que nous avons placées sur la carte, nous donnerons brièvement quelques expli- cations sur l’état et la formation de celte partie su- périeure de la vallée de la Borne. Nous n’entrerons pas dans de grands développemens, car nous ne comprenons pas l'utilité qu'il pourrait y avoir à répéter des descriptions déjà connues et à revenir sur des faits désormais acquis à la science. Disons d’abord, pour procéder avec plus de méthode, un mot sur lhydrographie du canton d’Allègre ; voyons comment les eaux s’y distribuent et quelle est leur direction. Ceci servira à faire mieux comprendre l'alternance ct le contact des divers terrains. Trois rivières qui coulent du nord au midi et se réunissent pour former la Borne, ont creusé trois vallées qui ont la même direction que la partie supérieure de la vallée principale. Les deux Bornes qui partent presque du même point, à lextrémité nord du canton, se réunissent vers la partie sud, après s’être frayées un lit assez pro- fond, d’abord dans le gneis, puis dans les terrains basaltiques. Le ruisseau de Montredon coule sur un plateau où la pegmatite se montre souvent en contact avec le gneis et ne se réunit à la Borne que dans le canton de Saint-Paulien. Les vallées latérales sont peu nombreuses; la Borne occiden- tale en a trois , qui seules présentent quelque étendue et qui toutes sont dirigées de l’ouest à l’est. dt EE ( 319 Nous avons indiqué, par des points placés sur la carte, la ligne de partage des eaux et le point de contact de notre petite vallée avec les trois grands bassins de la Limagne, de la Dore etde l'Emblavez, qui forment autour d'elle une demi-circonférence. Les points culminans sont les trois cratères ba- saltiques modernes de Bard, Boury et Brozy. Le dernier seul est placé sur la limite de la vallée. Nous avons indiqué sur la carte la hauteur de ces montagnes, ainsi que celle de quelques autres localités. Nous allons maintenant, en suivant l’ordre des superpositions, dire un mot de la nature et des gisemens des différens terrains. Le granite commun, à petits grains, forme la partie inférieure du sol. Il est rarement à décou- vert en grandes masses; mais il présente de nom- breuses éminences. Le gneis est presque toujours en contact avec lui, et fort souvent ils se mélent et se confondent de telle sorte que la distinction de lune ou l’autre roche est fort difficile. Immédiatement superposé au granite dans la plupart des localités, le gneis présente toutes les variétés qui constituent cette roche. Tantôt ses élémens sont parfaitement distincts et isolés, et tantôt ils semblent se confondre, Les couches, dont le plus ordinairement la direction est de l’est- nord-est à l’ouest-sud-ouest , forment avec l’ho- rizon un angle de 70 à 80 degrés; souvent même (4522) elles approchent de la verticale. Un point essen- tiel à constater, c’est que la direction et lincli- naison sont à peu près les mêmes sur la limite orientale et occidentale de la vallée, quoique la nature et la disposition de la roche change pres- que complètement. Sur la ligne de faîte, qui part de Fix et s'étend jusque par-delà la Chapelle- Bertin, le gneis formé de couches schisteuses parfaitement distinctes, est presque en totalité composé de quartz et de mica. Le feldspath s’y trouve dans une très-faible proportion. A partir de la Borne occidentale jusqu’au terrain basaltique qui s'étend d’Allègre à Vernassal, le grain qui com- pose la roche gneissique diminue de grosseur; il devient plus fragmentaire et plus compacte, et le feldspath s'y montre déjà en plus grande abon- dance. De l’autre côté du terrain basaltique, vers Céaux et le Bechoux, le mica devient plus rare; il n’est plus disséminé dans toutes les parties de la roche; il s’isole et se présente par petites lames superposées. Dans certains points, il disparait complètement, et le terrain est alors presque en- tièrement composé de feldspath lamellaire où se retrouvent à peine quelques cristaux de quartz. En se dirigeant plus à l’est, vers Langlade et Du- mignac, le feldspath passe du blanc au rose et le gneis se trouve fortsouvent mêlé à la pegmatite. De Themey et Salaver , limites du feldspath lamellaire à la rivière d’Arzon, le grain du gneis augmente, ( 5) et la proportion entre ces trois élémens consti- tutifs se rétablit. Les micaschistes qui, nulle part, ne se montrent à découvert avee quelque importance, se mêlent cependant dans une assez grande proportion aux conglomérats pouzolitiques. La montagne de Mont- Chaud et la base du cratère de Boury sont les deux points où l’on peut le plus facilement les observer. La serpentine se trouve quelquefois en filons au milieu des gneis, et la montagne de Ringue, dont le sommet est couvert de prismes basaltiques, pré- sente un fort curieux exemple de cette association. Les filons de baryte sont abondans au milieu des gneis. Nous en avons observé, dans la partie occi- dentale de la vallée, deux dont lPépaisseur varie de 35 à 7o centimètres. Ils se trouvent dans un gneis à larges lames de mica et ne présentent aucuns minerais. Nous avons trouvé, à peu de distance , de l’amiante dont il nous a été impos- sible de découvrir le gisement. De Corbières, sur le chemin qui mène à Céaux, un filon de baryte sulfatée, d’une épaisseur de 4o centimètres en- viron, contient une légère partie de minerai de plomb. Il en est une autre, d’une nature sem- blable, sur le chemin d’Allègre à Fix, près du ruisseau de Rivaudet. Le filon qui mérite le plus de fixer l’attention, est celui qui forme une arète au sommet de la 8 ( 114 ) montagne située entre Dumimiac et la Redonde. I] est composé de chaux fluatée, associée à une faible portion de baryte. Le quartz s’y mêle dans certains points. Placé à la partie supérieure de la montagne, il coupe le gneis et le granite et s'élève à une hauteur d’environ 950 mètres. Sur les flancs de la montagne et dans quelques points environ- mans , on trouve de la pegmatite; mais le chan- gement presque continuel qui existe dans la com- position de cette roche qui tantôt présente du: mica en assez grande abondance et tantôt en est complètement dépourvue; qui tantôt offre un grain très-fin et très-compacte et tantôt les élémens divers du granite parfaitement caractérisés, nous a empêché de lui assigner sur notre carte une couleur particulière. Cette localité, où s emontre assez abondamment le silex corné et le quartz résinite, est aussi fort riche en beaux échantillons de quartz hyalin. Le redressement constant des couches de gneis, dans toutes les parties de la Borne, empêche de pouvoir observer les faits qui pourraient nous per- mettre d’induire avec certitude si cette montagne est due au soulèvement ou simplement à l’érosion. Cependant ce qui, à notre avis, semble combattre d’une manière décisive l’hypothèse d’un soulève- ment partiel, c’est la présence sur la montagne de Langlade, qui évidemment n’a pas été soulevée, de toutes les roches qui sont sur celle-ci, à l’ex- ( 115 ) ception toutefois de celles qui constituent le filon. La montagne de Langlade n’a été en effet séparée de celle qui nous occupe que par le petit ruisseau qui coule maintenant entre elles deux, et aucun dérangement, autre que celui produit par le re- dressement général des couches de gneis, ne s’y fait remarquer, quoiquela direction dufilon, dont la largeur est de trois mètres, soit perpendiculaire à ce redressement. On peut donc conclure de l'observation de oe seul fait que le gneis, moins adhérent et plus friable que la chaux fluatée, a opposé moins dé résistance à la dégradation des eaux et du temps, etque c’est ainsi que s’est formée la montagne. Les terrains vulcaniques qui recouvrent environ un cinquième de la surface du canton, présentent deux formations basaltiques bien distinctes. La pre- mière, qui appartient aux basaltes anciens, n’a re- couvert que quelques sommets gneissiques. Toute- fois un fait important à observer, c’est la dispa- rition en ligne droite de ceux placés à l’ouest; ceux à l’est rayonnent autour de Montredon. Le pyroxène abonde dans les terrains basaltiques anciens, mais les autres minéraux cristallisés y sont fort rares. Les conglomérats pouzolitiques ou brèches, qui presque toujours sont interposés entre le gneis et les produits volcaniques, offrent un mélange qui mériterait d’être étudié avec beau- coup de soin. Le plus souvent en effet on ne sait (116 ) quelle origine leur attribuer: on ne peut décider s'ils ont été formés par la voie sèche ou par la voie humide, s'ils ont été produits par des érup- tions boueuses ou par des dépôts dans les eaux. Ainsi, il n’est pas rare de trouver sur des sommets volcaniques fort élevés, des conglomérats, dont la disposition en couche et le grain variable sem- blent indiquer une formation aqueuse, tandis que dans le fond des vallées les brèches semblent ap- partenir à des éruptions boueuses (1). Le terrain basaltique moderne est certainement le plus curieux qu’on puisse étudier dans le canton d’Allègre; car à la beauté de ses cratères se joint la facilité d'observation des roches nombreuses qui de toute part sont mises à nu par l'érosion. Il serait peut-être difficile d'établir dans ce ter- rain une subdivision qui eût des caractères bien déterminés. Toutefois il y a dans la nature diffé- rente des roches de diverses localités une distinc- tion importante à faire. Ainsi, tandis que sur cer- tains points la lave semble n’être qu’une modifi- cation légère des basaltes anciens dont elle contient (1) Je dois indiquer, comme un des points les plusimportans à examiner sous ce rapport, la montagne de la Durandelle, dans le canton de Saint-Jean-de-Nay. Sur son sommet, à une hauteur de 1215°",on trouve des conglomérats pouzolitiques qui semblent avoir été déposés dans les eaux. Mais les eaux du bassin du Puy se sont-elles jamais élevées à cette hauteur! Est-ce le résultat d’un soulèvement partiel! C7 une partie des élémens, sur d’autres les coulées presque -scoriacées se rattachent évidemment aux dernières éruptions qui ont eu lieu dans la vallée du Puy. Nous suivrons, pour l’ordre de nos observa- tions, cette marche de la transformation des roches. Trois localités sont essentielles à étudier, pour reconnaitre les modifications du terrain basaltique moderne. Ce sont les trois cratères de Boury, Brosy et Bard. Le cratère de Boury, placé sur la montagne qui domine Allègre , a la forme d’un fer à cheval. La partie est du cratère s’est abimée, mais les autres sont d’une conservation parfaite; et nous ne com- prenons pas que lPimagination d’un antiquaire ait pu trouver là l'emplacement d’un camp romain et qu'il ait pris pour des travaux humains les laves scoriacées qui ont coulé sur la partie supérieure des lèvres du cratère. Nous ne nous arrêterons pas à réfuter cette opinion, que la seule inspection des lieux détruit complètement. Une petite butte placée à l’est, dans l’espace nommé la Croix-de- la-Pendue, semble avoir été sur ce point la limite du cratère. Les caractères de la roche de ce cône volcanique et l’abondance du pyroxène établissent une grande similitude entre ce terrain et celuides basaltes anciens. Les nombreux fragmens de gra- nite et de gneis qu'on y rencontre, nous font penser que la force volcanique s’est d’abord fait jour sur ce point et que ce n’est que plus tard, ( 118 ) après que le cratère a été comblé par l’éboule- ment, que des déjections ont eu lieu sur l’empla- cement qu’occupe la montagne de Bard. L’abon- dance du péridot et le volume des rognons qu'on trouve au milieu des lames volcaniques de ce cratère, viennentencore confirmer nos observations et ajouter à la vérité. Le cratère de Bard est formé en grande partie par des scories qui sont éparses sur la montagne et qui larecouvrent presque sur tous les points. Quel- quefois elles s’agglutinent et présentent, comme à la base orientale de ce cône, des brèches scoria- cées à ciment de laves. Le péridot, qu’on ne trouve nulle part dans le bassin du Puy en plus grande abondance, offre ordinairement un aspect d’un vert clair; il est granulaire et parsemé de grains plus foncés. Au contact de l'air, il se décompose et prend une couleur rouge qui se rapproche de celle du fer oxidé. Ces noyaux de péridot, tantôt isolés et tantôt mêlés aux laves, forment le plus souvent le centre des larmes volcaniques. Dans l'intérieur du cratère , où était autrefois un lac, des décompositions végétales ont produit une espèce de tourbe. La lave de Brosy, quoique plus compacte que celle de Bard, est déjà une transformation pres- que complète de basalte. Elle est légèrement por- reuse, contient encore quelques cristaux de py- roxène, mais abonde surtout en fragmens très- (119) tenus de granite et de péridot. Quoique le cratère soit presque entièrement comblé, la disposition du terrain en indique cependant la forme. Le pla- teau qui est au sommet de la montagne est cir- conscrit par de petites éminences isolées qui en formaient autrefois les bords; la partie nord-est s’est seule affaissée, Au centre est un mamelon qui probablement est le sommet d’un petit cône qui s’est formé à la partie centrale du premier et qui l’a comblé par ses déjections. Nous devons enfin dire un mot de la montagne de Puychaud dont le sommet appartient aux ter- rains basaltiques modernes, mais dont la base fournit l'indication des terrains tertiaires qui se trouvent dans le bassin du Puy. Les ravinemens qui ont eu lieu au sud présentent de profondes excavations qui permettent d'étudier les différentes couches qui se sont superposées. La base de la montagne est un gneis à pelit grain; puis vient un grès psammite qui n’est qu'un remaniement des élémens constitutifs de ce premier terrain. Des marnes rouges, une faible couche de calcaire très-siliceux, des sables et des cailloux roulés de la grosseur d’une amande, s'offrent ensuite dans l'ordre que nous indiquons ; des conglomérats pouzolitiques et des prismes basaltiques que recou- vrent des scories, forment le sommet de la mon- tagne. À la partie inférieure des conglomérats, sont placées deux couches, de trois pouces environ, ( 120 ) qui présentent un grès qui par ses caractères forme un passage entre les sables et les brèches. On y rencontre de nombreuses empreintes végé- tales. Ces dépôts tertiaires d’une faible puissance et le peu de grosseur des cailloux roulés nous font penser que c’était là la limite des eaux du bassin du Puy, à l’époque où se sont formés les terrains tertiaires. Entre cette montagne et la Roche- Lambert, où l’on avait assigné la limite de ce dernier terrain, le gneis est à découvert de telle sorte que les formations de la base de Puychaud, isolées des dépôts auxquels elles se rapportent, ne doivent leur conservation qu’au chapeau basal- tique qui les a couvertes et les a protégées contre les injures du temps et l'action érosive des eaux. .{ 2229 AAA A A MUR A AA A AA AS VAN VV VV MAUR VV AU LU VAR MAR VV AVR AU LU MR VUS LUE VU a MÉMOIRE Ji. , ; x Sur les Origines étymologiques du Velay ; Par M. SAUZET, curé de Loudes , membre non résid. Fronte exile negotium, Et digaum pueris putes Agressis labor arduus Nec tatabile pondus est. TERENTIUS MAURUS , Traité sur Les lettres et syllabes, Rien de plus intéressant que les recherches étymologiques pour celui qui a quelques heures à donner à l'étude des antiquités. Les noms imposés à certains lieux d'habitation, à des par- ties de territoire , à certaines rivières ou ruis- seaux, à telles ou telles montagnes, à tels rochers mêmes qui ont survécu aux diverses révolutions qui se sont succédées dans notre belle patrie, sont des débris instructifs et précieux qui, dans tous les temps, ont puissamment aidé aux investigations de larchéologue. Qu'on refuse d’attacher à ces preuves une 1m- portance aussi haute qu'à celles qui résultent des faits, qu'on repousse également et les fausses conjectures et les interprétations hasardées, rien de mieux; mais tout rejeter sans préalable examen, ( 122 ) se priver de ces preuves si éminemment historiques par cela même qu’elles ne sont que des étymo- logies, et qu'on a fait trop souvent de Pétymologie un déplorable usage, cette marche est aussi peu rationnelle qu’elle est peu progressive. Car il s’en faut que tout soit accidentel dans la nomenclature locale. Un fait reconnu des savans, hors de toute contestation, c'est qu'il était d'usage chez les anciens, chez les Gaulois surtout, d'imposer aux rivières, aux montagnes, aux habi- tations qu'on fondait, des noms dérivés de leurs positions, de la nature de leurs produits, de la consécration des lieux, de la forme des habita- tions, soit prises isolément, soit considérées res- pectivement entr'elles. Ce mode a été général, de tous les temps, de tous les lieux, parce que la marche de l’esprit humain a été la même partout, chez les peuples civilisés comme chez les peuples sauvages. Les recherches étymologiques ont encore cet avantage qu’on peut souvent, au moyen de Pana- lyse et de la décomposition des mots, parvenir à assigner à un grand nombre de points qui exis- tent dans la division agraire, les diverses époques, si non fixes, du moins approximatives, auxquelles se rattachent leurs dénominations. Elles peuvent fournir quelquefois, pour les époques les plus reculées et les moins connues, des lumières pré- cieuses sur la statistique territoriale et même { 123 ) industrielle du pays. Il est des notions qui, isolées, paraissent indifférentes, mais qui, rapprochées avec d’autres semblables, répandent une lumière inattendue (1) et suppléent quelquefois au silence de l’histoire. (1) Je m’occupais dernièrement , à Pradelles, à parcourir un vieux papier, cherchant, je ne sais quelles limites , lorsque tout à coup mon attention se trouva comme absorbée par ces trois mots : la vio dès Roumanoux (via Romanorum). C’était un trait de lumière, une découverte inattendue qui m’en présageait une autre. Sans perdre temps, je me rendis sur les lieux et je me vis bientôt sur les vestiges bien reconnaissables d’une belle voie romaine. Le tracé, la direction, je pense encore quelque chose de son empierrement et jusqu’à l’emplacement d’un petit pont, je pus aisément tout reconnaître, et tout cela fut le résultat de quelques mots auxquels personne n’avait faif attention ayant moi. La direction de cette voie est du sud-est au nord-ouest. Elle coupait un petit territoire (dans lequel on a trouvé dernièrement des murs antiques) appelé les FANGERES, FANCERES, FANCE- RIES, dans les vieux terriers, syncopé peut-être de FANUm- CEREnIs, autel de Cérès. Les Romains étaient dans l’usage de placer sur leurs gramds chemins des monumens religieux qu’ils consacraient aux Dieux des chemins ( Dii aut Deæ viales ). César nous apprend qu’à la nouvelle de l'insurrection des Gaules, il se hâta de réunir ses troupes disséminées chez les Helviens et les autres peuples des bords du Rhône appartenant à la province romaine ; qu’il marcha sur l'Auvergne dans la saison des neiges et des glaces, à travers des montagnes cou- vertes de bois, Mais quelles furent ces montagnes ?.. Ne peut-on pas coujecturer qu’il a voulu parler des Cévennes de la Lozère ? et cela avec d’autant plus de raison que la tradition du passage d’une colonne de troupes romaiaes s’est conservée jusqu’à nos jours dans le Gévaudan. Impatient d’être sur le foyer de l’insur- ( 124 ) Chez un peuple aussi ancien que le peuple gaulois, chez qui la législation avait plutôt proscrit qu'é- tabli des monumens écrits et gravés, les traditions primitives ne peuvent se trouver que dans la suc- cession des nomsde races ou dans la conservation précieuse de certains noms topographiques souvent communs et identiques avec ces noms de races. Au moyen de l'interprétation de ces noms, par les racines connues qui en sont les élémens, on peut remonter encore à des notions d’une excessive antiquité. Ce plan de recherches se trouve chez plusieurs écrivains, sinon constamment suivi , du moins constamment indiqué et commencé par l'application d’un certain nombre de mots el de dénominations celtiques. : 19 Parmi les appellations antiques conservées dans le Velay, les unes sont ou intégralement celtiques ou mixtes, c’est-à-dire tenant à deux langues différentes, composées les unes d’une racine celtique avec désinence latine, les autres d’une racine latine avec désinence celtique. « Lorsqu'un homme puissant, a dit quelqu'un, un » chef militaire , une peuplade groupée autour de rection, César dut nécessairement choisir le chemin le plus direct. Il lui fallait atteindre les sources de l’Allier, les côtoyer dans ses premières marches, pour pouvoir ensuite pénétrer en Auvergne par un pays d’un accès et d’un parcours plus facile. J'ai été jusqu’à penser que cette voie pourrait bien porter le nom de voice romaine en souyenir de ce passage. (125).) » ce chef a voulu s'établir en un leu où il n'y » avait pas d'habitations, la nécessité a dû faire » créer unnom à celieu, s’iln’en avait pas encore; » s'il en avait un, les nouveaux venus, en l’adop- » tant, ont imposéau moins à ce nom même une » terminaison propre à leur langue et à leur pro- » nonciation. » 20 Les autres sont latines, imposées par les Romains pendant leurs 541 ans de domination. On sent qu'ici les noms d'hommes sont entrés pour beaucoup dans la composition des noms de lieux. 3° Enfin, les autres appartiennent au moyen-âge, Nous aurons occasion de reconnaitre que les noms purement celles dominent par-dessus tout dans le Velay, commeles mots de cette langue dans VPidiome vulgaire qu'on y parle. La répugnance de nos ancêtres à adopter tout ce qui se rattachait aux usages de leurs vainqueurs fut extrême, La religion des Druides, nonobstant tout ce qu’on fit pour lanéantir, se maintint avec plus ou moins de publicité jusqu’au 4° siècle dans la plus grande partie du Velay, et jusqu'au 5€ sur les plus hautes montagnes. La langue romaine ne pénétra chez nos pères qu'avec les plus grandes difficultés.Vainement par des édits sévères et multipliés en proscrivit-on l'usage, ces édits réussirent à exclure la langue nationale des actes publics et des inscriptions, mais ils n’empéchèrent pas qu’il n’y eût chez nous ( 126 ) des cantonnemens où le latin ne pénétra jamais. Parmi les Gaulois, les classes supérieures purent bien, par ambition ou par le désir de s’instruire, étudier ou adopter une langue difficile; mais le petit peuple, le peuple des montagnes surtout, qu'aucun de ces sentimens n’animait, vit toujours en elle l'idiome de ses maîtres que la superstition ou peut-être quelque souvenir de la liberté leur rendait odieux, Il faut remarquer, avec un excel- lent observateur, que c’est toujours sur les mon- tagnes , aux extrémités des continens, que se réfu- gient etse continuent pluslong-tempsles traditions, les usages, les monumens et la langue des peuples anciens. Je réclame instamment l’'indulgence des hommes instruits qui liront ce Mémoire. Personne ne s’est occupé parminous de rassembler les lambeaux de langue épars dans le Velay, pour les comparer avec l’ancienne les restes de lPidiome celtique que nous connaissons. C’est ce que j'ai essayé de faire, sans me livrer à de trop longs développemens. Cette terre est troparide pour espérer de pouvoir la cou- vrir d’un tapis au tissu riche et brillant, y semer cà et là quelques fleurs qui récréent la vue, voilà tout ce que j'ai ambitionné. ( 127) SECTION PREMIÈRE. Étymologies purement celtiques. Pour mettre ce travail à l'abri des fausses iñ- ductions qu'on pourrait en tirer, jai besoin dedire que je ne prétends point faire remonter à la pé- riode purement gauloise, la fondation n1 même l'appellation en tant qu’elle serait appliquée à tels ou tels lieux; je veux seulement établir, dans les noms que je citerai, l’origine, le cachet celtique. Qu'ils aient été imposés par les Gaulois eux-mêmes, avant ou pendant l’occupation, ou, ce qui est plus probable, que s'étant perpétués dans le langage, la tradition, le souvenir, on n'ait fait que les em- ployer plus ou moins anciennement dans la suc- cession des âges, qu'importe ? La géographie ancienne , qui nous parle des peuples VÉLAUNIENS (Vel’aunii), faitmention seu- lement de trois deleurs cités: RHEws’10, Y’c1D’ mac, Couw’pAT; de deux rivières de la f’alla-vie : le Liger et l’'Ellaver, la Loireet l'Allier; de la chaine de montagnes, les monts CEN’MENIENS ( 7nonfes Cen’meni), qui la séparaient des régions rhodani- ques, et plus tard, enfin, d’Ans’ium (la cité d’'Anis);tous ces noms appartiennent, à quelques modifications près, à la langue celtique. ARTICLE PREMIER. Pel'auni, — Rhew'sio, — F'cid' mag’ o. Nul doute que le nom de el aunt donné au ( 128 ) peuple qui habitait nos contrées ne fût celtique. Mais d’où venait-il ? Que signifait-il ? Quel rapport exprimait-il ? Lui avait-il été donné parce que ces contrées étaient couvertes d'immenses forêts de chêne, et que veylo signifiait guy de chêne? Ou bien parce qu'un chef de race celtique, appelé Veilo, dans les migrations primitives, avait eu ce pays en partage et l'avait défriché? Rubis remar- que , dans son Histoire de Lyon, que les Gaulois n'ayant d’autres moyens pour faire connaître l’an- tiquité de leur nation, donnèrent à leurs provinces le nom de ceux qu’ils apprenaïent par leurs Bardes, gardiens fidèles de leurs traditions, avoir été les premiers qui avaient défriché le pays et amené des colonies. Ainsi les Allobroges furent ainsi ap- pelés d’Allobrox, les Ségusiens de Séguse, etc.; il ajoute que cette coutume était si sacrée parmi eux que lorsque Q. Marcius et P. Cato fondèrent Narbonne , ils la nommèrent de VNarbo, qui, suivant les traditions gauloises, avait eu ce pays sous sa dépendance, l'avait défriché et colonisé. Voici quelque chose de plus positif. Astruc , dans ses précieux Mémoires sur l’'His- toire naturelle du Languedoc, s’exprime ainsi sur l’étymologie du mot el auni : Vel auni, ceux du Velay. Les Gaulois quin’avaient point de 7 consonne prononcaient ouel’auni, peut- être ouel'avi, dont César a fait /’el’auni, et la Notice des Gaules Fel’avi. Ce mot paraît venir du celtique (129 ) uhel ,haut, élevé. Suivant létymologie, ouel’auni aurait signifié originairement un peuple placé sur des montagnes élevées, gens alta incolens, ce qui s’accorderait avec la nature du pays du Velay. J'adopte pleinement tout ce que vient de dire l’auteur des Mémoires. Comme lui je présume que le nom de f’el’auni n’était point la véritable ap- pellation, le nom primitif de nos pères ; sans cependant me laisser entrainer par la raison qui semble lavoir déterminé que les Celtes n'avaient point de 7 consonne, le contraire se prouverait surabondamment. Je pense pareillement que les Vel’aun’iens durent être connus dans les Gaules sous le nom de Ouel’aun'i, Ouel’avi, noms qui entrent merveilleusement dans le génie et le mé- canisme de la langue celtique essentiellement aspirante et sibyllaire, que César a défigurés le premier en voulant les assouplir à l’idiome et à la prononciation romaine. Mais nous différons sur l'origine du mot, que je ne dérive pas comme lui du mot Auel, haut, élevé, mais du mot wel, ouel, vallée. Les raisons topographiques de situation, de température qu'il allègue ne prouvent pas péremp- toirement; car si le Velay renfermait beaucoup de parties froides, montagneuses, il avait aussi des vallées fort étendues et fort remarquables, qui durent frapper les premiers habitans qui lui imposèrent un nom, prümos in iis regionibus visos. 9 ( 150 ) En outre, mon interprétation aurait sur la sienne un avantage; elle s’appuierait d’un témoignage écrit, du mot romain ’alla-via, le pays, le che- min de la vallée, donné plus tard au pays des Velaun'iens, qui n’est que latraduction littérale du mot celte à désinence latine Ouel’aur’ium. Témoignage précieux dans cette absence de choses positives, puisqu'il nous aurait conservé religieu- sement la signification intégrale, originelle de l’expression celtique. Le même auteur prend dans le même ordre d'idées, je veux dire de topographie, l’étymologie de Rhew’ess’io (St-Paulien), cité principale des Vélauniens. Ici je suis pleinement de son avis, il serait même difficile d'en avoir un autre. Cette ville etait située non plus dans les vallées de la V'alla-vie , mais sur des hauteurs froides. Rhew’essio paraît venir, dit-il, du mot celtique Rhew’, Rhewou, gelée; ainsi Rhewssio signifierait ville froide, ville gelée, ce qui convenait à sa situation sur un pla- teau de montagnes élevées, dans un pays de forêts froides et profondes. La Notice des Gaules nous parle d’'Y’cid’mag (Yssengeaux}, seconde cité de la J’alla-vie, Ici, le nom indique la destination primitive du lieu; Y’cid’mag , la demeure de lhomme-chef. La finale phénicienne maho qu'après eux les Celtes ont em- ployée dans mag, feu, ménage , et les Latins, dans mnagus, n’a rien qui doive nous surprendre, (L 19%) elle était fort commune dans les Gaules. Bien long-temps avant la conquête romaine, les Phéni- ciens eurent avec les Celtes des relations suivies de commerce, ce qui enrichit insensiblement leur langue d’une foule de mots appartenant au phéni- cien et même à l’hébreu. C’est le sentiment du savant abbé Barthelemy. On a dit quelque part que la finale mag, prise dans la signification de bateau, désignait un lieu sur une rivière, au bord de l’eau. Dans ce cas, il faudrait chercher lYcid- mago de la table théodosienne, non à Yssengeaux, : mais sur les bords de la Loire ou du Lignon. On trouverait peut-être alors dans Ysseñgeaux, la ville, le marché aux bœufs, d’ychen, yssen, qui veut dire bœuf. ART, 2; Rivières de la Valla-vie : La Tone l'Allier. Outre un grand nombre de ruisseaux dont quel- ques-uns conservent leurs noms celtiques, deux belles rivières, la Loire et l'Allier, traversaient en sens opposé la f’alla-vie. Il importe d’en étudier ici la nomenclature. La Loire, Liger. LesRomains, contre leur usage, n'avaient point altéré ce nom. Ils nous l'ont trans mis dans toute sa primitive pureté. Le mot Li ger est composé de deux racines celtiques : li, eau, ger, qui se replie, qui fait des circuits; ou bien de (132) deux mots dela même langue : liv, eau, goer, qui déborde. Quelques étymologistes ont prétendu que le mot li’ ger n’était que le syncopé, la contrac- tion de z1G-num GER-ens, qui charrie du bois, nom que les Romains lui donnèrent, disent:ls, pour exprimer l’usage auquel ils l'avaient assujetti. L’AL’ci’ER, Ellaver. Quelques auteurs qui ont approfondi nos antiques origines, prétendent que les Romains ont formé ce nom de trois syllabes celtes : 4l-li-goer, al, autre, li, rivière, goer, qui déborde. D'où résulterait que le mot 4/-li-goer (l'Allier ) ne différerait de Li-goer (la Loire) que par l'addition de Particle al, autre rivière qui déborde. Cette étymologie n'est-elle pas un peu forcée ? Le nom d’AIlier que porte la rivière dans la langue francaise et l’idiome vulgaire, me semble avoir été celui qu’on lui a reconnu dans tous les temps, le nom celtique romanisé plus tard dans celui d’Ellaver. Allier signifiait, dans le lan- gage de nos pères, autre rivière élevée; al, autre, li, eau, er, ar, élevée ou qui sort de pays élevé ? L’Allier prenait sa source dans le Gévaudan, dans le pays des Gabal, et Gabal, en celtique, signifiait pays élevé. ART. 3. Montagnes de la Valla-vie, Monts Cen’méniens, etc. Les monts Cen’méniens sont les seuls dans le Velay dont la géographie ancienne fasse mention. (133) Ils séparaient la Valla-vie du pays des Ségustens, des Ségalones et des Helviens. Nous en voyons une partie dans cette chaîne de montagnes qui ceignent le département à l’orient. Le mot cen’men est cel- tique et signifie ceinture de montagnes , ou bien, d'après Latour-d’Auvergne, crétes de montagne. Il n’est point sans intérêt pour nous de remarquer que cette appellation celtique, cen’men, s’est con- servée intégralement dans celle des deux rivières de Cen men ou Sun’men qui en sortent, dont l’une a sa source au mont Pila et coule à Aurec, et l’autre passe à St-Julien-Chapteuil, venant du Mégal. ! Le mont WMezenc faisait partie essentielle des monts Cen’méniens. Le nom de Mez’enc est-il d’ancienne date? D’où vient-il? Aurait-il son ori- gine dans l'adjectif grec mezos, milieu, parce qu’il occupe , comme le milieu, le centre d’un grand nombre de mamelons qui de ce côté-là cou- vrent le J’iarais et le F’elay ? On serait d'autant plus porté àle croire, que ces origines helléniques ne sont pas entièrement inconnues dans le Velay, quoiqu'elles y fassent exception, si la langue de nos vieux Gaulois n'offrait à nos recherches une étymologie qui flatte et séduit davantage. Le mot Mez’enc appartient intégralement à la langue celtique-urienne. Deux radicaux celtes, mez ct enc, dont l’un signifie espace et l’autre feu, donnent la elef de cette appellation. Ce nomurien (154 ) n'est pas le seul qu’on remarque sur cette mon- tagne : celui de Pey-vey, la vieille montagne (1), Podium podii veteris, que porte le point le plus élevé; le point culminant du Mez'enc est un nom de même nature. La distinction chronologique de vieille et de nouvelle montagne qui ressort de ce nom et qui accuse incontestablement une non simultanéité dans les formations uriennes qui ont eu lieu sur le Mez'enc, paraît devoir en être la preuve: Le Vésuve présente quelque chose de pareil : un pic dès long-temps formé, porte aussi le nom de Monte vecchio,quiledistingueaussi, sans doute, des pics de formation subséquente. Que le Mez enc ait conservé son nom celtique, riende surprenant, Les montagnes qui l’avoisinent, V'Æmbr, la montagne aux brebis; la Tort, la mon- tagne aux taureaux; Breiz, les montagnes aux ma- récages ou qui dominaient des pays marécageux, les ontpareillement conservés. Il n’est pas jusqu’au lac d’Ar’coun, si improprement appelé le lac de St-Front, qui n’en ait fait autant. #r’coun signifie la réunion élevée des eaux. (a) Lesmotspey, po ,pé ,pou ,éminence, hauteur, sont des mots celtiques tradnits dans la basse latinité par podium. Ts sont chez nous l’élément des noms de plusieurs de nos montagnes : Pey’nas- tre, Pey-lenc, Pey-roué, Pey-bernenc, Pey-ramond , etc. Ils ont la même signification que le celte breton per et le celte gaëlic ben, racines dans ces deux pays d’un grand nombre denoms de montagnes. ( 135 ) Nous avons encore dans le mot ur,urt, mon- tagne volcanique près de la Sauvetat, un nom d'une prodigieuse antiquité, qui remonte aux premiers âges du monde. Le monosyllabe ur, feu, d’où est venu urt, par un eflet de la forte accen- tuation de notre idiome , est un mot qui appar- tient non-seulement à la langue celtique, mais aux langues des sociétés primitives. Les Romains, dont la langue abonde en radicaux celtiques, Pont emprunté des Gaulois dans la formation de leur mot ur’ere, brüler (1). (1) Les Romains ont traduit en leur langue quelques noms uriens qui existaient chez nous avant la conquête : Mont-uscla (Mons ustus). Cette montagne devait avoir chez les Gaulois un nom correspondant à celui qu’elle porte aujourd’hui, Le mot uscla s’est conservé dans notre patois, pour signifier brélé. Dans une charte de 1300, il est fait mention d’un Petro Blanchi, curato de Monte usto. Après tout, le mot wscla pourrait bien appartenir auxlangues du Nord. Ucla, Hécla , l'Hecla en Islande. Lesnoms de Tartas, celui d’Arde’nes, si communs dans le dépar- tement, qu’on rencontre dans les cantons de Pradelles, Loudes, Saint-Julien, Fay, ont peut-être la même origine et sont des noms wr’iens, incendiaires, traduits en langue romaine d’un nom primordial, commémoratif. On trouve encore dans plusieurs départemens quelques noms celtiques qui se rattachent à l’ère des volcans. Quelques anti- quaires-géologues, Faujas, Délichères, le docteur Ambri,emont recueilli un certain nombre. Giraud-Soulavie, dans son Histoire naturelle de la France méridionale, a été jusqu’à penser qu’on pourrait parvenir jusqu’à connaître, par leurs dénominations, l'âge de plusieurs volcans de date postérieure, quoiquela tradition (136 ) ART. 4. An is’ ium, la ville d’ Anis, —1Is-palis , —Corneille. An is’ium, le mont Anis, la ville d’ Anis. Ce nom, moins ancien que ceux que nous venons de citer, porte le cachet d’un temps postérieur qu'on ne peut faire remonter au-delà du règne des An- tonins, vers la dernière moitié du premier siècle de notre ère, époque où le culte d'Is’is se ré- pandit dans les Gaules et jouit de la plus haute faveur. Le mot Anis est formé du radical celte an, enceinte, destiné à exprimer toute idée de cercle, de circuit et même de révolution périodique dont les Romains se servirent dans la création d’une foule de mots qui emportent cette idée, an’nus, s’en soit entièrement perdue. Cette thèse a été hardiment sou- tenue dans quelques écrits périodiques, et notamment dans la Bibliothèque britanniqne. * Peut-être quelques-unes de ces étymologies appartiennent- elles moins à l’époque volcanienne qu’au souvenir de quelque vaste incendie des forêts primitives qui désola nos contrées. Qui saitsielles ne prennent pasleur source dans l’évènement à jamais mémorable de l’incendie de la forêt qui couvrait les pays placés entre les Pyrénées et les Alpes, dont parle Lucrèce, quien rap- porte la cause à la chute de la foudre sur un arbre. Fulmen detalit in terras mortalibus ignem, Primitüs, undè omnis flammarum traditur ardor, Ignis enim superayit et ambiens multa perussit. (137) année, an’nullus, anneau, et du radicalzs, is’ium, qui rappelait le culte d’Zs’s. Ce concours de deux langues dans la composition d’un seul mot ne doit point étonner. Coquille, dans son Histoire du Nivernais , remarque très-bien, avec quelques bons auteurs, que les Romains étaient dans l’usage de composer les noms des villes qu'ils fondaient hors de l'Italie, d’un nom romain et d’un nom étranger ; ainsi, dans Zuc-dunun quasi Lucii dunun, Lyon, Cœsaro-magus, Angers, etc., colonies romaines, on trouve les racines celtes dun, colline, et mag, habitation, annexées aux deux noms propres ro- mains de Luciietde Cæsaris, comme dans 4n'is’ium, fondation romaine ; la racine celtique an, enceinte, unie au mot is, qui appartient au polythéisme égypto-romain. Toute cette partie du Velay, je veux dire le bassin du Puy, fut une contrée entièrement isiaque. L'étymologie, la tradition, la disposition des lieux, établissent l’incontestabilité de ce fait. Au-dessus du bocage sacré, aux pieds du rocher Corneille, l'on remarquait d’abord 4n’is’ium , V'en- ceinte d’/s’1s, autour de laquelle se développait le chemin circulaire qui a retenu son nom celtique de Rod’eric, promenade ou chemin délicieux. Plus loin, là précisément où l’on a découvert l’empla- cement bien conservé d’un grand édifice, c'était Is’ palis ou Is’polis, la réunion d’Is is ou des prétres Isis; puis, vis-à-vis, c'était Den’is’e, la colline, (138) le rocher d'Is'is, dens’isium. Et comme si de pareilles preuves étaient insuffisantes pour établir cette grande consécration, le témoignage plus positif de l’histoire nous vient encore en aide. Grégoire de Tours dit formellement que la ville d’'Anis ürait son nom du territoire même dans lequel elle avait été construite : preuve que ce n’était point la montagne seule, mais tout le ter- ritoire qui portait ce nom (1). (1) J’ai quelquefois pensé qu’on pourrait encore rapporter à ce culte l’existence même de l’ancienne et vénérable statue de la vierge du Puy, et que l’histoire du don qu’en fit saint Louis à l’angélique église pourrait être discutée. La statue était simplement une statue d’Isis; voici sur quelles considérations j’appuie ce sentiment : 1° Ce qu’en dit Faujas. Faujas qui l’a profondément examinée, y reconnaît toute la facture des statues égyptiennes. Elle est dessinée d’une manière dure etraide ; son attitude est celle d’une personne assise sur un siége, à la manière de leurs divinités ; le caractère de la statue, la gène de ses formes, le bois de cèdre qui en est la matière, les bandelettes d’une toile assez fine qui l’enveloppent depuis les pieds jusqu’à la tête, dans la forme des momies, tout lui la fait regarder comme une idole égyptienne. 2° Lorsqu’au mois dejuin 1794 on brüla la statue, on trouva dans les cendres une pierre isiaque, déterminée par le savant Visconti, où figuraient Isis, Osiris et Orus, D'où venait-elle ? Aqui persua- dera-t-on queJérémie , qu’on veut nous donner pouren avoirété le fabricateur, ait enchâssé dans l’image prophétique de la vierge devant enfanter, virginis parituræ, la représentation de ces idoles égyptiennes? 3° Si la statue noire du Pay était la seule connue, on pour- rait, quoique diflicilement, admettre la légende d'Oddo de ( 139 ) En traitant de l’ancienne cité d’An’is, nous ne devons point passer sous silence une dénomination Gissey; mais on en trouve un grand nombre d’autres que saint Louis n’a point apportées, etprécisément dans les lieux où était établi le culte d’Is’is, La vierge de Frémicourt, adorée du temps des Druides, qu’on voit dans l’église souterraine de Chartres ; celle de Walcour, an pays de Namur ;de Hall, près de Bruxelles, etc. 4° Le culte de la vierge d’An’is avait la plus grande célébrité mème ayant Le règne de saint Louis, On lit dans le 7° livre des épitres de Grégoire VII qu’il est écrit dans les actifs de saint Pierre : Que Charlemagne avait coutume de lever, tous les ans, 1200 livres pour les églises de Rome, sur les chapelles de Saint-Gilles et du Puy; preuve de la grande aflluence des peuples dès lors dans cette église, et. si ce concours tenait moins, tout donne à le croire, à l’édifice qu’à l’image qu’on y honorait, aurait-on pu penser à remplacer cette statue par une autre d’une couleur peut-être différente, sans avoir les craintes les mieux fondées d’affaiblir la vénération et le concours des peuples par ce sacrilége déplacement ! 5° Pour admettre, avec Oddo de Gissey, l’histoire du don de l’image par le soldan, avec cette série d’accessoires dont il cherche à l’embellir, l’attention du roi qui se fixe de suite, comme par enchantement, sur la statue au milieu de tant d'objets étalés, si maguifiques et si précieux; l’inconcevable répugnance que montre ensuite le soldan à s’en défaire, il fau- drait que l’image eût eu devers elle quelque chose de riche, de saillant, d’artistique ; or, rien de pareil ne s’y voyait. La statue, par elle-même, était de peu deprix, la matière dont elle avait été faite de peu de valeur , et, comme ouvrage d’art, l’œuvre élait sans goût, incorrecte et plus que médiocre. 6° Voici, ce me semble, l’idée la plus rationnelle qu’on pour- rait émettre : cette statue exhumée aux pieds de Corneille, des ruines du temple d’Isis, dut frapper par sa ressemblance avec celles qu’on sculptait alors pour représenter la mère de Dieu, (140) qui prend sa source dans le plus pur celtisme; qui, par conséquent, ne tient pas du tout à l’ordre d'idées que nous venons de développer au culte d’/sis, je veux parler du rocher qui couronne le mont Anis, de Corneille, On a donné sur l’origine de ce nom quelques interprétations plus où moins ingénieuses. Les uns, toujours fidèles à leur prédilection pour les étymologies latines, ont prétendu qu'il le tenait d’un général romain de la famille Cornelia, gentis Corneliæ, qui, pendant son commandement, y avait fait élever des fortifications, fortalia. Ce fait prouvé, serait péremptoire; mais ilest gratuitement une femme tenant devant elle un enfant. Cette ressemblance lui valut d’être placée sur l’autel de la chapelle. Dans ce temps de vive croyance et de demi -instruction, l'illusion était facile. Honorée du culte des peuples, elle ne tarda pas à être célèbre et renommée au loin. Les miracles incontes- tables et sans nombre qui s’y opérèrent, les pélerinages dont elle fut le bat, les priviléges qui y furent attachés, tout y concourut. Après tout, que pouvaient avoir d’extraordinaire ces transformations ? N’ont-elles pas été de tous lestemps! À Rome, le panthéon qu’Agrippa consacra à tous les dieux n'est-il pas devenu dans la suite un panthéon chrétien ? La statue d’Isis n’est-elle pas demeurée dans l’église de Paris, exposée jusqu’au 16° siècle à la vénération des fidèles! Et de celle de Jupiter, le père et le maître des dieux, n’en a-t-on pas fait la statue de saint Pierre! Le christianisme religion essentiellement conser- vatrice, ne détruisait pas les monumens, les objets d'art; il leur donnait une nouvelle consécration , sanctionnée souvent par les miracles les plus éclatans. (141) avancé. Dans les titres qui se rapprochent le plus de l’époque présumée, le rocher est indifférem- ment appelé mons Cornelit, Corneliæ , et plus souvent Cornilliæ. D’autres, plus précis encore, lempruntent, sur la foi d’un ancien manuscrit, au mot cornet, instrument de musique militaire employé aux sacrifices chez les anciens et aux cornemens qu’on faisait, disent-ils avec le manus- crit, sur les hautes montagnes comme Denise, Corneille, pour signifier au peuple le service d’Appolo. Ces idées séduiraient d’abord, si les cornets et les cornemens ne restaient à prouver. Il est une raison plus forte qui doit nous faire rejeter toutes ces étymologies romaines, c’est qu'on découvre dans la langue indigène, la langue nationale, celle qu’on parlait antérieurement aux Romains, une étymologie bien plus admissible, et toutes les fois qu'il en estainsi, c’est avec réserve qu'on doit recourir aux langues étrangères. Le mot Corneille est un mot celtique contracté de Corn’ouel qui signifie le rocher de la vallée. Le rocher de Corneille avait dans la religion des druides quelque chose de remarquable : à ses pieds régnait cireulairement un bois sacré qui, selon les rits de la religion, devait toujours en- tourer les sanctuaires druidiques; sa forme pitto- resque, sa situation au-dessus de trois beaux val- lons, n’avaient pu manquer d'attirer l'attention des druides. Oddo de Gissey semblerait le donner Ca42) À entendre dans sa miraculeuse légende d'un paralytique qui fut guéri après s'être couché sur une large pierre en forme d’autel qui s’y trou- vait, Cette large pierre, qu’était-ce ? Un dolmen, peut-être. Quelle destination plus convenable pou- vait-on lui assigner ? Certainementelle n’appartenait pas à la nouvelle religion ; à cette époque, nul acte de ce culte ne s'était fait en ces lieux; encore moins au polythéisme romain, les pierres brutes, informes n'étaient point ce qu'ilemployait dans ses constructions religieuses. La tradition, en nous apprenant qu’un temple avait été élevé aux pieds da rocher , à Diane et à Isis, n’infirme point; elle corrobore, au contraire , ma conjecture (1). Règle générale : partout où l’on voit dans les Gaules le culte des grandes divinités de Rome en honneur, (1) Selon toutes les apparences, il devait exister aux pieds du mont Anis, sur la place du Marthouret ( au Clausel, CZausus ), autrefois le forum ou marché de la Valla-vie, un autel, une chapelle à Mercure. Les antiquaires (Alphonse de Saynes) s’ac- cordent à reconwaître que les Romains avaient l’usage de bâtir un temple au fond de ces places, et Dulaure, dans son ou- vrage des cultes antérieurs à l’idolâtrie, prétend que les mots Marthouret, Marthuret, Martory, etc., qu’on trouve dans l’Au- vergne, le Vivarais et le Velay, ne sont qu’une altération du mot Mercurius, Mercourious, Mercuritium, V’enceïinte de ce forum de la Vallavie était coupée par une porte appelée Porta aquaria ( Porte-aiguaire), ouvrant au midi sur les prairies ma- récageuses arrosées par le Dol-z0r, qui devait servir au victi- timaire pour aller puiser l’eau nécessaire pour les sacrifices. ( 145 ) il faut en conclure qu'il n’a fait que remplacer un culte druidique, comme ce fut sur les autels même desdivinités païiennes que le christianisme eut la sage politique de fonder ses premiers établissemens. Avant de passer aux désinences celtiques usitées dans le Velay, qu’on me permette de faire remar- quer ici l’étymologie d’un nom moins ancien, à la vérité, qui n’est pas sans intérêt. L’Agiologie du Velay nous apprend que saint Calmin où Carnr ri vint dans nos contrées, qu'il fonda un monastère auquel il donna son nom de Carm’ ri, aux pieds d’un rocher qui domine la Loire, là où se trouve aujourd’hui le Monastier. Il y a tout lieu de pré- sumer que le nom de Carnr'ri était plutôt le nom celtique du rocher, du lieu où fut établi ce mo- nastère que celui du saint qui ne futensuite appelé saint Carm ri que parce qu'il en avait été le fon- dateur et le premier abbé. Carnr'ri signifie rapide rivière; Carm, rapide; ré, ri, ru, primitifs mono- syllabiques, rivière ; rocher sur la rapide rivière, ce qui s'applique admirablement au Monastier. ART, 5, Désinences celtiques communes dans le Velay. Désinences en ac. :— Elles dérivent, selon les uns, d’aqua ; selon d’autres, d’acus, éguille , ou d’ager: Polign ac, Appolinis ager. Ces diverses étymologies sont de véritablesnon-sens , lorsqu'on (144) en vient à l'application, Que de lieux, en effet, situés dans des bas-fonds, combien d’autres sur des hauteurs où l’on ne trouve ni ruisseaux, ni fontaines, qui ont cependant cette terminaison : Blanz ac, Nol hac, Polign’ ac , etc. La langue latine ne pouvant nous fournir rien de satisfaisant, adressons nous à la langue primitive du pays, qui recèle en grande partie le secret de nos origines. La terminaison ac,très-usitée autrefois dans les Gaules, est celtique; elle exprimait toute idée d’ha- bitation. On la trouvait chez les peuples de l’Aqui- taine et de l’Armorique, chez les Arvernes comme chez les Eduens et les Bituriges. L'histoire nous apprend même que chez ces peuples elle n'était pas exclusivement réservée au nom des lieux, mais que les noms propres l’affectionnaient en- core. Divitrac, Dumn'ac, Critogn'ac, Congentiac sont des noms gaulois des premiers temps. Les noms topiques ayant la désinence ac, sont communs dans le département. Je me borne à en citer quelques-uns des plus remarquables. Eyn ac (Saint-Pierre-Eyn’ ac) estune appellation intégralement celtique, qui signifie z2aison prés de l’eau ou de la fontaine ; Eyn’, ruisseau, source, fontaine. Il en est de même de Ney-zac et de Ney, conservé dans Saint-Jean-de-Ney ou Saint-Jean- des-Ruisseaux. £yn et ney sont les mêmes mots, il n’y a de différence que la transposition de la (145) dernière lettre du corps du mot au commence- ment; transposition fréquemment employée dans la langue celtique. M. Abel Hugo fait usage de celte étymologie pour la petite ville de Zy-ney, dans la Meuse: Zy, prés; ney, l’eau. Eynac et Ney sont deux noms d’une antiquité incontes- table, différens par le son, mais identiques par le sens. Bis’ ac, Yhabitation obscure; Din’ hac, qui do- minait; Cuz'ac, le lieu caché; Re’tourn ac, l'ha- bitation sur le coude .de la rivière; Grin'hac, l'habitation noire; Bess’ac, l'habitation près du tombeau, du cimetière, etc. Seiz’ac, la demeure des sept. Ici l’étymologie conduit à une grande découverte; elle explique un point d'archéologie intéressant pour nous, l'existence en ces lieux d’une réunion de drui- desses; existence qui changerait en fait l'idée que je m'étais faite depuis long-temps qu'il se trouvait quelque part dans nos contrées un grand centre religieux; ainsi qu'il en existait plusieurs dans les Gaules. Tous les antiquaires qui ont visité les cavités spacieuses pratiquées dans les rochers de Seiz ac, les ont jugées antérieures à l’arrivée de César, mais personne ne s’est occupé à en déterminer la destination. Le mot Serz ac est composé de deux monosyl- labes celtiques : seiz', sept; ac, demeure. Les 10 (146) colléges des druides et des druidesses étaient composés de sept individus. Le nombre septenaire, de tous temps en grand honneur dans l'antiquité, joue un grand rôle dans toutes les théogonies et les cosmogonies. Boulanger avance que ce nombre étant composé de deux plus parfaites parités, avait été révéré de tous les anciens apocalyptiques. I} se trouve fréquemment dans les traditions drui- diques de la Bretagne et de la Normandie. On peut en citer un grand nombre d'exemples ; ainsi, Seiz et, où l’on vient de découvrir les plus pré- cieux restes d’antiquités gauloises, était la forêt sacrée des sept; Seiz zun, Vile des sept sommeils, des sept dormans, le lieu de sépulture, le eime- üère des sept : Seëz, sept; sun, zun, sommeil ; d'où vient peut-être notre mot patois sodon et le somnus des latins. Seiz'zi, où existent des grottes visitées des curieux, avec les mêmes com- partimens que celles de Seix ac, était la demeure, le couvent des sept; elles étaient habitées par une congrégation de druidesses dont la règle était l'inverse de celle des vestales. Chose remarquable, Seiz’acetSeizzinesont pas seulement des lieux qui ont eu la même destination, mais ils ont des noms qui, décomposés, signifient l’un etl’autrela demeure des sept. Dans la langue celtique-armoricaine comme dans la langue celtique propremement dite, dans PArmorique comme dans le reste des Gaules, comme dans le Velay, onemployait indifféremment (147) les désinences di, zi, ti, pour häbitation. Ainsi, on trouve dans l’Armorique, Carnac, Men’ ac, lieux si fameux par leurs pierres alignées, Tumiac, etc., comme nous avons dans le Velay les désinences armorico-celtiques, z{, di, 1i, ayant la même acception, Blavo’zi, Anowzi, Tiew’zi, Mow ty, Tanti, Ponen’ ti, Roche’dy, Charen’ty, Brandy, Chamber ty, etc. Qu'il y ait eu à Serz’ac une communauté de druidesses, on peut l’avancer avec quelque degré de vraisemblance, les vastes cavités qu’on y re- marque, l'aspect qu'offre leur intérieur, tout vient à l'appui de cette conjecture. Elles furent sans doute pratiquées par les nomades habitans des Gaules, dans un époque reculée, bien avant l’in- troduction du druidisme dans le pays, pour leur servir de refuge, et affectées ensuite à quelque chose qui tenait à la religion. J’ai reconnu ce ca- ractère à quelques-unes de celles que j'ai visitées. Les grottes de Seiz ac et celles de la Terrasse réunissent d’incontestables rapports avec plusieurs de celles que les antiquaires nous ont décrites. Auprès de ces dernières, on remarque encore, quoique à moitié enseveli sous des couches de terre, un frilite, table ou autel sur lequel les druides accomplissaient des sacrifices pour ho- norer la divinité. J'ai affecté cette résidence à une corporation de druidesses plutôt que de druides, parce que (146) la religion obligeait ces derniers à résider dans des lieux élevés, écartés, en plein air, subdio, tandis que les druidesses pouvaient et devaient même, par décence, s'établir dans des retraites clauses, couvertes comme celles de Seiz ac, tout en s’ef- forcant de se rapprocher de l’austérité druidique. Comme la religion voulait aussi que les congré- gations des druides et des druidesses fussent rap- prochées, on peut penser qu'une corporation de druides fleurissait quelque part non loin de Seiz ac. Mais où ? Qui peut nous l’apprendre ? Etait-ce près d’Allègre , comme Pont pensé quelques personnes; au mont de Bard, au centre même du cratère, couvert alors de l’ombrage obscur et profond de la forêt que les druides ou bardes réunissaient ce grand nombre de jeunes gens pour les initier dans les sciences occultes de leurs mystères ? L’étymologie du mot Bard favorise singulièrement cette conjecture. Dans tous les dialectes, celtique, gaëlie, armoricain et celtique proprement dit, le mot barde signifie chantre , poète parmi les druides. Si les archéologues ont pu faire de Mon-dru, dans lPAuxois, le Mons druidarum de la Bourgogne, sans autres motfs, à peu de choses près, que Pétymologie , seérons-nous moins fondés à dé- niver Mont-bard de Mons bardorum, alors sur- tout que nous avons à nous appuyer sur quelques vestiges de traditions locales. Et vous savez, Messieurs, qu'on a dit plus d’une fois que la tra- (149) dition était histoire des peuples qui n'en avaient pas. En outre, une autre preuve viendrait fortifier cette conjecture; preuve indirecte , mais précieuse dans cette absence de témoignages directs et dé- eisifs. On recônnait assez communément qu'il a existé sur le mont-bard, pendant l’époque romaine, une vigie ou camp d'observation permanent.Or, lexis- tence seule de ce camp ferait présumer, à mon avis, la préexistence dâns les mêmes lieux d’une réunion de druides ou de bardes, et voici com- ment : il est reconnu que dans le but d’asseoir solidement leur domination chez les peuples vain- cus, les Romains cherchèrent par-dessus tout à y populariser leurs mœurs et leur religion; moyens directs et indirects, ruse ou violence, tout fut mis en usage. Les historiens conviennent que ce fut chez les Gaulois, dont la nationalité fut si vivace et si remuante, que cette politique fut suivie avec une extraordinaire persistance. Comme is savaient que du fond de leurs forêts, dans leurs assemblées religieuses et nocturnes, les druides ne cessaient de conspirer et d'appeler les peuples à la vengeance, ils en firent l’objet spécial de la plus incessante poursuite; d’abord, ils leur défendirent, sous les peines les plus graves, toute espèce de réunion; bientôt après, ils les expul- sèrent successivement de toutes les positions LL ( 150 ) sanctifiées par la religion , de ces hauteurs sacrées révérées des peuples qu'ils avaient occupées de temps immémorial, et, pour parvenir plus effi- cacement à en déshabituer les peuples , ils eurent soin de placer dans beaucoup de ces lieux des établissemens militaires, sentinelles avancées qui les en tenaient éloignés. Telle, n’en doutons pas, dut être l'origine et le motif du camp de Bard. Ce fut non moins à cette pensée qu’au besoin de veiller sur la voie romaine, sur les voyageurs et les convois qui la pratiquaient qu'est dû l'établis- sement de ce camp. Il ne faut pas s’imaginer, que les croyances morales et religieuses d’un peuple meurent et disparaissent du monde le lendemain de leur défaite; loin de là, elles se conservent long-temps puissantes dans le souvenir des nations, qui se les transmettent tour-à-tour. Un grand centre religieux, pareil à ceux qu’on remarquait dans l’Armorique, l'Auvergne, la Bour- gogne, le pays chartrain, existait certainement dans le Velay; Seiz’ac et Bard n'en étaient que des dépendances; mais où s'en trouvait le chef d'ordre? Nous ne pouvons là-dessus que former des conjectures; incontestablement c'était dans la proximité de Seix ac et de Bard. Je me suis laissé aller quelquefois à penser qu’on pourrait le trouver au village du Thiolland; la position du lieu, l'étymologie du nom s’y prêtent admira- blement; trois monosyllabes d’une grande signi- (a5e) fication concourent à sa composition : 71, Dieu; oll, toute; and, terre; terre toute de Dieu. Il y eut certainement au 7hïolP and un lieu consacré à la divinité, un sanctuaire, une rési- dence ; que sais-je? Tout au moins un domaine appartenant à la classe sacerdotale des druides, dont les produits étaient affectés à leur entretien et aux dépenses du culte. On ne peut révoquer en doute que les druides n’eussent des terres particulières dont ils tiraient les revenus. On voit dans un titre de l’an 1222, que le clergé d’Annonay possédait certaines redevances appelées drualia; nom, dit l'historien d’Annonay, qui dérivait de druide, parce que les druides en avaient joui avant eux. Ensuite, la position du lieu viendrait fortifier mes conjectures. Le Th’ oll and était placé dans le centre d’une vaste forêt qui couvrait alors la plus grande partie des montagnes et des vallées de la contrée. Il avait d’un côté Seiz ac , résidence d’une congrégation de druidesses, et de l’autre Mont-Bard, séjour présumé d’une corporation de bardes. L'existence de cette forêtest incontestable; clle a laissé son nom celtique au bourg de l'Houd. l’houd ,Y'haud signifient forét, demeure de la forét. Sans doute, comme dans toutes les forêts drui- diques des Gaules, les prêtres avaient eu soin d’y ménager, pour lexercice du culte, une de ces en- ceintes sacrées au centre de laquelle s'élevait (1527) l'erminsul gaulois, le chêne, arbre symbolique et mystérieux de la divinité. Ce lieu ,ce point central ne nous est point inconnu; il porte encore le nom celtique de Driaude qu'il portait il y a 2000 ans; Dru haud, Dri haud, signifient le chêne de la forêt; dri, dru, dheru, chêne. C’était bien là, sans doute, qu'aux jours des grandes solennités, revêtus de la tunique blanche, la tête ceinte d’une couronne de chêne, en présence d’une foule immense, les druides pratiquaient les diverses cérémonies de la reli- gion; là, peut-être aussi, que des chœurs de jeunes filles menaient, à la clarté des flambeaux (/ür’asses), les branles, les /far’and’eolles (1), les danses sa- crées, images des mouvemens célestes, qu’elles exécutaicnt au son de la chevrette, instrument de musique gauloise, cette danse populaire et célèbre qui appartient essentiellement à cette partie du Velay, la bourrée d'Auvergne, reconnue de la plus haute antiquité. Qui sait même si cette tête monstrueuse de Po. lignac où on a cru reconnaitre l'effigie d’une divinité latine et le faire grandiose et large du ciseau romain, ne se liait pas aussi à cette association druidique , à ce grand centre religieux? Qui sait si elle ne fut point dans le principe la représen- (1) Far’ and'éolle, mot celtique: far, flambeau; and, marcheur; éolle pour énéol, soleil, autour du soleil, flambeau qu’on porte autour du soleil. (#55?) tation de Bellin, le dieu soleil des Gaulois : Bellin vocant indigenæ magnäque eum religione colunt Apolinem interpretantes ; et si les noms de Bellin , Bellon, Bellan, Belut, Bayle (1), si communs dans nos contrées, ne sont point des vestiges pré- cieux d’une initiation de famille au culte de cette divinité ? L’agiographe Jacques Branche, qui a vu cette tête il y a 200 ans, avance, dans la description qu'il en a fait, qu'elle était toute couverte d’or : unmanuscritque jai parcouru parle aussi de quel- questraces de rayons d’or, en forme d’auréole, qu'on pouvait y découvrir; or, non-seulement l’auréole était inconnue aux Romains, mais ils en ignoraient le mot même, tout d’origine celtique : or, bord, éolle, soleil. D, Martin et autres savans qui ont approfondi les antiquités gauloises, nous appren- nent que les Celtes comprenaient le soleil comme Anaxagore, qui avait peut-être emprunté son sys- (1) Les mots bayle, baylesse, employés dans quelques com- munes de la Haute-Loire, dans les fêtes balladoires comme celui de roi ou de reine dans d’autres, n’est point arbitraire et sans portée. Il paraît venir du mot celte bal, danse. Chez les Gaulois, on appelaitbayle , baylesse, celui ou celle qui ouvrait le branle dans les danses religieuses qui s’exécutaient dans les temples et au fond des bois. Ce nom, honorifique d’abord, de- vint ensuile un nom de famille. Ilest probable que plusieurs de ceux qui porlent le nom de Bayle dans le département, descen- dent de ces coryphées ou chefs de danse chez nos pères, (154) ième aux druides, Ils le regardaient comme un grand globe de feu suspendu par des chaînes d’or au milieu des airs. Ainsi lidole, au rapport de J. Branche, était-elle exposée à Polignac aux yeux et à la vénération des peuples. « Ælle était, ditl, » une téte taillée de pierre à deux faces couvertes » et suspendue au milieu du temple. » Pour parler d’une manière aussi précise, il devait apercevoir les vestiges, aujourd’hui entièrement oblitérés, des chaines qui servaient à suspendre l'idole. Deux cents ans apportent bien des changemens, surtout dans de tels objets (1). (a) Sait-on si la race sacerdotale des Sidoines ne se rattachait pas encore à ce grand centre religieux? Le nom de #Sidoin est tout celtique; ce fut le nom originel, primordial d’une famille gauloise qu’on trouve ensuite plus tard initiée aux mêmes fonc- tions à Riez en Provenceet à Riozen Vivarais. Vainement, pour la rattacher à une souche romaine et effacer le cachet originel qui lui est propre, voudrait-on se prévaloir desnoms romains Caïus, Apolinaris qui précèdent le nom celtique de Sidoin; ces consi- dérations ne sauraient prévaloir. Le premier de ces noms, ou son équivalent, ne fut qu’un tribut que cette famille, comme tant d’autres, se vit obligée de payer aux exigences du temps. Quand les vainqueurs eurentassisleur domination sur les Gaules, l'aristocratie gauloise, les riches Gaulois d’alors s’empressèrent, par flatterie, de solliciter la permission de faire précéder leurs noms d’un nom romain, parce qu’il était défeudu sous peine de mort, à tout ce qui n’était pas citoyen romain, de porter des noms génériques romains ou qui eussent une terminaison ro- maine. Quant au nom d’Apolinaris, on peut facilement l'expliquer ( 25°) Mais revenons aux désinences celtiques que nous avons trop long-temps laissées. Les désinences en o/zs, ols, se sont conservées aussi. Il était d'usage chez les anciens que le chef du culte prit le nom du dieu dont il était le ministre; c’est ce que firent les Sidoin en ajoutant à leur uom patronimique celui d’Apolinaris, d’Appolor, divinité romaine au culte de laquelle ils s’étaient politiquement consacrés lorsqu'ils furent forcés de déserter le druidisme ; loutefois ils n’adoptèrent {ce surnom que fort tard dans la période du Bas-Empire; j’en trouve la preuve dans la disposition des noms de cette famille ainsi classés : le prénom, le surnom et le nom patronimique, Caius Apolinaris Sidonius, ce qui n’eut lieu que dans le Bas-Empire, par un usage diamé- tralement opposé à ce qui se pratiquait dans l’état florissant de la république, où le nom principal était toujours placé avant le surnom, Julius Cœsar, Porcius Cato, etc. Lenom d’Apoli- naris , après avoir été long-temps un nom secondaire, fit souche et devint ensuite primordial dans la maison des Polignac. Il faut rapporter encore au même motif de religion le nom mythologique d’Héracle que cette famille adopta pendant les siècles éthéniques, pour être donné à ses premiers nés, comme symbole de consécration au soleil; usage qui s’y est maintenu jusqu’à ce jour. /éracle était un des noms, un des attributs personnifié de cetastre : Heracles, id est aeris gloria quæ nil est aliud nisi solis illuminatio. Dans la période chrétienne, la plupartdes nouveaux convertis, qui mélaient beaucoup decroyances et mème de pratiques superstitieuses au nouveau culte qu'ils ne connaissaient qu'imparfaitement, ne pouvant se défaire de cer- taines vieilles idées trop profondément enracinées, de l’idée surtout qu’un génie bienfaisant les avait sous sa protection spé- ciale et dirigeait les destinées de leur famille, continuèrent à conserver les noms symboliques, emblémaliques, allégoriques, auparayant adoptés; aux légendes mortes, ils substituèrent des (256) fréquentes dans le département; celles désignent un lieu primitivement placé dans une forêt , une forêt même. Bouz-ols, Pour-ols, entrée de la forêt; Bouz, Pouz, entrée; Brig-ols, passage de la forêt; Vent-zols, maison seule de la forêt; Arque-zols, Surs-zols, Senez-ols, Pin-olz, forêt de pin; Cruzi- ols, la croix de la forêt. Les désinences celliques en Aus , us, ous, habita- tion, y sont encore connues; ainsi Z'an-a-hus, nom précieux quirespirele plus pur celtisme: fan, feu; us, maison, maison de feu, peut-être d’un prêtre du soleil ; Chal’ous, maison sur la montagne : chal, mon - tagne; Mar’hus, petite maison; 4rn'ous, pour Carn- ous, maison sur l’angle ou de forme angulaire, déno- légendes nouvelles et finirent isensiblement par attribuer à d’au- tres personnifications imaginaires, aux duses, à des fées un patronage qu'ils ne pouvaient et ne devaient plus attribuer à la divinité. Cette ténacité à se rattacher par quelque chose aux anciennes croyances ne se remarque pas exclusivement dans la seule fa- mille des Polignac; plusieurs de nos anciennes maisons conser- vent de pareilles traditions. L’antiquaire Baraïllon, parlant d’un temple celtique consacré autrefois à la déesse du pays, Cambona ou Combonia, qui subsiste encore dans la Creuse, prétend que les noms de Cambone ou Chambone , donnés dans le moyen-âge à plusieurs dames du Combraille, provenait de là; que c’étaiten souvenir de la protection de la déesse que son nom s’était per- pétué dans la famille. Et cette fée Mélusine qui veillait sur tous les descendans de la famille des Lusignar, n’était elle pas aussi une pieuse réminiscence du culte ou de la protection de quelque divinité dans les temps antérieurs aux fées? (157) mination purement qualificative tirée de la cons- truction qui devait la distinguer des autres maisons gauloises de forme ronde. Les désinences en ang, ange, ing, signifaient aussi demeure; le département en a un certain nombre : ColPange, habitation sur la colline on auprès de la colline; Cos’ange, la vieille habita- tion; Mor’ange , la grande maison : nor, mur, grand; Marchange, l'habitation marécageuse ou peut-être du cheval; de march, pris tantôt pour marécage , tantôt pour cheval; 7’irlange, le ruis- seau de la maison; Ré’char'ange , l'habitation près du ruisseau, de la montagne : ré, ruisseau; char, montagne; ange, demeure. Cette étymologie est d'autant plus exacte que ce village est situé sur le ruisseau de l’ause qui sort du Mégal. Les désinences en ieres sont très-fréquentes dans le département. Grand nombre d’érudits qui se sont occupés de recherches onomatiques, et en particulier le baron Dupin, ont prétendu que dans plusieurs idiomes gaulois ères signifiait demeure, fort, château : Dunières , château surla montagne ; dun, mot celle et teutonique qui signifiait mon- tagne, arenosi colles (ces étymologies teutoniques ne sont pas sans exemple chez nous; à deux pas de là, dans la même commune, on trouve Berg, autre mot de la même langue qui a la même signification); Can’elières, maison placée dans un petitcoude: Can, coude; el, particule diminutive ; ( 156 ) Bannières, maison élevée; Clav'ières, à côté d’un puits; Rosières, sur le penchant d’un tertre; Ker'ières , entourée d’une pallissade ; Holliéres , la retraite du saint, de quelque druide apparem- ment ; Jarl'ières, la maison du seigneur ; Cour’ tad’ièrés , de la réunion du père de famille; Voul- pil'ière, du mot latin vulpes où du mot celle goulpil, renard, qui devait abonder dans ce canton; Frigid’ière, frigida domus; Paul'ière, Claud'ière, Raymond'ière, Chambert'ière, la maison de Claude , de Paul, de Raymond, etc,; Cruc'iére, la maison près de la croix; Azan’ières, la maison d’Azan ; ce nom, d'origine mauresque, vient peut- être de quelque sarrazin fixé dans le pays ; on sait qu'après leur défaite, plusieurs restèrent prisonniers de guerre et embrassèrent le christianisme (1). On trouve aussi dans le pays les désinences en esche, qui, d’après Bullet, signifiaient demeure. La Louv'esche, la L’esche la Lour’esche ,la Lard’esche, la Bourl'esche, Chamar'esche. C’est surtout dans la nomenclature des villages ou hameaux de nos ré- (1) On trouve encore sur quelques points du département, des cheminées sarrazines ou qu’on attribue assez communément aux Sarrazins, telles qu’il en existe encore dans la Bresse, dans le Gévaudan et surtout en Espagne. J’en ai remarqué plusieurs dans le canton de Pradelles.. L’âtre, surmonté par une largecheminée en entonnoir , est placé au milieu de la cuisine; des bancs dis- posés autour permettent à toute la famille de s’asseoir en même temps; deux barres transversales, dont l’une soutient la créma- lière, servent à sécher le bois. ( 159 ) gions montagneuses qu'on rencontre cetle dési- nence. ” On remarque encore dans le département les désinences en zon, qui signifient riviére : Ar’zon, la rivière élevée ; Dolzon, le ruisseau des prairies, des bas-fonds ; Ron’zon, le rocher, la montagne au-dessus de la rivière; Gerbizon, qui semble n'être que la contraction de Gerbier-de-zon, la montagne qui domine la rivière; Donÿzon , Aw’zon, Sus’zon, Aley'zon, etc. Le mot lant, initial ou final, qui dans la langue celtique comme dans les langues du Nord signifiait territoire, entre aussi dans la composition, de quelques noms de lieux : ZLanfriac, Land’os, Landes, Boulland, Arland’e, Lanfgeac, peut- être pour LanPgoat, territoire forestier. N'oublions pas de consigner ici quelques noms celtiques de hameaux ou villages qui ont échappé au torrent des siècles. On trouve dans le Velay : Nant, ruisseau; Nanfel, petit ruisseau; Gourdu, habitation près leau noire; Can’coul, tout tortueux; Bad’iou, près d'une source de Jupiter; 7allod, chemin en pente; Girod'on, près de la route qui fait un circuit; Ær’aul, lieu tranquille; 4r til, bonne terre; Lant-hen-as, la terre du vieux maitre; Tor’as, la tour du maître; Bern’ard’e, la terre dela fertilité; Arlet, ar, près; let, lit, le bord de la rivière; Pronac, maison des mamelles ou des ( 160 ) sources; Lapt, pays de pierres, ou mieux cons. truction en pierres, pour la distinguer des maisons de broussailles qui furent les premières habitations de nos ancêtres; Ær-ti-as, près de la maison du maître; La Vote, Lavolte, près du tour et du détour de la rivière, des mots celtiques vol, bol, qui expriment cette idée. Les mots Brig, Briv, dans le celtique comme dans les langues du Nord, qui ont avec elle une grande affinité, signifiaient pont , passage , entrée ; ils donnent l'origine des noms de Brives et de Brioude , et peut-être même de Saint-Privat, qui dans les premiers temps pouvait bien porter, ainsi que Brioude, le nom de Privas, puisqu'il était dans les mêmes conditions. Qu'on me permette ici une courte digression. On ne saurait croire le soin que nos pères des premiers siècles du christianisme apportèrent à respecter les habitudes et les vieilles affections du pays. Il se manifeste surtout dans la conservation des vieux noms. Si, par zèle pour la nouvelle croyance, il leur arrivait d’assigner à une localité quelconque le patronage de quelque saint ou sainte, ou ils conservaient au nouveau nom le nom propre ancien surajouté, comme nous l’avons vu dans Saint-Jean-de-Nay, Saint-Pierre-Eynac, ou ils choisissaient un nom de saint qui eût quelque ressemblance, quelque synonimie avec celui qu'on voulait remplacer. Ainsi, donnèrent-ils apparem- ( 161 ) ment le nom de Saint-Privat à un village placé aux confins des Gaballi et des f’ellauni, qui for- mait comme la porte d’entrée de ces deux peuples, sans autre raison, peut-être, que d’avoir porté auparavant le nom de Brivat, entrée, qui présentait une synonimie frappante avec le mot de Saint- Privat; celui de Saint-Geneys, à un village près de Saint-Paulien, pour avoir été bâti aux pieds de la montagne de Pey'ramond, qui, en celtique» signifie la montagne aux genéts; celui de Saint- Vert, au village de ce nom, à cause de sa situation près d’un ruisseau où se pratiquait un guet ou passage, signification celtique du mot vert; à un autre, celui de Saint-Arcon, paree qu'il était peu éloigné d’une réunion de deux eaux et qu’Ar’coun , en celtique, signifie réunion des eaux; celui de Saint-Haon, Abundus , parce que celieu dominait l'Allier, et qu'abund, von, avon signifient eau qui coule rapidement. De pareilles remarques ne sont pas exclusive- ment applicables au Velay; on peut les faire par- tout ailleurs. Ce n’était pas seulement dans le choix du patronage des lieux qu'on apportait cette attention, on y avait les plus grands égards jus- ques dans la consécration même des monumens, surtout des temples qu’on affectait au nouveau culte. Les premiers chrétiens, dit M. Dayron (Antiquités de Nismes), donnèrent volontiers les temples des faux dieux à ceux de leurs saints 11 (162) dont les noms avaient le plus d’analogie au nom de la fausse divinité. En Bretagne, sur les ruines du temple de Bellen, le dieu soleil des Gaulois, on bâtit une église à S. Melen; en Provence, aux Appolinaires de Riez on substitua le culte de S. Appolinaire, et Bensletten a vu sur la cime du Mont-Leva une chapelle autrefois d'Anna Perenna, sœur de Didon, aujourd’hui sous le vocable de Sancta Anna Petronilla. ne nd SECTION DEUXIÈME. Quelques étymologies latines. Il est probable que les noms d'hommes ont eu dans la formation des noms latins dés lieux une influence plus étendue que celle qu’on apercoit aujourd'hui. Ces noms d'hommes , n’étant plus maintenant en usage, se sont tout-à-fait perdus ou ils se sont tellement altérés, soit dans le sens, soit par la suppression des voyelles, soit l'addition des gutturales ou le changement des désinences, qu’on ne peut les reconnaître; ce qui fait que l’origine de beaucoup de noms de lieux nous échappe au- jourd'hui. Signalons-en cependant quelques-uns qui se sont soustraits à la loi commune. Bas (villa Bassi). Ce nom est entièrement ro- main. Le bourg de Bas doit son existence à la famille consulaire de Bassus. ( 163 ) il existait à Feurs (forum Segusianorum ) une corporation d'ouvriers charpentiers ( collegium fabrorum tigrinariorum ) disséminée tout le long de la Loire jusqu'aux pieds du mont Anis. Les coteaux du beau fleuve étaient tout couverts de bois, comme en témoigne le nom de Li-ger, contracté de lig-num ger-ens qui lui fut imposé, ainsi que le pensent quelques-uns, pour exprimer les utiles services qu’il rendait, 11 y avait là habi- tuellement un officier romain (præfectus fabrorum ligrinariorum) qui avait sous sa direction de nombreux ouvriers employés à couper, équarrir et préparer les bois pour les constructions dont les Romains couvraient le pays. Ce fut en cette qualité que fut employé C. Bassus, le fondateur de Bas. Guichenon, dans son Histoire de Savoie, cite une inscription où il portait le titre de præ- Jectus fabrorum. VPossesseur de propriétés fort étendues sur les bords de la Loire, il construisit pendant son administration, dans l’emplacement où est actuellement Bas, un bel édifice qu’il ha- bita, auquel il donna le nom de Bas (villa Bassi), conservé dans de vieux papiers qui existaient il n'y a pas long-temps. Les découvertes faites en médailles, urnes funéraires, lampes sépulcrales, débris de constructions , sont des preuves irréfra- gables du long et florissant séjour des Romains dans ce cantonnement. Bas n’est pas le seul endroit de cette contrée (164 ) dont le nom ait celte origine; il paraît avoir été le cheflieu d’une agrégation de petites colonies romaines qui portent encore les noms latins qui leur furent imposés par leurs fondateurs. Peut-on se refuser, par exemple , de recon- naître dans le nom d’Æmilieu (Fmilii locus ) une possession de l’illustre famille des Emiliens ? Dans ce nom, intégralement conservé, 1l n’y a de mo- derne que la syllabe eu, commune dans le Forez, mais exceptionnelle dans le Velay, puisqu'on ne la remarque que dans Æmilieu et Gralieu (Graii locus). Ne retrouve-t-on pas encore dans le village Antoniane, la villa Antoniana de quelqu'un de la famille dés Antoine ; dans Flac’hac, celle d’un colon romain, de l’une des deux familles Y’alerius ou Hora- tius Flaccus, qui avaient de riches établissemens dans le Bugey et la Valla-vie; dans Crispin'hac , la demeure d’un membre de la riche famille des Crispus, dont était Salluste. Ne sont-ce pas aussi des noms romains que ceux de Flavrac, Lavinr'ac, Labrec, qui semblent ne s'être conservés que pour nous apprendre que d'illustres familles de Rome ont eu leur résidence dans nos belles contrées, où elles sont peut-être venues chercher une retraite écartée et modeste pour se meltre à l'abri des commotions qui agitèrent si souvent la capitale du monde ? Le peuple-roi a laissé encore sur les bords de la Loire, à la jonction de ce fleuve et de la rivière (165 ) de l’Anse (ad ansam), le mot latin de Confluens dans le village de Confolent, comme les Celtes avaient laissé sur les rives de l'Allier leur mot de Coun’dat qui paraît avoir eu la même signification. On aime à reconnaitre dans d’autres parties du département des traces vivantes du séjour des maîtres du monde : Marcilliac, Marminrac, Binlli'ac, étaient des résidences romaines. Tollÿac ou plutôt Toullrac, comme prononcaient les La- tins, devait être encore la maison de campagne de quelque dame romaine du nom de Tullia; de celle peut-être dont M. de Lalande a relevé lépi- taphe : Æliæ et Tulliæ, Cœsaris filiæ. L’imagina- tion aimerait aussi à placer la modeste demeure de quelque membre déchu; des puissantes fa- milles Jullia et Billia, dans Julliange et Bil- l'ange, dont les noms sont composés d’un nom propre romain et de la désinence celtique ange, demeure. On sait que la famille Billia était très- répandue dans les Gaules. Peut-être découvrirait-on dans le Mont-Jule une réminiscence de quelque passage où campement de César; dans ces mots frappans de Champ- d’Appe, de Champ-pravi, un campus Appii, un campus pravus, en souvenir d’une place maudite par suite de quelque événement néfaste ou de quelque sanglant combat; dans celui de Mont- juvin où Mons juventutis, un mont consacré à la jeunesse ou une éminence sur laquelle se trouvait quelque autel élevé à Jupiter. (166) L'origine grecque ou latine se fait pressentir d'une manière remarquable dans le nom de Mon- let (Mons lethi), mont de la mort; en grec,mons lethos, mont de loubli, cimetière. Monlet était bâti en face de la montagne de Bard où existait un établissement militaire considérable. On a trouvé près du village et dans le village même plus d’un souvenir funèbre, des inscriptions, des pierres sepulcrales , etc. Ce lieu fut, selon toutes les apparences, destiné aux cérémonies funèbres; c'était là où les soldats de la cohorte romaine ve- naient rendre les honneurs sacrés du bûcher aux restes de leurs camarades morts dans le camp. Le nom de Mégal que porte un des plus élevés etdes plus beaux mamelons des monts cen’meniens, accuse pareillement une origine grecque ou latine. Megale, en grec, signifie la belle; et Magalia, en latin, les fentes, les cabanes. Pour avoir l'intel- ligence de l’étymologie latine, il fautremarquer la position de cette montagne par rapportauxRomains. Placé sur les confins du pays des Y’el’aunes, au- delà du Pont-de-Mars (commune du Chambon-de- Tence), tout près de l'endroit où Ofellius place le monument que consacra Q. Fabius, après sa victoire sur Bituit, roi de l’Auvergne et du Velay, le Mégal était une borne limitante qui séparait alors les possessions romaines des provinces cel- tiques. Les légions romaines, qui gardaient ces marches ou frontières, ayant en perpective quelques (167) misérables cabanes qui étaient aux pieds de cette montagne, ont bien pu lui donner ce nom quali- ficatif de Mégal, la montagne aux cabanes, qu'il conserve encore, Il me resterait, Messieurs , à vous entretenir maintenant des étymologies du moyen-àge; mais je laisse pour une autre circonstance ce travail qui peut avoir aussi son côté intéressant. Je ter- mine par une réflexion judicieuse que me fournit un véritable savant, le célèbre Latour-d'Auvergne, l’homme qui a le mieux approfondi nos origines : « Lorsque le flambeau de PHistoire ne répand » qu'une faible lumière sur les âges reculés d’une » nation et que des recherches sur ses antiquités » paraissent par leur nature trop compliquées pour » qu'il soit possible d'arriver à des conséquences » certaines, les probabilités peuvent devenir alors » en quelque sorte pour nous ce qu'est pour le » voyageur égaré, incertain de sa route, la lueur » d'une matière phosphorique qui, ayant con- » servé dans les ténèbres la clarté qu’elle a em- » pruntée du soleil, le rassure, le réjouit et con- » tribue à le remettre dans la voie qu'il doit » suivre pour arriver heureusement au terme de » Son voyage. (168 ) AN MAMA RAS MA AU AA AA AA VU VAR AA LV UV AR AR AS AR MUR AURA A AU A NOTICE Surle Manuscrit de THÉODULFE ; Par M. Pu. HEDDE, membre résidant. Sans que l’on s’en doute, le Puy possède l’un des monumens paléographiques les plus curieux qui existent aujourd’hui au monde. C’est une Bible ma- nuscrite enrichie de pièces de poésies etdesavantes dissertations sur les Ecritures saintes, composées et très-probablement écrites de la main même de Théodulfe (1), l'un des hommes les plus distingués du siècle de Charlemagne. Tout porterait à croire que Théodulfe exécuta ce manuscrit pendant sa captivité dans les prisons d’Angers, où il se trouvait renfermé pour avoir trempé dans la conspiration de Bernard, roi d'Italie, contre Louis-le-Débonnaire, l’un des fils de Charlemagne. Des chroniques dignes de foi rapportent que le jour des rameaux, le roi se trouvant à Angers et passant avec la procession (1) Théodulfe, évêque d'Orléans, l’un des plusillustresprélatsde son siècle, fut un des restaurateurs deslettres en France. Ses talens et son érudition ayant porté la renommée de son nom jusqu’à Charlemagne , ce mouarque l’appela à sa cour vers l’an 781. ( 169 ) sous Îles fenêtres du prisonnier, celui-ci se mit à chanter une hymne qu’il avait composée pour cette auguste cérémonie, hymne que l'Eglise a depuis lors adoptée. Ce chant plut tellement à l’empereur Louis, que non-seulement il rendit ses bonnes grâces à Théodulfe, mais encore il l’ap- pela à l'évêché d'Orléans, On prétend que, pen- dant sa captivité, Théodulfe avait fait vœu de donner le manuscrit de la Bible qu'il avait écrite en lettres d’or et d'argent, à Notre-Dame du Puy- en-Velay, qui, depuis le voyage de Charlemagne dans ces contrées, était en grande vénération, Le vœu fut exécuté; depuis lors cette Bible a fait partie du riche trésor de la cathédrale du Puy. Une note latine, écrite en caractères grecs au commencement et à la fin du manuscrit, fait con- naître que la couverture du livre fut restaurée au commencement du règne de Francois I, par P. Rostain, chanoine de l’église du Puy. Le velours du IX® siècle fut recouvert par un velours du XVI, et on eutle soin d’y ajouter deux rubans, cordons très-forts qui servaient à le fermer. Pendant la révolution de 1793, ce manuscrit subit le sort de la Vierge noire que S. Louis avait apportée au Puy à son retour des croi- sades, et de tous les objets précieux de cette église qui furent enlevés par ordre du directoire, pour être livrés aux flammes sur la place du Mar- touret. Sauvé, sans doute, à cause de la riche cou- CES - verture dont il était orné, le manuscrit fut plus tard remis à un des chanoines de la cathédrale du Puy, l’abbé Lafond, qui, avant sa mort, le déposa entre les mains de l’évêque du Puy. Maintenant, par une décision toute récente et qui fait honneur à la générosité et aux lumières de Mgr de Bonald, évêque du Puy, le manuscrit de Théodulfe, rendu à sa première destination, va devenir un des plus précieux et des plus rares ornemens du Musée sacré que Mgr l’Evêque vient d'établir dans la cathédrale, et les amis des arts et de la science pourront venir l’examiner à loisir. Dans le dernier volume des Annales de la So- ciété d'Agriculture du Puy, je fis insérer quelques notes sur l'ouvrage de Théodulfe et sur les pré- cieux tissus qu’il renferme. Les nouvelles recher- ches que j'ai pu faire depuis lors sur ce manuscrit, m'ont fait penser qu'il pourrait être de quelque utilité pour la science paléographique et pour l'art du tissage, de donner une plus grande pu- 5 blicité à mon travail, et afin de rendre mes obser- vations plus utiles, j'ai joint deux planches : lune de tissus , l’autre contenant un apercu sur le mode de rédaction généralement employé dans louvrage, et sur la forme des lettres et les ornemens les plus caractéristiques de ce ma- nuscrit, an (171) J'ai divisé mon travail en six parties : 1° Histoire critique du manuscrit; 20 Son âge; 3° Son mérite biblique; 4° Sa description et son exécution ; 59 Tissus qu'il renferme ; 69 Conclusion. — Texte et traduction de deux pièces de poésie contenues dans le manuscrit, I. Aistoire du manuscrit. Cette bible faisait anciennement partie du riche trésor de la cathédrale du Puy; M. de Trèves, chanoine de cette église , dans un Mémoire adressé au savant auteur de PHistoire générale du Languedoc, vers le milieu du siècle dernier; avant lui Frère Théodore, ermite, en 1693, et plus anciennement encore, le P. Odo de Gissey, en 1623, en font une mention expresse et en parlent comme d'un livre connu de temps immémorial dans le trésor de l’église de Notre-Dame. Si nous consultons la tradition, elle nous dit comme M. de Trèves, son organe : « Que le fa- meux Théodulfe , évêque d'Orléans, visita alors aussi (c’est-à-dire du temps de Charlemagne) l'église du Puy; qu'il y fit le riche présent que l’on conserve encore, d’une belle Bible latine, écrite partie à la main sur du vélin, partie en beaux caractères d’or et d'argent, burinés sur de Pécorce d'arbre. » ( 172) Elle nous dit encore, avec Odo de Gissey , pag. 235 : «Il semble qu’il (Théodulfe) fit ce don à Notre-Dame du Puy en action de grâces, lorsque du temps de Louis-le-Débonnaire, lan 835, il fut délivré de sa prison à Angers. » Ou bien encore avec Frère Théodore, p. 165 : « Il s’acquittait ( Théodulfe) par ce don d’une pro- messe qu'il avait faite dans la méchante affaire que le soupcon d’avoir trempé à la conjuration de Bernard, roi d'Italie, lui avait attirée; mais qui, par un effet de son innocence ou de son bonheur, n’aboutit qu’à lui coûter quelques rimes. Louis, qui le tenait prisonnier à Angers, passant sous ses fenêtres, à la cérémonie des palmes (les rameaux), il entonna des couplets médités pendant son loisir, et ce cantique dont Eglise se sert encore, plut si fort à ce dévot prince, qu'il lui rendit la liberté et ses bonnes grâces. » Si tous ces faits étaient incontestables, il ne resterait plus aucun doute sur l’âge véritable du manuscrit de Théodulfe et sur son antiquité; mais des faits de ce genre peuvent facilement s’altérer en passant de bouche en bouche et s’embellir en traversant les âges de circonstances qui, sans por- ter préjudice à personne, ajoutent considérable- ment à l'intérêt. En eflet, la date assignée par Odo de Gissey ne paraît pas exacte; puisque les travaux conscien- cieux et plus récens des Bénédicuns établissent que (173) la mort de Théodulfe eut lieu en l’an 821. Les faits avancés par Théodore et M. de Trèves ne sont pas exacts : les feuillets du manuscrit ne sont pas en écorce d'arbre; les lettres ne sont pas burinées, mais peintes; et quand Frère Théodore nous assure que les vers du frontispice sont dédiés à la sainte Vierge, 1l nous donne une preuve concluante qu'il ne les avait jamais lus. Le P. Odo de Gissey parait plus réservé sur l’affirmative. IL semble, dit-il: et ce mot est d’au- tant plus remarquable que cet auteur est le plus ancien de tous et qu'il a été probablement copié par ses successeurs. De pareils témoignages offrent trop d’incertilude pour que nous puissions rien éla- blir de fixe. Cherchons à nous éclairer par d’autres voies ; cherchons des règles plus sûres pour décider la question de l’âge et de l’antiquité de ce manuscrit. II. Son antiquité et son dge. En parcourant cette Bible, ce qui frappe tout d’abord, c’est la figure des caractères em- ployés, la non division des versets et l'absence totale de ponctuation; cette dernière circons- tance attesterait seule la très-ancienne origine du manuscrit, qu’elle ferait remonter au-delà du 10€ siècle; car à cette époque, la ponctuation était presque régulière et générale. Elle se remar- que même dans la plupart des ouvrages du 9° siècle, (174 ) Celte première preuve est déjà très-forte, l'absence de la ponctuation est sujette à trop d'inconvéniens pour admettre la supposition que l'on ait songé, à une époque postérieure, à repro- duire dans sa forme primitive un manuscrit dont une grande partie est écrite en caractères si fins et si microscopiques, qu'il faut employer le verre d'une loupe pour les déchiffrer. Et pour donner ici une idée exacte de cette espèce de tour de force du scribe, nous ajouterons qu’il entre 35 lettres dans l’espace d’un pouce. Les plus curieux ou- vrages de typographie moderne de Firmin Didot sont loin d'approcher de cette finesse. Mais n’omettons pas un dernier témoignage en faveur de l'antiquité de ce manuscrit : de même que chaque homme apporte dans son écriture une forme de caractère toute spéciale, un ordre tout particulier, chaque âge, chaque époque a aussi son écriture et des formes spéciales. L'imprimerie elle-même, quoique bien plus fixe, n’est pas à l’abri des nuances et des variations, du perfectionnement ou de la bizarrerie du temps : elle équarrit ou elle arrondit, elle allonge, elle épure ou altère même quelquefois les types; et les différences déjà sensibles nous font discerner d'un coup d’œil le livre imprimé aujourd’hui, du livre imprimé il y a cent ans, fussent-ils l’un et l’autre dans le même état de conservation. Or, ces différences, combien ne doivent-elles pas se (175 ) remarquer plus fortement encore dans les âges antérieurs à limprimerie, où chaque copiste, chaque écrivain apportait son tribut de modi- fication, et où le goût comme la négligence cons- piraient à-la-fois au bouleversement des formes des lettres primitives ? Suivant ces principes, ilresterait à parcourir les doctes ouvrages de diplomatique que nous ont laissés les Bénédictins, et les divers traités modernes de paléographie à produire des chartes, des diplomes de diverses époques bien connues, puis à confronter la Bible de Théodulfe avec ces ouvrages. Qu'il me suffise de dire ici que ce long et fasti- dieux travail, déjà tout fait par la science et sur- tout par l'ouvrage que vient de publier tout ré- cemment M. de Wailly, assigne comme une date certaine au manuscrit de Théodulfe les dernières années du règne de Charlemagne. Ajoutons encore deux manuscrits dont l’abbé Pluche offre des modèles, ln du 7° siècle, les OEuvres de saint Isidore de Séville; l’autre du 8e, les fHomélies de saint Grégoire. Cet ouvrage de l'abbé Pluche , que l’on rencontre partout, Le Spec- tacle de la nature, suffirait seul pour mettre cha- cun à portée de constater l'identité des diverses espèces de caractères de notre manuscrit, et de vérifier par lui-même son âge. Nous voilà donc en possession d’un manus- crit du 9 siècle, parfaitement conservé; et le (176) témoignage de la tradition se joignant aux carac- tères paléographiques de l'ouvrage, il est bien dif- ficile de ne pas être frappé de l'importance de ce témoignage. Nous serons alors forcé d'avouer qu'Odo de Gissey a pu être induit en erreur sur une date; Frère Théodore et M. de Trèves ont pu méler à cette tradition des faits inexacts; ils n’en rapportent pas moins tous le don fait par Théo- dulfe, et un pareil accord, surtout quand aucun monument ne l'infirme, serait en justice un puissant moyen de preuve par induction. Il, Mérite biblique. Sous le rapport biblique, notre manuscrit n’est pas moins remarquable. Ecrit de la main même ou sous la dictée de l’un des hommes les plus instruits et les plus éclairés du siècle de Charle- magne, le manuscrit de Théodulfe renfermant quelques-unes de ses œuvres et le texte adopté par lui, de l'Ancien et du Nouveau Testament, serait d’une grande utilité par sa date, par la beauté de son exécution et pour l'Histoire cri- tique du fexte de la Pulgate. Ce texte, comme on le sait, a pour principal auteur S$. Jérôme, qui traduisit l'Ecriture sainte de l’hébreu. Saint Jérôme, frappé du reproche que les juifs faisaient aux chrétiens de ne point posséder une seule version exacte des divines Ecritures, CA en entreprit une dans laquelle il rendit fidèlement le texte sacré. Des critiques injustes s’élevèrent ; son ouvrage, bien qu'excellent et reconnu pour tel par les Juifs eux-mêmes, juges-nés de ce qui concerne leur langue, ne fut point recu généra- lement, au moins de suite; mais après sa mort, on commenca à estimer davantage sa version, et l'usage en devint général dans l'Eglise. Mais cette nouvelle traduction, ce texte de saint Jérôme ne tarda pas à être altéré, non pas, il faut le dire, dans le dogme, la partie subs- tantielle, mais par la négligence des scribes; et il est impossible qu'il en soit autrement partout où un ouvrage est abandonné à l’impéritie des copistes souvent ignorans ou négligens. Des ver- sets omis, des notes explicatives et purement marginales intercalées dans le texte sacré; en un mot des additions et des omissions : tels furent constamment les principaux caractères que pré- sentèrent la plupart des manuscrits jusques à l’épo- que où l'Eglise vint arrêter les progrès du désordre et ramener le texte sacré à sa pureté primitive. Cette époque est surtout celle où l’on voit les papes Pie IV, Sixte V ct Clément VIIT s'occuper effi- cacement de la révision des manuscrits et de la correction du texte sacré. Cependant, par des mé- nagemens toujours dignes de la sagesse de l'Eglise, plusieurs fautes douteuses furent encore épargnées, plusieurs endroits inexacts non corrigés, Le savant 12 (178) Luc de Bruges s’en plaignit; le cardinal Bellarmin , Van des correcteurs, luirendit grâces de ses plaintes et de son bon vouloir, mais ne dissimula pas la justice de ses remarques, tout en lui prouvant que les raisons les plus plausibles l'avaient forcé à ne pas faire toutes les corrections jugées nécessaires. On comprend dès lors que le manuscrit de Théodulfe est d'autant plus précieux, qu’apparte- nant à une époque plus éloignée, étant écrit par un homme d’une haute érudition, il doit ren- fermer un texte plus pur et peut-êtrela correction qu’Alcuin, contemporain de Théodulfe, avait faite du texte sacré. Je n’ai pu, faute de documens, vérifier cette dernière observation qui ne serait pas sans doute dépourvue d'intérêt, Ce qu'il y a de certain, c’est que dans la collation rapide, qu'avec labbé Chambonnet et quelques autres savans, jai essayé de faire du texte de Théo- dulfe avec le texte sacré, j'ai été à même de faire quelques observations qui prouvent ou en faveur de la Vulgate, ou en faveur des améliorations que l’on pourrait peut-être apporter encore à son texte dans une nouvelle révision autorisée par l'Eglise. C'est ainsi qu’au livre des Nombres, ch. 8,v.2, nous lisons dans la Vulgate: Zoquere ad Araon et dices ad eum cüm posueris septem lucernas candelabrum in australi parte erigatur. Hoc 1gitur præcipe ut lucernæ contrà boream e regione res- (179) piciant ad mensam panum propositionis contrà eam partem quam candelabrum respicit lucere debebunt. — Tout ce qui est écrit en lettres italiques dans le texte ne se trouve ni dans le texte hébreu, ni dans la version des septante, ni dans le texte samaritain, ni dans la paraphrase d'Onkelos, C’est une note marginale explicative qui a passé de la marge dans le texte par une mé- prise ou une distraction des copistes, et ce texte ne se trouve pas dans le manuscrit de Théoduife. Au Ile livre des Rois, nous trouvons un exemple qui indique les progrès qu’avaient déjà faits ou que firent dans la suite certaines interprétations. Ch. 8, v. 6, nous lisons simplement dans la Vul- gate : Et de Bere et de Beroth civitatibus Adarezer tulit rex David æs multüm nimis. — À ces mots, le manuscrit de Théodulfe ajoute ceux-ci : De quo fecit Salomon omnia vasa aurea in templo.…… Explication que Bellarmin et ses coopérateurs ont sagement supprimée, comme n’appartenant pas au véritable texte; explication à laquelle cependant d’autres copistes postérieurs avaient encore ajouté, depuis Théodulfe, ces autres mots : Æ£ mare œneum et columnas et altare, comme on peut le voir dans la Bible de Robert Etienne, de 1545, à l'endroit cité. Enfin une 3° citation , le fameux texte relatif à la Trinité, 1. ep de S, Jean, 6 et 7 : Tres sunt qui testimonium dant in cœlo, Pater, Verbum et Spi- ( 180 ) ritus sanctus, et hi tres unum sunt, ne se trouve pas dans ce manuscrit non plus que dans beau- coup d’autres, comme on sait. Le Psautier n’est pas celui de la Vulgate, mais bien celui de S. Jérôme, tel qu’on le trouve dans la traduction faite par ce saint et éditée par les Bénédictins, en 1693, sous le titre de Divina Bibliotheca. Tout cela fait sentir combien il serait peut-être nécessaire que l'Eglise intervienne pour donner à la version de l’Ecriture l'autorité qu’elle doit avoir. IV. Description et exécution du manuscrit. « Les peaux des quadrudèdes différemment pré- parées, celles des poissons, les intestins des ser- pens et autres animaux, le linge, la soic, les feuilles, le bois, l’écorce, la bourre des plantes et leur moëlle, les os, Pivoire, les pierres com- munes et précieuses, les métaux, le verre, la cire, la craie, le plâtre, etc., ont fourni, disent les Bénédictins, la matière sur laquelle on écri- vait autrefois et sur laquelle on écrit encore. » La plupart des anciens manuscrits qui sont parvenus jusqu’à nous sont écrits sur parchemin ou sur vélin. L'usage d'écrire sur cette matière re- monte à la plus haute antiquité. Quant aux parche- mins pourprés, destinés à recevoir des ornemens en couleur et des caractères d’or ou d'argent, ilest certain qu'on en fabriquait déjà du temps de Pline. ( 181 ) Le manuscrit de Théodulfe est écrit sur beau et fort vélin, partie blanc, partie teint en pourpre ou violet. Tout l'ouvrage, excepté les pages d’or- nemens, est disposé sur deux colonnes. Chaque feuille a 12 pouces de hauteur sur 9 de largeur; chaque colonne porte soixante- deux lignes d'écriture de 2 pouces 3 lignes de longneur. L'espace compris entre chaque ligne est de 1 ligne 2/3, ce qui donne 8 pouces 1[2 pour la hauteur de chaque colonne. On remarque dans l’ouvrage de Théodulfe trois espèces de lettres, savoir : 1° La capitale plus oumoinsgrosse et approchant plus où ou moins de la majuscule ( Planche 2, Jig. x). Cette lettre a été employée pour les titres. 20 L’onciale plus ou moins prononcée. Cette écriture tient le milieu entre la petite capitale et la grande minuscule; elle se rencontre plus par- ticulièrement dans les titres peu apparens, et dans les pièces de poésie que Théodulfe avait placées au commencement et à la fin de son ma- nuscrit (fig. 2. ). 3° Enfin, la minuscule, mélangée de cursive ; écriture mixte, tenant le milieu entre l’onciale fine et l'écriture ordinaire (fig, 3). Le corps de l'ouvrage est écrit en lettres un peu plus grosses que les préfaces de S. Jérôme et que les tables placées au commencement de chaque livre; cette écriture ( 182 ) est si fine qu'il est presqu’impossible de pouvoir la lire sans le secours d’une loupe microscopique. Les lettres, quoique fines, sont parfaitement formées (fig. 7). Nous avons déjà dit qu’on ne trouve pas la moindre trace de ponctuation dans louvrage de Théodulfe, ce qui est une grande preuve de son antiquité. Quant à l'encre noire qui a servi à tracer les caractères, elle n’a rien de particulier à celle des autres manuscrits. Dans certains feuillets, la couleur de cette encre s’est un peu altérée , et pour remédier à cet inconvénient, il paraîtrait qu'on aurait essayé de restaurer quelques-uns des passages les plus endommagés. 11 est probable que les corrections auront été faites sous le règne de Francois Ie", époque où fut réparée la couverture du livre. Mais d’un autre côté, les abréviations ou sigles n’ont pas été épargnés. On sait que les sigles sont des lettres choisies parmi celles qui composent le mot; ainsi, par exemple, Xrm, pour le mot Christum ; Di, ; Domini; Ses, Sanctus; Matth, Mar, Luc, Joh, eoru, Dom, Mattheus , Marcus, Lucas, Johannes, eorum, Dominus, et un grand nombre d’autres abréviations qu'il serait trop long d’énu- mérer ici. On sait que l'or et l’argent étaient généralement employés dans les manuscrits du 8° et du 10° siècle, On se servait d’une encre d’or ou de feuillets (183) du même métal, que l’on appliquait sur les lettres ou sur les ornemens. Dans ce dernier cas , l'or produisait un relief plus ou moins saillant, suivant l'épaisseur de la couche du mordant et celle de la feuille métallique appliquée dessus. L’encrectles feuilles d'argent s'employaient aussi à la même époque. Les lettres et les ornemens d’or du manuscrit de Théodulfe, tant ceux figurés sur le vélin blanc que sur le vélin pourpre, surtout les capitales qui paraissent formées de feuilles d’or appliquées, ont peu souffert. Grâce aux tissus que Théodulfe avait eu le soin de placer entre chaque feuillet, les lettres parfaitement dessinées ont conservé une netteté primitive, ce que lon ne retrouve pas en général dans les manuscrits appartenant à la même époque, même dans celui de la Bible de Charlemagne, dont M. de Wailly donne un fac- simile dans le magnifique ouvrage qu'il vient de pu- blier, et qui a pour titre: Ælémens de Paléographie. Quant aux lettres qui paraissent avoir été écriles avec de l’encre d'argent sur le vélin pourpre, elles semblent avoir beaucoup plus souffert : quelques- unes, en s’effacant, ont laissé sur le vélin des traces vertes, noires ou grises, sur lesquelles on dé- couvre à peine quelques vestiges du métal. Je crois devoir rappeler iciqu'il existe dans la biblio- thèque de St-Etienne un manuscrit lrès-remar- quable, qui est une espèce de Wécrologe ayant ( 184) appartenu à l’église de Chartres. Une inscription en lettres capitales d’or, du même genre de celles du livre de Théodulfe, annonce qu'il a été commencé sous le règne de Charlemagne. L’his- toire de ce manuscrit et sa description pourraient peut-être faire connaître quelque nouveau monu- ment de notre langue vulgaire à une époque aussi éloignée. On sait que nous n’avons encore en France d’autre monument de cette époque que le double serment prêté, en 842, par Charles-le- Chauve. Pour assurer la longueur des lignes et la régu- larité des caractères du livre de Théodulfe, il paraît que le copiste se contentait de tracer, au moyen d'un séyle ou burin très-aigu, une ligne sur laquelle s’appuyait la base de l'écriture; mais pour espacer également les soixante-deux lignes de chaque colonne, l'écrivain a dû se servir d’un compas, à l’aide duquel il a percé le vélin de trous quidevaient être destinés à fixer la position de la règle. Ces soixante-deux raies tracées par ce moyen étaient rencontrées perpendiculairement par d’autres raies tirées du haut en bas de la page, et qui, en limitant le commencement et la fin de chaque ligne, réservaient, au moyen d’une autre ligne, une petite place sur la gauche de chaque colonne, pour les lettres capitales ou onciales servant à marquer le commencement d’un cha- pitre ou d’un alinéa. ( 185 ) On ne trouve nulle part dans ce manuscrit les traces du crayon, dont l’usage, comme on le sait, ne commenca à avoir lieu que vers le 11° siècle. Quant aux outils employés pour tracer les carac- tères de ce manuscrit, tout porterait à croire que lon aura fait usage de plumes d’oiseaux, manière d'écrire déjà connue antérieurement à l’époque où Théodulfe composait son manuscrit, puisque S. Isidore de Séville, qui écrivait bien long-temps avant lui, dit que les instrumens des écrivains étaient la canne (calamus ) et la plume; que la canne était tirée d'un arbre et la plume d’un oiseau, et qu’on la fendait en deux pour écrire. Les ornemens les plus remarquables de l’ou- vrage sont : huit couronnes contenant des ins- criptions placées à la fin des livres, et qua- torze canons qui servent à renfermer des tables et quelques-unes des pièces de poésies de Théodulfe. Ces tables sont renfermées dans une arcade cintrée , supportée de chaque côté par deux colonnes de même couleur, et divisée elle-même en plusieurs autres arcades séparées par d’autres petites colonnes de même ordre, mais de cou- leurs différentes des premières. L’archivolte du grand arc, bordée de chaque côté par un large filet dor reposant sur un fond rouge, est peinte de divers ornemens, tels que disques , plumes d’oiscaux, croix pattées, mosaiï- ( 166 ) ques, grecques, etc., disposés sur un fonds de cou- leurs diverses, Les petits arcs sont formés d’un seul filet assez fort, le plus souvent en or et quelquefois en argent, par opposition dé couleurs avec les premiers. Les chapiteaux des colonnes sont variés et paraissent appartenir plus spécialement au co- rinthien; les colonnes sont jaspées ou marbrées de différentes couleurs : quelquefois l’or et l'argent s’y trouvent réunis et produisent l'effet du por- phyre, du portor et des agathes les plus riches. À la retombée extérieure du grand arc et de chaque côté, une console bordée d’un filet d’or supporte un oiseau dont le plumage de diverses couleurs est encore relevé par des filets d’or pro- duisant des reflets admirables. Ces oiseaux parais- sent appartenir aux espèces des aigles, des ibis, des autruches, des geais, des coqs, des faisans, des paons et des pigeons. On y voit aussi quel- ques oiseaux d'imagination ou de fantaisie. Le rouge ou vermillon est surtout employé à marquer les chapitres au moyen de chifires romains, ou à distinguer les titres, les initiales, les alinéas, etc.; les autres couleurs qui entrent dans les canons et dans le contour des couronnes placées à la fin de quelques livres, sont : plusieurs nuances de bleu, de vert, de rouge, de jaune, le noir et le blanc. Souvent l'or, placé en filigrane et en bordure, vient produire un heureux effet. Le manuserit est formé de 347 feuillets de ( 187 ) vélin blanc ou pourpre, écrits sur les deux côtés, ainsi disposés : 1 feuillet blanc, portant cette inscription, que je présume être de la même encre et de la même main que la note en grec qui se trouve à la fin du manuscrit: Hæc Biblia restaurata anno 1511. 3 feuillets de vélin pourpre, dont les deux premiers portent les 125 distiques en vers latins de la préface de Théodulfe , écrits en lettres petites onciales d’or. Sur lavant-dernière page se trouve de la prose latine. Les lignes, en se rétrécissant d’abord et s’élargissant vers le mi- lieu, forment une espècc de croix grecque, tandis que la dernière page porte un canon à deux colonnes renfermant une table des matières des différens ouvrages qui composent lAncien Testa- ment. Les titres sont en capitales d’or et les tables en lettres onciales d’argent. 142 feuillets blancs, écrits en lettres minus- cules et cursives noires. Les titres et les premières lettres des alinéas sont capitales ou onciales or ou rouge. Ces feuillets renferment : La Genèse. Josué. Isaïe. L'Exode. Les Juges. Jérémie. Le Lévitique. Ruth. Ezéchiel. Les Nombres. 1et 2 Samuel. Osée. Le Deutéronome.| 1: et 2 Malachim. | Jobel. ( 186 ) Amos. Nahum. Zacharie. - Abdias. Abacchuc. Malachie. Jonas. Sophonie. Job. Michée. Aggée. 24 feuillets pourpres, sur lesquels sont écrits les psaumes de David en lettres d'argent, les titres en lettres capitales cet onciales d’or. 79 feuillets blancs écrits en caractères ordi- naires, renfermant : Les Proverbes. Esther. L’Ecclésiaste. La Sagesse. Le Cantique des Cantiques.| L’Ecclésiastique. Daniel. Tobie. Les Paralipomènes. Judith. Esdras. 1 et2 Livres des Machabées. 1 feuillet pourpre, contenant l'introduction au Nouveau Testament, ou Préface de S. Jérôme, en lettres d’argent, capitales et onciales d’or. 6 feuillets blancs, renfermant douze canons ou tables des matières du Nouveau Testament, écrites en chiffres romains d’or. 30 feuillets pourpres, lettres ordinaires d’argent, capitales et onciales d’or, contenant les quatre évangélistes : S. Matthieu, S. Marc, S. Luc et S. Jean. 33 feuillets blancs , caractère ordinaire, sur lesquels sont écrits : Les Epitres de S. Paul aux Romains, aux Corin- thiens, aux Galathes, aux Ephésiens, aux Philip- piens, aux Colossiens, aux Thessaloniciens, à Ti- mothée, à Tite, à Philémon et aux Hébreux. ( 189 ) L'Epiître de S. Jacques, celles de $, Pierre, de S. Jean, de S. Jude; enfin, les Actes des Apôtres et l’Apocalypse de S. Jean. 26 feuillets blancs, caractère ordinaire, renfer- mant Ja Chronographie de $S. Isidore de Séville, quelques commentaires, interprétations des mots hébreux, grecs ou latins, et des dissertations sur divers objets; le tout terminé par une concordance des livres saints et l’inscription suivante ajoutée en lan 1511, par P. Rostan, que nous donnons avec toutes ses fautes et sa traduction. IS XS JÉSUS-CHRIST. Xœrpe o Oeos, Xarpe Maxprx |Je voussalue, Dieu; je vous salue, Marie. Apan. Zogras, DoBosKuptovu.|La crainte du Seigneur est le commen- cement de la sagesse, Bœærnpiæ pou. o Xpisos. Le Christ est mon salut : Hesrpos Posxyos Kxyoyros | Pierre Rostan, chanoine de l’église du Puy ÉxnkeËrs ayratëy er pneÇ et correspondant de l’église de Lyon. Eye, hovydovyenost Anno Dr : 15110. L'AN DU SEIGNEUR 1511, Apern æ@ayra yiAa. Le courage triomphe de tout. 11 EP: P. R. Enfin, 2 feuillets pourpres sont à la fin du manuscrit. Sur le premier se trouvent cinquante- six vers des vœux de Théodulfe au lecteur, dis- posés sur deux colonnes et renfermés dans un canon; tandis que sur le second feuillet on voit une grande couronne ayant au milieu Îles (190 ) sigles : EX . PLI. CIT . LIB. (fig. 8), annonçant que le livre est fini. Cette couronne est placée entre deux distiques latins que Théodulfe dédie au lecteur. Les lettres de ces quatre vers, grandes et petites capitales en or, sont très- remarquables en ce qu’elles donnent une idée de la manière d’enchevêtrer ou de placer les lettres les unes dans les autres. Du temps de Charlemagne, on sait que ce mode était très-employé (fig. 9). Quant à la reliure du manuscrit, les vers placés à la fin de l'ouvrage font connaitre qu'elle était rouge pourpré; il est facile de reconnaitre la vérité de cette assertion , attendu qu'il existe encore sur le dos du livre quelques restes assez bien caractérisés de velours rouge, ayant appar- tenu à la première couverture. En 1511, le velours rouge pourpre qui recouvrait les deux plateaux du livre, fut remplacé par un velours cramoisi qui vénait se raccorder avec l’ancien velours laissé sur le dos du livre. Ces deux tissus sont là comme des témoins qui attestent l’anti- quité et l’origine du livre. En 1511, on eut la précaution de mettre un morceau de ruban pour servir de fermoir aux deux plateaux de bois de chêne sur lesquels reposait la couverture. Quant aux pierreries et l'or dont la reliure du livre était enrichie, les pierreries ont été enlevées, et quelques boutons d'argent doré assez usés attes- tent seuls que cette couverture a dû être belle, (191) Il parait que l'usage d'enrichir ainsi les divers livres d’ornemens en or et de pierres précieuses est très-ancien, Nous voyons dans l'inventaire du trésor de la sainte chapelle royale, publié par M. Morand en 1790, qu'un manuscrit sur vélin, du 14€ siècie, en lettres d’or, orné de vignettes et de miniatures, était garni d'une cou- verture à plaque d’or et enrichie de 12 saphirs, 26 éméraudes, 10 rubis-balais, 2 agates-onix et 6o perles; le tout estimé 10,000 livres. Telle était peut-être la couverture du manus- crit que Théodulfe avait donné à la cathédrale du Puy. V. Tissus trouvés dans Le manuscrit. Il parait que l’on avait autrefois l’usage de placer des morceaux de tissus fins et moelleux (1) (1) Quelques anciens manuscrits à miniatures de couleurs mélangées d’or et d’argent, qui existent dans les bibliothèques de Londres, de Paris et de Lyon témoignent de cet usage. M. de Comarmond, l’un des archéologuesles plus distingués de la ville de Lyon , a bien voulu me communiquer un manuscrit à mi- niatures d’or, du 11*siècle, contenantentre les feuillets des tissus moins anciens que ceux du livre de Théodulfe, mais qui n’en sont pasmoins remarquables. La couverture de cet ouvrage se compose de deux plateaux d'ivoire admirablement sculptés; tandis quele dos est formé d’une étoffe de lampas des Indes argent et soie, qui paraît travaillée avec l’espoulinage et la nayette ordinaire. (1923 entre les feuillets des manuscrits à miniature, surtout ceux qui renfermaient des lettres et des ornemens en or ou en argent. On concoit faci- lement que, sans ce lit de repos, la plupart des feuillets de ces manuscrits qui avaient des orne- mens et des peintures en or et en argent, se frottant continuellement , auraient fini par se dé- tacher. C’est à cette attention des scribes que l’on doit en général attribuer la belle conserva- tion des nombreux manuscrits à miniature d’une époque très-éloignée, et qui sont parvenus jusqu’à nos jours. C’est surtout au soin qu'avait eu Théodulfe de placer des tissus entre les feuillets de son ma- nuscrit que nous devons la parfaile conservation des caractères de cet ouvrage, un des plus an- ciens et des plus remarquables que je connaisse. Ces tissus, fixés à chaque page au moyen d’un fil de couture , avaient sans doute été choisis par Théodulfe lui-même parmi les plus beaux, les plus fins et les plus moelleux de l’époque où il vivait. Les uns étaient des crêpes de Chine avec des bordures de cachemire broché ou espouliné par crochetage, à la méthode indienne ou persane; les autres, des tissus unis et même faconnés de divers genres, de diverses couleurs et de diverses matières, telles que la soie, le coton, le lin, le poil de chèvre et le duvet de chameau de (195 ) la plus grande finesse, ces matières si souples qui entrent encore aujourd'hui dans la confection des schals de Cachemire. En examinant les trous des coutures qui atta- chaient les tissus aux feuillets du manuscrit, on regonnait qu'ils devaient être au nombre de 66, 1] ne reste aujourd’hui que 53 échantillons; les 13 qui manquent ont été enlevés ou perdus. Pour pré- venir un pareil enlèvement, les 53 échantillons restant aujourd'hui ont été numérotés, placés avec ordre dans les feuillets du livre et fixés au moyen d’un lacet de coton, de manière à ne pou- voir plus disparaitre. Une décomposition régulière, une analyse rai- sonnée suivant les principes de l'art, ont été faites de tous ces échantillons. La description en a été insérée dans les Annales publiées, en 1636, par la Société d'agriculture du Puy.Une carte synoptique de ces tissus et des dessins qui les décorent, se trouve à la fin de cet ouvrage. Chose remarquable : ces tissus ainsi disposés, ont conservé intacts presque tous les orne- mens du manuscrit, tandis que les feuillets ont préservé les tissus du contact de l'air et leur ont conservé tout l’éclat de leurs premières cou- leurs. Mais chose peut-être plus remarquable en- core : en 1017, M. Bancel, de Saint-Chamond; en 1820, M.Beauvais, deLyon; en 1835, MM. Gran- gier frères, de Saint-Chamond , prenaient des 13 (194) brevets d'invention pour la fabrication de diverses étoffes qui se trouvaient dans les feuillets du ma- nuscrit de Théodulfe (PL. 1). Afin de pouvoir faire des rapprochemens, établir des comparaisons entre ces tissus anciens et ceux d'aujourd'hui, j'ai cru devoir ajouter, comme complément, une collection d’étoffes, de rubans et de dentelles, choisis parmi les plus remar- quables de ceux qui ont été exécutés dans les premières années du 19° siècle. Si, dans mille ans, 1] prenait fantaisie à quelque amateur en textologie de faire de nouvelles recherches, il me saurait peut-être quelque gré de cette attention. VI. Conclusion et traduction de quelques pièces de poésie de THÉODULFE. Qu'il me soit permis de rappeler, en finissant cette analyse bien succinte et bien imparfaite du précieux manuscrit de la cathédrale du Puy, que la Bible écrite par Ælcuin (1), contemporain de (1) Biblia sacra ex versions sancti Hieronymi codex scriptus manu celeberrimi ALCUINI, En 778, à la sollicitation de Charlemagne, A/cuin entreprit une révision de la version latine des saintes écritures, par S. Jérome; dans ce but, ilcommencace manuscrit qu’il acheya en 800. C’est un magnifique volume relié en velours, dontles feuilles sont en vélin, et qui est écrit sur deux colonnes. Il contient (195 ) Théodulfe, fut vendue il ÿ à peu de temps, en Angleterre, 37,500 francs. Sans doute le manuscrit d’Alcuin est plus riche en ornemens et en dessins d'or et d'argent que le nôtre; à ce titre, il attirera davantagelesregards des artistes etdes amateurs de peinture, et sera porté plus haut dans leur estime. Mais, mettant à part tout ce qui est de luxe maté- riel , la conservation de notre manuscrit, son épo- que et son mérite biblique, les pièces de poésie et les commentaires sur les livres saints d’un des prélats les plus célèbres et les plus instruits du siècle de Charlemagne, les caractères d’or et d'argent de divers genres; enfin les ornemens et les tissus variés qu'il renferme, tissus presque tous exotiques appartenant à la même époque que le manuscrit et à des pays qui ont toujours fourni les étoffes les plus précieuses; tout cela nous ferait présumer que nous n’aurions pas beau- coup à redouter la comparaison. Il me reste à exprimer ici un vœu dans lin- 449 feuilles. Il est orné d’anriche frontispice en or eten couleurs, et enrichi de quatre grandes peintures qui montrent l’état de l’art à cette époque reculée. Il y a trente-quatre grandes lettres initiales peintes en or et en couleur, et contenant des sceaux, des allusions historiques et des devises emblématiques, et de plus, quelques capitales peintes plus petites. Ce rare volume est dans un état de conser- vation parfait. Il a été adjugé aux enchères publiques, à Lon- dres, à M. Giordet, pour 1500 livres sterling. (196 ) térêt de la conservation du précieux manuscrit dont je viens de parler, et conséquemment dans l'intérêt du pays et de la science paléographique : c’est de voir la nudité du vieux livre recouverte d’un manteau peu digne de son illustre vieillesse, et, pour parler sans métaphore, je réclamerais de la protection éclairée du gouvernement une couver- ture pour la restauration de ce vénérable livre, sur le frontispice duquel on pourra écrire : Ce manuscrit a été composé et écrit, il y a plus de 1000 ans, au siècle de CHARLEMAGNE, IL a étérelié à neuf sous FrANCoiïs 1°, restau- rateur des lettres. Il a été illustré et rendu au jour sous Louts- PuiLippe If". Traduction de deux pièces de poésie. Secondé par l'abbé Chambonnet, de Vals, un des plus habiles polyglottes dont s’honore aujour- d’hui notre pays, j'ai hasardé de donner ici une traduction de deux pièces de vers latins, dont l’une se trouve au cominencement, l’autre à la fin du manuscrit de Théodulfe. J'ai cru devoir m'attacher à en rendre aussi fidè- lement que possible le sens et l'expression, et afin que l’on puisse confronter cette traduction avec le texte latin original placé à la fin de cette Notice, j'ai séparé chaque distique par autant d’alinéas. On (197 ) sait que les ouvrages de Théodulfe, tant en prose qu'en vers, ont été recueillis et publiés par le P. Sirmond, en 1646. Le texte de notre manus- crit se trouvant quelquefois différent de celui du P. Sirmond, j'ai cru devoir laisser subsister toutes ces différences et même toutes les fautes etabréviations qui se trouvent dans le texte ori- ginal du manuscrit. Préface de la Bible (1). Tout ce que le style attique et latin a pris de lhébreu, vous l'avez tout entier dans ce livre, cher lecteur. Dans ce livre, la Genése tient le premier rang. Remontant aux premiers âges, elle chante la nais- (1) Une des plus belles pièces de poésie de Théodulfe est sans contredit celle que ce poète avait faite pour orner le fron- tispice de la Bible qu’il avait écrite lui-même oufait écrire pour son usage, cette même Bible dont plus tard il fit hommage à Notre-Dame du Puy. Ce poème, composé de deux cent cinquante vers latins, est employé à faire l’éloge des livres saints. L’auteur y donne une idée générale, mais exacte, de l’Ancien et du Nouveau T'esta- ment, avec la liste des livres del’un et de l’autre, suivant l’ordre qu’ils tiennent dans cette Bible ; ordre un peu différent de celui qu’ils ont dans nos Bibles imprimées. Il indique en même temps l’ordre qu’il a suivi dans le classement des différeus livres sacrés. ( 198 ) sance du monde, le déluge et les grandes actions des patriarches. Après elle, l’'£xode nous montre l'Egypte dé- pouillée, la mer rouge traversée, les sources qui jaillissent au sein du désert et la loi sainte qui est donnée. Ensuite, le Lévitique détermine les fonctions du sacerdoce, et, sous des rites symboliques, révèle le grand sacrifice futur. Le livre des Nombres décrit les guerres , les grands hommes et leurs brillans exploits, et nous montre les chefs que Moïse a vaincus, les idoles qu’il a brisées et les forfaits qu’il a punis. C’est encore Moïse que nous voyons dans le Deutéronome proclamer de nouveau la loi, bénir le peuple, établir des droits sacrés, entonner des chants prophétiques et mourir au milieu des triomphes. Dans son livre, le héros fils de Vun divise les terres conquises, après avoir détruit les villes et les lieux consacrés par un culte impie. Le livre suivant nous apprend l’ordre dans lequel les Juges se succédèrent et nous raconte leurs actions remarquables. A ces faits se rattache l’histoire de Ruth, femme moabite, célèbre par sa piété filiale, célèbre par sa pieuse postérité. Sous le nom de Samuel, le premier et Île deuxième livre des Rois font connaitre les actions de linjuste Saül et celles du roi prophète ; (199 ) Tandis que sous le nom de Malachim , le troisième et le quatrième livre chantent, suivant l’ordre des temps, les actions mémorables des rois hébreux. Alors paraît /saïe, chantant le Christ né d’une vierge et appelant les nations à de meilleures destinées. Ici Jérémie, dans l’extase, fait apercevoir une verge et une chaudière, et déplore les malheurs de Jérusalem dans quatre lamentations. Là Ezéchiel, obscur au commencement et à la fin, nous fait apercevoir cet être qui, selon le langage de l’homme, s'appelle hybride (monstre), Enfin se trouvent réunis en corps les douze petits prophètes, révélant des secrets bien supé- rieurs au sens réel de leurs paroles. Ainsi Osée parle souvent de la prostituée, des enfans du crime et de la veuve, désignant sous ces emblêmes Josephet Samarie, Ephraïm et Israël. Tandis que Joël annonce l’ancien monde boule- versé par la guerre et ses ravages avant l’arrivée du pontife réparateur , Amos poursuit de ses triples reproches quatre royaumes différens, et sa voix solennelle fait en- tendre de grandes et mystérieuses vérités. Abdias frappe Edom de sa voix incisive; le rival de Jacob tombe à la voix de ce prophète. Dans le naufrage de Jonas se révèle la passion du Sauveur , tandis que, sous l'image de Ninive, l'univers obtient son pardon. ( 200 ) La voix foudroyante de Michée se fait entendre contre la fille des voleurs (Babylone), parce qu’elle a osé frapper à la joue le chef d'Israël. Ensuite Nahum se déchaîne contre la ville de sang (Jérusalem), et il voit sur la montagne les pieds de ceux qui annoncent l’Evangile. Eclairé des yeux de l'esprit, Habaccuc contemple dans les siècles futurs le Sauveur en croix. Ses chants sont pleins de vigueur; il annonce des choses mystérieuses. Sophonie fait entendre les cris qui s'élèvent aux portes de Jérusalem et sur les collines voisines; il prédit encore de grands malheurs aux habitans de Pile, Aggée prédit le rétablissement du temple; il annonce que le maître du tonnerre va remuer la mer , la terre et le ciel. Zacharie dévoile à nos regards les faits mysté- rieux qu'il aperçoit dans l'avenir, et nous montre le Sauveur du monde monté sur une ânesse. Malachie declare que les sacrifices de l’ancien peuple sont rejetés, et que les Gentils vont de- venir les bien-aimés de Dieu, Le livre de Job est mêlé d'actions, de récits, et sous un petit nombre de feuilles, il renferme les plus grands trésors. Ensuite viennent les Psaumes, astreints à la mesure lyrique et dont le style harmonieux chante Jésus-Christ, ( 201 ) Alors se succèdent les trois livres d’Ididia, auxquels on a donné le nom de Salomon ou Cohélet. Le premier instruit les hommes comme un père instruit ses enfans et réforme leurs mœurs d’après les lois de la morale (/es Proverbes). Le second proclame la vanité de tout ce qui est sous le soleil, et s'attache à développerune foule de maximes utiles au bonheur de la vie (lÆcclésiaste). Le froisième chante l'alliance sacrée de Jésus- Christ et de l'Eglise. Ce livre, écrit en formé de dialogue, doit être entendu d’une manière toute intellectuelle (le Cantique des Cantiques }. Ici se montrent Daniel, l'historien prophétique de tout l’univers, qui annonce la pierre qui doit briser tous les royaumes; Ensuite deux livres appelés Verba dierum (Paralipomènes), espèce de journal destiné à faire passer à la postérité les exploits des généraux et le dénombrement du peuple ; Esdras, qui rappelle le peuple à la loi, tra- vaile au rétablissement du temple et raconte le retour d'Israël dans ses foyers ; Puis viennent Esther , figure de lEglise, Esther l’ornement, la gloire ét l’orgueil du peuple exilé. Puis après lelivrequi porte letitrede La Sagesse, parce qu’il dévoile à nos regards l'avènement et la mort de Jésus-Christ, Et l’Ecclésiastique, qui prescrit des règles sages ( 202 ) et célèbre par des chants de louange la piété et le bonheur de nos pères. Si dans tes chants, à Tobie! la pauvreté ver- tueuse ct la piété filiale sont dignement célébrées, Dans Judith, nous voyons une femme coura- geuse mettre un terme aux sollicitations inces- tueuses d’une passion pleine de délire. Enfin se présentent à nos regards les deux livres des Machabées, où sont célébrés les exploits de quatre illustres frères. Mais ici, telle qu'une trompette éclatante, la loi nouvelle proclame à découvert les mystères de Jésus-Christ que l’ancienne loi couvrait d’un voile allégorique. Quatre hérauts sacrés, $. Matthieu et S. Marc, S. Luc et S. Jean, font retentir à-la-fois l'univers du bruit de son nom. Le premier (S. Matthieu) commence ses nar- rations par la généalogie de Jésus-Christ, et c’est pour cela qu’on lui donne un homme pour em- blème. Le second ($. Marc) nous fait entendre la voix terrible qui retentit au désert, aussi a-t-il un lion pour attribut; Parce que le troisième (S. Zuc) parle des sacri- fices et du sacerdoce, on lui donne un taureau pour symbole, Enfin, comme le quatrième (S. Jean) s'élève dans les airs, sur les ailes de ses paroles, on le compare à l'aigle rapide qui va se perdre au sein des nues. ( 203 ) Après ces quatre écrivains, viennent les Epitres que $. Paul a adressées à l’univers. Paul, ce loup rayissant que la grâce avait changé en agneau. La première Epitre arrache les Romains au joug pesant de l’ancienne loi, et les loue d’avoir em- Thrassé la foi de l'Evangile. La deuxième, adressée aux Æphésiens divisés par de fatales erreurs, les rappelle aux principes dela vraie croyance. Dans la froisième, Paul est bien aise qu'ils se repentent; il les console , il les exhorte à une meilleure vie. La quatrième fortifie la foi des Galates; cette foi dont l’abandon et le mépris les fait gémir sous un pesant fardeau. Dans la cinquième Epître , Apôtre paie au peuple d’Ephése le tribut d’une louange méritée pour sa fidélité à conserver la foi. La sixième console les Philippiens, les loue, les encourage et les félicite d’avoir gardé le précieux dépôt des véritables croyances. Ensuite dans la septième il forme les Colossiens abusés par de faux prophètes; il les corrige, il les instruit. La huitième Epitre est adressée à ces fidèles généreux que Thessalonique engendra au chris- tianisme ; il les félicite d’avoir su rester inébran- lables au milieu des temps orageux. La neuvième annonce les derniers temps et fait connaître la manière de triompher dela contagion. ( 204 ) Dans son dixième écrit, lApôtre forme Timothée et lui donne des instructions sur la discipline de l'Eglise et la hiérarchie sacrée. C'est encore à cé disciple que l’Æpifre suivante révèle les forfaits de l’âge futur et enseigne les moyens de suivre les sentiers du bien. Après Timothée, c’est Tite, à qui la douzième Epitre montre à éviter les hérésies et à exercer dignement le sacerdoce. Là freizième té donné de bons conseils, ô Phi- lémon ! conseils qu’un père Henry a de Rome, où il était capuf. Dans la derniére enfin, S. Paul prouve aux Hébreux, par les oraclésdela loi et des prophètes, que Jésus-Christ est véritablement le fils de Dieu. A ces Epitres sont jointes sept lettres catholiques qui contiennent la doctrine sortie de la bouche même des Apôtres; Savoir : une de S. Jacques, deux de S. Pierre, trois de S. Jean et uné de toi, 6 Jude! Tous ces écrits complètent l’enseignement gé- néral des dogmes de l'Eglise, règlent la foi et nous montrent le chemin du salut. Puis viennent les Actes des Apôtres, que $. Luc a rédigés; ils sont ainsi appelés, parce qu'ils célè- brent les exploits de l'Eglise naissante. Enfin, la sainte Vision de S. Jean (F Apocalypse), termine tous ces livres et les marque d’un sceau mystérieux, ( 205 ) Tels sont les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, qui, par deux routes qui se confondent, dirigent les mortels vers les célestes demeures. C’est là qu'est cette nourriture, cet aliment im- mortel qui apaise la faim du juste et qui l’excite éout en le rassasiant. C’est là cette liqueur, cette boisson merveilleuse, puisée aux sources du ciel, et qui ne désaltère que pour augmenter dans les cœurs une soif insatiable du bien. C’est là encore cette trompette éclatante qui re- tentit dans l’univers entier, et appelle les enfans de la terre à la gloire des cieux. C’est là enfin cette lumière resplendissante qui chasse les ténèbres de l'erreur et qui fixe les pieds de l'intelligence dans la voie de la vérité. Là vous trouverez les lois de Dieu qui délivrent le monde des ténèbres; ces lois plus brillantes que les astres, plus blanches que la neige. Elles ordonnent ce qui est juste et défendent ce qui est injuste; elles extirpent le mal, font fuir les vices honteux et engendrent toutes les vertus. Oui, c’est la loi du Seigneur, cette loi si pré- cieuse, que rien ne saurait l’être davantage, puis- qu’elle est un don de celui qui est la source de la vie, un océan de clarté et l’origine de tout bien. C’est une doctrine puissante qui surpasse toutes les sciences et que rien sous le ciel ne saurait égaler, ( 206 ) Que pourriez-vous lui comparer dans ce quüi est le fruit de l’intelligence et de l’art, qui ne soit aussi loin d’elle que la terre l’est des cieux ? En effet, tout ce que l’invention humaine enfanta de plus merveilleux , coule à pleins bords dans l'Ecriture sainte. Tout ce que la raison, l'intelligence ont de plus profond, tout ce que le monde a de plus sé- duisant, jaillit de cette source, et n’est qu'un écoulement de ce fleuve divin. Et comme il n’estaucune œuvrehumaine qu’elle n’efface par ses beautés naturelles, il n’en est pareillement aucune qu’elle ne surpasse par la manière de les présenter. Ses paroles pourront paraître suivre toujours le même sentier, cependant sous un même signe elle attache plusieurs sens divers. Elle raconte des faits de manière à faire entre- voir des mystères; et en célébrant de grands évé- nemens, elle en laisse soupconner de plus grands encore. Elle sait tellement allier la grandeur à la sim- plicité, que, sous une apparence commune, elle cache de précieux trésors. Dans les événemens passés, elle nous dévoile l'avenir; et en nous les racontant, elle nous donne d’admirables instructions. Si elle décrit des actions, elle nous apprend à agir; et en nous parlant d’une chose faite, elle nous enseigne à la faire. (207) Je ne parlerai pas ici du prix extrinsèque des choses et du mérite des sujets qu’elle traite. Qui entreprendra d’énumérer tous ses titres de gloire ? Qui l’osera , qui le pourra jamais ? Son obscuritén’arien de décourageant; sa clarté n’a rien de fatigant; dans le premier cas elle ne lasse pas, et dans le second elle ne devient pas vile. Ici c’est l’espoir qui soutient, là on jouit prompte- ment de ses trésors; icielle exerce l'intelligence par ses mystères; là on jouit de ce qu’on a trouvé. Dans les endroits où elle est obscure, elle ouvre un vaste champ aux combats de la science, tandis qu’ellerécréel’ameignorante par sanoblesimplicité, Elle est le pain du fort; elle est aussi le lait de l'enfance, et si aux uns elle procure une nourri- ture solide, aux autres elle présente en même temps un aliment plus léger. Elle bouillonne tantôt comme un vin généreux, tantôt elle adoucit comme le jus de l’olive; et en inspirant aux hommes mille sentimens divers, elle les conduit tous à une même félicité. Ordinairement les choses deviennent insipides par le fréquent usage; au contraire, sa lecture assidue n’engendre aucun ennui, et plus on la comprend et plus on la recherche. D’autres livres fatigueront l'attention à force d'être médités; mais pour celui-ci, plus on le mé- dite, plus on s’y attache. Tandis qu’elle soulage l'esprit par son style ( 206 ) simple et naïf, elle l'élève à de meilleurssentimens par la sublimité de ses pensées. Et là où la foule des lecteurs croit la com- prendre toujours assez, pour le véritable savant elle offre des charmes toujours nouveaux. Dirai-je qu'elle conduit les hommes au ciel et qu’elle les associe à une vie qui ne doit pas finir? Tandis qu’elle affaiblit amour des choses de ce monde, elle augmente celui des choses divines, et le cœur de celui qui lit tourne ses désirs vers de meilleurs biens. Ajoutez à tout cela, qu’elle nous forme encore pour les choses d’ici-bas, et que par ses conseils etson secours la route à suivres’ouvre devant nous. Car chacun instruit par les actions d'autrui, apprend ce qu'il doit éviter et ce qu'il doit faire. Et en lisant l’histoire des événemens passés, nous apprenons à régler nos paroles et nos actions par les lecons d’une expérience anticipée. Qui pourrait énumérer tous les titres qu’a ce livre à notre admiration? Il serait plus long de faire l'éloge de la loi que de compter les grains de sable de la mer et les gouttes d’eau de la pluie. O vous! qui que vous soyez, qui vous adonnez à cette sainte lecture, adressez-vous au Seigneur du fond de votre ame! Afin qu'il daigne dans sa clémence vous faire savourer ce divin nectar et qu'il habite lui-même dans votre cœur, pour l’enivrer de ses douceurs. ee (209 ) Ouvrez, à son approche, la porte de votre ame; qu’exempte de toute souillure, elle soit digne de servir d'asile à l’auteur même de cette loi sainte, et qu'il veuille bien y descendre avec elle pour vous l’expliquer. Ne vous laissez pas dominer par un vain or- gueil, par une fausse gloire, ou par l'amour d’une louange inutile et frivole. L'Esprit saint fuirait un cœur plein d’arrogance et de mensonge, il refuserait d'habiter dans un corps oppressé par l’iniquité. Que votre esprit soit donc humble, votre cœur droit, vos actions pures; que le travail fasse vos délices, que la piété accompagne tous vos pas. Méditez fréquemment la loi sainte, occupez- vous et le jour et la nuit de ses salutaires avis, Portez-la dans votre cœur , ayez-la toujours à la main , à la bouche ; et pendant que vous corrigez les fautes des autres, que Ecriture sainte corrige les vôtres. Puisse-t-elle reposer toujours avec vous sur votre couche, frapper la première vos yeux à votre réveil, être sans cesse suspendue à votre cou, sans cesse puissiez-vous l'avoir entre vos bras, sur vos genoux ! Qu'à Fheure du sommeil elle trouve encore place à votre chevet, et lorsque le sommeil fuit de vos paupières qu'elle vienne à l'instant vous trouver. 14 { 210 ) Non-seulement pour que vous soyez savant, mais pour que vous soyez juste; l’une et l’autre de ces choses sont bonnes, mais encore l’une l'emporte sur l’autre. Car le Tout-puissant ne vous demandera pas compte de vos paroles, mais de vos actions; cependant vous pouvez lui plaire dans l’une et dans l’autre. Apprenez en lisant, exercez-vous souvent, ins- truisez-vous en pratiquant, et que ce soit là un sentier dont vous ne vous écartiez jamais dans Pétude de la loi divine. Par une lecture assidue de cette loi sainte, vous formerez votre cœur et vous apprendrez à vos sens à ne jamais s’écarter d’une aussi belle voie. Voulez-vous empêcher les impressions que vous avez éprouvées de s’effacer et vous fortifier de plus en plus, lisez souvent; une lecture assidue fixe dans l’esprit ce que l’on a bien compris. C’est ainsi qu'après avoir abattu les vieux chênes d’une antique forêt, la trace du pied, en s’impri- mant souvent, forme bientôt un large chemin. Que votre exemple serve d'appui à vos discours: ce que vous enseignez, faites-le, et ce que vous faites enseignez-le. En sorte que vos œuvres ne soient pas en con- tradiction avec vos paroles, ni vos paroles avec vos actions; mais plutôt que les unes et les autres marchent dans le plus grand accord. ( En À Les vérités que votre esprit aura pu découvrir, exposez-les avec humilité et modestie, de peur que l’orgueil ne vous ravisse les biens que l'étude vous aurait procurés. I serait inutile d’en dire davantage; de ce peu de paroles vous conclurez aisément bien des choses que je n’ai pas dites, lecteur intelligent! C’est ainsi qu'après avoir jeté en terre quelques semences dans son champ , le laboureur recueille une moisson abondante qui surpasse ses espérances. Et pendant que vous lirez ce livre, pendant que vous parcourrez ces vers, daignez , je vous prie, vous souvenir de THÉODULFE; adieu. Vers de Tanéonuzre (1). C’est par amour pour celui dont la loi divine retentit dans cet ouvrage, que Théodulfe a entre- pris de le reproduire. Siau-dehors il brille de l'éclat de la pourpre, de l'or et des pierres précieuses, au-dedans il brille d'un éclat plus vif encore (2). A la suite de ces livres sacrés, archives véné- rables de la loi catholique , un autre petit ouvrage est venu réclamer une place (la Chronographie de S. Isidore de Séville). (a) Cette seconde pièce de poésie est composée de soixante vers latins. Théodulfe, après avoir fait une espèce de résumé de ce que coutient son manuscrit, y ajoute des vœux au lecteur, (2) Le poète fait allusion au velours cramoiïsi de la couver- ture, et aux ornemens et pierreries dont elle était ornée, ( 212 ) Commeéncant à la naissance du monde, il décrit l'histoire de nos pères, en rappelant les noms des patriarches et des rois. Il constate le nombre de leurs années et l'ordre de succession, jusqu’au temps de Lon règne, à Hé- raclius ! Ilrappelle beaucoup de faits en peu de mots, et présenteune grande histoire sousun seul coup d'œil, Vient ensuite l’explicalion des divers noms hé- breux que l’on retrouve fréquemment dans la loi sainte. Puis les noms grecs que la foi ancienne emploie et qui expriment les idées de l'Eglise. Enfin, à la suite de ces divers ouvrages se trouveune nomenclature desnoms latins, petite en apparence, mais qui renferme des choses d’un grand poids et d’une grande utilité, Tel est l’objet de ce livre, C’est là cette lumière à l’aide de laquelle vous pourrez sonder les abimes du fleuve sacré de la loi et chercher dans ses profondeurs une pêche abondante, Ô vous qui voulez découvrir la vérité ! Ce sont Jà les filets qui vous serviront à faire une riche capture, à vous qui vous appliquez à chercher danslaloidivine une nourriture salutaire ! Ne les méprisez pas ces moyens, comme de peu d'importance, cher lecteur; souvent une vile cas- sette renferme des objets du plus grand prix. Faite d’un métal bien commun, une clef de fer nous ouvre la porte d’une forteresse et celle d’un riche trésor. EE ( 2x3: ) Et bien qu’elle ne soit en elle-même qu’un objet de peu de prix pour celui qui la conserve, qu'un objet de peu de poids pour celui qui la porte, elle nous ouvre cependant le chemin de trésors bien plus précieux. Ne vous laissez donc point allerau dédain, parce que l’apparence en est mince. Sous cette petite enveloppe, sontcachéesdes choses de grand poids. C’est ainsi qu'au moyen de faibles clous se sou- üent une immense structure, et qu'un petit mar- teau polit de grandes pièces de métal. C’est encore ainsi que des moissons abondantes naissent d’une petite semence, et un arbre ma- jestueux d’une graine impercepüble. Enfin, c’est ainsi que les parties obscures d'un discours nous sont révélées par les parties plus claires, et qu’an fable doigt sufht pour lever un immense voile. F Tout ce que la vaste prairie de la science vous offre de fleurs, vous les trouvereziciréunies comme en un seul parterre; hâtez-vous deles cueillir. Jouissez-en, heureux lecteur; jouissez-en pour devenir plus heureux encore, en enrichissant votre vic des richesses éternelles. Et chaque fois que vous prendrez ect ouvrage, et que vous lirez et relirez ces vers, daignez, je vous prie, vous souvenir de moi. Chaque fois que vous reviendrez à ce manuscrit et que vous parcourrez ces riches feuillets préparés ( 214 ) par mes soins (1), rendez-moi la juste récompense de mon travail. La récompense que je vous demande, c’est que vous imploriez pour moi le maître du tonnerre; qu'il daigne m'accorder un pardon salutaire, qu'il me fortifie par son appui. Qu'il éloigue de moi tous les maux et m’accorde tous les biens , et me rende avec vous participant de l’éternelle félicité. Qu'il règle mes mœurs, qu'il affermisse mon espérance, qu'il corrige mes actions, afin que par son secours mon ame puisse arriver au salut. Que ce Dieu clément me purifie de toute souil- lure, afin qu'après la mort il me donne une demeure au-dessus des astres, Et que mon ame soit digne de se confondre au milieu des chœurs célestes, par un bienfait de celui qui seul donne aux enfans de la terre de s'élever jusqu'aux cieux. Vivez POUR DIEU, CHER LECTEUR; COULEZ DES JOURS LONGS ET HEUREUX, ET N'OUBLIEZ PAS, JE vous PRIE, THÉODULFE. LE LIVRE EST FINI. L'OUVRAGE EST TERMINÉ. À CEUX QUI L'ONT CON- DUIT A SA FIN, PAIX, VIE ET SALUT. ET A VOUS, CHER LECTEUR; ADIEU. (1) L’auteur fait allusion aux lettres d’or et d'argent et aux or- nemens tracés sur les feuillets de vélin pourpre de son manuserit- ( 215 ) L'extelatin de la Préface du manuscrit de T'HÉODULFE. Quicquid ab Hebraeo stilus Atticus atq; Latinus Sumpsit in hoc totum codice lector habes Quo loca prima tenet genesis primordia mundi Diluuium que canens gesta q; magna patru; Exodus Aegyptum spoliat secat aëquora rybra Pandititer heremilymphais (lympha#.)lex quedatur Inde sacerdotum legem (gentem Sir.) leuiticus ornat Et typica exponit dona sacris typicis Bella uiros que liber numeri describit et actus Queis Moyses fregit idola stupra duces Post repetit legem populo benedicit et alma Jura dat ac dicto carmine uictor obit Diuidit hinc proprio terram Nauegius heros Libro deletis urbibus atque locis Pridem Iudicibus quis et ordo cucurritet actus Continuante stylo concinit inde sequens Mox que sedent quæ Ruth moabitis femina gessit Clara piis meritis clara nepote pio Psalmicanique actus et iniqui gesta Saülis Prime sequensq; liber hinc Samubhelis habes Tertius et quartus Malachim quæis nomen inhæsit Regum Hebracorum ex ordine gesta canunt Hinc sedet Isaïas Xrm de virgine nasci Qui canit et gentes ad pia Iura vocat Hunc prope Hieremias qui uirgam ollam que tuietur Ordine quadruplici flebile texit opus Partibus Ezechihel summis obseurus et imis Hinc est stirps qui hominis more uocatur eri Post duodenus inest uatum pius ordo minorum Longe aliud signans quam sua uerba soneut Nam moecham et prolem et Ioseph creber intonat Ose Samaria; Effrahim Gezdrahel et uidyam Hinc Iohel euersym priys atris cladibys orbem Flaminis aduentym concinit inde pii (2109 Quattuor æque tribvs probris regna increpat Amos Se et vidisse boat mistica plyra satis Percvtit Abdias Edom almi cuspide verbi Emvlus et fratris illivs ore rvit Navfragio Ionæ signatur passio Xri Ninivis et uitam nomine mvyndus habet Filia latronis vastatur famine Michae Quod dvcis Israhel læserit illagenas Voce Nau; pylsat constanti sangvinis vrbem Pacicanosque boat montis in arce pedes Abbacve interno in cruce Xrm spectat ocello Cornibushis visesteius opertatonat (Sonat S'irmond) Promit Sophonias a porta et colle quod avdit Plangorem indigenis fert qvoq; Pila tuis Aggevs instaurat templvm celsym q; tonantem Moturym recinit aeqvora rvra polvm Mistica Zacharias postqua; uidet ordine plvra Cessorem (Sessorem Si.) dominumdicitaselle tuum. Munera Malachias populi inquit abacta prioris Agmina cumque suis gentium amata Do Job qvoqve uerba tenens cv; gestis inde libellus Ponitvr hic parvvs pondera magna vehit Mox dulcis dulce; depromit cantio Xrm Psalmorum lyrici qos statyvere pedes Protinus Ididiæ resident tres ordine libri Cui nomen Salomon sive Cohelet inest Alloquitur primvs sub prolis nomine cunclos Corrigit et mores ethica lege tva Omnia vana canit rvtilo syb sole secyndus Cvi res est physicas envmerare labor Tertius Ecclesiae thalamu; Xri q; perornat Rebus et in logicis vertitvr eius opus Inde philistoricvs Danihel est totius orbis Omnia qui lapidem frangere regna canit Hinc duo pouvntvr quis nomen verba dieru; est Promere sive lahor gesla genusq; ducum (217) Ponitur hinc Hesdras legem templum q; reformans Et reditym Israhel ad sua rura (Regna $irm ) canens leclesiaeq; typu; referens mox scribitvr Hester Que plebi extorri lausqve decusq; fuit Post liber est positvs cui dat sapientia nomen Quod Xri adventvs morsque patescit ibi Protinvs aptatvr liber Ecclesiaslicus isli Quo pia iura sonant laus que beata patrym Hinc pia pavperies pietas et opima beate Est Tobi libro rite notata tvo Scribitvr insignis Iudith mox femina facti Incestus cecedit qva feriente furor Hinc gemini libri ponvntvr Machabæorym Gesta quibvs fratrum quatuor alma sedent Promit aperta novæ Xrm hinc bvcina legis Tegmine que; typice prompsit operta vetvs Matthæus Marcvs Lucas Scsque Iohannes Vox tonat hunc horv; quatvor vna simul Primus ab humana qyia coepit promere gente Hamani formam sthematis inde vehit Avia terrribili perstringit voce secvndvs Scribitvr et species inde leonis ei Est que sacerdotii qvia rebvs tertivs orsvs Forma ivvencalis hinc sibi rite datvr Et (it Sir.) quia verborv; pennis super aethera quarts Hinc aquilæ specimen celsa petentis habet Quattuor atque (decem #5.) hos Pauli scripta seqvvntvr Quae orbi misit ovis qui lupus ante fuit Romvlidas revocat a legis pondere prima ÂAtque evangelica; censet habere fidem Arcades inlectos diverso errore secvnda Ad veram scriptis convocat alma fidem Paenituisse placet solatvr tertia eosdem Laus (Laudans Sirm.) que hortatur ad meliora simui Ad fidei Galatas deducit quarta vigorem Qua spreta pronos grande premebat onus ( 216 ) Quinta Ephesi populos venerandis laudibus effert Quod Scam haudqvaqvam deservere fidem Sexta Philippenses solatur laydat et ornat Constanter fidei quod tenvere decus Mox que Collossenses praeventos septima falsis Vatibus institvit corrigit atque docet Tessala quam genvit favet hinc octava catervæ Tempora quod cum essent nvbila firma stetit Extima quis etiam prædicit tempora nona Quove sit atra lues dejicienda modo At decimae textus Timotheym informat et aptat Ecclesiae in rebys ordinibysqve sacris Temporis vndecima svpremi probra canvntvr Instruiturqve viis omnibvs ille bonis Instrvit inde Titum decimæ subiuncta secvnda Quo vitet hæreses presbiter esseqyeat Tertia post decimam pia dat tibi verba Filemon Quæ Roma vinctys misit ab vrbe pater Vltima per legis vatymqve oracula Xrm Haebreis prolem praedicat esse Di His synt catholicae sybjynctæ ex ordine septe; Paginæ apostolico qvas rapit ore stilus Scilicet vna pii lacobi Petriqve gemellæ Svnt tres lohannis una ibi Juda tua est Complent quae ecclesiam generali dogmate tola; Institvuntqve fidem iusqve salutis habent Hinc ad apostolicos qvos Lvcas protvlit actvs It stilus ecclesiae qui nova gesta canunt Visio Sca librosquae Sco visa Iohanne est Claudit et archano limine signat eos Hoc testamenti veterisque noviqve sub uno Calle patens biviym ducit ad alta poli Hic cibus aeterno satiat præcordia pastv Iusticiaeqve famen quo mage habetyr alit Hic paradisigeno veniens de gurgite potvs Quem quo plus quis adit plus sitit omne bonu; ( 249 } Haec tuba terribilis mugit per compita mvndi Mittit terrigenu; ad caelica regna genus Haec lux horrendas errorum deculit vmbras Qua retinent mentis te via recta pedes Sunt hic iura Dei tenebris nydantia mundum Splendidiora astris candidiora nive Iusta ivbent inlusta vetant mala cuncta recidvnt Virtvtes gignvnt probra fygant vitia Lex pretiosa Dei est quid enim pretiosivs illa Qvam dat fons vitae lvx et origo boni Est doctrina potens superansq; scientia cynctas Cui valet aequari nvlla svb axe poli Cui si quam cupias sensv conferre vel arte Ut caelo tellus haec ita caedet ei Quicqvid in ingenvis mundana discityr arte Artibvs hic cvrrit liberiore via Qvod ratione viget vel qvicqvid amatvr in illis Hoc a fonte meat huivs ab amne flvit Quumque has in cvnctis vincat fandi ordine vineit Qvod sermone uno multa notanda docet Verborum atqve unvm non mutans tramite calle ; Sic plvres unvs res bene sermo tonat Sic narrat textvm tamen ut mysteria prodat Maiora insinvat dvm modo magna canit Magna qve sic parvis conponit paruula magnis Actumut per uilem tuipreciose sones (tum pretiosa sonel&.} In re præterita monstrat narrando futyram Haec referens mir'; prædicat illa modo Acta ita describit ut agendi conferat artem In re seu facta te facienda monet Pondere de rerum taceo qvis singula fando Expediet decys hoc quis cluit atque viget Quae non clausa metym fastidia non dat aperta Non hic deterret non ibi uilis inest Hic spes qværit eam tenet illic prompta facvltas Qvo latet exercet quo patet ista cibat ( 226 ) Forlium in obseuris exercet proelia dictis Te sermoue humili paruula tvrba fovet Fortibvs est panis pusilhs lacteus humor Hos solidis dapibas hos ope lactis alit Curat more meri ritvy demulcet olivi Multi modo affaty (aptala Sir ) sic datur yna salus Haec etiam assidvo fastidia derogat usu Quoqve magis capitvr quaerityr inde magis Plvraque qvv; soleant meditatv horrescere grandi Huius amor quo plys haec meditatyr adest Adivuat hoec animym hymili sermone legentis Sensibus et celsis ad potiora leuat Nam si (se$ir.) lectorum rudium bene nosse caterva Hanc ratvr at doctis haec nova semper inest Quid quod ad æthereas populi uocat agmina sedes Et uita adsociat non pezitvra tibi Qua myndanus amor refugit crescitque superaus Uertit et ad melius coida legentis opvs Adde quod exemplis mundanos instrvit actvs Et uia consiliis hac tribuente patet Scilicet ut (hic$.) quisquam didicitdum gesta priorvm Qvid uitare queat quidue sequatvr habet Ervdit externis proprios sic aclibvs actys Nonque svis sva sic dicta vel acta regit Singula qvis referat nymero transcendit arena; Et pluuiæ gvitas legis opimvs honos U Cui qui lectvrvym totis te nisibys addis Qvisquis es intenta poscito mente Devm Ut tva clementer cu; hoc nectare corda revisat Cymaqve hoc inhabitet pectoris antra (vi Hac ueniente tuae pandatvr ianva mentis Qva nitidante (omni Sir.) sorde carere qveat Hospitivm qvo prestet ei qvi condidit illam Cum lege hanc adeat legis et ipse dator Non te pervadat fastys non gloria fallax Non vyanæ aut uacyae sit Ubi'Haudis amér ( 22m ) Sps eflvgiet Scs fera pectora ficti Nec habitator adit corpora pressa malis Sit tibi mens hymilis cor prudens actio mynda Sit florens studivm sit pietatis opys Crebra sit in Sca tibimet meditatio lege Instato monilis nocte dieqve svis Hanc gere corde many proprio non desit ab ore Tvqve aliorvm actys corrigat illa tvos Haec in parte thori sedeat hanc Ilumina cernant Hanc colla hanc genva hanc brachia curva vehant Ad caput haec sedeat solito dum tempore stertis Dvymqve fugit somnus te petat illa celer Nec solym ut doctvs sed et ut sis insiys amato Eminet unum alio cvm sit utrymqve bonym Nam tibi cunctipotens actvs non uerba reqviret Illi in vtroqve tamen ipse placere uales Disce legens adsuesce freqvens faciendo doceto Sit que tibi hic trames legis in arte piae Quatenvs erudiat mentem tibi lectio crebra Detqve tuis pulchram sensibus illa niam Ne cito labatvr uires sibi colligat usy Leclio crebra tenet mens quod acuta capit Semita sic caeso dumosæ robore silvae Dum teritvr crebro fit via lata pede Sca ferant Scis uerbis exempla vigorem Qyae canis et facito quae facisipsa (ipse $#r.) cane Non werbis actus non illis verba repugnent Nobile par tecvm cvrrat utrymque simvl Quod bene mente capis humili sermone profare Ne fastv amiltas quod slydiosvs habes Plyra referre mora est in paucis collige mvylta Lector cvi fulvvm mentis acumen inest Semine sic messor prouiso plyrima parvo Grana vehit voto fertiliore clyens Dumqve opys id cernis relegis dum carmina nostra Theodulfi (Theudulfi Sirm.)clemens sis memor oro vale ( 222 ) UERSVS THEODVLFI Codicis huius opus strvxit Theodulfus amore Illius hic cuivs lex benedicta tonat Nam foris hoc gemmis avro splendescit et ostro Splendidiore tam; intvs honore micat Quo post catholicæ ueneranda volymina legis Parva tenet modicv; scriptio cerne locvm Scilicet initio symens exordia ab ipso Per patrvm et regv; nomina texit opus Et notat annorv; numery; notat ordine regna Eracli princeps tempvs adysqve tvv; Gestaqve dat paucis reminisci plyrima uerbis Sic modico innvtv grande notatvr opvs Hinc ad aperta sedent Haebreæ nomina lingvæ Qvæ sacræ (linguæ Sir.) legis inclitus vsvs habet Attica post resident fideiqve prisca vetvstas Contvlit ecclesiæ qvis uocitantvr opes Conficityr latio de nomine silyyla parva Quae magni fryvctvs pondera digna vehit Corpore svb parvo mysteria magna retentant Hæresquas limes codicis hvivs habet His flyviv; legis poterit lystrare lycernis Qværere qvi pisces legis in amne cvpit Retibys his poterit preciosa; prendere Pda; Ars est cui in Sca qværere lege cibvm Non has lector ovans quasi qæda; vilia tepne Vilis rem pvlcra; capsa tenere solet Ferrea nam clauis de vili facta metallo Arcem (argenti Sir.) atqve avri dat penetrare locv; Qvaeqve est servanti seu sarcina parva ferenti Quo gravis est pretii sarcina moustrat It; Nec tibi displiceant qvonia; s; corpore parva Tegmine svb parvo pondera magna latent Na; modicis clavis grandis stryctyra tenet ; Marcvlvs et parvvs magna metalla polit ( 225 ) Sic segetes magnae mascunl; semine parvo Pondus et arborev; germine deqve levi Obstrvsa aperivnt pandvynt q; latentia plvra Parvaqye uelamen vngula (virgula Sir. )grande levat Qvosque tenent flores librorv ; grandia prata En simvyl hic calathus dat tibi carpe manu Vtere seu felix vt (quo #ër.) sis felicior ipse Qvum tua perpetvas vita capescet opes Et memor esse mei dignare per omnia qvæso Dym legis et relegis dvymque adis istvd opvs Dumg; adis istvd opvs Qd condidit actio nostra Mercedem studii tu mihi redde mei Hanc rogo mercede ; pro me deposce tonantem Ut mi; det venia; sev pivs addat opem Noxia depellat concedat prospera qvaeque Participem et faciat vita beata tibi Componat mores firmet spe”; corrigat actvs Utqve animae adueniat hoc tribuente salvs Atqve ita me clemens peccamine purget ab Oni Ut mihi post mortem det svper astra locym Cætibus angelicis et iungat munere cuivs Terrea progenies scandit ad alta poli UIUE DEO FELIX PER PLVRIMA TEMPORA LECTOR THEODULFI NEC SIS INMEMOR ORO TVI EX PLI CIT LIB FINIS ADEST OPERI HIS QUIBVS EST PERAGENTIBVS ACTUM SIT PAX VITA SALVS ET TIBI LECTOR AUE. ( 224 ) Tout le mérite de ces deux pièces de poésie consiste dans les faules mêmes qui les déparent,; par là on pourra connaitre l’état du manuscrit, et même l'ignorance du siècle où elles furent composées; elles ont été collationnées avec soin sur l’autographe; vouloir les corriger serait être infidèle à l'histoire, à l’auteur, à son siècle et sur- tout à la vérité. N'ayant pu, faute de caractères, exprimer les différens sigles ou abréviations qui se rencontrent souvent dans le cours de cet ouvrage, j'ai pensé les remplacer par des points et virgules. J'ai cru devoir aussi ajouter quelques variantes tirées de l'édition des OEuvres de Théodulfe, donnée par le P. Sirmond, tom. IT, pag. 1046. re || (2260) AU VV UV M VU MY VU VE AY VE VV VV MR A VU VU VER VU MAS UV MR VAL VE AR MU LU MR VS NOTICE Sur une découverte de monnaies du moyen-dge, Par M. A. AymMARD, Correspondant du ministère de l'instruction publique , pour les travaux historiques. Un grand nombre de monnaies du moyen-âge ne présente, comme on sait, ni indication de date, ni désignation particulière des seigneurs qui les ont fait frapper. H serait cependant très- utile de préciser l’âge de ces espèces, soit pour l'intelligence des stipulations anciennes, soit pour l'histoire de Part monétaire. À défaut de renseigne- mens directs qui nous éclairent sur l’époque pro- bable de ces pièces, les circonstances les plus remarquables de leur découverte peuvent fournir quelquefois de précieux élémens d'attribution. Très-souvent on trouve ces monnaies enfouies avec d’autres espèces portant les noms des barons et des prélats qui les ont émises et, par induc- üons, la date des unes aide à établir à peu près l’âge des autres. L'importance que peut avoir ce genre d’induc- tions, pour le classement des pièces anonymes, 19 (-236 ) recommande surtout à l'intérêt des numismatistes la trouvaille dont je vais essayer de donner la description. Les monnaies provenant de cette découverte étaient au nombre de près de 800. Elles ont été trou- vées en 1838 au village d’Espaly, près le Puy. Tou- tes ces pièces étaient renfermées dans un vase en terre que l’on découvrit en démolissant une vieille muraille. Une partie du depôt ayant été dispersée presque immédiatement, j'ai regretté de n'avoir pu obtenir des exemplaires de chaque variété. Néanmoins, un certain nombre d’espèces est venu enrichir les collections du Musée du Puy, et, grâces aux communications obligeantes des per- sonnes qui avaient acquis la plupart de ces mon- naies (1), j'ai pu examinertous les types, les clas- ser eten donner ici la suite à peu près complète. L'ensemble du dépôt était composé de dix-neuf espèces de monnaies. Six ont été frappées aux noms des seigneurs suivans : Raymond F et Ray- mond VII, comtes de Toulouse; Æumbert III, comte de Savoie; Ælphonse I et Raymond Bé- renger IV, comtes de Provence; Mahaut II, comtesse de Nevers. Douze ne présentent aucune désignation de (1) Je meplais surtout à exprimer ici ma gratitude à M. Vinay fils, qui s’est empressé de me céder quelques-unes des espèces les plus intéressantes. (227) seigneurs. Les villes dont elles portent le type, sont : Anduze, Avignon, Chäteau-Meillant, Cler- mont, Limoges, Lyon, Orange, Tours, Valence, Vienne, V'iviers et Souvigny. Une dernière est d’une attribution incertaine. Toutes ces monnaies sont des deniers ou se rapportent à des fractions du denier. Les pesées que j'ai faites des exemplaires les mieux conservés, n’ont pu donner que des résultats approximatifs, l'oxide et le frai ayant fait perdre à quelques pièces une partie de leur poids légal. J’aireconnu cependant des 1/3, 1]2 et 2]3 de denier. Ces dernières monnaies, qui plaisent à l'œil par leur petit module, sont surtout remarquables par leur rareté, J'en ai vu seulement cinq du comte Al- phonse, six de Clermont, une de Limoges, trois de Lyon, huit de Vienne et dix de Valence. Ges espèces sont toutes de billon, monnaie très-commune au moyen-âge el le plus souvent la seule que les barons aient fabriquée. Toutefois on remarquera qu'elles n’ont ni le même aloi, mi le même poids: l’alliage dont elles sont formées est à un titre différent dans chaque espèce; le poids des deniers varie de 10 à 20 grains. Ces diver- sités notables de poids et de titre nous expliquent l'usage constant, dans les contrats'du moyen- âge, de spécifier expressément en quelle monnaie les stipulations étaient faites. Dans le Velay, les actes des 12° et 13° siècles indiquent le plus ( 228 ) souvent les deniers de Clermont, de Vienne et du Puy. Le dépôt d'Espaly prouve qu’à la même époque d’autres espèces seigneuriales circulaicent aussi dans notre pays et que, par conséquent, la mon- naie baronnale n’était pas restreinte, comme le voudraient quelques numismalistes, aux limites étroites de la seigneurie (1). La plupart de nos monnaies ont été publiées par Fauris de Saint-Vincent (2) et Duby (3); plus récemment, M. le marquis de Pina (4) et M. Le- lewel (5) en ont aussi donné quelques autres. Toutefois je ferai connaître des variétés nouvelles et un denier inédit, celui de Chdteau-Meillant. Parmi les pièces du plus petit module, j'indi- querai trois exemplaires qui, je crois, n’ont pas été signalés. La découverte de ces nouvelles pièces, leur rareté et leur belle conservation suffiraient sans doute pour donner de l'intérêt à notre trouvaille; mais ce qui la rend surtout pré- cieuse, c'est qu’elle a produit, outre plusieurs espèces d'une époque connue, beaucoup d’autres monnaies dont la date ne parait pas avoir été fixée avec certitude. La réunion de ces diverses (1) Voyez la Numismatique du moyen-äge, par Lelewel, tom. I, pag. 149. (2) Monnaies des comtes de Provence. (3) Traité des monnaies des barons. (4) Quelques monnaies du cabinet de 8j. dePina, pour joindre au recueil de Tobiezen Duby. (5) Numismatique du moyen-äge. : ( 239 ) espèces dans le même dépôt, des similitudes frap- pantes de style et de types, indiquent suffisam- ment qu'elles furent toutes fabriquées et qu’elles eurent cours à peu près dans le même temps. Essayons de préciser des dates, d’après les mon- naies marquées aux noms des seigneurs qui les ont fait frapper. J'en ai reconnu six espèces : 1. 2. Denier raymondin de Toulouse, avec la légende : R : COMES : PALACIXK &. DVX : MARCH : PV K: D'un côté est figurée, dansle champ, une croix à quatre branches, terminées chacune par trois points ronds (en terme de blason : croix vidée, cléchée et pomimetée à chacune des trois pointes); au revers : un croissant et un astre à huit rayons. - Billon. - 10 grains. Duby (1) attribue ce denier à Raymond V, qui se qualifie dans les chartes : comte du palais, duc de Narbonne , marquis de Provence (1148—1194). M. Lelewel (2) conteste cette attribution, se fon- dant sur ce que «la réunion de tous les titres de » Raymond V, sur sa monnaie, aurait été un fait » trop isolé ettrop détaché dans la numismatique » de cette époque. » Cet auteur pencherait à res- tituer la même pièce, non à Raymond VI qui fut privé d’une partie de ses possessions, mais à Ray- (1) Tom. II, pl, CIV, n° 8. (2) Tom. I, pag. 217. ( 230 ). mond VII qui reprit, en 1242, les titres de duc de Narbonne et de marquis de Provence. S'il m’était permis de prononcer entre les deux savans nu- mismatistes que j'ai nommés, je proposerais, pour établir le classement de cette espèce , quelques données qui résultent de l’examen des exemplaires trouvés à Espaly; et d’abord je ferai observer que le même dépôt contenait une autre variété du denier raymondin ; variété que Duby croit devoir classer aussi au comte Raymond V (1). Toutefois, comparées entr’elles, la pièce que j'ai décrite et cette dernière variété m'ont offert, dans leur nombre et dans leur état de conservation, des différences remarquables. La première était très-usée, et c’est à peine si j'en ai rencontré quatre ou cinq exemplaires; la seconde, assez abondante, présentait au contraire une conser- vation parfaite : d’où l’on devrait peut-être con- clure que ces deux monnaies n’ont pas été fabri- quées sous le même règne. L'une, plus rare, plus altérée et probablement plus ancienne, pour- rait convenir à Raymond V; l’autre, commune et dont l'empreinte n’a subi aucune altération, ap- partiendrait au règne de Raymond VII(1242-1249). Des dissemblances essentielles de type vien- draient encore, jusqu’à un certain point, justifier (2) Duby, tom. II, pl. CIF, n° 7. Ze + ( 231 ) cette assertion. Le denier de Raymond V offre, comme je l'ai dit, une croix inscrite dans le champ du revers; sur la seconde espèce, les branches de la croix dépassent le champ et se prolongent dans la marge circulaire de la légende. L’astre du droit, au lieu de huit rayons, en a seulement six, et entre ces rayons ont été gravés deux points ronds ou besans que je ne vois pas dans l’autre pièce; enfin, on aurait supprimé sur les deniers de Raymond VIT une partie des légendes, Cette dernière espèce ne porte en effet que ces lettres : R'COMES*:2# #. DVX M (Raymondus comes , dux Marchio). - Billon. - 12 grains. 3. On a classé à Humbert II, comte de Savoie (1148—:1188), une monnaie au nom de la ville de Suse et ayant pour légende : VMBERTVS XX . SEGVYSIA K; d’un côté, croix cantonnée de deux besans au 1°* ef au 2° canton; au revers, une étoile à six rayons, deux besans entre les rayons(r). Cette pièce, l’une des plus anciennes du dépôt, était rare et usée. - Denier. - Billon, -20 grains. 4. Royaux couronnés d'Alphonse I, roid’Arragon et comte de Provence (1166—1196). D'un côté: tête couronnée à gauche. Revers : croix, frois points ronds à l'extrémité de chacune des quatre bran- ches, qui se prolongent dans la marge de la légende. Cette espèce avait beaucoup de variétés de coins. () Lelewel, tom. IT, pag. 36, Muratori, p. 733, n° 1,5, (282) les plus notables sont les cinq exemplaires dont je donne ici les légendes : (1) REX°ARAGONEX &, PO VINCI | us (2) REX°ARA°GONEo Xe p,. PO VINC IA } Bien. (3) REX°ARA°GONE #, PO VI NC IA } 5 (4) REX°ARA°GONEo Ho . PO VINCIA | Oboles. = Billon. (5) REXARACONE B, PO VI NCIA | grains 1/2. Alphonse Ieut pour successeur son fils AlphonselIl. D’après Duby, on ne connaît pas de monnaies de ce comte, et je n’en ai trouvé qu’une dans le trésor d’'Espaly, Cette lacune est d'autant plus remarquable que le même dépôt m'a offert plu- sieurs variétés de deniers frappés au nom de Raymond Bérenger IV, successeur d’Alphonse II (1209—1245). On reconnaît ces pièces à l’écu armorié qui est figuré dans le champ du droit et aux légendes : R°BE*CO*HESXK #w. P VINCIE (Raymondus Berengerius, comes Provinciæ), Croix écartelant la légende, comme sur le denier d’Al- phonse; trois points ronds à Fextrémité de chaque branche ; un point ou besan au premier canton (6). _-Billon.-Denier.- 14 grains, 6. La moins ancienne de nos espèces nominales est un denier, sur lequel on lit : M:*COMITISSAX:+ æw. NIVERNIS CIVIT K (a) Duby, tom. IT, pl. XCIIT, n° 2. (2) Inédit. (3) Idem. (4) Idem. (5) Saint-Vincent , pl. I,n°5, (6) Fauris-Saint-Vincent, pl. IT, n° 9. ( 235 ) Cette pièce estelassée par Duby(1) à Mahaut IT, comtesse de Nevers (1257—1262). Elle pourrait aussi convenir à Mahaut I, morle en 1257; mais Duby refuse de la donner à cette comtesse, par la raison qu'on voit au revers une fleur de lis. - Billon. - Denier. - 18 grains. Examinons maintenant les dates qui viennent d’être mentionnées, La plus ancienne se rapporte à l’an 1148, première année du règne de Ray- mond V; mais les monnaies que nous avons de ce comte sont-elles d’une époque aussi reculée ? C’est peu probable. Il me semble aussi que bien peu des autres espèces de la trouvaille doivent être considérées comme contemporaines des deniers de Raymond V (1148—1194), où d'Humbert III (1148—1198); car les pièces de ces deux comtes étaient très-usées el d’une rareté extrême. Au contraire , les autres espèces sont en général assez abondantes etbien conservées (2,.On peut objecter, il est vrai, que si on attribue à Alphonse I les royaux couronnés , ayant pour légende : REX ARA- GONE #. PrOVINCIA, ces deniers, qui sont assez nombreux et peu altérés, seraient à peu près du même temps que ceux de Raymond et d’Hum- bert; mais serait-il impossible qu'après la mort (1) Duby, tom. II, pl, LXXXIX, n° 4. (2) Exceptons toutefois quelques deniers altéiés d'Anduse, de Souvigny et de Tours, (254 ) d'Alphonse I (1196), on eût continué de frapper des deniers royaux au type de ce comte; et si on n’a découvert jusqu’à ce jour aucune espèce du règne suivant, ne serait-ce pas qu’Alphonse IT, pour rendre peut-être le cours de sa monnaie plus facile, aurait adopté, sans y rien changer, une empreinte connue depuis longues années ? Un certain nombre de nos royaux couronnés pourrait donc avoir été émis postérieurement à l’année 1196. | De toutes les pièces que j'ai décrites, les deniers au nom de Mahaut IT, comtesse de Nevers, sont les plus récens. L’absence de toute autre espèce nominale d’une date postérieure fait supposer que l’enfouissement du dépôt a dù avoir lieu sous le règne de cette comtesse, c’est-à-dire entre les années 1257 et 1262. Si l’on tient compte de ces diverses circons- tances, l’ensemble des dates citées embrasserait donc une période d'environ 70 à 95 ans, com- prenant les dernières années du 12° siècle et à peu près la première moitié du 15°. Cette époque nous donne aussi l’âge de nos espèces anonymes. Celles-ci sont, comme je lai dit, au nombre de douze et elles se distinguent des monnaies que j'ai décrites, en ce qu’elles ne portent aucune indication positive de l’époque de leur fabrication. Voici la suite de ces pièces, je n’en donne ici qu'une simple énuméralion, ren- os dr ( 235 ) voyant, pour des explications plus détaillées, aux auteurs qui ont publié ces monnaies. 1. Anduse, 2. Avignon. DEANDVSIA%K Dans le champ : B (1). g. DE SA LV EX Croix cercelée ounélée et écartelant la légende. - Billon. - Denier. - 14 grains. - Duby, pl. crrrr, n°1. Rare. AVINIO:K Une clef, dont l’an- neau est orné d’un point rond à chacun des angles. #. NE NS IS :}X: Croix écarte- lant la légende.-Bilon.-Denier. - 15 grains. - Variété inédite du denier publié par M. de Pina (2). - Assez nombreux. 3. Chât.-Meillant. MELHIARES Figure de saint, re- présenté en buste, de face, la téte nue et barbue. (1) Lelewel voit dans cette lettre B l’initiale du mot Benedictio, et Duby le monogramme de Bermond ou de Bernard, Mais en admettant cette dernière explication, cette lettre ne pourrait four- nir une date; car presque tous les seigneurs d’Anduse portent les noms de Bermond, Bernard où Bertrand, Bernard d’Anduse meurt en 1024, Bermond de Sauves en 1054. L'histoire men- CE L tionne aussi le nom de Bernard en 21114 et celui de Bertrand aux années 1119, 1124, 1174, enfin ,jetrouve un Pierre Bermond en 1226. (2) Monnaies du cabinet de M. de Pina, pour joindre au recueil de Tobiezen Duby, Planche unique, n° 5. 4. Clermont. Idem. 5. Limoges. 6. Lyon. ( 236 ) &. CHASTELLOMXK (Variété : CHASTELLOMS K ). Croix patée et dont les quatre branches sont bordées d'une ligne ponctuée; huit annelets entre les branches dela croix. Cette pièce présente le même type que celui de la monnaic de Limoges (n° 5); mais elle n’a pas le même poids. - Billon. - Denier. - 12 grains. Inédit. - Rare. STA°MARIA Buste de la Ste Vierge, de faceet la téte couronnée ; deux an- nelets de chaque côté de la téte. #. VRBS°ARVERNA #*# Croix ornée comme dans la variété n° 3, pl. vrr, de Duby. - Billon.-Denier.-18 gr. - Nombreux. STA-MARIA Mérme type. . V-ARVERNAX Méme type. - Billon. Obole. - 8 1[2 grains. STSMARCIAL Buste de S. Marcial, de face , la téte nue et barbue. g. LEMOVICEHSISX Méme fype que sur la monnaie de Chäteau-Meillant. - Billon.-Denier. - 16 grains. -Obole, -9 grains. - Variété inedite du n°2, pl 11, de Duby. - Assez nombreux. PRIMASEDES % Dansle champ: L bar- rée, Fi 7 Orange. 8. Souvigny. 9. Valence. 10. Vienne. ( 237 ) 8. GALLIARV XX Croix patée.-Billon. -Denier. - 18 grains. - Demi-denier, 8 grains. Duby, pl. rrr, n° 8. PRINCEPS'K Croix patée, avec un point rond au centre. #. AVRASICE X Un cornet. - Billon. - Denier, 12 gr. - Variété du denier décrit par Duby, Sup. pl. v1r, n° 1; idem de lexemplaire figuré dans St- Vincent, pl. xr1, n° 1; et de celui que Lelewel à donné, {om. I, p. 20. - Nombreux. SCS-MAIOLVS. Buste de S. Mayol, de face; la crosse d’abbé à gauche. g. SILVINIACOXK Croix.-Billon.-De- nier. - 19 grains. - Usé et rare. - Va- riété du n° 9, pl. xrrr, de Duby. VRBSVALENTIAIX Aigle éployée. B#. SAPXALLINARS'X Croix dont les branches ont leur extrémité ornée d'un demi-rond; un anneau au qua- trième canton. - Billon. - Denier. - 11 grains. - 213 de denier, & grains. - Duby, variété du n° 4, pl. 1x. - Très-nombreux. S-M:*VIENNA‘ Ke 7éte nue , de profil à gauche. #. GALLMAXIMA: Croix canionneée Idem. 11, Viviers. 12. Tours. ( 238 }) de quatre points. - Billon. - Denier - 18 grains. - Variété de coin plus an- cienne, 14 grains. -Duby , pl 12 n°S 4et 6.-Très-nombreux. Nogrrist%* Téte nue, deprofil à gauche. g. VIENNA‘%" Croix cantonnée de quatre points ronds, -Billon.- Obole.- 5 grains.-Publiée par M. de Pina, planche pour joindre au recueil de Duby, 1°6.- Très-rare. EPISCOPVSXK Téte mitrée à gauche. g. VI: VA-RILXK Croix patée.-Billon. - Denier. - 12 grains. - Publié par M. Rousset (Quelques notes sur les Antiquités de l'Ardèche, pag. 28). - Nombreux. Se-+.MARTINVSXK Portail de ville, surmonté d’une croix. g. TURONSVCIVIK Croix. - Billon. -Denier, 15 grains.-Duby,pl xr1, n° 7. -Très-usé. - Rare. Enfin la dernière pièce que j'ai à mentionner, porte d’un côté une croix patée, et de l’autre une rosace à six branches. Son poids est de 15 grains. J'en possède plusieurs exemplaires provenant de diverses découvertes. Ils sont tous plus ou moins rognés, et leurs légendes ne laissent voir que des ( 239 ) fragmens de lettres. Duby regarde cette monnaie comme muette, et l’attribue à Marie des Baux, princesse d'Orange (1). En comparant ce denier à ceux que nous connaissons de la même princesse, je me suis assuré qu'il n'existe entr'eux que de très-vagues analogies de types et de fabrique. Cette monnaie, comme J'a fait observer un habile nu- mismatiste (2), aurait une ressemblance plus mar- quée avec un denier des évêques de Gap; mais il y a encore des différences telles, qu'il convient d'en ajourner le classement jusqu'à ce que l’on ait trouvé des exemplaires plus entiers. Maintenant que j'ai fait connaître l’ensemble des monnaies contenues dans notre dépôt, j'ajouterai quelques observations qui résultent de leur exa- men. J’ai remarqué que chacune de nos espèces anonymes offrait de nombreusesdiversités de coins. Ces différences sembleraient annoncer que leur fabrication embrasse un laps de temps assez con- sidérable; mais la plupart des espèces nominales présentent des variétés non moins nombreuses, et cette observation s’applique également aux mon- (1) Duby, pl. XXIV, n° 12. La présence de cette pièce dans un dépôt dont les monnaies les plus anciennes ne dépassent pas la première moitié du 15° siècle, est une preuve incontestable qu’elle ne peut pas appartenir à Marie des Baux, cette princesse n’ayant commencé son règne à Orange qu’en 1393. (2) M. de Longpérier: Monnaies inédites de quelques prélats dauphinois, p 4. (240 ) naies du comte Alphonse I, de Raymond Bé- renger IV et de Raymond VIT. Les coins ont donc pu varier beaucoup, même perdant la durée des règnes les plus courts. Ces diversités de coins sont faciles à recon- naître, toutefois elles ne portent que sur la gra- vure ou bien elles ne sont pas assez remarquables pour constituer des types distincts. Chacune de nos espèces n’a, à vrai dire, qu'une seule em- preinte, qu’un seul type (1). Ce fait n’est pas sans importance; car on sait que la plupart de ces pièces, surtout parmi les anonymes, ont dans les collections non-seulement beaucoup de variétés de gravure, mais aussi des empreintes assez di- verses. Cette particularité prouverait-elle que les . variétés de types n’ont pas été frappées dans le même temps, et si on trouve dans le dépôt d’Es- paly une seule empreinte pour chaque monnaie, ce type aurait-il été le seul de son espèce employé vers la fin du 12€ siècle et au commencement du 13°? C’est ce qu’il est difficile de décider. J’observe aussi dans certaines légendes quelques (1) Deux de nos monnaies sembleraient faire exception: le denier de Toulouse dont j’ai décrit une variété importante, ct celui de Vienre qui diffère du demi-denier de la même ville. Mais on a vu que les pièces de Toulouse sontprobablement deux espèces distinctes. Quant à la monnaie de Vienne, ne pourrait-on pas avoir adopté un type pour le denieret un autre pour l’obole ! (241) particularités assez curieuses. L'église de Lyon, l'une des plus anciennes de France, inscrit avec orgueil sur ses deniers le titre de premier siég des Gaules : PRIMA SÉDES GALLIARVM. L'église de Vienne conteste cette suprématie ; elle se donne dans ses monnaies la qualification de noble, et s'intitule Le siége le plus élevé : NOBILIS VIENNA, MAXIMA SEDES (1). Auxiotet 11®siècles, les barons avaient négligé plus d’une fois de marquer leurs espèces de leurs noms. Le plus souvent les légendes étaient modestes, trop simples même. Au 129 siè- cle, les pièces nominales sont plus nombreuses et les seigneurs mettent quelque vanité à multiplier leurs titres sur la monnaie, Raymond V se nomme comte du palais, duc de Narbonne, marquis de Provence. Alphonse If se qualifie roi d’Aragon et comte de Provence, et je suis étonné que les seigneurs d’Anduse n’aient pas pris dans les lé- gendes de leurs deniers les titres assez ambitieux de princes d’Anduse et de satrapes de Sauves, que l’on trouve mentionnés dans quelques chartes de ces barons. M. Lelewel pense que les armes ne parurent sur les espèces seigneuriales que vers le milieu du 13e (i) Cette qualification, qui remontait à des temps très-reculés, lui avait été confirmée, en 892, parle concile tenu dans l’église Saint-Maurice à Vienne, sans aucune objection de la part de l’archeyêque de Lyon qui en faisait partie. 16 (242) siècle. L'un des plus anciens exemples cités par ce savant, est de 1252; mais notre denier de Ray- mond Bérenger IV établit que l'usage des types armoriés remonte à une époque antérieure. Un témoignage plus ancien de cet usage existe d’ail- leurs dans une pièce publiée par Saint-Vincent et sur laquelle figure un écu aux armes d’AlphonseI, comte de Provence. L'âge certain de notre dépôt donne aussi quel- que intérêt aux détails du style, au caractère des types et de la fabrique. Disons un mot de la dis- position assez singulière de plusieurs légendes. Dans l’une, le nom AVINIO NENSIS est partagé en deux, moilié au droit de la pièce, moitié au revers, Sur les deniers d’Alphonse, la légende du droit est exactement divisée par de petits annelets, en quatre parties égales : °>K° REX°ARAGONE. On voit que c’est une disposition purement symé- trique. Le même genre de ponctuation se retrouve au mot VI*VA-RIIXK inscrit au revers du denier de Viviers; mais ici les divisions ne sont pas espacées avec une régularité aussi parfaite, le graveur aura voulu imiter la monnaie d’Alphonse, peut-être sans en bien comprendre larrangement symétrique. Cette espèce n’est pas la seule dont le travail incorrect atteste l’imperfection de l’art au 12€ siècle. Quelques autres, par exemple celles de Valence et de Vienne, sont d’une fabrique très- médiocre : les flans en général ont peu d'épaisseur ( 245 ) et presque tous, surtout parmi les deniers d’Avi- gnon, d'Orange et de Toulouse, sont taillés irré- gulièrement. Cependant il est juste de dire qu’à cette époque l’art commencait à s'améliorer. Ainsi les pièces d’Humbert IT, d’Alphonse, de Ray- mond VII, celles d’Anduse et de Lyon sont d’un travail assez soigné; leur type a du relief et de la régularité, Sur les monnaies de Clermont, de Li- moges, de Chäleau-Meillant, l'empreinte manque de relief, mais il n’est pas dépourvu d’une cer- taine élégance; je remarque même dans Pun des deniers de Chäteau-Meillant une finesse de gra- vure, une netteté de dessin qui annoncent un véritable progrès, Bien certainement ce denier exemplaire est l’un des moins anciens du dépôt; cependant, je dois le dire, j'observe dans la légende du même denier une lettre dont la forme est rarement employée au 13° siècle. Cette lettre que j'ai cherchée inuti- lement sur toutes les pièces de notre trouvaille, est le € carré du mot CHASTELLOM (1); mais les autres lettres, à l'exception de l'O et de l’'S, étant droites et nettes, la régularité de la légende a pu exiger le choix de cette forme. Peut-être aussi (1) Cette lettre est figurée dans le nouveau Traité de diplo- matique , tom. 11, pl. XX. C'est la 1'° de la 3° sous-série de la 119 série de la lettre C. (244) n'est-ce là qu'une réminiscence ou un caprice du graveur. Les autres pièces nous montrent des À sur- montés d’un trait horizontal, des V ayant le même trait à leur base, quelques N semblables à des H, des G au crochet supérieur très-pro- longé. Les E sont ronds ou carrés, la plupart presque entièrement fermés par l'extrémité des barres transversales ; mais on n'y voit aucune apparence du trait délié qui ferme cette lettre dans les inscriptions gothiques du premier âge. L’O dans la légende STSAPOLLINARS est dessiné en losange el forme le centre d’une petite croix. Au mot SILVINIACO, le trait oblique qui lie les deux jambages de VN porte au milieu un petit annelet. Je remarque ce singulier ornement, parce qu'il se retrouve aussi sur une variété du denier d'Avignon. Enfin, presque toutes les lettres ont un caractère qui leur est commun: c’est la forme épaisse et massive des jambages principaux et la ténuité extrême des petits traits. Ce caractère, je me hâte de le dire, souffre quelques exceptions : on ne le reconnait ni dans la monnaie d’Anduse, ni dans les variétés les plus anciennes du denier viennois; maisil domine sur les espèces de Li- moges, Château-Meillant, Avignon, Orange, etc. Ces apercus paléographiques jettent quelque lu- mière sur l’histoire de l’art aux 12° et 13° siècles. Cette époque fut, comme on sait, un âge de (245) progrès et de perfectionnement. Au 12€, Part bysantin brille de tout son éclat; le 13° est le berceau de l'art gothique. L'influence de l’époque se faisait sentir aussi dans la gravure et dans la fabrication des monnaies; mais ce fut avec timi- dité et peut-être à l'insu des seigneurs. En effet, l'indifférence qu'ils mettent le plus souvent à ins- crire leur nom sur leurs espèces prouve le peu de valeur historique que les barons attachaient à ces monumens de l'art. L’objet principal à leurs yeux était le poids, le titre et la valeur des pièces. C'est aussi l’un des points dont la connaissance importe le plus à l’histoire et à la numismatique. Mais ici les incertitudes se multiplient, les chartes manquent où n'offrent que des textes inexplicables; et comment, sans le secours de do- cumens positifs, retrouver la véritable valeur de monnaies si nombreuses et si diverses? Comment se reconnaitre au milieu des variations fréquentes de poids et de titre que subirent presque toutes les espèces baronnales ? Pour ne pas multiplier les exemples, citons une seule des monnaies de notre trouvaille. Ducange (1) nous apprend qu’en l'an 1212 les deniers raymondins étaient à 5 deniers de fin et à la taille de 88 sols au mare, ce qui équivaut à peu près à 5 centimes 30 centièmes de notre monnaie actuelle. D'après Duby, les mêmes de- (2) Glossaire de Ducange, aux mots : Zaimundensis monetu. (246) niers furent taillés, en 1222, à raison de 65 sols au marc, ce qui leur donne une valeur de 5 cen- times 49 centièmes; enfin , en 1233, leur taille était de 100 sols, et ils vaudraient aujourd’hui 4 centimes 66 centièmes. Ducange, dom Vaissette et Leblanc fournissent aussi quelques élémens d'évaluations semblables pour les monnaies de Provence, de Lyon, de Souvigny et de Tours; je pourrais encore m'ap- puyer de l'autorité d’un habile numismatiste, M. Lecointre-Dupont(1), pour démontrer que la va- leur de notre denier de Limoges, avant Pan 1169, devrait être fixée à peu près à 7 centimes 87 cen- tièmes; mais l’importance de ce genre de recher- ches exigerait, il me semble, un travail spécial et m'éioignerait du seul but que je me suis proposé dans cette Notice, celui de donner un simple apercu de l’ensemble de notre dépôt. Qu'il me soil permis de signaler en finissant une particularité qu'il est utile de faire remarquer. Lorsque j’éxaminai pour la première fois len- semble des monnaies qui composaient le petit trésor d’Espaly, ma curiosité était surtout excitée par la pensée que je découvrirais peut-être, au milieu de toutes ces pièces, quelques exemplaires de la monnaie épiscopale du Puy. Aucun traité de (1) Voyez le Mémoire publié par M. Lecointre-Dupont, sur une découverte de monnaies poitevines et angoumoises, p. 19. ( 249 ) numismatique ne nous à fait connaitre cette es- pèce , dont le droit de fabrication accordé à l'église du Puy par une charte royale de l'an 923, contesté plus d’une fois par Îles seigneurs de Polignac, reconnu et confirmé dans plusieurs chartes et diplomes de nos rois, constitua, pen- dant plus de quatre siècles, lun des priviléges les plus précieux de cette seigneurie. Je pou- vais d'autant plus espérer de remplir cette la- cune importante de la numismatique baronnale, que le dépôt avait été découvert dans les terres mêmes qui dépendaient du domaine seigneurial de l'église. J'avoue que j'ai été surpris de n’avoir à classer aux évêques du Puy aucun des deniers de cette trouvaille, à moins qu’on ne veuille leur attribuer les pièces à légendes tronquées dont la détermination , il faut en convenir , est restée douteuse jusqu’à ce jour. Bien que ces monnaies aient des analogies de type avec une espèce inédite que je possède et dans laquelle il est impossible de méconnaître notre denier épiscopal, je n’hésite pas à dire que de telles attributions, pour être certaines , ne doivent pas reposer sur des compa- raisons plus où moins trompeuses, mais avoir pour base la lecture complète des légendes. ne ——— (248 ) AA AAA A MS AA VEN VU VV VUS VU AU UV VU VU VU UV AV VS AU VAN VU AY VV LAS QUELQUES NOTES En réponse à celles publiées par M. Mxrimés, sur Polignac, ses antiquités et le Musée du Puy ; Par M. le Vt pe BECDELIÈVRE, membre résidant. M. Merimée, inspecteur général des monumens de la France, a publié un volume intitulé : Notes d’un voyage en Auvergne, etc., dans lequel un certain nombre de pages ont été consacrées aux monumens de la Haute-Loire, ainsi qu'au Musée du Puy. Ces notes ont servi de base à un rapport au ministre de l'intérieur, et plus tard à une décision ministérielle qui classe nos monumens et nos anti- quités par ordre d'intérêt historique ou artistique; décision excellente, car elle faitintervenir le gou- vernement entre le marteau des industriels démo- lisseurs, connus sous le nom de bandes noires, et nos richesses nationales qu’elle préservera par là d'une destruction certaine. Rien de mieux donc que cette décision ministérielle , et louange encore au rapport qui la provoquée ; mais n'est-il pas à regretter que M. Finspecteur général n'ait pas = 2e ( 249 ) apporté plus de maturité dans son jugement sur les objets qui ont passé sous ses yeux pour être ensuite classés définitivement? et n’aurions-nous pas raison de dire que les notes de M. Merimée se ressentent un peu de la rapidité de ses obser- valions ? $. I. Ruines de Polignac. Aux yeux de M. Merimée, les ruines du château de Polignac w'offrent plus aujourd’hui qu'un mé- diocre intéréé£. Il n’a aucune foi aux traditions, légendes ou chroniques qui rapportent qu'il y eut un temple et un oraclesur le plateau volcanique de Polignac. Il ne doute pas que Les éxcavations, nommées par la tradition le Puits de l’oracle et l’Abime, n'aient été pratiquées aumoyen-dge par les seigneurs de Polignac. Il veut que les antiquités que lon y remarque y aient élé apportées (comme lavait déjà dit l'abbé Lebœuf), long-temps après les Romaïns.Ses recher- ches n’ont pu lui procurer un fragment de tuiles ou de briques. Il n'existe sur ce plateau aucune trace de construction romaine, nuls autres débris sculptés, point de ces petites pierres de parement si communes sur les emplacemens des édifices antiques; en un mot, il n'a vu, et personne à sa connaissance n'a vu Sur ce rocher un seul objet d’origine romaine, sinon le masque et Pinscription dont il sera bientôt question. ( 250 ) En dernière analyse, toutesles suppositions dont il croit avoir démontré le peu de fondement ne reposent que sur une étymologie erronée, ce qu'il démontre comme l'abbé Lebœuf(1).L’ancien nom de Polignac était Podemniacumetnon Apolliniacum. Il ignore à quelle époque il a plu aux seigneurs du lieu de changer leur nom. Avec cette étymo- logie tombe tout cet échafaudage d’hypothèses. Il ne reste ni temple ni oracle. Deux fragmens antiques apportés dans un chdteau du moyen-dge, à une époque incertaine, ne peuvent mener à aucune conclusion, si ce n’est peut-étre à prouver le goütet la curiosité des anciens seigneurs dupays. Telles sont les principales assertions de M: Me- rimée, relativement -à Polignac. Je n’ai pas cru devoir les laisser sans réponse. « Si l'archéologie est l'application des connais- » sances historiques et littéraires à l’explication » des monumens, et l'application des lumières » que fournissent les monumens à l’explication » des ouvrages de littérature et d'histoire (2). » On concoit que l’archéologue doit réunir autant de connaissances artistiques que littéraires et histo- riqués. Que nous reste-t-il pour nous aider à pénétrer (1) Extrait des Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. (2) Encyclopédie pittorésque, au mot : Archéologie. ne pe ( 26%) dans l’abime du passé? Quelques vieilles ruines, de rares fragmens d'architecture ou de sculpture, quelques médailles, quelques inscriptions la plu- part frustes où mutilées, ou bien certaines légendes, chroniques ou traditions plus où moins véridiques, plus ou moins mensongères. Le véri- table archéologue n'est-il pas une sorté de chi- miste , dont l’unique occupation sera d'analyser chaque parcelle de ce qui fut un tout, pour parvenir ensuite à le recomposer? Devra-t:il re- noncer à la solution du problème, si quelques- unes de ces données viennent à lui manquer; ct ne lui sera-t-il permis d'y suppléer à l’aide d'in- ductions découlant les unes des autres ou s’en- chainant réciproquement ? Polignac, ses ruines, ses antiquités, les tradi- tions et nos vieilles histoires qui y placent un temple d’Apollon et un oracle, ont été l’objet de nombreuses controverses. Simeoni avait prononcé affirmativement sur l’exis- tence du temple et de son oracle. L'abbé Lebœuf conclut, au contraire, dans le sens négatif. M. de Lalande, après de laborieuses recherches, avait réhabilité le temple et son oracle (1). M. Merimée vient d'émettre une opinion op- posée. (1) Essais historiques sur les antiquités de la Haute-Loire, 1826. (:2687) Toutefois, le sujet n’est pas encore épuisé. Je vais essayer à mon tour, à l’aide de faits encore ina- percus et d’argumens nouveaux, de jeter quelque lumière sur cette question si controversée et de défendre notre site si remarquable, siimposant de Polignac, contre des opinions qui tendent au désenchantement de son passé. Une tradition qui se perd dans la nuit des temps, nous apprend qu'il y eut un temple à Apollon et un oracle à Polignac, où Du Latonien le peuple embeguyné (1) Sur le trépied fatal consultait les oracles. Nos vieilles histoires, chroniques ou légendes, nous disent encore que «le temple de Polignac » fut renversé par S. Georges , premier évéque du » Velay, baptisant à troupes les Gentils, brisant » les idoles, renversant les autels, et particulié- » rementil mit par terre le simulacre d’ Apollon, » lequel on adorait sur le haut mont de Poli- » gnac (2). » (1) Odo de Gissey, Histoire de Notre-Dame du Puy. (2) Ce ne put être S. Georges qui renversa le temple et l’idole; car il vint à Velaune l’an 46 de notre ère, alors que le poly- théismeétait dans toute sa puissance. Cette erreur ressort encore par l'inscription de Claude, qui est de l’an 47 (c’est-à-dire un an plus tard), si toutefois nous parvenons à démontrer, comme nous l’espérons, que celte inscription fit partie du temple de Polignac. D’ailleurs, Grégoire de Tours et Sulpice Séyère nous (258%) Long-temps avant la conquête des Gaules par les Romains, Marseille et quelques autres villes du littoral de la Méditerranée furent fondées par des colonies grecques. Ce furent autant de petites nations qui vinrent s'implanter sur le sol gaulois avec leur religion, leurs lois et leur génie , qui les portait par- dessus tout vers le commerce et la culture des arts, Marseille, devenue puissante, dut être l’Athènes des Gaules (1). Son culte était celui de Diane d’Ephèse et d’Apollon. Ce dernier eut des temples et des apprennent que ce ne fut que sous le règne de Constantin, vers le milieu du 4° siècle, que les premiers missionnaires purent pré- cher ostensiblement le christianisme dans les Gaules, et par conséquent la destruction des idoles. — Ici il y a erreur de date. On voitqueje n'accepte pas toul ce quedisent les traditions; mais j'ai de bonnes raisons pour ne point les rejeter sans müûr examen. C’est parce que j'ai eu foi en la tradition de l’existence d’un édifice romain à Espaly, que j’y fis faire des fouilles qui eurent pour résultat la découverte des fondations de cet édifice et d’in- téressantes antiquités. C’est parce que j'ai eu foi à la tradition de l’existence d’une agleïsa dous saragy à Margeaix (que je traduisais en temple antique ), que je fis la découverte des ruines d’un temple, et de nombre d’antiquités, parmi lesquelles figurent, au Musée, nos Cupidons. (1) Cicéron l’appelait : ÆVovas Galliarum Athenas. (254 ) oracles dans la Gaule narbonnaise. L'histoire parle, entre autres, de la magnilicence de celui de Toulouse. De tous les temps les Gaulois furent propres à la culture des arts et des lettres. J, César parle de leur éloquence. Pline ne connaissait pas de son temps, à Rome, d'artistes qui leur fussent supé- rieurs (1). Mais cette habileté, reconnue par César et par Pline, n'avait dû être qu’un instinct avant la venue des Grecs, Pour s'élever haut dans les beaux-arts, il fallait un degré de civilisation qui n'existait pas encore dans les Gaules. Marseille dut bientôt chercher à établir des rela- tions de commerce avec les provinces de l’inté- rieur, ce qui en amena nécessairement d'autres. C'est ainsi que le goût de la littérature et des arts dut s'étendre de proche en proche, et que se propagea le culte d’Apollon et de Diane d’Ephèse. Quand les colonies avaient établi des relations, soit entr’elles, soit avec les nations aborigènes, elles s’envoyaient quelquefois des mains symbo- liques, qui étaient pour elles des gages de foi, de bonne amitié ou de fidélité à un traité (2). Il existe à la Bibliothèque royale, une main symbolique de ce genre, qui est antique et en (1) Mémoires de l’Académie des inscriptions et hbelles-lettres, tom. XX VII, pag. 163. (2) Montfaucon, tom. 5 , pag. 362. ( 255.) bronze, et sur laquelle se trouve le nom des Vellaviens gravé en lettres grecques : EYMBOAON Symbolum JIPOX ad OYEAATNIOTE Ve'auros. Ne voilà-t-il pas déjà la preuve qu'une colonie grecque avait fait une alliance ou un traité avec les Vellaviens , et par conséquent établi avec ces der- niers d’intimes relations; et s’étonnéra-t-on dès-lors si, par suite de ces relations, nous retrouvons en Vellavie le culte de Diane et celui d’Apollon avec son oracle, ainsi que des œuvres d'art qui semble- raient être une émanation du génie des Grecs (1) ? Lorsque les Romains vinrent dans les Gaules, ils n'eurent pas à imposer un nouveau culte aux Gaulois; les principaux dieux du Polythéisme y avaient depuislong-temps des autels (2) ;ils n’eurent qu'à entretenir, restaurer ou édifier de nouveaux (1) Montfaucon a dit, sans preuves, que ce monument avaitété fait pour constater l’union des peuples du Velay avec les Auver- gnats. Le style grec de cette main, sa belle exécution en bronze, prouvent évidemment qu’elle venait de l’une des colonies mères d’où les arts s'étaient propagés chez les Volces. (2) IL y avait des temples grecs à Nimes, à Toulouse et en Auvergne (Dissertation sur l’introd, des sciences et des arts, chez les Volces, page 71 : pièce qui remporta le prix à l’aca- démie de Toulouse en 1749). Voir encore l'Histoire du Lan- guedoc, etc. ( 256 ) temples pour les mêmes divinités, et cela se con- tinua ainsi jusqu’au triomphe du christianisme. Soit que ces temples eussent été ornés par des sculpteurs grecs venus de Marseille, soit que ce fussent des Gaulois qui eussent été se former à leur école, toujours est-il que parmi les frag- mens de sculpture retrouvés au milieu de nos ruines antiques, il en est où l’on reconnait le style grec, et que j'ai désignés sous le nom de gallo-grecs ; iqutcomme je croisque nous en avons du style romain de la bonne époque; puis de la décadence et du Bas-Empire. Il n’en était pas du culte des faux dieux comme de celui des chrétiens. Les missionnaires de celui- ci n'avaient besoin que de la parole pour propager les sublimes vérités de l'Evangile, éclairer les peuples et les porter à renverser les idoles. Les prêtres du polythéisme ne pouvant parler à l'intelligence, étaient forcés de s'adresser aux sens par la terreur; de là les oracles et les sacrifices où le sang coulait toujours. « Le caractère des nations se développa dès » leur origine par la manière dont les passions » communes à tout le genre humain font leur » effet sur elles par le choix des moyens. » L'inquiétude d’une ame agitée de crainte et » d'espérance ; l’avide curiosité de lire dans l’ave- » nir et de jouir d’une connaissance anticipée » des événemens futurs, ont donné partout nais- — (257) sance à des oracles et un grand crédit à l’art divinatoire, de quelque facon qu’il fût exercé, vraisemblable ou non. » Les pays montagneux et par conséquent pleins d’antres et de cavernes se trouvaient les plus abondans en oracles. Telle était la Béotie , qui anciennement, dit Plntarque, en avaitune grande quantité. » Le prétexte des exhalaisons divines , qui n'étaient bien souvent que des vapeurs méphy- tiques, sulfureuses, connues par les Phéniciens sous le nom de mouphètes,rendaientles cavernes nécessaires; ellesinspiraient une certaine terreur qui n’est pas inutile à la superstition; quand il n'en existait pas de naturelles, on en faisait d’artificielles, c’est-à-dire, ces espèces d’antres où résidait particulièrement la divinité, ou d'autres que les prêtres ne pénétraient jamais ; dans ces sanctuaires ténébreux étaient cachés toutes lesmachinesdes prêtres, et ils y entraient par des conduits souterrains; les oracles ne pré- disaient l'avenir que dans des trous (1). » Peut-êtrela situation de Delphes contribua:t-elle à faire regarder cette ville comme la ville sainte; elle était à moitié chemin de la montagne du Par- nasse, bâtie sur un peu de terre plaine, envi- (1) Le président de Brosse, Hist. des Inscript. et Belles- Lettres, — Dissertation sur les Oracles. ( 256 ) » ronnée de précipices qui la forlifiaient sans le » secours de l’art, la partie qui était au-dessus avait » à peu près la figure d’un amphithéitre (1).» « Le site de Polignac, a dit M. Merimée , est un grand plateau s’élevant brusquement du fond de la vallée, presque plane à son sommet, et seu- lement accessible du côté du nord. Partout ailleurs, il présente des bords littéralement à pic. » | Nous ajouterons que sur la partie plane se trouve une première excavation taillée dans le roc vif, qui porte le nom du puits de loracle: elle a vingt-un pieds de profondeur et autant de largeur. A quelques pas de ce puits se trouve une autre excavation qui se nomme l’#bfme. Elle a trente-six pieds de cir- conférence et soixante-deux de profondeur dans ce moment; elle en avait quatre-vingts quand Faujas la fit mesurer (2), et cent quatre-vingts dans son état primitif d'après la tradition : cette dernière profondeur égale la hauteur totale du rocher, à partir du niveau de la vallée. Ajoutons, qu'il existe au pied même du rocher un conduit souterrain qui, venant de la maison Vialatte, se dirige droit vers le fond de Fabime. C’est là un fait fort remarquable, et M. Merimée n'en a point parlé. Le rocher de Polignac est environné de mon- (2) Encyclopédie, article : Oracle de Delphes. (2) Volcans éteints du Vivarais et du Velay, in-folio, pag. 43. ( 259 ) tagnes rougics par le feu des volcans, et de col- lines plus rapprochées qui forment tout autour une sorte d’amphithéâtre. Si nous rétablissons par la pensée les sombres forêts de sapins dont elles furent couvertes, et du milieu desquelles s’élan- cait comme un fantôme ce mont volcanique noir et brûlé, nous aurons un site dont le carac- tère était bien propre à inspirer une certaine terreur religieuse. Ne se peut-il pas aussi que des exhalaisons prophétiques ou méphytiques s’échap- passent alors de labime, et que cette excavation à laquelle la main des hommes aurait donné plus tard la forme circulaire qu'on lui voit aujourd'hui, fût dans le principe une de ces crevasses ou fissures naturelles, si fréquentes dans le voisinage des an- ciens volcans, et dont les exhalaisons auraient cessé, comme eela est arrivé à Delphes et ailleurs ? Au reste, j'émets cette idée sans y donner de l’im- portance, et ce ne sera que quand lPabime aura été déblayé que l’on pourra être fixé définiti- vement sur son ancienne destination. Maintenant où trouver sur la frontière du Velay et dans les contrées environnantes un site qui pût rivaliser avec celui de Polignac, et qui réunit des conditions aussi favorables à lPéta- blissement d’un temple et d’un oracle ?.. Les fon- dateurs auraient-ils pu hésiter dans le choix du site, quand cette acropole rappelait d’une ma- nière si frappante celui sur lequel était le plus ( 260 ) célèbre que les Grecs avaient érigé à la même divinité ? Oui, certes, il y eut un temple à Polignac, et cette conclusion ne s'appuie pas seulement sur l'existence des antiquités qui peuvent se rapporter à un culte, mais aussi sur l'impossibilité qu'il n’y ait pas eu de temple sur ce site si éminemment propre à émouvoir l'imagination des peuples. Apollon ne fut pas la seule divinité des Grecs qui eut des autels en Vellavie. De récentes dé- couvertes ont mis hors de doute que Diane sa sœur en eut un au mont Anis, et que Vénus ou les Naïades des eaux minérales de Margeaix eurent aussi le leur surla riante colline qui porte cenom (1). Au reste, les fragmens de sculpture trouvés sur les ruines ou les emplacemens de ces temples, caractérisent suffisamment les différens cultes qui y étaient pratiqués. Sur le mont Anis où était le temple de Diane, on a trouvé des bas-reliefs où sont représentés des chasses aux cerfs (2), un lion, un sanglier, des griffons. Sur la colline de Margeaix, ce sont des têles de Naïades, des Cupidons, des Dauphins, (2) Le mont Anis est à une lieue de Polignac; Margeaix en est à trois lieues. (2) Le cerf, la biche, le sanglier, étaient particulièrement consacrés au culte de Diane. Millin, Gall. myih. II, p. 32. Le Bas, premier cah. Monum, de l'ant., fig. p, 44. ( 261 ) compagnons ordinaires de la mère des amours. Si jusqu'ici il n’a été trouvé à Polignac qu’un petit nombre d'objets qui se rapportent au culte d’Apol- lon, c’est (et nous avons ici pour nous l’autorité de la tradition), par la facilité que le voisinage de lFabime offrit au zèle ardent des premiers Chré- tiens, pour y précipiter ct faire disparaîtretout ce qui se rattachait à ce culte. Je ne me lasserai donc point d'exprimer le vœu que quelques fonds puis- sent être consacrés à déblayer cet abime des maté- riaux qui l’encombrent aux deux tiers; on y trou- vera, soyons-en bien convaincus, les documens les plus précieux, qui viendront confirmer notre opinion sur le temple et sur l’oracle. Tous les amis des arts, de la science et de notre pays doivent se réunir à moi pour aider à l’accomplissement de ce vœu. M. Merimée est descendu dans le puits de loracle; il y a remarqué une salle voétée en ogive, divisée par des arcades à plein cintre. Après avoir médité sur ces constructions, il décide qu'elles sont du 15€ ou du" 16€ siècle , tout en reconnaissant que la salle est peut-étre plus an- cienne. Mais M. Merimée sait tout comme nous qu'on ne peut rien conclure de la forme ogivale pour fixer une date; car on retrouve cette forme dans les monumens de la plus haute antiquité, tout comme dans ceux du moyen-âge. Nous dirons donc avec lui et en appuyant cette opinion d’une ( 262 ) preuve nouvelle, qu'en effet la salle du puits de loracle est plus ancienne; car ce nom appartient à la tradition et remonte ainsi qu’elle aux temps les plus reculés. Nous ajoutons, qu’elle a pu n'être primitivement qu’une excavation taillée dans le roc vif comme l’est l’abime ; ainsi l’observation de M.Merimée n’a rien qui soit contraire à la tradition. Si la voix de Poracle sortit de l’abime, le puits dut servir à cacher les prétres ou les machines du temple, M. Merimée n'est pas éloigné de reconnaitre non plus l’antiquité de la pierre cylindrique qu'il appelle la margelle du puits de l’oracle, et dans laquelle nous voyons un autel semblable à ceux décrits dans tous les ouvrages d’antiquités. Il en trouve les moulures arrondies et grossières. Or, ces moulures, qui se composent dun filet et d'un quart de rond ou congé, sculptées sur une pierre granuleuse (grès), sont exposées au frottement d’une corde ou d’une chaine, depuis que cet autel fut changé en margelle. Est-il surprenant qu’elles aient élé écornées, arrondies, et peut-on juger l’œuvre de Part, par l’état fruste où elle est au- jourd'hui ? Ce n’est pas sérieusement que M. Merimée a émis l’opinion que la profonde cavité circulaire que la tradition appelle l’abime, a été peut-être un immense silo où un grand magasin souterrain fait dans le moyen-àge. Une idée pareille ne pour- (365 ) rait être attribuée qu'à la fausse appréciation de la profondeur actuelle, que M. Merimée n’es- time être que de trente-cinq à quarante pieds, tandis qu’elle est réellement de soixante-deux, et aux renseignemens erronés de celle qu’elle eut primitivement. Il faut bien admettre que des décombres y ont été précipités depuis des siècles; cet abime est cntouré de ruines, ct 1l n’est aucun visiteur qui ne-lui jette une pierre pour jouir du retentisse- ment de sa chute : s'il n’est pas comblé depuis long-temps, c’est que pour que cela füt, il y avait fort à faire. Je terminerai par une observation qui n’est pas sans importance, c’est que l’abime, dans sa partie supérieure et aussi bas que la vue peut s'étendre, n'offre aucune trace du ciseau et de la pointe. On y remarque seulement une fente ou crevasse qui se prolonge jusqu’à une grande profondeur, et qui est arrondie sur Îles angles des deux parties sé- parées. D'un autre côté, la grande tour, qui est la plus vieille ruine de l'antique château du moyen-àâge, est construite en pierre de la même nature que leroc où Pabime est creusé ; elle est exposée à l'action des- tructive de l’air, des eaux, de la gelée, du temps enfin depuis nombre de siècles, et cependant les arêtes des pierres angulaires sont restées vives 5 les traces du ciseau et de la pointe se laissent ( 264) encore apercevoir, tandis qu'il n’y a rien de pareil dans la partie supérieure de l’abime. Ne voilà-t-il pas une preuve bien évidente et bien incontestable de sa haute antiquité ? M. Merimée, pas plus que l'abbé Lebœuf, ne nie l'antiquité de l'inscription de Polignac où se trouve gravé le nom de Claude; mais, fidèle au système qu'il a adopté, il croit, comme son de- vancier, qu'elle y a été apportée long-temps après l’époque romaine. k Dans quel but était érigée une inscription ? N'était-ce point pour perpétuer le souvenir d’un grand événement ou d’une grande solennité ? Quelquefois aussi pour éterniser la reconnaissance des peuples pour des bienfaits, tels que l’édifica- tion ou la restauration d’un monument, la con- fection ou réparation d’une grande route (voie romaine), etc. Maintenant quels sont les grands événemens du règne de Claude, ses grandes solennités ? Recher- chons enfin les motifs qui déterminèrent les peu- ples à lui ériger ce monument. Il en est de plusieurs sortes et entr’autres la conquête de la Grande-Bretagne, les jeux votufs pour le succès obtenu dans cette expédition, la ville de Lyon élevée au rang de colonie, de ville municipe qu'elle était, la réparation de nos voies romaines, les augures réhabilités , la grande solen- nité des jeux séculaires qui fut ordonnée par cet ( 265 ) empereur (1), et peut-être la présence de Claude à Polignac, comme l’a démontré M. de Lalande, pour consulter l’oracle sur Popportunité de la destruction finale du culte des Druides (2). Jules César avait vainement tenté de soumettre les Bretons ; Claude en eut la gloire. Ce fut vers la fin de son consulat qu’il envoya Plantius pour commander l'expédition. Ce lieutenant ayant été heureux dans son début, Claude voulut avoir les honneurs du guerrier en même temps que ceux de la conquête. Il s’embarqua à Ostie, débarqua à Marseille, traversa toute la Gaule pour aller s’embarquer à Calais : À Massilia, Gessoriacum usque pedestri itinere confecto inde transmissit (3). Or, il faut remarquer que la voie romaine qui traversait la Gaule de la manière la plus directe du midi au nord, passait sur la frontière de l’Au- vergne et de la Vellavie, et à deux mille pas de Polignac. Cette voie romaine que nous avons retrouvée à peu près en entier dans la partie de notre dépar- tement qu’elle traverse, prend le nom de via bolena , ou la romana quand elle nous vient du midi; et quand elle s’en va vers le nord, c’est le (1) Annales de T'acite, Liv, XI, (2) Essais historiques sur les Antiquités de la Haute-Loire. (3) Suétone, Histoire de Claude, liv. v. ( 266 } chemin de César. Elle fut d’abord ouverte sous Auguste , par les soins d’Agrippa (1). Elle fut ache- vée et consolidée sous Alexandre-Sévère : ce qui est attesté par deux colonnes milliaires placées au Musée du Puy. Il en est encore une pareille au village de Sanssac :c’est là quecette voie se nomme la romana. Quand elle quitte le département, elle passe à Usson, où on voit encore deux colonnes milliaires; puis, en longeant la plaine du Forez elle va se perdre dans la direction du nord. Claude dut être pressé du désir d'arriver pour avoir encore des lauriers à cueillir. Est-il pro- bable qu'il n'ait pas pris la voie la plus courte? Il aurait donc passé à deux mille pas du temple et du fameux oracle, lui, le grand pontife, restau- rateur des augures; lui, qui voulut anéantir le culte des Druides, et cela sans sacrifier au dieu et con- sulter l’oracle sur l'issue de l’entreprise à laquelle ilallait prendre part.Etsieneffet il vint à Polignae, consulta-t-11 lPoracle sans y laisser de riches pré- sens ? Cela se fit-1l jamais? Scipion, vainqueur de Carthage, envoya une partie de ses dépouilles à Delphes, et malgré que ce temple célèbre eût été pillé dix fois, toujours on y retrouva de nou- veaux trésors. Si Claude consulta Poracle, s'il y laissa de riches présens, et s’il ordonna en même temps la (1) Essais historiques sur les Antiquités de la Haute-Loire. (207 ) restauration ou reconstruction du temple, n’était- ce point l’occasion de perpétuer le souvenir de ce grand événement pour le pays, en le consacrant par une inscription (1)? Mais, dira-t-on, l’expédition aurait eu lieu vers la fin du troisième consulat de Claude, et lins- cripüon porte la date du quatrième. Nous répon- drons que les largesses du prince qui auraient eu pour objet la restauration du temple, n’ont pu avoir leur emploi à linstant même. Qui ne sait que, quand il s’agit d’édilier ou de restaurer un monument, l'inscription qui en constate la date ne porte que celle du jour du commencement ou de l’achevèment des travaux. D’ailleurs si, lorsqu'il partait pour cette expédition, Claude était à la fin du troisième consulat, il élait déja désigué pour le quatrième. F’oici L'Inscription de Polienac : [. 5 TI CLAVDIVS CAES AVG GERMANIC PONT MAX TRIB POTEST V. IMP ..XI PP. COS. ITIT. (1) A l'arrivée d’un empereur ,les provinces, pour exprimer leur joie, faisaient des sacrifices au temple, Beaucoup de mé- dailles d'Hadrien ont été frappées pour son voyage dans l’em- pire. On y voit fréquemmentles apprèts des sacrifices, Dialogue ( 268 ) Claude, à son retour de l’Angleterre où il ne resta que seize jours, ayant passé par Langres, Lyon, Vienne et Montpellier, ordonna des répara- tions sur les voies romaines de son itinéraire, et des colonnes milliaires furent érigées. Il en est une à Langres, dont l'inscription porte la date de son troisième consulat, en même temps qu’elle fait connaître qu’il était déjà désigné pour le quatrième : Consul tertium et designatus quar- tum. Il est une seconde colonne entre Lyon et Vienne, et une troisième entre Montpellier et Nismes, avec une inscription pareille (à). Ainsi, quand Claude fit son voyage sur la fin de son 3° consulat, il était désigné pour le 4€, et comme Îcs réparations du temple ne durent com- mencer qu'après le voyage lorsqu'il fut devenu en effet consul pour la 4° fois, voilà qui explique, comme nous lavons dit, pourquoi l'inscription de Polignac porte la date du 4° consulat. D'un autre côté, Claude , après son retour d’An- gleterre, fit célébrer les jeux séculaires, lan 798 de la fondation de Rome, selon la manière de sur l'utilité des anciennes médailles, par Addisson, p. 145. On s’écriait comme Horace : COM ete Lee tele tee ele re O so! » pulcher! 6 laudande! canam, recepto » Cœsare felix..…. » (1) Histoire de l’Académie des inscriptions, 9° vol, Explica- tion de quelques inscriptions, pag. 139. ( 269 ) compter d’Auguste, qui correspondait à lan 800, d’après celle en usage chez le peuple (1). Ces grandes solennités ne se firent jamais sans des sacrifices aux temples, de grandes largesses au peuple et sans être consacrées par des médailles ou inscriplions (2). L'inscription de Polignac n’atteste point, il est vrai, la présence de Claude à Polignac, ni qu'elle dût être placée au temple, pour y perpétuer un souvenir quelconque ; mais elle se trouve sur un lieu si favorable à Pédification d’un temple et aux mystères d’un oracle, sur lequel la tradition a cumulé tant de souvenirs historiques, parfaitement d'accord avec ce que l’on peut démontrer sans elle, que la supposition qu'elle y a été apportée d’ailleurs nous paraît tout-à fait gratuite. Cette inscription se rapporte, par sa date, à l’époque des plus grands événemens ou solennités du règne de Claude. Douter encore qu’elle ne fût destinée à être placée dans le lieu où on la voit et pour le QG) Suétone, Pline, Crevier, Histoire des Empereurs. (2) Une médaille de Claude fut trouvée aux environs du Puy, par feu M. Duaranson-Labrujère, ingénieur des ponts et chaus- sées, — Voici la description qu’en donne M. Dulac de Latour, auteur de l’Histoire du département de la Haute-Loire , pag. 80, et qui en était devenu possesseur : « une tête d’empereur et au- » tour, CŒSAR... IMP.. P. P.; de l’autre côté, deux sacrifi- » cateurs avec le bâton augural, le guttus, etc., etc.; pour » exergue, S. PRINC. JVVENTV ; au-dessus, CL, CŒS, ( 270 ) temple qui y était élevé, n'est-ce pas pousser le doute jusqu’au scepticisme ? M. Merimée nie absolument un Apollon barbu ; :1l assure que jamais barbe ne fut attribuée à Apollon. S'il se fut contenté de dire qu’en règle générale Apollon, comme Mercure et Bacchus, furent des dieux imberbes, mais qu'il y eut des exceptions, nous nous fussions bornés à démontrer que notre Apollon de Polignac, représenté par le masque qui porte son nom, dut faire partie de ces ex- ceptions; mais je suis forcé de prendre la ques- : tion telle qu'elle a été posée par cet archéologue, et je réponds : En ouvrant le dictionnaire de la fable de Noël, jy trouve que les Aiérapolitains donnaient une barbe pointue à Apollon, pour désigner l'émission de ses rayons sur La terre. Sije recherche les sources où M. Noël a puisé, je vois dans Lucien, de Dea Syria, c. 35 : «Après » ce trône, se trouve une statue d’Apollon, non » telle qu'on a coutume de représenter ce dieu; » car tous les autres peuples croient qu'il cst » jeune et même dans la fleur de la jeunesse; eux » seuls présentent une statue d’Apollon barbu. » Je vois encore dans une notice de De Witte sur les vases de la collection du prince de Canino, que, « outre l’Apollon barbu du temple d’Hiéra- » polis, nous connaissons quelques peintures de (Sa ) » vases où Apollon ne peut être méconnu à cause » des antres divinités placées près de lui, et il st » barbu (1). On voit sur une médaille de Laconie, décrite par Mionnet, un Appolon barbu, vétu de la stola et vu de face; aurevers, la téte de Géta(2); et sur une autre médaille, décrite également par Mionnet, encore un Apollon barbu, qu'il indique sous le nom d’Æpollo barbatus (3). Enfin M. le Comte Auguste de Bastard possède le plâtre d'une petite statuette d'environ deux pieds de haut, dont le marbre fut trouvé à Lyon; elle estharbue, et sur le socle est écrit : ATOAAON. M. Merimée n’a donc pas eu raison de soutenir qu'il n'y eut jamais d’Anollons barbus. Nous pouvons donc conclure que notre masque a pu être celui d’un Apollon barbu, comme le voulurent la tradition ct nos vieilles histoires, Au reste, quoiqu'un masque d’Apollon puisse être barbu, comme on vient de le voir, nous n’en tirerons pas la preuve indispensable de l'existence ou non-existence du temple et de l’oracle. Ce n’était pas toujours les images ou statues des dieux qui rendaient elles-mêmes les oracles; ils étaient interprétés et transmis par les prêtres oo (1) Catalogue des vases du prince de Canino, n° 180, p. 108, (2) Mionnet, suppl., tom. IV, p.233, u° 73. (3) Mionnet, suppl, tom. 1, p. 37a, n° 100. ( 278 ) et les prêtresses. Seuls, avons-nous dit, ils péné- traient dans les antres mystérieux comme à Tro- phone; interprétaient le bruit des feuilles ou des vases d’airain comme à Dodone, et donnaient un sens aux cris, aux hurlemens ou aux paroles con- vulsives de la Pythie comme à Delphes; la statue d'or d’Apollon y était placée près du trépied (1); on ne s’avisa jamais de la faire parler. Quelquefois, ce furent des masques à la bouche béante, presque toujours à la figure effrayante, qui servirent aux prêtres à transmettre les inspirations prophétiques aux craintifs solliciteurs. M. Merimée a trouvé étrange que l’on ait cru que le masque de Polignac ait pu être placé à plat ou d'une facon quelconque sur ce que nous croyons être un autel, et que sa bouche ait rendu des oracles, à peu près (dit-il) comme la ftéte enchantée de don Quichotte. On trouve au 9€ vol. de lHistoire des Inscrip- tions et Belles-Lettres, page 172, un camée an- tique où l’on voit un autel circulaire comme celui de Polignac, et sur lequel se trouve une espèce de masque barbu, un prêtre et une femme venant consulter l’oracle. J'ai également sous les yeux une médaille dé- crite par Mionnet, avec un autel surmonté d’une tête ou masque barbu (2). (Gi) Encyclopédie , article : Oracle, (2) Mionnet, t. 1, pag. 72. (275) On voit dans la galerie mythologique de Müillin , un bas-relief où se trouve un jeune homme cou- ronné qui, n'ayant pour vêtement qu'une chla- * myde rejetée sur ses épaules , conduit trois femmes vers un masque colossal, à la barbe touffue et à la chevelure hérissée, auquel, à en juger par son bras relevé, il semble adresser la parole (1). Il existe à Rome, sous le portique de l’église Sancta Maria in Cosmedin, un masque barbu à la bouche béante, auquel la tradition populaire a donné le nom de La bocca della verita, la bouche de la vérité. Ce masque a cinq pieds quatre pouces de hauteur et de largeur, sur sept pouces d’épais- seur; il est en marbre blanc. C’est justement, sauf la matière, notre masque de Polignac avec sa tradition. On trouve dansun ouvrage publié à Rome, sur di- _verses antiquités : « PICTURÆANTIQUISSIMI VIRGI- LIANT, etc.; Rome, 17962, apud Venantium Monal- dini, » la description d’un camée sur émeraude, qui faisait partie du musée Kirkériano, où l’on voit le por- trait en profil de Virgile, placé devant un autel surmonté d'un masque barbu. Virgile écoute avec (4) Galerie mythologique, pl. LVT, n° 328, tom. 1, pag. 80. Voyez la planche des Antiquités de Polignac, fig. 2. J’ai cité ce bas-relief, non pas comme représentant le sujet d’un oracle consulté, mais bien un masque à qui l’on parle; ce qui suppose toujours une voix qui répondra. 16 ( 274 ) attention et ravissement..... N'est-ce point Apollon qui fait entendre ses inspirations par le masque barbu, au poète immortel ? Enfin , on trouve dans les Recherches sur les origines celtiques de Bacon-Tacon, la description d’une figurine antique en bronze. « Cet antique, » dit l’auteur, haut d'environ six pouces, repré- » sente Latone accompagnée de ses deux enfans » nouveaux-nés, Apollon et Diane ; elle presse » sur son sein sa zone déliée, symbole du com- » merce amoureux qu’elle a eu avec Jupiter, et » au nom de laquelle elle obtient des autels et le » droit de rendre des oracles. » Cette déesse a pour attribut, sous un de ses » pieds, une tête vaticinante à cheveux dressés » sur le front et à bouche ouverte et parlante; » d'autant qu'en donnant naissance à Apollon, » Latone a été la source des oracles (1). » Maintenant, pourquoi ce masque n’aurait-il pas pu servir à rendre les oracles d’Apollon , et n'est-il une autre bocca della verita (2) ? (1) Origines celtiques de Bacon-Tacon, tom. IT, pag. 70. (2) Sans doute, on ne doit pas toujours accepter les tradi- tions telles qu’elles se présentent à nous ; mais, comme une cause y a toujours donné lieu, c’est elle qu’il faut recher- cher. Les masques servirent dans l’antiquité à déguiser les prêtres dans leurs mystères, et les acteurs au théâtre. On en placait quelquefois comme épouvantails sur les tombeaux. Ils devaient ( 275 ) M. Merimée n’a vu dans le masque qu’il croit antique, et dont il n’oserait toutefois affirmer que ce ne soit un pastiche de la renaissance, qu'un fragment de sculpture romaine du Bas- Empire. Cependant il veut bien y reconnaître un certain air de grandeur qui pourrait rappeler un Neptune, un Jupiter, un Dis-Paier ; mais dans l'examen qu'il a fait de ce morceau, maintenant trés-fruste, M. Merimée n'aurait-il pas confondu l'œuvre de l'artiste avec celle du temps, dont \ ajouter à l’expression de joie ou de terreur, selon le caractère de leurs traits : qui est-ce qui n’a éprouvé dans son jeune âge et même depuis, de ces sortes d'émotions à la vue des masques ! Il était donc tout naturel qu’ils fussent employés à la trans- mission des oracles, J’ai cité le masque de Sancta-Maria in Cosmedin, non point avec la certitude que des oracles soient sortis de sa bouche, mais comme constatant une tradilion qui peut indiquer une des- tination pareille à celle da masque de Polignac. Ce masque très-fruste fut placé jadis à l’entrée de cette église chrétienne, non plus pour accréditer le mensonge, mais pour le punir. Quiconque en eût été coupable et aurait osé mettre la main dans la bocca della verita en eût été mordu : voilà la tra- dition populaire. C’est ainsi que les prêtres du catholicisme furent dans la nécessité de mettre à profit tout ce qui, étant trop vivace dans le culte aboli, ne pouvait être dédaigné sans danger. Au reste, cette église fut construite avec les débris nombreux d’un monument antique consacré selon les uns à la pudeur , selon d’autres à Cérès ou à Proserpine. Toujours est-il que là, comme ailleurs, le christianisme fit trophée des simulacres du polythéisme. (276) l’action a dû être d'autant plus vive, qu'il frappait sur une pierre granuleuse , comme celle de la margelle : car l’une et l’autre sont en grès et non pas en granite, comme l’a dit M. Merimée. Alors on pourrait peut-être expliquer son opi- nion sur cette sculpture, opinion qui nous parait étrange , à nous qui l'avons aussi étudiée en artiste , et qui, loin d'y voir une œuvre du Bas- Empire, croyons y reconnaitre le grand style grec; il serait, je crois, facile de le démontrer par une analyse qui aurait pour base les règles de l'art suivies par les grands maitres de cette époque; ce qui s'accorde parfaitement avec notre opinion sur la haute antiquité du temple primitif de Polignac , auquel nous persistons à vouloir que ce masque ait appartenu. Quant à l’obser- vation que la bouche béante semble être un trou fait après coup, je ne comprends pas que M. Me- rimée n’ait pas remarqué que la contraction des muscles de la joue fait remonter les coins de la bouche vers la pommette, tandis que le men- ton, parfaitement caractérisé, s’abaisse vers la poitrine. Au reste, on en pourra juger par le dessin que je donne de cette sculpture (1); c’est la pre- miere fois, je crois, qu'elle a été rendue avec exactitude. (1) Voir la planche des antiquités de Polignac, fig. 2. ( 377 ) Une remarque qui n’a point encore été faite, c’est que le sourcil est formé par une sorte de cartilage en forme de crête de coq, ainsi qu'il était d'usage d’en placer sur la tête des serpens ailés, et encore sur le cou desgriffons; on voit un de ces derniers au Musée du Puy : ce devait être pour ajouter à limpression terrifiante de ce masque sur limagination des crédules solli- citeurs. Les recherches de M. Merimée sur le plateau de Polignac n’ont point élé fructueuses, mais il s'est trop hâté d'avancer qu'il n’y existe aucune trace de construction romaine. Nous y avons trouvé des briques, tuiles et po- teries romaines; une figurine en bronze; une hache gauloise en pierre verte ou silex; et ré- cemment encore, nombre de grands blocs taillés, en grès, de la méme nature que celui du masque et de l'inscription. On y voit des trous à queue d’aronde, placés au milieu de leur hauteur sur langle en retour d'équerre; ce qui peut prouver qu'ils firent partie d’une construction du genre revinclum, en usage à l'époque grecque et de la république (1). Parmi ces blocs, il se trouve quatre voussoirs avec archivoltes d'ordre dorique, ornés, l’un avec des sculptures du même style que quelques-unes (1) Eustruction envoyée anx Membres du comité historique, (278) de celles qui sont au Musée du Puy; les autres avec des moulures, et nous avons reconnu dans leurs proportions et leur profil une certaine analogie avec des fragmens d’un monument d'Athènes décrit par Stuard, que l’on croit de l'époque d’Adrien, et encore avec ceux d’un autre monument de Stratonicée (1). J'ajouterai qu'il vient également d'être décou- vert sous le chœur de l'église de Polignac, sise au pied du rocher, une douzaine de blocs taillés, en grès, pareils à ceux dont nous venons de parler, avec les trous qui caractérisent leur anti- quité; puis le chapiteau d’un pilastre, et encore une inscription encadrée, mais dont les lettres sont tellement frustes qu'à peine y apercoit-on quelques jambages droits ou arrondis. Ces matériaux gisaient dans la terre sans ordre et sans emploi. Ils furent sans aucun doute pré- cipités du haut du rocher lors de la destruction du temple. Il n’est, là où ils ont été recueillis, aucune trace de constructions antiques auxquelles ils eussent pu appartenir, à moins, ce qui est fort probable, et, comme l'a dit M. de Lalande, qu'il y eût un sacellum à l'entrée de la galerie souterraine dont nous avons parlé. Ces blocs (1) Voyage eu Grèce, de Choïseuil-Gouffier, tom. I, p. 137. (279) étaient sans doute cachés lors de la primitive construction de l’église, car ils eussent été em- ployés dans les murs ainsi que beaucoup d’autres fragmens que l’on y aperçoit principalement sur les angles. Un examen plus attentif de l'inscription de Claude m'a fait découvrir qu’elle fut faite sur un bloc ayant, long-temps avant, servi pour une autre inscriplion qu'on voit à son revers, et dont on reconnaît l'encadrement et quelques jambages informes. C’est là une preuve évidente de ladestruction d’un premier édifice construit ou res. tauré avec les mêmes matériaux; preuve qui vient à l'appui de lexplication que nous avons donnée plus haut des motifs de l'inscription de Claude, Ainsi donc on ne peut plus nier qu'il y ait eu des constructions antiques, méme romaines, à Polignac ; qu'il y ait eu des Apollons barbus, et que des oracles aient pu être rendus à l’aide d'un masque. On ne peut plus dire que l'inscription etlé masque qu'on voit à Polignac y ont été apportés, pour satisfaire au goût et à la curiosité de ses anciens seigneurs, entourées comme le sont ces antiquités de preuves anciennes et nouvelles de l'existence d'un temple, d’un oracle, et finalement , de la présence de Claude à Polignac. Nous aurons donc réhabilité notre site pitto- ( 260 ) resque avec ses merveilles, et, contrairement à l'opinion de M.Merimée, nous aurons prouvé, nous l’espérons , qu'il est toujours digne de l'intérêt des antiquaires et du pinceau de tous les artistes. 6. IT. Musée du Puy. M. Merimée a dit : Que le Musée du Puy était un des plus remarquables qu'il ait vu en pro- vince. Comme M. Merimée ne justifie nullement ce bel éloge dans l'analyse qu'il donne des objets de cette collection , nous sommes forcés de ne voir là qu’un compliment que nous n’acceptons pas. Il ne faut pas oublier que les notes du voyageur archéologue ont servi de base à un rapport au ministre de l’intérieur, pour classer les monumens ou établissemens d'art de la France; nous avons donc intérêt à suppiéer aux oublis principaux, et à rectifier les erreurs que nous croyons exister dans cette publication. Les rapides regards de M. l'inspecteur général ont glissé sur 150 tableaux, pour ne s'arrêter que sur trois ou quatre, que nous ne placons, nous, qu’au second rang de notre Musée. Ainsi nos très-authentiques Pœlembourg, Ter- burg, Maës, Mirevelt, de Heem, Vandye, Van- der-werf, Schalken, Kalf, Hobéma, Salvator, ( 281 ) Oméganck; notre magnifique Huysmans, qui n'a pas son égal au Musée royal; enfin, un Raphaël et quelques tableaux de nos meilleurs paysagistes de l'école moderne; tous ont dû céder la place à leurs inférieurs. N’est-ce point là l'histoire des sociétés humaines, où il arrive maintes fois que les seconds prennent la place des premiers. Heureusement que nos illustres délaissés ont, pour -se consoler, les suffrages des premiers appréciateurs de la capitale et obtiennent journellement encore ceux des artistes et des connaisseurs les plus habiles, qui ne se lassent pas de les voir et de les revoir toujours avec un nouveau plaisir. Nos antiquités, à peine effleurés, ont été plus maltraitées encore, et jugées irrévocablement, comme n'étant que des œuvres de la décadence. M. Merimée semble avoir une idée fixe, c’est la décadence, et il la voit partout. Il ne fait aucune différence entre la ronde-bosse et le bas-relief ; entre des sculptures qui durent faire partie inté- grante d’un édifice ou être placées isolément, pas plus qu'entre celles qui étaient destinées à être vues de loin ou de près. Ce n’est point ainsi qu'en agissait M. Quatremère de Quincy, quand il voulut étudier les sculptures du Parthénon. « Jugeant par analogie du mérite des figures » sculptées dans les frontons que je savais bien » avoir été non des bas-relicfs, mais des statues, » dit ce savant antiquaire, je me persuadais qu'il ( 282 ) » fallait aussi à leur égard, c’est-à-dire en les » comparant à nos meilleures statues antiques, » décompter dans ce parallèle toute la distance » que la grande diversité d'emploi et de position » semble avoir dû introduire entr’elles; je pensais » qu’il fallait se garder de les mesurer sans réserve » ni restriction avec des ouvrages destinés à être » vus de près, et doués par conséquent de cette » perfection exécutive qui ajoute à toutes les au- » tres perfections; enfin, il me semblait que le » parallèle ne devrait embrasser qu'un certain » nombre de rapprochemens et seulement dans » ce quiconcerne le caractére, le style et le goût » de l’école (1).# Nos antiquités n'ont point été examinées avec cette sage prudence qui est du devoir de tout archéologue; quant à nous, qui avons procédé différemment et avec lenteur, elles nous parais- sent précieuses; car elles nous montrent diverses époques de l’art, elles se rattachent à notre his- toire, et confirment tout ce que nous avons dit sur la préexistence d’un temple de Diane sur le mont Anis, comme de celui d’Apollon à Polignac, et de la venue de Claude dans la Vellavie (2). (1) Lettres de Quatremère de Quincy à Canova, sur l'enlèvement des ouvrages antiques d'Athènes et de fiome, pag. 11. (2) «Les monumens qui révèlent à l’artiste les variations suc- » cessives de l’artet du goût, peuvent aussi fournirà l'historien ( 283 ) Si je fais dans ces notes une différence entre le style grec et le style romain, c’est que cela est nécessaire pour préciser les diverses époques de nos sculptures. Je sais, avec Winkelmann, que les Romains n’eurent pas de style qui leur fût propre; ils ne furent que des imitateurs , et leurs œu- vres d'art furent toujours inférieures à celles des Grecs (1). L'art hellénique s'était réfugié à Rome, lorsque la Grèce perdit sa liberté (2). Et qu'est-ce qu’un réfugié sans patrie? N'est-ce point un corps sans ame ? Aussi, ce fut de ce moment que commença la grande période décroissante. Avant César et Auguste avait donc commencé la réelle décadence; mais quand on parle de sculpture romaine, il est convenu que le siècle d’Auguste fut la meilleure époque jusqu’à Adrien ; » d’utiles indications sur l’état politique , intellectuel, moral et » industriel de chaque siècle. Tantôt c’est une inscription qui » se déroule sur le bois, sur la pierre, sur le verre ou sur le » métal; le monument fait alors l’office d’un manuscrit; tantôt » È4 c’est la grandeur des constructions, le caractère du travail, la » nature et le choix des emblèmes qui deviennent autant de A » révélations pour lhistoire et qui mettent en relief des faits » que la lettre morte des documens écrits ne pourrait pas même » laisser apercevoir. » (fnstruction du Comité historique , pag. 2). (2) Winkelmann, Histoire de Aït antique, Liv. V,ch. 1. (2) Idem, liv. VI, ch. 5. (284) qu’ensuite commenca la décadence estimable, et enfin au 3° siècle, la décadence finale, — Ces notions ont servi de base à mes jugemens sur nos antiquités ; elles feront mieux comprendre læ suite de cette discussion. Je rappelle que quand j'ai parlé de Polignac, j'ai dit que je classais nos antiquités en trois caté- gories. La première devait comprendre toutes celles auxquelles je crois une origine antérieure à l’oc- cupation romaine; je la désigne sous le nom de gallo-grecque, et j'ai dit pourquoi. A la deuxième se rapportent toutes celles de l'époque comprise entre Auguste et Adrien , que je dis être la bonne époque romaine. Enfin, je donne à la troisième tout ce que j'attribue à la décadence depuis le règne d’Adrien. C’est dans cet ordre que je vais analyser et classer nos antiquités du Musée du Puy, sans les isoler toutefois des groupes dont elles faisaient partie lors de leur découverte. On sait que le premier ordre d'architecture, introduit dans les Gaules par les Phéniciens, fut le dorique grec (1). A l'extérieur des portes du Musée du Puy sont placés des fragmens de pi- (1) Instructions du Comité historique, et nombre d'ouvrages sur l'introduction des arts par les colons grecs dans Îles Gaules. ( 205 ) Jastres ou colonnes avec des cannelures qui rap- pellent cet ordre. Tout auprès se trouvent des fragmens colossals de bas-reliefs en grès, présentant un sanglier, un lion et d’autres animaux féroces; et sur la branche d’un arbre , une chouette (oiseau con- sacré à Minerve : comme si l'artiste créateur eût voulu rappeler le pays de son origine ). Nous voyons là les restes de la frise du temple pri- mitif de Diane du mont Anis. Ces précieux fragmens furent recueillis lors des récentes fouilles faites pour les constructions du palais épiscopal , sur l'emplacement même que la tradition assignait à ce temple. Nous trouvons à ces sculptures le même air de grandeur que M. Merimée avait remarqué dans le masque de Polignac, mais elles n’ont aucune ana- logie avec celles que nous attribuons à la bonne époque romaine, encore moins avec celle de la dé- cadence.—Aussi je n'hésite pas à les placer, avec le masque de Polignac et les blocs qui servirent à des constructions du genre revinctum, dans la pre- mière catégorie que je nomme gallo-srecque. À l'intérieur du Musée se trouvent d’autres bas- reliefs représentant des personnages occupés à des sacrifices; des griffons , des cerfs, des biches, un taureau, un serpent; tous emblèmes communs aux deux cultes de Diane et d’Apollon; et ils furent retirés des murs de la cathédrale construite, ( 286 ) comme l’est maintenant l'évêché, sur l’emplace- ment du temple de Diane et avec ses débris. Sur un des bas-relicfs se trouve un autel en- vironné de prêtres ou de sacrificateurs; au revers on voit un pied chaussé avec le cothurne. Il est facile de juger que le personnage est assis sur une chaise curule , dont on apercoit un des côtés. Sur un autre bas-relief, on remarque un per- sonnage encore debout près d’une chaise curule, avec le paludamentum que revêtaient les généraux d’armée et les grands pontifes, Quand un général par- tait pour l’armée, il allait au Capitole prendre le paludamentum (1) : rappelons-nous que Glaude était grand pontife. Au revers de cette sculpture se trou- vent encore deux personnages revêtus d’une tunique et d’une chlamyde; l’une d’elles tient un bâton légè- rementrecourbé qui paraît étrele bâton augural.— Quoiqu'il en soit, il est bien évident que ces diverses sculptures représentent un sacrifice, et que ce sacrifice se faisait en présence d’un personnage éminent; or, la tradition , appuyée de l'inscription de Polignac, ne parle que de Claude. Ce serait donc lui qui serait venu sacrifier à Diane comme il avait sacrifié à Apollon. Circonstance qui déter- minerait peut-être aussi l’époque où le primitif temple de Diane dut être restauré par les ordres et avec les deniers de l’empereur. Si nous ne retrou- (1) Dictionnaire d’Antiquités romaines, par Samuel Pitiscus. ( 287 ) vons pas ici une inscription avec le nom du bien- faiteur, nous voyons du moins des sculptures qui indiquent suffisamment l'intention de consacrer un événement favorable au pays, et de perpétuer la reconnaissance publique. L'inscription se trouvera peut-être un jour au milieu des matériaux de ce temple que le temps a dispersés, et dont le plus grand nombre reste encore à découvrir. Il est à remarquer que ces fragmens indiquent qu'il y avait une frise à l’intérieur ainsi qu'à l’ex- térieur, et qu’ils durent être placés tout en haut du temple; car l’un d'eux cst la pierre angulaire de la corniche extérieure. — Cette remarque est importante, parce qu'indépendamment de l’idée que cette frise nous donne de la richesse de la décoration du temple, elle nous fixe sur ce point, que ces sculptures doivent être vues à une cer- taine distance et de bas en haut; d’où il suit que leur exécution ne devait point comporter un fini parfait, et qu'il ne faut les considérer, pour les juger, que sous le rapport du style, du got et de école; c’est par suite de toutes ces considéra- tions historiques et artistiques que je n’hésite pas à rapporter ces sculptures ainsi que les fragmens d’archivoltes trouvés à Polignac, dont nous avons déjà parlé (1), à la bonne époque romaine, c’est- à-dire au siècle d’Auguste. (1) Voir la planche des antiquités de Poliguac, fig. 3. ( 268 ) Voilà, ce me semble, pour le temple de Polignac comme pour celui du mont Anis, deux époques clairement démontrées : celle toute primitive de l'introduction en Vellavie du culte de Diane et d’Apollon, que j'ai appelée gallo-grecque , et celle de la restauration des temples élevés à ces divi- nités, et que j'attribue au 1°* siècle de notre ère actuelle. A cette dernière époque se rattachent encore d’autres antiquités du Musée, parmi lesquelles il faut remarquer un bas-relief où sont représentés des chasseurs avec un cerf et une biche appri- voisés, fragment qui dut faire partie du temple de Diane restauré; mais il ne fut point trouvé avec les autres antiquités dont nous avons parlé, M. Merimée ne s’est point prononcé sur Ja valeur artistique de ce morceau de sculpture, Ce silence me fait penser qu'il a pu hésiter à le placer à l’époque de décadence qu'il assigne à tous les autres. Une chose a pu le frapper, c’est que ce morceau est de très-bas-relief , et il sait qu'à ce signe on peut reconnaitre le cachet du bon temps de l’art; car il faut plus de science pour exprimer beaucoup avec peu. Cette science se fait surtout remarquer par les contours très- nettement prononcés. À mesure que l’art s’en fut, les figures de bas-relief devinrent plus saillantes; elles eurent plus de rondeur dans les formes, et plus d’indécision dans le dessin. Un des murs de ( 289 ) la cour du Louvre est couvert de sculptures de la décadence; le Musée royal possède un bas-relief d'Athènes, attribué à Phidias, représentant les Panathénées ou grandes fêtes de Minerve (1). On peut faire ici l'application de mes obser- vations. C’est encore à la même époque qu'appartiennent deux chapiteaux corinthiens, placés extérieure- ment au-dessus de la porte du Musée et qui ont été trouvés sur l'emplacement d’un édifice romain découvert lors des fouilles que je fis faire à Espaly près du Puy, en 1822. J'ai levé le plan de cet édifice; il est exposé au Musée avec une quan- tité considérable de fragmens de poterie, figurines ou ustensiles conservés dans deux montres vitrées, et provenant de cette fouille. Sur ce plan sont indiqués, au moyen de couleurs rouge et noire, des constructions de deux époques parfaitement caractérisées, l’une beaucoup plus antique que autre. Les murs de la première étaient en petites pierres d'appareil de quatre pouces sur sx, pla- cées très-régulièrement en recouvrement, et jointes avec un ciment fort dur. Les murs de la seconde époque étaient en moellons irré- guliers , quoique alignés et très-bien jointés; mais le mortier était beaucoup moins dur que celui employé à la première construction. (1) Annales du Musée, par Landon, tom. 5 , pag. 9. 19 ( 2go ) Comme les murs de cette seconde époque sem- blaient n’avoir rien dérangé à la distribution primi- tive, il est évident qu'il y eut une restauration de cet édifice long-temps après sa destruction. C’est dans la partie la plus moderne que furent trouvés d’abord les deux chapiteaux corinthiens dont il vient d’être question, et qui présentent deux rangs de feuilles d’olivier; puis un autre chapiteau composite avec oves et un seul rang de feuilles d’acanthe ; ensuite des troncons de co- lonnes. Ainsi, dans ces chapiteaux tout comme dans ces murs on voit deux époques clairement écrites ; l'une du bon temps, l’autre de la décadence. Il fut encore trouvé dans l’un des compartimens de cet édifice , nombre de défenses de sanglier et de cornes de cerf; des charbons et des cendres réunis en tas. N’était-ce point là les restes des sacrifices faits au temple? N’était-ce point là la résidence ordinaire des prêtres de Diane et d’Apollon ? Peut-être celle de Claude, lorsqu'il vint en Vellavie ? Cet édifice se trouvait à peu près entre le mont Anis et Polignac. Il me reste à parler d’une réunion d’antiquités que l’on voit au Musée et qui sont le résultat d’une fouille que je fis faire, en 1636, sur la colline de Margeaix, près du Puy, au pied de laquelle surgissent des eaux minérales qui se mêlent à celles de la Loire. Ces antiquités se composent de trois Cupidons (ER (au lieu de deux, vus par M. Merimée), de deux dauphins d’un mètre de hauteur , ce qui est chose assez rare ; d’un fragment de cuve ou labrum; de deux têtes de Naïades; d’un grand nombre de fragmens d'architecture et autres sculp- tures; de petites briques carrées d’une pâte très- fine, ayant servi au revêtement d’un mur ( opus reticulatum); de poterie, défenses de sanglier; cornes de cerf, cubes de mosaique en marbre ou verres colorés, conduits en plomb; enfin une petite massue en bronze d’un beau travail. Sans aucun doute, il y eut là un édifice antique. J’ai- donné dans nos Annales (1) la description de l’un des Cupidons. Je n’ai nullement la pré- tention d'enavoir parlé ex professo , maisje me suis guidé par le conseil du célèbre antiquaire dont j'ai parlé plus haut; j'ai comparé avec ce que je savais de nos meilleures statues antiques ; j'ai d’abord fait la part de la matière qu'avait à tra- vailler lartiste, celle de la distance à laquelle ces sculptures devaient être vues; j'ai considéré si elles durent faire partie intégrante de l'édifice ou être vues isolément : et finalement je n’ai fait de rapprochementque dans ce qui concernaitle style, le gout et l’école. J'ai parlé des grands principes de Part suivis (i) Annales de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Commerce du Puy (1835-1836 ), ( 292 ) par l’artisie créateur; des grandes lignes qui divi- sent le torse en parties parfaitement en harmonie entr’elles ; j'ai observé que si ces lignes sont pro- fondes, ainsi que celles qui indiquent les plis formés par la peau, quand elle enveloppe des pelottes de graisse sur les bras, les cuisses et les jambes de l’enfance, c’est que les plis sont les indicateurs les plus caractéristiques de la tendre enfance, et c’est précisément parce qu'ils sont très-prononcés dans nos Cupidons, que j'en ai conclu que ces sculptures durent être vues à une grande distance : s'ils eussent été moins saillans, ils n’eussent point été vus, et le but eût été manqué. M. Merimée m'a objecté verbalement que la tête des Cupidons est légèrement plus élevée que cela n’est dans la nature, et c’est en cela qu'il croyait y voir une époque de décadence. Je ré- pondis que l'artiste qui savait que ces figures de- vant être vues de bas en haut, il devait s’opérer, par l'effet de la perspective, une diminution très- sensible dans leurs proportions , principalement dans celle des têtes, comme étant les parties qui seraient les plus éloignées de l'œil du spectateur, il dut mettre en plus ce qu’il y aurait eu de moins en apparence, afin que ces proportions n’en pa- russent point altérées. Cette considération rentrait dans les règles de l’art, suivies par les statuaires habiles de l'antiquité. ( 295 ) J'ai dit, dans ma Notice sur ces intéressantes découvertes et je répète, qu'il existe une analogie de style bien remarquable entre la tête de l’une des Naïades de Margeaix et celle de la muse Thalie qui était au Musée royal; c’est le même air de tête, les mêmes proportions, le même ajus- tement de la chevelure, des fleurs ou plantes qui la couronnent; cette analogie est tellement frap- pante, que l’on dirait l’une copiée sur l’autre, à la seule différence que la première penche la tête à gauche et l’autre à droite. Nous avons placé près de la tête de notre Naïade celle de la Muse grecque, afin que l’on püût faire les rapprochemens en ce qui concerne le style, le goût et l’école ; et qu'est-ce donc que cette analogie, ce charme du style grec qui vous attache et vous entraine dans la copie comme dans l'original, cela ressemble- t-il à de la décadence, de cette décadence du 3° siècle ? Parmi les fragmens de sculpture de Margeaix, se trouvent quelques restes d’une figure plus grande que les Naïades, et d’un Cupidon éga- lement plus grand que ceux dont j'ai parlé. Ne serait-il pas permis de croire, en considérant l'exécution, les proportions et les attitudes de ces figures, qu’elles servirent à orner le fronton d’un temple ? Ces proportions permettaient de les faire pyramider selon la forme triangulaire du fronton. Vénus serait là avec ses Amours, ses ( 294 ) Naïades et ses Dauphins, se montrant au loin, elle et sa cour, comme les fleurs de la prairie. Ainsi que M. Merimée, je n'avais jamais vu d'ar- balète sur aucun monument antique, et cepen- dant nous en trouvons une dans notre bas-relief représentant une chasse avec des cerfs apprivoisés. La question de savoir si cette arbalète est en bois ou en acier peut avoir sans doule son intérêt; mais ce qui me semble autrement important, c’est que l’un des chasseurs porte une escarcelle, ab- solument pareille à celle qui est au pied de l'autel du Cupidon de Margeaix ; qu’on retrouve cette arbalète reproduite dans le cippe de Soli- gnac, sur lequel sont deux génies portant des fruits et des guirlandes de fleurs, tout-à-fait du même style que ceux de Margeaix, sauf l’exécu- tion qui est moins soignée. La conséquence à tirer de ces rapprochemens, du style, de Pair de famille de toutes ces sculp- tures et de la liaison que je viens de faire remar- quer entre tous les accessoires qui y sont repré- sentés, c’est qu'évidemment elles furent créées sous l'influence d’une époque , d’une école, ou sous celle du génie d’un grand artiste, si ce n'est par son ciseau. Je suis bien loin, comme on le voit, de l’opinion de M. Merimée. Qui fut cet artiste? Voici mes conjectures : Sous le règne de Néron, florissait en Auvergne le plus habile statuaire de son temps, C’est lui qui Se # (295 ) orna de ses œuvres le fameux temple de Mercure, lun des plus magnifiques qu’il y eût dans les Gaules. Zénodore fut appelé à Rome pour y fondre en bronze la statue colossale de l’empereur f1). Il était Grec d’origine, il dut avoir une école. Si l’habileté de cet artiste était telle qu'il ait pu être préféré à ceux de Rome, pourquoi ne pas admettre que quand il fut question de restaurer les temples d’Apollon et de Diane et d’édifier celui de Vénus à Margeaix, ce fut en effet Zénodore, le grand Artiste des Arvernes, résidant alors non loin de Velaune, qui fut chargé de ces travaux ? À l’égard du bas-relief désigné sous le nom du Mariage romain, je pense que c’est en effet une œuvre de la dernière époque de la décadence. On peut n’y voir, si l’on veut , que des scènes isolées : Millin nous avait fait connaître, comme M. Merimée, les bas-reliefs d'Arles qui peuvent justifier cette opinion ; mais j'observe qu’en général , quand il en est ainsi, les groupes sont séparés par des arcades ou des colonnes; que dans le bas-relief en question, les arcades que lon y remarque appartiennent à des édifices placés en arrière des groupes, que ceux-ci ont entr’eux une liaison qui les fait concourir à un sujet principal. Ce bas-relief dut faire partie de la décoration d’un 22227 ESARNIAENN EN PAPE OP IENURREN TAN ENTER NE (1) Pline, liy. XXXIV, c. 18. ( 296 ) tombeau , et je crois que c’est en effet une céré- monic nuptiale qw’il représente. C'est aussi l’opi- nion de notre collègue et ami M. Mangon de La- lande (1). Dans les idées de l'antiquité, deux époux qui se rejoignaient aux Champs Elysées, s’unissaient de nouveau avec les mêmes cérémonies que sur la terre. Tous les jeunes gens qui mouraient sans avoir été mariés, devenaient les époux de Proser- pine. « Le mort a mis pied à terre, et laissant » son coursier derrière Jui, donne la main à une » femme voilée, qui semble le présenter à une jeune » fille également voilée. C’est sans doute comme » dans l'inscription de Chio, la parque Morsx qui » conduit l'époux à Proserpine. » L'arbre indique les Champs Elysées. Le vieil- » lard quiest sur le devant se voit d’ordinaire » sur les tombeaux de l’Etrurie. Les rouleaux » que portent les spectateurs sont les éloges » funèbres prononcés sur la tombe (2). » Sur notre bas-relief se trouvent tous ces détails; nul doute, je le repète, qu'il ne représente un mariage funèbre. Je pense avec M. Merimée que ce bas- relief peut être du 3° ou du 42 siècle, et comme il y a dans son style une distance immense avec celui de nos autres sculptures romaines ou gallo- (1) Essais sur les Antiquités de la Haute-Loire. (2) Lebas, Monum, de l’Antiquit. fr., p. 170 et 172. ( 297 ) _ grecques , c'est un argument de plus pour justifier l'opinion que nous avons émise à leur sujet. Ainsi, dans le Musée du Puy, on voit nombre de bons tableaux de l’école ancienne ou moderne qui ontéchappé à la vue de M. Merimée. On y voit des antiquités de diverses époques classées par groupes, qui ont pour date celle de leur découverte ; mais pour les juger et les apprécier, il ne fallait pas les détacher de leur corps ; les séparer de l'esprit qui les anima. I fallait d’abord remarquer qu’elles étaient faites avec des pierres du pays, par conséquent sur le lieu même où elles furent découvertes, c’esl-à- dire, à quatre ou cinq cents lieues du foyer cen- tral des arts, et en conclure qu’elles ne pouvaient qu’avoir une perfection relative : perfection encore suffisante pour exciter nos admirations, car :l en était de l’art antique comme de l'odeur des fleurs : l'air en était imprégné, et quoique affaibli par la distance, il embaumait encore. Il fallait rechercher sices sculptures firent partie intégrante d’un monument d'architecture, ou si elles durent étre isolées, si elles durent étre vues de prés ou de loin ; et dans ce dernier cas, sielles durent avoir cette perfection exécutive qui ajoute à toutes les perfections. 1 fallait enfin, dans un parallèle avec les grands modèles, n'embrasser qu'un certain nombre de rapports, et seulement en ce qui concerne le style et le gout de l'école. ( 296) C’est ce qui n’a pasété fait; du moins, il ne paraît pas qu'aucune considération de ce genre ait dirigé M. Merimée dans ses rapides apercus. Si nos belles peintures furent regardées avec indifférence, nos sculptures n’ont pas été mieux traitées, lorsqu'il les a enveloppées du triste voile de la décadence et du bas-empire ; heureuses encore de m'être pas considérées avec le masque d’Apollon comme des pastiches de la renaissance. Ces sculptures des anciens temps ne devaient pas cependant être examinées avec légèreté, car d cette époque, les artistes avaient une ame et une nain qui, par l'expression générale de leurs œuvres, ou par leur exécution, savaient enlever à la pierre et au marbre sa dureté, au bronze sa roideur, et pro- duire à leur gré ces impressions vives ou profondes, riantes , gracieuses en dehors de toutes les subti- lités de l'esprit (1). Nos sculptures ont encore ce mérite de former des groupes d’un intérêt historique , ayant chacun fait partie d’un même monument, et représentant autant d’époques distinctes : rare bonheur qui s’est rencontré deux fois en peu d'années à Espaly et à Margeaix, et qui a permis, par la similitude de quelques accessoires, de lier ces époques entr'elles et de déterminer des points (1) Seroux d’Agincourt, ( 299 ) de repère autour desquels viennent se classer chronologiquement et sans effort, toutes les nou- velles découvertes que nous faisons chaque jour. M. Merimée a dit que le moyen-âge et la renais- sance étaient convenablement représentés au Musée du Puy. En intercalant dans les notes qu'il a publiées, les rectifications ei-dessus, il aura eu raison dedire que ce Musée est un des plus remar- quables qu'il ait vu en province. VV VV UV AVR AV MY M VV UV AV VU UV UV UV UV UV UV LU MU A AU UV US MY UV MU LU NOTE FINALE. Il est possible que quelques-uns de mes lecteurs, étrangers au pays au nom duquel je parle, taxent d’exagération artistique et mon texte et mes dessins , j’observe qu’on peut craindre l’exa- gération et l’erreur de la part d’un homme d’imaginalion , ba- bile en l’art d'écrire et qui a droit de compter, pour appuyer ce qu’il dit en fait d'archéologie, sur son talent et sur sa renom- mée. Mais l’exagération artistique devient impossible à celuiqui, plein de bonne foi, n’exprimant sa pensée qu’avec difficulté, pour la rendre plus intelligible l’acccompagne de dessins faits et refaits avec une minutie tellement eonsciencieuse, qu’on peut les regarder en quelque sorte comme étant des fac simile. Au reste, ce que j'ai vu et cru comprendre dans nos anti- quités sera publié dans mon ouvrage sur les monumens de la Haute-Loire; et la lithographie ne reproduira mes dessins archéologiques qu’après qu’ils auront été long-temps exposés au Musée du Puy à la critique de tout le monde, et qu’il aura été reconnu qu’il ne mauque rien à leur naïve exactitude, Ainsi, mes opinions ou jugemens porteront leur correctif. Si donc on persistait à m’accuser d’avoir de trop grandes préventions pour l’art antique, qu’il me soit permis de citer encore une fois Winkelmann. ( 300 ) « On se prévient souvent en faveur de tout ce qui est antique, cependant cette prévention n’est pas sans utilité. Figurons- nous toujours pouvoir trouver beaucoup, afin que cherchant nous trouviozs du moins quelque chose. Si les anciens eussent été moins riches, ils auraient mieux écrit sur Part. Nous remuons chaque pierre pour trouver un trésor; à force de rai- sonner sur quelques monumens antiques isolés, nous parvenons à tirer des conséquences probables et qui peuvent fournir plus d’instraction que les notices des anciens, dont la plu- part ne sont qu’historiens, si l’on en excepte quelques-unes qui prouvent que leurs rédacteurs ont connu tous les mystères » de l’art. Vous ne devons pas craindre de chercher la vérite, » mêmeaux dépens de notre amour-propre. IL faut que quelqu’an » s’égare pour que plusieurs trouvent le bon chemin.» D Ces notes étaient sous presse , quand nous ayons appris qu’uue tête de Jupiter Sérapis, avec Le modius , venait d’être découverte à Saint-Paulien, Mgr l’Evêque du Puy en est le possesseur ; elle est d’un fort beau style et en albâtre oriental. Voilà un nouvel argument à ajouter à ceux que nous ayons fait valoir en faveur de nos antiquités, > PONS ( So] VAANAA VA AA VAR AA VV LEA AR AS AE VAL Sr A AA TA AA LA AL AAA AA AL AA AA RAA RAY LAS DA GUERRES CIVILES, POLITIQUES ET RELIGIEUSES, DANS LE VELAY; Par M. Francisque ManpeT, membre résidant. S. If. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES, Pour combattre les hérésies et garder l’unité de ses doctrines, léglise romaine avait résumé ses dogmes et réglé sa discipline dans de nombreux conciles. Constantin, Clovis, Charlemagne, qui tour-à-tour avaient compris son utilité, élevèrent et surent maintenir le trône pontifical au rang des puissances temporelles. Ils voulaient fortifier leur action de toute l'influence de la foi sur des peu- ples indociles; mais les héritiers inintelligens de ces énergiques fondateurs disparurent bientôt sous les débris de leurs empires. — Rome seule, dans la lutte incessante des puissances séculières, tan- tôt arbitre, tantôt juge, affermit sa domination et vit accroître son autorité de ce qu’elle enlevait chaque jour aux autres souverains, Obscure et ( 302 ) pauvre, elle n'avait eu dans l’origine que des pa- roles de soumission; devenue riche, elle se fit la protectrice, la reine des nations. Le génie de Grégoire VIT, les missions héroïques d'Urbain IF, les croisades surtout, firent de la tiare la plus éclatante couronne de l’univers. Cepen- dant, ce quijadis avait perdu les temples profanes allait avant peu ravir à la sainte métropole l’es- pérance de l’immortelle domination. — Les pre- miers rois, plus tard les premiers pontifes de Rome s'étaient appuyés sur un peuple de héros et de martyrs; les derniers empereurs et les papes du XV£ siècle ne commandaient plus au contraire qu'à des populations sans courage comme sans croyances. L'église, si redoutable, si unie pour vaincre les ennemis du dehors, resta sans force le jour où elle eut à combattre ses propres enfans. Philippe-le-Bel avait frappé le premier coup; en cherchant dans Avignon un indiscret asile, les papes dissipèrent le prestige de la ville éternelle; et le long schisme d'Occident, qui vint ensuite, déchira le voile du temple en osant pénétrer dans les profondeurs des mystères de la foi. Pour ressaisir un bien que le ciel leur retirait, les pontifes oublièrent que la croix avait été Parme la plus sûre de leur conquête. Ils cou- vrirent leur poitrine de cuirasses, montrèrent un glaive nu pour dernière raison, et coururent au combat, Ils pensaient sans doute à Marco Visconti, (‘303 ) archevêque de Milan, qui, sommé de se décider entre l’un des deux pouvoirs, répondit, agitant d'une main son épée, de l’autre sa crosse : Ceci est mon lemporel, ceci mon spirituel; avec l’un je défendrai l’autre. Vains efforts!.. Dans le péril, au lieu de reve- nir aux lecons du Christ, Alexandre VI humilie sa couronne sans laisser d’autres souvenirs que ceux d’une vie infàme; Jules IT, agitateur plein d’audace, ne pense qu’à gagner des batailles, et Léon X, le serviteur des serviteurs de Dieu, aspire à la gloire de passer pour le prince le plus fastueux de ce monde. Considéré sous le point de vue des arts, sans doute que celui-ci rendit sa mémoire illustre, mais quand on songe aux trésors qu'il fallut engloutir pour élever toutes les magnificences de son règne, l'esprit s’émeut au danger de ces orgueilleuses dissipations. En effet, Léon X envoie sur tous les points de l'Europe des dominicains quêteurs qui prêchent des mis- sions pour demander de l’or en échange des indulgences de l’église. — Au fond de la Ger- manie, pays où les mœurs austères s'étaient plus qu'ailleurs conservées, des moines se récrient contre cet impie scandale. Martin Luther, un d'eux, élève la voix plus haut que les autres (1517) et, dans une thèse publique soutenue à Wittemberg, proteste contre une pareille con- duite.— Rome, au lieu d’étoufler ce germe d’in- ( 304 ) surrection, continue ses demandes imprudentes et jette les fondations de ses palais splendides. — -Alors Luther, que le silence encourage, se laisse aller à une indignation jalouse, prêche contre le Pape, l’accuse les saintes Ecritures à la main, réclamant, pour le salut même de léglise, une réforme sévère. Celte réforme, c’est lui qui l'indique, qui limpose, comme si, à lui seul, il en avait le droit. Puis, commentant sous les inspirations de sa colère les textes sacrés, ce moine rebelle, brülé de passions ardentes, homme d’un étonnant courage sans doute, mais orgucilleux et flatteur à la fois, devient à tout jamais le plus terrible ennemi des succes- seurs de saint Pierre (1).—Les cérémonies du culte, le célibat des prêtres, le sacrement de pénitence, sont déclarés contraires aux véritables enseignemens du Sauveur , par conséquent rejetés. ; Les étudians, les universités, grand nombre de couvens d’Allemagnc, Frédéric lélecteur, (1) Mes dogmes resteront, et le pare tombera malgré toutes les portes de l'enfer, toutes les puissances de l'air, de la terre et de la mer. Iis m'ont proyoqué à la guerre; eh bien! ils j’auront la guerre. Ils ont méprisé la paix que je leur ofrais, ils n’auront plus la paix. Dieu verra qui des deux en aura assez, du pape ou de Luther. Mémoires de Luther (1523), traduction de Michelet, tomell , page 147. = dr ( 305) prirent part dans la querelle et suivirent le nouvel étendard. Ce ne fut plus alors seulement une réforme, c'était une religion qui se dressait menacante contre l’église; car l'église ne pou- vait admettre de tempéramens ni retrancher de ses croyances des pratiques regardées par elle comme fondamentales. Le dogme de Luther eut bientôt à son tour des réformateurs. — En Allemagne, le cruel Thomas Munzer catéchisait avec le fer et le feu. — En Angleterre, Aenri VIIT, après avoir embrassé la cause qu'il avait combattue, faisait périr à la fois luthériens et catholiques, pour se pro- clamer chef suprême du culte dans son royaume. — En Suisse, Zwingli (1) mourait pour le triom- phe des idées nouvelles dont il s'était déclaré le plus fervent apôtre. — En France (1534), Calvin, plus avancé que tous les autres (2), faisait de (1) Je crois Zwingli bien digne d’une sainte haine, pour sa téméraire et criminelle manière de traiter la parole de Dieu. Mémoires de Luther , traduction de Michelet, t.1, p.209. (2) IL importe de bien savoir la différence majeure qui existe entre le Zuthérianisme et le calvinisme. — Luther, en rejetant la transubstantiation des catholiques, admettait la consubstan- tiation , c’est-à-dire une présence réelle du corps et du sang de J.-C. avec la permanence du pain et du vin. Dieu suryenait, mais le pain restait. — Zwingli, Calvin et tous ceux qu’on appela depuis sacramentaires , niaient la présence réelle et ne regar- daïent le pain et le vin que comme la figure du corps et du sang. 20 ( 306 ) nombreux disciples et fut la cause des plus sän- glans malheurs. François Ier, sous qui ces grandes commotions éclatèrent, n’y prit point assez garde pour ses états. Il ne pouvait croire que des réformes sorties d’un monastère dussent exercer quelqueinfluence sérieuse sur la religion et moins encore sur les couronnes, Cependant , quand il vit avec quel enthousiasme les villes anséatiques de l'Allemagne, la Suède et le Danemarck avaient adopté Luther; quel intérêt politique Henri VHT portait à cette ré- volution ; quelle ardeur les cantons de Zurich, de Berne, de Bâle , de Schaffouse mettaient à suivre les doctrines de Zwingli, malgré la résistance de Fribourg et de Soleure; surtout quand il apercut Calvin, un de ses sujets, s’en aller, législateur révolutionnaire, fonder une république à Genève et rentrer dans son royaume pour y propager ses doctrines, ilcomprit, mais trop tard, que sans lui, malgré lui peut-être, l'esprit de son peuple obéissait à une irrésistible influence. — Alors il intervint et tenta d’abord la résistance. Mais comme cette marche, loin d’affaiblir ,ne faisait qu'irriter hâtive- ment le mal, il voulut, à l'exemple d'Henri VIIF, se mettre à la tête du mouvement. Il appela Melancthon, disciple de Luther, espérant que ce timide seclaire pourrait s'emparer de l'in- surrection religieuse et la diriger d’après ses ordres. — Mélancthon ne vint pas; Calvin seul ( 307) : s’offrit au monarque et lui dédia son premier où- vrage (1). Francois If eut peur de ce fougueux apôtre. Poussé par le conseil du cardinal de Tour- non, il revint à sa première pensée, comme une ame timorée qui cherche à se faire pardonner un crime. Dès ce moment , loin d’adoucir la rigueur des évêques et des parlemens, lui-même les encouragea dans leurs cruelles exécutions. Henri II continua la politique de son père. Ce prince, plus insouciant encore pour les affaires, plus amoureux de plaisirs, ne pensa qu'à rendre sa cour brillante et joyeuse. Bals, fêtes, car- rousels , se succédaient si rapidement, que l'agi- tation du dehors ne pouvait trouver un instant pour se faire entendre. Un des premiers actes du nouveau règne et des plus importans pour nos contrées, fut la promulgation des ordonnances somptuaires (1547) qui déterminaient les vêtemens de chacun, sui- vant son rang et sa naissance. C'était, comme on le pense, moins dans un but de haute morale que pour favoriser la vanité aristocratique des sei- gneurs de la cour. — Mais tandis que le roi, juge dans un tournoi, assistait au combat de Jarnac etde La Châtaigneraie, en attendant que lui-même vint trouver la mort dans ce singulier champ de ba- (1) Institutions religieuses, ( 308 ) taille, l’hérésie s’étendait à grands pas sur tout le royaume. Au Midi, les enfans des Vaudois se rappellent les croyances de leurs aïeux, reconnaissent que la cause jadis proscrite est celle qu’on ressus- cite, et l'épousent avec ardeur. — Le pape demande alors à plusieurs reprises que cesinfidèles soient chätiés. La cour d’Aix rend contr’eux de sanglans arrêts, et Jean Meynier, baron d'Oppède, digne héritier de Montfort, court massacrer cette dernière génération de martyrs. Au Nord, à Paris même (1557), dans la rue Saint-Jacques, des calvinistes se réunissent pour réciter leur liturgie. Le soir, quand ils veulent sortir de la maison où ils sont assemblés, le peu- ple qui les attendait les insulte; une rixe s’en- gage. Tout eüt été facilement pacifié, sile cardinal de Lorraine n’eût saisi cette occasion pour pré- texte. — Cinq protestans sont brûlés, un grand nombre fermés dans les cachots; enfin, un édit (1558) autorise en France l’affreux tribunal de l'inquisition. C’est là que désormais toute per- sonne suspecte d’hérésie sera traduite et punie du dernier supplice. Le parlement de Paris se trouve divisé sur cette grave question des consciences. La grand’chambre reste impitoyable; le premier président Le Maistre et les deux présidens Minard et Saint-André ne parlent que de torlures. La tournelle, où 4 ( 309 ) siègent de Thou, de Harlay, Seguier, est au con- traire remplie de magistrats indulgens, Le cardinal inquisiteur qu'irrite un pareil dissi- dent, donne au roi la perfide pensée d’apparaître tout-à-coup au milieu de son parlement et, sous prétexte d’avoir l'avis de ses conseillers, de les faire chacun librement s'expliquer, puis de punir les mal-pensans. — Henri accepte cet odieux projet. Quelques juges , trop confians dans la parole royale, ouvrent le fond de leur cœur, mais hélas! ne tardent pas à s’en repentir.— Aussitôt après le lit de justice, ceux qui ne prennent pas la fuite sont saisis. Anne du Bourget Louis Faur venaient de l'être sous les yeux du prince, au sein même du parlement (1). | (1) La délibération est finie, le roi peut se livrer à toute sa colère. Il reproche au parlement l’indécence et la hardiesse de plusieurs des avis qui ont été proposés; il jette des regards me- nacans sur Louis Faur qui a parlé d’Achab, et sur Anne du Bourg qui a parlé d’adultère. Il se lève; le capitaine des gardes, Montgomméri, vient prendre ses ordres, et arrête de sa propre main les deux conseillers dans le sein de leur compagnie. Trois autres conseillers sont arrêtés chez eux, trois échappent aux poursuites. Le roi, au sortir de cette expédition, traverse Paris avec pompe, et de toute part il entend des murmures qui dimi- nuent son orgueil et sa joie. ( Lacretelle , Règne de Heuri I, tom.1, Liv. 5. — Voir Garnier, Vieilleville, de Bèze', Histoire deséglises réformées), aussi de Thou, Mezcrai, ( 310 ) $. IT. LE VELAY AU SEIZIÈNE SIÈCLE, Aujourd’hui que la civilisation franchit tous les obtacles, s’èlève sur les cimes de l'Atlas et pénètre dans les profondeurs du désert, annoncant pour l’avenir un niveau général, il faut, si l’on veut écrire l’histoire, se hâter de visiter les ruines du vieux château, interroger l’octogénaire qui s’en va; demain, chez nous, les traces seront effacées, les témoins nous manqueront. — Au nord de la France, les mœurs sont régénérées; au midi, tous les points sur lesquels s’est portée l’activité ont changé même de langage. Ce n’est plus que dans les montagnes, grâce à leur isolement, qu’on peut espérer encore de rencontrer les derniers ensei- gnemens et la tradition vivante. La manière dont se pratique depuis des siècles l'industrie des dentelles, la plus lucrative sans doute de celles qui peuvent se maintenir au milieu de froides montagnes, remonte à une date bien ancienne dans l’histoire du Velay. Reportons-nous, afin de mieux apprécier la si- tuation, vers le temps de Francois Ir, c’est-à- dire, à cette époque féodale où déjà le luxe s’étendait sur chaque classe. — Nous voyons un pelit état, inaccessible pendant plus de la moilié ( 5145) de l’année, obligé de se créer une existence en dehors de toutes relations étrangères. L’Auvergne, le Languedoc et le Forez le circonscrivent. Ce sont trois provinces assez riches, fussent-elles seules, pour favoriser une industrie qui de jouren jour prend un plus grand développement.— Mais pour peu qu’on veuille se souvenir que le territoire est constamment ravagé, tantôt par des bandes affa- mées de routiers à qui toute capture est bonne aubaine, tantôt par quelque baron que la disette chasse de son manoir et qui vient guerroyer où Ja curée se fait sentir, aujourd'hui par les gens du roi qui, chevauchant , prennent garnison partout où Dieu leur montre un gite, demain par des hommes d'église eux-mêmes; on comprendra que les pauvres habitans des campagnes durent éprouver le besoin de déserter leur chaumière et de venir pendant la saison des neiges demander un asile protecteur derrière de fortes murailles. Là seule- ment se trouvaient réunis pour eux la sécurité du travail et les secours de la religion. Tandis que les femmes, comme des fourmis prévoyantes, venaient au commencement de l'hi- ver, chargées de provisions, se parquer dans la cité voisine , les hommes, avec leur besace et leur bâton, émigraient aussi, mais pour de plus longs voyages. Quelques-uns allaient à Lyon, d’autres à Nimes, à Toulouse, à Montpellier; cependant beaucoup restaient au Puy, dans la rue des labou- { 512 ) reurs, prenaient paiente de tavermiers vers Notre- Dame , ou bien se faisaient apprentis ferratiers, canavassiers, Corroyeurs, parcheminiers, bonne- tiers, teinturiers, tisserands, épingliers; ce qui, bon an mal an, leur rapportait encore une hon- nêle existence.—Pourles femmes, une fois assem- blées, elles se divisaient par compagnies, choisis- saient un logis , adoptaient une règle, se placaient sous la protection d’un saint et sous la direction disciplinaire de l’une d’elles, et là, passaient la journée au travail dans le plus grand ordre et la plus stricte économie. Assises autour d’une vaste salle, elles tenaient un carreau de dentelles sur leurs genoux, priaient, parlaient, travaillaient en même temps, comme on peut encore s’en assurer de nos jours dans les quartiers solitaires de la vieille ville. Pendant l'hiver entier, les choses allaient de cette sorte; mais quand les beaux jours commen- caient à paraitre, chacun se mettait en route pour sa chaumière où d’autres soins l’attendaient. Or, cette industrie, qui occupait tant de bras durant la morte-saison et qui répandait sur les campagnes une si heureuse prospérité, vint tout à coup à faillir par l'ordonnance somptuaire de 1547. Les grands seigneurs désormais eurent seuls le droit de porter joyaux fins, ciselures et den- telles. Certes, ce n’était pas poureux quetravaillaient ïos orfèvres de la ville du Puy et nos pauvres denteleuses des montagnes. ( 313 ) Aussi, à cette nouvelie, grande fut la conster- nation dans le Velay. Qu'’allait-on faire? Qu’allait- on devenir ? Tant d'impôts grevaient déjà la terre; tant de périls menacaient si souvent les récoltes, que pour l'homme des champs le résultat était trop souvent la misère; et cependant , il fallait à avenir que lui et les siens vécussent exclusi- vement sur des produits incertains qui les faisaient subsister quelques mois à peine. Cette même année (1547) fut désastreuse; les gelées frappèrent les vignobles, le blé fut cher, le travail manqua; pour surcroit de malheurs, une horrible peste s’étendit sur toute la pro- vince. Chacun désertait sa demeure; les consuls eux-mêmes quittèrent la ville, laissant à de plus courageux les soins de Padministration. On commencait à murmurer tout bas , on gémissait : et quand le peuple est sans travail, il prête une oreille attentive à toutes les plaintes qui viennent se joindre aux siennes. Ceux qui souf- frent s'entendent bien vite. Il arriva donc que le fléau apaisé , nos montagnards rentrèrent chez eux, quelques-uns 77al-embouchés, comme dit le vieux chroniqueur. Dans le Vivarais, on connaissait déjà la réforme de Luther ct les prédications plus révolutionnaires encore de Calvin. Beaucoup avaient accueilli ces doctrines nouvelles avec enthousiasme etles avaient insinuées dans le cœur des Vélauniens émigrés (314) qui les portèrent chez eux comme une mysté- rieuse conquête. À la même époque, plusieurs membres du clergé, saisis par les séductions de l’hérésie, la disséminaient occultement dans leurs missions et se faisaient ainsi, souvent à leur insu, les plus perfides instrumens des ennemis de la foi. Vers 15358, un prédicateur étranger fut arrêté, pour ce crime, dans l’église de Notre-Dame du Puy, au moment où il descendait de la chaire. Convaincu d’avoir interprété hostilement les saintes écritures, immédiatement il fut cité par devant la cour de l’évêque, qui le fit jeter dans les prisons de Toulouse, où il dut mourir oublié. Le coup était porté et, quoique glissant dans l'ombre avec lenteur, le dogme séditieux s’avan- çcait tous les jours davantage. Non pas que l'esprit de nos montagnards s'inquiétät beaucoup de ces questions canoniques qu'il ne comprenait pas; pour lui, la transubstantiation n’était pas moins difficile à juger que la consubstantiation. Je dis plus : au fond de l'ame, culte pour culte, 1l pré- férait celui de ses pères entouré de toute la pompe majestueuse des cérémonies de l’église. L'idée de Dieu ne pouvait s'associer à trop de grandeur. Puisqu'il restait encore des mystères dans la religion nouvelle, et que dans le cœur de l’homme la foi n’a pas de degrés, il aimait mieux sa religion, vieille de seize siècles, telle que lavaient enseignée les Pères et les conciles, que (5197) cette nouveauté téméraire dans laquelle tous les jours un apôtre différent ajoutait ou retranchait, au gré de son caprice. Mais ce qui décida les uns, ce qui entraina les autres , incontestablement ce futle désir de l'émancipation civile, conséquence forcée de la réforme religieuse. Même avant le pape Urbain, l'église, en se rattachant aux inté- rêts matériels, en associant ses destinées à celles des couronnes, s'était exposée volontairement aux chances de la fortune humaine; pénétrant d’une manière très-aclive dans le gouvernement, un jour devait arriver où sa cause, compromise par des agens temporels, aurait à souffrir jusques dans les principes qu’elle avait rendus solidaires en les appelant trop souvent à son aide. D'ailleurs un pouvoir, quel qu’il soit, ne peut se maintenir long-temps qu'à certaines conditions : lun au prix d’éternels combats, l’autre en occu- pant incessamment les esprits en dehors de tout examen sur l’ordre administratif; celui-ci par labsolutisme , celui-là au contraire en interrogeant les volontés nationales et en leur obéissant. Or, la loi évangélique laissait à César les royaumes de ce monde, cependant la pourpre des César servit bientôt de manteau royal aux princes de l'église. Le Velay, pour ne pas sortir du cercle où nous voulons renfermer la question, était gouverné par ses évêques. Arbitres, par la crosse et par l'épée, des destinées de la province, plusieurs portèrent le ( 316) désordre dans ce paisible diocèse et effacèrent témérairement de leurs propres mains la loi par laquelle ils commandaient. Nous avons vu le brave Adhemar succéder à un assassin maudit de Dieu; Bernard de Montaigu, pour faire recon- naître ses droits seigneuriaux, soumettre la ville à l’interdit et excommunier ses habitans; Guillaume de la Roue, plutôt que d'abandonner un bailli débauché, livrer une cité entière aux fureurs sanglantes de l'insurrection; les moines de Chan- teuges courir la campagne pendant la nuit, pillant les malheureux voyageurs; le clergé de Notre- Dame se mettre en guerre contre les citadins du Puy et se séparer d’eux par de hautes murailles; et enfin, comme dit Odo de Gissey, &« du temps des antipapes, ce diocèse administré par force évêques schismatiques, ne faisant qu’entrer et sortir, courant plutôt à la curée d’un bon bénefice qu’au pourchas du soin des ames. » Voilà comment le contact du spirituel par le temporel amena les hommes à mesurer, à juger leurs chefs. On distingua sans doute, pendant les premiers temps, le suzerain du prélat; mais la distinction ne pouvait être que puérile le jour où la force brutale fut appelée au secours des doc- trines évangéliques, le jour où la foi tenta de s’inoculer par l'épée. ( 317 ) $. II. PREMIERS TROUBLES AU PUY. DE 1549 À 1562. Ce fut lan 1549 que les mécontens du Puy, encore en petit nombre, tentèrent le premier acte d’insurrection religiense. Ils s’en prirent à un crucifix placé sous les murs du Breuil, qu'ils savaient particulièrement vénéré dans le pays. Quelques-uns des plus hardis, armés de pierres et de bâtons, vinrent le soir du lundi saint, au mo- ment où sonnait le couvre-feu, et brisèrent en mille pièces la sainte image du Sauveur. Si, comme tout porte à le penser, leur inten- tion était de sonder l’esprit public, l’émotion apparente de la foule témoigna douloureusement combien cette tentative était encore prématurée dans la ville épiscopale. « On vit les gens en » larmes, dit le chroniqueur, s’assembler par » troupe, prêts à recevoir du ciel un châtiment » soudain.» Pourtant, il faut Pavouer, chez tous la tristesse ne fut pas aussi sincère qu'elle affectait de le paraître. Quelques artisans, qui dans la jour- née avaient fait éclater une violente indignation, relirés , la nuit close, dans les quartiers obscurs, se convoquèrent à petit bruit. Ils parlaient bas, mais discutaient avec chaleur, On raconte même ( 318 ) qu'ils essayèrent d'expliquer le sacrilége au profit du pauvre peuple; ce qui ne s'était jamais oui... Néanmoins on fut discret, et le lendemain, à l'heure de lPangelus, les séditieux furent les plus empressés à porter la dolente nouvelle au guichet de Monseigneur, en se frappant piteusement la poitrine. Sans perdre de temps, l’évêque assembla chez lui les notables, pour décider une réparation digne de linjure. — Elle fut prompte et solen- nelle. Le même jour, à midi, les boutiques se fermèrent comme aux fêtes majeures, le travail cessa, les cloches sonnèrent à pleine volée, les crieurs se répandirent par les rues, faisant savoir que le peuple était attendu vers Notre-Dame pour la procession expiatoire. Chacun vint aussitôt. Les confréries se classèrent par ordre dans l’église, sous les parvis; on commenca au fond. du sanc- tuaire les psaumes de la pénitence, et les fidèles s’'avancèrent vers le lieu de la profanation, faisant retentir les airs de leurs cantiques lamentables. « Oh! dit le pieux Médicis, qu'il faisait beau voir » ces gens de métiers, têtes nues, portant leurs » torches ardentes..…. ct le peuple qui regardait » passer cette procession, dont la cause était un » tel scandale, frappait alors son estomac avec » effusion de grosses larmes, chacun de tout son » cœur criant : Miséricorde! Miséricorde !,....» L'année suivante, malgré un si amer repentr, ( 319) l'oratoire de la place du Martouret fut outrageu- sement violé, le Christ brisé, les ex-volo trainés dans la boue. L’audace se montra plus insolente encore que jadis, car c'était au milieu même de la ville que venait de se consommer le forfait. — La justice ecclésiastique, ainsi provoquée, ordonna sur-le-champ les plusrigoureuses recherches. Cette fois, impatiente de punir, elle voulut offrir au populaire un spectacle plus efficace que celui d’une stérile douleur. On recherchait les coupables, lorsque tout à coup éclata un incendie qui en quelques heures eut dévoré près de quatre cents maisons. L’impru- dence d’un tavernier avait été la seule cause dont humainement on put justifier, mais certains in- térêts vigilans voulurent trouver dans ce malheur une punition d’en-haut, un avertissement sévère pour l'avenir. Tant cest que, peu après, deux hommes convaincus d’hérésie furent conduits pieds nus, la corde au cou, sur cette même place du Martouret, et là, à la lueur de torches funèbres, forcés devant toute la multitude de faire amende honorable àDieu, à la sainte église et à Notre- Dame ; ensuite le bourreau leur arracha la langue et jeta leur corps mutilé dans les flammes. —Ceci se passait vers les premiers jours de juillet 1552. À son tour, le pouvoir essayait l’opinion. Ilcrut la voir favorable à ses rigueurs, et désormais se fit impitoyable. — Deux voleurs, Rochier et Belin, ( 320 ) s'étaient introduits dans une paroisse pour dérober un calice; on les prit, on les jeta dans un cachot, et quelques jours à peine écoulés, ces infdmes hérétiques ,ditlauteur, furentcondamnés, celui-ci à avoir la tête tranchée, celui-là à être pendu au pilori de la montagne. — Deux autres hommes , prévenus de fausse monnaie, furent arrêtés par ordre du prévôt de la maréchaussée et livrés au feu comme /luthériens. — Et encore, l'an 1555, au récit de Médicis, deux scélératis- simes hérétiques furent exécutés sortant de la cour commune. On leur coupa la langue, on les Jia sur une claie, et, trainés à demi-morts sur la place publique, où le bourreau les attendait, ils furent brûlés au milieu d’un auto-da-fé de fous ces Livres pestiférés par les doctrines de Genève (1). C'était en plein soleil d’été , par un temps magnifique, et comme on avait choisi le jour de la foire de la Dédicace, plus de douze mille personnes assis- taient aù supplice, en compagnie des officiers de la cour royale et de la cour commune, avec nos seigneurs les consuls quitous, en riches costumes, paradaient à cheval. — Plus tard, en 1557, un méchant colporteur , surpris vendant les vifupéra- bles écrits de Calvin , fut emprisonné. Son procès ne le fit pas languir. Condamné à être occis par (x) Mémoires inédits d'Ætienne Médicis, ( 331 ) la main du bourreau, il fut conduit à la mort Île jour même de la Fête-Dieu. La grande procession parcourut la ville, chan- tant des cantiques d’allégresse. Les murailles étaient couvertes de tentures élégantes, les fenêtres pa- voisées de feuillages, les rues bordées de fidèles age- nouillés. La marche s’ouvrait comme un triomphe, par des orchestres retentissans ; les ordres de métiers suivaient avec leurs drapeaux; ensuite les congrégations religieuses avec leurs bannières ; puis les jeunes vierges et les enfans, vêtus de tuniques blanches, semaient des roses et brülaient des parfums; tout le clergé du pays, avec ses somptueux ornemens, venait derrière d’un pas solennel, servant d’escorte au saint Sacrement que Monseigneur tenait élevé dans ses bras; les consuls portaient eux-mêmes le baldaquin ; douze enfans de chœur encensaient, douze jetaient des fleurs ; enfin, le cortège se terminait par le patient qui suivait à grand’peine, le corps dans un four- reau de toile, les pieds nus, les bras liés, la corde au cou, une torche de cire dans la main droite. Chaque fois qu’on s’arrêtait, le malheureux tombait à genoux et faisait l'amende honorable, de par ordre de la justice, Cette longue agonie dura cinq grandes heures ; après quoi, comme les victimes antiques qui ne connurent de plus belle fête que celle de leurs funérailles, l’hérétique monta sur le fatal bûcher, au milieu des farandoles populaires, 21 (5329 Ainsi donc, la profanation de quelques oratoires fut bien cruellement vengée. De trop zélés dé- fenseurs de la foi cherchaient, voulaient voir des ennemis partout; et s’il arrivait que certains ban- dits peu soucieux , du reste, de tel ou tel culte, eussent mérité le gibet, le jugement ne manquait pas de les flétrir du sceau de la réprobation Iuthérienne. Maladroite politique d’inquisition qui, loin de stériliser, fécondait l’apostasie. Sous ses coups : acharnés, pour une tête abattue le monstre en présentait mille autres à combattre. $. IV. CONJURATION D'AMBOISE, 1560. Tandis que notre province voyait germer l’hé- résie jusques sous les murs de son église, sans pouvoir s'expliquer quel vent avait porté la fatale semence, un sinistre événement éclatait au pied du trône et donnait dans tout le pays une force politique à ce qui n’avait encore été qu’une doc- irine rebelle. — Je veux parler de la conjuration d’Amboise. Le timide Francois IT venait de remettre exclu- ( 3258 } sivement son sceptre entre les mains des Guise, Il n’agissait que par eux et ne voulait plus en- tendre d’autres conseils. Jeune homme de seize ans à peine, il n'avait pu connaître que l’obéis- sance et l'amour; lobéissance envers sa mère, lamour pour sa belle épouse. Mais ces deux nobles vertus, qui auraient dû le rendre heureux et grand , le perdirent à jamais; car cette mère était Catherine de Médicis, cette épouse, Marie Stuart, nièce des nouveaux favoris, D'un côté, une famille étrangère qui, loin de se faire pardonner sa rapide élévation, se plaît à humilier incessamment toute la cour ; de l’autre, la vieille noblesse de France, Condé, le roi de Navarre, Montmorency, Dandelot, Coligny, La- rochefoucault, ulcérés jusqu’au fond de lame de se voir repoussés et qui cherchent à venger leurs prérogatives méconnues. Les premiers établissent un tribunal d’inquisition en se proclamant défen- seurs impitoyables du catholicisme; les seconds, coalisés pour reconquérir le pouvoir, acceptent ce dangereux champ de bataille et se déclarent aussitôt les soutiens de la foinouvelle.—On le voit, à n’en pas douter , la faveur du souverain, les dignités de l’état, les honneurs lucratifs, sont Punique but d’une rivalité jalouse qui prend la religion pour prétexte; mais qu'importe le motif, quand s’accomplissent les volontés incompréhen- sibles de la providence et pourvu que la cause du juste triomphe !.…., ( 324 ) La Renaudie (1), un des mécontens les plus exaltés , se fait l'agent infatigable des églises cal- vinistes. Lui et ses lieutenans parcourent en secret le royaume, établissent sur tous les points de mystérieuses correspondances , parce qu’il faut, disent-ils, que les bons Français se connaissent enfin. Ils assignent en même temps, par de dis- crètes intelligences, un rendez-vous général à Nantes, où viennent, le jour dit, plus de six cents gentilshommes bien disposés, — Dans ce congrès occulte, la perte des Guise ainsi que l’affranchissement religieux sont déclarés néces- saires au salut de la monarchie (2). Pour com- mencer, on décide qu'une armée va se diriger (1) Godefroy de la Barre, sieur de la Renaudie, homme qui, après avoir couru diverses fortunes et fail plusieurs voyages hors de son pays, s’était, par sa hardiesseet par son esprit, mis bien avant dans l’estime des calvinistes, dont il était fort suivi, prit la principale charge et la surintendance de toute l'affaire, (Histoire des Guerres civiles de France , par DAVILA, traduction de BEAUDOIN, livre I‘, page 41). (2) Les prôtestans ne cessaient de jeter des cris d’alarmes sur les dangers dont ils voyaient menacés tous les descendans de Hugues Capet, et se représentaient comme les derniers défen- seurs de cette famille.—Suivant la croyance du peuple de Tours, le roi Hugon rôdait toutes les nuits dans cette ville, où les pro- testans, qui y étaienten grand nombre, seréunissaient en assem- blées nocturnes. De là leur est venu le nom de Huguenots, de Hugues et de nox, (Lacretelle, tom. x, liv. IV.) (925) sur Blois, où la cour doit se rendre, et que dans un coup de main Îes indignes favoris seront en- levés. Aussitôt, afin que cette entreprise trouve partout un accueil favorable, on nomme des chefs particuliers chargés du soin de la propa- gande, chacun dans sa province. — Les choses étaient ainsi convenues, lorsqu'un traître courut vendre le secret au cardinal de Lorraine (1). La cour se rendit à Blois; puis, comme par caprice, continua sa route jusqu'à son château d'Amboise. Là, le duc de Guise fit venir les deux Larochefoucault, Coligny, Condé lui-même, et, sous prétexte d’une visite au roi, les tint captifs sous son œil scrutateur. — La Renaudie, qui ne se doutait de rien, poursuivit son plan, divisa ses forces et se hâta de marcher vers le château.—Sur le seuil, au moment où il croyait la victoire cer- taine, des milliers de soldats armés se ruèrent avec rage sur ses troupes qui partout succom- bèrent misérablement, — Le cadavre du malheu- reux et cent autres encore furent suspendus san- glans aux murailles. On lia les prisonniers de dix en dix autour de fagots de ramées, pour les jeter (2) La Renaudie confia le plan général de la conspiration à un de ses amis, l’ayocat Avenelle. Celui-ci, troublé de cette confidence, effrayé des dangers que couraient tant d’illustres gentilshommes, fut trouver un maître des requêtes dévoué au cardinal, et lui dit tout. ( 326 ) au feu ou à la Loire; plus de douze cents furent égorgés en quelques jours, et la forêt voisine, de- venue un affreux charnier, remplit l'air demiasmes infects. On assure même qu’au milieu de ces épouvantables massacres les deux reines eurent le courage atroce de se montrer sur le balcon, en habits magnifiques, pour assister à l'exécution des chefs. Que durent-elles penser alors qu’elles aper- curent Villemongey, le dernier de tous , tremper ses deux mains dans le sang de ses compagnons, les lever lentement vers le ciel et dire : O0 mon Dieu ! mon Dieu! ne vengeras-tu pas la mort de ces chers martyrs ?...…. Si cette tentative fatale échoua, les menées secrètes qui l'avaient préparée , l'assemblée de Nantes surtout, ne furent pas sans fruits. Des agens habiles , répandus dans le Midi parle prince de Condé, firent faire plus de progrès à la cause. persécutée que le triomphe de la conjuration n’eût pu en obtenir. — Les troupes hugnenotes, com- mandées par Maligny , accoururent sous les murs de Lyon, où des amis dévoués les attendaient. Pendant ce temps, presque tout le Vivarais se décidait en faveur de la réforme. A Annonay, on brisait les croix, on dépouillait les autels, on: fermait les églises, et les prédicans s’établissaient sur les places publiques: à Privas, à Viviers, à Tournon , au Pont-Saint-Esprit, le même enthou- siasme éclatait avec les mêmes démonstrations. | ( 327 ) J'ai dit les causes de l'accueil que recurent dans nos provinces les doctrines émancipatrices. Nous les voyons gravir les montagnes , s’introduire comme furtivement aux Vastres, à Saint-Voy , au Chambon; et bientôt, chose prodigieuse! trouver pour défenseurs, pour apôtres, d'anciens curés eux-mêmes |... 20 De QD () 0 De sn $. Ÿ. PROGRÈS DE L'HÉRÉNIE DANS LE VELAY. « Les hérétiques vélauniensne sont plus si timides: maintenant ils s’assemblent en plein soleil”, dans les prés, les jardins, les granges, peu leur importe; et là, dogmatisant sur les saintes écritures, on les voit faire prières et patenôtres nouvelles. Leurs prédicans sont bouchers, macons, taverniers ou autres vénérables docteurs de cette espèce (1); » aussi quand ils viennent de leurs réunions, la populace ne manque pas de les accueillir par de bruyantes moqueries. Eux seuls semblent n’y pas prendre garde; seulement, le soir ils attachent des .chapelets au cou des chiens qui courent par les rues, brisent les images de Notre-Dame qu'ils (1) Manuscrit de Médicis, tome II, page 307. °21"3 ( 308 ) appellent méchante idole, tronçon de bois... (1), et se contentent, pour vengeance, de ces vils outrages. De temps à autre, par représailles, le roi, le parlement, les magistrats jusliciers du diocèse, allument des bûchers , plantent des po- tences, qui sur ce point, qui sur cet autre, espé- rant dompter lhérésie par la terreur. — Je Pai dit : la persécution ne peut rien contre cette hydre aux têtes renaissantes; au contraire, elle lui fait un baptême de sang qui la régénère. Dès que nos huguenots montagnards apprirent la coalition de leurs frères, ils en pénétrèrent aussitôt l'importance, et, saus perdre de temps, formèrent entr’eux une ligue défensive d’abord, offensive plus tard. Ils organisèrent en secret une caisse de secours, se nommèrent des chefs, des collecteurs, des trésoriers, des avocats; ache- tèrent des armes, des munitions et se tinrent prêts. En commencant, ils n'étaient que quatre cents, mais tous bien décidés à la lutte la plus opiniâtre. — Le jour où l’on publia par les rues du Puy l’édit qui défendait au peuple de chanter les psaumes composés par le sacrilège apostat Clé- ment Marot (2), « ce nonobstant, rapporte le (1) Et parce qu’elleest noire, ils l’appellent aussi #Maschiarade. (Manuscrit dé Médicis, tome IT, page 307.) (2) Idem. ( 329 ) » chroniqueur, plus obstinés que jamais , de plus . » fort, par tous endroits, ne craignant Dieu, » pape, roy, foy, loy, ne justice, les chantoient, » Criant, par dépit, comme crieurs d’oublies.» La ville métropolitaine sans doute servait d’asile aux chefs des mécontens; c'était dans l'ombre de ses murs qu'ils avaient dù politiquement retenir le siége de leurs opérations, car il fallait bien de toute nécessité que près de la puissance fussent placés les agens directeurs de la résistance. Cepen- dant, soit à cause de l'influence directe du clergé, soit parce que là se trouvaient réunies des forces considérables au service de l’église, le Puy était encore la ville du diocèse la plus fidèle à la vieille cause. Aussi, dès qu'elle apprit la défection des autres petites cités ses voisines, dès qu’elle sut que des bandes armées s’avancaient dans le pays pour le soumettre à de nouvelles convictions, elle s’inquiéta vivement des moyens de conserver les siennes. —— sf ————— S. VI. LE BARON DEN ADRETS, — BEACONS, — SAINT-JUNT, Chose merveilleuse! Ces paisibles religion- naires, qu'avant la conjuration d’Amboise nous (330) avions vu monter comme de saints martyrs sur les bûchers de l’inquisition, nous les trouvons en tous lieux les armes à la main, s’abandonnant aux plus sanglans ravages, Ce ne sont plus, dit un vieil historien, d’innocens agneaux qui tom- bent sans murmurer sous le couteau du sacrifi- cateur ; maintenant loups affamés, ils se répandent dans les campagnes et dévorent ce qu'ils ren- contrent..……. Reprenant, pour la compléter, une idée émise plus haut, nous dirons que si les débats religieux ne furent pour les grands du royaume qu'un pré- texte à leur ambition, à cette heure ils servent bien autrement, et les besoins de cette portion souffrante du peuple qui depuis si long-temps demandait en vain un travail honnête, et les passions de ces masses paresseuses qui certes ne manqueront pas la lucrative occasion de conquérir une fortune, quand surtout elle s'offre si facile à leur cupidité. — Aussi, dès que se mon- trentquelques drapeauxen faveur de l'insurrection, au nord ou au midi, on voit avec quel empresse- ment viennent s’enrôler les volontaires! Qu'un chef hardi, par exemple le baron des Adrets dans le Dauphiné, paraisse avec une poignée de mécontens prêts à tout entreprendre, sur-le- champ une armée se range en bataille sous son ordre et marche où il lui plait de Ja conduire. (558%) Dans les annales de nos guerres civiles, 1} n’est pas un nom peut-être auquel se rattachent plus de cruautés, plus de désastreux souvenirs que celui du BARON DES ADRE'Ts. — Cet homme, par sa vie aventureuse, sa constante fortune, sa brutale férocité, par son courage même, rappelle invo- lontairement ces anciens Tartares qui, à huit siè- cles de distance, n’avaient laissé comme lui que ruines et profanations. Du reste , c’est bien le chef qui convient à des partisans, à ces troupes insu- bordonnées qui ne font la guerre que pour s’af- franchir de lobéissance. Tout autre verrait se briser entre ses mains un instrument si rebelle, lui sait l’assoupir jusqu’à le rendre esclave de ses caprices. Il est vrai que pour convaincre, il cher- che plutôt l’éloquence de l’action que celle de la parole. Toujours à la tête de ses soldats, il trace le premier le chemin de la victoire; loin de fuir, il aime, il recherche le danger; à le voir, on dirait qu’il est sûr du triomphe. Le baron a pris pour tâche de conserver sa province fidèle au protestantisme; mais ce n’est point assez pour satisfaire sa bouillante activité. Il fait sans cesse des incursions dans les pays voisins. Deux foisilse rend maïtredelavilledeLyon, qu'il défend contre des armées supérieures à la sienne, Il s'empare de Montbrison, occupé par les catholiques, et comme on l'avait irrité par une trop longue résistance , il condamne les soldats (-332 7) à être précipités vivans du haut d'une tour (1). Voilà comment se vengeaitle féal gentilhomme... Pour lui, rien ne fut sacré; ni lois, ni capitula- tions, ni sermens, l’amitié même n’attendrit jamais ce cœur de bronze. Un ennemi désarmé devait s'attendre à la mort s’il tombait entre ses mains; et comme si l’agonie des suppliciés était la seule joie de cette ame cruelle, il s’en donnait le doux spectacle à l'heure de ses repas (2). Tant de barbarie révolta jusqu’à ses plus dé- voués, Les protestans honnêtes s’indignèrent d’être défendus de cette sorte ; comprenant bien que la victoire est plus honteuse que la défaite lorsqu'elle se couronne de semblables lauriers, ils s’empa- rèrent un jour de lui et le retinrent dans une prison jusqu’à la fin des premiers troubles. Dansle temps où le seigneur desAdrets guerroyait aux alentours de Montbrison, il lui prit fantaisie, (1) Un d’entr’eux , ayant pris deux fois l’élan, ne pouvait se résoudre à sauter. C’est trop de deux fois, lui dit le seigneur des Adrets.… Trop de deux fois! Je vous le donne en dix, répondit le soldat; et il obtint sa grâce. ( Lacretelle, Hist. de France, liv. V, tome 11, p. 98). (2) « Et le craignait-on plus que la tempête qui passe par de » grands champs de blé, jusques-là que, dans Rome , on appré- » henda qu’il armât sur mer et qu’il la vint visiter, tant sa re- » nommée, sa fortune et sa cruauté volaient partout...» ( Brantôme). ee (-835:) au lieu de perdre ses forces à butiner dans de chétifs hameaux, de tenter une longue pointe à travers les montagnes du Velay. Il savait que le trésor de Notre-Dame du Puy et celui des Bénédictins de la Chaise-Dieu avaient autrement de valeur que les lambeaux dont il dépouillait lés chaumières; il se préparait donc à venir arracher du sanctuaire les riches offrandes des fidèles, lorsque subitement il fut rappelé dans sa province. — Obligé de partir, il désigna, pour accomplir son projet, le sieur de Blacons , auquel il laissa quelques compagnies et deux canons. BLACONS , ancien chevalier de Malte, était un des lieutenans du baron et bien digne certai- nement de commander sous un tel maitre. Ja- mais deux hommes ne s'étaient mieux compris: violens, déprédateurs, impitoyables lun et lPau- tre ; seulement comme tous les satellites, Blacons partageait les vices de son chef, sans en avoir ni le courage, ni l’habileté. Dès que l’entreprise fut connue, en peu de jours près de huit mille hommes accoururent se ranger sous les ordres du chevalier; et vraiment c’était chose curieuse autant qu'afiligeante d’examiner ces religionnaires, improvisés pour la plupart, armés de fourches, de faux, de bâtons, plutôt que d’arquebuses, marchant par troupeaux de dix, de vingt, de trente, sans chaussures, à peine ( 334) couverts de misérables haillons, parlant chacun son idiôme , se demandant les uns aux autres quel profit serait le plus grand d’ailer ici ou d'aller là; puis s’arrêtant sur la route pour piller une ferme, un château, une église. — À n’en pas douter, la pensée de Luther était pour bien peu de chose dans celle de ces routiers vagabonds courant les aventures, certains presque tous, quoi qu’il advint , de trouver mieux que ce qu'ils laissaient. Cependant, quoique la réforme füt la dernière de leurs inquiétudes, ils se l’expliquaient chemin faisant, libre aux néophytes de ne l’ac- cepter que comme moyen de reconnaissance, comme motif solidaire de ce qui allait advenir. Le rendez-vous général était au Pont-en-Peyrat, village sur la lisière du Forez et du Velay.—Là,arri- vèrent la colonie anicienne(1}), celles de St-Voy, (1) La ville est composée de trois parties : les huguenots, faitifs du Puy.— Les lâches qui, sentant l'ennemi étre prochain, ployèrent leurs bagages bien secrètement et allèrent se cacher aux champs, abandonnant leur propre ville , parens etamis; ne regardant le seigneur évêque et autres gens d'église , les seigneurs gentilshommes, les seigneurs consuls et autre multitude de tant honnètes gens qui n’y restoient que pour mourir. S’ils fussent demeurés, en se défendant, les uns eussent pris cœur avec les autres.—Enfin reste la pauvre ville, secourue par l’autre tiers , qui est Dieu, la bonne Dame et une poignée de braves gens , qui tant bien se sont défendas contre les infâmes publicains, ainsi qu’on le verra, Dieu aidant. (Manuscrit de Médicis, tome II, page 311). ( 335 ) du Chambon, des Vastres, de Fay, de St-Agrève, ainsi que plusieurs compagnies du Vivarais, com- mandées par le capitaine du Buisson. — Tous se réunirent à l’armée du chevalier et s’apprétèrent à marcher sur le Puy. ù Ces dispositions s'étaient faites d’une manière trop éclatante pour que les plus intéressés à les prévenir ne les eussent aussitôt connues. C’est pourquoi les consuls du Puy, effrayés de tant d’ennemis à la fois, et par-dessus tout cherchant à épargner le sang de leurs concitoyens jusqu’au dernier moment, tentèrent de secrètes négocia- tions avec les chefs de la coalition. Ils ne crurent donc pouvoir mieux faire que de choisir, comme discret ambassadeur, le frère même de leur séné- chal , Christophe d’Allègre, seigneur de Saint-Just. On savait bien que SainT-Jusr avait été un des gentilshommes du congrès de Nantes, que depuis long-temps les opinions nouvelles trouvaient en lui un chaud partisan; toutefois, Messieurs de la ville espéraient qu'en considération de son frère sénéchal de la province , que surtout pour lenom qu'il portait, pour ce nom que la piété de ses aïeux avait gravé aux clefs des voûtes de toutes les églises vélaviennes, il mettrait son honneur à détourner du pays cette armée funeste. C’est pour cela qu'ils lui envoyèrent quatre mille livres, avec instance de les offrir au sieur de Blacons, pour que, renoncçant à son projet d'attaque, il dirigeät ses troupes d'un autre côté, ( 336 ) Saint-Just recut et promit. Mais quelle ne fut pas l'indignation, la colère des confians consuls lorsqu'ils apprirent, quelques jours après, que le traître était allé lui-même mettre cet or, sa per- sonne et ses biens au service du chevalier; que loin de parler pour la ville , il avait été le premier à exciter contre elle; qu’enfin, pour couronner son audace, il s’avancait à la tête des colonnes ennemies (1). TS CO CE ——— $: VII. PRÉPARATIES DE GUERRE, 1562. Les consuls, l’évêque, le chapitre, les officiers de la cour s’assemblèrent pour délibérer. Le danger parut imminent; le conseil fut unanime, — Les soudards de l’évêque eurent ordre de s'emparer préalablement de tous les citoyens soupconnés d’hérésie et de les tenir fermés pen- (1)... Lequel après avoir recu ladite somme, fist tout le contraire, n’ayant égard de ainsi blesser son honneur, foy et promesse; se dégénérant et forlignant de ses nobles et géné- reux parens et maison d’Allègre, (Manuscrit de Médicis, tome IT, p. 319), = DS ( 337 ) dant neufjours dans les cachots de Monseigneur (1) ; on organisa un guet permanent par les rues, carrefours, poternes, fossés, dedans et hors les deux enceintes; les chanoines, couverts de leurs plus riches ornemens, ravivèrent la ferveur des fidèles par une solennelle procession; puis, rentrés chez eux, donnèrent les premiers l'exemple de la résistance , en garnissant leurs murailles et leur forteresse de nombreux engins de guerre (2). « Aussitôt, dit Médicis, gens d'église, clercs, » bourgeois, marchands, mécaniques, manans, » achètent force harnois à certains ferratiers de » Saint-Etienne qui, par fortune, se trouvaient » au Puy. Tous se fournissent encore, pour » leur personne, de cuirasses, corselets , brigan- » tines, salades, morillons, épées, dagues, bou- » cliers,rondèles, javelines, pertuisanes, haches; » car chacun, pour défendre sa foi, sa ville, ses » amis, veut au besoin pouvoir faire aux assail- » lans une seconde muraille de son corps (3). » (1) Manuscrit de Médicis, tome IT, page 310. (2) Les seigneurs chanoines etautres du chapitre garnirent leur église et lieux nécessaires de munitions tant de grosse ar- tillerie, faulconnaux, canons à crochets, poudre, boulets, etc. (Idem, page 309). (5) Idem. 22 ( 338 ) Les consuls, de leur côté, veillent à ce que rien ne manque en cas d'un long siége; ils font moudre des grains, préparer de nombreuses provisions; visitent avec soin jusqu'aux clefs, aux serrures des portaulx; font travailler nuit et jour aux réparations des remparts; ordonnent, pendant tout le temps que durera Pattaque si le malheur veut qu’elle ait licu, que tour-à-tour, de six en six maisons, chacun ait à tenir, nuit close, une lanterne allumée; commandent d’abattre les au- vens qui couvrent les portes des boutiques, ainsi que les arbres, les maisons qui pourraient mas- quer les positions de l’ennemi; enjoignent aux citoyens de garnir leurs fenêtres de pierres, en font porter sur les créneaux de la ville; tendent les chaînes; murent à chaux et à sable les ouvertures difficiles à bien garder. —Rien par eux n’est oublié. La milice est aussi organisée sur un nouveau plan, avec un ordre parfait. On se réunit, sans perdre un instant, et l’on nomme : Deux CAPITAINES EN CHEF, — L’Evéque et Mon- seigneur de Latour-Maubourg , digne descen- dant de ce brave guerrier qui, en semblable occurrence, vint encore offrir ses services À la ville (1). (a) Ainsi que fist l’an 1319 feu Monseigneur Loys de Latour ( 339 ) Six cONSULS. — Les mêmes qui étaient déjà en exercice. QUATRE AIDES-DE-CAMP. — Messeigneurs de Jon- chières, Latrioliére et les deux frères Pou- zols (1). Six CAPITAINES (2). UN DIRECTEUR DE L’ARTILLERIE (3). DEux SERGENS DE BANDE (4). de Malbourg, ung sien prédécesseur, qui pendant le temps que les Bourguinhons tenoient assiégé le Puy, se monstra si cheva- leureux et tant bien s’y porta que après les assaulx donnés au dict Puy et mys les Bourguinhons en honteuse fuite, il y fut faict chevalier. (Médicis, tom, IT, page 310. (1). Sera le plaisir des capitaines en chef de assoir ceux cy en l’ordre et lieu qu’il leur plaira assigner. (Id.) (2) … Chacun d’eux enleur étendue ayant leurs corps d’escoade ou corporaulx aultant que leur en sera nécessaire, tant pour faire assembler les yliers, souldartz, et autres au corps de garde; aussi les mander aux guets de jour et de nuict, tant à la porte que aux murailies ou autre part, et pour assoir la nuict les sen- tinelles, toujours elles être trouvées en bon équipage. (1d.) (3) … Le seigneur Jehan Jourdain, bourgeois, a accepté la charge au faict de l'artillerie, touchant le pourveoir diligemment et saigement de poudre, bolets, cordaiges, soufre, salpêtre , ete, (1d.). (4) .… Chargés du corps-de-garde des tamborins, fiffres et de conduire l'infanterie où aura été commandé par les capi- taines, (Id). (340 ) $ VIII. SIÈGE DU PUY, 1562. Pendant la nuit du 4 août 1562, des habitans de Saint-Paulien accoururent donner l'éveil à ceux du Puy. « Le cruel Blacons, dirent:ls, est » entré hier dans notre ville et, suivant sa » coutume, a tout mis au pillage ; demain, sans » plus tarder, il sera sous vos murs ; bonnes » gens, que Notre-Dame et Dieu vous gar- » dent! » En effet, dès la pointe du jour on vit paraitre sur la montagne les compagnies dereligionnaires, guidées par un certain Jacques Guitard, citoyen du Puy, dont nous ne tarderons pas à parler. Aussitôt, Monseigneur fit sonner le tocsin , de Maubourg ordonna qu'on battit le rappel et qu'avant une heure chacun fût à son poste. — Personne ne manqua. Le vicomte de Polignac seul fut blâmé pour avoir ainsi laissé passer l'ennemi silencieusement sous son châleau, sans le saluer de deux ou trois bordées de grosse artillerie (1). Mais le Polignac, qui avait compté (1) .… Lesgens de la ville regardoient soigneusement, désirant (541) ses adversaires et qui sans doute avait compris que sa bravade lui coûterait cher, s'était bien gardé de bouger. Les huguenots descendirent à Saint-Marcel, tra- versèrent la Borne, alors presque entièrement desséchée, et vinrent camper dans une vaste prairie appelée la Condamine, à une portée d’ar- quebuse des remparts. Ils espéraient surprendre, se rendre maitres de la ville avant même qu’elle se doutàt du péril. Aussi la consternation fut- elle grande dans leurs rangs, lorsqu'ils trou- vèrent les citoyens rangés en bon ordre aux pieds des murailles, faisant orgueilleuse contenance et montrant leurs armes qu'ils brandissaient d’un air provocateur. Sans autre préambule, on fit de part et d'autre une décharge générale , et pendant plusieurs heures les feux ne discontinuèrent pas. — Sur le soir cependant, l'énergie des citoyens parut se ralentir. Le nombre les accablait, ils perdaient du terrain, rompaient toujours, enfin allaient être acculés jusque dans les fossés, partant, réduits à se précipiter dans la ville, lorsque tout-à-coup se joindre à eulx Polignac, qui alors auroit du leur présenter quelques volées de canon que moult les eussent empèchés, je vous promets. (Manuscrit inédit de Médicis, tome II , feuillet 341.) (34) un secours inespéré ranima leur courage et leur rendit la confiance. C'était une troupe de moines qui débouchait de la porte royale (1). Les dominicains, les capucins , les carmes, Îles cordeliers et d’autres encore habitaient en dehors dela ville, comme chacun sait. — Pour eux, il avait été bien plus doux d’asseoir largement leurs monastères dans de fertiles vallées, plutôt que de venir les encaisser tristement au fond de rues sombres et étroites. Qui done aurait pu prévoir, lorsque ces maisons s’établirent, qu’on verrait un jour l’hérésie traverser le royaume, le fer à la main ? Dès que les révérends pères surent qu’une armée de huit mille Philistins allait fondre sur la contrée, ils jugèrent sagement que moins que personne ils seraient épargnés; en conséquence, ils passèrent plusieurs jours à transporter en lieu sûr argenterie, livres, papiers, meubles, provi- sions , ct furent ensuite pour eux-mêmes cher- cher un refuge dans la forteresse , pêle-mêle avec les seigneurs chanoines, les clercs de Notre- Dame, les pères conventuels de Saint-Pierre et les autres prêtres de la cité. Le cloître, léglise, la tour étaient remplis, et jamais les voûtes saintes n’avaient retenti de plus lamentables orai- (4) Porte Panncssae, (345 ) sons. Ils pleuraient comme des enfans, priaient comme des femmes; que dis-je? Enfans ct femmes, mêlés aux combattans, donnaient l’exem- ple de la plus héroïque-valeur. Cependant ces larmes, ces prières ne furent pas stériles, Quand, du haut de la vigie de Saint- Mayol, la tremblante cohorte put reconnaitre les cffrayans progrès de l’ennemi et le danger immi- nent des siens, elle ne demanda pas ailleurs le miracle qui dépendait de son courage ct que Dieu avait mis dans ses mains. — Aux Armes! dit une voix; aux armes! répétèrent comme une seule toutes les autres, Alors bréviaires, chapelets tom- bèrent aux pieds des autels, et l’on vit tous ces religieux en fureur se précipiter dans l'arsenal de l'évêque, s’armer de cuirasses et d’arquebuses, * descendre du haut de la ville en courant, puis venir se ranger toult-à-coup en front de ba- taille (1). — L'avantage passa aux citoyens en quelques instans. Les huguenots, surpris de cette soudaine apparition, se rephèrent; et comme la nuit avancait, ils furent chercher un gîte au (2) Ceulx du Puy reculant quelque peu... Mais prindre grand cœur et hardiesse quand là, se trouvarent aulcuns des seigneurs chanoines, clercs de l’église cathédrale et autres prêtres sécu- liers, religieux, moines de Saint-Pierre, jacobins, cordeliers et pères carmes; chacun d’eulx ayant ses armes en main. (Manuscrit inédit de Médicis, tome 11, feuillet 311, verso.) (344) faubourg St-Laurent, à Espaly, à Saint-Marcel, remettant au lendemain une victoire qu’ils avaient été si près d'atteindre. Dès la pointe du jour, les assaillans parurentsur la montagne de Ronzon, à l’endroit même où depuis des siècles se faisait l'exécution des cri- minels (1), y déposèrent leur arüllerie et com- mencèrent l'attaque. — Le lieu était certai- nement bien favorable : la ville s'offre en face, étagée en amphithéâtre, comme un large éventail déployé, de manière à ce que pas une seule maison ne puisse échapper; mais par bonheur, le baron des Adrets n'avait laissé que deux mé- chans canons. Que faire avec de pareilles res- sources ?—L’ennemi , dont les armes ne portaient même pas, descenditla montagne, essaya plusieurs autres positions qu’il abandonna presque aussitôt, vint escarmoucher pendant quelques heures au- tour des remparts; enfin, sur le soir, pour se donner une apparence de succès, fut s'emparer du petit bourg d’Aiguilhe , pilla les maisons, Phôpital et le monastère, escalada triomphalement le rocher de Saint-Michel, saccagea l’église, brisa (1) Dès l’année MCCLXXVI, nous voyons les exécutions se faire sur cette montagne. À propos de la sédition qui eut lieu à celte époque, Médicis rapporte : Aucuns des consuls furent pendus à Ronzon avec des chaînes de fer. ( Histoire de La belle bouchière ), ( 545 ) Pimage de l’archange et, sa journée ainsi faite, la trouva bien gloricusement remplie (1). Le lendemain révéla plus encore l’inhabileté, l'imprévoyance des religionnaires; ils ne profi- tèrent d'aucun des avantages du terrain, ils ne surent même pas se défendre. Un homme sur- tout leur fit beaucoup de mal. — C'était un vieil anachorète retiré au fond d’une cellule, vers la montagne de Denise. Il avait été dans sa jeu- nesse artlleur dans les armées du roi. Jadis on avait parlé de son courage , de ses aventures joyeuses, mais depuis longues années, le sac de la pénitence remplacait la brillante armure , et le jeune militaire du temps de Francois Ie, courbé par lâge et les souffrances, n’attendait que son heure dernière. Ce fut par hasard qu'il vint à apprendre que les hérétiques menacaient la ville de Notre- Dame ; car personne ne s’inquiétait beaucoup de lutilité que pouvait offrir en pareille occur- rence un octogénaire. — À cette nouvelle, si peu (1). Et après, cernarent la ville et vindrent au roc St-Michel qu’ils trouvarent mal gardé et y firent plusieurs malheurs, même firentiresbucher l’image dudict sainctavec le roch, eten plusieurs autres églises firent tant de barbares cruautés que n’est besoing Vescrire pour qu’on en yoye l’expérience. (Manuscrit de Médicis, tome 11°, feuillet 311 , verso. ) ( 346 ) importante pour un indigent reclus comme lui, ses yeux éteints se rallumèrent, son front chauve perdit ses rides et ses mains tremblantes se roi- dirent en saisissant l’arquebuse rouillée qui pen- dait le long du rocher. Quels jeûnes, quelles prières pouvaient être plus agréables au Seigneur que cette sainte croisade contre les ennemis de sa loi; et quelle bonne occasion pour un vieux soldat converti d’obtenir les indulgences de église ! Sans plus attendre, l’ermite vint droit au seigneur de Maubourg, lui dit ce qu'il avait été ct lui proposa ses services. Monsieur le capitaine, qui ne savait à qui confier le commandement de son artillerie, les accepta de grand cœur; « etbien lui prit, remarque Médicis, car le saint homme tua plus de monde à lui seul que tous les arque- busiers de Léans.»— Les huguenots demandèrent alors à parlementer; et comme ils méditaient une trahison, ils ne crurent pas pouvoir mieux choi- sirque de prendre St-Just pour leur ambassadeur. Saint-Just eut bien le cynisme d'accepter un semblable mandat, La perfidie lui devenait fami- lière; aussi se présenta-t-il devant Messieurs de la ville l'air assuré, presque le sourire sur les lèvres, demandant qu’on ouvrit les portes à des amis qui jamais n'avaient eu la moindre pensée de pillage, « Comment, dit le loyal messager, » oseriez-vous nous soupconner de criminelles (547) » déprédations, nous, les propagateurs zélés de » la réforme, nous, persécuteurs des abus, ven- » geurs des opprimés 2, Ce serait méconnaitre » nos pures doctrines, — Oui, citoyens, ajouta- » t-1là quelques interrupteurs qui se rappelaient » sa trop récente félonie; oui, nousavonsrecu vos » deniers et serons fidèles aux conditions. Nous » n’exigeons rien de vous, ni contributions de » guerre, ni droit de passage ,nimêmela nourriture » dun jour. Ce que nous voulons, c’est seulement » briser les Dieux de bois, les emblèmes paiens » dont vous profanez la majesté des temples; ce » que nous voulons... » On le congédia sans le laisser achever. Les chefs ennemis, irrités de ce dédaigneux accucil, jurèrent d’en tirer une prompte ven- geance. À les voir, on eùt dit en effet qu'avant la fin du jour la ville ne devait plus être qu'un monceau de cendres. — Saint-Just, cependant, au lieu de s’abandonner à son dépit, s'était pré- senté comme un martyr de dévouement. Ses paroles étaient sans amertume , sa démarche pleine d'humilité; il affectait dans toute cette affaire une évangélique résignation. Sincère ou non, ce rôle servit merveilleusement limpatiente colère du chevalier. L’injure en paraissait plus grave, le bon droit plus certain; aussi donna-t-il l'ordre à son armée de redoubler de courage et de zèle. Il n'épargna ni menaces, ni promesses; ( 348 ) hommes et choses devaient être le prix de la victoire. —Sur-le-champ cette foule, que l'ins- tinct du pillage savait seul émouvoir, se rua à l’est de la ville, côté en apparence le moins bien défendu, et tenta un assaut vigoureux. Une telle ardeur bien dirigée, sans doute eût pu devenir très-dangereuse ; mais les cris, le désordre, lin- subordination de ces hordes indisciplinables ras- surérent bientôt les assiégés qui, tous placés en bon ordre, ne laissèrent même pas entamer leurs murailles. Ils firent mieux encore, car il arriva qu’à plusieurs reprises, au moment où quelques compagnies s'avancaient isolément trop près des remparts, les citoyens ouvrirent leurs poternes, s’élancèrent avec une effrayante rapidité sur les imprudens et, avant qu’on püût venir à leur aide, les firent prisonniers (1). La journée suivante, qui fut la dernière, l’évé- que, les consuls, les gentilshommes, les confréries arborèrent leurs drapeaux au sommet des tours (1) .… Ce jour mesme, les bochiers de Puy prindrent sur iceulx huguenaulx ung nombre de moutons qu’ils avaient ravys quelque partet les mirent en ville. — Et aultres plusieurs du Puy em- portarent beaucop de despoilles et biens , queces larrons hugue- naulx ayoïent cachés et retirés aux Carmes, à Sainct-Barthelemy etailleurs; et s’y furent prins prisonniers plusieurs de leurs gens ct amenés en yille, (Manuscrit de Médicis, tome II, folio 312.) ( 349 ) de la ville. C'était déjà un premier signe de victoire; et tandis que les ennemis consternés regardaient flotter aux vents ces triomphantes bannières, Latour-Maubourg fit venir sur les cré- neaux tous les ménétriers, joueurs de cornemuse, de bautbois, de fifre , de clairon, et leur donna ordre de sonner des airs de réjouissance, assez fort pour qu’au loin chacun püût bien les entendre; ce qu'ils firent.—Alors, rapporte Médicis, Blacons se retourna du côté de ses compagnons et leur dit : « Voyez donc, Messieurs, comme ces gens » du Puy se moquent de nous! (1)» — Ce reproche était perdu; déjà les religionnaires dé- couragés se répandaient dans les montagnes. En vérité, la partie n’était pas égale. D’un côté, de braves citoyens, nuit et jour sur la brèche, unis par la même pensée, la même foi, le même sentiment de nationalité; de l’autre, un ramas informe d'affamés, n'ayant de commun que le (2) .… Estant au Puy obéy capitaine le seigneur de Latour de Malbourg que moult bien s’y portoit. Lequelestant surles mu- railles, commanda que là, on luy fist venir les auls-bois et ménes- triers de la ville.—Lesquels estre venus, leur commanda qu'ils sonnassent de leurs instrumens, bien et aultement, afin qu’ils fussent entendus des ennemis. Ce qui fut faict. Et, par rapport d’an homme de bien d’Espaly, ce oyant, fust dictes semblables paroles : « Regardez, comment ces gens du Puy se moquent de nous, » (Manuscrit de Médicis, tome II, folio 812.) ( 350 ) désir du pillage, errant à l'aventure, ne con- naissant ni chefs ni subordonnés , ne voulant écouter que ceux du pays qui leur indiquaient une proie; puis, désertant par bandes au mo- ment même où l’action était engagée, reparais- sant la bataille finie, et venant étaler avec inso- lenceaux regards de leurs frères un butin conquis dans les campagnes voisines. Siles ennemis se retiraient confusde n'avoir pu pénétrer dans le Puy, en rétour, que d’affliétions ils laissaient dans ses parages!... Les cinq ou six couvens conservaient à peine leurs murailles; le château de l’évêque, ceux de Taulhac, de Mons, de Nolhac, étaient en ruine; les fermes isolées restaient vides ; les moissons en cendres fumaient encore au milieu des champs; Aiguilhe, Saint- Marcel, Vals, Brive, Espaly et les autres villages n'avaient rien préservé du pillage; les églises étaient transformées en étables; les saintes ima- ges, les statues de pierre, arrachées violemment de leur place et toutes mutilées, couvraient la terre; les tombeaux eux-mêmes navaient pu échapper à la profanation. C'était affreux! .….. Alors les pauvres gens des environs accoururent implorer la charité de la ville. — Cette fois, les portes s’ouvrirent avec empressement pour leur offrir une hospitalité fraternelle. On commenca des prières publiques, on fit des processions dans toute la contrée. Chacun s’infligea quelque rude pénitence ; celui-ci montait les cent marches . ( 354 ) de Notre-Dame, la tête et les pieds nus; celui-là s'imposait un jeûne sévère; les uns suspendaient des ex-voto aux portes de leur paroisse et partaient pour de lointains pélerinages:; les autres bâtis- saient de petits oratoires aux angles des rues et y consacraient une lampe à perpétuité (1). Tous cherchaient, par un solennel repentir, à calmer les colères divines. — Mais, où ne saurait entrainer un aveugle fanatisme ?.. etn'’est-ce point ici qu'il faut gémir des cruels égaremens de Îa foi comme de la raison ?.. Plus de cinquante pri- sonniers furent pendus le même jouret sans autre procès , à la grande édification des fidèles, qui pensaient se rendre Dieu plus favorable par de tels sacrifices (2). (1) .… Ce jour, pour esmouvoir le peuple, on martela le tocsin à Nostre-Dame, à Saint-Pierre. Chose effroyable à voir, D’aultre part, plusieurs bonnes gens de la ville montoient en l’église pieds nuds , et démonstrans faire et tenir aultrestermes austères, tant en jeûnes que continuables oraisons , et les quels journalement à Nostre-Dame, faisoient monter leurs enfans, fils et filles; les fils deschaulx et les filles aussi et leurs cheveux abhatus avecque aulcunes de leurs chambrières, et là estre arrivés , y esloient jettés grants soupirs, lamentations et pleurs, ce que causait grande tristesse et griesve douleur aux cœurs des bonnes gens. æ Et les prebslres, en célébrant la saincte messe , aoyant les canons de l’assault , plouroïent chauldement à grosses larmes, ( Manuscrit de Médicis, tome 11 , page 315, verso, ) (2) Après la levée du siége du Puy, plus de cinquante reli- POLIGNAC, LE GRAND -JONTICIER, Depuis sa honteuse défaite, Blacons , abandonné par un grand nombre des siens, errait tristement par les montagnes, cherchant à l’aventure quel- que facile conquête; lorsque , peu de temps après, il vit venir à lui Claude-Armand de Polignac, fils d’Armand XII, dit le Grand-Justicier (1). Ce jeune gionnaires , faits prisonniers dans les diverses sorties des assié- gés, furent pendus sur la place du Martouret; et ceux des ha- bitans qui avaient abandonné la ville, condamnés à une amende , dontle produit fut appliqué à acquitter les dépenses faites durant le siége. (ARNAUD, Histoire du Velay, Liv. IF, tome I, page 332.) (1) Ce vicomte, baron de Randon et de Randonnet, se préva- lant de sa qualité de gentilhomme ordinaire de la chambre du roiet de panetier de France, jugea convenable à ses intérêts privés de faire assigner, contre l’usage et les priviléges dela province par-devant les requêtes du palais à Paris , les habitans de Randou et ceux des communes de Genouillac, Châteauneuf, Belvezé, Saint-Sauveur-des-Bains. Il prétendait avoir le droit de les imposer et tailler à volonté ; et en effet, il les avait mis à con- tribation pour les cinq cas dans lesquels les seigneurs réclamaient la prérogative de lever des tailles sur leurs vassaux. Les com- munes se plaignirent aux états du Languedoc, réunis en 1555 à Carcassonne; et l’injustice parut si manifeste aux représentans (353) seigneur, connu sous lenom de Chalancon, s'était jeté, par désespoir, dans une troupe de religion- naires ; voici à quel sujét : Armand XII avait eu ce fils d’un premier ma- riage avec Anne de Beaufort. Long-temps il avait eu pour lui une tendresse extrême; mais, sur ses vieux jours, ayant épousé en secondes noces dame Philiberte de Clermont -Tallard qui lui donna plusieurs enfans, ce vieillard ne fut plus maitre de ses affections, I fallut, pour complaire à la vicomtesse, priver Claude-Armand d’une succession légitime, en le contraignant à em- brasser l’état ecclésiastique (1).— Claude-Armand, qui ne se sentait aucune vocation pour l’église, fut inflexible. Son père, secrètement excité, regarda ce refus comme une offense et punit le téméraire en l’enfermant quelques jours dans un donjon. Dès ce moment le sire de Chalancon résolut de des ordres, que le syndic de la province fut spécialement chargé de soutenir le procès que les habitans désiraient intenter au vicomte Armand XII pour se soustraire aux vexations dont il les accablait. On consigaa la plainte au cahier des doléances. En 1556, le roi Henri IT déclara qu’il n’entendait pas que ses sujets du Languedoc fussent arrachés à leur juridiction na- turelle, et fit défense aux vicomtes de Polignac de les traduire désormais devant les cours judiciaires de Paris. ( Précis historique surla maison de Polignac, page 65.) (1) Idem , page Gy. ( 354 ) s'affranchir d’une servitude inique. A peine libre, il s'échappa du manoir de Polignac , entraîna dans sa fuite quelques vassaux dévoués et, suivant la mode du temps, se mit à courir la province avec quelques autres routiers qu'il prit à sa solde. — C'est alors que, voulant ressaisir des domaines qui lui étaient injustement enlevés, il vint solli- citer l’appui du chevalier, se déclara son com- pagnon, son ami, et comme lui défenseur de la foi nouvelle. Blacons fut trop heureux de s'associer le pre- mier gentilhomme de la contrée. Il écouta ses plaintes, partagea sa colère, et tous deux partirent aussitôt pour aller soumettre les baronies usurpées de Randon et de Ran- donnet en Gévaudan, ainsi que la petite ville de Genouillac dans le diocèse d’Uzès, dont le vicomte était seigneur, — Ici et là, ils exercèrent les plus cruels ravages. On dit même qu’après avoir rasé un couvent de jacobins, fondé par les barons de Randon, ils massacrèrent sans pitié les religieux. Pendant ce temps, le vieil Armand, instruit des dévastations de son fils, fit prendre les armes à ses vassaux et sans retard poursuivit le coupable. Il mit tant de promptitude, tant d’énergie dans son attaque, que Chalancon, déjà intimidé par sa présence , se défendit mal et fut battu. Le souvenir de cette victoire, plus cruelle pour ; (355) le cœur du père que glorieuse pour la fierté du châtelain, resta dans l’ame attristée du vicomte comme un remords implacable. Il ne put jamais se consoler d’une apostasie dont sans doute il s’accusait en secret d'élre la première cause, Mais, trop faible pour résister à une femme impé- rieuse qui détestait l'enfant d’un autre lit, pas assez dénaturé pour étouffer tous sentimens hu- mains, il ne voulut écouter ni son devoir ni sa tendresse, et mourut de douleur sans oser ouvrir les bras à son enfant. La noblesse et le clergé de la province regret- tèrent vivement le vieux gentilhomme qui , depuis l'origine des troubles, s'était ouvertement déclaré pour une énergique répression. Les citoyens du Puy trouvèrent que sa dernière campagne avait expié cruellement la pusillanimité d’un jour et lui pardonnèrent, Mais les vassaux de ses do- maines furent moins indulgens, car ils n’avaient jamais rencontré un seigneur plus sévère, plus processif, et ce n’était pas injustement qu'ils l'avaient surnommé le Grand-Justicier (1). (1) Quelques écrivains placent l'épisode de la Chaise-Dieuavant le combat d’Armand XII contre son fils; d’autres, au contraire, ne le font arriver qu'après la mort du sire de Polignac. La pre- mière opinion me semble la plus admissible et si je ne l’ai point adoptée dans cet ouvrage, tout en faisant ici mes réserves, c’est pour conserver au récit plus d'ensemble et de suite, (356 ) SX. UNE NUIT À LA CHAISE-DIEU, Blacons, avec l’aide de son jeune allié et de nouvelles recrues, reprit le projet momentané- ment abandonné de s'emparer de la Chaise-Dieu. Il ne craignait plus d’avoir à combattre, comme devant le Puy, une immense population faite au métier des armes; lui ne voyait qu'un petit ha- meau , que quelques moines isolés dans les mon- tagnes , plus faciles à dépouiller qu'une ville si courageusement défendue. IL poursuivit donc sa marche à travers le Velay et vint attaquer l’an- tique abbaye. Sa surprise fut grande de trouver le village désert, les chaumières vides , les habitans réfugiés avec les bénédictins dans une grosse tour carrée, assise à l'extrémité des murs d'enceinte, au sommet de la colline, de facon à pouvoir dominer toutes Îles issues. Cette tour, qu'avait fait bâtir le papeClément VI, était une des plus solides et des plus ingénieuse- ment construites pour le temps.—A l’intérieur , elle s’appuyait sur des voüles d’une épaisseur de huit à dix pieds. Les moines y avaient pratiqué un four, un puits, un arsenal, des greniers d’abondance; sans parler des réduits mystérieux (357) où étaient déposés leurs titres, leurs reliques et leur trésor. — À l’exténieur, toutes ses arêtes étaient flanquées d’énormes contre-forts qui pré- sentaient autant d'inflexibles boucliers; ses meur- trières , disposées le long des murs, devenaient à l'heure du combat comme des bouches ardentes, tandis que les hauts machicoulis dissimulaient aux assaillans les soldats postés dans les créneaux et défendaient l'approche de la tour. Blacons fut recu par une décharge générale qui tua une vingtaine de ses hommes. Effrayées de cette soudaine démonstration, les troupes huguenotes se répaudirent par le village et cher- chèrent un abri dans les maisons, en attendant que leurs éclaireurs vinssent faire connaître l’état des lieux. La journée se passa de leur part en observations périlleuses, quoique fort timides ; car un soldat ne traversait pas une rue ou ne se montrait pas à une lucarne, qu’un coup d’ar- quebuse, parti dequelque meurtrière invisible, ne le frappât de mort à l'instant même. La nuit sembla plus favorable aux assaillans. Guidés par des paysans, ils reconnurent que les murailles qui entouraient l’abbaye n'étaient pas gardées et que la garnison venait de se réfugier dans la tour. Cependant, comme ils craignaient des embüches, ils marchaient avec prudence. Les plus hardis s’aventurèrent les premiers, sans com- prendre pourquoi on les laissait ainsi maîtres de (358) la place, les autres suivirent à petit bruit, et bien- tôL tous pénétrèrent sans encombre dans le cou- vent, Les moines avaient délibéré cette tactique qui, pour l'honneur de leur robe, pour le salut de leurs édifices, parut la plus sage. En effet, prévenus de l’arrivée des religionnaires, ils avaient eu le temps de soustraire les trésors sacrés de la basilique ainsi que les provisions, les meu- bles, les papiers du monastère : pour le reste, ils priaient Dieu; car ils ne doutaient pas que la résistance , sans profit pour eux , n’eüt entraîné la ruine complète de leurs vastes monumens. Voilà donc ces hordes sauvages parcourant à grands cris la paisible demeure! Les pieux enfans de saint Benoît entendent ces clameurs du fond de la forteresse et frémissent, non de crainte pour leur vie, mais d'inquiétude pour leur chère église, que la royale munificence d’un pape avait pu seule élever. — Les routiers ( quel nom leur convient davantage), armés de haches et de torches, cher- chent partout le butin dont ils sont avides... Déjà, ils ont visité les réfectoires, les salles d’étude , les bibliothèques, les archives , les cellules, et n’ont rien découvert, La rage commence à les gagner; ils parlent de démolir le couvent, de le réduire en cendres, lorsque le hasard les guide vers les caveaux où se trouve le vin des moines(1).—Quelle PE (1) Mémoires de l’abbaye de la Chaise-Dieu. — Pièces origi- nales, — N°° 950 ét9496 (Manuscrits de la Bibliothèque royale), ( 359 ) joie brutale s'empare alors de ces forcenés!..... L'orgie commence, l'ivresse arrive; puis tous, en blasphémant, pénètrent dans le cloître, de là dans le sanctuaire. Les uns se précipitent sur l'autel pour dépouiller le tabernacle, les autres brisent le tronc des aumônes; ceux-ci courent à la sacristie, forcent les portes qui résistent; ceux-là s’élancent vers l’oratoire de saint Robert, qu’on disait garni des plus riches offrandes.... Vaines recherches, tout a disparu !.…. Blacons , qu’enflamme le dépit et la honte, jure de se venger d’une manière digne de lui. Par son ordre , toutes les statues du temple sont mutilées, depuis celle du glorieux patron de la contrée jus- qu’à celles de ses bienfaiteurs, Jehan de Chan- dorat, le pieux André, le cardinal Guillaume, le comte de Beaufort et Clément VI (1). On fouille () La statue tumulaire da pape Clément VI, après avoir été réparée, fut remise sur le tombeau où on la voit encore aujour- d’hui. Elle représente le pape vêlu de tous ses insignes ponti- ficaux, ayant à ses pieds deux petits chiens. — Le tombeau est tout en marbre noir et a quatre pieds de large sur huit de long; la statue, en marbre blanc, a quatre pieds cinq pouces. — Parmi les charmans ouvrages d'architecture que détruisirent les religionnaires , il ne faut pas oublier le tombeau golhique d’une reine dont on ignore le nom. Ce tombeau se trouve dans la paroi méridionale de la clôture du chœur. Voici à peu près sa construction : sous un dais, supporté par deux colonnettes et couronné de feuillages, était étendue la statue, aujourd’hui ab- ( 360 ) jusque dans les tombeaux; aucun n’est épargné, pas même celui du brave maréchal de Lafayette, l’ancien gouverneur d’Auvergne, On brûle les tableaux et les livres, on démolit les autels, on brise les vitraux; enfin, l'impie regardant comme ses prisonniers les habitans de la tour, et comme sa proie les trésors qu’elle contient, parle de massacre, — Mais tout-à-coup le sire de Cha- lancon, aposté en vedette, accourt et porte au milieu des dévastateurs cette sinistre nouvelle : « Alerte, compagnons. Depuis deux heures les » religieux ont allumé un signal. au sommet de » leur vigie; ce signal a été apercu par plusieurs » châteaux qui y répondent, et si vous ne fuyez » à l'instant, les trois saints qui s’avancent nous » feront une triste fête. » À ces mots, la frayeur s'empare de cette troupe satanique; Blacons lui-même tremble comme si déjà l'ennemi se dressait devant ses yeux. A peine trouve-t-il quelques paroles pour ordonner la re- traite; et cependant, à cette falale extrémité, sa cupidité le retient encore; il ne part pas sans sente, de la défunte. Deux anges en adoralion sont prostérnés aux deux angles; et tout autour du baldaquin, en manière d’en- cadrement, on voit une guirlande de roses à jour renfermant chacune un séraphin jouant d’un instrument. Au bas, autour du tombeau, six pleureuses désolées; et au sommet, au lieu de elocheton, on voit deux anges, souleyant un suaire, et une femme nue qui s’envole. ( 364.) enlever les chandeliers, les croix, les vases bap- tismaux, jusqu'à un Moïse en cuivre doré qui servait de pupitre au milieu du chœur et qu'il croyait d'or massif (1). — Cependant, en route, comme il se douta qu'une masse aussi considérable pouvait bien ne pas être aussi précieuse qu'il le pensait : 1l fit scier un des pouces, reconnut qu'il n'avait volé que du cuivre et le jeta dans un étang voisin où, quarante ans après, les bénédic- üns le retrouvèrent (2). TE —— — —"———"———————— () Entr’autres documens auxquels nous croyons devoir renvoyer le lecteur qui désirerait étudier l’histoire de cette importante abbaye, nous signalerons plus particulièrement ici : 1° Statuts faits pour les anciens religieux de la Chaise-Dieu, contenant des pièces originales, par ordre du cardinal de la Rochefaucault, n. 84; (Blancs Manteaux), page 27, tome vur du catalogue des Manuscrits francais de la Bibliothèque royale. 2% Mémoires de l’abbaye de la Chaise-Dieu, contenant des pièces originales, n. 9496 (idem). 5° Histoire générale de la congrégation de St-Robert de la Chaise-Dieu, n° 930 (St-Germain), page 44, tome Vit du catalogue des Manuscrits français de la Bibliothèque royale. (2) Ce que le bourg venait d’éprouver, ce qu’il pouvait souf- frir encore dans un temps de trouble, engagea les habitans à changer l'emplacement de leurs maisons. L’abbaye avait conservé la vaste enceinte de ses murailles; ils se flattèrent qu’à l'abri de ses remparts, leur vie et leurs biens seraient plus assurés, ils demandèrent la permission d’y bâtir; etle bourg, jadis hors des murs, y est aujourd'hui renfermé presque tout entier. (Extrait de la 26° lettre des Voyages en Auvergne, par le citoyen Legrand , en 1787 et 1788 ). ( 362 ) S. XI. LES TROIS SAINTS C1), Dès que le pouvoir vit partout surgir des com- pagnies de routiers, soi-disant religionnaires , il dut songer immédiatement à opposer à ces troupes nomades , d’autres troupes nomades comme elles ; mais plus fortes, plus aguerries, surtout mieux disciplinées. — Le baron de Saint- Hérem fut pour cela nommé lieutenant du roi en Auvergne, Saint-Chaumont en Forez, Antoine de Latour, seigneur de Saint-Vidal, aux pays de Velay et haut Vivarais , en l’absence du vicomte de Joyeuse. Ces trois gentilshommes, à la tête de braves soudards , chevauchaient incessamment; et Dieu sait s’ils faisaient bonne justice. Quand, par mal- heur, quelques-uns de ces coureurs d'aventures tombaiententre leurs mains, le premier arbre venu servait de potence. Cependant, comme il arrivait quelquefois que nos prévôts voyageurs avaient à combattre des bandes trop considérables pour qu'isolément ils pussent espérer de les vaincre, ils se coalisèrent; et cette alliance, publiée avec (1) C’est sous ce nom quele peuple désignait les sires de Saint- Chaumont, de Saint-Hérem et de Saint-Vidal qui, tantôt réu- nis, tantôt séparés, donnaient la chasse à cesbandesde routiers. Te ( 365) éclat sur toute l’étendue de leurs provinces, les rendit très-redoutables, Presque toujours on ignorait le lieu où ils étaient; on ne savait pas non plus où ils devaient aller, combien ils se- raient, quels ennemis ils se disposaient à pour- suivre. Eux-mêmes s’'appliquaient à entretenir ce mystère qui multipliait singulièrement leur force et leur puissance. On concoit lPépouvante de Blacons, quand, à lravers ces sacriléges profanations, furent jetés tout-à-coup les trois noms réunis de pareils adver- saires, — À peine avait:il eu le temps de fuir dans la forêt voisine, qu'il entendit sonner toutes les cloches de l’abbaye en signe de réjouissance. Saint-Hérem, cette fois, était seul et venait d’en- trer à la Chaise-Dieu à la tête de plusieurs com- pagnies royales. Dès qu'il vit les déprédations que les infâmes avaient commises en quelques heures, il s’élanca sur leurs traces; mais déjà la troupe fugitive s'était dispersée dans un sauve-qui-peut général. Les religionnaires de nos montagnes ne sont plus , comme on le voit, quelques opprimés sans défense subissant le joug tyrannique d’un évêque ou d’un seigneur. — Naguère, ému des souffrances du peuple , nous comprenions de sa part les murmures, les plaintes, l'insurrection! Nous l’avions pris, altaché vivant à la glèbe, prêt à manquer du pain dont il nourrissait les autres. Rien alors ne nous avait semblé plus juste que ( 364 ) d'appuyer de toutes nos sympathies le mouve- ment libérateur. Depuis ce temps, les situations se sont étrange- ment perverties.. L'action nous semblait funeste, la réaction nous arrive plus funeste encore et nous précipite avec violence jusqu’à la St-Barthelemi |... Ainsi, un navire battu par la tempête court se bri- ser d’écueil en écueil, de même en quelques mois la France désespérée passe des cruautés des catho- liques aux cruautés des huguenots. Le démocratisme triomphe un instant, mais il conduit si mal sa victoire, il abuse tellement de son droit que lui-même, par ses excès , prépare sa servitude. Nous le voyons, dans sa folle ivresse, dévastant les campagnes , pillant, égorgeant tout ce qu'il trouve, sans merci, sans distinction. Il ne frappe pas seulement ses anciens oppresseurs, ses frères aussi sont ses victimes. La chaumière et le château tombent incendiés parses mains; de telle sorte que ceux-là même qui espéraient le plus de son œuvre sont les premiers à implorer des secours contre lui. Te 0 G CIE S. XII. CATHERINE — L'HOSPITAL, — LES TRICUVIS, Avant de poursuivre notre histoire, si nous jetons les yeux sur le foyer politique d’où partait ( 365 ) l'impulsion fatale dont nos provinces étaient si cruellement ébranlées, nous pourrons facilement comprendre ces douloureuses alternatives qui désolèrent la France sous les trois malheureux fils d'Henri IX. Les derniers événemens dont nous avons parlé se passèrent en 1562, c’est-à-dire, pendant la troi- sième année du règne de Charles IX.—Ce prince n’avait pas treize ans encore et, comme son frère, grandissait sous l'influence de la perfide Médicis qui, pour rester seule maitresse , ne recula devant aucun sacrifice d'affection, d’estime ou de recon- naissance. Craintive autant qu'ambitieuse, elle flattait ceux qu’elle avait combattus et repoussait avec adresse ceux qui lui semblaient prendre trop d'autorité. Astucieuse italienne, son prin- cipe était la division des partis, son moyen la dissimulation, son bnt la puissance réelle entre ses mains. Aussi serappelant, pour en tirer profit, les dangers de cette politique d'exclusion qui n'avait fait des Guise qu'une famille impérieuse, des autres que des mécontens, elle appela près d'elle chaque chef des opinions dissidentes , le roi de Navarre, le prince de Condé, le duc. de Guise, Coligny lui-même, les honora tour-à-tour de ses confidences hypocrites et tous les trompa tour-à-tour. Catherine affectait sur les questions de la foi une irrésolution calculée d’après les circonstances. ( 366 ) Dévote ou incrédule au besoin, rien ne lui parais- sait illégitime pour affermir son sceptre; catho- liques et protestans furent protégés, furent aban- donnés par elle suivant que les uns ou les autres linquiétèrent, Sa cour était l'asile de la corruption; sa police veillait dans l’ombre, même sous les voiles de l'amour. Il n’était pas jusqu’à ses femmes, esclaves de ses desseins, qui ne vinssent fouiller au fond du cœur de leurs amans pour en arra- cher le secret qu’elle voulait savoir (1). Cependant , soit qu’elle comprit que ceux qui s’agitaient autour d'elle avaient trop d’ambi- tion personnelle pour bien servir l’état et sa cause, soit qu’elle craignitde leur confier une arme qu’elle ne pourrait plus ressaisir à son gré, soit enfin, qu'empruntant les traits du plus honnête homme de son royaume elle espéra en faire un masque de vertu pour son visage; à son honneur, il faut dire que le chancelier de l'Hospital fut long-temps, par son appui, au sommet du gouvernement. L’HospiTaz, un des plus magnifiques caractères (1) Ses filles d'honneur, qu’elle avait soin de choisir très- jolies et très-adroites, étaient chargées de captiver le roi de Navarre, le prince de Condé, le duc de Guise, enfin, tous les seigneurs qui se montraient accessibles à ce genre de séduc- tion. Coligny presque seul y résistait. — On méditait la déla- tion jusqu’au sein des plaisirs. (Lacretelle, liv. Y, règne de Charles IX, t. m1, p. 15.) ( 367 ) de notre histoire, paraît au milieu de cette cour corrompue semblable aux vieillards homériques de la sévère antiquité. On le voit s’avancer à tra- vers les orages, calme, vertueux, intrépide, lais- sant sur son passage , en dépit de la haine, des lecons et des exemples pleins de grandeur.—Conseillerau parlement depuis Francois I*, surintendant en la chambre des comptes sous Henri IT, Catherine de Médicis et M" de Lorraine le désignèrent à Fran- cois II comme le citoyen le plus digne de remplir les hautes fonctions vacantes par la mort du car- dinal Olivier. L’un et l’autre espéraient que, recon- naissant d’une fortune aussi brillante qu’inespérée, il se ferait le docile instrument de leurs projets. Cependant, Michel de l’Hospital, nommé chance- lier de France, ne chercha point sil devait plus aux Guise qu’à la reine-mère; il se souvint seule- ment de ce qu'il devait à l’humanité, aux lois et à sa patrie (1). Dès son entrée aux affaires, l’Hospital porte l’édié de Romorantin (2) qui brise le tribunal de l’inquisi- (1) Lacretelle, liv. IV, règne de Francois IL, t. 1, pag. 378. (2) Malgré ses vœux, il est encore obligé de rendre cet édit extrémement sévère. — La connaissance du crime d’hérésie n’est plus attribuée aux juges scculiers, les présidiaux ne sont appelés que pour appliquer la peine et les assemblées secrètes de protestans sont encore punies de mort. (368 ) tion; ensuite, aux éfats généraux d'Orléans et dé Pontoise, devant le parlement, au colloque de Poissy (1), à l'assemblée de Saint-Germain , il s'élève sans cesse avec une énergique indépen- dance et contre les abus de l'Eglise et contre ceux qui prétendaient la réformer les armes à la main. A ses détracteurs jaloux que l'ambition tourmente, (1) Le colloque de Poissy est un événement trop considé- dérable dans l’histoire de ces temps, pour que nous puissions nous dispenser d’en parler ici. Le chancelier fit demander par les états-généraux un concile national, dans lequel les questions litigieuses seraient débattues et les décisions ultramontaines du concile de Trente au moins adoucies. — Cetle demande nefut pas exactement accordée, puisque-le droit en appartenait seul au Pape; mais il fut ouvert solennellement à Poissy des confé- rences publiques en facon de tournois théologiques entre les évêques catholiques et les ministres protestans. Le roi, la reine, le chancelier et toute la cour y assistèrent. Calvin avait envoyé, pour défendre ses doctrines, un jeune homme d’une grande éloquence nommé Théodore de Bèze, qui produisit sur l’as- semblée une très-vive émotion. Ce fut lui qui se déclara le champion du protestantisme et le cardinal de Lorraine celui du catholicisme. Toutefois, comme l’assemblée se trouvait prési- dée par le cardinal de Tournon , ardent ennemi de la réforme, que d’ailleurs la majorité de l’assistance n’était guère favorable aux protestans, la palme demeura au cardinal dont chaque parole était applaudie par ces exclamations : Woilà l'évidencel. Ces hommes sont bien obstinés s’ils ne se rendent pas à de tels raisonnemens, à de telles autorités /.. — Le résultat de ces con- férences fut une espèce d’accommodement entre les partis. (Voir Théod. de Bèse, La Planche, le père Daniel, de Thou , Sismondi, Lacretelle.) ( 369 ) que sa parole importune , il se contente de ré- pondre : « Je sais parfaitement que j'aurai beau » dire, je ne désarmerai pas la haine de ceux que » ma vieillesse ennuie. Je leur pardonnerais leur » déchaïnement et leur impatience s'ils étaient » bien assurés de gagner au change; mais quand » je considère tout ce qui m'’entoure, je serais » tenté de leur adresser cette réponse d’un bon » vieil homme d’évêque qui portait comme moi » une grande barbe blanche, et qui, la mon- » trant à ses nombreux détracteurs, se contenta » de leur dire : Quand cette neige sera fondue, il » n’y aura plus que de la boue (1). » Tous les efforts du chancelier tendaient à rame- ner la paix dans le sanctuaire ; un instant il crut y être arrivé par la promulgation du célèbre édi£ de janvier 1562 (2); mais ce fut précisément cet édit (1) Œuvres du chancelier l’Hospital, par Dufey, jurisconsulte, 5 vol. in-8°. (2) Par cet édit, toutes les peines prononcées par des édits précédens contre les assemblées de religionnaires étaient sus- pendues provisoirement , jusqu’à la détermination d’un concile général. — On leur permettait de faire leurs prêches et leurs exercices religieux dans les faubourgs des villes; — on leur défendait de s’y rendre armés, à la réserve des gentilshommes qui pouyaient y porter, comme partout ailleurs, la dague et l’épée. — Ils devaient restituer aux églises les ornemens et vases sacrés dont ils s'étaient emparés ; — il leur était défendu de 24 ( 370 ) juste et sage qui, venant tout-à-coup émanciper les protestans jusque-là persécutés, les excita à la plus sanglante réaction (1). Les moines ne trou- vèrent alors que trop facilement, par les attaques dont ils devinrent victimes , la justification des ana- thèmes lancés conire leurs ennemis, et ils en pro- fitèrent pour soulever les populations catholiques. — De là les cruels massacres qui, dans les deux partis, remplirent l’année 1562 , ouverte pourtant sous la pacifique ordonnance du chancelier. Nous avons dit quels ravages désolèrent notre petite province; chaque pays pourrait aussi ra- conter ses malheurs , car partout ce fut comme un signal de mort. Paris, Toulouse, Tours, Amiens, D ———————————————————————————————— mettre obstacle à la perception des dimes, de faire aucune levée de gens de guerre, et d'établir enlr’eux aucune contribu- tion, si ce n’était pour la subsistance de leurs ministres et le soulagement des pauvres. (Voirle Recueil 1 édits de Charles IX.—de Bèze.— La Popelinière.— Mémoires de Condé.—Règne de Charles IX.—Lacretelle.) (1) La rapidité des conquêtes des protestans fut inouïe. En moins de trois semaines, leurs divers détachemens prirent Orléans, Blois, Tours, Pont-de-Cé, Angers, Bourges, Poitiers, La Rochelle, Agen, Montauban, Montbrison , Castres, Mont- pellier, IVimes , Pézenas, Béziers, Aiguesmortes, Tournon, Viviers, Orange, Mornas, Grenoble, Montelimart, Valence , Lyon, etc,, etc. (371) Sens , Cahors, Vassai, ont, dans leur histoire de cette époque, une page teinte de sang. — Voici qui va mieux encore nous expliquer le véri- table motif des dissentions intestines. Guise n'avait pas vu sans colère Catherine de Médicis s'éloigner de lui pour prêter l'oreille aux conseils de Condé ou de Coligny. Dans cette affaire , la perfidie politique l’indignait autant que l'indifférence religieuse. Lui qui, sous l’autre règne, s'était placé dans la confiance presque exclusive de la cour , ne pouvait pardonner à la reine et au chancelier celte prétendue tolé- rance qui rapprochait du pouvoir les scigneurs que sa famille jalouse avait eu tant de peine à en écarter. Il sentait l’œuvre de son ambition se détruire; il résolut de tenter un puissant effort pour la réédifier. Oubliant ses anciennes querelles, il sallia au connétable de Montmorency et au maréchal de St-André.— D’où vint à ces trois hommes le nom de friumvirs. — Bientôt se joignit à eux le roi de Navarre, transfuge qui changeait de religion pour la troisième fois. Ces seigneurs ainsi ligués reprirent l’étendard d'Amboise, déserté par la cour, et jurèrent de le faire triompher en dépit de l'Hospital et de Cathe- rine. Ils ne manquèrent pas, en effet, de protester publiquement chaque fois que le chancelier, dans quelques harangues , ou la reine , dans quelques (572) actes de son pouvoir, semblaient indiquer des tendances aux moindres concessions. Toutefois ils ne s’en tinrent pas à de si faibles démonstrations. Le 1° mars 1562, Guise passant par Vassai, petite ville de Champagne, apprit, pendant qu'il était à la messe, que ses troupes venaient d’in- sulter des huguenots réunis dans leur préche, qu'une rixe violente s'était engagée et que déjà plusieurs victimes étaient restées sur la place. Il accourut l'épée au poing, mais par sa présence loin de calmer ses gens il les excita davantage encore : vieillards, femmes, enfans ne furent même pas épargnés. Près de trois cents morts ou blessés restèrent sur le pavé. Le duc se prit en- suite à adresser des reproches au capitaine de la ville pour avoir causé ce malheur en souffrant une assemblée illicite. Et comme celui-ci alléguait lédit de janvier qui autorisait les prêches des protestans dans les faubourgs: Détestable édit, s’écria Guise en mettant la main sur la garde de son épée, c'est avec celle arme que je saurai le rompre (1). Après cet exploit, le due entra dans Paris en triomphateur , ayant à sa droite le connétable, à (1) Consulter de Thou, Mathieu, Garnier, Anquetil , Me- moires de Condé, La Popelinière, Davila, Daniel, Castelnau, \ Brantôme , Sismondi, Lacretelle, ete, (373) sa gauche le maréchal de Saint-André , et plus de douze cents gentilshommes de suite. — La reine- mèreeffrayée se sauva à Fontainebleau, entrainant son fils après elle.—Les triumvirs déclarèrent sur- le-champ que lorsqu'il s'agissait du bien public il importait fort peu qu’on l’obtint de gré ou de force , que Catherine par sa politique versatile était funeste à la monarchie, qu'il semblait urgent que le jeune roi füt mis entre des mains plussüres et plus fidèles; —en conséquence, ils marchèrent sur Fontainebleau , s’emparèrent de Charles IX et le reconduisirent dans Paris, Condé pritaussilôt parti pourla cour etcriaaux armes. Les gentilshommes protcstans, d’une extré- mité à l’autre de la France, entendirent cet appel et se levèrent comme un seul homme pour sau- ver le prince, surtont pour maintenir lédit si outrageusement violé.—C'est dans ce moment de tumulte, d'émotion générale, alors que de toutes parls on voyait des masses de religionnaires poin- dre comme par enchantement, qu'il faut placer les irruptions dans nos montagnes , où certes on s’occupait fort peu de la sûreté de Charles IX et de l’édit du chancelier. Cependant, en quelques mois le roi de Navarre fut mortellement blessé au siége de Rouen,—le conné- table fait prisonnier à la bataille de Dreux ,—le maréchal de Saint-André poignardé par Baubigny- Mézières, — le duc de Guise, lame de son pari, ( 374 ) assassiné par Poltrot de Merey au siége d'Orléans. Ainsi tombèrent les triumvirs. . . .. La mort de ces chefs redoutables jeta l’épouvante dans les rangs catholiques. — La reine et le chancelier en profitèrent pour ressaisir le pouvoir et faire exé- cuter cet édit jusque-là si fatal. 2100) —— $. XIII. LA FOIRE DES ROGATIONS AU PUY. 1565. Rien n’est plus ingénieux ni plus utile que ces grands marchés qui, à certaines époques dé- terminées , facilitent tantôt sur un point, tantôt sur un autre, l'écoulement des produits de chaque localité et fournissent ainsi aux besoins de toutes. C’est principalement dans les pays de montagnes que se fit sentir le bienfait de cette institution ; car sur les cimes escarpées, au fond des préci- pices inabordables , s’exilent de modestes indus- tries que personne n'irait chercher et qui péri- raient si elles ne savaient où venir prendre en échange de leur travail le denier qui les fait vivre. —Aussi, une des plus constantes préoccupations du législateur fut de déterminer ces lieux de rendez-vous, de leur accorder proportionnelle- ment l’aide, la protection, les priviléges néces- TS (375 ) saires, et par ce moyen d'entretenir la vie jusque dans les derniers rameaux du corps social. Depuis long-temps le Velay suivait à cet égard de vieilles traditions, que régularisèrent succes- sivement le roi Philippe par ses ordonnances de 1345 (1), les administrateurs consulaires par divers règlemens promulgués à son de trompes dans les villes et bourgades voisines (2), Charles VI par ses priviléges (3), etc., lorsque les guerres civiles’ vinrent tout-à-coup suspendre ces rela- tions, paralyser le travail, effrayer la confiance. Ce n'étaient pas, en effet, les classes mercantiles, dont la fortune dépendait de la sécurité générale, qui pouvaientaccueilliravecle plus d’empressement les doctrines nouvelles; et, comme nouslavonsdit, il ne fallut rien moins que les somptuaires pour déterminer sipromptement nos montagnards. Du reste, quelle que fût la terreur inspirée par ces bandes nomades ranconnant , pillant au nom (1) 2° Salvagardia pro civibus Aniciensibus (janv. 1343). 2° Certa imposilio ,; seu coustuma ordinata super rebus yenditis in civitate Anicii (mars 1345).—Ces pièces se trouvent dans le 59° volume de la collection de Decamps (Manuscrits de la Biblioth. royale). (2) Voir les Manusc. originaux de MÉbicis.—Au feuillet 204 et suivans , il nous conserve plusieurs pièces en langue du pays. (3) Lettres de Charles VIE, qui défendent d’arrèler qui que ce soit dans les foires du Puy (Se trouve dans Médicis}. ( 376 ) du maintien de la foi et de l'indépendance, nous voyons encore le commerce forain se convoquer à petit bruit, les jours de calme , préférant courir les chances d’un combat plutôt que de rester dans une stagnation mortelle.—De leur côté, les religion- naires-routiers ne manquent pas, comme on doit croire , de diriger leurs invasions sur les lieux désignés ; de telle sorte que les foires ne furent bientôt plus possibles que dans les centres consi- dérables et bien gardés. Pour concevoir les précautions anxquelles la prudence forcait alors à recourir, nous ne cite- rons qu'un seul exemple : celui de la foire des Rogations, de l’an 1563 au Puy. Encore émue des récentes violences de l’armée de Blacons, la ville de Notre-Dame n’hésita pas à changer ses cloches en bonne artillerie (1) et à doubler la force de ses remparts. Ces démonstra- (1). « « Quelqu'un de la compaignie va dire que pour l’as- surence et fortification des églises et de la ville, il serait bon, utile, nécessaire d’avoir pièces d’artillerie qui chassassent les ennemis du plus loing. Mais c’est chose frustre, dict-il, quand on n’a pas les estoffes, que trop seroïent chères, considéré la paoureté du peuple, si les églises de leur part ne vouloient fournir partie de leurs cloches pour ce faire, ce qui seroit bien faict.—Plusieurs dicts ou contredicts furentsur ce ventilés en la dicte assemblée et fut conclud que l'opinion n’était pas mal déduicte, (Médicis, tome 11, feuillet 3:15 verso.) ( 377 ) tions n'avaient pas seulement pour but d’effrayer les hordes errantes, mais surtout de témoigner aux marchands qu’une sécurité parfaite leur était d'avance garantie.—Cependant, lebruits’étantré- paudu que les religionnaires voulaient tenter une surprise, en s'introduisant parmi les forains le jour desRogations (1), le conseil s’assembla immé- diatement et il fut arrêté : 1° Que pour la défense de la ville , ne seraient plus employées désormais que des armes de guerre , depuis la grosse artillerie jusqu’à la dague inclusivement. 29 Que le capitaine-mage pourrait disposer, pour le service public, du nombre de soldats qu'il croirait nécessaire. 39 Que tout le bétail serait vendu hors des murs, sans exception. 4° Qu'il n'y aurait que deux portes ouvertes, celle de Pannessac et celle de Saint-Gilles ; et encore , que chacune de ces portes serait gardée (a) Il est à noter que par le moyen de plusieurs faulx et légiers rapports, on a voulu donuer à entendre à la ville du Puy, que ces meschans, misérables hérétiques huguenaux ou aultres de leur dampnable faction, estoient de plus fort esmus contre la ville du Puy pourla exterminer, saccager et mettre en ruyne. Les quels ne pouvoient trouver meilleure adresse pour parvenir que par le moyen de la foire des Rogations, en laquelle se assemblent divers populaires. (378) par cinquante arquebusiers , avec consigne de ne laisser entrer qui que ce soit armé, même d’un bâton. 5° Qu'àchaque porte, seraient dressées cinq ou six pièces de canon chargées à mitraille et servies par des soldats toujours prêts à faire feu. 69 Que tant que durerait la foire , les habitans seraient obligés d’avoir toutes les nuits des lan- ternes à leurs fenêtres, afin que le guet püt aller, venir, passer et repasser, monter et descendre és- lieux nécessaires. 7° Que pour accroître et avantager le nombre des soudards de service, il y aurait une assemblée générale, composée des consuls, du capitaine- mage et des suppôts, dans laquelle on chargerait les’cent vingt plus imposés de la ville de fournir chacun deux ou trois hommes armés et nourris à leurs dépens ou auxquels ils donneraient huit sous par jour, etc. (1). Chacun s’empressa de prouver son zèle. — Le chapitre accepta et fournit l'impôt de vingt- cinq hommes, il enenvoya vingt-cinq autres, sous le commandement du seigneur de Pouzols , pour la défense d’Espaly , il se chargea en outre de la garde de St-Michel et de Corneille, — Les frères (:) Contribution qui ne devait durer que cinq jours seule- ment. 0 ( 379 ) hospitaliers de Saint-Jehan de Jérusalem répon- direntdeleur maison.-—Les autres religieux, encore désolés des ravages dont ils venaient d’être vic- times , firent néanmoins de leur mieux pour se préserver de nouvelles atteintes. Les choses furent exécutées comme elles avaient été convenues (1), et l’ennemi, effrayé sans doute d’un si formidable appareil, ne parut pas, si tant est qu'il dut paraitre. “#2 De Do (D + De som— XIV: LE CITOYEN JACQUES GUITARD, En ce temps-là il y avait au Puy un ciloyen plein de cœur et d’audace qu’on appelait Jacques Gurrarp. Un des premiers il accueillit les idées nouvelles et se voua à leur triomphe avec tant d'énergie, qu'il devint bientôt la terreur des (1) Fat faicte la revue et monstre générale de la ville du Puy par le seigneur capitaine-mage, après estre establi, or- donné et appoincté tout le narré ci-dessus , le dimanche des Rogations 25 de mai. Le capitaine-mage était accompaigné d'environ quatre cents arquebusiers marchant de cinq en cinq avec fiffres , trompettes, tambourins et enseigne déployée au- devant du porteur d’enseigne ; à un bon espace alloit tout seul le roi des arquebusiers. (Manuser, Médicis, tome 11, feuillet 323 et suiv.) ( 360 } gatholiques de sa province. C'était lui qui avait guidé Blacons à travers les chemins tortueux de nos montagnes, jusque devant sa ville natale; qui avait donné aux ennemis tous les renseignemens sur les points à attaquer, les positions à prendre, les châteaux à détruire. Il était si ardent à l’œuvre, qu’il ne voulut même pas quitter les religionnaires tant qu'ilsrestèrent dans le Velay. On eut dit, qu'il s'était imposé la mission d’anéantir impitoyable- ment la puissance temporelle du clergé et lop- pression féodale. Ce n’était pourtant pas l'ambition qui poussait ainsi cet homme; car, malgré son activilé, nous le retrouvons sans cesse modestement confondu dans les rangs obscurs. Ce n’était pas non plus cette honteuse cupidité de la foule qui n’aime que le désordre; non. Jacques Guitard semblait avoir compris la pen- sée libérale, révolutionnaire, qui déjà se répan- dait sur toute la France. Homme du peuple, ilvou- lut se faire apôtre populaire. Aussi ,comme tous les esprits violens, excités par une ardente conviction, enivrés par cet enthousiasme du moment qu'on ne peut bien concevoir que lorsqu'on le partage, s'était-il d'avance résigné aux plus douloureux sacrifices pour assurer le succès de ses doctrines. A ses yeux, le pays gémissait sous une double tyrannie; pour le délivrer, confondant hommes et choses, principes ct sophismes, il s’attaqua aux ( 581) institutions , renia le catholicisme, comme si les lois et la religion étaient solidaires des excès com- mis sous leur manteau.—C’est là, l’erreur de toutes ces natures impatientes et peu éclairées qu'un zèle mal entendu jette au-delà des prudentes limites de la raison. Médicis appelle Guitard un traître, un infâme, parce qu'il ne voit en lui que le rebelle qui déserte sa foi, qui s'arme contre le pays. Du point de vue où est placé notre vieux chroni- queur, peut-être ne trouve-t-on pas son jugement trop sévère; cependant, si nous dégageonsla ques- tion de toute préoccupation religieuse, nous décou- vrirons en cet homme un des grands intérêts de l’époque, saisissant une occasion favorable pour secouer le joug et proclamer l'éternelle loi de la liberté humaine. Nousreconnaitrons dans sa personne cette classe active, intelligente, passionnée, que le nobleins- tinct du progrès précipite trop en avant peut-être, tandis que la foule, peu soucieuse de l'avenir, s’aban- donne follement aux bons hasards qu’ellerencontre. Jacques Guitard, à la tête de trois ou quatre cents de ses compagnons, s'était reliré dans le camp des religionnaires, lorsque sa femme, qui était demeurée au Puy, vint à accoucher. Ce simple événement occasiona une vive émotion dans la ville, Il ne s'agissait rien moins que de décider, pour la première fois, à quelle religion ( 3829 allait appartenir l'enfant de l’apostat. Nul doute que si le père eût été présent, ileut fait prévaloir son droit; mais les catholiques profitèrent de son absence, et comme ils n’admettaient point que les doctrines insurrectionnelles de Luther et de Cal- vin pussent jamais être sérieusement acceptées, ils s'emparèrent du nouveau-né. Le seigneur évêque lui-même voulut lui servir de parrain, et le bap- tême se fit avec une éclatante solennité (1). À quelque temps de là, c'était après la chute du triumvirat, le gouvernement ayant garanti la sincère exécution de l’édit de janvier 1562, les religionnaires suspendirent les hostilités et repa- rurent au milieu de leurs concitoyens pour jouir en paix de eoncessions si long-temps disputées. Mais à leur tour, les catholiques qui pendant une année entière avaient refusé de reconnaitre l’édit, allaient-ils se soumettre fraternellement à une transaction obtenue par la mort de leurs (1) Sur le commencement du mois de juilhet, la femme de ce vilain apostat Jacques Guitard fist un enfant duquel fut compère le seigneur évesque du Puy; aux baptisailles duquel y eut grant pompe de ménestriers, harquebusiers et taborins. Et bientost après la femme de Hugues d'Avignon, hostelier, fit ung autre enfant duquel fut compère ung capitaine appelé La- forest, où fut faicte semblable pompe que dessus et allant et retournant y assista ledit seigneur évesque avec les dames. (Manuscrit de Médicis, tome IT, feuillet 324 , verso. ) (383) chefs ?Une paix ainsi sanctionnée pouvait-elle être durable ? — Voici un fait qui les résume tous, Guitard, depuis peu rentré au Puy, était un soir devant sa porte au moment où un certain Arnaud, coiralier, qu'il savait être son ennemi, passa plusieurs fois pour le narguer (1). Con- vaincu de quelque méchante intention, Guitard s’avanca vers lui en lui demandant pourquoi il passait si souvent et de cette facon? Arnaud répondit : «C’est pour toi, je vais te le prouver. » « Aussitôt, dit Médicis, il dégaina promptement son glaive. L'autre, qui se tenait sur ses gardes, sortit un coutelas, etils sebattirent (2). » Heureusement (:) En vertu de l’édit, Guitard était rentré dans sa maison; mais, parce qu’il avoit tourmenté les habitans de la ville par le moyen du siége qu’il avoit conduict l’an 1562, les habitans, même les petits enfans, s’étoient mis en devoir, lui étant en son tablier, del’outrager et faire beaucoup d'opprobres et molestations; jusqu’à lui cracher au visage , l'appelant le porc Guytard. (Manuscrit original de Jean Burel, tome I, page 10.) — D'après le commencement de ce récit on voit déjà, de l’aveu même d’un historien très-partial , que Guitard était exposé journellement aux plus sanglans outrages et que, dans cette rixe, il fut loin d’être l’agresseur. Cependant, nous avons adopté la version de Médicis comme plus complète et écrite au moment même. Toutefois, nous devons dire ici que Médicis, plus encore que Burel, laisse entrevoir une extrême partialité dès les pre- mières lignes. (2) Survint Claude Arnaud, cordonnier, homme facinoreux, ( 364 ) que quelques femmes qui étaient là forcèrentle calviniste à rentrer dans son logis. Mais, par malencontre, un voisin nommé Raymond, orfèvre, prit immédiatement son parti et continua sa que- relle. «Cependant, ajoutele chroniqueur, Arnaud, homme vertueux autant que de grand cœur, eut bientôt contraint ce second adversaire à imiter le premier, et resta maitre du champ debataille (1)». Le coiratier était donc dans la rue à recevoir les félicitations des uns et des autres, accourus par curiosité, lorsque tout-à-coup une grêle de pierres lancées des deux maisons vint blesser une grande | quantité de personnes et frapper si violemmentle principal auteur de cette scène, qu’il tomba comme s’il étaitmort.—NHn’en fallut pasdavantage.«Le bruit se répandit aussilôt par toute la ville que ce mal- heureux larron huguenot, Jacques Guitard , venait de tuer Arnaud, brave, vaillant et adroit ouvrier (2).» Des groupes se formèrent de distance en distance dans lesquels chacun racontait le crime d’une qui de voies de faict se serait dressé contre Guytard, avec grands outrages et menaces, jusqu’à le vouloir tuer. (BUREL, id.) (1) MÉpiais ne fait pas les mêmes concessions que Burel, car il dit : — Arnaud, homme vertueux et de grand cœur, le repoussa. (2) Expressions de MÉpicis. ( 385 ) manière différente, Enfin, l’émoi devint tel en quelques instans, que toutes les cloches de la ville sonnèrent pour convier le peuple à venir sur-le- champ pouroccir lhérétique.Lesuns couraient par les rues en battant du tambour, d’autres en tirant des coups de pistolet. Aussi la demeure de Guitard fut-elle en un instant bloquée; et lui, dans ce péril extrême, eut encore l’audace de décharger ses armes sur cette multitude en fureur (1). « Cas scandaleux, cas inouï , reprend Médicis, » qui davantage aigrissoit les gens à plus forte » sédition. Alors on trouva assemblé grant nom- » bre de peuple, faisant clameurs et cris effroya- » bles, étant décidé à avoir Guitard vif ou mort, » et disant : Ce sera mal fait si on n’abat sa mai- » son, C'est lui, ce sacrilége hérétique, qui nous » a pourchassé et tous les jours nous pourchasse » encore; c’est lui qui fait au pauvre peuple tant » de duretés.—Pourquoy, surmontés de colère, à » Gemi-enragés, ne craignant transpasser les li- » mites de raison, délibérèrents’ilsne devoient bou- » ger du lieu, s'ils y devoientmourir, s'ils n’entre- » roient dans la maison pourle prendre etle meur- » tri... Plusieurs apportèrent de gros marteaux (1) Fait que Médicis rapporte seul et que nous avons cru devoir consigner, mais qui cependant est très-contestable, puisque ni Burel, ni les autres n’en parlent. F 29 ( 366 ) » et y employèrent leurs humains efforts. Par une » incrédible fureur, faisant grant bruit, scanda- » Jeux tintamare, ils brisèrent la portectentrèrent » pour y rencontrer leur homme, qu'ils ne trou- » vèrent point, car il s'était garantiparle couvert » de son logis (1)... Ils dérobèrent et pillèrentson » bien, ses meubles, ses draps, ses marchandises, » ses papiers, enfin, tout ce qui se rencontra... » Et lui, depuis onc ne fut vu, et à bon » droit (2)... » Cependant, les consuls qui se trouvaient alors réunis dans un splendide festin chez le capitaine- mage (5), n'intervinrent que lorsque tout fut ter- miné.—EÆEn cette circonstanceils manquèrent essen- tiellement à leur devoir, quoique puissent dire Médicis et Burel. Sans doute qu'ils obéirent à leurs sympathies personnelles , à l'esprit de la popu- lation qui eut mal accueilli une intervention favo- rable aux hérétiques, mais magistrats, leur pre- (1) Médicis, tome II, feuillet 322. (2) Burel, tome r, page 210. (3) Ce jour se sollempnisoient et célébroient les nobces de deux enfans du seigneur capitaine-mage de la ville, honorable homme sire Pons Yrailh, que au soupper estre assemblés et bien assis à table. Là où cestoient grande partie de gens d’hon- neur de la ville tant d'église, justice , seigneurs , consuls, hommes et femmes de bon estat (Le reste manque). MÉpicis, ( 367 ) mier soin devait être de faire respecter l’édit et d'assurer à tous une impartiale protection. Sur le rapport qui lui fut présenté le roi expé- dia comme commissaire dans le Velay, un con- seiller du grand conseil, maître Leroux, hugue- not. Celui-ci, à peine arrivé renonca à poursuivre son enquête, tant il recut d’outrages des citoyens et même des autorités. Il accourut porter ses doléances devant le conseil; les habitans de leur côté y députèrent leur évêque, pour faire excuser leur conduite. Sur ce dernier incident, sans rien préjuger au fond, le lieutenant principal dela ville et quelques autres furent jetés en prison, en- suite l'affaire futremise entre les mainsde lajustice. Après de longs débats, le parlement de Tou- louse rendit un arrêt, postérieurement confirmé par le parlement de Paris, quicondamnait Claude Arnaud, contumace, à être pendu en effigie devant la maison du citoyen Jacques Guitard. SV LE VELAY DE 1608 À 4070, Samt-Denis. — Darnac. — Moncontour, — Arnay-le-Duc. Après la chute des triumvirs, Catherine se hâta de faire déclarer la majorité du roi (14 août 1563). Charles IX n’entrait, il est vrai, que dans ses qua- ( 388 ) torze ans; mais, d'après lopinion du chancelier sur l’édit de Charles V, il suffisait que l’année fût seulement commencée. Par celte prompte résolu- tion , la reine enlevait au premier prince du sang, chef de l'opposition, tout moyen de pénétrer dans la régence et de lui disputer le pouvoir.—Ensuite, pour isoler davantage encore le jeune monarque, surtout pour se faciliter de secrètes conférences avec tels ou tels princes étrangers, Catherine dé- cida un grand voyage à travers le royaume. Ce voyage, qui dura près de deux ans, eut plutôt Pair d’une marchetriomphale que de la visite d’un pays désolé par de si cruels ravages (1). Les jeux, les fêtes, les plus magnifiques spectacles atten- daient la cour sur chacun des points qu’elle devait parcourir. Partout, villes et bourgades, expri- maient le vœu d'obtenir enfin une paix loyalement gardée, de voir le trône désormais en dehors et au- dessus des dissensions civiles. Charles IX, Cathe- rine, répondirent d’abord avec une égale bienveil- lance aux deux partis; mais à mesure qu’ils avan- caient, il était facile de reconnaître les sensibles modifications qui s’opéraient dans leur conduite encore plus que dans leur langage.—Souvent des huguenots étaient insultés en présence du cortége royal, quelques-uns même furent massacrés (2). (1) Lacretelle, #, Ir, page 163 (Règne de Charles IX). (2) Idem, ( 389 ) Si la reine n'avait ainsi cherché pour règle que l'opinion publique, on comprendrait sa facon d'agir sans la blâmer. Il eût été sage en effet, de déterminer, jusqu’à une certaine mesure, la poli- tique gouvernementale sur l'expression la plus complète des sentimens nationaux (1), Mais, il faut le dire, ce n’était nullement les mani- festations du pays que Pitalienne cherchait à éludier , et son voyage ne le fit que trop connaitre. — Dans ses courses, qu'elle aimait principalement à diriger sur les frontières, elle s’entretint tour-à-tour avec le duc de Lorraine, le duc de Savoie, le vice-légat d'Avignon et surtout avec le duc d’Albe. C’est à Bayonne , où était venue de son côté la reine d'Espagne, la belle Eli- sabeth de France, sa fille, qu’eurent lieu les con- férences avec le perfide ministre de Philippell.—Le duc était le plus violent persécuteur de la réforme. « Que faites-vous de ces chefs rebelles, disait-1l, » frappez, exterminez-les tous... Une tête de sau- » mon vaut mieux que dix mille grenouilles. » Ce grossier propos fit une si profonde impression sur Pesprit du jeune roi, que dans le cours de son voyage il ne cessa de le répéter (2). — Dès (1) Le nombre des huguenots déclarés pouvait être environ : de 15 à 16 cent mille, à peu près le 10° de la population de celte époque. (2) Ce mot fit une forte impression sur le jeane roi; il le ( 390 ) cet instant les calvinistes se tinrent sur leurs gardes. Condé et Coligny se préparèrent à la plus énergique résistance. Leurs émissaires parcou- raient la France, racontant partoutles persécutions incessantes dont les réformés se plaignaient chaque jour d’être victimes, — Les villes méridionales, médiocrement touchées du passage de la cour et qui, du reste, avaient bien pu par elles-mêmes apprécier la bonne foidu souverain , furent les pre- mières à accueillir les nouveaux projets d’insur- rection. Montauban , Nimes, Montpellier, Castres, Piviers, Tournon, Saint-Pons, Anduse, Usez, Bagnols, le Pont-Saint-Esprit, elc., prirent les armes etse mirent à guerroyer, chaque ville dans sa sphère, attendant un prétexte pour marcher ensemble contre l'ennemi commun. Pendant ce temps, le Velay demeura assez pai- sible.—Au Puy, satisfaction avait été donnée aux religionnaires, et par la condamnation d’Arnaud, et par une apparente tolérance qui permettait l'exercice public du nouveau culte.—A Sarnr-Voy DE Bons, ainsi que dans les autres petits endroits du pays, du côté du Vivarais, soit respect pour répéta dans le cours de son voyage, avec une indiscrétion qui inquiéta sa mère, (Lacretelle, livre VI, tome II.) ( 391) l'édit, soit plutôt indifférence pour quelques poignées d'hommes perdus dans les montagnes, il n’y eut aucune démonstration. Les catholiques Vélauniens se contentèrent seulement de déployer sur leur territoire une puissance défensive. Ils réparaient leurs murailles, bâtissaient des tours, coulaient des canons, fortifiaient leurs châteaux (1). (1)... Ce mesme an fust édiffiée une tour aulieu où sou- loit avoir le bordeau auprès du Portalet; en laquelle tour sont engravées les armoiries du roy à or et azur, et celles de la ville. Estant les fondemens, de quatre grands pas de la mesure de moy, Jean Burel. Chacun des habitans fut cottisé en ma- nœuvre, selon sa faculté; moy, Burel, fus cottisé en cinq manœuvres. — Mesme an, Monseigneur de Rochebonne, pour lors gouverneur du Puy, fist faire unpont-levis etune tranchée en Corneille, pour la sûreté de la ville. On y travailloit les fêtes de Nohé et dimanches. (Manuscrit original de JEAN BUREL, tome 1, pages 77-78.) … L’évèque du Puy proposa aux états du Velay de lever et entretenir 200 arquebusiers à cheval et Goo hommes à pied pour être mis en garnison dans les villes et châteaux forts du pays; et pour cela d'imposer la somme de 12 à 13,000 livres. — ll ajouta que ces gens de guerre avraient principalement pour objet de s’opposer à la marche des ennemis, s’ayancant da Gévaudan, au nombre de 6 à 7,000 hommes, tant à pied qu’à cheval, ainsi que de fortifier les villes circonvoisines de Saint-Agrève en Vivarais, vers les frontières du Velay, villes occupées par les ennemis du roi, d’où ils menaçaient de ruiner Pssingeaux, Tence, le Monastier, etc. (ARNAUD, histoire du Velay, livre 1V, page 346.) ( 392 ) L'invasion des Pays-Bas par les Espagnols parut aux protestans français une occasion favorable ; ils la saisirent (1).— Le gant fut jeté par eux, le 10 novembre 1567, près de Sanr-DEnis; et celte bataille, dont le succès fut balancé entre les deux partis, amena, le 2 mars 1568, l’es- pèce de paix signée à Lonjumeau, qu'on appela bofleuse et mal assise (2). Pendant cette paix qui ne fut en réalité qu’une trève, de part et d'autre loin de déposer les armes on continua à faire des levées de troupes et d'argent. Les catholiques étaient indignés de l'audace de leurs ennemis.—Ceux du Velay surtout, quiétaient demeurés fidèles au traité, ne purent pardonner LATE ARRIVER PRE IRD DOI TPS RD NP (1) Dans un conseil où siégeait le prince de Condé, il avait été décidé qu’on ne permettrait pas le passage sur le territoire français. Sous ce prétexte, le gouvernement leva des troupes nouvelles et fit venir 6000 Suissess Coligny fut trompé lui- même par l’apparente disposition que montrait le roi à rompre avec l'Espagne... Cependant, lorsque les Espagnols se présen- tèrent pour entrer en France par la Bourgogne, loin de ren- contrer aucun obstacle, ils furent recus avec le plus vif empres- sement. La fureur des deux chefs, Condé et Coligny, fut extrême, quand ils virent à quel point le gouvernement les avait joué. — Ils résolurent de dissimuler à leur tour. (3) Ainsi nommée, parce qu’elle fut signée par le seigneur de Malassise et le boiteux duc de Biron; et qu’en effet, comme toujours, on en revenait à réclamer et à promettre sans bonne foi l’exécution de l’édit de 1562. ( 395) cette dernière insurrection. Aussi, par repré- sailles, sur le plus léger prétexte, le sénéchal et les consuls du Puy ayant prétendu qu’une conju- ration venait deleur être dénoncée, firent immédia- tementarrêter tous les religionnaires de la ville(1). A quelque.temps de là, un certain Terrisse, huguenot du Puy, eut une querelle avec Chabanne, catholique, et le blessa assez griève- ment. Alors arriva le même incident que pour Jacques Guitard. Voici de quelle manière le rap- porte Burel, qui en fut témoin : « .., Ce fust la » cause que le peuple commenca à murmurer et » às'irriter contre luy, de sorte qu’ilsavaientlevé » les armes. Ce qui donna moyen à Monseigneur » le sénéchal de venir à l’ouvroir de Terrisse, la » main armée, etdele prendre prisonnier. Il trouva » Terrisse déjàlacorde au col et il l’ôtadela fureur » du peuple quile vouloit tuer. — Les huguenots » estoient retirés aux fauxbourgs, et les enfans (1) si Semblablement, audict an, pour ce que le gouverneur et consuls furent adyertis que les huguenots de la ville ayoient conspiré trahison. Pour y obvier, tous les huguenots furent mis en prison dans la maison d’un chanoine, au-deyant l’église Saint-Pierre-le-Vieulx, ou estoient gardés par des gardes expres- sement. Et toutes leurs armes trouvées en leurs logis furent mises et serrées dans la maison de ville. — Toutefois, on n’a moyen de pouvoir nommer lesdicts hugnenots, causant le grand nombre qu'ils étoient, (Manuscrit de BUREL.) ( 394 ) » les y allèrent reconnoitre. Lors, fut tué un chi- » rurgien d’un coup d’arquebuse , au moment où » ilcherchoit à se garantiraux fialadours et jardins » de St-Gilles. Les autres se prosternoient par les » fenestres des maisons. Comme il estoit heure » tarde, on ne les inquiéta pas davantage ; cepen- » dant, ceux qui se retiroient dans la ville » laissoient les armes à la porte. — Plus tard » » information fut faite par autorité de justice et » partie des rebelles fugitifs condamnés, puis exé- » cutés en effigie. » Les calvinistes du royaume avaient choisi la ville de la Rochelle pour leur quartier général. Là, se réunirent Condé, échappé par miracle aux ardentes poursuites de Vicilleville, de Montluc et de Tavannes; d'Andelof, que la reine-mère n'avait cessé d’environner de piéges et qui n’était pas arrivé sans dangers, non plus que les trois mille Bretons armés dans son gouvernement; Jeanne d'Albret, que Catherine appelait auprès d’elle pour lui faire de la cour une éternelle prison; Henri, son fils, âgé de quinze ans à peine qui, dans une marche périlleuse de près de vingt jours et à la tête de quatre mille soldats, venait de faire replier les postes du terrible Montluc.—En voyant arriver à travers tant d'obstacles ces nobles com- pagnons, Coligny s’écria comme Thémistocle : Nous périssions, amis, si nous n’eussions élé perdus ! — Ce ne fut que vers la fin de lannée ( 395 ) qu'ils se mirent de nouveau en campagne , sans s'inquiéter du traité qui du reste était récipro- quement violé par la cour et les parlemens. — Les deux armées étaient à peu près égales ennombreet s'étaient donné pour champ de guerre lAunis , la Saintonge, l’Angoumois, la Bretagne et le Poitou. Les rigueurs de la température suspen- dirent momentanément les hostilités; quand elles se rouvrirent, l’armée huguenote, mal soldée, se trouva amoindrie de plus d’un tiers, — Les royaux saisirent adroitement cette circonstance et Île 19 mars 1569, livrèrent et gagnèrent la BATAILLE DE Jarwac; bataille dans laquelle succomba en héros le prince de Condé à). « C'est pour célébrer cet événement que, » dit Burel, il fut fait une honorable procession » par la ville du Puy, les portes fermées, les » cloches sonnant, tout le peuple étant en grande (1) Epuisé de fatigue, froissé, meurtri, il voit fuir en désor- dre ce qui reste de sa tronpe. — Il se soulève, apercoit dans les rangs ennemis d’Argence , qui a servi autrefois sous ses ordres ; il l’appelle, tire la visière de son casque et lui présente son gantelet gauche comme gage desa foi. D’Argence l’accepte, jure au prince de défendre sa vie et le conduit sous un arbre pour le faire respirer; mais l’ordre avait été donné de tuer le chef des huguenots partout où on le rencontrerait. Montesquiou, capitaine des gardes du duc d'Anjou, accourt, reconnait le prince de Condé: Tue! tue/ s'écria-t-il, et lui cassa la tête d’un coup de pistolet. (Lacretelle, livre vt, page 224, tome 11.) ( 396 ) » réjouissance, Le lendemain on allumaun énorme feu de joie sur la place du Martouret et on » chanta un retour pour les ames des pauvres gens décédés dans ce combat (1) » Coligny vint mettre le siége devant Poitiers. Il s’imaginait qu'il lui serait facile de s'emparer de cette ville; ses espérances furent loin de se réa- liser. Pour la première fois il se trouvait en face du duc de Guise, héritier du haut renom de son illustre père , et eut à lutter, non-seule- ment contre ce vindicatif adversaire (2), mais encore contre une épidémie violente qui décima ou dispersa une partie de ses troupes (3). — Il ss NI % ÿ (1) Au mesme an, le jour desaint Barthelemy, M. de Roche- bonne, gouverneur, fist assembler les gens au Puy pour aller reprendre Bonnefoy, Fayt, Saint- Agrève; ce qu'il fist. Ayant faict battre le tambour , tellement fust accompaigné de ceux de la ville qu’enfinils chassèrent l’ennemy,qu’estoit dans Bonnefoy, tuèrent trente de ceux qui estoient de la compaignie du capi- taine Charreyre, sans y perdre de leur côté qu'un beau-fils de Tempère, blanchier du Puy. (Mauuscrit de BUREL.) (2) Henri de Guise avait voué unehaïne implacable à Coligny, parce qu’il pensait que c'était lui qui avait fait assassiner son père. Ce soupeon injuste était devenu une certitude pour lui, grâce aux perfides manœuvres de Catherine de Médicis, dont la machiayélique devise était : Diviser pour ré gaer. (3) Les reitres (troupes allemandes à gages) qui, depuis ( 397 ) fallut alors songer à la retraite; l'amiral y avisa. — L’ennemi, deson côté, sut profiter du moment; et comme à Jarnac, provoqua une action dans la vaste plaine de Monconrour, où, le 3 novem- bre de la même année, les catholiques rempor- tèrent une éclatante victoire. Les huguenots dispersés, ne perdirent cepen- dant pas courage; tous gagnèrent Montauban. De nombreux secours les y rejoignirent, et en peu de temps leur permirent de se rendre maîtres d’une grande quantité de places importantes, entr'autres, de St-Jean-d’Angély , devant laquelle le frère du roi lui-même fut obligé de capituler. C’est à cette époque qu’il faut placer une san- glante exécution ordonnée au Puy par Roche- bonne, sénéchal-gouverneur.—Douze jeunes mar- chands de la ville de Crest, accusés de venir du camp et convaincus de porter les armes pour le triomphe de l’hérésie, furent pendus et étranglés, la nuit, à la lueur des torches, sur la place du Martouret , devant un peuple immense « qui » trouva, dit Burel, la chose fort lamentable, » fort scandaleuse et qui n’en fut témoin qu'avec » grands pleurs et lamentations, » Après l'hiver, Coligny, accompagné du jeune quelques mois, ne touchaient plus de solde, se mutinaient et menacaient Coligny de passer chez les catholiques. ( 398 ) Henri de Bourbon et du fils de Condé, traversa l’Agenois, franchit les Cévennes se dirigeant sur Paris, tandis que les royaux, commandés par le maréchal de Cossé, s’avancaient contre eux.—Les deux armées se rencontrèrent auprès D’ARNAY-LE- Duc, au mois d’août 1570; mais cette fois les cal- vinistes restèrent victorieux et, ce qui est bien plus remarquable, furent les premiers à tendre la main. Coligny voulait, dans cette circonstance, donner une haute lecon à ses deux élèves. Il le fit avec la grandeur d’ame qu’on devait attendre d’un héros tel que lui. Toutefois, ce fut lui qui dicta les conditions de cette troisième paix dont les principales clauses , formulées en édit royal, garantissaient : Amnistie générale aux réformés , liberté de conscience, exercice public du calvi- nisme dans toutes les villes où il était établi, révocation de toute sentence criminelle pour cause d'opinion, etc. $. XVI. CHARLES IX — COLIGNY, De 1970 à 1572. Les choses changèrent tout-à-coup de face. — L’amiral, séduit par les plus généreuses promesses, ( 399 ) consentit à paraître à la cour. Il devait naturelle- ment s'attendre à trouver des visages mécontens, il fut au contraire recu par la famille royale et les courtisans avec les témoignages de la plus vive affection. Tout semblait devancer ses désirs; hon- neurs, fortune, dignités. Le roi surtout le combla de soins et de caresses. Et d’abord, il lui fit remettre un cadeau de 50,000 livres pour couvrir les pertes qu'il avait pu éprouver pendant les guerres civiles; puis fit restituer les biens con- fisqués du cardinal de Châtillon , son frère; ensuite lPappela, lui et les siens, dans les plus intimes conseils et ne voulut plus rien entreprendre sans Pavoir préalablement entendu. Par rapport à lui, dans plusieurs occasions, Charles laissa même voir une partialité extrême envers les gentils- hommes protestans. Il ne cessait de répéter à son cher amiral que c'était entr’eux une éternelle alliance, et que rien ne lui coûterait désormais pour pacifier le royaume. Comme gage de sa foi, pour que personne ne püt douter de sa parole, ce roi si loyal fit annoncer le mariage de sa sœur, Madame Marguerite de Valois, avec lejeune prince calviniste, Henri de Béarn; il fit plus encore, il eut le courage de répondre à ceux qui lui pré- sentaient quelques objections, qu'il saurait braver les foudres ultramontaines et que, s’il le fallait, cetteunion se ferait sans les dispenses pontficales. — Enfin, Coligny parut en toutes choses prendre ( 400 ) sur l'esprit du souverain un crédit si considérable, que plusieurs catholiques jaloux s’éloignèrent de la cour. — Le traité avec la reine d'Angleterre venait d'être signé à Blois, desnégociations étaient ouvertes âvec les princes protestans de lAlle- magne , des levées d'hommes étaient commencées dans plusieurs provinces pour secourir les Pays- Bas, on équipait une flotte, le duc d’Albe, jadis influent, n’était plus écouté, ct l’on ne parlait plus que de reprendre la Navarresur les Espagnols pour en faire l’apanage royal du fils de Jeanne d’Albret. Cependant, toute cette faveur, toutes ces pro- messes,toutes ces protestations solennelles n'étaient que mensonge, hypocrisie: car Charles IX était le plus fourbe des hommes... Digne fils de Cathe- rine, pas une goutte du sang généreux de son aïeul ne coulait dans ses veines. Âu moment où, par un honteux calcul, il s’emportait dans son conseil et contre le pape et contre Philippe IF, ül disait en secret au cardinal légat : & Plût à Dieu que je pusse tout vous révéler... Mais, croyez-en ma parole, avant peu, le saint père lui-même sera obligé de louer mes desseins, ma piété et mon ardeur pour la religion (1). » En même temps, (a) Davila, — Capo Eupi. — Jérôme Catena (Vie du pape Pie V). Mezerai. = De Thou, — Mémoires de l'Etoile, (401) il faisait sous main donner avis à l'Espagne des entreprises que ses sujets se proposaient de ten- ter, par ses ordres, sur les Pays-Bas; et Coligny dont il serrait la main si tendrement était l’homme qu'il détestait le plus au monde, — Son but, l’im- pitoyable extermination de la secte maudite, n'avait pas un seul instant varié; seulement il voulut essayer par une lâche perfidie ce qu'il n’avait pu obtenir par la persuasion ni par la force. Le conseil donné à Bayonne n'était pas sorti de sa mémoire; mais depuis lors, lélève avait passé le maître dans l’art machiavélique. $. XVII. LA SAINT-BARTHBLENT, 24 août 1572. Le mariage du béarnais avait été retardé par la mort soudaine, quelques-uns disent, par l’'empoi- sonnement de Jeanne d’Albret. — Enfin, il fut célébré avec le plus grand éclat, à Notre-Dame, sous les drapeaux réunis de Jarnac et de Mon- contour, le 18 août 1572. — Le 19, on dansa toute la journée chez le duc d'Anjou. — Le 20, les fêtes se continuèrent encore, — Le 21, ven- dredi, dès le matin, le roi entretint long-temps 20 ( 402 ) Pamiral, puis s’en alla jouer à la paume avec Henri de Guise. Au moment où Coligny rentrait chez lui, à pied, passant devant le cloître Saint- Germain-l’Auxerrois, il fut blessé d’un coup d’ar- quebuse qu’un certain Maurevel lui tira par une fenêtre. Ce Maurevel était un agent du duc de Guise, implacable ennemi de l’amiral. Le duc, de son côté, n’agissait que par linstigalion du roi dont la pensée était de se défaire de ces deux seigneurs, Pun par l’autre.— Dès que cette triste nouvelle se fut répandue, Charles IX, sa mère et toute la cour, s’empressèrent autour du lit de l'amiral, Armé d’une dissimulation que l'enfer Jui soufflait, dit un auteur moderne (1), le roi se montra dans tous ses mouvemens, dans toutes ses paroles, comme le fils le plus tendre de celui qu’il allait faire assassiner une seconde fois. — Je punirai cet altentat, s’écria-t-il, aucun coupable ne méchappera; je les frapperai, fussent-ils de mon sang. O mon père | la blessure est pour vous et la douleur pour moi... Il se retira en le recommandant aux soins de son propre chirurgien, Ambroise Paré.—Le 22, le parlement commencait des informations sur l’assassinat de Coligny. — Le 23, tandis que les protestans se reposaient sur la tendresse filiale de Charles IX, il tenait conseil (1) Lacretelle ( règne de Charles IX ). ( 405) dans son Louvre avec ses favoris Tavanes, Gondi, Nevers , Montpensier , Anjou , Angoulême et Birague; Guise, dont il voulait se servir pour l'immoler ensuite, avait aussi été appelé. On dé- cida un massacre général; deux personnes furent seules exceptées, à la condition toutefois qu’elles abjuréraient, le roi de Navarre et Condé. Toutes les autres furent condamnées sans miséricorde. — Pendant la nuit du 24, les ordres furent distribués dans tous Îes quartiers de la capitale. Catherine vint elle-même dire à son fils : 7] faut que le signal réponde à Fhorloge qui va sonner minuit. — Eh bien! répondit-il, qu'on coure à Saint-Germain ; j'ai besoin de sortir de l’état où je suis. Le tocsin se fait entendre ; anssitôt Guise s’élance chez l'amiral. Cependant , il n'ose monter. Il attend dans la cour et envoie un de ses gens.Celui- ci entre et dit : — Æst-ce toi, Coligny ? — C’est moi-méme, jeune homme. Tu devrais respecter mes cheveux blancs ; mais obéis à ton maître, tu nepourras accourcir ma vie que de quelques jours... Et il est frappé de deux coups, au visage et dans le cœur, — Est-ce fini ? cria le duc.—J! est mort.— Eh bien! fais-nous le voir ! — Le corps de Coligny est jeté par la fenêtre. Guise, pour le reconnaitre, a besoin d’essuyer le sang dont le visage est cou- vert. Quand il est sûr du crime, il fait couper la tête qu'il envoie à la reine, et le corps est traîné par la populace aux fourches patibulaires de ( 404 ) Montfaucon. C’est là que le roi lui rendit sa der- nière visite, en disant: Le cadavre d’un ennemi sent toujours bon ; que je le vote! Toutes les cloches sonnaient, la ville entière était en émoi. Les catholiques, des torches , des poignards à la main, un chapelet, des scapulaires au cou, une croix blanche sur le chapeau, par- couraient les rues, entraient dans les maisons, égorgeaient sans pitié femmes, enfans et vieillards. —Les plus illustres gentilshommes , ceux qui pas- saient pour les amis du roi ne furent pas épargnés; Meligni, le comte de la Rochefoucault, Soubise, Pluviant, Crussol, Mortemart, Rouvrai, Clermont de Piles, Guerchi, Lavardin, le vieux Biron, Cau- mont-Laforce, furent égorgés à-la-fois : le Louvre même ne put servir de lieu d'asile. Sous les yeux des princesses, on poignardait leurs officiers, leurs amans., On dit que, dans le carnage qui dura trois jours, artistes, savans, prêtres, soldats, mar- chands, magistrats, profitèrent du désordre pour aller égorger leurs rivaux (1). — Plus de douze cents gentilshommes, plus de cinquante mille Français périrent dans cette terrible catastrophe. (1) Lacretelle (Hist. de Charles IX). (406 1) S. XVIIT. ANTOINE ET MAGDELEINE DE SAINT-NECTAIRE, Des ordres avaient été expédiés dans les pro- vinces pour lextermination générale des hugue- nots; et ces ordres furent inexorablement exé- cutés à Bourges, Meaux, Orléans, Rouen, Bor- deaux, Castres, Toulouse, à Lyon surtout où, dit un historien, on ne pouvait plus boire les eaux putrides et ensanglantées du Rhône. Cependant :ïl restait encore chez les catho- liques quelques esprits éclairés qui surent se défendre du fanatisme de la cour et concilier les soins de leur honneur avec ceux de leur cons- cience. — La famille des Montmorency , avant toutes, s’illustra dans ces périlleuses circonstances par sa conduite généreuse autant qu'évangélique. — Le comte d’Orthe, conimandant à Bayonne, répondit au roi :« Sire, je n'ai que de bons » eitoyens et de braves soldats, mais pas un bour- » reau. C'est pourquoi, eux et moi, supplions » votre majesté de ne vouloir employer nos bras » qu'en choses faisables...…, » Quelques jours après, Orthe étail empoisonné. — Le comte de Tende, commandant en Provence, tint le même (406 ) langage et subit le même sort, — Le comte de Gordes en Dauphiné , Chabot-Charni en Bour- gogne, Saint-Hérem en Auvergne, la Guiche dans le Mâconnais, Jean Hennuyer, évêque de Lisieux, qui s'étaient dans les combats montrés défenseurs ardens de la foi, refusèrent avec courage le rôle odieux qu'on voulait leur imposer. Quand Monseigneur du Puy, Antoine de Saint- Nectaire, recut le fatal courrier, son ame s’in- digna d’ur pareil ordre, Il lui était facile plus qu’à tout autre d’anéantir jusqu’au dernier les héré- tiques de son diocèse; mais , noble et belliqueux prélat, il ne voulait vaincre que par sa parole comme pasteur évangélique, que les armes à la main comme tous les braves de son illustre maison. Il avait déjà fait preuve de zèle, je dirai même de rigueur pour le service de sa cause, toutefois loyalement, courageusement, aux risques de sa vie. On se souvenait encore au Mézenc de l’'hé- roïque délivrance du monastère (1), et nos mon- (1) Le sénéchal de Rochebonne et l’évêque Antoine de Saint- Nectaire se portèrent, en.1569, sur la chartreuse de Bonnefoy, dont s’étaient emparés les religionnaires et où ils avaient fait mourir le prieur, avec trois religieux. — Le couvent fut repris et la garnison passée au fil de l’épée. DERIBIER DE CHEIssAC (Statistique da département de la Haute-Loire). (407) tagnards, surpris de voir une cuirasse d'acier si bien couvrir la poitrine d’un prêtre, ne tar- dérent pas à dire, qu'une fois sorti du fourreau le glaive épiscopal était plus redoutable que celui des plus hardis chevaliers, Saint-Nectaire avait, en effet, une de ces na- tures qui joignent à l'énergie de la volonté l'intel- ligence et le courage nécessaires pour la faire triompher. Avant que d'arrêter une résolution, il avait examiné prudemment quel bénéfice pouvait en retirer sa cause, quelle gloire devait en réjaillir sur son nom, Rarement 1l prenait l'initiative , sou- vent au contraire il chercha à modérer la trop irascible impatience de ses amis; mais, dès qu'il avait recu quelque offense, dès qu’un imprudent adversaire s'était avancé trop près une arme à Ja main, alors nul homme de guerre ne se montrait plus résolu, plus vaillant, plus implacable. A son caractère martial, à son dévouement religieux et chevaleresque pour ses opinions, aussi à la noblesse de son maintien, à la beauté de son visage, il était facile de reconnaître en lui le frère de Magdeleine de Saint-Nectaire, la char- mante héroïne, la nouvelle Clorinde, comme l'appelle un gracieuxécrivain , son compatriote (1). (1) Précis de M. Chasteau-Dubreuil, membre de la société académique de Clermont-Ferrand, sur les guerres religieuses en Auvergne. ( 408 ) Pourtant , quelles destinées différentes l'un et l'autre accomplissaient en ce monde !.. | MAGDELEINE, mariée au seigneur Guy de Mire- mont, resta veuve de bonne heure. Elle était riche, belle, jeune, et ce qui la rendait plus charmante encore, c’est qu'il ne se trouvait nulle part de femme plus vertueuse, Aussi, les adorateurs se pressèrent-ils bientôt autour d’elle. — Za fière amazone , ainsi qu'on l'avait surnommée , repoussa tous les hommages. Eprise de je ne sais quel vif cuthousiasme pour la liberté, son esprit séduit . par la réforme, ou plutôt son ame, émue par le spectacie des malheurs de sa patrie, la détermina à prendre sa part de périls, à servir ses convic- tions avec la force de son bras , et désormais à ne plus aimer que la gloire, Soixante jeunes gentilshommes, bardés de fer et dont l’armure couvrait sans doute des cœurs amoureux, lui servaient de continuelle escorte. Un mot, un seul regard , et la troupe docile s’élancait sans mesurer obstacle. Mais aussi, com- ment ne pas tout oser sous les ordres d’un tel capitaine; quel exploit semble impossible avec de pareils soldats ? — Magdeleine s’était avancée jus- qu'aux portes de Riom et de Clermont, s'était emparée de plusieurs bourgs, de plusieurs chà- teaux et ne craignit même pas de livrer bataille en pleine campagne. Le seigneur de Montal, lieu- ( 409 ) tenant du roi dans la Haute-Auvergne, fut vaincu par elle en diverses rencontres, ce qui plus tard lui revint en mémoirc et le décida à tenter le siége du vieux manoir de Miremont, Mais, dit M’ Chas- teau-Dubreuil : « Montée sur un cheval fougueux » que sa main flatte et maitrise, subjuguant les » cœurs par tous les charmes de l'esprit, de la » jeunesse et de la beauté, Magdeleine transporte » et contient à son gré, selon le besoin de ses » habiles manœuvres, l’ardeur de cette foule de » jeunes guerriers, au noble sang, que l'amour et » la gloire ont, de tous les châteaux voisins, fait » voler sur ses pas. A la dernière de ces sorties » brillantes, où son sang-froid éclate autant que » son audace, la visière de son casque levée, son » fer croise le fer de Montal et Pabat; et, enfin, » après mille prodiges de valeur, après cinquante » jours d'un siége opiniâtre, son glaive disperse » les tentes des catholiques et sauve Miremont, » que neuf cents coups de canon ont vainement » foudroyé. Au bruit du vaillant fait d'armes de » cette nouvelle Clorinde, car on se croirait au » plus beau temps de la chevalerie , entre saint » gris, s’écria Henri de Navarre qui se connaissait » en gloire, si je n’élais pas roi, je voudrais étre » Magdeleine de St-Nectaire ! » ANTOINE, son frère , s'était voué à l’église dès son jeune âge, Fidèle à ses premiers sermens, (40) il aimait cette fille du Christ, et son amour pour elle grandissait de toutes les persécu- tions du siècle. — Cadet de noble famille, sans doute qu’il était entré dans les ordres, comme tant d’autres, suivant l'usage ; mais quand l’hérésie vint attaquer celle qui, en lui mettant au doigt l’anneau d’or, l’avait pris pour époux, son honneur de gentilhomme peut-être autant que sa foi de chrétien , éveilla en son cœur un jaloux orgueil. Il voyait le trône pontifical ébranlé, les positions ecclésiastiques compromises, la voix des conciles méconnue, le culte proscrit. Tous ces intérêts réunis ranimèrent encore sa ferveur et son courage. Il se fit deux cuirasses; une de bronze pour préserver son corps des balles, une d’in- flexibles croyances pour sauver son ame et l’aguer- rir contre les séductions périlleuses de lhérésie. C'est avec celte double défense qu’il s’avanca contre ses ennemis. Il marchait le premier et dépassait les plus grands de sa troupe de toute la hauteur de la tête. Monté sur une mule caparaconnée , on aurait pris pour un des vieux chevaliers du temps de Charles VI. Son armure noire lui faisait au premier abord un aspect sinistre; mais la riche croix d’or qui pendait sur sa poitrine, les cinq fuseaux d'argent sur fond d'azur qui blasonnaient son manteau, le magnifique panache écarlate qui se balancait sur son cimier et surtout sa figure (4) vermeille , sa barbe blonde, ses yeux bleus, les plus beaux qu’on pût voir, donnaient à sa personne un air doux et grave à la fois. Il était d’une force herculéenne et pendant la bataille portait tou- jours sur l'épaule une énorme massue. Un histo- rien prétend qu'il ne se servait que de cette arme; car, dit-il, Nectaire avait horreur du sang.—Ce fait n’est point exact, bien s’en faut, Plus tard, nous retrouverons le preux évêque la hache au poing, les pistolets à la ceinture, ne craignant guère de purifier l'hérésie par un baptême sanglant. Je lai dit : personne n’était plus impitoyable que Monseigneur du Puy, quand il avait en face un rebelle les armes à la main; cependant, le jour où ses ennemis lui furent livrés à merci, au lieu de les exterminer il les assembla tous dans la grande salle de son palais et, à l'exemple de Sigognes, gouverneur de Dieppe, leur tint sem- blable discours : « Messieurs, cet ordre ne peut regarder que » des calvinistes rebelles et séditieux; mais, » grâce à l'Eternel, il n’en reste plus ici. Nous » Jisons dans l'Evangile , que lamour de Dicu et » celui du prochain doivent être, pour les chré- » tiens, la loi et les prophètes : profitons de cette » lecon qui nous est donnée par Jésus-Christ Ini- » même. Enfans du même Dieu, vivons en frères » et ayons les uns pour les autres la charité du » Samaritain. Tels sont mes sentimens; j'espère (412) » que vous les partagerez; ce sont eux qui m'ont » persuadé qu’il n’y avait dans cette ville aucun » citoyen qui füt indigne de vivre (1). » Touchésde ces paroleset convaincus des volontés du roi, les huguenots, dit Burel , firent confession de foi, protestèrent de vivre et de mourir dans la religion chrétienne , catholique , apostolique, romaine ,etfirent leurs pâques le dimanche après. 2290 SXIX. UNE MENSE A FAY-LE-FROID, 1575. Montmorency-Damville, gouverneur du Lan- guedoc, écrivit à l’évêque du Puy pour le compli- menter sur son habile conduite et pour lui confier (1) Ce discours est celui tenu par le gouverneur de Dieppe, en présence des calvinistes assemblés à l’Hôtel-de-Ville. Si je l'ai mis dans la bouche de l’évêque da Puy, c'est que Les cir- constances, les résultats furent les mêmes — Cependant les paroles d'Antoine de Saint-Nectaire durent avoir uu caractère plus impérieux, plus précis, à en juger par la prompte soumis- sion des religionnaires. Toutefois, il faut le dire à l'éloge de cel évêque, ami de Saïnt-Hérem, les massacres de la saint Barthelemi furent par lui et les siens énergiquement blämés. (4153) une seconde fois le commandement du Velay, en remplacement de Maubourg ; démissionnaire. Saint-Nectaire accepta sans hésiter ; mais, trompé par une soumission qui ne pouvait être sincère puisqu'elle n'avait point été libre, il vit bientôt les principales places de son diocèse envahies par les calvinistes. En vain M'le sénéchal fit-il publier les ordonnances qui enjoignaient à tout citoyen d'aller à la messe et de suspendre les prêches, en vain commanda-t-on aux officiers royaux de procéder à la confiscation des biens appartenant aux hérétiques; en quelques mois, Tence, Saint- Quentin, Monas, Saint-Voy, Adiac, Chapteuil, Espaly, Montgiraud , Saint-Pal-de-Mons , Bessa- morel, Bellecombe, etc., servirent de retraite aux religionnaires. I n’y avait pas un instant à perdre. L’évêque- gouverneur convoqua dans son palais les prinei- paux gentilshommes dela province et leur exposa avec véhémence les périls de la situation. Il pré- chait en tracant des plans de bataille. — Tous, excités par ses paroles ardentes, saisirent les armes; et chacun, à la tête d’une petite armée , s’en alla, qui à Montgiraud, qui à Chapteuil, qui à Saint-Pal. Saint-Nectaire ne choisit pas pour sa part la plus facile expédition; il prit la route de Fay-le- Froid, suivi de quatre à cinq cents hommes au plus, — Quoique ce château fut en dehors du (414) Velay, le prélat ne se fit aucun scrupule de venir l'assiéger, et en cela il usait du droit de légitimes représailles. Il mit tant de promptitude dans sa marche, surtout tant de discrétion, que les reli- gionnaires ne connurent son projet que lorsqu'ils le virent battre en brèche leurs murailles. L'attaque fut aussi vigoureuse que décisive. L’évêque avait eu le soin de fournir d'excellentes arquebuses à sa troupe, et lui-même, flanqué de de deux canons chargés à mitrailles, commandait le feu, dit la chronique, comme s'il eût fail ce métier toule sa vie, La place ne put opposer une longue résistance; Monseigneur, victorieux, entra dans le château aux acclamations des soldats surpris de rencontrer tant de vaillance chez un prêtre, ct des catho- liques de l'endroit qui vinrent se jeter à genoux sur son passage en criant: Noel! — Il se fit con- duire immédiatement les chefs des rebelles, et sans prendre la peine de descendre de cheval: « Ne vous souvient-il plus de moi, cria-t-il » afin que tous pussent l'entendre, je croyais » pourtant vous avoir déjà donné non loin d'ici » une lecon suffisante?.. Impies, pensiez-vous que » Je ne vous atteindrais pas et que je ne saurais » trouver le chemin de ces montagnes? MNovit » Dominus viam justorum ef iler impiorum » peribit (1). Vous avez fatigué la clémence du ee mr rer metre eee entente (1) Psaume 1 , verset 6. (415) » ciel, vous avez épuisé celle des hommes ; il-est » temps enfin que mon troupeau sé repose dans » un bercail pacifique, Pour lui, je conserve ma » houlette pastorale, mais pour les loups affamés, » qu'ils prient Dieu maintenant, car je suis sans » pitié! — Allons, Messieurs, ajouta-t-il en se .» tournant vers les chanoines de sa suite, pré- » parez tout pour le divin office et hâtons-nous, » on nous attend ailleurs. » A ces mots, Saint-Nectaire descendit de cheval, revêtit les habits pontificaux, s’avanca solennelle- ment vers l’autel de pierre dressé au milieu de la place du village et y déposa ses pistolets, son épée et sa lourde massue. Les canons sonnèrent le premier coup, puis une décharge générale annonca à toute la populace que la messe com- mencait. Les captifs tremblans tombèrent à genoux. Dominés par la majesté plus encore que par la terreur de ce redoutable spectacle, ils se frappaient la poitrine et demandaient pardon. Alors, Mon- seigneur célébra le saint sacrifice, protégé par une triple haie de soldats qui tous tenaient en main leur arquebuse, mèche allumée. Après la messe, une seconde salve d'artillerie vint donner le signal lugubre. L’évêque entonna le chant de la victoire (1) et les exécuteurs furent (1) Psaume 1x. (#6) pendre aux fourches patibulaires les principaux chefs ennemis. « Quelle scène lamentable, dit le » vieux manuscrit qui nous fournit ces détails, » les pauvres femmes pleuraient, s’arrachaient » les cheveux , demandaient grâce pour leur » époux, leurs frères, leurs amis; mais Mon- » seigneur de Saint-Nectaire ne les regardait » même pas... » Quand les suppliciés eurent rendu le dernier soupir, les troupes épiscopales se saisirent des prisonniers, leur lièrent les mains derrière le dos et, les chassant devant eux comme le bétail de la montagne, les emmenèrent au Puy de cette sorte. Ils les insultaient, les frappaient tout le long du chemin, tandis que le prélat devisait en riant avec les gentilshommes, etles prêtres chan- taient le psaume du roi-prophète : & — Il se tient aux embüches dans des villages, » il tue linnocent dans des lieux cachés, ses » yeux épient le troupeau des désolés, etc. » or eu MEME Se LE CHATELAIN DE SAINT-VIDAL, La croisade prêchée dans le palais épiscopal , il y a quelques jours à peine, venait de rallier tous (17) les genlilshommes de la province; un d’entr'eux surtout qui depuis long-temps s'était signalé par sa haine contre les religionnaires, se prononca dans cette réunion d’une facon si énergique, offrit ses services avec tant de dévouement, qu'il con- tribua, par son exemple peut-être plus encore que n'avaient pu le faire les paroles de l’évêque, à entraîner ses compagnons. — C'était Messire ANTOINE DE LA Tour, baron de SaAINT-Vipar., Saint-Vidal était le Montluc de ces contrées. Gentilhomme de vieille roche, puisqu'il avait eu des ancêtres qui marchèrent leurs enseignes dé- ployées contre d’Armagnac, il tenait avec toute la rudesse égoïste et l’orgueil montagnard à ce qu'il appelait ses droits. Peu soucieux des intérêts étrangers aux siens, il ne se préoccupa d’abord que médiocrement de ce qui se passait dans le royaume, étant de ces races rustiques et séden- taires qui vivent satisfaites de leur situation et ne demandent qu'à la conserver. Aussi, disait-on, que si jusqu'alors la contrée n'avait été inquiétée par celle ancienne famille, c’est que nul, pas même les Polignac, ces grands déprédateurs, n'avait encore osé la provoquer ouvertement. Toutefois, depuis plus de vingt ans que durait l'agitation autour. de lui, le châtelain de Saint- Vidal avait eu le loisir d'étudier et de comprendre les tendances nationales, Tant qu'il ne s’était agi que de débats religieux, quoique bon catholique, 27 (418) il était demeuré fort insouciant derrière ses cré- naux bien garnis de canons et d’arquebuses; mais à mesure que l'insurrection ou plutôt que la révo- lution prenait un caractère plus libéral , plus directement hostile à la féodalité, on commenca à l'entendre murmurer, rugir sourdement. Comme au lion étendu sous un rayon de soleil, il lui en coûtait de sortir de ce doux nonchaloir qui était sa vie; cependant le jour où les religion- naires vinrents’emparer violemment des châteaux du Velay et en chasser les maitres pour s’y éta- blir en garnison, tout-à-coup, sans qu’encore son nom eût été prononcé, on le vit s’élancer hors de sa tanière en s’écriant, la rage dans la voix et dans les yeux : Malheur à qui me trouble! Saint-Chaumont, Saint-Hérem et lui, les trois protecteurs de la vieille cause, firent bonne garde, Dieu le sait, alors que lignés ensemble ils s'étaient chargés de la défense du pays. Il y a dix ans que nous les avons rencontrés traquant comme des bêtes fauves ces troupes vagabondes qui déso- aient nos provinces, et jamais justice ne fut plus expéditive que la leur, nous l'avons dit. — Depuis ce temps, le calme ayant un peu semblé re- naître dans nos montagnes, notre prévôt était ren- tré chez lui et avait refermé sa porte avec bruta- lité sur les bruyantes clameurs de la politique du siècle. 11 voulait tout oublier, il voulait surtout ne plus rien entendre, et ne demandait pour sa part que le repos de son oisive jeunesse. 2 — pm (#19) Nul, en cffet, n'avait moins d’ambition, ne tenait moins à plaire que le farouche châtelain. Elevé dans la campagne, chassant les sangliers et les loups, il n'avait de compagnie ordinaire que celle de quelques femmes de sa famille timides et dociles, d’un jeune fils presque aussi taciturne que lui, et d’un troupeau de rustres,ses serviteurs, habitués à trembler au premier signe et anxquels du reste il ne faisait presque jamais l'honneur d'adresser la parole. St-Vidal était petit, laid , irascible et fort sou- vent de méchante humeur. Il avait la voix brève, incisive, le propos franc jusqu’à la rudesse, les habi- tudes très-pen courtoises. S'il faut en croire quel- ques peintures et certains manuscrits de Pépoque, malgré la laideur de son visage, lorsqu'un sourire venait parfois l’animer, alors sa physionomie pre- nait aussilôt une expression indéfinissable d’intel- ligence, de finesse, de malice surtout , qu’on ne rencontre guère que chez nos montagnards, esprits plus narquois sous leur simple ct grossière enveloppe , que beaucoup de ceux qui se croient leurs maîtres. — Pendant sa vice entière il porta le même costume ; c'était un maillot collant en tiretaine rouge avec un justau- corps de velours violet, un grand manteau noir et le feutre à large bord, — Son ceinturon, en peau de buïfie, était garni d’un anneau de cuivre pour accrocher son couteau de chasse et d'une poche (420 ) où il fermait son livre d'heures; car il lisait très- religicusement ses offices deux fois le jour. 1] avait aux oreilles des anneaux d’or, se tenait tou- jours la tête rasée, mais en compensation laissait croître outre mesure sa barbe et ses mous- taches rousses. « Par saint Antoine de Viennois! disait-il un jour qu’il giboyait avec Lysias de Maubourg , je donnerais bien trois des bonnes années de ma vie pour tenir au bout de l’arquebuse que voilà, quelques quarterons de ces parpaillots hérétiques, tant seulement le petit Béarnais, le Condillon et ce damné d’amiral. — Vois-tu, camarade, crois- moi, nous n'aurons ni paix, ni trève, que le roi notre sire, n’aie pendu haut et court aux plus belles fourches de son royaume tous ces croquans de la vache à Colas... Qu'ils viennent, qu'ils viennent encore me sortir de mon château, et, jour de Dieu! nous verrons. Ah! mes drôles, vos sousguvenilles ne sont pas assez passementées, vos escarcelles ont les mailles trop larges à ce qu'il me paraît, vous voudriez nos écus d’or et nos pourpoints ?.. Je me ferais plutôt écrouler ma tour de Saint-Vidal sur le corps, que de vous en laisser prendre une pierre, vile canaille….. » Telles étaient encore les opinions du châtelain, le jour où M. de Saint-Nectaire recut sa commis- sion de gouverneur et convoqua la noblesse vella- vienne pour lui soumettre la fâcheuse situation an ten. ur C4) du pays (1). Saint-Vidal, comme nous l'avons vu, ne se rendit pas le dernier à l'appel; cependant l’évêque ne crut pas devoir l’'employer immédia- diatement, il le tenait en réserve, si je puis parler ainsi. Ce ne fut qu'après le retour de Fay, alors que tout glorieux de son succès il montait à Notre- Dame pour chanter un Te Deum, que le prélat apprit subitement l'apparition des huguenots aux portes du Puy. Cette nouvelle consterna les habi- tans de la bonne ville qui ne croyaient pas l'ennemi si voisin; mais la frayeur fut bien plus grande encore lorsqu'ils acquirent la triste certitude qu'Espaly et son châleau étaient au pouvoir des hérétiques. Il n'y avait pas un instant à perdre, aussi l'évêque se hâta-til d'envoyer quérir le seigneur de Saint-Vidal, en lui faisant remettre par Hector de Tourenc, juge à la cour dun séné- chal, la lettre suivante : « Monsieur le baron de Latour-St-Vidal, » I n’est pas que vous sachiez queles hérétiques, » qui s'étaient montrés en armes sur plusieurs Gi) Ce prélat, sur la démission que Latour-Maubourg avait faite de la charge de gouverneur du Velay, avail été nommé au gouvernement de ce pays, par des lettres du maréchal de Damville, données à Montpellier, le 7 décembre 1583. ARNAUD (Histoire du Velay , tome 1°", liv. 1, p. 367.) ÿ » » » » » » » » » » D » » » » » » » » (422 ) points de notre diocèse, occupent depuis plus de vingt-quatre heures la ville et le fort d'Es- paly. Des hommes que notre charité avait épargnés, retournant à leurs damnables pra- tiques, leur ont livré plusieurs de nos places, Déjà les communications sont interceptées par des bandes de pillards. Hier au soir, malgré le vent et la neige, les isliers sont sortis, mais la nuit était si profonde qu'il a bien fallu renon- cer à une attaque; d’ailleurs, les huguenots sont plus nombreux qu’on ne le pensait. Nous avons nos peines pour retenir la jeunesse. Le conseil se réunit souvent, et ne sait quel parti prendre. Ce sera vous, Monsieur le baron de Latour Saint-Vidal, qui le déciderez, Fous connaissent ici votre bravoure, votre habi- leté, moi surtout. Je vous attends donc pro- chainement avecles hommes dont vous pourrez disposer. Dieu aidant et votre bonne épée , nous serons forts. — N'y faites faute. » Salut et bénédiction sur vous. » f ANTOINE, évéque du Puy, gouverneur et comie du Velay. » Le 11 janvier 1574 (1). (1) Cette lettre n’est point écrite telle que nous la donnons ici; si nous n’ayons point été assez heureux pour la reproduire textuellement, la faute en est à l’ancien archivisle, qui se contente d’en faire l’analyse sommaire. _— ——— (425) Dès que Saint-Vidal eut pris lecture de cette icttre, quoiqu'il fut déjà nuit, il assembla aussitôt sa famille. Sa vieille mère , sa femme, ses quatre enfans, ses sœurs ct son frère descendirent dans la grande salle où il les attendait. — Il resta quelques instans sans mot dire, se promenant à grands pas, les yeux sans cesse attachés sur la missive épiscopale. Tous le regardaient avec éton- nement, prévoyant bien qu'il avait quelque triste nouvelle à leur apprendre. Enfin, s’approchant de Francoise d’Albon, it lui dit: « Ma mère, il me » faut partir sans délai; l'ennemi est à nos portes, » Monseigneur m'attend, priez pour moi, adieu; » et il l'embrassa. Il embrassa aussi Claire de Saint- Point sa femme, Francoise de Bellecombe, la dame de la Tourette, Louise de Servissac, Antoi- nette de Roquelaure ses sœurs, Claire de Roche- fort d’Ailly, Marie et Anna, ses filles; et quand il en fut à son fils qui demandait à le suivre, il lui répondit en lui serrant la main : « Non, Gilbert, » non... Votre place est ici, plus périlleuse encore » que la mienne, puisque vous êtes seul pour » défendre ce que nous avons de plus cher au » monde. Bon courage, enfant, et que Dieu vous » garde. » — Ensuite, il prit quelques instans à part Henri de la T'our d’Adiac, son frère, lui donna ses instructions au sujet des levées d'hommes à faire, lui remit son testament, monta à cheval, et sans même se retourner, quoique les larmes ( 424) aux yeux, s’en alla au Puy escorté seulement par M'. de Tourenc et trois ou quatre paysans, ses fidèles vassaux. $. XXI. NIÈGE D'ENPALY, 1574. Depuis déjà plusieurs heures le couvre feu avait sonné; c'était, dit Burel, vers le milieu de la nuit du g au 10 janvier, une bande d'environ cent cinquante religionnaires, qui s’était avancée sans bruit le long des chemins creux, s’introduisit fur- tivement dans le bourg d'Espaly. Presque tous étaient étrangers ct n'auraient certainement pas connu si bien les secrets défilés de nos montagnes, s'ils n’eussent eu pour capitaine un homme du pays, nommé /’idal Guyard, autrefois mercier dans la rue Notre-Dame-des Anges, au Puy. Ce Guyard, comme tous les chefs de partisans à cette époque, était courageux, adroit, surtout d’une audace prodigieuse, — Pour guider ses gens sans coup férir et pour ne pas éveiller les habi- tans, car son but était de prendre sur-le-champ la forteresse , il pénétra dans le bourg par un égoût, s’approcha doucement du factionnaire de (425) la poterne, le frappa d’un coup de poignard , puis courut ouvrir aux religionnaires qui, une fois maîtres de la place, ne tardèrent pas à l'être aussi du château. Aussitôt , les pauvres villageois effrayés s’en vinrent demander du secours au Puy, qui n’est qu’à trois portées d’arquebuse de chez eux, ainsi que chacun sait. — Les ciloyens n'hésitèrent pas, ils prirent spontanément leurs armes et se dispo- sèrent à marcher. Mais St-Nectaire, qu’on s’atten- dait à voir plus furieux que personne, puisque c’était à lui qu'appartenait le château, se montra au contraire d’une merveilleuse prudence. «Qu'allez- » vous faire, Messieurs, dit-il aux consuls qui lui » apportèrent la nouvelle, comment, vous vou- » driez ouvrir vos portes et vous mettre en cam- » pagne à pareille heure? Mais, qui vous dit » que ce n’est pas une fausse alerte ? Que ces » gens d'Espaly ne se laissent pas épouvanter par » une poignée de misérables comme des passe- » raux sous le passage d’un épervier ?.. Qui vous » dit encore qu'il n’y a pas quelque trahison sous » cape et que, tandis que nous serions à nous » morfondre les pieds dans l’eau, d’autres mieux » avisés ne pénétreraient pas chez nous ?.. Croyez- » moi, Messieurs, la colère est mauvaise con- »s seillère. Pour aujourd'hui, faites bonne garde, » doublez les postes autour des remparts et » demain, nous verrons, » .« (426) L'avis était sage, et malgré les murmures des jeunes gens on le suivit. — Le lendemain, dès la pointe du jour, le conseil s’assembla. Il n’y eut qu'une voix; ce fut d'envoyer deux on trois com- pagnies pour châtier ces mauvais drôles comme ils le méritaient, — Cependant, d'heure en heure, de nouveaux émissaires étaient introduits. Vrais ou faux , leurs renseignemens ne rassuraient guère l'assemblée. Les religionnaires disait-on , n'étaient plus cent cinquante, mais deux cents, quatre cents, six cents, tous bons soldats, bien armés et peu disposés à céder la place. Alors, on ne parla plus tant de s’en aller de suite vers Espaly. Chacun pensa d’abord à ses propres affaires. Ceux qui avaient quelque chose en dehors de la ville, commencèrent par y mettre ordre ayant tout et le plus discrètement qui leur fut possible (1); on reprit après les délibérations. — L’évêque annonça qu'il écrirait à Saint-Vidal pour lui confier le commandement des troupes et, qu’en attendant, le mieux à faire était de réparer les brèches des murailles, de boucher les portes mal gardées et de ne plus poser les armes. (1) Ceux qui avoient le moyen, portaient leurs meubles dans la ville pour les tenir en sûreté, et ledict jour de dimanche, tout le monde des faubourgs et ouvyroirs travailloient à se ren- forcer pour leur sûreté. rl BUREL (manuscrit original). D (47) Cette fois, on trouva l’évêque par trop prudent, et, certes, il savait pourtant bien se montrer quand il pensait devoir le faire !.. Mais la jeunesse, qui n’a jamais les yeux ouverts sur le danger, ne voulut pas céder comme elle l'avait fait la veille; ct le soir de ce jour elle s’en alla bruyamment reconnaitre ce qu'il fallait croire de la bravoure des ennemis. Ceux-ci, qui lavaient vu venir, la recurent de manière à ne plus lui laisser de doutes. Au premier coup de feu, un jeune anieicn resta sur la place. Emus du péril que couraient leurs enfans, les pères se décidèrent alors. Ils prirent leurs arque- buses et vers les dix heures du soir, à la lueur des torches, malgré la neige qui tombait à gros flocons, ils s'avancèrent pour assiéger Espaly. Tous étaient furieux, aussi se marquérent-ils d'une croix blanche, bien résolus à occir sans miséricorde quiconque dans la mêlée n’aurait pas sur son chapeau le signe libérateur. — Singulière expédition, que celle qu’entreprennent ces bonnes gens, la nuit, aux flambeaux, par un temps pareïl!.. Mais leur ardeur est si juste, leur motif si touchant, qu’on pardonne et qu'on admire cette naive colère. — Les compagnies bourgeoises se mirent en marche, commandées par les capi- taines ssliers (1). À voir les équipages, on eût (1) La ville était divisée en rles ou quartiers. ‘Chaque ile formait une compagnie que commandait un capitaine. (428) dit que nos citoyens partaient pour de lointains pays. Ils avaient leurs canons, des pétards, des cordes, des échelles, un arsenal entier, voir même des matelas préparés pour servir de gabions. — Cependant, l'épaisseur des ténèbres et la neige les forcèrent de battre en retraite; ce dont se réjouirent beaucoup les hnguenots, encore mal assurés et qui profilèrent de ce répit pour se for- tifier davantage (1). Dès que Saint-Vidal fut arrivé il monta chez Monseigneur pour se concerter avec lui. L’évêque, que beaucoup de ses amis blämaient à cause de la facon peu miséricordieuse avec laquelle s'était terminée son expédition dans les montagnes, le recut à bras ouverts. & Hélas! Monsieur le baron, lui dit-il, nous vivons en un temps où les gens de cœur sont bien à plaindre! J'étais triste en songeant qu'il m’allait falloir prendre encore les armes. Maintenant que je vous vois, je suis tran- quille... Soyez donc le bien venu. » Et il lui raconta ce qui s’élait passé. (1) …. Que fust l’occasion que lesdicts huguenots se renfor- cèrent par tranchées à l’entour es murailles dudict Espaly; tombarent, abbatirent et bruslèrent presque la moilié des mai- sors pour se rendre plus forts; ayant mis en prison les pauvres paysans d’Espaly pour les ranconner, bien qu’ils eussent mis tous leurs biens et danrées dans le château pour s’en secourir. (Maunserit original de BUREL.—Manuse, de M, de ST-SAUVEUR.) RE. ( 429 ) Lcelendemain , quand Saint-Vidal parut à l'assem- blée, il commenca par blâmer très-brutalement la folie du peuple et surtout l'incurie des con- scillers municipaux. On dit même que la violence de son exorde excita d’abord quelques murmures, Le châtelain ne parut pas s’en apercevoir; mais par une adroite tactique il vint ensuite à désigner en termes si bienveillans quelques-uns de ceux qui lécoutaient, parla avec tant d’éloges de la sagesse de Saint-Nectaire, de l’admirable conduite des citoyens du Puy lors du siége de 1562, que sa harangue fut couverte d’applaudissemens, et qu'il fut par tous proclamé le seul capable de sauver le pays. Les Aniciens, mieux dirigés cette fois, passèrent une semaine à faire leurs préparatifs. Pourquoi se hâter en effet, puisqueles huguenots fermés dans Espaly n’osaient eux-mêmes sortir, tandis que les catholiques n'avaient qu’à choisir le moment favo- rable ?—Saint-Vidal organisa donc ses troupes, Il avait sous ses ordres la milice bourgeoise, les soldats du roi, les arquebusiers de Monseigneur et quelques compagnies de volontaires, comme celles du jeune vicomte de Polignac, de Tirebolet, du seigneur d’Adiac, son frère, etc... — Quand tout fut prêt, il attendit une belle journée et, le 20 janvier, vers les huit heures du matin, après avoir passé une revue générale, il fit marcher sur Espaly dont il entreprit le siége immédiatement, (450) Avec de pareilles forces 1l était impossible que les murailles pussent long-temps résister; aussi, en moins d’une heure était-on entré dans le bourg triomphalement par la brèche. Ce facile succès sembla d’un heureux augure à Saint-Vidal qui s’attendait à prendre le château de la même ma- nière. Mais le château, bâti sur un haut rocher, d'un côté défendu par la rivière de Borne, de l’autre par d'immenses fortifications, resta ferme et dédaigneux sous les coups impuissans qui ne pouvaient l’atteindre (1). — Les assiégeans tour- naient et retournaient sans cesse pour découvrir quelque issue ; ce fut en vain, À mesure qu'ils s’'approchaient, une grêle de balles renversaient les plus hardis. Cependant Saint-Vidal voulut tenter un dernier effort. Suivi d’une dizaine d'hommes il avisa une pointe de rocher, fit dresser des échelles et déjà (1) Les huguenaulx se garantirent dans le castel-fort d’Es- paly, où ils se renforcèrent si terriblement qu’il n’y eut moyen de les en sortir, si ce u’est plus tard par composition. Les pauvres paysans avec leurs femmes et enfans estoient par les rues criant miséricorde et qu’on leur sauvast la vie. Et y fust par moi, Jean Burel, garanty un petit enfant de deux ans qui se brusloit, — Et la ville fut pillée par les soldats, pendant lequel temps que les huguenaulx demeurèrent au château, la ville fut démantelée de plus de 100 pas. (BUREL.) ( 451 ) tentait l’escalade, quand un coup d’arquebuse qui latteignit à l’épaule le renversa noyé dans son sang. Alors, ses soldats découragés l’étendirent dans une litière prêts à l’entraîner dans leur fuite; mais lui que le désespoir , que la honte faisaient plus souffrir encore que sa blessure, &« nous revien- » drons bientôt, cria-t-il, et cette fois, je le jure, » nous chasserons du nid royal ces infâmes bri- » gands, ces scélerats.., En attendant, camarades, » qu'on brûle tous les taudis de ce village, qu'on » renverse toutes ces murailles, et que Dieu nous » fasse un prompt retour. » Il dit, et la troupe désespérée se pressa d’obéir ; — de telle sorte que ce pauvre village, alternati- vement ravagé par les deux camps, ne savait plus quel était pour lui le plus à craindre (1). Saint-Vidal éprouvait de si vives douleurs qu'il lui était impossible de quitter le lit; toutefois, malgré ses souffrances, 1l ne cessa un seul instant de diriger toutes les opérations militaires. Chacun venait lui rendre compte heure par heure et rien (1) Pendant la nuict sortoient de la ville pour battre l’es- trade, les compagnies. — Et y furent prins pendant ledict temps plusieurs huguenots, et après, pendus au Martoret par sentence du prévost, sortans les gendarmes sur la minuict avec leur trompette sourde; car ils avoient autre trompette pour le jour. (BUREL., ) (432) dans la ville n’était entrepris sans son ordre. L'’évêque, heureux d’avoir rencontré un si vaillant capitaine, semblait se reposer sur lui avec con- fiance ; quelques familiers assuraient même que déjà il s'était démis en sa faveur du commande- ment de la province. Une semaine se passa en observations récipro- ques; seulement, dit Burel, plusieurs religion- naires imprudens qui avaient quitté le château, furent saisis, amenés devant le prévôt et pendus dans les vingt-quatre heures.— Messieurs de la ville voyant que les Calvinistes étaient bien réso- lus à garder et à défendre la place, qu'en déf- nilive c’élait sur eux que retombait tout le mal, se déterminèrent à entrer en négociations. Il y eut donc une assemblée générale à laquelle Saint-Vidal se rendit. On y décida que sans plus attendre, pour que le pays n'eut pas plus long- temps à être inquiété, le lendemain Mr de Volhac, capitaine mage, accompagné d’un parent de Guyard, irait porter à ces rebelles les propositions d’accommodement.—Guyard traita de puissance à puissance et, dès l'ouverture, ne craignit pas de demander trente mille livres. La somme était exorbitante, la ville ne pouvait s'imposer un pareil sacrifice. On voulut essayer de le rendre plus traitable, le reître fut inflexible. Alors Saint-Vidal, qui n'avait vu qu'avec chagrin les démarches du conseil, qu'avec dépit l'exigence — =" (488 ) des religionnaires, promit aux consuls qu'avant peu et sans qu’il leur en coûtât si cher, il saurait bien leur rendre la forteresse d’Espaly. « Ce qui » fait leur force, dit-il, c’est notre loyauté; ce » qui les rend insolens, c’est votre frayeur, » Messieurs. Pourquoi donc, s’il vous plait, traiter ces vilains comme d'honnêtes gens et cette poignée de traîtres comme de loyaux sujets ?.…. » Pour les vaincre, il faut se mettre sur- leur » terrain et les combaitre à armes égales. Ils » viennent la nuit, s’introduisent chez vous en » voleurs, se mettent à commander dans vos » maisons, et pour qu'ils déguerpissent vous leur » faites offrir de l’or?.. Le bel exemple pour » les autres... » Alors Saint-Vidal, à qui le conseil laissa le soin de le débarrasser comme il l’entendrait d'un si dangereux voisinage, ne craignit pas d'employer la plus odieuse calomnie. Le perfide montagnard fit aussitôt fabriquer une lettre, adressée aux consuls par Guitard, dans laquelle celui-ci moins exigeant en secret qu'il lavait paru naguère proposait, pour quelques centaines de pistoles, de livrer à merci Morfouse son lieutenant et sa garnison, sans pitié pour un seul. Cette missive fut myslérieusementcommuniquée à Morfouse qu'on connaissait pour un homme très-irascible, Celui-ci attendit la nuit. — Dès que le capitaine eût fait sa ronde et que tranquille sur 28 (454) le bon ordre de ses postes il se fut retiré, le lieu- tenant réunit ses camarades dans une des salles basses du châtean et leur donna la preuve de l'in- fàme trahison de Guitard. La troupe furieuse , qui avait plutôt besoin d'être maintenue que provo- quée , se constitua immédiatement en tribunal vengeur. C'était un terrible spectacle que de voir à pareille heure cinq ou six cents rebelles armés de torches et de poignards, assemblés sous les voutes profondes du manoirquisalua roi Charles VII, et là, comme les inquisiteurs qu’ils maudissaient, condamner sans vouloir même l'entendre leur chef, celui qui venait de les rendre redoutables à plus de vingt mille citoyens.— La mort de Guitard se décida au milieu des imprécations de ses juges; mais l'arrêt n’était pas encore rendu que déjà quelques-uns s'étaient élancés dans sa cham- bre pour l’assassiner (1). Le lendemain, cette nouvelle fut apportée à (1) …. Fat faicte une fausse lettre pour porter à Morfouse, son lieutenant, contenant que ledict Guyard avoit promis à ceux du Puy de leur rendre Morfouse et les autres soldats, et les faire tuer. — Laquelle lettre porta le seigneur St-Agrève, huguenot gagné; et jouant son personnage , la baïilha et rendit à Morfouse, disant secrètement que luy donnoit advis de son profit. — Et tout à l’heure, fut tué d'un coup de pistolet au travers du corps Guyard, et le fils de Fuoc, pour l'avoir voulu soutenir. (BUREL), (455 ) Saint-Vidal qui apprenait en même temps, par un courrier du Languedoc, sa nomination de gou- verneur du Velay. Ce double événement fut un grand sujet de joie pour la ville. Morfouse , qui peut-être lui-même avait été gagné, se montra plus facile que son prédécesseur; car il ne tarda pas à conclure un traité avec les consuls du Puy, dont voici les clauses principales : 19 Il sera compté deux mille écus d'argent pour toute la garnison. 29 Il y aura un cheval et une paire de chausses pour le capitaine, des souliers, des chapeaux et des épées pour les soldats. 39 De son côté, Morfouse le capitaine s’en- gage pour lui et ses gens à évacuer de suite le château et le bourg d’Espaly. 4° Enfin, pour garantie de l'exécution du pré- sent traité, des Otages seront donnés de part et d'autre (1). Tout fut fidèlement exécuté et les clefs de la place remises entre les mains de l’évêque. — Mais une circonstance qu'il ne faut pas oublier ici et qui par malheur se reproduit trop souvent à QG) — De la part du Pay, noble Louys d’Albiac, seigneur de Ferranhe, et Jean Pandrau, cuyratier, de la ville, et bailhé en leur lieu le seigneur de Monteils et de Montréal.—Et ledict Morfouse bailha quatre de ses soldats pour demeurer en ostage. (BUREL.) ELA ( 450 ) cette époque désastreuse, c’est la barbarie de la populace des faubourgs ; car je n’ose accuser d'honnêtes citoyens. « Oui , dit le chroniqueur » indigné, disons-le, après la rendue du chasteau d’Espaly les habitans et le peuple du Puy sor- » ürent hors de la terre le corps de Guyard à qui, > par grand’ dérision, on arrachoit la barbe et les » yeux de la tête à grands coups de pierre. » D » DA ÿ Rovers SAONE ABC, — CHAPTEUIL, — TENCE. — SAINT-PAL. 1574. L'année 1574 fut des plus désastreuses pour le Velay. La longue occupation d’Espaly avait été d’un exemple funeste pour tous ces religionnaires maraudeurs; il leur semblait que puisque leurs compagnons avaient pu s'emparer d’un poste aussi avancé, avaient su s’y maintenir avec tant de vail- lance, eux n'auraient pas grand’peine pour sou- mettre et conserver quelques châteaux perdus dans la montagne. — Ce fut, pour ainsi dire, une invasion générale. Sur tous les points à la fois on voyait apparaître des bandes affamées qui soudai- nement se ruaient sur les hameaux , pillaient ce qu’elles trouvaient, puis s’en allaient triom- (457) phantes dévorer leur butin derrière les murailles crénelées de certains seigneurs absens ou surpris sans défense. Saint-Quentin, Bessamorel, Belle- combe, Chapteuil s'étaient livrés en tremblant. Quelle résistance pouvaient opposer hélas! de tristes manoirs déjà ruinés, et dont quelques-uns changés en monastères servaient d’asiles à de pauvres femmes ?.. Saint-Vidal reprit les armes. 1] avait une double vengeance à exercer; d’abord pour sa blessure à peine cicatrisée et surtout pour la honte de la dernière capitulation, puisqu’au lieu d’avoir fière- ment chassé ennemi il avait été réduit à acheter sa retraite, — Certes , le nouveau gouverneur n'était pas homme à pardonner de telles injures ; il le fit bien voir. Partout où il passa, suivant la politique de Tarquin et du duc d’Albe, il ne laissa pas un chef debout. C'était à chaque fourche de paroisses infectées, ainsi qu'il les appelait, pen- daisons de ministres, de capitaines, de soldats hérétiques, en présence du populaire convoqué à son de trompe et de tambourin. Il conmenca ses exécutions au château d’AÆdiac qui appartenait à son frère. En moins de huit heures il fut maître de la place et, sans autre procès, fit jeter du haut des murailles, comme jadis le baron des Adrets, cinq ou six des plus malins, puis envoya le capitaine picds ct poings hés au prévot de la ville, pour qu'il fût pendu ( 458 ) sur la place publique. — Il ne s'arrêta pas, reprit Saint-Quentin, Chapteuil , Bellecombe, Bessa- morel, etc., avec la même promptitude et châtia les rebelles de la même facon, — Le quartier- général était au Puy. L’évêque qui plusieurs fois par jour recevait de secrets émissaires, lui expé- diait promptement des vivres, des armes et au besoin des troupes fraîches (1). Plus Saint-Vidal s’ayancait à travers nos cam- pagnes envahies, plus il se sentait disposé à redou- bler de violences. Le sang hérétique semblait for- tiñier son courage, raviver sa haine; on eût dit que le spectacle du désespoir et de la mort ne faisait qu'endurcir davantage encore son cœur. — Tence, assiégée par lui, fut prise en deux jours et livrée au plus infime pillage. Ses soldats se répandirent par la ville l’arquebuse sur l'épaule, le sabre au poing, poursuivant, égorgeant les malheureuses gens sans distinction ni d'âge, mi de sexe, sans pitié pour ceux qui se disaient catholiques. Ils entrèrent dans les maisons, prirent ce qu'ils purent emporter et firent en s’en allant D (x) .… À Monsieur l’évêque du Puy, comte de Vellay, qui avait toujours tenu table ouverte pour tous les gentilshommes, capi- taines et autres seigneurs de bonnes villes qui venoient pour les siéges… Donné pour ses dépeuses la somme de 500 I. Pegistre original de l'assiette et imposition du diocèse pour l’an 1574 ( Aux archives de la Haute-Loire). oo (439 ) un bûcher de tout le reste (1). On assure même, c’est horrible à dire, qu’excités par leur féroce commandant, ils éventrèrent les morts, ayant oui raconter que quelques montagnards avaient avalé des pièces d’or. Ainsi donc, plutôt que de perdre les moindres parcelles de butin, les forcénés eurent l’atrocilé d'aller fouiller dans des entrailles encore palpitantes pour y chercher le prix de la vicloire. Là, comme ailleurs, furent sacrifiés tous les chefs rebelles, sans pardon pour un seul. — Après celle sanglante expédition, il vint assiéger le château de Saint-Pal-de-Mons. Les religion- naires unrent bon et déjà même espéraient rendre inutiles les efforts de leurs ennemis, lorsque le rusé vélaunien eut la pensée de détourner les sources qui fournissaient l'eau à la place. Le moyen réussit complètement. Les assiégés capitu- lèrent, ne demandant pour unique condition que de sortir vies et bagues sauves. On leur promit tout ce qu’ils voulurent; mais, une fois livrés, Saint-Vidal fit dresser ses potences (2) et marcha (1) Le seigneur de Saint-Vidal ayant fait faire une eryée de u’épargner personne des huguenots, au moyen de quoy grand nombre furent tués et massacrés, mème un soldat qui fut mené au Puy au-deyant des Carmes et illec, tué en sang froid et enterré à la porte des Carmes, dehors: (Manuscrit dit de M. de Saint-Sauveur, feuillet 68 verso.) (2) Le baron de Saint-Priest amena six d’entre eux à son (440) sur Saint-Voy qui depuis plus de douze années servait d'asile aux huguenots de la frontière. Il voulait couronner sa course victorieuse par l’extermination de ce repaire; mais dès que les montagnards apprirent l'arrivée du gou- verneur, eux qui n'avaient pour se défendre ni forteresses, ni armes, ni murailles, ne son- gèrent pas à une impossible résistance (1). Les uns prirent la fuite, les autres se résignèrent, et quand Saint-Vidal se présenta dans le village, les portes étaient ouvertes , l’église rendue à son premier culte était décorée comme aux jours de fête, les cierges brülaient dans le sanctuaire, le peuple prosterné sur les dalles chantait des can- tiques et le prêtre disait la messe, Que penser aujourd'hui de cet intrépide exter- minateur, de ce nouveau Montfort qui, le sabre château près de Saint-Etienne (en Forez), les y fit massacrer et porter dans une charrette à la place publique de Saint- Etienne, afin d’effrayer les religionnaires et d’affermir ceux qui avaient abjuré: (ARNAUD , liv. IV, t. 1, page 374). (1) Les habitans de Saint-Voy, qui étaient tous protestans, sans forteresse, et environnés de garnisons toujours prêtes à les harceler , interrompirent leurs prêches. Les uns se retirèrent en Vivarais , les autres abjurèrent le calyinisme; et la messe, qui n’y avait pas été dite depuis plus de douze ans, y fut célébrée, (Idem , LE L liv, IV.) 0 (44) à la main, passe sur ces générations agitées comme le moissonneur sur un champ de blé? Faut-il dire sa mémoire exécrable et la flétrir à jamais, ou plutôt voir en lui un de ces instrumens de Ja pro- vidence qui obéissent à d’ardentes convictions et qui, apôtres militans, trouvent dans leur cons- cience l'absolution | l'approbation même des cruautés qu'ils commettent ?.. $. XXIIL. LA NAINTE UNION, De 1574 à 1577. Le duc d'Anjou venait d’être nommé roi de Pologne; Charles IX, dévoré par une maladie d’entrailles, ne pouvait vivre Jlong-temps. Le dernier fils de Catherine, le duc d’Alencon, dont nous n’avons point encore parlé, crut le moment favorable pour se frayer sourdement un chemin vers le trône. — 11 était facile à ce prince de se créer des partisans ; bientôt en effet il vitles gen- ülshommes les plus considérables du royaume le désigner comme celui qu’ils espéraient, Les pro- testans et grand nombre de catholiques modérés , tels que les quatre Montmorency, Biron, Cossé, (442) Bouillon, Turenne, avaient eu tant à se plaindre des deux aînés que dans l’un et l’autre camp les vœux éclatèrent pour celui qui n'avait trempé ni dans les massacres de la saint Barthelemy, ni dans les réactions contraires. Les persécutions sanglantes de la cour, les résistances non moins cruelles des huguenots avaient fait naître un troisième parti qu’on appela POLITIQUE, parce que celui-ci voulut rester en dehors de toute participation religieuse. Alencon, par son défaut d'intelligence, par son lâche caractère surtout, ne sut pas profiter de la position que lui faisaient les circonstances. Tout se présentait favorablement à lui, il n'avait qu'à se laisser aller à ce sentiment honnête qui jusqu’à cet instant lui avait valu quelque estime, pour rallier sous sa bannière la plus pure noblesse de France. Mais au lieu d'accomplir loyalement sa mission, parce qu'il crut le roi de Navarre plus habile et plus aimé il en devint secrètement jaloux; et cette coupable inquiétude, qui en fit un traître, le perdit à jamais. C'était le 10 mars 1574, les deux princes avaient décidé qu'ils s’évaderaient ensemble de Saint- Germain, où était la cour, pour se réfugier chez leurs amis de l'opposition. — Tout était prêt; à minuit, au moment de partir, Alencon vint dé- noncer le projet à sa mère, rejetant sur son com- plice l'entière préméditation du crime, si c’était un crime à Henri de Bourbon de chercher à — ( 445 ) reconquérir sonindépendance ?—Catherine affecta une si vive frayeur qu’ilsemblait que déjà l'ennemi était aux portes du château; elle entraina immé- diatement dans Paris le roi malade, rent au Louvreles deux fugitifs, fitarrêter Francois de Mont- morency,le maréchal de Cossé et plusieursautres grands seigneurs, puis s’empressa de remettre l'affaire entre les mains du parlement qui la suivit sans désemparer. — Le roi de Navarre, trainé à la barre, répondit aux accusations avec un calme, une dignité, une énergie admirables, Son discours produisit une impression si profonde que ceux qu'on lui avait donnés pour juges, n’osèrent pro- noncer d'arrêt. Le noble courage qw’il déploya en cette périlleuse circonstance est certainement un des actes de sa vie qui l’honoreront le plus long- temps dans la postérité, et cependant :l avait vingt ans à peine | .… Alors, expirait dans les plus atroces souffrances l'indigne Charles IX. A son lit de mort, le mal- heureux maudissait encore tout ce qu'il laissait sur la terre et n’emportait dans la tombe qu’une mémoire éternellement abhorrée. Catherine, régente, se hâta d’expédier des cour- riers en Pologne. — Le duc d’Anjou, désormais Henri III de France, n'eut pas plutôt recu les lettres de sa mère que sans prévenir personne il prit la fuite, la nuit, désertant un royaume dont le seul tort avait été d'offrir la couronne à un ( 444 ) prince que Moncontour et Jarnac signalaient dans l'éloignement comme un preux chevalier. Toute- fois, impatience que témoignait un pareil départ ne fut pas aussi vive qu’on aurait pulecroire; car son voyage futlong, joyeux comme un triomphe et dura plusieurs mois. — Son arrivée causa un plai- sir extrême aux catholiques qui pendant lÎa courte régence de la reine-mère avaient craint à chaque instant que le Béarnais ou le Prétendant, quoique enfermés au Louvre, ne formassent un parti assez fort pour enlever le trône. Aussi, dès qu'il parut, fut-il accueilli par d’incroyables acclamations, Les habitans du Puy toujours fidèles catho- liques, allumèrent des feux par la ville et brülè- rent un mannequin représentant un prédicateur protestant placé sur le bûcher comme dans une chaire (1). À quelques jours de là, non contens d'une vaine démonstration et sans doute encore pour célébrer le glorieux avènement, ils tranchè- rent la tête d’un ministre au milieu de la place publique et vinrent ensuite la porter en trophée sur une des portes de la ville où ils la laissèrent exposée au bout d’un pieu (2).— C'était exprimer (1) Manuscrit original de JEAN BUREL, liv. 1.— Manuscrit dit de M. DE ST-SAUVEUR, p.69 verso. ARNAUD, t. 1, p. 5706. (2) ARNAUD ne mentionne point ce fait qui se trouye pour- tant dans les deux manuscrits. | ( | | (445) d’une manière bien sinistre ce qu'ils attendaient du nouveau roi. Le premier soin de Henri fut de rendre la liberté aux deux princes. Pour échanger réci- proquement avec eux un témoignage de sincère affection , ils communièrent ensemble le même jour, ce qui ne les empêcha pas, observe un his- torien , de se détester plus encore (1). À ce point que le duc, fatigué des injurieux traitemens qu’on lui faisait subir, s’échappa de la cour vers septembre 1575, leva l’étendard de la révolte et vit bientôt sous sa bannière une armée considé- rable. — Henri de Bourbon attendit de son côté un moment favorable et, le 3 février 1576 à la suite d’une chasse, se sauva à Tours où il reprit publiquement l'exercice du protestantisme qu’une abjuration forcée sous le poignard lui avait fait renier; de là il fut dans la Guyenne, rentra en possession de son gouvernement du Béarn €t revint ensuite à Moulins se joindre à l’armée pro- testante commandée par le duc d’Alencon et par Condé, son frère d'armes. Henri de Valois effrayé de voir à la tête de ses ennemis trois princes du sang se résigna à une paix humiliante dont Catherine ne craignit pas de se faire la négociatrice. Cette paix signée à (1) MATTHIEU, liy. 7. — L'ETOILE, liv. 1. (446 ) l'Abbaye de Beaulieu près de Loches , portait entr'autres articles : que le roi se déclarait contre la St-Barthelemy, qu'il protestait n’y avoir pris aucune part, quil accordait des exemptions d'impôts aux veuves et aux fils des massacrés, qu'il offrait aux confédérés six places de sûreté, sans compter La Rochelle, Nimes et Montauban; enfin, que le culte de la réforme était libre dans tout le royaume, le mariage des prêtres autorisé, les calvinistes admis aux emplois publics. etc., etc. Un pareil acte exaspéra tous les catholiques du royaume qui se crurent trahis. « Il fut publié » au Puy, dit Burel, à son de trompe, par tous » les carrefours de la ville, assistans Messieurs » de la justice, les consuls avec leur robe rouge, » tous à cheval... Mais, il ne fut fait aucun feu » de joie , par ce que l'édit étoit tout à » l’advantage d’iceulx de la prétendue religion. » On ne pouvait comprendre en effet que Catherine et son fils, qui s'étaient montrés les plus ardens persécuteurs des huguenots, osassent . se parjurer au point de publier en leur faveur un édit si mensonger (1). (1) I! fut aux yeux des catholiques féroces un apostat de la St-Barthelemy; aussi, quand il ordonna des réjouissances pour la paix, tout se couvrit de deuil ; des placards ivjurieux furent (447) L'inquiétude des catholiques fut générale; par- tout ils s’assemblaient , et nuit et jour délibéraient sur les moyens les plus prompts, les plus actifs de sauver la foi. — Sous les règnes précédens le cardinal de Lorraine avait dans ce but et plus encore par ambition concu le plan d’une sainte union, à la tête de laquelle il voulait porter son frère de Guise; déjà, dès 1562, une associalion de cette nature s'était formée à Toulouse (1); enfin, l'heure était venue et une LIGUE GÉNÉRALE fut proclamée (2).—Ils rendaient Dieu impi- affichés à la porte du Louvre. Le peuple avait peine à s’abstenir d’outrages envers le roi, même quand il marchait pieds nus dans les processions du Jubilé. — Catherine de Médicis ne fut pas comprise dans celte défaveur, parce qu’on ne doutait pas que, l’occasion s’offrant, elle ne fût disposée à trahir son fils. (LAGRETELLE, liv. 8, tome I, page 65.) (1) .… On peut dire cependant que la ville de Toulouse avait eu le triste ayantage de former, la première, en 1562 et 1568, une semblable association et de donner l’origine à cette célèbre ligue qui, sous le nom de sainte, fut si funeste à la religion et à l’état. (D. VAISsETTE, hist. du Languedoc). (2) FORMULAIRE DE LA SAINTE LIGUE. — « Nous nous obli- » geons à employer nos biens et nos vies pour le succès de la » sainte union, et à poursuivre jusqu'à la mort ceux qui vou- » drout y mettre obstacle. Tous ceux qui signeront seront sous » la sauve-garde de l’union; et en cas qu’ils soient attaqués, » recherchés ou molestés, nous prendrons leur défense, même ( 446 ) toyable, dit Lacretelle, pour s’absoudre du sang qu'ils avaient répandu. Philippe IT dirigeait secrè- tement leur colère, Rome l’encourageait, mais le ciel ne semblait pas la bénir; depuis plusieurs mois une famine affreuse décimait la popula- tion (1). Il manquait un chef à cette ligue. Le duc de Guise, qui n’attendait qu'une occasion pour » par la voie des armes, contre quelque personne que ce soit. » Si quelques-uns, après avoir fait le serment, viennent à y » renoncer, ils seront traités comme rebelles et réfractaires à » la volonté de Dieu, sans que ceux qui auraient aidé à cetle » vengeance puissent jamais en être inquiétés. On élira au plu- » tôtun chef auquel tous les confédérés seront obligés d’obéir, » et ceux qui refuseront seront punis selon sa volonté. Nous » ferons tous nos efforts pour procurer à la sainte union des » partisans, des armes et tous les secours nécessaires, chacun » selon nos forces. Ceux qui refuseront de s’y joindre seront » traités en ennemis et poursuivis les armes à la main. Le chef » seul décidera les contestations qui pourraient survenir entre » les confédérés, et ils ne pourront recourir aux magistrats » ordinaires que par sa permission. » (1) Et le jeudi , jour de l’ascension, audict an 1575, fust un si grant escandale digne de mémoire que, causant la grande stérilité et peu de fruicts de la terre, les pauvres mouraïent de faim par les chemins; ne mangeant que de l’herbe qu’on leur trouvait à la gorge, si que, au lieu de Vals, le même jour que l’on donnoit les pompes comme de coustume, furent à la presse tués de trente à quarante pauvres , misérablement. (Mémoire de BUREL.) ( 449 ) mettre le pied sur les marches du trône, fit sour- dement songer à lui. On allait le nommer lors. que, le 13 décembre 1576, la convocation des élats généraux à Blois suspendit l'élection. Le roi lui-même présida cette assemblée dont la plus grande partie se composait de ligueurs (1). — Dès les premiers inslans, la cour put com- prendre l'hostilité qui se déclarait contre sa poli- tique. Henri, soutenu par les conseils de sa mère, fit belle contenance, déploya, assure-t-on, beau- coup de grâce et de dignité, prononca un dis- cours plein de sagesse, et même fit secrètement prévenir chaque député qu'il serait favorable à leur requête s'ils sollicitaient un contraire édit. Les députés présentèrent leur demande et le roi paraissant céder aux vœux de la nation déclara, quelque temps après, qu'il ne voulait plus qu’un seul culte : celui de ses pères et le sien, —La surprise fut grande à ce prompt changement dans les volontés sonveraines; mais elle le fut bien plus encore lorsque, l’ordonnance soumise à l'approbation de Henri, chacun le vit apposer son (:) Le bailliage du Velay envoya pour députés Antoine de St-Vectaire, évèque du Puy, pour le clergé; le vicomte de Polignac, pour la noblesse; rail et Deliques, pour le tiers-état. (ARNAUD, hist. du Velay, liv. 4, tome 1, page 380.) 29 (450) sceau royal sur un projet d'union dont il se nommait lui-même le chef, Alors les huguenots, indignement, perpétuelle- ment trahis, se laissèrent aller à leur tour à la plus violente colère et la sixième guerre civile éclata dans tout le royaume. a G——— $. XXIV. EXCURSIONS BE SAINT-VIDAL, De 19577 à 1580. Le maréchal de Damwille avait embrassé la cause contre la cour et s'était mis à la tête des politiques du Languedoc. Dès que les hostilités commencèrent l'ex-gouverneur s’empressa d’ex- pédier des troupes sur tous les points de la pro- vince, afin de s'emparer immédiatement des positions importantes. Il donnait en général le commandement de ces petites divisions à des gens du pays habiles et dévoués. —Ce fut un certain Barghac, jadis chanoine à Notre-Dame du Puy, alors capitaine apostat d’une bande de religionnaires nomades, qu'il choisit pour venir occuper nos montagnes. Barghac, à la tête de deux mille soldats environ, prit d’abord possession de Suint-Agrève, (45) de Fay, de Saint-Paul, et de là se préparait à envahir le Velay lorsque Saint-Vidal, toujours attentif, envoya sur-le-champ réclamer les secours de Mandelot; gouverneur de Lyon et ceux de Saint-Hérem.— Ni l’un ni l’autre ne se firent attendre, ils arrivèrent avec des forces considérables. [L’ennemi, qui par de secrets émissaires était informé de toutes ces disposi- tions, jugea prudent de ne pas se risquer; il prit la fuite, mais pas assez LÔE cependant pour éviter une rencontre. — Saint-Vidal s'était embusqué dans le village de Rosières et quand le fugitif vint à passer il Jui tomba dessus, lui tua une vingtaine d'hommes. « Encore, dit Burel, si Monsieur de » Saint-Hérem se fût mis en son devoir, toute la » troupe y fût demeurée... Ce qui n’empêcha pas » qu’elle s’en fût à sa grande honte et que notre » gouverneur n'y laissa que trois chevaux » Ensüite, sans perdre un moment, il prit l’artillerie de la ville et malgré les rigucurs de la température marcha sur Saint-Paul qui résistait encore. Dès que les religionnaires ouirent tousser le canon, pour me servir du mot de Médicis, ils mirent le feu aux quatre coins du village et se sauvèrent pendant la nuit (1). Le Cros, Langogne (1) .… Toutefois, ceux dé Saint-Paul ayant entendu que le ganon venvit, s’enfuyrent et laïissèrent ledict lieu y ayant mis (452) ainsi que toutes les autres places des environs, ceffrayées de l'approche de Saint-Vidal, s’empres- sèrent de lui faire offrir leur soumission. Cette fois il ne se montra pas trop sévère, peut-être parce qu’il avait hâte de courir châtier le fameux capitaine Merle dont partout on vantait le cou- rage et l'audace. Merle occupait 4mbert. Les Vélauniens se réu- nirent aux catholiques qui déjà assiégeaient cette ville; mais leur tentative ne fut pas heureuse; ils se trouvaient en face d'un adversaire plus habile que ceux qu'ils avaient eu à combattre jusqu’à ce jour. — Quand de guerre las ils se furent retirés, le capitaine qui n'avait nulle envie de s’enfermer dans les montagnes fit une pointe dans la belle Limagne et s’abattit sur /ssotre, ville forte, bien approvisionnée et dans une excellente situation. Saint-Vidal et les autres gentilshommes, jaloux de venger l'échec qu'ils avaient essuyé, allèrent s’adjoindre à l’armée du duc d’Alencon, de ce prince indigne naguère l’ami, le généralissime des protestans et qui, par une conduite aussi déloyale qu'ordinaire à cette malheureuse époque, le feu. Il faisoit si grand froid que le camp ne put y demeurer et qu’il s’en alla vers Pradelles où il reposa ses canons. — Et les enfans du Puy ne voulurent jamais abandonner leurs pièces jusqu’à ce qu’elles fussent retirées en leur ville. (BUREL.) ( 453 ) marchait aujourd’hui contr'eux sur Issoire. « Au- » quel lieu , dit notre historien, Monseigncur » frère du roi Henri vint avec une grosse armée, » où par force d'armes il fit abattre les » murailles, passa tous ceux qui étoient dedans » au fil de l'épée et tout desmolit. — Les soldats » s’étoient saisis des femmes, les enmenoient et » les vendoient à beau denier comptant. — Puis, » ledit prince frère du roy, accompagné des » scigneurs de Guise et de Nevers, se retira dans » Brioude où il demeura environ trois semaines » jusqu'à ce qu'il eut recu trente mille livres. — » C’est en cette occasion que Saint-Vidal fut » chargé du siége de Marvejols.… » L’année suivante les habitans du Puy, prévenus que Merle avait l'intention de venir s'emparer de leur ville par surprise ou par violence, s’assem- blèrent aussitôt en conseil et décidèrent : 1° que les portes seraient immédiatement murées, à l'exception de celle de St-Gilles où on établirait un poste de cent hommes et un concierge aux gages de neuf livres par mois, avec ordre de refermer à chaque passager; 20 qu’une sentinelle serait placée en vedette sur le haut de la tour près de la grosse cloche, et que dès qu’elle apercevrait des cavaliers elle sonnerait autant de coups qu’elle pourrait compter d'individus; 3° enfin, que les citoyens se tiendraient sur le pied de guerre ainsi qu'ils l'avaient déjà hono- rablement pratiqué plusieurs fois. ( 454 ) Toutes ces précautions furent inuüles, Merle ne parut pas. Il était alors occupé à parcourir la campagne pour réorganiser ses troupes. — Ce ne fut que vers la fin de décembre 1579 qu’on apprit qu’il venait de s'emparer de Mende, au moment où tous les habitans étaient à l'église. Le gouver- neur de la ville qui avait voulu opposer quelque résistance fut tué sur-le-champ, la garnison obli- gée de se rendre, la ville entière livrée au plus affreux pillage, incendiée en plusieurs endroits et même un grand nombre de catholiques impi- toyablement massacrés.— A celte nouvelle, Saint- Vidal fit redoubler de vigilance. Comme il ne cessait de recevoir de secrets avis, il enjoignit aux gens du Puy de tenir chaque nuit des lan- tcrnes allumées à leurs fenêtres et, jusqu’à nou- vel ordre, de ne plus avoir à s’occuper d’aucun commerce ni d'aucune industrie, le service public réclamant exclusivement les soins de tous. Cependant, la noblesse catholique du Gévaudan, du Velay et de l'Auvergne méridionale ne pouvait plus long-temps rester paisible spectatrice des riomphes de Merle, Il y cut en conséquence une assemblée générale à Chanac (1), sous la prési- dence de Saint-Vidal, dans laquelle on décida unanimement que les trois pays s’armeraient pour re SRE (1) Petite ville à deux lieues de Mende. (435 ) le poursuivre à outrance s'il ne partait immédia- tement après la sommation qu’on allait lui faire de rendre la place. — Plusieurs parlementaires furent donc envoyés au capitaine qui les recut tous fort mal, et les renvoya avec celle insolente réponse : « Pardicu! mes maitres, je vous trouve » bien hardis, surtout bien mal avisés d’oser » m'adresser en face semblable proposilion.... » Croyez-vous donc que vous me fassiez peur ? » Allez... allez... et dites de ma part à ceux qui » vous envoient que je les mets au défi de m'atla- » quer; je crains peu leurs menaces, qu'ils aient » plulôt à redouter les miennes ; car s'ils ne » viennent pas me trouver, c'est moi qui avant » peu leur promets ma visile. » — Il n’y manqua pas :une nuit, à la tête de trois cents hommes bien résolus, il tomba sur Chanac, brisa les portes, dispersa les corps-de- garde, pilla la ville, puis se sauva chargé de dépouilles. Et tout se fil avec une telle prompti- tude que les habilans surpris n’eurent même pas le temps de courir aux armes. ( 456 ) SAN. SIÈGE ET PRISE DU CHATEAU DE SAINT-AGRÈVE (1). 1589. Tandis que Saint-Vidal s’en allait d’Ambert à Issoire, de Marvejols à Chanac, les huguenots qu’il avait chassé du Velay y rentraient pendant ces excursions, et Bargheac fut presque immédiate- mentremplacé par un homme plus énergique qu’on appelait Lacroix. — Ce nouveau capitaine sut adroitement profiter de l’absence du gouverneur; il assit son quartier général à Saint-Agrève, dans le cœur des montagnes, s’empara des châteaux de Rochebonne, Clavières, Truchet, La Mastre, La Batie (1), s’en forma une ligne de défense qui lui servait de point d'appui et assurait sa retraite. Saint-Vidal ne fut pas plutôt de retour qu'il jura de se venger du moins sur ceux-ci de tous les mécomptes que les autres venaient de lui faire subir. 1l sc ligua avec le gouverneur du Vivarais, comme lui intéressé dans l'affaire, et chacun de son côté fit ses dispositions. — Conformément aux ordres du roi on venait de publier dans (1) Dépendant du bailliage du Velay pour le temporel, et du diocèse de Viviers pour le spirituel, (457) tout le Velay une ordonnance par laquelle lec citoyens avaient immédiatement à se rendre armés au chef-lieu et à fournir, proportionnellement à leurs facultés, les provisions de bouche néces- saires. Quant aux munitions de guerre, il arriva d'Auvergne huit pièces d'artillerie, près de quatre- vingts barils de poudre ou de plomb et trois à quatre cents pionniers (1), enseignes au vent. — Cette contribution était urgente; aussi, dit le chroniqueur, «les pauvres paysans étaient con- » traints pour de leur part satisfaire au paye- » ment, d'emprunter argent à gros intérêts, ce » qui causa grands complaintes et regrets. » Aussitôt que les gouverneurs furent prêts, celui du Vivarais vint au Puy rejoindre Saint-Vidal; de là les troupes, six cents chevaux et soixante en- seignes de gens de pied environ, se mirent en marche pour Saint-Agrève. — C'était le 12 sep- tembre 1580, le lieutenant de Monseigneur de Nemours , l’évêque, le vicomte de Polignac, Latour-Maubourg, les seigneurs d’Adiac, de Chaste et les meilleurs gentilshommes de la province voulurent prendre part à cette expédition. — (1) Lesdits pionniers firent leur montre au pré du Breulh. C’estoit un plaisir de voir menuisiers, charpentiers, maré- chaux, trayaillans les jours de dimanche et de Notre-Dame de septembre, pour accommoder les pièces, (BUREL.) (498 ) Le 16, la place fut investie; le 22, le siège commenca; le 23, les catholiques repoussèrent avec valeur plus de douze cents arquebusiers huguenots qui accouraient au secours de Saint- Agrève (1). — Le 24, les assiégeans firent une brèche importante. Dans cette fatale journée Île succès fut acheté. bien. cher. Ils perdirent leurs plus braves soldats, et Saint-Vidal qui marchait toujours à la tête de ses colonnes eut un œil crevé d’un coup d’arquebuse. — Le 25 enfin, les religionnaires repoussés de poste en poste et obligés de se retrancher dans le château com- prirent qu’une plus longue résistance allait leur devenir funeste, aussi attendirent-ils la nuit pour jeter des brandons sur les chaumières et se sauver ensuite. Alors, les deux gouverneurs entrèrent triom- phans dans la ville, Saint-Vidal, encore tout cou- vert du sang de sa cruelle blessure, envoya faire proclamer par les bourgades environnantes que les villageois eussent à venir au plutôt avec leurs ———————— (1) Burel assure que le capitaine huguenot qui était venu remplacer Bargheac dans le commandement des lroupes campées à Saint-Agrève s'appelait Lacroix , tandis qu'Arnaud au contraire dit : Chambaud , gouverneur de Saint-Agrève, qui en était sorti quelques jours avant le siége, parut à la tête de quatre-vingts chevaux et de douze cents arquebusiers pour se jeter dans la place. ( 459 ) pioches, leurs faux, leurs maillets, pour tomber et arraser les murailles de Saint-Agrève. Après la victoire et le pillage, les troupes catho- liques, voire même grand nombre de huguenots en fuite, se débandèrent pour se répandre dans le pays. Les maisons, les fermes isolées, amies ou ennemies, furent tout-à-coup surprises et sacca- gées, Les chaumières n'étaient pas épargnées davantage, et le bétail des pauvres gens leur ser- vait de rancon; chose lamentable! dit Burel, De telle sorte que du matin au soir les portes du Puy restaient ouvertes pour donner asile aux mal- heureux qui se sauvaient épouvantés, Les pièces d'artillerie furent reconduites à la ville par quatre compagnies, dont deux étrangères, Arrivées à Brive, celles-ci eurent à leur passage une dispute qui se termina par Flincendie de quelques maisons. Ceux du Puy, informés sur-le- champ de cette querelle, voulurent prendre les armes pour aller défendre leurs voisins. Heureuse- ment la fermeté du sieur de Volhac, premier consul, prévint une collision qui menacait de devenir plus dangereuse. — Il fit de suite fermer toutes les portes de la ville, et quand les mutins parurent il leur donna passage, mais arrêta le plus coupable etl’envoya pendre en place publique devant le peuple, que cet acte de justice fit aus- sitôt rentrer dans le devoir. ( 460 ) SOC YL. LES TROIS HENRI 1585. Le duc Henrr de Guise dont l'hostilité deve- nait de jour en jour plus flagrante quitta Paris pour se retirer en Lorraine où vinrent bientôt se grouper autour de lui dix princes très-puissans, ses oncles, ses frères et cousins, suivis des prin- cipaux ligueurs, Gonzagues, duc de Nevers; le comte de St-Luc, jadis mignon du roi; Pierre d'Espignac, archevêque de Lyon; d’Antragues, le comte de Saux; Jean Hemeri, Riberac, Bois Dau- phin, Chamois, Menneville, Bassompierre, Brissac. — Cette nouvelle cour conspirait ouvertement, et contre le roi de France, dont la vie n’était qu’un honteux scandale, et surtout contre le roi de Navarre, dont les légitimes prétentions à la, couronne étaient à leurs yeux un crime impar- donnable. Le premier acte du duc fut de conclure avec Philippe IT un traité au nom de la sainte ligue (1). (1) Conclu à Joinvilleavec le duc de Mayenne et Menneville, pour le cardinal de Bourbon; Taxis et don Juan Morrez, pour Philippe (2 février 1585). (461) Certaines clauses de ce traité laissent assez percer l’ambiticuse impatience des Guise. « En cas que » le roi régnant, y est-il dit, vienne à mourir » sans enfant mâle, le cardinal de Bourbon lui » succédera, comme premier prince du sang, et » tout prince hérétique ou fauteur de lhérésie » sera pour toujours exclu du trône... » Or, ce cardinal de Bourbon n’était qu’un triste mannequin derrière lequel se cachaient les der- niers scrupules du duc. Les ligueurs eux-mêmes le comparaient au chameau qui vient docilement plier les genoux pour recevoir le fardeau, — S’emparer de lesprit de ce faible vieillard, par- venir à lui inoculer au cœur assez d’ambition apparente pour le rendre solidaire, lui montrer la couronne comme un héritage qu’il lui importait de ne pas laisser avilir, lui en faciliter les voies, l'y porter, pour ainsi dire, malgré lui-même; telle était la politique des Guise. Par ce moyen ils conservaient à la monarchie légitime un sem- blant de fidélité, ils donnaient aux catholiques un pieux témoignage de dévouement, opposaient un prince de l’église à un hérétique, un vieillard sans postérité à un jeune et brillant guerrier; en un mot, s’acheminaient adroitement vers le trône en ménageant les transitions. En effet, un mois après le traité, paraît un manifeste du cardinal dans lequel, dit Lacretelle, ce prélat crie aux armes avec une douceur (462) apostolique. — Ce manifeste, avant même que d'être signé de celui qui en est censé l’auteur, cst répandu dans tout le royaume. Alors le duc, précédé de cette proclamation dont il s’autorise, s'avance avec une armée de douze mille hommes, s'empare de Toul, de Verdun, de Chälons, sou- lève la Champagne, tandis qu’un de ses lieutenans, le duc d’Aumale, agit en Picardie.—Lyon, Bourges et d’autres grandes villes se déclarent pour sa cause. Un tiers du royaume enfin, adopte cette nouvelle bannière; près d’un second tiers marche sous celle des protestans. Le parti royal toujours dirigé par Catherine avait donc à se décider entre la ligue et la réforme; car l'isolement était sans contredit de toutes les déterminations la plus funeste. Quoique les sympathies fussent peut être pour le roi de Navarre l'intérêt, la pudeur, le devoir entrainèrent irrésistiblement du côté contraire. — Donc, la reine-mère peu inquiète de livrer des concessions que plus tard elle n’aurait crainte de retirer, négocia avec Île cardinal ce qu’on appelle la paix de Nemours (1). Paix hypocrite (a) « Le roi touché du zèle que les chefs de la ligue avaient » fait éélatér pour les intérêts de Dién ct du Saint-Siége, » avouäit toutes leurs entreprises: == X} ïnterdisait dans ses » états l'exercice de toute autre religion que la catholique, ( 465 ) et lâche qui ne pouvait abuser personne cet ache- tait quelques jours de répit en humiliant la couronne. Quand Henrt de BouRBoN qui comprenait si bien la dignité royale apprit que l’alliance d’un sujet rebelle avait été préférée à la sienne, il ne put se défendre d’une tristesse profonde. Toute- fois, il ne se laissa point abattre. Dans un pre- mier mouvement de colère il se hâta d'envoyer un cartel à l’ambitieux, cause de tant de malheurs. Guise ne répondit pas (1).—Sentant » sous peine de mort; — enjoignait, sous la même peine, aux » ministres de la religion réformée, de sortir da royaume dans » un mois, et à tous les huguenots d’abjurer dans le terme de » six mois, ou de s’expatrier, avec la liberté de vendre leurs » biens. — La conduite de la guerre contre eux était confiée » aux chefs de la sainte union. — Le duc de Guise était auto-' » risé à se faire escorter d’une garde nombreuse, etc, etc... » (1) « Ambitieux étranger, écrit-il, épargnez des maux à ma » patrie. N’entrainons pas tant de victimes innocentes dans » notre querelle. Je dépose la supériorité de mon rang pour » vous provoquer à un combat en champ clos. M. le prince de » Condé me servira de second contre le duc de Mayenne » votre frère. Car mon cousin et moi nous achèterions de » notre sang le bonheur d’épargner au roi les peines que votre » rébellion lui cause. — Je prends Dieu à témoin que daus ce » défi je ne suis point animé par une vaine gloire, par osten- » tation de courage, ni même par haine contre vous; maïs par » l'unique désir de voir Dieu servi et honoré, mon roi micux x » obéi et le pauvre peuple en paix. » ( 464 ) ensuite grandir son courage avec les périls, sou- tenu par les sages conseils et la tendre amitié de Duplessis-Mornai et de Rosni, ses confidens, Henri fit ses préparatifs de guerre (1). De tous côtés on venait se ranger sous son commandement; le maréchal de Montmorency lui écrivit : « Sire, j'ai lu le traité de Nemours. Le roi de France, le roi d'Fspagne veulent me gagner : je suis à vous avec mes frères et mon armée du Languedoc. » — Le comte de la Roche- foucauld, le vicomte de Rohan, les quatre frères Laval, Roquelaure, Biron, le prince de la Tré- mouille, s’attachèrent à lui avec le plus généreux dévoüment. La paix de Nemours avait sans doute considé- rablement humilié HENRI DE VaLois, satisfait la ligue; mais personnellement le chef des catho- liques n’en avait éprouvé qu’un grand mécompte. Par ce traité, le roi ressaisissait temporairement sa position auprès des uns , Henri de Bourbon voyait (1) Voici un entretien qu’il eut avec Rosni. Il est extrait des mémoires de l’ami de ce prince.—« M. le baron de Rosni, ce n’est pas tout que de bien dire, il faut encore mieux faire. N'êtes-vous pas résolu que nous mourions ensemble? Il n’est plus temps d’être bon ménager ; il faut que tous les gens d’hon- neur emploient la moitié de leur bien à sauver l’autre. — Sire, ui répondis-je, je ne veux point que nous mourions ensemble; il yaut mieux que nous cassions la têteà tous nos ennemis, etc. » ( 465 ) accroître la sienne chez les autres; tandis que lui, Henri de Guise, perdait en définitive tout l’avan- tage de son ambitieuse combinaison. Grégoire XIIT qui venait de mourir, tout en favorisant la sainte union, ne s'était jamais ouvertement déclaré pour elle; son successeur Sixte-Quint, pontife rusé, hardi, souvent cruel, ne prit pas toutes les précautions de son timide devancier. Il refusa positivement les secours en argent auxquels celui-ci s’était engagé (1); mais en compensation il fulmina contre le prince de Condé et le roi de Navarre deux bulles d’excom- munication qui furent aussitôt publiées dans toute la chrétienté et recues en France aux accla- mations de cent vingt mille ligueurs répandus dans la Guyenne, le Languedoc, le Dauphiné, le Poitou et enrégimentés comme du temps des croisades. Alors, le roi de Navarre parut quelques instans affaibli; sa femme Marguerite venait de le trahir, son ami, le prince de Condé avait éprouvé un (1) Ce refus indigna beaucoup la cour d’Espagne. L’ambassa- deur du puissant Philippe IT osa dire au pape que, s’il pers's- tait dans son refus, il le sommerait, au nom de tous les catho- liques, de remplir les engagemens de son prédécesseur. L’im- périeux Sixte-Quint lui répondit : « Si yous me faites cette sommation, je vous ferai trancher la tête. » (Note de LACRETELLE, tome 111, liv. 9, page 188.) 30 ( 466 ) échec à Angers, ses coffres étaient presque vides, son armée n'était plus que de trois à quatre mille hommes.—Malgré ce concours de funestes circonstances, il parvint à dompter la fortune et sortit victorieux des plus grands dangers. — La manière courageuse dont il s’échappa de Pan et de Nérac, l’adresse avec laquelle il glissa, poar ainsi dire, entre les mains de Mayenne, l'héroïsme qu'il fit éclater dans plusieurs occasions en s'élancant à travers les rangs ennemis, le pla- cent dès cette époque légal des plus habiles généraux (1). Mayenne s'épuisait avec son armée de plus de vingt mille hommes à poursuivre ces troupes alertes et intrépides. Le Béarnais était partout en même temps.— Enfin, après plusieurs courses brillantes Henri se décida à venir prendre gite à La Rochelle. — Chemin faisant il sempara de quelques places. De leur côté ses généraux le secondaient à merveille, Le vicomte de Turenne, Lesdiguières , Condé, dans le Poitou, le Dau- phiné, la Saintonge; Montmorency et Chatillon, dans le Languedoc. (1) Les dimensions et le but de cet ouvrage ne me permettent pas des détails, pourtant si beaux, si glorieux pour les pages de notre histoire. Je me vois donc, à regret, forcé de renvoyer le lecteur aux Mémoires de Sully, de d’Aubigné, de Duplessis- Mornay; aux Manuscrits de Laroque , à la Chronologie de Cayet, à l’AHistoire de Lacretelle, ete, S. XXVIL. L'INQUINITION AU PUY, 1585. Depuis trente-trois années que durait la guerre civile, le peuple des provinces avait eu le temps de pénétrer dans le secret âes ambitions qui lui coûtaient tant de pleurs et de sang. Témoin des haines dont la cour donnait la première un si public spectacle, il avait appris à connaître ceux pour lesquels il compromettait incessamment sa fortune et sa vie. — Aussi, quelle différence dans l'esprit des populations! Sous Francois If, sous Henri II encore, le trône était pour la docile multitude Fobjet de la plus pieuse vénération ; nous avons vu avec quel respect nos chroniqueurs en parlaient alors. Maintenant s'agit-il de la révo- cation d’un édit, d’une ordonnance sur les mon- naies? Burel écrit : « Le peuple en jeta si grande » malédiction au roi que depuis luiest advenue; » etnous, nous avons la peine,» Les Vélauniens , montagnards opiniâtres dans leurs affections comme dans leur colère, étaient lents à se détacher de cette vieille fidélité, je dirai ( 466 ) presque superstilieuse; ils l’acceptaient aveuglé- ment en héritage et la croyaient aussi immuable que leur religion, car jusqu'à ce jour la foi pu- blique leur avait été aussi sainte que la foi des autels,— Cependant ils murmurent, ilss’indignent et finissentenfin par méconnaïtre les ordonnances du roi. Cette révolution dans les idées avait dû néces- sairement apporter beaucoup de tiédeur dans le dévouement, beaucoup d’égoïsme dans les rela- tions. Chacun marchait en proportion de l'intérêt qu'il avait au mouvement; et en général les populations sédentaires employaient toutes leurs ressources, toute leur énergie à chasser l'ennemi de chez elles, à s’isoler de l’action plutôt qu’à y prendre part. — Mais, comme cette politique d'inertie tendait à briser les mailles du vaste réseau, la ruse des partis appliquait tous ses efforts à réveiller par l’inquiétude, àirriter par les menaces les provinces qui se retiraient de la lutte. Ainsi, un fait d’une haule importance que nous trouvons à chaque page de l'Histoire du Velay, c’est l’éternel cri d'alarme , les alertes continuelles qui arrivaient tantôt du camp royal, tantôt de la faction des Guise, quelquefois même du fond du Languedoc : « L’ennemi est à vos » portes, prenez garde! Vous avez dans vos » murs des citoyens qui vous trahissent et qui, « ( 469) » si vous ne veillez, vous livreront aux hugue- nots, etc. (1).» Toutefois, un appel à la vigilance fut sou- vent utile dans des pays isolés que des troupes nomades pouvaient surprendre et ravager à l’im- proviste. — Déjà le Velay, au moment où il s’y attendait le moins, avait subi les incursions des religionnaires; dernièrement encore la petite ville de Montfaucon venait de tomber en leur puis- sance (2). C’étaient plus de motifs qu'il n’en fallait pour accueillir les avis qui étaient journellement adressés. Du reste, nulle province ne se montra peut-être plus jalouse de sa foi, plus attentive pour conserver son indépendance, Le Puy surtout fit voir quelle sévérité lui inspiraient les traitres et les apostats. — En voici un exemple : Le 3 décembre 1585, Chatillon à Paide de près de deux mille soldats croyant avoir facile- ment raison de cette ville, s’avanca pendant la nuit pour la surprendre. Il avait laissé son armée À une ou deux portées d’arbalètes et, suivi de quelques pionniers, s'était embusqué sous les murs. Il comptait sur l'obscurité pour disposer à son aise ses batteries ct faire sauter la porte du (1) ARNAUD, Histoire du Velay, tome :1°°, pag. 540, 349, 384, 387, 389, 403, 406, 407, 408, 409, 412, 419, etc. (2) Le 3 décembre 1585. ( 470 ) nord (celle des Farges), contre laquelle il venait d'appliquer deux gros pétards en fonte. Tout était prêt, il allait allumer les mêches , lorsqu'une grêle de pierres partit tout-à-coup des créneaux et le’ forca de s'échapper au plus vite. La senti- nelle placée au-dessus de la courtine de la porte avait découvert ses manœuvres, mais plus pru- dente que lui, avait répandu l'alarme sans qu’il pût s’en apercevoir. Un de ses hommes fut pris et pendu peu de jours après; quant à lui, dont Vintention n’était pas de perdre un temps et des soldats plus utiles ailleurs, voyant son plan dé- joué! il alla rejoindre Montmorency. Les Aniciens, enchantés de l’heureuse issue de cette affaire, montèrent à Notre-Dame pour rendre grâces à Dieu. Un des pétards abandonnés par Chatillon fut suspendu en trophée aux voûtes de Péglise (1); on décida que chacun jeünerait et communicrait; que pendant quarante jours on ferait des processions; et enfin, comme le bruit s'était répandu que les huguenots avaient des (1) Ledit Chatillon et ses troupes se retirèrent à leur confu- sion, laissant un de leurs pauvres serviteurs pour enseigne , qui après fut pendu au Martouret. Et le pétard porté à la maison consulaire, l’ayant baillé à Monseigneur du Puy , quelque temps après, fut mis en lumière devant le grandautel de Notre- Dame, y ayant faict escrire le long du dict pétard les raisons et les noms des seigneurs consuls. — (BUREL). ( 47) intelligences dans la ville, il fut proclamé offi- ciellement, à son de trompe, par les rues et carrefours, qu'on donnerait cent cinquante livres à ceux qui dénonceraient les traitres à la jus- tice(1), On poussa même si loin Ja sévérité des recherches à cet égard, qu'un ciloyen convaincu de s'être endormi pendant sa faction fut con- damné à faire amende honorable, en chemise, avec une inscription sur le dos. Un grand nombre de suspects furent arrêtés et mis en prison; enlr’autres, le fils d'un notaire, qu'on appelait Jean Alméras et qui jadis sous les ordres de Chatillon avait porté les armes pour la réforme. — Ce jeune homme fut mis à la torture et forcé dans les douleurs de faire des révélations que plus tard il rétracta. Pressé par le juge inqui- siteur, 1l dit que deux à trois cents habitans du Puy, parmi lesquels étaient Reynard, Balalhon, Guitard et les deux fières Sabatier, n’attendaient que l'éclat des pétards de l'ennemi pour s’élancer à son secours et lui livrer Ja ville, — D’après cette déposition la justice dressa ses poursuiles et entama un procès qui ne dura pas moins de trois mois conséculifs. Tous ceux qui refusaient (2) Serait faicte une criée et proclamation par les carrefours de la ville que : Qui sauroit des nouvelles par ouy-dire où au- trement , de qui auroit manié et prat'qué avec les dicts voleurs et les avoir fait venir pour la ruine de la ville , que on leur donne- reit cinquante escus pour leur vin, —= (BUREL). ( 472) de répondre ou dont les paroles ne semblaient pas assez précises étaient appliqués à la question. Enfin, le 4 janvier 1586, Alméras fut condamné à être pendu au gibet du Martouret.—Au moment où ce malheureux montait sur l’échafaud pour subir sa sentence, il fit une rétractation publique etdéclara que c'était faussement qu’il avait accusé les prisonniers, auxquelsil demandait bien pardon. Cet événement jeta un grand trouble dans la ville. Les parens et les amis des intéressés s’em- parant des dernières paroles d’Alméras, s’assem- blèrent en tumulte pour réclamer la délivrance générale des détenus. La justice résista avec vigueur, et comme elle craignit quelques vio- lences elle fit immédiatement fermer les portes de la ville et, sans désemparer , poursuivit le cours de ses informations. Aussitôt il fat publié solennellement un moni- toire qui prononcçait lexcommunication contre tous ceux qui d'une manière quelconque sau- raient quelque chose et ne voudraient pas le déclarer. — On fit si bien diligence que, le 27 du même mois, Jacques Balalhon fut massé, roué en place publique et son cadavre porté sur une claie au pilori de Ronzon; Antoine Sabatier pendu, et quelques jours après son frère Claude décapité (1)- oo (a) Et quant aux autres prisonniers, il fut plus à plain pro- cédé, ce que trouverez aux actes du scigneur prévost (BUREL), (475 ) Ces grandes et terribles exécutions furent ter- minées par une procession magnifique à laquelle voulurent assister toutes les illustrations de la province. Mr le sénéchal, le juge mage, les consuls et les gens de justice étaient en tête, vêtus de leurs robes; le pétard de Chatillon y fut aussi porté; et depuis lors, tous les ans en mémoire de cette heureuse délivrance on fit une sem- blable procession. S. XXVIIE. LE VELAY RAYAGÉ PAR LA FAMINE, LA PESTE ET LA GUERRE, 1586. Voici de quelle manière le chroniqueur du Velay commence le récit de l’année 1586 : « Le » pauvre peuple des montagnes avait élé si ruiné » par les guerres et après par la misère du temps » qu'il mourait de faim.—On en trouvait en » grande abondance morts dans la neige; car » aussi, en vérité, ils se nourrissaient de pain » d'avoine, de fougères et d'écorce d'arbres, » chose digne de mémoire! Ils s'en venaient » relirer au Puy, par grande force, et étaient fsi » amaigris, si défaits, qu'ils ressemblaient à des ( 474) » corps morts sortis du sépulere. Les chasse- » coquins ne les pouvaiént empêcher d'entrer, » Is tenaient la place, depuis la porte d'Avignon » jusqu’à celle de Saint-Laurent, et avaient rem- » pli Vhôpital. — De telle sorte que les bonnes » gens de la ville leur portaient l’aumône de pan » et de potage qu'ils leur faisaient manger; » mais aussitôt qu'ils en avaient goûté, leurs » boyaux se refermaient, puis ils mouraient, » La mortalité devint si considérable que tout servit de lieu de sépulture : les cloitres, les églises et enfin la place même où succombaient les pauvres victimes. Les denrées étaient hors de prix et si rares que ceux qui avaient quelqu’argent s'en pro- curaient avec peine. — Les mesures les plus rigoureuses furent prises par les consuls pour que le peu de grains qui restait encore ne pût être soustrait du service général. Tous les greniers furent scrupuleusement visités et les meuniers obligés, sous peine d’une amende de dix écus, de faire inserire sur un registre ouvert exprès à la porte de la ville, le blé qu'ils emportaient et qu'ils s’obligeaient de représenter en mouture. — D'un autre côté, les boulangers eurent ordre de faire de petits pains d’ane livre qui leur furent payés par la commune à raison de la taxe, mais qu’on distribua aux malheureux à un sou Ja pièce. ( 475 ) Cependant, la famine augmentait à tel point que les indigens de la ville réclamèrent pour eux seuls les secours qu’on apportait aux montagnards émigrés étendus par centaines dans les fossés et aux portes des monastères. « Quoi! disaient:ils » avec colère, nos compatriotes seront plus » sensibles aux souffrances de gens qu'ils ne » connaissent pas qu'à celles de ceux qui les ont » défendus dans les jours de danger?.. Ils passent » devant nous qui leur tendons la main cet por- » tent leurs secours aux étrangers... Ils n’en ont » pas le droit... » À ces mots ils se précipitaient sur les aumônes et s’en venaient presque arracher le pain de la bouche des mourans. — Pendant toutes les nuits les malhenreux ouvriers qui depuis long-temps restaient sans travail, parcou- raient les rues accompagnés de leurs femmes et de leurs enfans; ils priaient, ils pleuraient en demandant la charité de porte en porte, et quand on ne voulait pas les entendre ils s’'arrêtaient devant les maisons des riches, commencaient par des murmures, ensuite venaient les menaces , et criaientenfin : donnez..., donnez ou nous prendrons partout où nous trouverons !.. (1) Loin de s’apaiser à la fin de l'hiver, le fléau (1) Manuscrit original de Burel, — Manuscrit dit de M, de Saint-Sauyeur, ( 476) redoubla ses ravages, et ce qu’épargnait encore la famine, la peste vint le réclamer. — Ce n’était plus dans les cimetières ni dans les églises qu’on pouvait ensevelir les cadavres; la contagion s’étendit avec une si effrayante rapidité, éclatant partout à la fois, qu'il fallut creuser d'énormes fosses en dehors des murailles pour y jeter pêle- mêle les victimes de chaque jour. — Tel était le désespoir de cette population misérable que, dit Burel, la nuit entière, le jour tout entier, ils criaient: Ælarme!.. Nous mourons de faim! Et encore quand on venait pour les secourir ils mordaient comme des chiens enragés. L’encombrement et le besoin étaient si grands, aux fêtes de l’Ascension, vers l'endroit où l’on avait coutume de porter les aumônes que ceux qui étaient chargés de les distribuer, soit qu'ils ne pussent résister aux violences qu'ils éprou- vaient, soit que le contact trop prolongé des pes- tiférés les effrayät, se retirèrent laissant encore beaucoup de monde sans secours, et renvoyèrent au lendemain l’œuvre charitable qu'ils n'avaient pas le courage d'accomplir. Mais le lendemain, quelle ne dut pas être leur douleur, lorsqu'ils trouvèrent étendus morts dans les fossés plus de quatre à cinq cents hommes, victimes de leur fatal égoisme ?.... Dans ces tristes conjonctures l'amiral, duc de Joyeuse, favori du roi, s’'avancait à la tête d’une (477) armée de dix mille hommes (1) pour combattre Henri de Navarre. — En quittant la cour, le pré- somptueux général s'était engagé de soumettre tous les sujets rebelles à la couronne et à la foi qu'il rencontrerait sur sa route, et de ne repa- raitre que vainqueur du Béarnais. Joyeuse , en attendant qu’il püt tenir la seconde partie de sa promesse, se mit en mesure d’accom- plir la première : il traversa la Limagne, vint à Brioude prendre connaissance des lieux et demeu- ra quelques jours dans cette ville pour diriger ses plans d'attaque contre les places insoumises du Velay, du Gévaudan, du Rouergue et d’une partie de l’Auvergne.= Déjà des ordres avaient été expédiés de Paris afin que le Velay eût à lui fournir pour sa part trois mille écus et sept cents septiers de blé. Comme :il était impatient de recevoir cette taxe, il expédia en toute hâte un courrier au Puy réclamant, sous peine de tra- verser la province et d'y séjourner avec son armée, une somme de quinze mille écus et les six canons de la ville. Les états immédiatement assemblés décidèrent que sans désemparer un emprunt allait être fait aux personnes les plus riches jusqu’à con- (:) Burel dit vingt mille. — M. Lacreteile, mieux informé sans doute, ne porte le chiffre qu’à dix mille. (478) currence de la taxe royale et qu’on l’enverrait à l’amiral par le gouverneur lui-même, avec hum- ble prière de ne pas exiger davantage ; car la misère du pays ne permellail pas un plus grand sacrifice. Saint-Vidal remplit sa mission. — Toutefois, pour donner une preuve de la sincère affection de sa province à la cause royale il remit, seu- lement comme prêt, les canons demandés, — L'argent et l'artillerie furent acceptés. On loua le zèle des catholiques Vélauniens, on remercia les Aniciens de leur obligeance; mais, on ne leur rendit jamais rien, ce qui était alors assez la coutume. Ce fut dans le Gévaudan que Joyeuse occupa les courts loisirs que le roi de Navarre lui laissait encore. — De Brioude, 1l courut mettre le siége devant le château du Malzieu qu'il soumit en quarante heures et dont il confia le gouverne- ment à Saint-Vidal.— De là, il vint devant Mar- véjols qui, malheureusement tarda trop à capi- tuler. Après huit jours d’une héroïque défense, cette ville épuisée demanda gràce; pour toute réponse le vainqueur ordonna l'incendie, le pillage et le massacre, puis se retira laissant encore cette proie expirante entre les mains de Saint-Vidal, conseiller, dit-on, de ces infimes cruautés. Après plusieurs autres conquêtes aussi faciles, (479 ) Joyeuse enorgueilli s’avancait triomphalement à travers le Poitou lorsqu'il se vit tout-à-coup en face de son redoutable adversaire. — Dès ce moment la fortune sembla l’abandonner. Chassé de poste en poste, en moins de quelques jours il perdit plus de soixante prisonniers. Henri, par d’adroites manœuvres, regagna les confins du Périgord attirant après lui l'ennemi dans la plaine de Covwrras (1) dont il avait par avance étudié les dispositions, (1) BATAILLE DE CouTRAs. — Les deux armées présentaient un aspect bien différent. — Celle du roi, commandée par le plus vaniteux gentilhomme, étincelait de riches armures, de belles casaques de soie et de velours, de broderies d’or, d’ai- grettes en pierreries. À voir ces brillantes parures on eût dit des chevaliers prêts pour un magnifique tournoi. — Le camp des huguenots , au contraire, était calme, pauvre, modeste, mais terrible dans sa sévère attitude. Ne croyez-yous pas voir la brillante armée de Darius} disait Henri. Heureusement, compagnons , nous ne ressemblons pas mal aux Macédo- niens..…. — Ils ont peur , disait Joyeuse à Lavardin, son aïde- de-camp ; regarde, ami, ils prient. — Las! Monseigneur, ne vous y trompez pas, ces gens là ne sont jamais plus terribles qu’au sortir de la prière... En effet : les protestans entonnèrent d'une voix relenlissante le psaume de Marrot : La voia l’heureuse journée Où Dieu couronne ses élus. Le roi de Navarre, en habile général, s’empara d’une butte pour mettre son armée à couvert; puis affectant uñe apparence de désordre, disposa tout, au contraire, pour une prudente ( 480 ) $S. XXTX. PRADELLES, 1588. Le 10 mars 1588, deux heures avant le jour, les habitans de Pradelles furent tout-à-coup éveillés par les arquebusades d’une bande de attaque. — Que pensez-vous de cette troupe dorée} dit-il à ceux qui l’entouraient, ne vous rejouit-elle pas}... Allons, amis, tombez sur M. de Joyeuse; c’est un nouveau marié qui a encore l'argent de son mariage dans ses coffres. À huit heures du matin l’artillerie commenca à donner. Celle des catholiques, quoique beaucoup plus considérable , était dans la plaine et portait mal, tandis que celle des huguenots, placée sur la hauteur et dirigée par Rosni, faisait un ravage horrible. — Joyeuse, qui ne tarda pas à sentir le désayantage de sa position, fit sonner la charge. Les deux armées en vinrent aussitôt aux mains. Le nombre devait assurer la victoire, car le courage était égal dans les deux camps. Un instant le roi de Navarre crut la bataille perdue; les troupes gascones commandées par Latré- mouille et Turenne eurent peur ; quelques soldats commencaient à fuir, Condé s’en apercoït, les encourage ; Montausier vient et se met à crier devant tous : Æu moins, compagnons, souve- nez-vous que ce ne sont pas les Poitevins qui désertent. — Ce seul mot rendit la fierté aux Gascons qui revinrent au combat. — De son côté, le comte de Soissons eut la même inquiétude Ses soldats, gagnés par le mauvais exemple, se retranchaient ( 461) religionnaires qui s'étaient avancés secrètement pour prendre et piller la ville. Les premiers qui s’'apercurent du péril coururent au clocher de l'église et sonnèrent le tocsin; en quelques instans tous les autres étaient sur les remparts. Ils allaient être vaincus lorsque lun d’eux, qui n'avait d'autre arme que sa fronde, lanca une pierre contre Chambaud le capitaine, atteignit au front et le tua du coup. Découragés par la mort de leur chef, quoiqu’au sur les derrières. Vous vous égarez, dit le comte, regardez, camarades, l'ennemi est de ce côté, prenez donc le chemin le plus court pour le battre... Allons droit à lui, suivez-moi.. Et ils obéirent. Henri, à la tête de son armée, était admirable de talent et de bravoure. Partout en même temps, toujours au poste le plus périlleux, son panache était un drapeau, sa poitrine un bouclier. — Rends-toi, Philislin, crie-t-:l à tous ceux que sa clémence épargne ; et les plus jeunes il les renvoie même sans rancon. — Allez, enfans, reprenait-il avec bonté, retournez vers mon fière et dites-lui que je saurai lui faire recueillir les fruits de ma victoire, — En effet, il fut vainqueur et n’eut à déplorer la mort que de cinq officiers et de vingt soldats. Le soir même de cette mémorable journée, Henri vint souper au château de Coutras. — Quand il entra dans la grande salle, le premier objet qui frappa sa vue fut les cadavres nus des deux Joyeuse exposés aux sarcasmes de ses gentilshommes, Ce mo- ment, Messieurs, dit-il avec sévérité, est celui des larmes, méme pour les vainqueurs... Et après le repas, il écrivit au roi cette lettre : « Sire, Monseigneur et frère, remerciez Dieu, j'ai » battu vos ennemis et votre armée... » 4 91 (462) moment de pénétrer dans la ville, les huguenots prirent la fuite, abandonnant armes et munitions aux montagnards ébahis de leur soudaine victoire. — Pour perpétuer cet heureux événement Pra- delles s’engagea par un vœu solennel (1) à faire chaque année, le 10 mars, une procession en action de grâce à Dieu et à Notre-Dame, Le lundi de la Pentecôte on célébrait aussi un autre anniversaire en mémoire d’uné délivrance plus merveilleuse encore. Le chroniqueur raconte, sans fixer de date, que les hérétiques venant faire le siége de la ville, devinrent tous aveugles, frappés par un nuage noir qu'ils rencontrérent à la Croix du frère Vidal. — Ce fait, que nous transcrivons fidèlement, est au moins fort inexact; sans la cérémonie à laquelle il a donné lieu et qui est un témoignage en sa faveur, nous serions entièrement disposés à le nier, car nul de nos historiens n’en fait mention. Admettons cependant qu'un jour quelques bandes ennemies eurent l'intention de venir s'emparer de Pradelles, mais que saisies par la tourmente le vent leur chassa la poussière dans les yeux et les força à rétrograder. Rien n’est plus possible, surtout pour ceux qui savent quelles tempêtes s'élèvent par fois sur ces hautes montagnes. (1) Fait par acte public, recu Deabriges, notaire royal. (485 ) Nous ne connaissons qu’une autre circonstance où les huguenots parurent dans ces parages. Quoiqu'elle soit antérieure de six ans nous devons la rapporter ici pour compléter sommairement ce qui regarde cette ville frontière, une des portes principales du Vivarais (1). C'était en 1582 ; le comte de Chatillon, fils de l'amiral Coligny, était alors dans le Languedoc à la tête d’une petite armée, Pour entretenir ses troupes, en attendant de plus importantes affaires, il les conduisait tantôt sur un point tantôt sur un autre, ranconnait villes et châteaux, s’emparait des plus faibles, faisait capituler les plus forts et s’'approvisionnait ainsi. — Vers la fin d'août :l fit savoir à Mr de Saint-Vidal, gouverneur du Velay, qu'il s'apprêtait à pénétrer dans sa province et à la soumettre impitoyablement aux droits de la guerre, si mieux elle n’aimait s'imposer par avance une contribution raisonnable. Chatillon vint attendre la réponse à Pradelles, où il mit son armée en garnison. Il y resta plusieurs semaines, probablement jusqu'à ce qu’il eut épuisé toutes les ressources de la contrée ; car ceux du Puy lui avaient depuis long-temps fait remettre cinq cent cinquante (1) Pradelles, aujourd’hui dans le département de la Haute- Loire, jadis dans la province du Vivarais, passe pour la ville la plus haute de France, ( 484 ) écus (1) et lui ne s'était point encore retiré. — Cependant, il ne faudrait pas croire que ces déprédations pussent se commettre impunément sur toutes les terres. Il était plus d’un gentil- homme qui, fièrement retranché derrière ses bonnes murailles, se tenait armé et toujours prêt à défendre ses domaines au péril de ses jours. Le seigneur de Beaune, par exemple, inquiété par quelques soldats de Chatillon qui étaient venus piller ses fermes, en saisit un et sans autre facon de justice le fit pendre devant le portail de son castel (2). (2) Saint-Vidal et les consuls du Puy, jugeant convenable de détourner cette armée commandée par Chatillon, fils du feu amiral de France, députèrent à ce général des protestans le capitaine Gralhac, attaché au service de l’évêque du Puy, suivi d’un trompette. Chatillon accorda l’objet de leur demande, moyennant la somme de 550 écus, qui lui fut comptée à Pradelles. (ARNAUD, Histoire du Velay, tome 2, pag. 407). (2) En face de ces nombreux châteaux forts qui, sur les cimes de roches escarpées plus encore défendus par la nature que par l’art, garantissentle Velay du côté du midi, Chatillon n’était nullement disposé à tenir la menace qu’il avait faite à Saint-Vidal , et quelque minime que fût la rançon, il ne jugea pas prudent d’attendre la mauvyaise saison à Pradelles, ( 485 ) $. XXX. SUCCÈS DES RELIGIONNAIRES DANS LE VELAY, Après le premier siége de Saint-Agrève, quand Saint-Vidal eut chassé les huguenots, comme il n'avait pas assez de troupes pour laisser garnison il fit démanteler la place et se retira. Cependant peu après son départ une bande de religionnaires survint, releva les murailles, les rendit plus fortes encore qu'auparavant, puis se mit à ran- conner la campagne d’uu si cruelle facon que les habitans éplorés vinrent en foule trouver les gouverneurs du Velay, du Vivarais en leur demandant protection pour leur vie et pour leurs biens. Un fait bien digne de remarque et qui est propre à faire comprendre la véritable situation du pays à ectte époque, c’est cette apparente incurie des chefs que parfois on ne peut con- cilier avec une bravoure comme celle dont ils font preuve si souvent.— Tout-à-coup nous les voyons sonner l'alarme et convoquer le ban et l’arrière-ban. A leur voix les évêques, les moines , les châtelains marchent en tête de leurs vassaux, s'arment avec enthousiasme contre les infidèles déprédateurs; ce sont de petites croisades pour la défense de la foi et (486 ) de la terre natale : puis au retour de ces victo- rieuses expéditions, sans penser à recueillir ni à conserver les fruits de la conquête, chacun satisfait rentre chez lui en attendant de nouveaux périls. — Donc, comment se faisait-il que Saint- Vidal, par exemple, lui si actif, si vigilant, laissât aux bandes huguenotes tout le loisir de s’établir dans le pays, et ne vint les combattre seulement que lorsqu'elles y avaient acquis de fortes po- sitions ? Le fait s'explique par l’organisation militaire et administrative des petits élats comme le Velay, le Gévaudan, et surtout par les difficiles commu- nications des pays montagneux. — Si le gouver- neur eût eu des troupes permanentes en assez grand nombre, soldées par l’état ou par la province, s’il eût pu les faire mouvoir à son gré, laisser de fortes garnisons dans toutes les places conquises sans pour cela trop diviser ses forces, si les neiges et les glaces ne l’eussent pas empêché six mois de l’année d'aborder une partie du territoire, si enfin , l’escarpement de ‘certaines retraites ne lui eût pas rendu toute poursuite périlleuse; sans doute que le premier acte de son pouvoir eüt été de purger les montagnes de ces hordes parasites. Il n’en était point ainsi. — Pour se mettre en campagne il fallait faire des levées spéciales d'hommes et d'argent , il fallait surtout déter- ( 487 ) miner dans les rangs de la noblesse un généreux élan de patriotisme qui portât les châtelains à offrir à la cause commune le secours de leur exemple et de leurs bras. — Or, ce moyen tou- jours très-onéreux n’était encore efficace qu’au- tant qu'il ne se reproduisait pas trop souvent. Pour que lappel du gouverneur fût favorablement entendu, il était nécessaire que la elameur pu- blique l’eñt déjà préparé, justifié, commandé. Ce n’était donc que dans un grand danger, mal- heureusement quelquefois après un commence- mentde sanglantesexécutions, lorsque les plaintes arrivaient de partout, que l’on pouvait espérer l’appui de la justice militaire, Voilà, ce me semble, comment il faut expliquer cette apparente imprévoyance de Saint-Vidal qui, après avoir chassé les religionnaires de Saint- Agrève et rasé ses murs en 1580, fut obligé pour ainsi dire de voir l’ennemi reprendre pierre à pierre possession dela place, la fortifier de nouveau et recommencer ensuile ses anciens brigandages. Cependant son appel fut entendu lorsqu’en 1588, ligué avec Tournon et de Chaste (1), il résolut de reprendre une deuxième fois la ville rebelle. Douze mille hommes, tant de milice bourgeoise, de gens d'arme ou de pied que de (1) Tournon, gouverneur du Vivarais; de Chaste, senéchal du Velay. ( 488 ) volontaires, vinrent se rallier sous les drapeaux de ces trois gentilshommes(1). — L'attaque com- menca le 8 septembre et fut désastreuse pour les assaillans. Les journées qui suivirent n’eurent pas plus de succès. Au bout d'un mois, les gou- verneurs, désespérant de réussir, proposèrent alors des capitulations qui furent acceptées. — C'était un singulier spectacle ; 1l faut en convenir , de voir ces religionnaires triomphans quitter la ville et le château mêche allumée, tambour battant, escortés jusqu'aux frontières, en facon de sauf-conduit, par le sénéchal du Velay lui- même! Les prisonniers furent réciproquement rendus et probablement, quoique ne le dise pas le chroniqueur, une forte rancon fut payée par les états réunis du Velay et du Vivarais. Pour la plupart de cesbandes nomades, élevées au métier de pillards comme jadis les routiers , la guerre n’était certes pas une nécessité de con- science, mais un moyen de fortune. Vassal sou- vent accablé sous l'impôt le montagnard éman- cipé, plus que tout autre dut préférer aux infertiles sillons de son pays la chance des combats. C'était (1) Quoi qu’en dise le chroniqueur contemporain, nous ayons bien de la peine à penser qu’une armée de 12,000 hommes ait été obligée de capituler devant quelques centaines de huguenots; mieux vaut croire que le nombre des catholiques est considérablement exagéré. > = ( 489 ) une vie nouvelle qui allait à son caractère aven- tureux, Habitué aux émigrations annales , lui du moins ne changeait pas d’habitudes; seulement 1l allait demander à sa force ce qu’autrefois il n’atten- dait que de son travail, La fatigue et les périls ne lui faisaient point obstacle, il y était habitué dès l'enfance. — Donc, à cette funeste école des guerres civiles ce fut lui qui dut trouver le plus de profit ; aussi en moins de dix années la population des montagnes s’était-elle considéra- blement amoindrie ; des hameaux tout entiers étaient abandonnés à la garde de quelques vieillards et de femmes désolées. Les paysans du Velay, du Gévaudan et du Vivarais, enrôlés comme les reitres allemands ou les condottieri italiens, guidaient leurs bandes à travers les sentiers les plus secrets, les plus escarpés des Cévennes. — Quelques-uns avancés en védette allaient étudier le pays, s’assuraient des dispositions, des ressources de telle ou telle localité, puis allaient avertir leurs compagnons qui tout-à-coup paraissaient. A peu près vers le temps dont nous parlons on arrêta à Polignac un de ces éclaireurs venus dans le dessein de surprendre le chäteau; malheureusement pour lui il manqua d’adresse et de courage; se laissa prendre, avoua sa perlhide mission et fut pendu haut et court sur la place du Martouret, au Puy.— Averti par l’espion, (490 ) Saint-Vidal se tint en garde. Entr'autres précau- tions, il enjoignit à la compagnie des tanneurs qui habitait les faubourgs de crier aux armes au moindre mouvement, afin que la sentinelle placée sur les remparts fût aussitôt prévenue. — De son côté le commandeur de Saint-Barthelemy établit près de sa maison un corps-de-garde composé de dix hommes. Après la triste campagne de Saint-Agrève, le sénéchal de Chaste, jaloux de venger l'honneur de ses premières armes, courut assiéger le château d’Agrain, situé sur les frontières du Gévaudan. De Chaste avait dit en partant à Saint-Vidal : &« Laissez-moi faire, M' le gouver- » neur, dans trois jours notre prévôt du Puy » vous donnera des nouvelles de ce Chambonas » damné (1), auquel je prépare pour sa dernière » toilette un beau collier de chanvre. » — Il partit, mais ne fut pas plus heureux dans cette seconde expédition; car il lui fallut compter mille écus au capitaine qui ne quitta cette place que pour aller s'emparer d’Arlempdes, situé sur les rives de la Loire. Dans ce nouveau poste Chambonas se rendit encore plus redoutable au Velay. Retranché (1) Capitaine de la bande de religionnaires qui occupait Agrain. (491) derrière d'épaisses murailles il pouvait impuné- ment opprimér le pays; alors Saint-Vidal, qui n'aimait pas de Chaste et qui déjà l’accusait d'ignorance, vint lui-même mettre le siége devant le château. Cependant ses efforts échouè- rent comme ceux du sénéchal et, à sa grande honte, il se vit obligé d’entrer en composition avec son ennemi.—De Brès, doyen de Notre-Dame, et Claude Lafont, notaire au Puy, furent ses parlementaires; mais le capitaine fier des deux succès qu'il venait d'obtenir se montra plus exi- geant. Il demanda de nouveau mille écus ct cette fois, non plus pour abandonner la place, car il prétendait au contraire s'y établir avec quarante hommes de garnison, mais uniquement pour cesser ses injustes déprédations. — St-Vidal repoussa avec colère un traité qui eût été pour lui un affront éternel et, comme devant Espaly, obtint par la trahison ce qu'il n'avait pu arracher avec les armes. « En effet, dit Burel, Dieu qui » donne rétribution et salaire à ceux qui le » méritent, selon leurs œuvres, permit que ce » Chambonas fût salarié de ses honorables vaca- » tions. Enfin, l’un des soldats qu’il avoit en sa » compagnie le meurtrit, le tua, le vola, se » Saisit de son trésor, de ses armes et de ses » autres biens. — Par ce moyen le château fut » remis à l’obéissance du roy. » Quoique le chroniqueur ne s'explique point ( 492) clairement sur cette circonstance, il n'est pour- tant pas douteux que l'assassinat du capitaine n’ait été suscité par les manœuvres corruptrices du gouverneur. À défaut de témoignages plus certains, sa conduite jusqu’à ce jour autoriserait toute supposition de cette nature. “sf SERCNIL CONSEIL DES SEIZE À PARIS. Barricades. -— États de Blois. — Assassinat des Guise, 1588. Comme l'avait prévu Catherine , Henri IH en se déclarant chef de la ligue put introduire dans ce parti un grand nombre de fidèles servi- teurs et briser ainsi toutes les trames de cette dangereuse association. Alors, les conspirateurs ne se trouvèrent plus que des sujets vaincus, malgré eux attachés par un nouveau lien. — Si, dès le moment où le roi avait eu la pensée de pénétrer dans le camp de ses ennemis il avait eu l'énergie suffisante pour les diriger, l'arme qu'ils avaient préparée pour le perdre devenait entre ses mains l'instrument glorieux de sa puis- sance. Il n’en fut point ainsi; Catherine n'était | ( 495 ) adroite que par perfhdie. Heureuse pour nouer une intrigue, pour détourner un péril menacant , elle ne savait rien de cette politique courageuse et loyale qui seule peut assurer un succès durable. Contente d'une démonstration qu'une vanité jalouse contre les Guise avait inspirée, elle crut avoir assez fait pour son repos, tandis que les conjurés bientôt revenus de leur frayeur se réu- nissaient de nouveau. Un conseil permanent fut établi dans Paris , et chacun desseize quartiers y envoya des délégués. Moines, curés, médecins, magistrats, étudians, officiers, vinrent y représenter plus de vingt mille mécontens. Les uns voulaient agir pour donner la couronne au duc de Guise , les autres pour l’offrir au roi d'Espagne; tous étaient d'accord pour l’en- lever au faible Henri IL Les moins cruels par- laient de le jeter dans un couvent, beaucoup voulaient sa mort. Cependant aucune des tentatives contre la per- sonne royalene pouvaitréussir; les seize plusieurs fois avaient décidé son arrestation, et il arrivait toujours que le roi prévenu ne paraissait pas en public ou ne se montrait que suivi d’une puis- sante escorte. Evidemment le conseil était trahi, Le traître était Nicolas Poullain, lieutenant de prévôt, homme en apparence très-exalté et dont personne ne pensait à se défier. Voyant cela, Bussy-le-Clerc, fougueux ligueur, écrivit au duc ( 494 ) de Guise pour l'appeler à Paris et lui offrir le commandement de vingt mille bourgeois armés. Le roi, qui sans doute savait cette démarche, écrivit de son côlé pour engager son cousin à rester en Lorraine, Dans cette alternative, celui-ci n’écoutant que son ambition, partit... Les seize l’attendaient aux portes de la capitale, et dès qu'il parut ce fut un triomphe : Fe! vive le nouveau Machabée! criait-on partout, cl vient nous sauver du massacre; c’est à la cour d’Hérode à trembler. — Guise (10 mai 1588) descendit à l'hôtel de Soissons, où habitait la reine-mère. Il accabla cette astucieuse princesse de protestations hypo- crites; et tandis que l’un et l’autre échangeaient de bienveillantes paroles, ils cherchaient à se tromper tous les deux. Le duc, suivi des acclamations de la foule, se rend au Louvre. Le roi le recoit fort sévèrement; mais instruit de la quantité de populaire qui se rue aux portes du palais, il se contient. — Deux jours après, vers les six heures du matin, on voit entrer dans Paris quatre mille hommes de troupes suisses et francaises commandées par le maréchal de Biron. — Henri II veut alors sortir pour aller au-devant d'eux; l'alarme se répand par la ville; partout on dit que le roi n’attendait que ce ren- fort pour recommencer une nouvelle Saint-Bar- thelemy. Le tambour bat, le tocsin sonne à toutes les paroisses, les citoyens prennent leurs armes, RE — ( 495 ) les étudians, les moines accourent les premiers sur la place Maubert, on tend les chaînes dans les rues, on forme des barricades, les femmes, les enfans lancent des projectiles enflammés du haut des croisées tandis que les hommes se battent. Les insurgés s’avancent jusqu’au Louvre; plus de cinquante mille vont s’en rendre maîtres, lors que le duc de Guise se présente en habit de soie, sans armes, comme un médiateur pacifique, et cherche à calmer la multitude par des paroles qu'il sait bien ne devoir que l’irriter davantage. Pendant ce temps, Catherine sort du palais, demande à négocier et à présenter au duc les soumissions de lacouronne.—Le peuple s’apaise, la nuit se passe; mais le lendemain Henri n’est plus à Paris, il s’est sauvé à Chartres suivi de seize gentilshommes. J’ille ingrate, s'est-il écrié en fuyant, ville mon ennemie, je jure de ne rentrer dans tes murs que par la brèche. Dès que le duc sut la fuite du roi, sa première pensée fut pour ainsi dire de prendre possession de Paris. Il courut chez le premier président Achille de Harlay, le pria de joindre ses efforts aux siens pour contenir le peuple, rendre la force aux lois et dompter lhérésie. Harlay lui lit cette courageuse réponse : C’est grande pitié, Monsieur, quand le valet chasse le maître. Au reste, mon ame est à Dieu, ma foi à mon roi, ( 498 ) mon corps entre les mains des néchans, ils en feront ce qwils voudront. Vous me parlez d’as- sembler le parlement : mais quand la majesté du prince est violée, le magistrat na plus d'autorité (1). Guise ne trouva pas partout une si fidèle résistance, les gouverneurs de la Bastille et de l’arsenal lui remirent leurs clefs et bientôt toutes les issues de Paris lui furent soumises. Tandis que les ligueurs régnaient ainsi dans la capitale, le roi de son côté conspirait contre leur chef, mais dans le plus profond mystère. De Chartres, il transporta sa cour à Rouen où il publia un édit d'union. Il se déclarait de nouveau chef de la ligue, pardonnait le passé, nommait le duc généralissime de toutes ses armées et s’engageait à convoquer à Blois les états généraux. Ce fut le seize octobre que ces états s’assem- blèrent; ils n'étaient presque composés que de ligueurs. — Guise, de l'air le plus respectneux, vint au-devant du roi qui le sourire sur les lèvres semblait avoir tout oublié. Les deux ennemis étaient en présence , ils se mesu- raient des yeux; l’un et l’autre n'étaient venus que pour étouffer un rival dans un dernier embrassement. Cependant, malgré la réserve qu'ils cherchaient à s'imposer, leur haine les (1) LACGRETELLE, livre 10, tome Il, page 286. ( 497 ) trahissait et percait à chaque mot sous leurs perfides sourires (1). Le roi, tous les jours humilié publiquement en présence d’une assemblée hostile, ne voulut pas reculer davantage l'instant de se venger. Pour frapper son ennemi , il préféra les lieux témoins de son insolence. — On approchait des fêtes de Noël; Henri prétextant ses devoirs religieux s’enfermait de longues heures sans recevoir personne; et tandis que chacun le croyait préoccupé du soin de son ame , lui tenait secrètement conseil avec le maréchal d’Au- mont, le colonel Alphonse, les deux frères Ram- bouillet, et décidait la manière la plus prompte de se défaire du roi des barricades. Le vingt-deux décembre, le conseil fut con- voqué de meilleure heure qu'à l'ordinaire; le (1) Le roi recevait toujours le duc de Guise à son audience, à son conseil. Il semblait lui dire : « Je yous abandonne tout; éparguez-moi d’inutiles affronts. » Un jour ils soupaient ensemble, et tous deux s’efforcaient de donner à ce repas un air de cordialité, & Buvons, dit le roi, à nos bons amis les huguenots. » Tous les convives comprirent que le roi, par ce mot, voulait faire entendre que sa haine contre les héré- tiques ne le cédait point à celle Au duc de Guise. « Et à nos bons amis les barricadeurs , » ajouta vivement le roi. Ee duc de Guise, avec un rire forcé, laissa passer une plaisanterie qui assimilait les ligueurs aux protestans. (LACRETELLE, livre 10, tome lf, page 298.) 32 ( 496 ) duc, qui sortait des bras de sa maitresse, Madame de Séauves, arriva le dernier. A peine faut-il entré qu'on referma sur lui les portes, ce qui l’inquiéta un peu. Alors seulement, plusieurs secrets avis qu'il avait dédaignés lui revinrent en mémoire; pourtant il ne voulut pas avoir lair ému et se présenta au conseil le visage riant. — Il y avait à peine quelques instans qu'il était assis , lorsqu'un secrétaire d'état vint le prévenir que Sa Majesté désirait lui parler dans son cabinet. Le duc se lève et sort. Sur l'escalier un groupe de gentilshommes lentoure ; il pâlit Saint- Maline lui porte un coup de poignard à la gorge, Lognac fait un signe aux gardes qui se précipitent sur lui et l’achèvent. Alors le malheureux duc chancelle, tombe en s’écriant : Mon Dieu, je suis mort! Ayez pitié de moil Pardonnez-moi mes péchés ! — Le roi soulève la portière de sa chambre ; mais épouvanté du crime qu'il a com- mandé, il s'arrête. Ce n’est que lorsqu'il est bien sûr que sa victime n'existe plus, qu'il ose s’ap- procher et qu'il examine froidement le cadavre étendu à ses pieds. Déjà d’autres satellites se sont emparés du car- dinal de Guise ainsi que de l'archevêque de Lyon et les ont conduits tous les deux prisonniers dans les combles du château. D’autres enfin , répandus par la ville, ont arrêté la vicille duchesse de Nemours, mère de Guise; le prince de Joinville, (#99) son fils; le marquis d’Elbeuf, son cousin; Île cardinal de Bourbon et tous les principaux chefs de la ligue. -Après ce coup téméraire, Henri IE court triom- phant chez Catherine, qui était au lit malade, et lui dit : Félicitez-vous, ma mère , c'est maintenant que je suis roi de France , puisque le roi de Paris n'est plus. — À cette nouvelle, la reine, sans laquelle son fils n'avait encore rien osé tenter, ne répondit que ces mots : J'ai peur pour vous, car vous avez bien coupé ; mais maintenant il faut coudre. Le cardinal et l’archevéque , enfermés dans le même appartement, avaient passé la nuit dans les larmes. Résignés à la mort, ils se confessèrent lan à l’autre ; et le lendemain matin, quand Dugast, capitaine des gardes, entra dans leur pri- son il les trouva à genoux qui priaient. « M' de Lyon, dit-il, veuillez me suivre, le roi vous attend. » Le cardinal crut qu'on conduisait son compagnon au supplice; 1l se leva, lui serra dou- cement la main et tout bas prononca ces paroles: « Monseigneur , pensez à Dieu, » L’archevêque qui prévoyait la vérité, ajouta : « Vous-même, Monsei- gneur, pensez-y. » En effet, quand le cardinal fut seul, Dugast revint suivi de quatre soldats armés de perluisanes et s’écria : « Le roi m’ordonnede vous faire périr, préparez-vous.» Le prélat fitune courte prière, s’inclina, puis se couvrit la tête de sa robe, ( 500 ) «Exécutez votre commission, dit-il, je suis prêt; » et il tomba mort aux pieds de ses bourreaux. Douze jours après ce dernier crime , Catherine de Médicis mourut. — Voici comment le JOURNAL DE L'EToiLe raconte cet événement, perdu dans une si sanglante catastrophe. « Le dimanche huit jan- » vier, Lincestre fit entendre au peuple la mort » de la reine-mère, laquelle, dit-il, a fait beau- » coup de bien et de mal, et crois qu'il ya » encore plus de mal que de bien. Aujourd’hui se » présente une difficulté, de savoir si l'église » catholique doit prier pour elle, qui a vécu si » mal et soutenu souvent l’hérésie, encore que » sur lafin elle ait tenu, dit-on, pour notre droite » union, et n'ait consenti à la mort de nos bons » princes. Sur quoi je vous dirai que si vous vou- » lez lui donner à l'aventure, par charité, un » Pater et un 4ve, ils lui serviront de ce qu’ils » pourront, Je vousles laisse à votre liberté (1). » (1) Par les quelques phrases que nous allons citer de BUREL, on pourra se faire une juste idéede l’opinion générale du Velay et de celle de son historien. « . Je ne veux oublier la mort et massacre faicts aux per- » sonnes de ces grands exalteurs de nostre religion chrestienne, » qui estoient Messeigneurs le duc et le cardinal de Guise, » son frère, faicts par le commandement et damnable volonté » voyre tyrannie de ee barbare et ingrat Henri de Valois... Le » due, entrant dans la chambre du roy, se trouva saisi de sept \ ( 501) L’assassinat des Guise avait un instant épouvanté les plus fervens ligueurs; mais la haine succéda bientôt à la crainte et les cris de vengeance mélés aux imprécations des catholiques éclatèrent à la fois sur tous les points du royaume. -— La Bour- gogne , le Lyonnais, la Gascogne, l’Orléanais, d’autres provinces encore prirent aussitôt les armes pour secouer un joug odieux, pour recon- naître comme chef de la sainte union Mayenne, frère proscrit des deux victimes. Tandis que le roi, à qui il ne restait déjà plus que quelques villes obéissantes , voyait briser presque devant ses yeux ses armoiries, ses por- traits, ses statues, la Sorbonne déliait le peuple de son serment de fidélité envers l'assassin d'un cardinal, et l’église l’anathématisait. — Alors le triste souverain abandonné de tous se rappela la loyauté de son frère de Béarn et lui fit proposer un traité d’alhance. » à huit pendards, voleurs et meurtriers que le roy avoit » attiltrés... Et encore, le roy ne se seroit contenté de la » tyrannie et cruauté barbare contre le sieur duc ; sa cruauté » estant de plus fort augmentée, le lendemain il fit massacrer » à grands coups d’hallebardes le révérendissime cardinal... Ce » qui est plus méchant que ce que fist Hérode envers les » pauvres innocens.... Mais, suivant la sentence de Dieu, les » meurtriers sont punis de la méme effusion de sang... » ( 502 ) $. XXXIT. CONSEIL DES DIX-HUIT , À TOULOUNE, Assassinat du premier présent Etienne Duranti. 1589. Pendant ce temps les bourgeois de Toulouse, qui s'étaient déclarés des premiers en faveur de la ligue, levaient ouvertement l’étendard de la révolte, refusant même d'ouvrir les portes de la ville au sénéchal envoyé par le roi. — Le moment semblait bien choisi pour repousser l’autorité d’un prince aussi éloigné de leur territoire que con- traire à leurs opinions; ils en profitèrent pour se conslituer indépendans. 4 Le premier soin des conjurés, réunis en assem- blée générale, fut de décider par acclamation que tous les ordres, toutes les confréries, vien- draientjurer un inviolable attachement à la sainte union, et que le traître Henri de Valois ne devait plus être, dès ce jour, regardé comme le souve- rain des catholiques. — Ils choisirent en consé- quence dix-huit des plus dévoués ligueurs; six dans le parlement, six dans le clergé, six dans la bourgeoisie, auxquels ils confèrent les plus absolus pouvoirs. Les citoyens prirent aussitôt les armes. Les ( 503 ) prêtres du haut de Ja chaire bénissaient Pinsur- rection et comme autrefois du temps des croisades excitaient la multitude à de saintes fureurs. Les magistrats, le parlement entrainés, refusaient de leur côté de rendre la justice au nom du roi. Non- seulement ils ne reconnurent pas la nomination du duc de Montmorency comme gouverneur du Eanguedoc, mais encore, pour faire acte d’une plus directe hostilité, refusèrent d’enregistrer lédit de grâce promulgué en faveur des re- belles. — Cette alliance compacte entre tous les ordres assurait aux Toulousains, sinon le succès, du moins la certitude d’une puissante résistance. Pour aider davantage encore au. mouvement insurrectionnel, pour le centraliser utilement, ils envoyèrent dans les principales villes de la province d’habiles agens, avec mission de les rallier à leur cause. Un homme seul, le premier président Déranrrr, quoique très-sincèrement attaché à la religion de ses pères, ne se crut pas dégagé de ses sermens envers la couronne. Que ce fut par devoir, par orgueil ou par ambition, il est vrai de dire que rien ne put émouvoirsa fermeté; le péril rendit au contraire son dévouement plus courageux, son ca- ractère plus magnifique.—Il fut un jour saisi par les furieux qui le jetèrent dans un noir cachot, Con- vaincus qu’il était un des auteurs de la misère pu- blique , ils se ruèrent contre les murs de sa prison ( 504 ) et le demandèrent à grands cris (1).—Le premier président se présenta sur le seuil résigné comme un sant martyr, Hélas ! son arrêt ne se fit pas long-temps attendre... Un des forcénés qui l’en- touraient l’abattit d’un coup d’arquebuse. Tous lesautres s’élancèrent aussitôt sur lui, le percèrent de mille coups et, comme si la mort n’expiait pas assez cruellement un pareil crime, ils s’'empa- rérent du cadavre, le trainèrent par les pieds dans les égoûts de la ville, puis s’en allèrent triomphalement le pendre au pilori, Quel désespérant spectacle! Une populace aveugle, encore toute souillée du sang du juste, court en blasphémant piller son hôtel. Tandis que les uns volent son or, ses bijoux, ses meu- bles, ses papiers, d’autres se saisissent de son ami, du seul serviteur fidèle qui lui reste, et vont impitoyablement légorger à ses côtés. Enfin pour couronner ce drame horrible, le portrait du roi, arraché de la grande salle du parlement, est couvert d’indignes outrages par le peuple , qui le brälesur la place publique, au milieu de joyeuses farandoles. (1) Il fit ses adieux à sa femme et Jui dit : Dieu m'avait donne la vie, des biens et des dignités, il m'en dépouille aujourd’hui, La mort est la fin de la vie , mais ellen’en est pas le chätiment. Mon ame innocente de tout ce qu’on m'impute va paraître devant le souverain fuge; espérons en lui (:505 ) $. XXXIIL. CONSEIL DES VINGT-QUATRE , AU PUY, 1589. Il s’en fallait de beaucoup que Pautorité royale pût diriger à sa fantaisie les principales munici- palités du Languedoc; souvent elle éprouvait de leur part de très-énergiques résislances qui devenaient même invincibles le jour où la noblesse et le clergé cessaient de lui prêter un commun appui (1). (1) Dans les villes et dans les autres communautés de la province, il existait des conseils politiques composés de vingt- quatre, de douze, de six personnes, selon l’importance de la localité. — Ce conseil se renouvelait par moitié chaque année; il était nommé par l’ensemble des contribuables réunis à cri public, d’après les ordonnances consulaires. — Les forains étaient tenus de désigner un syndic pour les y repré- senter, pour prendre part aux délibérations etles signer.— 81 le nombre des contribuables domiciliés était trop restreint, l’on pouvait choisir une partie du conseil politique dans les plus forts contribuables forains: Les communautés pouvaient, outre les charges ordinaires, s'imposer pour une somme plus ou moins élevée pour leurs besoins païticuliers et en outre jusqu’à 14 deniers par franc, pour le droit de collecte, mais à la charge de faire livre net. — Toutes les affaires étaient délibérées par les conseils politiques réunis aux consuls. Cette ancienne institution avait du reste subi beaucoup de ( 506 ) Nos villes méridionales avaient à leur tête des magistrats populaires , nommés par tous les contribuables et revêtus de pouvoirs temporaires fort étendus. Comme ils étaient renouvelés par moitié chaque année, ils devaient suivre irrésisti- blement l’opinion dominante dont ils présentaient la plus fidèle expression. Le Puy était depuis long-temps administré par six consuls et un conseil politique composé de vingt-quatre membres électifs. La milice bour- geoise, sous les ordres d’un capitaine-mage, se divisait en seize compagnies distinctes, chacune commandée par un capitaine. — Cette ville, alors une des trois plus considérables du Languedoc avait, comme nous l’avons vu, son artillerie, son arse- nal, ses arquebusiers, et au besoin prenait des troupes à sa solde (1). Avec une semblable organisation, on peut juger modifications. (Voir les arrêts du conseil, des 25 septembre 1689, 4 août 1718, août 1764, mai 1765, — Décisions des 11 mai 1772, 27 octobre 1774, 18 mai et 29 septembre 1775). (1) Les consuls avaient l’administration et la police de la ville; ils convoquaient le conseil politique et les assemblées générales des citoyens, assuraient la levée des tailles et des autres droits établis, avaient les clefs et la garde de la ville. — L'évêque, comte du Velay, lors de sa première entrée au Puy par la porte de Pannessac, prétait serment entre les mains des consuls de protéger de tout son pouvoir et de maintenir le consulat, ainsi que tous les priviléges, libertés , franchises, ( 507 }) combien l'insurrection était facile, pour peu que l'esprit général s’y montrât disposé. — Aussi, dès que les troubles furent connus au Puy, les citoyens prérogatives, observances et coutumes en la même forme que ses prédécesseurs et les plutôt augmenter que diminuer. î ( Voir les Manusc. de MÉDICIS, pag. 128, 261, 268.) La communauté du Puy, aux époques où les lois ne s’oppo- saient pas à ce qu’elle jouit du droit d’élire les six consuls, n’en usa pas sans empêchement. L’évèque de cette ville et le vicomte de Polignac, qui en étaient l’un seigneur et le dernier gouver- neur, furent long-temps en possession de nommer alternative- mentchaque année le premier consul. La communauté se voyant à regret privée par là d’une partie de ses priviléges, leur con- testa le droit qu’ils prétendaient avoir de faire ce choix, et se pourvut au parlement de Toulouse ver les dernières années de l'épiscopat de Jean-Georges le Franc de Pompignan. Pu nombre des pièces produites, au nom de l’hôtel-de-ville, dansle procès qui dura plus de deux ans, étaient d’anciens statuts ou privi- léges de la ville pu Puy, du 24 janvier 1472, et une lettre d’Armand de Bethune, évêque de cette ville, en date du 6 dé- cembre 1669, dans laquelle il déclarait ne vouloir pas se mêler des élections consulaires. La décision du parlement de Tou- Jouse fut en faveur de la ville. Les habitans du Puy, pour la première fois depuis le recouvrement de leur droit, nom- mèrent au premier consulat le 25 novembre 1774. (ARNAUD, Hist. du Velay, tome 2, page 405,) Voici quelques observations à ce sujet que nous lisons dans un ouvrage publié vers la fiu du seizième siècle. L'autorité des consuls au Puy s’accrut toujours, jusqu’en 1276, époque où elle fut abolie. Il n’y en eut pas pendant soixante-six ans. Philippe de Valois rendit enfin ses eonsuls à la ville, àla prière deshabitans : Jtaque consilio inter optimates. Les lettres du roi, à la date de 1343, sont adressées au ( 506 ) en témoignèrent une joie si bruyante, si démons- trative, que les magistrats en petit nombre qui tenaient encore pour Henri de Valois furent épou- vantés ; on dit même que M' le juge-mage, trem- blant pour sa vie, feignit de s’en aller à la messe chez les carmes et se sauva sans prendre le temps de quitter sa robe. Saint-Vidal, chaud partisan des Guise et qui en toute circonstance s’était montré grand admi- rateur de leur conduite, vit avec plaisir l'agitation de la ville. Aussitôt il convoqua un conseil gé- baïlli du Velay ou à son lieutenant, pour le rétablissement du consulat, pour faire assembler les citoyens et habitans de la ville, pour créer et faire devant lui les consals, et prendre les sermens requis au refus des officiers de la cour commune. Lequel baïlli, pour exécuter tel mandement, ayant fait con- voquer à son de trompe tous les habitans de la ville, et à ces fins fait lecture des lettres royales; furent eslus : 1° six consuls; 2° quatre docteurs ou clercs pour conseillers ; 3° quatre mes- sours. —— Auxquels consuls, le baiïlli donna l’immixtion de possession consulaire , les sceaux et les clefs de la ville. —Le nombre des consuls n’était pas fixé. On en créait tantôt dix, tantôt huit, tantôt six... Cependant, on décida sous Charles VI que le nombre n’excèderait jamais six, chiffre auquel on s’est tenu depuis deux cents ans. — Les consuls portaient la robe rouge. On les nommait primitivement à la sainte Catherine ; mais depuis une quarantaine d'années l’élec- tion a lieu pendant le mois de février. * (Traduction d’une petite brochure latine qui se trouve à la bibliothèque royale et qui a pour titre : STEPHANI Guyon orationes duæ , de veteri Aniciensium pietate et de priscä consu- latus Aniciensi dignitate ( Lugduni — 1593, in 8°). — — —— ( 509 ) néral dans lequel un chanoine, connu par son fanatisme , se mit à haranguer les assistans. « Braves habitans , dit-il, le visage allumé par la » colère, l’enferest en lutte avec le ciel. Pour s’as- » surer la victoire l’antechrist est venu s’asseoir lui- » même sur le trônede france.Voyez et reconnais- » sez-le à son hypocrisie , à ses débauches, à ses » fureurs. L’infime a pris la croix pour nous » tromper tous; mais les saintes écritures l'avaient » prédit... Nos bons seigneurs de Guise sont » égorgés.… Le sang d’un cardinal crie ven- » geance..…. C’en est fait, l'hérétique Valois a cessé » de régner. » Ces déclamations véhémentes produisirent tout l'effet qu’en avait attendu Saint-Vidal, et même le chanoine n'avait pas encore achevé son dis- cours que les auditeurs transportés demandèrent à grands cris à jurer la sainte union. On organisa à la hâte des registres. Ceux qui étaient là s’ins- crivirent les premiers ; ensuite , par ordre du gouverneur, les capitaines iliers se transportèrent à domicile. — Cette mesure, décidée dans un moment d’exaltation, ne fut pas sans doute trou- vée sage par tout le monde; cependant comme elle était provoquée, dirigée par les hommes du pouvoir, il fallut céder à la force. Quelques plaintes commencaient bien à surgir, mais une députation arrivée fort à propos de Toulouse fit tout rentrer dans le silence. (510) C'était le 8 avril, les citoyens furent convoqués extraordinairement en conseil général pour entendre une seconde harangue, non plus cette fois prononcée par un énergumène, mais par un grave magistrat qui venait au nom de l’honneur et des lois indignement outragés, tracer de nou- veaux devoirs aux populations de la province.— Les envoyés toulousains étaient au nombre de huit : l’évêque de Castres pour le clergé, un président et deux conseillers pour le parlement, deux capitouls pour la bourgeoisie, deux mar- chands pour le commerce. Jamais assemblée populaire ne s'était montrée plus respectueuse et le chroniqueur assure que deux mille personnes y assistaient. — Messire Vinhals, président au parlement, commenca par faire un dramatique tableau des malheurs qui depuis si long-temps déchiraient la patrie. 1] déplora l’égarement du roi, Îles trahisons de la cour, l'audace des religionnaires, la coupable indifférence des politiques; non-seulement il entreprit de démontrer l'utilité d’une coalition, mais il la représenta comme tellement juste que tout honnête homme ne pouvait lui refuser son concours. « L'exemple de Paris avait décidé » Toulouse; et le Puy, la ville de Notre-Dame, » Ja fille des princes chrétiens et des papes; le » Puy, qui de tous temps s'était fièrement pro- » clamé république, serait-il moins ardent que { Sax) » les autres pour défendre son culte et ses » libertés? » Non... Non..., s’écrièrent tous ces braves Aniciens charmés des éloges qu’on leur adressait , Vive la ligue! Vive la ligue! — Et l'évêque, Saint-Vidal, les consuls, les officiers de la sénéchaussée, ceux du bailliage, ceux de la cour commune, le clergé, les nobles, les bour- geois, les marchands et tout le reste jurè- rent de demeurer éternellement attachés à la sainte union. Immédiatement après cette solennelle protes- tation, Messieurs du parlement envoyèrent des agens dans le Velay pour obtenir l’adhésion de chaque mandement; mais 1l faut le dire, à l’ex- ception du Monastier qui donna quelques signa- tures, grâce à l'influence de labbé, les autres refusèrent obstinément de participer à cet acte de rébellion. Loin de fléchir devant les ordres qui leur étaient envoyés, ils se disposèrent à soutenir la cause royale contre l’évêque, la sénéchanssée, le gouverneur dont ils cessèrent, dès cet instant, de reconnaître le pouvoir. Voila donc une complication nouvelle qui va porter le dernier coup à ce malheureux pays. Jusque là, du moins, catholiques et huguenots n'avaient pas dans leurs luttes acharnées attaqué l'antique constitution de l’état; jusque là, le peuple n'avait pas été directement appelé à émettre un avis, à se constituer comme pouvoir; (5221) il avait suivi la voix de ses magistrats et sans cesse avait invoqué le nom du roi même en s’armant contre lui, — Quand jadis l’'émeute levait sa tête sanglante, l’insurrection était soudaine; mais inspirée par un acte qui ne devait avoir de retentissement que dans la localité, elle était ap- paisée avec.la cause qui l'avait fait naître. Aujour- d'hui le masque est jeté , la haine entre les partis est profonde, la guerre civile va prendre un carac- tère nouveau. La race des Valois est repoussée, on présente au peuple un fantôme de roi, en atten- dant que l'Espagnol ou le dernier Lorrain puissent faire triompher leurs ambitieuses prétentions. La ville du Puy se trouvait dans une position difficile. Assise au centre du pays, environnée de _religionnaires.et de politiques coalisés contre elle, elle avait tout à craindre. Cependant le danger ne lintimida pas. Les citoyens venaient &e nommer un conseil extraordinaire composé de six prêtres, de six magistrats et de douze bourgeois.—Ce con- seil presque dictatorial commenca par décréter un emprunt sur les personnes riches, et par faire vendre judiciairementles biens confisqués sur tous ceux qui avaient refusé le serment; ensuite il leva des troupes, nomma des capitaines, renforca les garnisons ; en un mot, poursuivit avec énergie et par les moyens les plus actifs le triomphe de la sainte union. ( 323) NOTE DES RÉDACTEURS. Nous arrêtons ici l'impression de l'ouvrage de M. Francisque Mandet, sur nos guerres civiles. Les dimensions déjà considérables de ce volume nous forcent à en renvoyer la suite à nos prochaines Annales. AAA MA AA AAA VA © AAY APS AA RAA RAR AS AAA AL AA LU AA AA VA LAS LUE, AA A VA POÉSIE. LES MONTAGNES; Par M. Charles CALEMARD DE LAFAYETTE. —c ft nne—— Loin des bois que j'aimais, loin des collines vertes, Loin de ces oasis qui dorment entr’ouvertes Comme les fleurs du ciel aux champs de l’univers, Franchissant nos grands monts, trônes des longs hivers, Vers les cités du bruit qui nous ouvrent leurs portes, Pourquoi fuir, à mon âme! et quel vent nous emporte?.. Jeune encor quand tout rit à notre vie en fleurs, Quand leur virginité parfume encor nos pleurs; Nous quittons les torrens, les rives ondulées La grotte des rochers et l’ombre des vallées, Tous nos chers souvenirs, tout ce qui fit en nous Eclore nos pensers les plus purs, les plus doux, 33 (514) L'espoir, l'illusion, chaste et frêle défense ! Nous emportons au loin tout un trésor d'enfance, L'avenir est divin! — Mais ce rêve est d’un jour, L'enfant parti d'hier sera vieux au retour! Oui, nous tentons un jour dans la forêt du doute, Sans guide et sans flambeau les hasards d’ane route; Nous marchons, nous cherchons sous un soleil lointain L’énigme de la vie et le mot du destin. Nous voulons tout savoir! mais la vie est un songe Si l'humanité vaine adore le mensonge; Si lorsque dégoûtés du faux savoir humain, Nous croisons nos deux bras au milieu du chemin, Voilà que la cité dont la masse caresse, Ne verse que l’oubli des coupes de l'ivresse, Comme une courtisanne irritant le désir Nous appelle en chantant aux baisers du plaisir. Ah! sous ce ciel impur qu'aucun bon vent n’effleure, Un cœur de montagnard se lasse vite et pleure. Et Paris qui nous tend son piége suborneur, Enseignant le plaisir désapprend le bonheur! Alors, malgré l’ennui qui Le suit dans sa fête, Malgré le vide affreux qui bourdonne en sa tête, L'homme qui s’use vite en ce monde étouffant, Se retrouve inhabile à ses bonheurs d’enfant, Et tout plein du regret des songes de jeunesse Ne comprend même plus que jamais il remaisse. O nous tous, qu’a poussé quelque orageux désir, Au rêve du savoir qu’on croit toujours saisir! Nous qui, pour épeler la vie en son grandlivre, Avons épuisé tout en nous hätant de vivre! Que mieux il eût valu, dans un coin de nos bois, Vivre obscur, ignorant, heureux! — Et quelquefois 5 Plein du souffle du Dieu qui bénit l'ignorance, Poètes, par le cœur, l’amour et l'espérance, Moi, je révais le monde, enfant! et je voulus Au livre du sayoir lire, hélas! et j’y lus. (55) Mais tout est ironie, et le doute est morose... Et je n’ai rien trouvé qui valut — une rose, Un parfum de la nuit, un baiser de l’amour, Et le sommeil de l’ame après la fin du jour ! Oublieux des bonheurs de la terre natale, J’ai demandé le mot de l’énigme fatale À tous les sphynx jaloux qui veillent à côté Du mystère de l’être et de léternité. — Nul ne m’a répondu! l'effet ment à la cause, L'esprit fait un vain bruit, l’homme ignore la chose, La vie est impuissante à comprendre la mort, Et l’hypothèse ardente est un coursier sans mors! Hélas ! tout sonne creux! tout sonne faux! La tombe Seule pourrait nous dire où va tout ce qui tombe! Et les sages lassés qui m’expliquaient les cieux, Les vieillards tout blanchis, prêts à fermer les yeux, Les plus grands voyageurs sachant par cœur la terre, Ne savaient rien d'eux-mêmes et du premier mystère! L'un d’eux, qui quarante ans avait vu, sans faillir, La lampe du savoir dans son ombre pâlir, Génie ardent, épris d’un rêve qu’il féconde, Et qui peut-être un jour eût transformé lé monde Au seul mot de l’idée éclose en son cerveau, Vieillard , plus jeune au cœur que le siècle nouveau, À qui l'étude a bu son sang, comme un vampire, Nous enseignait comment tombe en poudre un empire, Quel ver dans leurs piliers détruisait lentement Un trône, une croyance, un temple, un monument ; Quelle loi dirigeait — des lèvres de la source Jusqu’à la mer des temps, les races dans leur course ; Quel serait l’avenir des peuples triomphans , Et les jours inconnus que vivraient nos enfans! I sut, mais sa science ignora le mystère Du pouls qui faiblissait dans sa puissante artère, Et le savant, quand vint son jour, ne savait pas Et ne m'avait pas dit cé qu'était le trépas. (516) Néant et vanité ! Sous notre obscure flamme, Trop de doute nous presse et nous inonde l’ame! En vain, et c’est pitié! pour chercher le bonheur, J'ai vanné dans ma main, comme fait le vanneur Ne trouvant que l’ivraie en son blé qu’il émonde, Dans le creux de ma main la sagesse du monde! J'ai trié mon trésor et rien ne m'est resté, Le vent du scepticisme avait tout emporté ! Et j'ai douté de tout, jusqu’au jour où ma vie De l'erreur du plaisir promptement assouvie, Comme un convive pâle aux lueurs du matin, Chancelant et brisé a quitté le festin. Dans la nuit de mon cœur l’espérance était morte! — Âlors, un spectre noir s’est assis à ma porte, C'était mon deuil! — L’ennui, mon hôte familier, Tous les jours que Dieu fait, monta mon escalier ; Dès le matin assis près du lit où je veille, J1 retrouvait toujours — le regret de la veille, L’effroi du lendemain, le désir de l’oubli, Et dans mes désespoirs mon cœur enseyeli! Puis , je me suis lassé; j’ai dit: Sur la montagne, La saïnte poésie est toujours ma compagne; L’ennui &’y peut atteindre à notre essor de feu, Et le vent, d’un coup d’aile, y porte jusqu’à Dieu! J'irai, je chercherai quelque trace chérie, Les jours où souriait ma jeune rêverie; Les vents me rediront cette chanson d’hier, Que je chantais naguère, enfant sauvage et fier! Et la cascade en pleurs, élégie éternelle De ce que la nature a de pleurant en elle, De sa tristesse auguste échevelant les flots, Aura pour mes regrets de magiques sanglots! Oh! vienne donc la nuit, solitude sublime, Où mon cœur qui s’effare ayec amour s’abime! Vienne l’heure, aux grands bois, où la lune qui dort, À la cime des pins met une aigrette d’or! ( Sk7) Je suivrai son rayon tremblant à toute brise, Sur le flot qui de bleu vernit la terre grise, J'écouterai la voix du torrent au ravin, Et le chant du désert, ce poète divin! Quand minuit a sonné, quand le désert commence Sa magnifique plainte à la nature immense, Lorsque la nuit marchant de son pas le plus doux, Mère active et féconde et qui veille sur tous, Bercera doucement dans un pli de sa robe Tout un monde endormi que son crêpe dérobe; Lorsqu’enfin son regard pensif et plein d’adieu, Mouille d’un pleur divin tout ce qu’a créé Dieu; Heureux dans cette nuit par son amour choisie, Qui trouve encore un cri d’ardente poésie! Et lui redemandant le sourire et les pleurs, Entend un chant du ciel poindre dans ses douleurs ! Je sais près de ma ville une retraite sombre, Où d’antiques noyers baignent leurs pieds dans l’ombre, D'une laine soyeuse et charmante au toucher, La mousse et le gazon tapissent le rocher, Une brise amoureuse y berce dans les haies, Tous les nids babillards descendus des futaies, Le thym qui se détache en ‘un gazon plus clair, D'une agreste senteur à l’entour trempe l'air; Un murmure de flots fuyant par la prairie Aux plaintes de la feuille errante s’y marie; Et tant que ce doux bruit invite à sommeiller, Le tronc moussu d’un chêne offre un large oreiller. Puis, vers les grands rochers qui sur le fond dominent, Deux sentiers escarpés, par Îles vignes cheminent Aux grottes qui nous font un asile charmant, Tout d’admiration et de recueillement. La cascade, les bois et les grottes chéries, C’est, à mes souvenirs! tout le val des Estries. Plus loin, je chercherai sur un mont enchanté, Un Eden où mon rêye est souvent emporté, ( 518 ) Large cratère éteint, ermitage mystique Couronné de festons comme une coupe antique; C’est Bar, le mont de Bar, d’où l’on voit l’horizon S’épanouir au loin , de neïge on de gazon, Et qui cache à demi, comme des fleurs champêtres, Son bosquet de bouleaux dans sa forêt de hêtres. Maintenant! — Maintenant pour grandir notre essor, Franchissons , en montant plus loin, plus haut encor, Depuis le mont Usclat jusques à Chamalières , Cette chaîne de monts qui sont nos Cordilières. Plus loin, plus haut encor, comme d’ardens aiglons, Dédaignons cette fois collines et valloss! Elance-toi, mon ame, au nid que l'aigle gagne, Et va toucher de l’aile à la grande montagne, Où la mer de l’'Espan, onduleuse à nos yeux, Semble nouer sa gaze à la gaze des vieux; Où le vent du désert courbe la forêt grise, Comme dans le sillon, l’épi d’or sous la brise. Salut au mont Mezenc! qui de son front tout blanc Dépasse la tempête acharnée à son flanc; Salut au fier géant! qui vieillard sous la neige Voit éclore à son ombre un printemps qu’il protège, Et posant son pied rude en des prés toujours verts, Prête sa tête chauve à d’éternels hivers ! Qui lorsque l’ouragan, ce dur pasteur des ondes, Presse de son troupeau les têtes vagabondes, Et flagellant l’écume au front des flots amers, Contre la rive nue échevelle les mers, — Géant insoucieux de l’ouragan qui passe, Sourit de ces vains bruits, en dominant l’espace, Et quand la mer se calme, et qu’il y peut se voir, De son lointain sommet, prend la mer pour miroir, Ah! c’est là que notre ame, au vent qui l’a saisie, Eclate en flots puissans de vaste poésie; C'est là que dominant l'horizon agrandi, Jusqu’aux Alpes, jetant un regard enhardi, ( 519) Comme l’ange éperdu qui plane sur l’abime, Elle improvise un chant de tristesse sublime; Car c’est sous l’œil de Dieu qu’un cœur déshérité Trouye une fois encor grandeur et liberté. Pourquoi donc n’avoir pas tenu toute sa vie À ces nobles splendeurs tout entière asservie! Pourquoi t'avoir quitté, pays des jours heureux! L'ombre était fraiche et vierge au fond des vallons creux, L’harmonie était douce au penchant des colliues, Et la brise a des chants comme les mandolines. La chaumière abritant le pâtre heureux d’aimer, Cache au monde un bonheur que nul n’a su nommer; Il est bon d’ailer deux, par la nuit qui sommeille, Sous l'étoile qui verse une lueur vermeille; D'’être deux à se dire, avec des mots de miel, Avec d’ardens regards, an des secrets du ciel; Et puis quand de Ja mort l’haleine nous eflleure , De s'endormir, béni par l’adieu qui nous pleure ! Oui! bien que notre cœur, qui le regrette en vain, Se soit fait impuissant pour ce rêve divin, Au foyer du désir, quand la flamme est éteinte, La patrie est encore une émotion sainte; Un nom harmonieux qui fait vibrer toujours Quelque chose des chants de nos premiers beaux jours, Un long ressouvenir qui pâlit, mais qui dure, Une fleur qui conserve en perdant sa verdure Tout le premier parfum de son beau mois de mai, Fleur bien flétrie, hélas! mais que toujours j’aimai. Car c’est encore ici qu'il faut trois pieds de terre, Pour s'endormir un jour dans le champ solitaire ; Où du dernier sommeil dorment tous nos aïeux! O mion ame! 6 ma pauvre oublieuse des cieux ! Toi qui pouvais trouver la paix des solitudes, Et qui vas trébuchant sous tant de lassitudes , C'était parmi ces monts qu’il te fallait chercher Une grotte, et l’oubli dans l’ombre d’un rocher; ( 520 ) C'était là qu’il fallait, des collines aux grèves, Paitre le blanc troupeau de tes plus chastes rêves; — Va! quand tu n’auras plus un monde à parcourir, C’est là qu’il fallait vivre! — Il y faudra mourir: AN AAA AAA VAUX AA AAA AA AAA AA AA AU AA AA VA A AA LA AAA AAA AA AVS AA AA AAA AAA AA RAS AAA LA CHAPELLE SAINT-MICHEL (:). LÉGENDE : 900 - 960; Par M. WarNs-DESFONTAINES, d’Alencon. Oh! laissez nous nos ballades naïves, nos légendes et nos sorciers {ll Non loin de la cité que la Borne féconde, Ârrose avec amour du tribut de son onde, Il est un mont géant, dont le front sourcilleux S’élance avec orgueil vers la voüte des cieux; Un jour que, seul, au pied de cetie masse énorme, J’admirais la chapelle et l’antique clocher Elevés sur la plate-forme, Un vieillard qui me vit s’empressa d’approcher. (1) Au nombre des sujets mis au concours pour 1338, la Société devait accorder une médaille d’or ou d’argent à l’auteur de la meilleure pièce de poésie, sur un sujot pris dans l’histoire du département ou offrant un intérêt local. Diverses pièces de poésie ont été adressées à la Société, qui, dans sa séance du 22 août 1838, a décerné une médaille d'argent à M. WAINs- DESFONTAINES , auteur de ce poème, ( 522) J’allais interroger sa conteuse mémoire Quand, prévenant soudain mes vœux avec bonté, Il me dit cette vieille histoire Que je vais vous rimer avec fidélité. EL C'était vers l’an neuf cent, dit une charte ancienne, — Apôtre de la foi chrétienne, Le pieux Gotescal, des ennemis de Dieu Fuyant la rage incendiaire, Par le jeûne et par la prière, Depuis long-temps déjà sanctifiait ce lieu. Tout-à-coup, une nuit, pendant que le saint homme Reposait d’un paisible somme, Voici qu’à son chevet un ange du Très Haut Descend et, de l’anachorète Troublant la profonde retraite, Sur sa couche l’agite et l’éveille en sursaut. « Gotescal, lui dit-il, que ton cœur soit en joie! » C’est Dieu qui près de toi m’envoie; » Ecoute avec respect les ordres du Seigneur, » Demain, à l’aurore nouvelle, » Il veut qu’une sainte chapelle » S’élève, par tes mains bâtie, en son honneur...» neo sonne ses nes essor este ns sn se nes reset e IL. Le lendemain, quand l’aurore Revint éclairer les cieux, L’ame toute pleine encore De l’ordre mystérieux, . ( 522 ) L’ermite prit son rosaire, À genoux fit sa prière, Et puis se signant, — soudain Du ciel pour accomplir l’œuvre, Se hâta, pieux manœuvre, De prendre la pioche en main. Or, ajoute la chronique, On voyait aux mêmes lieux Les restes d'un temple antique, Voué jadis aux faux dieux; Ce fut là que le saint prêtre Conduit par son divin maitre, Dévotement résolut De construire son église Et d'employer à sa guise Le terrain de Belzébuth. Mais de la demeure sainte A peine, hélas! Gotescal Avait-il tracé l’enceinte, Qu’un bruit terrible, infernal, Sortant du sein de la terre, Sur sa base séculairé Ebranla le mont altier; On eût dit que, sous la foudre, Il allait, réduit en poudre, Soudain croûler tout entier. À sa mission fidèle, Trois fois le saint fondateur, Enflammé d’un nouveau zèle, Reprit l’œuvre du Seigneur; — Trois fois, écumant de rage, Le démon, du saint ouvrage, Détruisit les fondemens, Et, ressaisissant sa proie, Trois fois, en signe de joie, ‘Poussa d’affreux hurlemens . … ( 525 ) IT. Enfin, n’en pouvant plus, le saint anachorète Déjà battait en retraite Devant l’enfer révolté, Quand l’ange du Seigneur à ses yeux se présente, Et d’une voix foudroyante, Gourmandant sa lächeté : « Gotescal !... Arrête! Arrête! » Eh quoi! timide soldat, » Quand le triomphe s'apprête, » Tu désertes le combat ! » Reviens... — Le ciel te l’ordoune, » Que l'enfer mugisse ou tonne, » De ton cœur bannis l’effroi… » Reviens! Tu n’as rien à craindre; » Quelle arme pourrait t’atteindre ? » Dieu n’est-il pas avec toi !...» L'ange dit, et soudain disparaît à sa vue. — À cette voix bien connue, Gotescal revient... — Satan, Furieux cette fois, de l’abime s’élance Et bouillonnant de vengeance, Sur lui fond au même instant. IV. Oh! la lutte fut horrible! Autour d'eux, avec fracas, La foudre tonnait terrible, Le roc volait en éclats; — De force égaux l’un et l’autre, Le diable et le saint apôtre, Pied contre pied, corps à corps, S’étreignant avec colère, Ebranlaient au loin la terre Sous leurs belliqueux efforts. (524) Le duel épouvantable Depuis deux heures en vain Durait. — Tout-à-coup le diable Sentit défaillir le saint; — C’en était fait de l’ermite, Déjà la griffe maudite Au fond du gouffre éternel L'’entrainait, — quand à sa vue Apparut, fendant la nue, Le saint archange Michel... De son égide immortelle Couvrant l’apôtre abattu, Il terrasse le rebelle, Qui roule à ses pieds vaincu. — Satan que l’orgueil dévore, Se relève et lutte encore; Mais d’un bras victorieux, Du sommet de la montagne L’ange, à travers la campagne, Le lance et remonte aux cieux... Une forte odeur de soufre Se répandit dans les airs, Et des profondeurs du gouffre Jaillirent d’affreux éclairs; — Des tonnerres effroyables, Des hurlemens lamentables Soudain mugirent encor; De Satan qui, plein de rage, Rentrait au sombre rivage, C'était le dernier effort. Va Délivré désormais des piéges de l’abime, Animé d’un zèle sublime, Gotescal se remit à l’œuvre avec ardeur; Et deux jours après, © surprise! (525) Le saint prêtre, dans son église, Offrit un sacrifice à son divin Sauveur. Sur ce-miracle, la chronique, Selon moi, ne dit rien qui clairement l'explique; Dans une note seulement, On lit que Gotescal dédia sa chapelle À l’archange guerrier, dont l'égide fidèle L’avait sauvé des griffes de Satan. Depuis ce temps, debout au haut de la montagne Dominant au loin la campagne, Le pieux monument, immuable est resté; — Bravant les hommes et les âges, Il a vu neuf siècles d’orages Passer autour de lui sans ternir sa beauté. FIN. ( 526 ) AA AAA AA A AA AS AA LA A A AA AV AA AE AV AU AAA VAS AAA LAS V4 MAS As Cnble des Juticres. D—— 2e ConprEz RENDU présenté à la Société dans la séance du 22 août 1636, par M. Bertrand de : Doue, présidents. 28 34 susecé alta Pag. 3 6e Notice indicative des sujets de prix proposés par la Société, dans la méme séance, pour étre décernésten 1639 ef11040.,., ve. 1 23 Table des matières contenues dans les cinq premiers n°S du Bulletin agronomique et INAUSETÉCL Ellis ao sers ere bee 00 Mémoire sur les eaux thermales de Bagnols ( Lozère ); par M. Jacob, m. non résidant. 39 Esquisse géognostique du canton d’Allègre ; par M. Grellet, membre non résidant. ..., 109 Mémoire sur les origines étymologiques du Velay ; par M. l'abbé Sauzet, curé de Loudes, membre non résidant......,..,. 121 Notice sur le manuscrit de Théodulphe ; par M. Ph. Hedde, membre résidant....,.,... 168 Notice sur une, découverte de monnaies du moyen-dge; par M. À. Aymard, membre TÉSIAGNE, - -.- : Nepa ss aues sense ee 220 (527) Quelques notes en réponse à celles publiées par M. Merimée, sur Polignac, ses anti- quités et le Musée du Puy, par M. le Fe de Becdelièvre , #2embre résidant....,,,,. 248 Guerres civiles, politiques et religieuses dans Le Velay; par M. FrancisqueMandet, r2em- DRERÉSIAAT EN ete aile » des eee cie t ee OO Poésie. — Les montagnes; par M. Charles Calemard de Lafayette, membre résidant. 513 La Chapelle Saint-Michel; par M, Wains- Destontunes, d'Alençgon,../..,4.....%.1520 FIN DE LA TABLE, 4 JUN. 98 bn cs) 3 ab 24 Lssttatlo 00 “at LL 7 OA + pot 6e 1 23 FANS “Cr +, ob trs silst 4 ion 2: 42 ee es Cefétéi 15batl sHpeet | M “84 Ha AL lof po. Salud) AR xna 11514010 28! 4 EE TRS PSE té Pur PSE ET “atiotl ki HA : ARRET a ÉACCINEES 9 M eu GRECE A die cr de À £ £ ÊrE > , L A Vi x F. sie Me L, F6 AGE 3 EE 2e 0 RAY ue 4 É $ # we ‘ ue «A d 08 ES A de Ni ps \ Ë ’ MSA IrT À : 3 te 4 Er Or, ; | | 8e ML. | y ; { CE is F pleé.s (DNCF « À LA > Fans H fer DRE 4 L 3 L DATES" [TTr4 CFP k J % À È : 17 1Œ j 16m be LA : “ . '# » 4 s CE a /1.4 # En Planche 1 1 'THIE 4I)T LTX. Yo N°6 FOULAKRD DE SOIE à MOUSSELINE POIL DE CHEVRE nu 9 Cù il Couleurs Cnmazauthe. Éaufeur” Songe Sirdes CREPE DE CHINE MP] 2 ? : m) 4 p « : ] E ! bi indien à £ Couteuxs | soie avec Ubodure Fioché épouline. travail indien à £eouferud N'19 VELOURS COUPE SOIE RUBAN CORDON DE SOIE iéppo s ant sua fou Gros de Marles couleur uw £ Fou desige avec Niue sonde coufeurs Vert crannotsi de fa couverhure tétanriec ea 1541 irthe de La couverture de 194. TISSTS DES SET 16" SIECLES TROTVES DANS LE NANT = SERIT DE 'THEODTLIFE. NZ TISSU DE COTON Couleur) Atanukiu CHAINE SOIE TRAME EO1N DE CHEVRE Coufeur Baille fonce .æ No CHAINE s OIE T'RHAMNIE POILDE CHEVRE Coufeur Verl de couv foucé 0 5 : j Cnifeut boustez elfe are NA CANEYVAS SOIE:. No FOULARDDESOI , Cp Cou le un Canaranthe 5 Coufeua ‘ ES N°6 NOUSSELINE POIL DE CHEVRE Souge des “idees GAZE MERE SO01E CREPE DE CHINE Ceufeuxr Fable 1004- “ À 4 1 douce lies sougale Cufeus borce/ \@ 3 N'1 CR£EPE DE CHINE ) peu souple onubus difutel ve 19 N:1. 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UUDOFELXPEPLRAMEEM PRE E'ToR THEDVLFNECSIS INMEMOOTV FNISADEGR'HOQBERRACN TBSATNI ST PXVTASAESETBIECTOAUE Fig: 9. DESSINS ET ORNEMENS DT MANISCRIT DI THEODULTE. A 1 PEAR 1 7! | UN DES 17 CANONS SUR VELIN BLANC | DIVERSES ESPECES D'ECRITURE. Q 1 0 ; ? . RTS | (es À cttres Le plrrs Genctalement PREFACE EN VERS l'ig 9. 1 ‘ A0 à r. D | | £ V lumplouces Ddaus Le mrarruserzth de Ohcodulfe. 4 Fig +. | Quicqiud asbegracostilus avricus atq.laTixs | © — = Suwpsitixhoc Totuw cobice Lecrorbages HS 40 ER HET OUR SC do HA Ho HI A Nam Fig G > LETTRES. rdinatr-es. Costa les Onciales. Miruscules Npriperpio ere AUrT dscaclumererram terra aure Fra. 1 Kig.2 Fig 3 : É É erarlnanis&uaeua &Tenebre eran:r super Faciem » . . beritaure Macros co piques ejhe We vninter ji #88 faluar nr Ÿ / CAN QUINTYS l juin Çe «l DVO , VŒUX DE THEODULFE AU LECTEUR. 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La Société n'entend garantir les faits, ni adopter toutes les opinions consignées dans les Mémoires que ren- ferment les Annales. ANNALES DE LA SOCHLTE D’AGRICULAURE SCIENCES , ARTS ET COMMERCE DU PUY. COMPTE RENDU PRÉSENTÉ À LA SOCIÉTÉ, DANS SA SÉANCE DU 25 AOÛT 1840, Par 4. Bertrand de Doue, président. 2 365% 2e— Ce fut une idée heureuse, Messieurs, une pensée féconde en résultats que celle que vous réalisâtes, il y a aujourd’hui vingt ans, alors que portant vos vues au-delà du but que vous vous étiez d’abord proposé, vous indiquâtes , par d’importans chan- gemens dans le titre primitif de votre associa- tion, vers quels objets nouveaux vous alliez diriger votre activité. Ce n’est pas que notre agriculture n’offrit un champ assez vaste à des améliorations de tout genre, mais, par la nature même de cet art, et (4) si i vu ucntcomple de l'esprit des. populalions qui l’exercent, essayer dé changer brusquement des habitudes invétérées, d’improviser en quelque sorte une révolution agricole, était une œuvre au-dessus de vos forces. (était surtout de persévé- rance dont vous aviez besoin. Dès lors vous comprites que, sans manquer au plus important de vos devoirs, il restait encore en vous assez de sève, assez de vitalité pour vous permettre d’agrandir la sphère de vos travaux. Notre industrie, si long-temps stationnaire, les sciences, ce brillant flambeau des temps mo- dernes, les beaux-arts enfin dont la fleur délicate semblait ne pouvoir se développer sous notre âpre climat, n'étaient-ce pas là des objets bien dignes d’enflammer votre zèle et d’exciter votre sollicitude ? Je ne redirai pas, Messieurs, par quel rare concours de circonstances, par quelles créations utiles, par quelle série de recherches sur notre histoire, sur nos antiquités, sur la statistique et l’histoire naturelle de ce département , à été justifiée une entreprise qui n’était pas sans quel- que témérité , si on se reporte au temps où elle fut concue. Mais ce que je ne saurais assez vous faire remar- quer, parce que là, et là seulement peut-être, se trouve le secret des honorables sympathies que vous avez rencontrées chez vos concitoyens, de la cons- (5) tante protection que vous ont accordée nos pre- miers Magistrats et les Conseils généraux qui se sont succédés, c’est que jamais vous n’avez perdu de vue l'idée que votre patriotisme vous avait d’abord inspirée, l'idée fixe qui dirigea tous vos travaux, celle de la spécialité départementale. « Ce sont les principes indigènes,» disait na- guères un des hommes des plus distingués de notre époque, dans une solennité semblable à celle qui réunit aujourd’hui autour de vous les notabilités de la ville et du département; «ce sont »les principes indigènes qu'il appartient à l’Aca- » démie de province de saisir, de développer, de » féconder. Elle peut en cela ce que nulle autre » ne peut. La fibre provinciale est sous sa main; » c’est à elle à la faire vibrer. Là est la partie » originale de sa mission , et c’est en la rem- » plissant, qu’elle peut rencontrer la gloire, qui » ne s'attache qu’à l'originalité. » Toute Académie locale qui saura se faire ainsi » Sa part, la gardera. On ne demandera pas à » quoi elle est bonne, on le verra. La province, » interrogée sur son histoire, sur sa statistique, » sur sa géologie, sur tout ce qui la touche, sur » tout ce qu'elle sait et qu’elle seule peut savoir, » répondra et répondra juste; et le corps de ces » réponses deviendra, pour la société qui les » aura formulées, un monument glorieux; pour » les sciences, un document original; pour Îa (6) province, une source abondante de poésie, de patriotisme, de lumière et de vie. » Cherchez ce qu'ont produit, depuis qu'elles existent, les différentes Académies de province; vous verrez qu'elles n’ont moissonné que dans ce cercle, et que tout ce qu’elles ont semé au- » delà n’a pas levé. Ce qu’on leur demande, ce P q ; sont des études sur la localité, que l’on ne trouve que là, parce qu’elles ne pouvaient être faites que là. Ces études, tout homme qui s’oc- cupe de la France et même de l’Europe sous une face quelconque, en a besoin. C’est une pierre de l'édifice qu’il essaie d’élever, et si elle lui manquait, son œuvre serait moins parfaite. Il vient la chercher où elle doit être, et quand il la trouve, il rend hommage à l’Académie lo- cale qui a eu le bon sens de comprendre que sa mission était de la lui préparer (1).» Ce bon sens, Messieurs, vous l’avez eu. Cette mission est celle que vous avez voulu remplir. Ce programme, tracé aux Sociétés de province par une intelligence élevée, est bien celui que vous vous étiez proposé. Voyons par quels travaux accomplis depuis votre (Gi) Propositions adressées à l’Académie royale de Besancon, dans sa séance publique du 18 janvier 1837, par M. Jouffroy, député du Doubs, relativement à la publication des Mémoires et documens inédits pour servir à l'Histoire de la Franche-Comté, C7) dernière séance publique, vous en avez rempli les conditions. Et d’abord vos écoles! Leur état prospère, leur utilité reconnue, me dispensent de répéter ici les détails que je vous ai présentés plus d’une fois sur cet établissement. Près de go élèves y ont recu cette année, sous l'œil des directeurs à qui vous en avez confié la surveillance, une ins- truction perfectionnée par seize ans d'expérience : une bonne et solide instruction, car elle est com- plètement en rapport avec lutile et modeste carrière à laquelle ces jeunes gens se destinent. Précieux avantage dont les classes plus aisées sont encore privées. Dans quelques instans, ils vien- dront vous demander les récompenses promises à leur émulation et auxquelles vous avez voulu donner un nouveau prix, en les leur décernant dans cette solennité. Le rapide accroissement qui s’est opéré cette année dans les versemens de la caisse d'épargne, a prouvé que les avantages de cette institution sont chaque jour mieux appréciés. D’après le compte que MM. les Directeurs, dont les deux tiers sont pris encore dans votre sein, doivent, aux termes des statuts, vous présenter annuellement , 101,666 francs étaient dus, au 1 janvier dernier, à 285 déposans. — Depuis celte époque jusqu'au 23 août, 61,988 francs ont encore été versés par 144 déposans. C’est plus (6) que le double de ce qui avait été versé l’année dernière, pendant le même espace de temps ct près de trois fois autant que dans toute l’année1837. Voilà cependant une de ces créations dont la première pensée, émanée de votre patriotisme, fut d’abord accueillie avec une indifférence qui vous eût frappés de découragement, si vous n’a- viez été convaincus que la persévérance dans des vues justes et utiles doit finir par triompher, même de l’apathie. Mais n’en füt1l pas ainsi, et des écoles indus- trielles dont je viens de vous entretenir, et de ce Musée où, entourés des monumens des aris, vous êtes heureux de réunir un si grand nombre de vos concitoyens ! Quelques débris informes sur lesquels l'ignorance arrêtait à peine son stupide regard, quelques restes mutilés des monumens qui dans des temps reculés avaient décoré cette terre, tels furent les premiers matériaux que Île zèle essaya de recueillir dans cet établissement dont le nom prononcé tout bas n’obtint d’abord des plus bienveillans qu’un sourire d’incrédulité. Et aujourd’hui! aujourd’hui, Messieurs, est un de ces jours que vous avez voulu consacrer à l'expression publique de votre reconnaissance en- vers les hommes généreux qui enrichissent ce Musée de leurs dons, ou qui, par un noble usage de leur influence, le recommandent à l'attention et à la munificence du Gouvernement; car, (9) personne ne lignore, ce n’est point avec les faibles ressources mises à votre disposition qu'il aurait pu devenir, en un si petit nombre d'années, ce qu’il est aujourd'hui. Ainsi, cette vue pittoresque des ruines du chà- teau de Lavoûte est due à l'honorable souvenir que conserve M. Armand de Bastard, votre. pré- sident honoraire, du pays qu'il a si long-temps administré, de ce Musée qu'il a si puissamment concouru à fonder. Aux beautés que présente ce tableau, l’un des plus remarquables qu'ait produit le pinceau consciencieux de Thuillier, se joint un autre genre de mérite, celui de retracer un de ces sites tour-à-tour rians ou sauvages que les bords de la Loire et de l'Allier offrent au paysagiste. C'est de Mgr de Bonald, archevèque de Lyon, que vous avez recu cette belle tête de Jupiter- Sérapis, en albâtre oriental, découverte dans les ruines de lPantique Ruessium ; autre souvenir de lillustre prélat à qui votre bibliothèque historique est déjà redevable de rares manuscrits, et dont avant son départ vous avez inscrit avec orgueil le nom vénéré sur le tableau de vos Membres ho- noraires. Ces marbres funéraires, couverts de caractères arabes, ce vase consacré d’où s'élevait la fumée de l’encens, ces objets d'équipement à Pusage du cavalier kabyle, vous les devez à M. Ferdinand Lemaugin. Ces inscriptions qui couvraient les murs (10) des mosquées de Constantine, ces dépouilles arrachées aux tombes de Stora, ontété recueillies par MM. de Rosières et Surrel de Montchamp : glorieux trophées, mais, hélas! chèrement payés du sang de nos frères! Passerai-je sous silence cette magnifique aqua- relle d’'Hubert , chef-d'œuvre de sa magique palette, qui fit à l'exposition de 1639 l’admiration des con- naisseurs et que vous avez placée ici pour montrer à quelle puissance de couleur ce genre de peinture est susceptible de s'élever. C’est à M. Lanthenas, curé de Polignac, que la science archéologique doit d’avoir recueilli ce cippe antique sur lequel est figuré linstru- ment désigné par le nom d’ascia, objet de tant de dissertations, parmi lesquelles nous citerons celle de notre savant et bien-aimé confrère, M. Mangon de Lalande, dont les conclusions se trouvent complètement confirmées par la décou- verte de ce cippe. Mais, Messieurs, qui de nous n’a éprouvé une vive émotion à la vue du triple tribut payé par le jeune Experton, aux illustrations de sa terre natale. Dans l’un de ces bustes, vous avez aimé à retrouver les traits de notre Julien, reproduits avec un talent digne du sien sur le marbre que son habile ciseau savait si bien animer. Cette statuette est celle du cardinal de Polignac. (.#m} À cette majestucuse atuitude , à ces traits nobles et expressifs, vous avez reconnu d'abord le paci- ficateur d'Utrecht, l’immortel auteur de lAnti- Lucrèce. Cet autre buste est consacréau mérite guerrier. C’est celui du maréchal de Vaux, né parmi nous, et qui, au terme de sa glorieuse carrière, après avoir conquis la Corse et donné Bonaparte à la France, n’exprimait d’autre regret que de mou- rir loin du toit de ses pères, Ne nous ytrompons pas, Messieurs, ces illustres images ne sont plus ici de simples produits de Vart. En voyant les plus humbles de nos con- citoyens s’incliner devant elles avec respect; en voyant une jeunesse, avide elle aussi de gloire, chercher dans ces yeux éleints quelques étincelles du feu sacré dont ils brillaient jadis, qui pourrait douter de leur influence sur l'avenir des généra- tions qui s’élèvent ? À ceux qui demanderaient quel degré de talent jusifie, dans l’auteur de ces trois morceaux, sa patriotique ambition, je répondrai que le premier de ces bustes, celui de Julien, à mérité que MM. les professeurs de l’Ecole royale de peinture et de sculpture en demandassent une copie, pour la placer dans la salle des conférences du palais des Beaux-Arts; que le célèbre sculpteur Ramey, membre de Finstitut, porte à notre jeune compa- triote un vif intérêt ct qu'il vous à écrit plusieurs (ES fois pour vous le recommander; ils se joindront alors à nous, espérons-le, pour obtenir du Conseil général un encouragement qui lui permette de développer les heureuses dispositions dont il a bérité de son père et de rendre un jour avec . usure à son pays le prix des SAADABE* qu’il ose ambitionner. Tels sont les principaux objets d'art ou d’anti- quité dont le Musée s’est successivement enrichi. Ses collections d'histoire naturelle possèdent de- puis peu une belle suite des roches de l’Ecosse, recueillies par M. Forbes, un des professeurs les plus distingués de l’Universilé d'Edimbourg, et qui ont été données au Musée par un de vos mem- bres résidans. L’analogie de la plupart de ces roches avec celles de vos terrains volcaniques leur donne le genre d'intérêt que vous recherchez avant tout, celui d'offrir de nouveaux moyens de com- pléter l'étude de notre sol. Cet intérêt se retrouve à un haut degré dans les restes parfaitement conservés d’hippopotame et de cheval, retirés du vaste ossuaire de Cus- sac et de Solilhac, qui ont accru de deux nou- velles espèces vos collections déjà si riches en ossemens des animaux des terrains de transport. Des recherches plus assidues donneront, nous n'en doutons pas,- l'explication de l’entassement sur ce point d’un si grand nombre de débris de ruminans et de pachydermes, et celle non moins (18) curieuse de l'absence des grands carnassiers qui les accompagnent dans les gites analogues de Saint:Privat-d’Allier et des environs d’Issoire. Enfin, dans votre Bibliothèque historique ont été recueillis un grand nombre de documens précieux pour notre histoire. Je citerai dans. ce nombre les premiers volumes de la réimpression de l'Histoire du Languedoc, de Dom Vaissette, par M. le chevalier Du Mège; recueil immense de dates et de faits que l’on ne saurait trop consulter. Parmi les ouvrages qui sont le fruit d'études contemporaines, vous avez remarqué la repro- duction de la danse macabre de la Chaise. Dieu, exécutée par notre honorable confrère, M. Anatole de Planhol. Bientôt, nous l’espérons du moins , une Histoire complète de cette célèbre abbaye, par un autre de nos confrères, qui en fait depuis plusieurs annces le but special de ses doctes recherches, complètera la remarquable série de travaux dont elle a été le sujet. Je citerai aussi l'ouvrage de M. Fr. Mandet, sur la Langue romane, savante introduction au recueil de poésies de nos troubadours, dont notre infati- gable confrère prépare la traduction. J'aurais enfin à vous parler de son Histoire de nos guerres civiles et religieuses, des vives cou- leurs, -de l'intérêt véritablement dramatique qu’il a su répandre sur cette époque de notre Histoire, si un sentiment que vous apprécierez ne m'inter- disait ici tout éloge. (14) C’est trop se complaire peut-être dans l’énumé- ration des richesses accumulées par vos soins dans cette enceinte, bientôt trop étroite pour les con- tenir. Des intérêts plus precieux, puisqu'ils tou- chent au bien-être d’une partie intéressante denotre population, réclament à leur tour votre attention, Je veux parler de notre principale industrie, de celle qui occupe soixante-dix mille ouvrières dans nos trois arrondissemens etqui contribue à y faire rentrer une partie du numéraire qui nous est en- levé chaque année par l'impôt, Si l’on recherche la cause du progrès immense qui s’est opéré dans cette branche importante de l'industrie départementale, on la trouvera d’abord dans la nécessité de détruire, par la variété des dessins et par la modération dans les prix, la concurrence du tul qui a failli nous être si fu- neste; mais elle est surtout dans les dépôts qui ont été établis à Paris, il y a quelques années, par nos principales maisons de fabrique. Dès lors les distances ont disparu, le Puy s’est trouvé aussi près que Caen, Chantilly ou Bayeux de la capitale, devenue le centre du commerce de pres- que tous les objets de luxe. Ces maisons, averties jour par jour des exigences toujours renaissantes de la mode, ont pu la suivre dans toutes ses variations et ont même osé quelquefois en pren- dre la lucrative initiative. Ainsi s'expliquent les succès obtenus par lun (15) de nos fabricans , à la dernière exposition de l'industrie nationale. C’est encore à lui que vous avez voulu accorder celte année un nouvel en- couragement, parce qu'à linvention et à l’art du dessin il sait joindre celui non moins important d’exciter l’amour-propre de ses ouvrières par des récompenses distribuées avec une sorte de solen- nité et deles former progressivement à l'exécution des plus riches dessins. En s’occupant de ses in- térêts et de sa renommée, M. Théodore Falcon a travaillé aussi dans l'intérêt et pour la prospérité du pays; car dans le mouvement incessant de la fabrication, l’ouvrière qu'il à formée inspire lé- mulation qui Panime à celles dont elle est en- tourée, en attendant qu’elle-même prête à un autre fabricant ses doigts devenus plus habiles. Les produits que ce fabricant a exposés cette année justifient ce dernier encouragement. D’au- tres dentelles vous ont été présentées, et certes elles signalent d’incontestables progrès, mais vous n'y avez pas retrouvé ce caractère de nouveauté, cette originalité qui étonne en même temps qu’elle satisfait le goût le plus exigeant. Forcé d’être bref, je n’entreprendrai pas d’énu- mérer ici les nouvelles industries, les inventions utiles auxquelles vous avez aussi accordé des encouragemens. Votre programme donne à cet égard des renseignemens suffisans. Il est une autre industrie, si lon peut lui (16) donner ce nom, bien autrement importante pour la prospérité de notre département et qu'à ce titre vous avez placée en tête de vos attributions; mais avant de vous parler de notre agriculture, de ses tendances actuelles et des moyens d'y satisfaire, qu'il me soit permis de m'acquitter du triste devoir que m'imposent vos usages envers ceux de nos confrères qui paient à la nature le tribut que tous nous lui devons. Cet hommage trouve ici naturellement sa place; car c’est à leurs connaissances en agriculture et dans l’art des jardins que vous dûtes la confraternité de MM. Gme Chabalier et Girard-Jandriac père, que la mort vient de nous enlever. Unis dès l’enfance par une amitié qui ne s’est jamais démentie, tous deux firent partie de celte Société d'Agriculture qui s’était formée d’un mou- vement spontané, il y a quarante ans, et dont la vôtre ne serait peut-être que la continuation, si le gouvernement soupconneux quinousrégissait alors ne fût parvenu à la décourager. Tous deux appar- tiennent à l’organisation primitive de notre Société actuelle. Pendant leur longue carrière, l’un et l’autre se sont occupés d'agriculture, avec cette différence que M. Chabalier y cherchait plutôt une diversion aux malheurs domestiques qu’il avait éprouvés ou ‘un délassement des fonctions gra- tuites qu'il a remplies sans interruption pendant plus de cinquante ans. (17) M. Girard-Jandriac, au contraire, fit de cet at qu'il aimait, l’affaire de toute sa vie. Quelques Mémoires, dont le sujet lui était fourni par son occupation favorite, le mirent en rapport avec les notabilités agricoles de la capitale. Plusieurs fois consulté, il répondit juste, avec simplicité, et mérita d’être nommé Membre correspondant de la Société royale et centrale d'Agriculture. Il avait rapporté d’un voyage qu'il fit alors à Paris, ou plutôt de ses promenades à Montreuil, des connaissances pratiques sur diverses branches d’horticulture et entr’autres sur la taille du pé- cher, Les succès qu'il obtint dans la culture de cet arbre tenaient du prodige. Long-temps encore le souvenir des beaux pêchers de Jandriac four- nira aux amateurs le type de la perfection en ce genre. Des cultures d’un intérêt plus général, celles du colza, du trèfle, des légumineuses annuelles pour fourrage étaient aussi pratiquées avec succès dans son exploitation, mais sans qu'aucun de ses voisins songeät à limiter; l'heure n’était pas en- core venue. Ce ne fut que dans ses dernières années que notre estimable Confrère, que le pa- triarche de notre agriculture a pu goûter la douce salisfaction de voir enfin ses exemples suivis par ceux-là même qui les avaient d’abord pris en pitié, Ayons donc nous aussi, Messieurs, confiance dans notre œuvre. Vous le voyez. De nouvelles 2 (16) tendances se manifestent autour de nous; elles ne sont point seulement le résultat de nos efforts, loin de nous une telle présomption, Elles ont pour cause des circonstances que l’on peut apprécier et surtout la nécessité, cet efficace stimulant du travail et de l'industrie. Elles sont la conséquence des changemens apportés dans la nature et les conditions de la propriélé combinés avec lac- croissement rapide de la population ; résultats eux-mêmes d'une législation dont on pourra douter si ceux qui la fondèrent en avaient compris la portée et calculé toutes les suites. Qu'on se rappelle en effet ce qu'était la pro- priété telle que lavait faite la barbarie des con- quérans et la féodalité, Voyez-la grevée de dimes, de cens, de lods et ventes, de redevances de toute nature, exorbitantes par elles-mêmes, rendues plus insupportables par leur mode de perception. Voyez la population de nos campagnes, affranchie, il est vrai, par la sagesse de nos rois, de la servi- tude personnelle , mais reléguée, sans espérance d’en sortir, au rang le plus abject de l’échelle sociale et cultivant un art alors le dernier de tous, ne füt-ce que par le mépris non déguisé dont il était l’objet. Comparons à présent cet ordre intolérable de choses avec la propriété telle qu'elle a été constituée par nos lois civiles et politiques. Cal- culons l'influence qu’a dû exercer l’affranchissement (19) des redevances seigneuriales et ecclésiastiques, la faculté du rachat et la divisibilité indéfinie des rentes foncières, les lois sur le partage des suc- cessions et surtout légalité civile, telle qu’elle fut concue et fondée par l’Assemblée constituante. N'oublions pas non plus les droits politiques que la propriété confère, et nous comprendrons tout ce qu'elle a dû acquérir de valeur idéale en même temps que de valeur réelle; comment la terre affranchie de servitudes odicuses est devenue elle aussi libre, libre et reconnaissante : car, et c'est Montesquieu qui l’a dit, les terres sont cultivées en raison de la liberté et non de leur fécondité. Il est vrai: de ces conditions nouvelles est sorti le morcellement progressif de la propriété; ques- tion de haute politique, dont se préoccupent déjà les économistes et les gouvernemens; question qui serait immense si elle en était une, ou plutôt sielle n’était déja résolue, au moins pour les pays comme le nôtre, dans lesquels une partie consi- dérable du travail que font ailleurs les animaux est exécutée par les hommes et qu’on désigne sous le nom de pays de petite culture, Il suffit de jeter les yeux autour de nous, surce ce sol déjà si morcelé ,et d’observer comme il va se subdivisant encore à mesure que la population s’accroit, pour reconnaitre que la division des propriétés est un principe qu'il faut accepter, car (20 } il a déjà passé dans nos mœurs; un fait qui s’ac- complit chaque jour et qui est l'expression la plus vraie, la plus énergique, des idées et des besoins de cette génération. Avez-vous observé dans sa longue et laborieuse carrière, un de ces pères de famille, né dans une condition voisine de l’indigence? Sa jeunesse tout entière s’est consumée dans les travaux les plus rudes; il n’a connu aucun repos; sa vie a été toute de privations, et cela pour grossir son modeste pécules; car lui aussi a voulu devenir propriétaire et régner à son lour sur un coin de terre. Et aujourd'hui, voyez quel regard d'amour il jette sur ce champ, objet de l’ambition de toute sa vie, et sur la riche moisson qui le couvre, Combien il est heureux de penser qu'il le léguera à ses fils non-seulement comme un souvenir d'affection, mais surtout comme le plus utile enseignement de ce que peuvent l’économie, l'amour de l’ordre et du travail. Ah! n’en doutons pas , Messieurs ; le législateur essaierait en vain d’élouffer dans le cœur de l'homme un sentiment si moral, si naturel. Il apercevrait peut-êlre aussi quelques dangers à priver la société des garanties qu’elle trouve dans cet amour inné de la propriété et dans sa dissé- mination qui n’en est, après tout, qu'une mani- festation légitime. PIût au ciel que, pour le repos de notre patrie et pour leur propre bonheur, un ( 38 ) semblable attrait pût être offert aux populations turbulentes des villes ! Quelles que puissent être au reste les consé- quences de cet ordre de choses, il existe. Il estle résultat nécessaire du grand principe de l’égalité civile qui fut inscrit dans nos lois il y a un demi- siècle, et qui osera l’en arracher! Ce seront done, Messieurs, les tendances de Ja moyeune propriété; car la grande ne nous est connue que de nom et celles de la petite culture qu'il faut étudier pour ne leur demander que des choses faisables. Parlerions-nous à cette dernière de l'utilité de la jachère à intervalles plus ou moins éloignés? elle nous montrera en souriant son champ tou- jours fertile, toujourscouvertd’abondantes récoltes. Dirons-nous au propriétaire aisé que le principal obstacle à la propagation des plantes fourragères est dans la stipulation en céréales de la plus grande partie de ses prix de ferme? mais il le sait tout comme nous et cependant il renouvellera demain son bail sans y introduire d'autre change- ment qu'une augmentation de prix s'il le peut. Vous en connaissez tous la raison, je la sais aussi. Il est donc inutile de la dire. Ainsi, consultons le ciimat, le sol et surtout les habitudes de ceux qui le cultivent. Recommanderons-nous l’usage de la grande charrue ou de la charrue Grangé, avec son sys- (22) tème compliqué de leviers, lorsque, malgré vos encouragemens prodigués aux acquéreurs des charrues Dombasle ou Rosé, si simples, à si bon marché, vous n’êtes point encore parvenus à les populariser ? Quel part tirera-t-on sur nos pentes caillouteuses du semoir Hugues, tout ingénieux qu'il est, et quel est le propriétaire qui voudra le confier aux mains inhabiles de ses valets de ferme? Il en sera de même des machines à battre jus- qu'à ce que lamécanique soit parvenue à résoudre ce problème difficile et à nous en livrer de so- lides et à un prix modéré. Alors rassurez-vous. De même que vous avez des vannoirs, des moulins à blé ou à huile, alors chaque village, chaque ferme üun peu considérable aura aussi son battoir mécanique. Cest dans cet esprit de progrès, mais de progrès d’une application facile et immédiate, que votre programme, cette expression fidèle de vos vues, a été rédigé; que chaque année vous déterminez le choix des graines à distribuer; qu'un certain nombre de taureaux ont été placés dans nos divers cantons pour l'amélioration de nos races bovines et que par vos réclamations, des stations d'étalons, dont la dernière a obtenu un succès si complet, ont été accordés par le dépôt d’Aurillac. Enfin, que l’on consulte votre Bulletin agrono- mique, on y verra une suite d'instructions sur presque toutes les cultures que vous désirez intro- + (25 ) duire, sur l'emploi des instrumens aratoires dont vous recommandez l'usage, et sur les procédés qu'il serait utile de propager parmi nous. Une chose y manque pourtant: c’est une colla- boration plus active, soit de la part des quarante- trois membres résidans de la Société, soit de celle des deux cent deux Membres avec lesquels elle est aujourd'hui en correspondance dans le dépar- tement, Aux uns comme aux autres, je signale cette lacune qui accuse notre zèle et retarde notre marche. On comprend en effet combien des apercus sur la situation agricole de chacun de nos vingt-huit cantons et même de leurs principales communes, combien des renseignemens sur leurs cultures, sur les assolemens qui y sont pratiqués, sur les amé- liorations qu'il serait possible d’y introduire; enfin combien des communications plus fréquentes, ne füt-ce que quelques lignes sur les moindres essais, contribueraient à entretenir parmi nous esprit d’émulation et à imprimer à nos efforts une direc- tion plus assurée, Prenons-y garde, Messieurs; un peu de bien a été fait, mais ce qui reste à faire est immense et n'exise pas moins que le concours de toutes les volontés, si nous avons à cœur que notre dépar- tement ne reste pas en arrière de ceux qui l’en- vironnent, (24) NV AA AA VA AV AS UE AA AA A AV AA AA AA AA Ar A AA AAA AA A SE AA AU AN AD 7° NOTICE INDICATIVE des Sujets de prix proposés par la Société, dans sa séance du 25 août 1840, ct des Primes et Médailles qu’elle a décernées dans la même séance. mm | —— $. I. AGRICULTURE. Des primes en argent, des médailles d'or, d’ar- gent et de bronze, seront accordées aux proprié- taires, cultivateurs ou fermiers qui auront satisfait aux conditions énoncées dansle présent programme pour un ou plusieurs des sujets ci-après : 19 Plantes oléiferes. A ceux qui aurontrécolté la plus grande quantité de graines de colza, de pavot, de navette ou de cameline. Cette quantité ne pourra être moindre de dix hectolitres ou de cinquante doubles décalitres. 20 Plantes fourragères. 1° À ceux qui auront semé au moins deux hec- tares de plantes fourragères annuelles , vesces, jarousses, farouch} etc. Les deux cantons du Puy sont hors de concours. (25) 29 À ceux qui auront ensemencé la plus grande surface en trèfle, luzerne cet esparcet, relativement à l'étendue de leurs terres labourables. 3° A ceux qui auront cultivé, avec les soins convenables , la plus grande étendue en bette- raves, choux cavaliers, choux branchus du Poitou, grosses carottes champêtres, maïs ordinaire ou quarantain. 4° A ceux qui auront essayé le plus en grand et avec plus de succès la culture de læillette, de la spergule, de la garance, du pastel et du char- don à bonnetier. 5° Aux propriétaires qui auront formé dans le département les pépinières les plus considérables de müriers et d'arbres forestiers. Des graines de betteraves, de grosses carottes champêtres, de chanvre de Piémont et autres sont distribuées annuelle- ment, avec une instruction sur leur culture, aux membres de la Société qui résident dans le département, et par leur inter- médiaire aux cultivateurs qui en désireront. Une distribution d'arbres résineux sera faite cette année à tous les membres de la Société. 30 Récoltes enfouies en vert. À ceux qui auront enfoui du lupin, du seigle ou autres fourrages en vert, sur l’espace de terrain le plus considérable. - Certaines communes del’arrondissement d’Yssingeaux retirent de grands avantages de l’enfouissement du lupin, au moment où cette plante a pris tout son développement. L'introduction de ce procédé, dans d’autres communes du département, serait un perfectionnement qui mérited’être encouragé. (26) 4° Hersage des céréales au printemps. A celui qui aura hersé au printemps la plus grande surface de terres ensemencées en froment. Ce procédé est indiqué et recommandé comme très-ayanta- geux, pag. 59et suivautes da 1°" tome du Bulletin agronomique. 5° Semis de seigle à la Saint-Jean. À ceux qui auront ensemencé, à la fin de Juin ou au commencement de Juillet, le plus grand espace de terrain convenablement préparé, en seigle ordinaire, et qui, après lavoir fauché ou fait manger sur place pendant l'automne, .auront obtenu, l’été d’après; la récolte la plus abon- dante. Des essais qui ont été faits de ce mode de cultureont prouvé que le seigle ordinaire s’y préfait tout aussi bien que la variété appelée Seigle de la Saint-Jean par les marchands de graines. 6° Culture du chanvre et du Lin. Aux agriculteurs du département qui auront semé en lin, et à ceux des deux arrondissemens du Puy et d’Yssingeaux, qui auront semé en chan- vre le plus grand espace de terrain. Cet espace devra être au moins de 20 ares pour le chanvreet de 10 ares pour le lin. 7° Défoncemens partiels ou successifs des terres arables ou incultes. À ceux qui auront ouvert et comblé, dans (27) l’espace d’une année, le plus grand nombre de mètres de tranchées, d’après le procédé de M. le comte de Macheco. Le canton de Pauihaguet cest excepté du concours. ‘ x Ce procédé consiste à creuser , à environ trois mètres de distance, des fosses ou tranchées d’un mètre Go centimètres de large et de 40 centimètres environ de profondeur. On y enfouit ou l’on en retire les pierres qui en proviennent. Quelques an- nées après, on ouvre de nouvelles tranchées dans les intervalles des premières , et l’on parvient ainsi à défoncer de grandes sur- faces bien plus ayantageusement que par une seule opération. (Annales de la Société, pour 1834.) 8° Instrumens d'agriculture perfectionnés. Une prime sera accordée aux agriculteurs ou fermiers de chacun des trois arrondissemens qui auront acheté une charrue à la Dombasle ou charrue Rozé, du grand ou du petit modèle, une charrue à oreilles mobiles, une herse à dents de fer, ou tout autre instrument perfectionné. Cette prime sera de 20 francs. Les charrues à la Dombasle remplacent le travail de la béche, On peut s’en procurer chez MM. Dubois-Robert et Fournier, marchand de fer au Puy; ou s’adresser directement à M. Guimbal- Lhéritier, à Issoire, ou à MM. Eyraud et Mouret, marchands de fer à Brioude, et à M. Massardier, charron à Saint-Didier- la-Séauve, pour les charrues à oreilles mobiles. . Les culfivateurs qui voudront jouir de la prime proposée, euront à adresser à M. le Président de la Société, au Puy, 1° leur facture d'achat; 2° un certificat du Maire de leur com- mune, attestant que la charrue est en leur possession. Ces pièces doivent être sur papier libre et sur feuilles séparées, (200) 9° Semis et Plantations d'arbres résineux. Aux propriétaires qui auront fait les semis où plantations les plus considérables, selon l'étendue de leurs propriétés, en arbres résineux, tels que > > q pins detouteespèce, sapins, épicéas , mélèses, etc. Ces prix seront doublés pour les semis ou plantations exécutés dans les cantons de Pradelles, Fay-le-Froiïd et Pinols. Le pin silvestre ou commun est celui qui réussit le mieuxdans toute sorte de terrain. 109 Pommiers à cidre. A ceux qui auront planté à demeure la plus grande quantité de pommiers à cidre. Le nombre ne pourra être au-dessous de cinquante. MM. Jacquemet Bonuefont père et fils, pépiuiéristes à Auno- nay , peuvent fouruir un grand nombre de ces pommiers. Un prix sera aussi accordé à la personne qui aurait greffé A avec succès, en pommiers à cidre, la plus grande quantité de sauvageons. M. de Bonneville et M. Liogier offrent de fournir gratis des greffes de variétés choisies aux personnes qui en désireraient. 110 Amélioration des races d’animaux domestiques. 1° À ceux qui présenteront au concoursles vaches laitières les plus abondantes en lait le plus riche en beurre et en fromage, et qui en auront élevé Îles produits des deux sexes pour les appareiller. 29 À ceux qui auront introduit dans le dépar- tement des taureaux, génisses ou vaches pleines, (29 ) de race suisse, du Cantal on du Charolais, ou des moutons mérinos et autres animaux de races choisies. La prime sera de 20 à 30 francs pour les races étrangères, selon la beauté des taureaux ou des génisses. 3° A ceux qui présenteront les plus beaux éta- lons ou les plus beauxélèves en chevaux, mulets, taureaux, génisses et bêtes à laine, nés dans le département. Ces animaux devront être présentés, au Puy, dans la cour de Ja caserne Saint-Laurent, à la Commission chargée par la Société de les examiner, en présence de l'artiste vétérinaire du département. La veille de la foire de la Saint-Michel est l’évcque invaria- blement fixée pour les concours de bestiaux, lesquels auront lieu dorénavant chaque année et à pareil jour. Par délibération de ja Société, en date du 25 juillet 1840, les prix seront décernés séance tenarte par la Commission nommée à cet effet. ÎVota. Les concurrens, pour chacun desprix ci-dessus, devront, avant le 10 juin 1841 et années suivantes, faire parvenir leur demande écrite à MM. Borie, docteur en médecine, et Auguste Aymard, secrétaires de la Société, et l’accompagver de certi- ficats délivrés par M. le Maire de leur commune. La Société se réserve de prendre connaissance, s’il y a lieu, des faits énoncés dans les certificats. &. I. COMMERCE ET INDUSTRIE. Aux personnes qui auront introduit dans Île département une nouvelle industrie on perfec- tionné celles déjà existantes, entr'autres la fabri- (35) calion de la dentelle, à celles qui auront perfec- üonné les métiers et les divers ustensiles employés à fabriquer la toile et les étoffes de laine, et qui auront établi une fabrique de métiers (Une prime de 20 fr. sera accordée aux ouvriers qui en feront lPacquisitioh). Aux ouvriers ou chefs d’etelier qui auront établi un métier d’étoffe de soie ou de rubans dans les cantons du Puy et autres du dépar- tement où cette industrie n’est pas encore intro- duite. Une prime de 20 fr. leur est également acquise pour chaque nouveau métier qu’ils auront établi. À celles qui auront établi des clouteries à proximité de nos houillères, ou partout ailleurs que dans les cantons limitrophes du département de la Loire. Enfin, aux fabricans des plus beaux meubles en ébénisterie, elc. $. III. SCIENCES ET ARTS. La Société décernera aussi, en 16841 et 1842, dans ses séances publiques, des médailles d’or, d'argent et de bronze, aux auteurs des meilleurs Mémoires: 1° Sur les améliorations dont l’agriculture et l’industrie du département peuvent être suscep- tibles, sur sa statistique, etc.; 20 Sur un point quelconque de l'Histoire du département, sur ses antiquités, son histoire natu- relle, etc.; 30 A l’auteur de la meilleure pièce de poésie, ( 31 ) dont le sujet devra être pris dans PHistoire du département, ou offrir un intérêt local; 4° A l’auteur du meilleur morceau de sculpture, du meilleur tableau ou dessin, de la meilleure lithographie ou gravure représentant un site ou un monument du département. Les mémoires et dessins envoyés au concours devront porter une sentence et être accompagnés d’un billet cacheté renfermant cette même sentence etle nom de l’auteur. Les billets ne seront ouverts que lorsque les ouvrages auront été jugés dignes du prix. Ils devront êlre adressés à MM. Borie, docteur en médecine, et Auguste Aymard, secrétaires de la Société, ayant le premier juin de chaque année. Les mémoires et pièces de verscouronnés seront insérés dans les Annales de la Société : les tableaux, dessins, etc., seront exposés au Musée, Les personnes de tous les pays sont admises à concourir, excepté les Membres résidans de la Société. w Arix Décernes, ———— &. I. AGRICULTURE. A M. Senac fils, propriétaire à Ronzet, com- mune de Séneujols, _ Une médaille d’or. Pour ayoir ensemencé en 1839, 28 hectares de trèfle commun, et 9 hectares en 1840. Les 28 hectares semés en 1839 ont pro- duit, cette année, 96,000 kilog. de fourrage. ( 52) À M. Antoine Bard, colon à Bournoncle, Rappel de la prime à lui accordée en 1858 et mention honorable. Pour avoir ensemencé 9 hectares en fourrages artificiels. A M. Baptiste Gaspard, fermier à Saint-Jean- de-Nay, Une prime de 30 fr. Pour avoir ensemencé le premier, dans le commencement de juillet 1839, 5 doubles décalitres de blé seigle ordinaire, qui a donné un fourrage abondant dans l’automne suivant, et dont la récolte faite en 1840, en même temps que celle des seigles d'automne, a donné des produits supérieurs en quantité à ceux des champs voisins semés en temps ordinaire. A M. Jean-Baptiste Gevolde, cultivateur dans la commune du Monteil, Une prime de 25 fr. Pour ayoir ensemencé en esparcet 2 hectares de terrain argileux. A M. Jean Bernard, cultivateur à Sereys, com- mune de Saint-Jean-de-Nay, Une prime de 25 fr. Pour avoir ensemencé 2 hectares de jarousses qui ont été maugées en vert dans un canton où l’on cultivait à peine cette plante. A M. Pierre Castanier, propriétaire à Pradelles, Une charrue Dombasle, modèle moyen. Pour avoir ensemencé 2 hectares, près de Pradelles, en pins silvestres qui sont d’une très-belle venue. Le même cultivateur a semé de l’orge d’hiver à 6 rangs, qui était inconnu dans les environs de Pradelles et qui a donné une abondante récolle. (35) A M. Beaufrére, propriétaire à Soubrey, com- mune de Saint-Pierre-Salettes, Une médaille de bronze. Pour-l’établissement d’un moulin à manège pour moudre les grains. Ce moulin peut moudre, à l’aide d’un cheval de force médiocre, environ 4 décalitres de blé par heure. Ce moulin peut être d’une grande utilité dans les lienx élevés ordinairement dépourvus de cours d’eau et surtout dans les temps de sécheresse. L’inventeur pourra supprimer avec avantage pour sa machine un engrenage intermédiaire qui n’est nullement nécessaire. }l suffira de diminuer le nombre de dents du pivot qui porte la meule et de les appliquer immédiatement à celles de la grande roue. A M. Jean Berger, cultivateur à Saint-Vidal, Une prime de 8o fr. Pour invention d’une baratte ou machine à battre le beurre, au moyen de laquelle on l’oblient au bout de quelques minutes, La Société a accordé, dans sa séance du 6 mars dernier, une prime de 80 fr. à M. Jean Berger, à la charge par lui de déposer au Musée un modèle de sa machineet d’en fournir £ux personnes qui lui en demanderont à 10, 11 et 12 fr., selor la grandeur du modèle, ainsi qu’il s’y est engagé envers la Con:- mission, sur le rapport de laquelle la prime ci-dessus lui a éte accordée (Voir Bulletin agronomique, tome 2, 1'° livraison). A M. £. Bertrand, cultivateur à Coubon, Une prime de 20 fr. Pour fabrication d’une machine à teiller le chanvre. Cette machine est une imitalion simplifiée de celle conuue sous le nom de machine Christian. Elle peut teiller 30 livres de chanvre par jour. Plusieurs cultivateurs de la commune de Coubon s’en sont servi ayec avantage. 3 (34) À M. Michel Montagne, taillandier à Chaspinhaec, Une prime de 20 fr. Pour avoir fabriqué et répandu l’usage dans sa commune et dans les communes voisines de l’instrument connu sous le nom de trendine ou bèche à trois dents, propre à retourner les ter- rainspierreux dans lesquels Ja bèche ordinaire ne peut pas pénétrer. La Société adressera gratis des modèles de ces trendines à ceux de ses correspondans résidant dans les chefs-lieux de can- ton, qui lui en adresseront la demande. A M. Théofrède Crespin, propriétaire à la Cha- banne-Haute, commune des Estables, Une médaille d'argent. Pour avoir présenté au concours ouvert par la Société, le 29 septembre 1839, deux très-beaux taureaux race du Mezenc, de l’âge de 15 à 18 mois. A M. Baptiste Gardet , fermier à Chadenac, commune de Ceyssac, Une prime de 30 fr. Pour avoir présenté au même concours un beau taureau de l’âge de 15 mois, provenant d’une vache race du Cantal et d’un taureau de même race croisée avec celle du pays. INSTRUMENS PERFECTIONNÉS. Trente-cinq primes de 20 fr. chaque ont été décernées, depuis la dernière séance publique, pour acquisition d'autant de charrués Dombasle, ou charrues Rozéetde herses perfectionnées , mo- dèles de Roville ou des fonderies Rafin: A MM. Math. Mourgues, à Chadrac, commune de Chadrac. André Chabanel, à Soyes, Polignac. Ant. Comptour, à Besse, Lempdes. (35) A MM. P. Poughon , à Champagnac. CL. Convers, à Saint-Didier. Cyprien Dessimond, à Chomelix. CL. Brunel , à id, Truchet-Boyer, à Chadrac. Ant. Savel, à Lavaudieu. Ant. Sabatier, à Agnat. Joseph Ferlu, à Saint-Just. Henri Jouve, à Blavozy, Saint-Germain. Margte Poble, à Paulhaguet. Jean Lagarde, à Saint-Just. Jean-Cl. Jean, à Farigoules, Bains. Victor Pissis, à Salzuit. Jean Servy, au Villard, Sainte-Sigolène. Marsepoil fils aîné, à Lamothe, - Maigne, à Lubières, Vergonghcon. Benoît Lacombe, à Lamothe. Pital Curabet, à Sarniat, Agnat. Antoine Pechauze, à Saint-Just. Barbon-Ducluzel, à Prézailles. Denis Quioc, à Saint-Pal-de-Mons. Jacques Faure, à Saint-Didier-la-Séauve. Et. Bayard, à Saint-Georges-d’Aurat. Branche, à Paulhaguet. P. Montmartin, à Saint-Just-Malmont. Ant. Giron, Saint-Didier. De Larochette, à Mercœur. Guillaume Rioles, à Couteuges. Jean Chdteauneuf, à Grèzes. (36) A MM. Pierre Liotard, à Grèzes. Aug.deSt-Germain,àid. Jean Taillebot, à Lugeac, Lavaudieu. TAUREAUX-ÉTALONS, Seize taureaux-étalons, des races du Mezenc et du Cantal, ont été livrés, aux conditions énoncées dans la délibération de la Société, en date du 1% mars 1639 (voyez Bulletin agronomique, tome 1, pag. 335), à MM. Zabilherie, propr. dans la comm, de Grèzes. Gervaise, id, de Lantriac. Le comte de Vaux, id. de Retournac. De Bonneville, id. de St-Pierre-Eynac. Ferrand, id, de Vorey. Saugues-Sauveur, id. de St-Jean-de-Nay. Ant. Jacquet, nourrisseur au Puy. Branche, prop. dans la comm. de Paulhaguet. Cortalhac, id. deSt-Privat-d’Allier. Gratuze, id. de St-Jean-Lachalm. Gratuze, id. de Solignac. Gory, id. de St-Jean-Lachalm. Armand, ‘ id. de St-Paulien. Villevieille, - id. £ de.Rosières.' V'igouroux, id. de St-Germain. Fr. Astier, id. de Coubon. Plusieurs demandes de taureaux-étalons ont été adressées depuis peu à la Société; elles seront remplies avant la fin de l’année. (37) .$. IL INDUSTRIE DÉPARTEMENTALE. A M. Théodore Falcon, fabricant de blondes et dentelles au Puy. Une médaille d’or du prix de 150 francs. Pour nouveaux perfectionnemens dans la fabrication de la dentelle, dont il a justifié par la présentation d’un tableau de dentelles de sa fabrique, en dessins d’un goût remarquable et imitant les applications des fonds dits de Bruxelles. M. Falcon a obtenu à la dernière exposition de l’industrie nationale, ufe médaille eu argent. Il s’estengagé à distribuer à ses meilleures ouvrières, dont la plupart habitent les cantons de Craponne ct de Bas, des primes pour une somme égale à celle de la nouvelle médaille qui lui est accordée par la Société. A M. ?. Varennes, fabricant de dentelles au Puy, Une médaille de bronze, à titre d'encouragement. Pour présentation de deux tableaux dentelles d’une fabrication soignée qui mérite d’être encouragée et qui promet à ce fabricant de plus grands succès, s’il persévère dans ses efforts. AM.Alph. Richard ; fabricant de dentelles an Puy, Rappel de la médaille qui lui fut accordée en 1838. Pour présentation de nouveaux tableaux de dentelles en fil d'or et d’argent. A Mme Faure-Courtial, fabricante de dentelles au Puy, Mention honorable. Pour présentation d’un tableau dentelles d’une bonne fabri- cation. A M. Xavier Breysse, An Puy, Une médaille d'or. Pour invention d'une machine propre à piquer les dessins les plus compliqués sur les cartons en usage pour là fabrication de la dentelle. (38 ) Cette machine a atteint , par les soins de son inventeur, le plus haut degré de perfection qu’on puisse désirer, tant- sous le rapport de la fidélité avec laquelle elle reproduit les dessins, que pour la promptitude de l’exécution et la modération du prix. A Mme Xobert-F'incent, dévideusede soie au Puy, Une prime de 30 francs. Pour introduction de la méthode du dévidage à la mécanique pour les soies employées dans la fabrication des blondes. A l'Etablissement de produits bitumineux de la Bernarde près le Puy, Une médaille d’or. Pourla bonne fabrication de ces produits et en avoir fait con- naitre les avantages. A M. Æenri Robert, né à Montelimart, et habi- tant au Puy, Une prime de 4o francs. Pour éducation de vers à soie en employant la ventilation au moment des repas, et pour avoir dirigé avec succès pendant dix ans une magnanerie dans le département. A M. Crouzet, sculpteur au Puy, Une médaille de bronze. A M. P. Séjalon, menuisier au Puy, Une prime de 25 francs. Pour invention etapplication d’un procédé pour parquets en marqueteries formés par des incrustations de 6 lignes d’épaisseur, de bois de diverses couleurs et d’ane grande solidité, A M. Joseph Gagne , ancien serrurier au Puy, Une médaille de bronze. Pour avoir fabriqué une serrure à secret pour une église ou un palais. Cette serrure est à 4 pênes séparés, à une seule en- (59) trée, clef à double fourrure en triangle, Cette serrure serait d’une valeur d’environ 800 francs. A M. AL. Rocher, ébéniste au Puy, Une médaille de bronze. Pour facture d'assemblage d’un secrétaire en bois de palis- sandre à grand cadre et à boudin. L’eucadrement a été plaqué au Puy. Les tableaux, machines et autres objets pour lesquels il a été accordé des primes ou médailles, sont seuls susceptibles d’étre exposés au Musee le jour de la séance publique. ] P 7 $. IIT. SCIENCES ET ARTS. A M. Fr. Experton, sculpteur à Paris, Une Médaille d'argent. Busteen marbre de Julien, dont la belle exécution a mérité qu'une copie en fût placée , sur la demande de MM. les profes- seurs , dans la salle des conférences du palais des Beaux-Arts. A M. Désombrages, paysagiste à Lyon, Une médaille d'argent. Tableau représentant la facade de la Cathédrale et la Fontaine du Choriste, A M. Dewains-Desfontaines, à Alencon, Rappel de la médaille d'argent qui lui fut accordée en 1638. Pour des vers intitulés : Ze Choriste de IVotre-Dame, À M. J’ictor Robert, du Puy. Une mention honorable. Un écrit intitulé: Considérations générales sur le beau, dans ses rapports avec les arts. Examen des tableaux les plus remar- quables du Musée. (40) AAA A A AV A A AA AA LE VA AE AV AV A LM AV VV A MA VV AA AAA AA AA TABLE DES MATIÈRES Contenues dans les 6, 7 et 8° numéros formant le complément du tome premier du Bulletin agro- nomique et industriel, publié par la Société et distribué à MM. les Membres honoraires, résidans , non résidans et correspondans domi- ciliés dans le département (x). —_—" 122% 50@——— Rapport lu à la Société sur quelques améliorations introduites à Alleret, notamment sur de nouvelles prairies artificielles, par M. Albert deBrive, membre résidant situe dstiieniaer ? ont et I200 Notice sur les résultats de l’égrappage du raisin, par M. Pomier, membre non résidant, 216 Notice de l’emploi de la chaux du Puy, comme chaux hydraulique, par M. Moiselet, membre résidants. 2. il, 0h. 400225 Notice sur l'utilité d’une pépinière dans chaque exploitation rurale, par M. Dumontat, membre résidant: este... 200 ES (a) Cette table fait suite à celle qui a été publiée dans les : Annales de 1837-38. Elle a pour objet de faire connaître les travaux de la Société en ce qui a rapport à l’agricalture et aux arts industriels. (41) : De la paille, de son poids, de ses qualités et'de sonemplois 44e Sfax ne E R Se Tableau comparatif de la valeur nutritive des alimens donnés au bétail........ ARR CE Sur les prairies artificielles et sur les avan- tages de leur culture, par M. Larclause. .... : Notice sur la pomme de terre de Rohan et sur son meilleur mode de culture, par M. de Morel-Vindé.. 322006 meme = choieiele Du pin de Corse ou pin laricio, rédigé par Ma Commission, durBullétins#ha sec rh. ni De la taille du mürier, par M. Octave de Chapéhim te bonsiacehathenietasotsah Lettre sur le même sujet, par M. Pons-Saint- Martin SARA CR RENE ae Amélioration obtenue dans le sucre de betteraves "#10" RON AR esse he Nouvelle méthode de nourriture des veaux, ParMAEabbé reseau lacets ser Lettre de M. de Macheco, sur le procédé denlasapecit.fsss. ot RE OO Ce Lettre sur la culture de la pomme de terre de Rohan, par M. le général Waldec Bou- dinhon , membre honoraire........ END Lettre sur l’enfouissage du lupin , par M. Laroue père, membre correspondant.... Lettre sur des semis de graines et sur l'ai- relle, par M. Bouix, membre correspondant. Rapport fait à la Société sur la culture et 233 270 (42) le mode de conservation des belleraves et des carottes champêtres, par M. Albert de Brive, membreirésidants!ss Ras tie ele Du défrichement du trèfle et du sainfoin, par M. Doniol, membre correspondant, .... Notes sur les races de bestiaux dont le croi- sement avec celles du pays peut donner les résultats les plus avantageux, par M. Aug. de Longevialle, membre résidant............, Extrait du rapport fait à la Société, sur l’ex- traction du sucre de betterave, par M. de Mariol;, membrelrésidantiessar.cs stat. Mode d'exploitation du domaine de Veyrac, appartenant au général Higonnet.....,..... Prairies artificielles. -- Culture du trèfle et et du sainfoin, par M. Doniol, membre corr.. Amélioration du bétail à cornes, par M. de Dombasle, membre nonrésidant.......,... Animaux domestiques. — Choix des repro- ducteurs, sous le rapport de la conforma- tion extérieure, par M. Grognier, m.nonrés. Animaux domestiques, — Soins et éducation des bêtes bovines destinées au travail. ...... Résidence à la campagne, mœurs rurales, par M. de Dombasle, membre non résidant.. Délibération de la Société, relative à l'achat et à la distribution äe taureaux étalons. ..., Lettre relative à la maladie des porcs, par M. Marie, membre correspondant.....,.... 283 286 290 292 204 301 308 318 321 329 335 337 (45) Lettre relative aux produits obtenus des graines distribuées , par M.Malzieu, de Goudet, inembre Correspondant. es. Lettre relative à lapomme de terre … oh par M.lelieutenant-général Boudinhon, Re HORBTAIDE ee 0 see eme seu serie Lettresur les semis de graine faits par M. An- her imembre correspondant #1 20erR ner Apercu sur le mode denourriture de la race bovine dans ledépartement de la Haute-Loire, par M. le vict* de Vaux, membre correspond. Dentelles du Puy (exposition de 1839), par M. Ph. Hedde, membre résidant...,........ Sur la clavélisation, où manière de traiter le claveau ou clavelée...... PRESENT ‘ Notice sur les produits bitumineux de la Ber- narde, près le Puy, par M. Ph. Hedde, m. rés. EnltumérderlalVescele nes teur É PATES CH De l'emploi de la terre dans la fabrication des engrais, ......... LÉO TA HAUTES Culture du jardin hier par M. de Dom- basleu(tfn)shhs arsmshe OPA ELLE Pie NE NES Préservatif éprouvé contre la teigne des Hapstietc. aus NN TA au JxReS Æableau des Membres de la Société, domi- ciliés dans le départément. 6.4 444.48 80 Avis divers ant itaalnislo nes M nes able:desimatiéressanr. 9e area. cit (44) ANA ANAARAR AA AVR VUS AA AV A AV AAA AV VAS AA AN AA AA AU LL A AU AL AA LV RAPPORT Adressé à la Société par M. Lxon LABATIE, membre correspondant, sur une éducation de SUR . Je Q ï vers à soie qu'il a faite au Chambon, commune de Vorery. C’est au mois de mars 1837 que je suis devenu propriétaire d’un domaine situé sur les bords de : la Loire, au Chambon près Vorey. Mon père y avait planté une grande quantité de müriers en 1823, 1824, 1825 et 1826; plusieurs avaient été placés dans d’assez mauvais terrains, sur des co- teaux assez arides et sans qu'on se fût livré à un défoncement suffisant ; les arbres avaient par cela même peu réussi, et d'ailleurs la position dans laquelle ils se trouvaient était assez dommageable; les bestiaux en avaient atteint un grand nombre. D'autre part, les labours avaient été très-rares et jamais aucune espèce d'engrais ne leur avait été administrée. Je comptais, par conséquent, peu sur ceux-là pour avoir une récolte de feuille abondante ; mais beaucoup d’autres avaient été plantés dans un assez bon terrain, très-propre à la réussite de presque toute espèce. d'arbres, et je pouvais présumer avec raison que j'obtiendrais d'eux, avec quelque soin, une assez grande (45 ) quantité de feuille. Je dus d’abord songer à les faire tailler , ils ne l’avaient pas été de fort long- temps, et la taille pour le mürier est, comme on le sait, chose indispensable; si on la néglige, l'arbre ressemble bientôt à un buisson. C'était dans cet élat ou à peu près que presque tous les miens étaient : il y avait nécessité de les élaguer presque tous; c’est ce que je fis faire. : Plusieurs furent même entièrement étêtés et ne ressemblaient plus qu’à des piquets. Des bourgeons se développèrent bientôt en grande quantité, et à la fin de septembre mes arbres étaient entièrement garnis de belles bran- ches; il n’eüt pas été difficile de trouver bon nombre de pousses de six à sept pieds de lon- gueur. Je fus on ne peut plus satisfait d’une aussi belle végétation. 11 est bien évident qu’après l’opé- ration que j'avais fait subir à mes arbres, je ne pouvais songer pour cette année à me livrer à Péducation des vers à soie; je devais attendre 1838. Après l'hiver rigoureux que nous avons eu, plu- sieurs personnes me faisaient craindre pour mes arbres; elles pensaient que le froid en aurait fait périr une grande quantité; heureusement leurs craintes ne se sont pasréalisées. Nous avons perdu, par suite des fortes gelées, plusieurs pêchers, plu- sieurs noyers qui avaient résisté cependant de bien longucs années et pendant de bien rudes hivers, et je peux affirmer que je n’ai pas perdu (46) un seul mürier; j'ai seulement remarqué que pour certains, pour ceux que j'avais transplantés au printemps de 1857, la végétation avait été extré- mement retardée. Aujourd'hui, ils sont en fort bon état. Vers le 20 mai, je fis couver la graine que je destinais à élever ; j'en mis six onces: trois m’avaient été données par M. de Lachapelle et trois m'avaient été apportées par un homme des environs d’Aubenas, que j'avais fait venir exprès pour soigner mes vers à soie. Je dois dire qu’au- cune différence ne fut remarquée entre les vers provenus des deux graines différentes et qu'ils eurent tous la même force et la même vigueur. Mes occupations ne m'ont. pas permis de re- cueillir des faits bien précis et bien positifs, et il . nest impossible de faire de la statistique. Il m’au- rait fallu pour cela avoir plus de temps que je n’en avais à moi; ce n’était guère qu’un jour ou deux par semaine que je pouvais visiter ma magna- nérie; je ne puis donc dire, d’une manière même approximative , quelle est la quantité de feuille qui a été mangée par mes vers, en calcu- lant pour chaque âge ou pour tout le temps de leur vie; mais en faisant cette simple notice, mon but n’a pas été de constater des résultats scienti- fiques, j’ai seulement cherché à prouver encore que rien ne s'oppose à ce qu'on cultive le mürier dans certaines parties du département et qu’on (47) ne doit pas considérer le climat sous lequel nous vivons, comme étant un obstacle à la réussite des vers à soic. | Les miens ont été parfaitement conduits jus- qu’à leur quatrième âge. A celte époque de leur vie, je dois reconnaitre que j’eus un moment de panique et que je crus ma chambrée entièrement perdue. Pendant une de mes absences fréquentes, celui qui dirigeait leur éducation fut assez au loin ramasser de la feuille; il eut l’imprudence d'ailu- mer un lrop grand feu avant de partir, les croisées de la magnanerie avaient été laissées fermées; la chaleur atmosphérique devint beaucoup plus forte que la matinée ne l'avait annoncé, et toutes ces causes faillirent me faire périr tous mes vers, Je crois pouvoir assurer que j'en perdis au moins un quart; mais, comme on le voit d’après ce que je viens de dire, c’est à une cause bien connue et toute accidentelle que doit être attribuée une pareille perte. Les vers qui échappèrent ne se ressentirent pas ensuite de l'excès de chaleur auquel ils avaient été soumis. Après avoir dévoré d'immenses quantités de feuilles pendant six à huit jours, ils montèrent très-bien sur la bruyère et le genêt mélés, Ils firent de très-beaux cocons, dont très-peu de blancs. Je n’ai à faire connaitre aucune particularité remarquable ; le décoconage fait, je pesai la récolte que j'avais obtenue et j'eus 375 livres de ( 46) cocons (petite livre), non compris les cocons de rebut; je choisis six livres des plus beaux pour ja graine; ils m'ont peu donné, le hasard ayant voulu qu'il ÿ eût beaucoup plus de mâles que de femelles. J'avais une fileuse, aussi des environs d’Au- benas, et pendant cinq semaines elle s’est occupée à dévider les cocons. Je ne crois pas qu'il y ait bénéfice à faire filer, et encore je ne fais pas figurer en ligne de compte le bois que l’on a brûlé pour chauffer la bassine. Je pense que j'aurais mieux fait de vendre mes cocons. Dans ce moment, on s'occupe à carder la bourre de soie et les frisons; peut-être la valeur de ces objets établira-t-elle compensation; en résultat, j'ai obtenu vingt-neuf livres d’une fort belle soie ; je l’ai envoyée à Lyon et elle a été vendue 32 fr. la livre. Quoique j'aie eu des frais assez considé- rables, causés surtout par ce que j'ai eu à payer à un hommeet à une femme que j'ai fait venir du Vivarais, on croira cependant facilement que des récoltes en céréales sur'les propriétés où sont plantés mes müûriers, en admettant qu’elles eussent été magnifiques, ne m'auraient pas à beaucoup près rapporté autant que l'ont fait mes arbres : il y a une différence immense, : Aussi suis-je encouragé par mes prémiérs suc- cès. Cette année j'ai mis en pépinière 1200 mû- riers que j'ai fait venir d’Annonay, et j'ai fait des (492 semis qui ont parfaitement réussi. Le terrain de mes propriétés est du reste très-favorable au mû- rier : il est léger et sablonneux. AA AN A A A MA UV AA AY VAL VU AV VU RAA, LA MU MU MSA AAA AA AV AA LA VA BAS A M LETTRE De M. vx LacHAPELLE, membre correspondant , à M, le Président de la Société, sur des plantations de mériers et une éducation de vers à soie. Bergoide, le 2 août 1840. MonsiEUR LE PRÉSIDENT , En acceptant le titre de Membre correspondant dont vous avez bien voulu m’honorer, je me suis imposé une obligation, celle de vous tenir au courant de mes opérations séricicoles ; je vous adresse donc, Monsieur, un rapport sur l’édu- cation des vers à soie faite chez moi cette année; heureux si, par mon exemple, je puis contribuer à propager dans mon département une industrie qui, sans aucun doute, doit obtenir les plus brillans résultats. J'ai mis éclore, le 12 mai, vingt-quatre onces de graine; pendant le temps de l’incubation, qui a duré six jours , la température a été maintenue, le premier jour, à 18 degrés Réaumur; le second à 19 degrés; le troisième à 20, et poussée par 4 (50) gradation à 22 degrés jusqu’au 18 mai, jour où a commencé la naissance des vers, elle s’est opérée assez régulièrement, et pour nous éviter l'ennui des catégorisations, les vingt-quatre onces ont marché simultanément. L'éducation a duré vingt-huit jours, pendant lesquels les vers à soie ontconsommé 17,000 kilo- grammes de feuille, environ 700 kilogrammes par once de graine. Le thermomètre a peu varié de 19 à 20 degrés pendant tout le temps de l’édu- cation. J'ai obtenu 1000 kilogrammes de cocons, ce qui me donne en moyenne #42 kilogram. de cocons par once de graine. Bien que ce résultat soit des plus satisfaisans, il est loin de pouvoir être comparé à ce qu’on obtient avec les procédés de MM. C. Beauvais et Darcet; j'ai l'espoir qu’avec un peu de patience nous opérerons aussi bien qu'eux. J’ai eu lhonneur de voir M. Camille Beauvais; il a bien voulu, avec toute la bien- veillance qui le caractérise, me donner de sages et nombreux conseils; je suis tout disposé à les suivre, et pour cela je vais faire construire une magnanerie-modèle pouvant servir à l’éducation de cent onces; j'aurai suffisamment de feuilles pour, dans deux ans, pouvoir élever cette quan- üité. Mon peu d'expérience en appréciation de ce que peut fournir de feuille chaque pied d'arbre, m'a fait commettre une erreur bien grave : do- miné par la crainte de me trouver au dépourvu, Cr) je les ai estimés tellement peu, que je me suis trouvé, à la fin de l’éducation, avec 7000 kilo- grammes de feuilles de reste, ce qui aurait suffi à l'éducation de huit onces; perte énorme, puis- qu’elle équivaut au tiers de ma récolte. Trois fileuses sont occupées à dévider les co- cons; la soie ne laisse rien à désirer sous le rapport de la beauté; les cocons sont bien étoffés et nous en avons eu peu de mauvais. J'en ai fait peser 10 kilogrammes, qui à la filature m'ont rendu un peu plus d’un kilogromme de soie. Marchant avec le progrès, je me ferai désormais un devoir de vous communiquer tout ce que j'aurai pu reconnaitre d’utile au perfectionnement de cette industrie. Veuillez agréer, etc. Î DE LACHAPELLE. SA NAA AAA VV VAUT AU AA AV MAUV AV AU BAS LA LULU AUS MAUR AA AU A AY VAAY LA AA AE ASS LETTRE De M. le comte DE Macneco , membre non résidant, à M. le Président de la Société, sur la culture du trèfle , le hersage des céréales, etc. Alleret, le 4 août 1837. MOonsIEUR LE PRÉSIDENT, Je m’empresse de répondre à la lettre que vous m'avez fait honneur de m'écrire le 2 août, rela- (52) tivement au défrichement des trèfles et au hersage des blés au printemps. Depuis plusieurs années , les saisons ont été peu favorables, dans ce pays du moins, au succès des trèfles. C’est lorsqu'ils sont épais qu’ils amen- dent le sol si merveilleusement et qu'on peut alors les conserver deux ans. Ainsi, n’ayant obtenu ce fourrage qu'en médiocre qualité, quoique plà- tré, voilà ce qui m'engage, après la première coupe assez ordinairement, à le rompre avec la charrue du pays. On donne un second labour, et la terre est suffisamment préparée pour recevoir le froment, Si la seconde herbe du trèfle se pré- sente assez belle pour ne pas craindre qu’elle laisse surgir les plantes parasites, on en profite pour la couper. Alors, il est plus difficile de donner deux labours avant de semer; il y a, par conséquent, moins de chances pour une bonne préparation, Le succès du froment, et particulièrement de celui de Russie, est tellement constaté à la suite du trèfle, que je regarde l’insuccés de celui-ci comme une double perte qui rejette les produits d’un domaine à deux années. On peut en juger par un fait qui n'arrive. Une pièce de terre est semée en froment en 1636, parte sur un trèfle rompu après sa première coupe; on avait laissé la seconde herbe s'élever à huit à neuf pouces. Au grand regret de mes (55) laboureurs, je fais labourer et enfouir ce trèfle;un second labour fut donné un mois plus tard; puis on a semé en novembre. L’autre partie du champ était restée en jachère. Elle à recu trois labours et a été bien fumée au troisième; au quatrième, on a recouvert le fro- ment. Tout l'hiver, le printemps et jusqu’à la moisson, la première partie a été très-belle. L’infériorité de la seconde est constatée par les meules de gerbes et la pesanteur. Aussi, je n'évalue la partie fumée qu’aux 3/5 du froment sur trèfle. Les frais de culture sont cependant infiniment plus élevés. Voilà un résultat qui doit être soigneusement démontré à ceux de nos cultivateurs qui ne savent pas encore apprécier les avantages des prairies artificielles dans leur assolement. Quant au hersage des céréales d'hiver, fait au printemps, il est incontestablement avantageux, lorsqu'on trouve un moment propice pour cela, les gelées passées. Mais il faut qu'après la herse on fasse suivre un rouleau pour refouler la plante pivotante, Il faut s'attendre qu’il y en aura de déplacées. En général, la herse entraine les gra- mens, qui s’entortillent autour des dents de l’ins- trument et dont les racines tiennent moins à la terre. Car, sans cela, comment espérer que la herse ménagerait les uns plus que les autres. Après ce, il est bien reconnu que les plants éclaircis produisent généreusement, (54) Il ne faut pas tenter cette opération du her- sage dans les terres légères des montagnes. Mais on peut, avec un succès surprenant, y faire passer le rouleau partout où les pentes le permettent. Les rouleaux que j'emploie à Alleret et dans mes autres domaines, ont sept pieds de longueur sur trente-deux pouces de diamètre. Ils sont com- posés de pièces de trois pouces d'épaisseur en bois de pin, et rapportées comme celles d’un ton- neau (1). Cet objet, qui paraît fort lourd, est facilement promené par une forte paire de vaches ou une paire de bœufs. Je crois devoir, Monsieur, vous parler du succès que je trouve dans les semis de prairies artificielles que je destine à cet usage pour sept à huit ans. Pour former cette prairie, le sol ayant été Jabouré avant l’hiver, par une disposition de ter- rain pas frop humide, au printemps, je fais semer de l’avoine de préférence à l'orge, et même si le sol est fertile, on ferait mieux de ne pas mettre de grain. — La luzerne, le trèfle de Hollande, le ray-grass fromental et la grande pimprenelle; ces quatre espèces de graines fourragères composent un herbage précoce, abondant et nullement dan- (1) I ya un axe contenu par les fonds solides decette espèce de barrique, c'est à cet axe que s'adapte le cadre où tient le timon. (55) gereux. Le produit peut être comparé à celui des prés les mieux arrosés, L'emploi que j'ai fait cette année du fil de fer, dans une partie de vigne, est d’une économie et d’an solidité qui, mieux connue, le feront pro- bablement adopter. L'économie est dans le nombre des échalas remplacés , en partie, par des piquets pour fixer le fil de fer ; celui-ci, moins cher que l’échalas, est d’une durée qui fiendra à sa préparation. La solidité contre les vents est la considération qui doit incontestablement lui faire donner le choix. Lorsque le succès de mon épreuve sera complètement constaté , je vous en ferai un rapport. Agréez, Monsieur le Président, etc. Le Comte PALAMÈDE DE MACHECO. AAA VV SU AV VV RAA AU VS AA MU AUD VB VV VUE ME VV AVE VUE La ME VALVE A/R PV AA AA VV RAPPORT Lu à la Société, dans sa séance du 4 janvier 1839 , sur quelques améliorations introduites à Alleret ; Par M. Albert DE BR1VE, membre résidant. MESSIEURS, J'ai fait une visite à Alleret dans les derniers jours du mois d'octobre, et je voudrais vous faire (56) partager quelques-uns des avantages que j'en ai rapportés pour mon instruction agricole. Je ne vous dirai rien de la bienveillante hospi- talité que tous les hommes conduits par le désir de s’instruire dans la science la plus utile, et non par une stérile curiosité, recoivent des nobles hôtes d’Alleret, rien de l’état général de cette pro- priété magnifique, ni de la culture intelligente à laquelle elle est soumise, ni des instrumens per- fectionnés qui servent à accroître ses revenus merveilleux , tout en diminuant ses dépenses. Toutes ces généralités et beaucoup de détails essentiels vous ont été développés dans le rapport circonstancié sur l'exploitation d’Alleret, rédigé à la suite d’un voyage entrepris par des Commis- saires de la Société ( Voir les Annales de 1834). Je me bornerai seulement à vous indiquer quel- ques améliorations introduites par son savant pro- priétaire, depuis cette époque. En parcourant Alleret, je me suis arrêté avec intérêt devant un vignoble soumis au nouveau mode d’échalassement dont M. de Macheco a bien voulu vous donner la description dans une de ses lettres à notre Président. Cette méthode donne à la vigne une régularité qui plait à l’œil, une sûreté aux ceps qui les maintient contre les plus grands vents, conserve ainsi une grande partie de la vendange qui, ordinairement renversée jus- qu’à terre, se détériore ou se détruit, et procure (57 ) une économie dans l’échalassement d'un quart des dépenses. Ces avantages précieux ne devraient-ils pas engager les propriétaires des parties vignobles du département à mettre en pratique un procédé soumis à l'expérience par son inventeur et adopté d’ailleurs par plusieurs sociétés consacrées aux progrès de l’agriculture en France? Le seul re- proche qu’on semblait être en droit d'adresser à ce mode d’échalassement était de ralentir les tra- vaux , en embarrassant les ouvriers qui travaillent la vigne; mais M. de Macheco s’est assuré qu'il suffisait de quelque habitude, pour que les ma- nœuvres qu'il emploie dans ses vignes y marchent aussi vite que dans celles soumises au mode d’échalassement ancien. Mais ce qui a appelé plus particulièrement mon attention, ce-sont les nouvelles prairies artifi- cielles que M. de Macheco a semées depuis deux ans , el qui se composent , comme il vous la annoncé lui-même , de quatre espèces de graines fourragères : la luzerne, le trèfle de Hol- lande, le ray-grass fromental et la grande pim- prenelle, Ces prairies, dont la durée doit être de sept ou huit ans, peuvent, par suite des combi- naisons de ces quatre plantes, réussir sur toutes les terres cultivables. On doit s'attendre seule- ment à voir dominer dans le semis celle de ces plantes à laquelle le terrain sera plus favorable. Ainsi le ray-grass et la pimprencelle prendront Île (58) dessus dans Îles terres légères, sablonneuses ou arides, et il en sera autrement dans les terrains profonds et substantiels, où la luzerne et le trèfle s’étendront avec une puissance qu'aucune autre plante ne pourra arrêter. Aussi ces prairies arti- ficielles nous paraissent-elles devoir être préfé- rées, 1° aux prés naturels, en ce qu’elles sont plus précoces et peuvent se passer d'irrigations fréquentes; 20 au trèfle et à la luzerne, en ce qu’elles réussissent dans des terrains moins pré- cieux; et, 3° aux cultures de tous les fourrages léguminceux, en ce qu’elles ne produisent point de météorisations si subites et si dangereuses chez les animaux qui s’en nourrissent. Ces divers avan- tages sont dus à la proportion dans laquelle ces plantes sont semées. Elles doivent être répan- dues sur la terre séparément, à cause de la diffé- rence de leur volume et de leur poids, et dans cette proportion, pour une étendue de 225 toises carrées, luzerne 2 livres, trèfle 1 livre et demie, pimprenelle 3 livres, et ray-grass 12 livres. M. de Macheco estime la valeur de ces graines réunies à 4 francs. J'ai vu la prairie de deux ans, elle est entièrement gazonnée , tandis que celle de l’année offre encore quelques interstices à remplir. Ce fourrage, malgré la sécheresse, a été coupé deux fois eta donné encore après un abondant pâturage. M. de Macheco, persuadé que ce genre de prés n’a aucun des inconvéniens des prairies artificielles (59 ) ordinaires et en a tous les avantages, en recom- mande becaucoup l'introduction, comme four- rage préférable dans les exploitations qui man- quent de prés natureis et comme amendement équivalant dans les autres. - Le propriétaire d’Alleret, avec de vastes prairies naturelles, de très-bons terrains à luzerne, des trèfles employés comme amendement, beaucoup de racines pour la nourriture d'hiver, ses nou- velles prairies artificielles et ayant une grande abondance de fourrage, a dû regarder comme un objet des plus importans le moyen d’en tirer le meilleur produit. Après diverses expériences, il a renoncé à l'entretien de vaches laitières au-delà du nombre nécessaire pour fournir à la consom- mation de la ménagerie. Soit que la qualité de nos fourrages ne favorise ni la quantité ni la qua- lité du lait, soit que les femmes employées dans nos pays à traire les vaches, n'aient jamais Ja force suffisante pour les traire à fond (1},il parait certain que nos laïieries n’offrent point les avan- tages que présentent celles d’autres pays mon- tagneux. M. de Macheco a renoncé également (1) Un vacher d’Aurillac n’a pas craint d'offrir à M. de Ma- checo, pour lui prouver que les femmes n'étaient pas capables de traire convenablement une vache, de traire d’une vache qu’aurait égouttée sa ménagère un tiers eu sus du lait qu’elle aurait obtenu, (Go ) à faire des élèves pour la vente; le prix de revient du fourrage et autres frais d'éducation étant supé- rieur à celui de la vente des élèves. Il reporte toute son industrie sur la revente des jeunes bêtes qu'il achète à deux ans et qu'il revend au moment où elles vont faire leurs premiers veaux, et sur l’engraissement des vaches. Quelques jours avant notre arrivée, il avait acheté 120 jolies génisses qu'il comptait revendre au printemps, avec un bénéfice de 40 à 50 francs, et il avait vendu à la foire d’Aurac le même nombre de vaches grasses qu’il avait gardées trois mois, et sur lesquelles il avait bénéficié de 50 à Go fr. par tête. Il pense que ces deux moyens de faire consommer le fourrage dans nos pays sont les plus productifs. Il y a quelques années que les engraissemens lui offraient moins de chances de succès, à cause de la difficulté des ventes; mais aujourd’hui les bou- chers de Saint-Etienne et du Chambon viennent choisir le bétail gras jusque dans ses écuries. Voilà, Messieurs, au milieu des améliorations nombreuses que j'ai observées à Alleret, celles qui m'ont frappé le plus dans le voyage que je viens d’y faire et qui m'ont paru devoir offrir de l'intérêt aux Membres de cette Société qui s’occu- pent d'agriculture. - (Gi) AA AA AU VS AU AA MU MAR MU VU MAUR A AV AR AA AA AA AAA AE LA AA AS AAA AA AN AA APS LETTRE De M. LarouE, membre correspondant, à M. le Président de la Société, sur l'enfouissage du lupin. Saint-Voy, le 14 avril 1830. MonSIEUR LE PRÉSIDENT, J'ai lu dans la sixième Notice indicative de la Société d'Agriculture du département, séance du 22 août 1838, l’article 3 qui porte que ceux qui auront le plus enfoui du lupin et autres fourrages verts, pourront prétendre à une prime. Jai vu aussi que la Société a reconnu que dans l'arrondissement d’Yssingeaux l’ontirait de grands avantages du lupin; c’est précisément sur cette plante que je veux faire connaitre les observations- pratiques que j'ai faites. C’est dans le canton de Tence que l’on se sert le plus du lupin pour engrais. Dans le canton de Saint-Agrève, qui touche à notre département et à notre canton, il y a beaucoup de propriétaires quiensemencent annuellement deux hectolitres de lupin, ce qui représente une contenance de ter- rain à pouvoir semer quatre hectolitres au moins de blé. Toutes les terres sont propices pour cette plante; (62) elle préfère les terres granitiques légères aux terres fortes à froment. Il faut bêcher oulabourer avec la charrue à la Dombasle au printemps, etsemeren mai ou juin, et un peu plus tard dans les pays froids. Quoique très-partisan du lupin pour engrais, j'en condamne l’enfouissage, parce qu'il est, dans les années de sécheresse, contraire à la germina- tion ; les sillons sont ordinairement pleins quand on comble la rame, et par conséquent celle-ci tient la terre trop soulevée, le soleil ou le venten emporte toute l’humidité si nécessaire pour que le grain germe et prenne son accroissement assez tôt pour garantir le jeune plant de l'hiver, sur- tout dans les pays froids comme le nôtre. Le lupin est une plante qui a la racine pivo- tante, qui s’alonge, selon la qualité du terrain, de six à dix pouces. Ordinairement quand on les arrache, on trouve les racines remplies de rodus chanvreux qui ressemblent à cenx qu’on appelle choux cabus pied de poule, et je conclus, d’après mes observations , que cette plante doit avoir d’autres principes fertilisans que ceux que nous attribuons à sa tige. Pour faire ma première expérience, je fis enlever tous mes lupins en pleine végétation dans un es- pace de 200 toises seulement; je fis ensemencer en seigle; le grain ne fut pas contrarié par l’en- fouissage; il fut d’une venue superbe, bien plus vert que celui à côté qui avait été fumé, — La (65) terre qui produit des lupins d’une belle végé- tation peut donner deux récoltes de seigle, sans autre engrais. Ma seconde récolte fut aussi bonne que la première. Je fus donc convaincu que cette plante tirait de la terre des principes nutritifs que lon n’avait pas encore découverts. Maintenant je laisse aux per- sonnes versées dans la physiologie végétale à dé- cidér d’abord si cette plante absorbe, au moyen de sa racine chancreuse et difforme, les mauvais principes de la terre qui nuisent aux céréales, ou bien si elle dépose dans le sol, comme je l'ai déjà dit, des principes nutritifs et favorables au blé. Autre expérience reconnue généralement.—Tlest d'usage, lorsque l’on a ensemencé les lupins, de semer en même temps des graines de raifort; ces derniers sont alors d’une venue magnifique. Mais si vous semez à côté des lupins de la même graine de raifort, vous n'aurez qu’une végétation chétive et de peu de valeur. Autre expérience. — Si quelquefois il arrive que la terre où vous avez semé vos lupins n’ait pas été entièrement débarrassée de toutes les plantes de gramen ou d'orties blanches, on voit ces deux plantes prendre au milieu d'eux une végétation ani- mée etplus vigoureuse qu'avec tout autre engrais. Or, je demeure persuadé, d’après ces expé- riences, que l’enfouissage du Iupin est de nul effet, d'autant que sa tige est fort sèche et qu’elle ne pourrit que très-difficilement. (64) Au reste , dans la commune de Tence on n’en- fouit pas le lupin; on le coupe avec une faucille par troncons, sans l’arracher , après quoi l’on ensemence sans autre travail. Néanmoins je pense que l’on pourrait tirer un grand avantage de la tige du lupin, en l’arrachant avant de semer. Si on la coupe en deux ou trois parties, selon sa longueur, on aura une très-bonne litière, qui permettra de vendre la paille lorsqu'elle est rare et qu’elle vaut un bon prix; on en retirera facilement de quoi acheter la semence du lupin. Le prix du lupin est, dans notre pays, ordinaire- ment le même que celui du seigle. Il serait, je crois, plus lucratifpourles habitans des environs du Puy de semer des lupins au lieu de grosses fèves; leurs terres se trouveraient fumées et le grain remplacerait avec bénéfice les grosses fèves; leurs tiges ont une parfaite ressemblance. Si vous croyez, Monsieur, que ces observations soient dignes d’être lues en Société d'Agriculture, je vous en laisse le maître. Dans le cas contraire, laissez-les de côté; j'attache peu de prix à mes con- naissances, quoique je sois convaincu de la réalité de ce que j'avance, comme chacun pourra l’éprouver. Agréez l'assurance, etc. LAROUE. (65 ) GUERRES CIVILES, POLITIQUES ET RELIGIEUSES DANS LE VELAY ( Suite) (1); Par M. Francisque ManDer, membre résidant. $. XXXIV. ‘ LE SÉNÉCHAL DE CHATE, Le parti royal avait à sa tête un jeune homme dévoué corps et ame à Henri II, le protecteur Vami, l’allié de sa famille. Ce jeune homme était FRANÇOIS DE CLERMONT, seigneur et baron DE CHASTE, Charpey, Labrosse , Lafaye, Saint- Just, Vernoux, Gazelle, etc., sénéchal du Velay, chevalier des ordres du roi, capitaine de cin- quante hommes d’armes, de l’ancienne et illustre maison de Clermont, en Dauphiné (2).—Son père, qui s’était signalé près du duc de Guise en 1552, à la défense de Metz, avait obtenu la faveur de (:) Voir, pour le commencement, les Annales de 1837-38. (2) De Chaste venait d’être nommé gouverneur du Velay par le roi en remplacement de Saint-Vidal, 5 ( 66 ) mettre entre les clefs de ses armes une fleur de lis d’or sur champ d’azur. Il était bailli du Velay ct avait épousé Paule de Joyeuse, tante du fameux amiral, beau-frère de la reine. Francois de Chaste, celui dont nous parlons ici, avait passé ses jeunes années à la cour et n’était venu dans la province qu'après la mort du bailli. Louis-Armand de Polignac et son frère le baron Christophe de Chalancon lui firent l’accueil le plus amical. Tous les trois vécurent dans une intimité parfaite, menant joyeuse vie, sans s’in- quiéter de ce qui se passait aulour d'eux autre- ment que pour poursuivre de leurs éternels sar- casmes lestoïque gouverneur, le sanglier, comme ils l’appelaient. — Ils avaient eu, en plusieurs occasions, de très-vifs déméêlés avec Saint-Vidal, et sans l'entremise de l’évêque, Chalancon se serait battu plus d’une fois avec lui. Vers 1587, Polignac étant mort, Chaste qui venait d’être nommé sénéchal épousa sa veuve. Dès cet instant , il s’occupa avec une incroyable ardeur des affaires publiques ; non-seulement les devoirs de sa charge l’y obligeaient, mais le crédit de safamille maternelle grandissanttous les jours, provoquait sa reconnaissance et faisait aussi germer dans son cœur d’ambitieux désirs. Qu'il restât sédentaire dans ses châteaux de Las brosse ou dePolignac, que par le mauvais temps il chevauchât à travers nos montagnes couvertes de (67) neige, c’était bien le plus galant, le plus magni- fique gentilhomme qu’on püt voir.—Il avait une figure charmante , la voix douce, le regard noble, le sourire gracieux, la parole bienveillante. Il s’en allait toujours vêtu à la dernière mode; les mignons eux-mêmes n'avaient pas de broderies plus nouvelles que celles de son riche pourpoint. Son manteau le plus commun était, dit-on, de velours bleu d'azur lamé d'argent. Il portait la fraise à grands canons, comme tous les raffinés, et prenait aussi un soin merveilleux de sa moustache et de sa barbe. Sa démarche était nonchalante , ses manières efféminées, ses goûts très-fastueux. J1 aimait les fêtes, les banquets, les chasses bruyantes; enfin, tout ce que pratiquaient les jeunes seigneurs de la cour voluptueuse des Valois -Médicis. Cependant, sous ces frivoles apparences, per- sonne au monde ne cachait un caractère plus viril, une ame plus fortement trempée ; personne, une fois la résolution prise, ne savait faire plus facile marché de sa vie que ce beau jeune homme, dès que son devoir l’appelait; rien ne pouvait le retenir, Aussi brave qu'un lion, il s’élancait le premier au plus fort du péril; et comme sil se fût fait un jeu de la mort, on le voyait la braver follement à toute heure. Chaste habitait le château de Polignac; c’est là qu'entouré de gentilhommes restés fidèles à la cause royale il avait établi le siége de son gouver- (68 ) nement. Le vieux manoir, qui n’est plus aujourd’hui qu'une ruine déserte, alors remplide soldats, élait peut-être une des places les plus fortes de France. Sa situation le rendait surtout très-redoutable à la ville qui le voyait, comme une sentinelle ennemie, éternellement armé contre elle. Ce fut jadis, comme chacun sait, l'habitude de quelques-uns des anciens vicomtes de désoler le pays par leurs incessantes déprédations. Ils s’'empa- raient de toutesles issues, cernaient les villes et les bourgades par une ceinture de châteaux; de telle sorte que pas un pélerin, pas un marchand, pasun pauvre fermier ne passaient sous leurs murailles que ces tyrans de nos montagnes ne vinssent prélever leur infâme tribut (1).Chaste serappela cette vieille tactique féodale. La jugeant très-applicable dans les circonstances où 1l se trouvait , il commença par (1) .…. His ista gestis episcopus Petrus pro se et ecclesia sua litem coram nobis contestans adversus PONTIUM vicecomitem proposuit eumdem vicecomitem contra omnes compositiones prædictas et contra jusjurandum suum ac patris sui multorum- que militum suorum pedagia, pravas exactiones, et prœdas in slatis exercuisse, mala multa et damna grayissima ecclesiæ Aniciensi intulisse, guerram fecisse, de quâ plura loca ad eccle- siam pertinentia fuerant dissipata et incendiis vastata, homi- nes multi perempti, etc... ( An 1171). (Extrait du 3° livre des compositions de l'évêché du Puy en Velay. — Preuves de l’histoire d'Auvergne, liv. 1, : p?ge 66, par BALUZE. ( 69 ) établir des garnisons à Yssingeaux , au Charrouil, à Montbonnet, à Solignac, à Arlempdes, etc., inter- cepta toutes les communications avec le Puy et, maitre ainsi des abords de la ville, il espéra la faire bientôt capituler. Cependant les ligueurs n’étaient pas disposés à se rendre. Ils avaient pour long-temps encore des munilions, et Saint-Vidal, qui depuis un mois était à Lyon pour solliciter des secours, allait bientôt faire bonne justice des vexations du séné- chal; en attendant , les Aniciens se contentaient de quelques courses dans le voisinage qui, pour la plupart, n’amenaient d’autres résultats que la ruine de pauvres hameaux inoffensifs (1). (1) Flaghac, lieutenant de Saint-Vidal, à la tête d’un grand nombre d’habitans du Puy, sortirent de la ville le 30 avril, vers minuit, et se rendirent au Colet, où Chaste avait mis une garnison pour s’opposer à l’arrivée des denrées au Puy par la route d'Auvergne. Le commandant de la garnison fit faire une furieuse décharge de canons et d’arquebuses sur les assaillans. Flaghac voyant que par cette résistance il pourrait perdre du monde lui fit proposer de déloger en garantissant la vie sauve pour lui et ses troupes. Cette condition fut acceptée. — Après la retraite des politiques, les ligueurs brülèrent le village du Colet et la maison de Lauthenas, ainsi que celle de Montjausy et la chapelle de Sainte-Anne. De retour au Puy, ils firent de sazglans reproches à Flaghac de ce qu’il avait accordé la vie sauve à la garnison du Colet, qu’ils eussent pu passer au fil de l'épée , étant munis du petard pour forcer la porte de la mai- son où elle était logée. (ARNAUD, Hist. du Velay, tome 1, liv. 1V, p. 452.) ( 70 ) S. XXXV. CONFÉRENCES VELLAVIENNES, Dès que Saint-Vidal fut revenu de Lyon, Chaste en sa qualité de gouverneur lui envoya un trom- pette avec ordre de se rendre à l’obéissance du roi et à la sienne. Saint-Vidal répondit à cette sommation en demandant au conseil des vingt- quatre que les arrêts du parlement fussent appli- qués à cesinsolens royalistes qui osaient encore, les armes à la main, invoquer un nom proscrit.—Le conseil assembla la communauté pour en déli- bérer ct il fut immédiatement décrété en séance publique que de Chaste, ainsi que tous ceux qui n'avaient pas juré la sainte union, étaient mis hors la loi, signalés comme ennemis de la pairie, déchus de toutes fonctions et désormais incapables de pouvoir en occuper aucune. Alors on procéda à leur remplacement et non-seulement Saint-Vidal fut maintenu comme gouverneur, mais 1l recut encore par acclamation le titre de sénéchal, pour que chacun pût bien voir qu'aux yeux des ligueurs les ordonnances du roi tombaient devant celles du peuple. Le gant était jeté; après de telles protestations (71) le sort des armes semblait devoir être le seul arbitre dans cette querelle de compatriotes, lorsque heureusement la reine de Navarre, qui était à son château d'Usson, envoya quelques gentils- hommes comme médiateurs. Chaste se prêta de très-bonne grâce à toute espèce d’arrangement, Ce fut lui-même qui proposad'ouvrir des conférences, dans lesquelles chacun viendrait loyalement dé- battre ses principes. La ville accepta; des com- missaires furent nommés des deux côtés. — On se réunit d’abord près de Saint-Marcel, ensuite à Chadrac; mais personne ne voulant faire de con- cessions, il fallut se séparer et les hostilités com- mencèrent, C’est dans cette circonstance que Chaste se rap- pela l’ancien système des Polignac. Il lemit en pra- üique si promptement et avec tant de rigueur que bientôt la ville affamée redemanda à parlementer. Les consuls écrivirent au seigneur de Chevrières pour solliciter son entremise. Celui-ci, qui s'était déjà mêlé de la première négociation, ne se fit pas attendre; il arriva, prit les ordres du conseil et courut les porter au château.—Le sénéchal, dont les devoirs étaient tracés, dit qu’il ne pouvait transiger qu’au nom et que dans l'intérêt du roi, que par conséquent il demandait avant tout à être reconnu au Puy et dans tout le Velay comme gouverneur, Cet ultimatum était fort embar- rassant , car il résumait la difficulté. Céder (7E) à celte exigence , c'était déserter la ligue ; la repousser brutalement, c'était provoquer de nou- velles hosulités. Que faire ?..…, La réunion des vingt-quatre en changeant ou en confirmant les officiers de justice, en faisant effacer les armoiries royales des monumens pu- blics, venait sans doute de proclamer assez hardi- ment sa souverainelé; mais, dictature improvisée par linsurrection, elle ne savait où poser ses limites. Tantôt celle étonnait par som audace, tantôt au contraire on la voyait tremblante devant le plus fragile obstacle. Le secret de tant de force et de faiblesse c’est que, toute puissante qu'elle apparaissait à la foule, elle-même n'était que le docile instrument de l’énergique gouverneur qui lui dictait ses tyranniques décrets. Saint-Vidal qui dès les premiers instans s'était déclaré partisan de la ligue, qui dans ses luttes incessantes contre les religionnaires s'était de plus en plus rattaché à leurs implacables adversaires, était inflexible dans ses résolutions. Montagnard voué avec ardeur à la cause catholique, il ne savait comprendre ces flagrantes apostasies du roi; aussi, dès qu’il eut appris le double assassinat des Guise et l’alliance des royalistes avec les huguenots, il renia publiquement le prince, attendit comme gouverneur du Velay les ordres de Mayenne , et pour sa part aurait vu la ville (73) réduite en poudre plutôt que de la rendre au pouvoir des hérétiques. — Avous-nous besoin de dire maintenant comment il accueillit les pro- positions de Chaste?.…. Tout d’abord il se laissa aller contre lui aux plus violentes invectives el accourut supplier le conseil de répondre à ce traître comme il le méritait. Le conseil, com- posé de bourgeois que ruinait le blocus (1), pensait tout autrement; toutefois il n’osait se pro- noncer à l'encontre du fougueux ligueur. — Il ne restait qu'un moyen pour sortir d’embarras, c'était le vote universel. Les vingt-quatre se hâtèrent d'y recourir , espérant que la détresse publique serait une conseillère plus prudente que la colère de Saint-Vidal. Jamais encore assemblée populaire n’avait été plus tumultueuse , plus passionnée; autant d'hommes, autant d'avis différens. Les plus jeunes ne vou- laient rien entendre et criaient sans cesse : la (1) Si, ne veux-je oublier que à l’occasion destroubles, guerres et indisposition du temps, les trois jours de Rogations qui est la principale foire de cette ville, réputée par toute la France, l'Espagne , l’Allemagne et le Piémont, où se fait grande vente et achept de marchandises et bestailh , ladite foire cessa entiè- rement, car les portes des boutiques étoient fermées comme s’il étoit dimanche , chose fort lamentable aux artisans, mar- chands et autres qui avoïent pris des marchandises à crédit et qui deyoient être payées à la foire des Rogations. (BUREL). (74) ligue! la liguel.. Les plus âgés disaient : Que nous importe la ligue ou le roi, pourvu que le pays soit tranquille; les autres enfin, prononcés pour Saint-Vidal ou pour de Chaste, pour la noblesse avec l'évêque, pour le démocratisme avec d’Apchier, se divisaient en autant d'opinions que de bannières flottantes , et cachaient presque tous un affreux égoïisme sous le manteau d’un patriotique dévouement. Que les temps étaient changés !.… En 1562, lors du siége du Puy, on avait vu les citoyens, unis comme des frères, courir sur les remparts de la ville maternelle et lui faire un bouclier de leur poitrine; « aujourd'hui, dit Burel, la haine » est si profonde que les habitans font des barri- » cades dans chaque rue et se battent entr'eux. » En effet, chacun était venu à l'assemblée avec ses passions politiques ou plutôt ses antipathies per- sonnelles. D’anciens amis, des parens s’y retrou- vaient pour se dire de grossières injures. On ne pardonnait pas, aux uns un peu de gloire achetée au prix de leur sang, à d’autres le courage d’avoir osé avouer à voix trop haute une opinion loyale, à ceux-ci amitié d’un grand seigneur, à ceux-là l'ovation de la populace. Tout succès était un crime , quelle que fut sa source. Encore si, près de ces haines violentes, se fussent trouvées d’ar- dentes affections, si les cœurs eussent eu autant de jalousie pour défendre un ami qu'ils en (75) éprouvaient pour ruiner un adversaire, on com- prendrait, on admirerait peut-être ces luttes brû- lantes des révolulions ; mais non, c'était une mêlée confuse où les coups étaient bien portés pourvu qu'ils frappassent un compatriote. Que le pavois se dressät triomphant pour un gentilhomme étranger, c'était bien: tous venaient l'aider à y monter; mais qu'un enfant de la ville se signalât jusqu’au martyre, qu'il eût nom Guitard, Alméras ou Sabatier, chacun criait haro sur lui, et le mal- heureux tombait victime de la fureur publique... On parvint cependant à nommer des commis- saires , mais auxquels on imposa cette diffi- cile mission, de pacifier le pays sans céder à aucune des exigences des royalistes et sans rien abandonner des prétentions contraires. — Le château de Chadrac fut encore désigné pour la reprise de ces singulières conférences. Chaste y envoya pour Île roi, Latour Maubourg, trois gentilshommes et le lieutenant de la prévôté (à) ; la ville y délégua pour la ligue, Févêque, trois bourgeois et un consul. On discuta pendant plusieurs jours et probablement on se serait sé- paré comme les deux premières fois, si les com- QG) De Chaste avait aussi chargé le sieur Antoine Roqueplan, receveur des tailles, d'aller présenter sescomptesetd’en obtenir le paiement. (76) missaires n'eussent pris sur eux d'arrêter un traité qui, tout en faisant de suffisantes ré- serves, accordait du moins une trève aux deux camps. On arrêta, — pour le roi : que Montmorency, son gouverneur en Languedoc, serait reconnu au Puy ainsi que tous les officiers nommés par lui, et que les troupes dont Saint-Vidal était allé réclamer l'intervention seraient congédiées, — Pour la ligue : que les Aniciens resteraient fidèles au serment d'union qu'ils avaient prêté, qu'ils ne renonceraient à aucune de leurs franchises, et que tous les religionnaires cesseraient de parcourir le pays. — De part et d'autre il fut aussi, dans un intérêt commun, décidé qu'à partir du jour de la signature du traité personne ne pourrait être recherché pour sa conduite passée ; que qui- conque porterait le moindre obstacle à la liberté commerciale devrait être regardé comme per- turbateur du repos public; qu’enfin les prison- niers et les objets saisis à l’occasion des troubles politiques seraient intégralement rendus (1). Les habitans du Puy, enchantés de l’heureuse intervention de M' de Chevrières, ne voulurent pas le laisser partir sans lui donner un gage de (1) L'original de ce traité se trouve dans les armoires des archives du département de la Haute-Loire, (09m) leur reconnaissance, Ils se réunirent donc pour savoir ce qu'ils pourraient lui offrir de plus con- venable; «mais, dit Burel, Mr de Chevrières ne ” » voulut rien accepter, observant qu’il m'était pas venu en cette ville pour notre trésor ni notre argent, et qu'il se tenait heureux d’avoir mis la paix où était la guerre... — Alors les habitans lui adressèrent le discours que s’en suit : » Les citoyens de cette ville du Puy vous ren- dent gräces; et tous les villageois, même les bourgades, les villes nos voisines vous remer- cient humblement , à genoux, de votre illustre et magnanime présence; car sans elle nous étions hors d’espoir de recueillir ces prochaines moissons. — Vous avez reconnu notre pure innocence, Vous avez Vu que nous avions perdu presque tout notre pouvoir et vous vous êtes senti inspiré par le zèle et la pitié. Vous qui êtes l’un des piliers de notre église, vous n'avez pu endurer plus long-temps qu'on continuât les ravages, les voleries, les détroussemens qui nous étaient faits. Vous n'êtes pas venu pour vous faire payer de vos peines ni de vos tra- vaux, Car aussi l’avarice n’est point logée en votre cœur, mais toute douceur, libéralité et VER een relie UOTE. ON" HENC pour certain que vous vous acheminez vers Paris , pour trouver les princes généreux com- (78) baltans pour l'honneur de Dieu ces chiens enragés hérétiques politiques, vous présente, Monseigneur , tout le corps de la ville en général et en particulier, obéissance , amitié ainsi qu'humble service; suppliant ce bon Dieu vous avoir et votre compagnie en sa sainte protec- üon, sauvegarde, et voir l’entier accomplisse- ment de vos affectueux désirs (1). » > —————— ® S. XXXVI. LA PETITE GENÈVE, Quelque temps après le départ de M' de Che- vrières, un courrier de Toulouse vint apporter au Puy des dépêches du parlement. C'était un nouvel arrêt qui enjoignait au gouverneur de (1) Burel , après avoir consigné en entier cette harangue dans ses Mémoires, ajoute : « Et à bon droit le sieur de Chevyrières, » » » comme lieutenant des Guyse, avoit moyenné et pratiqué la paix avec de Chaste; car, par le moyen et les sollicitations de cette chienne et maudite vicomtesse sa femme, la paoure ville avoit souffertet soustenu plusieurs grands frais, ruynes, ravages, voleries, Elle avoit faict enchérir les denrées et vivres de sorte que par argent ne s’en pouvoit trouver, ayant empesché les passages du Languedoc, Vivarois, Auvergne et autres des environs de la ville, » ( 79 ) poursuivre le sénéchal et ses adhérens, comme perturbateurs du repos public (1). Il était trop tard; l’amnistie, signée par l’évêque, de Chaste (1) EXTRAIT DES REGISTRES DU PARLEMENT, — La cour, sur la requête présentée par le procureur-général , et d’ailheurs avertie des entreprises, monopoles, levées d'armes, conjura- tions et conspirations que le sieur de la Chate, naguère séné- chakde Velay, ayecaucuns gentilshommes et autres à luy adhérans, font tant contre l’état dudict pays que contre la religion catho- lique, apostolique, romaine ; informée des oppressions faites au pauvre public par saysies et emprisonnemens de leurs per- sonnes, ranconnemens, saysie de leurs biens et de plusieurs autres actes d’hostilité contre les prohibitions cy-deyant faites par les arrêts sur ce donnés. — À enjoiuct et enjoinct tant au seigneur de Saint-Vidal , lieutenant et gouverneur audict pays et commis par la cour à ladicte requête dépendant de l’estat et charge de sénéchal. . . . . . . . que à tous gentilshommes, capitaine et autres qu’il apparteindra, tenir la main à l’exécu- tion des arrêts d’yceliuy, faire cesser et prohiber par toutes les voyes conyenables et nécessaires, lesdicts monopoles, assemblées, oppressions, emprisonnemens et actes d’hostilité, d’user en cet endroit de telle résistance et diligence requises et nécessaires; enjoignant en outre aux officiers et magistrats de ladicte sénéchaussée du Puy, chascun en son endroit , in- former ét diligemment enquérir des contraventions et de tous autres actes qui en dépendent, et contre les infracteurs calvini- sans procéder comme perturbateurs du bien et repos public à telle panition exemplaire que le cas requiert, et du tout certi- fier la cour de ce qu’ils y auront fait sur peine de suspension de leurs offices et autres arbitraires. — Prononcé à ‘Toulouse, en parlement, le 22 juillet l'an 1589. (Pièce originale sur parchemin, déposée aux archives du département de la Haute-Loire.) ( 80 ) et Saint-Vidal, couvrait tous les coupables sans exceplion.-— Cependant, cette amnistie, que l’in- térêt fit un instant respecter, loin d’éteindre les passions haineuses les rendit plus violentesencore. La ville surtout ne tarda pas à devenir un foyer de discorde; car si l’on y pardonnait aux ennemis du dehors le mal qu’ils avaient fait, on ne pouvait s'y résigner à souffrir sans impunité l’arrogante indépendance dont quelques citoyens semblaient se prévaloir. Saint-Nectaire lui-même, si long-temps lidole des catholiques, avait perdu toute popularité. Les uns l'avaient jadis accusé de trop de rigueur, et quand il voulut pour leur complaire se tenir à Pécart, les autres dirent qu'il avait été gagné par la cour dans son dernier voyage à Blois. La mal- veillance fut poussée à un tel point contre Jui que, craignant quelqu’outrage, et même averti que dans une sédition ses ennemis pourraient bien attenter à ses jours, il quitta le palais épis- copal et se retira -dans sa forteresse d’Espaly; cette fois bien décidé à ne plus retourner de sa vie parmi les ingrats qui perdaient en un jour le souvenir de vingt-cinq années de dévouement. Cette démarche de l’évêque fut un signal, et comme il s’y était déterminé afin d'échapper à la cruauté des francs-ligueurs indignés du traité de Chadrac, Saint-Nectaire vit tout-à-coup se (61) rallier autour de sa personne, politiques, roya- listes et religionnaires; tant 1l est vrai qu’à ces époques de sanglantes perturbations, les ennemis de la veille deviennent les amis du lendemain. Le Puy ne s’affecta pas d’abord beaucoup de cette émigration, car il croyait avoir toujours avec lui son fidèle gouverneur. Cependant le duc de Mayenne , qui cherchait à se faire une cour des anciens partisans de sa famille, ayant appelé Saint-Vidal à Paris, en qualité de grand maître de l'artillerie, la pauvre ville se trouva plus attristée que jamais. Alors elle chercha bien à ramener son prélat; mais Saint-Nectaire , sans se pro- noncer encore d’une manière décisive, laissa paraître peu d’empressement. — Déjà, sous sa présidence , les états du Velay avaient été convo- qués à Espaly; il avait vu dans plusieurs réunions combien lesprit général et les intérêts locaux étaient contraires à cette obstination fanatique (1). (1) … Et comme la ville avoit fait de grands frais en ces guerres pour plus de trente-quatre mille écus, elle voulut les départir etimposer sur tout le pays. Pour cela, les états furent convoqués et assemblés au château d'Espaly, où illec, prési- dent le seigneur évêque , fut proposé parles consuls de la ville ledit fait, et remontré ladite dépense. — Toutesfois fut par les commis des états refusé d’imposer et de despartir celte somme de treute-quatre mille écus sur tout le pays pour n’avoir été employée pour les affairés générales du pays; ains les troubles ayoir été faits pour une querelle particulière entre les sieurs 6 (82) Témoin, presque victime des agitations de la cité, il ne pouvait lui convenir de rester à la tête d’un parti qui placait tous ses principes religieux dans une intolérance aveugle et qui, sans s’ex- pliquer sur ses vues ultérieures, augmentait cha- que jour sa misère. À ceux qui le sollicitaient de se rappeler son serment, il répondit : « Qu'il » ne pensait pas être parjure , que plus que » jamais il était attaché à la foi chrétienne; mais , qu'après avoir mürement réfléchi, il croyait de son devoir, autant comme comte du Velay que comme évêque du diocèse, de garder la neutralité dans une querelle entre » gens de la même religion et du même pays. » Cette déclaration, la seule qui aurait dû tou- jours se trouver dans la bouche de l’homme du sanctuaire , ne fut comprise par les ligueurs que comme un moyen pour Saint-Nectaire de changer de drapeau. ils se souvenaient trop bien des assemblées au palais épiscopal, du siége de la Chartreuse, de la messe de Fay, pour croire à la sincérité de ce langage. Peut-être n’avaient-ils pas tout-à-fait tort; cependant, de la part de l'évêque, ce n’était pas non plus une désertion lâche et intéressée. Il y avait loin des circons- Saint-Vidal et de Chaste.….. Par quoy fut fait renvoy de l'affaire au seigneur de Montmorency, qui confirma. (BUREL). ( 65 ) lances qui déterminèrent jadis la conduite éner- gique des gentilshommes catholiques à celle qui maintenant forcait le prélat à quitter ses anciens alliés; et même, depuis le serment d'union, un grand nombre de conjurés s'étaient montrés si hostiles envers lui qu'il ne faut pas trop s’étonner de sa prudente retraite. Néanmoins Saint-Nectaire n'avait encore mani- festé aucun sentiment de colère contre la ville; en plusieurs occasions au contraireil s'était employé avec succès, depuis le départ de Saint-Vidal, pour rappeler au sénéchal des engagemens que celui-ci paraissait oublier; chaque fois de Chaste y avait fait droit (1). — Mais ce rôle de médiateur n’était point suffisant pour les Aniciens; ils croyaient avoir droit d'exiger davantage de leur évêque; et quand, après lavoir fait supplier à plusieurs reprises de venir prendre sa place à leur tête, ils le virent refuser plus obstinément que jamais, voici ce qui advint : Un jour, c'était le 23 juillet 1589, le prélat et (1) Le seigneur de Chaste ayant su que Saint-Vidal étoit allé en France et avoit abandonné la ville et le pays, continua de faire ravager et piller le bestailh des pauvres villageois... Telle- ment que la ville fut contrainte de s’acheminer à Espaly, où le seigueur évêque s’étoit retiré... Lequel auroit mandé venir de Chaste et le pria de faire cesser ces voleries... Ce qui fut accordé. (BurEL), (64) la vicomtesse femme de de Chaste, tinrent un enfant du scigneur de Chadrac sur les fonts bap- tismaux, dans l’église de Saint-Marcel. Après la cérémonie, on fut au château d’Espaly où Mon- seigneur avait invité beaucoup de monde à un magnifique banquet. La journée entière se passa en divertissemens, et quand vint le soir chacun se relira enchanté, comme on peut croire, de la gracieuse hospitalité du noble amphitrion. Ceux qui revenaient au Puy voulurent galamment servir d’escorte au coche des demoiselles de Saint-Nec- taire, les deux nièces de l’évêque qui s’en allaient coucher au palais épiscopal (1). Près d’elles dans le coche était M: de Jalasset, ami du sénéchal. — La troupe joyeuse arriva sans encombre jusqu'à la porte Saint-Gilles. Là, les deux dames et leur cavalier mirent pied à terre, puis chacun regagna son logis. Cependant, le bruit se répandit par la ville que les nièces de Monseigneur venaient d'introduire un ennemi, un traitre, l’infâme Jalasset, com- pagnon du sénéchal.…. Aussitôt on courut aux armes, comme s'il se fut agi d’une armée. Une a ——————"——————————————"——— (1) …. Lesniepces de l’évêque se mirent dans un coche pour se venir retirer dans le Pay et coucher à l’évêéché comme elles avoiéent accoutumé tous les jours, pour ce que le chasteau d’Es- paly n’étoit encore meublé bien que l’évêque y fut retiré. (Manuscrit de M. de St-Sauyeur, pag. 132, verso.) (85) troupe de furieux se précipita dans le palais où les deux pauvres femmes tremblantes crurent qu’on venait les égorger. On resta plus d’une heure à fouiller l'évêché, et sous prétexte de chercher le politique on brisa tout. Comme on ne parve- nait pas à le trouver là , on courut dans la maison du Doyenné où le même scandale se renouvela sans plus de succès. Enfin, la foule qui grossissait d’instant en instant devint si considérable, si tumultueuse, que l'autorité des consuls ne put bientôt plus la maintenir, La plupart ne savait même pas ce dont il s'agissait; mais voyant l’agi- tation générale chacun, loin de lapaiser, l’aug- mentait de son mieux. — On se réunissail par groupes dans les rues, avec des torches et des armes à la main. Les ligueurs disaient entr'eux : que l’évêque avait tourné sa robe de pasteur en peau de loup ravissant (1), que c’était lui qui venait de provoquer une émeute au profit des hérétiques. Les autres, sur lesquels pesait une espèce de proscription, trouvaient le moment bien choisi pour s'affranchir du despotisme des ligueurs. De telle sorte que, vers minuit, des barricades étaient dressées dans plusieurs quar- tiers et que du haut des fenêtres, comme en pleine rue, on se battit cruellement pendant plusieurs (1) Paroles mêmes du chroniqueur contemporain, ( 86) heures à coups de pierres, de pistolets, d’arque- buses et d'hallebardes (1). Le lendemain matin, dès la pointe du jour, tout était terminé. Le silence régnait dans la cité, les maisons étaient fermées et sans les palrouilles du guet, plus actives que d'ordinaire, sans les fossés, les barricades, les armes, quelques feux éteints qu’on rencontrait cà et là, on aurait pu croire que cette scène de désolation n’était qu’un songe de la nuit. — Bientôt cependant, les habi- tans furent convoqués à la maison consulaire, pour arrêter quelle mesure il fallait prendre en telle occasion. Le cas était difficile, périlleux. Evidemment personne n’osait faire une motion contre les insurgés; car dans la mêlée, à la lueur des flambeaux, on avait pu reconnaître de part et d'autre les plus considérables de la ville, ceux même qui étaient là présens, les chefs du conseil, (1) .… Nonobstant toutes les bonnes diligences et remon- trances des consuls armés de cuyrasses, le chaperon rouge sur le dos, les habitans de la rue Saunerie affectionnés en armes, se sont bandés contre tout le corps de la ville à grands coups de pierres, d’arquebuses, de pistolets. Les aucuns aux fenêtres de leurs maisons, les autres à pleine rue avec hallebardes ficent tous leurs efforts pour tuer les consuls et habitans..…. Lequel scandale et désordre se continua presque toute la nuit, ayant faict en leur rue de la Saunerie et autres rues de la ville des barricades et tranchées, etc. (BUREL. ) (87) Aussi n’entendait-on parler qu'à voix basse, tout le monde semblait attendre; lorsque pour tran- cher la question quelqu'un de mieux avisé, fit comprendre que le plus urgent était de remercier Dieu d’avoir préservé la ville de plus grands mal- heurs. Cet expédient futaccepté avec joie, et l’as- semblée se sépara en criant : 4 Notre-Dame! A Notre-Dame |... En effet, deux heures après, les rues étaient remises en ordre , les murailles de chaque maison étaient tendues de blanches draperies , les cloches sonnaient et les bons citoyens, recueillis comme s'ils eussent passé la nuit en prières, marchaient en procession, chantant des hymnes d’allégresse, — Mais cette procession, qui semblait n'avoir d'autre but que de couvrir Pembarras d’un pre- mier moment, avait été pourtant ménagée avec adresse par les principaux ligueurs. Ils avaient compris que s'ils ne trouvaient pas une heure pour se concerter, sans que les politiques pus- sent les troubler, c’en était fait de la ville. Le piége réussit merveilleusement. Tandis que la multitude s’avancait lentement à travers les places et les carrefours, les partisans de Mayenne , réunis chez le capitaine Rochette, arrêtaient les dispositions convenables pour se rendre maitres de tout. — Ils furent prompts; car les gens n’étaient pas encore rentrés que les conjurés, à la tête desquels se trouvaient ( 66 ) plusieurs consuls en robe rouge, grand nombre de notables suivis de soldats, vinrent prendre le seigneur d’Agrain premier consul, son fils capi- taine général, ainsi que beaucoup d’autres citoyens convaincus de royalisme, les chassèrent de la ville dont ils refermèrent sur-le-champ les por- tes, placant partout des gardes nombreuses de crainte de surprise. — Ensuite, sans s'arrêter dans leurs exécutions, ils firent jeter au fond des tours ceux qui avaient été signalés comme les plus turbulens, et de là se rendirent en grande hâte à la maison consulaire, pour réorganiser le conseil politique sur de nouvelles bases. Il ne s'agissait ici rien moins que d'enlever le pouvoir aux vingt-quatre , dont un tiers déjà avait fait défection, pour le placer dans des mains sûres et vigoureuses, Comme on avait senti l'abus de la trop grande division des forces, on réduisit à douze le nombre des conseillers, et on choisit deux prêtres de la grande église, deux magistrats et huit bourgeois qui entrèrent immédiatement en fonctions. — Six autres des plus dévoués furent chargés du soin des portes ou plutôt de la porte, car toutes avaient élé murées, à l'exception de celle de Saint-Gilles; puis des corps-de-garde furent disposés de distance en distance le long des remparts et autour du rocher de Corneille. C'est dans cet état de choses que le nouveau ( 89 } conseil crut devoir tenter une dernière démarche auprès de Saint-Nectaire pour le déterminer à venir prendre le commandement de la ville. Deux bourgeois, deux magistrats et deux chanoines furent envoyés pour lui faire part de ce qui s’était passé et lui persuader que tout avait été entrepris et le serait encore pour le triomphe de la sainte croix à laquelle les ligueurs du Puy espéraient qu'il demeurait fidèle. — L'évêque, auprès de qui s'étaient déjà rangés les d’Agrains et plus de cent cinquante politiques , qui avait sans doute vivement senti l’outrage fait à ses nièces et à ses amis, ne se prononca cependant pas posili- vement ; il demanda du temps, étant obligé, dit- il, d'attendre en son château les états du Velay qu'il venait d’y convoquer. Le 3 août en effet, les états se réunirent à Espaly, La ville y porla ses doléances el contre l'évêque et contre le sénéchal. Elle aceusait de Chaste de continuer secs déprédations; de Chaste la blämait à son tour de retenir illégalement pri- sonniers une foule de citoyens que le traité pro- tégeait. — « Les commis, juges dans ce débat, » dit Burel, demandèrent à entendre les détenus. » À ces fins, ceux-ci furent menés du Puy à Espaly » avec bonne compagnie et non sans grand dan- » ger; car le peuple était en bonne volonté de » les tous massacrer. » Dès que les politiques furent arrivés devant la ( go ) barre, le sénéchal, qui avait voulu les attendre pour leur donner un solennel témoignage d’ap- probation , prit sur le champ la parole et, sans manquer en rien aux convenances que Com- mandait l'assemblée, commenca par dénier son droit en ces matières : &« Du reste, dit:il, si les » Citoyens incriminés devaient comparaître devant » quelques juges et qu'il leur füt permis de les » choisir, je ne doute pas, Messieurs, que par » vos lumières et votre loyauté vous ne soyez » ceux qu'ils préféreraient.... Mais aujourd’hui il » est de mon devoir de vous déclarer que les » gens dont on réclame le châtiment sont sous » ima sauve-garde et sous celle du traité. Leurs » opinions sont les miennes; la faute dont on les » accuse, je l'ai commise aussi; c'est celle du » dévouement et de la fidélité. — Je leur dois » secours; qu'ils se rassurent, je ne Îles abandon- » nerai jamais. Si leurs concitoyens ne respectent » pas en eux la parole jurée, à mon lour je » saurai bien me dégager de mes sermens et » faire la ville prisonnière dans ses propres mu- » railles..…. Il dit : et les barons, presque tous partisans du roi, donnèrent à ce discours des marques d’une: si complète adhésion qu'à moins d’avoir voulu compromettre par une folle obstinaton lexis- tence de la cité, les ligueurs ne purent se dis- penser de se soumettre. — Le conseil des douze, (91) il faut le dire, donna en cette circonstance une preuve de sagesse d'autant plus digne d’éloges que l'agitation qui régnait autour de lui était peu faite pour le rassurer. Non-seulement il ordonna la prompte délivrance des détenus, mais encore il exigea que leurs armes fussent immé- diatement rendues, et que nul, sous aucun pré- texle, ne pût attenter à leur liberté. I alla même plus loin, car par son ordre les portes de la ville furent ouvertes et chacun devint libre désormais d'aller où 1l voudrait, à la condilion toutefois que quel lieu qu'il choisit pour sa résidence il serait tenu de payer toujours la taille au Puy. Cette ordonnance ne fut pas plutôt promulguée que l’on vit une foule de gens s’acheminer vers Espaiy et venir prendre logement près du château de monseigneur. « Alors, raconte l'historien li- » gueur, vous eussiez vu les habitans de la ville » qui s’en alloient se promener à Espaly, disant » l’un à l’autre: Æ/lons voir à cette PETITE GENÈVE » nos misérables politiques el nous saurons ce » qu'ils veulent dire. Is y alloient et ils les trou- » voient à la suite du seigneur de Chaste et de » monseigneur du Puy, joyeux de ce qu’on leur » avoit fait croire qu'ils auroient du roy tout ce » qu'ils demanderoient et tout ce qu'ils pour- » roient chaque jour désirer, » eg (92) AR RNIL ASSASSENAT DE HENRI IL, Seurt iv. — Charles x. — l'nfante Elisabeth, De 1589 à 1595. Nous avons laissé le faible Henri II au moment où, abandonné de tous, il ne lui restait plus d'espoir que dans l'alliance du Béarnais.— A la voix suppliante du prince qu'il appelle encore son maitre et dont la cause devient chaque jour davantage la sienne, le roi de Navarre accourt se jeter à ses pieds et lui jure une éternelle fidélité, Dès lors la fortune semble renaître pour l’an- cien duc d'Anjou; il a retrouvé près du héros le courage, le bonheur de ses jeunes années. Tandis que Bourbon est allé chercher son armée, Mayenne profite du moment et vient faire le siége de Tours. Il s’avance, renverse les portes, pénètre dans la ville où le roi, à la tête de quel- ques régimens, défend les issues avec une si grande bravoure que pendant plusieurs heures il empêche l’ennemi d'avancer; mais, épuisé sous le nombre, il va infailliblement succomber, lorsque arrive lavant-garde de son allié. Le duc ne pense plus alors qu'à la retraite. — Cha- tilon, Montpensier et Longueville partent du ( 93 ) camp royal; le premier, pour combattre et vain- cre les ligueurs de la Picardie; le second, pour faire rentrer dans le devoir plus de seize mille Normands insurgés qui, sous le nom de Gau- thiers (1), désolaient depuis long-temps la pro- vince; le troisième, guidé par La Noue, prend Senlis avec deux mille cinq cents hommes sur d’Aumale qui en a plus de dix mille. Pendant ce temps, les deux rois marchaient vers la capitale. — Arrivé à Etampes qui résistait, Henri III en ordonna l'assaut; « puis, ajoute Davila, comme il était de méchante humeur à cause de lexcommunication nouvelle que Sixte-Quint ve- nait de lancer contre lui, il fit pendre tous les magistrats et donna volontairement aux soldats le pillage de la ville. » De là, il fut à Poissy dont (1) Ces Gauthiers étoient des villageois révoltés contre tous les soldats qui passoïent par là, pour se garantir des outrages qu’ils en recevoient; ceux-ci, sur l'impression qu’on leur avoit donnée; que le roi causoit tous ces massacres, et qu'aux char- ges de la guerre il ajoutoit celle des impôts, s’étoient joints au parti de la ligue avec tant d’obstination qu'ayant rompu les chemins, bouché les avenues et fortifié leurs bourgs et leurs villages, ils se tenoient sous les armes jusqu’au nombre de seize mille, et se faisoient appeler Gauthiers parce qu’ils avoient commencé de se soulever en un bourg nommé la Chapelle-Gauthier. (Histoire des guerres civiles, livre 10, page 686, par DAVILA, traduction de Baudoin.) (94) il se rendit maître, tandis que Bourbon prenait Pontoise.—Ils se réunirent enfin au château de Saint-Cloud à la tête d’une armée de quarante- deux mille hommes. Quand on sut dans Paris la marche victo- rieuse des coalisés et leur présence aux portes de la ville, les ligueurs frémirent d’épouvante; ils crurent leur cause à jamais perdue. Cependant, au milieu de Ja consternation générale, une femme conservait encore l’espérance de venger les Guise, et cette femme était leur sœur, Madame la duchesse de Montpensier. — Elle avait entendu dire qu'un jeune dominicain, nommé Jacques Clément, prétendait avoir recu du ciel l’ordre mystérieux d’assassiner le roi. Elle voulut voir cet homme et linterroger. Le fanatique dépassa toutes les prévisions de la vindicative duchesse qui s’appliqua tellement par toutes sortes de séductions à augmenter le délire du visionnaire, qu'au bout de quelques jours elle le trouva résolu. Le 31 juillet, Jacques Clément se confessa, communia et partit pour Saint-Cloud, muni d’une lettre qu’on ne sait par quel mensonge il avait arrachée au président de Harlay. — A la grille du château on le remit au lendemain. A l'heure indi- quée on vintannoncer à Henri III qu’un jeune moine demandait à l’entretenir confidentiellement. Henri le recut dans sa chambre et fit signe à ceux qui (95) étaient là de se retirer. Alors le dominicain se mitrespectueusement aux genoux du roien lui pré- sentant la lettre; mais au même moment où celui- ci se baissait pour la prendre, il se sentit frappé d’un coup de couteau dans le ventre et tomba en criant : 4h! le méchant moine, il m'a tué! Henri de Navarre, qui était au château de Meudon, n'eut pas plutôt appris cette triste nouvelle qu'il accourut à Saint-Cloud. L’assassin venait d’être tué par les gardes;et la victime, étendue sur son lit de mort, récitait ses prières dernières. — Cette entrevue fut des plus tou- chantes; le roi recut le prince avec les témoi- gnages d’une vive tendresse, il lui fit ses adieux, l’engagea à rentrer dans le sein de léglise; ensuite l'assistance s'étant prosternée il le pro- clama son légitime successeur. Le lendemain, 2 août 1589, Henri de Bourbon élait roi de France; mais, comme il le disait gaiment lui-même : Roi sans royaume, mari sans femme et guerrier sans argent. — Mayenne, au con- traire, n'avait jamais vu la fortune plus favorable. Tout Paris se réjouissait de la mort du tyran et maudissait l’hérétique. /’ive Mayenne , Le lieute- nant-général ! criait-on par les rues; vive Charles X notre bon roi! Or, CxaArRres X, ce souverain que le duc jetait ainsi provisoirement aux acclama- tions de la multitude, comme avait fait jadis son (96 ) frère, était le vieux cardinal de Bourbon, pri- sonnier d'HENRI IV. Deux mois ne s’élaient pas encore écoulés que Mayenne quitta Paris, jurant d’y ramener, avant peu, le Béarnais pieds et poings liés. Son armée était de trente mille hommes au moins, et son adversaire, qui avait abandonné Saint-Cloud pour aller camper aux environs de Dieppe où il atten- dait un secours d’Angleterre, n’en avait que trois mille au plus. C’est avec une telle différence de forces que le courageux Bourbon risqua la bataille près du village d’Arques et, qu'après des miracles de valeur et d’habileté , il demeura vic- torieux. Pends-toi, Crillon, écrivaitil le soir à son ami encore tout élourdi de son prodigieux succès, pends-toi, nous avons combatlu à Arques et tu n’y étais pas. Adieu, mon brave, je vous aime à tors et à travers. Le duc de Mayenne, doublement humilié de Ja défaite qu’il venait d’essuyer, appela l'Espagne à son aide. Il ne pouvait commettre de plus grave imprudence que d'aller luimême ouvrir les portes à un second rival dont les perfides pré- tentions étaient connues; car personne ne pou- vait ignorer que Philippe Il, maitre dans le con- seildes seize, n'avait depuis si long-temps fomenté les troubles que pour arriver à placer les deux couronnes de France et d'Espagne sur la tête de sa fille FIvranvre Erisasern, petite fille de (97) Henri IL (1). — L'Espagnol ne manqua pas une pareille occasion. Le 14 mars 1590, les deux armées étaient de nouveau en présence sur les bords de l'Eure, dans la plaine d’Ivry. Henri de Bourbon, qui venait de traverser la Touraine et la Normandie presque toujours victorieux, se mit à la tête de ses soldats en s’écriant : Mes amis, si vous perdez vos ensêignes , regardez mon pana- che, vous le verrez toujours dans le chemin de l'honneur et.de la victoire. C’est après cette bataille, une des plus impor- tantes de ce temps, comme pour Henri IV un des plus glorieux triomphes de sa vie, que le héros résolut de venir bloquer la capitale. Il - comprit bien’ cependant qu’il ne pourrait jamais la faire capituler que par la famine; aussi, s’assu- ra-t-1l d’abord de tous les points d’où elle tirait ses approvisionnemens (2); puis il vint prendre Charenton, Saint-Denis, Montmartre, bien con- vaincu que le temps devait être son plus puis- sant auxiliaire. (1)... Il désiroit de plus estre déclaré publiquement protec- teur du Royaume avec prééminence et aulorité de pourvoir aux offices de la couronne, de donner les gouvernemens et les charges militaires. (Daviza, histoire des guerres civiles, livre 11, page 753). - (a) Mantes, Meulan, Poissy, Melun, Corbeil, Montereau, ele. 7 ( 96 } $. XXX VIII. YSSINGEAUX, —- MONINTROL, — SAINT-DIDIER, Yssingeaux, Monistrol, Saint-Didier, Craponne, Montfaucon, Tence et Le Monastier étaient, avec Le Puy, les seules villes du Velay qui eussent une administration municipale régulière, établie sur un système électif uniforme. D’autres loca- lités, à leur imitation , avaient bien aussi des consuls, mais ce nom ne désignait le plus sou- vent que-quelques officiers bannerets ou quelques paysans chargés, dans un certain nombre de man- demens (1), de la perception des tailles, de la levée des soldats provinciaux , des renseignemens à fournir sur les mouvemens de la population et sur les recoltes (2). (1) Le diocèse était divisé en deux cent cing mandemens..... Le plus ou moins d’étendue de ces terres disséminées sur un plus petit ou un plus grand nombre de points ne constituait qu’un même mandement, quand elles dépendaicnt du même seigneur. De là, la forme bizarre et la coupe inégale de cette division... Le temps et les guerres ayant détruit plusieurs hameaux, i! en résultait souvent que certaines communautés n’avaient pas d’habitans ; mais les noms figuraient toujours aux secrétariats des commandans et aux greffes des cours souve- raines de la province et de l’intendance. (2) .… Mais à raison de leur ignorance, on s’adressait pour (99 ) Ces villes, trop faibles évidemment pour résister aux soudaines attaques de troupes armées, trou- vèrent plus d’une fois leurs efforts inutiles etleurs opinions contraintes au silence ; cependant , dès qu'elles purent saisir dans leurs propres res- sources ou dans les secours de bon voisinage assez de force pour secouer le joug, il est beau de voir avec quel noble courage elles s'em- pressèrent de le faire. YssiNGEAUX, la plus ancienne cité de la pro- vince après Ruessium (1), avait pour toute dé- fense quelques murailles, le vieux donjon cons- truit par les ordres de Jehan de Bourbon, vers la ayoir ces documens aux grefliers chargés de la confection des rôles des impositions, et ceux-ci, presque toujours habitans des villes et obligés de faire ce travail pour quinze ou vingt man- demens à la fois, étaient d’ordinaire aussi peu propres que les consuls eux-mêmes à satisfaire avec exactitude aux questions qui leur étaient adressées. ( Statistique de la Haute-Loire, par DÉRIBIER, pag. 580.) (1) On connaît dans l’ancien pays de Velay, par l'itinéraire de Théodose, Icidmago, situé à 25 mille de Feurs et à 14 de Revessio ou Ruessium. Cette ville, portée sur lestables de Peu- tinger, a pour armes cinq cogs (en patois céng jaux ).—C'élait une des huit villes qui avaient droit de députation aux états du Velay, mais ces députations , n’étant admises chaque annéeque de deux en deux, il en résultait que ce ne pouvait être que tous les quatre ans que chaque ville se trouvait représentée. { 100 ) fin du 15° siècle (1), et deux ou {rois petites pièces d'artillerie qui lui furent accordées par les états, sur la demande de l’évêque, en 1567. — C’est ‘avec ces médiocres moyens, mais grâce à la sagesse de ses magistrats, au dévouement de ses citoyens, qui avaient fait venir des armes de Saint-Etienne et se tenaient constitués en mi- lice permanente, qu’elle put se maintenir dans sa liberté jusqu'après la mort d'Henri HE. — Elle était royaliste, sans avoir déserté pour cela ses croyances religieuses et ses franchises muntci- pales. Tant que les huguenots se présentèrent à ses portes, elle les referma sur eux; et lorsqu'elle fut obligée de les ouvrir aux ligueurs, du moins purent-ils comprendre, avant peu, l'estime qu’elle faisait de leurs garnisons ennemies. De Chaste profita des dissentimens qui existaient entre Yssingeaux et le Puy, pour favoriser celle des deux villes qui se rangeait sous sa bannière; rien de plus juste assurément. Comme sénéchal du Velay, il était le premier de la noblesse de son ressort et chef de la justice. Aussi, quand après l’assassinat du roi 1l vit la persistance des Aniciens à proclamer Charles X, il rendit une (1) C’est sur les ruines de l’ancien château épiscopal que se trouvent aujourd’hui construits la mairie et le tribunal. ( 101 ) ordonnance qui enjoignait aux officiers de sa sénéchaussée de quitter immédiatement une ville rebelle et de ne plus tenir désormais leurs au- diences qu’à Yssingeaux, sous peine de nullité de tous jugemens rendus ailleurs. Plus tard, par suite de capitulations dont nous Lee aurons bientôt à parler, Yssingeaux tomba au : A MES pouvoir des ligueurs; mais 1l faut le dire à sa gloire, si cent arquebusiers et cinquante gens d'armes lui furent imposés comme par surprise, ses habitans indignés ne tardèrent pas à les chasser de chez eux , en répondant à ceux du Puy qui les accusaient de s'être vendus à de Chaste: « Croyez-vous donc, nos voisins, qu'il soit si » nécessaire d’avoir toujours comme vous une mée-entière d illes ?... À 1} » armée-entière dans ses murailles ?.. À quoi bon » tant de soldats, race affamée qui dans le temps » où nous sommes désole plutôt qu’elle ne pro- » tège?.. Est-ce parce que la misère redouble, » parce que les impôts nous écrasent, parce » que nos amis manquent de pain, que nous » avons ouvert nos portes à ces troupes parces- » seuses qui s’établissent ensuite dans nos mai- l itres?... Lib êtes d’ » sons comme les maitresr.. Libres vous êtes d'ac- » cepler à ce prix leur insolente protection; » Quant à nous, croyez-le bien, si le péril nous » menace, nous saurons choisir nos alliés où » bon nous semblera, En attendant, qu'on nous ( 102 ) » laisse, et s'il plait à Dieu, nous saurons bien » nous garder nous-mêmes (1). » De Chaste ne tarda pas à reprendre ses bonnes relations avec Yssingeaux. Jaloux de lui donner une preuve des avantages de son alliance, il obtint des états (2) une somme de neuf cents écus, afin d'indemniser un grand nombre d’habi- tans de l'occupation des rebelles (3).—Cependant, comme la force est plus puissante que la volonté, il fallut bientôt céder la place aux ligueurs qui celte fois commandés par le duc de Nemours s'avancaient en masse du fond du Lyonnais, pour soumettre tout le pays. Ils s’emparèrent facile- ment de la ville, où ils laissèrent et purent maintenir jusqu'en 1594 une garnison considé- rable. Plus tard, en août 1631, quatre cents religion- naires, partis de Privas, voulurent tenter une excursion dans le Velay. Après avoir pillé quel- ques églises qui se trouvaient sur leur route, ils s’avancèrent vers Yssingeaux. — Il était nuit en- core, déjà deux pétards étaient appliqués, l’un au (1) Manuscrit original de BUREL, vol. 1, pag. 350 folio. — ARNAUD , Hist. du Velay, tom. 1, pag. bi. (2) Convoqués la même année dans cette ville. (3) Voir le Manuscrit original de BUREL, t.ll, p.447 verso. (-205 à ravelin, Pautre à une des portes; ils allaient commencer l'attaque , lorsque tout-à-coup le curé, homme plus que septuagénaire, s’avance à la tête de tous les habitans, se précipite avec tant de courage et d'impétuosité sur la troupe, qu'à peine trouve-t-elle le temps de prendre la fuite, Un grand nombre reste sur la place, et ceux que ne purent atteindre les citoyens furent poursuivis par le sénéchal du Velay à la tête des paysans; de telle sorte que, de quatre cents qu’ils étaient lorsqu'ils vinrent, ils rentrèrent quarante, au plus, à Privas. Telle fut, en quelques mots, le sort de notre petite cité à ces époques désastreuses; prise et reprise, elle ne se lassa pas de poursuivre la con- quête de celte indépendance si chère aux cœurs montagnards, et finit enfin par proclamer fière- ment ses vieilles, ses persévérantes opinions. MonisrroLz, l’ancienne ville des évêques (1), partagea à peu près les chances malheureuses d'Yssingeaux et des autres bourgades environ- nantes, C’est auxmêmes époques et par les mêmes troupes qu’elle fut combaltue. Placé comme sa (1} Guillaume de la Roue avait acquis cette ville au domaine épiscopal du Velay dès l’année 1283.— Bernard de Castanet, vingt-six ans plus tard, y fonda une collégiale de treize cha- noines, =" Eufin, Jehan de Bourbon y fit bâtir une forteresse. (104) voisine sur la route principale du Lyonnais, elle ne pouvait se soustraire davantage aux attaques des religionnaires ou des ligueurs; mais si elle n'eut pas la puissance de toujours résister vic- torieusement à ses ennemis, l’histoire parlera du moins des glorieux efforts qu’elle ne cessa de faire pour conserver intacts ses foyers et ses autels. S'il faut en croire une ancienne notice sur cette ville (1), elle fut attaquée par une compagnie de huguenots; et quoiqu’ils se trouvassent en assez grand nombre, elle opposa une résistance si cou- rageuse qu'elle parvint à les mettre tous en fuite. Ce fait, dont ne parle pas l'Histoire du Velay, ne saurait pourtant être mis en doute; car il se trouve consigné dans une transaction de 1577, centre Saint-Nectaire et les citoyens de Monistrol. SaINT-DiDiER-LA-SÉAUVE Conserve précieusement dans ses archives une lettre que lui écrivit Henri IV dès son avènement à la couronne. Si nos chroni- queurs Vellaviens, toujours trop laconiques lors- qu'ils parlent des évènemens en dehors du cercle étroit de leurs observations, ne nous ont rien conservé sur l’histoire de cette petite ville, la lettre royale, du moins, lui restera comme un (x) Voir l’Ælmanach historique de la ville et du diocèse du Puy, pour l’année 1788 , par l’abbé LAURENT. ( 465 ) impérissable monument de la fidélité de ses anciens habitans (1). (1) Nous croyons devoir donner aussi une autre lettre d'Henri IV à César de Saignard, un des braves chevaliers du Velay. — La maison de Saignard, dont les titres de noblesse furent confirmés par jugement du ia décembre 1668, possédait la baronnie dé Queyrière, une des dix-huit qui donnaient un siége aux états. Au nombre des ancêtres dont se glorifient cette famille et le pays, il ne faut point oublier Jean de Saignard qui offrit au roi Charles VII les premiers drapeaux enlevés aux ennemis dans le Velay. Lettre de Henri ‘IV à César de Saignard, commandant d'une compagnie de deuxcents hommes, par commission du 4 avrili590. « À notre cherethien amé César de Saignard, salut.— Ayant » délibéré de mettre sus à faire promptement leveret assembler » bon nombre de gens de guerre tant de cheval que de pied, » pour nous en servir ès-occasions qui se présenteront pour la » conservation de notre état et de nos bons sujets, et d’en » bailler la charge à quelques vaillants et expérimentés capi- » taines à nous fidèles et assurés; à cette cause, lesdites qua- » lités être en vous, vous ayons commis et député, com- » mettons et députons par ces présentes, signées de notre » main, pour lever, meltre sus et assembler incontinant et le » plus diligemment que faire se pourra le nombre de deux » cents hommes de guerre à pied francais, des meilleurs et » des plus aguerris soldats que pourrez choisir; eticeux mener » et conduire à la guerre avec vous, sans désemparer ladite » compagnie, sous la charge de notre cher et très amé cousin » le duc d’Epernon, l’un des pairs de France et colonel- » général de notre infanlerie française , la part où il sera par » uous ou nos lieutenants-généraux ordonné ct commandé pour & >» » » » >» >» » » » » » >» ( 106 ) A nos chers et bien amés les Consuls et habitans » de notre ville de Saint-Didier. DE PAR LE ROI, » Chers et bien amés.—La rage et cruauté des ennemis du roi et de l’état les a poussés si ayant que d’avoir fait entreprendre malheu- reusement sur sa vie, par un jacobin introduit de bonne foi pour la révérence de son habit, pour lui parler en sa chambre hier matin, où il lui avoit donné un coup de couteau dans le ventre, qui ne moniroit apparence de danger au premier appareil ni tout le long de la jour- née. Néanmoins il a rendu l’ame à Dieu cette nuit, laissant à ses bons serviteurs, qui sont ici en extrême ennui et déplaisir, tous bien résolus avec nous d'en poursuivre la justice; » » » » » Z > notre service, faisant iceux vivre ayec telle police, qu’il ne nous en vienne aucune plainte. De ce faire, vous avons donné et donnons plein pouvoir, autorité, commission et mandement à tous qu’il appartiendra, qu’à vous ce faisant, ils obéissent; car tel est notre bon plaisir. » Donné à Corbeil le quatrième jour d’avril, l’an de grâce 1590, et de notre règne le premier. « Signé HENRI. » Par le roi: Signé SUZE, » (: xo7, ) à quoi, de notre part, nous n’épargnerons jus- qu’à la-dernière goutte de notre sang...... Et nous ferons aussi, en ce qui concerne l’état, aucune chose qui ne soit trouvée bonne pour le bien public. Sur quoi nous avons bien voulu écrire la présente , pour vous assurer de notre bonne intention, à ce que vous soyez d'autant plus confortés à persévérer en la fidélité que vous avez par ci-devant gardée à votre roi; vous assurant que ce faisant vous recevrez de nous tout le meilleur traitement et soulagement en ce qui concerne votre particulier, qui nous sera possible, Sur ce, nous prions Dieu, chers et bien amés, vous avoir en sa sainte garde. » Ecritau camp de Saint.Cloud, le 2 août 1589. » Signé HENRY, et plus bas Revo. $S. XXXIX; CONFRÉRIE DE LA SAINTE CROIX, AU PUY. 1589. Le Puy, quoique épuisé déjà sous ses luttes im- puissantes, apprit avec des transports de joie le crime de JacquesClément, et sentit redoubler son énergique obstination. Le portrait couronné du cardinal de Bourbon fut affiché sur toutes les ( 108 ) portes, promené dans toutes les rues de la ville. — Le conseil, enhardi par un événement qu'il croyait décisif pour le triomphe de Ja ligue, prit une contenance impérieuse. Les chefs politiques réfugiés près de l’évêque, auxquels une espèce d’amnistie avait été accordée, furent dès lors poursuivis avec plus d’acharnement que jamais, leurs biens mis sous le -séquestre et ce qui restait de leur famille traité comme otage de guerre. Les ligueurs exaltés cherchaient à stimuler le zèle de leurs concitoyens avec une ardeur incon- cevable; et comme cette affaire politique n’était suivant eux qu’une conséquence de leur fidélité re- ligieuse, ce fut parla voix des prêtres, du haut de la chaire, qu'ils professèrent leurs doctrines. —Les églises ressemblaient à de bruyantes casernes où chacun s’allait enrégimenter sous les bannières de l'insurrection. Notre-Dame surtout , transformée en quartier-général, était ouverte nuit et jour; la sainte hostie, perpétuellement exposée, recevait les sermens qu’une colère fanatique offrait à Dieu comme un pieux hommage. Ce n’était point assez encore de ces déclama- tions de l'Eglise , dans lesquelles certains prêtres trop indulgens pouvaient méler À tant de malé- dictions quelques mots de miséricorde, quelques- uns des enseignemens évangéliques du Sauveur. À ces furieux apôtres de la ligue, régénérateurs (t109 D du christianisme, à ces fils des martyrs, il fallait aussi des martyrs! C’est pour cela que, contre toutes les règles suivies jusqu’à ce jour, malgré la défense de l’évêque, ils établirent au Puy, dans l'église conventuelle des Clarisses, une confrérie dite de la sainte croix. Plus de deux mille habitans vinrent se faire inscrire sur les registres des bayles, avec linviolable engagement de mourir plutôt que d'abandonner leurs saints guidons (1).—Les assem- blées étaient fréquentes et fortagitées. Elles avaient lieu à l'issue de la grand'messe qu’on célébrait exprès pour elles le dimanche dans l'église du mo- nastère. Tous les initiés portaient la robe, le cha- peron et le bonnet violets; prêtres, juges et soldats en même temps, ils priaient, éondamnaient et se battaient pour la même cause.—En tête de l’asso- ciation étaient Jacques de Coubladour, seigneur de (1) Le jour de la Croix de may de l’an 1589, les habitans de la ville du Puy, comme vrayment chrestiens et catholiques, voyant les malheureux traitemens plus que barbares que l’évêque et le sieur de Chaste faisaient ordinairement, voulant ensuivre la trace du roi comme barbare ct hérétique qu’il estoit et l’avoit bien montré aux massacres... Ayant dans leur cœur le vray signe de la sainte croix. firent de bon cœur et bonne dévotion assemblée d'environ 2000 personnes dans l’église des sœurs de Sainte-Claire.. Tous ensemble ont fait vœu à Dieu el promesse de vivre et mourir pour le soustènement de la sainte croix... (Manusc. ST-SAUVEUR, folio 138.) ( 110 ). Montréal; Marcellin Rousset, procureur du roi en la cour commune , et quelques autres dont les noms figuraient aussi dans le conseil des dix ou sur la liste des officiers et des principaux magis- trats de la cité. Alors, tout servait de prétexte à ces impatientes cohortes pour sortir de leur logis et courir se montrer officiellement sur les places publiques ; aussi les processions étaient-elles plus nombreuses, plus splendides qu’en aucun temps. On les em- ployait comme de grandes revues où les citoyens venaient se compter. Les confrères de la croix non-seulement y assistaient, mais ils en faisaient encore de particulières et toutes dans un but poli- tique; tantôt pour prier le ciel d'accorder à la ville un chef digne de sa cause, le plus souvent pour se réjouir de la mort de quelque illustre hérétique. Le 15 août, jour où l’on apprit au Puy l'assassinat du roi, ils sortirent solennellement revêtus de leur costume, portant toutes les pièces de la Pas- sion, et firent trois fois le tour de la viHe suivis de la populace émerveillée de leurs joyeux cantiques. LE PUY, — DOUE, — SOLIGNAC, — ESPALY, L’avènement d'Henri IV avait été pour presque toutes les villes du Velay, encore indécises, un motif suffisant pour rentrer dans les voies ré- gulières de la monarchie, De Chaste, avec l’ar- deur juvénile d’un soldat et d’un partisan dévoué, poursuivait les rebelles sans leur laisser d'asile; Pévêque venait de se déclarer pour Henri de Bourbon; Saint-Vidal, propagateur puissant et re- douté de la ligue , n’était pas dans le pays. C’étaient plus de causes qu'il n’en fallait à de petites loca- lités, ruinées par les tailles continuelles dont on les accablait, pour se ranger sous la loi du plus fort, surtout lorsqu'à la tête de ce parti mar- chaient leur évêque et leur sénéchal. Le Puy seul, loin de céder à cette opinion, à ce besoin général, qui était aussi le sien, se re- dressa, nous l'avons dit, plus ardent encore contre toute proposition qui tendait à lui faire accepter un roi hérétique. — Cependant, pour être vrai, disons ici que le sentiment qui le dominait en celte circonstance n'avait rien de cette pieuse exaltation des premières années de la réforme. Autrefois l’hérésie elle-même s'était avancée pour briser les autels; et les chefs de l'Eglise, maîtres (ar2 © de l'influence, avaient élé unanimes pour pousser les populations au combat. Aujourd'hui les croyan- ces religieuses sont à n’en pas douter depuis long- temps en dehors de la lutte. Il est donc évident que l'intérêt du culte n’est pas la sincère préoccupation de nos ligueurs Ani- ciens; car ils ne sauraient, malgré leur apparente sollicitude, porter plus de dévouementau christia- nisme que Saint-Nectaire et que tous les pieux chanoines qui l’ont suivi. Ce qui les tourmente, qui les irrite, qui les pousse à sacrifier le repos ct la fortune de leurs concitoyens, c’est la haine profonde que leur inspire de Chaste. En vain celui-ci leur envoie-t-il son frère et les meilleurs gentilshommes, pour les supplier de cesser une guerre si ruineuse; en vain leur fait-il promettre, pour prix d’une soumission tardive, les faveurs du prince et l'appui de la noblesse vellavienne; les consuls répondent à ces propo- silions, en disant : « Que la ville du Puy ne » reconnaîtroit jamais de Chaste comme gouver- » neur et qu'elle mangeroit les enfans l’un après » l’autre plutôt que de lui donner ce titre, car » elle n’avoit pas recu de lui si bon conten- » tement. » Tandis que le sénéchal essuyait une si persévé- rante résistance, l’évêque, au contraire, ne cessait malgré ses refus de recevoir messages sur mes- sages. Sa présence à la tête d’un parti qui prenait (113) la religion pour motif, la croix pour bannière, était trop importante; on oubliait tout, on lui pardonnait tout, et quoiqu'il eût abandonné la ligue, qu'il se fût rallié au roi des huguenots, qu'il eût favorisé les défections et ouvert ses portes aux transfuges, la ville ne se lassait pas de lui envoyer ses notables, ses consuls eux-mêmes, afin de le ramener à elle. Mais lui, exigeait en retour que la confrérie de la Sainte-Croix fût dissoute, que l'élection des consuls ne pût avoir lieu sans son assentiment, que les gardiens des portes fussent congédiés, qu’un quartier de la ville, plusieurs pièces d’artillerie et cent hommes à son choix fussent mis à sa disposition, pour sa sûreté personnelle. C'était trop d’exigences; et malgré le désir si souvent, si humblement exprimé de posséder le prélat, les conditions qu’il imposait ne pouvaient être admises. — Il fallut donc, quoiqu'il en coù- tât, se résoudre à le regarder comme ennemi et à le traiter comme tel. Sur la vaste ceinture de châteaux fortifiés qui couronnaient le bassin du Puy et qui se trouvaient alors au pouvoir du sénéchal, le monastère de Doue, assis sur une haute montagne, près des routes du Monastier, de Valence et de Lyon, n’occupait pas la position la moins importante. — Dour, ancienne abbaye de prémontrés, remonte 8 (114) vers le milieu du 12° siècle (1); ce qui reste du monument primitif, &’accordavec l'histoire, jus- tifie suffisamment cette origine.—On voit .encore aujourd’hui l’église avec ses fresques, ses légendes pieuses, une partie du monastère presqu’entière- ment reconstruite, quelques fragmens mutilés du cloitre et une vieille tour carrée, comme en avaient jadis pour se défendre les couvents isolés de nos montagnes. Cette tour existait depuis long- temps et sans doute avait été élevée lors des invasions bourguignones. Quoi qu'il en soit de l'exactitude de ces dates, il n’en est pas moins vrai qu’au temps dont nous parlons, Christophe Allard, abbé de Doue, ainsi que ses religieux, venaient, à l’exemple de leur évêque, de se prononcer en faveur du roi de Navarre. Ils n'avaient pas attendu que de Chaste leur envoyât une garnison; eux-mêmes, autant pour leur propre süreté que par dévouement, s'étaient empressés d’offrir leur maison aux troupes royalistes qui l’occupèrent aussitôt. Les ligueurs du Puy furent d'autant plus irrités de ce qu'ils appelaient une honteuse défection, que leur cause, nous l'avons dit, avait essentiel- (1) Aunécrologede l’ordre desprémontrés on lit : ZI1 februarii (1219) mors Petri, episcopi Aniciensis, qui ecclesiam de Doé, ordini nostro contulit. (Annales des prémontrés.) ChhS 3 lement besoin du concours des gens d'église; aussi les prémontrés se trouvèrent-ils les premiers sur lesquels ils voulurent essayer leur colère. Ils partirent en assez grand nombre au mois de décembre 1569, par une nuit obscure, tombèrent sur l’abbaye qu'ils surprirent dans le sommeil et firent ses habitans prisonniers. — Maî- tres de la place, ils ne songèrent point à la conserver pour eux; c’eüt été s’exposer à la perdre le lendemain, c’eût été disséminer des forces qu'ils avaient trop besoin de concentrer au Puy. Is prirent ce qu’ils purent emporter, brûlèrent presque tous les édifices, démolirent ce que la flimme ne dévorait pas assez vite, ne respectèrent même pas le monument tumulaire de Robert de Mehun (1); et, coupables des profanations dont (1) Robert de Mehun, évêque du Puy, fut assassiné près de l’abbaye, par Bertrand de Care, gentilhomme vellavien qu’il avait excommunié. — Ce prélat fut inhumé dans l’église des religieux, à droite de l’autel; et sur son tombeau on graya cette épitaphe : D. O. M. Lt inclytæ memoriæ beati ROBERTIDE MEHUN, Aniciensis Episcopi, hic ab impiis interfecti Et in isto loco sepulti. Aniciensis seras pracsul, Roberte paternis Stemmatibus clarus sed pietate magis, Bura tuendo sacrae cathedras cadis ense cruento Tr civem perbibent signa superna poli. Obit XXI decemb. ann, Dom, HCCXIX. (116) ils avaient si cruellement puni les huguenots, ils s’en retournèrent en grande hâte entraïnant dans leur triomphe ou plutôt dans leur retraite les pauvres moines, auxquels ils donnèrent pour asile la petite église de Saint-Pierre-le-Vicux. De Chaste n'eut pas plutôt appris cette soudaine attaque des ligueurs que, dans un premier mou- vement d’impatience, il descendit, à la tête d’une centaine d'hommes , jusque sous les murs du Puy.—Par une manœuvre adroite, ilne s'était d’abord présenté qu'avec peu de monde, espé- rant engager plus facilement le combat. Les Aniciens s’y laissèrent prendre et se battirent en effet une demi-journée; mais quand ils virent les compagnies nouvelles qui accouraient incessam- ment au secours de leurs adversaires , ils ren- trèrent prudemment chez eux, refermèrent leurs portes et se contentèrent de diriger de temps en ‘temps quelques bordées de canon sur Espaly, en échange de celles qui leur arrivatent de Polignac. Comme on le voit, la lutte recommencait plus acharnée qu'auparavant ; et quoique les citoyens du Puy fussent seuls, fermés de toutes parts, sans vivres, sans argent, sans chef, sans but peut-être, ils n’en persévéraient pas avec moins d’opinià- treté. En vain Chalancon, Maubourg , Bonneville, d’Adiac se présentèrent-ils à eux pour tenter une réconciliation si nécessaire; plus les ligueurs per- daient de crédit, de chances légitimes de succès, plus ils redoublaient d’exigences. (7) La disette était grande dans la ville, depuis que Pévêque faisait percevoir les impôts et que de Chaste interceptait les denrées. 1] fallait pourtant bien se créer de suffisantes ressources pour nourrir la population, pour payer les troupes étrangères qui n’auraient pas manqué de déserter le jour où la solde se serait fait trop attendre. Il ne restait que deux moyens: le pillage et la confis- cation. Tous les deux furent aussitôt employés. Sur le refus que venaient de faire les villa- geois de Cheyrac d’acquitter entre les mains de la ville leur cote de contributions, prétextant que le receveur officiel des tailles saurait bien les obliger à payer une seconde fois, les ligucurs partirent du Puy à l’improviste, se répandirent dans le village, emmenèrent tout le bétail qu'ils purent saisir et ne consentirent à le rendre que lorsqu'on eut compté l’argent demandé. — En- suite, en exécution d’un arrêt du parlement de Toulouse, les meubles des politiques réfugiés à Espaly, même ceux de l’évêque, furent vendus à l'enchère sur la place publique jusqu’à concur- rence des taxes ordinaires et extraordinaires qu'il avait plu au conseil d'imposer à chacun. — Pour se faire une idée de lénormité et de lurgence de cet impôt, il suffira de savoir que celui qui pesait sur le premier consul d’Agrain, ne s’élevait pas à moins de trois mille écus; et que tout citoyen convaincu d’avoir recelé le moindre objet appar- ( 118 ) tenant à un politique était sur-le-champ frappé d'excommunication et contraint à payer une amende considérable. Les événemens se succédaient au Puy avec une incroyable rapidité. Les ligueurs avaient bien compris que le jour du repos serait pour leurs conciloyens celui de trop prudentes réflexions; aussi les occupaient-ils sans cesse par de nou- véaux spectacles. C'était, tantôt un attroupement qui s’en allait vers la ruc Saint-Gilles piller et démolir une grange appartenant à Saint-Nectaire, tantôt un ordre du conseil qui sous prétexte que les femmes des politiques voulaient livrer la ville, les faisait toutes enfermer dans une maison, sous la garde de commissaires. — Pendant ce temps, les chefs décidaient sans bruit quel moment serait le plus favorable pour surprendre tel chà- teau, tel village au pouvoir des royalistes. Sans doute qu'ils avaient des espions sûrs répandus dans les campagnes qui venaient les prévenir du mouvement des troupes du sénéchal et de la force des garnisons qu'ils vonlaient attaquer, car ils ne paraissaient pas se diriger à l'aventure. Toutefois, malgré les précautions les plus scru- puleuses, la trahison était facile et fort commune alors. Pour s'en préserver, ils ne virent pas de meilleur moyen que d’entretenir bruyamment cette fièvre intérieureet de ne faire connaîtreleurs projets qu’au moment même de les exécuter. (419 ) C'était pendant la nuit du 15 au 46 janvier, le couvre-feu avait déjà sonné à Notre-Dame, le guet commencait ses rondes silencieuses, les bour- geois et les manans du Puy, bien clos dans leur demeure, s’apprêtaient sans doute à goûter un sommeil paisible, quand on entendit frapper à chaque porte les caporaux de quartiers (1) qui, par ordre du seigneur Irail, capitaine général, prévenaient les soldats- et les citoyens de la milice qu'ils eussent à se rendre de suite en armes sur la place du Martouret. — À l'heure de partir seulement, les troupes apprirent qu'elles marchaient sur SoLIGNAC (2); encore quelqu’un Favait-il su trop tôt; car en arrivant elles trou- vèrent la ville en émoi et toute la garnison sur pied. Le plan de surprise était découvert; les ligueurs batlirent en retraite et rentrèrent chez eux; mais à l’instant où ils allaient poser les armes, une (1) Ainsi que nous l’avons dit dans une autre note, les capi- taines îliers avaient dans leur compagnie des corporaulx dont le service consistait à faire assembler les îliers, les soudards, & soit, dit le chroniqueur, pour les corps-de-garde, pour les guets de jour et de nuit, soit pour les portes, les murailles, les rondes ou autres parts, » (2) Solignacétaitune des huit villes du Velay qui envoyaient, tous les quatre ans, un député à l’assemblée des états du pays. (AnnauD, Hist. du Velay, tome 1, p.284, 431, 450, 478.— Tome 11, 37.) ( 20.9 convocation soudaine les rappela dans leurs rangs. — Les consuls venaient de recevoir une lettre de Pierre Sigaud, greffier de Solignac, à peu près ainsi concue : « Vous êtes tous des lâches qui ne savez mar- » cher que dans l'ombre, qui ne cherchez à » vaincre que les gens endormis.….. Belles vic- » toires! qui vous font honneur et dont vous » devez être fiers assurément !.. Vous espériez » sans doute tromper notre vigilance ? Mais, » braves Aniciens, il vous a suffi de voir quelques » hommes sur nos remparts, pour vous faire fuir. » Bien vous a pris de ne pas tenter l'attaque, et » maintenant que vous nous savez en garde, nous » ne sommes que trop certains de ne plus vous » rencontrer dans nos parages, » Cette lettre, vraie ou supposée, fut publique- ment lue aux flambeaux, en présence d'une foule immense qui ne pouvait contenir ses transports d'indignation. 4 Solignac ! 4 Solignac! cria-t-on dans tous les rangs; puis sans même attendre l’ordre du départ, soldats et peuple se précipi- tèrent sur la route qu'ils venaient de parcourir quelques instans auparavant. Le jour commençait à poindre lorsque les li- gueurs , exacts à l’insolent rendez-vous du gref- fier, se montrèrent sous les murs de Solignac. Cette fois, ils ne s’inquiétèrent pas de savoir si la ville était encore dans le sommeil; ils se mirent (1270 à battre les remparts avec les canons et les béliers d’une telle vigueur qu'en peu de temps ils eurent pratiqué une brèche suffisante pour pénétrer chez l’ennemi,—Lesassiégés se réfugièrent pêle-mêle dans le château et dans la forteresse; mais celle-ci ne résista pas long-temps. Ses mu- railles, peu solides, fléchirent au premier choc, et sa porte, brisée en éclats par un pétard , donna passage aux assaillans qui sans pitié pour des vaincus les mirent tous à mort, Le château allait être forcé de la même ma- nière; heureusement que ceux qui y étaient ren- fermés, plus prudens que les autres, n’attendirent pas un pareil sort. Dès qu'ils virent le péril qui les menacait, ils offrirent de tout abandonner, à la seule condition que leurs femmes, leurs en- fans et eux seraient conduits sains et saufs au château de Ceyssac. Cette capitulation , quoique un peu tardive, fut néanmoins acceptée ct, cir- constance singulière, le premier qui se présenta pour en réclamer le bénéfice fut ce même Sigaud, Pauteur de la fatale lettre. La manière dont les vainqueurs partagent le butin est ici un fait sur lequel il importe d’ar- rêter une attention sérieuse; car il explique une situation que Flhistorien ligueur , évidemment partial, cherche de tous ses efforts À dissimuler, — Après la prise de Solignac, sont-ce bien les chefs de la ville, les capitaines îliers, le ( 1229 commandant Irail, qui profitent de la conquête ? — Non, tant s’en faut, Les compagnies citoyennes ,toujours bruyantes, exaltées, mal apprises au métier des armes, étaient sans doute pleines de courage et d’ardeur pour défendre leurs foyers; mais en général étaient aussi fort inhabiles quand il s’agissait de se mettre en campagne et de guerroyer loin de chez elles. Il résultait de là que les villes importantes, sur- tout à l’époque dont nous parlons, prenaient des troupes étrangères à leur solde, Le Puy en tenait pour sa part un nombre considérable et même nous venons de voir à quelles extrémités il avait été réduit pour les pouvoir entretenir. Or, ces soldats, recrutés dans tous les rangs, venus de tous les pays, se jetaient au service de l'opinion la plus riche, la plus généreuse. Beaucoup, qui sebattaient aujourd’hui pour la ligue, avaient jadis fait leur apprentissage dans des bandes de religionnaires. Sous un tel régime, il est facile de prévoir que certaines villes, dont la quantité de troupes se trouvait hors de proportion avec la force des habi- tans, devaient en définitive être tôt ou tard oppri- mées par ceux qu'elles s'étaient données pour protecteurs.—Ce qui se passe ausiége de Solignac indique suffisamment ces tendances. Nous voyons en effet, les capitaines Pouzols, Marminhac, Pial- laprat, entrer avec leurs cavaliers dans le château, y saisir plus de douze «cents selicrs de blé, des (1287) armes, de l'or, de l'argent en abondance, tout garder pour eux sans laisser aux ligueurs d'autre butin que celuiqu'ils avaient pu faire dans les misé- rables bicoques , et le droit d'envoyer quelques jours après une centaine d'ouvriers pour ruiner les fortifications du bourg (1). — Il en était de même de loutes ces garnisons étrangères dont l'insolence envers les citoyens aungmentait en proportion du besoin qu’ils pouvaient avoir de leur appui. Voici, du reste, un fait entre plu- sieurs que raconte Burel et que nous reprodui- sons fidèlement : « Après que les garnisons de M' de Pouzols » et les autres eurent si bien butiné à la prise » de Solignac, leurs femmes vinrent au Puy pour » recouvrer les dépouilles, Là, elles se bravoient (1) .…. Quand au bled et bestailh, les sieurs Pouzols, Mar- minhac, Piallaprat et leur suite gardèrent tout pour leur part sans en rienlaisser pour la portion des autres, fors que le butin et pillage de la ville; lequel pillage, meubles et quelques bes- tailhs, les soldats et volontaires de la ville firent conduire au Puy deux jours après , ce qui estoit chose fort pitoyable à voir. Par le moyen duquel pillage survindrent plusieurs dis- cordsentreles capitaines etles soldats. Enfin tous s’accordèrent; et pour rendre grâces à Dieu d’une si grande victoire, fust faicte une procession générale par toute la ville où il y avoit beaucoup de peuple assistant à ycelle en graud dévotion ct prières. (Manuscrit Saint-Sauveur, folio GLEN.) ul (124) » toutes par la ville, tellement qu'un soir elles » commencèrent une sédilion de nuit vers un » logis de la rue Saint-Jacques nommé Anne, » Ctcà, pour un mécompte de deux liards de » pain. Les choses furent si loin qu'on tira des » coups d’arquebuse par les fenêtres et qu'il y » eut deux blessés. Alors l’alarme fut grande par » la ville, tout le peuple étoit en colère et les » consuls se trouvèrent contraints de sortir par » les rues avec le chaperon rouge au dos pour » appaiser la fureur publique. Ils ne purent » même se défendre de mettre plusieurs citoyens » en prison; car, le sieur de Pouzols menacoit » de s’aller ranger du côté de de Chaste et » d'abandonner la ville; ce qui donna de vifs » soupcons à tout le peuple qui ne se vouloit » plus fier à la garnison (1). » Ce système de pillage commencait à devenir d'un profit trop facile pour que les soldats ne se sentissent pas disposés plus que jamais à le con- tinuer, Aussi, les laisserons-nous aller sans les suivre dans toutes les petites excursions qu'ils entreprirent sur les terres du voisinage; ce serait se perdre dans un dédale inextricable d’événemens inutiles qui se reproduisent presque quotidiennement de la même manière et qui, (1) Manuscrit SAINT-SAUVEUR, folio 157, (125 ) d’ailleurs, se présentent comme une condition forcée de leur situation. — La ferme de la Beau- me, les villages de Ceyssac et de Chadrac, la tour de Brive furent mis sans pitié à feu et à sang par les ligueurs; tandis qu’en représailles les royalistes dévastèrent St-Marcel, le couvent des Jacobins, Vals, quantité de fermes , de moulins, le château de Villeneuve et celui du seigneur de Morgues, Espary, celte petite Genève, ne s'était point inquiétée des proscriptions lancées sur elle; fière de lutter sous les ordres d’un évêque contre les ligueurs, elle bravait avec hardiesse sa jalouse rivale. — Il était beau de voir face-à-face, à deux portées d’arbalète, au plus, le petit castel épis- copal et la gigantesque forteresse de Notre-Dame. Celle-ci, debout sur la montagne, entourée d’une double enceinte crénelée, défendue par vingt mille braves; celui-là, assis dans le vallon, près de quelques chaumières tremblantes à ses pieds, mais glorieux du drapeau fleurdelisé dont Vavait couronné Charles VII, et qu'il ne voulait perdre que sous ses ruines. Les deux camps ennemis, enchaïînés sous le regard vigilant l’un de l’autre, ne pouvaient rien tenter impunément ; le canon répondait au canon, l'arquebuse à l’arquebuse , le pillage au pillage. C'était presque toujours la nuit qu'ils entre- (4260 prenaient leurs travaux offensifs cet défensifs, leurs tranchées, leurs barricades, leurs chemins creux; toutefois, ils parvenaient rarement à se surprendre; car les sentinelles en védette sur la vigie de Corneille ou sur le donjon d’Espaly donnaient l’éveil au plus léger bruit, à la moin- -dre lueur. Dans unñ instant, alors, l’apparition subite de nombreux adversaires forcait l’as- saillant à changer ses dispositions et à accepter le combat sur un autre terrain que celui qu’il s'était préparé; mais ce combat, qu'une retraite sûre et de quelques minutes terminait à volonté, ne pouvait amener aucune solution décisive entre les deux adversaires. SCO CE ——. $. XLI. RETOUR DE SAINT-VIDAL, 1590. Le 28 mai 1590, le Puy avait un air de fête depuis long-temps inaccoutumé dans ses tristes murailles. Les tours étaient pavoisées aux cou- leurs de Mayenne, les armes de la maison de Guise, environnées des emblêmes de la royauté, étaient appendues au-dessus de toutes les portes et remplacaient celles du cardinal de Bourbon ï (127) dont la mort avait été publiée quelques jours au- paravant. Les citoyens, assemblés joyeusement dans les églises, sur les places, se racontaient l’heureuse nouvelle, et la voix retentissante des canons mêlée aux chants des cloches, portait chez les pauvres habitans des campagnes la sur- prise et leffroi. Etait-ce donc le roi de Navarre, encore sans postérité, qui venait de mourir? Mayenne vic- torieux avait-il subitement dispersé les dernières phalanges royalistes ? Quel grand événement enfin, pouvait provoquer ainsi les bruyans trans- ports des ligueurs de la ville? — Bientôt on le sut par tout le pays : C'était le retour inespéré du baron de Saint-Vidal, grand maitre de lartillerie de France, gouverneur pour la ligue dans le Velay et le Gévaudan qui reparaissait au milieu de ses montagnes à la tête d’une armée de près de six mille hommes.—Honoré d’'Urfé, lillustre auteur de l’Asfrée, son frère le comte d'Urfé, bailli du Forez, et quantité de nobles gentils- hommes l’accompagnaient. Plus de deux mille Aniciens, empressés de revoir leur vieux commandant, voulurent aller à sa rencontre. « Dès qu'ils lPapercurent, dit le chro- » niqueur, ils poussèrent des cris de joie, lui » embrassèrent les mains en l’appelant leur père, » Jeur libérateur. » Saint-Vidal pouvait-il tromper les espérances de ( 128 ) ses amis? N'était-il pas toujours, malgré son âge et sa fortune nouvelle, ce rude et hardi guerrier, ardent comme aux jours de sa jeunesse ?— Il entra le soir dans la ville; le lendemain matin il était déjà devant Espaly dont il battait en brèche les murailles maudites, pour nous servir de ses pro- pres paroles (1). La journée fut chaude et vail- lamment employée. Celles qui suivirent durent évidemment résoudre la question en faveur des plus forts. — Le 30, après trois assauts périlleux, les ligueurs pénétrèrent dans le bourg qu'ils incendièrent en entier (2). On raconte que les troupes royales, obligées de se réfugier dans le château, en firent brutalement sortir toutes les femmes, et qu’alors les assiégeans, au pouvoir de qui elles tombèrent, commirent à leur égard les plus honteux excès. — Le 31 mai les fortifi- cations furent violemment entamées. — Le 1er juin, après cinq cent onze coups de canons, (1) Manuscrit original de BUREL,, tome 1, folio 236 verso. (2) Et fust au soir donné un assault sur les 8 heures, Les nostres ont gaigné la ville et mis le feu par tout. Les larrons se sont remis dans le château et ont sorti les femmes et les enfants à grands coups de bâtons... Parmi ces pauvres femmes il en fust que les soldats étrangers prirent et violèrent, d'au- tres auxquelles ils firent payer la rancon. Chose lamentable !.. (BUREL , tome 1, fol. 237.) ( 129 ) échangés par les deux camps, l’évêque et de Chaste ne pouvant plus tenir contre tant d’enne- mis firent proposer à Saint-Vidal le traité que nous transcrivons ici d’après le texte original : 2 2 ? Ÿ ÿ a Monseigneur du Puy et de Chaste d’une part, Monseigneur de Saint-Vidal de l’autre, voulant procurer le repos et le soulagement du pays de Velay, ont pour le bien de la paix accordé : 19 » Que le chdteau d'Fspaly sera remis entre les mains du baron de Saint-Vidal ; que le sieur de Gondy, tous les capitaines, soldats et autres, quels qu’ils soient, en sortiront vies et bagues sauves sous la foy et l'assurance de Saint-Vidal qui fera retirer ses troupes au pont d'Estrou- lhias jusqu'à ce que les assiégés ayent passé à la vue de Polignac. 20 » Que le bourg et l'abbaye du Monastier, seront aussi remis à Saint-Vidal pour être gar- dés jusqu’à ce que les affaires du pays soient disposées de sorte que chacun puisse en liberté jouir de son butin (1). 30 » Que le lieu de Ceyssac demeurera sans garnison. 4° Que les fortifications faites aux rnoulins des Estroicts (2) seront entièrement ôtées pour (1) Depuis a été ayisé que de la place du Monaslier sera bailhée en eschange la ville et château de Monistrol. (2) Les Estreix ou Estris. : » 2» » ( 156 ) qu'il ne reste que le corps du moulin ainsi qu’il étoit auparavant, 59 » Que la ville et chäteau du Sinjaulx (1) seront pareillement mis au pouvoir de St-Vidal, et que les capitaines de garnison qui s’y tien- nent présentement en sortiront dans demain ou le jour après, trois juing. 60 » Que les susdites places seront gardéés par les capitaines et soldats que le seigneur de Saint-Vidal connoïtra être nécessaires et suffi- sans pour Ja conservation d’ycelles, au plus grand soulagement du peuple que faire se pourra, Lesdites garnisons seront payées par St-Vidal , ainsi que plus tard il sera advisé. » Et pour l'effectuation de tout ce dessus, dans demain , ou le jour suivant, les sieurs... essess.........seront baillés pour otages et demeureront au château de Saint-Vidal ou ail- lcurs , pour leur süreté. 7° » Que les forces sortiront de part et d'autre hors du pays de Velay, dans trois jours pour le plus tard; et celles qui seront contraintes de traverser le pays, seront nourriés par étap- pes au plus grand soulagement que faire se pourra. 89 » Que tout acte d’hostilité, courses, raya- ges, prises d'hommes ou de bétail gros et (1) Yssingeaux, ( 191 ) » menu, cesseront de part et d’autre;—que cha- » eun en averbira ceux de son parti dans le jour; » —que les contrevenans au contenu du présent » traité y Seront contraints par la force de com- » mune main. — Avec l'espérance que, par la » réponse que fera monseigneur de Montmo- » rency à la dépêche du seigneur de Chaste, le # pays recevra entier repos, soulagement. — Et » cependant , le commerce demeurera libre, » comme aussi le labourage. 9° » Toutes obligations, promesses, faites pour » la garde des places, d’un côté et d’autre seront » rendues et demeureront libres. » Fait au Puy {au pont d’Estroulhias, près la ville du Puy), le premier jour de juing mil cinq cent huictante dix. À DE SENECTAIRE, evéque du Puy, comte de Velay (à). CHASTE. SAINT-VIDAL. Ce traité, conquis par la force, maintenu par la crainte, fut un grand triomphe pour les ligueurs. — Les états ne purent refuser à leur (:) Une observation que nous aurions dù faire déjà depuis long-temps, c’est que Saint-Nectaire, de l’ancienne maison auverguate ÂVectaire de Saint-Vectaire, écrivait son nom Senectaire; plus tard, certains membres de la même famille l'ont encore écrit S'ennetaire. Nous avons cru qu'il serait plus régalier de rendre à ce nom sa vérilable orthographe, ( 2922) tour d'abandonner à St-Vidal cette part léonine, en légalisant par des votes ce qu’ils n’avaient encore regardé que comme usurpalion. Ils s’as- semblèrent à Brives le premier août et, pour conserver au moins aux yeux du pays une appa- rence de liberté, ils obtinrent des deux chefs ennemis que ni l’un ni l’autre ne paraitrait à l'assemblée. Adhésion évidemment illusoire qui n’empécha pas l'influence impérieuse de St-Vidal de pénétrer dans le conseil. Les villes dont il avait réclamé la possession lui avaient été livrées sans résistance; son titre de gouverneur, quoique signé par Mayenne, fut reconnu; ses troupes payées plus chèrement que les autres (1); la moitié des impositions de la province mise au service de sa cause; en un mot, sa position puissamment établie sur tout le terri- toire. — En échange de tant de sacrifices, Chaste ne put obtenir pour lui que la conservation de (1) .….Et les commis, députés à la livraison, étoient tenus de baïller tous les jours dix mille pains, seize ou dix-huit charges de vin (la moindre de dix escus la charge), deux mille ras d'avoine , deux ou trois mille livres de foin, et encore vingt sols tous Les jours par cavalier. — Encore vous eussiez vu grands ru- meurs et blasphèmes, grandes menaces contre les paoures habi- tans; les soldats disant que le seigneur de Saint-Vidal les avoit amenés de si loing sans prendre aucune montre. — Quoy aoyant, les paoures habitans n’osoient garnir les boutiques...etc. (BUREL, fol. 238, tome I.) (135) sa charge de sénéchal, et pour le parti royal que la reconnaissance de Montmorency, comme gou- verneur du Languedoc; encore cette reconnais- sance s’arrêta-t-elle à Saint-Vidal, dont aucun ligueur ne voulut ratifier l'engagement. Cette noble persistance dans la foi de son pre- mier drapeau dut sans doute consoler de Chaste, alors qu’accablé sous le nombre, que dépouillé de ses titres, de ses places les meilleures, il vit son rival austère venir politiquement à lui et, par une inconséquence qui trahissait quelque secret mécontentement, reparaitre dans la pro- vince pour y combattre les royalistes tout en signant sa soumission à leur chef (1). — Mais aussi, comment Saint-Vidal, que nous avons tou- jours vu exciter même les plus ardens, pour qui les moindres concessions du côté des ligueurs étaient une injure à la probité politique et reli- gieuse, peut-il tout-à-coup consentir à un acte si décisif?.. Les honneurs ont-ils donc éveillé chez lui une si aveugle, une si impatiente ambition ? Les (1) La division de principes était dans ce temps là une chose commune dans les familles les plus illustres. Sans en aller chercher d’exemple ailleurs que dans notre petite histoire, nous voyous le maréchal de Joyeuse commander le parti de la ligue en Languedoc, tandis que le fils de sa sœur, fidèle dans le Velay à la cause contraire, ne cessa jamais de suivre les ordres de Montmorency. (154) bienfaits n'ont-ils fait germer dans son ame que l'ingratitude?.… Gardons-nous d’accuser, de peur d’être injustes surtout envers un homme si long- temps fidèle à son parti. Il serait plus vrai, sans doute, de dire que dans cette école de quelques mois passés à la cour de Mayenne, le fruste monta- gnard avait pu voir, avait pu juger les hommes et les choses autrement que sa candeur les lui avait fait envisager jusque-là; peut-être aussi qu'il n'avait su plaire et qu'il s’éloignait aigri par la disgräce. Quoi qu’il en soit, son adhésion fit séandale.— Personne d’abord ne voulut y croire. Les Aniciens prétendirent , dans le premier moment , que ce n’était qu’une infàme calomnie répandue par les ennemis de leur brave gouverneur; mais ils furent bientôt obligés de céder à lPévidence, lorsque Jui-même vint leur proposer d'approuver sa déter- mination en Ja partageant. — Le refus le plus positif fut la seule réponse des ligueurs qui, mal- gré tant d'anciens services et ceux que leur rendait encore chaque jour Saint-Vidal, ne purent se défendre envers lui d’un sentiment de profonde défiance. (135) $. XLIL. NOUVELLES CONFÉRENCES, 1591. Rien n'avait encore ébranlé la persistance de nos ligueurs. Inflexibles quand tout grondait an- tour d'eux, devait-on espérer de les pouvoir ramener le jour où la moitié de la province ieur était soumise ? Chaste voulut le tenter cependant; il pensait avec raison que Saint-Vidal, engagé à l'égard de Montmorency, n’oserait plus revenir sur ses pas, qu'il ne lui était plus possible, main- tenant, de ne pas employer toute son influecce à décider les Aniciens dans une démarche néces- saire à son honneur, ct que désormais, quoique adversaires irréconciliables, un lien commun les unissait fatalement l’un à l’autre. — Il Jui fit donc proposer de nouvelles conférences, qui s’ouvri- rent le 11 janvier 1591, dans l’abbaye du Monas- tier où s'était réfugié Saint-Nectaire depuis l'éva- cuation d'Espaly (1). (1) L’évèque du Puy, depuis le siége d’Espaly et le traité du premier juin, était retiré au Mouastier qui avait une garni- son de cinquante arquebusiers, d’après la délibération des états du Velay tenus à Brives le premier d’août, (ARNAUD , histoire du Velay, tome 1, liy. 4, p. 50%.) ( 136 ) Saint-Vidal se trouvait dans une position dont il n’avait pas prévu les périlleuses conséquences. Avant que de partir du Puy il s'était rendu devant le conseil, et le conseil s’était formellement pro- noncé sur le point capital. &« Ceux qui sont sin- » cèrement attachés à la ligue, lui avait-on dit, »s ne peuvent fléchir sous l’autorité ni d’un roi » de Navarre hérétique, ni de ceux auxquels il » lui plait de confier des emplois. Mayenne et » Joyeuse, voilà nos seuls chefs, nous n’en » reconnaitrons jamais d’autres. » Quand il vint au Monastier, la première parole de de Chaste fut celle-ci : « Vous avez enfin com- » pris, Monsieur le baron, qu'il était loyal et » sage de se rendre aux vœux depuis si long- » temps exprimés par toute la noblesse vellavien- » ne. Grâces en soient rendues au ciel!.. En vous » rangeant sous les ordres de monseigneur de » Montmorency vous avez conquis sur moi le » litre honorable de son lieutenant; aussi dès ce » jour dois-je abdiquer en faveur de votre vieille » expérience mes droits sur le gouvernement de » Ha province. Que Dieu vous garde toujours dans » le bon chemin! » Cette perfide courtoisie du sénéchal lui donna tout l'avantage. — Saint-Vidal, qui peut-être aurait désiré trouver dans un brutal accueil le droit de se plaindre et de retirer ses concessions, se vit obligé de répondre : « Non, Messieurs, ce n'est (137) pas légèrement, comme on m’en accuse (1), que je me suis décidé dans cette grave affaire; et Monsieur de Chaste n’a pas tort de vous dire qu’en me prononcant pour Montmorency je mai voulu que céder aux intentions de notre brave noblesse... Cependant, il est d’autres voix que nous devons entendre, il est au Puy un grand nombre de citoyens fidèles dont les vœux doivent aussi vous toucher, alors peut-être... » Eh! quoi! Monsieur, interrompit adroite- ment le sénéchal, n'est-ce que celà? Mais tous ici nous savons trop la haute influence que vous exercez sur les ligueurs Aniciens. Le jour où vous le voudrez sérieusement ils seront ce qu'il vous plaira, personne n’en doute. » Saint-Vidal, qui voyait bien où on voulait l'en- trainer, déclara que son but était de concilier, autant que son devoir le lui permettrait, son dévouement pour la ligue et son désir de vivre en parfaite intelligence avec l’élite de la contrée. “ Je ne veux pas, dit-il, abjurer sur mes vieux (1) On suggérait aux ligueurs que les négociations n'avaient pour objet que de gagner du temps et de les tromper. Ainsi s’affaiblissait chaque jour leur confiance en Saint-Vidal, e, les prédications de Gallesiant y contribuaient encore. Ce cor- . delier qu’il avait amené de Paris, les exhortait à n’ayoir confiance qu’en Dieu et à ne compter que sur lui. (AanAUD, hisloire du Velay, tome 1, liv. 4, page 504.) ( 138 ) jours une conduile qui sera la gloire de ma vie et le patrimoine le plus précieux de mon fils bien-aimé,: Peut-être, Messieurs, aurais-je dû choisir ailleurs que dans mon pays natal le champ de bataille où j'ai voulu défendre , jus- qu'à la dernière goutte de mon sang, l'honneur du trône et la foi des autels. Hélas!.. j'ai quel- ques régrets aujourd’hui, mais non pas de remords. Vous deniandez la paix, moi je la désire plus ardemmeunt encore, croyez-le bien. Que né suis-je libre, comme le dit Monsieur le » sénécha!, de signer à mon gré les conditions de notre alliance. Mais, puis-je done violenter mes amis? M’est-il permis de retourner contre eux les forces que j'ai misés au secours de leur fidélité ? Vous ne le pensez pas, j'espère.— Messieurs, il faut choisir pour nos conférences un endroit plus rapproché de la villes alors, il me sera possible de servir d'intermédiaire entre les ligueurs et vous. Par ce moyen, j'en suis sûr, nous parviendrons à nous entendre. » I dit, et le conseil s’ajourna à huit jours aux portes mêmes du Puy, pour la reprise des con- férences. L’évêque, le gouverneur, le sénéchat et les gentilshommes de leur suite furent exacts au rendez-vous. Le 206 janvier, réunis vers le pont d'Estroulhias, ils reprirent la délibération au point \ . 0] . . r Ca LT où ils l'avaient laissée au Monastier.—Les ligueurs (139) ne voulaient pas céder, Saint-Vidal allait et reve- nait sans cesse, employant tous ses efforts pour les persuader à. reconnaître Montmorency. De telle sorte, observe Burel, que chaque jour il nous falloit entrer en conseil pour parler de cela. Mais les citoyens, qui toujours ont été constans dans leur foi, disoient qu’ils ne pouvoient le faire sans offenser Dieu, vu qu'ils avoient juré l’union el reconnu monseigneur de Joyeuse. — À quoi, répondoif le. sieur de Saint Vidal que céloit nécessité, puisque le pays et la noblesse étoient de cet avis. — Lors, trouvant notre pauvre ville toute seule de son opinion, n'ayant aucun qui la soutint, ne sachant plus à qui nous fier ni où prendre largent pour payer les dépenses, nous priions Dieu qu'il lui plüt de nous assister. Car c’étoit cazi l'histoire de notre Seigneur quand on le remit de Judas à Caïphe; semblablement notre ville passoit tantôt au sieur du Puy, tantôt à Chaste, tantôt à Saint-Vidal (à). Cependantles parlementaires, voyant que cette manière de négocier ne faisait qu'irriter davan- tage encore les ligueurs, puisqu'elle provoquait de publiques discussions, se décidèrent à user d'un moyen qui, en semblable occasion, avait (a) (Manuscrit original de BUREL, tome 1, pages 242, 245.) (Ci4o) été jadis employé aux conférences de Chadrac, ils arrêtérent : 1° Que Montmorency serait seul reconnu comme gouverneur-général pour le roi dans le Langue- doc; et que la ville du Puy, en l’acceptant à ce titre, loin d’être parjure, rentrerait, au con- traire, dans les termes du traité de 1589 dont elle avait juré l’exécution. 20 Que Saint-Nectaire jouirait pleinement de toutes ses prérogatives de comte et d’évêque. 39 Que le baron de Saint-Vidal prendrait le gouvernement du Velay comme lieutenant de Montmorency. 4° Que de Chaste conserverait ses fonctions de sénéchal. 5° Que 2000 écus seraient payés à Pierre de la Rodde, gentilhomme royaliste, pour qu'il cessât ses déprédations dans la contrée. 69 etc... Ce traité, soumis au conseil de ville, fut l’objet de violens débats. Le cinquième article, surtout, ressemblait trop à une rancon pour pouvoir être accepté; aussi, servit-il de prétexte aux ligucurs pour repousser tous les autres. Il fallut donc se réunir de nouveau, pour modi- fier les clauses auxquelles les citoyens s’étaient refusés à souscrire. —Saint-Vidal était vivement attaqué dans les réunions populaires; on y mur- (141) murait contre lui, on s’y plaignait hautemeni, Quelques-uns l’accusaient d’ignorance, de fai- blesse, de peur; d’autres allaient même jusqu’à prétendre qu'il voulait livrer la ville au roi de Navarre, et que la preuve de sa perfidie était assez évidente par ses concessions continuelles aux royalistes, par le dernier traité contre lequel il ne s'était pas encore assez énergiquement élevé, quoiqu'il eût refusé d’y concourir. Saint-Vidal, en effet, s'était emparé du château de Bouzols, qui ne lui appartenait pas, l’avait fortifié, y faisait tous les jours transporter d’abon- dantes munitions de guerre, et quoique les con- suls du Puy les réclamassent comme destinées à la défense de la ville, il se refusait constamment à les partager.— « Vous voyez bien, disait-on, » que lui aussi veut faire comme l’évêque et le » sénéchal, Ils s'entendent tous trois pour nous » ruiner. Reste à savoir si nous attendrons qu’Es- » paly, Polignac et Bouzols, ligués ensemble, » nous prennent pieds et poings liés pour aller » nous vendre à l’hérétique. » Tous ces méchans propos furent rapportés au gouverneur qui d’abord ne voulut y croire. Cepen- dant , lorsqu'il vit que ses partisans, que ses meilleurs amis lui tenaient le même langage, que les consuls, non-seulement ne recherchaient plus ses conseils, mais le fuyaient comme un hôte dangereux, que le missionnaire Gallesiant, amené (142) de Paris par lui même, se laissait aller en pleine chaire jusqu'à le rendre suspect à la populace des faubourgs (1). Alors, il s’abandonna a plus violent désespoir, maudissant à la fois et lingra: titude de ses concitoyens et la folle prudence de ses vieux jours, — « Si je l'avais voulu, si je le » voulais encore, dit-il, aurais-je donc besoin » d’avoir recours à de pareilles manœuvres? » Mais, s'ils me résistaient et qu'il me plût, d’un » mot ne pourrais-je faire incendier toutes les » maisons de cette ville, faire pendre jusqu’au » dernier de ses habitans?... — C’est égal, je ne » me laisserai point abattre par toutes ces calom- » nies, je n’userai point de ma colère ni de ma » force pour me venger de ces indignes bour- » geois. Je saurai, s'il le faut, leur prouver que » je suis le même homme qui jadis défendit (1) Comme il a été remonstré par un doct personnage nommé Monseigneur Gallesiant que le sieur de Saint-Vidal avoit amené de Paris et: qui estoit l’enuemy de tous ceux qui n’ont pas l’ame bonne,,, Donc, d'après ses paroles fust faite une procession ce jourd'hui 23 janvier où il y avoit grand nom- bre de gens en chemise, pieds nuds, marchant sur la terre... Lui, tout deschaux, a suivi la procession et quante-quand dict sa prédication tout deschaux, le peuple ému de dévotion promit de jeûner deux fois la sepmayne, et le dimanche de recevoir son créateur, afin qu’il plût à Dieu de nous assister et de nous garder des entreprinses des ennemis... , etc... (BUREL , tome 1, page 243, verso.) (145) leurs pères, qui sauva leur ville; et que si No > leur cœur est insensible à la reconnaissance, » 4 le mien fut toujours incapable des lâchetés » dont ils m’accusent...…. » À peine avait-il achevé ces paroles qu'aussitôt il se couvrit de sa pesante armure, monta à che- val; puis, accompagné du capitaine Rochelte et de quelques braves gentilshommes de ses amis, s'en alla au grand galop vers la croix du pont où l’attendaient depuis une heure de Chaste et Saint-Nectaire. $. XLIII. LE CADET DE SÉNEUVOLS, C'était dans le traité une clause assez insolente que celle qui venait demander six mille livres pour qu’il plut à un seigneur montagnard, moyen- nant cette indemnité, de ne plus arrêter les voya- geurs sur les grands chemins, comme le faisait PIERRE DE LA RODDE, CADET de la maison de SéNEuJoLs. Certes, il fallait que le désordre fut grand dans nos contrées, pour qu’un gentilhomme des plus anciennes familles vellaviennes (1), osût (1) En 2304, le roi Philippe-le-Bel convoqua pour la guerre (144) parcourir ses campagnes natales pillant, en vrai bandit, tout ce qui lui tombait sous la main. Cela était pourtant ainsi; mais toutefois avec une apparence de légalité, dans un but que le déprédateur ne manquait pas de justifier en le rattachant aux intérêts de la politique; et ce but, dont nos historiens ne se sont nullement préoc- cupés, quoiqu'il soit cependant fort utile à con- naître pour apprécier les événemens de cette époque, le voici : De Chaste, lors du blocus, s'était emparé, nous Pavons dit, des châteaux forts qui environnaient la ville, espérant l’emprisonner dans d’infranchis- sables barrières. Il ne tarda cependant pas à recon- naîlre que les distances étaient encore trop éloi- gnées, pour que ce réseau püt intercepter her- métiquement les communications. Il s’adjoignit donc quelques châtelains , auxquels il laissa non- seulement l'entière liberté de piller toute chose apportée à la ville; mais encore auxquels :l ac- corda suivant leurs besoins des garnisons de huit, de douze , de quinze soldats, afin de favoriser un de Flandre la noblesse du royaume. Il manda à tous les comtes, barons et seigneurs des trois sénéchaussées de Languedoc, qu’il serait à Arras, dans les premiers jours de juillet, prêt à se mettre en marche. Au nombre de ceux à qui il adressa ces ordres, furent le vicomte de Polignac, le seigneur de Chalan- eon et Bertrand de la Rodde. (145) système qui privait les ligueurs des moindres ressources. Cette tactique devait servir, servit quelque temps sans doute les projets du sénéchal; maisquellelecon funeste elle donnait à tous ces oisifs hobereaux!— Le cadet de Séneujols en profita largement pour sa part. Nul métier n'allait mieux à son naturel grossier, à ses mœurs ayentureuses, à ses goûts de despotisme brutal. Il ne connaissait que la chasse; aussi le jour où pour la première fois il voulut s’employer au service du roi, ce fut en s'embusquant avec ses valets, au détour d'une route, l’arquebuse à l'œil, prêt à faire feu sur un homme, comme il l'avait pratiqué la veille sur quelque bête fauve de la forêt, Encore dans la vigueur de l'âge, Pierre tirait grand orgueil de sa hardiesse et de sa force; pour lui le premier mérite, le seul réel d’un homme était dans la puissance de ses organes matériels. Il lui importait peu de savoir si certains de ses ancêtres s'étaient illustrés pour la gloire de la patrie; sa patrie finissait aux portes de som do- maine, sa gloire était suffisante quand il la devait à la solidité de ses muscles, à laudace de ses coups de main, Il savait que son nom était la ter- reur de nos montagnes, et c’élait là sa joie la plus vive, sa plus chère illustration. I portait le costume des paysans, parlait leur langage, mangeait au haut bout de la table de ses 10 (146 ) serviteurs et passait sa vie à déclamer contre les vanités puériles de la noblesse. A l’entendre, on aurait cru d’abord qu’un généreux sentiment de démocratie faisait battre son cœur, que le contact des pauvres gens l'avait rendu simple comme eux; toutefois, pas un gentilhomme de France n’était plus arrogant, plus dédaigneux ; seulement sa haine jalouse frappait sur ceux qui, d’une naissance égale ou supérieure à la sienne, cherchaiïent à accroître la renommée de leur mai- son. Il ne pouvait souffrir que quelques-uns de ses compatriotes eussent l'air de se mêler des affaires publiques; et l’on devenait son mortel ennemi par cela seul que, près de lui, on faisait trop parler de soi. Il était royaliste, non par conviction mais parce que les ligueurs retranchés au Puy semblaient se poser comme plus dévoués, plus vertueux que les autres; parce qu'il lui déplaisait surtout de voir ces quelques hommes affronter courageuse- ment l’opinion générale. Du reste, nous le retrou- verons bientôt, esprit étroit et mobile, préconi- sant tous les excès de la ligue après les avoir com- battus, et se laissant entraîner dans ses résolutions changeantes par l’ardeur de ses passions. Une des causes qui peut-être le déterminèrent à choisir d’abord la bannière royale, ce fut la pré- sence de Saint-Vidal à la tête du parti contraire. — Saint-Vidal, avec son caractère ferme, violent, | (147) avec sés principes si long-temps inflexibles, ses allures brusques et rustiques, dut être pour le cadet de Séneujols un terrible adversaire. L’orgueil de l’un froissait tellement celui de l’autre que, quels qu'eussent été les événemens , ces deux montagnards devaient se trouver toujours face à face et se hair. | Plusieurs fois le gouverneur s'était énergique- ment prononcé contre les brigandages du châte- lain de Montbonnet (1); mais le sénéchal, en repoussant toute qualification injurieuse pour son allié, cherchait à appuyer par le droit de la guerre une conduite que rien loyalement ne pouvait absoudre. — En effet, il n’y avait pas vingt jours encore que Pierre de la Rodde, dans une course à travers les champs, avait arrêté plus de trente voitures de riche butin ; et, quoique ceux qui les conduisaient lui présentassent humblement des sauf-conduits de Saint-Vidal et de de Chaste, il ne fit pas moins saisir marchands, marchandises, et tout enfermer dans son redoutable manoir qui, on ne le savait que trop,ne rendait jamais sa proie. C’est après un pareil exploit que l’audacieux gentilhomme eut le cynisme de venir s’interposer (1) Pierre de la Rodde occupait le chateau de Montbonnet silué aux environs du Puy. De Chaste y avait placé une garni- son de douze arquebusiers sous les ordres de ce gentilhomme. (M8) dans un traité de pacification , pour vendre à Ja ville le droit de ne plus la piller, pour se faire indemniser par elle de tous les crimes commis contr’elle, — Sans l'appui bien positif du séné- chal, certainement le cadet de Séneujols se fût gardé d’une telle impudence; car au lieu d’une bourse d’or, les consuls auraient bien pu lui en- voyer les estaffiers du seigneur prévôt pour le pendre au premier gibet venu; mais de Chaste veillait sur son hardi pourvoyeur, parce que lui aussi prélevait sur les dépouilles la part nécessaire au paiement de ses nombreuses garnisons. Qu’on comprenne maintenant s'il pouvait y avoir complicité entre Saint-Vidal et Pierre de la Rodde; qu’on juge aussi quel dut être le déses- poir du vieux gouverneur, dans la position embar- rassante qu'il s'était faite, de se voir obligé de subir des soupcons si contraires à ses sympathies, à sa loyauté sans doute !... $. LXIV. UN DUEL, Depuis une heure , Chaste et sa compagnie attendaient Saint-Vidal pour savoir le dernier mot des ligueurs. — On se perdait en conjectures sur le motif d’un aussi long retard, Les uns accusaient ( 149) le conseil de dicter à son tour des lois au gou- verneur et d'empêcher l'expression sincère de la majorité de prévaloir; d’autres soutenaient au contraire que lesmembres du conseil, se trouvant par leur position les plus intéressés à la paix, Saint-Vidal etses soldats étaientencore les maîtres, les tyrans de la ville; ceux-ci, voulaient que la colère des moines, attisée par les prédications de Gallesiant, eut pu seule effrayer un vieillard ; ceux-là ne voyaient de résistance sérieuse que dans la confrérie de la sainte croix dont, suivant eux, le gouverneur demeurait évidemment le chef occulte, — En un mot, chacun commentait les événemens au gré de sa passion et s’imaginait avoir trouvé la cause réelle de ces interminables dissenltimens. Saint-Vidal parut enfin. 1l entra brusquement dans la salle, couvert de sa cuirasse, sans même se faire annoncer. Son escorte se tenait à quelques pas derrière lui, armée comme en un jour de bataille , silencieuse et morne. — Eh bien! Monsieur, lui demanda le séné- chal, nous apportez-vous de bonnes nouvelles ? — De bonnes nouvelles! dit le gouverneur, en ouvrant la main gauche et en jetant au milieu de l'assemblée le traité déchiré en mille pièces, voilà ma réponse, — Insolent.…., fit Pierre de la Rodde. Saint-Vidal feignit de ne l'avoir pas entendu. C4 (150 ) — N'avez-vous pas de meilleures paroles à nous donner? reprit Saint-Nectaire avec beaucoup de calme. N’êtes-vous pas fatigué des querelles dou- loureuses dont vous et moi sommes , depuis trente ans, de si actifs témoins? Nous élions jeunes, quand la guerre a commencé; mainte- nant, Monsieur le baron, nos cheveux ont blanchi et la guerre dure encore. — Mais ces gens du Puy, qu’espèrent-ils ? dit le doyen Grolhac, que demandent-ils pour prix d’une résistance insensée ? Maintenant que le vieux cardinal est mort, où veulent-ils trouver un roi? Quel est donc leur dessein en luttant ainsi, seuls contre tout le Velay?.. — Ce sont des fous que nous avons tort de tant ménager, ajouta de Chaste. — Des drôles qu'il faut châtier comme ils le méritent, sans plus entendre ni eux, ni leur élo- quent messager, cria Pierre de la Rodde en dé- signant Saint-Vidal d’un air railleur. «—Hola! mes maîtres , vous le prenezbienhaut, » ce me semble, dit Saint-Vidal les bras croisés » sur sa poitrine et en regardant tour-à-tour cha- » cun des membres de l'assemblée, De queldroit, » sil vous plait, et ces railleries et ces menaces ?.. » Vraiment, il vous sied bien de venir faire les » glorieux au moment où toutes vos villes nous » appartiennent... Mais, si vous étiez si puissans, » que ne les gardiez-vous? — Oui, Monseigneur ( 154) l'évêque, voilà trente ans bientôt que nous avons la guerre et que nous nous sommes faits soldats tous les deux. Tous les deux, je me le rappelle, nous sortimes l’épée du fourreau pour combattre l’hérésie et chasser de nos domaines les ennemis de la foi; tous les deux nous fimes, le même jour, le même serment, hélas! je me le rappelle encore... Et voilà, qu’à cette heure, nous nous retrouvons tous les deux sur le champ de bataille; mais, je vous le demande, Monseigneur, lequel a changé de drapeau? — Et vous , Monsieur le chanoine Grolhac qui voulez de suite réponse à tout, pour un homme qui se méle de politique, vous devriez bien savoir que même en servant l'office il faut attendre son lour. -- Je n’en finirais pas, Monsieur le sénéchal, s’il me plaisait de compter ici tous les griefs qui pèsent sur votre tête. Je ne suis pas homme à me souvenir de ce qui m'est personnel quand d’autres intérêts m’oc- cupent; grâce au ciel! je n’importune pas ma mémoire de sichétives colères. Je sais contenir dans mon cœur les chagrins qui le rongent, je sais supporter sans me plaindre l'ingratitude de mes amis et les noires calomnies que vos gens sèment derrière moi. Quand j'ai fait à ma patrie le sacrifice de mes jours, sachez-le bien, Monsieur, je lai fait entier; et s’il fallait recom- mencer encore, ce n’est pas pour quelques (152) gouttes de lie à la fin du calice que vous me verriez faillir.…. Vous vous étonnez de voir tant de noble courage, tant de persévé- rance héroïque chez de braves citoyens qui implorent aujourd’hui ce qu’ils imploraient il y a trente ans et plus, qui renoncent au repos, au bonheur, à la fortune plutôt que de trahir d'impérieux devoirs?.. Vous les traitez de fous, parce qu'ils préfèrent l'honneur à lFambition, la foi baptismale au culte impie; et vous de- mandez ensuite ce qu'ils veulent, Monsieur ?... Ils veulent, sur le trône de Clovis, de Charle- magne et de Saint-Louis, un roi chrétien comme eux; ils veulent que les droits, que les priviléges de tous soient respectés, que la noblesse rentre dans ses châteaux pour protéger et non pour opprimer les malheureux, que la bourgeoisie soit indépendante dans ses villes, que le commerce retrouve la liberté, la sécu- rité quiluimanquent, que lesartisans obtiennent le travail qui les fait vivre honnêtes, que leurs impôts ne paient pas les soldats qui les com- battent; ensuite, soyez sûr que peu leur impor- tera de Joyeuse ou de Montmorency. Mais ce qu'ils ne veulent pas, ce qu'ils abhorent, c’est vous; vous, Monsieur, qui, depuis qu'ils vous connaissent, n'avez jamais élé pour eux qu'un ennemi, vous qui veniez dérisorrement leur demander de reconnaître volre autorité pater: ( 1930) nelle le lendemain du jour où vous aviez déve- loppé contr’eux le plus de perlfidie, le plus de cruelles précautions pour les perdre. Ils ont dit à votre frère et à tous ceux qui se sont pré- sentés de votre part, qu'ils dévoreraient leurs enfans plutôt que de se livrer à vous... En faut- il davantage pour vous faire comprendre leur amour ?.. Et comment en serait-il autrement ? Fils de Madame Paule de Joyeuse et du pieux bailli de Chaste, avez-vous suivi le noble exem- ple de votre famille? Mari de la mère des Polignac, quel usage avez-vous fait de leurs immenses domaines ? Sénéchal du Velay, quelle justice avez-vous rendue à nos populations ? Où sont vos titres, sinon à leur amitié, du moins à leur confiance ?.. Sous la protection de vos armes, Monsieur, des prêtres égarés dressent autel contre autel, des magistrats indignes sanc- tionnent l’iniquité, des gentilshommes, la honte de nos contrées, se font voleurs et assassins...— Oui, la Rodde, regarde-moi, car c’est de toi dont je parle et je ne crains guère ni tes impa- tiences, ni tes folles menaces. Sais-tu que je suis l’aîné de ton père ? sais-tu bien que tu tétais encore ta nourrice alors que je m'étais déjà battu plus que tu ne le feras de ta vie, et plus loyalement, Dieu merci? Tu demandes une rancon pour ne plus continuer ton infame métier?.. Ah! par ma foi! ton impudeur est (154) » grande, rien que d’oser te présenter ici , sans » crainte du gibet. » Enfin, vous tous qui m’entendez, évêque, » sénéchal, magistrats, prêtres et gentilshommes, » la paix que vous nous proposez est impossible. » Retournez à vos embuscades, à vos pillages, à » vos vaillans et loyaux combats; nous ne saurions » pactiser avec l'hérésie. Rugissez autour de nos » remparts, comme les loups affamés autour du » bercail tranquille; Dieu veille sur ses enfans!— » Maintenant s’il est parmi vous quelqu'un qu’of- » fensent mes paroles, qu'il s’avance, voici qui » répondra. » Il dit, et jeta son gantelet de fer au milieu de l’assemblée. — La Rodde et deux autres gentils- hommes royalistes s’élancèrent avec fureur pour le relever, mais Chaste soutint que ce droit lui appartenait et qu'il prétendait bien ne le céder à personne. — Qu'à cela ne tienne, cria Rochette, dont le visage trahissait la plus violente émotion, ne pre- nez pas querelle; vous êtes quatre, nous serons quatre. Le gouverneur n’a pas parlé pour lui seul, ses paroles sont aussi les nôtres. 11 n’avait pas achevé, que des deux côtés chacun se disputait l'honneur de prendre part au combat. — En vain l’évêque chercha-til à calmer les esprits, sa voix ne fut même pas entendue tant le tumulte était effroyable. Comprenant alors que (155) sa place n’était plus au milieu d’une scène pareille, il se retira. Un duel était inévitable, et les colères étaient trop impatientes pour le différer. Il fut donc una- nimement convenu qu’onse battrait sur-le-champ. — Le sort, qui détermina les adversaires, mit de Chaste contre le capitaine Rochette, et la Rodde contre Saint-Vidal. Le chroniqueur ne nomme pas les quatre autres. Quand toutes les conditions furent arrêtées, que les armes furent choisies et égalisées, les deux compagnies se rendirent dans un enclos voi- sin; — les ligueurs étaient rangés d’un côté, les royalistes de l’autre. Une trève d’une heure avait été convenue, pour laisser aux champions le loisir de faire leurs dispositions dernières; mais bien avant ce temps ils étaient déjà prêts. — Tous les huit vinrent se placer face à face, le poignard d’une main, la rapière de l'autre. Malgré le froid, ils avaient quitté leur chapeau et leur pourpoint. De Chaste affecta même de laisser sa chemise entr’ouverte, et dénoua les rubans de ses souliers, suivant l'usage des raffinés de ce temps là, pour montrer au capitaine qu’il ne reculerait pas d’une semelle. Le signal donné, les combats s’engagèrent avec une indicible violence. — Saint-Vidal, qui était vieux et couvert de cicatrices, croyait encore à ses forces parce qu'il sesentait le même courage. ( 156 ) Pendant quelques instans il se défendit avee bonheur , sa main quoique tremblante guidait habilement le fer et semblait n’attendre qu'une faute de son adversaire pour le frapper au cœur; mais bientôt l’impétueux la Rodde, ennuyé de celte tactique, s’élanca d’un bond sur le vieillard, aux risques de recevoir son arme au travers du corps, et lui enfonca son poignard jusqu'à la coquille au-dessus de l'œil droit. —St-Vidal tomba mort sous le coup (1). A peu près au même moment le capitaine Rochette, traversé par la rapière de de Chaste, tombait aussi pour ne plus se relever. Satisfaits par ce double sacrifice, les deux camps arrétèrent les autres champions. Venus pour traiter de la paix, pour se tendre une main fraternelle, ce fut sur le cadavre du gouverneur que leur haine se ralluma plus ardente encore, et qu'ils se séparèrent n’ayant sur la bouche et dans l'ame que d’affreuses imprécations. Pr a) Au bas de la page (243 verso), dans laquelle Burel raconte cet événement , il a représenté Saint-Vidal frappé du coup mortel. La tête est ensanglautée à l’endroit de la bles- sure, le corps est étendu comme dans le cercueil, pâle, ina- nimé et recouvert des vêtemens que portait d'habitude Île gouyerneur. S. XLY. FUNÉRAILLES DE SAINT-VIDAL, 1591. Tandis que la compagnie du sénéchal criait en se retirant : Saint-Vidal est mort, vive le roi!.., le consul Viollon et les autres ligueurs rega- gnaient tristement le chemin de la ville. « Las! » dit Burel, en les voyant ainsi venir, la senti- » nelle, qui étoit au plus haut du couvert de la » porte Saint-Gilles, se mit à marteler la cloche » si roidement et donna telle frayeur que, incon- » tinent, la ville entière fut en armes. Moi, j'étois » de garde comme notable ,etje me mis à fermer » Ja barrière; car vous eussiez vu le peuple bien » ému en pensant que c’étoit l'ennemi qui vou- » loit surprendre la porte. » Dès que la cause de cette alerte fut connue et que la nouvelle en fut apportée à Madame de Saint-Vidal, la pauvre veuve sortit tout en pleurs de chez elle, courut frapper aux poternes, pour qu'on lui ouvrit et qu’elle püût voir s’il était temps encore de donner quelques secours à son mari. —Les enfans de la ville, armés d’un bon courage, dit historien, voulurent Paccompagner dans cette douloureuse visite; mais, quand ils arrivèrent à l'endroit qu’on leur avait indiqué, ils trouvèrent (158 ) le gouverneur tout meurtri et déjà glacé. Alors ils relevèrent son corps ainsi que celui du capi- taine, et s’en allèrent pieusement les déposer dans l'église de Saint-Agrève où ils les laissèrent près de quarante jours exposés à la vénération pu- blique. « Pendant ce temps, ajoute le chroniqueur, » les vassaux, les domestiques de Saint-Vidal, » désespérés de la mort cruelle de leur maitre, » en tiroient une vengeance terrible. Ils faisoient, » sans repos, des courses par tout le pays; et » autant ils rencontroient de gens du parti con- » traire, autant ils en faisoient mourir. » —La cérémonie funèbre, à laquelle la ville voulut donner le plus grand éclat, fut fixée au 3 mars. Voici le détail, tel que Burel nous l’a conservé dans ses manuscrits : ORDRE DE LA SÉPULTURE DE TRÈS-HAUT ET TRÈS-PUISSANT SEIGNEUR Antoine de Latour, QuI EN SON VIVANT ÉTOIT : chevalier de l’ordre du roi ;—capitaine de cinquante hommes d'armes ; — vicomte de Beaufort; — baron de Saint-Vidal, Mons, Saint-Quentin, le Villars, Montvers, Mon- tusclat, Goudet et Barges en Velay, Ceneret, Montferrand, Recollettes, Laval de Saint-Chély, Tal, Culture et autres en Gévaudan ; — Gouver- ( 159) neur aux pays de Velay et Gévaudan ; — grand maître de l'artillerie de France, etc. (1). & Suivant la volonté contenue en son testa- » ment (2), comme le requéroit l'extraction de la » maison et les dignités du susdit :—Le logis étoit » tendu jusqu’auxlieux où le corps devoit reposer; » savoir : aux Cordeliers: —Ladite tendue étoit » garnie d'écussons de brasse en brasse. » — D'abord, marchoient les arquebusiers dé » la ville, portant leur arquebuse sous le bras, » pendante en terre, la mèche éteinte, les mono- » ryons couverts de crépes noirs. » —Les tambours, les fiffres, en deuil, étoient » conduits par le capitaine de la ville qui avoit » un crêpe à sa pertuisane ainsi que les qua- » torze sergens à leur hallebarde. (1) Les préparatifs de ladite sépulture en l’église des Corde- liers vinrent aux oreilles de la vicomtesse qui, avec Chaste son mari, avoit délibéré d’aller quérir le corps. —Mêmement, cette vicomtesse déloyale, qu’est cause de tout le mal, se vou- lant trouver bonne à l’endroit de son mari, disoit que falloit bruslér le corps. Donc, la Dame a demandé de le faire enterrer là où il étoit reposé, à Saint-Agrève; et cela a ôté l’opposition, les murmurations que on avoit contre Saint-Vidal, le tout sans occasion. (Manuscrit original, vol. 1, fol. 247 verso). (2) Extrait du TESTAMENT DE SAINT-VIDAL..,..... ..........Je veux et ordonne que lhors que mon ame sera séparée de mon corps, que mon corps soit enterré an tom- ( 160 ) » —Après, marchoient les torches de tous les » états de la ville, chacun avec ses écussons » et armoiries. » — Après, celles de la maison de ville. » —Après, celles de la justice. —Les huissiers » et sergens royaux portoient des signes blancs » avec les écussons de France. » — Après, marchoient les torches des seigneurs » et parens, selon leur dignité ou proximité. » —Le capitaine enseigne portoit son enseigne » sous le bras. » —Venoient ensuite les suisses de la ville, » vêtus de manteaux noirs et trainant leur halle- » barde, la pointe en terre. » —Après, marchoient les soldats de la garde » du défunt , l’arquebuse renversée , mèche » éteinte, monoryons couverts et conduits par » leur capitaine tenant en main sa pertuisane » entourée d'un crêpe noir. beau que je veux être construit et édifié dans le couvent des Cordeliers de la ville du Puy, à la chapelle de mes ancètres et prédécesseurs, qui est du côté du grand autel. Laquelle cha- pelle je veux être enfoncée en dedans de cinq ou six pas et jus- ques à la muraille. Contre la muraille on posera l’autel de la chapelle, et au-dessus dans la muraille, je veux ledit tombeau être dressé.—Je veux aussique mon corps soit mis dans une caisse de plomb revétue de bois... S'il advenait que Dieu me voulût appeler hors la présente ville, je demande que mon corps soit apporté par les prêtres de toutes les églises paroïssiales de ( 161) ÿ — Venoientensuite au second rang les torches » des particuliers du Puy. » — Après, celles de Monsieur de Piallaprat. » — Après, celles de Messieurs de Saint-Haond, » deMarminhac, de Champétières et de Jonchières. » — Après, celles de Messieurs les consuls. » — Après, celles de Messieurs de la justice. » — Après, celles de Messieurs de Vergezac, » de lEstrange, d’Adiac, de Boisdemont, de » Saint-Priest, de Liègue, de Jarnyen, de » Saint-Forgeaux, de Servissas, de Motinet, d’Ally ; »s —etde Mesdames de Ville-Neupve , de Bansèche, » de Bellecombe..., etc... » — Après, les quatre bayles de la confrérie de » la Sainte-Croix avec plusieurs clochettes devant, » convertes de crêpes. » —Après, les bayles des pénitens avec les lanter- » nes allumées, les armoiries du défunt à l'épaule. mes terres de ce pays de Velay, accompagné de tous les pauvres dulieuetmandement où je serai décédé... Jusques à ce qu’ils soient parvenus à l’une des croix qui sont les plus proches des quatre avenues de ladite ville; et là, attendront que MM. de l’église Notre-Dame et tous les autres prêtres, religieux et religieuses de toutes les églises de la ville, tant dedans que dehors, soient venus pour prendre mon corps et le porter, la face découverte, au cœur de croix de ladite église... Comme aussi, je prie et charge mon héritière, cy après nommée, de faire prière à l’évé- que, en considération de ce que j’ai employé toute ma vie, et depuis l’année 1561, tous mes moyens, peines et travaux, pour la a (162 ) » —Après, marchoient les bayles de la con- » frérie Saint-Jacques. » — Après, marchoit la confrérie de la Ste-Croix » avec les clochettes, comme dessus est dit, » — Après, celle des pénitens revêtus de leur » cappe blanche, leur crucifix à la coutume. » — Aprés, les prêtres des terres du défunt. » -—Après, tous les gens d'église, selon l’ordre » accoutumé de ceux de la ville. » — Après, marchoit le cheval de parade, cou- » vert d’un grand drap de velours noir avec une » croix de satin blanc, conduit par deux écuyers » ayant une écharpe de crêpe ct chacun prenant » un mors. » — Après, le lieutenant; — ensuite, l'enseigne » et le guidon de la compagnie habillés sur leur » Casaque d’un manteau de deuil, et portant l’en- » seigne et le guidon sur le cou.— Ensuite, la conservation de ce pays de Velay sous l’obéissance du roi, et réduit beaucoup de villes et forts occupés, tant dans le pays de Velay qu’aux limites d’y celui, par les huguenots et hérétiques qui tiennent le parti contraire de la sainte église catholique, apostolique et romaine (à la prise desquelles villes et lieux occupés j’ai perdu un œil et plusieurs fois y suis été blessé et offensé en ma personne en danger de ma vie, comme chacun sait) ; en mémoire de quoy je prie ledit sieur évêque et les cha- noines , de permeltre que mes armes entières, épée et éperons, ayec mon enseigne et mon guidon, plus un tableau de mon effigie, soient mis et posés ensemble à côté du grand autel de la- dite église, contre la muraille de la chapelle du crucifix..., Je (163) » compagnie portant leur casaque et un man- » teau de deuil dessus. » —Un portoit la lance du défunt, couverte » d'un crêpe noir. » — Un autre portoit la cotte d'armes de velours » noir, ainsi que les écussons et les armoiries. » — Un troisième portoit son haulme. » —Un quatrième portoit les gantelets sur un » bâton couvert de crépes. » — Un cinquième portoit un écusson du »# défunt, timbré de l’ordre de France. » — Un sixième portoit l’épée d’arme. » — Le dernier portoit les éperons dorés cou- * verts de crêpes. » — Après, marchoit un homme qui porloit un » carreau de velours noir avec les ordres dessus. » (Tout cela fut ensuite donné à l’église » Notre-Dame ). prie les chanoïnes, prêtres et religieux, d’accompagner mon corps jusques dans l’église de Saint-Agrève, à la chapelle de feue Mademoiselle de Mons, ma tante; où je veux que mon corps séjourne jusqu’à ce que les préparatifs des honneurs de mon enterrement auront été faits. Pendant ce, je veux que mon corps demeure accompagné jour et nuit par douze prêtres et deux de mes serviteurs; lesquels prêtres seront nourris ct payés tous les jours à raison chacun de 10 sols, outre leur nourriture... Îl y aura jour et nuit quatre grands cierges ardens, de deux livres chacun, ayec mes écussons et armoiries autour de mon corps. Aussi, je veux et j’ordonne que, arrivant mon décès dans ce pays de Velay, mes entrailles soient posées dans 22 » » ( 164 ) » — Après, cinquante torches avec les armoi- ries de la veuve. » — Après, les cinq palefreniers vêtus de rouge. » — Après, marchoient trois cents pauvres, ordonnés d'être vêtus, tant mâles que femelles, » —Après, marchoit le corps porté par dix- huit des confrères de la Sainte-Croix ayant chacun sur lépaule un écusson de ladite confrérie. » —Le corps étoit couvert d'un grand drap de velours noir, les quatre coins portés par quatre consuls; — les autres deux consuls étant à côté au milieu du corps ainsi que le secrétaire, le syndic et le lieutenant de la ville. —Par dessus le drap, il y avoit un écusson de la Ste-Croix. » — Le corps étoit porté sur les épaules. » — Après, marchoient les serviteurs et domes- tiques de la maison, vêtus de deuil, avec des bonnets noirs couverts de crêpes. » —Après, marchoient les officiers des terres du défunt, habillés de noir. » —Après, venoit le deuil, trainant par terre l’édise paroissiale de Saint-Vidal, au devant du grand autel et au même lieu où furent mises celles de feu Bertrand de la Tour, mon frère, comte et arehidiacre de Saint-Jean de Lyon. Je veux que pendant les trois jours de mon enterre- ment trois cents pauvres tant mâles que femelles assistent... Auxquels trois cents pauvres sera à chacun donné quatre aunes de drap, plus aux mâles un bonnet et aux filles une aune de toile ( 1656») » un grand pas par derrière, mené par les prin- » cipaux seigneurs de l'assemblée. » —Puis après, Messieurs de la justice et le » peuple de la ville, selon leur ordre et dignité. » —Il y avoit en tout deux mille torches ou » Cierges. » — Les cloches de la grande église son- » nèrent durant huit jours toutes ensemble, » et celles des autres églises, le matin, le soir et » à vêpres. » Messieurs les consuls firent un relour au » défunt où il fut commandé à tous les habitans » de fermer leurs portes et d’assister à l'office. — » À ce retour fut fait le long port comme à ja ». Sépulture; les consuls portant le drap, les états » y assistant avec lenrs torches et écussons. » —Ceux de la grande église en firent un » après; — et le dernier fut célébré par les ser- » viteurs et domestiques du défunt qui voulurent » chanter pour leur maître, priant Dieu qu'il » lui fit miséricorde. » Disons, amen. » Et ladite sépulture fut faite le 3me du mois de mars, premier jour de la quarantaine , l’an 1591. pour un couvre-chef. Chacun portera aussi un cierge de cire avec mes armoiries; et à chacun desdits pauvres sera aussi donné par jour un pain d’un sol ou l’argent..., etc... , etc... Fait au Puy, le 16 juillet 1589. SAINT- VIDAL, ÿ J É (166) $S. LXVI. SERMENT DES CONFRÈRES DE LA CROIX, La mort de Saint-Vidal l'avait purifié, sanctifié, si je puis parler ainsi. C'était le sang d’un martyr qui venait de couler pour la défense de la foi! Personne dans la ville ne prononcait plus son nom qu'avec respect ; et ceux qui quelques jours auparavant l’avaient accusé, semblaient aujour- d’hui faire amende honorable à sa mémoire par le public spectacle de leur douleur. Cependant, le lendemain du duel, Chaste envoya demander aux habitans du Puy de le reconnaître pour gouverneur. Le conseil , indigné d’une pareille audace, chassa les envoyés du sénéchal en leur disant : On n’hérite pas de ceux qu’on assassine; et nous n'avons plus de gouverneur depuis que M de Chaste l’a tué... — Le chef des royalistes ne devait pas s'attendre à un accueil plus favorable; et s’il tenta cette démarche, il est bien évident que ce fut moins avec l'espérance de réussir que dans lintention de mettre les Ani- ciens en demeure. Déjà depuis long-temps il connaissait la fermeté de leurs résolutions, aussi ne fut-il guère étonné lorsque cinq jours après on vint lui apporter cette proclamalion consulaire , affichée dans toutes les rues : (167) &« Nous promettons à Dieu, à la sainte imma- culée Vierge Marie et à tous les Saints du Para- dis 3 — nous jurons, dans la sincérité de nos cœurs, vouloir vivre, mourir, supporter toutes les incommodités de la fortune, pour maintenir le serment par nous juré le 23° mars 1589, confirmé ensuite dans la salle de l'évêché du Puy, en présence de Messieurs les évêques du Puy et de Castres et les députés de la souveraine cour du parlement de Toulouse, le 6 avril de ladite année. » À cause des troubles et de l'accident déplo- rable survenu à la personne de feu Monseigneur de Saint- Vidal, pour donner évident témoignage à tous nos frères catholiques de la sainte union » de notre fermeté, persistance en nos promesses; » » » — après avoir mürement, librement et de notre propre mouvement consulté : » Nous disons, prometlons et jurons, aussi bien en général que en particulier, ne vouloir recon- noître pour roi HENRI DE BOURBON, HÉRÉTIQUE ET EXCOMMUNIÉ, ni aucun qui porte son parti, de quelle dignité, grade puisse-t-il être, pour nous commander. » Nous déclarons tout personnage qui nous voudroit contraindre , induire ou persuader, soit de la maison de ville ou par colloques par- ticuliers, nous être suspect d'hérésie. — Or, demandons, dès aujourd'hui et pour toujours, ( 168 ) y qu'il soit mis entre les mains de la justice, aux » fins de lui faire son procès comme ennemi juré » de Dieu, de son église chrétienne et catholique, » aussi comme ennemi du repos public de la » présente ville. » De même, nous voulons punir tous ceux qui » parleront à l'avantage du parti contraire, etles » livrerons à ceux auxquels il appartiendra d’en » connoitre. » Fait le 1°* jour de febvrier, l’an 1591 (1). » Viozcon, consul, » Os $. LXVIL POURAUITES CONTRE LE SÉNÉCHAL, Madame de Saint-Vidal, touchée de la part que les gens du Puy prenaient à ses chagrins, con- sentit à leur livrer les munitions de Bouzols, Il y avait dans ce château , alors le mieux fortifié de la ‘province et dont le prévoyant gouverneur s'était (a) Ce serment, ainsi que le premier que les ligueurs ayaient fait lorsque le président Vinhals vint au Puy, fut ofi- ciellement porté de maison en maison par un consul et le capi- taine de quartier; et chaque citoyen, après en avoir entendu la lecture, fut requis, La main sur l'Evangile, d’en jurer l’obser- vation et de signer sur un registre ouvert à cet effet. ( 169 ) fait un arsenal particulier, près de cent vingt charges de poudre ou de boulets. — Pour la ville épuisée c'était un secours important sans doute, aussi l’inconsolable veuve ne voulut-elle en faire le sacrifice que lorsque les consuls lui eurent promis de se joindre immédiatement à elle pour obtenir vengeance. Mais, à qui devait s'adresser la plainte ?.. Parmi les ligueurs, quelques-uns ne reconnaissaient que le droit du parlement; d’autres ne voulaient recourir qu'à l'autorité effective de Mayenne, lieutenant-général de l'état et couronne de France, d’autres enfin, regardaient comme leur roi légi- time le jeune cardinal de Bourbon, neveu de Charles X, et demandaient que le conseil profitât de cette circonstance pour étouffer les germes de collision que l'incertitude faisait déjà germer dans les meilleurs esprits.—Les débats pouvaient deve- nir irritans, décisifs même contre la cause de lPunion s'ils étaient livrés à la discussion d’une assemblée générale; le conseil le pressentit et eut recours au pouvoir le plus voisin. La question était du reste de la compétence du parlement qui, lui- même, ne rendait la justice que protégé par les armes de Mayenne, au nom du roi des ligueurs. Une information fut aussitôt commencée; et quand tous les témoins de l'affaire eurent été entendus, Madame de Sant-Vidal, ainsi que le seigneur de Bouzols (en Gévaudan), formu- ( 170 ) lèrent collectivement une plainte contre de Chaste et sa compagnie. — La veuve du gouverneur agissait tant en son nom qu’en celui de ses enfans. Le gentilhomme réclamait directement , comme s'étant présenté au nom de la ville du Puy, pour traiter de la paix avec les royalistes et comme ayant été fait traitreusement prisonnier par eux, au mépris de la loi la plus sacrée parmi les peuples. Le 23 avril, le parlement de Toulouse rendit Parrêt suivant : « CHARLÉS, par la grâce de Dieu, roi de France, > au premier de nos huissiers ou sergens qui sera » requis, salut : » D’après l'arrêt cejourd'hui donné par notre » cour et parlement de Toulouse; vu les informa- » tions faites à la requête de dame Claire de » Saint-Point, veuve de feu le seigneur de Saint- » Vidal, de son vivant gouverneur du pays de » Velay, le 25 janvier et le 1 février; vu ensem- » ble les informations faites aussi sur la plainte » de Claude Polalhon, seigneur de Bouzols, le » 23 mars; » Nous te mandons et ordonnons, par ces » présentes, de prendre et saisir au corps : le » seigneur de Chaste, Pierre, dit le cadet de » Senajou, le doyen Grolhac, un nommé ZLon- » gueville, Lamause, laquais de Chaste, Roche- » fort, dit le Crouzet, Laroche de Viviers, Île » capitaine Mons, Sollagre, Gracy, François (171) » Sisairon, le sergent Etienne et Louis Lyonnet, » apothicaire au Puy, —A quel endroit de notre » royaume que tu les trouves, nous t’ordonnons » de les conduire, sous bonne garde, dans la con- » ciergerie de notre palais pour illec être à droit; » ou s'ils ne peuvent être appréhendés, les ajour- ner à comparoir en notre cour, à trois brefs » jours, fin de ban; saisissant et mettant leurs » biens sous notre main jusqu'à ce qu'il en soit » autrement ordonné. » Donné à Toulouse, en notre parlement, le » 25° d'avril et l’an de grâce de notre règne le » premier (1). » (Scellé du sceau jaune à longue cire). ———2010 of cie — S. XLVIIL TRÉVE DE TROIS ANS, 1591. L'absence de Saint-Vidal se faisait tous les jours plus cruellement sentir parmi les ligueurs; le (1) Le présent arrêt a été intimé aux devant nommés, par maître Francois Boyer, huissier d’armes du roi, le 10 de may, étant à la vue de Polignac, accompagné des soudards de la ville et d’an trompette.— Lc lendemain a été crié à sou de trompe par tous les carrefours à trois briefs jours, BUREL. Ce peuple surtout ne pouvait se consoler de sa mort; autant il l'avait blâmé naguère, autant il l'approu- vait, aujourd'hui qu’il n’était plus. Ainsi va la tar- dive et capricieuse justice des hommes! Son glaive n'est souvent qu’un poignard; son flam- beau, qu’une torche incendiaire; et sa balance ne lui sert, hélas! qu’à peser la cendre des tombeaux!.… La consternation était grande dans la ville; les troupes étrangères redoublaient d’insolence, parce qu’on les payait mal; les chefs de l’union acca- blaient les citoyens d'homélies, de messes, de jeûnes, de processions expiatoires; le conseil multipliait les corvées, les charges, les impôts; les consuls rendaient ordonnances sur ordonnan- ces pour qu'on vint travailler aux remparts, pour qu'on éclairât de nuit chaque maison, pour qu'on füt obligé d'accepter, en échange de den- rées, de mauvais sous fabriqués à grands renforts de bras vers la roche Corneille (1). — Pendant (2) Il ÿ avait autrefois et depuis long-temps des monnaies royales établies au Puy; Charles VII les abolit par des lettres données à Tours en 1423. Les évêques du Puy avaient conservé jusqu’au XIV siècle le droit de faire battre monnaie, et les sous marqués à leur eoin, étaient appelés podienses. — Durant les guerres civiles, l’usage de cet ancien droit parut suflisamment justifié par l'empire des circonstances. En 1530 on commenca à en faire frapper. H s’en trouve encore quelques-unes en cuivre jaune, très-minces; (173) ce temps: au dehors, les royalistes pillaient jes fermes, les châteaux, brülaient les récoltes, interceptaient les communications; au dedans, les gentilshommes ligueurs aspiraient tous au pou- voir, et tous, appuyés de leurs amis, réclamaient le titre de gouverneur. Le peuple seul, victime de ces luttes ambitieuses, au lieu d’un maître en avait cent; et, ne comprenant plus où ces pilotes inhabiles voulaient le conduire, s’écri- ait plein de tristesse : « Pauvres gens que nous » sommes, c’est nous qui supportons le mal que » font les grands! » Tandis que les consuls perdaient un temps précieux à signifier au sénéchal les impuissans arrêts du parlement ligueur, Chaste s’occupait plus utilement à appeler à son aide : René de La Tour- Gouvernet, sieur de Chambaud, un de ces chefs d’un côté sont représentées les armes de Saint-Nectaire ayec ces mots autour : A. DE SENECTAIRE, ÉVÊQUE DU PUY; et de l’autre côté Archimède éprouvant la couronne d’Hiéron, roi de Syracuse, avec cette inscription : PATET FALLACIA TANDEM. Au-dessous on lit : Ærchimède, en caractères grecs; et à l’exer- gue, 1580. Le 23 mars 1590, par des lettres patentes données à Paris, le cardinal de Bourbon (Charles X}), prenant le titre de roi, transféra dans la ville du Puy l’hôtel des monnaies, établi à Villeneuve-lès-Avignon occupé par les royalistes. Depuis cette époque, les ligueurs aniciens continuèrent d’user de ce droit autant qu'ils en eurent besoin. (174) nomades pour qui la guerre civile était alors une profession. — Chambaud arriva à Polignac le 10 juillet, à la tête de douze compagnies qui, jointes aux troupes royalistes, formaient une armée de près de deux mille hommes. — Après quelques jours perdus devant le château de Saint-Vidal (1), il s’'approcha du Puy pour l’en- velopper. Les ligueurs ne virent pas ce développement de forces sans quelque effroi; cependant ils firent bonne et fière contenance. Peut-être que si Cham- baud eût alors été résolu à commencer immédia- tement l'attaque, que la ville épuisée n’aurait pu opposer une longue résistance; mais il craignit de s’aventurer sans s'être bien assuré par avance des postes environnans. — Ce qui donna aux Ani- ciens le temps de prévenir leurs amis. Les secours arrivèrent au Puy si abondamment et avec une si grande promptitude que les agres- seurs se virent bientôt eux-mêmes obligés de se défendre. — En effet, le baron de l’Estrange, com- (1) Chambaud vint assiéger le château de Saïnt-Vidal, un des plus forts du Velay. Les assiégés se trouvaient dans une position doublement périlleuse, car le capitaine les'menacait de les incendier s’ils ne se rendaïent pas, ef l’Estrange, com- mandant au Pay, leur avait fait dire qu’il ferait occir tous ceux qui seraient assez lâches pour abandonner leur poste. —Ils persistèrent et Chambaud qui ne voulait pas s’attarder plus long- temps devant un castel sans importance, se retira. (179 ) mandant des troupes de la ville, le bailly d'Urfé, Montréal, Champetières, etc., à la tête de nom- breuses compagnies, marchèrent hardiment sur les royalistes et se battirent contr’eux partout où ils purent les rencontrer. — À Saint-Marcel, dans une première affaire, du côté de la ville il y eut quatre-vingts morts ou blessés; de l’autre il y en eut près de cent. — À Espaly, la disette devint si pressante et les ligueurs environnaient si étroi- tement la place que les royalistes, ne pouvant plus tenir, demandèrent à capituler (1). Vicissitudes étranges des destinées!.. Au moment où il semble que la fortune abandonne nos ligueurs, tout-à-coup ils la trouvent plus favora- ble qu’elle ne fût jamais. A leur voix qui s'éteint, de fidèles alliés accourent du Gévaudan, de l’Au- (1) Le 25 août, les chefs de la garnison du château d’Es- paly, notamment Pierre de la Rodde qui y commandait, voyant qu’ils ne pouvaient plus tenir par le défaut d’eau, sortirent de la place furtivement et à l'insu des autres assiégés. Ceux-ci étant sans chefs et n’ayant de vivres que pour un jour, accep- tèrent la capitulation qui leur fut proposée par Urfé et Chaseu. Mais au moment où ils évacuaient la place, quatre d’entr’eux, malgré la garantie de vie sauve, ayant été massacrés par des habitans du Puy, le reste de la garnison se renferma dans le château. — Les chefs des ligueurs ayant fait retirer les habi- tans du Puy, les assiégés sortirent, se désaltérèrent au bord ‘de la rivière et furent protégés , dans leur retraite, par la cava- lerie des ligueurs qui les conduisit jusqu'auprès de Ceyssac, place soumise au roi. (ARNAUD). (176) vergne, du Languedoc; le prince de Nemours, frère utérin de Mayenne, quitte Lyon, où il commande, pour venir au secours de ses frères dévoués, et sur son rapide passage, Monistrol, Saint-Didier, Yssingeaux se soumet- tent en tremblant. Ce fut le 26 août qu'il fit son entrée solennelle au Puy, à la tête d’une armée considérable (1). (1) .….Le 26 du mois d’août, il est arrivé en cette ville du côté d’Espaly..…. Tous les iliers sont allés au devant en grand nombre, que faisoit beau voir! Ils marchoient en bataille; la justice étoit à cheval ayec des robes longues... Un cornette est allé saluer le prince à la prairie derrière Espaly, et les habi- tans venoient après marchant en bataille. Il y eut différend entr’eux (les uns voulant passer premiers, les autres aussi). Donc, la justice vint pour les mettre d’accord, en disant : Voulez-vous tomber en confusion devant le prince! Ce fut dit. — Tous les capitaines marchoiïent devant, toutes les enseignes ensemble, quarante de front; et le prince a pris cela fort agréable. Ensuite les compagnies sont allées le saluer et lui les a bien remerciées. Les six consuls attendoient le prince à la porte et lui offri- rent le pavillon blanc, qu’il refusa en disant qu’il n’en vouloit point. Il entra dans la ville où toutes les maisons étoient gar- nies comme le jour da corps de Dieu; et les enfans crioient : Vive le prince catholique !.. Partout on portoit des flambeaux et des chandelles allumées par les rues jusques à la tendue de son logis. Le juge mage Bertrand était toujours auprès de lui, — Quand il fut vers Saint-Vozy, la grande église est venue le quérir en procession ayec la sainte croix et on le conduisit devant l’image de Notre-Dame. Alors toutes les cloches de la grande église sonnèrent, il fit son oraison et se retira à l’évêché. BUREL, (manuscrit original, vol. 11, fol. 272.) (4770) Le lendemain matin il fut visiter Espaly et s’éton- na de la persistance des Aniciens à assiéger un château qu’il regardait comme imprenable même avec le canon, et que, suivant lui, la famine seule pouvait dompter, À son retour, sans perdre un instant, il monta dans la salle capitulaire de Notre-Dame pour présider l'assemblée générale des ligueurs. — Dans cette réunion, entièrement consacrée aux intérêts les plus urgens du pays, René d’Hautefort, vicomte de Cheylane, sieur et BARON DE L'ESTRANCE fut proclamé gouverneur du Puy, sous le bon plaisir de Mayenne, lieute- nant général du royaume. — Une double formule de serment fut ensuite arrêtée pour ceux qui, dans la noblesse et la bourgeoisie, voudraient se détacher du roi de Navarre, conformément à la dernière bulle pontificale. Les jours suivans le prince voulut voir les prin- cipales places des environs, Chemin faisant, il indi- qua à Messieurs de la ville, émerveillés de ses con- naissances profondes dans l’art stratégique, celles qu’il était important de conserver et celles qu'il fallait détruire. Ce qui n’empêcha pas que pendant ce temps il mit touten œuvre pour attirer adroi- tement la noblesse vellavienne dans son parti. Mau- bourg, Chalencon, Beaune, d’Adiac et quelques autres serallièrent bientôt. — Chaste fut inébran- lable. En vain Nemours envoya-t-il plusieurs fois à Polignac pour le séduire Charles de Coligny, d’Ap- 12 (178) chier, plusieurs chanoines et consuls; le sénéchal ne voulut entrer dans aucun arrangement pour ce qui lui était personnel. Quant aux autres officiers de sa suite, tels que le doyen Grolhac, Chante- mule, lieutenant principal de la sénéchaussée, Claude Martel, lieutenant de prévôt, Gaspard, son frère, baïlli de la cour commune, d’Agrain, greffier, etc, ils exigeaient, pour rentrer en ville, qu'on leur rendit leurs charges dont les ligueurs avaient disposé. — L’évêque se renferma dans ses précédentes déclarations et, sans vouloir se séparer de la noblesse, renouvela l’engage- ment de ne rien faire de sa vie qui püt être con- traire aux intérêts et au bonheur des gens du pays (1). Nemours voyant que ses efforts ne parvien- draient jamais à gagner le sénéchal et la ma- jorité de la noblesse, leur fit proposer une trève de trois années. — De Chaste, plein de con- fiance dans les destinées royales du Béarnais, se montra de son côté très-disposé à accueillir un projet déjà si souvent tenté par lui-même et dont voici quelles furent les conditions : (1) Ce qui concerne le duc de Nemours se trouve dans les ménoires originaux de Burel, volume 11, page 271 et suivantes, ( 179 ) Articles accordés entre Monseigneur le duc de Genévois et de Nemours, et Monsieur de Chaste, POUR LA TRÈVE, AU PAYS DE VELAY. — Monseigneur remettra aux mains du sieur de Chaste la ville et le chäteau de Beauzac, qui seront gardés aux dépens de la ville. — La ville du Singeaux sera démantelée et mise en tel état qu'elle ne puisse nuire ni à un parti ni à l’autre. — Le chiteau de Montbonnet sera mis entre les mains du sieur de Solilhac pour le garder neutra- lement; et, en cas que l’un des deux partis vienne à rompre la trève, ledit seigneur de Solilhac tiendra la place pour l’autre parti. —Tousles actes d’'hostilité, entreprises, courses, ravages, prises d'hommes et de bétail, en un mot tout exploit de guerre, cesseront dans le pays de Velay durant la présente trève; sans qu'il soit loisible à aucun de quel parti qu'il soit d’attenter au repos public. — Les poursuites contre les per- turbateurs seront dirigées aux dépens du pays. — Le commerce, le trafic, le labourage seront libres, sans que les marchands, voituriers ni autres, puissent être molestés et inquiétés. — Tous les ecclésiastiques, nobles, officiers du roi, et autres, de quel parti, état, qualité, con- dition qu’ils soient, seront réunis et réintégrés.— Ils rentreront dans leurs maisons hors la ville, et ( 180 ) jouiront de leurs biens paisiblement, de leurs honneurs, dignités, prérogatives, comme avant les troubles. — Toutes personnes de guerre scront rendues et mises en liberté sans rancon. — Les autres actes pour le pays seront déter- minés aux jour et lieu choisis par son excellence et le sieur de Chaste. — Afin que le contenu en ces présens articles soit exactement observé, il ne pourra être fait aucun acte ayant pour but linterruption de la trève; et si le cas arrivait, les intéressés en por- teront plainte aux chefs de parti ou à leurs repré- sentans dans le pays, afin qu’il soit procédé à une punition exemplaire; sans que pour cela il soit permis d’user de représailles. Lequ:1 accord, de notre part, sous le bon plai- sir de Monseigneur le duc de Mayenne, lieutenant- général de l'état et couronne de France; Charles Em- manuel de Savoie, duc de Genévois et de Nemours, pair de France; promettons, de bonne foi et sur notre parole, de faire entretenir et observerinvyio lablement le contenu des articles pour le temps de trois années à commencer.du jourd’hui, et de faire punir les contrevenans comme perturbateurs du repos public. En foi de quoi nous avons signéiceux de notre main. Au Puy, le 6° jour de septembre 1591. CHARLES EMMANUEL DE SAVOYE, nr us = ( 181 ) Etnous, Francois de Chaste, chevalier de l’ordre du roi, capitaine de cinquante hommes d'armes de ses ordonnances, sénéchal du Puy et Velay, commandant enicelui en l'absence de Monseigneur le duc de Montmorency, premier maréchal de France, gouverneur et licutenant-général pour sa majesté en la province de Languedoc ; promettons, sous le bon plaisir du roi et de Monseigneur le duc de Montmorency, de bonne foi et sur notre parole, de faire entretenir et observer inviola- blement le contenu des articles pour le temps de trois années à commencer du jourd'hui, et de faire punir les contrevenans comme perturbateurs du repos public. En témoin de quoi nous avons signé iceux de notre main. Au château de Polignac, le 10 septembre 1501, CHASTE. Ce traité de pacification fut immédiatement publié par tous les carrefours de la ville, en pré- sence des consuls, du juge-mage, des conseillers et des principaux magistrats. — Nemours partit ensuite pour l'Auvergne croyant peut-être laisser derrière lui le souvenir d’un bienfaiteur, tandis que le peuple désespéré maudissait le passage fas- tucux de ce prince dont les troupes, en quelques jours, avaientoccasioné plus de dépenses, avaient été plus désastreuses envers Ja cilé que n'aurait (02 9 pu le faire une année de famine et de guerres civiles (1). Cependant disons, pour éclaireir les faits et ne plus avoir à revenir sur ceux qui trouvent ici naturellement leur place, quel but se proposait le gouverneur de Lyon en s’immiscant dans les affaires du Velay d’une facon si officieuse. — Nemours, il avait été facile de s’en apercevoir, n’aspirait à rien moins qu’à réunir au Lyonnais le Dauphiné, le Beaujolais, le Forezet le Velay, pour se faire une petite souveraineté de toutes ces pro- vinces réunies sous sa loi. Déjà ce projet s’était plus d’une fois trahi par les précautions, lempres- sement, la ruse, la violence même qu’il avait su employer tour-à-tour dans chacun de ces pays; et comme si ce titre importun de gouverneur, en limitant trop étroitement son autorité, lui rappe- lait des devoirs dont il avait hâte de s'affranchir, il cessa tout-à-coup de le porter, ne signa plus que celui de duc et désormais dans tous ses actes parut affecter une indépendance princière. — (1) Je ne veux oublier le grand dommage qu’ils nous ont fait en ce pauvre pays. — [ls ont battu les bleds de tous les vil- lages , enlevé le bétail et les meubles des maïsons, n’ont rien laissé nulle part; ils ont pris par viole nos femmes et nos filles daus la ville même, et personne n’osoit rien leur dire, car ils menacaient de battre et de tuer, et se livraient à d’af- freux blasphèmes. (BUREL.) 7 - (, 1831) Mayenne heureusement ne laissa pas à ambitieux le loisir d'achever son ouvrage. Dès qu'il crut avoir une preuve suffisante d’usurpation il le fit enfermer dans le château de Pierre-Scize, d’où Nemours ne parvint à s'échapper que pour aller mourir au fond d’un de ses domaines, l’ame brisée d’inquiétudes, de tristesse et de honte. 902 D 0e—— PR NE IX: L'ENTRANGE, GOUVERNEUR POUR LA LIGUE. De 1591 à 159. Le printe n’était pas encore à Brioude, que déjà ligueurs et royalistes reprenaient les armes. Tous se plaignaient de l'infidélité de leurs adver- saires et, des deux côtés, personne ne voulait exécuter les conditions de la trève. -— La Rodde refusait d'abandonner le château de Monthonnet qu'il occupait avec cinquante hommes bien armés, Marminhac, Champétières, Du Puy et les autres capitaines pour la ligue ne se pressaient pas davan- tage de démanteler Yssingeaux, Montfaucon.…., ainsi qu'il avait été convenu. Alors Chaste écrivit à Nemours pour se plaindre, et obtint satisfaction; tandis que l'Estrange marchait contre le cadet de Séneujols qui se garda bien de lattendre, (164) Ces premières démonstrations parurent avoir un instant rétabli la paix; mais que signifient quelques artieles de traité, toujours faciles à élu- der, quand on n’est pas assuré de la bonne foi de tous ceux pour lesquels on s'engage? — Deux mois à peine s'étaient écoulés, et Chambaud repa- rut, Le 25 novembre, vers les quatre heures du matin, il s’abattit sur le village de Mons d’où il détacha plusieurs compagnies pour aller recon- naître les lieux. Ses gens s’avancèrent jusque sous les murs du Puy et, croyant que s'ils parvenaient à faireunebrècheilssurprendraientla villeendormie, ils se hâterent d'appliquer trois petards au Por- talet. Par bonheur pour les citoyens que la trève ne leur inspirait pas une très-grande sécurité et qu’ils n’avaient cessé de se tenir sur leurs gardes; aussi , à la première explosion, les sentinelles donnèrent l'éveil, les cloches sonnèrent, et l’en- nemi épouvanté n’eut que le temps de fuir (1). L’Estrange écrivit aussitôt à de Chaste pour lui demander raison d’une pareille surprise; car il était impossible, suivant lui, que l'allié des roya- (1) Le conseil de ville fit publier quelques jours après une ordonnance, par laquelle il était enjoint à tous les habitans de tenir leurs magasins fermés et d’aller travailler à creuser plus avant les fossés; ce qui fut un nonveau sujet de plaintes et de murmures : environ quinze cents personnes y étaient employées chaque jour. (Histoire du Velay.) ( 185 ) listes eût osé pénétrer dans le Velay sans son ordre. Le sénéchal répondit par de formelles dénégations; et comme Chambaud ne reparut plus, on feignit de le croire, tout en redoublant de précautions. — Toutefois, il faut le dire, cette défiance continuelle était loin de don- ner les résultats qu'on s'était réciproquement proposés. Le commerce, paralysé par la pénu- rie et plus encore par la frayeur, ne se mon- trait nulle part, ou s'il tentait quelques rares apparitions, on entendait parler en même temps de vols commis à main armée sur de pauvres marchands forains. Il est incontestable qu’à cette époque désas- treuse les crimes devaient être fort communs et pouvaient s'expliquer naturellement par la misère générale; toutefois, les partis s’obstinaient à ne voir dans tous que des persécutions politiques. — Les ligueurs du Puy, relégués comme ils létaient, obligés d’attendre leurs approvisionnemens du dchors, ne cessaient d’accuser les royalistes de déprédations dont eux aussi avaient souvent à souffrir. De là, ces défiances (1), ces haines pro- fondes qui, pour si long-temps encore, rendaient impossible toute réconciliation loyale. (t) Quand les ligueurs Aniciens envoyaient leurs députés aux états (convoqués soit au Monastier, soit à Polignac}), ils exi- geaieut que les royalistes leur donnassent des otages. { 1686 ) Les années 1592 el 1593 ne furent signalées par aucun événement considérable dans le Velay. La trève y fut mal observée (1); des deux parts on ne s’appliqua qu’à éluder le traité, qu'à dissimuler, qu'à justifier de continuelles infractions que, chez les ligueurs surtout, le besoin rendit plus d’une fois nécessaires; car l'ilotisme auquel ils s'étaient librement condamnés achevait d’épuiser leurs der- nières ressources (2). Saint-Nectaire mourut le 3 novembre 1593 dans sa paisible abbaye du Monastier. — La nou- (1) Le 3 mai 1592, l’Estrange, à la tête de la garnison du Puy, fut ruiner les fortifications du château de la Valette. — Le 8 août 1593, Nemours vint mettre le siége devant Allègre qu'il forca à capituler. Il se rendit ensuite à Saint-Paulien qu’il saccagea et fit démanteler.—Le 14 septembre, malgré latrève, les sieurs d’Apchier et de Haut-Villars tentèrent de surprendre Saint-Paulien, qui avait été évacué par la garnison de Nemours. — Le lendemain, les royalistes reprirent Allègre sur la gar- aison que Nemours y avait laissée. (2) Les demandes continuelles d’argent que faisaient le gou- verneur et les consuls, occasionèrent, au mois d'août 1593, uu soulèvement populaire. Les autorités furent menacées et les collecteurs eux-mêmes, ne voulant plus se charger du recou- vrement des impôts, déchirèrent les rôles et les jetèrent dans la boue. Le gouverneur ne parvint à apaiser le désordre et à faire acquitter la taille qu’en répandant le bruit qu’une troupe de trois à quatre mille royalistes, campée vers Pradelles , allait entrer dans le Velay et se diriger sur le Puy. (| 187: ) velle s’en répandit sans que personne parut même s’en apercevoir. Les royalistes ne donnèrent pas un regret public à son souvenir, les autres crurent avoir assez fait en gardant le silence; et, tandis que le chroniqueur Burel raconie dans de longs détails l’arrivée de la famille de Joyeuse dans le Velay, les fêtes qu’on lui fit, les tentatives inutiles du duc pour rétablir la paix entre de Chaste et l’Estrange, à peine daigne-t-il écrire dans ses mémoires , pourtant si remplis du nom de Saint-Nectaire, cette phrase glacée : C’est le troisième de ce mois, que notre évéque passa de vie à trépas !,.—Ainsi donc, le courageux, le sage, lintelligent prélat s’éteignit oublié de tous et n’eut pour témoins de sa mort que quelques moines limorés qui se hâtèrent de l’ensevelir dans un des caveaux de leur église, se cachant , pour ainsi parler, comme s'ils faisaient une faute. On eût dit, à la précipitation, au mystère qu'ils mettaient à accomplir ce pieux devoir , qu'ils craignaient de provoquer par un hommage trop solennel la colère des ligueurs , alors terribles représentans du parti catholique en France, Le récit des derniers mois de 1593 et de ceux qui commencèrent l’année suivante, ne révèle aucun changement dans la situation, Hommes et choses restent ce qu'ils élaient. Nous voyons se reproduire et dans la même forme ct dans les ( 168 ) mêmes termes, ces haines, ces lamentations éternelles dont les pages de notre histoire sont toutes si tristement remplies. — Célèbre-t-on à Polignac une victoire royaliste ? au Puy on prend aussitôt le deuil. — Un faux bruit annonce-t-il la mort du roi de Navarre ? la lristesse couvre le chà- teau, et la ville entière chante des hymnes de ré- jouissance. Là coulent des larmes, ici les ligueurs exaltés précipitent par les fenêtres des manne- quins à l’efhigie du prince, les fouettent en place publique, les pendent , puis les brülent aux acclamations généralcs.—Enfin, Chaste fait-1l pro- clamer l’amuistie royale dont les villes d'Orléans, de Bourges et de Eyon s’empressent de profiter ? immédiatement l’Estrange publie , sous peine d'emprisonnement, défense à qui que ce soit de prononcer le nom de limpie……. Avec de pareilles dispositions , évidemment une trève n'était qu'illusoire, et la première élincelle devait suffire pour rallumer la guerre. Vers le milieu de maï une sédition soudaine éclata pendant la nuit dans la garnison de Bouzols. Quelques mécontens venaient d’assassiner le lieu- tenant, de s'emparer de la forteresse et d'y arborer le drapeau royal ; tandis que le capitaine, environné de soldats fidèles , occupait toujours pour la ligue le reste du vieux manoir. Les uns et les autres comprirent bien qu'un combat était impossible entr'eux et que leur sort dépendait de ( 189 ) la prompltude avec laquelle ils pourraient obtenir du secours; ils envoyèrent donc courrier sur coyrrier , les insurgés à Polignac , le capitaine à la ville.—Les ligueurs , beauconp plus rapprochés, eurent l’avantage et se trouvèrent les premiers à appel; les royalistes, de leur côté , avaient bien eu le soin de faire prévenir de suite la garnison de ne pas s'épouvanter, qu'avant peu ils arrive- raient à son aide; mais de Chaste était à La Brosse, quelques autres de ses officiers étaient aussi dans leurs châteaux, de facon que lorsqu'ils parurent il était trop tard, les leurs capitulaient.—Cependant, comme les royalistes avaient honte de se retirer ainsi, ils résolurentdetenter un coup de main. L’Es- trange les laissa s’avancer, feignit de parlementer avec la garnison ; puis , au moment où ils s’y atten- daient le moins, fit brusquement volte-face, dé- chargea sur eux plus de trois cents arquebuses, et les vit tous se disperser dans la campagne, Cette affaire fut un succès pour la ville, sans doute , mais un succès dont elle eut peu de temps à se réjouir; car trois mois ne s'étaient pas écou- lés que le duc de Ventadour, lieutenant de Mont- morency, était à ses portes à la tête d’environ quatre mille hommes.—Le duc, qui ne faisait que passer, nes’arrêla pas à frapper les épaisses murailles du Puy ; il se mit promptement à désoler ses envi- rons,brûla Jandriac et Volhac, fit capituler Poinsac et Latour, de concert avec le sénéchal rétablit le (190) blocus hermélique; ensuite continua sa course, après avoir rendu contre les rebelles les plus sévères ordonnances. S. L. CONJURATION DES ROYALINTES DANS LE VELAY, Massacre de la porte Saint-Gilles; — Mort du Sinéchal; — Suypplice des Conjuris. 1594. La confrérie de la croix n'avait jamais été plus nombreuse , plus vigiiante, plus terrible qu’à l'époque où nous sommes arrivés. Elle étreignait la ville entière comme dans un réseau de fer, et les consuls, le gouverneur lui-même n'étaient puissans que par elle. Nemours, qui comprit bien lors de son passage l’impérieux ascendant de cette compagnie d'exaltés, n’eut garde de quitter le Velay sans s'inscrire sur ses registres, et le pre- mier acte de l’Estrange fut de solliciter l'honneur de porter ses pieux insignes. Le peuple, subjugué par cette volonté éner- gique qui le pénétrait à son insu, qui lui arrivait de toutes parts et qu'il croyait être la sienne, supportail ses maux avec résignalion. — Si par- fois une douleur trop vive lui arrachait quelques (gt) murmures, aussitôt de l'église, de la cour com- mune, de la maison consulaire, du milieu de la rue, mille voix partaient en même temps, lui reprochaient ses pleurs comme une làcheté indigne de la cause sainte; et, docile, il rentrait dans le silence. Nous avons vu pourtant au prix de combien de combats, de combien de douloureux sacrifices, la cité de Notre-Dame, intimidée par ses maitres, sut jusqu'à ce jour rester fidèle à sa vicille devise : Vierge je fus, je suis et toujours le serai!.. L’évêque, le sénéchal, la noblesse frappent pendant plusieurs années à ses portes sans pouvoir se faire ouvrir; prières, menaces, promesses, per- “séculions, rien ne la fléchit. L’émeute au-dedans, le blocus au-dehors, la peste, la famine, la guerre, tous les fléaux enfin s'unissent pour la réduire; elle, courbée sous tant de misères , épuisée , meurtrie, mourante, cherche et trouve encore assez de forces pour relever sa tête. En dehors de la confrérie il se trouvait d'in- telligens ciloyens que ne trompaient ni les fou- gueuses prédications des moines, ni les fausses nouvelles que les ligueurs faisaient incessam- ment répandre contre le roi de Navarre, ni les ordonnances, ni les proclamations terrifiantes du gouverneur. Ils voyaient de leurs yeux le fanatisme envahir, dévorer chaque jour la population; ils (192 ) se sentaient comme les autres entraînés malgré eux dans l'abime et, caplifs d’une société tyran- nique, ils l’entendaient encore exciter leur devoüû- ment au nom de l'indépendance. — Mais, avaient- ils à craindre une oppression plus violente que celle qu'ils enduraient depuis si long-temps ?.. D'ailleurs pouvaient-ils s'abuser; ne savaient-ils pas que toutes les puissantes villes du royaume mettaient bas les armes et que, faibles, isolés comme ils l’étaient, leurs efforts ne servaient qu'à prolonger leur mortelle agonie ? — Ils résolurent donc de préparer le Puy à une soumission, libre aujourd'hui et à laquelle demain peut-être il lui faudrait souscrire humblement. Les officiers de la sénéchaussée venaient, nous ne dirons pas de tenter, mais de préparer cette démarche. — Quelques jours auparavant , en effet, ils avaient mandé le gouverneur dans la chambre de leurs délibérations où ils étaient réunis; et là, s'étaient plaints amèrement de ce qu'au mépris des traités, les troupes de l’Union continuaient leurs courses nocturnes dans la cam- pagne. « Le terme de tant de désordres n’est » peut-être pas éloigné, dirent-ils, alors chacun » sera sans doute forcé de rendre ses comptes. » Pour ce qui nous regarde, nous pensons qu'il » est de notre devoir de magistrat de protester » contre de pareilles félonies; et si jamais des » reproches nous arrivent, qu'ils retombent sur » vous, puisque c’est vous qui commandez ici. » (195 ) À cette apostrophe inattendue, l’Estrange s'était contenté de répondre qu'il ne craignait nullement d’assumer sur sa tête la responsabilité de tousses actes militaires : « Nos troupes, ajouta-t-il , ne » sont sorties que pour repousser les royalistes » ou pour veiller sur les biens des ligueurs. Quant » aux démonstrations hostiles qu’on pourrait leur » reprocher, elles n’ont été de leur part que de » justes représailles. Du reste, puisque les magis- » trats de la cité, hommes sages et dont les avis » méritentd’être prisen considération se plaignent, » ce ne peut être sans doute que parce qu'ils ont » peur de voir la ville surprise au moment où les » compagnies sont absentes ?.. Qu’à celane tienne, » Mais, comme avant tout il faut qu'hommes et » choses, au-dedans et au-dehors, soient sérieuse- » ment gardés, je ferai demain publier de nou- » velles taxes pour augmenter le nombre de nos » soldats. Ainsi, Messieurs , vous serez satisfaits, » Ces paroles imprudentes, dans lesquellesle sar- casme se mélait si cruellement à la menace, ne furent pas oubliées. Le gouverneur courut s’en faire gloire auprès de ses amis, les magistrats les livrèrent aux mécontens dont les clameurs déjà plusdistinctes, plus persévérantes, ne laissaient pas que d’inquiéter un grand nombre de gens. — L’Es- -trange, au lieu de calmer l'agitation toujours crois- sante , s’appliquait au contraire à l’exciter par ses mesures oppressives. C’étaient chaque jour de 13 (194) nouvelles ordonnances bursales, des compagnies qu'il fallait loger, nourrir et payer, des corvées extraordinaires aux portes, aux fossés, aux mu- railles ; on alla même jusqu’à dire que les citoyens seraient incessamment obligés de porter des pierres sur le dos pour bâtir une forteresse au sommet de Corneille, d’où leur généreux commandant se proposait, à la première sédition, de foudroyer la ville entière (1). Evidemment il y avait exagération dans ces amères doléances, et l’histoire s’égarerait dans ses jugemens si elle puisait ses inspirations dans les bruits confus et toujours passionnés de la foule. L’Estrange connaïissait-il déjà les secrètes négo- ciations entamées auprès de la couronne par Joyeuse et le parlement toulousain? Lui-même, à la tête d’un parti vigoureux, comprenait-il qu’en ne traitant qu'après les chefs de la province, il sauverait l'honneur, la foi qu’il leur avait jurée, et concilierait ainsi les scrupules de sa conscience (2) Burel, comme on le pense bien, s'empresse de dénier ce fait en disant : ces déloyaux politiques faisoiént entendre au peuple que notre gouverneur vouloit faire une citadelle'en Cor- neille et mettre des estrangers dedans pour nous faire couper la gorge... Quelle couverture ces larrons prenoient, pour jouer leur jeu de trahison!.. (Manuscrit original, vol. 11, page 347.) (195 ) avec les soins de sa fortune ? ou bien, exempt de préoccupations ultérieures, croyait:l de bonne foi à l’avenir, au succès de sa cause ?—Quoi qu'il en soit, une coalition nombreuse venait de se former.,et contre lui,et contre tous les ligueurs. Flurien d'Orvy, ancien capitaine général, Claude Libot, consul, Jacques Dulac, sieur de Gratuze, quantité de magistrats, de gentilshommes, de bourgeois et de manans , affiliés en secret, avaient juré de s'affranchir au plutôt du joug, et de s’unir au sénéchal, Les assemblées avaient lieu pendant la nuit au château de Polignac. Les principaux conjurés ne manquaient pas de s’y rendre myslérieusement tousiles soirs pour arrêter Ja manière dont ils pourraient arracher la ville au fanatisme cruel qui la décimait, — Si nous n’écoutions que le récit de Burel, ce fougueux ligueur, nous n’atten- drions pas davantage pour flétrir à tout jamais ces traîtres, ces lâches, « ces indignes qui se sau- vent la nuit pour aller vendre leur mére , comme Judas vendit son Dieu. » Etpourtant, après ce que nous savons de la vie intérieure de celle pauvre cité, si triste, si désolée,ne pourrions-nous ne pas voir autre chose que des infämes dans ces quelques hommes qui, pour épargner le sang de leurs amis , de leurs parens, préparent dans Pombre l’œuvre de la délivrance ?.... Tout est.bien convenu pour le 16 octobre. — (196) Une heure après le couvre-feu, quand les ténébres couvriront la ville, Gratuze sortira de sa maison avec une cinquantaine de conjurés et viendra silencieusement attendre le signal sur la place du Plot.—Soubeyran, assisté d’un consul et de quelques hommes dévoués, ira s'emparer de l’arsenal. — A onze heures, la sentinelle de la tour frap- pera cinq coups sur la cloche et aussitôt les amis se porteront en masse vers la porte Saint- Gilles , ayant en tête le consul Libot, revêtu de sa robe rouge, — Dès qu'ils seront arrivés, ils la feront ouvrir à quatre cents soldats royalistes apostés dans une hôtellerie du faubourg. — Alors le sieur de Chalencon et la noblesse fe- ront leur entrée dans la ville (1), aux acclama- (1) Il avait été convenu que ce serait Chalencon qui se pré- senterait à la tête de la noblesse, parce que la populace ayant en haine le sénéchal, on avait craint que sa présence ne jetât un peu de trouble dans la ville. Chaste consentit à céder le commandement à Saint-Pol et la première place à son beau- frère. Il ayait même officiellement promis qu’en cas de succès il ne serait fait de mal à personne. — Cependant, et pour donner ici un exemple de la passion qui anime les récits de Burel, voici ce qu’il rapporte page 361 , vol, 11: — Etant devant La ville avec ses troupes il découvrit son dessein et s'écria: Voicy la ville qu’il nous faut gagner aujourd'hui. — Quelqu'un qui avait l'ame bonne ajouta : Comment le ferez- vous !.. Voyez ces feux allumés partout.=ÆEt Chaste répondit : Ce sont les nôtres qui s'apprétent, = Et le même brave homme (197) tions de la foule qui criera sur leur passage : POINT DE FORTERESSE ! VIVE LA PAIX ET LA VIERGE MARIE !.. Ainsi les choses devaient se passer; mais il arriva que le jour même du complot, une femme vint le dénoncer à maître Colomb, avocat et premier consul. Celui-ci courut prévenir le gouverneur qui, de la journée entière, ne laissa rien paraître de son émotion; — cependant, le soir à dix heures, la maison de Gratuze, celle de Flurien d’Orvy et celle du consul Libot, où étaient réunis les con- jurés, furent brusquement envahies par les soldats de l’Union qui firent prisonniers tous ceux qu'ils y rencontrèrent. Gratuze , dans l'espoir d’obtenir sa grâce, s'em- pressa lîichement de livrer les plus secrets détails de la conspiration au gouverneur qui aussitôt expédia des ordres aux capitainesiliers, pour qu'on éclairât les rues, qu’on prévint les gens sûrs de venir se joindre promptement aux troupes de la garnison, que les opérations se fissent dans le plus profond silence afin de ne pas donner l'éveil et de la compagnie se mit à dire : Mais que ferez-vous des pauvres petits enfans/ — En guerre point de pitié, dit de Chaste, nous commettrons des gens pour les tous jeler au Breuil, = Et plus loin il ajoute: Les femmes du complot avoiïent consigne de porter un ruban noir au cou. Toutes celles qui auroient été sur- prises sans cetle marque, devoientétre violées, et les cnfans occis. (198) qu'on arrêlat jusqu'aux suspects partout où on en trouverait. Il ten même temps changer les avant- postes des remparts en donnant à tous cettestricte consigne de rester muéts, sourds et aveugles , quoi qu’ils pussent voir ou entendre au-dehors. Ces premières dispositions arrêtées, l’Estrange , avec une prudence ét une habileté merveilleuses, retourna contre ses ennemis la perfidie qu'ils voulaient diriger contre les siens. — Au point du jour, il fit avancer plusieurs compagnies de cava- liers qu'il embusqua derrière la tour Saint-Gilles. On ouvrit ensuite la grande porte , comme d’habi- tude etquelques instans après ilsortit accompagné de Jean Barthelemy, ancien consul, ayant Pair de faire sa ronde accoutumée. Pour tromper lesregards il affectait une aisance, une sécurité qu’au fond du cœur il n’éprouvait pas; car il savait plus de cinq cents arquebuses prêtes à tirer sur lui au premier signe. Néanmoins, il avait fait bravement le sacrifice de sa vie, espé- rant, par cette manœuvre téméraire, amorcer l'ennemi, l’entraînér adroitement dans le piège et se venger enfin... — Son compagnon ne paraissait pas aussi tranquille : « Courage, Barthelemy, lui » répétait l’Estrange à voix basse, pensez qu'ils » nous regardent, que le moindre mouvement peut » nous trahir. Ne craignez rien, mon maître,ils ne » seront pas si fous que de tirer sur deux hommes » seuls; ce serait sonner l'alarme, manquer la ( 199 ) » parlie, et les traîtres se croient trop beau jeu » pour ca. » Il n'avait pas achevé qu’un coup de feu, qui sans doute lui était destiné, vint étendre à ses pieds le pauvre ancien consul. — À ce signal toutes les compagnies royalistes, commandées par Louis de Saint-Pol, seigneur de Vaux, sortent du faubourg , s’élancent à la poursuite du gouverneur, se précipitent avec rage sur ses pas jusque dans la ville, mais se trouvent engagées subitement à travers les feux croisés de plus de deux mille hommes (1). Il est trop tard pour reculer. Les plus rappro- chés sont jetés dans les fossés, ceux qui cherchent un asile dans les maisons y sont égorgés ou brü- lés, les derniers peuvent encore prendre la fuite, les autres, poursuivis les piques dans le dos, tombent en marquant le chemin par une ligne sanglante de cadavres (2). — Ainsi moururent de (1) Ils étoient à pied, dit Burel, et avoient laissé leurs che- vaux pour ne pas être découverts, à la plaine de l’arbre Saiut- Jacques. Leurs laquais et une partie de l'infanterie qui se sauva, montèrent dessus et s’en allèrent. Alors vous eussiez vu les corbeaux qui les suivoient. Chose lamentable et digne de mémoire... (BUREL.) (2) Plusieurs royalistes parviurent à se sauver; et quelques autres, qui avaient été faits prisonniers , furent mis en liberte, ( 200 ) Chaste, Chalencon de Polignac, les commandans Laborie, Pont, Lapierre, Nolhac, Chantemule ; deux des fils de Latour-Maubourg , l’Herm et Saint- Quentin; les sicurs de Saignard, de Gorce, de la Véze, et de Chambonnet; les chevaliers de Villemont; — en tout plus de cent cinquante hommes. Le combat, ou plutôt le massacre achevé, les ligueurs rentrent au Puy chargés des dépouilles des morts et célèbrent joyeusement cette journée, la plus triste dans les fastes de nos montagnes, mais pour eux la plus belle, la plus triomphante de leur histoire.—Les cloches sonnent, les églises s'ouvrent , les processions parcourent la ville en chantant des cantiques d’action de grâce, tandis que dans un champ voisin un fossoyeur creuse la terre pour inhumer pêle-mêle l'élite de la noblesse vellavienne... « O quel temps déplorable on nous » a fait! s’écrie le chroniqueur , à qui donc » se fier, puisque l'enfant n’est pas sûr de son » père, ni le père de son enfant! O quel » homme d’église nous avons eu pour pasteur!.. » O quel chef de justice nous avons trouvé en » notre sénéchal, Francois de Chaste!.. Comme il moyennant une rancon qui tenta les soldats de l’Estrange. De ce nombre furent les sieurs de Chabanolles, de Soubeyran et Hector de Fay, dont la rançon fut de mille écus. ( 201 ) » a voulu nous faire justice de sa main! Quels » consuls qui, pères et magistrats d’une répu- » blique, prennent leur robe rouge pour y cacher » un couteau sanglant et mener les pauvres habi- » tans à la boucherie, en leur faisant croire qu’ils » soutiennent le bon partil.. O Chaste! Chaste! » qui nous a tant persécutés, par cautelle, ou en » gagnant les loups de cette ville, grâce à Dieu, » tes méchantes entreprises ont été perdues!.. » O temps presque incroyable! » La joie fut grande chez les ligueurs au moment où ils trouvèrent sur le champ de bataille le cadavre de leur plus mortel ennemi. Tous vou- lurent voir, considérer de près ce terrible séné- chal qui leur avait fait tant de mal. Ils passèrent, repassèrent devant lui les uns après les autres et, sans pitié pour cette image glacée de la mort, ils linsultèrent cruellement, le frappèrent au visage, le trainèrent dans la boue jusqu’au cloître Saint- Pierre où, pendant un mois, ils le gardèrent sans sépulture (1). Des ordres avaient été donnés pour que les (1) La vicomtesse avait envoyé réclamer le corps de son mari; et le seigneur de Haut-Villard avait répondu du haut des murailles au messager de Polignae : « Va dire à ta maitresse que je lui rendrai son époux, quand je verrai revenir mon père, qu’elle retient captif. » Ce fut un mois après, par l’interces. sion de Chevrières, que la ville fit droit à sa demande, ( 202 ) portes restasscnt constamment fermées ct que, sous aucun prétexte, personne ne püt sortir. Durant plus de huit jours les troupes ne furent occupées qu’à faire des arrestations ct les offi- ciers de la prévôté qu'à poursuivre des enquêtes contre les coupables ; ce qui se trouva facile, car les noms des conjurés étaient inscrits sur une liste générale que Flurien d’Orvy avait dans sa poche lorsqu'on s’empara de lui. — Le con- seil commenca par condamner préalablement tous ceux qui se trouvaient sur cette liste à une amende payable en lingots de cuivre (1); mesure urgente dans l’état de pénurie où se trouvait la caisse municipale et que l’occasion légitimait pleinement. Une semaine ne s'était pas écoulée que Gra- tuze, un des fils du consul Libot et un certain Massigaud furent conduits, à sept heures du soir, sur la place du Martouret pour y être pendus aux flambeaux comme traîtres à la patrie. —On leur fit traverser les principaux quartiers pour que leur humiliation servit à ceux qui seraient tentés de les imiter. Ils avaient les bras liés sur la poitrine, tenaient en main une torche de cire allumée, et s’avançaient lentement la tête pen- (1) Pour faire de la monnaie; deux commissaires furent char- gés d’en percevoir la recette. Orvy fut taxé à 10 quinlaux ( 205 } chée, la corde au cou, les pieds nus. — Arrivés vers la potence, ils se mirent à genoux pour cntendre la lecture de Parrêt qui les condamnait à être pendus, qui confisquait leurs biens au profit du Roi, de la ville, de lhôpital, du collége et des couvens;—1ls firent ensuite amende honorable à Dieu, au Roi, à la justice, à M. de l'Estrange et à la ville, puis furent exécutés au milieu des cris de désespoir de leurs nombreux amis. Le lendemain Flurien d’Orvy et un capitaine de quartier subirent le même supplice. Alors, vous eussiez vu un spectacle déchirant et fait pour briser lame! « D’un côté, dit notre » vieil historien, les enfans de ceux qui étoient » en prison alloient en chemise devant le gou- » verneur et crioient : Mercy et miséricorde pour » notre père, Monseigneur! oh! qu’il vous plaise » lui donner la vie! À quoi le gouverneur leur » répondoit : Enfans, je ne le peux, ils sont » entre les mains de la justice... Et les enfans » s’en retournoient en pleurs. »—D'’un autre côté, le peuple impatient voulait à tout prix la mort des prisonniers et se plaignait brutalement des lenteurs partiales de la justice. Pour l’apaiser on promit d’activer les poursuites et, en effet, quatre jours après le supplice d’Orvy on con- damna un serviteur de Louis Mialhon , qua- trième consul. Cet homme se tut jusqu’à la der- nière heure; cependant, quand 1l vit qu'on le ( 204 ) conduisait à la mort, il dénonca son maitre, assura que c'était lui qui l’avait conduit chez Gratuze et que les juges le savaient bien, mais qu'ils préféraient sacrifier les pauvres comme lui que les gens riches. Aussitôt la populace s’ameu- ta, se rendit en troupe chez l’Estrange et chez les juges en réclamant pour tous les mémes poids et la méme balance. « Vous pensez nous abuser, » dit-elle, en faisant mourir les petits et en » voulant sauver les grands... Mais si on ne nous » rend pas raison, nous couperons, nous-mêmes, » la gorge à tous ceux qui l’auront mérité. » — Elle dit, et dépècha trois commissaires aux gens de justice pour les supplier de se mettre de suite énergiquement et loyalement à l’œuvre. — Deux jours après, Louis Mialhon, Chamalhieu, bour- geois, et quelques autres furent pendus. Les confrères de la croix étaient, à n’en pas douter, l’ame de toutes ces séditions.. C’était eux qui poussaient cette docile multitude à demander vengeance d’un crime commis par tant de mal- heureux. Si la conjuration eût triomphé, com- bien seraient venus s’en glorifier qui, maintenant, criaient plus haut que les autres : mort aux infài- mes! — Ces fanatiques trouvèrent donc que les juges travailloient encore trop lächement, pour me servir des expressions du chroniqueur, et, craignant que le gibet ne laissât échapper quel- ques-unes des viclimes dont étaient remplies les (22090) prisons de l’évêque, de la cour commune, du chapitre, du Roi, firent entendre de nouvelles ménaces contre les magistrats et le gouverneur lui-même (1). Le 3 novembre on publia par toute la ville un arrêt du parlement qui enjoignait aux magistrats aniciens de suspendre l’exécution de leur justice prévôtale. Les ligueurs irrités écrivirent immé- diatement à Toulouse contre ce qu’ils ne crai- gnirent pas d'appeler une indulgence criminelle et, nonobstant, ordonnèrent au syndic de la ville d’avoir à poursuivre ses rigoureux devoirs. — Dans cette difficile situation, en présence d’un peuple en fureur, le syndic protesta de son sincère amour pour la ligue et demanda à aller plaider devant le parlement la sainte cause des insurgés. Il partit : et la foule avide de spectacles multiplia ses processions , ses offices, ses jeünes, et se pré- para par la prière publique aux plus implaca- bles vengeances.—Le cordelier Gallesiant, accusé de solliciter un peu d’indulgence en faveur des (1) Les biens des condamnés avaient été déclarés confisqués. Les ligueurs s’occupèrent à s’en saisir. Dans la crainte qu’il n’en fût soustrait à leurs recherches, ils firent fulminer un monitoire contre les détenteurs. — En même temps il fut fait défense aux veuves des suppliciés d’entrer dans les églises, comme excommuniées, et de porter le deuil de leurs maris. { 206 ) accusés, répondit : & Non, non, qu'ils périssent!.. » Ce sera faire beaucoup pour ces traîtres que » de ne pas les écarteler comme ils le méritent; » et ce que je demande pour eux, c’est qu'oniles » envoye tous au gibet... » — Pendant ce temps, on lisait au coin de chaque rue des monitoires contre les détenteurs des biens confisqués (1), et cette singulière proclamation adressée aux citoyens ligueurs : Ces méchans qui sont en pri- son -ainsi que leurs femmes, vont partout se jactant que devant qu'il soit trois mois il nous faudra crier : vive le Roi! Ff que nous prendrons bientôt notre revanche. Ne semble-t-il pas vraiment qu'on.a bien fait tort à ces déloyaux, parce qu'on n'a pas laissé entrer l'ennemi chez nous pour-nous couper la gorge! Ah! traîtres.l —/ 9H OIL — SIA. CHEVRIÈRES, GOUVERNEUR POUR LE ROI, | 1594. Dès que Montmorency connut la mort de son lieutenant dans le Velay, il nomma pour le rem- placer Jacques Mitte de Miolans, seigneur de (x).Je ne veux oublierïles monitoires qui,se.font,en mettant des placards :par tous les carrefours et portes des églises, ( 207 ) Caevrières et de Saint-Chaumont. — « Monsieur, 5» lui écrivitil, cette lettre recuc, partez immé- diatement avec votre compagnie. Il est essentiel que le service de sa majesté ne souffre pas un instant, et que les sujets fidèles reconnaissent bien que nous avons choisi pour placer à leur tête l’homme qui, par son caractère concilia- teur, ses talens militaires, les services déjà ren- dus au pays 'et au roi, peut enfin ramener la confiance et la paix. Faites ce qui dépendra de vous pour atteindre ce résultat tant désiré. Cependant, point de faiblesse; vous découra- geriez les bons esprits, vous enhardiriez les méchans; appuyez nos amis de toutes vos for- ces, voyez ce dont ils ont besoin et faites le nous savoir. Combattez sans relâche les agita- teurs; si vous ne pouvez les vaincre , ‘cherchez du moins à les affaiblir autant qu'il dépendra de vous. Aussitôt que vous aurez entièrement visité la province dont nous vous avons con- fié, pour le roi, le commandement, ne man- ‘quez ‘pas de ‘nous:en faire un rapport afin que les améliorations possibles ne soient pas plus long-temps différées..., etc... (1). martelant les cloches, brülant des fagots, faisant les céré- monies de l’église en signe de malédiction contre ceux et celles qui cachent les biens des traîtres politiques. BUREL. (1) Chevrières s'était déjà rendu dans le Velay lorsqu'il reçut ( 208 ) Les ligueurs n’avaient point oublié le temps où Chevrières était venu au milieu d’eux en ami et n'avait quitté leur ville que béni de tous les citoyens. Alors il était leur défenseur auprès des royalistes; aujourd’hui, ardent royaliste lui- même, sans doute qu'il se disposait à les com- battre. —Ce changement chez un homme qu'ils avaient aimé, les remplit de tristesse. Le nouveau gouverneur se rendit directement au château de Polignac, ainsi qu'il en avait recu l’ordre. Son premier soin fut de notifier aux con- suls la dignité à laquelle il venait d’être élevé et de leur faire savoir en même temps le désir sin- cère qui l’amenait de rester toujours l’allié des habitans du Puy. Comme par le passé il voulait appliquer tous ses efforts à éteindre les querelles et n’avait accepté le pouvoir que pour conquérir une lettre du roi, datée de Paris, le 28 d'octobre 1594, par laquelle ce prince, après avoir déploré le malheur de ceux qui avaient péri dans l’entreprise faite sur le Puy, et particulière- ment du sieur de Chaste, lui donnait le gouvernement de cette ville et du pays de Velay. Le roi lui mandait en même temps qu’il lui aurait fait la grâce complète de lui donner l’état de sénéchal de ce pays, mais que le commandant de Chaste, s’étant trouvé à Paris lors de la nouvelle de ce fâcheux événe- ment, l’avait supplié de réserver cet office pour son neveu, et qu’il n'avait pa s’y refuser. (ARNAUD, histoire du Velay, liv. 4, vol. 2). (209 ) ce but, le plus glorieux triomphe qu'ambitionnât son cœur. Ce langage pacifique, appuyé sur la trève que Joyense et Montmorency venaient de signer, garanti par les nobles antécédens de Chevrières, ne trouva pas les ligueurs aussi indociles qu’on aurait pu le craindre, à en juger par les violences qu'ils exercaient contre les conjurés. Réunis en assemblée générale, ils choisirent quatre commis- saires qui, dès la première conférence , con- vinrent d'observer fidèlement l'armistice procla- mé pour tout le Languedoc. Enfin, le pays semblait comprendre que ses luttes intestines ne décidaient que sa ruine, que ses volontés élaient sans force dans la grande queslion, et que tôt ou tard il lui faudrait subir celles de plus puissans arbitres. Il se résignait donc au repos, lorsque tout-à-coup Joyeuse, mécontent du prix que le roi mettait à sa sou- mission, donna le signal violent de nouvelles hostilités. — Or, cet homme qui se vendait ainsi, qui portait impudemment au marché de la cou- ronne une population crédule, comme il aurait fait d’un vil troupeau, quel était-il? Un moine ambitieux, échappé d’un couvent de capucins, (1) Jacquet , fordoyen de Notre-Dame; Bernard et Chaudron, docteurs en droit; Val'at, bourgeois. 14 ( 240 ) qui prit; quitta, reprit le froc et l'épée et qui, dans sa carrière fanatique, étonna deux fois le monde par l’exaltation de son orgueil et de son humilité. Montmorency, délié de sa foi, fit aussitôt sonner l'éveil, et tous les royalistes animés comme aux mauvais jours songèrent à recommencer la guerre. — Dans le Velay, le gouverneurlieutenant fut bienlôt prêt aux plus rigoureuses représailles ; et, le 6 mai 1595, sur quelques manifestations hos- tiles que cherche à dissimuler notre partial chro- niqueur, mais que démontrent avec trop de clarté les vengeances politiques dont la ville ne cessait d’être le sanglant théâtre, il permit à tout bon partisan du roi, noble, bourgeois ou manant, de s'armer, de bâtir des forteresses, de rompre les chemins, voire même de courir sus aux ligueurs. Les pauvres gens des campagnes, dont on pillait, dont on brûlait les récoltes, auxquels depuis long- temps on apprenait que la guerre était le seul métier qui donnât du pain ,n’eurent garde de man- quer au droit qu’on leur accordait pour un jour.— Les derniers éclats de l’orage retentirent dans nos montagnes comme autrefois on les avait entendus quand la réforme y fit irruption. C’étaient ces mé- mes hordes indigentes, presqu’aussiindisciplinées, qu'on voyait arriver sous les haïllons, armées de faux, de piques, de bâtons, de vicilles arque- buses, et qui s'en allaient dans les hameaux pré- ( 211 ) lever violemment la taxe que les traités accor- daient aux ligueurs. On les appela les compagnies de croquans, parce qu'elles ne se composaient que de villageois qui s'étaient choisis pour chefs deux hommes du peuple comme eux, Billaudon et Montagnac. — La noblesse royaliste, saignante encore de l’affreux massacre de la porte Saint-Gilles, n’entra pas dans celte alliance; mais à la chaleur qu’elle mit à recruter sur ses domaines des soldats pour cette armée, il fut facile de voir si vraiment les plaies de son cœur étaient déjà cicatrisées. Hector de Maubourg, frère de deux victimes, Jean de Chaste surtout, couraient, frappaient à toutes les chau- mières, donnaient des armes, des munitions et de largent à quiconque s’en voulait aller exter- miner ces imaudits, ces exécrables assassins, ainsi qu'ils les nommaient, En quelques jours douze à quinze cents hommes, le plus grand nombre de Saint-Didier , de Dunières, de Sainte-Sigolène, se répandirent dans les man- demens de Momistrol, de Roche-en-Regnier, de Tence, de Montfaucon (juin 1595), où ils sacca- gèrent les domaines des plus riches ligueurs. L'Estrange arma promptement ses troupes et vint au secours de ses amis; mais chaque fois les croquans se dispersaient à son approche comme des oiseaux effrayés, sans qu'il fût possible de les atteindre. — Cependant, un jour qu'ils s'étaient (2e 2) avancés pour faire le siége de Rochc-en-Regmier, qu'ils avaient même déjà pris possession des de- meures environnantes, l'Estrange tomba sur eux à limproviste, en tua plusieurs et fit près de quatre- vingts prisonniers. — Dans d’autres rencontres qui suivirent, ils furent constamment battus et mon- trèrent tellement de vandalisme, de cupidité, si peu l'intelligence du motif pour leqnef on leur avait mis les armes à la main, que Chevrières fit presque aussitôt publier lordre de suspendre toute hostilité. Notre gouverneur pour le roi avait pu facilement s'apercevoir qu’un moment d'impatience lui avait fait commettre une grande faute : en effet, ces compagnies de croquans ravageaient ici ct là sans trop se préoccuper des opinions du maître de la ferme ou du château. Pour elles, évidemment, le véritable ennemi c'était le riche plutôt encore que le ligueur. — Elles s’en allaient moins à la guerre qu’à la chasse, elles ne tenaient point à vaincre, mais à prendre. Dans leur langage, la fuite était prudence, la perfidie habileté; et, grâces à ces provocations funestes des gentilshommes leurs seigneurs, elles mettaient autant d’orgueil que de cruauté à ne ricn laisser après elles. Chevrières, dont la voix avait été d’abord si promptement comprise, dit et répéta, sans se pouvoir faire entendre, les plus sévères paroles pour forcer les paysans à rentrer dans le calme.— (213) Voyant que ses ordres étaient méconnus, que le parti de la ligue s’augmentait, se forüifiait par les persécutions de ceux qu’on regardait comme ses satellites, il fit prendre les armes aux garnisons royalistes du Velay, et lui-même s’en alla briser ces phalanges rebelles, — En quelques mois les campagnes furent entièrement désarmées ; Che- vrières s'était mis en marche, et si quelques mutins osaient résister, le gouverneur, devenu prévôt, les faisait pendre à l'instant. Plusieurs gentilshommes cherchèrent bien à raviver sour- dement les troubles, mais bientôt leurs efforts flé- chirent devant l’énergique volonté du lieutenant de Montmorency. : De son côté lEstrange laissa les royalistes se charger eux-mêmes du soin de réprimer les excès commis en leur nom. Sans qu'un seul mot eût encore été prononcé, il était facile de comprendre que les deux gouverneurs aspiraient au même but. — Les courriers de Toulouse et de Paris se succédaient tous les jours plus pacifi- ques. Le parlement n’avait qu’un pas à faire; Joyeuse attendait une réponse à de nouvelles pro- positions; l’Estrange, qui voyait les grandes pro- vinces du royaume quitter la ligue et se soumettre au roi, se prépara prudemment à une transition difficile. Eh bien! dans ce moment de silence qui pré- cède la réconciliation, alors que les royalistes, + (214) surtout ceux qui avaient donné des preuves d’une longue fidélité, touchaient au but si vaillamment poursuivi, ce Pierre de la Rodde, meurtrier de St- Vidal, ne s’avisa-t-1l pas de déserter son drapeau et de se faire ligueur! La Rodde, à vrai dire, ne servait d'autre cause que la sienne, et pour lui le roya- lisme n'avait jamais été qu’un moyen de couvrir ses brigandages; aussi, le jour où le gouverneur voulut le contraindre à restituer à la vicomté de Polignac un château dont il s’était violemment emparé , le déprédateur courut pactiser avec ses ennemis, ou plutôt, se sauva dans leur camp en transfuge, au moment où ils allaient rendre les armes. S. LII. HENRI IV, De 1590 à 1596. Peut-être la critique trouvera-t-elle que nous avons consacré trop de pages aux événemens qui se passent en dehors de notre modeste théâtre ? Cette observation ne nous surprendrait pas si elle nous était faite, car long-temps elle a dû nous préoccuper.— Nous savions à l’avance qu'en intro- duisant ainsi dans ce livre les grands héros et les ( 245 ) plus dramatiques actions du 16€ siècle, nous pâlissions, nous amoindrissions, par le contraste, des tableaux déjà bien froids, bien nus; rien n’est plus vrai. Mais d’un autre côté, nous avions à raconter une histoire dépendante, et pour nous l'effet fut souvent resté inexplicable si nous n'étions remonté à sa cause, Cette explication acceptée, reprenons : Le roi de Navarre venait de quitter brusque- ment le siége de Paris pour courir au devant des armées espagnoles qui s’avancaient (1590). Son but était d'engager un combat et de regagner son poste avant même qu’on apprit qu'il l'avait quitté. Le duc de Parme sut adroitement éviter la ren- contre ; ct tandis que son ennemi cherchait à l'atteindre dans la campagne, lui marcha en grande hâte sur Paris et le délivra. — Cet échec des royalistes dut retarder pour quelques années encore la solution qu’ils croyaient si prochaine. En 1592, Henri, pensant avec raison que les conquêtes par l’épée ne sont pas suffisantes au prince qui veut régner sur un peuple et en être aimé, laissa pressentir une prochaine abjuration et entama de secrètes conférences avec les par- lemens et les principaux gentilshommes des provinces. En 1593, Mayenne convoqua à Paris les états généraux pour qu'ils eussent à se prononcer enfin au nom du pays sur celui qui devait porter le ( 216) sceptre. — Assis sur un trônc magnifique, entouré de toutes les marques de la puissance souveraine, il présida l’assemblée et sembla s’offrir comme Île seul sur qui le choix dût tomber. — C’est alors que Philippe d’Espagne crut le moment favorable aux droits de sa fille Elisabeth. Ses ambassadeurs le duc de Feria, Mendoze, Taxis, Dieguo d'Ibarra, protestèrent hautement contre l’iniquité du droit salique et réclamèrent la couronne pour lin- fante. Cependant les députés ne se décidaient pas; le roi de Navarre cherchait à suspendre leur déci- sion jusqu'à l'heure où il aurait acquis assez d’in- fluence pour la fixer. — À son instigation le par- lement venait de se déclarer avec courage et à l'encontre de Philippe, pour le maintien des lois antiques du royaume.—Maître de la ville de Dreux, un des greniers d’abondance de Paris, le prince forca les ligueurs à une trève dont ils avaient besoin et leur fit généreusement parvenir des vivres. — Quelques jours après, l’archevêque de Bourges vint annoncer que le Béarnais se faisait instruire dans la religion catholique et qu'avant peu il abjurerait ses erreurs dans l’église royale de Saint-Denis; ce qui, en effet, eut lieu le 25 juillet, au milieu des transports de joie d’un peuple immense. — Enfin, Brissac, gouverneur de Paris, qui s'était fait chef du parti démocra- tique et qui, par lexaltation affectée de ses doc- (217) trines républicaines, avait su détourner le soupçon de Philippe et de Mayenne, porta le dernier coup à la ligue en livrant à Henri les clés de la capi- tale... C’est le 22 mars 1594, à deux heures de la nuit, que le roi doit faire son entrée. Les conjurés ont gardé le silence et pourtant l’ambassadeur d'Espagne le sait. Aussitôt il accourt épouvanté prévenir le farouche Brissac qui affecte une colère violente et qui passe la journée à fatiguer les troupes par de fausses manœuvres. Quand vient la nuit, sous prétexte de prudence, il les campe toutes à l’opposé de l’endroit par où les armées royales doivent être introduites et, à l'heure con- venue, tandis que la ville entière est encore plon- gée dans le sommeil, Henri IV paraît, entre suivi de quatre à cinq mille soldats, s'empare du grand et du petit Châtelet, de l’arsenal, du Louvre; alors les Parisiens s’éveillent aux cris de Amnistie!.. vive Le roi! La clémence fut l'arme victorieuse dont voulut. se servir le magnanime souverain pour glorifer, pour affermir sa conquête. — La Normandie, la Champagne, la Bourgogne, la Picardie, ne tar- dèrent pas à se soumettre; et bientôt les plus mortels ennemis, les plus audacieux ligueurs, Mayenne à leur tête, recurent un pardon généreux. (216) MERE PACIFICATION GÉNÉRALE DU VELAY, 1596. Le 15 octobre 1595, un courrier arriva d'Avi- gnon apportant au Puy la nouvelle de labso- lution générale donnée au roi par le Saint Père.— Le gouverneur et les consuls ne savaient quel parti . prendre. Comme ils ignoraient encore les volontés du parlement, ils résolurent d’attendre quelques jours en silence; mais le peuple qui ne tarda pas à être instruit de ce qu’on lui cachait, murmura et fit entendre par les rues sa plainte accoutumée : « Pauvres gens que nous sommes, hélas!.. nous » faudra-t.1l donc toujours payer l'ambition et les » sottises des grands ?... » Plus de cinq mois se passèrent à attendre au Puy si l’on serait royaliste ou ligueur. N’était-ce pas une situation vraiment affligeante que celle de toutes ces villes inférieures dont les destinées demeuraient ainsi suspendues sous le caprice de négociateurs étrangers ? Pendant ce Lemps, ce qui restait de la fanatique confrérie de la croix s’agi- tait dans l’ombre, cherchait à ressaisir entre ses mains défaillantes un pouvoir qui lui échappait et, profitant pour sa vengeance de celte fatale incertitude, ne cessait de réclamer de rigoureuses me ( 315 ) poursuites contre les derniers prisonniers.— L’Es- trange n'osait se prononcer ouvertement; il y avait trop peu de jours encore que lui-même exci- tait l’ardeur de ceux auxquels il lui fallait résister aujourd’hui. Dans lembarras, il ne vit rien de mieux pour gagner du temps que d'appeler à son aide la décisive intervention du parlement. En conséquence un arrêt intervint. — « Sous trois » mois, les conjurés du 16 octobre 1594 avaient » ordre de se présenter devant la cour, et d'ici à » cette époque tous devaient être élargis en don- » nant caution. » Le gouverneur s’empressa de faire publier ce jugement et fit conduire les détenus aux portes de Ja ville. Mais les ligueurs ne furent pas dupes de ce stratagème. Réunis en tumulte, ils assaillirent les royalistes à coup de pierres et se prirent ensuite à injurier les citoyens qui avaient montré pour eux quelque pitié. Enfin, dans le courant de janvier 1596, Henri IV se rendit au château de Folembray ; et le 24 y signa les conditions définitives de la paix (1).—Joyeuse (1) .… Supplie sa majesté ledit sieur de Joyeuse luy accorder un état de maréchal de France et l’en faire jouir avec les mêmes honneurs, autoritez et droits que les autres pourveus de semblables états, avec dispense de serment, et commander les provisions, estre enregistrées en la cour du parlement de Paris, avec une compaguie de cent hommes d’armes entretenus. — Accordé; avec la dispense du serment pour un an. HENRY. ( 220 ) fut nommé maréchal de France, lieutenant-général pour le roi en Languedoc; — l'Estrange recut le titre de gouverneur du Puy, le droit de se com- poser une compagnie de gens d'armes entretenus aux frais de la province, et un cadeau de trente mille livres. — Les Aniciens furent maintenus dans leurs priviléges et leurs anciennes franchises. — Les villes attachées à la ligue obtinrent la remise des impositions extraordinaires dont elles avaient été frappées et qu’elles pouvaient devoir encore. — Les officiers de la sénéchaussée vellavienne ren- trèrent au chef-lieu où ils reprirent leurs travaux, sous la présidence de Jehan de Chaste, que le roi avait nommé, avait maintenu sénéchal, quoique Joyeuse eût sollicité cette dignité pour l’Estrange. — Amnistie générale, complète et réciproque aux deux partis fut accordée pour tout délit, rébellion, prise d’armes, et quel crime que ce püût être ayant la politique pour cause. Cet édit fut proclamé solennellement à Tou- louse le 12 mars, dans l'assemblée des états. Le parlement l’enregistra le lendemain, et aussilôt des fêtes publiques commencèrent pour célébrer la paix et l’avènement à la couronne du frès-chré- tien Henri de Navarre. Ce ne fut que le 5avril, à 68 heures du matin, que la nouvelle parvint au Puy. — Au même moment toutes les cloches sonnèrent, le peuple se rendit en foule au palais où le juge-mage, l'avocat du ("221:) roi et un consul prononcèrent des harangues sur l’heureuse issue de si longues souffrances. On lut les lettres royales de Folembray au milieu des cris de vie le roil on courut ensuite à Notre- Dame pour chanter un Te Deum; et le reste de la journée et les journées suivantes se passèrent en réjouissances. Les petits enfans parcouraient la ville couronnés de fleurs, les magistrats, les consuls et les dignitaires du pays, précédés de fifres et de clairons, en grand costume, à cheval, chacun tenant à la main une branche de lys, s’en allaient de carrefours en carrefours publier la paix et l’édit du roi. Les processions, qui depuis si long-temps n'avaient plus l’air que de funérailles, reprirent tout-à-coup leur brillant aspect. Le clergé revêtu de ses riches ornemens voulut être le premier à prier Dieu pour l’hérétique converti, à donner au peuple l’exemple de l’oubli du passé !.… Avec quel art, quelle prudence il fit tourner au profit de sa cause l’événement accompli! Sa récon- ciliation prenait tout l'éclat d’un triomphe, et lui seul invaincu parut moins se soumettre qu’ouvrir paternellement ses bras au repentir. (252) TABLE DES MATIÈRES GONTENUES Dans les articles sur les Guerres civiles, politiques et religieuses, par M. F. Manper, insérés dans les Annales de 1837-38 et 1839-40. ———t— 1837-38. F — Considérations générales. pag. 301 IT. — Le Velay au seizième siècle. 310 IT. — Premiers troubles au Puy. 317 IV. — Conjuration d' Amboise. 322 Y: — Progrès de l'hérésie dans le Velay. 527 VI. — Le baron des Adrets.— Blacons. — St-Just. 329 VIL. — Préparatifs de guerre. 556 VIII. — Siége du Puy. 340 IX. — Polignac, le grand justicier. 552 X. :— Une nuit à la Chaise-Dieu. 356 XI. — Les trois saints. 362 XIT. — Catherine. — L'Hospital. — Les triumvirs. 564. XIII. — La foire des Rogations au Puy. 31/4. XIV. — Le citoyen Jacques Guitard. 379 NV — Le Velay. de 1565 à 1570. 387 ( 223 ) XVI. — Charles IX. — Coligny. pag. XVI. — La saint Barthelemy. XVIIT, — Antoine et Magdeleine de St-Nectaire. XIX. — Une messe à Fay-le-Froid. XX. — Le châtelain de Suint- Vidal. XXI. — Siége d'Espaly. XXI. — Adiac.—Chapteuil. —Tence.— Saint-Pal. XXIIL. — La sainte Union. XXIV. — Excursions de Saint- Vidal. XXV. — Siége et prise du château de Saint-Agrève. XXVI, — Les trois Henri. XXVIL. — L'Inquisition au Puy. XXVIT. — Le Velay ravagé par la famine, la peste et la guerre. XXIX. — Pradelles. XXX. — Succès des religionnaires dans le Velay. XXXI. — Conseil des seize, à Paris. XXXII — Conseil des dix-huit, à Toulouse. XXXIIT. — Conseil des vingt-quatre, au Puy. 1839-40. XXXIV. — Le sénéchal de Chaste. XXXV. — Conférences vellaviennes. XXXVI. — La petite Genève. XXXVIT. — Assassinat de Henri LI. XXXVIIL.— Yssingeaux.— Monistrol. — Saint-Didier. ( 224 ) XXXIX. — Confrérie de lu Ste Croix, au Puy. XL. — Le Puy.—Doue.— Solignac. — Espaly. XLI. — Retour de Suint-Vidal. XLIT. — Nouvelles Conférences XLIII. — Le cadet de Séneujots. XLIV. — Un duel. XL. — Funérailles de Saint- Vidal. XELVI. — Serment des confrères de la Croix. XLVIT. — Poursuites contre le Sénéchal. XLVIIT. — Trève de trois ans. XLIX. — L'Estrange, gouverneur your la ligue. L. — Conjuration des royalistes dans le Velay. LT. — Chevrières, gouverneur pour le ro. LIT. — Henri IV. LU. — Pacification générale du Velay. —2/9/0f 401040 —— ERRATA. 1837-58. 107 111 126 155 145 148 157 166 168 171 185 190 206 214 218 Pag. 316, ligne 20, au lieu de spirituel par le, lisez : spirituel et du temporel. 331, ligne 14, au lieu de assoupir, Lisez : assouplir. 374, ligne 15, C’est, Lisez : Ce fut principalement. 379, lig.8, d’un si, lisez: par un si formidable. 433 , ligne 21, au lieu de Guitard, lisez : Guyard. 434, ligne 4, au lieu de Guitard , lisez : Guyard. 434 , ligne 14, même nom à changer. 472, lg. 25, lisez : Sabatier fut pendu. 496, 8 , soumises, lisez: livrées. 1839-40. Pag. 160, ligne 6, au lieu de signes, lisez: cierges. 177, 5, dompter, lisez : soumettre. 185, 6, était loin de donner, Lisez: empêchait les résultats, (1225) AU AA VU M AV ve Ve VAL DUC Pr ve VU LUE MS MMA ME UV MAUV AA AA BRAS AL LA LAS DISCOURS A l'occasion de l'inauguration du buste de M. le maréchal ve Vaux (1)dans le Musée du Pur, Lu dans la séance publique du 25 août 1840, par M. le Vicomte pe Vaux, membre correspondant. MESSIEURS ; Il m'est impossible d'exprimer la reconnaissance dont je suis pénétré, en vous voyant décerner dans ce Musée, une apothéose au maréchal de Vaux. De quels sentimens ne serait-il pas animé lui-même, en présence d’une aussi grande faveur ? En effet, Messieurs, l'approbation de son pays est le témoignage le plus flatteur pour lhonnèête homme comme pour le héros , lorsque surtout c'est une Société aussi capable d'apprécier le mérite, qui, sans aucune brigue d’un côté et sans (1) Charles-Noël de Jourda, comte de Vaux, baron de Roche et desétats du Velay, seigneur d’Artiat, Retournac, etc., etc., maréchal de France, commandant en chef de la province du comté de Bourgogne, gouverneur de Thionville, grand’croix de l’ordre de Saint-Louis et ancien gouverneur général de lle de Corse, etc., etc., était né au château de Vaux, près Yssin- geaux, en 1705. = à 10 ( 226 ) aucun motif d'intérêt de Fautre, vient le donner spontanément el à l'unanimité. Cette approbation fut, pendant tout Te cours de sa loigue carrière, l’objet des désirs de M. le comte de Vaux, et soit qu'il eut à soutenir la gloire de nos armes, soit qu'il se livrât aux devoirs plus paisibles de la vie civile, il aspira toujours à bien mériter de sa patrie. Aussi se montra-t-il cons- tamment digne de la belle devise qui fut inscrite sur son bâton de maréchal de France, Zerror belli, Decus pacis. Pour justifier les honneurs dont il fut comblé par nos rois et celui plus grand en- core que vous lui conférez en ce jour, je devrais donc, par des détails circonstanciés sur les actions mémorables de sa vie, m’efforcer de vous démon- trer qu'il fat aussi grand dans la paix que dans la guerre. Mais les bornes étroites dans lesquelles je suis resserré par vos autres occupations, ne me laissent que la liberté d’effleurer en quelque sorte ses services et ses vertus. Ce fut le 16 octobre 17923 que M. de Vaux com- menca sa carrière militaire, en entrant comme sous-lieutenant dans ce célèbre régiment d’Au- vergne, qui fut surnommé à juste Utre: Sans peur et sans reproche. Ce régiment était devenu celui de notre pays; et il n’est presque aucune de nos familles qui ne figure dans les fastes de sa gloire! En 1733 et 1734, on voit le régiment d'Auvergne Me se distinguer en Italie à plusieurs siéges et décider la victoire à la bataille de Parme. M. de Sasse- lange (1) le commandait à la place du colonel qui venait d'être tué, et M. de Vaux était à la tête des grenadiers. L'un etlautre y furent blessés, etla perte en officiers et en soldats fut considérable. Celle de Guastalla, qui suivit, ne fut pas moins cruelle pour ce régiment. Le roi de Sardaigne, notre allié, y assistait en personne. Voyant le champ de bataille couvert d'uniformes violets (2), il se tourna vers le maréchal de Coigny, en lui disant : Z! ne reste donc plus de ces braves gens ? Voyez, Sire , répond le maréchal, en lui faisant jeter les yeux sur la plaine, soyez leurs débris qui battent encore les ennemis... Le comte de Vaux y fut blessé. : En 1739, le régiment d'Auvergne fit partie des troupes qui, sous les ordres du marquis de Maille- bois allèrent en Corse soutenir la domination des Génois. M. de Vaux, qui avait été fait capitaine pendant la dernièré campagne, fut dans le cours de cette guerre, chargé de plusieurs missions pé- rilleuses. Celle dont 1l s’acquitta avec le plus d’honneur et qui fit réjaillir sur son nom le premier rayon de en de et BR Guns DANS Li 5 DECRN LERVNE NT à (1) M. de Sasselange, notre compatriote, fut créé brigadier des armées le 1°" août 1734, en récompense de sa belle conduite à la bataille de Parme. (2) Le violet était la couleur distinctiye du régiment d'Auvergne. ( 228 ) gloire, futla belle défense de Guisoni. La possession de ce village situé au milieu des monts, dont les habitans résislaient encore, était d’une grande importance pour faciliter la conquête du reste de île. M. de Vaux avait été détaché avec deux cents hommes pour conserver ce poste. À peine établi, il y est attaqué par quinze cents Corses, contre lesquels il entreprend sans hésiter une défense désespérée. Dans l’action, il est blessé à la main droite; et forcé par la douleur à se retirer momen- tanément dans une chambre, il était occupé à s’y faire panser, lorsqu'il entend battre la chamade. L'officier qui l'avait remplacé, effrayé par le nombre des ennemis qui l’entouraient, voulait capituler. M. de Vaux, sans attendre que sa plaie fut bandée, écarte le chirurgien, court à sa troupe, fait battre la charge et ramène ses compa- gnons au combat. Quelques heures s'étaient à peine écoulées, qu'un renfort, conduit par M. de Font- brune, vint l’aider à forcer les Corses à la retraite. « Ilen était temps, ditunhistorien, car la poudre » commencait à manquer. On trouva M. de Vaux » assis au milieu de son poste, baigné dans son » sang, entouré des deux tiers de ses soldats tués » ou blessés. Il y avait plus d’une heure qu'il avait » eu le bras cassé d’un second coup de feu et qu’il » continuait à donner ses ordres. » Cette belle défense lui valut les félicitations de ses chefs, l’admiration de l’armée, la croix de ( 229 ) Saint-Louis et le commandement de la place de Corte, capitale de la Corse. En 17942, M. de Vaux suivit son régiment qui alla renforcer l’armée d'Allemagne aux ordres du maréchal de Broglie. Celui-ci, menacé par deux ar- mées plus fortes que la sienne, avait été contraint de rétrograder jusque sous les murs de Pragues. M. de Vaux chargé de soutenir avec un détache- ment d'infanterieles efforts d’une partie des troupes autrichiennes, les repoussa pendant einq semaines. Mais enfin il fallut céder au nombre et chercher un refuge dans les murs de la ville. C’est alors que commenca ce siége fameux où l’on vil les débris d’une armée de plus de cent mille Francais réduite des quatre cinquièmes , renfermés dans une ville ennemie, résister long-temps à des forces trois fois supérieures se renouvelant sans cesse et ne manquant de rien, leur faire éprouver de grandes pertes et s’immortaliser enfin par une retraite moins longue, mais plus périlleuse que celle des dix mille, si célébrée par l’antiquité. Jamais effortsne furent mieux concertés, n1 plus énergiquement exéculés que ceux qui assnrèrent la défense de cette place. Tous les chefs comme tous les régimens affaihlis par les maladies et la misère se faisaient une fêle d’aller à la brèche. Le régiment d'Auvergne fut un de ceux qui s’expo- sèrent le plus et M. de Vaux celui de ses officiers qui prit le plus de part à ses dangers. Chargé de (230 ) commander dans le chemin couvert, dit redoute du Piémont , il y demeura vingt-un jours, ayant sous ses ordres jusqu'à huit cents hommes; tou- jours entouré d’ennemis, toujours attaqué ou at- taquant et n'étant jamais relevé de sa personne, tandis que les fatigues et les pertes obligeaient de remplacer son détachement tous les trois jours. M. de Vaux, non content de se défendre dans ce poste, faisait presque toutes les nuits des sorties sur les assiégeans, et en commanda une lui-même en plein jour sur une troisième parallèle dans la- quelle il parvint à éloigner les travailleurs et à re- pousser la garde qui les soutenait. Le maréchal de Broglie fut si satisfait de la conduite de M. de Vaux dans ces divers commandemens supérieurs, qu'il crut devoir en rendre compte au roi, et ce fut sur cette recommandation que peu detemps après (1) il fat promu au grade de colonel du régiment d’Angoumois. Après ce siége, on voit M. de Vaux à la tête de huit cents hommes s'emparer de plusieurs forts et couvrir les fourrageurs et les convois. En 1743, chargé du commandement des gre- nadiers à l’arrière-garde du comte de Bavière, il combat pendant toute la marche avec succès. L’an- né suivante, il assiste à plusieurs siéges et y est toujours chargé des commissions les plus péril- (2) 6.mars 1743. (. 2340 leuses. A celui d'Ypres, il fait prisonnière toute la garde du chemin couvert, ce qui détermina le gouverneur de la place à capituler. Au siége de Tournai et de la citadelle, il com- mande les grenadiers pour l'assaut; il se trouve, la même année 1745, à la bataille de Fontenoy, au siége d'Oudenarde, à celui d'Undermunde, et, quoique n'étant encore que colonel, il est chargé de défendre cette dernière place qui devait être en première ligne des quartiers d'hiver. Il eut la plus grande part au siége de Bruxelles, et le succès de ses attaques décida la prise de la place. Le maréchal de Saxe l’envoya à la cour pour en porter.la nouvelle, et il fut créé brigadier le lendemain de sa présentation au roi. Il se distingua à la bataille de Raucoux, secondé par le régiment ‘d'Auvergne qu'il avait dans sa brigade. Ce régiment était commandé par un de ses compatriotes, M. de Choumouroux, lieutenant- colonel, qui, peu de temps après (1) et à l’exem- ple de son oncle, M. de Sasselange, fut aussi créé brigadier en récompense de ses éclatans services. M. de Vaux donna encore, en 1543, des preuves de talent et de courage dans trois siéges impor- ans, et fut blessé à celui de Berg-op-Zoom d’un éclat de bombe. Peu. de temps après, dé- taché au village de Voü, pour remplacer le com- (1) 1° janvier 1745. (332 ) mandant du poste, qui craignait de ne pouvoir s'y défendre, il ne perdit pas un moment pour s’y re- trancher, et il en vint heureusement à bout sans se- cours d'argent ni d'ingénieur. Dans la nuit du qua- trième au cinquième jour, lesennemis y marchèrent au nombre de dix mille, mais ils furent repoussés par M. de Vaux, et perdirent quatre ou cinq cents hommes. Cette défense fut d'autant plus admirée, que si elle eutéchoué , M. le duc de Chevreuse n’eut pu se soutenir au siége du fort Rouërs, et M. de Lowendal qui gagna son bâton de maréchal à celui de Berg-op- Zoom, eût été obligé de le lever. Aussi, à la mort de M. le comte de Blou, qui eut lieu peu après sa nomination au commandement de cette dernière place, personne ne parut plus digne d'y commander que M. de Vaux , dont la conduite avait tant contribué à la soumettre. Une dernière blessure qu’il recut en conduisant un convoi d’ar- tillerie à Anvers, ajouta encore à ses services et fut cause qu'à la première promotion qui eut lieu après la paix d’Aix-la-Chapelle, il fut créé maréchal-de-camp (1). En 1757, il fut envoyé, pour la seconde fois, en Corse, et y alla relever M. le marquis de Cas- tries dans le commandement d’un corps d’infan- terie de quatre mille cinq cents hommes. Il y ee eme om 2 (1) 10 mai 1748. (283 trouva l’occasion de montrer son courage et son zèle, en se portant à-propos au secours de divers détachemens, et défendant par son attitude les intérêts de nos alliés et la dignité du nom francais contre les prétentions des Corses. Lorsque bientôt après, nos troupes qui n'étaient alors qu'auxiliaires, furent retirées de l’île, M. de Vaux fut nommé lieutenant-général. À peine le comte de Vaux avait-il quitté la Corse, qu'il recut l’ordre d’aller en Allemagne commander une division sous les ordres du maréchal de Bro- glie. Là, il prit part à différens combats, enleva plusieurs redoutes, des ponts et chassa toujours les ennemis des positions les plus formidables. Son génie militaire, développé par sa longue expé- rience, se fit dès-lors remarquer par une apütude spéciale pour les siéges et les attaques de postes. Aussi le maréchal qui avait apprécié depuis long- temps son mérite , le chargeait-il des attaques les plus difficiles, et il s’étonnait souvent de le voir surmonter des obstacles qui auraient arrêté tout autre général. A la fin de cette campagne, il eut le comman- dement de la ville de Gottingen, en première ligne des quartiers. Il fut obligé d’y faire continuellement la guerre pour ramasser des fourrages, lever des contributions et éloigner les ennemis, Le prince Ferdinand fit l'investissement de cette place , alors mal forüfiée, pendant douze (254) jours; mais par des attaques réitérées, le comte de Vaux l’obligea d’en lever le blocus. L'année suivante, il eut son cheval tué au com- bat de Philinkausen; il commanda plusieurs dé- tachemens qui réussirent à éloigner les ennemis et se trouva à plusieurs siéges. | En 1962, ilcontinua de commander à Gottingen; il enleva aux Prussiens un quartier d'infanterie, à quatre lieues de la place, et peu de jours après, il fit prisonniers six cents hommes de leurs troupes légères. La défense qu'il soutint et la perte des ennemis , qui fut à ce siége de plus de trois mille hommes, lui méritèrent les félicitations particu- lières des maréchaux de Soubise, d’Estrées et de Broglie. Tout le corps des officiers de la gar- nison était déjà venu lui exprimer son admiration et le complimenter sur le gouvernement de Thion- ville que le roi venait de lui accorder en témoi- gnage de sa satisfaction (1). « (1) Cet officier- général est peut être celui de toute l'Europe, écrivait M. de Guibert, en parlant de M. le comte de Vaux, » qui entend le mieux l’usage qu’il faut faire de l’infanterie dans D Y » les siéges et dans les affaires de postes, parce que personne » n’en a plus vu et avec plus de sang- froid et de réflexions. Deux » traits de sa carrière sufliraient pour l’éloge d’un homme de guerre, etils ne font qu'ébaucher le sien : il commandait dans » Gottingue pendant l’hiver de 1760 à 1761 et il vient de sou- » mettre la Corse, » Y © (Essai général de tactique). ( 285 ) Nous touchons à l’époque la plus glorieuse de la vie de M. de Vaux, je veux parler de la célèbre expédition de Corse, qui eut pour résultat d’ajou- ter une province nouvelle à la France et de lui donner en partage la gloire qui a immortalisé Buonaparte (1). Les Génois ne se sentantpoint assez puissans pour retenir sous leur domination cette nation belliqueuse, venaient de la céder à la France en lacquit d’une ancienne dette. Louis XV qui en- trevoyait les avantages dont la possession de cette ile pouvait nous doter , résolut d’en hâter la con- quête et de remettre le commandement de cette expédition aux mains d’un général dont le talent pût garantir le succès; il jeta les yeux sur M. le comte de Vaux. Ce général s’'empressa de répondre à la confiance du roi: nommé commandant en chef dans le mois de février 1769, il débarque en Corse le 9 avril, fait marcher son armée le 3 mai, et malgré les difficultés que lui présentent une guerre de montagnes dans un pays sans ressource; des ennemis sans nombre, animés par l'amour de l’in- dépendance et soutenus secrètement par les An- glais; des chefs habiles et exercés aux combats par plus de trente années de guerre sans relâche, en moins de deux mois, il parvint à réduire File entière à l’obéissance, Le célèbre P. Paoli, aban- (Gi) Grâce à la conquête de la Corse par M. le comte de Vaux, Buonaparte naquit Français à Ajaccio, le 15 août 1760. ( 236 ) donné de ses partisans qui avaient été obligés de rendre les armes après mille combats succes- sifs, s’était embarqué le 13 juin sur un bâtiment anglais et avait ainsi mis fin à la résistance des Corses. M. le comte de Vaux recut le gouvernement général de cette île, et pendant un an qu'il le conserva , il y maintint l’ordre par sa fermeté autant que par sa modération. Mais on s'attendait en France à ce qu’une plus noble récompense vint signaler l’une des plus promptes et des plus brillantes expéditions qui aient honoré nos armes. Déjà la gravure, croyant devancer la faveur royale, avait représenté le comte de Vaux en costume de maréchal de France et de chevalier de l’ordre du Saint-Esprit. Ces honneurs avaient été conquis sur le même théâtre à d’autres époques , par les ma- réchaux de Terme et de Maillebois, et on ne pou- vait se faire à l’idée qu'un général qui était arrivé au même but en surmontant de bien plus grands obstacles, ne fût pas l’objet de la même faveur. Mais M. de Vaux, aussi modeste que brave, sut attendre sans murmure une dignité à laquelle son mérite devait le faire appeler quelques années plus tard, et lorsque Louis XVI ayant reconnu l’indépen- dance des colonies anglaises de l'Amérique, voulut, eu 1779, opérer une descente en Augleterre et attaquer au cœur nos ennemis de tous les temps et de tous les lieux, il trouva le comte de Vaux prêt À servir ses desseins. Honoré du commandement (237) en chef de celte importante expédition, à laquelle devaient concourir les flottes réunies de la France et de l'Espagne, une armée de cinquante mille hommes et tous les officiers les plus distingués de l’époque (1); il avait concerté si bien ses plans, pris siexactementsesmesures, exalté siadroitement l’espritdeses troupes, qu’ilne doutait plusdusuccès, lorsque des circonstances indépendantes de lui vinrent s'opposer à l’exécution de ce vaste projet. Cette guerre eut accru nécessairement l'éclat de notre général, mais ses services n’en parurent pas moins dignes alors des plus hautes distinctions militaires de l’état. En 1760 , il fut nommé com- mandant en chef de la province du comté de Bour- gogne, et le 153 juin 1783 promu à la dignité de maréchal de France. M. de Vaux ne dut son élévation qu’à son mérite. Pendant les règnes de Louis XV et de Louis XVI, sous lesquels la faveur et l'intrigue décidèrent si souvent des premiers postes de l’état, aucun géné- ral ne réunit en sa personne plus de qualités pour le commandement militaire. Une stature élevée faisait ressortir sa figure noble , à laquelle des sourcils épais donnaient une expression de sévérité que justifiait d’ailleurs son caractère. Instruit par l'étude et l'expérience des devoirs des officiers de es, (1) Le marquis de Lafayette revint exprès d'Amérique pour prendre part à cette expédition, et il fut employé dans l’armée de Vaux. ( 258 ) tout grade, il n’ignorait aucun des abus auxquels leur négligence peut donner lieu. Delà, sa rigidité inflexible contre toutes les infractions aux lois de la discipline. Cette rigueur lui fit perdre quelque- fois l’affection de ses officiers; mais son attention pour tout ce qui tient au bien-être du soldat, son zèle pour l'application d’une justice égale pour tous, et surtout ses connaissances pratiques dans toutes les parties de l’art si compliqué dela guerre, lui obtinrent toujours un dévouement sans bornes de la part des troupes et une confiance qui leur faisait braver tous les dangers, lorsqu'elles étaient sous son commandement. Aussi puis-je dire que M. le maréchal de Vaux fut le premier homme de guerre de son temps, et si son nom n’a point été mscrit par l’histoire à _côté de celui des plus illustres capitaines, ce sont les grandes occasions plus tôt que le génie qui lui ont manqué. Mais si les qualités militaires de M. le comte de Vaux jettent plus d'éclat , ses vertusciviles sont plus faites pour le rendre cher à la postérité et à ses concitoyens. Après avoir justifié la première partie de sa belle devise, Terror belli, me reste, Messieurs, à vous démontrer qu'il a également mérité la seconde : Decus pacis. C’est au moins dans ses vertus, qui la lui ont acquise, que je re- trouverais avec plus d’effusion les sentimens qui » ( 239 ) l’'animeraient en ce jour. Elles furent la source de sa haute destinée, en lui méritant la confiance de ses souverains et de ses chefs, l'estime de ses égaux, le dévouement de ses subordonnés, le respect et l'admiration des ennemis, et lui firent remplir sa carrière avec nn zèle soutenu et des succès mémorables. M. le comte de Vaux, ainsi que ses pères, mit toujours aux premiers rangs de ses devoirs, la gloire de la religion, de son roi, de sa patrie, la justice, la bienfaisance, le désintéressement, la sobriété et le travail. Dans de grands écrits de sa main, sur Part mi- litaire, il pose en principe que : le premier devoir dun soldat est d'avoir une religion et de la prati- quer. Il la recommandait à ses enfans; elle était dans son cœur et présidait à ses œuvres. Jamais on ne le vit, dans sa longue carrière, se laisser entraîner dans les dissensions civiles, ou adopter ces innovations désastreuses que méditaient depuis long-temps de prétendus régé- nérateurs. Il chercha toujours à servir noblement son roi et sa patrie, et ne se crut jamais en droit de leur refuser ses services, malgré les infirmités inséparables d’une vie quise prolon- gea jusqu'à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Pendant cette longue succession d’années, où il avaitété constamment éloigné de ses foyers, soit par les devoirs que lui imposait le commandement des armées , soit par les affaires importantes auxquelles | ( 240 ) l’assujettissaient ses divers gouvernemens, ses pen- sées et ses vœux étaient pour son pays, qu'il affec- tionnait vivement. 11 prescrivait à son homme d’affaires de lui rendre compte de tout ce qui s’y passait ; il ne restait étranger aux événemens d’aucune famille et il s’'empressait, dans les occa- sions, de leur témoigner la part qu'il y prenait. Il s'associait en quelque sorte d'avance, Messieurs, à vos travaux, car en donnant des ordres pour ses propriétés, il recommandait des plantations de müriers, des soins pour les vers à soie (1), la cul- ture des prés artificiels, l'aménagement régulier de ses forêts, la fabrication du vin, etc., etc. Seigneur haut-justicier de Retournac et de Roche-en-Regnier , il mettait le plus grand soin au choix d’un juge. Il tenait à ce qu’il ne constituât pas les plaideurs en frais, à ce qu’il jugeât sur les titres et non sur les clameurs de la chicane; et dans les occasions délicates, il intervenait lui- même. Il faisait sentir aux parties leurs torts réciproques et les accommodait, Son humanité et sa bienfaisance n'avaient pas de bornes dans la vie civile. Je ne vois aucune de ses lettres au gérant de sa terré de Vaux, où il n’en offre quelque preuve : « Donnez à celui-ci... » Envoyez à celle-là... N'oubliez pas un tel... » Vous m'écrivez que les grains ont peu de » valeur, tant mieux pour les pauvres; c’est le » moment de les vendre..……., etc. » eo —— (1) On faisait annuellement de la soie à Vaux. (241) L'Histoire de Corse à rapporté un trait de sa générosité que je ne saurais passer sous silence : « Lors de la dernière guerre dans celte île, il fut » fort étonné de voir un de ses habilans se jeter » à ses pieds, implorant sa clémence. C'était celui » qui l'avait blessé, il y avait trente ans, à l'affaire » de Guisoni; et il s'était vanté, cetle fois, de lui » porter un coup mortel. Instruit de ses mauvaises » intentions, M, de Vaux ne lui fait aucun re- » proche, lui parle avec bonté, lui donne une » somme d'argent et fait distribuer des secours à » sa famille. » Son désintéressement a toujours été sincère, parce qu’il avait peu de besoins, ayant pour prin- cipe qu'un militaire ne doit pas s’abandonner au luxe et à la mollesse. Un trait qui le caractérise et que peuvent attester, Messieurs, des Membres de votre Société, officiers en 1780 dans l’armée réunie pour opérer la descente en Angleterre, c'est le refus qu'il fit au prince de Montbarey, alors ministre, d’une augmentation de traitement pour sa table, vu la pénurie des finances de l’état. Le roiinsista; « Je ne peux accepter, ré- » pondit le comte de Vaux, celle marque de » bonté du roi, et ce sera le seul ordre de S. M. » auquel, dans tout le cours de ma vie, je me » serai cru dispensé d'obéir. » Il était d’une grande sobriété. Au milieu des repas somptueux, auxquels son rang Jui imposait 16 ( 242) l'obligation d'assister, sa nourriture se composait uniquement de légumes cuits à l’eau, la plupart du Puy; et sa boisson, de vin blanc de ses pro- priétlés de Retournac. Son attachement comme ses goûts étaient pour le Velay. Quoique accueilli honorablement par ses souverains, quoique distingué à la cour pour ses hauts faits militaires et sa longue expérience, quoiqu’entouré de ses enfans et de ses amis qui y occupaient des places élevées, quoique proprié- taire d’une belle terre dans la Bourgogne, son plus vif désir était de finir ses jours dans la demeure de ses pères, dans le lieu de sa naissance. Il le té- moigne dans beaucoup de ses lettres, et son tes- tament prouve encore plus sa volonté à ce sujet: il veut être enterré dans sa chapelle de Vaux; il y fonde une annuité perpétuelle de messes; il lègue même les sommes nécessaires pour la cons- truction d’un mausolée, qu'il prie M. Julien, notre célèbre compatriote , d'exécuter, non par un motif de vaine gloire, mais pour l’émulation de sa fa- mille : ce sont ses propres expressions. Personne de vous n’ignore les causes qui ont empêché l'érection de ce monument (1). (1) Le corps du maréchal de Vaux fut transporté, peu après sa mort, dans l’église de Retournac, et déposé dans la chapelle Sainte-Anne, qui appartenait à sa famille. Il devait y rester jusqu’au moment où la chapelle et le mausolée, dont le maré- chal avait donné lui-même les plans, auraïent été exécutés, et auraient offert un monument convenable à ses restes mortels. (245) Un jeune successeur de Julien, un artiste qui deviendra également cher et glorieux pour le pays, a bien voulu, Messieurs , sur votre demande, con- sacrer ce beau buste à la mémoire du maréchal et le faire revivre parmi nous. Qu'il me soit permis de lui offrir ici l’expression de ma reconnaissance. M. le comte de Vaux s’occupait de son état dans le cabinet aussi bien que dans les camps. Il avait étudié les guerres de l’antiquité, celles de notre monarchie et des états voisins. Il a laissé des écrits pleins d'intérêt sur les devoirs des officiers et des soldats, sur leur instruction, sur le service des places, etc., etc. Plusieurs de ses préceptes ont été reproduits par M. de Guibert, dont le père était lié d’amitié avec M. de Vaux, depuis le temps où ils avaient servi ensemble dans le régi- ment d'Auvergne. L’Essai de Tactique du fils est encore aujourd’hui la base de la théorie militaire. Il est certain, Messieurs, que durant le cours des services de votre compatriote, la science de la guerre fit des progrès immenses, et en voyant ses écrits et les détails de sa conduite, on ne peut douter qu'il n’y contribua beaucoup. On lui attribue un troisième volume de Mémoïres sur la guerre de sept ans, qui porte sur cette époque des lumières Mais la tourmente révolutionnaire en décida autrement. En 1793, l’appât du gain et l'illustration de son nom lui attirèrent Ja plus odieuse des profanations. Son tombeau fut violé , son cer- cueil de plomb fondu et ses ossemeus, après avoir servi de jouets aux cannibales, furent relégués dans la fosse commune. (244) extrémement précises. Ses plans sur la conquête de la Corse et sur la descente qu’il devait com- mander dans les iles britanniques, étaient clairs, sûrs et furent entièrement approuvés. Les minutes de ses lettres formeraient plusieurs volumes in-folio. Lors de la conquête de la Corse, le roi lui fit demander un plan d’administration pour celte île. IL le donna dans les vues les plus sages et demanda dès lors qu’elle devint une pro- vince française. Des raisons de santé ne lui per- mirent pas d'en garder le gouvernement, et ce fut lui qui désigna M. le comte de Marbœuf pour lui succéder. Dans la dernière misssion qu'il recut du roi, celle de faire enregistrer au parlement de Grenoble les édits bursaux, 1l apporta, quoique malade, tout le dévouement, toute la sagesse, toute la fermeté que prescrivaient les circonstances. Les ordres de la cour furent exécutés; il empêcha la réunion des mécontens dans la ville; mais l’exaltation étaittrop générale, et ilne put s'opposer à ce qu’elle eut lieu au château de Vizille. Sans doute, cette résistance hâta sa fin. Il eut néanmoins encore la conso- lation de recevoir et de mettre aux pieds du roi le repentir d’un des principaux corps de la province, Il mourut en activité de service, j'allais dire sur le champ de bataille, le 14 septembre 1788, conservant toute sa présence d'esprit et sa haute intelligence. Ses dernières paroles furent une re- commandation aux officiers qui entouraient son (: 245") lit de mort, de rester fidèles, quoi qu’il arrivdt, à Dieu, au roi et à leurs devoirs. Malgré la rigueur qu'il déploya dans l'exécution des mesures sévères qui lui avaientété ordonnéès, tout le monde rendit justice à sa fermeté, sa bravoure, ses connaissances militaires, sa bienfaisance, sa modération, son dévouement au roi,son amour pour le peuple, sa grande prudence et sa religion, et à juger par les regrets qu'il inspira, il fat mort moins grand à Vaux ou à Paris qu’à Grenoble. Eu finissant, Messieurs, permettez-moi de me ré- sumer en deux mots: toute la vie deM.le maréchal de Vaux à été consacrée à la gloire de son pays; en ce jour c’est vous qui immortalisez la sienne! AAA AA AA A AS AS AS VA AA AV AV UV M AR AR AS AV VA AU LU UE AV AN AAA VUE AR MEILELAN MAROURS D'ALLÉGRE 3 Par M. Félix GReLLET, membre non résidant. ExTRaAIT du Manuscrit de la ville d'Issoire. INTRODUCTION. La maison d’Allègre est une des plus nobles et des plus anciennes familles de l'Auvergne. Ses diffé- rens membresontoccupéles emploisles plus élevés et fait les alliancesles plus brillantes. Les ruines de cette vicille forteresse qui, après des siècles, se ( 246 ) dressent encore avec orgueil sur le sommet es- carpé du mont Boury, viennent atlester la puis- sance redoutable des anciens possesseurs de ce château. Et cependant, tandis qu'une partie du donjon existe encore et que l’élégance de sa cons- truction sollicite au loin les regards et l’admi- ration du voyageur, que reste-t-il, hélas! de tant de prospérité? Cette noble race s’est éteinte, et l’histoire ne nous a conservé sur elle que des souvenirs bien vagues et bien incomplets. C’est donc pour nous un devoir de plus, de réunir avec un soin religieux les rares documens qui sont épars cà et là. Nous voulons aujourd’hui transcrire dans ces Annales un épisode que nous trouvons dans un manuscrit du 16€ siècle; mais on nous permettra, pour faire mieux comprendre les circonstances dramatiques qui sont consignées dans le manus- crit d'Issoire, de tracer une biographie rapide de Meillan, marquis d’Allègre. Yves, baron d’Allègre, était échanson du roi Henri III; ce fut en sa faveur que ce prince érigea cette baronnie en marquisat pour le récompenser des services qu'il avait rendus aux rois Henri II et Charles IX. Le marquis d’Allègre fut aussi désigné avec le duc d’Escars pour aller en Allemagne servir d’otages au prince palatin. Mais ses nom- breuses années l’empêchant de pouvoir entre- prendre un aussi long voyage, il se fit remplacer ( 247 ) par le baron Meillan, son neveu. Ce fut sans doute pour le récompenser d’avoir accepté un poste tout à la-fois si honorable et si périlleux, que l’année suivante il l’adopta et l’institua pour son héritier. Le jeune baron se rendit donc en Allemagne avec le comte d’Escars et ils furent en- semble se mettre dans les mains de Jean-Casimir, prince palatin. Mais le roi de France n’ayant pas payé la somme qu’il avait promise, on saisit les otages et on les emprisonna au château d'Heidel- berg. Is y restèrent de 1576 à 1581. Le jeune baron de Meillan fut à peine sorti de prison et revenu en France, qu'il eut à plaider contre ses cousins qui, en son absence, s'étaient emparés du marquisat d’Allègre. Le parlement lui donna gain de causeet lui adjugea la terre d’Allègre avec tous les biens dont Yves, son oncle, avait pu disposer en sa faveur. Deux ans après, il se battit en duel avec Guillaume Duprat, baron de Viteaux, fils du chancelier de ce nom. Ce combat, qui eut lieu dans le champ placé derrière les chartreux de Paris, fut une lutte À outrance. Les deux adversaires, nus en chemise, combattirent long-temps avec un cou- rage et une adresse remarquables; mais enfin , le baron Viteaux, qui avait été le meurtrier du père du marquis d’Allègre, fut atteint d’un coup d’épée et resta mort sur la place. Quelques années plus tard, le marquis de Meillan ( 248 ) était dans son château d’Allègre , quandse présenta un valet porteur d’une petite boîte fort artistement travaillée à l’extérieur. Ce valet demanda à voir et à entretenir le marquis d’Allègre, disant qu’il était envoyé vers lui par sa sœur Isabelle, épouse de Gabriel de Quesnel, pour lui remettre cette boîte ainsi qu'un message qui l’accompagnait. Meillan le fit introduire auprès de lui, recut la lettre et s’empressa de la lire. Pendant ce temps, le mes- sager, qui ignorait sans doute ce que contenait la boîte, se prépara à exécuter les ordres qu'il avait recus, et, voulant l'ouvrir pour étaler aux yeux éblouis du marquis les choses précieuses qu’elle devait contenir, il fit jouer le ressort qu’on lui avait indiqué. Tout-à-coup un bruit épouvantable se fit entendre; la boîte, brisée en mille pièces, sauta de toute part; Meillan et l’imprudent mes- sager, renversés et couverts de sang, tombèrent sur le plancher. A ce bruit terrible et inattendu, les serviteurs du château accoururent en foule pour connaître la cause de l’explosion. Ils trou- vérent leur maître gisant sur le plancher et sans connaissance. Ils le relevèrent et lui prodiguèrent aussitôt les soins les plus empressés, Ses blessures fort heureusement n'étaient pas graves, aussi en peu de jours fut-il complètement rétabli. Quant au valet, porteur de la boîte, tout son corps était meurtrietil avait recu plusieurs blessures fort dan- gereuses, mais dontilne mourut pas cependant. ( 249 ) On ramassa dans la chambre les débris de la boîte, on les rapprocha les uns des autres et l’on reconnut bientôt, avec le plus grand étonnement et la plus profonde horreur , que cette boîte avait contenu trente-six canons de pistolets chargés cha- cun de deux balles etqu’il y avait un ressort disposé de facon qu’en ouvrant la boîte il faisait partir à la fois les trente-six canons. L'imprudent messager, mis à la question, dé- clara que la boîte lui avait été remise par un nommé Chantepié qui disait avoir été chargé, par la dame de Quesnel, de la faire ‘parvenir à son frère. Ce dernier fut arrêté, soufl:it d’abord avec le plus grand courage les tortures si cruelles de la question, en protestant de son innocence; enfin, il avoua qu'il avait envoyé la boîte et qu’il l'avait construite lui-même. Il fut condamné à être roué publiquement et le supplice eut lieu en Grève, le 26 septembre de l’année 1587. Nous allons encore, pour mieux faire com- prendre la position du marquis d’Allègre à Issoire ct les causes qui ont amené sa mort tragique, indiquer brièvement l'Histoire de la ville d’Issoire pendant les guerres religieuses du 16€ siècle, Dans le cours de l’année 1540, un Jacobin, autorisé par les consuls de la ville, avait prêché à Issoire la doctrine de Luther. De nombreux par- tisans étaient venus se ranger autour de lui. La perséculion même vint en aide à celte nouvelle ( 250 }) doctrine et doubla le nombre de ses prosélytes, Commandés successivement par Chavignat et par le fameux capitaine Merle, les huguenots de ce pays avaient vaillamment soutenu leurs croyances et défendu la liberté religieuse contre la persé- cution des catholiques : Issoire avait été tour à tour le théâtre de la guerre et de la victoire des combattans; tour à tour aussi, elle avait été prise, reprise, ranconnée, pillée, saccagée par les deux partis. Le 20 mai 1577, des troupes aux ordres du duc d’Alencon étaiezt veuues mettre le siége devant la ville; elle fut attaquée et défendue avec un grand courage et une rare habileté; enfin, les habitans, réduits à la dernière extrémité et privés de vivres ct de munitions, furent obligés de se rendre, Les catholiques entrèrent dans la ville pour en prendre possession, et à peine en furent-ils les maîtres qu'ils violèrent les traités. Infidèles à la foi jurée et trompant la confiance des habitans, ils se ré- pandirent par la ville et passèrent au fil de l'épée tous les cioyens qui opposèrent quelque résistance au pillage et à la destruction. Par surcroît de malheur, l’incendie se manifesta sur plusieurs points et un vent violent en propagea les désas- tres sur toute la ville, Nous n’essaierons point de faire un tableau de la scène de désolation et de douleurs qui apparut alors. Qui pourrait en effet peindre avec les vives (251) couleurs de la réalité ces femmes, ces enfans, ces vicillards et tous ceux qu'avait épargné pen- dant le siége les horreurs de la faim et, après la victoire, le bras fatigué du soldat, se frayant une route à travers le feu, au milieu des maisons qui s’écroulaient de toute partelcourantdans la cam- pagne pour y chercher un refuge; puis de là, silencieux et mornes, contemplant les progrès de lincendie, voyant la flamme se répandre sur la ville, gagner l'habitation qu’ils venaient de quitter et tout réduire en cendre? La destruction fut complète; le feu ravagea tout, et de cette ville jadis si riante et si gracieuse il ne reste bientôt plus que quelques pans de murailles qui chaque jour s’écroulaient avec fra- cas. Trois mois ces ruines amoncelées furent désertes; enfin, ces malheureux habitans qui avaient échappé comme par miracle à ces trois fléaux si terribles, la famine, la guerre et l’in- cendie, quittèrent les villages d’alentour où ils avaient recu une hospitalilé charitable et vinrent reconnaître la place de leur ancienne demeure et l'habitation de leurs ancêtres. La ville fut rétablie avec une prodigieuse acti- vité; mais la guerre civile durant toujours dans notre malheureux pays, Issoire redevint un foyer actif des luttes les plus acharnées. Le duc de Randan, dans l'intérêt de la ligue, et le marquis d’Allègre, dans l’intérêt du roi Henri, cssayaient ( 252 ) de toute manière de s'assurer le gouvernement d'Issoire. Une première fois, après que les habi- tans eurent chassé le duc de Randan qui occupait la ville, le marquis d’Allègre, favorisé par la tra- hison des Auteroche et aidé par cent vingt hom- mes que lui avait amené l’échevin de Clermont, s’empara de la ville. Nous ne voulons point rap- peler toutes les circonstances de cette surprise; on nous permettra cependant une courte citation, pour faire connaître un fait qui honore celui dont nous aurons à rappeler la fin si déplorable. « Le sieur d’Allègre, dit le manuscrit d'Issoire, élant accompagné de ses gens et de ceux du parti des Auteroche, il s’en fut sur la place et fit crier à tous : J’ive Le Roi! Aussitôt après, les Auteroche le sommèrent de leur tenir parole selon leurs conventions, c’est-à-dire de les venger de leurs ennemis, ainsi qu'il leur avait promis de les faire tous périr à son arrivée. Mais sa réponse fut : Messieurs, je ne suis pas venu dans cette ville pour venger vos querelles et vos débats particuliers ; j'y suis venu seulement pour le service du Ror. Cependant, pour les contenter, il en fit empri- sonner quelques-uns qu'ilfitrelàcher presque aus- sitôt après. » A quelques jours de là, cette malheureuse ville fut reprise par leduc de Randan, qui y laissa pour gouverneur le sieur de Chalus. Puis, enfin, avec le secours des échevins de Clermont et après la (255 ) terrible bataille de Cros-Rolland, où perit le due de Randan, elle tomba de nouveau au pouvoir de ceux qui tenaient pour le roi de France. M. D'ALLÈGRE revient à Issoire. Le sieur d’Allègre étant en cour pendant que ces affaires avaient lieu à Issoire, en ayant appris le résultat, il sollicita vivement auprès du roi le gouvernement de la ville; ce qui lui ayant été accordé, il s’envint à Issoire promptement. Il arriva peu de temps après Pâques, toujours même an- née 1590; il en prit le gouvernement et fut recu ‘avec grande démonstration de joie par les habitans et particulièrement de la part des Auteroche, par les conseils desquels il se conduisait bien souvent. Quelque temps après son arrivée, M. d’Estrée vint le trouver avec tout son train et vécurent ensemble. Il y avait peu de temps que le gou- verneur était établi, que les Auteroche reprirent leur haine et leurs premiers projets de vengeance, et lui dénoncèrent le lieutenant Espagnon , comme un méchant homme et grand ligueur. Le sieur d’Allègre , qui se rappela alors qu'Espagnon n’avait pas voulu s'intéresser pour lui lorsqu'il était con- sul, en 1585, et à l’époque où la ville avait chassé la garnison de Randan, saisit avec plaisir cette occasion de se venger, et décida de faire périr ce pauvre homme qui de sa vie n’avait conspiré en (254) aucune manière contre les intérêts du roi. Le sicur d’Allègre résolut de le faire pendre sans nulle forme de procès, usant en cela d’autorité souveraine comme roi; et pour cela il sollicita un jeune homme pour faire l’exécuteur, vu qu'il n’y en avait pas dans la ville, lui promettant une bonne récompense. Le jeune homme s'étant laissé gagner, il entreprit de faire l'exécution, et vers les fêtes de la Pentecôte, il alla à la prison un peu avant Île jour, où il trouva le lieutenant général détenu et malade d’une grosse fièvre. Ce jeune homme l'ayant approché, lui dit que M. d’Allègre désirait lui parler; et l’ayant obligé de se lever, il fit semblant de le conduire vers le sieur d’Allègre; mais au lieu de cela, il le con- duisit au milieu de la place, où il y avait une potence élevée et une échelle dressée contre ; et étant arrivé au pied, son conducteur lui dit qu’il fallait monter en haut pour être pendu. Ce pauvre homme fit quelque résistance , demandant la cause cet pourquoi on voulait le faire mourir; quels étaient ses accusateurs , ses juges, etc. ; mais enfin , au bout de ces courtes observations, on le forca à monter et il fut pendu et étranglé tout innocent qu'il était. Sa malheureuse femme ayant été avertie par un de ses petits enfans qui était couché avec son père à la prison, courut toute nue en chemise, et ayant apercu le sieur d’Allègre à sa fenêtre, qui regardait cette triste exécution, (2557) se jeta à genoux devant lui, criant à haute voix : Miséricorde, Monseigneur !!! Miséricorde !!! Mais d’Allègre, ne voulant ni la voir ni l'entendre, ferma sa fenêtre. Ainsi fut pendu le lieutenant- général Espagnon, innocent et mourant d’une mort bien rigoureuse; car le nouveau bourreau, inexpert dans ce nouveau métier , tant il y a qu'il faut que chacun apprenne le sien, le fit languir long-temps. Cet acte fut trouvé cruel, hors de toute équité et justice; aussi plusieurs habitans disaient, même ceux qui s'étaient réjouis de son arrivée : Que malheur en arriverait à lui et peut- être à toute la ville, puisqu'il faisait ainsi périr les gens innocens. Aussi depuis ce jour tous ses desseins lui tournèrent à contre-poil, Cet acte rendit le gouverneur et les Auteroche si formidables, que personne n’osait se plaindre des maux qu'ils faisaient; chacun craïgnait d’en être victime. Mais ce qui finit de rendre Île gouverneur encore odieux, ce fut la vie scanda- leuse qu’il menait avec Me d’Estrée et le mauvais succès qu'il eut en deux entreprises qu'ilfilt: l’une sur Sauxillanges, l’autre à Saint-Germain, dans lesquelles entreprises il perdit beaucoup de monde et n’en acquit que du déshonneur en place de la gloire et de l'intérêt que son ambition s’attendait d'en retirer. Il commenca par celle de Sauxillanges; il voulut séduire un homme de notre ville, nommé Florac, (256%) qui s’y était retiré après la prise d’Issoire par Basset. Il fit dire à cet homme que s’il lui pro- curait l'entrée de la ville de Sauxillanges, il lui donnerait une bonne somme d'argent. Florac fit semblant d’être satisfait de sa proposition et indiqua le jour qu'il pourrait lui faciliter l'entrée de la ville, à lui etàses gens; mais aussitôt il fut pré- veuir le sieur Decoisset, son capitaine, des vueset de l'offre à lui faite parle sieur d’Allègre, afin qu'il se mit en garde et qu'il pût prendre des mesures pour attraper d’Allègre lui-même. Il fut décidé que Florac lui désignerait le jour qu'il serait de garde à lPabbaye, à la muraille de laquelle il pourrait appuyer son échelle, el monter hardi- ment sans danger. Le sieur d’Allègre, pour mieux s'assurer de l'exécution, envoya à Sauxillanges un gentilhomme nommé Lebrochet, beaufrère de Florac, qui était l’agent de cette affaire, pour bienreconnaitre les lieux etles avenues queFlorac lui montra bien. Lebrochet , ayant trouvé l’exécu- tion faisable, il fortifia davantage le sieur d’Allègre dans son dessein, au point qu'il assembla ses forces sur-le-champ et partit dans la journée. Mais sur le tard il passa par Vinzelle, pour éviter le grand chemin d'Issoire à Sauxillanges. Le sieur Decoisset, à qui Florac avait dénoncé les projets, manda au marquis de Canilhac le sieur de Montfan le jeune et plusieurs autres de la ligue, de venir à Sauxil- langes, pour prendre le sieur d’Allègre, Ces (257) Messieurs ne manquèrent pas de s'y trouver, M. le marquis s’embusqua dans un endroit près du lieu où le sieur d’Allègre devait tenter l’escalade ; les sieurs de Châteauneuf et Montfan s'embus- quèrent sur le chemin d’issoire, dans le bois de Lafoulhouse, afin de tomber sur l'ennemi dans sa retraite; mais il ne passa point par là. Il arriva bien à lendroit où il devait monter sans étre apercu; et étant au pied de la muraille, Lebrochet appela Florac, qui répondit qu’on montât hardi- ment, demandant en même temps où était M.d’Al- lègre. Sur cela un de ses soldats, nommé Pressat, lui dit : Monsieur, nous sommes trahis, retirons- nous. Mais Florac, qui l’entendit, tira aussitôt un coup de pistolet pour avertir le marquis de Ca- nilhac qui sortit à l'instant de son embuscade, tomba surle sieur d’Allègre et ses gens qu'il miten déroute et les chargea si vivement, qu'il en tua environ 80; le reste se sauva comme il put, Le sieur de Beaupré, d’Ambert, y fut tué et le sieur d’Allègre y recut un coup d'épée sur la tête qui ne lui coupa seulement que le chapeau, et se sauva au château de Vinzelle; et voilà tout le fruit qu'il retira de son entreprise. Celle de Saint-Germain-Lambron fat encore plus malheureuse. L'événement se passa ainsi : le sieur d’Allègre avait concu le dessein de forcer cette ville de nuit, par le moyen du petard et de l’esca- lade; à cette fin, il avait fait venir du côté de 27 ( 258 ) Billom les troupes du sieur d’Auteyrac, environ deux cents hommes, qui, jointes avec ce qu'il avait, auraient pu faire six cents; mais la rivière d’Allier s'étant débordée, ces deux cents hommes ue purent passer pour le joindre; ils se retirèrent à Vic-le-Comte, tenant le parti du roi, pour être en sûreté, en attendant que l’eau fût baissée; mais les habitans de Vic leur refusèrent le loge- ment, et alors ils furent contraints de se jeter dans le fort du village de Parant, où, au bout de deux jours, les sieurs Dandelot, de Canilhac, Montfan et autres de la ligue vinrent les assiéger avec fusil et feu artificiel, pensant les faire brüler dansle fort couvertde paille; mais comme le temps se trouva pluvieux et humide, ils ne purent rien faire, et le sieur Dandelot était sur le point de se retirer, quand les sentinelles qu’il avait placées sur les montagnes voisines vinrent le prévenir qu’ils avaient découvert une grande troupe de gens de guerre du côté d’Issoire, tenant le che- min du bateau de Saint-Yvoine. Il fut aussitôt résolu par tous d'aller au-devant, pour empêcher à cette troupe le passage du bateau. Cependant le sieur d’Allègre était arrivé au bord de l’Allier, il fit passer promptement deux batelets de ses gens, où il pouvait y avoir une soixantaine d'hommes. Le batelier les ayant mis pied à terre, revint en prendre un troisième où il pouvait y en avoir. quarante ou cinquante, et ayant abordé la (259) rive opposée, il les faisait sortir pour venir en prendre un autre. À peine y en avait-il un tiers de débarqué que le sieur Dandelot fut apercu, suivi d’un gros de cavalerie d’environ cinq cents, qui venaient à course de cheval vers le bateau pour les charger. Ils eurent une telle épouvante, qu'ils se rejetèrent dans le bateau avec confusion et beaucoup en trop grand nombre pour repasser sur la rive d’où ils étaient venus. Les bateliers avaient beau leur remontrer que s’il ne sortait pas une bonne parlie du monde qui était dans le bateau, ils se perdraient et feraient perdre les autres; ils n’en voulurent rien faire, et en outre ils contrai- gnirent les bateliers de démarrer le bateau. Les bateliers se mirent donc en devoir de passer de l’autre côté; mais étant au milieu de l’eau extré- mement débordée, ne pouvant se retourner ni ramener leurs barres, ne pouvant plus conduire le bateau, l’abandonnèrent à la merci des flots; et pour les consoler, les gens du sieur Dandelot les suivaient le long du rivage et faisaient feu dessus. Après avoir vogué ainsi un peu loin, le bateau alla heurter un rocher et se fendit en deux, et tout fut perdu; car ceux qui ne savaient pas nager, voulant se sauver, saisirent les nageurs par où ils purent les accrocher et les firent périr avec eux. Ce fut une chose pitoyable que de voir périr cent vingt ou cent quarante hommes, sans pouvoir les secourir, la plupartdela ville d'Issoire. ( 260 ) La présence du sieur d’Allègre leur fut inutile ; lequel, après avoir été témoin d’un si triste spec- tacle, se retira avec la douleur et la honte sur le front, se garda bien de passer dans Issoire. Il s’en fut directement à Meillan et fit bien, car les pères, mères et femmes des noyés étaient bien disposés de lui dire des injures. Il les esquiva, mais un peu plus tard il ne put esquiver quelque chose de plus dur que les injures. Ces affaires se passèrent en 1592; la dernière, le 5 du mois de mai. Mort du sieur D'ALLÈGRE et de Madame D'ESTRÉE 3 en l’année 1592. Le mauvais succès de ces deux entreprises du sieur d’Allègre et la vie qu'il tenait avec Madame d’Estrée, non-seulement les avaient rendus odieux aux habitans de la ville, mais encore à tous les habitans des villages circonvoisins , parce que son revenu et appointement que le roi lui faisait ne suffisaient pas à sa dépense et celle de Mme d’Es- trée. Outre la taille, il exigeait et faisait payer par force de fortes contributions extraordinaires, ce qui lui attira la haine de toute la noblesse, parti- culièrement de M. le marquis de Canilhac qui, ne voulant permettre la levée de ces impositions sur ses vassaux, fut sur le point de l’attaquer en duel. Il faisait pis encore lorsqu'il se trouvait en pé- nurie d'argent; il menaçait Liron de le tuer, s’ilnelui { 264 ) procurait les moyens d’en avoir, laccusant d’avoir volé au château de Meillan, après la mort de son père. Il se montra si intraitable, si terrible , qu’un jour il voulut tuer un des Auteroche, en Jui jetant san épée après, comme il se sauvait de devant Jui. Liron et les Auteroche, voyant leur fortune ébranlée et leur bien à la merci du sieur d’Allègre, résolurent de s’en défaire. Bien décidés, il ne restait plus qu’à trouver les moyens d'exécution et de s'assurer de leurs amis; à quoi Liron sut bien donner ordre, car ce jour même, À une heure après qu’il fut nuit, il manda à ceux dont il se croyait le plus assuré, de venir le trouver chez lui; qu’il avait des choses de la plus grande importance à leur dire. Ils ne manquèrent pas d'y venir, curieux d'apprendre les choses qu’on leur annoncerait. Ceux qui s'y rendirent, furent les Auteroche, Blezin (Pierre), Augier, Chervalange cadet, Chainal , Bouchoix (surnommé Grand- Bessaut), Expoflu de Cros, Antoine Moussinière et quelques autres auxquels il dit : « Qu’aupa- » ravant de leur rien communiquer, il fallait » boire. » A cette fin, il les conduisit dans sa cave, où, après avoir bien bu, leur dit : « Messieurs, vous » savez les bons et fidèles services que nous avons » faits au sieur d’Allègre et combien de fois nous » avons exposé nos vies et nos biens pour lui; et » à présent, pour toute récompense il nous me- * nace journellement et vous et nous de prendre ( 262 ) + notre bien et de nous tuer. Tout ceci n’annonce » autre chose, si ce n’est qu'il veut changer de » parti et nous livrer à nos ennemis. Vous avez » vu, ces jours passés, comme il a parlementé » avec M. de Saint-Hérent, auquel il a fait de » grandes promesses, et que Mme d'Estrée, cette » misérable qui trame ici, les a confirmées. Voilà, » Messieurs, pourquoi je vous ai mandés, comme » les plus gens de bien de la ville, pour délibérer » entrenousles moyens de repousser ces malheurs. » De mon côté, je n’en trouve point d'autre que » de le faire mourir; voulant bien vous prévenir » que si vous n’êtes point d'avis de prendre part » à l’exécution , de n’en rien dire, sous peine de » la vie.» Toute l’assemblée promit de prendre part à l’entreprise, et n’y manquèrent point; de facon que la nuit même, le jeune Liron ayant apprêté un petard, s’en alla avec tous les conjurés à la maison de Charrier,.où M. d’Allègre et Mme d’Estrée étaient logés. En entrant par la porte de derrière qu'ils trouvèrent ouverte, ils mon- tèrent par une échelle sur une galerie par laquelle on allait à la chambre où couchait ledit sieur d’Allègre. Etant montés sur la galerie, Me d’Es- trée, qui était couchée avec lui, dit: «Je sens la » mèche et'entends du bruit à la porte. » Mais M. d’Allègre répondit : « Madame, ce n'est rien.» Mais cependant entendant qu’on secouait la porte de ‘sa chambre, se jeta à bas du lit et s’empressa ( 265 ) de mettre derrière escabelles, coffres, tables et autres choses pour empêcher l'effet du petard; ce qui ne lui servit de rien, parce que la force de la poudre mit la porte à bas et blessa ledit sieur d’Allègre au bras. Malgré cela il ne perdit pas courage. Armé de sa pertuisane, qu’il tenait ordi- narement sous le traversin de son lit, il se dé- fendit si courageusement qu'il repoussa Moussi- nière en arrière, Les assaillans étaient prêts à se retirer sans exécuter leur projet à fond; mais Blesin dit qu'il n’était plus temps de reculer ni de s’en tenir à cela; qu'il fallait tous mourir ou l'avoir; et disant cela, il se jeta à corps perdu sur le sieur d’Allègre, qu'il coucha par terre d’un coup de poignard dans le corps. Tous les autres entrèrent aussitôt dans la chambre, pillèrent tout ce qu’ils trouvèrent à leur convenance, comme vaisselle d’argent, bagues et joyaux de Mme d’Es- trée, d’une grande valeur, et enfin tout ce qu'ils purent emporter. Mme d’Estrée s'était réfugiée dans l'endroit où ses filles de chambres couchaient, et s'était ca- chée dans la ruelle du lit de ces filles; mais le Grand-Bessaut, ainsi nommé et boucher de son métier, s’avanca vers elle pour l'égorger. La pauvre dame voyant approcher cet assassin, s'écria à haute voix : « Hélas! Monsieur, voulez-vous tuer » les dames aussi!!!» A quoi cet atroce assassin répondit : & Oui, nous voulons luer le chien et la (264) » chienne, » et s’élanca sur elle, lui donna un coup de poignard sous la mamelle, duquel elle mourut aussitôt. On pilla également la chambre des filles, jusqu’à la chemise de la dame qui fut tronvée nue dans la ruelle du lit (1). Ces pauvres filles, comme on peut l’imaginer, criaient horri- blement, Miséricorde! craignant que ce barbare leur en fit autant comme à leur maïtresse; mais cependant, après avoir pillé tout ce qui lui con- venait dans la chambre, il s’en alla avec lesautres assassins, sortant tous ensemble par la porte qu'ils étaient entrés, chargés du butin et des dépouilles de Mme d’Estrée. Après l'exécution de ce barbare assassinat, ils furent porter leur butin chacun chez eux. Au lieu de se cacher, ils se rendirent avec effronterie et hardiesse sur la place, où beau- coup d'habitans étaient accourus au bruit du petard, pour savoir ce que c’était et où il avait été tiré. Le peuple les voyant venir, s’adressa de suite à eux comme aux plus familiers du gouverneur, leur demandant s'ils savaient ce que c'était que (1) «Francoise Babou de la Bourdoisière (M®°d’Estree) fut trouvée , lorsque le peuple d’Issoire se souleva contre elle et la massacra, ayant le poil honteux distingué et tressé de petits rubans de soie de toutes couleurs, au rapport d’un homme d'honneur, ami très-confident de la maison d'Estrée, qui me l'a raconté il y a trente-six ou trente-sept ans. » (Journal de Henri III, par Pierre de l'Estoile, t.4, p.426). ( 265 ) cette alarme. Ils répondirent avec la plus grande impudence et ironie : » Ce n’est rien, mes amis, » retirez-vous; c’est senlement le chien et la » chienne qui sont morts. » Alors un gentilhomme du Languedoc, nommé Bressat, fort affectionné au sieur d’Allègre, ayant dit qu’il fallait aller chez le gouverneur pour savoir le fait, incontinent un des assassins, nommé Moussinière, lui tira une arquebusade et le tua en présence de tout le peuple qui se retira aussitôt, chacun craignant d’en recevoir autant. Cette action atroce se passa le 6 juin 1592. Le lendemain, Liron fit mettre dans deux cer- cueils le gouverneur et M® d’Estrée, et les fit conduire à Meillan où ils furent enterrés. Puisque nous en sommes sur la mort tragique du sieur d’Allègre, nous dirons ce que nous avons appris sur cette famille. On peut bien dire qu'il se perdit pour s'être trop familiarisé avec les gens du commun, et avoir rejeté l’amitié et la confiance des principaux gens de bien de la ville, afin de tirer illégitimement leurs revenus pour les em- ployer à l'entretien d’une dame de trop grande dépense. Il fit encore une faute assez commune aux capitaines francais de ce temps-là, qui était de prendre la paie de beaucoup de soldats et d'en avoir peu, pour empocher largent. Comme de fait, le gouverneur n’avait que les habitans, et s’il eût eu une bonne garnison auprès de lui, Liron ( 266 ) et les Auteroche n'auraient point osé entreprendre de lassassiner. Anciennement cette famille portait le nom de Tourzel, en mémoire de quoi ils ont encore au- jourd’hui en leurs armoiries une tour d’argent en champ de gueule; mais depuis environ 120 ans, ils ont pris ie nom de d’Allègre, qui est un marquisat d'un grand revenu, où il y a un beau château couvert d’ardoises, où ils font leur principale résidence. Ils sont tous gens de courage, vaillans etadroits aux armes, amateurs des belles-lettres et capables de remplir de grands emplois, mais vindicatifs, querelleurs, avares, durs envers leurs sujets et adonnés aux femmes. En outre, je ne sais par quelle fatalité ils moururent tous d’une mort vio- lente. La fortune leur est si défavorable que lors- qu’ils ont atteint un degré élevé, elle les renverse à bas ou leur donne quelqnes secousses si rudes qu'ils ne peuvent se relever. On lit dans les his- toires de Charles VII et de Louis XI, que le jeune seigneur d’Allègre s’étant extrêmement bien con- duit à la bataille de Ravenne, voulant toujours poursuivre le victoire contre les Espagnols, il y fut tué comblé d'honneur et de gloire. M. Antoine d’Allègre, seigneur de Meïllan , père de celui qui fut assassiné à Issoire avec Mm* d'Es- trée, était en si grand crédit auprès du roi de Pologne, que Sa Majesté voulut l'emmener avec (267 ) elle en qualité de chancelier et en faire son conseil particulier. Mais étant à Paris, le baron de Viteaux le tua près de la porte de Nesle, où il l’attendait à dessein pour venger la mort de son père, le baron de Thiers, sur lequel Antoine d’Allègre avait commis un meurtre; et il fut en- core vengé lui-même par son fils, qui vint gou- verneur à Issoire, lequel tua en duel le baron de Viteaux à son tour. Après la mort du père de d’'Allègre, on fit une chanson en son honneur, composée ainsi qu'il suit : Des Polonaisle noble roi De sa perfection Le voulait avec soi, Voler par toutes nations, Pour chancelier Mais quoi! la fortune Et premier conseillér, Toujours importune Et sans ce grand malheur, Les hommes vertueux. Il eût fait la grandeur Pleurez, pleurez mes yeux. M. Yves d’Allègre, frère d’Antoine, fut encore tué plus tragiquement. Sa femme, sœur du ma- réchal de camp ou de France d’Anmont, dame vertueuse et prudente, étant maltraitée par lui, se retira chez ses parens; ce que voyant, le sieur d'Allègre rechercha en mariage une autre grande dame, laquelle sachant qu’il était marié, elle se moqua de lui; ce qui l’indisposa si fort, qu’il tint des propos avec beaucoup de jactance contre l'honneur de cette dame; ce qui excila celle-ci à en tirer vengeance. — Voici comme elle s’y prit : Quelque temps après, le sieur **** remit une ( 268 ) lettre au sieur d’Allègre, sous le nom de cette dame, par laquelle elle lui disait, que si elle n'avait pas dans le principe recu agréablement ses recherches, c'était pour éprouver sa constance et non pour dédaigner son amitié; qu’elle ne désirait rien tant que de lui témoigner son affec- tion; qu’à cet effet, il était prié de vouloir bien laisser la fausse porte de son château ouverte certain jour qu’elle lui désigna; qu’elle viendrait le trouver vers les neuf heures du soir, accom- pagnée d’un homme et de deux filles de chambre, et qu’elle désirait entrer par la porte indiquée, pour n’être vue de personne. Le sieur d’Allégre, ravi de cette lettre, lui manda qu’elle serait très- bien recue. L'heure assignée arrivée, il ordonna à ses domestiques de se retirer dans leurs chambres et de n’en point sortir qu'il ne les appelât, et lui- même se mit au lit où il n’eut guère demeuré, que trois hommes déguisés en femmes entrèrent dans sa chambre : l’une d'elles feignit d’être sa maitresse, s’approchant de lui pour l’accoler et tenant une courte dague sous sa robe, lui en lanca plusieurs coups dans le corps. Les autres fausses demoiselles se ietèrent également et au même instant sur lui et le blessèrent si fort qu'il en mourut, ayant recu trente-sept coups. L’exécution terminée, les trois individus se reti- rèrent, sans que jamais depuis on ait pu découvrir les assassins. ( 269 ) Punition des assassins du gouverneur D’ALLÈGRE et de Madame D'ESTRÉE. Ces assassins demeuraient paisiblement chez eux sans aucune poursuite ni recherche de la part de la justice, et ils vaquaient aussi librement dans la ville, comme s'ils n’eussent jamais fait de mal à personne. Mais Liron, homme de jugement, voyait bien qu'un tel délit ne pouvait rester impuni. Il décida avec les Auteroche de changer de parti et de se rendre du côtéde la ligue; ce qu'ils auraient exécuté sans la division qui se mit entr’eux. Liron et Jean Auteroche voulaient rendre la ville au marquis de Canilhac, pour être soutenus et ap- puyés contre ceux qui voudraient faire quelque recherche sur leur crime, joint à ce que le sieur de Canilhac était voisin de la ville et ennemi de feu le sieur d’Allègre. Mais les autres Auteroche, plus méchans que Jean, voulaient livrer la ville au chevalier du Pillon, capitaine de Nonettes, homme cruel et sanguinaire, afin qu'il fit mourir tous ceux de la ville qui n'étaient point de leur faction. Je laisse à penser quelles vues atroces avaient ces Auteroche, de vouloir livrer la ville à un tel homme pour servir lear haine. Chacun des deux partis entr’eux voulait être cru et tächait de prévenir l'autre. Déjà Jean Auteroche avait recu de l’argent du sieur de Canilhac, les autres avaient capitulé avec le sieur Pillon , et l’un d’eux, nommé (240 ) Vidal, avait donné sa femme et ses enfans en otage à Nonette , si bien que d’un côté ou d’autre la ville eût été rendue sans cette division qui causa son salut, parce que pendant qu'ils étaient à discuter les uns et les autres, les habitans de la ville donnèrent avis aux échevins de Clermont de toutes ces trames. Les échevins, pour parer aux inconvéniens, envoyèrent le sieur Derieux , homme prudent, qui tint ces gens de si proche, qu'ils ne purent trouver moyen d'exécuter leurs desseins. Cependant il n’entreprit rien contre eux jusqu’à ce qu'il se fût renforcé en hommes et que Vidal Auteroche, l’un des meurtriers, qui était consul, ne fût sorti de son consulat. Des forces étant arrivées et ayant nommé pour consuls Jean Augier et Jacques Savignat, hommes étrangers aux factions des Auteroche, il résolut de faire punition exemplaire des assassins du sieur d'Allègre, gouverneur, et de Me d’Estrée. Le 127 décembre 1593, un jour de samedi, ayant tout disposé et prévenu les consuls de l'intention où il était de faire punir exemplairement les assassins du gouverneur, quelques habitans qui en furent instruits lui conseillèrent de ne point tenir une telle. marche que de vouloir faire punir judiciairement, parceque, dirent-ils, M. le comte d'Auvergne pouvait les faire mettre en liberté, soit par prières ou par argent. Alors il changea d’idée et fit tuer, sans forme de procès, ceux qui étaient (272) riches et qui auraient pu donner de l'argent, et emprisonner les autres. Le samedi matin, le jeune Liron étant allé chez Charrier où était logé M. de Lachaux, pour lui souhaiter le bonjour , il trouva en entrant un certain sieur qui se promenait dans la salle, lun desquels lui demanda où il avait trouvé cette belle épée dorée qu’il avait à son côté. Monsieur, ré- pondit Liron, l’homme et l’épée sont à votre ser- vice, en la tirant et la présentant pour la faire voir. Ce sieur l'ayant prise, dit à Liron : C’est l'épée d'un traître; et tout en disant cela, il lui en donna un coup au travers du corps. Le jeune homme se sentant blessé, se sauva pour gagner la maison de son père; mais arrivé au coin de la rue, 1] tomba mort à terre. Pendant que cela se passait, le sieur Derieux était allé à la porte du Ponteil pour la fermer, afin que personne ne püt sortir; et, ayant fait lever les ponts, Liron le Père et Vidal Auteroche qui avaient élé se promener, furent bien étonnés de voir le pont levé. Ils demandèrent à la senti- nelle qui était sur la porte, pourquoi on avait levé le pont; cet homme dit au père Liron qu’on venait de tuer son fils dans Ja maison Charrier. Alors le père Liron le pria de lui faire ouvrir, pour voir ce que c'était. La porte s’ouvrit, et ils entrèrent tous les deux; et comme ils s’en allaient le long de la pellière à la maison de Charrier, le (272) sieur Derieux envoya après eux un nommé Chré: tien, de Clermont, qui se faisait appeler le capi- taine Combelle, et un autre, gendarme au sieur d’Allègre, ayant chacun un pistolet à la main, et qui tuèrent le sieur Liron père et Vidal Auteroche près la maison de Saturnin Roux. Après cela, le sieur Derieux s’en fut, accom- pagné des consuls, au-devant de la maison de Court, où 1l était logé. Etant debout devant la porte, il apercut Jean Auteroche, un des assas- sins, sortant de sa maison armé d’une pertuisane et d’une cuirasse. Derieux, en lui criant tout haut : Eh! l'ami! l'ami! en decà! en decà! Ce qu'ayant entendu, Auteroche voulut s'approcher; mais, à moitié chemin , il fut tué au milieu de la place. Quant à Auteroche et Blesin, ils sautèrent les murailles de la ville et se sauvèrent à Pertuis. Le Grand-Bessaut, Germain Auteroche, Pierre Au- gier et le jeune Chervalange sautèrent également la muraille et s’en allèrent en Languedoc. Cepen- dant leur procès fut fait et condamnés à être pendus en effigie. Quatre ayant été tués dans les rues, six ayant sauté la muraille, il en restait encore trois, qui étaient Etienne Auteroche, dit Lataillade, Expoflu de Cros, chapelier, et Antoine Moussinière, qui furent mis en prison et ensuite pendus au milieu de la place. Voilà la punition qui fut faite des assassins du (275 ) gouverneur el de Mme d’Estrée. Le sieur Derieux était grand politique, et son intention était de rappeler dans la ville les principaux habitans qui en étaient sorlis par crainte des Auteroche; mais la mort le prévint, car il fat tué par une ren- contre qu'il ent avec le sieur de Canilhac, au- dessus des vignes de Beau. WWW AA MA AA AAA VV A VAR MU UV A AVE MAR A AVE VU RAR VU US AS AAA UV QHANRPYEARBS, Son histoire, 5e5 antiquités et 5e5 traditions (1). Par M. Félix GRELLET, membre non résidant. 4 $. [. ASPECT. Si, par une belle soirée de septembre, vous remontez au sud-est la charmante vallée de Lan- geac, où tant de sites pittoresques se mêlent à une végétation active, après avoir gravi avec quel- que peine une petite montagne, vous aurez en face de vous un des spectacles les plus imposans et les plus magnifiques que la nature puisse offrir. A vos pieds, de riantes prairies, coupées en tous (r) Nous devons déclarer ici, pour rendrehommage à la vérité, que plusieurs des documens qui nous ont servi à rédiger cette Notice, sont dus à l’obligeance de notreamiM, Charles de Brye, 18 (274 ) sens par les arbres les plus variés et traversées par les eaux limpides et murmurantes de la Dège. Ces prairies semblent être placées là négligem- ment, par un heureux contraste, comme un moel- leux tapis de verdure à la base du promontoire escarpé de Chanteuges. À droite, des montagnes granitiques, qui se prolongent au loin en s’éle- vant, vont se perdre dans les vastes planèses de la Margéride. On distingue difficilement cà et là, sur leur croupe aride, quelques rares arbrisseaux qui s'élèvent à peine au-dessus des bruyères épaisses qui les recouvrent; tandis que sur l’autre rive de l'Allier, la végétation vigoureuse et animée des terrains volcaniques se montre dans tout son éclat et dans toute son originalité. A l'horizon, au mi- lieu de ces pics escarpés qui se découpent sur lazur du ciel comme une charmante dentelle, voyez-vous se dessiner vaguement Îles cônes vol- caniques de la Durande et de la Durandelle, d’où des laves lorrentucuses s’échappaient jadis avec tant de fureur ; puis, en rapprochant vos regards, distinguez-vous, sur ces rochers inaccessibles qui semblent suspendus au-dessus des eaux mugis- santes de l'Allier, l'antique abbaye des Chases qui fut autrefois si florissante et dont il ne reste plus aujourd'hui que quelques ruines éparses? Ici, plus près de vous, est le petit village de St-Arcons qui, tout fier de sa belle position, semble se mirer dans les eaux rapides qui viennent le baigner. (259) Mais dans tout ce paysage si admirable, rien ne peut être comparé à la beauté du site de Chanteuges; car tandis que d’un côté l'œil s’ar- rête avec plaisir sur cette petite vallée qu’arrose la Dège et dont la fécondité étonne, de l’autre côté on entend les ilots tumultueux de lAllier qui battent les rochers de la rive et viennent se briser contre les prismes basaltiques qui ont roulé dans le lit du fleuve. Faites tomber sur ce magni- fique tableau les rayons incertains d’un soleil qui descend à l’horizon et projette, avant de dispa- raiître, ces vastes lueurs rouges dont les tons sont si chauds dans notre belle Auvergne, et vous goû- terez alors un de ces plaisirs calmes et doux qui sont si rares dans la vie et qu'on nomme le bonheur. On arrive à Chanteuges après avoir traversé la Dège sur un petit pont en pierres. Le village se déploie en amphithéâtre à l’ouest d’un plateau basaltique qui, placé au confluent de PAllier et de la Dège, forme une espèce de presqu’ile. Au sommet de ce plateau, vers la partie sud, sont les ruines de l’ancien prieuré de Chanteuges, dont nous nous proposons de faire la description et l’histoire. Quel que soit en effet le zèle éclairé dont on fait preuve de toute part pour la conservation de nos vieux monumens, nous ne pouvons espérer qu'ils soient tous sauvés de la ruine prochaine qui les menace; car malheureusement le zèle et la (276) science ne suffisent point, et les ressources dont on peut disposer sont si faibles en comparaison des besoins! Et puis, est-il donc donné à l'homme d'arrêter l’action du temps et: d'élever des mo- numens impérissables, lui dont la vie est si courte et si fragile? Mais, alors même que les sommes destinées à un si noble usage seraient plns consi- dérables, les emploirait-on à la restauration d’une humble et pauvre église de village, dont le plus souvent on ne soupconne même pas la beauté ? Je sais que le conseil général de la Haute- Loire vient de donner un noble exemple en fai- sant l'acquisition, pour le département, de la ravissante petite chapelle des abbés de Chan- teuges. L’approbation et les éloges des archéo- lognes sont venus l’en remercier : espérons donc qu'il persévérera dans la bonne voie où il est entré; car nos monumens ont grand besoin de sa sollicitude et de sa générosité. Chaque jour, en effet, nos vieilles églises romanes se défigurent et voient tomber quelques-unes de leurs parües. Ne serait-il pas temps enfin qu'une restauration intelligente et complète vint nous rendre la splen- dide cathédrale que nos pères avaient suspendue dans les airs, à côté du rocher de Corneille? Pourquoi ne restituerait-on pas son transepts, à Notre-Dame du Puy ? Pourquoi surtout ne ferait- on pas tomber sous le marteau ces constructions malheureuses que nous devons à M, de Galard et (297 ) qui nous cachent une des coupoles les plus élé- gantes et les plus remarquables de l'art roman ? Ces réflexions nous ont été inspirées par la vue du vieux prieuré de Chanteuges. L'église de ce monastère fut certainement autrefois un des beaux types de l’architecture romane dans notre pays, et maintenañt qu’elle a traversé lant de siècles et qu’elle penche déjà vers sa ruine, elle w’offre plus, hélas! qu'un mélange informe des différens styles qui se sont succédés. Chaque épo- que y à marqué son passage par un anachronisme archéologique. Tristes choses, en effet, que les restaurations inintelligeutes! Elles mutilent les monumens, en détruisent l'intérêt archéologique et préparent aux fulurs antiquaires bien des tour- mens pour vaincre de difficiles et peut-être d'in- solubles problèmes. Grâces au ciel, nos adminis- trations et nos architectes semblent enfin avoir compris qu'il faut restaurer chaque monument d’après son style et qu'on doit chercher à faire revivre le passé aussi fidèlement que possible ct non enter sans intelligence un art nouveau sur ‘un art plus ancien. On parvient sur la plate-forme qu'occupaient autrefois les constructions du prieuré de Chan- teuges, par un chemin escarpé et d’un difhcile accès, qui se plie etse replie plusieurs fois sur lui-même. Des prismes basaltiques superposés forment d’épaisses murailles de souténement, Un ( 278 ) mur d'enceinte à moitié détruit, qui fut peut-être autrefois surmonté de créneaux et de machicoulis, règne encore autour des débris du monastère de Saint-Marcellin. La porte principale d’entrée est située au nord. Elle était défendue par une tour dont le faîte est couronné par des machicoulis et des créneaux. Le mur est aussi percé de meur- trières. Tout près de cette porte, à l’angle ouest, sur l’une des pierres placées au sommet de la muraille de souténement, onlit en caractères fort distincts la date de l’année 1115. Est-ce là la date des travaux préparatoires nécessaires pour la construction de l’église actuelle? Nous serions très-portés à le penser; car, tout en reconnaissant que la charte de fondation , sur laquelle nous nous expliquerons bientôt, fasse remonter l’établisse- ment d’une abbaye à Chanteuges à l’année 936; il ne faut pas non plus oublier, qu'en 1137, cette abbaye fut convertie en un prieuré dépendant de la Chaise-Dieu. Cette transformation eut lieu pour réformer ce monastère que les moines qui l’habi- taient avaient changé en une forteresse. La dona- tion en fut faite à l’abbaye de la Chaise-Dieu, à la charge par elle de restaurer les bätimens, locus ille restitueretur. On peut donc présumer avec grande raison que l’église actuelle fut construite, aux frais des moines de la Chaise-Dieu, sur le ter- rassement qui avait été consolidé peu de tenmips ayant, La disposition de cette église et les détails (279 ) de son ornementation se rapportent du reste par- faitement au caractère distinctif de l’architecture du i2€ siècle. Pour faire mieux comprendre la description archéologique que nous donnerons de cette église et de la petite chapelle qui est auprès, nous raconterons d’abord les faits que l’histoire nous a conservés sur le monastère de Saint-Marcellin. $. IT. HISTOIRE. Vers la fin du 9° siècle, Claude, seigneur de Chanteuges , se voyant sans postérité, concut l’idée de fonder une église collégiale sur la plate- forme élevée qui se trouve entre l'Allier et la Dège. La mort vint le surprendre avant qu'il eût pu mettre à exécution celte pieuse entreprise. Il laissa donc par testament tous ses biens à son neveu Cunebert, chanoine du chapitre de Saint- Julien de Brioude, à la charge par lui de les donner après sa mort à cette noble collégiale. « Ce neveu, dit Audigier (1), qui traduit à peu . près la charte de fondation, fit de sérieuses ré- » flexions sur la volonté de son oncle. 11 commu- » niqua l'affaire à Hector, doyen de l’église de » Brioude, et aux autres chanoines, Il leur repré- » senta qu'il valait mieux mettre dans ce lieu une (1) Histoire d'Auvergne, manuscrit de la Bibliothèque royale. ( 280 }) » communauté de moines, et la raison qui le » fit penser ainsi était que, la charilé étant » refroidie, liniquité inondait le monde et le » désordre régnait partout; que ne pouvant pas » entièrement remplir les devoirs que deman- » dait leur état de chanoine, ils devaient » donner du leur pour fournir à l'entretien de » ceux qui mèneraient une vie pure et exem- » plaire, car Dieu bénirait leur dessein. Ils crai- » gnaient surtout que tant de biens qu’on leur » avait donné en l’honneur deS. Julien, ne leur » attirassent au dernier jour de sanglans reproches » de la bouche de celui qui jugerait l'univers. » On voit par là, ajoute naïvement le Père Au- » digier, que ces généreux chanoines avaient » de la piété et que leur esprit était bien éloigné » de la cupidité (a): » (:) Nousallons rapporter ici quelques parties de la Charte de fondation: «Sane cum et ego et supradictus, noster ducanus, Hector videlicet, omnesque cæteri fratres de instantis vitæ pe- riculis, necnon ét tremendi superni examinis discutione fre- quenter colloqueremur; tandem in hunc consensum cuncti de- venimus, ut prædictum locum pro communi salute ad distric- tiorem, id est monachorum conversationem traderemus, quia nimirum frigescente jam earitate cûm iniquitas mullipliciter inundat, et ita rerum ordo turbatus est, ut juxta canonicam inslitutionem conservari ad integrum requeamus, saltim hoc nobis antè Deum proficiat, si illos qui regulariter vivant de nostro jure sustentemus., Præsertim verd hoc timentes, quod ( 261 ) Au mois de septembre de lan 936, première année du règne de Louis-le-Débonnaire, Cunebert convint donc avec Hector, doyen du chapitre, et les autres chanoines de Saint-Julien de Brioude, de bâtir à Chanteuges.,- sur l'emplacement même désigné par Claude, un couvent de moines, qui suivraient la règle de S. Benoît. L’exécution de cette bonne œuvre fut d'abord confiée aux soins d’Odon, abbé d’Aurillac; mais comme il ne put y travailler, à cause de quelques occupations im- portantes, on mit à sa place Arnulf, bénédictin de la même abbaye, qui fut plus tard désigné par S. Odon lui-même pour le remplacer dans la direction de son monastère (1). Cette pieuse en- treprise fut approuvée par Raymond, comte de Toulouse et duc d'Aquitaine ; par DalmasIl, vicomte et abbé de Brioude; par Gotescale, évêque du Puy (2), et par d’autres personnes de distinction qui en appuyèrent aussi très-vivement l'exécution. ob honorem domni nostri Juliani multa nobis in eleemosynà tribuentur , ne fortè judex universoram nobis illud propheticum improperet, quod nostra habentes pecala populi comederimus. » te (Annales Benedict., t. {IT , p.707), (2) Il fut aussi chargé en 937, par Gotescalc, évêque du Puy, de réformer l’abbaye du Monastier. (2) On lit bien dans le texte de la charte de fondation: 4»nauld et uon Gotescalc; mais c’est ce dernier qui a signé. Il est cons- tant de plus que Gotescalc a été évêque du Puy de l’an 927 à l’aunée 942. Ou peut consulter au reste, à cetégard, l’ÆHistoire du Velay, du docteur Arnaud, t. 1,p. 70 ( 282 ) Six ans plus tard, le roi Louis, sur la demande d’Héric , évêque de Langres et de Gotescalc, évêque du Puy, et à la prière des religieux de ce monastère, autorisa la fondation de l’abbaye de Chanteuges. Les lettres-patentes qu’il donna à cette occasion, portent la date du 15 décembre de l’année 942. D’après la charte de fondation consentie par Cunebert, et retrouvée dans les archives de la Chaise-Dieu, cette abbaye était dédiée, après Dieu le Fils, Rédempteur des hommes, à Saint-Julien de Brioude, à Saint-Julien d’Antioche, à Saint. Saturnin et à Saint-Marcellin, évêque. Saint-Julien d’Antioche et Saint-Saturnin avaient déjà chacun en ce lieu une église qui leur était consacrée. Cunebert fit cette fondation pieuse pour le cha- pitre de Brioude, pour le roi et les princes ses seigneurs, pour lame du duc Guillaume et celle de ses neveux Guillaume et Alfred, et pour l’ame aussi de son oncle Claude. Il ordonna que tous les jours , qui ne seraient point consacrés à des fêtes solennelles, les moinesdiraient deux psaumes pour les vivans; et, afin de donner plus de force et plus de durée à cette prescription, il rapporte, dans la charte de fondation, le privilége accordé à l’église de Brioude, du temps de Pepin-le-Bref, par lequel il était dit : que tout ce qui était réglé par ce cha- pitre devait être ferme et inviolable. Cette décla- ration, consignée par écrit, fut faite dans la basi- ( 283 ) lique de Saint-Julien de Brioude, devant l'autel de Saint-Etienne. Obiérius fut le premier abbé de Chanteuges. Ce fut à lui que Bertrand, curé de Saint-Saturnin, fit donation de son égliscen prenant l’habit de moine pour se retirer dans cette abbaye. Robert remplaca Obiérius ; mais il ne tarda pas à quitter l’abbaye de Chanteuges pouraller prendre la direction de celle d’Issoire, dont il fut le qua- trième abbé. Raymond fut le troisième et dernier abbé de Chanteuges. C’est lui qui, le premier dimanche de carême de l’année 1137, trois jours avant la fête de S. Robert, après avoir déposé la crosse abba- tiale entre les mains d'Aymeric, évêque de Cler- mont, et du consentement des moines de Chan- teuges, fit don de cette abbaye, qui fut dès lors convertie en prieuré, à la congrégation ce la Chaise-Dieu. Ceite donation fut faite avec grande cérémonie dans le chapitre de cette dernière abbaye, en présence de l’abbé Etienne de Mercœur, d’Albéric, primat d'Aquitaine et archevéque de Bourges , et d’'Aymeric, évêque de Clermont. Raymond mourut moine de la Chaise-Dieu. Il était venu sans doute expier dans cette abbaye, par la prière et la pénitence, le scandale que sa faiblesse w’avait pu empêcher à Chanteuges. Voici comment Charles Nodier (1) raconte les (a) Voyage dans l’ancienne France, Auvergne et Velay, t. 2, (264) causes qui firent donner le monastère de Chan- teuges à l’abbaye de la Chaise-Dieu et le firent en même temps descendre au rang de simple prieuré. L « Ce prieuré, dit-il ; fut d’abord érigé en abbaye, mais un incident le fit déchoir et changea la maison du Seigneur en un rèpaire de démons. Un seigneur des environs, né pour un vêtement d'acier plutôt que pour une haire et que son avenlureuse jeunesse rendait propre à devenir le héros d'une épopée dans le genre de lArioste, ou celui d’un fabliau, s’avisa un jour de s’y retirer dans la vie de pénitence, pour expier par Pabsti- nence et la prière d'énormes rapts et de scanda- leuses violences, dont il s'était rendu coupable dans les châtellenies voisines. Itier de Mandulphe, surnommé le Reclus, s'y fit moine; mais loin d’amortir ses passions et d’y éteindre l’ardeur impétueuse de son sang, il ne tarda pas à com- muniquer la corruption du monde et la contagion du péché aux pauvres religieux qui vivaient heu- reux avant lui dans cette retraite, dans la douceur de la paix de Dieu. Une troupe satanique sortit chaque soir du seuil béni, cachant sous le froc cuirasse, dague et épée, chevauchant à travers le pays, imposant tribut à serfs et marchands, et prenant logement militaire dans les couvents des nones. Cette vie désordonnée dura tant que l'abbé Raymond se crut obligé à en porter plainte à ( 265 ) l'évêque, et l'histoire nous a conservé ces paroles mémorables : « Jai vu, dit-il, l’abbaye de Saint- » Marcellin de Chanteuges dans un état déplorable : » son monastère en ruiné, son sanctuaire dé- » pouillé, son église convertie en forteresse, per- » sonne ne servant Dieu, et la sainte maison de- » venue un lieu de refuge pour les voleurs et les » homicides. — Les moines scandaleux furent » dispersés dans des maisons disciplinaires, et le » monastère donné à l’abbaye de la Chaise-Dieu, » qui le réduisit en état de simple prieuré (1). (tu) Charta extinclionis abbatiæ S. Marcellini Cantogilensis unitæ Casæ-Dei. In nomine Patris et Filii, et Spiritüs Sancti, ego Raimundus quondam Cantogilensis abbas, videns tempo- ribus meis Cantogilense monasterium ad tantam destructionem pervenisse, ut spoliato sanctuario, et castellificata ecclesia, nullus ibi serviens Deo reperiretur, sed receptaculum esset predonum et homicidarum; in capitulum Casæ-Dei tertia die priùs festum beati Roberti veni, et curam et administrationem Cantogilensis abbatiæ in manu A. (Aimericus) Claromontensis eépiscopi cum virga deposui, et Casæ-Dei in prioratum perpe- tuo possidendum firma fide, bona voluntate , consensu étiam et concessione Cantogilentiam fratrum attribui, ut per fratres Casæ- Dei locus ille restitueretur, et servitium Dei redintegra- retur. Hoc donum Albericus primas Aquitaniæ laudavit et con- firmavit. Hoc A. Claromontensis episcopus , in capitulo Claro- montensi, me volente et expetente, cum consensu omnium canonicorum fecit et confirmavit. Hoc donum Brivatenses cano- nici, me presente et expetente, pari consensu fecerunt et con- firmaverunt. Hoc ego R. in presentia episcoporum et abbatium et totius capituli Casæ-Dei feci, concessi et confirmavi, et mu- ( 266 ) « Maisla terrible renommée des frères de Saint- » Marcellin a laissé de profonds souvenirs dans » l'esprit du peuple qui, de génération en géné- » ration, se raconte leur histoire: et les vieilles » femmes des environs vous affirmeraient au be- » soin, que leur noire cavalcade n’a jamais failli » depuis des siècles à renouveler ses courses noc- » turnes sous les arceaux du cloître au renou- » vellement de chaque lune. » Quels que soient les détails circonstanciés qui semblent prouver la vérité de cette narration animée et pittoresque, ce pourrait bien n'être cependant qu’une agréable broderie basée sur les données de la charte d’extinction que nous pu- blions en note. Et nous sommes portés à le croire ainsi, non pas seulement parce que nos recher- ches, etcelles de quelques autres personnes beau- coup plus habiles que nous, ont toujours été infructueuses, mais aussi surtout parce que l’ou- vrage de M. Charles Nodier ne contient aucune indication de source , et que lui-même, lorsqu'on linterroge pour éclaircir ce fait, s’abstient de toute réponse. À cet habile écrivain donc, ou l’honneur de cette précieuse découverte si elle nimine sigilli cartam hanc corroboravi anno ab Incarnatione Domini M. C.xxXXVII, rege Francorum Ludovice, Romanæ eccle- siæ Papa Innocentio II + et hoc etiam signum crucis propria manu subscripsi. (267) existe réellement, ou la responsabilité d’avoir ra- conté , pour embellir son récit, des faits qui n'auraient pas eu lieu. La donation faite par Raymond portait pour condition, que l’abbaye de la Chaise-Dieu restau- rerait à ses frais l'édifice en ruine de Chanteuges, et y rétablirait le service divin. Le Pape Lucius II, en 1143, sur la demande d’Etienne de Mercœur, abbé de la Chaise-Dieu , confirma par une bulle tout ce qui avait été fait précédemment. Au mois de septembre de l’année 1317, le pape Jean XXII joignit par une bulle les revenus du prieuré de Chanteuges à la mense de la Chaise-Dieu, afin de maintenir sur un pied honorable l'hospitalité qu’on exercait depuis long- temps dans cette dernière abbaye. Ces deux bulles furent encore confirmées à Avignon par le pape Clément VI, au mois d'octobre 1342. André de Chanac, trente-unième abbé de la Chaise-Dieu, qui était né au Puy etavait été l’exécu- teur testamentaire du cardinal Guillaume de Cha- nac, son oncle, s’était retiré au monastère de Chan- teuges pour se délasser de toutes les fatigues de sa vie passéeet terminer paisiblement sa carrière. Mais son séjour dans ce prieuré ne fut pas de longue durée, car il y mourut la même année, le diman- che 12 mai de l’an 1420. Son corps fut transporté à l’abbaye de la Chaise-Dieu, accompagné par un grand nombre de religieux et de prêtres, et il fut ( 266 ) enterré à l'entrée du chœur de la vaste basilique de ce monastère, à côté du sépulcre du comte de Beaufort. Hugo IT, de Chauvigny de Blot, en l'an 1465, accablé sous le poids des ans et des infirmités, avait, du consentement des moines de la Chaise- Dieu, résigné ses fonctions dans les mains de son neveu Raymond de Chauvigny de Blot. Il se retira à Chanteuges où il vécut dans cette charmante retraite d’une modique pension qu'il s'était réser- vée. C’est là, le 2 août de l’année 1438, qu’il Ler- mina sa longue et glorieuse carrière. Son corps, comme celui d'André de Chanac, fut porté en grande pompe à la Chaise-Dieu, pour y recevoir la sépulture. : Dans les premières années du 16° siècle, Jacques de Saint-Nectaire qui mourut en l’année 1518, et fut le dernier abbé régulier de la Chaise-Dieu, fit faire de grandes réparations au prieuré de Chan- teuges. Indépendamment de ce que rapporte la Gallia christiana , on lit en effet dans un manus- crit de la bibliothèque royale (1) que ce pré- lat , qui avait déjà restauré plusieurs parties de l’abbaye de la Chaise-Dieu, « fist bastir le » cloistre, l’église et la chapelle des abbés du (1) Histoire générale de la congrégation de S. Robert de la Chaise-Dieu, par le révérend père Victor Tiolier. M. S €., n£ 930 ( Saint-Germain). (289 ) » monastère de Chanteuges. » Nous examinerons bientôt quelles furent ces réparations en parlant des différentes parties de ce monastère; disons toutefois maintenant, afin de ne point laisser croire à une erreur, que l’église n’a point été recons- truite en entier, et que la voûte de la grande nef ct quelques autres parties sans importance ont seules été refaites à cette époque. $. III. ANTIQUITÉS. L'église du monastère de Chanteuges est placée à l'extrémité sud de la plate-forme. Elle est, comme le reste du monastère, environnée par un mur d'enceinte aujourd’hui fort dégradé. C’est une basilique assez allongée, qui se compose de trois nefs terminées à lorient par trois absides demi- circulaires. La nef centrale est beaucoup plus large et beaucoup plus élevée que les deux autres. Le même toit couvre aujourd’hui toute l’église; mais l’espace qui reste vide au-dessus des colla- téraux et les fenêtres simulées on fermées, qui s’observent encore contre la partie supérieure du mur de la grande nef, prouvent qu'évidemment il n’en a pas toujours été ainsi. Si l’on en croit en effet la tradition, ces modifications, faites pro- bablement à l’époque de la reconstruction de la voûte centrale, auraient eu pour but d'établir des greniers au-dessus des collatéraux, La porte principale d'entrée ouvre sur la facade 19 ( 290 ) occidentale de l’église. Elle était autrefois précédée d’un porche assez élévé, qui est aujourd’hui détruit et dont il reste à peine quelques faibles indications. La partie supérieure de la maîtresse voûte a été, comme nous l'avons dit, restaurée au com- mencement du 16° siècle et l’arc en tiers point est venu remplacer le plein-cintre. Cette répara- tion est due, ainsi que nous l'avons déjà fait re- marquer, à Jacques de Saint-Nectaire. C’est proba- blement aussi à cette même époque quele sommet de la facade et la grande fenêtre qui surmonte la porte d’entrée ont été changés. Quant aux collatéraux, ils n’ont pas été modihés dans leur disposition matérielle. Leur solidité les a soustraits à des restaurations inintelligentes; mais, ce qu’on n’a pu faire avec la truelle et le marteau, on a voulu que le pinceau le figurût. Une couleur grise a été appliquée dans tout l'in- térieur de l'église. Les nefs collatérales n’ont pas été épargnées plus que le reste de cet édifice, et, pour les mettre en harmonie avec l'architecture de la voûte principale, on a figuré sur leur sur- face les arètes et les nervures des voûtes ogivales. Cet acte de vandalisme et d’ignorance qui a fait disparaître de précieux restes de peinture byzantine, nous remet en mémoire une petite anecdote qui donne une idée malheureusement trop exacte du peu d'intelligence que montre bien souvent certains membres du clergé dans les ques- ( 291 ) tions artistiques. Un de mes amis, grand amateur des antiquités religieuses du moyen-âge, qui bien souvent avait gémi des réparations ridicules aux- quelles ont été et sont encore exposées nos vieilles basiliques , blâmait vivement les prêtres qui ont la funeste manie de faire blanchir l'inté- rieur de leur église. Un curé auvergnat, mélé à la conversation, approuvait avec chaleur les pa- roles d’indignation qu'on venait de prononcer ; tout-à-coup, avec une naïveté ct une assurance qu'il est impossible de reproduire: «Oh! Monsieur, s’écria-t1l, vous avez bien raison : c’est abomi- nable de blanchir les églises; parlez-moi d’une jolie petite couleur nankin.» Cette jolie petite couleur nankin, dont on a souillé Notre-Dame du Puy et Saint-Michel, était celle dontil venait de faire barbouiller son église. Que répondre à de telles paroles ? Hélas! rien... On ne pouvait que gémir de l’état critique dans lequel se trouvent placés nos monumens. Il ne fallait pas en effet en vouloir à ce prêtre de manifester ainsi ses idées; car il ne faisait que traduire et mettre en évidence une pensée qu’une instruction mieux dirigée modi- fiera sans doute bientôt. Les belles peintures or et azur, qui décoraient autrefois nos riches églises romanes de l’Auvergne et du Velay, n'est-ce pas ainsi qu'elles ont disparu ? L'église du monastère de Chanteuges présentait donc dans le principe un porche dans lequel on (292) pénétrait par une ouverture latérale. La porte d’entrée principale, dégagée en ce moment de ce porche, ouvre dans un pignon surmonté d’un énorme clocher. Ce clocher, qui a sans doute été construit par l'abbé de Saint-Nectaire, a dû être jadis surmonté d’une flèche élancée et gracieuse, dont il ne reste plus aucune trace. Bien qu'il n’offre en lui-même rien de remarquable, nous enga- geons cependant les personnes qui viendront faire un pélerinage arlistique aux ruines de cette vieille abbaye, à monter sur cette tour. Outre la belle vue dont ils pourront jouir , ils trouveront encore plusieurs statues dignes de leur attention. Ces statues, au nombre de huit, sont d’un style lourd et trapu. Elles portent le costume du 16€ siècle et représentent les apôtres. C’est l’art dans toute sa naïveté, tout à la fois si simple et si expressive, Le statuaire a taillé dans la lave de nos volcans ces mêmes costumes qui sont représentés sur les tapisseries de la Chaise-Dieu avec tout l'éclat des couleurs les plus riches et les plus brillantes. On pense bien qu’elles n’ont pas été faites pour occuper la place où on les voit; et en effet, on remarque dans la petite chapelle des abbés, dont nous parlerons bientôt, les douze consoles qui très-certainement les ont supportées. Une dispo- sition à peu près semblable existe dans la cha- pelle que les ducs de Bourbon avaient dans l’an- cienne abbaye de Cluny. (295 ) A l'intérieur, l'église présente une nef à voûte ogivale, deux collatéraux voûtés en demi-berceau etun eextrémité orientale terminée par trois absides en cul-de-four. L’abside du milieu est beaucoup plus vaste que celles des nefs collatérales. La nef principale a quatre travées. Chaque pilier se compose d'une masse prismatique flan- quée, sur ses quatre faces, d’une colonne demi- cylindrique. L’arcade est un plein-cintre décoré d’un arc doubleau. Nous ferons remarquer la simplicité du plan de cette église. Elle n’a pas de transepts et les bas- côtés ne tournent pas autour du chœur, mais aboutissent, comme nous l’avons déjà indiqué, à une chapelle en cul-de-four. C’est là une dispo- sition fort heureuse pour une basilique chrétienne, et nous proposons ce plan comme un type à suivre pour toutes les reconstructions d'églises qui se font dans notre temps. On éviterait par là ces constructions massives et disgracieuses qui cho- quent le regard et ressemblent à lout, si ce n’est à un édifice religieux. L’exécution d’un tel monu- ment serait tout à la fois facile et peu dispendieuse. L'ornementation générale de Féglise est assez soignée. Tous les chapiteaux méritent de fixer lPattention ; cerlains même sont dignes d’être examinés avec soin, Ils sont rehaussés de sculp- tures d’une bonne exécution. Ce sont des feuillages, des entrelacs, des animaux fantastiques , des su- ( 294 ) jets religieux, comme on en voit dans la plupart des églises romano-byzantines. En dehors de son architecture, l’église de Sant-Marcellin de Chanteuges (1) n'offre rien de bien remarquable. Nous signalerons cependant des stales en bois d’une belle exécution. Elles sont ciselées avec soin et datent de la restauration de l'abbé de Saint-Nectaire. La partie mobile du siége présente des masques grotesques d'hommes ct d'animaux. On y voit, ici une tête de bœuf, là une tête d’éléphant, ailleurs un moine qui s’ar- rache la barbe. Çà et là, sur les boiseries, on apercoit les coquilles de S. Jacques, qui indiquent, à n’en pas douter, que ces stales sont dues à Jacques de Saint-Nectaire. Il ne faut pas sortir sans avoir vu quelques autres statues en pierre fort mutilées, qui sont dispersées dans l’église. Deux de ces statues, taillées dans la brèche volcanique des environs, (1)« La raison pourquoy j'ai écrit icy sa vie (de S. Marcellin), c'est que l’église clostrale de Chanteuges lui est dédiée de temps immémorial, au rapport du Martyrologe de Pébrac. Sa teste est sur le maistre autel, avec quelques autres siens ossemens et son manipule. Dans la sacristie de la mesme église est la teste et les omoplattes ou les grands os des épaules de $. Panace, évesque et confesseur, dont la feste est célébrée dans la mesme église, le vingt-quatrième de juillet, et au-dessous de l’autel sont les corps de saint Antolion et Cassion , martyrisés en Auvergne. » ( BRANCHE, Vie de Saints d'Auvergne, 1 yol.in-12). ( 299 ) représentent des apôtres en costume du 16e siècle et font partie de la collection de la chapelle des abbés. L'extérieur de l’église est fort simple, Un pilastre épais, qui sert de contrefort, correspond à chaque travée. Entre chacun de ces pilastres, sous la corniche, on voit trois fenêtres en plein-cintre, dont deux sont simulées, Le mur de la nef cen- trale présente la même disposition, seulement on ne peut plus en juger du dehors. Pour nous en assurer, nous avons été obligé de monter dans les greniers qui règnent au-dessus des bas-côtés. Nous devons consigner, comme un fait remar- quable, l'absence de mosaique dans la décoration de l’église de Chanteuges. On sait en effet qu'il est peu d’églises anciennes de l'Auvergne ou du Velay qui ne présentent, soit des marqueteries, soit un appareil de pierres de diverses couleurs. Nous ne croyons pas toutefois qu’on puisse tirer aucune induction de cette observation, car sur le goût d’une époqueil n’y arien d’absolu et auxrègles les plus générales il y a toujours des exceptions. À l'extrémité orientale de l'église, il existe en- core une charmante petite chapelle et les débris d’un cloître placé entre cette chapelle et Péglise dont nous venons de parler. Cette chapelle, qui appartient au style ogivale fleuri, a été construite, ainsi que nous l’apprend PHistoire manuscrite de la Chaise-Dieu, par l'abbé Jacques de St-Nectaire. ( 296 ) Toutes les décorations intérieures ont été détruites à l’époque de la révolution, et il ne reste plus maintenant à examiner que deux portes latérales, sculptées avec beaucoup de soin et d’habileté. Le style de ces portes indique la dégénérescence de l'art ogival. A l'extérieur, la partie supérieure de la porte nord offre un arc en anse de panier {l'arc tudor des Anglais), décoré d’un rinceau de feuilles de vigne et de grappes de raisin, fouillé avec beaucoup d'art et de patience. A l’intérieur, le point d’intersection de cet arc, dont la moulure se termine en pendentif, est surmonté d’une touffe épanouie de feuilles de choux frisés. De chaque côté de la porte s'élève un pilastre prismatique qui est divisé, dans sa hauteur, par des sculptures qui représentent deux petites figures d’anges, soutenant l’écusson aux armes de Saint-Nectaire. Enfin, l'arc de la porte est compris sous un autre arc plus élancé et plus gracieux, qui porte à son faîte S. Michel terrassant le dragon symbolique. La porte du nord est construite sur le même plan que celle dont nous venons de donner la description; seulement sa disposition est la même et à l’intérieur et à l’extérieur. Les sculptures sont aussi différentes : ainsi à la place des anges sont des figures dans l’aititude de la prière, et à l'amortissement du grand are, lAssomption de la Vierge. Cette porte, qui communique dans Île cloître, est décorée sur sa face extérieure dans le même goût. (297) On voit aussi, dans l’intérieur de la chapelle, un Christ en bas-relief, d’un style semblable aux sculptures de ces portes. L’artiste l’a représenté au moment où il expire sur la croix et a figuré des anges qui soutiennent ses pieds et ses mains meurtris. Au-dessous est placée la tête de mort, symbole de notre fragile et courte existence. Cette chapelle, dédiée à sainte Anne, est voûtée en ogive, Le point d'intersection des arcs de la voûte montre encore, sur la clef, les cinq fuseaux aux armes de Saint-Nectaire, Comme tant d’autres monumens, celte chapelle a été dévastée par la tourmente révolutionnaire. Ses vitraux ont été brisés et son ameublement enlevé. On voit encore cependant, entre les trois fenêtres qui éclairaient cette chapelle, deux niches assez habilement sculptées. Les douze consoles , sur lesquelles étaient placées les statues qui sont aujourd'hui au clocher ou dispersées dans l'église de Saint- Marcellin, existent encore; mais elles sont dé- pourvues de toute sculpture 4 l’époque de la révolution, cette chapelle fut vendue comme bien national, et devint propriété particulière. Son sanctuaire ne fut point respecté par l'acheteur, qui, voulant profiter d’une aequi sition faite à vil prix, ne craignit pas de convertir la gracicuse chapelle des abbés de Chanteuges en un magasin à foin, Peut-être ce petit édifice, le seul de ce genre qui existe dans le département \ ( 298 ) de la Haute-Loire, était-il réservé à une destruc- tion prochaine, quand notre conseil général, dont la sollicitude sait comprendre tous les intérêts du pays, a eu l’heureuse idée d’en faire l'acquisition. Espérons qu’il complétera cette bonne œuvre, en affectant à la restauration de la chapelle des abbés de Chanteuges la modique somme nécessaire pour sa conservation ! Pour notre part, nous ne sau- rions trop louer le zèle éclairé dont il a fait preuve dans cette circonstance; quand on voit les fonds d’an département aussi noblement em- ployés, on applaudit toujours aux vues élevées des hommes à qui sont confiés nos intérêts les plus chers. Nous n'avons plus qu'une observation à faire sur les antiques constructions de Saint-Marcellin. Dans la première cour, de la porte d'entrée à la chapelle Sainte-Anne, régnait une longue aile de bâtiment, dont il ne reste plus que quelques pans de murs en ruine, La facade du côté du levant est cependant assez bien conservée. On y remarque cinq ouvertures à cintre très-surbaissé et parfai- tement semblables à celles qui existent dans les constructions les plus modernes de l’abbaye de la Chaise-Dieu. Ces grandes fenêtres paraissent avoir donné autrefois sur une terrasse qui joignait ce bâtiment, mais qui est maintenant détruite. Disons aussi un mot de l’église de Saint-Saturnin qui s'élevait jadis au milieu de la partie du village ( 299 ) de Chanteuges, qui est construite sur l'extrémité nord de la plate-forme. Elle fut, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, donnée par Bertrand à l’abbaye de Chanteuges et servait d'église pa- - roissiale, Pendant la révolution elle a subi le sort malheureux de tant d’autres monumens religieux, Elle était bâtie dans le style romano-byzantin, autant qu'il est permis d’en juger par lexamen des faibles restes qui sont encore debout. Un pauvre malheureux a établi sa demeure dans cette ancienne église. Profitant des constructions qui restaient, il a voulu au moins loger sa misère dans un coin de ce temple d’où l’on avait expulsé la divinité. &. IV. TRADITIONS. Les traditions de Chanteuges ont été plus res- pectées que ses monumens, et un usage, fort bizarre et très-éloigné de nos mœurs actuelles, n’a point eu à souffrir de l'esprit d'innovation des dernières années du 18° siècle. Maintenant en- core, le jour de la fête patronnale de Chanteuges, le dimanche de la Pentecôte , les jeunes gens de cette paroisse se livrent à des divertissemens dignes du plus beau temps du moyen-âge. Très-certaine- ment on n’a rien oublié du cérémonial ‘de cette curieuse institution, et la tradition nous a tout iransmis avec une scrupuleuse fidélité. Ceux qui aiment à vivre dans le passé, à ( 3o0 ) interroger les sources de notre histoire et à con- naître les mœurs de nos ancêtres, peuvent aller à la fête de Chanteuges. Nous leur assurons d'avance qu'ils seront satisfaits de la curieuse réjouissance qui s’offrira à leur regard. Voici, pour ceux qui ne pourront accomplir ce curieux pélerinage, une description qui ne donnera, il est vrai, qu’une faible idée de la réalité, mais que nous nous efforcerons de rendre aussi fidèle que possible. A quelques pas du pelit village de Chanteuges, dans la fraiche et riante vallée que baigne la Dège , est une prairie féconde dont les bords sont plantés d’aunes et de peupliers. On la nomme : Pré du fou, parce qu’elle est grevée d’une servi- tude qui ne permet de la faucher qu'après que la jeunesse de la commune s'y est joyeusement ébattue en foulant l'herbe aux pieds le jour de la Pentecôte. Outre linconvénient de voir ainsi sa récolte endommagée, le propriétaire actuel est encore lenu d'acquitter chaque année une rente de quinze francs. Cette somme, qui est donnée aux rois de Ja fête, sert à payer les réjouissances et les libations copieuses de la journée. Ce double droit, de fouler l'herbe de ce pré et de percevoir la rente, était autrefois supporté par les moines de Chanteuges. A l'époque de la révolution, ce bien fut vendu nationalement; mais la conservation de la servitude qui pesait sur Jui fut formellement stipulée dans la vente. { Soi ) Le jour de la fête de la Pentecôte, un pauvre mendiant auquel on a promis, pour le rôle difficile qu'il est obligé de jouer , quelques pièces de monnaie, va se blottir dans ce pré, évitant fort soigneusement d’être apercu. La troupe de jeunes gens , conduite par les rois de la fête, se dispose bientôt à aller à sa recherche. Mais, avant de raconter la scène intéressante qui se passe dans cette rencontre, disons un mot du costume et de l’équipement si drôle des héros de cette fête. Ils se couvrent la tête, comme les jeunes gens dela plupartdes communes quiavoisinent Langeac, d’un énorme chapeau à la francaise sur lequel ils ont colé des plumes de coq, probablement en honneur de S. Gal, glorieux patron des habitans de Langeac. À ces plumes de différentes couleurs sont aussi mélés de rubans, dont les teintes variées brillent du plus vif éclat. Un plumet surmonte cet énorme chapeau, dont la longueur d’une aile à l’autre excède quelquefois un mètre. De larges rubans, d’un prix souvent fort élevé, se croisent sur la poitrine de ces jeunes gens comme des buffleteries de fantassin. Ils sont armés la plupart de sabres, de fusils et de pistolets. Pendant que le fou se cache dans l'herbe, les rois font ranger les jeunes gensquisontvenus se joindre à eux sur deux files, et tous ensemble, précédés d’un drapeau, ils s’'avancent au son du fifre et du tambour jusque dans le pré. Ils font alors, en bon ( 302 ) ordre et suivis de la foule des enfans et des curieux, deux ou trois tours de cette prairie. De temps à autre, cependant, quelques-uns d’entre eux se détachent de la colonne pour chercher le malheureux mendiant qui fait le fou. Dès qu'ils Pont rencontré, ils le renversent sur le dos, le prennent par un pied et le font tourner sur lui- même deux ou trois fois. Puis tout-à-coup ils sai- sissent un pistolet, le déchargent en l'air, et, brandissant leur sabre innocent et rouillé, ils vont rejoindre leurs camarades. Lorsque chacun d’eux s’est livré à cet exercice belliqueux, on quitte le pré du fou pour se rendre à l’église. Le pauvre mendiant, qui vient d’être bouleversé dans tous les sens, se relève alors pour accom- pagner cette joyeuse troupe, afin de lui fournir encore une fois le plaisir de se divertir à ses dépens. Le fifre et le tambour font entendre leurs marches bruyantes et dirigent la foule jusque dans la cour du monastère. Là, dès qu’on est arrivé, le fou est de nouveau renversé sur le dos, et les rois empanachés le saisissant par la jambe, lui font faire encore deux ou trois tours, après quoi ils lui donnent quelque argent en échange de sa complaisance et de sa docilité. Ils forcent aussi les boulangers qui sont venus ven- dre du pain à la fête à lui donner un petit gâteau d’un sou. Les rois abandonnent alors ce pauvre instrument de leur plaisir, ils entrent (. 305 ) dans l’église , et vont acquitter en cire la royauté qu’ils ont acquise aux enchères. Nous ne poursuivrons pas les détails de la fête de Chanteuges, car ils sortent du cadre que nous nous sommes tracé; de plus, ils sont presqu’en tous points semblables à ceux qui se passent dans la plupart des fêtes balladoires de nos montagnes. On partage son temps entre Dieu, la danse et le vin; quelquefois on oublie Dieu, rarement la danse, mais toujours on est fidèle au vieux culte de la bouteille. VANNBAUo — MiOHBER os — JULIEN à Sculpteurs du Velay ; Par M. Francisque MANDET, membre residant. VANNEAU. Ce fut le 20 mai que Monseigneur Armand de Béthune, jeune encore, puisqu’il n'avait que trente ans, fit son entrée solennelle au Puy (1). em ma (1) On n’eut pas plutôt appris que le prélat avait passé la nuit à Saint-Paulien, que le prévôl et les for-doyens partirent, pourallerle complimenter, à une lieue dans lacampagne. L’évêque y recut aussi les félicitations du lieutenant du sénéchat et du bailli de la cour commune. Le prévôt des marchands les suivit ayec ses dix archers en casaque d'écarlate, et un escadron de ( 304 ) Les chroniqueurs contemporains nous onttransmis de longs détails sur les magnificences de cette fête, qui surpassa, dit-on, les royales bienvenues de Charles VII, de Louis XI et de Francois I®r lui- même.— Son premier soin, une fois installé, fut de ressaisir le pouvoir épiscopal sérieusement envahi par le chapitre métropolitain (1). La lutte fut longue, pénible, courageuse; mais enfin, les quatre cents bourgeois , à la tête desquels était le baron d’Agrain. Venaient après eux six gros bataillons qui composaient le reste de la milice. — Après plusieurs décharges d'artillerie, le prélat vint mettre pied à terre sous un pavillon préparé pour le recevoir, et s'étant rendu à l’église de Saint-Laurent, il fut harangué par le supérieur du séminaire , etc. , etc. Vie de M. de LANTAGES, Liv. V, p. 255). (1) Voir pour ces curieux démêlés une brochure publiée en 1684 , ayant pour titre : Jugement notable et contradictoire rendu par Messeigneurs le cardinal de Bonzi, etc... , par lequel Messire Armand de Béthune, évêque et seigneur du Puy, comte du Velay, suffragant immédiat de l’église romaine, aété main- tenu dans sa juridiction épiscopale... , sur le fait du droil de visite , correction et actes en dépendans....., sur les honneurs dus au caractère épiscopal par les dignités, chanoines et cha- pitre de l’église du Puy... , Sur la discipline à observer dans ladite église, et réception du cérémonial romain... , sur les fonctions prétendues par le chapitre sur les cures de la ville... , sur les avis du chapitre ès matières d’unions et autres affaires ecclésiastiques, etc. ( Nous ayons cru devoir signaler cette bro- chure à une attention spéciale , parce qu’elle contient en cita- tions le dénombrement complet de toutesles pièces importantes relatives à l'Histoire de Notre-Dame dn Puy). ("365 querelles éteintes, Béthune s’empressa de donner à tous un témoignage de paix et d’affection. Il éleva, à ses frais, une église dédiée aux saints martyrs de la légion thébaine (1), et chargea du soin de l’orner un sculpteur flamand qu’on ap- pelait VANNEAU. Vanneau n'est pas notre compatriole, mais il a laissé de si beaux ouvrages dans ce pays, que son nom s'attache aux plus précieux souvenirs de notre histoire. C’est donc un devoir de parler avec reconnaissance du noble évêque qui employa une partie de sa fortune à créer, à embellir nos monumens (2), et de l'artiste habile qui porta chez nous l'intelligence, le goût des arts, et fit des élèves tels que ceux qui lui ont succédé. (1) La noblesse de ses inclinations le portait à la dépense, et la piété qui ne les change pas, mais qui les rectifie, l’incita de bâtir en l’honueur des saiuts martyrs de la légion thébaine... il acheta dans ce dessein plusieurs maisons du penchant occi- dental de la cathédrale, que l'élévation avantageait d’un air pur et d’une riche vue, et il commenca par une église où l’œil réjoui des proportions se perd entre l’éclat de l’or et la perfec- tion des sculptures. ( Aist. de Notre-Dame du Puy, liv. HI, ch. 25, par Théodore), (2) La famille de Béthune avait toujours beaucoup aimé les arts et les lettres. Hippolyte de Béthune, père de notre évêque, par son testament supplie le roi d'accepter une bibliothèque de 2500 volumes manuscrits, rassemblés par les soins de son père et les siens, ainsi qu’un grand nombre de tableaux originaux des meilleurs peintres , des statues et des bustes antiques. 20 ( 306 ) Nous chercherions vainement les statues, les bas-reliefs, aux endroits pour lesquels ils furent primitivement destinés. Tout a été brutalement saccagé, mis au feu aux époques désastreuses; à"peine aujourd'hui si lon retrouve quelques débris épars, et encore ce qui reste garde si peu la trace de son origine, que déjà on se demande d’où proviennent ces magnifiques fragmens de sculpture dispersés cà et là par la ville. — Donc cet article n’aurait-il d'autre but que de faciliter des recherches de jour en jour plus difficiles, nous croirions avoir accompli un travail utile. Nul doute que le ciseau du maître se reconnaît partout; mais n'est-il pas triste, quand un voya- geur étranger nous demande avec admiration de qui sont ces belles choses, de ne savoir que lui répondre? Se taire alors n’est pas seulement de l'ignorance , c’est de l'ingratitude. L'église de Saint-Maurice, celle qu'avait fait construire Mor de Béthune, est déjà fermée, Vers les derniers temps, on dut la trouver sans doute trop humide, trop obscure et véritablement trop déläbrée, Il n’y a pourtant pas un demi-siècle encore que, grâces aux soins généreux de son fondateur, cette indigente église était une des plus richement parées du diocèse. Malheureu- sement, nous venons dele dire, tout y fut enlevé, brisé, brûlé, sans respect, sans pudeur, iusqu'au tombeau de l’évêque, qui était d’un admirable L 307) travail et dont on ne sait plus où chercher même un débris. Dans les greniers du monastère de la Visitation reposent , sous la poussière, plusieurs figures qui se trouvaient autrefois à Saint-Maurice. Ainsi, Les quatre évangélistes, une Madeleine et quatre sol- dats armés (1). — Ces soldats, qui probablement représentaient dans l’origine des guerriers de la légion thébaine veillant à la garde de la tombe de Béthune, ont eu de singulières destinées. Arrachés du sanctuaire, ils furent comme tout le reste destinés aux flammes; puis, épargnés à cause de leur attitude martiale, ils servirent aux farandoles populaires. À chaque fête de la république, on ne manqua jamais de les descendre au Breuil, pour les placer solennellement près du feu de joie; plus tard, aux offices anniversaires du 21 janvier, on les retrouva à Notre-Dame, postés en sentinelle à droite et à gauche du catafalque; aujourd’hui, que vont-ils devenir ? —Quand Vanneau fut arrivé de Flandre, sa patrie, et que durant plusieurs an- nées il travaillait à ces compositions, ilne songeait guère à l'attention que nous devions leur accorder de nos jours, et cependant cet homme fut, sur son (1) Le couvent deSaint-Maurice, fermé lors delarévolution, fut plus tard donné aux dames dela Visitation, ainsi que l’an- cienne église. Voici comment les objets dont nous parlons se trouvent aujourd’hui en leur pouvoir, ( 308 }) mérite, appelé du fond de la Pologne pour élever un mausolée au plus illustre capitaine de son siècle. On voit dans la cathédrale quelques objets d’art du plus haut prix. Le soin avec lequel on les con- serve, l’admiration qu’on témoigne en vous les montrant, consolent et rassurent ceux qui dans le cœur sentent un peu d’orgueil pour ce qui fait la gloire de leur pays. — Les ouvrages qui appar- tiennent ou plutôt ceux qu’on attribue générale- ment à Vanncau, pour ne parler encore que de Jui, sont : 19 L’admirable bas-relief du martyre de S. André, placé dans la grande sacristie , à gauche en entrant. (Les dimensions de ce tableau peuvent être d’en- viron deux mètres carrés).— Le saint apôtre vient d’être attaché sur la croix et va mourir en pré- sence de la multitude. D’un côté, sont merveilleu- sement disposés des groupes de femmes, d’enfans et de soldats; de l’autre, apparaissent le procon- sul ct, derrière lui, sous un portique, quelques figures de la plus grande beauté : un vicillard appuyé contre une colonne, une femme, la mère ou la sœur de la victime, debout, dans l'attitude du désespoir. Sur la galerie qui couronne ce portique, se presse une foule immense de curieux. Le ciel est rempli d’anges qui s’avancent avec des palmes et des couronnes au-devant du martyr. 29 Un cadre, du travail le plus délicat et qu’on voit au-dessus du bas-relief dont nous venons de parler. ( 309 ) 3° Quatre pelits panneaux surlesquels est sculp- lée la passion de $. Maurice, et deux autres, de même grandeur, représentant l’Æssomption de la Vierge (1). 4° La chaire d précher, presque ut entière (2). Si nous sortons de la cathédrale, pour entrer dans l’élégante chapelle de Saint-Maurice que viennent de faire construire les dames de la la Visitation, le premier objet qui frappera nos regards sera le magnifique encadrement qui en- toure l’image de S. Maurice. Cet encadrement, placé au-dessus de la grille du chœur, est encore de Vanneau, ainsi que Le S. Augustin en prière et le Jésus-Christ chez le pharisien qu’on apercoit incrustés sur les deux faces d’une petite chaire mobile, qui n’est, il faut l’espérer, que pro- (1) Fragmens, autrefois dans l’église de Saint-Maurice. (2) Armand de Béthune avait fait poser un nouveau trône épiscopal, enrichi de colonnes et de statues d’un rare ouvrage (Histoire de Notre-Dame du Puy, par Théodore). Le milieu de l’église était orné d’une chaire à prêcher, en bois , d’un tra- vail fini. Sur les panneaux de la hauteur d'appui étaient repré- sentés en relief les quatre évangélistes; sur les côtés, au-dessus de la main-courante, étaient représentés en pied #. Georges et S. Vozy, premiers évêques du Velay; au-dessus de la couver- ture dominait le Père éternel donnant sa bénédiction. Tous les connaisseurs, principalement les artistes étrangers, venaient rendre hommage aux talens de VANNEAU. \ (Mauuscrit origin. de Duranson , pag. 85). ( 510 ) visoire, tant elle contraste avec le reste, par son mauvais goût. — Ces deux bas-reliefs se distin- guent principalement par lharmonie de la com- position et par la grâce des détails. L’attitude éplorée de Madeleine, la figure sereine du Christ, surtout l'air narquois du pharisien, qui met ses lunettes pour mieux voir la belle repentie, sont admirablement bien rendus (1). Vanneau passa presque toute sa vie au Puy; la généreuse protection de l’évêque et la célébrité qu’il s'était acquise suffisaient, au-delà de ses désirs, à son ambition. Plus d’une fois, il aurait pu choisir un théâtre plus digne de son talent, plus favorable à sa fortune; mais il joignait à une modestie extrême des goûts simples et des habi- tudes paisibles, aussi n’accepta-til que par dé- vouement la mission, si enviée par tant d’autres, d'aller en Pologne pour y élever le monument consacré à la mémoire glorieuse de Sobieski. On assure même qu'il ne se serait jamais décidé à ce long voyage, malgré l'honneur qui devait en réjaillir sur son nom, s’il n’y avait été pour ainsi dire contraint par l’évêque. Or, voici comment et pourquoi celte influence fut décisive en cette occasion : Armand de Béthune avait un frère qui (1) Ces deux bas-reliefs étaient primitivement sur le portail de l'église Saint-Maurice. { SE) venait souvent le visiter et qui s'était pris d'une vive admiration pour notre sculpteur; ce frère était Francois Gaston , beau-frère du roiSobieski(1). En 1696, quand Pillustre “souverain fut mort, sa veuve, qui souvent avait entendu parler de Van- neau, le désigna comme celui qu'elle désirait voir exécuter le tombeau de son époux. Ce fut donc naturellement Monseigneur du Puy qu'on choisit pour décider Partiste. Celui-ci ne sut pas long-temps résister au noble protecteur qui de- puis trente années lui témoignait une si cons- tante affection, et il partit. Vanneau mit près de trois ans à élever ce ma- gnifique mausolée qui passe, dit-on, pour un des plus beaux de ceux qu’on admire dans la cathé- drale de Cracovie (2). — Quand il eut terminé, il échappa aux nombreuses sollicitations qu Île pressaient de rester en Pologne et il revint au Puy, apportant avec lui toutes les études com- posées pour lexécution de son œuvre. — Ces (1) Francois Gaston, marquis de Béthune , avait épousé Marie-Louise de La Grange d’Arquien, sœur de HMarie- C'asimire , reine de Pologne. (2) Le monument du roi Jean Sobieski ( mort à Wilanow, en 1696), est placé à côté du tombeau du roi Michel Wisnio- winiecki. — La cathédrale de Cracovie est consacrée aux sépul- tures royales de Pologne ; elle compte 18 chapelles et 26 autels. Les tombes sont placées dans ces chapelles. ( 312 ) études sont de grands et fort beaux bas-reliefs, représentant les victoires de Jean Sobieski sur les Turcs. Trois appartiennent à M. de Chaumeils et sont placées dans sa maison de la haute-ville; deux, les plus précieuses sans contredit, se trou- vent, rue Raphaël, chez M. Lauriol. L'une de celles-là figure une statue de lu Force victorieuse, couchée sur des trophées de batailles; l'autre, sans doute spécialement dédiée à Armand de Béthune, puisqu'elle est surmontée de ses armes, représente l’ensemble du monument funéraire de Cracovie. Comme cette dernière est d’un travail parfait et doit vraiment être signalée à l’attention publique, nous allons essayer de la décrire ici : Sur un tombeau de forme antique et chargé d’attributs militaires, un guerrier est étendu, la tête appuyée sur un casque, le front penché dans l'attitude de la méditation. Ce guerrier, c'est bien Sobieski; car le costume qu'il porte est le même que celui de la statue équestre du pont de Lazienski (1). — Le sarcophage repose sur un piédestal dont une des faces, la seule qu’on puisse voir, est ornée d’armes conquises, au mi- (1) Stanislas-Auguste Poniatowski, dernier roi de Pologne, après son enfrevue avec Catherine II et Joseph IT, en Ukraine, eu 1787, où on s’occupa beaucoup des affaires de la Turquie, fit élever la statue équestre de Sobieski, sur le pont de Lazienski, à Varsoyie. ( 323) lieu desquelles est accroupi un ennemi vaincu, les bras enchainés, foulant aux pieds le masque de Méduse, A ce monument sont adossées des cariatides de la plus merveilleuse beauté et d’une hardiesse de composition digne de Michel-Ange. — Des deux côtés, entre des colonnes grecques, on voitaussi de charmantes figures. A droite, celle d’un vieillard assis et écrivant; à gauche, celle d’une femme âgée, dévidant son rouet. Les groupes d’anges qui soutiennent ces statuettes, sont d’une grâce, d'une exécution admirables. —La corniche supé- rieure, qui couronne l’ensemble, n’est pas moins belle que le reste. Vanneau avait ébauché une vaste composition qui, assure-t-on, lui fut commandée par le car- dinal de Polignac. C'était un groupe destiné à embellir le palais des quatre-Nations, à Paris. — Nous ne savons pourquoi ce sujet ne fut point ensuite exécuté; mais ceux qui ont vu l'original regrettent que l’œuvre de notre habile sculpteur n'ait pas été suivie (1). CE x QG) Nous voulons, à ce sujet, faire une observation contre certains ouvrages prétendus historiques et qui malheureusement sont en trop grande faveur au temps actuel. Ces ouvrages, la plupart écrits par des hommes étrangers ou qui ne connaissent pas le pays dont ils parlent, quoiqu’ils prétendent le faire con- naître aux autres, ne sauraient être considérés que comme de véritables spéculations industrielles, plus capables d’égarer que (314) Le dernier travail auquel s’appliqua notre ar- tiste, est malheureusement celui dont il nous reste le moins de traces. Nous voulons parler de la tombe de l’évêque (1). Peut-être un jour parvien- drons-nous à découvrir ces précieux vestiges, et nul doute alors que cette œuvre de pieuse recon- naissance sera publiquement rendue à la vénération de tous! d’instruire. — En tête, nous devons citer les Magasin et Musée pittoresques, dont quelques-uns parlent des monumens et de l’histoire de notre pays de la facon la plus inexacte. Cependant, ce qui se pardonne à des publications éphémères ne saurait passer sans critique, quand le livre devient plus con- sidérable ou que le uom de l’écrivain semble aspirer à un plus grand crédit. Aussi nesaurions-nous applaudir M. ToucHaArD-LAFossE, dont le livre intitulé : La Loire historique, pittoresque et bio- graphique n’est, au moins pour ce qui regarde le Velay, qu’use compilation faite à la hâte et remplie d'erreurs. — Pour n’eu citer ici qu’une seule relative à notre sujet, voici ce que rap- porte cet historiographe, à propos du travail que fit Vanneau pour le monument des Quatre-Nations. Cette ébauche fut jadis donnée à la famille d'Apchier, qui la placa d’abord au château du Thiolent et qui ensuite la fit transporter à Brassac, où elle est encore depuis nombre d’années. On doit, dit-il, s’empresser d'aller visiter Le chéteau de Thiolent. Là fut rendu jadis un hom-= mage à l’une des grandes renommées de laterre ; M.de Béthune, évêque du Puy, yfit élever un monument à la mémoire de Jean S'obieski, roi de Pologne, dont ce prélat était le parent... Quelle confusion !.…. Et il ajoute : Tel est l’ascendantdes grandes vertus, que les révolutions en respectent le souvenir! Le mausolée de Thiolent n’a pas été détruit durant nos troubles civils, (1) Armand de Béthune est mort en 1703. (525) MICHEL. Vers le milieu de la rue Pannessac, on voit une maison chargée de sculptures très-soisnées et d’un style fort élégant. On assure que cette maison fut construite par Vanneau et que c’est en cet endroit qu'il établit son atelier. — Parmi les ouvriers qui travaillèrent à l’ornementation de la facade étaient deux frères appelés Micuez. L’ainé, alors maître macon, devint plus tard célèbre architecte; le second, ouvrier dégrossisseur de pierre chez notre sculpteur, mourut en Espagne, étant chevalier de Saint-Jacques, professeur de sculpture et de pein- ture à l’Académie de Madrid, etc., etc. C’est de ce dernier que nous voulons parler. En pratiquant les arts ainsi que le faisait Van- neau , 1l devait nécessairement en inspirer le goût à ceux qui l’entouraient. L'exemple n'est-il pas le meilleur enseignement ?.... C’est lui qui excite l’homme à imiter ce qu'il voit faire; l’émulation le pousse ensuite à atteindre son modèle; et si le talent se joint à l'ambition, plus tard il cher- che à le dépasser. — Le maitre ne tarda pas à reconnaitre que son jeune apprenti Michel était celui de ses élèves qui montraitle plus d'aptitude; aussi s’'empressa-t-1l, avec ce généreux élan d’ame qui est dans tous les artistes, d’échauffer le germe ( 316) précieux qu'il entrevoyait, d'enseigner attenti- vement cet enfant que l’art lui donnait pour fils. Michel fit de rapides progrès; nous ne saurions dire cependant quelles furent ses premières œu- vres, ni même assigner une date certaine aux fragmens qui restent de lui. Quoiqu'il se soit écoulé à peine un siècle depuis le temps dont nous parlons, les arrangeurs et les démolisseurs ont été si vite, ont si peu respecté, ont si peu compris ce qu'ils frappaient de mort en le tou- chant, qu'on ne sait s’il ne faut presque pas autant gémir sur le goût funeste des uns que sur le vandalisme des autres. — Pour n’en citer qu’un exemple, les buffets d'orgue de Notre-Dame étaient jadis recouverts par de gracieuses boiseries ornées de peintures. Or, l’on sait que, par une dispo- sition singulière, ces orgues se trouvaient placées au milieu de l’église, au-dessus de la porte d’en- trée (1), par conséquent disposées de facon à présenter sur chaque face différens objets de sculpture. Vanneau y avait travaillé, Michel après lui, et d’autres encore, Ilarriva cependant quelors- (1) Le grand escalier se poursuivait en droite ligne et l’on pénétrait dans l’église par le milieu, de facon que comme il y avait deux autres grandes portes à droite et à gauche du chœur , les anciens disaient : On entre à [Notre-Dame par le nombril et l’on en sort par Les deux oreilles. Les orgues, placées au-dessus de l’entrée centrale, servaient en même temps de tambour. (317) que l'architecte Portal (1) eut appliqué au fond de l'église l'immense instrument, quantité de figures, de statues ne purent trouver place, et sans plus de souci furent jetées dans les décombres. C’est là que nous avons trouvé deux cariatides, grandes et belles comme nature; d’autres se sont perdues au fond des friperies, et si par hasard on visitait la vicille tour de Saint-Mayol, on pourrait aper- cevoir dans un coin les derniers débris des répa- rations commises en 1760. On attribue à Michel, 1° /es quatre anges qui sont aux angles de la grande sacristie de Notre- Dame; 29 Le saint André sur La croix, bas-relief placé à l'entrée de léglise, au-dessus de la porte de la petite sacristie; 39 la grande Assomption de la Vierge, qu'on voit dans la conpole au- dessus du maitre autel. Cette vaste composition, fût-elle seule, suffirait pour établir la renommée denotre compatriote. Il n’est personne, en voyant la grâce, le mouvement, l'expression de cette (1) Les orgues, qui se trouvaient au milieu de l’église, furent transportées au fond , d’une seule pièce. M. Portal, architecte de la restauration de ce monument , trouva le moyen de baisser ces orgues pour les faire passer sous un arceau qui génait, de les faire rouler sur des madriers et de les élever de nouveau là où elles sont actuellement. Cette manœuvre eut lieu en peu de temps et tandis que l’organiste, qui était des meilleurs, faisait briller son talent. (Manuscrit Duranson , pag. 86), ( 318 ) angélique figure, qui ne se sente pour l’admirer assez d'intelligence dans son cœur. Michel quitta le Puy pour ailer se perfectionner à Lyon, où bientôt il devint un des plus habiles de l’école. — Nous regrettons vivement ici de ne pas connaître quels ouvrages sortirent alors de son ciseau; mais sans doute qu'ils durent être bien remarquables, puisque , sur leur renommée, notre sculpteur fut appelé en Espagne, comme Vanneau l'avait été en Pologne, pour y exécuter le tombeau d’un prince d’Aragon. L'artiste partit, et le succès de son œuvre fut tel, que le roi lui fit offrir la décoration de Saint-Jacques et une place de professeur à lAca- démie. — Michel, qui avait été annobli et qu’on ne connaît aujourd’hui que sous le nom de Don Robert, justilia ces honneurs en dotant Madrid et l'Espagne de plusieurs monumens de la plus grande beauté. Cependant, dans sa haute fortune il n'avait point oublié son frère, qui l'avait accompagné lors de son premier voyage à Lyon. Celui-ci vint se fixer à Madrid et y fut bientôt apprécié. Toute- fois il exerca peu de temps sa profession d’archi- tecte; son goût pour l'étude lui avait fait prendre rang, sous le nom de Don Pedro, parmi les érudits les plus distingués, et lorsqu'il mourut, il était en possession de la charge de bibliothécaire du roi et de plusieurs dignités importantes qu'il ne dut qu'à son seul mérite. JULIEN. À quatorze ans, Julien gardait encore les trou- peaux de son village. Ignorant, comme le sont tous les enfans incultes de nos montagnes, il ne savait ni lire ni écrire. Avant le jour, il partait, allait s'asseoir au pied d’un arbre; et le soir, rentrait joyeux dans l’étable de son père, sans autre ambition que celle de vivre toujours ainsi. Ses parens étaient pauvres. Un seul parvint à force de travail à entrer chez les Jésuites, où il se distingua, dit-on, par son savoir. Ce fut lui dont l’œil intelligent sut reconnaitre, sous l’en- veloppe grossière du jeune patre, l’homme de génie, Grâces lui soient rendues! — Un jour, le digne prêtre rencontra par la campagne son jeune neveu, qui ne l’apercut pas d’abord. Assis au bord d’une fontaine’, Julien paraissait occupé d’une figure en terre qu'il pétrissait attentivement dans ses doigts, sans autre secours que celui d’une branche d'arbre ramassée à ses pieds, L'abbé était émerveillé, et quand Penfant vit qui le regardait, il se leva tout confus, s’excusant d’avoir si mal réussi... « Si mal, reprit le bon » parent, c’est bien, au contraire; courage, et » tu réussiras... » Il dit, l’embrassa avec trans- port, courut à Saint-Paulien prévenir sa famille, ( 320 ) puis vint le reprendre, le conduisit au Puy et le placa en apprentissage chez un sculpteur nommé Samuel. Ce premier trait de la vie de notre illustre compatriote a bien souvent été raconté par lui, les larmes aux yeux. Je le tiens d’un vieil octo- génaire qui fut son ami il y a plus de soixante ans, et qui me le redisait il n’y a pas trois jours encore. Bientôt Julien fut plus habile que son patron; aussi son oncle se hâta-t-il de le conduire à Lyon pour le confier aux soins de Pérache, directeur de l’Académie. Pérache était un professeur d’un haut mérite, sous lequel, avec de pareilles dispo- silions, il était impossible de ne pas faire de rapides progrès. En peu de temps, notre jeune artiste surpassa ses rivaux dans tous les concours; et la 1e médaille qui fut donnée par l’Académie lyonnaise, ce fut lui qui Pobtint. — Son maitre, enthousiasmé, l’emmena à Paris pour le recom- mander à son compatriote Guill. Coustou, sculp- teur du roi. Julien se rappelant alors la prophétie de son bienfaiteur, se prit d’un violent amour pour lé- tude. Pendant dix longues années, il voulut rester enseveli sous la poussière des écoles. Son nom ne fut plus prononcé; seulement, en 1765, il tenta le concours pour le grand prix de sculpture ( 321) et obtint le prix à l'unanimité. — Trois ans après, le jeune lauréat partait pour Rome, comme pen- sionnaire du roi. Sans doute, le temps le plus doux de sa vie fut celui oùil vécut dans cette magnifique patrie des arts qui était vraiment la sienne aussi; car Julien se distingua entre tous par l'harmonie, la simplicité, la grâce naïve de son génie. Cependant, il ne put rester sous ce beau ciel autant qu'il l’aurait désiré.— Coustou venait d’être chargé du mausolée du grand dauphin, pour la cathédrale de Sens. Déjà vieux, il avait besoin d’être secondé par d’habiles sculpteurs. Ce fut à Julien et à Beauvais, ses deux meilleurs élèves, qu'il s’adressa. — Ceux-ci se mirent immédia- tement au travail ,et non-seulement ils achevèrent les ébauches, mais la bellefigure de l’/mmortalité, la plus importante peut-être de la composition, est, on doit le dire, presque l’entier ouvrage de notre statuaire, ce qui n’empêcha pas que, sui- vant les injustes usages, ce fut au maitre seul que revint tout le mérite. — L'artiste pouvait-il donc se trouver ainsi payé de ses laborieuses études, parce qu’il avait recu le soir le prix de sa journée ? Le salaire de l’ouvrier console-t-1l jamais un noble cœur qui n’ambitionne que la gloire ? Puisqu’il fallait être de l'Académie pour con- quérir le droit de signer son œuvre, Julien, que ses amis pressaient, se décida, quoiqu'en trem- blant, à se faire inscrire. Il soumit, comme pièce 21 ( 3221) d'admission, Ganiméède versant Le nectar. Cette figure, disent les critiques contemporains, était infiniment supérieure à la plupart de celles des statuaires qui devaient le juger; cependant elle ne parut pas suffisante et le candidat fut repoussé. Julien, l’homme le plus loyal du monde, s'était présenté sous les auspices mêmes de Coustou, alors recteur de l’Académie. Il savait que personne ne devait mieux l’apprécier puisqu'il avait travaillé si glorieusement pour lui, et il comptait sur son affection, au moins sur sa justice; mais le vieillard, qui sentait déjà sa vue s’affaiblir et sa main trembler, n’eut garde d’affranchir le cré- dule disciple dont plus que jamais il avait si grand besoin. Un instant la force manqua au pauvre artiste, le désespoir s'était emparé de son ame, et sa tête parut se troubler... M. Brunel, qui était alors à Paris et duquel je tiens cette circonstance, fut contraint de le veiller et le jour et la nuit; car le malheureux n'avait plus qu'une pensée, celle de mourir. — Enfin, la fièvre se calma, de bons amis, pleins de cœur, vinrent pour le plaindre et pour le consoler; mais lui, triste, découragé, voulait abandonner son art. Il sollicita même du gouvernement l’emploi de sculpteur de proues de vaisseau à Rochefort, et serait parti pour ne plus reparaïître, sans les conseils généreux de Dejoux et de Quatremère de Quincy. (325) Hâtons-nous de dire que Julien ne fut pas vaincu par $a faiblesse. L’impuissance égarée par Forgueil doit seule succomber dans une lutte semblable; mais un haut esprit triomphe, parce qu'il se relève toujours plus grand: — Deux années après, en 1796, Julien se remit sur les rangs. Cette fois 1l fut recu par acclamations, à Punanimité. Il se vengeait, en présentant un des chefs-d’œuvre de lécole moderne : cette mer- veilleuse figure du guerrier mourant, que tout le monde connaît. Depuis ce jour, le ciseau du statuaire conquit l'indépendance. Alors le marbre lui appartint et désormais il n’eut plus, ni à rendre compte de ses pensées, ni à subir la loi d'une école mauvaise qui, depuis la fin du 17° siècle, précipitait fata- lement les arts dans une honteuse décadence (1). (1) Tout en suivant les lecons de son maître, G. Coustou, Julien s’était apercu que pour parvenir à cette perfection dont les anciens avaient laissé de si beaux modèles, il fallait suivre une autre marche et embrasser d’autres principes que ceux qui étaient en vigueur à cette époane. £n effet, les arts, après avoir brillé de la plus vive lumière pendantles dernières années du règne de Louis XIIL et la plus grande partie de celui de Louis XIV, avaient dégénéré de la manière la plus rapide; et sous le règne du successeur du grand roi, ils étaient parvenes à un tel point de dégradation que la France se trouvait l’objet de la dérision des autres nations de l’Europe. Le mal prit sa source dans les mesures même qu’un sage ministre, Colbert, avait cru devoir adopter pour maintenir les arts dans l'état de splen- ( 524 } Il faut donc reconnaître qu'il y a une grande supériorité dans l'intelligence de cet homme qui, au milieu des influences qui l’étreignent de toute part, se trouve encore assez de vigueur pour quitter son siècle et remonter aux sources pures et abondantes des époques glorieuses. Dirons-nous maintenant quels furent les prin- cipaux ouvrages de Julien? Et d’abord son La- fontaine , miraculeuse image dans laquelle le marbre a pris les traits, le naïf sourire, l'esprit et presque la voix du bon poète. Julien, dont les deur où les avait élevés la hante protection de Louis XIV. — Lebrun fat nommé premier peintre du roi, et {ous les travaux de peinture et de sculpture furent dirigés par lui ct exécutés par des artistes de son choix. Tout prit alors une même physio- nomie; car pour obtenir la faveur du gouvernement, il devint nécessaire d’adopter la manière du maître, etdès ce moment les arts déclinèrent. — Tant que Lebrun fut à leur tête, ses talens purent excuser l’empire qu’il exerçaitsureux ; mais lorsqu’après lui les artistes furent obligés d’obéir à des hommes qui n’avaient pour tout mérite que le titre de premier peintre du roi, le mal n’eut plus de remède et la décadence atteignit son dernier période. La sculpture n’ayant pas pour elle le prestige de la couleur, est tenue par cela même à une imitation plus exacte et plus sévère des formes extérieures. Son premier mérite consiste dans la pureté du dessin, et la profondeur de l’expression doit s’y unir à la grâce et à la simplicité des poses. — Ces principes, suivis par les Grecs et queles Germain Pillon, les Jean Cousin, les Pujet même, avaient cherché par tous leurs efforts à main- ( 335°) goûts, les mœurs étaient si semblables à ceux de Lafontaine, pouvait seul retrouver sous son ciseau cette candeur maligne, ce génie du cœur si simple etsiprofond. —L'original, grand comme nature, est un des trésors de nos collections nationales; la petite copie que possède le Musée du Puy est d’une ressemblance frappante. Louis XVI, un des plus vifs admirateurs de cette belle composition, voulut voir et compli- menter l’auteur, Julien se rendit à Rambouillet, où était alors la cour. Dès que le roisut que l'artiste teuir en honneur, furent entièrement abandonnés lorsque les arts eurent été asservis à une espèce de dictature. La sculpture rechercha les effets étrangers à son essence ; une exagération théâtrale dans l'expression et dans la disposition des figures dénatura entièrement ce bel art. Une négligence excessive dans le dessin, que l’on qualifiait de facilité et de grâce, remplaca la noble simplicité des anciens; et la fausse idée que le ciseau pouvait rendre les mêmes effets que la peinture, acheva de le défigurer. Cette impulsion funeste, imprimée à l’art, était tellement suivie à l’époque où Julien obtint son premier succès, que ce ne fat pas sans étonnement qu’on vit un artiste inconnu tenter de secouer le joug sous lequel ses maîtres même voulaient le tenir courbé. Mais déjà V’ien avait fait pour la peinture ce que Julien essayait dans un art qui n'offre pas moins de difficultés, et c’est à cette nouvelle marche qu’il doit tous ses succès. Observations historiques sur Le titre de Restaurateur de l’art statuaire en France, donné à Julien. ( Biog. univers,, 1818, tom. XXII, pag. 145). ( 326 ) arrivait, il quitta brusquement tout le monde, vint au-devant de lui et lembrassa. Il le fit, le même jour, diner à ses côtés; puis, au moment de partir, lui offrit un riche cadeau et lui com- manda une figure pour la laiterie, le laissant libre sur le choix du sujet. — Le limide statuaire se retira vivement troublé d’un si gracieux accueil, et courut s’enfermer dans son atelier. Jamais il ne s’élait cloué au travail avec une telle ardeur. Ses amis les plus chers pouvaient à peine l’entre- tenir; mais lui brûlait d’impatience de se montrer plus magnifique encore que le roi, dans les lar- gesses de son génie. Le public admira bientôt les deux élégans bas- reliefs de la chèvre d’Amalthée et d’ Apollon chez Admèête. Je ne dirai rien de la soudaine appa- rition de la Baigneuse; tout le monde sait quel enthousiasme la fêta; pour elle furent épuisés tous les éloges. La Galatée, qui vint plus tard, dut aussi pa- raître une œuvre bien surprenante, puisque les contemporains la proclamèrent la statue de femme la plus parfaite. Il serait trop long de suivre chronologiquement l’histoire complète de notre compatriote. On le voit se reposer de ses vastes compositions, en allant embellir de quelques bas-reliefs la nouvelle. église de Sainte-Geneviève; ou bien, tantôt en faisant quelques copies d’après l'antique, pour ses D Es d ET, (527) amis ; tantôt en s’acquittant envers son médecin, par l'envoi inattendu d’une Aygie, statuette char- mante, dont notre Musée possède une excellente épreuve. Julien avait depuis long-temps la pensée d’a- cheter dans nos montagnes une propriété modeste où il püt venir tous les ans se reposer des longues veilles parisiennes. — Ce fut en l’an 5 de la république qu’il arriva pour faire son acquisition. Il descendit au Puy chez M, Brunel, avec lequel il avait toujours entretenu de bonnes relations. Cet ami, presque nonagénaire, existe encore, et c'est lui, je crois lavoir déjà dit, auquel je dois une partie de ces détails. Je suis allé le voir, il y a quelques jours, et il m'a recu dans la même maison, dans la même chambre qu’habitait Julien ; et cette chambre est encore remplie de touchans souvenirs de l'affection du grand homme. Sur la cheminée, se trouve son portrait en bas-relief, exécuté par Beauvais; plus loin , une petite compo- sition originale , représentant la Matrone d’Ephése, sujet tiré de Boccace, et rendu par notre artiste avec un goût parfait. La matrone éplorée est assise sur le tombeau de son époux. Couverte de longs voiles de deuil, elle se penche sur l’urne, tandis que l’amour s’avance traitreusement par derrière et lui enfonce un trait dans le cœur. — Plus loin encore, on voit la nymphe Echo pour- LEE suivant Narcisse, figure suave et légère, pour (QE) laquelle l’auteur lui-même conservait une tendre prédilection. Dans ce voyage, Julien se choisit une retraite près du village de Vals et fut l’habiter quelques mois, C’est là qu’il créa le modèle de la statue du Poussin, sa dernière œuvre; il partit ensuite et quitta le pays pour ne plus le revoir... Déjà nous aurions dû dire que la révolution lui avait tout enlevé. Il ne faut pas croire cependant que, quoique devenu pauvre, il oubliât jamais ses parens dans la pauvreté... Nous serions rassurés d'avance, n’eussions-nous pour témoignage que ce que nous connaissons de son caractère et de sa vie; mais sur ce point, il nous reste de pré- cieux documens que nous devons à la bienveillance de M. le maire de Saint-Paulien. Ces documens, vrais trésors de famille, sont des lettres écrites par Julien à M. Armand père, qui était son ami. Dans les premières, et nous les avons toutes lues avec avidité, on voit que chaque année il ne manqua jamais d'envoyer des secours à ses frères et qu’il leur abandonna même la part de son patrimoine. — Plus tard, vient-on lui annoncer qu'un de ses neveux est grièvement malade, il se hâte d’écrire à son ami : « L'intérêt que vous prenez à mes parens et à » moi me fait oser vous écrire ces deux mots » pour vous prier de vouloir bien continuer vos » bontés à mon neveu, Benoît Julien. Le tableau Li ” ” ” » » » (329) que vous prenez la peine de me faire , concer- nant sa situation, ne me sort point de l’idée !.. Plus je lis et relis votre lettre, et plus je suis pénétré d’affliction, à ce point que je ne puis me livrer à mes occupations journalières... J’ai toujours ce pauvre affligé en ma présence... Coûte que coûte, poursuivez vos bienfaits... » Ce neveu vint à mourir ; aussitôt toute la famille, en annoncant cette triste nouvelle à Paris, ne manque pas de rappeler ses nombreux besoins à celui qu’elle regarde comme très-riche et qui déjà a tant fait pour elle. — Julien raconte alors sa triste position et se plaint amèrement de la cupidité des siens. « Mon digne ami, écrit-il le 27 messidor an 10, je savais déjà par ma sœur la mort de mon pauvre neveu... Si je suis venu à son secours, ce n'est pas que j'eusse bien le moyen; mais, pénétré de sa situation, je me serais plutôt privé du nécessaire pour le soulager... Mes parens, à cause de cela sans doute, me croient ici dans la plus grande opulence : l’un me de- mande pour rétablir le devant de sa maison, les autres mille choses. Il y a quelques années, j'ai déjà envoyé pour le rétablissement de cette même maison, et aujourd'hui ils reviennent à la charge. Qu'ils apprennent donc que je ne suis point un Crésus; qu'à la vérité, sans la révolution, je les aurais mis tous à leur aise et que jy ( 530 » serais aussi... » — Puis il ajoute: « Oui , j'aurais » fait beaucoup pour ma famille, si la révolution » ne fût venue; mais elle m'a tout fait perdre. » Elle m'emporte au moins 250 mille livres, soit » de travaux, soit d’argent placé çà et là...» — Pourtant, malgré ses plaintes, Julien ne peut résister au noble sentiment qui l'entraine. 1l an- nonce qu'il se charge de l'éducation d’un des fils de son neveu; et toutes les lettres qui suivent contiennent des dispositions généreuses et pour ce fils et pour les antres aussi; car il craint que sa partialité ne provoque quelque jalousie. Comme on le voit, notre compatriote n'avait pas oublié sa terre natale; et si la mort, trop prompte à le frapper, ne füt venue empêcher l'exécution de sa promesse, quel beau marbre serait aujourd'hui notre patrimoine... Mais non, le marbre n'eût pas été plus épargné par le fanatisme que le fut le précieux argile dont l'ar- tiste nous avait fait hommage. Que ne pouyons-nous en ce moment, pour l'honneur du pays, arracher quelques-unes des tristes pages de son histoire. — En 1795, une po- pulace furieuse fit un vaste auto-da-fé des plus précieux manuscrits de nos archives : les mar- bres, les sculptures, les tableaux les plus pré- cieux , les plus saintes, les plus curieuses reliques de nos églises, cette antique image de Notre-Dame qui, depuis des siècles, faisait la fortune de ce ( 351 pays, tout fut vandalement anéanti, — Plus tard, les esprits s’adoucirentet chacun comprenant bien que la pierre et la toile ne peuvent être que d'innocentes victimes, on se prit d’un grand désespoir pour toutes ces pertes irréparables. — Sur la foi de ce remords, la ville fit venir à grands frais un buste de l’empereur qui n'était rien moins que du ciseau de Canova; de son côté, Julien envoya un buste semblable, tout entier de sa main. Ces deux chefs-d'œuvre, recus avec enthousiasme, furent placés, le premier à la préfecture, le second à l’hôtel-de-ville. Un respect éternel devait les préserver; cependant quand arriva 1815, le marbre fut honteusement traîiné sur la place publique , en plein soleil, par les ordres mêmes du chef de l'administration ; et là, le marteau vint le briser en mille pièces, aux applaudissemens stupides de quelques exaltés. — Quant à la belle œuvre de notre compatriote, qu’un sentiment fraternel eût dù sauver de l’on- trage, on ne lui fit même pas l'honneur de la montrer au peuple avant sa fatale exécution; elle fut lâchement détruite dans l'ombre. Le vœu le plus cher de Julien fut exaucé : avant de mourir, il tenait à achever sa statue du Poussin. — Dans cette composition, qui est si belle, le peintre est représenté au milieu d’une nuit brûlante d'Italie, se levant à demi-nu, réveillé par l'inspiration, Le succès de cet ouvrage fut ( 332 ) universel et vint doucement fermer les yeux de l’auteur. — À peu près vers cette époque, Julien recut la croix de la légion-d’honneur. L’impéra- trice Joséphine vint la lui apporter elle-même chez lui, au Louvre, où il habitait. La joie du vieil artiste fut grande lorsqu'il vit sa souveraine entrer dans son atelier , admirer tour-à-tour chacun de ses ouvrages et le féliciter avec cette délicatesse, ce bon goût, ce sentiment si élevé des arts que chacun lui connaissait... « Quel heureux jour » pour moi, Madame, dit le vieillard attendri, et » combien mon cœur est ému de la visite que » vous daignez me faire. Et cet honneur que » vous m'apportez, ajouta-t-il en prenant la croix » que la main de Joséphine placait dansla sienne, » je l’accepte...; mais hélas! comme une fleur » sur mon tombeau. » 1] était né en 1731, dans une chaumière, à Saint-Paulien. Il mourut à Paris, dans le palais du Louvre, en 1804 , âgé de 74 ans.— Claude Dejoux, son confrère à l’Institut et son ami, lui fit élever à ses frais un tombeau, sur lequel sont gravés son portrait et une inscription qui rappelle sestitres à l'admiration de la postérité. C’est ainsi que l’au- teur d’Ajax, de Philopèmen, de Catinat et de tant d’autres beaux marbres, voulut honorer par un dernier souvenir l'illustre statuaire dont le jeune Experton, notre cher et habile compatriote, vient de reproduire si fidèlement les traits. (33) RAA AAA AAA RAS RAA AAA APN AAA AA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AA AAA AAA AAA AAA AA AA AAA A À AAA A ARCHÉOLOGIE. Par M. le V' DE BECDELIÈVRE, membre résidant. Lorsque parurent dans le journal de la Haute- Loire les premiers fragmens de l'écrit qu’a publié M. Félix Grellet, ayant pour titre : Des diverses opinions émises sur Polignac et ses Antiquités, je crus devoir annoncer une réponse, je croyais à une discussion sérieuse, non sur les idées qui m'étaient propres, mais sur des faits nou- veaux que j'avais fait connaître dans ma réfu- tation des notes Mérimée : faits qui, s'ils eussent été connus de cet inspecteur général , eussent probablement modifié les conclusions de son rap- port au ministre de l'intérieur; c’est ce que M. Grellet n’a pas même essayé. Les fragmens se sont succédés jusqu’au dernier, sans qu'il ait tenu compte de ces faits. Ainsi donc la question reste entière au point où je l’aifait arriver , et je pour- rais me dispenser d’argumenter sur un écrit qui ne répond nullement au mien, si je ne m'y étais formellement engagé. Je me bornerai à un petit nombre d’observa- tions sur quelques-uns des points principaux. Lorsque M. Mérimée rédigea ses notes, prises à la hâte, 1l n'existait, dit-il, sur le plateau de Polignac aucun objet d’origine romaïne , sinon le (554) masque et l'inscription, et encore ces deux anti- quités y auraiïent-elles été apportées à une époque incertaine. . Que reste-t-il de la première partie de eette assertion, depuis que des débris nombreux d’ar- chitecture d’origine antique ont été découverts sur le plateau même, dessinés par moi, et qui se voient encore sur place; depuis que nous y avons recueilli et que le Musée possède, des débris de briques, de tuiles romaines, et nombre d’autres morceaux de la même époque, emportés par les curieux ? Ces fragmens, ces voussoirs, ces archivoltes , ces briques, ces tuiles et tous ces débris y ont-ils été apportés pour satisfaire le goût et la curiosité des anciens seigneurs du lieu? Ainsi tombe une allégation bien autrement gratuite que celle dont m’accuse M. Grellet en ce qui concerne l’em- pereur Claude : car j'ai pour moi histoire, lins- cription, les autres sculptures dont j'ai parlé et qui viennent à l'appui de mon opinion. L’argument tiré de ce que jamais barbe ne fut attribuée à Apollon a-t-il plus de valeur ? Maïs j'ai démontré que si ce n’est la science qui a manqué à l'inspecteur général, au moins est-ce la mémoire quand il a risqué une assertion aussi contraire à la vérité. D'ailleurs, le masque eût-il de la barbe ou n’en eût-1l pas, n’aurait-il pu servir à rendre les oracles du Dieu, sauf à s’en approprier le nom dans la suite des siècles ? ( 1835") M. Grellet tout comme M. Mérimée, n’a au- cune foi aux traditions et aux chroniques, qui rapportent qu'un temple d’Apollon et un oracle existaient à Polignac. Par principe M. Grellet n’est pas croyant, il a grand soin de nous en instruire. Je lui fais grâce d’une citation qui touche au dogme du christianisme , et que l’on est étonné de trouver dans une discussion tout étrangère à une ques- tion si grave; mais ce jeune écrivain n'a voulu nous laisser aucun doute sur son scepticisme (1). Les tradilions sur l’existence du temple et de oracle de Polignac sont écrites depuis deux siè- cles, soit en vers, soit en prose. Celles relatives au temple de Diane sur le mont Anis, et à celui de Margeaix , ne l’étaient pas. Si la foi aux traditions, quelque vagues qu’elles fussent, eût manqué auxamis des arts, l'histoire, la science des antiquaires et le Musée du Puy seraient privés d’une suite d’antiquités qui ont rendu ce fait désormais incontestable, et il est à (1) Prétention singulière à une époque où à la même tribune, où les corrupteurs du 18e siècle avaient prêché les doctrines de l’athéisme, nous venons de voir deshommes éminens, reconnaitre aux grands applaudissemens de l’auditoire, que Le scepticisme n’a opéré que des dévastations ; et encore que les sources detoute poésie sont la liberté, La foi et Les traditions. (Salvandy, àla réception de Victor Hugo à l’Académie francaise). (:366: ) remarquer que l’on ne trouvait sur place aucun débris de briques, tuiles ou poteries antiques. Donc on ne doit pas dédaigner les traditions, qui ne deviennent un guide peu fidèle que quand on les accepte sans examen, comme les temps nous les ont transmises (1). | Maintenant, en quoi les fragmens de M. Grellet ont-ils atténué la valeur des faits que je rapporte; comment a-t-1l pu dire que les notes de M. Mé- rimée résument une question qui depuis leur publication a fait un si grand pas? Il est vrai que, par une singulière compen- sation, si M. Grellet ne parle pas de ces faits si précis, les seuls dont l’archéologue instruit ap- précie toute la valeur; d’un autre côté, il a grand soin de me faire dire ce que je n’ai pas dit, d’où résulte une discussion qui porte entièrement à faux : puis, vient une triomphante controverse sur l’étymologie du nom de Polignac, qui n’ap- prend rien que l’on ne sût par M. Mérimée et, avant ces Messieurs, par l'abbé Lebeuf. — Question sur laquelle je n’ai pas dit un mot; cependant j’eusse pu prouver, pièces en main, que si M. Mérimée a vu sur un acte du 13° siècle la signature d’un Armandus de Podemniaco , il (1) La tradition est en quelque sorte l’une des portes mysté- rieuses de l’histoire. (Bibliophile Jacob : Revue de Paris, décembre 1836 ). (337) s'en trouve du 12 avec les noms de Vice cormite de Polemniaco, Polemniacus, et que dans les actes les plus anciens on y voyait le sceau de cette famille, avec la légende J’icomes Poliniact. Mais je n'ai voulu me servir de tels moyens pour prouver l'antique existence du temple et de l’oracle de Polignac. Au reste, quand on produi- rait des actes plus anciens encore, avec les noms de Podemniacum, même de Podium au lieu de Poliniacum (ce qui est possible), cela ne ferait pas d'abord que la famille des Polignac fût ni moins ancienne ni moins illustre, et ne toucherait en rien au fond de la question de l’antique exis- tence du temple et de l’oracle qui, pour moi, est tout à faitétrangère à celte discussion paléographique. N’aurais-je pas enfin le droit de me plaindre de ce que, dominé par le besoin de la recherche de la vérité, M. Grellet n’ait pas toujours cherché à me comprendre, et comment n’a-t-1l pas vu que j'avais en quelque sorte soufflé par la pensée sur les constructions actuellement existantes sur le plateau de Polignac (que je sais certes bien être toutes du moyen-àge), pour n’y voir que les choses qui appartiennent à un monde antérieur, et pour ne pas n’écarter du point de vue où j'avais dû et voulu me placer. De ce que M. Grellet a vu dans de vieux châteaux du moyen-âge desgaleries souterraines quicommu- niquaient du dedans au dehors, 1l en conclut que ‘9 2 (5356 ) celle signalée à Polignac par M. de Lalande et moi, doitêtre de la même époque, comme si aux temps antiques il eût été interdit d’avoir des communi- cations pareilles, n'importe pour quel usage. C’est encore bien gratuitement que M. Grellet me fait confondre la forme ogivale , anciennement connue avec l’art ogival, création du moyen-âge. J'avais répondu à cette question comme elle avait été posée, comme à toutes les autres ; il me permettra de lui dire que vingt ans d’études faites dansleslivres, sur les monumens, etle crayon à la main, doivent, je pense, mettre à l'abri d’une pareille erreur. Quant à la question d’art, celle de style surtout, qui est une des principales pour classer avec quel- que certitude les œuvres de la sculpture et de l'architecture antique ou du moyen-âge; question d’art que l’on ne peut résoudre qu’à laide d’une longue et sére pratique du dessin; étude où il faut encore apporter certaines dispositions d'esprit, de cœur etde foi, sans lesquelles on ne pourrajamais lire dans les mystères que cache lart dans ses phases diverses : M. Grellet n’y touchepas. J’aidonc eu raison de dire en commencant, que notre hono- rable Confrère ne répond nullement aux notes que, dans l'intérêt de l’art, de la vérité et du pays, jai cru devoir publier en réponse à celles de M. Mérimée. En (359 ) LE CHORISTE DE NOTRE-DAME DU PUY. 1520. CHRONIQUE-LÉGENDE (1). Par M. DEwaixs-DESFONTAINES, d’Alencon. -——— Messieurs les juges du tournoi , Une Légende encore... De grâce écoutez-moi, Un numéro du journal l’Arf en province m’a fourni ce sujet; le dessin ne m’appartient donc pas, mais j'en réclame la broderie. — Puisse mon travail me faire pardonner la fublesse de mon offrande en raison de l'intention ! —— BEC iE Ce — I. C'était aux fêtes de Noël; Un jeune enfant de chœur, bénissant l’Eternel, S’en allait par la ville, et d’une voix pieuse Aux chrétiens, sur ses pas, saintement accourus, Racontait de l’enfaut Jésus La naissance mystérieuse. … (1) Cette pièce de vers , lue dans la séance publique du 25 août 1840 , a mérité le rappel de la médaïlle d’argent qui fut accordée à l’auteur , en 1838 , pour sa pièce de vers intitulée : LA CHAPELLE DE SAINT-MICHEL. (340) Puis s’adressant à ceux dont l’incrédulité Moqueuse , rejetait l’auguste vérité De cet ineffable mystère : — « Malheur à vous! disait-il, orgueilleux » Qui, lorsque le soleil resplendit dansles cieux, » Fermez vos yeux à la lumière!!! » Malheur à vous! car le Seigneur » Qui vous donna son fils pour éclairer l'erreur » Dont la coupable nuit enveloppe vos ames, » Pour vous punir d’avoir méconnu ses bienfaits, » De sa colère, un jour, vous chargeant à jamais, » Vous condamnera tous aux infernales flammes !!? IL. Il allait ainsi chantant Quand, — au détour d’une rue, Un homme, — le front riant, Tout à coup s'offre à sa vue... …— C'était un juif inhumain Qui, dans cet hymne divin, Voyant une amère offense, Dissimulant sa fureur Méditait, au fond du cœur, Une homicide vengeance. « Bel enfant! qui, dans ces lieux, » Du ciel chantes les louanges, » Lui dit-il, — tes chants pieux » Sont plus doux que ceux des anges. » La neige tombe... il fait froid ; » Viens plutôt, viens sous mon toit; » Fréle et tendre créature !.… » Là, près d’un foyer joyeux, » Nous braverons, tous les deux, » Les hivers et la froidure..…. ( 341 ) » Viens, ami! je t'apprendrai » De nombreux, de beaux cantiques, » Et puis je te donnerai » De précieuses reliques... » — Et de l’enfant incertain, À ces mots, pressant la main, Bien tendrement dans la sienne, Le juif, du doigt lui montrait Un grand feu qui pétillait Dans sa demeure prochaine. Le choriste avait douze ans; À cet âge si candide Croit-on les hommes méchans!.. Il suit donc le juif perfide.., Mais à peine est-il entré, Qu’armé d’un fer acéré, Se ruant sur sa victime, Le traître l’égorge et puis Le jette au fond d’an vieux puits Croyant mieux cacher son crime... IT. Depuis long-temps déjà l’enfant manquait au chœur, Et chaque jour voyant, au temple du Seigneur, Pieuse et sainte femme, Sa mère qui pleurait , le front de deuil voilé, Chacun se demandait : — «Où donc s’en est allé » Le choriste de Notre-Dame! » Et les méchans, avec un sourire malin, Disaient : — « De son absence, ah! n’ayez nul chagrin; » Du jeune enfant, ne soyez point en peine... » Cet ange de vertu sans doute s’est enfui » Pour se livrer, avec d’autres saints comme lui, » À quelque joyeuse fredaine..... » ( 542 ) — Mais Dieu qui pour les siens arrive toujours à point, Qui punit le coupable et qu’on ne trompe point, Au jour de la vengeance, Dieu, de son saint martyr accusé faussement, Voulut, par un terrible et subit châtiment, Faire triompber l'innocence. IV. Le dimanche des rameaux, — Fête des plus solennelles, Au milieu des saints flambeaux Et des palmes immortelles, — Lorsque la procession, Passait devant la maison Du meurtrier sacrilége, — Tout à conp le jeune enfant Parut et vint, en chantant, Se joindre au sacré cortége. Comment peindre la stupeur De la foule à cette vue, Comment peindre sa fureur Quand, — d’une voix si connue, Révélant son assassin, Et puis, découvrant son sein Tout meurtri decicatrices, L'enfant raconta du juif, Pour tromper son cœur naïf, Les criminels artifices. De tous côtés, à l’instant, Un cri part... — Mort au coupable ! Et puis se précipitant Vers la demeure exécrable, Comme un tigre furieux , De l’assassin odieux, (345 ) Le peuple enfonce la porte, Et, de sou corps en lambeaux, Se disputant les morceaux, Bondit de rage et l'emporte... Par la ville et les faubourgs, Avec une horrible. joie, On traïna, pendant trois jours , Cette abominable proie, Puis au gibet on pendit Les membres du juif maudit, Pour que, de sa chair impure, Les restes ensanglantés, Aux chiens, aux corbeaux jetés, Leur servissent de pâture. \1 Ce n'était pas assez : — D'un si grand châtiment, On voulut qu’un monument Aux siècles à venir conservât la mémoire; Et sur les lieux où l’enfant Etait, aux yeux dn peuple, apparu triomphant, Surgit l’œuvre expiatoire. C’était une urne qui portait (1) Uu pilastre léger qu’une croix surmontait Ayant à sa base une pierre Où l’art ingénieux d’une savante main Avait sculpté l'enfant qui déployait soudaio Ses ailes pour quitter la terre... (1) J'ai täché de rendre le plus exactement possible en ces vers la des- cription de la Fontaine du choriste, telle que l’a donnée M. Fr, MANDEFX dans l'Art en province. (344) Long-temps , de ce tombeau la foi de nos aïeux Fit un autel, où, pieux, Femmes, enfans, vieillards apportaient leur souffrance, Soir et matin, chaque jour; C’était là qu’ils venaient implorer tour à tour Du saint martyr l’assistance. On voit encore au Puy ce monument sacré, Mais il n’est plus l’objet d’un culte vénéré, Et l’étranger qui passe Dans la rue où jadis il l’avait vu, — soudain S’arrête, et de ses yeux, hélas! le cherche en vain; — Il a changé depuis et de forme et de place!!! A AAA AV AV AU AA MU VU VU UV LEE AR AR UV AU LV UV LM MU MA Lu47:1947,18 337 L'HOMME. FRAGMENT. Par M. le Baron DE TALAIRAT, membre non résidant; Lu en séance publique, le 25 août 1840. Entraîné vers un but qu’il ne discerne pas, Usant ses tristes jours en stériles débats, Passant du bien au mal dans son ardeur extrême L'homme sera toujours une énigme à lui-même. Il s'interroge en vain... Ballotté par le sort, Chaque jour la souffrance et pour terme la mort; Autour de lui, dans lui tout est voile et mystère; Il ne découvre rien que sa propre misère. Qu'il s’élance plus haut! C'est en fixant les cieux Qu'il verra tout à coup se dessiller ses yeux. ( 345 ) D'un souverain auteur l’ineffacable empreinte Se lit, en traits de feu, sur cette vaste enceinte; Et le jour et la nuit, remplis de majesté, Y proclament le nom de la Divinité. Gloire à ce Dieu puissant dont l’œuvre nous éclaire; C’est un maître, il est vrai, mais ce maître est un père ! Et jusques au moment qu’il nous rappelle à lui, Qui de nous ici-bas n’invoque son appui? Si tout est nuit profonde à celui qui l’ignore, Tout est vive clarté pour celui qui l’implore. L’ignore, qu’ai-je dit?... Malheur! trois fois malheur ! À qui n’aurait jamais senti battre son cœur, En contemplant des cieux la voûte merveilleuse, Des astres de la nuit la marche lumineuse, Et le bruissement de la terre et des airs, Qui semble comme un cri jeté par l’univers. L'univers! À ce nom que Iout mortel s'incline. Où commence, où finit l’œuvre toute divine! Ce cercle, qui s'étend sans cesse et sans effort, À son centre partout et nulle part son bord. Quelle borne assigner à la toute-puissance ? Quel arrêt peut-on mettre à sa magnificence! Le jour la dit au jour, et la nuit à la nuit, Et l’admiration incessamment la suit. Ce spectacle charmant, créé pour nous confondre, C’est peu de l’admirer!.… Le cœur y doit répondre. C’est au cœur d’acquitter la dette de l’amour, Le prix de tant de biens recueillis chaque jour. Celui de qui la main, sans efforts et sans veilles, Jette à notre œil ravi merveilles sur merveilles, Père de l'univers, qu'il gouverne à son gré, C’est le Très-Haut!... seul grand, immuable, incréé, (346) Il comprend les besoins de l’insecte sous l’herbe, Reeconforte le faible et punit le superbe. La lumière et la vie émanent de ses mains. Il guide la tempête et fait les jours sereins ; Aux éclairs de la foudre, ‘au bruit de son tonnerre, On voit pâlir les cieux, on sent trembler la terre; Il mit au front de l’homme un sceau plein de grandeur ? Et du besoin d’aimer composa son bonheur. Mélange surprenant d’ombres et de lumière, Mortel, élève-toi vers la cause première; Du nuage enuflammé, tout brillant de clarté, Entends Dieu qui t’appelle à l’immortalité! Dieu que ton cœur comprend, que ton esprit redoute, Qui de la terre aux cieux peut seul t’ouvrir la route. Pour se faire connaitre en imposant ses lois, « Je suis celui qui suis, » a-t-il dit autrefois. Ces mots renferment tout, les temps, les lieux, l’espace, Il n’est rien qu’il ne voie, il n’est rien qu’il n’embrasse; Il est le seul vrai bien, le reste ‘est vanité, En lui force et durée; ailleurs fragilité. Voilà Dieu tel qu’il est! Et pour lui rendre hommage, Chaque atome se meut, chaque être a son langage. Et dans l’immensité, la voix de l’univers Célèbre son auteur par d’éclatans concerts. Adore, sois soumis, désire, crains, ' espère ! Crains un Dieu tout-puissant, invoque un tendre père | Et dans ces doux transports d’espérance et d'amour, Regarde sans effroi luire ton dernier jour: Songe qu’un beau réveil est promis à la tombe! Que l’ame ne meurt point , que le corps seul succombe ! (34) BAA AAA AAA AA AAA AAA AU AS AAA AUS AA AVS RAS AAA AN AAA AAA AR AAA AAA ANA AA RAA RAA AAA MUSÉE DU PUY. NOTICE 19 Des Tableaux, Antiquités, Monumens, Sculp- tures, Objets de curiosité, etc.; 29 Des Collections numismatiques, géologiques, mi- néralogiques, de botanique , zoologiques , etc., que renferme cet établissement. TO OAE Ie —— SA à Œableaur, Dessims et Aquarelles. LE BARBIER (Jean-Francois) dit GUERCHIN, né à Cento près Bologne en 1590, mort en 1666. Ecole lombarde. 1. — Le sujet de ce tableau est Dédale et Icare. Il a beaucoup souffert par les restaurations. TERBURG ( Gérard ), né en 1608, mort à Deventer en 1681. Æcole hollandaise. 2.— Portrait d’un bourgmestre hollandais. ALBERT DURER ( Æcole d). 3. — Présentation de l'Enfant Jésus à sainte Aune, par la sainte Vierge. — On croit reconnaître le rocher de Corneille dans le fond, ce qui pourrait faire croire que ce tableau a été peint au Puy. ( 346 ) VAN-DYCK ( Ecole de). 4. — Petit tableau de famille. MIÉRIS (Guillme), né en 1662, mortà Leydeen 1747. 5.— Une Bacchante tenant une coupe, et un satyre pressant dans ses mains une grappe de raisin. Ce tableau peut ètre mis au nombre des plus belles productions de ce maître. BECDELIÈVRE (Le Vicomte de). 6.— Etude d’un lynx, tué dans le département de la Haute- Loire en 1822. VERBUIS. Æcole de Netscher. 7.— Vertumne et Pomone. Vertumne, déguisé en vieille, lui conseille d'aimer. Ce joli tableau a été donné au Musée par M. de Parrou, receveur général. MAAS (Nicolas), mort à Amsterdam en 1693. 8. — Portrait d’un Ministre protestant hollandais. GIRODET (Trioson) mort à Paris, sa patrie, en 1825. 9.— Tête d'étude. WEENIX (Jean), né à Amsterdam en 1644, mort en 1719. 10. — Oiseaux et un pigeon. Ce tableau peut être considéré comme une des meilleures productions de ce peintre, qui excellait dans ce genre. KALF (Guillaume), morten 1693. Ecole hollandaise. 11. — Uncitron ,une orangeet quelques autres objets. Tableau d’une vérité admirable. BOTH (Jean), d'Italie, né en 1610, mort en 1650 à Utrecht. 12. — Paysage, coucher du soleil. VANDER-PLAAS. Ecole hollandaise. 13. — Portrait de l’auteur. ( 349 ) POELEMBURG (Corneille), né à Utrecht en 1586, mort en 1660. Ecole hollandaise. 14. — Amazone endormie. La manière de ce peintre estsuave et légère; il entendait très-bien le clair-obscur, mais son dessin manquait de finesse et d'élégance. HUYSMANS. 15.—Paysage représentant une soirée d’automneaprèslecoucher du soleil. Les tableaux de ce maître sont rares et très-estimés. TENIERS fils (David), né à Anvers en 1610, mort à Bruxelles en 1604. 16.— Portrait de femme attribué à Teniers. On y reconnaît sa couleur et sa touche; mais il n’a ordinairement fait que de petits tableaux. ROBUSTI (Jacques) dit Le Tinrorer, né à Venise en 1512, mort en 1594. 17. — Annonciation. On reconnaît dans cet ouvrage la pro- digieuse facilité de l’auteur, le coloris du Titien qu’il avait étudié avec constance, et un grand goût de dessin, dans la Vierge surtout. MAIRE. Æcole française. 18.— Paysage avec un monument en ruine. POUSSIN (Nicolas), né aux Andelys en 1594, mort en 1605. Ecole française. 19. — Paysage où l’on croit reconnaître la manière de Nicolas Poussin, mais qui pourrait bien être de son beau-frère Guaspre Duaghet, dit Poussin. Dans tous les cas, les figures sont indubi- tablement de Nicolas. Ce tableau est délicieux pour l’harmonie et la beauté des fabriques. VAN FALENS. 20. — Départ pour la chasse, Charmant tableau où l’on re- trouve toute la finesse et la fraîcheur du coloris de cet imitateur de Wouwermans. ( 350 ) GUASPRE DUGHET , dit Le Poussin, né en 1613, mort en 1675. 21. — Paysage. LE NAIN, peintre francais, mort en 1648. 22. — Portrait de l’auteur. VAN-DYCK (Copie de). 25. — Belle copie d’une tête de Van-Dyck. VAN-DYCK (Antoine), né à Anvers en 1599, mort en 1641. 24.— Tête d'étude attribuée à Van-dyck. Quoiqu'il en soit, elle est fort belle quant à l’exécution et à l'expression. AUTEUR INCONNU. 25.— Etude de raisins. TENIERS ( Æcole de). 26. — Paysage. Les pêcheurs à la ligne. SANTERRE (Jean-Baptiste ), peintre francais, n€ en 1051, mort en1717. 27. — Jeune fille à la fenêtre. CALLOT ( D’après la gravure de). 28.— La tentation de saint Antoine. JORDAENS ( Copie ). 29. — Une vieille. AUTEUR INCONNU. 30.— Portrait au pastel. AUTEUR INCONNU. 31. — Saint Jérôme. MOOR-KAREL, né à Leyde en 1656, mort en 1738. 32.— Deux paysages sous le même numéro. MOUCHERON (Isaac ), né en 1670, mort en 1744. Ecole hollandaise. 33.— Joli paysage donné au Musée par M. Primat. | ( 351 } DEUX TABLEAUX CHINOIS. 34. — Peint sur verre, sons le même numéro. DOMINIQUE (Zampiéri) ditle Domrniquin (Ecolede). 35.— Un cardinal. RIGAUD (Hyacinthe), né à Perpignan en 1659, mort à Paris en 1743. Ecole française. 86. — Portrait qu’on croit être celui de Malborough. LAGRENÉE. Ecole française. 57. — Tête d’étude. FRANÇOIS (Jean), du Puy, mort en 1657. 38. — Portrait de l’auteur. Ce peintre, dont la réputation dans le pays était au-dessus de son talent, a laissé quelques tableaux qui sont à la cathédrale, à l’église du collége et à Saint-Laurent. On y reconnait legenre de dessin des Carraches. BECDELIÈVRE (Le Vicomte de) 39.— Tête d’étude d’un parricide exécuté au Puy en 1825. SNEYDERS ( Francois), mort vers 1657. 4o. — Divers animaux sur une table. Ce tableau n’est qu’une copie; il a été donné au Musée par M. le duc de Polignac. Il oruait autrefois une des salles du château de Lavouüte-sur-Loire, appartenant à cette famille. CARRACHE (Louis) copie. 41. — Dalila etSamson. VIOLETTE, £cole française moderne. 42. — Paysage. RUBENS. Paysage de Breughel. 43. — Le départ d'Adonis pour la chasse. BECDELIÈVRE (Le Vicomte de). 44. — Retour de l'Enfant prodigue. Ayant connu Ja misère et plein de repentir, il s’avance vers son père qui lui tend Îles bras. Ce tableau est le coup d'essai de l'auteur. (13520 AUTEUR INCONNU. 45. — Une jeune femme montrant un fruit à un enfant. 46. — L’enfant qui prend du lait. COYPEL (Noël), né en 1628, mort en 1707. Ecole française. 47. — Eccè Homo | SOLIMÈNE , né à Nocéra près de Naples en 1657, mort en 1747. 48. — Baptême de saint Jean. Ce maïtre était fort estimé en Italie ; il avait étudié le Guide et le Calabrèze. FRAGONARD (le père ). Æcole française. 49. — Une Bacchante tenant un thyrse à la main. BASTARD (Madame de ). 5o — Deux paysages (copie). DROLLING père. Æcole française moderne. 51. — Un petit garcon mangeant sa soupe. 52. — Une petitelaitière. AUTEUR INCONNU, £Ecole flamande. 58.— Deux têtes sous le même numéro. RIGAUD (Hyacinthe ). 54. — Portrait de Louis XIV. CARAVAGE ( Ecole du). 55. — Téte d’étude que l’on croit être un saint Sébastien. CA“RACHE ( Annibal ). 56. — Descente de croix peinte sur cuivre. Donné au Musée par M. le vicomte de Becdelièvre. BREUGHEL (Jean) , mort en 1642. 57. — Paysage. Breughel était souvent employé par Rubens pour peindre les fonds des paysages de ses tableaux. D LT er, (553) PARROCEL (Joseph), mort à Paris en 1704. Ecole française. 53.— La chaste Suzanne surprise au bain par les deux vieillards. SCHALKEN, ne en i643 , mort en 1706. Ecole hollandaise. 59. — Judith et Holopherne. Effet de lumière. Ce tableau, remarquable par l’harmonie et la vérité de la couleur, estpeint sur cuivre. TERBURG ( Gerard }). 60.— Scène militaire, remarquable par l’harmonie et la sua- vité des couleurs; de 10 pouces sur 13. RAPHAEL. 61.— La Vierge, l'Enfant Jésus et saint Jean; il parait qu’il existait deux tableaux dumême sujet; l’un plus grand, passé en Angleterre et récemment gravé par Augustin Desnoyers. Celui que possède le Musée est venu d’Espagne ; il a été donné par M. le comte de Choumouroux, maire d'Yssingeaux. Ce précieux tableau a tous les caractères de l'originalité. S’il était une copie, elle aurâit été faite indubitablement sous les yeux du divin maitre et par un de ses plus habiles élèves. VAN-DYCK. 62. — Descente de croix, peinte sur panneau d’un pied sur 10 pouces, Il provient de la vente du cabinet de M. Castelin , à Paris, etaété donné au Musée par M. le vicomte de Becdelièvre. MIRVELT (Michel-Sanson }), naquit en 1586. 63. — Portrait d'homme, costume du 16° siècle, provenant du cabinet de M. le comte d’Agrain. Donné au Musée par M. de Bastard, ancien préfet de la Haute-Loire. THIERIAT, professeur de dessin à l'Ecole royale de Lyon, membre non résidant. 64. — Tableau de fleurs à l’aquarelle : donné à la Société 29 (354) d'agriculture du Puy parl’auteur, comme titre d'admission parmi ses Membres non résidans, HUBERT, peintre à Paris. 65. — Paysage à la sepia, donné à la Société par l’auteur, comme titre d'admission parmi ses Membres non résidans, ENFANTIN, peintre moderne. 66.— Deux études prises dans la forêt de Fontainebleau. LE NAIN. 67.— Tête de vieille femme donnée par M. Avit. AUTEUR INCONNU. 68. — La boîte de Pandore. LE NAIN (dont le portrait est sous le n° 22). 69. — La mère qui peigne sa fille. Tableau de 18 pouces sur 13. ASSELYN (Jean), né en Hollande en 1610. 70. — Deux paysages sous le même n°. DEWITT (Emmanuel), né à Alcmaër en 1607. 71. — Ce peintre quitta l’histoire pour peindre des intérieurs d'église, qu’il orra de figures spirituelles. LANFRANC, né à Parme en 1581. Ecole lombarde. 72. — Tête de saint Jérôme. WATELET, peintre francais moderne. 73.— Etude d’eaux tombantes (Copie). TERBURG. 74. — Portrait de Karel du Jardin, célèbre paysagiste. VILLENEUVE, paysagiste francais moderne. 75. — Etude, d’après nature, de Tivoli. On remarque le temple de la Sybille. 76. Autre étude du mème auteur: Site d'Italie. Ces deux études ont été offertes à la Société par l’auteur, (355) REGNAULT, peintre francais moderne. 77. — Tête d’Alceste. Etude au crayon et à l’estompe pour le beau tableau que fit l’auteur, d’'Hercule enlevant Alceste désenfers. 78. — L’Apollon du Belvédère ( Dessin ). 79. — Une Académie de femme ( Dessin ). 80. — Tête d’étude de femme ( Dessin }). 81. — Tête d’étude (Peinture). INGRES , membre de l’Institut et memb. honoraire de la Société. 82. — Philémon et Baucis recevant chez eux Jupiter ( Hom- mage de l’auteur à la Société). LAWRENCE , peintre anglais. 35. — La duchesse de Berry. (Copie donnée au Musée par la duchesse ). AUTEURS INCONNUS. 84. — Angélique et Médor. 85. — Portrait. Ecole francaise. 86. — Paysage. Ecole francaise. BLONDEL , membre de l’Institut et membre honoraire de la Société. 37. — Tête d’étude. AUTEURS INCONNUS. Æcole française. 88.— Paysage ovale. 89. — Le Cardinal de Polignac ( Copie ). LE ROI , de Liancourt. 90. — Paysage. REGNAULT. 91. —Deux genoux. Etudes peintes pour un Christ. GRIGNARD , Ingénieur du cadastre, membre non résidant. 92. — Plan dela ville du Poy ; nivellement des pointsprincipaux. mn ( 356 ) BLONDEL, membre de l’Institut et membre honoraire de la Société. 93. — Le triomphe de la Religion sur l’athéisme. Un beau jeune homme meurt entre les bras de la Religion ; l'Espérance lui montre un avenir; un philosophe athéene lui parlait que du néant. Ce tableau a été donné par le Gouvernement. Il fut com- mandé en 1829 et terminé en 18533. HOBBEMA , peintre hollandais , élève de Ruysdael. 94. — Paysage avec de grands arbres, une vacheet la bergère; du cabinet de la comtesse d’Agrain. Les tableaux de ce maître sont fort rares en France. A TENIERS fils ( David), peintre flamand, né à Anvers en 1561. 95.— Un concert dans un fond de paysage. SALVATOR ROSA, né à Naples en 1615. 96. — La mort de Caton d’Utique. Ce beau tableau provient du cabinet de M. Regnault, peintre, qui le regardait comme un chef-d'œuvre d’exécution. Ille con- servait dans son atelier depuis quarante ans, comme type de la plus belle peinture (Donné au Musée par M. le vicomte de Becdelièvre ). JOLIVART , peintre de paysage, à Paris. 97. —. Paysage (Copie, par M. le vicomte de Becdelièvre). GUINDRAND, paysagiste de Lyon. 98.— Vallée des environs de Grenoble. 99. — Quatre Etudes d’après nature, du même peintre et du même pays (dans un même cadre). OMEGANK, peintre d’Anvers. 100.— Paysage avec des moutons. PORBUS ( Francois), (Attribué à), 101. — Henri IL. (Portrait d’), donné au Musée par M. le marquis de Latour-Maubourg. (357) CORNU, peintre de Lyon. 102. — Raphaël (Portrait de )}. Dessin fait à Florence pour le Musée, donné par l’auteur. POELEMBURG (Corneille), né à Utrecht cn 1566. 105. — Paysage. Danse villageoise. La manière de ce peintre est suave et légère. La nature y est représentée à peu de frais; les masses sont larges; le clair obscur bien entendu; les figures touchées avec esprit, mais incorrectes, Mie De GIRARDOT. 104. — Bouquet de fleurs à l’aquarelle. PORBUS (Attribué à). 105. — Marie Stuart ( Portrait de). Donné au Musée par par M. le baron de Glavenas. AUTEUR INCONNU. 106. — Tableau de fleurs. RENOUX , peintre de paysage à Paris. 107. — Paysage. Le lever du soleil. Ce tableau , de l'exposition de 1833, sous le n° 1995, a été accordé au Musée par M. le Ministre de l’intérieur, sur la demande de M. le marquis de Latour-Maubourg, ambassadeur à Rome, et de M. Joseph Bertraud, député de la Haute- Loire. DAGNAN, peintre de paysage, à Paris. 108, — Paris ( Vue des boulevards de }, Ce tableau, de l’exposition de 1834, sous le n° 598, a été donné au Musée par M. le Ministre de l’intérieur, à la demande de M. Joseph Bertrand, député. DE HEEM, £Ecole hollandaise. 109. — Tableau de fruits. 110. — Tableau de fleurs, De la collection de M° d'Agrain. (358 ) Mme BRUNE, née Packs, Membre non résidant de la Société. 111.— L’Ermite du Mont-Anis. Etude donnée à la Société par l’auteur. MIRVELT (Michel), né à Delft en 1568. 112. — Portrait de femme. De la collection de M”° d’Agrain. JULES ROMAÏN. Ecole italienne. 113,—Dessin de plafond, représentantles divinités del’Olympe. VAN-DER-WERF. £cole hollandaise. 114.— Portrait de Henriette-Marie de France, reine d'Augle- terre, femme de Charles 1°". Cette belle peinture, acquise par la Société, faisait partie de la'collection de Mme veuve d’Agrain. GUDIN, peintre de marine francais. 115. — Copie par M. le vicomte de Becdelièvre. REYNIER, paysagiste de Paris. 116. — Vue d'Auvergne. CALAME. 117. — Vue de Genève. Dessin à l’aquarelle donné à la Société par l’auteur , l’un de ses Membres non résidans. LEBRUN, peintre francais. 118.— Le Christ en croix. Donné au Musée par M. Avit. AUTEUR INCONNU (Genre de Nicolas Poussin). 119. Assomption de la Vierge. DUPRÉ (Jules). 120. Etude de troncs d'arbres. Copie, par M. le vicomte de Becdelièvre et donnée par lui. DUPRE (Jules). 121.— Paysage. Copie, par M. le vicomte de Becdelièvre et donnée par lui. (359) THUILLIER. 122, — Le chateau de Lavoüte-sur-Loire, appartenant jadis à la famille de Polignac. Ce beau tableau, peint entièrement d’après nature, aété donné au Musée par le Ministre de l’intérieur, M. le comte de Mon- talivet, sur la demande de MM. de Bastard et de Becdelièvre. THUILLIER. 123.— Vue du pont de Lavoüte-sur-Loire, d’après nature. Ce tableau a été donné au Musée par M. Lamothe, membre du Conseil général de la Haute-Loire, HUBERT, 124. — Souvenirs d'Auvergne. Aquarelle qui fut à l’exposition de 1839 et regardée comme une des productions les plus capitales de l’auteur. 125. — Portrait de Julien, statuairc, copié d’après celui de M. Vincent, membre de l’Institut, par M. le vicomte de Bec- delièvre et donné par lui. BOUTON. 126. — Saint Louis (Tableau d’intérieur ). LE PRINCE (Xavier ). 127. — Le chasseur à l'affût. GIRAUD, professeur de l’école de dessin du Puy. 128. — Portrait de Mgr de Galard, évêque du Puy. BECDELIÈVRE (Le vicomte de). 129.— Vue del’abbaye de Doue. Dessin donné par l’auteur. 130. — Dessin représentant une jeune fille, par M. Victor Robert. 134. — Autre dessin, à la mine de plomb, représentant une femme morte en 1841 aux hospices du Puy, à l’âge de 117 ans, par M. Giraud, professeur de dessin. CABAT. 132, — Ha forêt, Donné par M. Crozalier, m. non résidant. ( 360 ) Mme ARMANTINE DE PARRON. 133. — Famille de Lazzaroni. Aquarelle d’après Beaume. Donnée par Madame Armantine de Parron. TYR, peintre lyonnais. 134. — Fac simile d’un dessin de Raphaël, à la sanguine. Psyché présente à Véaus la boîte qui renferme le fard de la beauté. Donné par M. le vicomte de Becdelièvre. Saint Pierre délivré par l’ange, composition de l’auteur. Donné par le même. C. DE BALTHAZAR: 135. — Philippe VI au châtean de Broyes : composition d’uu tableau exécuté pour la liste civile. Donné par M. le vicomte de Becdelièvre. $. LL. Gravures et Lithographies. AUDRAN (Girard) , né à Lyon en 1640 , morten 1705. Batailles d'Alexandre, d'après Le Brun. 1. — Passage du Granique. — Bataille d’Arbelles. — La famille de Darius aux pieds d’Alexaudre. Défaite de Porus, roi des Indes. — Porus amené devant Alexandre. pHE NE — Entrée d'Alexandre à Babylone. MASSARD (Jean), graveur francais. 7. — Charles If", roi d'Angleterre, et sa famille, d’après le tableau de Van-Dyck. 8. — La femme de Charles Ier et ses deux enfans. AVRIL, d'après le Barbier. 9. — Ulysse, importuné par les regrets du père de Pénélope qui semble vouloir retenir le char qui conduit sa fille dans la demeure de son époux , propose à Pénélope de rentrer dans le ( 361 ) sein de sa famille ou de suivre sa nouvelle destinée; Péuélope, pour toute réponse, se couvre la figure d’un voile. 10, — Coriolan et Véturie. 11. — Portrait du général Lafayette, donné au Musée par M. Dupuy, préfet, d’après Scheffer. ( Cette gravure avait été inscrite mal à propos dans la 4e Notice des Annales, sous le n° 104). 12. — Sainte Marie Egyptienne, d’après Greuse; par Pascal de Nimes. AUBRY LE COMTE. 15. — Atala, d’après Giraudet. 14. — Le père Aubry, 15. — La maison du Tasse. MAURIN. 16. — La pluie d’or, d’après Le Corrège. SUDRE. 17.— Odalisque d’après Ingres, membre de l'Institut, membre honoraire de la Société. 18. — Collection des Vues de la Haute-Loire, par M. le vicomte de Becdelièvre. 19. — Tapisseries del’églisede la Chaise-Dieu , par M. Anatole de Planhol, membre non résidant. 20.—Dansemacabredel’Eglise dela Chaise-Dieu, par le même. $. HIT. Antiquités romaines et grecques, 4. — Colonnemilhiaire trouvée à Saint-Pauhen dans un clos appartenant à M. Chabron de Solilhac, et donnée par lur au Musée. Dominis nostris Imp. Marco Julio Philip po, pio felici augusto et Marco Julio Philip- po nobilissimo Cæsaré civitas Felluvo- run. Mille passus tres D DNN IMP M QUE PHILIP PO PIO FELIC AUG ET M IUL PHILIP PO NOBILISS CAES CIVIL VL M P III A uos Seigneurs, l’empereur Marc Jules Philippe, pieux , heureux, auguste, et Marc Jules Philippe, très-noble César, la cité des Vellaviens 3000 pas ( 562 ) D, — Colonne milliaire trouvée à Chomelx, et donnée au Musée par M. Liogier , gendre de M.de Sereys. Imp.CæsariMarco Aurelio MP Ve MAV. 1 A lemp. César Marc-Aurèle Severo Alexandro } SOU Sévère Alexandre, pio, felici, augusto, État 0: FEL AUG pieux, heureux, auguste , Marci Aurelii Antonini ... VE ANTONINO fils de Marc-Aurèle Antomin- Magni filio, divi ACNA III DIVI le-Grand, descendant du Severi nepoti , a VE . . : 2. Olidivin Sévére, la dité des civitas Vellavorum. ....... fé cree + Vellaviens. Millia passurum XII. Douze mille pas. 3. — Fragment d'un bas-relief, provenant des murs de la cathédrale, où setrouve représenté un griffon qui paraît tenir dans ses serres un taureau; un serpent est entortillé autour du cou du griffon. Ces divers atiributs étaient communs au culte de Diane et d’Apollon. 4.—Autre débris d'un bas-relief, provenant des murs de la cathédrale. Un cerf est abattu et saisi par un tigre eu une panthère; une biche qui fuit precède le cerf. 5. — Fragment d'une frise avec corniche (en grès), pro- venant des murs de la cathédrale, où se trouvent quelques personnages occupés à une cérémonie religieuse. On croit y reconnaître le bâton augural ou le commentaculum. On y voit un griffon. — Sur un autre face de ce fragment, on remarque une figure qui peut être celle d'un général ou d’un empereur romain, revêtu du paludamentum . 6. Fragment d'un autre bas-relief (en grès), du même style et proportion du précédent , trouvé au même lieu. Des personnages sont occupés à une cérémonie religieuse; on croit y voir un autel, une barrière pour fermer l'en- ceinte des sacrifices, et à la face opposée on remarque un pied chaussé du campagus ; la pose du pied indique que la figure était assise. Tet8.— Bas-relief, en grès, partagé en deux fragmens placés extérieurement à droite età gauche de la porte du Musée. On y remarque un sanglier qui fuit, un Jion com- ( 363 ) battant un autre animal, uu écureuil , une chouette et un griffon. Il paraît évident que ce bas-relief fit partie de la frise d’un temple antique et probablement de celui de Diane. Il provient des fondations de l'ancien évêché près la cathédrale. _ 9. — Bas - relief découvert dans le clos de M. Filhot, à Saint-Marcel, et donné par lui au Musée. Ce beau débris, qui a environ deux mètres de longueur, semble représenter une chasse aux cerfs ou aux biches. On y voit des chasseurs armés de l’arbalète avec leurs havresacs, et un cerf apprivoisé et bridé. 10.— Pierre tumulaire (en grès), trouvée à Ceyssac, dans le clos de M. Lobeyrac, et donnée par hui au Musée. Quoique mutilé, ce monument est fort curieux. On y * voit un bas-relief représentant un laboureur tenant une charrue d’une main et un fouet de l’autre; et au-dessus du bas-relief, un animal qui peut être un lézard, une salamandre on bien un crocodile. Le monument est cou- ronné par une larve, symbole de la douleur ou de la mort, que les anciens plaçaient sur leurs tombeaux. Une très-grande inscription se trouve sur une des faces latérales de ce monument, mais elle est tellement mutilée que, jus- jusqu’à ce jour, il a été impossible de la déchiffrer. 11. — Fragment d'un bas-relief ( en granite rose) trouvé à Pontempeyrat, près de Craponne. La forme de ce fragment fait présumer qu'il formait la pierre angulaire d’un petit temple ou d’un arc de triomphe. On y remarque un personnage portant un chevreau sur ses épaules , et un autre jouant de Ja flûte. (364) 12. — Tombeau romain trouvé dans les murs de l'église de Saint-Jean. Diis Manibus D: M. Aux Dieux mânes et memoriæ æternæ ET MEMOÆER... E et à la mémoire éternelle de la amantissimæRopeliommæ, ...- Æ AM ROPE... bien-aimée Ælba Ropéliomma, frater vivus ponendum cu- .... MÆ FRAVIV.... sonfrère , qui lui survit, a fait ravil. PON'DVM CV... élever ce monument, et l’a Dedicavit sub ascid. RAVIT DED.,.... dédié sub ascia. 13. — Pierre tumulaire romaine. Klle a été enlevée d'un petit perron dans la cour de la sacristie de la catbédrale. Diis Manibus. D. M. Aux Dieux Mänes. À Marcus Donnus Pris- M. Donno Prisciano M. DONNO PRISCIANO ciauus fils de Caïus Juhus C. J. Donni Prisciani CI DONNI PRISC Donnus Priscianus Vella- Vellavi omnibus officiis VELLAVI OMN'BUS OF vien, lequel a remplitoutes civilibus in civitate IS CIVIL/BUS?N CIVITA les foncüons civiles dans sa SL UILCLO ee ee eee SUA FUNCTO A’FERBAR cité, CaïusJulius Paternus, ..C. J. Paternus amicus RVM CIVLPATERNVS AMI son ami, a fait élever ce sibique vivus de proprio VSS'BIQVE V'VIS D PROPRI monument, de ses deniers, porendum curavit. PONENDVM CVRAVIT. et pour lui-même, de son vivant. Sub ascid dedicavit. D. 11 l'a dédie sub ascid. 1%. — Inscription mutilée trouvée au Puy. Les lettres ont six pouces de hauteur, ce qui fait présumer qu'elle a appartenu à un grand monument. GEIL VNT» H S» FORV 15. — Débris fort mutilé (en grès) qui semble représenter un homme luttant contre un animal : ce peut être un Gaulois combattant un lion, ou bien un des travaux d'Hercule. 16. — Bus-relief romain. Ce bas-relief, d'une époque de décadence, du 3€ ou 4£ siècle, représente un mariage romain. — Ce morceau de scalpture paraît avoir servi à la décoration d'un tombeau.— C'est un mariage funèbre. pe [ 365 ) — «Dans les idées de l'antiquité, deux époux qui se » rejoignaient aux champs élysées, s’unissaient de nou- » veau avec les mêmes cérémonies que sur la terre : tous » les jeunes gens qui mouraient sans avoir été mariés, » devenaient les époux de Proserpine. L'arbre indiquait » les champs élysées. Le vieillard :qui est sur le devant, » se voit crdinairement dans les tombeaux de l'Etrurie. » {Lebas, Monumens de l'antiquité. p. 170 et 171). 17. — Inscription trouvée à Saint-Marcel, dans le mur du clos de M. Filhot. Elle a été donnée par lui au Musée. CILTICA ITHONOR TABBOPVI 18. — Téte de Naïade (en grès) trouvée en 1832 à Margeaiz. Elle est couronnée de plantes aquatiques. Près de ce lieu, il y a des eaux minérales. 19. Autre tête de Naïade (en grès), du même style que la précédente. Recueillie en 1836, à Margeaix, par suite des fouilles dirigées par M. le vicomte de Becdelièvre. 20. — Un Cupidon assis sur un autel, péchant à la ligne. Un havresac est au pied ainsi qu’une boîte pour les appâts de l’hamecon. Cette petite statue {en grès) a été recueillie à Margeaix. (Fouilles de 1836). 21. — Autre Cupidon jetant un épervier. Recueillie en même temps que la précédente et sur le même lieu. . 22. — Troisième petite statue de Cupidon , trouvée à Margeaix ( Fouilles de 1836). 25 et 24. — Deux dauphins. Ces compagnons de Vénus ont la tête basse, la queue entortillée, comme les Romains se plaisaient à les représenter {Fouilles de 1536 ). ( 566 ) 95. — Fragment de cuve ou vase nommé Labrum, trouvé à Margeaix (Fouilles de 1836). 96. — Colonne et chapiteau d'ordre composite (en grès), trouvés dans une fouille faite par M. le ve de Becdelièvre, à Espaly. 27. — Masque dit d'Apollon. Plâtre moulé sur le débris colossal qui se trouve au château de Polignac, et que l'on croit avoir servi à rendre les oracles dans un temple d’Apollon qui devait être situé sur ce rocher. 28. — Les quatre colonnes qui ornent le deuxième petit monument dressé au centre du Musée, à droite, sont en granite; elles ornaient l'extérieur du chœur de l’église de St-Marcel, et ont été données au Musée par M. Filhot, On les croit antiques , du temps de la décadence. 29 et 50. — Deux caisses renfermant divers objets d’antiquité trouvés dans une fouille faite à Espaly, par M. le vicomte de Becdelièvre : 1° le plan de l'édifice; 20 des poteries fines de diverses couleurs, dites poteries fines de Nimes; 3° des agrafes en bronze, dites fibulæ ; 4° des aiguilles en cuivre, servant à la coiffure des Romaines, etc. 51. — Amiphore : Vase dans lequel les Romains con- servaient le vin ou le grain. Donnée par M. Moussier. 52. Bas-relief en marbre blanc : Tête de Silène et de Bacchus. I fut trouvé à Vienne, département de l'Isère, et acquis pour le Musée. 55. — Masque de fontaine en marbre blanc. K fut trouvé comme l’article précédent à Vienne. 54. — Plusieurs petits vases, trouvés à Herculanum et donnés par le-baron de Glavenas. ( 567 ) 35. — Plusieurs vases lacrymatoires, trouvés à Saint- Paulien et donnés au Musée par Mme de Mons, née Chabron, et par M. Roux, médecin. 96. — Auguste, empereur romain. Ce beau buste antique, en marbre blanc, a été donné à la Société par M. Crozatier, sculpteur et fondeur en bronze à Paris. 51. — Sous ce n°, divers objets votifs en poterie romaine , provenant de la vente de M. Denon, et qui figurent dans le catalogue de la vente sous les n°5 456, 457, 458, 460, 461 , 462. 98. — Lacrymatoire ( Cabinet de M. Denon , n° 450). 99. — Un vase en terre, incrusté dans la lave (Cabinet de M. Denon, n° 449). 39 hs. — Deux coupes élégantes, en terre cuite (Cabinet de M. Denon). 40. — Petit vase en terre, avec deux anses (Cabinet de M. Denon). 41. — Divers objets sous ce n° : Lampes en terre, en bronze ; objets votifs et autres débris de poterie, donnés au Musée par M. le docteur Moussier. 42.— Petit vase en verre marin, donné par M. Aymard. 45. — Deux chapiteaux corinthiens (en grès), sur la cor- niche de la porte du Musée, provenant d’un monument romain découvert à Espaly, sur l'emplacement duquel furent faites les fouilles de 1822. Donnés au Musée par M. Filhot ainé. 44. — Amphore antique, trouvée près de Saint-Paulien et donnée par M. Alexis Armand, maire de cette ville, membre non résidant. 45. — Deux fragmens de bas-reliefs en brèche volcanique , ( 568 ) représentant des génies ou Cupidons, retirés des murs de la cathédrale. 46. Fragment d'un bas-rehef grec, trouvé à Sparte et donné par M. Jullien, à son retour de l'expédition en Grèce. 47. — Petite tête en bronze, ayant servi à une romaine antique. 48. — Nombreux fragmens de poteries romaines, trouvées à Margeaix. 49. — Clef en bronze, trouvée à Solignac, donnée par M. Dugone, juge. 50. — Bas-reliefs en marbre blanc. Sur les deux faces de la plaque, une figure en demi-relief d'un côté; de l’autre, deux masques en bas-relief. On ignore l'antique destination de ce monument. Il provient d’une fouille faite à Vienne en Dauphiné. Donné au Musée par M. le vicomte de Becdelièvre. 5t. — Tôéte de Jupiter Sérapis, avec le modèum, en albâtre oriental, trouvée à Saint-Paulien. Donnée par Mgr. de Bonald. 52. — Grand fragment de mosaïque représentant un berger. Donné par M. Auguste Aymard. 55. — Pierre tumulaire, avec inscription et l’ascia, trouvée à Polignac et donnée par M. Lanthenas, desser- vant de cette succursale. 54. — Portion d'architrave antique, avec ornement sculpté, d'environ deux mètres. 55. — Monument tumulaire (en grès), trouvé au cime- tière de Soliguac. Il a été donné au Musée par le Conseil ( 369 ) municipal de cette commune. Le style et les accessoires font attribuer le travail de ce fragment à la même époque et peut-être au même artiste que le bas-relief, n° 9. 56. — Lampe romaine, en poterie, trouvée à Vorey. Donnée par M. Savelon. 57. — Deux idem, en terre, trouvées à Saint-Paulien. Données par M. Aug. Aymard. 58. — Bas-relief antique (en grès), sur lequel on croit lire le nom de l'artiste qui l’a exécuté. 59. — Siatuette de gladiateur, en bronze. 60. — Clef romaine, en cuivre et en fer, trouvée au Boussillon, commune de Saint-Germein. 61. — Cuiller en bronze doré, époque romaine. 62. — Lampe en terre, de la même époque. Donnée par M. Fr. Experton. 65. — Autre lampe en terre, id. Donnée par Mgr. de Bonald. 64. — Petit masque en terre et un vase romain. Donnés par le même. 65. — Vase trouvé dans un tombeau antique, près de Tripolitza, en Morée. Donné par M. Theron, vétérinaire dans le train d'artillerie. 66. — Plusieurs fragmens de tuiles romaines, trouvés sur le plateau de Polignac. 67. — Massue d'Hercule, en bronze. Kouilles de Mar- geaix 1830. 68. — Marbre tumulaire romain, du Bas-Empire, avec inscription. Rapporté de Médeah , en Algérie, par M. Préat, sous-intendant militaire. 24 (370 ) G9. — Deux vases étrusques. 70. — Brique provenant des ruines de Babylone, avec caractères cunéiformes. Donnée par M. le marquis de Latour-Maubourg (1). / (1) Cette brique, provenant des ruines de Babylone, a été envoyée par M. Rousseau, consul de France à Bagdad , à M. le marquis de Latour-Maubourg, ambassadeur de France près la Porteottomane, qui en a faithommage au Musée de la ville du Puy. Les caractères canéiformes gravés sur les briques de Babylone sont, d’après M. le baron Sylvestre de Sacy, d’une commune origine avec ceux qui couvrent les ruines de Persépolis, et dans lesquels sont éerites beaucoup d’inscriptions trouvées dans le nord de la Perse, il y peu d’années, par le voyageur Schulz. Il existe, selon M. de Sacy, cinq ou six genres ou systèmes d'écriture cunéiforme. Les seules ruines de Persépolis en pré- sentent trois systèmes, dont un seul, qui est évidemment alphabétique, a cédé en partie aux efforts faits pour le déchif- frer et a donné, avec une vraisemblance qui approche de la certitude, les noms de Darius, de Xercès, d'Hystaspe, peut- être de Cyrus , et les mots roi et roi des rois. Les autres systèmes d’écriture cunéiforme, et notammentcelui des monumens babyloniens, sont bien plus compliqués et n’ont été jusqu'ici l’objet d'aucune découverte. Car on ne peut raison- nablement admettre ce-qu’a écrit sur ce sujet un Allemand, M. de Lichtenstein. Parmi les briques de Babylone , il y en a qui portent des fi- gures, un lion, par exemple. Un Allemand, M. de Hager, a publié une Dissertation sur les briques de Babylone, mais sans rien expliquer. Ces notions sont extraites d’une lettre adressée, le 2 septembre 1835, par M. Sylvestre de Sacy, à M. de Latour-Maubourg, qui avait demandé à ce savant illustre quelques informations, pour lesjoindre à la brique destinée au Musce de la ville da Puy. 5) RTE. (371) $. IV. Antiquités égoptiennes. Les pièces n° 1 à 53, enlapis, porphyre, pâte émaillée, représentent des divinités primitives, des amulettes, des scarabées, etc. (Cette collection a été envoyée à M. le vicomte de Becdelièvre par M. Prosper de Parron et donnée par lui au Musée. SCARABÉES. 4. — Scarabée en porphyre vert, sur base non hiéroglyphée. 2.— Scarabée en pâte émaillée, avec pattes articulées sans base. 5. — Idem. 4. — Scarabées en pâte sur base, avec hiéroglyphes em- preints. 5.—Scarabéeenpierre dure, avec pattesarticulées sans base. 6.— Scarabée en pierre schisteuse vernissée, sur base hiéroglyphée. 7. — (Grenouille en pâte émaillée, assise sur base. 8. — Scarabée en pierre schisteuse vernissée, sur base non hiéroglyphée. 9. — Scarabée en amphibolite verdätre, sur base non hié- roglyphée. 10.—Scarabée en lapis lazuli etquartz , avec patte articulée. 11.—Scarabée en pâte émaillée, sur base non hiéroglyphée. 12.— Idem. 15. — Idem. DIVINITES, AMULETTES, etc. 4%. — Les trois Divinités primitives, en pâte émaillée , Orus au milieu. 15. — Idem. 16. — Idem. ( 372 ) 17.— T'yphon, en pâte émaillée , accroupi avecmitreailée. 18. — Typhon, en pâte émaillée , sans mitre. 19, 20 et 21. — Divinités à téte d'Isis. Vota. — Ces trois configurations d'animaux font partie des amulettes déposées ordinairement à côté de la momie ou entre les bandelettes dans le sarcophage. 22. — Isis, en pâte émaillée, mitrée ainsi que la Rhéa des Latins. 2%. — Isis mitrée, en lapis-lazuli. 25. — Isis, représentée dans les mystères, idem. 26. — Isis, représentant la terre, idem. 27. — Epervier , en quartz. 28.— La Grenouille ou la Régénération , racine d'émeraude. 29. — Sphinx, en pâte émaillée. 90. — Tôéte de serpent, symbole ordinaire de l'immor- talité (en cornaline). 51. — Idem. 32. — Nilomètre. Pâte émaillée. 95. — Idem. 54. — Oreiller, dont se servent encore les Ethiopiens et qu'on trouve sous les têtes des momies dans les sarcophages, à Memphis, à Thèbes, etc. . — Oreiller, en clématite. . — OEil, en pâte émaillée. . — Idem. . — Idem, en granite. . — JIdem, en cornaline. 40. — Idem, en clématite. 41. — Idem, en lapis-lazuli. OÙ O1 O1 1 EI © Œ 1 © © 42. — Vase (amulette), symbole des quatre vases, renfermant les entrailles qui accompagnent les quatre angles du sarcophage. Ne — e12- D ( 375 ) 45. — Idem, en lapis-lazuli. 4%. — Tige de lotus, en pâte émaillée. 45. — Tige de lotus, en quartz. 46. — Mitre où Coiffure carrée que portent différentes divinités (racine d’émeraude). 47. — Mitre d'Osiris (clématite). 48. — Sommet du bäton des desservans d'Osiris. 49. — Coiffure d'Orus, en porphyre. 50. — J'able d'offrande. 51. — Idem, en lapis-Jazuli. 52. — Idem. 55. — Collier, composé de grains et cylindres en émail qu'entrecoupent différentes amulettes , ‘de la même mesure de celles qui viennent d'être décrites. 54. — Un Harpocrate, en bronze, dont la base est couverte d’hiéroplyphes, Donné au Musée par M. Dubois- Robert, fondeur. 55. — Diverses figurines, en terre vernissée et non ver- nissée , ayant Ja forme des sarcophages qui renferment les momies humaines. Plusieurs sont couvertes d'hiéroglyphes. Ces figures se trouvent en grand nombre dans les tom- beaux, pyramides ou catacombes d'Egypte. 56. — Momie de la deuxième classe, également envoyée à M. le vicomte de Becdelièvre par M. Prosper de Parron et donnée par lui au Musée. 57. — Surcophage de la momie, en bois de sycomore. 58. — Première enveloppe de la momie, en toile peinte, avec des hiéroglyphes. 59. — Manuscrit en papyrus. 60. — Quatre canopes, en albâtre oriental. Ces quatre précieux vases ont élé rapportés de Constantinople et donnés au Musée par M. Latour-Maubourg , alors ambas- ( 374 ) sadeur de France. Les Egyptiens y renfermaient des momies d'animaux. 61. — Amulette, donnée au Musée par M. Gaude, capitaine. 62. — Empreinte d'une pierre en jaspe sanguin, pro- venant du trésor de la cathédrale du Puy. Elle représente une scène isiaque. On y reconnaît Osiris assis sur son trône, la mesure du Nil à la main, et Isis conduisant son fils Orus; celui-ci, dans quatre âges différens, y figure les quatre saisons. Les caractères qui y sont gravés aux deux côtés n’ont pu être expliqués. (Extrait de la description qu’en a donné M. Visconti.) 65. — Quatre petites figurines, en émail bleu, repré- sentant des divinités égyptiennes. Cv Antiquités gauloises. 4. — Masque dit d'Apollon, plâtre moulé sur le débris colossal qui se trouve au château de Polignac, et que l'on croit avoir servi à rendre les oracles dans un temple d’Apollon qui devait être situé sur ce rocher. 2, Main symbolique, en bronze, avec l'inscription : EYMBOAON Symbolum IPOY ad OYEAATNIOYS. Velaunios. Cette main a été moulée sur l'original qui se trouve dans les collections de la Bibliothèque royale à Paris, par M. Crozatier, membre non résidant, et donnée par lui au Musée. (375) 5. — Figurine celtique, en bronze, trouvée à Chama- lières et donnée au Musée par M. Albert de Brive. 4. — Plusieurs casse-tête gaulois, du cabinet de M. Denon. 5. — Flèches et lances gauloises, en silex. 6. — Candélabre qaulois, en bronze, trouvé aux en- virons du Puy, juillet 18%0. 7. — Plusieurs haches gauloises, en pierres de diverses couleurs, jade, jaspe, etc. 8. — Hache gauloise, en silex, trouvée à Polignac. $. VE. Plûtres des Antiques du Musée ropal. 4. — Apollon du Belvédère. 9, — Laocoon. | 5. — Vénus de Médicis. 3. — Castor et Pollux. 6. — Le tireur d'épines. 4. — Vénus accroupie. 7. — L'Amour grec. 8 à 19 — Bustes d'empereurs romains et d'impératrices. 90 à 35. — Seize Bustes, savoir : ceux de Caton, Cicéron, Faustine, Ptolomée, Epicure, Démosthène, Platon , Socrate, Hyppocrate, Homère, Diogène, Jupiter, Diane, Isis, Flore, les Muses. 56. — Bacchus et Silène : deux copies du bas-relief antique que possède le Musée du Puy (Voir le n°52 des, Antiquités grecques et romaines). S. VII. Sculpture moderne. JULIEN , né à Saint-Paulien (Haute-Loire) en1731, mort à Paris en 1804, ancien membre de l’Aca- démie ét puis de Pinsüutut. 1. — Petite figure, en biscuit, de Lafontaine. La statue exécutée en marbre décore la salle de l'Institut, ( 376 ) 2. — Hygie, déesse de la santé, en terre cuite. Donnée au Musée par la famille de Julien. 3. — Portrait, en bas-relief, de Julien. Plâtre donné au Musée par M. Boudinhon , juge de paix. CROZATIER , né au Puy, sculpteur et fondeur en bronze à Paris, chevalier dela Légion-d’'Honneur. 4.— Henri IV, enfant. Figure en pied, bronze de 2 pieds de hauteur; modeléeet fondue d’après Bozio; donnéeau Musée parS.Exc.leministre de l’intérieur le vicomte deMartignac. 5. — Vase en bronze d'un pied de hauteur, modelé et fondu d’après l'antique. L’original est au musée Charles X. Donné par l’auteur à la Société académique du Puy. 6. — Deux statuettes en bronze : l’une de Jupiter, l’autre de Mars, d’après l'antique. Données au Musée par l’auteur. MOLCHNECHL , statuaire à Paris et membre non résidant. 7. — Buste en plâtre du duc de Bordeaux, d’après un marbre sculpté par l’auteur, pour feu M. le duc deRivière. Donné au Musée par l’auteur. AUTEUR INCONNU. 8. — Jeune Romain, copié en marbre d’après l'antique. Donné au Musée par le Gouvernement, sur la demande de M. Calemard-Lafayette, président à la cour royale de Lyon. LE PUGET, statuaire francais. 9. — Milon de Crotone dévoré par un lion. Copie en bronze, donnée par le Gouvernement, sur la demande de M. Joseph Bertrand, député. MICHEL-ANGE. 10. — Moïse. Copie en bronze, donnée par le Gouver- (377 ) nement, sur la demande de M. le marquis de Latour- Maubourg , ambassadeur de France à Rome. 11. — Copie d’un bas-relief antique , en pierre de Volvic. Fr. EXPERTON rizs. 12 — Buste, en marbre, de Julien, statuaire, né à Saint-Paulien (Haute-Loire), mort à Paris, membre de l'Institut, Ce buste a été admis à l'exposition de 1841. CHAUDET. 15. — Petit bas-relief en cire, représentant Päris et Hélène, CROUZET ris. 14. — Buste allégorique, représentant la ville du Puy, couronnée de tours et portant les armes de la ville aux fleurs de lis. Fr. EXPERTON rixs. 15. — Buste du maréchal de Vaux (plâtre). 16. — Statuelte du cardinal de Polignac (plâtre). 17 et18. — Deux esquisses { bas-relief), l’une repré- sentant l'introduction des arts dans la Vellavie, et l’autre le serment des sept chefs devant Thèbes. AUTEUR INCONNU. 19. — Bas-relief, en pierre coloriée, représentant la Vierge. $. VIIL. Collection cranologique, en plâtre, De divers personnages célèbres, donnée à la Société par M. le docteur Dumoustier, membre non résidant. 4. — Delaplace. 5. — Gall. 2, — Broussais. [ 4. — Walter-Scott. ( 378 ) 5. — Mabile, célèbre 14. — Fox. criminel. 15. — Cromwell. 6. — Charpentier. 16. — Tête selon le sys- 7. — Manuel. tème de M. Spursbeim. 8. — Foy. 17. — Horace Vernet. 7. — Saint-Simon. 18. — Canova. 10. — Sestini. 19. — Crâne de Raphaël. 11. — Le Tasse. 20. — Le Dante. 12. — Marat. 21. — Marie-Stuart. 15. — Pitt. 22, — Figure d'enfant. Toutes les têtes ci-dessus sont moulées sur nature. $. IX. Objets de curiosité mopen-ûge, renaissance, etc. 1. — Tombeau en trachyte de la Pradette. I était dans l'église de Saint-Pierre, sur l'emplacement de laquelle a été construit le tribunal de commerce actuel. Le bas-relief représente l'enterrement du personnage, à visage décou- vert, pour lequel le monument fut élevé. 2. — Vase en marbre blanc, ayant la forme d'une gourde de pélerin. Elle est creuse en dedans avec une ouverture à l’une des faces; sur l’autre est la figure de saint Louis sculptée en relief. On a lieu de penser que ce monument, qui était conservé autrefois à la Cathédrale, est un reli- quaire donné par saint Louis, peut-être même celui dans lequel fut mise l'épine de la couronne de Jésus-Christ qui fut donnée par ce roi au trésor de cette église, lorsqu'il y vint en pélerinage, à son retour de la Palestine. 3. — Bas-relief, en marbre blanc poli, du 14° siècle , ( 379 ) représentant un groupe de religieuses. Il est fort remar- quable par son fini précieux. 4. — Fauteuil gothique, ayant appartenu à la famille de Polignac, dont on remarque les armoiries sur un des ornemens de la frise. Il a été donné au Musée par M. Ri- chond , juge de paix. Le travail délicat des ornemens rend cet objet fort curieux. D. — Coffre gothique , avec des ornemensparsemés de fleurs de lis, donné au Musée par M. le vicomte de Becdelièvre. 6. — Quatre colonnes du petit monument à gauche placé au milieu du Musée. Elles sont en marbre blanc ainsi que les chapitaux ; elles sont gothiques. Elles ornaient un tombeau élevé dans l’église des Cordeliers, sur l’emplace- ment de laquelle a été bâtie la maison de M. Dugone. 7. — Empreinte d'un cachet gothique que possède Mgr. l’Evéque du Puy. 8. — Masque du moyen-äge ou de la renaissance, en marbre blanc, représentant une figure de femme, jeune et belle, qu'on prendrait pour celle d’une vierge, s’il n'existait une tradition qui rapporte qu’elle aurait appar- tenu à une statue figurée sur un tombeau du moyen- âge (1). On y reconnaît la grâce et Ja naïveté du style de cette époque. Donné par M. Aug. Aymard, m. résidant. 9. — Deux chapiteaux gothiques, ayant appartenu au monument de Duguesclin. (1) Cette statue auraitété enfouie, dit-ou, dansles fondations d’une maison sise au bas de la rue des Tables, au Puy. Elle aurait été mise à découvert en 1789, et le propriétaire aurait, ajoute-t-on, permis à un sculpteur de cette ville d’en détacher le masque. ( 360 ) 10. — Eperon en fer, du moyen-dge. Donné par M. Jourde, de la Chaise-Dieu. 11. — Un fauteuil gothique. 12. — Un bahut gothique. 15. — Eperon de Raymond, comte de Toulouse, envoyé au trésor de l'abbaye de la Chaise-Dieu, après la prise de Jérusalem par les croisés. Il en est fait mention dans la Coutume d'Auvergne. Donné au Musée par l’ancien prieur de cette abbaye, devenu curé de Craponne. 1% et 15. — Divers débris (en grès), du moyen-äge, groupés à droite et à gauche de la porte d’entrée à l’inté- rieur du Musée. 16. — Le tirèur d'épine, imitation gothique de la statue antique de ce nom, retirée du clocher de la cathédrale. 17. — Trophée de diverses armes des deux derniers siècles : lances, piques, hallebardes et épées; carabines, mousquets, pistolets, gantelet, cotte de maille, mors, étriers, etc. Donnés par différentes personnes. 18. — Coupe en cuivre émaillé, avec des figures et des ornemens. Ces sortes d'ustensiles étaient fort en usage au 16e siècle ; les plus estimés se fabriquaient à Limoges. 19 e620.— Deux fauteuils en bois de noyer, du 16° siècle. 21. — Calvaire, d'un émail précieux. Donné au Musée por M. le vicomte de Becdelièvre. 22. — Figure allégorique, d'environ 8 pouces de hau- teur, peinte en émail. Donnée au Musée par M. le vicomte de Becdelièvre. 253. — Meuble du 15° siècle. Ce beau meuble a été en- voyé pour le Musée, par une personne inconnue. étrangère au département. 2%. — Assielte en faïence, avec des ornemens en faïence, de la renaissance. ( 361 ) 925.— Meuble de la renaissance , d'une rare conservation. 26. — Deux vases en faïence (15° siècle ). 97. — Portraits de François Ir et de la reine. Ces reliefs sont en bois de noyer. Donnés au Musée par M. de Brive. 928. — Oliphant en ivoire, dit Cornet de Saint-Hubert, du 10€ siècle, donné par M. d’Authier de Saint-Sauveur. 29. — Petite montre renfermée dans une croix de cristal]. 30. — Planche en cuivre, où se trouve gravé le portrait d'Armand de Béthune, évêque du Puy. Cette planche, quoique usée, n'en est pas moins intéressante, {ant par Ja beautédu burin, que par l’image du prélatqu'ellereprésente. 51. — Plan en relief de la Bastille. Cette forteresse, qui fut une prison d'état, fut détruite au commencement de la révolution. 52.— Pierre de la Bastille, avec le plan de cette forteresse. 35. — Ustensile en ivoire, dans lequel se placait une râpe pour le tabac (16€ siècle). 54. — Chapiteau gothique , donné par M. Coffy, boulanger. 55. — Bas-relief en albâtre, représentant l’Assomption. 36. — Tabatièreen buis, fortancienne, avec un bas-relief représentant un calvaire. 51. — Poire à Poudre, des 1% et 1595 siècles, avec orne- mens gravés, représentant un guerrier armé d’un bouclier et d’un sabre. 98. — Casse-tête des sauvages, donné par M, d’Authier de Saint-Sauveur. 59. — Crapaudine antique. Ces sortes d'objets servaient à la guerre. 40. — Casse-tête des sauvages, &onné par M. le vicomte de Becdelièvre. 41. — Vitre peinte (15e siècle). 42. — Petit chat en porcelaine du Japon, garniture en argent, donné par M. le vicomte de Becdelièvre, ( 582 ) 45. — Ciseaux pour la sculpture, ayant appartenu au célèbre Julien , notre compatriote; donnés par sa famille. 44. — Sa médaille de membre de l'Institut. 45. — Petite tête en os, représentant une tête couronnée. 46. — Petite cuiller en bronze, ainsi qu'un anneau, trouvés à Saint-Marcel. 47. — Deux petites haches fort anciennes, trouvées à Saint-Marcel. 48. — Chaussure des dames d'Alger. Objet apporté par un officier de l'expédition; donné par M. le vtede Becdelièvre. 49. — Deux bas-reliefs en albâtre, sous le même n°. 50. — Chaussure des dames de Maroc, donnée au Musée par M. le marquis de Laroche-Saint-André, consul français à Barcelonne. 51. — Vase en verre opale (15° siècle). 52. — Plat en faïence (15° siècle), donné au Musée par Mae de Vinols. 53. — Pipe en terre (île de Corse ). 54. — Bas-relief en ivoire. 55. — Coquilles de pélerin, trouvées sur un squelette, dans les fouilles pour les fondations du tribunal de commerce. 56.— Défense de sanglier, donnée par M. de Choumouroux. 51. — Perles fines que l’on trouve dans des moules du ruisseau de Virlange, canton de Saugues. Données par M. Dumaze!. 58. — Eperon et chien de fusil, trouvés au château des Ubas ( Ardèche) ; donnés par M. d'Agrain. 59.— Tuile portant la date de 1145, trouvée au même château. 60. — Petit objet en coco, dont on ignore l'usage. 61. — Petite rotonde en marbre de diverses couleurs, donnée par M. Henri, sous-intendant militaire. (383) 62. — Deux petits bas-reliefs en albätre. 65. — Un boulet et deux balles, trouvés dans une fouille, en mai 1931, par M. le vicomte de Becdelièvre, sur le champ de bataille de Marengo. 64. — Sceau d'André Valladier, abbé de Saint-Arnould de Metz, né à Saint-Pal-de-Chalencon (Haute-Loire), donné par M. Tessier, préfet de l'Aude. 65.— Petite sculpture en bois, imitée du gothique, exé- cutée et donnée par M. Bayard, curé de Saint-Vidal. 66.— Pottrail d'une cuvrasse en fer, sur laquelleest figurée une croix de Malte. Donné par Mgr de Bonald, évêque du Puy. 67.— Petite tabatière en ivoire, avec ornemens sculptés et piqués de petits points d'or, garniture d'argent. 68. — Agrafe en or, avec ornemens, moyen-âge. 69.— Aiguière en bronze, dans le style de Benvenutte Cellini, donnée par M. Crozatier. Ce bronze est brisé. 10.— Figurine en cuivre argenté, représentant un abbé avec les attributs épiscopaux, trouvée à la Chaise-Dieu et donnée au Musée par M. de la Pommeraic. 71. — Email de Limoges. Saint Dominique. Donné au Musée par M. le vicomte de Becdelièvre. 72. — (rrand émail de Limoges. Annonciation. Donné au Musée par le même. 13. — Fragment d'un manuscrit en écorce d'arbre, trouvé dans la statue de la Vierge brülée au Puy en 1793. Donné au Musée par M. Francisque Mandet. 74. — Petit bas-relief en bois , imité du gothique, représentant le Sauveur et la Sainte Vierge; exécuté et donné par M. l'abbé Bayard, desservant à Coubon, membre non résidant. 75. — Fusil de forme ancienne, espagnol ou napolitain. Donné par M. Isidore Hedde, membre non résidant. 76. — Beau fusil à rouet, incrusté en nacre. ( 584 ) T7. — Casque en fer du moyen-dge, complet dans toutes ses parties ; trouvé à Rosières et donné par M. deRosières, capitaine d'état-major, membre non résidant. 78. — Quatre panneaux gothiques. Ws offrent deux anges agenouillés et les figures deS. Pierre et de S. Jean-Baptiste. Donnés par M. Aymard, membre résidant. 79.— Morceau d'un drapeau de Charles-le-Téméraire, pris à Morat, rapporté de l'arsenal de Berne par M. le vte de Becdelièvre. 80.— Planche en cuivre gravée, représentant un sujet religieux. 81. — Cuivre gravé en creux, représentant plusieurs écuset armoiriesd’anciens seigneurs du Velay et du Vivarais. 82. — Mandoline du 17° siècle, incrustée en nacre. 835. — Trompette marine du 16° siècle. 84. — Belle serrure, de la renaissance. 85.— Clef, de la renaissance. 86. — Médaillon hébraïque en vermeil, offrant d’un côté l’image du Christ, de l’autre une inscription en caractères hébreux. 87. — Parasol chinois, donné par M. Isidore Hedde, membre non résidant. | 88.— Autre parasol chinois, donné par M. Dugone. 89.— Traversin chinois, donné par le même. 90. — Pagode indienne ou chinoise. 91. — Masque de Satyre, en bronze, d'après un masque de la renaissance , par M. Crozatier, membre non résidant. 92. — Email représentant S. Antoine de Padoue. 95.— Deux panneaux gothiques, provenant de l’ancien couvent des Cordeliers. Donnés par M. Dugone. 94.— Clefen bronze, du Bas-Empire, donnée parle même. 95. — Escopette avec batteries anciennes, donnée par M. Constant, conservateur des hypothèques. ( 385 ) 96. — Serrure de streté, sous Louis XIV. 97. — Statuette, du moyen-âge, donnée par M. Carria, archiprêtre de la cathédrale. 98. — Panneau à jour, en fer, d’un marteau gothique, provenant du château de Cheyrac. Donné par les enfans Braud des Rivières. 99. — Porte, de la renaissance, en bois et à quatre panneaux. 100. — Téte de divinité mexicaine, nommée Dos tres cuernos, donnée au Musée par M. Achille Bertrand, négociant à Mexico 101. — Flèche mexicaine en obsidienne noire, donnée par le même. 102. — Hache en pierre, munie d’un manche en bois et d'une Jigature en écorce d’arbre , provenant de Ofaiti ; ayant appartenu à M. de Buffon. Donnée par M. Aymard. 1053. — Hache en pierre, munie d'un manche très- ouvragé et de sa ligature, provenant du Chili; envoyée par M. Joseph Pissis, médecin des hôpitaux à la Con- ception (Chili), membre non résidant. 10%. — Flèches de sauvages , barbues, données par M. de Rest. 105. — Tête de divinité indienne, en argile, provenant de la tribu éteinte des Ouachas, près de la Louisiane. Donneé au Musée par M. Aldebert Chabalier. 106. — Ebauche de tête de poisson , en argile, mémeorigine. Donnée par le méme. 107. — Deux paniers tressés par les Sauvages. Donnés par M. Rivet, de Goudet, docteur en médecine à la Nouvelle-Orléans. 108. — Deux pierres tumulaires ,en marbre blanc , ayant ( 386) servi à la décoration d’un tombeau de Fatime, fille de Caïd, général arabe, provenant d’une mosquée d'Alger. Données au Musée par M. Ferd. Lemaugin. 109. — Cussoktte turque, en bronze doré. Donnée par le même. | 4140. — Trois mors de cheval, mulet et âne des Bedouins. Donnés par le même. 111. — Eperon kabyle. Donné par le même. 412. — Calendrier arabe, rapporté de Constantine et donné par M. le capitaine Surrel de Montchamp. 115. — Monument arabe, donné par le même. 414. — Onze inscriptions en arabe , données par le même. 415.— Vase en cuivre, appelé Marabout et servant à brûler de l’encens, provenant de la grande mosquée de Constantine. Donné par M. Ferd. Lemaugin. 116. — Pipe de kabyle, en bois de caroubier. Donnée par le même. 417. — Deux étriers arabes et un éperon. Donnés par id. 118. — Pierre tumulaire, en marbre blanc, avecinserip- tion arabe. Donnée par M. Préat, sous-intendant militaire. 119. — Très-beau manuscrit arabe. Donné par le même. 120. — Rasoir servantaux Arabes à se couper les cheveux , provenant de la tribu des Righas. Donné par le même. $. X. Médaille. Médailles antiques en or, argent, billon et bronze de tous les modules.......... RTE ARR 1864. Médailleset monnaies du moyen-âge et modernes, de tout métal....... Sa cs rotats EPL PAT st ST 4h Médailles et médaillons anciens et des derniers règnes, médailles des hommes célèbres, etc.... 196. dé Le ( 387 ) L’accroissement que cette collection a pris depuis quel- ques années a permis à M. Aymard, chargé de sa conser- vation, de dresser des catalogues distincts pour chacune des grandes divisions adoptées aujourd’hui dans la science numismatique. Ces catalogues sont au nombre de trois : le premier comprend les trouvailles de médailles qui se font dans le département. Dans le second ont été classées les médailles anti- ques proprement dites; les subdivisions qui ont été adoptées comprennent les médailles égyptiennes, grec- ques, celtiques, romaines et byzantines. Le troisième catalogue est aussi divisé en plusieurs séries : 1° monnaies, médailles et jetons frappés dans le Velay, ou relatifs à l'histoire de cette province et à celle de l'Auvergne. Cette collection, quoique peu nom- breuse, renferme déjà des raretés d’un haut intérêt pour notre histoire locale; 2° les monnaies de la monarchie française; 30 les monnaies des barons, des prélats et des villes de France; 4° les jetons de France; 5° les mon- naies, jetons et médailles étrangères ; 60 les médailles des hommes illustres; 7° les plâtres et clichés. Dans ces registres, les pièces sont décrites avec tout le soin possible, soit du côté du droit, soit au revers. Les moindres particularités du type et souvent même de la fabrication y sont indiquées. En regard des pièces, on a inscrit les noms des donateurs, le leu et l’époque de la découverte. On invite les personnes qui auraient connaissance de découvertes de monnaies et de médailles faites dans le département , de vouloir bien en donner avis à la Soctété. (388) $. XL. Collections d'Éistoire naturelle. A. — MINÉRALOGIE ET GÉOLOGIE. 1. COLLECTION GÉNÉRALE DE MINÉRALOGIE, disposée Echantill. pour l'étude, selon la méthode de Hauy...... PA TT 2. COLLECTION GÉNÉRALE DES ROCHES, disposée pour l'étude, selon la méthode d'Alex. Brongniart.. 308 3. Minéraux ET ROCHES DE LA HAUTE-LOIRE , ds- posées selon l'ordre de superposition , savoir : Bassin du Puy ou de la Loire...... * macnurt a ÉLÉ Bassin de Brioude ou de l’Allier............. 140 Uue grande partie des roches du bassin de l’Allier a été donnée par M. Aimé Pissis, membre non résidant. 4. Minéraux et Roches du Puy-de-Dôme. ........ Une partie de cette collection a été recueillie par MM. Lecoq et Bouillet, membres non résidans. 5. Collection particulière des Minéraux et Roches des Mont-Dores, par les mêmes............. 6. Roches de la Lozère, de l'Ardèche et du Cantal. 7. Minéraux et Roches du Vésuve.............. Donnés par M. Albert de Brive, membre résidant. 8. Roches et fossiles du bassin de Paris......... 9. Roches de la Saxe, recueillies et classées par M. Reich, professeur à l'Ecole des mines de MENTON RABAT NM EU SES NE 10. Roches du bassin de Vienne en Autriche... 11. Roches d'Ecosse, recueillies et classées par M. Forbes, professeur à l'Université d'Edim- Dour tits Ent D 0e en dune 309 LS > NN PSE. Re + ( 569 ) 12. Roches des environs du Mont-Blanc, données par Me GouDiye RSR Re eee 96 15. Suite de Minéraux rapportés de l'Algérie par M. Ferd. Lemaugin. B. — PALÉONTOLOGIE. 1. FOSSILES DES TERRAINS HOUILLERS DE L ARRONDISSEMENT DE BRIOUDE. Vingt-trois échantillons présentant des tiges et impres- sions de végétaux propres à ces terrains et provenant des houillères de Frugères, Brassac, Langeac, etc. Envoide tiges, de fruits, d’impressions de fougères, etc. , provenant du terrain houiller de Langeac. Cetenvoi, renfermant ungrand nombre d’échantillons, a été offert au Musée par M. Bouche, de Langeac, m. correspondant. 2, FOSSILES DES GITES D ARKOSES DE BRIVE ET DE BLAVOSY, PRÈS LE PUY. Dix-sept échantillonsdetiges, d’impressionsde feuilles, etc. 5. FOSSILES DU TERRAIN &GYPSEUX DES ENVIRONS DU PUY. Treize échantillons présentant des débris de Paleotherium magnum (Cuvier), et entr'autres les diverses espèces de dents de ce pachyderme. Un massif gypseux, renfermant des fragmens de tibia , de fémur d’os du bassin, de vertèbres et de côtes de la même espèce. Ce beau morceau a été donné au Musée par M. Varennes, d'Aiguille, carrier. Impressions de larves d'insectes. ( 590 ) 4. FOSSILES DU CALCAIRE MARNEUX OU A LIMNÉES DES ENVIRONS DU PUY. Soixante-cinq échantillons présentant des débris dedivers animaux appartenant aux classes, geures et espèces ci- après, ou encore indéterminés, ossemens, dents, fragmens de mâchoires, etc. Repries..... Crocodiles et tortues , os, dents et écailles. PachyDeRMES. Paleotherium Velaunum (Cuv.) fragm. de mâchoires. medium. (Cuv.} Anthracotherium Velaunum. magnum . Anoplotherium leporinum. RoncEurs.... (Genre myoxus. CARNASSIERS.. Genres indéterminés. OISEAUX... .. il. Un certain nombre d'échantillons présentant des restesou empreintes de divers animaux et entr'autres de mollusques, tels que limnées, planorbes, cyclostemes, bulimes , etc. , font partie de la’collection des minéraux et des roches de la Haute-Loire, n° 3 de la division A. Il en est de même des fossiles appartenant aux terrains précédens. D. FOSSILES DES TERRAINS VOLCANIQUES ET D'ALLUVION. Gîtes de Solilhac , de Cussac, etc. Deux cent cinquante-sept morceaux présentant des restes de divers animaux, ossemens , dents, cornes, bois, fèces, etc. Rommans.... Bos Velaunus et aurus, Cervus Velaunus Cervus dama Poliniacus et une Antilope. AS ( 591 ) .Pacuypermes. Mastodonte, Eléphant , Hippopotame, Rhinocéros et Tapir. SoLiPÈDES..., Cheval. Une très-grande partie de cette collection a été donnée au Musée par M. Félix Robert. M. de Chardon a donné aussi de fort heaux morceaux, Gite de Saint-Privat-d' Allier, dans les scories volcaniques, entre des coulées de laves basaltiques. Sixmorceaux appartenant aux genres Bœuf, Cerf, Hyène et Rhinocéros. Recueillis par MM. Bertrand de Doue et Deribier. Gite de Taulhac, à la surface du calcaire marneux. Des dents de cheval et d’os de mauvaise conservation. Donnés par M. Pous-Rigaud. Gite de Paradis , terrain d’alluvion. Branche gauche d'une mâchoire inférieure de Rhinocéros. Donnée par M. Aymard. C. — ZOOLOGIE. 14. Collection générale de coquilles marines, terrestres et d’eau douce. Cette collection se compose de plusieurs milliers de co- quillages, dont la classification et l’arrangement ne sont point encore terminés , faute de place. 2. Collection de coquilles fluviatiles et terrestres de France, et en particulier de la Haute-Loire, commencée par M. Aymard. Cette collection, qui se composera de plus de 1000 espèces ou variétés, se complète successivement. 5. Collection de coquillages marins, terrestres et d'eau ( 392 ) douce, de graines, de fruits, etc., envoyés au Musée par M. Rivet, de Goudet, médecin à la Nouvelle-Orléans. 4. Envoi de coquillages de la mer Pacifique destiné au Musée, par M. Joseph Pissis, de Prioude, médecin des hôpitaux de la Conception au Chili, et membre non rési- dant. Cet envoi n’a pu être encore disposé sur des tablettes, faute de place. | 5. Repries.... Plusieurs bocaux remplis de reptiles ophidiens ou sauriens. G. OisEaux..... Deux cent vingt-sept individus , Ja plupart appartenant au département. 7. MamwirÈres. Neuf, parmi lesquels on remarque un lynx, une genette et une hermine tués dans le département (1). D. — BOTANIQUE. Le nombre des plantes observées jusqu'à ce jour dans le département s'élève à 1502, dont 1195 phanérogames et 307 cryptogames. Le Musée en possède 760 échantillons. Son herbier renferme aussi 650 plantes, savoir : 200 cryptogames et 430 phanérogames, recueillis dans les Pyrénées et le Jura, par M. Bernard, vérificateur de douanes à Nantua, membre non résidant, et offertes par lui à la Société. {a) Le Musée possède aussi des peaux d'oiseaux étrangers envoyés par M. Joseph Pissis; une peau de boa et une mä- choire de requin données par M. Garnier, de Paris; un test de tatou, envoyé de Mexico par M. Achille Bertrand ; de jeunes crocodiles, différentes monstruosités, etc. | 4 Fe rt ( 395 ) SOU Modèles, Machines, Fnstrumens, Produits de l'industrie départementale, etc. 1. — Charrue Dombasle. 2. — Herse de Roville. 3. — Cultivateur. 4. — Joug de front. 5. — Machine à teiller le chanvre. 6. — Baratte perfectionnée. T. — Baromètre à cuvette. 8. — Diagraphe de Gavard. 9. — Cadran sphérique, inventé par M. Avit. 10. — Modèle de machine à carder. 11. — Modèle de coupe-racine, par M. Andant. 12. — Modèle de fourneau à vapeur. 15. — Modèle de tuyau de cheminée mobile. 14. — Quinze modèles d'escalier et de voûte, en bois et en plâtre, exécutés par les élèves des écoles industrielles. 15. — Grande carte, sous verre, de dentelles de lu fabrique de M. Théodore Falcon, du Puy. 16. — Autre carte, sous verre, de dentelles de la fabrique de M. Félix Varenne, du Puy. 17. — Carte, sous verre, de cartons pour dentelle:, piqués par le procédé mécanique de M. Xavier Breysse, du Puy (1). (1) Le Musée renferme aussi la bibliothèque de la Société et la bibliothèque historique départementale. Cette dernière, créée en 1834, possède déjà un certain nombre d’ouvrages et de manuscrits précieux pour l’histoire du département. Le cata logue de chacune de ces collections sera publié plus tard, ( 594 ) Sur un monument en marbre , onlit l'inscription suivante, votée par la Sociéte d'Agriculture, Sciences, Arts et Com- merce du Puy : AU PROTECTEUR DES SCIENCES, DES ARTS ET DE L'INDUSTRIE, BARON ARMAND DE BASTARD , PRÉFET DE LA HAUTE-LOIRE , DE 1917 A 1828. ( 395 ) VAR VV UV AR UV UV AAA VV AN MAY VA VAR AV A AVR AA M VV AA MU A RAS AUL AE AN AA Sa Œnble des Matières, COMPTE RENDU présenté à la Société, dans sa séance du 25 août 1840, par M. Bertrand de Doue présidents. het uns: Pan 7° Notice indicative des sujets de prix proposés par la Société, dans sa séance du 25 août 1640, et des primes et médailles qu'elle a décernées dons ia méme séance. ......... Table des matières contenues dans les 6, 7 et 82 numéros formant le complément du tome premier du Bulletin agronomique et DCULSLREEL A EN ele dde sie Ne ee ee et ta Rapport adressé à la Société par M. Léon Labatie, sur une éducation de vers à soie... Lettre de A. de Lachapelle, sur desplantations de müriers et une éducation de vers à soie. Lettre de M. le comte de Macheco , Sur la culture du trèfle, Le hersage des céréales, etc. Rapport lu à la Société, par M. Albert de Brive, sur quelques améliorations introduites GNT TAPRRSO OR NRC TM SONT CHER Lettre de M. Laroue ,sur lenfouissage du Lupin. Suite des guerres civiles, politiques et reli- gteuses dans le Velay, par M. Fr.Mandet.. BE HU 5 24 4o ( 396 ) Discours à l’occasion de l'inauguration du buste du maréchal de Vaux dans le Musée du Puy, lu par M. le vicomte de Vaux..... Meillan, marquis d’Allègre, par M.F. Grellet. Chanteuges, son lustoire, ses antiquités, et ses traditions, par M. Félix Grellet....... Vanneau, Michel , Julien, sculpteurs du Velay, par M. Francisque Mandet............. . Archéologie, par M, le v® de Becdelièvre... Le Choriste de Notre-Dame, par M. Dewains- Desfontaines, d'Alençon. ........:...... L'Homme, par M. le baron de Talairat..... Musée du Puy. — Zableaux, dessins et aqua- relleseee ere AE ed ce ne ace — Gravures et lithographies .............. — Antiquités romaines ef grecques......s — Antiquités égyptiennes... 2.152... — Antiquités gauloises...............s... — Plätres des Antiques du Musée royal... — Sculpture moderne.................... — Collection crdnologique , en pldtre....... — Objets de curiosité, moyen-dge , renais- sance, elc. one Go 0 Sound . — Médaillier.. pt Se ST RC Se — Collections PRSye LEoER PAYER TEA — Modèles, machines, instrumens , produits de l’industrie départementale, etc...... LE FIN. jh 98 225 245 293 303 333 339 + 544 347 360 362 370 374 375 375 377 378 386 386 : : te mm me mers le PPLANEENTANIANTATL HÉSE HR CON 4È 2 RS RARSRARG ESS » ACRACROAOOROOCRAACR RAR TROAIUIERSE, ASUS M CPR TAGS AOROCHORCOR RRAOUUERORIR LÉCORERRRRRER ARR OORACORACICICRR AOC ROC PNE RER NRRRRENURE, GRO AOOROR AE AROACIOR AAA TERRE AR AAA | AAA AA AN È AORCRCRAC ARR sis où a 7T: AZ K Fi He re DE 4 2 A7 à AK 7 KA A CHOC 0 ee RON ER Phi 64 ; ROROEORICROIO ER ROROHRCHCR OR AOKECK RE th 1 OO ROROROIORCE ORRORCRORCROR OR ION {ea | OO RORORORIOIOCOIOK | RDC CIOIOIOROICICIDICICR DE SOOIOE OOIOICOIR ROC CIO | 1 Ù ROCCO OI Ml à BOOK JILIRSS ROCCO CCICIOROK ROC OCIOICIOROIOICROK ROC IOICR AOOIOROOICROCIONOK DOI OO IOIORICHOROIOOK | RD CDR ROCCO OOIOK Un ! MOROCCO CIO OIOIOK | ê # LAN Ld #2 Se © SRI LRORORORACICROR HRK RAR EP ÈŸ2 BETA MOROCCO HOROOECRORAOKAHOK OSEO É CRU LRO ROCK OO HO ROCCO ACK HCRENOECK AC SRÉORROROCK RCKQ RHCHRR HCHCHKAHCK HOROORROICKA DORE CHORACR HOUR SHC RORCRONCK HORHOKCCK 2 HACK OR HOEOHOHOHCHCHOK HORCRCK HOK A CRACK OR AOC CICR AEIUE, RAC LEOROHOAORAON AC HORACHCRACKR CUPATERS 2 TANIA E a Ra 7 AA HA HOROEHOEAC Le OL HORORONORA PORTER TT RSR a tie cities. Ver SR PP NT SP MES ENT 1 ne: ki o SES . r SSD re ” Ce < CE pr, « LR Qi eu ER