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Boulevard Saint-Laurent . 2: MDCCCLI\ 1 rade ui dE RE Matos ds cime L'égei rare à hosbipishes [Es ES MANN ET D à van à: Sel Sd ésate, ve ra | Done 04 dd CAGRET : Riheurte ri eh/snmiet st or 2 MEME Eh er dan ir Sd ape ee ar ik PCT d Ê ( | ne Leu ben — Fl'yenel we & appt TR De Arr ire) RE ut “rats # , RE ra Li agiss WAR 2. de ia RÉis of ouai “ re Mesa st Conde: MAÉ be se SL sg ANRT D TETE tune - Mise 14 LS Du QUE wa TURN NAN NLO RE EE Er QU \ qu let “à LATE : AT à né ji ai & HTRNQUT : HREMAENEE PROCÈS-VERBAUX DES 2e SÉANCES DE L'ANNÉE 1857 ——}>Ÿ=—— — SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 8 JANVIER. SOMMAIRE. Lecture du procès-verbal. — Communication des ouvrages reçus : mention de divers articles des publications adressées à la Société : Annales de la Société d'ému- lation des Vosges, mémoire sur la situation de l'industrie de la broderie dans le département des Vosges; — Cabinet historique, documents sur la régale du Puy; — Annales de la Société académique de Nantes, étude sur les Grands-Jours (citations empruntées au travail de M. Paul Marthory) ; — Bulletin de la Société d'agriculture du Puy-de-Dôme, du granit employé comme amendement. — Correspondance : lettre de M. le Président à M. de Chevremont, réponse de ce dernier ; — demande adressée à M. le Ministre de l’agriculture pour la tenue du Concours régional au Puy ; — lettre de M. de Gourey sur le lupin jaune. — Agriculture : enquête sur le drainage , observations de MM. de Brive , Chouvon, ete. ; — culture de la patate , observations de M. le docteur Borie. — Indust'ie : nouvelles recherches de gisements houillers, observations de MM. Aymard, Félix Robert, ete..— Musée : acquisition d'ossements fossiles pour le Musee. — Beaux-arts : ailocation accordée à M. Dorlhac de Borne pour ses études archi- tecturales de la cathédrale. 6 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Présidence de M. Ch. C. de Lafayette. La séance est ouverte à trois heures. M. Louis Balme, vice-secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. Ce procès-verbal est adopté. Communication des ouvrages reçus. Parmi les publications adressées à la Société depuis la dernière séance, M. le Président mentionne parti- culièrement celles qui suivent : Le Bulletin des travaux de la Société des sciences médicales de la Moselle contient des études sur la mortalité en raison des âges, des professions, etc., qui pourraient être consultées avec fruit par les personnes qui voudraient se livrer à des recherches analogues. Les Annales de la Société d'émulation des Vosges publient un mémoire de M. le docteur Haxo, sur la si- tuation de l'industrie de la broderie dans le départe- ment des Vosges. Ce travail a surtout de l’intérèt en raison des similitudes qu'il est facile d'y trouver entre l'industrie de la broderie dans les Vosges et la fabrica- tion de la dentelle dans la Haute-Loire. Toutefois, il est bon de le dire à l'avantage de notre département, les abus qui ont été depuis longtemps signalés autour de nous, que les hommes les plus compétents déplo- rent, et que l'administration supérieure se propose de combattre par une réglémentation intelligente , JANVIER. 1 notamment par l'institution du livret des ouvrières ; ces abus si désastreux pour tous: l'incertitude des rapports entre louvrière et le fabricant, les infidéli- tés et le défaut de bonne foi de la part des unes, la ri- gueur et l’absolutisme dans les transactions de la part des autres, sont poussés, à ce qu'il paraît, dans les Vosges à un degré qui dépasse de beaucoup tout ce que nous pouvons avoir à regretter dans ce genre. Du reste, la Société qui a prouvé maintes fois à la fabrique entière, aux patrons comme aux ouvrières, toute sa sollicitude pour leur précieuse industrie, ne saurait trop redire, dans l’intérèt des uns comme des autres, quels avantages même matériels seront dus in- failliblement à la moralisation progressive de tous les rapports commerciaux. Donner le bon exemple aux denteleuses, par la pra- tique consciencieuse de l'équité la plus stricte dans toutes les transactions, respecter scrupuleusement les conventions des autres fabricants, ne jamais détour- ner, par une sorte de surenchère dansdes prix de la main-d'œuvre, les ouvrières d'autrui de leurs engage- ments antérieurs; et d'autre part, tenir fidèlement vis-à-vis de ses propres ouvrières aux conditions sti- pulées d'avance, ne pas exciper des fluctuations et des bas prix momentanés du cominerce pour réduiré les salaires promis, c'est le moyen d'enseigner à cette classe si intéressante et si modeste, à se garder de toute fraude même légère ; c'est le moyen de lui in- culquer cette loyale probité qui fait le bon renom d'une région industrielle ; c'est eufin la voie la plus courte pour recueillir au dehors tous les profits de la S RÉSUMÉ DES SÉANCES. légitime confiance qu'on ne manque pas d'inspirer, lorsque sûr de n'être plus trompé par l'ouvrière , on ne court plus de risques de tromper à son tour sa clientèle, mème sans le vouloir. Le Cabinet historique contient la mention des docu- ments suivants : Lettre de l’évêque du Puy, au sujet de la régale. — Diplomæ S. Ludoviei Francorum regis de jure regaliæ regum Franciæ in ecclesiam Anicien- sem. — Pour la régale du Puy-en-Velay (Livr., no- vembre et décembre 1856). Sous ce titre: Etude sur les Grands-Jours, les An- nales de la Société académique de Nantes contiennent un travail intéressant de M. Vaudier. Les éléments où à puisé l’auteur , ne concernent que les Grands- Jours de Poitiers en 1531, 1579 et 1637; ceux de Clermont en 1666, et enfin ceux du Puy en 1548 et 1666. Les documents les plus complets sur ces so- lennités Judiciaires sont évidemment ceux qui sont empruntés au remarquable travail publié dans nos Annales, par notre collègue M. Paul Marthory, que M. Vaudier cite du reste plusieurs fois avec une pleine loyauté. La Société doit se féliciter une fois de plus de voir les œuvres de ses membres ainsi appréciées au dehors et mises à contribution par le monde érudit. Le Bulletin de la Société d'agriculture du Puy-de- Dôme contient un article curieux sur Femploi du granit pulvérisé, comme amendement. L'auteur de celte communication, M. le docteur Buisson, aurait obtenu par ce procédé des résultats très-avantageux. JANVIER. Q M. Aymard pense qu'il y aurait peut-être quelque intérèt à faire des expériences à ce sujet. Mais il fau- drait connaître préalablement quelle espèce de granit à été employée. M. le Président répond que le mémoire indique quelle nature de granit il faut préférable- ment rechercher. Les sels utiles doivent être particu- lièrement les silicates. M. Félix Robert veut bien se charger de recueillir et de rapporter divers échantillons de granit qui pourront être l’objet de quelques essais. Le mème Bulletin contient quelques indications qu'il peut être bon de consulter sur l'emploi du sulfate de fer dans la confection des fumiers. Enfin un autre numéro de la mème publication contient un article des plus sensés, dans lequel M. Jus- seraud , président du comice de Riom, combat par des raisons péremptoires l'engouement qui s’est pro- duit en faveur de l'introduction de la race bretonne en toute sorte de régions, sans examen préalable de l'avantage ou des inconvénients de cette introduction. M. Chouvon pense que ce n’est qu'au point de vue de la production du lait qu'on a pu se préoccuper de cette race qui, pour le travail et la boucherie, sera toujours insignifiante et ne convient par conséquent nullement à des tentatives de croisement. Le Bulletin de la Société météorologique de France mentionne la nomination de M. Bertrand de Doue comme membre du Conseil d'administration de cette Société ; notre association se tient toujours pour très- honorée des distinctions dont notre éminent doyen est 10 RÉSUMÉ DES SÉANCES. si légitimement et si fréquemment l’objet dans le monde savant. Corresponnance. — M. le Président fait connaitre que le bureau, conformément à la décision prise par la Société dans sa dernière séance , se transporta im- médiatement à la préfecture, pour exprimer à M. de Chevremont, tous les regrets de la Société, à l’occa- sion de son prochain départ. M. de Chevremont ne s'étant pas trouvé chez lui, M. Charles Calemard de Lafayette, au nom du bureau, lui a adressé la lettre suivante : Le Puy, 5 decembre 1856. MONSIEUR LE PRÉFET, La Société d'agriculture, par une délibération prise à l'unanimité, a décidé hier, dans la séance du jeudi 4 dé- cembre , que son bureau et ses divers dignitaires se ren- draient immédiatement auprès de vous, pour vous témoi- aner le vif sentiment de regret dont elle a été pénétrée en apprenant votre prochain départ. Lorsque , à une autre époque, la Société vous priail d'accepter dans son sein le rang le plus élevé dont il lui füt possible de disposer , lorsqu'elle vous décernait le titre de Président honoraire , elle disait assez combien déjà il lui avait été donné d'apprécier le concours si intelligent el si dévoué prêté par votre administration à ses plus utiles efforts. Depuis lors, dans une circonstance plus solennelle, le JANVIER. 11 vote qui vous porta à la présidence générale de la 22e ses- sion du Congrès scientifique de France, en attestant com- bien tous les éléments de progrès intellectuel et matériel de ce pays se groupaient facilement autour de- vous , devint la manifestation plus complète encore de l’heureuse harmonie établie entre vos inspirations et les nôtres. Tels sont les souvenirs que la députation de la Société , qui n’a pu vous rencontrer hier soir, tenait cependant à vous rappeler, et qu’elle a chargé son Président de vous transmettre par écrit, avec l'expression d’une gratitude profonde pour l'appui constant et fécond donné par vous aux intérêts si considérables que la Société d'agriculture , sciences , arts, industrie et commerce du Puy a mission d'étudier et de servir. CH. C. DE LAFAYETTE, président. AYMARD , vice-président. 0. BONNET, secrélaire. A cette lettre M. de Chevremont a répondu dans les termes suivants, en exprimant pour la Société les ho- norables sympathies dont il lui avait donné de nom- breuses preuves : Le Puy, 6 décembre 1856. MONSIEUR LE PRÉSIDENT , de regrette de ne pas m'être trouvé chez moi lorsque vous m'avez fait honneur de vous y présenter avee les autres membres du bureau et les divers dignilaires de la 12 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Société d'agriculture , sciences, arts et commerce du Puf, pour me témoigner les sentiments de regrets que la Société a éprouvés à la nouvelle de mon départ et qu'elle vous avait chargé de m’exprimer. Ces souvenirs que vous rappelez du vote par lequel la Société m'avait rapproché du vénérable M. de Bastard , son fondateur , en me conférant comme à lui le titre de Pré- sident honoraire, et de cette autre initiative à laquelle j'ai dû sans doute la présidence générale de la 22e session du Congrès scientifique de France, ces souvenirs sont parmi les meilleurs que j'emporte dans ma retraite. Un pressentiment qui ne m'avait pas trompé m'avait fait com- prendre, dès les premiers jours de mon administration , tout ce que je devais espérer, pour l’accomplissement de ma mission , des lumières, de l'expérience et du dévoû- ment d'une Société en qui se résument les forces vives du pays. Ma vie tout entière à l’action ne m’a pas permis, autant que je l’eusse voulu, d'appeler vos études sur celles des questions, ressortissant de l'autorité départe- mentale, que les besoins de l'avancement moral et maté- riel du département faisaient naître et dont la solution ne pouvait reposer plus sûrement que sur une œuvre collec- tive comme la vôtre. Cette œuvre doit grandir avec la si- tuation nouvelle du département, sous le gouvernement de l'Empereur : c’est la pensée qui me fait sentir plus dou- loureusement le regret de me séparer en ce moment-là méme et de vous et de ce pays. Auréez , elc. A. DE CHEVREMONT. JANVIER. 15 Conformément au désir exprimé à plusieurs re- prises dans le sein de la Société, M. le Président à cru le moment opportun pour demander à S. Ex. M. le Ministre de l'agriculture et du commerce, que la ville du Puy fût désignée pour être le siége d'un des plus prochains concours régionaux. Cette demande a été formulée dans la lettre suivante, dont il est donné commuication : Puy, 8 janvier 1857. MONSIEUR LE MINISTRE , Votre Excellence avait bien voulu , en 4855, désigner la ville du Puy, pour être le siége du Concours régional de la circonseription du Centre, en 1856. Le Président de K Société d'agriculture du Puy eut alors l'honneur de faire observer à Votre Excellence, qu’en raison de la tenue du Congrès scientifique au Puy, en 1855, il ne paraissait pas possible d’avoir, en si peu de temps, avec succès , dans le même chef-lieu, deux solennités dispendieuses. Il eût été difficile, en effet, d'obtenir à des intervalles si rappro- chés, soit du Conseil municipal du Puy, soit du Conseil vénéral de la Haute-Loire, les allocations convenables. Votre Excellence voulut bien se rendre à ces considéra- tions, et la tenue du Concours régional au Puy fut ajournée. Aujourd’hui, Monsieur le Ministre, il a paru à la Société que je préside, qu'on pouvait espérer de trouver de nou- veau au Puy , pour l'année 1859 , tous les éléments néces- saires à l’éelat d'une solennité agricole importante. 14 RÉSUMÉ DES SÉANCES. En conséquence, Monsieur le Ministre, je viens vous prier, au nom de la Société d'agriculture du Puy, de vou- loir bien désigner le chef-lieu de la Haute-Loire, pour le siége du Concours régional de la circonscription du Centre, en 1859. J'aurai l'honneur de faire observer à Yotre Excellence que, jusqu'à ce jour, la distance qui nous sépare des chefs- lieux où se sont tenus les Concours antérieurs ne nous à pas permis de déterminer les éleveurs à transporter aussi loin leurs produits. Il en est résulté que la race spéciale des régions montagneuses de la Haute-Loire, dite la race du Mezenc , est à peine connue dans le monde scientifique, tandis, au contraire, qu’elle est recherchée par les ache- teurs du Forez, du Dauphiné et de toute la Provence. Nous attacherions un grand prix à voir cette race devenir désormais, elle aussi, l’objet d’une classification spéciale. Elle ne saurait, en effet, prétendre à entrer en comparaison ni pour la taille et Le travail avec la race de Salers, ni pour le poids et l'aptitude à l’engraissement avec la race d’Au- brac. Par conséquent, lorsqu'elle sera confondue dans les Concours avec ces deux races, toutes les chances, au pre- mier coup-d’œil surtout, seront évidemment contre elle: et pourtant, possédant encore, à un degré relativement ex- ceptionnel, la triple faculté de donner à la fois du travail, de la viande et du lait, elle répond ainsi parfaitement aux besoins de la région où elle est élevée. Elle paraît de plus susceptible de recevoir une prompte amélioration, dès qu’elle sera devenue l’objet d’une sélection intelligente qui lui a manqué jusqu’à ce jour. En recommandant ces observations à votre haute bien- veillance, la Société d'agriculture du Puy croit entrer JANVIER. 15 dans les vues d'amélioration et de progrès dont le Gouver- nement se montre si visiblement animé en faveur de l'agriculture. Veuillez agréer , ele. Le Président de la Société d'agriculture du Puy CH. C. DE LAFAYETTE. M. le comte de Gourcy, l’éminent agronome dont tout le monde connaît l’infatigable apostolat au profit de tous les progrès agricoles, et dont on se rappelle Les intéressantes communications dans le sein du Congrès, écrit à M. le Président que, dans ses pérégrinations en Allemagne , il a été frappé de la rapide extension donnée à une culture encore inconnue en France. 11 s’agit du lupin à fleurs jaunes, qui, tant par sa tige que par son grain également précieux comme fourrage vert et comme nourriture sèche des troupeaux, four- unit un moyen de tirer parti des sables et des terrains eranitiques le plus complètement dépourvus de cal- caire. En Allemagne, grâce au lupin jaune, on a ob- tenu sur ces terres une amélioration du plus haut in- térêt. M. de Gourcy annonce qu'il a réservé pour la Société une certaine quantité de semence dont il re- commande de faire l'essai. Des remerciments empressés seront adressés à M. de Gourey. M. Dugrip écrit pour remercier de sa nomination comme membre non résidant. 16 RÉSUMÉ DES SÉANCES. AGRICULTURE. — M. le Président rappelle qu'il a été décidé qu'on recueillerait dans la séance présente des renseignements sur la situation des travaux de drai- nage dans le département, et sur les projets d’assai- nissement par ce procédé, en voie plus ou moins prochaine d'exécution. Il résulte des communications fournies par divers membres, et notamment par MM. Calemard de Lafayette père, Chouvon, ete., que plusieurs projets importants sont en ce moment à l'étude. Il paraît de plus que M. Nicolas, chargé du service du drainage par M. l'Ingénieur en chef. des ponts-et-chaussées, s’occuperait en ce moment de plans de drainage à exécuter sur des superficies très- considérables, tant à Alleret, chez M. le marquis de Ruolz, que chez M. Doniol, à Ronzet. M. de Brive signale aussi un important drainage qui va être exécuté à Coubon, chez M. Ernest de Brive, son frère, sur une prairie marécageuse, dont les fourrages de qualité tout-à-fait inférieure, seront sans doute complètement améliorés, comme qualité et comme quantité, par l'assainissement projeté. Le mème membre pense que, dans les conditions actuelles, la fabrication des tuyaux pourrait bien n'être pas suffisante ; si donc, comme on peut l’espérer, la subvention de deux mille francs , demandée à M. le Ministre, était accordée , il serait bon sans doute de faire l'acquisition d’une nouvelle machine Calla, de ma- nière à établir une sorte de concurrence entre deux fabricants. Plusieurs membres pensent que, dans le cas où cette nouvelle acquisition serait faite, il serait bon de de- JANVIER. 17 mander une modification au tablier de la machine, de telle sorte que la section des tuyaux faite par le ta- blier leur donnât une longueur de 0,33 environ, pour que les trois drains pussent donner un mètre de lon- gueur. Dans ce cas, M. de Brive pense qu’il conviendrait de demander un tablier nouveau donnant les mêmes dimensions pour l’ancienne machine. Les deux fabri- cants auraient ainsi la possibilité de fournir des pro- duits complètement semblables. La Société décide qu'il sera tenu compte de ces di- verses observations. M. le docteur Borie signale, dans le Bulletin de la Société impériale d'acclimatation, une notice intéres- sante sur la culture de la patate et des ignames de la Chine. Il semble qu’au moment où la maladie de la pomme de terre peut donner de sérieuses inquiétudes sur l'avenir de sa culture, il y aurait un grand intérêt à suivre assidüment les essais qui peuvent être faits au sujet d’autres tubercules comestibles, . plus où moins aptes à la remplacer. Plusieurs membres donnent leur assentiment à cette opinion et M. le Président engage particulièrement ceux d’entre eux qui, aux environs de la ville, se li- vrent avec le plus de succès à la culture des légumes, à tenter quelques essais dans le sens des indications de M. le docteur Borie. IxpusrRiE. — M. le Président appelle l'attention de la Société sur un fait qui se passe dans ce moment et qui TOME XXI. 2 IS RESUMÉ DES SEANCES. pourrait être d'un grand intérêt pour l'avenir im- dustriel du pays, comme pour la réalisation de ses lé- gitimes espérances dans la question des chemins de fer. Il paraîtrait qu'une compagnie qui compterait parmi ses membres des industriels distingués du dé- partement de la Loire, ferait faire, dans le canton de Saint-Julien, de sérieuses recherches pour trouver des gisements houillers. D'autres régions de l'arrondisse- ment, et notamment Solignac, le Monastier, etc, devraient être aussi prochainement explorées. Il est sans doute du devoir de la Société de se tenir complè- tement au courant de tout ce qui pourrait être fait en vue de découvertes de cette nature. M. Aymard pense qu'il y aurait surtout à encourager les recherches de lignites dont des gisements impor- tants existent à coup sûr à l’Aubépin, à la Roche-Lam- bert , dans la vallée de Dolaizon, de la Bernarde et au pont de Mars, sur la route de Saint-Agrève. Quant aux mines de charbon, il semble bien douteux qu'on puisse arriver par les recherches actuelles à des résul- tats de quelque valeur. Nos vallées sont assez dé- charnées sur leurs flancs , et les couches verticales du sol sont trop souvent mises à nu par les bouleverse- ments et les érosions qui les ont entamées, pour que les traces de gisements carbonifères ne fussent pas apparentes sur bien des points, si ces gisements exis- taient en réalité. Les terrains de grès des environs du Puy fournissent pour la science la démonstration à peu près définitive qu'on y chercherait vainement le charbon. M. Félix Robert a vu quelques échantillons de char- JANVIER 19 bon provenant de Saint-Julien; du reste, quand les travaux d'exploration seront commencés, il tiendra la Société au courant des constatations qui pourraient ètre faites. M. le Président pense que, puisque des hommes sé- rieux et se plaçant à un point de vue d'exploitation industrielle sont disposés à faire des frais pour les re- cherches en question, ils ont dû être induits à le faire par quelques données suffisamment probantes ou tout au moins par des présomptions de quelque valeur. Sous ce rapport, il semble que la Société manquerait à son rôle habituel dans toutes les initiatives intéres- santes pour le pays, si elle ne cherchait à se faire une appréciation définitive sur les chances des explorations qui vont commencer. I] lui appartiendrait, en effet, d'éclairer ces explorations des lumières de la théorie , de stimuler les chercheurs, si on peut espérer pour eux le succès, ou de les détourner d’une entreprise inutile, dans le cas où les conclusivns de la science seraient absolument négatives. Dans tous les cas, il importe que la Société soit informée régulièrement de la marche des choses. MM. Lacombe et Félix Robert, invités à suivre l'étude de cette question, veulent bien promettre de visiter les lieux, de constater ce qui se fera et d'en rendre un compte immédite à la Société. M. le Président fait déposer sur le bureau une mà- choire supérieure de monacrum velaunum, trouvée dans les marnes gypseuses de la vallée du Puy, et qu’il a acquise pour le Muste. 20 RÉSUMÉ DES SÉANCES. OBJETS D'ADMINISTRATION. — Beaux-arts. — Le Conseil d'administration, appelé par un vote de la Société, dans sa dernière séance, à déterminer la quotité d’une allocation à accorder à M. Dorlhac de Borne, archi- tecte, pour ses remarquables études architecturales du porche de la cathédrale, propose d’affecter à cette récompense une somme de 100 fr. La Société adhère unanimement à cette proposition. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à six heures. Le Secrétaire, O0. BONNET. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 5 FEVRIER. SOMMAIRE. Allocution de M. le Président, relative à la présence de M. le Préfet; réponse de M. le Préfet. — Ajournement de la lecture du procès-verbal. — Ouvrages reçus. — Dépouillement de la correspondance ; M de Morangiès est nommé membre correspondant. — Lettre de M. le Président à la Société impériale zoologique d’acclimatation, pour demander que cette Société reçoive celle du Puy comme Société correspondante. — Réponse de M. le Ministre de l’agriculture à une de- mande de franchise de port, pour un envoi de pommes de terre Chardon à recevoir. — Lettre d'envoi de la machine à drains. — Rapport de M. Chouvon sur les constructions rurales ; étable-modèle de Chadenac. — Avis d’un envoi de 2,000 œufs fécondés de poissons de létablissement d'Haguenau. — Lecture d'un mémoire de M. Borie, sur la panification; discussion Sur ce sujet, à laquelle prennent part M. de Brive, M. le Président, M. Aymard et M. le Préfet, et après laquelle est nommée une commission. — Ajournement d’un rapport de M. Robert, sur les gisements houillers des environs du Puy. — Fouilles archéologiques à exécuter ; M. Bretagne, M. Aymard, M. le Préfet. — Exposition d'émaux du moyen-âge par M. Aymard. — Nomination de M, Bre- tagne en qualité de membre non résidant. — Nomination d'une commission pour l'examen de la demande d'admission, au titre de membre résidant, de M. Nicolas, ingénicur-draineur. La séance est ouverte à deux heures et demie, sous la présidence de M. Charles Calemard de Lafayette. À l'ouverture de la séance, M. Emile Paul, préfet de 22 RÉSUMÉ DES SEANCES. la Haute-Loire, introduit par M. le Président et les Secrétaires, vient prendre place au bureau. M. Ch. de Lafayette, prenant la parole, remercie en termes chaleureux M. le Préfet, d’avoir bien voulu prendre un mownent sur ses occupations si nombreuses et si importantes, pour venir assister à une des séan- ces ordinaires de la Société. Il voit dans cette démar- che toute spontanée, de la part du premier ma- gistrat du département , et une marque de sympathie et un haut encouragement donnés aux travaux que poursuit avec une énergie croissante, la Société d’agri- culture, en même temps, il demande à M. le Préfet de vouloir bien continuer à cette Société, l'appui qu’elle a trouvé dans l’administration de ses prédécesseurs. M. le Préfet répond que toutes ses sympathies sont acquises à une Société qui a pour but le progrès de l’a- griculture, des sciences et des arts, dans le pays dont l’adminisiration lui est confiée. En se rendant à la réunion de ce jour, il a voulu se mettre directement _en rapport avec les membres qui la composent, con- naître la nature de leurs travaux afin de joindre utilement ses efforts aux leurs, toutes les fois qu’il s’a- gira des intérêts matériels ou moraux des popula- tions du département. M. le Président annonce à l'assemblée, qu’en l’ab- sence de M. Oscar Bonnet, les fonctions de secrétaire seront remplies par M. Balme, vice-secrétaire, et que la lecture du procès-verbal de la dernière séance sera aJournée à la prochaine réunion. FEVRIER. Le Le | Ouvraces Reçus. — M. le Président rend compte des ouvrages reçus par la Société, depuis sa dernière séance : parmi ces ouvrages, M. le Président mentionne un volume de la Société d'agriculture de Metz, qui contient un article de M. Isidore Pierre, sur le plâtrage et la fumure des terres; Les Annales de la Société de Soissons. On y trouve une communication fort intéressante, faite par M. Bre- tagne, notre collègue, et un mémoire sur l'orien- tation des anciennes églises ; Le Bulletin monumental, rédigé par M. de Caumont. Dans un article intitulé : Souvenirs archéologiques , M. de Caumont rend compte de l'un de ses voyages au Puy; Le Moniteur des Comices agricoles, qui contient un article sur les mélanges de terre, fumier et chaux, pour l’engrais des herbages et prairies ; Le volume de la Société d'agriculture de Vaucluse , contenant quelques observations sur lobstruction des tuyaux de drainage, qui ont été extraites de l'excellent travail, sur le drainage, de notre collègue, M. de Brive ; Le Bulletin de la Société centrale d'agriculture. Dans cette brochure se trouve un article sur linocula- tion, que M. le Président recommande à la commis- sion chargée des études sur la péripneumonie des bètes à cornes; 24 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Le Bulletin de la Societé d'agriculture du Puy-de- Dôme. On y lit avec intérêt un article sur le chaulage; l’auteur de cet artiele a procédé à l'analyse du fro- ment et de sa paille, ainsi qu’à celle de l’avoine et de sa paille. Il a déterminé la quantité de chaux qui se trouve dans ces différents grains et dans leurs plan- tes , et qui, selon lui, est indispensable à leur belle et bonne venue. Il pense que le chaulage est un moyen de procurer à ces grains la quantité de chaux qui leur est nécessaire ; Le Bulletin de la Société d'agriculture de la Lo- zère, contenant également un article sur le chaulage. M. le président dépouille ensuite la correspondance et donne connaissance d’une lettre de M. de Morangiès, qui fait hommage à la Société d’une brochure, dont il est l’auteur, intitulée : Notes sur l'agriculture gra- nitique de la Lozère. Si la Société juge que cet opus- cule soit utile au département de la Haute-Loire, il offre de lui en envoyer quelques exemplaires, pour les distribuer à ceux de ses membres qui en désire- raient. M. le président propose de décerner à M. de Moran- giès le titre de membre correspondant, et prie M. Chou- von d'examiner l'utilité que peut avoir pour notre pays l'ouvrage de M. de Morangiès et d'en rendre compte à la Société. M. le Président fait connaître la lettre qu'il a écrite à la Société impériale zoologique d'acclimatation ; elle est ainsi conçue : FEVRIER, 25 MONSIEUR LE PRÉSIDENT, La Société d'agriculture du Puy, dans sa dernière réunion, a décidé que j'aurais à demander en son nom son agré- gation, comme Sociélé correspondante, avec la Société impériale zoologique d’acelimatation. . Ainsi que M. le docteur Borie a eu l'honneur de vous l’exposer dans ses dernières communications avec vous, M. le Président, le département de la Haute-Loire, au mi- lieu duquel la Société d'agriculture du Puy exerce son äction, est placé dans les conditions tout-à-fait exception- nelles, pour tenter les grandes œuvres d’acclimatation, dont la Société que vous présidez a pris l’heureuse initiative. Tandis que autour du Puy, et dans plusieurs bassins de l'arrondissement de Brioude, la culture de la vigne donne encore quelques résultats, et que par conséquent l’intro- duction de plantes nouvelles peut encore être essayée, non sans succès, sur un sol d’une fécondité merveilleuse et où la culture maraïchère donne d’admirables produits, la région montagneuse qui nous entoure et que nous trou- vons à peu de distance, les versants du Mezene où l'élève des bestiaux au milieu de pâturages d'une qualité supé- rieure se développe constamment dans la voie d’un heu- reux progrès, se prèteraient peut-être mieux que toute autre localité à l'élève et à la multiplication de certains animaux qui vous semblent, à vous, Monsieur, et à la Société d’acclimatation , qui vous semblent à si juste titre, susceplibles de rendre dans l'avenir d’inappréciables services. Dans cette région du Mezenc dont je parlais tout-à- 26 RÉSUMÉ DES SEANCES. l'heure, la culture pastorale, pratiquée à une hauteur de plus de 1,700 mètres au-dessus du niveau de la mer, sem- blerait pouvoir adopter sans grands efforts, eu égard à la convenance du climat, l'introduction du lama, de lalpaca, de la chèvre d’Angora et de Cachemire. L’yac surtout sem- blerait pouvoir s'adapter particulièrement aux conditions spéciales de nos montagnes, et on ne pourrait pas craindre à priori de voir ces animaux se dépouiller graduellement, comme il est arrivé trop souvent ailleurs, de leur pré- cieuse toisen sous un climat qui, pendant l'hiver surtout, développe chez la race bovine, jusques sur les mamelles et les parties ordinairement dénudées, le système pileux. Nous voyons, en effet, dans cette région, les mamelles et ie pis des vaches, pendant l’hiver, presque aussi velus que le reste du corps qui lui-même se revêt de poils d’une longueur exceptionnelle. Il est à remarquer, que toutes ces particularités disparaissent promptement quand l'animal descend dans nos vallées, d’un climat bien moins rigoureux. Telles seraient les conditions favorables, au point de vue des convenances et des aptitudes naturelles, que pourrait offrir ce pays. Je dois, il est vrai, avouer que le concours qu'il serait en ce moment possible d'obtenir des éleveurs de la montagne serait loin de présenter des avantages aussi généralement incontestables. ‘Sauf trois ou quatre excep- tions peut-être, l’éleveur de la région du Mezenc est le plus souvent pauvre, ou tout au moins dépourvu d’avances suffisantes. Il n’y aurait donc guère lieu de songer à lui demander des sacrifices gratuits, au prolit de la science. Ainsi, s’il arrivait que des constructions spéciales devins- sent nécessaires, trois ou quatre propriétaires seuls, à ma connaissance, seraient peut-être en mesure d'y pourvoir. FEVRIER. 27 Ces circonstances sont, je le répète, profondément regret- tables, puisque, ainsi que je crois lavoir établi tout-à- l'heure, le pays aurait des aptitudes dignes d’être prises en sérieuse considération. En ce qui concerne la pisciculture, les conditions égale- ment favorables que présentait la Haute-Loire ont déjà été intelligemment mises à contribution. Je dois particulière- ment vous signaler, Monsieur lé Président, la création d’un établissement spécial de fécondation et d’éclosion pour la truite, déjà en pleine voie de succès au lac de Saint-FronL. Ce lac, d’une superficie de 50 hectares, appartient à M. le comte de Causans, l’un des membres de la Société d’agri- culture du Puy, qui ne néglige rien en ce moment pour y multiplier, dans les conditions les plus convenables, Les truites déjà si renommées, à Lyon notamment, sous le nom de truites du lac, et qui viennent d’être, de la part de M. Comarmond, l’objet d'une publication spéciale. Un autre propriétaire, M. Blanc du Charrouil, se met avec zèle en mesure de marcher sur les traces de M. le comte de Causans. Enfin M. de l’Eguille, sous-inspecteur des forêts, de concert en toutes choses avec la Société d'agriculture et favorisant sur tous les points les tenta- tives d’éclosion nouvelles, va spécialement entreprendre l’'empoissonnement du lac du Bouchet, lac de 90 hectares. M. de l'Eguille attache également comme nous le plus grand prix à la dissémination de l’anguille dans tous les cours d’eau de la Haute-Loire. Malheureusement, lès res- sources dont nous disposons sont bien insuffisantes, eu égard aux proportions de l'œuvre du réempoissonnement qu'il conviendrait de généraliser ici, sur la plus grande échelle, A cet égard, nous nous recommanderions avec 28 RÉSUMÉ DES SÉANCES. instance au patronage de la Société d’acelimatation, soit au point de vue des distributions qui émanent d'elle, soit au point de vue de l'influence qu'il lui est possible d'exercer sur les distributions qui se font par les établissements sub- ventionnés de l'Etat. Des œufs fécondés ou lallevin d’an- guille qui nous seraient adressés seraient reçus par nous avee une vive reconnaissance et placés en de bonnes con- ditions de succès chez des expérimentateurs intelligents. En ce qui touche l’acclimatation des végétaux, la Société d'agriculture du Puy compte également quelques hommes qui mettront tout leur dévoûment et tout leur zèle au ser- vice des tentatives que la Société zoologique voudra bien leur conseiller, en tenant compte des conditions et des aptitudes locales spécifiées plus haut. En résumé, le département de la Haute-Loire, ainsi que l’a judicieusement signalé M. le docteur Borie, présente, au point de vue de la culture, au moins trois zônes bien distinctes qui peuvent se caractériser ainsi : Première zône, de la vigne et des cultures maraïîchères : seconde zône, des céréales, jusqu'à la limite où cesse la culture du froment ; troisième zône, où le seigle et l’avoine sont encore cultivés et cessent graduellement de l'être en cédant le pas à la culture pastorale qui se continue jusque sur les plus hauts sommets. Jai maintenant à m'excuser, Monsieur le Président, d'avoir donné une telle extension à ces détails dont je crains peut-être de m'être exagéré l'importance. Je désire néanmoins que, s'ils n’ont pu servir à constater pour nous des titres réels à l'agrégation que nous avons l'honneur de solliciter auprès de la Société zoologique d’acelimata- tion, ils puissent toujours témoigner , sinon de ce que FÉVRIER. 29 nous avons fait, au moins de ce que nous pouvons et dési- rops faire. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance des sentiments"de haute considération avec lesquels j'ai l'hon- neur d'être votre très-obéissant serviteur. Le Président de la Sociélé d'agriculture du Puy, CH. C. DE LAFAYETTE. AGRICULTURE. — D’après une décision de la Société , M. le Président avait écrit à M. le Ministre de l’a- griculture, afin d'obtenir de lui, comme l’an dernier, la franchise de port des pommes de terre Chardon que la Société désirerait se procurer cette année. M. le Ministre a répondu qu'il avait accordé à M. Dugrip une subvention de six mille francs et que cette subvention lui paraît suffisante pour que M. Du- grip fasse franco, l'envoi des pommes de terre que la Société pourrait lui demander. M. le Président ajoute que, depuis quelque temps, plusieurs personnes qui désirent cultiver cette nou- velle espèce de pomme de terre, lui ont demandé de la semence. Il pose en question si, en présence de ces demandes et des résultats obtenus, la Société doit faire venir à ses frais un nouvel envoi pour le dis- tribuer. M. de Brive pense que, s’il est du devoir de la So- ciété de prendre l'initiative pour propager les cultures utiles, elle ne doit pas, lorsque l'expérience a constaté d'heureux résultats, prodiguer ses ressources pour une série d'expériences de mème nature. La culture 50 RÉSUMÉ DES SÉANCES. de la pomme de terre Chardon offre des avantages cer- tains, cela est acquis. La Société a fait connaître ces avantages. C’est donc à ceux qui veulent en profiter, à se procurer, à leurs frais, la semence. Il est décidé que les personnes qui désireront se procurer cette variété de pomme de terre, devront s'inscrire en nombre suffisant pour faire à M. Dugrip une nouvelle demande et obtenir de lui la franchise du port. M. le Président donne lecture de la lettre d’en- voi de la machine à drains. IL ajoute que, d’après les renseignements qu'il a reçus, il y à tout lieu de croire que les drains que l’on fabriquera avec cette nouvelle machine seront, après la cuisson, d’une lon- gueur de 33 centimètres. Ils satisferont donc aux désirs généralement exprimés par ceux qui font du drainage. M. Chouvon lit un rapport sur les constructions rurales. Un plan d’une étable-modèle passe sous les veux de la Société. Ce plan doit être mis à exécution à l'établissement de Chadenac, dépendant de lOr- phelirat. M. le Président remercie, au nom de l'assemblée, M. Chouvon, d’avoir traité cette matière. Il ajoute que M. le Préfet donnera son concours à l’établisse- ment des Orphelins. Piscicuurure. — M. le Président informe l’assem- blée qu'il à eu avis de l'envoi de 2,000 œufs fé- condés de poisson , qui nous est fait par l'établissement FEVRIER. 51 d'Haguenau. M. de Causans dit qu'il à pris les dispo- sitions nécessaires pour les recevoir convenablement. InpusrRiE. — La parole est à M. le docteur Borie. 5e membre donne lecture à l'assemblée d’un mémoire, dont il est l’auteur, sur la panification. En présence des avantages signalés par M. Borie, M. le Président ouvre la discussion pour savoir com- ment on pourra arriver à mettre en pratique les nou- veaux procédés de fabrication du pain. M. de Brive retrace en peu de mots les avantages des nouvelles boulangeries. A ses yeux, un établissement de cette nature devient indispensable dans notre pays. Pénétré de cctte idée, il porta la question à la der- nière session du Conseil général , et indiqua les eonclu- sions d'un rapport précédent du docteur Borie; mais le Conseil général n’eut pas le temps d'étudier sufti- samment cette question et se borna à émettre un vœu favorable. M. de Brive se demande ensuite quel est le mode le plus sûr pour arriver à cette création. Il n’en voit pas de meilleur que l'association. M. le äocteur Borie prétend au contraire que, dans un pays comme le nôtre, où il y a peu d'esprit d'initiative , l'administration municipale devrait pren- dre en main ce projet, afin de le faire réussir. Dans tous les cas, il pense que la Société, par un prix hors ligne, devrait encourager un industriel dans cette en- treprise. ; « La Société, répond M. le Président, décerne dans son programme un prix à celui qui fera usage, dans la boulangerie, du nouveau procédé. Ce prix, la So- 22 RÉSUMÉ DES SÉANCES. ciété pourrait le porter à 500 francs; mais il doute que cet encouragement soit suffisant , lorsque les dépenses pour établir une boulangerie nouvelle, peuvent se porter à plus de 12,000 francs. » M. Aymard propose de nommer une commission qui pourrait se mettre en rapport avec un boulanger de cette ville, qui lui à manifesté l'intention d'établir une industrie de ce genre. A ce sujet, M. le Préfet a l’obligeance de donner quelques détails sur l’état de cette question à St-Quen- tin, qu'il vient de quitter. Il n’est pas douteux pour lui que le nouveau procédé de panification n'offre de grands avantages et, comme particulier et comme administrateur, il encouragera son impertation dans ce pays. L’hospice de St-Quentin a pu, en l'employant, livrer du pain à d’autres établissements de charité de cette ville à des prix réduits; cependant à St-Quen- tin il n’y avait qu'une seule boulangerie nouvelle qui n’a pas procuré aux consommateurs les avantages qu'on pouvait en espérer. M. le Préfet en a trouvé le motif dans l'esprit de spéculation qui présidait aux opé- rations de ce nouvel établissement. Il ajoute qu'il favo- risera , autant qu’il dépendra de lui, la création dans le pays d’une nouvelle boulangerie, mais que cet éta- blissement doit avoir lieu en dehors de la direction de l'administration. Passant aux propositions émises, il croit bon de les fondre en une seule. La Société émettrait le vœu de voir s'établir au Puy une boulangerie d’après les nouveaux systèmes, et nomimerait une commission chargée de se mettre en rapport avec les autorités FÉVRIER. 55 préfectorale et municipale, et avec les personnes qui peuvent se mettre à la tête de cette utile entreprise. La Société se range à cet avis. Sont nommés mem- bres de la commission : MM. Souteyran, Borie, de Brive, de Causans, de Vinols et Martel. SCIENCES PHYSIQUES. — L'ordre du jour appelle un rapport de M. Robert, sur les gisements houillers qui pourraient exister aux environs du Puy. M. Robert fait observer que l’état de la tempéra- ture ne lui a pas permis de se rendre sur les lieux pour faire les études géologiques préalables, et se procu- rer les échantillons que l’on prétend avoir trouvés. Il à donc dû ajourner ce travail. M. de Brive communique à l'assemblée le résultat des observations thermométriques du mois de janvier. SCIENCES HISTORIQUES. — Archéologie. — La parole est à M. Bretagne, pour qu'il veuille indiquer , avant de nous quitter , quelles sont les études archéologiques qui lui paraîtraient les plus utiles à faire en ce mo- ment dans le pays. Ce membre expose que, dans ses études, sa méthode est d'arriver immédiatement au but; que pour cela il faut avoir de la précision, s’occu- per des réalités. Ge qu’il conseille avant tout, en ar- chéologie, c'est de se garder des romans. « La ville du Puy, dit-il, est d’origine gauloise , et les nombreux restes d’antiquités qu’on y trouve attestent aussi l’exis- tence d’une ville gallo-romaine. Quelques fouilles sur la place du For peuvent amener à découvrir d’autres TOME XXI. 5 54 RÉSUMÉ DES SÉANCES, fragments qui viendront compléter ceux qu’elle pos- sède déjà, et donner une juste idée de l'importance de la ville dans les temps antiques. » Il conseille égale- ment de continuer les fouilles de St-Paulien, qui ont amené la découverte d’un souterrain romain. M. Aymard partage, depuis longtemps , l’avis de M. Bretagne. Il conseille également de reprendre les fouilles de la commune d’Espaly, près le Puy, dans un champ où furent découvertes, en 1822, les substruc- tions d’une partie d’un palais antique qui pourrait avoir été le palais préfectoral de la ville romaine d’Ani- cium. Les dimensions de cet établissement, qui, à en juger par la partie découverte, étaient beaucoup plus grandes que notre hôtel actuel de la préfecture, pour- raient également, si on venait à bien en déterminer l'étendue, donner une solution à la question de l’im- portance de notre ville. Après ces explications, M. le Président sollicite les bienveillantes sympathies de l'administration. Il ose espérer que M. le Préfet voudra bien encourager ces in- téressantes recherches par une subvention. M. le Préfet témoigne tout l'intérêt qu’il prend aux questions archéologiques , qui, à son avis, sont de na- ture à projeter de vives lumières sur les points ob- scurs de l’histoire. Les recherches dont on vient de si- gnaler l'importance provoqueront toute sa sollicitude. M. Aymard appelle l'attention de l'assemblée sur une exposition d'émanx du moyen-àâge, qu'il a organisée dans la salle des séances. En mettant sous les yeux de la Société ces intéressants objets d’art, dont la plu- FEVRIER, 35 part, provenant de diverses églises du pays, ont déjà figuré avec honneur à l'exposition religieuse de la ca- thédrale, pendant la session du congrès scientifique, et dont les autres appartiennent au musée, ce membre s’est proposé d’énumérer surtout les raisons qui per- mettent de croire, qu’à l'exemple d’autres localités, la ville du Puy a pu produire des émaux dans le cours du moyen-àge. Ces explications seront consignées dans une pu- blication importante pour l’histoire des arts dans no- tre pays, et qui paraîtra bientôt sous le titre d’Al/bum d'archéologie religieuse. À cet égard, M. Aymard si- gnale les détails de siyle et le système de coloration qui lui paraissent offrir des caractères distinctifs; il fait remarquer principalement un détail curieux qu’on trouve sur des pièces émaillées du XIIe siècle : c’est une rosace à six pétales, dégénérescence du chrisme, représentée sur une plaque du cabinet de M. Falcon, laquelle est aussi soumise à l'assemblée. On sait que cette variété du chrisme fut, pendant plus de 400 ans, le signe monétaire constamment employé sur les deniers et oboles fabriqués au Puy. On pourrait con- clure de cette particularité, que les artistes émailleurs avaient bien pu s'inspirer de la monnaie qu'ils avaient constamment sous les yeux, lorsqu'ils ornaient du signe monétaire du Puy leurs pièces d’émaillerie. NowxarTion. — M. le Président lit une lettre de M. Bretagne, qui annonce que ses fonctions l’appellent à Auxerre. Il demande que son titre de membre résidant soit changé en celui de membre non résidant. 56 RÉSUMÉ DES SÉANCES. La Société fait droit à cette demande, et M. le Pré- sident, au nom de l'assemblée, exprime à M. Breta- gne le regret qu'’elie éprouve de le voir s'éloigner et cesser de prendre, au moins à titre de membre rési- dant, une part aussi active à ses travaux. Il le prie, toutes les fois qu'il trouvera, dans ses recherches, quel- que donnée ayant trait à notre pays, de vouloir bien en informer la Société, et de la tenir également au courant de ses travaux généraux. DEMANDE D’ADMISsION. — Une lettre de demande d’ad- mission comme membre résidant est lue par M. le Président. Elle est de M. Nicolas, ingénieur pour le drainage, et professeur d'agriculture à l’école Nor- male du Puy. Cette lettre est accompagnée d’un mé- moire ayant pour sujet le drainage. La commission chargée de l'examen de ce travail se compose de MM. de Brive, Chouvon et Balme. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à six heures. Le Vice-Secretaire , L. BALME. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 5 MARS. SOMMAIRE. Lecture du procès-verbal. — Musée : dons, par M. Chouvon, de deux objets trouvés à Nolhac. — Communication des ouvrages reçus : Bulletin de lu So- ciélé impériale d'agricullure , soufrage des vignes ; Bulletin monumental, sur le congrès tenu à la Rochelle ; Journal de La morale chrétienne , histo- rique de la panification ancienne et moderne ; Cabinet historique : trois articles ayant trait à l’histoire du Velay. — Commission composée de MM. de Brive, Plantade et Chouvon, pour l'étude de la question du labourage à la vopeur. — Culture du pois Prince-Albert ; observations de M. de Brive. — Projet de MM. Rivet et Crouzet, relatif à l'établissement d’une école de dessn in- dustriel ; demande d'encouragement pour cet objet. — Archéologie : commu nication de M. Aymard au sujet des fouilles de la place du For; rapport de M. Félix Robert sur le déblai du puits de Polignac ; observations de MM. Ber- trand de Doue et Avmard, ete. — Admission : rapport de M. de Brive sur la candidature de M. Nicolas ; scrutin pour cette candidature et élection de M. Nicolas. La séance est ouverte à deux heures et demie, sous la présidence de M. Ch. C. de Lafayette. En l'absence de M. Oscar Bonnet, les fonctions de Secrétaire sont remplies par M. Balme, Vice Secré- taire , qui donne lecture du procès-verbal de la der-. nière séance, 3$ RÉSUMÉ DES SÉANCES. Doxs au Musée. — M. Chouvon fait hommage à la Société : 1e de divers fragments de poteries et briques romaines; 2° d'un débris d’'instrument en fer en forme de ciseau; 3 de la lame d’un grand couteau en fer. Ces objets ont été trouvés à la ferme-école de Noihac. Ouvraces REÇUS. — M. le Président fait connaître à l'assemblée les ouvrages suivants, reçus dans le courant du mois de février : Un numéro de l’Echo médical, renvoyé à l'examen de M. le docteur Martel. Plusieurs programmes du concours agricole uni- versel d'animaux reproducteurs, qui doit avoir lieu à Paris, dans le courant de juin 1857; M. le Président fait observer que, malgré des réclamations réitérées, on a le regret de voir la race du Mezenc et celle d'Aubrac concourir dans la même catégorie. Le prospectus d’un recueil archéologique intitulé : Revue de l'art chrétien, publié par M. l'abbé Corblet. La Société aura ultérieurement à décider si elle doit souscrire à cet ouvrage. Un Bulletin de la Société impériale d’agriculture, contenant un article sur le soufrage des vignes. Ce procédé paraît obtenir d’heureux résultats dans le midi de la France. Il à été fréquemment employé en 1856, aux environs de Montpellier et Nimes, MARS. 39 Le Bulletin monumental, renfermant un article sut le congrès tenu à la Rochelle, Un numéro du Journal de la morale chrétienne, remis à M. le docteur Borie, qui voudra bien prendre connaissance d'un article intitulé : Historique de la pañfication ancienne et moderne. Le Bulletin de la Société d'agriculture de la Lozère, donnant le compte-rendu de la différence des produits de certaines variétés de céréales. M. Chouvon, qui a fait, à la ferme-école de Nolhac, quelques expériences sur différentes variétés de céréales, est prié de comparer les résultats qu'il a obtenus avec ceux qui sont donnés par la Société de la Lozère. Le Cabinet historique, renfermant trois articlesayant trait à l'histoire du Velay, parmi lesquels se trouve la généalogie de la famille de Châteauneuf. M. le Prési- dent fait observer, à ce sujet, que M. le Secrétaire, à qui est adressée cette publication, a le soin de relever exactement les documents ayant trait à l’histoire du Velay, afin de faciliter les recherches des membres qui plus tard voudraient faire la monographie de telle ou telle partie de notre province. Le prospectus d’un fabricant de machines à battre: ce prospectus à été communiqué à M. le capitaine Coste, qui, séduit par les avantages que semble offrir une machine à battre à bras, l’a aussitôt commandée au fabricant. Il a promis de faire part à la Société dn ré- 40 RÉSUMÉ DES SÉANCES. sultat qu'il obtiendra avec cette machine , qui semble fort convenable pour la petite agriculture. Une brochure de M. Enjubault, sur la situation mo- rale de la France, d’après les statistiques criminelles: M. Enjubault trouve , dans ces documents publiés par M. le Ministre de la Justice, le témoignage d'un pro- grès moral accompli dans la population française. Enfin, un rapport d’une commission de la Société de Vaucluse, sur les opérations hydroscopiques de MM. Martin et Bompuis. Ce travail offre un intérêt d'actualité, en raison de la construction de la fontaine Crozatier. AGRICULTURE. — M. Plantade appelle l'attention de la Société sur les comptes-rendus donnés par diverses publications agronomiques, au sujet d’une piocheuse à vapeur, expérimentée récemment à Paris. MM. de Brive, Plantade et Chouvon sont priés de vouloir bien se tenir au courant des résultats de ces expériences, et faire connaître ultérieurement leur avis, sur les chances d'introduction plus ou moins im- médiate du labourage à la vapeur, dans les cultures de la Haute-Loire. M. de Brive recommande à ses collègues une variété nouvelle de pois verts, le pois le Prince-Albert, dont il a été très-satisfait. C’est un pois ramé qui donne autant que le pois Michaux. Il est fort bon; il a l’avan- tage de passer l'hiver et d’être plus hâtif. MARS. 11 InousrRiE. — M. le Président donne lecture d'une lettre des sieurs Rivet et Crouzet, qui prient la Société de vouloir bien appuyer une demande qu'ils se propo- sent d'adresser à l’autorité municipale, à l'effet d'obtenir une subvention pour l'établissement d’une école de dessin industriel. Tout en faisant remarquer que la Société ne saurait prendre sous son patronage le projet de MM. Rivet et Crouzet, sans être mieux édifiée sur les ressources qu'ils peuvent consacrer à une pareille création, l'assemblée peut néanmoins manifester tout l’intérét qu'elle atta- cherait à voir créer une école de dessin industriel. Cette opinion est adoptée. M. le docteur Borie annonce que M. le Préfet a écrit à quelques-uns de ses collègues, pour prendre des ren- seignements sur la boulangerie fonctionnant d’après les nouvelles méthodes. Les réponses reçues par M. le Préfet sont des plus favorables, ce qui l'engage à pour- suivre l'étude du projet d’un établissement de ce genre, dans la ville du Puy. Sur le bureau se trouvent le modèle en petit d'un pétrin mécanique et d’un four, d’après le système Rolland. M. Borie prie M. le Président de faire intro- duire dans la salle le représentant de M. Rolland, qui donnera à la compagnie quelques explications sur les avantages que présente ce nouveau système. Le représentant de M. Rolland est introduit. Il ex- plique en quelques mots le mécanisme de ces nou- veaux appareils et les avantages qu'ils présentent. Le four peut être chauffé avec toute espèce de combus- 12 RÉSUMÉ. DES SÉANCES. tible , sans aucun inconvénient. Il y a moins de déper- dition de calorique. Quant au pétrin, il a surtout le mérite de rendre les produits de la fabrication beau- coup plus propres et beaucoup plus salubres. ARCHÉOLOGIE. — M. Aymard a la parole, pour faire une communication sur les fouilles qu'il exécute en ce moment. Ce membre informe la Société, qu'ayant été chargé d'effectuer des recherches d’antiquités, au moyen d'un crédit de 200 francs alloué par M. le Préfet, il a en- trepris des fouilles dans le sol de la place du For. Com- mencées le 16 février, elles se continuent activement et ont produit déjà des résultats intéressants. On a rencontré les restes de deux murailles, de beaux débris de corniches et d’architraves sculptés, des fragments architecturaux de toutes dimensions, des morceaux de marbre et de porphyre, des tuiles plates à rebords, débris de vases, etc. Il faut citer surtout la plupart des tambours d'une forte colonne et son chapiteau de style corynthien, qui est d’une remarqua- ble conservation. Les riches feuilles d’acanthe qui le décorent et son galbe élégant en font une pièce vraiment importante. Sa hauteur est de 0,95, et son diamètre, au bas, de 0,60. On a exhumé aussi plusieurs fragments de sem- blables chapiteaux ; ils indiquent que cette colonne n’é- tait pas isolée et qu'elle avait fait partie avec plu- sieurs autres d’une ordonnance architecturale. M. Aymard pense qu’il sera utile de continuer cette MARS. 15 recherche, et en particulier d'explorer complètement les substructions dont il a parlé. Seulement, il craint que le crédit alloué soit insuffisant. Après l'achèvement des fouilles, notre collègue fera un rapport sur leurs résultats. A la suite de cette communication, M. le Président dit que l’heureux résultat obtenu doit faire désirer la continuation de ces recherches. Partageant ce désir, le conseil d'administration a dû se préoccuper de savoir s’il pourrait disposer , pour ces travaux , de quelques fonds. Get examen fait, il vous propose d'abord d’em- ployer tous les fonds alloués par M. le Préfet à la continuation des fouilles, et de se charger de remettre la place en état. En second lieu, d’allouer, pour con- tinuer ces travaux, une somme de cent francs, si, de son côté, la ville allouait une somme de trois cents francs. Cette proposition est, à l'unanimité, accueillie par la Société. M. le Président adressera une demande en ce sens à M. le Maire de la ville. M. de Lafayette demande à M. Aymard quelle est la somme qu'il croirait indispensable pour achever ces fouilles. Ce membre répond qu'une somme de cinq à six cents francs lui paraît suffisante. Il ajoute que M. le Préfet a écrit à M. le Ministre, afin d'obtenir, pour ce travail, une subvention. Il ne doute pas que cette de- mande soit accueillie favorablement, ce qui, joint aux sommes données par la ville et la Société, complète- rait la somme qui paraît nécessaire. M. Félix Robert lit un rapport sur le résultat des fouilles faites au puits de Polignac. 44 RÉSUMÉ DES SEANCES. MESSIEURS , Il y a près d’un an que, sous vos auspices, les fouilles de déblai du grand puits de Polignac furent commencées et que la Société me confia la direction et la surveillance de ces travaux. Quelques mois après, j’eus l'honneur de vous informer de l’état de cette entreprise, en vous rendant compte de l'argent mis à ma disposition, qui était déjà totalement employé. La Société alors jugea convenable d'ouvrir parmi ses membres, et dans la ville, une sous- cription scientifique qui ajouta aux 4,200 francs des diffé- rentes allocations que j'avais reçues, une somme de 557 fr., à laquelle vinrent se joindre la souscription de la commune de Polignac, pour 267 francs, et enfin, celle de ma famille et de mes amis particuliers, 468 francs : en tout 772 francs de souscriptions, ce qui forma un total général de 1,972 francs, aujourd'hui dépensés : dont 400 francs pour l’arrangement, la pose et l'entretien de la machine à extraire, et 4,572 francs pour l'enlèvement des matériaux qui comblaient cet abime. Avec cette somme de 1,572 francs, nous atteignimes a la profondeur de 60 mètres, profondeur qu’un savant éminent, M. Mangon de Lalande, avait fixée, d’après des calculs ou probabilités scientifiques, comme le but certain ; malheureusement le fond n’était point encore là, et, après les 60 mètres, il y avait encore des déblais à enlever. Nos ressources élaient épuisées; je crus devoir m'adresser directement à M. le duc de Polignac pour l’informer de ma mission, des détails de l’entreprise et lui demander les MARS. 45 moyens de la continuer. M. de Polignac à bien voulu suf- fire seul aux frais de l'achèvement , et par l'intermédiaire de M. Harent, son mandataire au Puy, il a fait reprendre les travaux au point où nous les avions laissés. On a donc, cet hiver encore, occupé des ouvriers du vil- lage de Polignac à extraire des matériaux, et ils ont enlevé 16 m. 60 de terre ou de pierres qui encombraient le puits jusqu’au fond. C’est la semaine dernière qu’ils ont fini ce travail. Aussitôt l’un d’eux est venu m’avertir, et m'y transportant immédiatement, car il n'y avait pas un jour à perdre, sous peine d’envahissement des eaux, je suis des- cendu dans le puits pour connaître enfin son secret. Le fond du puits est taillé comme le reste dans la brèche volcanique, il se termine en creux, en forme d’une coupole renversée, et la, sur la roche unie et rendue très-nette par l'enlèvement des derniers décombres, j'ai vu jaillir deux sources d’eau limpide, l’une venant du levant et l’autre du couchant; celle du couchant est plus abondante. Toutes deux ayant, pour faciliter leur sortie, une petite rigole taillée dans la brèche et qui conduit leurs eaux dans ce milieu concave où elles se réunissent, forment un débit de 450 litres à l'heure, exactement calculé par les ouvriers. J'ai ensuite fait mesurer devant moi la profondeur totale du puits et j'ai trouvé 85 m. 50 à partir du sol, sans y com- prendre la margelle, jusqu’au fond, où je tenais moi-même le cordeau. Aucune issue, pas la moindre trace de porte ou de pas- sage ne s'aperçoit ou ne se cache dans la paroi du rocher que j'ai sondée; c’est tout simplement un puits, mais un puits immense, gigantesque... Malheureusement les vieilles 46 RÉSUMÉ DES SÉANCES. chroniques du pays se trouvent infirmées par le fait de cette entreprise moderne dont le premier mobile, tout de philanthropie, a été le désir de créer un atelier de cha- rité. Faut-il le dire? Beaucoup regrettent aujourd’hui ce prestige mystérieux qu'on vient d'enlever au château, cette poésie secrète qui enveloppait ses ruines... Ainsi ces salles d'initiation druidiques; ces conduits acoustiques des oracles romains ; ces passages souterrains du moyen-âge; ces ou- bliettes des temps féodaux; jusqu'à ces portes de fer pré- cipitées durant les tempêtes révolutionnaires, tout cet aliment de rêves scientifiques, de curiosité locale , tout se trouve détruit et disparaît avec les décombres. Mais il n’en reste pas moins, Messieurs, un puits magni- fique, travail surprenant, grandiose, qui demeure comme une preuve de la puissance ou de la richesse des seigneurs vicomtes de Polignac, ou peut-être encore, dira-t-on avec juste raison cette fois, comme un véritable ouvrage de romain. La Société prie le rapporteur d'ajouter la nomencla- ture des objets que l'on a trouvés. M. Robert répond que ces objets sont peu importants, que ne les ayant pas en sa possession, il n’a pu en rendre compte. M. Bertrand de Doue fait observer que le résultat que l’on vient d'obtenir dans ces fouilles doit mettre en garde contre les traditions, même contre les tradi- tions écrites. D'après M. Aymard, si l’abîme de Polignac a dit son dernier mot sur sa destination, il reste une ques- tion archéologique à résoudre: c’est celle de savoir à MARS, 47 quelle époque il à été creusé. Pour lui, il a quelque raison de penser que c’est un ouvrage romain. Il en trouve la preuve dans la difficulté mème de l'ouvrage, dans son exécution si remarquable, et surtout dans la présence de nombreux fragments d’antiquités lapi- daires et de tuiles romaines qu’on observe sur le pla- teau de Polignac. M. Aymard appelle l'attention des archéologues sur cette question. ADMISSION. — M. de Brive, rapporteur de la commis- sion chargée de l'examen du travail qu'a présenté M. Nicolas, ingénieur pour le drainage, comme titre d'admission sur la liste des membres résidants, a la parole pour faire son rapport. MESSIEURS , Je viens, au nom de la commission que vous avez nommée à votre dernière séance, vous présenter un rapport sur la candidature de M. Nicolas, qui sollicite l'honneur de de- venir l’un de vos membres résidants. M. Nicolas vous apporte, comme titre d'admission, un mémoire sur les avantages que l’on peut tirer des eaux de drainage, pour l'irrigation et les moyens de les y utiliser. Nous sommes déjà loin de l’époque où nous appelions votre attention sur le drainage, ce mode économique et sûr d'enlever aux terrains humides l'eau surabondante qui les rendait improductifs ou altérait si profondément la qualité de leur récolte, Ses avantages, établis par une suite 48 RÉSUMÉ DES SÉANCES. d'expériences commencées en Angleterre, il y a près de quarante ans, et continuées en France sur tant de points dif- férents et jusque sous nos yeux, ne sont plus contestables. Tout ce qu’il y avait à dire sur ce mode d’assèchement des terres l’a été dans le grand nombre d'écrits qui, depuis Stephens jusqu’à Barral, ont enseigné la théorie du drai- nage et ses diverses applications. Aussi n'est-ce point un mémoire sur le drainage que M. Nicolas, ancien élève de l’école régionale de La Saul- saie, aujourd'hui professeur d'agriculture à l’école Normale du Puy, et conducteur des ponts-et-chaussées spécialement attaché aux travaux de drainage, vous a présenté. Une question plus délicate, moins étudiée, est celle relative aux moyens d'utiliser les eaux de drainage pour l'irrigation. On sait, et M. Nicolas le répète fort à propos, qu’en agri- culture ce sont les animaux qui fournissent la plus grande et la meilleure partie des engrais, par lesquels les terres sont maintenues dans un état constant de fécondité, et que le meilleur moyen d’en augmenter le nombre est d'accroître les productions fourragères. Or, c’est surtout par l’irriga- tion que ces productions peuvent être multipliées. Jusqu'à ce jour les rivières et les sources ont seules fourni les eaux nécessaires à cet usage. Le drainage, en donnant issue aux eaux qui surabondent dans certains terrains, doit four- pir un nouveau moyen d'irrigation. La qualité de ces eaux, qui, en traversant la couche de terre placée au-dessus des drains, se sont emparées d’une partie des sels que les fumures y avaient apportés, et leur température plus élevée que celle des réservoirs ou des rivières, les rend éminemment propres au nouveau rôle MARS. 19 qu'elles doivent jouer dans la végétation. Leur supériorité est établie par l'expérience qui se fait journellement sur tous les points où débouchent des eaux de drainage. M. Nicolas aurait pu ajouter qu'il résulte des diverses analyses, faites par plusieurs savants, que les eaux de drainage contiennent de l'azote en quantité notablement supérieure à celle que possèdent les eaux ordinaires. I] importe done aux intérêts du cultivateur de ne pas laisser perdre ces eaux et de les employer aux irrigations. Lorsque des drainages sont opérés dans des bas-fonds et sur des terrains à pente faible, il est rare que les eaux qui en sont le produit puissent être utilisées. Elles s’écou- lent naturellement dans les ruisseaux qui forment les talwegs. Dans le cas cependant où ces eaux arrivent sur un terrain inférieur et assez pentueux pour que les eaux n'y stationnent pas, il y aura avantage pour le proprié- taire du fonds inférieur, quel qu'il soit, à s’en emparer et à les distribuer rationnellement sur les divers points de sa terre auxquels elles peuvent suffire, pour la transformer en une prairie et l'irriguer suivant ses besoins. Mais il peut arriver, et nous en voyons souvent des exemples au milieu de nos montagnes, que des prairies avec une pente assez forte ont besoin d’être assainies. L'excès de leur humidité est alors dû, soit à un sous-sol imperméable qui fait cuvette, soit à des eaux souterraines qui viennent jaillir sur différents points de la surface. Le problème à résoudre est alors celui-ci: soutirer les eaux dommageables du sous-sol pour les rendre utilement à la surface. C’est à sa solution que s'attache particulièrement le travail de M. Nicolas. Par le drainage ordinaire, M. Nicolas parvient bien à TOME XXI. 1 50 RÉSUMÉ DES SÉANCES. s'emparer des eaux souterraines, mais pour les faire re- venir à la surface voici le moyen qu’il propose: Soit donnée une prairie sur une colline avec une pente d’en- viron 15 p. 0/6, ilen divise cette pente en plusieurs par- ties ; sur chaque partie il établit un système de drains qui, au moyen d’un collecteur, conduisent toutes les eaux du drainage de cette partie en tête de la partie suivante. C’est la, et sur un maître-drain établi dans le sens de la plus grande pente, qu'est fixé l'appareil aussi simple que peu coûteux appliqué pour la première fois par M. Ni- colas chez M. de Latournelle, dans le département de l'Ain. Voici en quels termes il le décrit lui-même : ” « Avec le croquis que m'avait donné mon professeur, je fis exécuter une caisse rectangulaire en bois, divisée en deux compartiments par une paroi intérieure et horizon- tale. Cette paroi était percée d’un orifice bouché par une bonde enbois qu’on pouvait enlever à volonté. La caisse fut placée sur un drain collecteur et disposée de manière que le conduit d’amenée débouchât dans le compartiment supé- rieur et que le tuyau évacuateur partit du compartiment inférieur. Ce compartiment avait pour but de faciliter le placement d’une bonde qui s’ajuste bien mieux et ferme plus exactement en s'appliquant par le haut que par le côté. (Gette disposition est représentée en traits rouges dans le dessin qui accompagne la description (fig. 4). J'eus soin de faire entourer l'appareil (que j’appellerai doréna- vant une fontaine) d’une bonne couche d'argile battue, et quelques minutes après la pose, la bonde étant fermée, comme l’indiquent les figures (1 et 4), on vit les eaux s'élever à la surface du sol. Lorsque l'irrigation devient MARS. Di inutile , il suffit d'enlever la bonde et l'eau prend son cours naturel dans les drains. » Le placement de la fontaine, tel que je viens de l’in- diquer, n’est pas sans quelques difficultés, surtout lorsque la pente est faible : il oblige de placer l'extrémité du tuyau supérieur à quelques centimètres au-dessous du tuyau inférieur, ce qui occasionne une chute dans la ligne des drains. Je n'avais pas essayé de remédier à cet incon- vénient, lorsqu'àa mon arrivée au Puy, j'ai été appelé à faire les études préliminaires pour l'assainissement d’une prairie dans le domaine de Rouzet. Après ce travail, j'avais l'intention de proposer à M. Doniol de faire un nouvel essai des fontaines d'irrigation, lorsqu'il m'écrivit pour me signaler un mémoire de M. Hervé-Mangon , où l’auteur indique les moyens d'éviter les dépôts ferrugineux et eal- caires qui se forment dans certains terrains et obstruent les drains. Il propose , pour cela, de placer de distance en distance, sur les conduits, des regards pneumatiques. qui ne sont autre chose que les caisses dont j'avais fait usage, moins les parois horizontales qui les divisent en deux compartiments. Ces regards, ainsi appelés sans doute parce qu'ils peuvent servir à faire connaître en quels points se font les obstructions dans le cas où le drainage cesse de fonctionner, ont pour but de tenir toujours noyée l’extré- milé des tuyaux d’amenée, afin d'empêcher l'air d'arriver dans ces tuyaux , car les sels ferrugineux et calcaires tenus en dissolution dans les eaux ne se déposent qu'au contact de l’air. Pour atteindre ce résultat, M. Mangon est obligé de placer l'extrémité du tuyau supérieur un peu au-dessous de celle du tuyau inférieur et de changer ainsi la direction de la ligne des drains ; les regards pneumatiques présen- Qe 2 RÉSUMÉ DES SÉANCES. tent donc le léger inconvénient que je signalais tout-à- lheure, et que peuvent seuls apprécier ceux qui ont exécuté ou fait exécuter de pareils travaux. » C’est ce qui me conduisit à modifier la fontaine d’irri- gation de manière à lui faire remplir un double but. Au lieu d’une paroi plane et horizontale, on peut employer une paroi coudée ABC (fig. 4), qui détermine un petit compartiment où se trouve l'ouverture du tuyau évacua- teur. Cette simple modification permet de conserver une pente uniforme dans la direction des drains ; et les eaux, pour passer d’un compartiment dans l’autre , sont obligées de s'élever au-dessus de l’orifice O de la paroi, ce qui em- pêche l'air de circuler dans les tuyaux supérieurs. » La pente de la prairie sur laquelle on veut élever les eaux doit être assez forte; car les eaux, en s’élevant dans la caisse, s’élèveront en même temps dans la partie supé- rieure du terrain et s’étendront ainsi d'autant plus loin qu’il y aura moins de pente. Si la pente est, par exemple, de 0 m. 05 par mètre, et que la profondeur des drains soit de 4 m. 20, les eaux s’étendront à 24 mètres au- dessus de la fontaine. Si la pente n’est que de 0 m. 02 par mètre , elles s’'étendront à 60 mètres. Il se présente ici une objection. En vertu du principe des vases communicants, les eaux doivent s'élever dans le drain collecteur et ses affluents au même niveau que dans la fontaine. Si les conduites étaient étanchées, rien de plus rationnel; mais comme les tuyaux sont réunis bout à bout seulement, les eaux doivent s'échapper par les jointures et s’infiltrer dans le sol pour aller rejoindre , en passant tout autour de la caisse, les drains inférieurs, ou s'échapper par toute autre voie. A cela on peut répondre que, si la pente est forte MARS. DE] comme nous le supposons , les eaux ne doivent pas s’étaler bien au-dessus de la fontaine pour arriver au niveau, et qu’elles ont par conséquent le temps de remplir la caisse pendant qu’une faible partie sature le sol environnant. On sait, en effet, que Les eaux coulent difficilement dans le sol et ne l’imbibent qu'après un temps considérable. Ainsi, après une sécheresse , la terre est ramenée difficilement à un état convenable d'humidité , et les trous pratiqués à sa surface (tels que ceux qu’on fait pour la plantation des arbres) se remplissent d’eau, bien que l’infiltration puisse se produire tout autour. Il n’est donc pas étonnant que les drains et la caisse finissent par se remplir, d'autant mieux qu’on a soin d’entourer la caisse d’une couche épaisse d'argile et que rien n'empêche de prendre la même pré- caution pour les tuyaux, quand ils sont placés dans un terrain trop perméable. Mais cette dernière précaution est généralement inutile, puisqu'ils se trouvent dans une couche imperméable d'elle-même. » Si la pente est faible, les tuyaux se remplissent sur une plus grande étendue, et alors l’infiltration que nous venons de signaler , et qui doit se produire au moins en partie, loin d’être nuisible, devient avantageuse, surtout dans les terres siliceuses ; car alors l'irrigation ne s’étend pas seulement à la zône qui se trouve au-dessous de la fontaine et qui reçoit les eaux à sa surface, mais elle com- mence un peu au-dessus et d'autant plus loin que la pente est plus faible, et entretient par #mbibition l'humidité de la zône supérieure. » Au reste, cette objection , si elle était fondée, s’appli- querait non-seulement à ce mode d'irrigation, mais à l'écoulement des eaux de drainage. Comment se fait-il, en 54 RÉSUMÉ DES SÉANCES. effet, que les eaux suivent des tuyaux qui laissent des vides au lieu de s’imbiber dans le sol? » Ce mode élévatoire des eaux de drainage, modifié avan- tageusement par M. Nicolas, est certainement ingénieux. Dans un grand nombre de cas il peut être employé uti- lement. Mais nous croyons devoir signaler les inconvé- nients qu’il peut présenter dans quelques cas particu- liers. La fontaine primitive avec une paroi horizontale intérieure oblige à un ressaut dans la ligne des drains, et la perte de pente qui en résulte peut être préjudiciable dans des terrains à pente faible. La fontaine, modifiée heu- reusement par M. Nicolas, qui, au moyen de lapplica- tion d’une paroi coudée, maintient la continuité de la pente des drains, peut être très-avantageusement appli- quée au cas prévu par M. Hervé-Mangon, mais ne pré- sente pas la même utilité dans le cas où les tuyaux ne courent pas la chance d’être obstrués par des dépôts ferru- gineux et calcaires; car alors ces fontaines à parois cou- dées interceptent l'air, enlèvent au drainage une partie de ses avantages. Il n’est, en effet, aucun agriculteur s'étant occupé de la question du drainage, qui ignore que les drains sont à la fois utiles et comme évacuateurs de l'eau et comme conducteurs de l'air. Ces deux genres de fontaines présentent également l’in- convénient signalé par M. Nicolas lui-même, de n'élever les eaux à la surface qu’en faisant refluer les eaux par la loi des vases communicants, dans des tuyaux non étan- chés, à travers les terres environnantes qui doivent en être imprégnées jusqu’au niveau du haut de la fontaine. Lors- que la partie drainée et supérieure à la fontaine est une prairie, l'irrigation de cette prairie par imbibition de bas me MARS. J9 LU en haut peut être avantageuse, mais il en serait autrement dans le cas ou le drainage aurait eu lieu sur une terre livrée à la culture ; l’eau pourrait lui être très-nuisible tandis qu'elle pourrait être très-utile à une culture en pré. Ce système élévatoire des eaux par fontaine, ou plutôt par syphon, me remet en mémoire un moyen également ingénieux, inventé et appliqué par notre excellent collègue M. Chouvon, pour ramener à la surface les eaux du drainage. La même prairie donnée, la même division est faite et le même drainage est opéré. Au lieu d’un drain collec- teur continu, M. Chouvon arrête ce drain à des points où il suppose que l’eau réunie est suffisante pour l'irrigation, et la ramène à la surface au moyen d’une pente affaiblie et de conduits étanchés. Au-dessous de ce premier système, il en recommence un autre et ainsi de suite jusqu’à la partie Ja plus basse de la prairie. Ce système, que M. Chouvon a appliqué très-utilement à une prairie située dans la commune de Saint-Germain, à l'avantage de réserver toute l’eau provenant du drainage à l'irrigation de la superficie. Il n'a pas l'inconvénient de faire refluer une partie des eaux dans le terrain supérieur, lorsque ce terrain est une terre en labour. Mais il a, sur le système proposé par M. Nicolas, le désa- vantage de ramener constamment les eaux à la surface et de ne pouvoir les livrer à volonté aux drains collecteurs pour les évacuer souterrainement. Que conclure de ces observations qui ressemblent pres- que à une discussion ?.C’est que ces deux systèmes, très- ingénieux, peuvent trouver des applications dans des cas 56 RÉSUMÉ DES SÉANCES. différents et rendre l'un et l’autre de précieux services à l’agriculture. M. Nicolas complète son mémoire en indiquant les moyens de combiner les conduits de drainage avec ceux d'irrigation d’un même terrain, de manière à ce qu’ils ne se nuisent pas mutuellement. Il propose également l'emploi des tuyaux de drainage, comme mesure pour une égale ré- partition des eaux, dans une irrigation bien entendue. Nous ne nous appesantirons pas sur ces points acces- soires du mémoire de M. Nicolas, d’ailleurs accompagné de planches explicatives. Nous nous contenterons de ren- voyer à cet intéressant travail ceux de nos collègues qui voudraient obtenir quelques lumières sur ces différents sujets. Il nous suffira d'ajouter que, tant sous le rapport de la pureté et de la clarté du style que sous celui du mérite du fond, le mémoire de M. Nicolas nous à paru justifier complètement la demande qu’il vous a adressée. M. Nicolas, en venant à vous, vous apportera non-seule- ment la théorie de toutes les méthodes perfectionnées d’une agriculture rationnelle, mais encore l'habitude de la prati- tique qu'il en a prise pendant les années qu’il a passées comme élève à l’école de la Saulsaie, et ensuite comme directeur de travaux dans une compagnie instituée dans le département de l'Ain pour entreprendre des améliorations agricoles dans cette contrée. En conséquence, votre Commission vous propose, à l'unanimité, l'admission de M. Nicolas en qualité de mem- bre résidant. On procède au vote, qui donne l'unanimité des suf- frages à ce candidat. MARS. t5)7( En conséquence, M. Nicolas est proclamé membre résidant de la Société. L'heure étant très-avancée , les autres questions à l’ordre du jour sont renvoyées à la séance prochaine. À sept heures, la séance est levée. Le Vice-Secrétaire , L. BALME. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 2 AVRIL. SOMMAIRE. Lecture du procès-verbal. — Communication des ouvrages reçus : Annales de la Société Linnéenne de Maine-et-Loire, notice sur les terrains anthracifères ; Revue de L'Art chrétien, abonnement à cette publication ; Cabinet historique, pièces concernant diverses abbayes du Velay et de l'Auvergne ; Bulletin agricole du Puy-de-Dôme, lettre de M. Doniol à M. le comte de Gourey, sur les assole- ments les plus convenables dans les régions montagneuses de la Haute-Loire. — Correspondance : M. Bertrand, propriétaire à Nolhac, annonce à la Société qu'il a fait l'acquisition d’une machine à battre, système Pinet ; M. le Préfet adresse à la Société un envoi de graines exotiques; remerciements à M. le Préfet. — Agriculture : Société Linnéenne de Maine-et-Loire : article intitulé : De l’em- ploi des bœufs et des chevaux dans les travaux des champs ; observations de MM. le Président, Chouvon, de Brive et du Garay.— Rapport de M. Chouvon sur l'ouvrage de M. le comte de Morangiès, intitulé : Notes sur l’agriculture des cantons granitiques du département de la Lozére. La séance est ouverte à trois heures, sous la prési- dence de M. Ch. GC. de Lafayette. M. le Secrétaire donne lecture du procès-verbal, qui est adopté. AVRIL. D9 OUVRAGES REÇUS. — Les Annales de la Société Lin- néenne de Maine-et-Loire contiennent une notice intéressante sur les terrains anthracifères, et quelques indications utiles à consulter sur les signes dont on peut s’éclairer dans la recherche des gisements d’an- thracites. Sous ce titre, l’Art chrétien, une publication nou- velle, dont deux numéros ont été adressés à la Société, contient des articles d'archéologie religieuse dignes de ne point passer inaperçus. En raison des travaux de même genre poursuivis avec zèle par un certain nombre de nos collègues, la Société pensera peut-être qu'il y aurait quelque utilité pour elle à s'abonner à cette publication, dont le prix d’ailleurs n’est pas très-élevé (12 fr.). M. Aymard dit que cette revue paraît intéressante et rédigée jusqu'à présent par des hommes très- distingués. La Société décide qu'il sera pris un abonnement à l'Art chrétien. M. le Président signale, dans l'Annuaire des cinq départements de l'ancienne Normandie, plusieurs articles d'économie rurale d’une valeur pratique, ou recommandables par leur à propos, et qui figureront convenablement, en tout ou par extrait, dans l’al- manach départemental (1). D Voir l'Amanach de la Haute Loire, 1858. 60 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Le Cabinet historique contient là mention de pièces diverses concernant : 1e Le prieuré Cabres- pine, ordre de saint Benoît, diocèse de Rodez, dépendant de l'abbaye de la Chaise-Dieu de Clermont, 1290. — 20 L'abbaye de la Chaise-Dieu, diocèse de Clermont, ordre de saint Benoît, en 1306 et 1402. — 3° L'abbaye de Manlieu, ordre de saint Benoît, diocèse de Clermont, jusqu'en 1226. — 4° L’évêché du Puy en Velay, depuis 1080 jusqu’en 1256. 1 vol. (117). — 50 L'abbaye de Bonne-Combe, ordre de Citeaux, depuis 1168 jusqu'en 1531. 2. vol. (138- 139). — (Page 32, — n° 3660. — Page 34, — n° 367.) Le Bulletin agricole du Puy-de-Dôme publie une lettre adressée par M. Doniol à M. le comte de Gourcy, concernant les assolements les plus conve- nables dans certaines régions montagneuses de la Haute-Loire. CorREsPONDANCE. M. Bertrand, propriétaire à Nolhac, annonce à la Société que, sur les indications de M. Chouvon, directeur de la ferme-école, il a fait acquisition d’une machine à battre, système Pinet. M. Bertrand est très-satisfait du travail de cette ma- chine, dont il énumère les avantages pour une exploi- tation considérable comme la sienne. IL demande, en conséquence à être compris dans la répartition des récompenses que la Société accorde pour lin- troduction des nouvelles machines. (Renvoyé à la commission des primes.) AVRIL, 61 M. le Préfet adresse à la Société un paquet de graines exotiques, comprenant notamment une cer- taine quantité de riz de montagne. Cet envoi est dû à la Société zoologique d’acclimatation. Des re- merciments seront exprimés à M. le Préfet et le Secrétaire aura soin de linformer ultérieurement des résultats obtenus par ceux de MM. les membres de la Société qui auront participé à la distribution de ces graines. AGRICULTURE. — M. le Président donne à la Société communication par extraits d’un article signé de M. Charles Giraud , et publié par la Société Linnéenne du département de Maine-et-Loire, sur cette im- portante question : De lemploi des bœufs et des chevaux dans les travaux des champs : La question, dit M. Charles Giraud, la question de savoir si l’on doit accorder la préférence aux bœufs ou aux che- vaux, dans les travaux de l’agriculture, a été depuis long- temps le sujet de sérieuses controverses, et, malgré les nombreuses dissertations des agronomes et des praticiens sur cette matière, on ne peut dire que le problème soit définitivement résolu. Jusques à ce jour trois opinions différentes se sont produites. Ceux-ci accordent uné pré- férence presque exclusive au travail des chevaux, ceux-là au travail des bœufs, d’autres enfin croient que le mieux consiste dans l'emploi simultané des deux races. Je n'aurais point entrepris un nouvel examen de celte question, sur laquelle j'ai depuis bien des années une con- viction faite et qui n'a pas varié, si dans la contrée de 62 RÉSUMÉ DES SÉANCES. notre département, où l'opinion paraissait se prononcer définitivement en faveur de l'emploi des chevaux, de riches propriétaires, un grand nombre de cultivateurs éclairés et qui suivent ou pratiquent, avec une attention soutenue, l'exploitation de leurs fermes, ne semblaient reconnaître aujourd’hui que cette méthode est erronée. Je leur ai en- tendu dire et donner comme preuve de cette assertion, que tous ou presque tous les cultivateurs qui ont résisté à cette substitution ont agi plus sagement que leurs confrères, et que leur position réciproque en faisait foi. Encouragé par cet aveu, et toujours désireux d'appeler la discussion et la lumière sur des questions dont l’importance est incontesta- ble, je reprends de nouveau la thèse que j'ai soutenue il y a quelques années. Dans son ouvrage, l'Agriculture pratique et raisonnée, sir John Sinclair dit, en traitant de la comparaison entre les chevaux et les bœufs : « Il n’y a pas d'objet qui ait été plus vivement dis- » cuté, soit parmi les agronomes, soit parmi les agricul- » teurs praticiens, que la question relative à la préférence » que méritent les bœufs ou les chevaux dans les opéra- » tions de l’agriculture : de part et d'autre on a mis en » avant des assertions pesitives et un grand nombre de » raisonnements, sans que cette question soit encore dé- » cidée. » Thaër, dans ses Principes raisonnés d'agriculture, dit également : « On a longtemps disputé sur la préférence à donner aux » chevaux ou aux bœufs, mais des deux côtés avec trop de » préventions, et quelquefois avec trop d’animosité. C’est » par cette raison que la question n’a pas encore été déei- AVRIL. 65 » dée, que la chose n’a pas encore été portée à un résultat » positif. » Quelques années de pratique m'ayant mis à même de me servir de ces deux races d'animaux, comme bêtes de travail, je dirai, sans prétendre plus que tout autre donner une solution définitive à cette question, pour quels motifs j’ac- corderais la préférence aux bœufs. Un cheval de trait, dans l’âge de 4 ans et demi à 5 ans, : m'a toujours coûté de 350 à 400 fr. au moins. À l’âge de 40 à 12 ans, il ne m'a plus donné le travail que le service exi- geait : presque toujours à cet âge il m'est arrivé de le vendre à peine 4100 fr., c’est-à-dire, les 514 moins de ce qu’il avait coûté. Souvent, avant cet âge, des accidents qui fréquem- ment arrivent aux chevaux, m'ont fait éprouver une perte plus considérable. Je n'ai jamais pu nourrir un cheval, pour en obtenir un bon travail, à moins de 10 à 12 kilog. de bon foin, 2 à 5 kilog. de paille et 5 litres d'avoine par jour. La journée d’un cheval mis au labour ne m’a guère don- né plus d'un sixième en sus du travail d’un bœuf, mais un cheval m'a toujours offert l'avantage de faire plus rapide- ment les travaux de diverses sortes. Il est surtout sous ce rapport supérieur au bœuf dans les transports éloignés du centre de l'exploitation. Un bœuf mange de 147 à 20 kilog. de fourrage sec par jour, ou 55 à 40 kilog. de fourrage vert. 23 kilog. de bette- raves ou de rutabagas coupés par tranches, donnés après un léger repas de 5 à 6 kilog. de foin mélé de paille, le nourrissent parfaitement. Il ne perd pas de son prix, comme le cheval, en avan- A çant en âge. Lorsqu'on le réforme et qu’on le met à la 64 RÉSUMÉ DES SÉANCES. graisse, il se vend un cinquième, souvent un quart en sus de ce qu'il a coûté, et donne beaucoup de très-bon fumier pendant le temps qu’il est à l’engrais. On peut très-bien le faire travailler l'hiver comme l'été, même dans les froids les plus rigoureux, pourvu que le sol sur lequel il marche ne présente pas de trop fortes aspéri- tés, ou qu'on l'ait préalablement fait ferrer. Depuis quel- ques hivers, j'ai continuellement occupé mes bœufs à transporter de lourdes charges, sans m'être aperçu qu’ils eussent éprouvé plus de malaise; je crois, au contraire, qu'ils ont toujours été mieux portants que ceux que l’on tient renfermés à l’étable durant l'hiver; toutefois, il con- vient de faire remarquer que les bœufs, ainsi employés aux travaux rudes d'hiver, étaient tous de race choletaise ou parthenaise, et je n’hésite pas à croire que ceux de race mancelle non-seulement ne se seraient pas aussi bien sou- tenus, mais encore qu'ils n'auraient pu faire le même service. Sur ce que je viens de dire, on peut voir que si, dans une exploitation un peu étendue, il est difficile de se pas-. ser absolument du travail des chevaux, à cause des trans- ports éloignés et de la rapidité de certains travaux, un cultivateur ne doit faire usage de ces animaux que dans le cas où il ne peut employer les bœufs; c’est du moins le conseil que l'expérience m'invite à donner, parce qu'un cheval coûte plus en nourriture, en ferrure et en frais d'équipage, qu’un bœuf; qu’il perd tous les ans de son prix passé l’âge de 5 ans; qu’il exige plus de soins, qu’il est sujet à des accidents qui lui enlèvent de suite une très grande partie de sa valeur ; qu’il n’offre pas comme le bœuf, lorsqu'il est hors de service, l'avantage d’être engraissé el AVRIL. 65 vendu plus cher gras que dans l’âge où il était encore dans toute sa vigueur; que si le cheval fait un sixième de plus de travail, il est loin de racheter par là tous ces désavantages. Une puissante considération qui milite encore en faveur des bœufs, dans notre département, c’est l'emploi qu’on en fait presque partout, et l'habitude qu’on a de les appliquer de bonne heure au travail offre l'avantage de les trouver dressés sur tous les marchés. Les explications qui précèdent, toutes fondées qu’elles peuvent être, manquent cependant, je le reconnais, de cette sanction du calcul et de rigoureuse appréciation indispen- sable, ainsi que je l'ai dit plus haut, pour porter la convie- tion dans l'esprit des personnes judicieuses qui ont raison d'exiger des preuves à l'appui d’une affirmation. Je vais donc essayer de rémédier à ce défaut par une appréciation des choses, aussi exacte que possible en pareille matière. Voyons d’abord ce que doit coûter, en nourtiture et en frais de toute sorte, l’entretien d’un cheval et d’un bœuf, l'un et l’autre destinés au travail. Un cheval convenable pour le travail etde force moyenne devra coûter à l’âge de 4 à 5 ans 400 à 500 fr. L'intérêt de cette somme calculé à 40 0/0, donnera par année 50f »° Sa nourriture par jour ne peut être évaluée à moins de 40 à 12 kilog. de foin ou leur équiva- lent. 42 kilog. de foin au prix moyen, coûteront »0 centimes et pour 565 jours. ............. 182 50 À celte portion en foin il est nécessaire d’ajou- ter une ration d'avoine qui ne peut être moindre de 5 litres, si l’on veut obtenir un bon service et maintenir l'animal en état. Qt TOME XXI. 66 RÉSUMÉ DES SÉANCES. > litres d'avoine par jour donnent pour 565 jours 4825 litres ou 90 doubles décalitres, au prix moyen de 4 fr. 20 cent. ..........-.... Le plus simple harnais coûte 50 fr., dont l’in- térétart 0/0/0onne.s LEE en SULRAELE La ferrure par chaque année ne peut coûter momeouf AL ue 2 DSC ea ae La somme des frais de nourriture et autres pour l'entretien d’un cheval sera donc au bas motiparannéb des." Lil SET 108 » GT) 20:41» 565 50 Passons maintenant à l’entretien d’un bœuf. — Un bœuf de moyenne taille mangera par chaque année, pour être maintenu en état de donner un bon service, 45 foin par jour, ou leur équivalent. kilog. de Ce sera donc 5,475 kilog. par année, au prix moyen de 4 cent. le kilog. qui donneront...........,. Si on le fait ferrer, la dépense sera de...... Le joug dont on se sert pour l’atteler coûte de 5 à 6 fr., la courroie qui sert à le lier coûte 5 fr., le coussin en cuir pour préserver sa tête 2fr. 50 cent. Mais il ne faut prendre que la moi- tié du prix de ces trois objets, puisqu'ils servent pour deux bœufs, ce sera donc. ............. Un bœuf de taille ordinaire et propre au tra- vail, peut être estimé 550 fr. L'intérêt de cette somme à 10 0/0 sera par année de...,....... Ainsi la totalité de la dépense annuelle pour l'entretien d’un bœuf s’élèvera à............ 209£ »° 42 » 261 50 AVRIL. 67 On peut voir et remarquer déjà que la diffé- rence d’entretten en faveur d’un bœuf, sera par ANDCEUBMILAMDDS ee 7e ses cast iols ofe ec le sole & LUZ » Ÿ toutes choses égales d’ailleurs. En supposant que le cheval et le bœuf dont nous venons de faire le compte aient été mis l’un et l’autre au travail dès l’âge de 4 ans, et qu’ils aient fait un service de 6 années, voyons comment les choses se seront passées pendant ce laps de temps, et quelle sera la position du cultivateur à l'égard de l’un et de l’autre de ces animaux. En évaluant le travail du cheval à un sixième en sus de celui du bœuf, ce sera 60 journées à porter au crédit du cheval, c’est-à- dire une somme de 180 fr., si l’oh estime chaque journée DITES EL Re dlaaies de den aateote On ae A OU De Mais le bœuf aura coûté 92 fr. de moins en nourriture et en frais de tout genre, il faut done TES RO TTANCRET 278 ee cie Made ane dense es . — DD Ce ne sera donc plus qu’un avoir de....... 88 » en faveur du cheval. Mais si le cultivateur veut réformer ou vendre son cheval, pour le remplacer, car en toute chose il faut considérer la fin, qu’arrivera-t-il? [I arrivera ce qu'on voit presque toujours : son cheval de 40 ans, qu’il avait acheté 450 fr. à l’âge de 4 ans, ne lui sera pas payé plus de 150 fr. Il aura donc à subir une perte de 500 fr. sur le prix d'achat, fort heureux encore si son animal n’a pas une de ces {ares qui lui enlèvent presque toute sa va- leur. En sera-t-il de même pour un bœuf? Voyons ! Si le cultivateur ne trouve pas à s’en défaire pour le prix qu’il lui a coûté, il a la ressource de l’engraisser, soit dans les herbages, soit à la crèche. Admettons que cette opération 68 RÉSUMÉ DES SÉANCES. lui coûte 100 fr., il pourra vendre ce bœuf de 550 fr. à 400 fr. au moins, et plus, si l’engraissement à bien mar- ché. Retranchons cette somme de 100 fr. de celle de 400 fr., reste 500 fr.; dans ce cas le cultivateur n’aura à subir qu’une perte de 400 fr., et qui sera certainement compen- sée par le fumier d'excellente qualité que l'animal aura produit pendant la durée de son engraissement. On le voit, si ces calculs sont justes, et je crois être dans la vérité, il n’y à pas avantage pour un cultivateur à remplacer entière- ment les bœufs par les chevaux dans le travail des champs. Mais la question n’est pas épuisée. Supposons maintenant que le cultivateur veuille élever des animaux de travail, destinés à être vendus à l’âge de 5 ou 4 ans. Examinons dans ce cas si l’élève du cheval, dans nos contrées, lui sera plus profitable que l'élève du bétail à cornes. Que lui aura coûté un cheval parvenu à l’âge de 5 ou 4 ans? Dans les premiers six mois de la naissance, il ne pourra obtenir de la mère du poulain un service aussi con- tinu, il devra y suppléer ; je ne crois donc pas exagéré qu'un poulain d’un an aura coûté, en frais de toute sorte, 150/fr: au MOIS, CL caf 214 fl: du eme MOTO UNS Parvenu à cet âge, il faudra le nourrir tout aussi confortablement qu’un cheval, si l’on veut qu’il se développe convenablement; il ne coûte- ra donc pas moins de 200 fr. par année, soit 600 f.pogrs'ans.s ARTE UE RE RE RGO) Total de la dépense pour 4 ans...... 750 » Pour un élève de bêtes à cornes, la dépense sera-t-elle aussi élevée? Voyons ! Un jeune veau, qui doit être nourri AVRIL. 69 du lait de sa mère, pendant trois mois, absorbera en lait d’une vache bonne laitière, un produit que j’estimerai 1 fr. par jour, soit pour trois mois.....,.,........ 9Of » Cette première dépense terminée, on pourra le mettre au même régime que les autres ani- maux qui ne travaillent pas. La dépense sera donc beaucoup moindre que celle des animaux de service ; je crois qu’en l’évaluant à 100 fr. par an, je serai dans les limites du vrai, ce qui don- ne, au bout de trois ans, un total de......... 500 » Eh bien! n’arrive-t-il pas fréquemment que les éleveurs de nos contrées vendent 600 fr. une paire de bœufs de cet àge? Quels sont les chevaux élevés dans nos campagnes qui atteignent le chiffre de 600 à 700 fr.? à coup sür ils sont rares. On le voit done, dans ce cas encore, l'élève du bétail à cornes l'emporte sur celui du cheval. — Mais envisageons encore la question sous une autre face, car on objectera peut-être que le cultivateur peut vendre son poulain dès l’âge de six mois, et que si dès cet âge, l’animal s’agnonce bien, son propriétaire en trouvera un prix plus que rému- nérateur. D'accord ; mais alors le propriétaire sera obligé d'acheter les chevaux dont il aura besoin pour ses travaux s’il vend ses élèves dès l’âge de six mois, et ce qu’il aura gagné d’un côté, il faudra qu’il le dépense de l’autre, si le compte précédemment établi est juste. L'article dont je viens de lire ces quelques extraits, dit M. le Président, me semble avoir pour nous un double intérèt. Nous sommes sans doute frappés des considérations, conformes d’ailleurs aux idées 70 RÉSUMÉ DES SÉANCES. souvent exprimées dans le sein de la Société, sur la préférence à donner au travail des bœufs com- paré à celui des chevaux. Maïs si nous n'avions pas besoin d’être confirmés dans notre manière de voir en ce point, il n’est pas inutile d'étudier une fois de plus la question du prix de revient dans ‘élève du cheval; et, sous ce rapport, les énon- ciations et les calculs faciles à vérifier de l’agro- nome de Maine-et-Loire, semblent apporter un argument péremptoire dans la thèse de ceux qui, depuis longtemps, soutiennent au milieu de nous que la spéculation de l'élève du cheval ne saurait être conseillée, comme avantageuse, à la généralité des cultivateurs. M. Chouvon persiste dans la pensée qu'il a déjà émise plusieurs fois, que la Société ne doit pas se donner si promptement un démenti à elle-même. Dans sa conviction, l'expérience tentée reste trop in- complète encore pour qu'il y ait lieu d’en tirer une conclusion définitive. Si l'amélioration de l'espèce chevaline, à l’aide des étalons du Gouvernement, n’a pas réalisé jusqu’à ce jour tout ce qu’on en pouvait attendre, on ne peut cependant méconnaître le progrès partiel accompli dans quelques-unes de nos régions. En agriculture, il faut constamment se rappeler que le temps seul peut mener à bien les entreprises impor- tantes ; la patience et la persistance sont la condition essentielle de tout succès sérieux. Le jour où l’état général de la culture permettra de nourrir abondam- ment les produits de la race chevaline, leur dévelop- pement plus rapide, leur meilleure venue permettront = AVRIL. 71 d’en tirer un parti plus assuré. La demande des ache- teurs s’accroîtra dans la proportion de l'accroissement de la production; et peut-être alors sera-t-on amené à reconnaître que les efforts de la Société et sa constance dans la poursuite d’un même but n'auront été ni in- fructueux, ni insignifiants pour la prospérité du pays. M. de Brive pense qu'il serait temps, néanmoins, que la question de principe en cette matière fût sé- rieusement et définitivement vidée. Le Conseil général se lassera sans doute de continuer indéfiniment ses encouragements dispendieux à une industrie dont le bénéfice est journellement remis en question. S'il était vrai que l’élève du cheval ne pût devenir une spécula- tion lucrative dans la Haute-Loire, la Société et le Conseil général feraient mieux de changer résolüment de système ; et l’on aurait à voir s’il ne serait pas pré- férable de tourner tous les encouragements vers l'amélioration de la production mulassière qui donne, on le sait, des résultats toujours avantageux, et dont le débit est constamment assuré. M. du Garay aîné rappelle qu'il a insisté souvent sur la préférence à donner à l’élève et surtout à l’é- ducation du mulet; et il signale les inconvénients et les difficultés déjà énumérés maintes fois qui rendent l'éducation du cheval si chanceuse dans notre région. M. Chouvon fait un rapport verbal sur l'ouvrage de M. le comte de Morangiès, intitulé : Notes sur l’agri- culture des cantons gramitiques du département de la Lozère. Conformément à l'invitation qui lui en avait été faite par M. le Président, lorsque cet ouvrage a 72 RÉSUMÉ DES SÉANCES. été renvoyé à son examen, M. Chouvon a surtout cherché à se rendre compte dans quelle mesure les indications données par l’agronome de la Lozère pou- vaient être profitables à certaines portions de la Haute- Loire. M. Chouvon est heureux d’avoir à rendre pleinement justice, tant au savoir théorique de l’auteur qu’au sens pratique avec lequel il a su approprier les saines leçons de la théorie générale aux conditions souvent excep- tionnelles des cantons granitiques de la Lozère. Les régions de notre département, dont le sol se trouve dans des conditions analogues , auraient incontestable- ment à gagner en prenant conseil de l'expérience et en se conformant à la plupart des enseignements de M. le comte de Morangiès. Malgré son titre modeste, le petit ouvrage dont il est question serait, en consé- quence, utilement propagé dans un certain nombre de nos localités. Il est bien clair, en effet, que, dans un pays remarquable comme le nôtre par la brusque et profonde diversité des sols, la plupart des notions utiles concernant les assolements, le mode et les in- struments de culture, la préférence à donner à tels ou tels engrais et l'adoption mème de telle ou telle ré- colte principale doivent varier suivant les lieux, suivant là nature physique et chimique de leurs terrains. Il faut une fois de plus remercier M. le comte de Mo- rangiès de s'être préoccupé, d’une façon spéciale et en homme si compétent, des exigences toutes par- ticulières des régions granitiqnes pour lesquelles l’en- seignement agricole de la plupart des autres régions serait un véritable et dangereux non-sens, AVRIL. 75 M. le Président remercie M. Chouvon de cette appréciation éclairée, et se félicite, avec l'honorable rapporteur, de voir les hommes les plus distingués des départements qui nous avoisinent si disposés à nous faire part de leurs utiles travaux et à rechercher, avec la Société d'agriculture du Puy, les bons rapports d’une utile confraternité. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à six heures. Le Vice-Secrétaire, L. BALME. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 7 MAI. SOMMAIRE. Lecture du procès-verbal de la précédente séance. — nn des ouvrages reçus : Mémoire de M. le docteur Andrieux, observations sur l'établissement hydrothérapique de Brioude; don, par M. le chanoine Montlezun, d'un ou- vrage intitulé : La Vie des saints Evéques d'Auch.— Mémoires de la Société d'agriculture de la Marne : travail sur les usages locaux ; Journal d'agri- culture pratique pour le Midi de la France : historique de la boulangerie ; Bulletin de la Société d'agriculture du Cher : mention du travail de M. le docteur Martel, sur les précautions à suivre dans les maladies contagieuses des bestiaux; Bulletin de la Société centrale d'agriculture de l'Hérault : articles sur l'emploi des urines comme engrais ; le Sud-Est : résultats d’une culture de sorgho sucré‘ Revue agricole de Valenciennes : article sur l'amen- dement des terres par la chaux ; Bulletin des seiences de lu Société impériale et centrale d'agriculture : note sur la castration des vaches; Bulletin de La Société d'agriculture de la Lozère : histoire de la cathédrale de Mende et du pape Urbain V, par M. Théophile Roussel; Revue de l'Art chrétien : notice sur la statue de Notre-Dame de France. — Don d'ouvrages par le Gouverne- ment. — Economie publique : Journal de la morale chrétienne : article sur les mouts-de-piété ; communication de M. Souteyran sur un projet d'établisse- ment d'un mont-de-piété au Puy; observations de MM. Plantade et de Brive. — Commission composée de MM. Robert, Plantade et Chouvon pour la ques- tion du règlement des gages des serviteurs ruraux. — Archéologie : communi- cation de M. Aymard sur la chape de Pébrac, — Congrès des délégués des So- ciétés savantes : communication de M. de Brive. — Communication de M. le Prés.dent et formation d’une commission des recherches paléographiques. MAI, 75 A trois heures la séance est ouverte sous la prési- dence de M. Ch. C. de Lafayette. Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté. OUVRAGES REÇUS. — Dans le dépouillement des ouvrages adressés à la Société depuis la dernière séance, M. le Président indique les articles suivants comme pouvant attirer particulièrement l'attention. M. le docteur Andrieux, membre correspondant de la Société, adresse un mémoire sur l’hydrothérapie , contenant en outre de hautes considérations scientifi- ques sur ce mode de traitement, d’intéressantes ob- servations recueillies par l’auteur dans l'établissement hydrothérapique de Brioude, qu’il dirige avec un succès toujours croissant. La Société remercie M. le doc- teur Andrieux de cet envoi. Un autre membre non résidant, M. le chanoine Montlezun, adresse également , sous ce titre : La Vie des saints Evéques d'Auch, un nouvel ouvrage qui viendra s'ajouter à toutes les publications dont ce laborieux et érudit collègue a déjà gratifié la Société. Des remerciments sont aussi votés à M. Montlezun. Les Mémoires de la Société d'agriculture du département de la Marne contiennent un travail sur les usages locaux qui pourrait être consulté, comme objet d’études comparatives, quand la Société 76 RÉSUMÉ DES SÉANCES. reprendra elle-même son propre travail sur le même sujet. Le Journal d'agriculture pratique pour le Midi de la France contient un historique de la boulangerie en France, qui pourrait également être consulté avec fruit. Les détails fournis à ce sujet sur les différents systèmes de mouture méritent surtout d'être lus, et on y peut recueillir d’utiles indications sur les progrès à accomplir dans cette importante question, qui inté- resse si vivement l’économie publique. Le Bulletin de la Société d'agriculture du départe- ment du Cher signale à l'attention des membres de cette Société le travail de notre collègue, M. le docteur Martel, contenu dans le xvine volume des Annales de la Société d'agriculture du Puy, concernant les pré- cautions à prendre pour prévenir et circonscrire les maladies contagieuses des bestiaux. Dans le Bulletin de la Société centrale d'agriculture de l'Hérault, un des membres de cette Société, M. Gaston Bazille, constate les bons effets de l'emploi des urines pour l’arrosage des terres. Le Sud-Est, journal agricole, donne, en quelques lignes, les résultats d’une culture de sorgho sucré qui peuvent intéresser les cultivateurs. On peut signaler de même, dans la Revue agricole et industrielle de Valenciennes, un article MAI. 71 de M. Cheval, sur l'amendement des terres par la chaux. Enfin, le Bulletin des sciences de la Société impériale et centrale d'agriculture contient une note de M. Mé- nard, cultivateur dans le département de Loir-et-Cher, qui signale les remarquables résultats de la castration des vaches, et prouve que ce procédé nouveau mérite d'appeler une attention sérieuse et d'être expérimenté sans retard. « J'ai, dit M. Ménard, j'ai déjà fait châtrer soixante- seize vaches; il n’y a plus à hésiter pour ceux qui veulent, à la fois, produire du lait et de la viande. Le lait est bien supérieur; avec cent litres je fais soixante-cinq fromages au lieu de cinquante que je faisais avec le lait ordinaire. » Le lait se conserve un an en plein et puis il dé- croît, mais la bête engraisse. J'ai pourtant deux vaches castrées depuis dix-huit mois, dont le lait n’a pas baissé. » Dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts dela Lozère, Yinfatigable Président de cette So- ciété, M. Théophile Roussel, qui cumule à un degré très-élevé les aptitudes les plus diverses, commence la publication d’un intéressant et difficile travail auquel il a voué depuis longtemps les plus patientes études. Il s’agit de l'Histoire de la Cathédrale de Mende et du Pape Urbain V. Tous les membres de la Société qui s'intéressent aux études historiques liront certainement cette intéressante monographie, dont quelques points 78 RÉSUMÉ DES SÉANCES. ne resteront pas étrangers à l’histoire même de notre Velay. La Revue de l'art chrétien consacre une notice dé- taillée à la grande œuvre artistique entreprise par Monseigneur l'Evèque du Puy, et qui a su passionner la France catholique toute entière. La Revue de l'art chrétien proclame naturellement tous les titres de la statue de Notre-Dame de France à la sollicitude patrio- tique et religieuse de tous. Après avoir de la sorte succinctement indiqué les sujets qui peuvent intéresser plus particulièrement la Société dans les publications mensuelles qu’elle reçoit , M. le Président met sous les yeux de la Société et signale à sa reconnaissance l'important envoi qui lui a été fait récemment, d’après les ordres de l'Empereur, . par Son Exc. M. le Ministre de l'instruction publique. Cet envoi comprend les ouvrages suivants : l'année 1856 du Cours familier de littérature, par M. de Lamartine. Célébrités contemporaines en France , par Gavarni. Etudes sur les Beaux-Arts, depuis leur origine jus- qu'à nos jours, par M. de Mercey. Revue universelle des Arts, publiée par Paul Lacroix, 3 vol. in-8°. Recherches historiques , etc., sur le peintre Lantara , par M. de la Chavignerie. Revue des Beaux-Arts, de M. Félix Pigeory, t. vi et vis. Histoire numismatique de la Révolution Française, planches et textes. MAI. 79 Nonnos; Les Dionysiaques ou Bacchus, poème grec et français, traduit par le comte de Marcellus. Portraits inédits d'artistes français ; texte par M. de Chenevières; lithographies et gravures par M. Legrip. Catacombes de Rome ; livraison 66°. L'Orient, par Eugène Flandin. La Société apprécie comme elle le doit le don important qu’elle a reçu, et qui comprend, notamment parmi des publications d'art, des ouvrages d’une haute valeur. Des remerciments empressés seront adressés à Son Excellence. EconomME PUBLIQUE. — Un article sur les monts-de- piété, contenu dans le Journal de la Morale chré- tienne, est renvoyé à l'examen de M. Souteyran, adjoint au maire du Puy. M. Souteyran, qui s’est déjà occupé de cette importante question au point de vue de l’éta- blissement projeté d’un mont-de-piété au Puy, est in- vité à faire connaître, en même temps que son opinion sur l’article soumis à son appréciation, le résultat de ses études antérieures. A ce sujet, M. de Brive rappelle que les avantages d’un mont-de-piété, déjà signalés depuis longtemps, avaient déterminé le conseil municipal à donner son approbation formelle au projet de cette création. M. de Brive désirerait savoir quelles raisons ont pu faire ajourner son exécution. M. Souteyran explique sur quelles bases devait être organisé ce nouvel établissement. Les fonds qui de- vaient servir de première mise eussent été pris sur les fonds de dotation de la caisse d'épargne. Sur ces don- 80 RÉSUMÉ DES SÉANCES. nées, un projet de règlement avait été rédigé confor- mément aux vœux et aux intentions déjà manifestés par le conseil municipal. Ce projet, envoyé à M. le Ministre, fut retourné deux fois pour qu'il y fût ap- porté quelques modifications. Mais ces modifications par elles-mèmes étaient tellement minimes qu'on pou- vait presque se demander si le double renvoi n’était pas une fin de non-recevoir. Enfin, dans une réponse à une lettre de rappel de M. le Maire, M. le Ministre a fait connaître que les fonds de dotation d’une caisse d'épargne ne lui semblaient pas pouvoir servir à l’éta- blissement d’un mont-de-piété. Sur cette objection, l'administration municipale a cru devoir surseoir jus- qu'à nouvel ordre. M. Souteyran tient néanmoins à faire remarquer que la caisse d'épargne du Puy possède un fonds de dotation totalement distinct des intérêts sur lesquels le Gouvernement peut vouloir exercer une surveillance et une protection assidues. Ce fonds a été fait à l’aide de souscriptions particulières, et M. le Ministre, mieux informé, reconnaîtrait sans doute que l'Etat n’a point à intervenir pour ce qui en concerne le placement, dès lors qu'aucune portion des fonds appartenant aux dé- posants de la caisse d'épargne ne devait être engagée dans la nouvelle entreprise. Du reste, ajoute l'honorable membre, lorsque la sanction de M. le Ministre a été demandée, il était question d’un projet de loi pour réglémenter la ma- tière ; c’est peut-être cette considération qui a motivé le refus, lequel, dans cette hypothèse, devrait être considéré comme un simple ajournement. MAI. 81 M. Plantade pense qu'il conviendrait alors d'attendre la loi projetée avant de procéder à de nouvelles dé- marches. M. de Brive répond que rien ne prouve que la loi dont il est question ne puisse être indéfiniment ajour- née, et qu'il y aurait dès lors une utilité manifeste à tenter de nouveaux efforts pour faire aboutir un projet dont personne ne méconnait l'importance. La Société, se rangeant à celte opinion, recommande aux sollicitudes de M. Souteyran , et par son intermé- diaire, au zèle éclairé de l'administration , la question de l'établissement d’un mont-de piété au Puy. Au sujet d’un article de M. F. Cazalis, publié dans le Bulletin de la Saciété d'agriculture du département de l'Hérault, et ayant pour objet la question du règlement des gages des serviteurs ruraux, M. Aymard fait oh- server que les circonstances présentes et la pénurie de bras dont souffrent si manifestement nos campagnes donnent à l'étude de M. Cazalis un intérèt d'actualité manifeste. La question est donc très-digne d'attirer l'attention de la Société. Il faut, d’ailleurs, y rattacher accessoirement celle du livret agricole, qui a également une haute importance tant pour les maîtres que pour les domestiques. M. Aymard propose donc de nommer une commission chargée d'étudier cet important sujet. La Société adopte l'avis de M. Aymard, et la com- mission est composée de MM. Robert, Plantade et Chouvon. ARCHÉOLOGIE. — M. Aymard met sous les yeux de TOME XXI. 6 82 RÉSUMÉ DES SÉANCES. l'Assemblée un ancien et très-curieux vêtement ecclé- siastique que l’on conserve dans l’église de Pébrac, et qui sera dessiné et publié prochainement dans lAlbum d'archéologie religieuse. Ce membre a la parole pour donner des explications qui sont relatives non-seulement à cette étoffe, mais encore à tous les restes des plus anciens tissus qu’il à pu observer dans la Haute-Loire ou qui sont indiqués dans divers inventaires. En conséquence, M. Aymard donne lecture du tra- vail suivant : MESSIEURS , L'archéologie des tissus a été, depuis quelques années, l'objet de savantes recherches. Les anciens vêtements ecclé- siastiques ont déjà fourni à ces intéressantes études des éléments nombreux et instructifs. Les documents écrits sont appelés à les compléter, et il n’est pas douteux que la science puisera surtout d’utiles données dans les inventaires « des joyaux et ornements » des anciennes églises. En vue de contribuer, autant qu’il nous est possible, à l'avancement des mêmes études , nous avons recueilli, dans le département de la Haute-Loire, quelques indications qui -pourront avoir, en ce moment, l'avantage de l'opportunité. Décrire toutes les étoffes anciennes qui sont à notre con- naissance, eût élé, de notre part, une témérité et nous aurions été entraîné à de trop longs développements. Nous avons donc limité notre travail à un essai de classement des tissus les plus anciens, c’est-à-dire ceux qui peuvent hé" si j 4 set le = ; M ecicté académique du Puy, teme XXI. Annales de la : il \) //) 7 ji D jy RS ESSEEERTEERET ns $ JSJSJSOiQXQX NS SR N di Wf4) ) 71) j “ { : . 1 / // | 1 L % Z # Z À À A SONSSSSSS > PEBRAC DE PLENVIAE MAI. 85 être considérés comme les plus curieux. De ce nombre est un pluvial en soie que les connaisseurs jugeront peut-être digne , par la beauté des dessins et du tissu, d’être comparé aux plus remarquables étoffes du même temps, qui ont été signalées en France. Nous ferons connaître aussi, par extraits, quatre inventaires manuscrits qui mentionnent diverses étoffes. Trois de ces documents sont de la pre- mière moitié du XVe siècle. Le quatrième, qui est moins important par le nombre des articles, l'est peut-être plus par son ancienneté qui doit être rapportée aux premières années du XIe siècle. I. Le pluvial, depuis longtemps vénéré dans l’église de Pébrac, est attribué par une constante tradition à saint Picrre de Chavanon, issu d'une noble famille d'Auvergne, et qui, en 1062, fonda un monastère dans cette localité, en fut le premier abbé et mourut en 1080. Le cachet ar- tistique de l’étoffe concorde pour la date probable avec l'époque où vécut ce personnage ; il n’est done pas im- possible que ce pluvial lui ait appartenu (1). @) Voici ce que rapporte le Gallia Christiana (édition de 4720), à l’occasion de St Pierre de Chavanon (tom. If, col, 459) : die sequenti 9 seplembris , re- colilur ejus feslivilas in quà celebrans ad solemnes vesperas utitur ejusdem sancli pluviali cum parvo capitio. La même tradition est rappelée dans les Acta Sanctorum , publiés par les Bollandistes, en 1750. Elle s’est perpétuée jusqu’à ce jour par la mème vénéra- tion pour ce pluvial avec lequel le célébrant oficie encore dans les solennités, 84 RÉSUMÉ DES SÉANCES. C’est une sorte de manteau en soie, ouvert sur le devant et se terminant dans le haut par un capuchon. Une donnée qui n’est pas sans importance et qui indique peut-être une fabrication étrangère, c’est que l’étoffe ne semble pas avoir élé faite pour ce vêtement. Le pluvial, en effet, a été taillé dans une grande pièce qui avait primitivement la forme d’un parallélogramme de 2" 40° sur 1m 40€ et qui a reçu une coupe hémi-circulaire. Les parties ainsi re- tranchées ont servi, au moyen de coutures , à former le capuchon et à prolonger dans le bas le devant du pluvial. La décoration du tissu comporte un ensemble de dessins combinés avec goût; délicat et harmonieux méandre qui couvre la surface entière de l’étoffe et où figurent surtout des animaux au milieu d’entrelacements de tiges et de fleurons. Des rinceaux bordent aussi une partie du vête- ment : ce sont des enroulements de feuillages dans lesquels se jouent des oiseaux. Les couleurs dominantes sont le carmin, le vert et le jaune ; on trouve aussi, mais seulement en quelques par- ties, le blanc et le bleu-clair. Le tout est disposé sur un fond noir qui fait valoir avec bonheur les tons divers de l’ornementation. Le système de décoration que nous venons d'indiquer provoque l'intérêt par de curieux rapprochements avec d’autres étoffes du même temps que de savants archéologues nous ont fait connaître ; à cet égard, il est essentiel de préciser les particularités qui vont motiver nos comparai- sons (1). 1; Voyez la planche ci-jointe. MAI. 85 Les animaux qui sont figurés sur notre tissu forment deux bandes parallèles et horizontales. L'une d’elles offre une série de groupes affrontés d'animaux quadrupèdes : chacun représentant un lion qui terrasse un âne sauvage ou onagre. Dans l’autre bande ce sont des oiseaux dont les formes res- semblent à celles de l’autruche et rappellent l'attitude ef- frayée de cet oiseau lorsque sa vie est en péril. Les groupes de quadrupèdes et les oiseaux sont séparés entreeux par des tiges verticales surmontées de parties plus ou moins ovoides qui dessinent des détails difficiles à dé- terminer. Toutefois on ne peut se défendre de trouver dans la forme de ces tiges une imitation plus ou moins vague de l'autel du feu, ou pyrée, qui a été remarqué surdiverses étoffes d’origine orientale. Citons surtout, comme points de comparaison, deux pré- cieux tissus : l’un est la belle chape, dite de Saïnt-Mexme, dans l’église de St-Etienne, à Chinon (Indre-et-Loire), et qui paraît dater du XIe siècle; l’autre est une étoffe qui enve- loppe des reliques, au Mans. Dans l’une et l’autre, un seul sujet est plusieurs fois ré- pété par bandes horizontales. Sur la chape, ce sont deux quadrupèdes affrontés, sortes de tigres qui sont attachés par une chaîne à un objet en forme de pyramide et séparés par une haute plante garnie de petites branches avec feuilles et dans le bas, avec fruits. Des oiseaux et de petits quadru- pèdes remplissent symétriquement les espaces vides. M. Ch. Lenormant, membre de l'Institut, qui a fait sur ce curieux sujet de savantes études, lui assigne une origine sassanide, IL y voit : « déux guépards, sorte de panthère difficile à apprivoiser et dont les Indiens se ser- vent encore pour la chasse ; la plante allongée est le hom, 86 RÉSUMÉ DES SÉANCES. plante sacrée, arbre de vie des Orientaux, et l’objet pyra- midal, l'autel du feu ou pyrée, emblème de la religion de Zoroastre (1). » Sur l’étoffe du Mans qu’a publiée M. Hucher, le symbole du feu est figuré sous la forme plus exacte d’un autel entre deux lions, animaux qui jouent un rôle considérable dans l’ancienne mythologie orientale, principalement en Perse et en Assyrie; une espèce d’astre ou d'étoile qu’on voit dans le haut de leurs cuisses, se retrouve également sur d’autres monuments sassanides, notamment sur un vase de même origine faisant partie de la collection de la bibliothèque impériale. Mais à ces représentations sassanides est associée sur la chape de Chinon une inscription arabe qui a été dé- couverte et publiée par M. Victor Luzarche, membre de la Société archéologique de Touraine, d’où l’on peut induire qu'avant de pénétrer en France, ces motifs d’ornementation avaient été imités soit par les Arabes, soit par les Maures d'Espagne. Cette inscription, du reste, ne paraît être rela- tive qu'à certains souhaits à l’adresse de la personne qui devait faire l'acquisition du tissu. Toutefois, on connaît d’autres étoffes du même genre qui, d’après de semblables inseriptions, ont pu fournir des dates précises ; telle est celle que l’on conserve à Paris, aux ar- chives de la métropole, sur laquelle on lit le nom et les litres du khalife fatimite d'Egypte, Hakem-bi-amr-Allah, (4) Voyez l'A bécédaire par M. de Caumont, 4851, p. 19, et le Rapport sur la chape arabe de Chinon (Indre-et-Loire), par M. Reynaud ; (Bulletin monumental dirigé par M. de Caumont , 1846, p. 564.) MAI: ST qui vivait au commencement du XIe siècle de notre ère. On a cilé aussi celle qui se trouve à Apt, en Provence, où elle sert à envelopper des reliques et dont l'inscription se rapporte à un prince qui régna entre les années 1091 et 1101. Une autre église de la Haute-Loire, celle du Monastier peut offrir à l’intéressante étude des anciens tissus, deux fragments de ces précieuses et rares éloffes en soie. Ces morceaux enveloppent les reliques de saint Théofrède et de saint Eudes, qui sont enfermées dans un très-ancien buste en argent du premier de ces personnages. L'une de ces pièces révèle, dans le sujetde la décoration, une nouvelle et curieuse variété de ces groupes d'animaux que nous avons vus figurés sur les étoffes de Chinon et du Mans. Au lieu de guépards ou de lions, nous avons ici des griffons, mystérieux composés du vautour et du lion, que la mythologie persane avait appropriés aussi à la décoration de ses monuments. Ces animaux sont également groupés par couples affrontés et séparés l’un de l’autre par la plante du Aom dont les branches, avec feuilles et fruits, supportent en outre deux oiseaux et deux petits quadrupè- des. Entre les pattes postérieures de l'animal, on voit une petite feuille cordiforme et isolée. Deux autres oiseaux sont posés un peu au-dessus de la queue des griffons, lesquels saisissent par le bec la queue très-prolongée d’une espèce de cheval ou d'âne harnaché et représenté en fuite. Si ces griffons ont le corps diapré des mêmes taches qu’on remarque aux guépards de la chape de Chinon, ils partici- pent des lions figurés sur le tissu du Mans par les formes du corps et de la queue, et par les couleurs de l’étoffe à fond de laque carminée, sur lequel les sujets sont ss RÉSUMÉ DES SÉANCES. tous verts et rehaussés de carmin et de jaune pour les dé- tails. Ce dernier ton produit surtout de minces filets qui dessinent les contours et séparent les autres couleurs. Le blane a été employé pour les ongles des griffons et pour des dentelures qui bordent le haut du tissu. Le second morceau, conservé aussi au Monastier, est un peu plus petit. Sur un fond nankin se détachent des cercles ou médaillons dans lesquels sont deux paons affrontés et de couleur violacée ; entre ces cercles sont représentés des petits carrés verts el décorés de deux filets qui se croi- sent à angle droit et à l'intersection desquels est un autre carré avec des taches aux quatre cantons. Les paons, sur celte étoffe, offrent peut-être, avec un luxe bien moindre des tons, une réminiscence de ceux qui ornent un tissu conservé à Saint-Sernin de Toulouse, sur lequel on lit une inscription arabe du XIe sièele (1). Quant à la pensée qui inspira ces divers sujets d’orne- mentation, il serait difficile de ne pas reconnaître le même ordre d'idées dans les groupes d'animaux que représente le tissu de Pébrac et dans ces griffons saisissant des ânes en fuite qu’on voit sur l’étoffe du Monastier, laquelle offre elle-même tant de rapports avec la chape de Chinon et le tissu du Mans. Si l’on admet donc les savantes hypothèses émises par M. Charles Lenormant, on conviendra qu'aucune de ces @) M. de Caumont, le premier, a appelé l'attention sur ce riche tissu , (Bulle- tin monumental, 483%, t. XX ,p. 49) et M. Ch. de Linas en a publié une fort belle planche chromolithographiée dans un Rapport à M. le Ministre de l'In- struclion publique , sur les anciens vélements sacerdotaux et les anciennes éloffes , dans l'Est et le Midi de la France. MAI. 89 étoffes n'offre plus que celle de Pébrae une expressive allu- sion aux chasses princières dont on retrouve, sous diverses formes, le souvenir empreint sur les antiques monuments de la Perse. Quant à la date qu’on peut assigner à ces différents tissus, toutes les données que nous venons d’ex- poser permettent de l’attribuer au XIe siècle. C’est encore ici l’occasion de signaler un morceau d’étoffe également historié que l'on conserve à la cathédrale du Puy, dans une cassette en chêne qui sert à contenir deux curieux et anciens cierges. Le tissu est plus épais que dans les étoffes de Pébracet du Monastier, et il s’en distingue aussi parce qu'au lieu d’être tout en soie, il est de lin (trame), de soie et d’or (chaîne). Sous d’autres rapports il offre certaines analogies avec quelques-unes des pièces que nous venons de mentionner : ce qui reste de l'étoffe fait supposer qu'on y avait figuré un sujet de chasse : on y voit la partie supérieure du corps d’un homme, d’un chasseur probablement, qui est représenté portant sur la main gau- che nn oiseau dont les formes rappellent un peu celles du faucon. Un chien est lancé au galop et tourne la tête comme pour diriger la marche d’un cheval harnaché qui se voit derrière lui. Des oiseaux sont posés sur des branchages or- nés de grandes feuilles largement découpées à cinq lobes. Par une intéressante analogie avec l’étoffe aux griffons, du Monastier, le fond est de couleur carminée et les différentes parties du sujet sont jaunes et vertes ; seulement le jaune est or. Indiquons enfin un cinquième morceau d’étoffe en soie qui tapisse l’intérieur d’un coffret en ivoire, trouvé à La- voûte-Chilhac, par Mgr le Cardinal de Bonald, alors évêque du Puy. On y reconnait des restes de grands cercles ornés 90 RÉSUMÉ DES SÉANCES. de rosaces et de fleurons, et dans l’espace compris entre ces cercles, une plante dessinée dans le goût oriental. Le fond est aussi de couleur carminée et les ornements sont peints en vert et en jaune, à peu près comme dans le tissu du Monastier (1). IL. On a vu que nos anciens tissus du XIe siècle se caracté- risént très-probablement, dans leur système de décoration, par l'influence plus ou moins prononcée de l’art oriental. Originaires de l'Asie, où les monuments antiques offrent des sujets analogues, leurs motifs d'ornementation parais- sent avoir été imités par les Arabes ou les Mores d’Espagne qui les auront transmis à tout l'Occident. Les étoffes, que la mode et le luxe introduisaient ainsi en Europe, donnèrent, sans doute, l’idée de reproduire des sujets persans et moresques sur les monuments et sur une foule d’objets usuels , tels que: sculptures sur pierres etsur bois, verrières peintes, manuscrits, vases en mé- tal ciselé, etc. Aux exemples de semblables imitations qu’on a cités en France, il serait facile d’en ajouter d’autres em- pruntés aux monuments de notre pays. Mais, afin de ne pas sortir du cadre que nous impose notre sujet, il con- vient plutôt de constater la persistance des mêmes motifs de décoration sur les étoffes qui, à partir du XIe siècle, servirent, dans nos églises, aux pratiques du culte. (1) Ce coffret a été généreu-ement déposé , par Mgr de Bonald, dans le trésor 4 de la Cathédrale de Lyon. MAI. 94 On en juge par trois inventaires, de 4410,1452 et 1444, des reliques, joyaux et ornements de l’église cathédrale du Puy, dans lesquels sont énumérées de riches étoffes, en divers genres et diverses matières (1). La provenance ou seulement l'imitation y sont indiquées, pour quel- ques-unes , par la mention de l'Inde, de la ville de Damas ou du genre moresque. On le voit dans les articles suivants : Item unus pannus auri cum campo indio cum diversis avibus jacentibus in rubro rotundo cum folhatgiis in in- dio (inventaire de 4410); Llem alter pannus auri rubrus seminatus de papagays sive avibus de Damasso (inv. de 1410); [tem alius pannus jacens in diversis barris per longum de caneto rubro et viride et in duabus ex dictis barris sunt foliagia in aliæ litteræ morisque (inv. de 4444); Item alius pannus antiquus jacens in pers seminatus cum magnis papagays aureis et... eum litteris pagano- rum... (inv. de 4452). On remarquera que , dans ces étoffes, les couleurs domi- nantes étaient le vert et Le rouge (probablement carmin) comme dans les tissus du XIe siècle que nous avons précé- demment décrits. Deux étaient intéressantes , sous le même rapport, par les écritures moresques ou païennes (/itteræ - morisquæ ; lilleræ paganorum) qui les décoraient. Il s'agit probablement encore de ces légendes arabes que nous avons () Les inventaires manuscrits de 4410 et 1432 sont aux archives départemen= tales ; celui de 1444 a été copié par Médicis, dans ses chroniques manuscrites, de Podio , tom, 1, feuil. 51 et suivants. 92 RÉSUMÉ DES SÉANCES. vues figurées sur diverses étoffes contemporaines de celles de Pébrac , du Monastier, etc. Voici d’autres pièces qui, au même point de vue, ne sont pas moins curieuses par les représentations de lions, de griffons, de cerfs enchainés, de paons, d’aigles, etc., assoc'és avec des feuillages et pouvant ainsi rappeler ce que nous avons observé dans nos anciens tissus : Item alius pannus aureus indii cotone factus de folha- giis et leonibus (inv. de 1410); Item pannus aureus in campo albo seminatus cum leonibus jacentibus in pede arboris habentes in collo unum rubrum cum capilibus modicis de cerico ejusdem coloris et ab utraque parte cum reta rubra (inv. de 1432): Item alter pannus aureus jacens in albo seminatus grifonibus et panonibus cum capitibus et pedibus in ro- tundo aliorum deauratorum et in quolibet capite cum duabus parvis retis deauratis (inv. de 4444); Item alter pannus aureus jacens in albo seminatus paonibus cum capitibus et pedibus et rotundo alarum de- auratarum et in quolibet capite cum duabus parvis retis deauratis (inv. de 4452) ; Ilem alia mappa de lino operata de coto de arboribus el aquilis.... (inv. de 1452); Item alius pannus aureus anliquus jacens in pers cum falconibus et liliis in auro cum armis bellifortis. (inv. de 1452 et de 1444): Item alius pannus de cerico per modum pavamenti ja- cens in pers seminatus cervibus incathenatis cum rotulis el arboribus cum armis regis arragone in quibuscumque partibus ab utraque parle cuin una magna petia lele de pers (inv. de 1452). MAI. 95 Ces citations, auxquelles l'étendue de nos inventaires aurait permis d’en ajouter bien d’autres , démontrent assez combien les sujets de décoration , importés d’Asie, étaient entrés profondément dans les habitudes de la mode. Les mêmes documents font voir, d’ailleurs, qu'au XVe siècle l'emploi de ces sujets était consacré par un ancien usage : pannus aureus antiquus , dit un des articles cités. On peut en conclure que, depuis le XIe siècle, on n’avait pas cessé de les représenter sur les tissus , sauf, toutefois , certains changements indiqués par les arbres, par diverses espèces d'oiseaux, ete., qu’à la longue, les variations de la mode avaient dû apporter dans le système de la décoration. Il faut croire aussi que la plupart de ces dernières étoffes étaient fabriquées en Occident : souvent on y voyait les armes des donateurs, comme celles du roï d'Aragon, des Beaufort, etc., parfois même des devises françaises et latines, des fleurs-de-lis et d’autres détails indiquant leur provenance. Les mêmes inventaires offrent également de nombreuses et intéressantes particularités sur différents genres d’étoffes usitées au XVe siècle et probablement avant cette époque ; on y trouve mentionnés: des velours (#antellum de ve- luto indio) , des taffetas {capa... foliata de tafetas verd), des capes de pelleterie {de pelagina) , des mapæ de lin, ouvrage de France (operis Franciæ) , d'autres de cencone, de cotone , de canapi, de caneto, de tela, ete. , des ou- vrages à l'aiguille {#antellus panni aurei operalus cum acu diversis historiis), diverses sortes de franges (de frangiis) , des bordures de retis, tissus à mailles qui sem- blent éveiller l’idée d’une espèce de dentelles ; des étoffes ornées de perles {corporalia munila desuper perlis), 94 RÉSUMÉ DES SÉANCES. d’autres encadrées d’orfroi (mapa cadrata cum orfres ; cassula cum aurifregio de panno aureo), etc. Bornons- nous provisoirement à ces aperçus, qui font voir combien nos inventaires pourraient être utiles à consulter pour l'histoire des tissus. L'intérêt qu'à cet égard ces sortes de documents sem- blent offrir nous engage, en terminant, à signaler un autre inventaire beaucoup plus ancien, peut-être même antérieur de quelques années aux étoffes orientales dont nous avons parlé. Celui-ci, qui est consigné dans un cartu- laire de l’abbaye du Monastier-St-Chaffre, en Velay, avait été dressé après la mort de Guido Ier, abbé de ce monas- tère, c'est-à-dire vers le commencement du XIe siècle (1). Si l’on n’y trouve aucune mention positive d’étoffes plus ou moins analogues à celles que l’on considère comme ayant été importées d'Orient, ou imitées des tissus d'Orient, ce document peut au moins aider à la connaissance de (4) Une copie de ce cartulaire est conservée à la bibliothèque impériale de Paris, fond Caumartin , n° 5456 et une copie en a été donnée à la Société aca- démique du Puy, par M. Francisque Mandet; ce livre a pour titre : hæ@c sunt que continentur in libro cujus lètulus : DE REPARATIONE CHARTARUM, 2u/ÿÙ LE LIVRE ROUGE , editus à monacho monasteri Sti Theofredi, de mandato Guilher- mi, quarli abbatis creati anno 1087. — L'inventaire (page 55) est précédé de l'énoncé suivant : cüm igitur Dei famulus Guido de quo locuti sumus , obüsset in domino, hæ in ecclesiam cujus eral diligentissimus cultor et studiosissimus amator, ornamenta diversis usibus apla reliquit. Avant l'abbé Guilhaume dont il est ici question, à la date de 4087, on trouve deux -abbés nommés Guido ; mais le deuxième (Guido IL), se démit de son titre et, par conséquent, ne mourut pas dans l'exercice de ses fonctions ; ce fut donc après la mort de Guido I°°, vers le commencement du XI° siècle, que fut fait l'inventaire. Ajoutons que la liste des abbés du Monastier n’en compte pas d’au- tres du nom de Guido. Il ne saurait donc y avoir de doutes sur l’époque de ce do- cument. MAIÏ. 95 certains vêtements et étoffes, usités alors, pour le service du culte. Les articles suivants, sous ce rapport, peuvent avoir quelque importance : Planetas sacerdotales ex serico pallio X , duæ candidi coloris , tres nigri, sed una ex floribus aureis insignila, una coccinei coloris, alia aveci operis, alia commixti coloris nigri viridique ; Alia habitus tota viridis, slolas duas el manipulos cum tintinnabulis aureis, alias duas contextas auro el alias de simplici pallio VIT, pluresque manipulos cum albis ; Torques contextas auro et margaritis XXI et ] super- humale, dalmaticas VII, subdiaconales tunicas I et alias pueriles XI ; Cortinas laneas et artifici textura compositas una ex genest et libro requm , altera ex historia judith fiqurata honum (hominum) equitumque imaginibus distincta ; Sunt et aliæ cortinx lanæ II , artificio plumarii com- posilæ et unum dorsale ejusdem operis quod totum solebat ambire chorum. NOTA.— La planche qui accompagne cette notice est due à l'habile burin de notre ami M. Camille Robert et a eté exécutée d'après un dessin de M. Girollet. Le motif qu'elle représente se reproduit sur toute l’étoffe, toutefois avec des variantes plus ou moins notables dans les traits du dessin. M. le Président remercie M. Aymard de cette com- munication, que l’Assemblée a écoutée avec un vif intérêt, 96 RÉSUMÉ DES SÉANCES, CONGRÈS DES DÉLÉGUÉS DES SOCIÉTÉS SAVANTES. — M. de Brive à la parole pour un compte-rendu de la der- nière séance du congrès des délégués des Sociétés savantes, où il avait été chargé de représenter la So- ciété du Puy. M. de Brive s'exprime en ces termes : MESSIEURS , Il y à douze ans, le savant organisateur des Congrès scientifiques en France crut utile aux hommes qui s’occu- pent de sciences et d’art en province, d'établir à Paris un centre où, réunis une fois l'an, ils pussent mettre en com- mun le produit de leurs études, de leurs découvertes et augmenter leur puissance par l'association. Cette assemblée reçut le nom de Congrès des délégués des Sociétés savantes, parce que les diverses Sociétés qui se partagent notre terri- toire et, sous une grande variété de noms, consacrent leurs efforts au progrès des arts et des sciences, furent invitées à se faire représenter à ses réunions. Ce Congrès s'ouvre chaque année à Paris, le lundi de Pâques, sous la direction de M. de Caumont, qui défère la présidence de chaque séance à l’un des membres présents. Sa session dure dix jours et, pendant ce temps, les nombreuses questions qui forment un programme distribué quelques mois à l'avance et qui sont choisies parmi celles auxquelles les circonstances ont donné un intérêt d'actualité plus pressant, sont diseu- tées dans leur ordre et reçoivent de la majorité des opi- nants la solution demandée. Me trouvant à Paris, cette année, à l’époque de la réunion du Congrès, j'ai pu,.à l'exemple de deux de mes MaAÏ. 97 honorables collègues, qui tour-à-tour y ont occupé un rang si distingué, vous représenter dans cette assemblée. Elle était composée de près de 150 membres. Dans le nombre, j'ai été heureux de rencontrer plusieurs des savants qui, deux ans avant, étaient venus prendre part aux travaux du Congrès scientifique tenu au Puy. C’est au souvenir bien- veillant qu'ils ont conservé de vous, Messieurs, que j'ai dû certainement l'accueil si flatteur qui m'a été fait dans cette assemblée et l'honneur d'être appelé à faire partie plusieurs fois de son bureau et à présider une de ses séances générales. Ces séances se tiennent tous les jours, de deux heures à six, et sont divisées en deux parties, dont la première est consacrée aux sciences physiques et à l'agriculture, et la seconde à l'archéologie et aux beaux-arts. Dans le Congrès de cette année, un grand nombre de questions ont été traitées, el vous n'attendez pas de moi, ce qui serait d’ailleurs au-dessus de mes forces, que j'en reproduise devant vous toutes les discussions. Il me suffira de vous énumérer celles qui ont le plus attiré l'attention. Les rap- ports présentés par MM. du Moncel, de Bouis, de Gourey et Jourdier, sur les progrès faits pendant l’année dans les sciences physiques, la géologie, l’agriculture et la machi- nerie agricole ont d’abord excité un intérêt général, Des discussions fort importantes ont ensuite eu lieu : dans la section d'agriculture, sur un nouveau procédé de prali- nage des grains, par M. d'Illiers, qui en a vendu le brevet à une compagnie anglaise, au prix de 20 mille livres ster- ling (480,000 fr.), sur l'application des eaux de drainage à l'irrigation, à propos d’un drainage exécuté par notre collègue M, Chouvon, dont j'ai rendu compte, sur les TOME XXI. { PS RÉSUMÉ DES SÉANCES. moyens pratiques d’obvier à la déperdition des matières fécales et sur l’utilisation des engrais liquides ; dans la section d'histoire et des arts, sur l’état de l’art dans les périodes mérovingiennes et carlovingiennes, sur la elassifi- cation chronologique des sépultures, sur les ponts anciens, les fontaines au moyen-âge, la chronologie des cloches, la reliure des livres, et enfin sur les études hagiogra- phiques. Parmi ces importantes questions, il m'a paru utile de choisir, pour vous faire connaître les détails et les résul- tats de sa diseussion, celle qui touche à l'emploi des en- grais liquides, parce que c’est celle qui a été traitée avec le plus de développement, qui présente le plus d'actualité, en offrant en même temps un grand intérêt aux hommes pratiques que possède notre Société. Depuis quelques années l’agriculture anglaise a adopté un nouveau mode d'emploi des engrais qui s'étend chaque jour davantage. Cette méthode consiste à rendre liquides tous les engrais et à les distribuer sur le terrain d'expé- rience au moyen de conduits en fonte ou en caoutchouc. Elle à pris le nom de son inventeur ou du moins de l’un de ses plus zélés propagateurs et est appelée système Kénedy. Sur cette question ont été entendus : MM. l'ingénieur Marchal, le savant professeur Moll, Maurenq, le comte de Gourcy; le duc de Maillé, de Bouis, d'Herlincourt et Oli- vier. Cette discussion s’est divisée en deux parties, suivant qu’elle a eu pour objet les engrais de ferme ou ceux des villes. Pour les engrais de ferme, le système Kénedy peut être ainsi défini . réunir dans une ou plusieurs fosses tous les MAI. 99 engrais solides et liquides de la ferme, les y faire fer- menter et liquéfier au moyen d’une suffisante addition d’eau, les diriger sur les différentes parties du domaine au moyen de conduits souterrains en fonte et d’une machine foulante, et les répandre en arrosements répétés avec le secours de tuyaux mobiles placés à la surface et d’une lance promenée par un ouvrier. Il est basé sur ce principe que les engrais liquides ont une valeur fertilisante supérieure à celle des engrais solides, soit parce que les engrais liquides sont plus facilement et plus promptement assimilables par les végétaux, soit parce qu'alors sa rapidité d'action di- . minue la déperdition des sels et des gaz utiles. En Suisse, d’après ce principe, on convertit tout l'engrais en un li- quide qui, sous le nom de lizeé, est transporté à grands frais dans les prés et y produit cette fertilité qu’on ne retrouve nulle part. La gadoue, qui n’est autre qu'un engrais liquide, est employée en Belgique avec le même succès, depuis un temps immémorial. En Angleterre, pays essentiellement progressif, on a su apprécier également le mérite des engrais liquides, et on y estime que, sous cette forme, il produit quatre fois plus d'effet que sous la forme solide. On y a alors cherché les moyens de faire arriver aux terres ce précieux moyen de fertilisation, sans qu’il en coûtât les énormes frais de transport et d'épandage qu’il y avait à payer par les procédés ordinaires pour une matière qui ne peut être employée qu'avec une grande addition d’eau, et dès-lors à doses répétées et abondantes. On à cru la trouver dans le système Kénedy. On a calculé que l’établissement de tout ce système consistant en réser- voirs, pompes foulantes, canalisation en fonte et en caout- choue, appliqué à des fermes d’une étendue de 200 hectares 100 RÉSUMÉ DES SÉANCES. au moins, coûtait en Angleterre moins cher que le drai- nage. Le prix moyen du drainage en Angleterre est de 250 fr. l'hectare, tandis que celui du système Kénedy n’at- teint que 200 fr. Quant au produit, il est quelquefois si extraordinaire qu’on a peine à y ajouter foi. Ainsi M. de Gourey a cité la propriété de M. Telfer, qu’il a visitée et où il a vu 48 vaches laitières nourries exclusivement avec le produit de 10 hectares arrosés. Mais, d’après M. Marchal, l'application de ce précieux système coûterait beaucoup plus cher en France, parce que les terres y sont plus morcelées, parce que la fonte, Ja houille et tous les frais d'établissement et d'entretien y : seraient plus dispendieux, et que dès-lors, si le produit brut des terrains en culture soumis à ce système de fu- mure devait être aussi considérable qu’en Angleterre, il n’était pas certain que le produit net le fût également. M. le comte d’'Herlincourt, qui a appliqué lui-même le système Kénedy dans une de ses propriétés, a évalué la dépense d'établissement à 754 fr. par hectare, quoiqu'il ait utilisé une force motrice économique que lui fournis- sait un cours d’eau. Malgré cette avance considérable, presque quadruple de celle faite en Angleterre, calculant l'intérêt et l'amortissement de cette somme à 410 p. 0/0 et comptant tous les frais d’entretien et autres accessoires, M. d’'Herlincourt est arrivé à ce résultat que chaque arrosage lui revenait à 44 fr. l’hectare, ou les six arrosages annuellement nécessaires à la somme de S4 fr. Trois mètres cubes de purin, qu’il fait allonger de neuf fois leur volume d’eau, lui suffisent pour chaque arrosage, en tout 48 mètres cubes de purin pur à l’hectare par année. Or le fumier d'une vache, ail ajouté, fournit une quantité MAI. 401 annuelle de purin necessaire pour l'arrosement repete sir fois sur quatre hectares; trois chevaux, sept pores, vingt- un moutons donnent des quantités équivalentes. Ces calculs donnent l'explication de l'opinion formulée par les Anglais sur la valeur des engrais liquides et des produits obtenus par certains de leurs agriculteurs de l'emploi du système Kénedy. Chaque arrosage, dans le système du transport et de l’arrosement par tonneaux traînés par des chevaux, ne coûte pas moins de 20 fr. par hectare et atteint quelque- fois jusqu’à 50 fr. lorsque la distribution doit se faire à Ja main. Le système Kénedy paraît donc résoudre, même pour la France, la question de l’arrosage fertilisant à bon marché. Le système Kénedy est exploité à Londres par deux so- ciétés qui appliquent les eaux produites par les égouts et les vidanges aux jardins maraichers qui entourent cette grande ville. Ne pourrait-on pas en faire en France l’ap- plication aux mêmes productions, et donner ainsi aux matières fertilisantes que fournissent tous nos centres de population un emploi utile ? Ces matières, composées des eaux d’égouts, des balayures des rues et des vidanges, sont considérées dans quelques- unes de nos villes comme des foyers d'infection dont on a hâte de se débarrasser en les jetant dans les rivières, au grand détriment de la culture et de la pureté des eaux. Dans plusieurs autres, une partie de ces produits est appli- quée directement à la culture maraïchère qui s’est formée sur un rayon très-court autour de ces villes, par les be- soins de Jeurs habitants, et se transforme journellement en légumes et fruits savoureux. Mais dans le plus grand nombre de nos villes, le nettoyage des rues et l'enlèvement 402 RÉSUMÉ DES SÉANCES. des vidanges sont une charge pour leur budget. Il en est ainsi au Puy. A Paris même, et malgré les encouragements offerts par l'administration, l’agriculture n’emploie que 6,000 mètres cubes d'engrais par an, c’est-à-dire moins de 2 p. 0/0 de la production. À Paris, en effet, a dit M. Moll, on peut évaluer la quantité annuelle de ces matières à un million de mètres cubes. Sur cette quantité, une forte partie disparait par suite de ce qu'on appelle le coulage ; on n’'envoie à Bondy que 500 mille mètres cubes qui, desséchés, rendent 5,000 tonnes environ de poudrette, suffisant à peine à fumer T à 800 hectares. Si, au con- traire, on faisait usage des liquides à raison de 20 me- tres cubes par hectare, on pourrait fumer avec la même matière 50 mille hectares. Pourquoi n’emploie-t-on donc pas cette fumure à la fois si abondante et si énergique? Ce ne peut être par la crainte qu'elle communique une mauvaise odeur aux plantes et à leurs produits ; on a constaté que cette odeur ne se trans- mettait pas. Ce ne peut être non plus par suite de la ré- pugnance qu’auraient les aides de culture à manipuler une matiere infecte; les moyens de désinfection sont sim- ples, peu coûteux et connus de tout le monde. La cause ne peut être évidemment que dans l’énormité des frais de transport et d’arrosement. Par l'emploi du procédé Kénedy, ne pourrait-on pas diminuer ces frais et rendre ainsi à l’agriculture cette masse d'engrais qui est perdue depuis des siècles et pourrait augmenter dans des proportions si considérables notre production agricole ? Plusieurs membres du Congrès l'ont ainsi pensé et on! formulé leur opinion en ces termes : Faire converger vers un réservoir commun les eaux d’égouts et des fosses d'aisance MAI. 405 d’une ville ou d’un quartier. Leur mélange convenablement opéré, refouler le liquide dans des conduits établis d’après le système Kénedy, et le répandre en arrosements dans les jardins ou autres terrains jusqu’à une distance où la valeur du produit n’atteindrait plus celle des frais de conduite. D'après M. Olivier, l'intérêt des frais d'établissement de tout le système appliqué à 200 hectares et les frais annuels devraient constituer une dépense totale d'environ 40 fr. par hectare et pour six arrosages. Dans le Midi, où beau- coup de terres sont arrosées par des eaux dérivées de la Durance ou de la Fontaine de Vaucluse, il en coûte 25 fr. par hectare. La différence du prix serait évidemment cou- verte par la plus-value des eaux fertilisantes des égouts et des fosses. Ces moyens indiqués pour utiliser les engrais des villes, seront, il faut l’espérer, employés un jour par des admi- nistrations intelligentes et dévouées aux intérêts agricoles. Nous en avons pour garants la multitude d’études qui se font sur cette question, tant en Angleterre qu’en France, et les résultats déjà obtenus par quelques entrepreneurs hardis et intelligents. Quant aux matières solides, produits des balayures ou des vidanges, si on ne reconnaît point l'utilité de les rendre liquides, elles devraient, après désinfection com- plète, être transportées à distance par les chemins de fer et à prix réduits. Nul doute que, dans ces conditions, les agriculteurs éloignés des villes, qui sont privés de tant de moyens de fertilisation, ne s'empressent de les acquérir et de les appliquer à leurs terres déshéritées. elles sont les opinions qui ont été émises par les membres les plus compétents du Congrès, sur celte ques- 104 RÉSUMÉ DES SÉANCES. tion encore neuve de l'application en France du système Kénedy, pour la distribution des engrais. Sans doute le peu d’étendue de la plupart de vos fermes ne vous permettra pas d'appliquer à vos terres un système toujours coûteux, dont le résultat sera bien de vous donner un produit brut considérable, mais dont le produit net, qui est le but définitif de toute entreprise raisonnable, pourrait bien n’être pas suffisamment rémunérateur. J'es- père cependant que, dans les considérations qui servent de base à ce système, vous pourrez trouver encore quelque chose d’utile à votre pratique, ne serait-ce que la convic- tion de la valeur des purins et autres engrais liquides dont on fait généralement un si déplorable abandon, malgré leur grande puissance lorsqu'ils sont convenablement em- ployés. Je ne finirai point sans vous dire que les séances du Congrès ont été heureusement coupées par d’intéressantes visites faites en commun et sous la direction de M. de Caumont. La première a eu lieu à l'établissement du maté- riel agricole, véritable exposition d'instruments d’agrieul- ture perfectionnés, que M. Jourdier, son directeur, nous a fait voir au repos et en fonction, en accompagnant ses démonstrations des renseignements les plus complets. La seconde a été celle faite au Jardin-des-Plantes et aux riches collections qu'il renferme, dont M. Geoffroy Saint-Hilaire a bien voulu faire en personne les honneurs au Congrès. Enfin M. de Caumont a réuni une dernière fois tous les membres du Congrès en une charmante soirée dans les sa- lons Douix, au Palais-Royal, où, au milieu des plus cha- leureux toasts, on s’est dit adieu jusqu’à l’année suivante. Je voudrais, Messieurs, que ce rapport très-incomplet MAI. 105 sur les travaux du Congrès des délégués des Sociétés sa- vantes de France, en 1857, donnât à ceux d’entre vous qui peuvent faire le voyage de Paris, à l’époque ordinaire de sa session, le désir d'y assister, de prendre part à ces délibé- rations où chacun apporte le tribut de ses propres con- naissances, où tout le monde prend sa part d'instruction, et où, par des rapports quotidiens et obligés, se forment des relations à la fois utiles et agréables dont le souvenir ne s’efface jamais. M. le Président exprime à l’auteur de cette commu- nication tout l'intérêt que l'Assemblée a pris à len- tendre. « La Société, ajoute M. le Président, ne peut que se féliciter d’avoir été représentée aussi dignement qu'il lui a été donné de l'être par son ancien président, M. de Brive. A l’époque mème du Congrès des délégués des Sociétés savantes, plusieurs journaux nous avaient appris quelle place notre collègue y avaient tenue. Le rapport qu'il nous fait aujourd'hui témoigne une fois de plus que le bénéfice des Congrès ne reste pas cir- conscrit dans l'enceinte où ils sont convoqués, et que, gràce au zèle intelligent des délégués, les plus utiles enseignements émanés de ces importantes réunions se répercutent, malgré la distance, au sein des Sociétés elles-mêmes. L'ordre du jour appelle la discussion d’une proposi- tion de M. le Président. A l'appui de cette proposition, M. Ch. Calemurd de Lafayette donne lecture de l'exposé suivant : 106 RÉSUMÉ DES SÉANCES, CRÉATION D'UNE COMMISSION PERMANENTE DES ÉTUDES HISTO- RIQUES ET DES RECHERCHES PALÉOGRAPHIQUES. MESSIEURS, Si vous attachez une juste importance à ces études archéologiques qui, poursuivant à travers un passé tou- jours plus profond le fait encore obseur de nos origines, semblent pouvoir porter un jour la lumière dans ces té- nébres de l'inconnu pleines d'un mystérieux prestige pour les esprits chercheurs: si, dans cet ordre d'idées, pour fa- voriser de précieuses découvertes, la Société s’est de tout temps montrée prodigue d'efforts: si elle ne s’est jamais refusée à des sacrifices qu'on ne saurait regrelter, quand on parcourt nos galeries el nos annales, je crois pouvoir dire que vous n’accordez pas une moindre sympathie à ces re- cherches moins difficiles, moins méritoires dès-lors, mais quelquefois plus immédiatement concluantes, qui peuvent se faire et qui ont déjà été faites avec de vrais succès, dans les documents écrits à l’aide desquels s’élabore l’histoire. Les études archéologiques interrogent la pierre, des ruines, des débris, témoins souvent muets. Quand ils n’ont pas, en effet, pour trucheman quel qu'une de ces inscriptions claires, saisissables, d’un sens incontesté, qui n'ouvrent point carrière aux mille caprices du doute et de l'hypothèse, les témoins dont je parle sont rarement accessibles au plus grand nombre, Il faut qu'une MAI. 407 sagacité supérieure, qu’une érudition aux yeux d’Argus en même temps ouverts sur tous les points; il faut qu’une sorte d'omniscience pleine d’ingéniosité, où l'imagination est la compagne nécessaire de l’érudition, les confronte, les contrôle, les cemplète les uns par les autres. Il y à là, vous le sentez tous, à mettre en œuvre une divination d'instinet et de pressentiment, que j'appellerai le génie de l'archéologie et que de trop rares privilégiés ont en par- tage. Et jusqu'au bienheureux jour où la démonstration des faits énoncés s'affirme par une sorte d’invineible évi- dence, à quelle discussion sans limite peut donner lieu encore le vaste problème des probabilités! quelle réserve s'impose quelquefois à bon droit un scepticisme éclairé! Les études historiques, au contraire, celles du moins que les monuments écrits guident dans leur voie toujours sûre, chacun peut en prendre sa part. Que l’un de nous, je parle des plus profanes, et je me range parmi ceux-là, que le premier venu mette la main sur un texte ignoré, qu'il puisse le déchiffrer avec plus ou moins de peine, et la signification réelle lui appartient, au simple titre d'homme apte à comprendre, tout aussi complètement, tout aussi pertinemment que s'il était un maitre de l’érudition. Le fait, si c’est un fait dont il s’agit, il le tient, il le possède, il peut l'offrir et il peut Papporter comme son contingent personnel dans l’ensemble commun; e’est dire que, dans une plus ou moins grande mesure, chacun peut se faire, ne fût-ce qu'accidentellement, le collaborateur des plus grands et des plus utiles travaux: chacun y peut contribuer dans la proportion des forces qu'il a, comme du temps dont il dispose. 108 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Au point de vue du résultat général et définitif, ai-je besoin de signaler quelle puissance et quel concours l'effort collectif peut donner aux œuvres générales, en matière de recherches historiques ? Les recherches de cette nature demandent du temps, des mains intelligentes, des yeux exercés. C’est bien là le fait d’une commission. Un homme seul n’y saurait suffire; nul ne saurait d'ailleurs prétendre à pénétrer dans toutes les demeures, à avoir accès dans toutes les archives, en inspi- rant à {ous une même sympathie ; nul ne saurait prétendre à provoquer avee un succès égal les communications de tout le monde. Fureter avec la même facilité partout ; s’in- troduire à volonté chez tous, au plus obseur recoin des galetas ou des cabinets noirs, où sont trop indignement relégués des entassements de pièces, de titres, de docu- ments de toutes sortes, une commission seule, multipliant par chacun de ses membres les relations, une commisston seule peut le faire avec une sorte d’universalité d'action qui rayonne en {out sens. Effondrer ces vieilles malles poudreuses où gisent sans honneur liasses mystérieuses et parchemins inconnus : soulever, retourner, secouer ces vieux terriers maculés de moisissures, ces diplômes jaunis, ces dossiers des vieilles contestations judiciaires où nous retrouvons plus que nulle part la révélation des noms, des habitudes, des inté- rêts, de la vie enfin de nos ancêtres, cela a pourtant plus d’un genre d’attraits, plus d’une utilité réelle. D'un autre côté, l’histoire, de nos jours, exige bien plus qu’elle ne demandait autrefois. Dans les annales d’une na- tion, notre époque cherche autre chose que la succession chronologique des pouvoirs qui l'ont gouvernée. Nous MAÏ. 109 voulons connaître non-seulement les grands faits, batailles, conquêtes, accessions ou démembrements de territoire : mais l’homme, mais le foyer, mais la vie intime, joies ou douleurs, mais le forum de la cité secondaire, mais la place publique elle-même. Nous voulons savoir aussi ce que fut la province, celte circonscription régionale trop souvent oubliée, méconnue ou mal comprise, qui, après tout et malgré tout, bien qu'il ne lui fût pas donné de participer aux évènements décisifs, n’en était pas moins, et plus qu’on ne croit peut-être. partie intégrante, partie active dans la vie nationale de la vieille France. Sous ce rapport, que ne reste-t-il pas toujours à appren- dre, même aux plus érudits ? En ce qui nous concerne, nous faisons-nous, par exemple. une idée très-nette de notre agrégation au Languedoc, de la loi administrative qui nous régissait, des institutions juridiques auxquelles nous avons été successivement sou- mis? — Et les circonscriptions, circonscriptions judi- ciaires, ecclésiastiques, paroissiales, sommes-nous fixés à leur égard? Et le développement progressif de la langue, le mouvement graduel de la littérature, l'écho local, quel- quefois si lent, toujours si intermittent du verbe intellec- tuel venu des centres initiateurs, tout cela ne reste-t-il pas à étudier encore ? Remontant plus loin dans le passé, l’organisation féodale du pays nous est-elle suffisamment connue ? Quel fief était franc de la suzeraineté de l’évêque ou de la maison de Polignac? Quelle seigneurie avait les trois justices? Dans quelle maison se prenait la qualifica- tion de puissant seigneur, de haut et puissant seigneur, de très-haut et très-puissant seigneur ? Quels rapports y avait-il entre ces qualifications et les droits divers, ceux de justice notamment ? 410 RÉSUMÉ DES SÉANCES. En quoi la dépendance du seigneur, sa dépendance vis- à-vis de son propre suzerain, surtout quand le suzerain était l'évêque ou un monastère, influait-elle sur la destinée des vassaux ? Quelles conditions spéciales, quelles coutumes particulières et originales caractérisaient quelques-uns des grands fiefs du pays? En quoi, par exemple, la suzeraineté si vaste, si élas- tique de la maison de Polignae différait-elle du plus grand nombre des situations seigneuriales, et justifiait-elle, par une sorte d'indépendance exceptionnelle dans la hiérarchie générale, cette prétention à la royauté de nos montagnes que s’attribuaient les fiers vicomtes? Comment cette haute puissance échouait-elle souvent contre le droit moral et supérieur de l’évêque, contre les franchises de la cité, contre les honorables résistances des justices et des magis- tratures? Toutes ces questions ont cerlainement un intérêt historique qui n'échappe à personne; et le passé, cette patrie transitoire au milieu de laquelle ont vécu nos'an- cêtres, ne nous sera vraiment connu que lorsque, pour notre province même, auront été complètement achevées ces vérifications clairvoyantes dont l’histoire générale est à bon droit si curieuse aujourd'hui. A un point de vue plus restreint et pour ce qui touche à la vie privée, n'est-ce rien ensuite que de savoir dans quelle mesure la vie de nos pères eut sa part légitime des bonheurs, si mêlés et toujours si relatifs, de la vie d’ici- bas? comment de la comparaison d’un sort réel à un sort espéré, de l'aspiration vers le mieux, de l'ambition d’un idéal rêvé résulta pour eux le fait d’une destinée plus ou moins acceptable au milieu de vicissitudes sans nombre? Dans le jugement qu'on porte sur un passé historique, il faut toujours, on le sent, avoir présente cette vérité MAI. 411 d’une haute importance, que l'absence d’un bien inconnu ne saurait constituer un besoin ni devenir par conséquent une privation. Pour avoir un critérium assuré de la somme de bien et de mal échue aux générations qui nous ont pré- cédés, il faudrait donc surprendre, pour ainsi dire, leur confidence la plus intime et interroger leur pensée dans la naïveté de leurs appréciations spontanées. Or, des actes privés, un testament, un contrat de mariage, des lettres, des épanchements, les correspondances de la famille, plus rares sans doute autrefois, mais aussi plus significatives, voilà les documents précieux à rechercher avec l’ardeur de la vérité et l'amour du juste, si l’on veut réellement faire une consciencieuse justice aux âges reculés. Pour cela, toutes les situations, toutes les conditions ont leur mot à dire. Une enquête équitable n’élimine aucun témoignage sincère, et les doléances des plus humbles, plus encore que d’autres, doivent avoir accès auprès de l'histo- rien, ce juge instructeur de l’œuvre des siècles. Sous ce rapport, toutes les familles anciennes, même dans les milieux les plus modestes, peuvent avoir à pro- duire des renseignements d'un véritable intérêt. Cette vieille bourgeoisie du Puy, qui unit tous les noms dans ses lastes consulaires, et vit se coudoyer sous la robe rouge du consul, comme sous la livrée d'honneur d’une égalité ascendante, l'artisan et le grand seigneur, elle peut, cette vieille et honorable bourgeoisie, trouver dans ses archives des titres probants et encore inconnus de l'importance de la cité ; elle peut fournir des révélations importantes de la vie publique et des mœurs privées... Que si tout ce qui précède est vrai, si tous ceux qui aiment l’érudilion et l'étude, leur petite patrie et la sincérité 112 RÉSUMÉ DES SEANCES. de son histoire, sont d'accord sur les idées exprimées plus haut, et sympathiques aux recherches qu'il s'agirait de provoquer, n’est-il pas d’une manifeste urgence de ne point ajourner plus longtemps les soins de préservation dont les moindres litres historiques ne nous paraissent point indi- gnes? C’est le moment ou jamais de sauver de l'oubli, de la destructien, les documents qui peuvent exister ignorés et disséminés dans les collections particulières. Les collee- tions publiques ont sans doute fourni déjà à nos plus pa- tients chercheurs une bonne part de ce qu’elles peuvent contenir d'intéressant; du moins, ce qu’il peut rester encore d’inconnu est-il désormais sauvegardé de tout risque. Mais les archives privées, elles gardent toujours à peu près tous leurs secrets; et d'autre part elles sont journellement ex- posées à des pertes irréparables. Les mœurs de la vie moderne, il faut bien le dire, sont peu compatibles avec la conservation respectueuse des vieux papiers. La vie est nomade, les changements de do- micile fréquents, les constructions nouvelles exiguës ; les maisons consacrées à une seule famille sont délaissées chaque jour pour des appartements dont les dimensions se réduisent au strict nécessaire. Il y à peu de place pour ces grands bahuts et ces malles poudreuses où sont les vieilles liasses. Et les déménage- ments! Dans les déménagements, combien de vieux titres restent en arrière! Combien de parchemins, peut-être des plus curieux, sont détournés au profit des usages les plus vulgaires du ménage et de la domesticité ! C'est done, je le répète, le moment d'aviser, il y a véri- table urgence. Que si cet ensemble de considérations vous frappe comme MAI, 415 il m'a frappé moi-même, voici le projet que j'aurai l’hon- neur de soumettre à votre appréciation : Il serait formé dans le sein de la Société une commission permanente dite DES RECHERCHES HISTORIQUES ET PALÉO- GRAPHIQUES. Les membres de cette commission, dans la mesure de leurs loisirs et dans le cercle de leurs relations respec- tives, entreprendraient, le plus promptement possible, la recherche et le dépouillement de tous les documents que pourraient contenir les archives ou collections dont l'accès leur serait ouvert. Les recherches ainsi décentralisées, les découvertes se centraliseraient au contraire au grand avantage commun. Tout ce qui serait digne d'intérêt, serait, nous le répétons, inventorié, classé, transcrit ou imprimé au besoin, — sauvé enfin, définitivement sauvé de la destruction et de l’oubli. Les divers membres pouvant se partager les attributions et spécialiser, pour ainsi dire, leurs études, en vue de mo- nographies à faire plus tard, les documents spéciaux abou- tiraient {ous au membre qui serait en mesure d’en tirer parti et de les compléter les uns par les autres. Il se trou- verait, au bout d’un certain temps, quand chacun aurait épuisé une ou deux collections, que chacun, pour les résultats acquis, serait aussi avancé, aussi complètement renseigné et nanti des documents afférents à sa spécialité, que si le même membre avait à lui seul parfait le dé- pouillement gigantesque de vingt, trente, cent collections peut-être. Ainsi, à première vue, je compréndrais dans la com- mission trois ou quatre grandes divisions susceptibles de se subdiviser encore au profit des monographes ; et TOME XXI. 8 114 RÉSUMÉ DES SÉANCES. ces grandes divisions pourraient être indiquées comme il suit : HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE ET RELIGIEUSE. — Documents concernant le culte, — l'évêché, — le chapitre, — les pa- roisses ; — ordres religieux ; — hospices; — maladreries; — léproseries ; — abbayes ; — couvents, — leurs droits, — leurs biens, — leurs dépendances actives ou pas- sives, ete. ADMINISTRATION CIVILE. — Circonscriptions; — rapports avec l’intendance du Languedoc, — formes et intermé- diaires de ces rapports: — Etats généraux; — Etats parti- culiers ; — fastes consulaires ; — actions municipales ; — organisation de la cité; — statistiques urbaines ; — histo- rique des corporations et des rues ; — priviléges des unes et des autres. HISTOIRE FÉODALE. — Fiefs et seigneuries; — transmis- sions de fiefs, suzerainetés ; — vassalités, — conflits à leur sujet; — convocations de bans ; — montres et revues, — hommages et redevances ; — terriers, — lièves, etc. HISTOIRE JUDICIAIRE. — Juridictions; — attributions ; — action politique des judicatures ; — débats judiciaires curieux; — arrêts remarquables; etc. HISTOIRE LITTÉRAIRE. — Spécimens du langage à diverses époques; — progrès de la langue, étudiée sur des documents locaux ; — livres, écrits de tout genre, factums, pamphlets, imprimés où manuscrits, etc., inconnus ou peu CONNUS ; — écrivains du pays; — ouvrages concernant le pays. HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ DANS LES RAPPORTS PRIVÉS A DIVERSES ÉPOQUES. — Intérêts particuliers ; — situations, relations et alliances des familles du pays ; — généalogies, MAI, 415 illustrations; — carrières de quelque éclat; — faits curieux : — particularités de mœurs, etc. Vous le voyez, Messieurs, le cadre est essentiellement élastique et presque indéfini. Il se prête, je le répète, à toutes les subdivisions que sembleraient demander les do- cuments eux-mêmes. La manière de voir, les tendances in- dividuelles de chacun peuvent à volonté créer, dans ce cadre d'ensemble, des spécialisations nouvelles, et chaque ordre de matière, ainsi circonscrit, suscitera sans nul doute, et comme à leur insu pqut-être, des spécialités qui peuvent s’ignorer encore. Ce n’est pas que les recherches historiques sérieuses soient nouvelles au milieu de nous. La voie est déjà large- ment ouverte. À ce sujet, des noms que j'aurais à peine besoin de citer ici vous viennent bien naturellement à l'es- prit. Après MM. Mandet, Aymard, Louis de Vinols, ete., ete., qui ont porté l’effort de leurs investigations sur des points multipliés et divers , nous avons vu M. le chanoine Sauzet, par exemple, se faire, au milieu d’études générales d’un haut intérêt, une spécialité encore plus assidue de tout ce qui concerne la bibliographie du pays. M. Paul Mar- thory, interrogeant nos archives au point de vue des insti- tutions judiciaires, nous a raconté, autant que les do- cuments découverts jusqu'à ce jour l'ont permis, l’histoire des GRANDs-JouRs dans le Velay. M. du Molin, qui nous à déjà donné la biographie des hommes de guerre du pays, au milieu même des travaux de ses hautes fonctions, sait encore trouver de féconds loisirs pour l'étude de notre passé, et il prépare en ce moment même , comme vous le savez, l’histoire des dix-huit baronies qui représentaient 116 RÉSUMÉ DES SÉANCES. le Velay dans ses Etats particuliers (ce sera, nous le com- prenons tous, l'histoire même de ses Etats). Enfin, M. l'abbé Bernard s'occupe de même à recueillir les éléments de plusieurs monographies qui nous feront connaître l'his- toire de nos plus importants établissements religieux , mo- nastères, couvents , abbayes, ete. Et tandis que M. Lagrave publiait, il n'y à pas longtemps encore, l’histoire de Langeac, nous possédions déjà celle de Craponne, par M. l'abbé Maitrias; nous pouvons espérer prochainement celle d’Yssingeaux. On m'apprend , de plus, qu’un labo- rieux vicaire de Monistrol, M. l'abbé Fraisse, a déjà recueilli, avec une patience de bénédictin, de riches élé- ments d’études généalogiques relatives aux fiefs, châtelle- nies, monastères et couvents d’une importante portion de notre pays; à Paris, plusieurs de nos compatriotes , M_ Crouzet, M. Léon de Bastard, M. Oscar Bonnet, etc., compulsent souvent, au profit de notre histoire, les ar- chives et bibliothèques, et promettent de nous commu- niquer toutes celles de leurs découvertes qui pourraient intéresser le pays. Enfin, je suis réduit à ne men- tionner qu’en passant les travaux dont la haute impor- tance vous est bien connue et qui rappellent naturellement ici les noms de MM. Henri Doniol, Dominique Branche, Paul: Leblanc, le chanoine Montlezun..……. et mon désir d'abréger m'induit sans doute encore en des omissions regrettables. Mais ces indications sommaires, suffisant à montrer quel vaste cadre d’études est déjà dessiné, indiquent surtout, et c’est ce que j'avais besoin d'établir, combien les subdivisions y sont naturellement formées ; et quels heureux compléments pour les travaux déjà faits, quel MAI. 417 utile concours pour ceux qui sont à faire, pourront être fournis par l’ensemble des recherches collectives et simultanées que je propose aujourd'hui d'exécuter sans retard. Chaque spécialité devant ainsi trouver , je le répète, au- tant de collaborateurs qu'il y aura parmi nous, et en dehors même de la société, de studieux esprits disposés à prendre la moindre part dans cette grande tâche des inves- tigations et du dépouillement de toutes les archives, nous aurons enfin l'espoir de posséder, sur mille points de détail et sur plusieurs sujets principaux , — ce que l’his- toire trouve si difficilement, des solutions définitives, et quelques grands faits historiques dans leur plénitude et dans leur ensemble. Pour donner une première idée de ce que les plus superficielles recherches en ce genre peuvent faire rencon- trer sans peine au moins expert et au plus novice, permet- tez-moi de vous faire connaître sommairement le résultat très-incomplet encore d’un dépouillement de quelques jours, exécuté dans des papiers qui se sont trouvés sous ma main. J'avais ajourné depuis bien longtemps ces recherches , au grand détriment des collections où je me rappelle avoir commis, étant bien jeune, les plus regrettables larecins. Les vieux sceaux enfermés dans leur boite avaient surtout 118 RÉSUMÉ DES SÉANCES. alors, sur moi et sur le frère compagnon de mon enfance, une attraction dangereuse. Les riches images des manus- crits gothiques nous semblaient bien plus belles séparées du volume où nous les avions découvertes. Les parchemins, enfin, nous paraissaient pouvoir servir à bien des usa- ges réjouissants, ne dussions-nous que les voir crépiter et se raccornir rapidement au feu: c'était déjà quelque chose. Que si je parle aujourd’hui de ces méfaits, ce n’est pas seulement pour me borner à en faire une humble amende honorable, c’est pour prouver aussi combien il y a in- térêt à ce que de pareils vandalismes, toujours familiers à l'enfance , cessent de s’accomplir comme ils s’accomplis- sent chaque jour sans doute de la même manière. Pour cela, que faut-il? dépouiller, faire un choix, garder et mettre enfin à l'abri, sous la garde intelligente des hom- mes d'étude , tout ce qui peut servir, tous les papiers, titres, parchemins, monuments de quelque valeur histo- rique. Que ces matériaux soient mis plus ou moins prochaine- ment en œuvre, il importe bien moins; ce qu'il con- vient avant tout de faire, ce qui est urgent, c’est de les sauver, c'est de les préserver. J'en reviens à mes recherches personnelles. Les archives privées , toutes incomplètes et plus ou moins entamées que j'avais à ma disposition , depuis long- temps confondues pêle-mêle après des déménagements suc- cessifs , concernaient principalement quatre familles na- turellement attachées par leurs alliances à bon nombre d’autres : 19 La famille Bergonhon de Rachat de Varenne, qui, MAI, 119 dans l’ordre ecclésiastique , à compté, de temps immémo- rial, une longue série de chanoines: parmi ceux-ci, au XVIe siècle , un Official du diocèse , et plus tard encore un second Official ;: enfin, avant, pendant et après la révolu- tion, les abbés de Rachat et des Granges, tous les deux vicaires généraux de Mgr de Galard; — le deuxième, l'abbé des Granges, présida, comme envoyé de l’évêque et après l’abstention de messire de Pina, doyen du cha- pitre, les réunions qui précédèrent S9, et il a défendu, par la parole et per la plume, l'administration ecclésiastique dont il portait le principal fardeau (1). Dans l’ordre civil, les Messieurs de Bergonhon de Rachat furent successivement : conseillers du roi, juges en cour royale du Puy, substitut du procureur général de la cour des aides de Montpellier , lieutenant criminel au bailliage de Gévaudan , subdélégué de l’intendance du Languedoc, lieutenant particulier du sénéchal présidial du Puy; et enfin, le dernier, M. de Varenne, frère des abbés des Granges et de Rachat, encore subdélégué peu d'années avant la révolution. 20 La maison Sigaud de Sinzelle , Sigaud de Loudes , de Chadrac, de Lestang, etc., ayant également compté plu- sieurs de ses membres dans la magistrature, et succes- sivement aussi plusieurs chanoïnes ; Antoine de Sigaud de Loudes, premier consul du Puy en 1712, ete. ; — en possession de la baronie de Chadrac, par le mariage de Marc-Antoine de Sigaud avec Béatrix de Gerentes, fille @) Voir notamment les Conférences du diocèse du Puy, par M. Peala, supe- rieur du séminaire. 4120 RÉSUMÉ DES SÉANCES. de Gaspard de Gerentes , baïlli du Puy et baron de Chadrac. 50 La maison de Bernard de Jalavoux, dont étaient les jurisconsultes Jean de Bernard, lieutenant-général au siége royal du Puy (1); — Maurice Bernard , dont les écrits de jurisprudence ont joui d’une juste estime ; — Pierre de Bernard, conseiller du Roy et syndic du Velay; — le chanoine Vital Bernard, auteur du curieux ouvrage inti- tulé : le Chanoïne ; — autre Jean de Bernard, baron de Jalavoux , conseiller du Roy, commissaire-député en 1666, près la cour des Grands-jours ; et Jean de Bernard, baron de Jalavoux et des Ternes, capitaine-général de la ville du Puy, premier consul en 1716: — Pierre de Bernard de Jalavoux, commissaire principal des Etats du Velay en 4744, ete., etc. (2). %o La maison Calemard de Lafayette, dont le premier membre établi au Puy, Jean-Baptiste Calemard , sieur de Lafayette, Calemard , ete. , vers 1690 , subdélégué de l’in- tendance de Languedoc au département du Puy et pays de Velay ; ses descendants en ligne directe, dans les trois générations suivantes, — conseiller-doyen, conseiller d'épée et conseiller ordinaire au siége présidial du Puy ; — dans les branches collatérales , Jean-Baptiste Calemard , sieur de Calemard et baron de Sarra , conseiller au grand (4) BouiLeT, Nobiliaire d'Auvergne. (2) La maison de Jalavoux tomba en quenouille par le mariage de dame Fran- çoise de Jalavoux avec M. Marcelin Calemard de Lafayette, conseiller en la sé- néchaussee et Siége présidial du Puy, et par celui de dame Marie-Gabrielle-Clau- dine de Jalavoux avec M, Guilhaume Joseph, marquis :!e Chanaleilles, comte de la Saumis. : élites D. tn lue D ts SD) LS dd: " MAI. 421 conseil et au parlement de Paris ; — dans l’ordre ecclésias- tique : le père Marc-Antoine Calemard , jésuite, écrivain et historien du XVII siècle, qui remplit à Rome d’impor- tantes missions (1). Estienne Calemard, doyen du chapitre de l’église royale et sainte chapelle de Bourbon-l’Archam- baud , Georges Calemard, chanoine, nommé prévôt du chapitre de Notre-Dame du Puy, en 4770, par résignation de Messire de Sordon de Creaux, etc. Les indications qui précèdent suffisent à expliquer le nombre , la variété, et dans l’ordre ecclésiastique ou judi- ciaire particulièrement , l'importance relative de quel- ques-uns des documents que je vais énumérer de la ma- nière la plus succincte, et, je dois le reconnaitre, la plus insuffisante (2). Le premier examen m'a fait remarquer, entre beau- coup d’autres, les pièces suivantes : Diverses notes ou extraits concernant (5) : 1) Biographie générale, de Didot. (2) J'aurais dû sans doute m'eflorcer de cataloguer ces pièces dans une forme plus scientifique, mais le temps m'a manqué , quelquefois aussi le savoir et l'ha- bileté spéciale. De plus, dans la confusion où se trouvait l’ensemble de la collec- tion, je w’ai pas toujours pu mentionner leur provenance et faire connaître, comme cela aurait été peut-être utile, à laquelle des familles ci-dessus indiquées elles pouvaient appartenir. L'imperfection de ce premier travail a , du reste, peu d'im- portance , M. l'abbé Bernard, aumônier du Lycée, ayant bien voulu se charger de procéder avec ordre au dépouillement complet et à l'analyse détaillée de toutes les pièces qui lui paraîtront mériter quelque attention. (3) Ces notes, qui recouvraient un dossier où se trouvaient un certain nombre de pièces mentionnées plus loin, étaient dans un état de vétusté qui ne permettait pas de les conserver bien longtemps. Je me suis empressé de les transerire, et je crois devoir les joindre , comnie specimen intéressant, à ce rapport, 422 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Le roc et la chapelle de St-Michel (1. L'image de Notre: Dame du Puy portée à son chapeau par le roi Louis XI (2). (1) LE ROC DE SAINT-MICHEL. Le roc de Saint-Michel, en toutes ses parties, est angélique. La suprême partie est dédiée à Saint-Michel, le suprême des ar- changes, la moyenne à saint Gabriel , le médiateur de paix entre Dieu et les hommes; l’infime à saint Raphaël, conducteur et con- solateur des voyageurs et pèlerins qui conversent en l'infime partie du monde. L'entrée ancienne, pour arriver à la chapelle dudit Saint-Mi- chel, était autre que celle qu'on voit cejourd'hui, qui conduit de droit fil, car elle était à main droite de ladite entrée et à la gauche de ceux qui entrent, au frontispice de laquelle on lit les vers subséquents écrits en lettres anciennes et difficiles à dé- chiffrer : Intrane dubiles si quæras rite quod optes Jure Dei regnum moneo te quærere primum Terrigenas superat superos qui solus anhelat. Au-dessus desdits vers on voit le sacrifice d’Abraham, de son fils bien-aimé Isaac, et à l’entour d’icelui ces vers : Hujus holocaustum Christum docetin cruce passum Cujus amans erit qui sic, quo mandat obedit. EL en après, en serpentant, on venait à la chapelle de saint Raphaël par une berge aisée, facile et demi-circulaire. (2) L'IMAGE DE NOTRE-DAME-DU-PUY. Messire Pierre Odin, docteur ès-droit, chanoine et abbé, sei- gneur de Saint-Vosy, en l’église cathédrale de Notre-Dame-du- MAI. 425 La chapelle de Notre-Dame du Puy dans l’église d’A- miens, el la confrérie de Notre-Dame du Puy audit Amiens (1) Puy, étant député vers le roi Louis XI, qui était à Tours, l'an 1476, pour les affaires du chapitre, par une lettre qu’il écrivit de Tours audit chapitre (laquelle est dans les archives de ladite église), dit que le roi étant à retour du voyage que il avait fait à Notre-Dame-de-Bèrenard en Poitou, et lu: ayant fait, le 18 de février, la révérence au lieu de Montis, lui offrit, de la part du Chapitre, une image de Notre-Dame-du-Puy, laquelle il reçut avec beaucoup dé contentement. On croyait qu’il la voulût donner à la reine qui était nouvellement arrivée à Tours, mais commanda qu'on la mit à son chapeau, disant désirer une semblable pour donner à la reine. (1) CONFRÉRIE ET CHAPELLE DE NOTRE-DAME-DU-PUY À AMIENS. La plus belle chapelle et la plus apparente en la cathédrale d'Amiens est celle de Notre-Dame-du-Puy. Voici l'explication que les historiens de cette cathédrale en ont faite : Une des plus célèbres et des plus anciennes chapelles de Notre- Dame est celle qui fut au Puy-en-Velay, ville fameuse par ses foires de chevaux et de mulets. Ce qui augmenta la célébrité de cette église, où déjà se ren- daient grand concours de peuples par les miracles qui y furent faits, c'est l’image de la sainte Vierge, laquelle le roi saint Louis apporta de son voyage d'outre-mer. Cette image antique est toute en bois, et il serait prétendu que c’est d'elle qu'il à été dit : Ni- gra sum sed formos«. La renommée de cette Vierge a fait naître dans beaucoup de provinces des confréries de Notre-Dame-du-Puy. Amiens, ville de renom en tout temps pour la piété de ses habitants vers la 124 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Bulle du pape Clément VI, par laquelle il appert -que l'Evéque du Puy est comte de Brioude ; Autre Bulle du méme, en latin (copies) ; Bulle du pape Alexandre V, concernant les privilèges du Chapitre de Notre-Dame, en latin (copies) ; Procès-verbal de l'élection de messire Bertrand de Cha- lencon, après la mort de Jean de Bourbon, évêque du Puy, . vers 1486 ; Règlements relatifs à l'Université de Saint-Mayol et du Chapitre ; Accord entre Messieurs de Saint-Mayol et Monsieur André, hebdomadier moindre ; Conflit entre l'Evéque et la maison de Polignac, relati- vement à l'autorité et juridiction sur la maladrerie de Brives ; Arrét pour le prieur de Suint-Pierre-le-Monastier contre l'Evèque du Puy (1515); Transaction entre Messieurs de Saint-Mayol et Mon- sieur de Saint-Haon (1515); Notes des Saints qui ont visité l'église du Puy ; sainte Vierge, forma une d’icelles confréries, vivant l'évêque Thié- baud , vers l’an 1182. Et voici comme il se fit : En l'an 1181, de grandes querelles et inimitiés furent émues en la ville d'Amiens. Un pauvre charpentier, qui était venu en dé- votion au Puy, ayant rapporté une image de Notre-Dame-du-Puy- en-Velay, par l'intercession et prière et un vœu fait à ladite image, tous les troubles s’apaisèrent, et une chapelle fut dédiée à No- tre-Dame-du-Puv, et la ville d'Amiens établit une confrérie de Notre-Darme-du-Puy en l'honneur d'icelle, MAI. 425 Notes sur les Jubilés de Notre-Dame-du-Puy ; Notes relatives à la création de l'Instruction ; Terriers de Saint-Mayol ; Terriers du Chapitre ; Cens et rentes payés à l'abbaye de Done ; Juridiction des Chartreux comme seigneurs de Saint- Quentin ; 1225. Bref du pape Grégoire X , au sujet de la dona- Don Eddie Puliae Thémitihde SuintEanirent aux Frères précheurs (copie) : Comparution de témoins et diverses instructions Judiciaires, par-devant messire Bernard de Jalavoux, commissaire-député de Messieurs de la cour des Grands- Jours ; Arrét de 1667 du Parlement de Toulouse, qui restitue à la justice ordinaire les causes non jugées évoquées par la cour des Grands-Jours ; Notes sur l'arrivée de la cour des Grands-Jours en 1666, sur la tenue et sur le départ ; Priviléges de la rue de Pannessac, pour la vente des grains. Arrét du Parlement de Toulouse à ce sujet ; Priviléges de la rue de la Saulnerie, pour la vente du sel; tout un dossier considérable ; Délibérations des commissaires des Etats, au sujet du bureau de la santé ; Contrat d'accord entre l'Evéque et les consuls du Puy, au sujet du Ferrat ou mesure d'avoine, pour le paiement des rentes dues par la ville à l'Evéché ; Emprunt par le syndic des Etats ; Plusieurs relevés des dettes du diocèse ; Copie du testament d'Armand de Polignac, en V289 ; 126 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Testament de messire Dujeune sieur de Montgiraud, instituant les jeux floraux au profit du collége du Puy; Généalogie partielle de la maison de Latour de Saint- Vidal, continuée par la maison de Rochefort-d’Ailly ; Série de documents relatifs à la possession de la baronie de Chadrac, depuis la vente faite par la maison de Poli- gnac, en 1569 : Contestations sur la juridiction de la baronie de Jala- voux, entre les officiers de justice et de finance de l'Au- vergne et du Languedoc ; Procès entre les seigneurs de Chadrac et les Chartreux de Brives sur les droits de pêche et la haute justice de La Loire ; Plusieurs pièces relatives à l'organisation en syndicat des vignobles des environs du Puy ; Plusieurs pièces relatives à des discussions judiciaires et actions intentées par les bailes de plusieurs corps de métiers ; Ordonnance de M. de Fillère, juge-mage sur la police de la ville (1686), imprimé ; Ordonnance de M. Armand Bergonhon, substitut du procureur-général au Fait-des-Gabelles, sur la vente du sel (1658), imprimé ; Ordonnances et lettres missives de l’intendant du Lan- quedoc à ses subdéléqués ; Mémoire pour Monseigneur de Béthune, évêque du Puy, contre la maison de Polignac ; Notes sur ce qui s'est passé à la fin de l'année 1770 et au commencement de ATTA au parlement de Paris ; Mémoire de l'abbé des Granges, en réponse aux attaques contre l'administration diocésaine. 1 1 MAI. À Manuscrits divers. — Littérature, histoire, etc. Répertoire des faits mémorables de Médicis ; Ephémérides ow choses mémorables arrivées au Puy, de 1650 à 1720) ; Harançgue prononcée par M. Jean-Baptiste Calemard , sieur de Lafayette, subdéléqué de Mgr l'intendant de Lançquedoc pour la fin de l’année consulaire de 1797. Compliment de réception , par le même, à l'arrivée de Mgr Claude de la Roche-Aymon , évêque du Puy; Haranque par M. Bergonhon de Rachat, juge royal , pour l'installation de messire de Pinot, juge-mage ; Autres haranques, discours, couplets, etc., pour la ré- ceplion ou l'installation à diverses charges de plusieurs personnages ; Judith et Holopherne , tragédie jouée en 1587. Etc., etc., etc. IE. La nomenclature très-imparfaite qui précède suffit néan- moins, je le répète, à donner une idée de ce que chacun peut espérer des recherches du genre de celles auxquelles je me suis livré. Je suis loin de m’exagérer l'importance des résultats de cette première tentative. Il n’y a là aucune de ces pièces rares, antérieures au xue siècle, dont les érudits sont si curieux; enfin, plusieurs de ces documents ne sont pas inédits ou se rapportent à des faits déjà connus. Toutefois , 128 RÉSUMÉ DES SÉANCES. la plupart peuvent nous donner encore des confirmations ou des éclaircissements utiles; ils peuvent présenter des variantes dont il y ait lieu de tirer un parti quelconque. Enfin, si dans l'ensemble des pièces que je suis arrivé à recueillir, l’histoire locale peut, ainsi que je le crois, puiser quelques nouvelles lumières , je n'ai pas à regretter mon temps comme tout-à-fait perdu ; et dans le cas surtout où d’autres , se trouvant encouragés par mon exemple, se mettraient de même à l'œuvre, l'horizon des recherches historiques ne semblera-t-il pas s’agrandir ? Permettez-moi d'ajouter, Messieurs, que de telles études ne sont pas sans attrait, lors même qu’elles bornent leurs petites découvertes à des détails presque privés, ou du moins sans grande importance publique ou générale. Les documents de famille, lors même qu'ils n’ont d'autre inté- rêt que de nous faire connaître ceux qui nous ont précédés dans la vie, testaments, mariages, lettres intimes, ils nous disent les parentés lointaines , les alliances , les rela- tions de nos pères; ils nous initient à leur manière d’être et de sentir , à leur pensée prise sur le fait, quelquefois à leur vie entière. Or rien de plus avouable , après tout , que le juste sen- timent de solidarité par lequel nous nous rattachons à l’œuvre de nos prédécesseurs. Dans l'étude du passé, se borner à chercher, à son profit personnel , les preuves d’une situation sociale plus ou moins importante, c’est peut-être le fait d’une vanité futile. Mais étudier quelle part ceux qui sont nos pères ont eue dans la vie morale de leur petite patrie ; mais se montrer pieusement curieux du bien qu'ils ont pu faire; s'enquérir comment et dans quelle mesure ils se sont associés à la fondation, au développe- Mal. 429 ment ou au fonctionnement des institutions civiles ou reli- gieuses dont le pays fut fier ; étudier, par exemple, dans ces testaments dont je parlais tout-à-l'heure , quel contin- gent périodique , quelles offrandes successives les généra- tions qui nous ont devancés apportèrent aux créations les plus utiles et les plus méritoires , à nos hospices, à nos associations religieuses, à nos œuvres de progrès ou de charité, c’est revendiquer à bon droit la meilleure part du patrimoine qui nous vient des ancêtres ; c’est, en parta- geant avec eux l'honneur de leurs manifestations de pa- triotisme , de bienfaisance ou de foi , e’est accepter, pour ainsi parler, de leur part l'honorable devoir des bons exemples à imiter. Enfin, Messieurs, par une particularité que vous appré- cierez tout aussi haut que j'ai pu le faire moi-même , il se trouve que notre Velay, il se trouve que la petite patrie que nous aimons, que nous voulons servir, à laquelle nous appartenons de fait ou d'adoption , par le cœur, est une de ces patries qu'on aime d'autant plus qu’on les connaît davantage. Heureux pays sans doute et digne d’être aimé que celui dont l’histoire, même dans Le cadre le plus restreint, est pour ses enfants un juste sujet de fierté ! Eh bien , Messieurs , je dirai d’abord que quinze jours d’études dans de vieux papiers ont donné aux notions que je pouvais avoir sur notre histoire locale un complé- ment que l’on ne sait guère où chercher aujourd’hui, dès qu'on à lu les quelques ouvrages que nous connaissons tous. Jajouterai que j'ai trouvé, une fois de plus, dans un commerce rapide avec les générations d'autrefois , la TOME XXI. 9 450 RÉSUMÉ DES SÉANCES. justification de cette prédilection native, de cette sorte d’orgueil d’instinct que le Velay inspira toujours aux siens. Et je ne parle pas seulement d’une aptitude supérieure pour toutes les œuvres de foi , qui caractérise si manifes- tement ce pays ; je ne parle pas seulement de sa fécondité propice à faire éclore les institutions , au besoin spécial des temps; ni du rôle considérable qu’il a joué jadis comme centre d’action ou de guerre , comme foyer d’art, d'étude et de civilisation : je parle aussi, Messieurs, de ce sentiment libre, honnête et fier qu’on respecte dans notre petite histoire ; de cette honorable indépendance toute re- lative, vous le comprenez, relative au temps, aux mœurs, au régime d'alors, mais qui n’est pas moins un fait très- réel, ayant pour moi, dès aujourd’hui, son explication aussi bien que sa preuve. Vous vous rappelez le beau travail sur les Etats de Lan- guedoc, lu devant le Congrès par M. le vicomte de Meaux, et la distinction capitale établie dans ce travail entre les pays d'Etat et les pays d'élection. Eh bien , Messieurs, l’é- tude plus intime de notre histoire nous apprendra à mieux apprécier encore la différence signalée par le jeune et élo- quent apologiste des Etats. A côté d'abus et quelquefois d’excès que personne, je suppose, ne songe à nier ou à justifier aujourd'hui, nous voyons du moins se développer dans l'esprit public une estime du droit et du devoir, une notion générale d'équité qu'on ne trouve pas ailleurs au même degré. Le respect de la justice, la foi dans la justice, dans la protection de la loi et des magistratures, cette confiance qui anime le plus petit s'attaquant, dans la lice judiciaire, au plus grand et MAÏ. 451 au plus fort; l’humble bourgeois qui ne craint pas d’in- tenter une action au gentilhomme puissant, le modeste bénéficier soutenant son droit contre le haut seigneur ; et, d'un autre côté, la très-réelle initiative du pouvoir muni- cipal, l'autorité du consulat, et jusqu’au sentiment excessif de leur dignité, dont sont quelquefois remplis nos bons ancêtres ; tout cela, tous ces indices d’une situation légale et souvent libérale, toutes ces manifestations de l’état gé- néral des esprits et des choses, tout cela a une valeur sé- rieuse et commande l'estime, lors même que l’emphase des dénominations, la pompe et la majesté un peu surfaite des délibérations, et surtout de l’action extérieure, prête- raient légèrement à sourire. On apprend done, je le répète, à aimer, à estimer ce pays en étudiant son passé. Le voisinage si prochain de l'Auvergne, sous tant de points cependant bien différente du Velay, aide encore à apprécier le privilége relatif, mais bien marqué, dont a joui ce dernier aux époques de notre histoire le plus cruellement lourmentées et, pour ainsi parler, le plus rudement flagellées par les mains brutales de l’iniquité. Cette énoncialion trouvera facilement sa preuve à mesure que les documents se multiplieront sous nos yeux ; et notre patriotisme, vous le voyez, est intéressé dès lors, autant au moins que l’amour de la science pure, à marcher dans la voie que nous indiquons aujourd’hui. Un dernier mot, Messieurs, et je termine cet exposé déjà long. Si la Société donne sa sanction au projet que je viens de lui soumettre, nous sommes certains, je puis dès à pré- sent le dire, de trouver, même en dehors de nous, des 1452 RÉSUMÉ DES SÉANCES. auxiliaires précieux. J'ai reçu à cet égard des promesses bien formelles. Le bon vouloir d’un grand nombre de nos concitoyens possédant des archives de famille ou collections privées, sera égal au zèle de ceux d’entre nous qui sont aples à en entreprendre le dépouillement. Vous n’hésiterez donc pas, je l'espère, à nommer la commission dont je vous ai sommairement indiqué Ja tâche. 11 lui appartiendra naturellement de compléter, d'agrandir, de vivifier surtout la pensée première ébau- chée dans ce rapport; et vous aurez prouvé une fois de plus, par une initiative que d’autres Sociétés imiteront certainement un jour, que rien ne vous reste indifférent de ce qui touche à l'honneur de notre passé, comme-au mouvement intellectuel et aux tendances studieuses du présent. Après la lecture de ce rapport, la discussion est ou- verte sur la proposition qui y est contenue. MM. Bé- liben, de Brive, Aymard, MM. le chanoine Sauzet et l'abbé Bernard ajoutent tous quelques considérations en faveur de la création demandée, à laquelle la Société donne une approbation unanime. En conséquence, sont nommés membres de la commission permanente des recherches et des études historiques et paléographiques, avec MM. Ch. Calemard de Lafayette, Aymard, Béliben, président, vice-prési- dent et secrétaire de la Société, MM. Alirol et Sauzet, chanoines ; M. l'abbé Bernard, aumônier du lycée ; MM. Paul Marthory, Giron-Pistre, Balme Louis, avo- cats; M. Louis Paul, substitut du procureur impérial ; MAI. 155 M. Louis de Vinols, MM. Jules et Hippolyte de Vi- nols (1). M. le Président propose en outre de désigner un certain nombre de savants et de membres non rési- dants auxquels serait offert le titre de membre corres- pondant de la commission. Les noms suivants sont successivement proposés et accueillis avec empressement : MM. Mérimée, sénateur, membre honoraire de la Société ; comte Léon de Bastard, membre non rési- dant, Lacabane, professeur à l’école impériale des Chartes; Francisque Mandet, conseiller à la cour im- périale de Riom; du Molin, président de chambre à la cour impériale d'Amiens; Bouillet, membre de l’Insti- tut des provinces; MM. Dominique Branche, vicomte de Meaux, Auguste Bernard, Paul Leblanc, Félix Grellet, Lagrave, l'abbé Maitrias, membres non rési- dants. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à six heures. Le Secrétaire, Oscar BONNET., (4) Il faut ajouter à ces noms ceux de MM. Vinay, Sarlandie des Rieux, de Payan-Dumou'in et Gabriel de Fages de Chaulnes, élus depuis membres de la Société et appelés à faire partie de la commission, SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 4 JUIN. e SOMMAIRE. Lecture du procès-verbal, — Communication des ouvrages reçus : la Vie des champs, article sur les animaux utiles ou nuisibles; — la Revue agricole du Gers, culture du framboisier; — Journal d'agriculture pratique , Sur l'espèce galline; — Bullelin de la Sociélé protectrice des animaux, conseils aux agriculteurs ; — Annales de la Sociélé météorologique de France, mention élogieuse des travaux de MM. Bertrand de Doue et Azéma; — Bulletin de la Société d'Arras, notice sur l’origine du Puy d'Arras, explication de cette appellation par M. Charles Dinaux; M. le Pré- sident exprime à cet égard une opinion contraire à celle de l’auteur. — Correspondance : Le Ministre de l'instruction publique accorde à la Société une somme de trois cents francs. M. le Ministre d'Etat accorde une alloca- tion de cinq cents francs pour la continuation des fouilles de la place du For. Remerciements, à ce sujet, a MM. de Romeuf et de Latour-Maubourg, a M. le Préfet et a M. le Ministre, — Album monographique du porche de la cathédrale du Puy, par M. Auguste Dorlhac de Borne, architecte ; vifs té- moignages d’intérèt de la Socié'é pour cette œuvre. — Demande d’'admis- sion, à titre de membre correspondant , par M. Moyère, à Fay-le-Froid. — Reboisement : Projets à l'étude de M. Limozin, sous-inspecteur des eaux et forêts. — Mention, par M. Félix Robert, d'un litre historique très-ancien sur un monastère au lieu de Chapteuil; pricre à M. l'abbé Bernard de re= cueillir des informations à cet égard. — Beaux-arts : Communication de M. de Brive au sujet de la statue de Notre-Dame de France. — Archéo- lo:ie : Communication de M. Aymard au sujet des fouilles exécutées sur la place du For, Réserves et observations faites par M. l'abbé Bernard et le chanoine Sauzet sur l'interprétation donnée par M. Aymard aux monuments lapidaires dont il parle. JUIN. 455 A trois heures, la séance est ouverte sous la prési- dence de M. Aymard, vice-président. M. Aymard annonce qu'il occupe le fauteuil en l'absence de M. le Président, qui s’est rendu au con- cours régional de Mende. M. Balme, vice-secrétaire, remplace au bureau le secrétaire, empêché. En consé- quence, la lecture du procès-verbal de la précédente séance est ajournée. OUVRAGES REÇUS. — M. le Président signale dans un numéro de la Vie des champs un article sur les ani- maux utiles ou nuisibles à l’agriculture; cette question paraît être actuellement à l'étude et attirer l'attention des agriculteurs. La Revue agricole du Gers contient une planche sans texte explicatif, sur la taille du framboisier. D'après l'inspection de cette gravure, le système préconisé paraît consister dans l’élagage des branches qui ont déjà donné du fruit, pour en faire produire aux bran- ches nouvelles. M. le Président cite le nom de deux ou trois horticulteurs qui, dans le pays, cultivent le fram- boisier de la mème manière. Un article du Journal d'agriculture pratique in- dique les soins à donner à l’espèce galline, pour en obtenir de sérieux produits. L’insuccès dont on se plaint fréquemment parmi nous sous ce rapport doit ètre attribué, selon M. le Président, à l’incurie avec 1456 RÉSUMÉ DES SÉANCES. laquelle cette intéressante espèce est trop souvent traitée. M. de Liron d’Airolles adresse à la Société une bro- chure intitulée : Notice pomologique, contenant une nomenclature, qui paraît assez complète, des pommes et des poires connues jusqu'à ce jour. L'auteur y a joint un essai sur la culture des jardins; il pense que le drainage pourrait être utilement employé et donne, avec les indications relatives à son système, un plan pour cette nature spéciale de drainage. Un numéro du Bulletin de la Société protectrice des animaux contient un mémoire sur les soins à donner aux abeilles. L'auteur énonce que les pertes les plus graves qui peuvent atteindre les apiculteurs doivent être surtout attribuées à ce qu’elles manquent souvent de nourriture, ou encore à ce qu’elles ne sont point dans la ruche toujours assez nombreuses pour y déve- lopper une chaleur suffisante et résister ainsi aux rigueurs de l'hiver. Le moyen qu’il recommande, parce qu'il l’a toujours pratiqué avec succès, c’est la réunion des essaims trop faibles. L'auteur indique la méthode qu'il emploie à cet effet et l’époque qu'il regarde comme la plus convenable. Les Annales de la Société de la Rochelle, d’une part, et le Bulletin de la Société de Mulhouse, pu- blient l’un et l’autre un article sur la production des sangsues. Les deux auteurs regardent cette in- dustrie comme pouvant devenir la source de profits JUIN, 1437 , élevés. Ils font connaître également les procédés à employer. Les Annales archéologiques de M. Didron donnent une planche représentant une tapisserie dont la res- semblance avec les tapisseries de la Chaise-Dieu mérite d'être remarquée. Enfin, les Annales de la Société météorologique de - France mentionnent avec honneur les travaux de MM. Bertrand de Doue et Azéma. Le numéro de l'Art chrétien commence une inté- ressante étude monographique sur les cloches. « Les cloches, dit M. le Président, sont de précieux monu- ments d'archéologie, elles portent des dates, des in- scriptions et des noms qui en font des documents utiles pour l’histoire. » M. le Président à relevé quelques- unes de ces inscriptions dans le pays, il en a trouvé du quinzième siècle. Il serait à désirer que des recherches semblables fussent faites dans tout le département, et que celles qui méritent d'être sauvées de la destruction ou des transformations de la refonte fussent signalées dans le sein de la Société. Le Bulletin de la Société d'Arras attribue, dans un article sur le Puy d'Arras, par M. Ch. Dinaux, l’origine du nom de Notre-Dame du Puy d'Arras à la significa- tion du mot Puy, Podium, ou élévation, qui se tradui- rait ici dans le sens de montagne poétique ; comme si l’on disait Notre-Dame du Parnasse d'Arras. 158 RÉSUMÉ DES SÉANCES, M. le Président ne partage pas cette opinion. Il établit que, dans le moyen-âge, différentes confréries religieuses s’organisèrent en France sous le nom de confréries de Notre-Dame du Puy, et cela en raison du culte célèbre de la Vierge dans le sanctuaire du Puy- Notre-Dame. La confrérie d'Arras put naturellement se distinguer des autres corporations de même nature par l'addition du nom de la ville où elle siégeait. M. Aymard cite des bulles des souverains pontifes et autres documents établissant que la confrérie de Notre- Dame existait au Puy avant le douzième siècle. CorResPoNDAxcE. — Une lettre de Son Exec. M. le Mi- nistre de l’Instruction publique annonce à la Société qu'il lui est accordé, à titre d'encouragement, une somme de 200 fr. M. le Préfet a transmis à M. le Pré- sident la lettre de Son Exc. M. le Ministre d'Etat qui, sur les sollicitations de la Société, vivement appuyées par M. le Préfet lui-mème, en mème temps par nos deux honorables députés, MM. de Romeuf et de Latour-Maubourg, a bien voulu accorder une somme de 500 fr. pour la continuation des fouilles exécutées sur la place du For. Ces fouilles sont aujourd'hui ter- minées et il sera rendu à la Société un compte détaillé de leurs résultats. M. le Président fait passer sous les yeux de la So- ciété un album monographique du porche de la Cathé- drale du Puy, par M. Auguste Dorlhac de Borne, architecte. Dans une lettre jointe à ce remarquable travail, M. Dorlhac sollicite le patronage et la recom- mandation de la Société auprès de l’autorité supérieure -— — a SN T— JUIN. 1459 et de l'architecte diocésain. M. Dorlhac désirerait aussi que la Société voulût bien souscrire à la publication de son ouvrage qui aura lieu prochainement. M. le Président fait observer qu'il n’est pas actuellement pos- sible de souscrire à un ouvrage dont les conditions de publication ne sont pas encore déterminées. La So- ciété se fera, du reste, un plaisir de recommander vivement l'œuvre de M. Dorlhac, dont elle apprécie l'incontestable valeur artistique. DEMANDE D’APMISSION. — M. Moyère, ancien notaire à Fay-le-Froid, demande à faire partie de la Société à ti- tre de membre correspondant. Il joint à l'appui de sa demande un mémoire sur les reboisements dans la montagne. Ce mémoire est renvoyé à l'examen d’une commission composée de MM. Best, Du Garay et Dumontat. Au sujet du reboisement, M. le Président mentionne qu'il a reçu du nouveau sous-inspecteur des eaux et forêts, M. Limozin , communication d'importants pro- jets de reboisement, pour lesquels ce fonctionnaire sollicitera prochainement le concours de la Société, M, Limozin continue en outre l'étude de la question de l'empoissonnement du lac du Bouchet, et il se plaît à assurer la Société de son dévouement et de son zèle dans toutes les circonstances où ses connaissances spé- ciales pourraient servir d’auxiliaire aux travaux de la Société. INDUSTRIE MINÉRALE. — L'ordre du jour appelle une 140 RÉSUMÉ DES SÉANCES. communication de M. Félix Robert, chargé de rendre compte à la Société des recherches de gisements houillers exécutées dans le canton de St-Julien-Chap- teuil. La lecture de ce rapport est ajournée à la pro- chaine séance. M. Robert, dans ses excursions du côté de St-Julien, a appris de M. le curé du canton qu'il existait à St-Julien un titre historique remontant, assure-t-on, au huitième siècle et concernant un monastère qui aurait existé au lieu de Chapteuil. M. l'abbé Bernard est prié de vouloir bien recueillir des informations à cet égard, et prendre connaissance, s’il est possible, de ce document qui devrait évidem- ment une haute importance à son antiquité. BEAUx-aRTS. — M. de Brive a la parole pour rendre compte du voyage à Givors de la commission de la sta- tuc colossale de Notre-Dame de France. En l'absence de M. Vibert, qui eût certainement donné à la Société sur ce sujet une communication artistique intéres- sante, M. de Brive dit qu'il se bornera à faire connaître à la Société le point désormais décisif auquel en est ar- rivée cette grande œuvre. « Il y a quelques jours, dit l'honorable membre, » Monseigneur reçut avis que le grand modèle en terre » était enfin terminé, et que la commission était atten- » due à Givors pour en faire la réception, sous la ré- » serve des changements ou corrections qu’elle croi- » rait devoir indiquer. » M, Bonnassieux, le statuaire auteur du modèle, Em JUIN. 441 fut aussitôt prévenu de manière à ce qu'il pût se ren- contrer avec la commission dans les ateliers de M. Prénat. C’est là que, dans une véritable maison en bois, construite exprès, était exposé ce grand modèle en terre de 48 pieds de haut et qui de- vait servir directement au moulage de la statue. La commission a eu tout d’abord à constater la difficulté de la mise à point. Cette opération, toute mécanique pour les œuvres ordinaires, a nécessité, pour une œuvre de cette dimension, des connaissances appro- fondies et des soins très-minutieux. On doit des éloges à M. Fournier pour avoir mené ce travail à bonne fin. Sauf quelques légers défauts dans les dé- tails, défauts qui seront corrigés sous la direction de M. Bonnassieux, tout est fait avec le plus grand soin, et l'effet produit par la statue est des plus satisfaisants. La commission a été heureuse de re- marquer en même temps la beauté et la finesse de la fonte des canons qui ont été employés à cette œuvre colossale. Tout se réunit done pour nous faire espé- rer qu'elle sera remarquable à tous les titres, et que la statue de la vierge qui couronnera le mont Corneille, fondue avec les canons pris à Sébastopol , sera digne à la fois et de son objet et des souve- nirs glorieux qu’elle rappellera à la postérité! » ARCHÉOLOGIE. — M. Aymard a la parole pour une communication au sujet des fouilles exécutées sur la place du For. M. Aymard donne lecture du travail suivant : 142 RÉSUMÉ DES SÉANCES. MESSIEURS , La question des origines de notre ancienne cité n'inté- resse pas seulement l’histoire locale; elle se rattache aussi aux importantes études qui ont pour objet la géographie antique de la Gaule. L'utilité que les recherches peuvent offrir, à ce double point de vue, nous sollicitait à pour- suivre les investigations auxquelles nous devons déjà de précieux témoignages lapidaires : inseriptions, bas-reliefs, sculptures et matériaux de tous genres, les uns contempo- rains des ve, vie et vue siècles, d’autres plus nombreux et plus importants, qui sont antérieurs à ces anciennes époques. Mais à quelle source nouvelle de renseignements fallait-il puiser ? Devions-nous interroger J'histoire ou les tradi- tions, ou bien encore les profondeurs du sol, pour en exhumer, s’il était possible, de nouvelles preuves à l'appui des origines antiques de la cité ? L'histoire? Mais les rares et trop laconiques écrivains dont les ouvrages sont par- venus jusqu’à nous, et qui ont parlé de la Gaule, se taisent sur notre localité, et le premier historien qui la mentionne est Grégoire de Tours, à la fin du vre siècle. A défaut de textes historiques plus anciens, qui man- quent d’ailleurs pour bien d’autres lieux dont l’antiquité n’est pas douteuse, les traditions que nous ont conservées des manuscrits et peut-être aussi des légendes, éclaire- raient probablement la question. Mais on sait combien il JUIN. 445 est facile, même avec le secours d’une sage critique, de s’égarer dans ces récits que les générations ont poélisés en se les transmettant, et dont elles ont bien pu, de siècle en siècle, modifier le thème primitif. Avant de les utiliser pour nos recherches, il conviendra de soumettre ces traditions à un examen sérieux et de con- trôler ce qu’elles peuvent offrir de vraisemblable par des documents dont on ne suspecte pas l'authenticité. De ce nombre sont surtout les monuments lapidaires, les mar- bres, les pierres inscrites et sculptées qui nous sont par- venus exempts des modifications plus ou moins notables que les copistes faisaient subir aux manuserits. Il est donc indispensable de recueillir, avant tout, ces précieux restes des temps passés qui, non-seulement viennent chaque jour confirmer nos premières données sur les origines antiques de la ville, mais peuvent encore dissiper les ténèbres qui voilent ce que les traditions ont de certain et pour les siècles de l'antiquité païenne et pour les premiers âges du christianisme. Inutile de rappeler les curieux monuments qu'avait re- marqués un érudit dès le xvire siècle (1), et d’après lesquels il avait conjecturé l'existence d’un temple sur le mont Anis, opinion qu'ont successivement appuyée de leurs témoignages Duranson (2}, Dulae de la Tour (5), Deribier (4), (@) Le chroniqueur Jacmon (fol. 413, recto), en 1637, cite un manuscrit dont il ne nomme pas l’auteur et qui traitait des antiquités du Puy, entre autres de celles relatives à un temple. (2) Manuscrit cité par M. Mandet, dans l'Ancien Velay, p. 102. (3) Notes manuscrites de cet auteur, que nous avons recueillies. (4) Description statistique de la Haute-Loire, 4824, p. 222. 4/7 RÉSUMÉ DES SÉANCES. de Lalande (1), de Becdelièvre (2) et MM. l'abbé Sauzet (5), Mérimée (4), Mandet (5), ete. (6); inutile de citer et ces nombreux débris tumulaires, inscriptions et sculptures attestant au même lieu la présence d’un champ de sépulture, et, par suite, d'une agglomération urbaine de quelque importance, et ces différents morceaux d’'archi- tecturé indiquant deux ou trois édifices publics vraiment remarquables, et ces épigraphes qui mentionnent, l’une Ia divinité locale d’Adidon (7) et celle d’Auguste, une autre probablement les décurions (8), d’autres moins complètes sans doute, mais qui n’en laissent pas moins conjecturer l'existence d’un forum, et ces murailles de l’église Saint- Jean, dont diverses parties ont été reconnues antiques par M. Mérimée (9), et les substructions de ce vaste et curieux palais situé à quelques pas de la ville et qu'ont mis au jour des fouilles effectuées en 1822 par MM. de Becde- Li] (A) Essais hist. sur les anliquilés de la Haute-Loire, 1896, p. 103 et suiv. () Notices diverses du musée du Puy, et Annales de la Soc. acad., 1839, tome 1x, p. 285. (3) Annales de la Société académique du Puy, tome 1x, p. 1438. (4) Notes d’un voyage en Auvergne, elc., 1838, p. 216. (5) Ancien Velay, p. 94 et suiv. (6) D’autres antiquaires, MM. Bretagne, Janniard, de Soultrait, Ricard et l'abbé Cornut ont reconnu , au Congrés scientifique de France, session tenue au Puy en 1855, (t. 1, p. 671, 674, 675 et 725), toute l'importance des débris provenant du même temple. (7) Voyez la note A, à la suite du présent rapport. (8) F(aciendum) D(ecuriones) C(ensuerunt) ; formule usitée dans l’épigraphie gailo-romaine, comme le prouve une inscription trouvée à Pompéi et publiée par Donalson à l'occasion de la tombe de Scaurus (Pomp à illustrated. with pictu- resque views, 1827, tome 11). (9) Notes d’un voyage en Auvergne, 1838, p. 234. JUIN. 445 lièvre et de Lalande (1), et ces vestiges de voies romaines qui ont été signalés comme convergeant vers la ville du Puy (2) ; enfin ce très-grand et précieux reste d’épigraphe que récemment nous avons eu la chance de trouver, et qui nous à si heureusement révélé la colonie, son préfet, et les dignités de famine et de duumvir (5). Certes, ces découvertes disent assez que les pierres peu- vent suppléer au silence de l'histoire ; mais ce qu’on n’a pas suffisamment fait connaître, c’est qu’elles viennent souvent en aide aux traditions pour en faire jaillir des vé- rités qu’à défaut de ces preuves irréeusables, d'excellents critiques ont bien pu ignorer. C'est à un fait trop important, qui plaide trop élo- quemment en faveur des fouilles que nous ne cesserons de solliciter, pour que nous n’essayons pas de l’établir par des exemples. On sait qu'un des points les plus obscurs de l’histoire locale, et qu’il serait cependant très-utile d’éclaireir, est la chronologie des premiers évêques du Puy, d’où pour- rait découler la détermination d’une date essentielle : celle de la translation de la capitale et du siége épiscopal, de la cité des Vellaves (Saint-Paulien) dans notre ville. À cet égard, Denys Sainte-Marthe (4) n’admet « rien de certain pour la chronologie de ces évêques jusqu’à Aurèle, » (A) Essais hist. sur les antig. de la Haute-Loire, par M. de Lalande, 18926, p. 168. (2) Congrès scientifique de France tenu au Puy, 1855, t.1, p. 6H, 659, etc. (3) Annales de la Société académique du Puy, tome xx, p. 543.859. — Voyez aussi la note B à la suite du présent rapport. (4) Gall. christ, 1720, tome 11, p. 689. TOME XXI, 40 446 RÉSUMÉ DES SÉANCES. le seul que Grégoire de Tours ait eu occasion de men- tionner et qu’il cite à la date de l'an 591 (1). Cependant Aurèle aurait eu pour prédécesseur Evodius (vulgairement appelé saint Vosi), si l’on en croit « un manuscrit de la bibliothèque du roi qui appartenait à l'église du Puy au xe ou xie siècle (2) » et qu’a cité l'abbé Lebeuf (5). Selon d’autres manuscrits dont parle Gissey (4), à Evodius auraient succédé Scutarius et d’autres prélats antérieurs également à Aurèle. Entre ces assertions contraires que résoudre? Il n’était que trop évident qu'en se contredisant, les manuscrits n'offraient pas des éléments suffisants de certitude ; il était possible cependant, que leurs textes viciés par d’inhabiles copistes, continssent au fond des notions véritablement traditionnelles. Mais comment les mettre en lumière alors que la critique se prononçait contre leur authenticité? L'archéologie heureusement vint bientôt en aide à la tra- dition, et des marbres, des inscriptions lapidaires décou- vertes successivement, ont enfin sauvé de l’oubli les deux épiscopats d'Evodius et de Scutarius, l'un et l’autre anté- rieurs à celui d’Aurèle. Les éminents auteurs de l'Histoire générale du Lan- quedoc ont rendu, sous ce rapport, un éclatant hommage à la science des antiquités dans la question de l’épiscopat d'Evodius. Au tome 1 de leur ouvrage, page 684, note LXXX (A) Hist, Franc, lib, X, Cap. XXVe (2) Cod. Colb., 1364. (3: Hist, de l’Acad, des inser, et bell, lettres, in-4°, 1759, p 145. (4) Hist, de Notre-Dame du Puy, dernière édition, 1644, p. 45. JUIN. 447 (1750), passant sous silence ce prélat dont l'existence ne leur paraissait pas prouvée par des documents suffisam- ment sérieux, ils avaient considéré Nortberg comme pre- mier évêque du Puy, en lui attribuant la translation de l'évêché vers lan 885. Dans le tome v, page 675 (1745), ils revinrent loyalement sur leur première opinion, lors- qu'ils eurent appris qu'une inscription gravée sur marbre avait été trouvée en 1712 dans le maitre-autel de l’église Saint-Vosi et qu’on y avait lu : Hie requiescit corpus sancti Evodii, primi ecclesix Aniciensis præsulis. Toutefois cette épigraphe,: dont la date probable s2 rapportait au transfert des reliques du saint dans l'autel de cette église qui, dès lors, dut lui être consacrée, n’était encore, au rapport du P. Montfaucon et de savants membres de l’aca- démie des inscriptions, que des temps carolins (fin du ixe siècle, comme nous essaierons de le prouver dans un prochain travail). Mais il faut bien reconnaître qu'en ce qui concernait l'existence de ce premier évêque, l'accord des manuscrits, confirmé par un marbre aussi ancien, pouvait justifier cette nouvelle opinion des savants béné- dictins. Il resta done acquis à la science qu'Evodius avait, le premier, occupé le siége épiscopal du Puy; mais par une interprétation, à notre avis erronée, du passage de Grégoire de Tours dont nous avons parlé, les bénédictins placèrent ce prélat après Aurèle et supposèrent que le transfert de l'évêché aurait eu lieu au vue siècle. Il est probable qu'ils auraient encore modifié en ce point leur manière de voir, s'ils eussent connu quatre monuments relatifs à un autre évêque du Puy que, faute de documents dignes de leur confiance, ils ont omis de 2 4148 RÉSUMÉ DES SÉANCES. citer et dont la légende, sous le nom un peu altéré de Scrutarius au lieu de Scutarius, à fait le compagnon, l’ami et le successeur immédiat d'Evodius. L’un de ces monu- ments est un marbre qui fut trouvé en 1712, avec celui de saint Vosi, dans le maïître-autel de la même église; on y lisait l'inscription suivante en caractères ronds et sans doute aussi carolins : Stus Scutarius epus (4). Les trois autres sont encore des inscriptions lapidaires qui, si l'on en juge par certaines expressions caractéristiques et par les formes paléographiques des lettres, rappellent les temps mérovingiens, probablement même. sont antérieures à l’épiscopat d'Aurèle. La première, dont il n'existe qu'un débris, signale un évêque (episo. pour episcopus) qui réunissait à ce litre ceux de sénateur (senätur) et d'ar- chitecte (artefex), que la légende assigne également à Scutaire (2). La qualification de sénateur, si fréquente dans les textes plus ou moins rapprochés de l’époque romaine, est digne d'attention surtout quand on la rap- proche d’un autre titre également de style épigraphique, celui de père de la patrie (pater patriæ) qui, au dire d’une tradition, inspirée sans doute par quelque inscrip- tion aujourd’hui perdue, aurait été dévolu à ce prélat (5). La deuxième mentionne le vœu : Scutaire, évêque, vis en () Cette inscription, dont jusqu'à ce jour aucun auteur n’a parlé, est mentionnée au procés-verbal de levée des corps de saint Vosi, saint Scutaire, ele., par- chemin manuscrit, aux archives de la mairie du Puy. (2) .…. Piso senatur artefex fecit. La picrre offre des ornements sculptés de style mérovingien. — Les origines de la ville du Puy, Congrès scientifique de France, 4855, t. 11, p. 486. (3) Gissey, Loc. citato, p. 155. en - JUIN. 149 Dieu (Scutari papa vive Deo) (1); la troisième et la plus précieuse est une épitaphe gravée sur une des faces latérales d’un grand sépulcre évidemment gallo-romain qu'on avait utilisé, suivant les habitudes des premiers siècles chrétiens, pour y déposer le corps du prélat; on y lit : Sepulchrum sancti ac beatissimi Seutarii hujus urbis epi (episcopi) (2). Ces données importantes qu'a fournies avec tant d'auto- rité l’archéologie épigraphique et qui manquaient, pour la plupart, aux auteurs du Gallia christiana et de V Histoire générale du Languedoc, permettent done de croire qu’Evo- dius, notre premier évêque, aurait effectué le transfert de la capitale au Puy et, comme le font supposer d'anciens manuscrits et les particularités de style des monuments consacrés à saint Scutaire, que ce dernier prélat, succes- seur de saint Vosi, aurait précédé Aurèle sur le siége épiscopal. D'autres noms que mentionnent les manuscrits attendent encore que des monuments, en désarmant la critique, au- torisent à leur donner place dans la chronologie épiscopale. Espérons que d'heureuses fouilles effectuées soit dans l'antique cimetière qui reçut les dépouilles de nos plus anciens évêques, soit en d’autres points de la cité, éclaire- ront aussi cette obscure partie de nos annales. Puisque nous avons rappelé la tombe de Scutaire, (1) Gissey, édit. de 1620, p. 143. — M. Mandet, Ancien Velay, p. 163. — Congrès scientifique de France, 1. 11, p. 399 et 486. (2) Arnaud, Hist. du Velay, 1826, tome 11, p. 384.—M. Mandet, Ancien Velay, p. 160. — Les origines de la ville du Puy, Congrés scientifique de France, 1855, lome 11, p. 443 et 486. 450 RÉSUMÉ DES SÉANCES. faisons remarquer combien est précieuse pour nos origines l'épitaphe de ce saint personnage qui, le nommant évéque de cette ville (hujus urbis epi), démontre qu’alors la cité avait le titre de ville (urbs) ; témoignage lapidaire qui acquiert une nouvelle importance en appelant l'attention sur la qualification d’urbs vellava par laquelle nous pen- sons que Grégoire de Tours, dans le passage de son livre qui se rapporte, comme on l’a dit, à l’an 594, a voulu désigner notre ville (1). S'il est vrai, comme nous le croyons avec l'abbé Lebeuf, Arnaud, M. Mandet et d'autres auteurs mo- dernes, qu’alors le siége épiscopal y était établi et que, d’après l'usage presque général du temps, la capitale por- tait le nom du pays, le sens trop controversé du mot /ocus, appliqué dans le texte de Grégoire de Tours au lieu d'Ani- cium, n'indiquerait, à cette époque, qu’une partie de la ville, comme un quartier, castrum ou burgus plus ou moins fortifié par l’art et la nature et rappelant ce qu’on a signalé à Clermont, où le castrum Claromons ne consti- tua longtemps qu'une partie de la ville arverne (urbs ar- verna) (2). . On voit par ces exemples combien il est utile de consulter les monuments pour expliquer, concilier entre elles les traditions et l’histoire et les renouer sans désac- cord aux témoignages antérieurs, nombreux et très-signi- ficatifs qui résultent des antiquités lapidaires. Ces considérations nous imposaient done, avant tout, A) Hist. Franc., Nb. X, Cap. XXV. (2) Voyez la note C, à la suite du présent rapport. Bu JUIN. 154 le devoir d'entreprendre au Puy, comme l'avaient fait à Espaly, à Margeaix, etc., MM. de Becdelièvre et de La- lande, des fouilles qui vinssent fournir à la question de nos origines de nouvelles et importantes données. Nous avions, pour nous guider dans ces recherches, deux moyens d’investigations : 40 l'induction et la méthode dé- ductive auxquelles nous devons déjà la découverte de tout un ensemble de sculptures et de matériaux antiques, parmi lesquels s'est trouvée la belle inscription du préfet de la colonie dont nous avons déjà parlé, et qui nous ont mis sur la voie d’autres curieux bas-reliefs, cachés derrière les piliers du clocher de la cathédrale ; 20 les documents qui contiennent souvent d’utiles indices sur des monuments enfouis ou perdus. Ces procédés de recherche nous ont guidé pour les fouilles qui font l’objet du présent rapport. Convaincu qu'avant nous bien des esprits sérieux avaient remarqué les antiquités lapidaires de notre ville, nous avions recueilli des notes manuserites qu'a laissées M. Dulac de Latour, auteur d’une Histoire du canton du Puy, publiée en 1815. Il est dit dans ces notes que Mgr de Galard avait fait extraire des sculptures rares d'une fouille exécutée à la place du For, « où il paraît, ajoute l’auteur, que des fossés avaient été remplis par les décom- bres d’un ancien temple. » ; On savait aussi, d’après un manusérit de M. Duranson cité par M. Mandet dans l'Ancien Velay, qu'un beau dé- bris de frise antique {griffon terrassant un taureau) avait été découvert au milieu de la même place, « lorsqu'on en creusa le sol, sous l’épiscopat de Mgr de Galard, pour y préparer le moule d’une grande cloche, » 152 RÉSUMÉ DES SÉANCES, M. le Président de la Société et notre ancien et estimable confrère, M. Bretagne, consultés à ce sujet, pensèrent que ces intéressantes indications présageaient de nouvelles dé- couvertes et, dans une séance de la Société, que M. le Préfet avait bien voulu honorer de sa présence, le vœu unanime fut exprimé d'effectuer une exploration dans le sol de la place du For, située, comme on sait, auprès de la cathédrale. M. le Préfet, dont on connaît les généreuses sympathies pour tout ce qui concerne les progrès de la science, s'em- pressa d’adhérer aux désirs de la Société par l’allocation d’un secours et, dans la séance du 5 mars dernier, nous eûmes l'honneur de vous exposer les premiers résultats des fouilles. Depuis lors, à l'exemple de M. le Préfet, l'autorité mu- nicipale alloua également un crédit, complété enfin par des fonds que la Société préleva sur son budget. Avant de faire l'exposé de ces recherches, qu’il nous soit permis d'exprimer au premier Magistrat du département, à la Mairie et à la Société, nos remerciments pour l'intérêt qu’elles leur ont inspiré et qui nous a déterminé à accepter la mission de les diriger. Nous remplissons également un devoir en remerciant M. Belut, que la mairie, sur notre demande, avait préposé à la conduite des travaux, et qui a rendu ainsi moins pénible l’accomplissement de cette mission. “ Les travaux d'exploration, auxquels le publie parait avoir pris également un vif intérêt, à en juger par le grand nombre de visiteurs qui les ont suivis jour par jour, avaient nécessité une tranchée large et très-profonde qui a mis à découvert les restes de deux fortes murailles, entre = JUIN, 455 lesquelles était accumulée une quantité de matériaux anti- ques. Pour l'intelligence de ces résultats, nous décrirons : 4o ces murailles; 2° la nature du remblai qui remplissait l'intervalle compris entre elles ; 5° les débris et pièces lapidaires principales qui ont été exhumés; 4° enfin nous essaierons, par quelques aperçus, d'indiquer les causes et l'époque présumables de leur enfouissement. Les plans et les dessins que nous avons l'honneur de mettre sous les yeux de la Société, et les curieux restes d’antiquités découverts dans les fouilles et qui sont dé- posés au musée, atténueront, il faut l’espérer, l’aridité des explications qu'imposent à ce travail les justes exi- gences de la science. A la profondeur de 2" 60€ au-dessous de la superficie du sol, vers le milieu et d'une extrémité à l’autre de la place, on rencontra d’abord une forte muraille, dont la direction, parfaitement rectiligne, est de l’es{ à l'ouest. Les assises supérieures, mises à découvert sur une lon- gueur d'environ 6 mètres, nous apparurent tellement dégradées, qu’on n’en put rien conclure pour la hauteur primitive de ce mur. Ce qu'il en reste n’a plus que 4 mè- tres de haut. La base repose solidement sur le roc, lequel est lui-même très-consistant et de même nature que la brèche volcanique de Corneille. Le système de la construction signale les caractères 154 RÉSUMÉ DES SÉANCES. suivants : 4° l'épaisseur de la muraille va s’amoindrissant de bas en haut, étant à la base d'au moins 2m 65° et à la partie supérieure de 4m 90°; 20 cette diminution suc- cessive de l'épaisseur s'opère, à la paroi sud, au moyen de quatre retraites suffisamment espacées entre elles, comme le montrent nos dessins; l’inférieure a Om 20€ et les trois autres Om 05°, La paroi nord, que nous n’avons pas com- plètement mise à nu jusqu’à la base, a laissé voir aussi, dans la partie découverte, quatre retraites : celles-ci ont toutes Om 10°; 5e les deux parements offrent un petit appareil de moëllons volcaniques taillés carrément et dis- posés par assises régulières et hautes de Om 09° à Om 42, que séparent des lits de mortier épais de Om 02° à Om 05°. L'espace compris entre les parements est rempli avec un blocage de pierres solidement unies à bain de mortier. Ajoutons qu’au nord le mur sert d'appui à un sol formé d'une terre noire et graveleuse dans laquelle on n’a trouvé, au moins à quelque profondeur, ni menus débris de con- struction, ni fragments de tuiles et de poteries. Ces particularités, jointes à l'épaisseur de la muraille qui va croissant de haut en bas, amènent à croire que ce mur, sans exclure un but de fortification, avait été construit pour soutenir l’esplanade qu'il limitait au sud avant deux agrandissements successifs dont nous aurons à parler. Quant aux caractères de structure, ils se manifestent surtout aux revêtements, en petit appareil aussi correct aux deux parois interne et externe, aussi régulièrement établi que le pratiquaient les anciens, par une simi- litude remarquable avec ce que nous avons observé aux er JUIN, 155 substructions du palais gallo-romain qui ont été décou- vertes près de la ville du Puy (1). Il n’est pas moins intéressant de signaler la même dis- position de l’appareil dans un reste de muraille, qui forme la base de l’un des plus anciens édifices de notre ville, C’est à la facade sud de l’église Saint-Jean-des-Fonts-Bap- tismaux, près de la place du For, qu’on voit cette curieuse maçonnerie, bien différente par les formes et l'agencement des matériaux, de ce qu'on remarque au surplus de la façade, et accusant, sans aucun doute, une époque anté- rieure ; or cette façade est elle-même fort ancienne, comme on en juge par les détails de la construction, et en particulier par son système d’'arcatures aveugles et à pi- liers qui rappelle ce qu'on voit à la partie supérieure des murs de Saint-Apollinaire, de Ravennes, église qui fut consacrée par l'archevêque Maximien, en 549 (2). M. Mérimée (5) a fait remarquer les caractères d’anti- quité qui apparaissent dans les murs de la même église Saint-Jean. Cet éminent archéologue ne se borne pas à signaler à l’intérieur « six colonnes en marbre, antiques, sans doute; il est certain, ajoute-t-il, que plusieurs por- tions de ses murailles sont antiques. » Cette opinion dont on ne saurait récuser l'autorité et qui, à notre avis, est essentiellement applicable à la base de la façade sud , corrobore nos rapprochements entre les murs du For, du palais et de l’église Saint-Jean, et dès-lors il est permis (4) Nous nous en sommes assuré par une fouille. Des moëllons cubiques qui en proviennent ont été placés au Musée. (2) Bulletin monumental, publié par M. de Caumont, 48H, p. 411. 3) Notes d'un voyage en Auvergne, elc., 1838, p. 233. 156 RÉSUMÉ DES SÉANCES. d’assigner aux uns comme aux autres une origine gallo- romaine. Aucune particularité ne s'oppose d’ailleurs à cette con- clusion ; ainsi la diminution de l'épaisseur du mur obtenue par des retraites successives (1) était pratiquée chez les anciens. M. de Caumont (2) l’a signalée, d’après un mé- moire de M. de Galembert, surtout aux piles de l’aquedue de Luynes (Indre-et-Loire), où le système de la construc- tion offre, en commun avec notre muraille, un signe d'époque très-caractéristique. A Luynes comme ici, on ne trouve pas la moindre trace de ces lits ou cordons hori- zontaux de briques qui alternent ailleurs avec les assises de moëllons. « Cette particularité, dit M. de Caumont, est remarquable et prouve en faveur de l'antiquité du monu- ment ; les cordons de briques étant généralement regardés par les savants comme des symptômes de décadence, et les ouvrages qui en sont ornés passant pour appartenir au plus tôt au 1ve siècle de notre ère, il en résulterait que l’aqueduc de Luynes serait antérieur à cette époque. » Nous appuyant encore sur l’une des plus hautes auto- rités de la science, nous concluons que la muraille du For est probablement antérieure au 1ve siècie, ce que vient confirmer aussi l’absence, à la base du mur, de ces pierres (1) Depuis la rédaction du présert rapport, nous avons mis à découvert, par une fouille, la base entière de la muraille de l’église St-Jean. Cette portion gallo- romaine de l'edifice S'est trouvée intacte sur une hauteur d'environ trois mètres et dans toute la longueur du mur. L'appareil est partout uniforme et sans aucune trace de remaniements. Gn y voit, en outre, de petites retraites analogues à celles de la muraille du For (2) Bullelin monumental, 1855, p. 650. 2 JUIN. 457 de grand appareil provenant de monuments détruits et qu’on employa, vers le 1ve siècle, pour les constructions de murs d'enceinte, notamment à Sens, à Beauvais, au Mans, à Tours, Meaux, Bayeux, Bourges, Dijon (1), etc. Il est d’ailleurs facile de s'assurer que la structure de nos murailles antiques diffère notablement de ce qu'on rencontre chez nous, dans les édifices plus ou moins voi- sins des temps mérovingiens ou qui leur sont postérieurs, notamment aux murs absidaux de la cathédrale, où le petit appareil se voit seulement par places et combiné avec d’au- tres assises dont les hauteurs sont variables. Un reste de l’un des plus anciens murs de cette église, sous le porche du For, se caractérise surtout par un appareil de petites pierres cubiques assez bien disposées, comme dans nos murailles antiques ; mais à la base du mur se trouvent plusieurs assises formées de grands blocs qui proviennent de monu- ments antiques, ce qu’on reconnaît aux trous de louve de ces pierres et aux sculptures de l’une d'elles qui a été (1) Le petit appareil, semblable à celui de notre muraille , a été signalé à Pom- péi, ville qui, en l'an 79 de notre ère, fut ensevelie, comme on sait, par une éruption du Vésuve. « Les murs de Nîmes, dit M. Batissier (Hist. de l’art mo- numental, 1845, p. 237), ont leur parement en moëllons de petit appareil ; l'intérieur se compose d’un blocage. Ils datent du règne de l'Empereur Auguste » M. Mérimée (Notes d'un voyage dans le Midi, p. 57), parlant d'Autun (lanti- que Augustodunum), cite une muraille revètue à l'intérieur ct à l'extérieur d'un parement de petites pierres disposées par assises parallèles et taillées. Le milieu se compose de petites pierres régulières unies par un ciment très-dur. Nilune ti l’autre paroi ne montre de traces d’enduits. Grég. de Tours, à l’occasion de la destruction du temp'e consacré au dieu Vasso à Clermont, mentionne l’un des parements des murailles qui était fait i- nulo lapide, ete., ete, 158 RÉSUMÉ DES SÉANCES. extraite et transportée au musée (1). Un examen attentif d’autres églises laisse voir des différences très-appré- ciables, surtout aux parties supérieures de l’église Saint- Jean-des-Fonts-Baptismaux où l’on remarque des mélanges d'appareils très-divers, et au parement extérieur de l’ab- side où certaines assises sont formées de débris de monu- ments gallo-romains avec inscriptions et sculptures, et d’autres assises sont en appareil moyen, petit, réticulé, ete., détails qui, dans notre ville, semblent fournir un caractère d'époque entre l’âge gallo-romain et l'ère carlovingienne. Au xe siècle (église Saint-Michel, d’Aiguilhe, fin du xe) la maçonnerie, bien que plus correcte, trahit encore une certaine hésitation entre le petit appareil plus ou moins allongé et l'appareil moyen qui finit par prédominer aux xIe el x11e siècles. Pour ne rien omettre de ce qui concerne la muraille du For, notons enfin une particularité qui peut attester égale- ment son antiquité. On verra bientôt que l’enfouissement de ce mur doit dater d'une époque très-ancienne. Néan- moins le parement sud, à en juger par les moëllons qui sont profondément rongés, paraît avoir subi l’action très- prolongée des intempéries; ce qui assigne certainement à la construction une époque fort reculée. Décrivons maintenant l’autre muraille également très- épaisse qu'ont exhumée aussi les fouilles du For. Elle a été (1) L’extraction de la pierre sculptée fit perdre à ce mur une partie de son ca- ractère, d’autant qu'on remplaça ce débris antique par une maçonnerie ordi- naire. Mais au-dessus on voit très-bien un curieux reste de l'ancien mur en petit appareil, et au-dessous les assises de grandes pierres avec trous de louve. = JUIN. 459 mise au jour sur une longueur de 6 mètres; ce qu'il en reste a 5m 40€ de haut; parallèle au mur précédent; elle en est distante de 4 mètres. L'assise la plus supérieure, très-dégradée, a été rencontrée à 2 mètres de profondeur au-dessous de la superficie de la place. L'inférieure repose sur le roc. L'ordonnance du mur est à peu près semblable à ce que nous avons dit de l’autre muraille : assises régulières sépa- rées par une petite couche de mortier; petit appareil aux deux parois sud et nord ; entre les deux, blocage de pierres noyées dans un mortier de chaux ; une retraite de Om 06€ à la paroi nord ou interne ; absence de cordons de briques et de grandes pierres provenant de monuments antérieurs. Les seules différences appréciables sont qu'à la paroi sud ou externe l'appareil est un peu plus fort, les moëllons ayant jusqu'à Om 46° de hauteur ; que la paroi interne offre dans la partie supérieure jusqu’à la retraite, un léger talus (0m 25° sur une hauteur de 5m 20°), et qu’on voit au même parement quelques petits trous carrés de boulins, sem- blables, pour la forme et les dimensions, à ceux qui ont été signalés dans d’autres murailles gallo-romaines (1). Nous avons remarqué au parement sud ou externe des restes d’un crépi à la chaux qui cachaient, par places, le petit appareil et indiquaient qu’à une époque plus ou moins ancienne cette face du mur devait être à découvert. Aux endroits où manquait le crépi, les pierres étaient rongées, attestant qu'avant d’avoir recu cet enduit, elles (A) Notamment à Saint-Pierre-Cenom, au confluent du Clain et de la Vienne. M. de Caumont, Bulletin monumental, 4857, p. 560 et 562, 160 RÉSUMÉ DES SÉANCES. avaient subi, pendant un assez long temps, les injures de l'air. En outre, le mur était, en deux ou trois points, lézardé dans toute sa hauteur. La destination de cette muraille ne paraît pas douteuse : son épaisseur, d'environ 2 mètres à la base, sa hauteur et la position présumée qu'elle devait avoir avant l’enfouisse- ment du mur, au-dessus des pentes escarpées de la colline, à très-peu de distance de la ligne de fortification du claus- trum qui, au moyen-âge, dut remplacer celle que nous représente celle plus ancienne muraille ; tout fait sup- poser que nous avons ici une portion notable d’un rem- part qui laissait un chemin entre lui et l’esplanade du For, par une particularité que pouvait motiver, en ce point, le système de défense (1). (4) Cette curieuse disposition d’une double muraille rappelle jusqu'à un certain point celle qu'a décrite M. Viollet-le-Due dans son savant Dictionnaire raisonné de l’archileeture française, 1854, au mot architecture militaire : « Quant au » mode adopté par les Romains, dit-il, dans la construction de leurs fortifications » de villes, il consistait en deux forts parements de maçonnerie séparés par » un intervalle de vingt pieds. Le milieu était rempli de terre provenant des » fossés et de blocaille bien pilonnts et formant un chemin de ronde... La paroi » extérieure s'élevait au-dessus du chemin de ronde, était épaisse et percée de » créneaux, celle intérieure peu élevée au-dessus du sol de la place. » M. Viollet-le-Duc cite à ce sujet un passage de Végèce, liv. 1v, chap. mn : « Quemadmodum muris terra jungatur egesta. » À Pompéi existent des restes de deux murailles avec terre-plein entre eux. « Les deux murs, dit Mazois (Les » Ruines de Pompéi, 4824, vol. 1, p. 35, et planche xin), étaient crénelés, de » manière que, \us du côté de la campagne, ils présentaient l'apparence d’ime » double enceinte de remparts. Le mur intérieur était, presque partout, le véri- » table mur d'enceinte de la ville, et il servait à une seconde défense en arrière » de l’agger. » La colonne Antonine offre même un exemple d’une double ligne de murailles séparées par un espace vide; on le voit dans la scène où Marc-Ai réle reçoit les JUIN. 461 La direction rectiligne des murs autorise à croire aussi que cette enceinte aurait eu la forme d'un polygone ou d'un rectangle, ainsi qu'on l’a remarqué en France pour la plupart des castra de cités gallo-romaines. L'enfouissement des deux murailles est aussi un fait qui mérite d’être examiné. La première servait très-ancienne- ment, comme on l’a dit, à soutenir le sol de la place du For, etelle à dû former, dans le principe, la limite sud de cette esplanade. Le remblai du chemin signale un pre- mier agrandissement de la place, laquelle s’est accrue encore une fois, au sud et sur une longueur de 15 mètres, par la construction du mur actuel de soutènement. Celui-ci pour- rait être du x1e ou xue siècle, comme le ferait supposer le système de construction de cette haute muraille avec appareil moyen, assises régulières et contreforts relative- ment peu saillants. Naguère encore on voyait à l’est et au-devant de cette ligne de murs contre laquelle elle avait été appliquée, une ancienne maison dont le style d’archi- lecture pouvait dénoter le ximre siècle. Ces accroissements successifs de la place, en expliquant la disparition de nos murailles dans les profondeurs du sol, fournissent une nouvelle preuve à lappui de leur députés sarmates dans un camp. Îl est probable qu'on couvrait d’un plancher les deux murs pour former un chemin de ronde. * Les restes de fortification trouvés au For offrent au si deux murs séparés par un intervalle de quatre mètres. Seulement cet espace, au lieu d’avoir été primi- tivement rempli de terre, était v.de comme dans l'enceinte du camp Gguré sur la colonne Antonine, ce qui ferait croire-que le chemin de ronde aurait pu être formé par des madriers placés sur les murs et laissant au-dessous un passage motivé peut étre par les nécessités de la défense ou par la disposition des lieux. TOME XXI. 11 162 RÉSUMÉ DES SÉANCES. antiquité ; la suite de notre rapport en fournira une autre dans les matériaux dont se composait le remblai, leur enfouissement devant remonter aussi à une époque très- ancienne. Nous croyons, d’ailleurs, avoir suffisamment établi par les détails de la construction que ces murailles sont d’ori- gine gallo-romaine. Leurs formes, le lieu qu’elles occupent près de la cathédrale, de l'évêché et d’autres édifices, autorisent encore ici un rapprochement avec la plupart des plus anciennes cités où ces bâtiments, après avoir suc- cédé dans le même endroit à des édifices gallo-romains, étaient aussi protégés par une ceinture d’antiques mu- railles. Les remparts, dont nous croyons avoir reconnu de curieux vestiges, dénoteraient done également une disposi- tion analogue de la partie haute de la ville, sorte d’acropole sur l'emplacement de laquelle de précieux restes d’anti- quités ont, d'ailleurs, révélé la présence de monuments divers, entre autres d’un temple qu’entourait probablement un forum. Cette enceinte murale pouvait aussi, à l’imitation d’autres villes, avoir été mise en meilleur état de défense, lorsque les barbares menaçaient d’envahir la Gaule. Peut-être en avons-nous la preuve aux deux murs d’une grande arcade située à l’est de la cathédrale, dans la rue Saint-Georges, et que d'anciens documents appellent portale fori (1), porte du for (2), comme bien (1) Manuserit ancien de la cathédrale, reproduit par M l'abbé Montlezun (l'Eglise angélique de Notre-Dame du Puy, 1854, p. 205.) (2) Médics. Manuscrit de Podio, t. 1, fol. 265 verso. 50 JUIN. 465 d’autres titres qui désignent l’esplanade du sud sous le nom de forum (1). Ces murs, à l'exclusion de la voûte, peut-être posté- rieure , sont fort épais et en partie bâlis avec des maté- riaux provenant d’édifices antiques , caractère à peu près constant en France pour les fortications que d’imminents dangers obligèrent d'élever ou de réparer à la hâte. Si l'on admettait notre conjecture, cette porte, construite dans des formes massives, aurait succédé à l’une des précé- dentes entrées du forum, et nous trouverions encore je un souvenir de la ligne de défense à laquelle nous avons attribué les murailles du For. I. Les conclusions auxquelles nous à conduit la découverte des murs depuis très-longtemps enfouis dans le sol de la place du For, sont appuyées également par la nature des matériaux qui remplissaient l’espace compris entre ces deux murailles et parmi lesquelles on à rencontré de (1) Entre autres, les Statuts de l'église du Puy, registre qui contient des transactions entre l'évêque et le chapitre du Puy, sur la juridiction du cloître (1342). « Transigimus.. quod dictus dominus episcopus et successores ejusdem el eorum gentes possint adducere prsonerios suos.. in chesiam (la maison épiscopale), per duas carrerias quæ vadunt ad gradarios /oré subtus chesiam et forum per dictum gradarium quod contiguum est domui episcopali præuictæ et per po tale ct carreriam de chambalha. (Registre aux archives de la préfecture). 464 RÉSUMÉ DES SÉANCES. beaux débris de grands édifices. Avant de les énumérer, disons quelques mots du remblai qui les contenait, Considéré dans son ensemble, ce remblai offrait des éléments très-divers , débris de {ous genres épars dans une terre sableuse et généralement mélangée de gravois. Vu suivant une coupe verticale , il se divisait en quatre parties ou couches bien distinctes entre elles; les deux supérieures, très-puissantes, comprenant presque toute la hauteur du remblai ; les deux autres, inférieures, n’ayant, relative- ment , qu’une faible épaisseur. Ces couches n'étaient pas, pour nous servir d’une expression géologique , stratifiées , c’est-à-dire subdivisées en lits plus ou moins épais; on ÿ remarquait, au contraire, ces sortes de zônes irrégulières et d’ondulations que l’on observe dans tous les sols formés de terres rapportées et de débris de démolitions. 40 La couche supérieure, dont l'épaisseur était de 5m 42°, offrait de très-grandes ondulations très-infléchies au milieu et affectant assez vaguement une sorte de parallélisme. Elle nous rappela l’excavation qui fut faite, comme on l’a dit au début de ce rapport, par Les ordres de Mgr de Galard, pour la fabrication d’un moule de grande cloche, et qui dut être assez profonde pour atteindre au moins les assises supérieures des murailles, ce qu’il faut croire, d’après l’assertion de Dulac de Latour, qui parle de «_ fossés remplis par les décombres d’un ancien temple, » D'où il: faut conclure que ces décombres , les sculptures rares mentionnées aussi par le même auteur, et le frag ment de frise (griffon terrassant un taureau) cité par Duranson, durent être trouvés à la partie tout-à-fait infé- rieure de la couche, c’est-à-dire au point ou apparaissait JUIN. 465 le fossé formé par les murailles (1). Nous insistons sur ces détails parce qu'il n’est pas indifférent de savoir si des restes gallo-romains ont été simultanément enfouis avec d’autres débris que nous croyons un peu moins anciens. De ce nombre sont, en effet, trois morceaux de bas- relief en marbre blane, dont le faire, le style de la sculpture et la matière offrent des rapports frappants de ressemblance avec un reste de sarcophage chrétien, probablement du ve siècle, qui provient d'un mur de l’église Saint-Jean- des-Fonts-Baptismaux et fait partie de la galerie lapidaire du musée (2). Un de ces fragments, trouvé à 2 mètres 32 de profondeur, est une tête absolument semblable à celles des figures des disciples de Jésus-Christ qui sont représentées sur ce marbre. Dans la même couche, on rencontra quelques rares dé- bris de pierres sculptées que nous sommes porté à attribuer à l'époque mérovingienne. On y trouva aussi des restes de crépis peints et même dorés, des morceaux de verre colorés, des clous, des clefs et autres objets en fer, des-fragments informes de cuivre et de plomb, fortement oxidés; des tessons de poteries, des morceaux de briques et de tuiles plates à rebords, du charbon de bois et quelques petits morceaux de verre dénaturés par une forte fusion. Enfin , on exhuma des débris de marbre et de porphyre, (1) I ne serait pas impossible que ces pierres sculptées, trouvées ici par Mgr de Galard, dans des conditions différentes de celles dont nous allons bientôt parler, eussent couronné les murs où elles auraient pu avoir été placées lors des invasions des barbares pour exhausser et fortifier ces murailles. (2) Voyez notre mémoire sur ce bas-relef. (Ann, de la Soc. acad. du Puy, L XVII, p. 301, 1853.) 166 RÉSUMÉ DES SÉANCES. et, en particulier, un éclat de colonne d’un porphyre rouge- grenat, analogue à celui des fûts qu’on voit au grand escalier de la cathédrale, et auxquels MM. Mérimée, de Caumont, etc., ont attribué, comme nous, une origine antique. Les matériaux que nous venons de signaler ne se présen- taient pas dans les conditions où ils avaient éte primitivement enfouis. Il est évident, en effet, que lors de l’excavation effec- tuée sous Mgr de Galard, ils durent être extraits du sol avec la terre de remblai, puis enfouis de nouveau avec cette terre, et de la résulta un bouleversement complet de la couche, qui nous laisse dans le doute sur un point essentiel : celui de savoir si les débris les moins anciens, d’ailleurs très-rares, qu'on y à trouvés, n'auraient pas fait partie d’un dépôt su- perficiel peu épais et indépendant du remblai principal (1). 20 Quoi qu'il en soit, le remblai affectait des disposi- tions très-différentes dans la couche placée au-dessous de la précédente. Les zônes offraient des lignes irrégulière- ment obliques qui, dirigées de haut en bas et du nord au sud, indiquaient de quel point étaient venus les trans- ports de matériaux, observation qui fait croire que ces débris devaient être ceux d’édifices situés au voisinage de la cathédrale. On jugeait aussi, à la quantité de débris *gallo-romains que renfermait cette couche, qu’elle n'avait pas été atteinte par la fouille de Mgr de Galard. Les terres et gravois, en effet, étaient remplis de débris de pierres (1) Sur un point très-restreint de la place, que ce bouleversement ne paraissait pas avoir affecté, nous avons rencontré une couche tout-àa-fait superficielle de 30 a 40 cent. d'épaisseur, dans laquelle on a trouvé queiques débris de picrres sculptées et même des pièces de monnaie du moyen-àge. JUIN. 167 sculptées. Il y avait en outre des fragments de tuiles plates à rebords et convexes (fegulæ et imbrices), et de briques plus ou moins épaisses, des lessons de poteries noires, grises , blanchâtres (les unes sans ornements, d’autres avee filets peints en rouge), jaunàâtres, rouges-carmin, pres- que toutes analogues à celles trouvées en 1822, par MM. de Becdelièvre et de Lalande , parmi les ruines du palais anti- que dont nous avons parlé. Nous y avons remarqué surtout des fragments d’'Amphores et desmorceaux de poterie rouge, dite samienne, avec ou sans ornements en relief, ainsi que des débris de porphyre rouge et vert, et de marbre blane, jaune, jaspé, ele., qui paraissent provenir de revêtements de murs, de placages, marquelteries, pavages (1), ete., et attestent la richesse des édifices qu’elles avaient servi à décorer. Des fragments de colonnes en marbre de même nature que les füts qui ornent le chœur de l’ancienne église Saint-Jean-des-Fonts-Baptismaux, des os d'animaux domestiques, du charbon de bois en assez grande quantité, et divers objets en os, en cuivre, fer et plomb très- oxidés étaient associés à tous ces restes d’une antique civilisation ; nous signalerons également un certain nombre de morceaux d’une roche d'un gris verdâtre , étrangère à la localité, et dont nous n'avons pu nous expliquer la pré- sence parmi ces restes d'antiquités. (1) « Les carreaux que nous voyons dans les payages gallo-romains..… sont » remplacés tantôt par des aires en ciment mêlé de briques pilée, tantôt par ces » aires dans lesquelles viennent s’'incruter irrégulièrement et comme jetés au > hasard, des fragments de marbre de toute forme et de diverse nature, gen e de » pavage dont Pompéi offre une multitnde d'exemples. » DE Caumonr. Bull. mon. 1850, p. 380. 168 RÉSUMÉ DES SÉANCES, Enfin, à la profondeur de 4 mètres 50 à 6 mètres, c'est- a-dire à la partie la plus inférieure de la couche, les travailleurs rencontrèrent beaucoup de fragments lapi- daires en grès, les uns simplement taillés, d’autres ornés de moulures, d’autres, plus nombreux, qui étaient riche- ment ornés de sculptures. Nous les décrirons dans la troisième partie du rapport. Au - dessous existaient deux couches ayant chacune Om 50€ d'épaisseur et qui nous semblent indiquer deux niveaux successifs du chemin avant le remblai qui le fit disparaître. La supérieure contenait encore quelques débris de poteries, parmi lesquelles furent trouvés des frag- ments de vases rouges, dits samiens et de tuiles plates à rebords. L'inférieure offrait une terre graveleuse, noirâtre, sans aucun débris, et avait servi à niveler les aspérités du rocher sur lequel elle était étendue. JIL. On à vu qu'à la partie inférieure de la deuxième couche, le remblai se caractérisait surtout par la présence de nom- breux fragments lapidaires. Ces morceaux, qui étaient mélangés dans les gravois avec une quantité de très-petits fragments également en grès, nous paraissent indiquer trois ou quatre monuments distinets. Le plus important, sans contredit, élail un édifice auquel on doit rapporter de gros tambours de colonnes cannelées , D" ‘us JUIN. 469 quelques morceaux de chapiteaux et des fragments notables de corniche et d’architrave, tous décorés d’ornements sculptés dans un style qui rappelle les plus beaux monu- ments de l’art gallo-romain. Ces divers membres d’archi- tecture concordent très-bien, sous le rapport des propor- tions et des formes, avec d’autres pièces que nous avions fait connaître, dans nos précédents écrits, comme ayant appartenu au temple principal de la colonie. A cet égard, l'un des plus heureux résultats de la fouille a été de nous fournir toute une série de fragments qui donnent le profil complet de la corniche , ainsi que les riches détails de sa décoration sculpturale. Nous avons recueilli éga- lement des morceaux de l’architrave. Les proportions de ces deux membres de l’entablement, concordantes aussi avec celles résultant des tambours de colonnes et des fragments de chapiteaux, assignent à l'édifice dont ils proviennent la même élévation que nous avions précé- demment déduite de la hauteur de la frise et ajoutent ainsi de nouvelles et très-utiles données en faveur de l’at- tribution de cette frise au temple principal. On en jugera par les dessins de tous ces morceaux, d’après lesquels nous avons fait le plan d’élévation conjecturale du temple que nous publierons dans un travail général sur les origines de la ville du Puy; on sait, d’ailleurs, que la partie capi- tale de l’entablement, la frise que nous connaissons main- tenant sur une assez grande longueur, offre une vaste composition représentant des combats acharnés d'animaux sauvages et symboliques dans une forêt de chênes (1) : de (4) Voyez la note D à la suite du présent rapport 170 RÉSUMÉ DES SÉANCES. telle sorte que nous croyons avoir maintenant, par des fragments plus ou moins notables de la corniche, de la frise et de l’architrave, le profil complet et le système d’ornementation de tout l’entablement, Monument d'ordre corinthien, ce temple était orné de colonnes à fûts cannelés, à chapiteaux richement seulp- tés, comme l’altestent divers débris trouvés également par suite des explorations du For. Nous entrevoyons de plus, d’après d’autres fragments, que la façade pouvait être ornée d’un fronton sculpté; c’est, en effet, à cette partie de l'édifice qu'il faudra peut-être assigner deux morceaux ornés de glands et de feuilles de chêne plus grands que ceux figurés sur la frise. L’un de ces deux débris, qui offre une tête d'homme, seulptée en fort relief fait vivement désirer qu'il soit possible de retrouver le bas-relief auquel il à appartenu. Un deuxième édifice, dont nous ne connaissions jusqu'alors que des fragments insuffisants pour une détermination ri- goureuse, nous à été révélé par des morceaux plus com- plets qui proviennent de la même fouille. Il s'agit sur- tout d’une haute colonne dont on à trouvé la plupart des tambours et le chapiteau corinthien. Les feuilles d’a- canthe qui le décorent et son galbe élégant en font une pièce vraiment importante. Sa hauteur, peu ordinaire, est de 0,95, et son diamètre, au bas, de 0,60. II est essentiel de signaler sa conservation remarquable, par- ticulièrement dans les feuillages qui se détachent de la corbeille en très-forte saillie. Nous en concluons que la colonne devait appartenir à un édifice peu éloigné de l’excavation dans laquelle elle a été jetée avec tous ses tambours et son chapiteau. Il eût été difficile, en Bu — JUIN. 471 effet, de préserver à ce point les délicates saillies de la sculpture par un transport plus ou moins prolongé. On à exhumé, en outre, plusieurs fragments de cha- piteaux et de tambours semblables. Ils dénotent que cette colonne n'était pas isolée et qu’elle avait fait partie, avec plusieurs autres, d’une ordonnance architecturale. Quant à leurs bases, elles nous sont connues aussi par un certain nombre d’éclats qui, étudiés avec soin, en donnneront probablement le profil. Un troisième édifice est représenté par des morceaux d’une corniche dont les cimaises, modillons, ete., sont dépourvus de sculpture. Ce monument était de moin- dre dimension que les précédents. Enfin, d’autres débris qui ont été recueillis comme les précédents et déposés au musée, seront l’objet d’é- tudes qui permettront de préciser leur antique desti- nation. Parmi ces derniers, on remarque deux fragments qui paraissent avoir fait partie de cartouches d'inscriptions. IE Nous avons énoncé, dans les trois premières parties de notre rapport, les découvertes qu'ont produites les fouilles du For : il y aurait maintenant à rechercher les causes et la date de l’enfouissement de tant de ma- tériaux. Mais, sous ce double rapport, l'histoire et les traditions n’ont pas transmis le moindre souvenir, et nous en sommes réduits aux conjectures, 172 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Essayons cependant de grouper quelques données et d'en tirer les déductions les plus vraisemblables. Remarquons d’abord que cet enfouissement de maté- riaux n’est pas un fait ordinaire. On juge, par la na- ture du remblai, qu’on dut leffectuer pour agrandir l’esplanade du For par le comblement du chemin com- pris entre les deux murailles; en effet, on y employa, non-seulement des débris de monuments, mais encore des terres , des gravois empruntés à un sol plus ou moins voisin et dans lequel se trouvaient des fragments nombreux et très-variés de poteries, tuiles, charbons, os d'animaux, petites pierres, etc.; d'un autre côté, l'agrandissement de la place du For n’était pas probable- ment la seule amélioration qu’on se füt proposée; les pierres de taille trouvées dans la fouille dénotent, sans aucun doute, des démolitions d’édifices plus ou moins considérables, et, ce qui est également probable, des constructions de quelque importance. Voici les preuves à l'appui de celte dernière suppo- sition : Parmi les fragments en grès recueillis dans la fouille, beaucoup de morceaux sont réduits par la cas- sure à l’état de petits fragments, la plupart impropres à étre employés dans une construction; ce sont vrai- semblablement des éclats enlevés à ,des pierres qu'on aura voulu approprier, par des recoupes, à un nou- vel emploi. Le fait est complètement évident sur des tambours de colonnes où des rainures transversales font voir qu'on a essayé de les diviser en plus petits tron- cons, sans doute dans le but de les utiliser, et qui, dans l’opération, s'étant irrégulièrement brisés suivant le sens vertical, ont été rebutés et jetés dans le JUIN. 475 chemin pour servir, comme bien d’autres, à son remplis- sage. On peut donc admettre , d'après les résultats de nos fouilles, trois opérations à peu près simultanées : agrandissement de l’esplanade par le remblai du che- min, démolition de monuments antiques, construction de nouveaux édifices. Mais à quelle époque serait-il possible de les rap- porter? Bien qu'il paraisse difficile de résoudre cette question en l'absence de notions historiques, nous croyons cependant qu'on peut émettre à ce sujet une hypothèse fondée sur quelques probabilités. La partie supérieure du remblai soulève, il est vrai, des difficultés, par l'état de bouleversement dans lequel nous l'avons trouvée: et il semblerait qu'on ne püt rien conclure des débris qu’on y a rencontrés. Nous y avons signalé, en effet, trois morceaux de sculpture du ve siècle et quelques petits fragments peut-être méro- viñgiens. À ne considérer que cette dernière circon- Stance, on serait induit à croire que le remplissage du chemin pourrait être postérieur au vue siècle. Mais on à vu que, sous l’épiscopat de Mgr de Galard, cette partie du remblai avait été excavée et remaniée proba- blement dans une profondeur de 5 mètres 12 centimè- tres, et dès lors on peut présumer que les quelques débris mérovingiens proviendraient d’une couche peu épaisse primitivement superposée au remblai principal, et, par conséquent, postérieure, Nous sommes d'autant plus porté à le croire que ces fragments étaient extré- mement rares et qu'on n’en à pas rencontré un seul dans la partie du remblai qui ne paraît pas avoir été remuée sous Mgr de Galard. 474 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Quant aux débris accumulés dans cette dernière partie du remblai, tous ceux qui se caractérisent par des sculp- tures ou d’autres signes d'époque, sont, à notre avis, gallo- romains (et, de plus, d'une belle époque de l’art antique). Parmi les fragments de poteries, de tuiles, ete., associés avec ces restes, nous ne trouvons rien qui exclue positive- ment leur contemporanéité avec les monuments antiques dont nous trouvons ici les restes. Ces inductions nous amènent done à supposer que le remplissage du chemin, postérieur à l’époque gallo- romaine, aurait pu être effectué peu après cette époque et avant le dépôt que nous présumons mérovingien, c’est-à- dire approximativement dans le cours du ve siècle. Il ne faut pas se dissimuler que, si cette hypothèse était fondée, elle concorderait parfaitement avec les témoignages traditionnels, conformes en cela aux textes lapidaires, qui attribuent à l'un des premiers évêques du Puy, saint Scu- taire, sénateur et architecte, l'érection de notre première cathédrale ; et nous aurions encore ici, dans l’agrandisse- ment du forum, l'intéressant souvenir d'un prélat dont la tradition semble avoir consacré la mémoire par le titre de père de la patrie. Nous serions d'autant moins éloigné d'adopter cette opinion, qu'on observe dans les plus anciens murs de la cathédrale — dont certains peuvent même remonter aux premières constructions de cette église — des fragments gallo-romains qui ont subi des recoupes, pour être appro- priés à leur emploi dans ces murailles; par un curieux rapprochement avec les pierres indiquant aussi des re- coupes, et qui ont été trouvées dans les fouilles du For. Les fragments ainsi utilisés dans les murs de la cathédrale, JUIN. 475 sont surtout de beaux morceaux d’un larmier antique qui couronnent la façade absidale est de l’église et sur lesquels on avait fait disparaître, par des retailles, les moulures placées au-dessus des modillons (1). On comprend que ce qui pouvait subsister des édifices antiques au temps de saint Scutaire, aurait subi de notables changements pour être approprié, suivant l'usage du temps, à de nouvelles destinations, et nous aurions ainsi l'expli- cation, non-seulement du remblai du For, mais encore des démolitions et reconstructions que dénotent les matériaux entassés dans ce remblai. Enfin on pourrait voir dans cette quantité de charbons de bois qui, lors du comblement du chemin, furent mélés au gravois, COMme un nouveau témoignage d’une de ces dévastations par le feu que nous offrent d’autres ruines gallo-romaines autour de la ville, notamment les substruc- tions importantes qui ont été explorées avec tant de soin par MM. de Becdelièvre et de Lalande, el que ces observa- teurs regardèrent comme les restes d’une très-grande villa (palais) détruite par les barbares, au commencement du ve siècle (2). Nous n'insisterons pas autrement sur ce fait, dont nos vieilles légendes semblent avoir conservé comme un vague souvenir, et qu'il sera nécessaire d'établir par des fouilles sur d’autres points de la ville et dans tous les lieux (4) Une quantité de petits moëllons eubiques qui sont épars dans les plus an- ciens murs de la cat:édrale et bien d’autres que nous rencontrons parfois dans les démolitions d'anciennes Maisons, NOUS paraissent provenir aussi de monuments gallo-romains. (2) Lalande. Essais hist. sur les antiq. de ln Haute-Loire, 1896, p. 175. 1476 RÉSUMÉ DES SÉANCES. de nos environs où existent des vestiges de monuments antiques (1). CONCLUSION. S'il est vrai, Messieurs, que la science des antiquités est appelée à éclairer les pages obscures de l’histoire sur les- quelles les documents écrits ne projètent que de faibles lueurs, il est également reconnu que les recherches archéo- logiques ne doivent pas se borner à l'étude des restes que le hasard livre aux investigations de la science. Le sol doit être fouillé et consulté là surtout où des traditions, pru- demment interprétées, peuvent mettre sur la voie d’utiles (1) Récemment votre honorable ami, M. Vinay, a généreusement effectué des fouilles importantes dans sa propriété de Corsac, située à peu de dis« tance du Puy, et y a trouvé des ruines gallo-romaines parmi lesquelles il nous à fait voir une couche de tuiles plates recouvrant un lil de charbon, indice également d'une dévastation par le feu. M. Vinay a découvert, en ou= tre, une voie romaine dont la chaussée, large d'environ 13 mètres, a mon- tré des restes de ses quatre couches, et à côté un cimetière par incné- ration. Cette voie importante se dirigeait du Puy vers le pont de la Char- treuse, et de la sans doute à Lyon et à Vienne. Nous venons d'explorer, nous-même, un l'eu situé près du Puy, sur le territoire de Cheyrac et près de la plaine de Rome — nom significatif — et nous y avons mis au jour les substructions d'un antique édifice ayant 29 mètres de long sur 15 mètres de large. Nous y avons observé aussi, sous une couche de tuiles plates, un lit de charbon; nouvelle preuve de dévas- tation par le feu. Au même endroit, et sur un assez grand espace, on a reconnu la présence, dans le sol, de nombreuses substructions indiquant un vaste établissement de l'époque gallo-romaine, comme lindiquent des po- teries, médailles, ete. JUIN. 477 découvertes. Les fouilles que nous venons d’effectuer sont encore, permettez-nous de le dire, une heureuse applica- tion de ces principes ; nous leur devons, en effet, des révé- lations qui ne sont pas sans importance au point de vue des origines de notre ville. Pour ne parler que des faits acquis et dégagés même des déductions logiques qui en résultent, ces fouilles ont mis au jour deux fortes mu- railles dont le système de construction offre des caractères remarquables de correction architectonique. Entre ces murailles, dans un remblai intéressant par sa composition, on à trouvé ensevelis des débris de monuments, parmi lesquels on peut signaler de beaux morceaux de sculpture et des pièces diverses provenant de grands édifices. Devions-nous laisser sans explications ces documents lapidaires? Evidemment non. Nous avons done été amené à vous exposer nos opinions sur la valeur de leurs témoi- gnages. ; Les murailles ont, à notre avis, fourni la preuve de l'existence, pendant l’époque gallo-romaine, d’une double enceinte dans un endroit de la ville, analogue à celui où d’autres cités antiques de la Gaule étaient protégées par une ceinture de remparts. Elles ont également déter- miné un point de délimitation pour le forum qui, dans notre opinion, devait entourer le temple principal de la colonie. Le remblai qui remplissait l’espace compris entre ces murailles était formé de gravois et de débris de tous genres. À part quelques rares fragments présumés méro- vingiens et recueillis dans la portion supérieure du rem- blai qui, d’ailleurs, avait subi de notables remaniements sous l’épiscopat de Mgr de Galard, cet amoncèlement de TOME XXI. 412 178 RÉSUMÉ DES SÉANCES. matériaux ne comportait, nous le croyons, que des élé- ments gallo-romains. Nous avons reconnu, dans un certain nombre de maté- riaux, des restes de trois édifices antiques. On à pu remar- quer surtout ceux qui se rapportent, à notre avis, au temple principal d'ordre corinthien, lesquels ont com- plété nos précédentes notions sur le profil et la riche orne- mentation de l’entablement ; les fouilles nous ont fourni aussi quelques portions des chapiteaux du même temple el le fort diamètre de ses colonnes cannelées. Un autre édifice s’est révélé par un grand chapiteau, également corinthien, d'une remarquable conservation, et par d’au- tres pièces des colonnes ; le troisième, moins important, que, par analogie, on peut considérer comme gallo-romain, se caractérisait par une corniche à moulures dépourvues de sculptures. Enfin, la date du remblai pourrait étre rapportée au ve ou au vie siècle, époque où un premier agrandissement de la place aurait été peut-être motivé par l'érection de la primitive cathédrale, à la construction de laquelle on aurait employé des matériaux provenant de la démolition de monuments antiques. À défaut de données plus posi- tives, cette hypothèse a du moins le mérite d'offrir une curieuse concordance avec les données actuelles de l’his- loire, qui placent aussi vers Le vie siècle les épiscopats des deux premiers prélats du Puy, saint Vosi et saint Scutaire, qui, d’après la tradition, auraient édifié cette primitive basilique. Cette dernière conjecture sera-t-elle confirmée par d’au- tres recherches auxquelles nous invitent les intéressantes découvertes signalées dans ce rapport? Nous lespérons. JUIN, 179 Quels que soient à cet égard les résultats de nouvelles fouilles, on voudra bien reconnaître que l'hypothèse, em- ployée dans une sage mesure, a cela d’utile, qu’en ouvrant des perspectives attrayantes pour l'esprit, parfois elle pro- voque des investigations fructueuses. Sous ce rapport, peut-être les lecteurs penseront-ils que nos premières dé- ductions, relatives aux origines de la ville, fondées d’abord et sur les recherches de nos savants devanciers et sur des découvertes de débris antiques, effectuées lors des restau- rations de la cathédrale, confirmées plus tard par la mise au jour de la belle épigraphe relative au préfet de la co- lonie, et d’autres antiquités gallo-romaines, se fortifient encore par les résultats des fouilles du For. D’autres explo- rations, n’en doutons pas, amèneront encore des décou- vertes de plus en plus intéressantes. Nous aurons surtout à leur demander d’utiles indications sur les premiers évêques du Puy, lesquelles ajoutées aux précieuses données qui sont relatives à saint Vosi el à saint Seutaire, ne peu- vent qu'éclairer les traditions et concilier ainsi leur témoi- gnage avec celui des monuments en faveur des antiques origines de la cité. NOTE A. Inscription relative au dieu Adidon. Parmi les nombreux restes d’antiquité dont la présence, dans la ville du Puy, concourt à nous révéler les origines de la cité, une pierre surtout éveille la curiosité par une inscription men- 180 RÉSUMÉ DES SÉANCES. tionnant un dieu inconnu, Adidon, et la divinité impériale d’Auguste. Découverte en 1847, dans un mur de la cathédrale, cette inté- ressante épigraphe a déjà été publiée (1). Mais il peut être utile de la signaler encore à l'attention des connaisseurs et de pro- duire quelques données nouvelles qui nous éclairent sur le rôle plus ou moins important que nos pères avaient dû assigner au dieu Adidon dans leurs pratiques religieuses. La figure suivante représente la face antérieure de la pierre réduite au vingtième et très-exactement dessinée et gravée par M. Camille Robert. Voici le texte restitué de l'inscription : Adidoni et Augusto (sacrum) Sexius (ou Sextus) Talonius Musicus de suû pecunià posuit (ou fecit). (4) L'inscription fut mise au jour au mois d'octobre 1847, par suite des tra- vaux de restauration de la cathédrale. Nous la fimes connaître dans le journal Za Haute-Loire n° du 30 octobre 1847) et dans les Annales de la Soc. acad. du Puy, tome xx, p. 161. De son côté, M. Mandet en publia la gravure et la descrip- tion dans l'Ancien Velay, p. 162. Nous en avons parlé également dans notre mémoire sur les Origines de la ville du Puy (Congrès scientifique de 1855, tome n1, p. 337 et 597). JUIN. 181 ‘ L'interprétation de ce texte ne soulève aucun doute : il s’agit d'un monument qu'à ses frais avait fait ériger, en l'honneur d’Adidon et d’Auguste, Sexius (ou Sextus) Talonius, surnommé ou qualifié Musicus. L'inscription ne relate rien qui nous fixe sur les attributions d’Adidon; on voit seulement qu’elle appartient à cette classe assez nombreuse de monuments épigraphiques sur lesquels sont asso- ciés, dans un hommage commun, le nom divinisé d'Auguste et celui d'une autre déité de l’olympe gallo-romain. Dans diverses villes antiques d’une certaine importance, on a trouvé des autels votifs qui rappellent cette pieuse alliance de deux cultes : à Nimes : Sanctilati Jovis et Augusto sacrum.…. J{ovi) O{ptimo) M{aximo) Heliopolitano et Nemauso...; à Mâcon : Jovi et Augusto sa- crum.…. ; à Néri: Numinibus Aug(usti) et Neri… : à Bordeaux : Augusto sacrum el genio loci…. Augusto sacrum et genio civi- talis Bit{ur gum) viv/iscorum)… Ailleurs : J/ovi) O(ptimo) M{aximo) et Marti Caturigi genio loci. Telle était aussi la dé- dicace d'un temple célèbre que soixante cités gauloises avaient fait élever à Lyon en l'honneur de la divinité impériale et du génie de Rome : Rom et Augusto, disent les médailles commé- moratives de cet évènement. Ces exemples, et bien d’autres semblables qu'on pourrait citer, font voir, par leurs analogies frappantes avec la formule initiale de notre épigraphe, qu'Adidon pourrait être assimilé, sous un nom jusqu'à présent ignoré, soit à l’une des divinités du poly- théisme romain, soit à un génie tutélaire de lieu Ces rapprochements paraissent donc limiter les investigations à deux principales hypothèses dont nous essaierons de peser les probabilités. Pour n'omettre aucun des éléments de la question, même les plus indirects, il nous semble utile d’énoncer d'abord ceux qui concernent la destination et la date possibles du monument. Encastrée dans un très-ancien mur de la cathédrale, sous le vestibule du For, la pierre forme le linteau d’une petite porte, Seulement elle est posée à rebours et sa face antérieure, aux deux tiers engagée dans la maconnerie, ne laisse voir derrière 182 RÉSUMÉ DES SÉANCES. LI l'entrée que la partie sur laquelle est gravée l'inscription, (1) L'au- tre face surmonte la porte au dehors, et on y lit une épigraphe chrétienne et très-probablement méroyingienne dont nous aurons à parler. La figure suivante représente celte face de la pierre, réduite aussi au vingtième. Les pieds-droits de la porte sont deux grands blocs de grès, taillés avec soin, l'un et l'autre décorés d’un pilastre cannelé aux deux faces antérieures et d’intrados. Les détails de structure el les proportions concordantes de toutes ces pierres permettent de conjecturer que, dans le principe, et avant d’avoir été utilisés par les chrétiens, le fronton et ses deux supports auraient formé un autel disposé en niche dans un mur, peut-être même dans un temple. La dimension de cette niche, telle que nous la (4) La face entière fut mise à découvert lors des travaux de restauration de Péglise, et nous pûmes en faire un dessin d’après lequel nous donnons la figure jointe à cctte note. Nous n'avons remarqué au tympan du fronton au- eune trace d'inserption ou de sculpture : il my avait pour tout ornement que des moulures d'encadrement. JUIN. 483 supposons, autorise également à admettre qu'elle aurait pu con- tenir deux statues, sans doute celles d’Adidon et d'Auguste. Sans examiner si ces pierres, fronton et supports, avant leur emploi pour la porte, n'auraient pas eu, ce qui est possible, une autre destination se rapportant à l'inscription mérovin- gienne, faisons observer que l'épigraphe, accompagnée d’alpha et d'oméga et du chrisme, est ainsi concue : SCUTARI PAPA VIVE DEO : Scutaire, évêque, vivez en Dieu (1). Cette transformation du monument, que trahissent deux faces de la pierre, l'une gallo-romaine l'autre mérovingienne, ne tenait peut-être pas seulement à l'usage général, dans les pre- miers siècles du christianisme, d'utiliser indistinctement les monuments antiques, et l'on se demande si quelque raison par- ticulière n'aurait pas motivé la nouvelle et pieuse consécration que relate l'inscription chrétienne. Serait-il téméraire, en effet, de supposer que l'autel d'Adidon, depuis longtemps sanctifié dans notre ville par une vénération spéciale, aurait pu être choisi pour honorer un saint évêque, Seutaire, protecteur de la cité, père de la patrie, suivant la tradition qui lui attribue aussi l'érection de la primitive cathédrale, et ne serait-on pas amepé à croire, suivant l'observation judicieuse de M. Mandet, que ce personnage vénéré aurait remplacé, dans la pensée des fidèles, « le génie bienfaisant qui protégea leurs pères » (2)? Si celte (4) Nous avions fait connaître cette épigraphe dans notre mémoire inséré aux;j Ann. de la Soc. acad. du Puy, t. xu, p. 168. M. Mandet l'a publiée auss dans l'Ancien Velay. Depuis cette publication, nous avons constaté avec pus de certitude que les formes des lettres, en particulier la lettre P , peuvent se rapporter à l'é- criture lapidaire des temps mérovingiens. (2) Ancien Velay, p. 161. « Les Gaulois, dis dom Martin (t. 11, p. 206 et suiv.), ne se contentaient pas de déilier leurs villes : ils en célébraient encore, tous les ans, la Dédicace; et celte coutume n'était pas encore abolie vers la Jin du VILe siècle, puisqu'elle donna lieu à la charité de St-Eloy de s'élever contre ce détestable abus. (Nullus diem jovis absque festivita'ibus sanctis , nec in maio nec ullo tempore in otio observet , neque dies pinnarum vel murorum, aut vel unum omnino diem , nisi tantum dominicum. — Apud aug. t. vI, p. 266). » 184 RÉSUMÉ DES SÉANCES. conjecture, parfaitement conforme aux nombreux exemples de sages transactions qu'offrent les origines du christianisme, pou- vait être admise, elle fournirait une précieuse donnée sur la divi- nité, peut-être génie tutélaire de la ville, dont nous recherchons les attributions. Essayons maintenant de déterminer l'époque au moins approxi- mative de notre épigraphe. Le nom d'Auguste, gravé sur la pierre, peut indiquer celte date. A la vérité, l'histoire donne la qualifi- cation d'Auguste à tous les empereurs. Mais, on-voudra bien en convenir, rien ne s’oppose à ce que l'inscription soit contempo- raine du premier de ces princes: on sait que des autels et des temples lui furent érigés de son vivant. Nous croyons, en outre, qu'il n'est pas impossible de distinguer, jusqu’à un certain point, les invocations au génie du premier empereur, de celles concer- nant ses successeurs. D'abord la formule Augusto, par sa simpli- cité en quelque sorte primitive, pourrait bien n'être applicable qu'au premier prince de ce nom. Déjà, sous Tibère, on ajoutait au nom d'Auguste celui de l'empereur régnant : Jovi Ofptimo) M{aximo) et Genio Ti(berii) Augusti sacrum laniones (1). Une variante postérieure relate, non plus Auguste ni Tibère, mais les génies des Augustes (2), et celle-ci, au moins dès le règne de Commode, devint sans doute si usuelle, qu'on en vint à l'employer même pour le temple qui n'avait été dédié pri- milivement qu'à Rome et à Auguste : Templum Rom el Augus- torum (3). Cette dernière formule, qui d’abord dut indiquer deux princes associés à l'empire, fait voir, comme la précédente, qu'après Au- guste souvent on prit soin de préciser autrement que par le seul et vague nom du premier chef de l'empire, les princes dont on (4) Descript. du Mus. d'antig. de Périgueux, par M. Galy. (Cong. arch. tenu à Périgueux en 1858, p. 270). (2) Comarmond. Catal. des antiq. lapid. du Musée de Lyon, p. 128, 154, 484, etc. (3) Ibid. p. 208. JUIN. 185 invoquait les génies ; il serait possible que, plus tard, l'usage eût fait employer aussi la même formule pour désigner indis- tinctement tous les empereurs. D'autres particularités de notre inscription aident encore à in- diquer sa date: l’élégante concision du texte rappelle les plus anciennes épigraphes ; quant à l'écriture, nous l'avons atten- tivement comparée à l'inscription, à notre avis très-caractéris- tique, qui est à Paris dans le musée de Cluny et qui fut consacrée à Jupiter, sous le successeur immédiat d'Auguste, par les nautes de Paris, et nous avons été frappé des ressemblances qu'offrent les formes des lettres dans les deux textes. T1 n’est donc pas in- vraisemblable d'assigner à notre inscription une époque contem- poraine du règne de l’empereur Auguste. Les données qui précèdent laissent entrevoir qu'Adidon aurait été, chez nous, vers le premier siècle, ce genius loci, auquel on vouait chaque lieu. On se demande cependant si ce dieu, avec un nom étranger au polythéisme de Rome, n'aurait pas plutôt re- présenté une divinité d'un ordre élevé , comme Esus et 4res qu'on adorait sous les attributs d'Etre suprême et de dieu de, la guerre; on remarque, en effet, quelque affinité de forme entre le nom Adidon et celui d'une divinité assyrienne: Adad, dieu- soleil, d’après Macrobe. « Nous recommandons à l'attention, dit aussi M. Michaud, deux noms solaires célèbres aux extrémités de l’Ancien-Monde, l’Aditides Hindoux etla Didon carthaginoise (1).» Plus loin, le même auteur explique le mot Adidien en ces ter- mes : « Radjahs, de la race des fils du soleil. » Adi-Bouddak est, en outre, dans l'Orient, le dieu d’une très-ancienne secte de bouddhiste. On à fait de semblables rapprochements pour les dieux phénicien, carthaginoïs et celtique : Taoutès, Teutat et Teutatès, d'où l’on a induit que les Celtes avaient reçu des Ph6- niciens cette dernière divinité. À une époque moins reculée , d’autres dieux de l'Orient, Mithra, Isis et Serapis, furent ado- rés également en Occident, et l’on supposerait ainsi que le mythe (4) Biographie univ, ane. et mod. Partie mythologique. 186 RÉSUMÉ DES SÉANCES, d'Adad, Aditi ou Adi, importé en Gaule, comme le culte de Teutatès, aurait été assimilé à celui d’Apollon,-dieu-soleil des Romains. Mais, dans cette hypothèse, comment concilier le silence absolu de l'antiquité et des monuments sur une divinité qui aurait eu, en Gaule, une telle importance? Cette objection, à laquelle il semble très-difficile de répondre, amènerait à considérer Adidon comme un de ces dieux de second ordre dont les noms, moins répandus, n’ont été, pour la plupart, révélés que par des témoi- gnages lapidaires, et que Servius (Æne, 7, v. 4) appelle dûù topici, et Ammien, dit locales, parce qu'ils « n'étaient reconnus, dit dom Martin, qu'en un seul lieu ou canton, sans que leur culte passât ailleurs. » (Voy. S. Athanase, Orat. cont. gentes) (1). Tels étaient, sans doute, en Aquitaine Leherennus, dieu de la guerre, et Heliougmouni, adoré sous les attributs réunis du soleil et de la lune; à Marsanne, Frea Nondina, déesse des mariages ; chez les Séquanes, t’ervunnos, dieu des forêts, etc. La forêt des Ardennes fut divinisée sous son nom 4rduinna, el on en fit ensuite la déesse Diana Arduinna (2). D'autres dieux topiques se maintinrent avec leur simple attribution de génies tutélaires. « Les Gaulois, dit M. Dumège dans ses Additions à l'histoire du Languedoc, adorèrent le pie de Nethon, et des bords du Sinus-Cantabrique aux rivages voisins d'Illibéris, ils consacrèrent un culte aux génies des montagnes. Et c’est aux pieds des monts d'Averan, de Boucou que la science a, de nos jours, recueilli les autels qui furent elevés aux dieux Averanus, Boccus, etc. »—« Ilixon, dit ailleurs le même auteur, est évidemment le génie de Lixion ou de Luchon; Baesert est le dieu local de Basert ; Astoillunus, de la vallée d’Asto. » La forêt des Vosges fut aussi déifiée sous le nom de Vosegus (3). Les lieux, bourgs, villes et peuples eurent partout leurs génies (1) La relig on des Gaulois, t. 1, p. 206 et suiv. (2) Deanæ arduinnæe , d'après une inscription publiée dans Gruter. (3) Gruter, p. 94, n° 10. Vosego maxsiü minus v. s. LL JUIN. 187 ltutélaires, qu'on invoquait par la simple formule : Tutelæ ou Genio loci et, le plus souvent, sous le nom même du lieu divi- nisé. Les exemples abondent; il suffira de citer Sandraudigu, aujourd'hui Zander (1); Luxovius, Luxeuil en Franche-Comté (2); Vasion, Vaison (3); Neri, Néri (4); Bibracti, Bibracte, aujour- d'hui Autun (5); Nemausus, Nîmes ; Genius civitatis Biturigum viviscorum, le génie des Bituriges vivisques (6). Dans le temple de Rome et d’Auguste, les génies des soixante cités avaient leurs appellations, qui n'étaient autres probablement que celles de ces pays désignés au masculin. C’est ainsi que celui des Vellaves au- rait été nommé Vellaus (7). C'est dans cette classe nombreuse de divinités topiques qu'il faudrait done ranger ce dieu Adidon, au sujet duquel, comme il a élé dit, l'antiquité païenne est restée muette. Toutefois, cette déité avait-elle, comme Leherennus, Frea Non- dina et Cervunnos, des attributions, restreintes il est vrai à la localité, mais correspondantes à celles de quelque dieu supérieur? Ce fait n’est pas impossible. Cependant il nous semble que ces sortes de déités ne doivent que rarement figurer sur les inscrip- tions portant une de ces doubles invocations que nous avons citées, observation qui aurait une certaine portée dans une ques- tion qu'on peut seulement élucider par des rapprochements et des analogies. Il n'en est pas ainsi des génies tutélaires ; leurs noms appa- (4) Sur la route d'Anvers à Brida. Le bar. de Crazannes. Bul. monumental, 1847, p. 26. L’autel qui porte le nom de cette divinité offre les curieux emblèmes de la fécondité et du commerce : un phallus et des cornes d’abondance. (2) Caylus, t. m1, p. 366. (3) Dom. Martin, t. 11, p. 200 et suiv. (4) Bull. monumental, 1855 , p. 60. {5) Dom Martin, t. 11, p. 200 et suiv. (6) Inscription au Musée de Bordeaux. (7) M. A. Bernard (dans sa description du pays des Ségusiaves , 1858, pe 36), a fait Voir que les noms de ces soixante pays ont pu être mentionnés dans les notes lironiennes d’après les statues du temple de Rome et d'Auguste. 188 RÉSUMÉ DES SÉANCES. raissent fréquemment sur ces épigraphes, soit avec leur seule qua- lification de genius loci ou tulela, soit avec l'appellation même du lieu où le plus souvent elles ont été trouvées et qui ne permet pas de les méconnaître. A cet égard, M. Chaudruc de Crazannes remarque également que « dans les vœux publics et particu- « liers, les dieux ou déesses tutèles étaient souvent jointes aux » grandes divinités, et c'est aussi, ajoute-t-il, ce que Virgile fait » pratiquer à Enée : « Implicat et genium loci primumque deorum » Tellurem..….. (1) » Il est donc très-vraisemblable de croire qu'Adidon était aussi, chez nous, le génie tutélaire du lieu. Une autre probabilité intéressante nous paraît découler des mêmes rapprochements : le nom de cette déité serait aussi celui du lieu qu’elle protégeait ; déduction qui acquérait ainsi pour notre ville, dans l'antiquité gallo-romaine, l'importance d'une in- dication géographique. Nous ne saurions nous dissimuler combien les données étymo- logiques sont parfois conjecturales e! incertaines, et nous ne vou- lons les produire que sous toutes réserves. On ne peut se défendre cependant d’un curieux rapprochement entre l'antique vocable Adidon et le nom que paraît avoir conservé jusqu’à nos jours la colline sur laquelle est assise la ville du Puy. Remarquons d'abord qu'Adidon n’est très-probablement qu'une variante de prononciation du mot Adidun, Variante que justifient à toutes les époques une foule d'exemples: Verdun, entre autres. nom d'origine évidemment celtique et l’un des plus répandus qu'on trouve en France, s'écrit et se prononce Verdon en divers lieux de la Dordogne, de la Gironde, de la Marne, etc. (2). Le (A) Mém. de la Soc. archéol. du midi de la France, 1. 1, 1834, p. 253, (2) Dict. de toutes les comm. de France, par Girgult de St-Fargeau, 1851. JUIN. 189 très-ancien Cartulaire de Savigny, publié par M. A. Bernard (t. 11, p. 1133, col. 1.), désigne indistinctement une même localité par Mons Verdunus et Mons Verdonis (1). On trouve aussi dans les manuscrits de l'Itinéraire d'Antonin : Eburoduno et Eburodono, comme Octoduro et Octodoro, Divo- duro et Divodoro (2), et dans les Notes tironiennes : Tenodorum, que des monnaies carlovingiennes traduisent par Trioduro (3). De plus, Minnodun-um se dit aujourd'hui Moudon:; Vellaunodun-um a fait Château-Landon; Noviodun-um, Noyon ; Lugdun-um, Lyon, etc. Les Grecs, d'après la Géographie de Ptolémée, inter- prétaient Lugdunum par Aovydovyoy; Etodunum par Ero- dovyoy, etc. Enfin, sur beaucoup d'inscriptions romaines l’& permute en o dans les mots divom, duomwir, monomentum, singolos, etc., (4), d’après la prononciation des anciens, consa- crée sans doute par un long usage, qui donnait à la lettre # un son plus ou moins approchant de lo. Nous aurions donc dans Adidon un équivalent d'Adidun : et ce mot offrirait alors un composé : Adi-dun, dont la terminaison dun est trop connue dans le sens de colline, mont (par exten- * sion oppidum), pour qu’il soit nécessaire d'établir cette signifi- cation (5). Quant au radical Adi, sans en rechercher maintenant l'origine, on le rencontre aussi dans des noms de lieux, témoin Adiac (Adi-ac) village de la Haute-Loire. (1) Il existe, sur tous les points de la France, un très-grand nombre de noms locaux dont la terminaison don équivaut, sans doute à dun : Chatel- don, Redon, (Redones, Rennes), Oudon, Gourdon (dans de vieux titres gurdun-um), Coulandon, Bourdon, Randon, Veudon, etc. ; en Angleterre Caledon (d’où Calédonien), etc. 2 (@) Ilinér. romains de la Gaule avec les variantes, ete, publiés par M. L. Re- nier. Ann, de la Soc. des antig. de France, 1850, p. 190, 193 et 197. (3) Doc. relatif à la géog. de la Gaule, par M. Bourquelot, ibid. , p. 286. (4) Gruter cite bien d’autres exemples dans son Corpus inscriptionum, 1707: t. 1, p. 92, aux tables. (5) Plutarque (de flumin.), racontant l'origine de Lyon, dit que son nom Lugudunum signifie la colline aux corbeaux , “Car, ajoute-t-il, lugu en cel- tique signifie corbeau, et dunum (dun-um) , colline. » * 1490 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Mais à l'égard d’Adi-dun [mont Adi), ce radical n'aurait pas exactement conservé jusqu'à nos jours sa forme première, el, par suite d’un changement très-explicable du d en n, on le re- trouverait dans le nom du mont Ani tel que le prononce le peu- ple, et Anis tel qu'on a pris l'habitude de l'écrire (1). Il serait trop long d'exposer, au sujet du d ainsi transformé, quelles furent les diverses destinées d'une lettre qui, n'ayant jamais été prononcée bien franchement, a subi une de ces lois de perautation que les érudits ont déterminées avec une grande sa- gacité (2). II faut bien nous borner à quelques exemples qui mon- trent les changements incontestables de cette dentale en s, z, 1, r, b, et n. Dès les temps celtiques, il paraît que d rendait un son fort in- décis, puisque le chef arverne Epad, ainsi nommé sur des mon- naies contemporaines de César, fut appelé à la même époque Epasnactus (Epas-nactus) par l'auteur des Commentaires. Le changement du den s et en z, et réciproquement, se voit dans de curieux exemples tirés des inscriptions romaines : altod, dic- tatored, pour altos, dictatores, etc., ete., (3); et dans les noms: S. Evodius (premier évêque du Puy) plus tard-saint Vosi; mons Gaudii, lieu près du Puy, le même que Montjausi, dans la Chro- nique du Puy par Burel (t. 1, fol. 161), et en francais, Montjoie ; Doledon, appellation de l'un de nos ruisseaux vers l'an 1015 (4), ! (1) On verra dans la note CG qu'en 591 Greg. de Tours appelle Anécium KAni-cium) un point important de la ville (urbis Vellavæ) ; on appella en- suite la ville entière Anicium; on trouve aussi Podium anicü, traduit par Puy d’Anis, au x siècle, dans les chroniques de Médicis, pr'face des tables, page 1. De la, notre ville a fini par s'appeler simplement Podium , le Puy, vocable qui, comme dun, signifie mont. (2) Voyez Hist. de la fondation de la langue française ; introduction de bHist, de la litt. franc. au moyen-üge, par J.-J. Ampère, 184 , p. 218 (3) Gruter, t. 11, p. 86. (4 Extrait de la chronique de St-Pierre-le-Monastier du Puy; Hist. gén. du Languedoc, 1733, t. …r, preuves, pe 7. Ce ruisseau tirait son nom de la montagne au pied de laquelle il prend sa source. Nous le prouverons ailleurs. MAI. 491 aujourd'hui Dolezon ; une rue du Puy, carreria de Gradibus, en 1313 (1), rue des Grazes, au xvit siècle; Blanzac, Village de la Haute-Loire, Blandiacum au moyen-àge. Voici des changements du d en {, r et { : Podemniac, d'où Polignac ; S. Illidius, Saint-Allyre ; Ramodoscle, Ramou- rouscle (2); Viridis, Vert ; etc. Ne soyons donc pas surpris que ln aussi ait pu se substituer à la lettre d : ainsi, un ancien évêque de Rennes, d'après Denys Sainte-Marthe, fut appelé, dans des titres divers : #oderandus et Moderamnus (3). Dans le langage même du pays, le nom de la ville du Puy, Podium, devait avoir donné aux habitants de la cité celui ae Poudaux ou Podots que les gens de la campagne , dans quel- ques localités des environs, leur ont en effet concervé; mais dans la ville même, sans doute d’après la prononciation locale de la lettre d, on disait et on a persisté à dire: Ponaux ou Ponnots (4) Nous sommes ainsi conduits par cette preuve, à notre avis très-concluante, de la substitution de l’n au d, au Puy même, à supposer qu'adi aurait pu faire ani: adi-dun, mont adi, au- jourd'hui mont ani, qu'on traduisait également au moyen- âge par le vocable synonimique Podium anici {ani-cii), Puy d'anis. Si cette hypothèse avait la chance d'être favorablement ac- cueillie par les érudits plus familiarisés que nous-même avec les lois qui régissent les évolutions et changements des lettres dans les modifications successives du langage, nous devrions à notre épigraphe dédiée, comme on peut le supposer, vers le pre- mier siècle, à Adidon et à Auguste, la connaissance du premier nom de notre ville. A cet égard , il ne serait pas impossible que (4) Terrier en faveur de Castanet, évêque du Puy [Arch, dép.]. (2) Localité du département appelée Ramodoscle dans des titres de l'hospice du Puy. (3) Gall. christ., p: 923. (4 Burel, dans sa chronique du Puy, mentionne déjà ce nom, t. 1, p. 435, 192 RÉSUMÉ DES SÉANCES. de nouvelles explorations vinssent un jour nous révéler que “À la colonie (1), attestée déjà par une importante inscription, eût : recu, dès le principe, l'appellation de Colonia Adidonensis. NOTE B. Concernant l'inscription du préfet de la colonie. L'un des monuments les plus intéressants qu’aient produits i nos recherches dans la ville du Puy est, sans contredit, une portion très-notable d’une grande épigraphe où sont mention- nés les titres de préfet de la colonie, de flamine et de duumwvir. Nous avons déjà publié ce texte dans les Comptes-rendus du Congrès scientifique de France, tenu au l'uy en 1855 (tom. HIS p. 497), et plus récemment dans les Annales de la Société académique du Puy (tome xx, p. 543). Son importance, au point de vue des origines antiques de la cité, nous engage à la reproduire ici, ne serait-ce que pour montrer combien il serait intéressant d'arriver, par la découverte des parties qui manquent, à compléter cette remarquable inscription, dont la longueur peu ordinaire est de 3" 80°, la hauteur de ce que nous en connaissons de 0" 65°, et la hauteur des lettres de 0v 12 à 0" 14: FERRARIARGYTVATERPRAEFECTVSCOLON QVIANTEQVAMHICOVIESCOLIBEROSMEOS BIS YTROSOVIDINONNFFROCEMFLAMIIVIRVM Nous avions dit dans nos précédents mémoires que les (4) Voyez la note B à la suite de celle-ci. JUIN. 493 dix-sept premières lettres peuvent donner lieu à différentes in- terprétations. Quelle que soit celle qu'on adopte définitive- ment, le surplus du texte peut se lire ainsi : +++... PRAEFECTYS COLON(IAE) QVI ANTEQVAM IIIG QVIESCO LIBEROS MEOS VTROSQV(E) VIDI NONN(IVM) FEROCEM FLAM(INEM) DVVMVIRVM BIS. Il est bien évident qu'il ne saurait être question ici d’une autre colonie que de celle où le défunt avait son tombeau parmi beaucoup d'autres dont la présence est attestée dans notre ville par des monuments sépulcraux, sarcophage, épitaphes, bas- reliefs, etc., lesquels ont tous été trouvés, soit dans les murailles de la cathédrale, soit dans les murs des maisons voisines (1). Quel était le nom de ce personnage qui régit la colonie « en remplacement des duumvirs, » comme nous l'avions dit (1) Nous avons mentionné tous ces débris dans notre mémoire sur Les ori- gines de la ville du Puy (Cong. scient. de France de 4855, tom. 11, p. 343, 427, 443, 483, 504 et suiv., et dans les Aunales de la Soc. acad. du Puy, tome xx, p. 468); depuis lors nos recherches nous ont encore fait découvrir dans un mur des caves de la maison Dorson le fragment suivant. TOME XXI. 415 194 RÉSUMÉ DES SÉANCES. dans notre précédent mémoire (Ann. de la Soc. acad., tom. XX, p. 547)? Les dix-sept premières lettres de l'inscription nous donnent-elles : ferrarifus) argutu(s) ater, appellations dont les épitaphes offrent des exemples ? ou bien, faut-il lire : ferra- riar (um) gutuater.….. (1), en supposant que ces mots désignaient des mines de fer au sujet desquelles le préfet de la colonie aurait rempli quelque charge? Nous n’excluons nullement cette hypothèse qui donnerait l’idée d'un complément plus ou moins important de l’inscriplion au-dessus des trois lignes connues, complément dans lequel auraient été énoncés les noms du dé- funt, et peut-être des qualifications intéressantes pour l’histoire de la colonie. La même interprétation se justifierait par le titre d'a{dlector) ferrari(a}rum donné à un autre personnage sur l'une de nos inscriptions (2) et peut-être aussi par le mot gutuatr… de l'inscription suivante trouvée à Macon et qu'a donnée récemment M. Marcel Canat, dans les Mémoires de la Soc. d’hist. et d'arch. de Châlon-sur-Saône (tome 111, 2° partie, p. 268, en note) : Sulp. m. fil. galli omnibus honoribus apud suos funct'uvir q flaminis aug. p… ogen dei moltini gutuatr… mart VI cui ordo quod rsset civ.. optimus et innocentissimus statuas publi. ponendas decrevit On voit, par notre épigraphe, que l’un des‘fils du préfet de la colonie, nonnius ferox avait été flamine et deux fois duumvir. Les autres enfants (liberos) du défunt avaient-ils rempli aussi des fonctions publiques? question qui éveille la cu- riosité et fait désirer vivement que des recherches fassent découvrir les dernières lignes de l'inscription qui, probable- ment, nous fourniraient encore d’intéressantes notions sur la colonie. Quant à la date du monument, nous sommes porté à l’attribuer approximativement à la première moitié du 111° siècle, comme (4) On à proposé de lire gufuater (narum), leçon qüe noùs nè croÿons pa8 plausible ; cette forme du nom aurait nécessité l’abréviation : gutuaternar..…. (2) Les Origines de la ville du Puy, p. 34% JUIN. 1495 le laisse supposer l'orthographe fautive du nom nonnius au lieu de nonius, les formes épigraphiques de certaines lettres et peut- être aussi le mot quiesco, qui amena l'emploi de requiesco, comme on le voit par l'inscription suivante qui, d’après la men- tion des consuls, est de l’an 492 : in hoc tumulo requiescit bone memoriæ ursus qui vivit in pace annus XL obiel 11 non marcias p. c. anastasi et rufi vvcc (Comarmond. Catal. du musée de Lyon, p. 139). Au xvi* siècle, notre inscription devait être, en partie, exposée aux regards dans le mur où nous avons eu l’heureuse chance de la retrouver sous le erépi. Mais alors la portion la plus impor- tante du texte étant cachée derrière un pilier du clocher, l'inscription était à peu près inintelligible. Aussi notre chroni- queur Médicis, désespérant de la lire, n’en à äonné, pro- bablement de souvenir, que les sept mots suivants, coupures fai- tes en quelque sorte au hasard, et dans l’une desquelles l’a- bréviation nonn est fautivement écrite nonne : ferrari argutu qui antequam hic nonne ferocem. Ils sont reproduits dans son manuscrit, non en lettres capitales, comme sur les épigra- phes lapidaires, mais en cursives, et ce lambeau d'inscrip- tion dénaturée de toutes facons, il le qualifie de « vers escripts, dit-il, sous le‘grand clochier. » Dès lors on s'explique pourquoi cetle indication, si vague et on ne peut moins précise, n'avait éveillé chez personne l'i- dée d’une inscription gallo-romaine. Cependant nos historiens se sont beaucoup servis de Médicis et se sont livrés, comme nous, à un examen approfondi de ses Chroniques, en par- ticulier le P. Gissey et MM. Mandet et Montlezun. Ces écri- vains ont pu très-bien ne voir dans cet extrait informe d'épigra- phe, tel que le donne Médicis, qu'un fragment insignifiant d'inscription du moyen-âge écrite ou peinte sur un mur, à demi-effacée plus tard, semblable à celle qui est également écrite ou peinte sous le vestibule du For. Telle fut du moins notre im- pression à la lecture de Médicis. Nous regretterions donc qu'on nous attribuât, à tort, le mé- rite d'avoir eu, par cette découverte effectuée à l’aide d’un Si vague indice, une perspicacité bien rare, puisqu'elle aurait 1496 RÉSUMÉ DES SÉANCES. fait défaut à tous nos devanciers. Une simple application de la méthode déducetive, que nous ne cesserons de recomman- der aux explorateurs, nous a, seule, guidé pour la mise au jour des antiquités parmi lesquelles s’est trouvée cette grande et remarquable inscription. Qu'il nous soit permis d'ajouter que, par le même procédé de recherches, nous avons découvert de- puis lors d’autres antiquités lapidaires et que nous espérons en trouver encore, si l’on veut bien nous seconder dans ces in- téressantes explorations. NOTE C. Explication d'un passage de Grégoire de Tours, relatif à la ville du Puy. Grégoire de Tours, le plus ancien historien qui mentionne notre localité, la signale au chapitre xxv, livre x de son Histoire des Francs, dans un passage dont l'interprétation a fait naître, chez différents écrivains, de notables divergences d'opinions. Cependant le texte qui s’y rapporte, examiné atten- tivement dans tous ses détails, nous a paru empreint de pré- cision et de clarté. Il faut croire aussi que l’auteur, né en Auvergne et qui, dans son livre Des miracles de saint Julien, chap. 11, se qualifie « élève de saint Julien » de Brioude (ville aujourd’hui comprise dans notre département), devait connaître un lieu rapproché de son pays, qu'il avait pu visiter et où s'était accompli, de son temps, un fait remarquable. Mais il était difficile aux auteurs qui ont commenté ce texte, de pénétrer le sens exact des expressions relatives à la loca- lité, avant que les découvertes successives et de plus en plus concluantes d’antiquités lapidaires, trouvées au Puy, y eussent démontré l'existence d'une ville aux temps de la domination romaine et eussent révélé, en outre, le degré d'importance de la même localité, comme siége épiscopal dans le cours du vi: siècle. JUIN. 497 Un extrait du chapitre xxv, tel que l'ont donné ces auteurs, serait insuffisant pour que le lecteur pût apprécier toute la portée de ce précieux document au point de vue qui nous occupe ; une traduction pourrait en altérer le sens ; on nous permeltra donc de reproduire le texte original, dans lequel seront écrils en itulique les mots qui méritent une mention particuiière (1). « Atin Gallis massiliensem provinciam morbus sepe nominatus invasit : Ande- » gavos , Namneticos atque Cenommannicos valida fames oppressit. Initia » sunt enim hæc dolorum juxta illud quod Dominus ait in Evangelio, » erunt pestilentiæ et fames, et terræ motus per loca : et exurgent pseu- » dochristi et pseudoprophetæ : et dabunt signa et prodigia in cœ@io, » ita ut Electos nerrorem mittant. Sicut præsenti gestum est lempore. Quidem » enim ex Bilurico, ut ipse postmodum est professus, düm saltus silvarum » ingressus, ligna cæderet ad explendam operis cujusdam necessitatem, muscarum » eum circumsedit examen, quà de causà per biennum amens est habitus: » undè intelligi datur diabolicæ emissionis fuisse nequitiam. Post hæc transactis » urbibus propinquis, Arelatensem provinciam adüit: Ibique indutus pellibus, » quasi religiosus orabat : ad quem inludendum pars adversa, divinandi ei tribuit » facultatem. Ex hoc, ut in majori proficeret scelcre, commotus aloco, Provinciam » memoralam deserens, Gabalilanæ regionis terminum est ingressus , proferens » se magnum, ac profiteri se non meétuens christum, adsumtà secum muliere » quadam pro sorore , quam Mariam vocitari fecit. Confluebat ad eum multitudo » populi, exhibens infirmos , quos contingens sanitati reddebat. Con‘erebant ei » aurum, argentumque, ac vestimenta, ji qui ad eum conveniebant. Quod ille, quo » facilius seduceret , pauperibus erogabat, prosternens se solo, effundens ora- » tionem cum muliere memoratà, et surgens , se iterum à circumstantibus adorari » jubebat. Prædicebat enim futura, et quibusdam morbos, quibusdam damna pro- » venire denunciabat, paucis salutem futuram. Sed hæc omnia diabolicis artibus » et præstigis nescio quibus agebat. Seducta est autem per eum multitudo im- » mensa populi, et non solum rusticiores, verum etiam sacerdotes ecclesiastici. » Sequebantur autem eum amplits quam tria millia populi. Interea cæpit quos- » dam spoliare ac prædari quos in itinere reperisset : spolia tamen non » habentibus largiebatur, Episcopis ac civibus minas mortis intentabat , eù (4) Nous empruntons ce texte à l'édition des Œuvres de Grégoire de Tours, par Dom Ruinard, 1699, col. 518 et suiv. 198 RÉSUMÉ DES SÉANCES. » quod ab iis adorari despiceretur. Ingressus autem vellavæ urbis lerminum , » ad locum quem Anicium vocitant, accedit et ad basilicas propinquas cum omni » exercilu restilit, instruens aciem, qualiter Aurelio ibidem tunc consistenti » episcopo bellum inferret, mittens etiam antè se nuntios, homines nudo corpore, » saltantes atque ludentes, qui adventum ejus adnuntiarent. Quod s{upens » episcopus, direxit ad eum viros strenuos, inquirentes quid sibi vellent ista quæ » gereret. Unus autem ex is qui erat senior, cum se inclinasset quasi oscula- » turus genua ejus., ac discussurus viam illius , jussit eum adprehensum spoliari : » nec mora, ille evaginato gladio in frusta concidit, ceciditque christus ille, qui » magis Antichristus nominari debet, et mortuus est: dèspersique sunt omnes qui » cum ec erant. Maria autem illa, suppliciis dedita, omnia fantasmata ejus ac » præstigias publicavit. Nam homines illi quos ad se credendum diabolica cir- » cunventione turbaverat, nunquam ad censum sunt regressi : sed hunc semper » quasi Christum, Mariam autem illam jartem deitatis habere p:ofitebantur. Sed » et per totas Gallias emerserunt plerique, qui per bas præstigias adjungentes sibi » mulierculas quasdam, quæ debacchantes sanctos eos confiterentur, magnos se in » populis præferebant : ex quibus nos plerosque vidimus, quos objurgantes revo- » Care ab errore nisi Sumus. Avant d'entreprendre l'examen de ce texte, il convient de rappeler que le fait historique qu'il relate se rapporte à l'an 591. à L'attention tout d’abord est frappée par le passage suivant : « Ingressus vellavæ urbis terminum ad locum quem Anicium » vocitant, accedit, » qui, traduit, littéralement et suivant l’ac- ception ordinaire des mots wrbs et locus, signifie : « Etant entré » dans les limites de la ville vellave, il s'approcha du lieu qu’on » appelle communément Anicium, » c'est-à-dire, sans doute, de Ja partie de cette ville dite Anicium. Nous réservant de produire plus loin les données qui sont fa- vorables à cette dernière interprétation, exposons toutes celles émises depuis le P. Gissey, le premier parmi les annalistes de notre ville, qui a signalé ce chapitre de l'Histoire des Francs. La traduction qu’en donna cet auteur, en 1620, dans la première édition de son Histoire de Notre-Dame-du-Puy, mentionne le passage en ces termes : e … il (le faux prophète) se vint parquer » au pays de Velay, devant la ville que l’on appelle Anis ou le » Puy. » Divers auteurs et traducteurs, entr'autres l'abbé Le- JUIN. 199 beuf 1), Arnaud (2), Sauvigny (3), et MM. Guadet et Taranne (4) ont suivi plus ou moins le même sentiment, donnant aux mots urbis vellavæ la signification de pays de Velay, et à locus, les uns l’acception de ville, d’autres le sens de lieu. M. Mandet (5), sans se prononcer positivement sur le sens du mot wrbs qu'il traduit par cité des Vellaves, également applicable au pays et à la ville capitale, interprète locus par le mot lieu. Les auteurs des deux premières publications du Gallia chris- tiana, Claude Robert en 1625 (page 451) et les Sainte-Marthe en 1656 (tom. 111, p. 909), avaient été moins “explicites. Ils s'étaient bornés à commenter le passage de Gregoire de Tours en ces termes : « Anicium autem Gregorius Turonensis vocat » locum urbis vellavæ, » nous laissant ainsi dans le doute sur les acceptions qu'ils avaient voulu donner aux mots locum et urbis vellavæ. Nous étions, nous-même, enclin à accepter la traduction proposée par le P. Gissey, en nous fondant, à l'égard du locus considéré comnie ville, sur les nombreux témoignages lapidai- res qui, à notre avis, ne laissent aucun doute sur lexistence d’une population urbaine plus ou moins importante au vi* siè- cle, et antérieurement pendant l’époque gallo-romaine. L'interprétalion d’urbs, dans le sens de ferriloire ou pays, pouvait aussi se justifier par des exemples plus ou moins rares, entre autres par celui-ci emprunté à Grégoire de Tours : Virontia locus uwrbis Viennensis (His!. Franc. 111, 6). Mais nous croyons que, dans ce même chapitre xxv, Gregoire de Tours à voulu préciser lui-même le sens qu'il attache aux mots vellavæ urbis. En effet, ayant à parler d’un pays, celui des Gabales, dans lequel (4) Hist. de l'Ac. des inser. et bel.-lettres, édit. in-4°, an 1759, p. 146. (2) Hist. du Velay, 1816, tom. I, p. 35. (3) Traduction de Grég. de Tours, 1787, in-4°, tom. II, p. 161. (4) Hist. des Francs. (Traduction publiée par la Société de l'Histoire de France , 1838). (5) Ancien Velay, p. 145. 200 RÉSUMÉ DES SÉANCES. était entré le faux prophète, il dit : « Ingressus gabalitanæ regionis terminum, » tandis que pour notre localité, et tout en reproduisant le même tour de phrase, il s'exprime ainsi: « Ingressus vellavæ wrbis terminum. » N'est-il pas évident que s’il avait voulu désigner ici le pays vellave, il aurait employé également le mot regionis au lieu d'urbis? S'il ne l'a pas fait, c’est que cette dernière locution avait pour lui un autre sens, celui de ville vellave. Ce rapprochement est, à notre avis, im- portant et concorde d'ailleurs avec le texte si précieux de l'épitaphe de saint Scutaire, sur laquelle cet évêque de notre ville est qualifié « hujus urbis episcopus, » expressions qui nous ramènent à la signification qu'avait eue au vi* siècle le mot urbs (ville) appliqué à la localité (1). La traduction de locus, dans l'acception de ville, soulève, d’ailleurs, une grave difficulté qu'a très-judicieusement signa- lée un paléographe distingué, M. Alfrel Jacobs (2) en disant « qu'il y aurait emploi abusif du mot locus pour désigner une » ville épiscopale; fait exceptionnel même dans la langue irré- » gulière de Grégoire de Tours. » Nous rangeant à l'avis d’une aulorité si compétente, nous croyons donc qu'il faut assigner à cette expression un autre sens. Quant à l'interprétation des mots urbis vellavæ auxquels conviennent si bien ceux de ville vellave, elle avait semblé très-plausible aux bollandistes (3), d’après le texte de Grégoire de Tours, qui nous apprend que le siége épiscopal, au temps d'Aurèle, était établi à Anicium « Aurelio ibidem tune consis- » tenti episcopo. » Ils admettent donc que l'urbs vellava était bien notre ville, devenue alors « capitale du pays de Velay. » A) On verra plus loïn que nos évêques ont dû constamment se qualifier du nom de la ville épiscopale -et non de celui du pays, et que, par conséquent, le mot wrbs ne saurait avoir ici d'autre signification que celle de ville. (2) Géographie de Gregoire de Tours, 1858, p. 84. (3) Acta sanctorum, 4% februarius, t. 1, 4658. C’est aussi dans le sens de ville capitale des Vellaves que MM. Quicherat et Davelny ont traduit wrbs vellava. (Dictionnaire latin-francais, 1858 ) JUIN. 201 Toutefois, il y avail à résoudre également la question du locus, et celle-ci soulevait une difficulté : dans des docu- ments à la vérité postérieurs, le vocable anicium s'applique non à une partie de la ville, mais à la cité tout entière, et dès lors il devait paraître presque impossible de concilier cette donnée avec le texte si positif de Grégoire de Tours qui, en admettant qu'urbs vellava était la ville, laissait supposer qu'Anicium en aurait été seulement une partie. Les bollandistes ne pouvaient résoudre cette question dont les éléments au- jourd’hui connus, leur faisaient défaut. Ils l'ont éludée, en ajoutant à la mention de l’urbs vellava comme capitale : « appelée par d’autres Anicium, de la colline d’Anis, sur la- » quelle cette ville est située. (Aliis Anicium dicta à clivo aut » colle Anicio in quo sita est.) » Après ces auteurs, la question restait donc encore à décider, au moins en ce qui concernait la signification de Zocus. En 1665, le P. Le Cointe (1) émet une autre opinion, complè- tement différente des précédentes. Il suppose que les mots vellavæ wrbis s'appliquent à l’ancienne capitale des Vellaves, aujourd'hui Saint-Paulien, et anicium à la nouvelle ville épis- copale où saint Vosi (bien avant Aurèle) avait transféré le siéce; mais cet auteur n’essaye pas de résoudre la question que soulevait le mot locum qui, dans son hypothèse, aurait été appliqué ici à la ville épiscopale. Adrien de Valois (2) essaie de trancher la difficulté. A Ja vé- rilé, il reconnaît avec les bollandistes que vellavcæ urbis exprime la ville capitale des Vellaves: mais il résulterait, à son avis du passage de Grégoire de Tours, que cet historien aurait men tionné Anicium « comme un lieu différent de la ville vellave. « » (Certè Anicii Gregorius meminit tanquam loci à civitate vel- » lavâ differentis), » et il ajoute : « Evidemment Grégoire dis- » tingue la ville vellave, c’est-à-dire Revession (Saint-Paulien) (1) Annales ecclesiastici, t, 1, p. 239. (2) Notitia galliarum, 1675, p. 589, 202 RÉSUMÉ DES SÉANCES. » ou la cité des Vellaves, d’Anicium où l'évêque des Vellaves » résidait alors comme dans une place (castrum) de son diocèse. » Mais, ajoute-t-il, au temps de Grégoire, le siége épiscopal » n'était pas encore à Anicium, car cet historien, si la capitale y » eutétéfixée, l'aurait appelée civitas, urbs, ou oppidum, etnon, » comme il le fait, Zocus. » D'où il conclut aussi que la transla- tion du siége épiscopal de la cité des Vellaves (Saint-Paulien) à Anicium serait postérieure à Aurèle. Mais les expressions formelles de Grégoire de Tours : « Tune » ibidem consistenti episcopo » prouvent, comme il a été dit, que le siége épiscopal était fixé à Anicium, au moins depuis quelque temps. D'un autre côté, l'emploi du mot locus n’a rien d’extraordinaire dans ce texte, si l’on admet, comme il sera possible de le prouver, qu'il s'applique à une partie de la ville vellave. D'ailleurs, l'itinéraire que Grégoire de Tours fait suivre au faux prophète s'oppose à l'hypothèse d’Adrien de Valois. On voit, en effet, que cet imposteur se rend d’abord dans la pro- vince d’Arles (arelatensem provinciam adiit.) Il entre ensuite dans le pays du Gévaudan (ex hoc... gabalitanæ regionis termi- num est ingressus), et comme il ambitionne surtout d'être reconnu Christ et adoré par les évêques et les citoyens, me- nacant de mort ceux qui s'y refusent (profiteri se non me- tuens Christum... episcopis ac civibus minas morlis intentabat eù quod ab iis adorari despicerelur), il doit, sans aucun doute, aller droit vers l'évêque , à Anicium. Or, Saint-Paulien est situé à quatorze kilomètres du Puy, et au nord de cette ville, c’est-à-dire à l'opposé de la route du Gévaudan au Puy; le faux prophète n'avait évidemment aucun motif pour se détourner ainsi de son chemin, alors qu’il avait plutôt intérêt à surprendre l’évêque par une marche directe et plus ou moins rapide. Il est donc impossible d'admettre, comme le veut Adrien de Valois, que l’urbs vellava soit Saint- Paulien. Nous ne réfuterons pas autrement l'opinion de Dom Ruinart (1) 4) Sti. Greg. turonensis cpiscopi opera omnia, 1699, col. 519. JUIN. 205 qui, acceptant de confiance, sans doute, celle d’Adrien de Valois, se borne à dire que, dans le passage de Grégoire de Tours, l'urbs vellava est distincte d'Anicium, assertion que Dom Bouquet (1) répète dans les mêmes termes; ce qu'ils ajoutent, d’ailleurs , au sujet d’Anicium et de Revession n’ayant trait que très-indirectement à la question. 11 paraît que d’An- ville (2) avait partagé aussi le sentiment d’Adrien de Valois, d’après ce qu'il dit brièvement que vellava urbs est la même ville que Revession ou Saint-Paulien. A son tour, Denys Ste-Marthe (3), peu satisfait sans doute des explications données par ses prédécesseurs, soumet de nou- veau la question à un examen critique. « Tout en suivant, » dit-il, l'opinion commune, » d’après laquelle, au temps d’Au- rèle, le siége épiscopal aurait été déjà établi à Anicium, il ne la regarde pas comme absolument certaine. « On peut objecter , » ajoute-t-il, qu'Anicium n'était pas ville episcopale. » Et citant le passage, il dit, sans doute d’après la mention du mot locus, que « Grégoire de Tours n'aurait pas parlé ainsi d’une » Ville épiscopale. Peut-être, ajoute-t-il, saint Vosi devrait-il » être placé après saint Aurèle. On n’a rien de certain, en effet, » jusqu’à Aurèle, sur la chronologie des évêques. D'un autre » côté, Grégoire de Tours dit très-clairement qu'Aurèle avait alors son siége à Anicium. Cette localité n'était peut-être alors » qu'un castrum plus fortifié par son site que par l’art, lequel » n'élail pas encore devenu une grande ville, parce que le siége épiscopal y avait été récemment transféré. » Mais à ces observations qui trabissent, d’ailleurs, les hésita- tions de leur auteur, nous répondrons encore, qu'aujourd'hui les monuments lapidaires de l’époque gallo-romaine et ceux ÿ È4 (1) Recueil des historiens des Gaules et de La France, 11739, t. 9, p.380. (2) Notice de l'ancienne Gaule, tirée des monuments romains in-4°, 4760 p. 545. Walckenaer (Géog. anc., hist., et comparée des Gaules, 1839, t.1 p. 344) a suivi le même sentiment, sans essayer de l’établir par des preuves. (3) Gallia christiana, éd. de 1720. t. 2, p. 689. , 204 RÉSUMÉ DES SÉANCES. des v® et vi° siècles, aussi bien que nos monnaies mérovin- giennes et les avantages incontestables d’un site si bien approprié à l'existence d'une ville, en éveillant l’idée d'une population depuis longtemps permanente, excluent la pensée d’un simple castrum tout au plus fortifié par sa situation au sommet d’une colline. La cité devait donc avoir, à l’époque d’Aurèle, toute l’impor- tance que lui donnait son titre de siége épiscopal, titre que Sainte-Marthe lui reconnaît positivement d’après les paroles de Grégoire de Tours. Cette importance que le mot locus ne pouvait traduire, se révèle, en effet, dans les mots vellaveæ urbis , expressions au sujet desquelles il faut regretter que Sainte-Marthe ait oublié de s'expliquer. Sur ce point, les savants auteurs de l'Histoire générale du Languedoc (1) n’ont pas hésité à traduire ces mots par « ville » de Velay, » qualification, toutefois, qu'ils attribuent à Saint- Paulien. Ils supposent « qu’à la fin du vi siècle, le siége épis- » copal n’était pas encore transféré au Puy, puisque Grégoire de » Tours, disent-ils, faisant mention du lieu d’Anis ou du Puy, le » distingue du siége d’Aurèle qu'il appelle évêque de la ville de » Velay, Vellavæ urbis episcopus. S'il était vrai, ajoutent-ils, » comme quelques-uns l'avancent (2), que l’ancienne Vellava et » Anicium ou le Puy fussent la même ville, cela lèverait toutes » les difficultés ; mais le P. Mabillon (3) a démontré que la ville » de Vellava est l’ancien Ruessium de Ptolémée, lequel prit » ensuite le nom de Vellava, à l'exemple des autres villes des » Gaules, qui empruntèrent les noms des peuples dont elles » étaient capitales. » Enfin, les mêmes auteurs laissent supposer que la ville de Vellava étant différente de celle du Puy, il s’ensuivrait que, pendant longtemps, « les évêques auraient » pris le titre du pays en général ow plutôt de la capitale, la » même que le lieu de Saint-Paulhan. » (4) Tome 1, note Lxxx, 1730. (2) Boll. 1 febr., p. 204. (3) Act, ss, Ben,, sæc. 4, part, 1, pe 759, JUIN. 205 On voit que les historiens du Languedoc partagent l'opinion d’Adrien de Valois que nous croyons avoir réfutée. Répondant aux bollandistes dont nous avons déjà fait connaître le senti- ment, et qui pensent que vellavæ wurbis peut s'appliquer à notre ville, ils leur opposent l'autorité de Mabillon qui aurait, disent-ils, « démontré que Vellava est l’ancien Ruessium de Ptolémée. » Mais il est évident que ces auteurs se sont mépris sur le sens de la dissertation de Mabillon , lequel ne fait aucune allusion au passage de Grégoire de Tours, et ne mentionne nullement le vellava urbs du vi* siècle; Mabillon n'ayant voulu prouver qu'une seule chose, à savoir : que les mots Vetula civitas Vellavorum, cités dans deux anciennes chroni- ques , se rapportent non à la ville du Puy , mais à St-Paulien qui, au temps de la domination romaine, avait été la civitas Vellavorum. A l'égard de la qualification d'episcopi vellavenses, que portaient autrefois nos prélats, si nous démontrons que la ville du Puy avait, au vi* siècle, le titre de vellava urbs ; il en résultera que cette appellation de notre ville devait avoir motivé celle des évêques. Nous sommes donc amené, par l'exclusion successive des interprétations proposées jusqu’à ce jour, à prendre en sérieuse considération la plus simple, c'est-à-dire celle que nous a donnée, dès le début de cette note, la traduction absolument lit- térale du passage de Grégoire de Tours. Toutefois, nous avons à réfuter certaines objections dont nous n’avons pas encore abordé l'examen et qui se résument dans les questions suivantes : 1° Comment l'appellation d'Anicium , sous laquelle la ville fut connue à une époque du moyen-âge, n’aurait-elle été usitée en 591, que pour une partie de la ville? Et comme corollaire de cette question, locus peut-il être pris dans l'acception de partie de ville ? 2 Quelles raisons portent à croire qu’à la fin du vi® siècle, la ville aurait été appelée wrbs vellava, dénomination qui, au premier aspect, semblerait applicable à l'antique cité des Vel- laves, Revession, aujourd'hui Saint-Paulien ? 1° Nous n'avons, ilest vrai, pour le premier point, que des 206 RÉSUMÉ DES SÉANCES. probabilités ; mais elles sont fondées sur des raisons dont nous espérons qu'on voudra bien ne pas méconnaître l’impor- lance. D'abord rien ne démontre qu’au vi siècle la ville entière s'appelât Anicium, ce qui laisse pour cette époque le champ libre aux conjectures. On sait également que, dans la plupart des cités d’origine antique , existait un lieu privilégié, comprenant, dans une enceinte particulière de murailles, lé- glise cathédrale, la maison épiscopale el la demeure des auto- rilés. On lui donnait différents noms, entre autres celui de Castrum. Dans quelques villes on l’appelle encore la cité. C'était peut-être aussi cet arx qu'au même siècle le grammairien Priscianus définissait par ces mots : « Locus munitissimus urbis, » Ce lieu, le plus fortifié, pouvait avoir un nom qui le distinguàt des autres Zoci ou wvici de la ville. A cet égard , l'exemple le plus remarquable est celui que fournit la capitale d’un pays voisin, Clermont, dont le vocable actuel ne désignait, en 761, d'après le quatrième conti- nuateur de Fredegaire (1), que le castrum situé sur la hauteur, tandis que la ville toute entière s'appelait wrbs arverna. Le texte qui le relate est trop précieux comme comparaison avec celui de Grégoire de Tours qui nous concerne , pour nous abstenir de le citer : « Pippinus rex... usquè wrbem arvernam » cum omni exercitu veniens, claromontem castrum captum » atque succensum bellando cepit. » Le nom d'urbs arverna disparut plus tard, et le castrum finit par imposer son nom de Claromons, Clermont à toute la ville (2). () Opera omnia S. Gregor. Turon., édit. de D. Ruinard, col. 695, 1689. (2) M. Eugène de Rozière, dans une note de son important Recueil général des formules usilées dans l'empire des Francs du ve au xe siècle, 4859 (re parie, p. 490 et 491), a fort bien démoniré, d’après l'une de ces formules, que déja, en 532, le nom clarusmons ou claremons S'appliquait au castrum dominent la ville etlui servant de citadelle, tandis que la ville proprement dite s'appelait depuis un certain temps wrbs ou civilas arvernorum ou simplement arverni. La JUIN. 207 Il est impossible de ne pas remarquer les conformités qui, dans notre hypothèse , apparaissent entre cette cité et la nôtre : le castrum représenté ici par le locus ; ce locus (munitissimus urbis), assis également sur une éminence (le mont Anis), entouré d’une cein!ure de murailles (les fouilles du For en ont montré des restes) comprenant, dans son enceinte for tifiée, la cathédrale, la maison de l’évêque et d’autres édifices (1); chez nos voisins, ce castrum appelé Claromons et la ville urbs arverna, chez nous le lieu nommé Anicium et la ville urbs vellava (2). Enfin, comme conséquence de ces curieuses analogies, n'est-on pas en droit de conjecturer qu'Anicium , d'abord castrum, point principal de la cité, aurait ensuite , comme chez les Arvernes, imposé son nom à toute la ville ? A cette question notre réponse ne saurait être qu'affirmative. concordance entre le passage de Grégoire de Tours, relatif à notre ville, et la citation que nous fournit la foxmule citée par M. de Rozière est d’eutant plus frappante que l’un et l'autre texte se rapportent au même siècle (le vr°). (4) C’est dans ce lieu de la ville, sans doute, qu'étaient frappées les mon naies d'or mérovingiennes au nom d'Anicio, dont nous connaissons plusieurs variétés. (2) Au moyen-àge, Le lieu fut agrandi et fortifié par d’autres murailles dont il subsiste d'importants vestiges : on le nommait claustrum ou la claustra. Théodore (Hist. ang. de Notre-Dame du Puy, 1693, p. 174) dit qu'il s'ap- pelait autrefois Ze bourg (Burgus). Nous essayerons d'établir, dans un autre travail, que la même partie de la ville est désignée sous cenom de Burgus dans deux chartes, l'une du roi Raoul, de l'an 993, (burgum adjacentem ecclesiæ), l'autre du roi Lothaire, de l'an 955; tandis que la ville est appelée urbs dans une charte du même siècle (265) : Propé urbem aniciensem. Gissey. Loc. citato, p. 255. Un autre texte, presque contemporain des précédents, cité par Gissey, en parle comme d'une ville illustre et populeuse : « Profecti sunt nuper quidam ex nostris andegaviensibus orat onis gratia ad illustrem et populosam illam wrbem. » « La présence d'une enceinte intérieure, outre l'enceinte générale de la ville, a dit M. Reymond Bordeaux, caractérise la plupart des villes épiscopales d’origine romaine. » Bulletin mon. 1855, p. 257. La ville du Puy avait aussi deux enceintes : l'une intérieure (celle du cloître), l'autre générale (celle de toute la ville). 208 RÉSUMÉ DES SÉANCES, Mais, dira-t-on, locus peut-il, dans une de ses nombreuses acceptions, désigner un point d'une ville? à quoi de savants lexicographes répondent, en effet, que parfois ce mot signifie une partie d'un fond, d'un édifice, etc. : « Strictè loquendo locus non est fundus , inquit , Ulp. dig. 50, 16, 60, sed pars aliqua fundi.. locus certus ex fundo possideri potest. Ulp. ib. 8, 5, 2, per ea loca fundi per quæ, etc... primus locus œdium, ap. nep. præf. 6, est quod aliàs dicitur atrium (1). Un grammairien contemporain de Grégoire de Tours, Priscianus, nous apprend également , comme nous lavons dit, que l'arx, la citadelle, était un locus de ville, de même qu'Anicium farx ou bien castrum), locus, lieu de la ville vellave. On s'explique ainsi l'emploi de cette expression dans nos documents du moyen-âge, pour désigner un point quelcon- que de notre ville. Cette acception de locus était même entrée profondément dans les habitudes du langage et devait, sans doute, remonter à une époque plus ou moins reculée, car plusieurs parties, rues et places de la cité sont encore appelées ainsi dans un « terrier de 1313, en faveur de Bernard de Castanet, évêque du Puy (1); » tels sont entre autres : locus in Rochataillada, locus de Chesia, locus de Segureto , locus a Monfarnos, locus de Peyrapessada, locus de Monpeyros, locus a Martoret, locus al €lauso, locus de Doleso, locus in Plano deus lops, etc. 2 11 nous reste à examiner une autre question, celle de sa- voir si la cité a pu avoir le titre d'urbs vellava. Comme nous l'avons fait pour la première, disons d’abord qu'il n'existe aucun texte établissant qu'il y eût ailleurs, au vie siècle, une ville appelée urbs vellava. Ici encore le champ reste done ouvert aux suppositions. (4) Totius latinitatis lexicon consilio et eura Jacobi Sacciolati opera et studio ægidii forcellini alumni seminarü patavini lucubratum. Lipsiæ, 4835, au mot /ocus. (2) Arch. départementales, JUIN. 209 Avant d'aborder notre sujet, quelques apercus sont né- cessaires. On sait qu’à partir du y1° siècle, les documents de l'antiquité signalent la capitale gallo-romaine des Vellaves qui, d'après la concôrdance des textes historiques et lapidaires, occupait l'emplacement du bourg actuel de Saint-Paulien. Ptolé- mée , géographe trop laconique, qui ne donne le plus souvent, pour la Gaule, que les villes capitales, fait connaitre celle-ci, vers l'an 175, sous le nom de Povecoroy, appellation analogue à celle de Revession, qui figure sur la carte de Peutinger, et qui, placée entre Zcidmago (Usson) et Condate (Condres), sur une voie romaine dont les restes existent encore, indique bien la situation de Saint-Paulien ; les colonnes itinéraires de la voie qui , suivant un usage caractéristique des capitales , offrent l'énoncé des distances marquées à partir de cette ville, ces colonnes qui portent les noms des princes restaurateurs de la route : Sev. Alexandre, Maximin et Philippe (l'an 222 à 249), lui donnent le titre de civit{as) Vell{avorum, ; une inseription dédiée à l'impératrice Etruscila (249 à 251) et trouvée à Saint-Paulien, qualifie la même ville de civitas Vellav{orum) libera ; peut-être même est-ce à cette cité que se rapporte encore la mention de civitas Vellavorum qu'on trouve au commencement du v° siècle, dans la Notitia provin- ciaruwm et civilatum Galliæ (1). (4) Une observation est indispensable au sujet de la carte éinéraire, dite de Peutinger, qui mentionne Revession. Cette carte, dont nous considérons le texte primitif comme pouvant avoir été rédigé sous le règne de l'empereur Au- guste, ne fait connaître, par aucun énoncé ou signe quelconque, que cette station eût alors le titre de capitale. On remarquera même que le nom de Revession west pas accompagné du signe (deux tours accolées) qui distingue, sur ce document, le plus grand nombre des villes principales. Cette rai- son, corroborée par bien d'autres, nous fait penser qu'à cette époque la capitale des Vellaves pouvait être ailleurs qu'a Revession. Il est très-essentiel de faire observer que ce document, au moins en ce qui concerne la Gaule, n'est pont, à proprement parler, une carte géographique cest simplement une carte de quelques-unes des voies ouvertes par les Romains TOME XXI. 44 210 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Pendant ou peu après le v° siècle (nous nous réservons de mieux préciser un jour cette date), la capitale fut transférée dans notre ville, comme le furent, dans deux pays limitrophes — Chez les Gabales et les Helviens — Par suite des invasions des barbares , la civitas Gabalorum, de Javols à Mende, et la civitas Albensium, d'Alba à Viviers. Cet évènement fit perdre à l'antique cité des Vellaves, avec son titre de capitale, très-probablement son nom de civitas Vellavorum , qu'elle ne tarda pas, sans doute, à remplacer par celui de civitas Vetula, que lui donnent de très-anciens docu- ments. Or, l'usage presque général de désigner ainsi, par le nom du pays, la ville capitale (1), usage qui, en 591, pouvait remonter à trois ou quatre siècles, était si fortement établi dans la Gaule, qu'il suivait, nous le croyons, les capitales dans leur transfert d'un lieu à un autre. On voit même des capitales, qui avaient conservé leur vocable primitif , le transmettre aux villes qui leur succédaient au même titre. Un pays limitrophe, celui des Helviens en fournit un curieux exemple : on sait que Vivarium (Viviers) remplaca Alba Augusta (Aps) après la ruine de cette dernière ville par les Vandales, et dès lors on l’appela souvent Albaricum et même A/ba. De là aussi ses évêques furent qua- lifñiés episcopi albenses, pour ne s'appeler que plus tard epis- copi vivarienses (2). Il n'est done pas invraisemblable de supposer que notre ville en Gaule. On n'y a mentionné, à l'égard des lieux habités, que les villes, stations ou étapes existant sur ces-routes ; il ne faudrait donc pas conclure, de ce que notre ville n'y figure pas, qu'elle n'existait point à l'époque où fut dressée la carte; le seul fait qui en résulte c’est que l'étape de Revession se trouvait sur une voie qui conduisait de Lyon en Aquitaine, €t sur un point où, dans notre opinion, aurait été établie un peu plus tard la capitale des Vellaves. (4) Voyez à ce sujet un savant travail de M. F. Bourquelot, sur la transfor- mation des noms de villes gauloises pendant la domination romaine, dans les Mémoires de la Société des antiquaires de France, 1857, p. 415. (2) Claude Robert, Gal. christ, . 514, OL ENT JUIN. 211 eût recu le titre d'urbs Vellava et même celui de civitas Vella- voruwm qui, avant la translation de la capitale, appartenait à Saint-Paulien ; on jugera peut-être comme nous, qu'elle le recut effectivement, si l'on veut avoir égard aux données sui- vantes : On connaît une monnaie mérovingienne (triens d’or) que nous avons classée à la deuxième moitié du vi‘ sièele (1), et qui porte en légende : Vellavo ou Vellavos, et au revers le nom du monétaire Dagomares. Il est très- probable que l’ethnique Vellavos est celui de notre ville (2). On est d'autant plus porté à le croire que nous avons un autre triens à peu près contemporain au nom d'Anicium, avec la même signature de monétaire : Dagomares (3). Il serait possible également qu'on dût attribuer à notie cité le triens suivant, dont la légende offre la va- riante Vellao avec le nom ÆEsperio du monétaire (4). (1) Les Origines de la ville du Puy. — Comptes-rendus du Congrès scientifique de France, tenu au Puy en 4855, t. 11, p. 491. — Ce triens, qui fait partie de la collection de M. Bouület, de Clermont, à été publié par cet auteur dans la Revue numismatique, 1836, pl. xr. Voir aussi le Catalogue des monnaies méro- vingiennes, par M. Cartier, mème revue, 1840, p. 223. (2 M. Bourquelot (Doc. relat. à la géogr. de la Gaule ; Mém. de la Société des antiq. de France, 1851, p. 987) pense aussi que Vellavos désigne le Puy- en-Velay. (3) Les Origines de la ville du Puy, ibid, p 490. (4) Les Origines de la ville du Puy, ibid., p. 499, en note. Cette pièce, qui 212 RÉSUMÉ DES SEANCES. On lit dans la Vie de Louis-le-Débonnaire, par l’anonyme dit l'Astronome (1), que Charlemagne ayant nommé des comtes dans diverses villes, telles que Bourges (civitati Bilurigæ), Poitiers (Pictavis), Périgueux (Petragoricis), Clermont (Arvernis), Toulouse (Tolosæ) , Bordeaux (Burdegalis), Albi (Albigensibus), Limoges (Limovicis), désigna Bullus pour Vellagia (Vellavia). Il nous à paru qu'on pouvait traduire par des noms connus de villes, toutes ces appellations (2), et dès lors celle de Vellagia reyiendrait de droit à notre cité, d'autant mieux que les comtes se qualifiaient, à ce qu'il paraît, de noms de villes, comme on le voit d'après le quatrième continuateur de Frédegaire, par ce passage : « Blandinum comitem ipsius urbis arvernicæ » captum (3). » En ]1165, époque où notre ville avait déjà le nom de Podium, on trouve Guillaume VII, comte du Puy (4). Voici encore des textes qui confirment notre thèse. Gissey (5) cite le passage suivant de la vie de saint Mayol, par saint Odile, qui vivait aux x° et x1° siècles : « Orationis gratia, Vallavorum adiit civitatem quæ alio nomine dicitur Podium beatæ Mariæ. est au musée de Metz, a été publiée par Lelewel dans sa Numismatique du moyen-âge, tome 1, p. 72, pl. 1v, n° 81. (4) Dom Martin Bouquet, Rec. des Hist. des Gaules, t. NI, p. 88. (@) L'emploi du datif ou de l'ablatif pluriel, pour des noms de villes, n’a rien d'insolite : les noms successi's d'Amiens, d'après M. Bourquelot, furent : Sama- Tobriva, Samarobriva Ambianorum, Ambianorum, €t par contraction, Ambiani ou Ambianis qui a fait Amiens. « De la transformation des noms de plusieurs villes de la Gaule pendant la domination romaine » (Mém. de la Soc. mp. des antig. de France, 1857, p. A5. (3) C'est aussi l'opinion de l’un des auteurs de l'Encyclopédie moderne, 1851, au mot comle. Il cite à l'appui cet autre passage de Grégoire de Tours : « Ennodius gouvernait le duché de Tours et de Poitiers, et les comles des villes de Tours et de Poitiers obtinrent de Childebert d’être soustraits à son autorité. » (4) Hist. gén. du Languedoc, 1737, t. 1, p. 5. Par la même raison, nos vicomtes prirent le nom de Polignac, du lieu de leur principale résidence. (5) Hist. de Notre-Dame du Puy, dern éd. 1644, p. 249. JUIN. 2135 Le même auteur (1) relate « la vieille chronique de France » d'après laquelle les seuls évêchés dépendant de la métropole de Bourges étaient Clermont, Mende, Rhodez, Alby et Cahors. La chronique ajoutait qu'un septième évêché « en élait dès lors excepté, celui de Vellavie, qu'on appelle maintenant Le Puy de Notre-Dame » (exceptam Vallaviam quæ nunc Podium Dominæ nostræ dicitur). Ce document était fort ancien, « puis- que, ajoute Gissey, il ne fait aucune mention des évêchés de St-Flour, Vabres, Tulles et Castres, car St-Flour n'estoit qu'un priouré et les trois autres trois abbayes qui furent érigées en eveschez environ l'an 1317... » Ainsi nul doute : civitas Vellavorum et Vellavia avaient été synonymes de Puy, Puy-Ste-Marie, Puy-Notre-Dame. Enfin on se demande si le titre d’episcopi vellavenses, que portaient nos évêques dans les premiers siècles qui suivirent le transtert de l'évêché, ne rappellerait pas également l'un des plus anciens noms de la ville, l’urbs Vellava de Grégoire de Tours. Sur ce point, l'inscription tumulaire de saint Scutaire nous a déjà fait connaître que, avant l’épiscopat d’Aurèle, les évêques devaient avoir emprunté leur qualification, non à celle du pays, mais à la cité : Sepulcrum sancti ac beatissimi Scu- tarü hujus urbis epi(scopi) (2). IL est certain aussi qu'à toutes les époques où la ville à eu un vocable qu'il n'était pas possible de confondre avec celui du pays, nos prélats ont également été qualifiés du nom de la ville; ainsi: episcopi anicienses, puis podienses, aujour- d'hui, comme avant la première révolution, évêques du Puy. (4) Gissey , oc. citato, p. 142. (2) Arnaud. Hist. du Velay, 1816, t. 11, p 384; M. Mandet. Ancien Velay, p. 460; les Origines de la ville du Puy, loco citato , t. nn, p. 444 et 486; le mot sepulcrum est fréquent dans le langage de Grégoire de Tours, et l'on trouve aussi dans son livre 2x glor. confess., can. LxXX, la formule suivan'e : Sancli ac beatissimi Martini, employée pour un évèque, Cest-a-dre la même que sur notre inscription ‘ preuves de contemporanéité. 24 RÉSUMÉ DES SÉANCES, Parfois même et aux époques où il semble que la ville aurait eu deux ou trois noms différents , les qualifications épis- copales s’en ressentent et on a soin, dans les actes, de les mentionner toutes comme synonymes. Gissey, dans l'ouvrage que nous avons déjà cité (p. 240, 244, 336), signale des chartes royales aux dates de 924, 955 et 1134, dans lesquelles nos évêques sont appelés episcopi anicienses seu vallavenses. Il en est ainsi de l’église qui, d’après ce même auteur (p. 273), dans la bulle par laquelle, au milieu du xi° siècle, le Pape Léon IX accorda le pallium à l’évêque du Puy, est appelée : « Ecclesia aniciensis quæ et vallavensis seu Podium sanctæ Mariæ dicitur, » et ce n’est que par exception et très-rarement que nos évêques sont nommés Vallavorum episcopi, sans doute par imitation du titre de civitas Vellavorum, altribué également à la cité. La synonymie de ces appellations, aussi bien que l’ancien usage, au moins chez nous, de désigner l’évêque par le nom de la ville, autorisent done à supposer que le titre de vella- venses ou vallavenses episcopi, qui fut usité dans le cours de quelques siècles, avait été motivé par le nom même de la ville, Vellava wrbs, bien plus que par celui du pays (1). Nous croyons avoir répondu ainsi à toutes les objections que pouvait soulever notre interprétation du passage de Gré- goire de Tours, et d’après laquelle Anicium aurait exprimé, en 591, un lieu de La ville vellave. D'autres particularités du même récit, en la confirmant, nous font voir aussi que l'historien avait très-probablement une notion exacte des lieux dont il a parlé. : Grég. de Tours nous apprend , en effet, qu'à proximité du locus d’Anicium, à l'endroit où s'arrêta le faux prophète pour ranger son armée en bataille et attaquer Aurèle, se (1) LE Conte (Ann. ecclésiast., 1665, t. 1, p. 239) est aussi de cet avis : episcopi ab urbe Vellavà dicti sunt primüm vellavenses et vellavi, deindè ab Anicio anicienses, postremo podienses à Podio. JUIN. 215 trouvaient des édifices dont la désignation mérite d'être re- marquée : « ad basilicas propinquas cum omni exercitu restitit, instruens aciem qualiter aurelio.. bellum inferret. » L’expres- sion basilicæ, dans Grégoire de Tours, signifie ordinairement églises. Ducange, dans son Glossarium, cite des exemples d'après lesquels, à la même époque, on appelait aus:i basili- ques des monuments funéraires dont les formes rappelaient ‘les édifices sacrés. Les riches, les personnes de distinction y recevaient la sépulture. Ces mausolées, d’ailleurs, n'étaient pasisolés, et par conséquent ils impliquent l’idée d’un cime- tière de quelque importance (1). Dans l’une ou l’autre de ses acceptions, ce mot fait donc supposer une certaine popu- lation. Les expressions accedit.… propinquas éveillent aussi la pen- sée que ces basiliques, situées en dehors du Zocus, en étaient cependant très-rapprochées et elles pouvaient être ainsi com- prises dans une partie de la circonscription urbaine. C'est à l'idée de cette circonscription que répondent, sans doute, les mots Vellavæ urbis terminum. Faisons observer, enfin, que l’évêque, surpris (stupens ) probablement de l’arrivée du faux prophète et des trois mille fanatiques qui le suivaient (sequebantur eum amplius quam tria millia populi), autant que du spectacle des hommes nus qui, envoyés en avant pour annoncer ce prétendu christ, se li- vraient à des danses grotesques, trouva cependant, sans retard, d'assez nombreux et braves défenseurs ( viros strenuos ) pour en imposer à cette multitude, tandis que l’un d'eux, qui était (4) Nous croyons avoir indiqué , dans un de nos précédents mémoires , l'emplacement d'un antique cimetière , lequel était situé, en effet, à proximité du castrum. Sa position nous paraît concorder très-bien avec le récit de Grégoire de Tours. Elle assignerait ainsi le lieu ‘qui fut le théâtre de l'important évènement relaté par cet historien. Voyez notre rapport à la Société acadé- mique du Puy, sur l'inscription du préfet de la colonie, (Annales de cette Société, t. xx, 1855-1856, p. 569). 216 RÉSUMÉ DES SÉANCES, le seigneur (1) ou l’un des premiers (senior), tuait le faux prophète en présence de toute sa troupe, qui fut dispersée (dispersique sunt omnes ). En outre, la femme de l’imposteur, appelée Marie, à qui était attribuée une partie de la divinité ( partem deitatis habere profitebantur ), fut prise, et cette foule, tellement fanatisée qu'elle ne revint jamais entièrement de son erreur ( nunquam ad censum integrum syunt reversi ), comme Grég. de Tours s'en était assuré de ses propres yeux : (ex quibus nos plerosque vidimus),ne put cependant ni sauver cette femme, ni venger son christ par une résistance que rendaient, sans doute, impossible le nombre autant que le courage des citoyens. A tous ces détails qui reflètent, à plusieurs égards, les condi- tions ordinaires d’une ville plus ou moins populeuse, le lecteur jugera encore si Grégoire de Tours, exact et certainement très- sincère, comme le fait voir tout son récit, a pu détourner de leur acception naturelle les expressions de Vellavæ wrbis, pour leur attacher le sens exceptionnel de pays, qui aurait fait naître des ambiguités d'interprétation sur un point des plus essentiels: la détermination précise de la localité qui fut, de son temps (sicut præsenti gestum est lempore), le théâtre d’un évènement remarquable. Nous sommes ainsi conduit, après examen de tous les aspects de la question, à conclure que le texte de Grégoire de Tours n’in- firme en rien le témoignage des monuments lapidaires qui assi- gnent à la cité des origines très-reculées. S'il était possible, en elet, de supposer que notre interprétation ne fût pas fondée, les ténèbres dont les incertitudes des traducteurs et les divergences (4) Dans Grég. de Tours, senior signifie parfois celui qui exerce l'autorité su- périeure, En voici deux exemples : « nullus regem metuit, nullus ducem, nullus comitem reveretur et si fortassis alicui ista displicent... statim seditio in populo..… et in tantum unusquisque contra seniorem grassatur.» (Hist, Franc., lib. vin, cape xXX). — Cum senior urbis nunciata fuissent quæ puer horum gesserat. (bd. lib. x, cap. nu). Dans d'autres passages, seniores exprime les principaux, les pre- miers de la ville. (Hist. franç., lib. vx, cap. xxx). JUIN, 217 si notoires de leurs opinions enveloppent ce passage, le prive- raient de toute autorité contre nous. Si l’on veut bien admettre, au contraire, que nos explications satisfont aux exigences d’une traduction claire et rationnelle, l’histoire écrite aura fourni, dans le plus ancien de ses témoignages parvenus jusqu’à nous, une concordance importante avec les monuments el les tradi- tions sagement comprises; concordance qu'imposent désormais aux recherches de la science les preuves de jour en jour plus nombreuses et plusgonvaincantes en faveur de l'antiquité de notre ville. NOTE D. Frise du temple. Divers auteurs, entr'autres Lalande (1) èt M. Mandet (2), ont décrit des fragments de cette frise. Nous les avons publiés éga- lement dans notre Hém. sur les orig. de la ville du Puy (3). On en connaissait alors onze morceaux ayant ensemble une lon- gueur d'environ 10 mètres sur une hauteur de 0,82 c. Les pierres offraient, en outre, l'épaisseur peu ordinaire de 0,80 c. Ces données, jointes au style des sculptures, à leur forte saillie et au sujet représenté, dénotaient un édifice dont l'impor- tance, que faisaient aussi présumer d'autres débris architectu- aux, à été encore attestée par de belles pièces exhumées au For. trâce aux découvertes que ces dernières fouilles ont produites, a peut, en effet, avoir une idée de l'élévation extérieure qui canportait de fortes colonnes cannelées à chapiteaux corinthiens sumontés d’un riche entablement. 1 l'égard de la frise qui, elle-même, était en rapport avec celle ordonnance, par sa hauteur et les motifs de sa décoration, on A) 1ss. hist. sur les antig. de la Haute-Loire , p. 74, 106, 107, ete. (2) Inc. Velay, p. 95 et suiv. 3 Coig. scientif. Lenu au Puy en 1855, p. 354 et suiv. 218 RÉSUMÉ DES SÉANCES. juge, d'après ce qu'il en reste, qu’elle représentait surtout des combats d'animaux sauvages et symboliques dans une forêt de chênes; vaste et curieuse composition dont le sens mysté- rieux nous sera, sans doute, définitivement dévoilé lorsqu'on la connaîtra dans une plus grande partie de son développement. A ce point de vue, aussi bien que sous le rapport artistique, il était intéressant de restituer, à l’aide de comparaisons avec des sculptures semblables, certains sujets dont nous n'avons que des fragments, et de recueillir, en outre, pgr de nouvelles explo- rations, d’autres morceaux de la même frise. Nos recherches n’ont pas été infructueuses : le Musée des an- tiques du Louvre nous a offert une composition sculptée, en partie analogue à celle de notre frise, dans une série de bas-r e- liefs de l'architrave du temple d’Assos en Mysie, lesquels, d’après ce qu'a bien voulu nous dire l'éminent conservateur de ce musée, M. de Longpérier, sont antérieurs à notre ère. Nous avons trouvé aussi des combats d'animaux ciselés sur des vases en bronze: d’autres vases gallo-romains en poterie samienne représentent des molifs analogues où, par imitation de la forêt de chênes, des arbres alternent avec les animaux; enfin, des médailles, des monuments tumulaires, etc., reproduisent quel- ques-unes des mêmes scènes. Nous les mentionnerons avec détaiis dans une deuxième édition de notre travail sur les ori- gines de la ville du Puy, à laquelle seront joints des dessins de tous les sujets restitués d’après des motifs semblables que nous ont fournis les monuments. D'un autre côté, nous avons poursuivi nos investigations dars les murs de la cathédrale qui contiennent plusieurs des mcr- ceaux de la frise, et dans lesquels, par induction, on pouvait supposer la présence d’autres débris du même genre, et mus avons eu la chance de mettre au jour deux curieux fragmeits ; découverte que suivra, si l’on veut bien nous seconder, elle d'autres pièces non moins importantes. On appréciera combien celles-ci seraient également uiles, d'après les scènes qui sont maintenant connues et qu'en €nant compte des solutions de continuité, il suffit provisoiement d'indiquer dans l’ordre suivant : JUIN. 219 : Ne Cam re RogeuT € 1. La Chimère. — Nous avions publié ce morceau sous le n° 9 dans notre Mém. sur les orig. de la v. du Puy. A défaut de représentations analogues, qui sont en effet très-rares, il nous avait paru difficile d'indiquer le sujet du bas-relief; mais nous avons fait de nouvelles recherches qui permettent aujourd'hui de l'interpréter. Deux pierres gravées, figurées dans Montfaucon (1), offrent, l’une et l’autre, l’image de Bellérophon combattant la Chimère. Sur l’une d'elles le monstre a le corps et la tête d’un lion, au dos de l'animal est une têle de chèvre, et sa queue finit en tête de serpent. L'autre intaille représente aussi la Chimère sous la figure d’un lion ; seulement, au lieu des têtes de chèvre et de serpent, une longue flamme s'élève au dos de l'animal et une autre semble terminer la queue. « La Chimère, » dit Montfaucon, était, selon Hésiode, fille de Typhon et d’E- » chidna. C'était un monstre horrible d’une force et d’une vi- » tesse prodigieuses qui jetait feux et flammes. Elle avait, 8e- » lon Hésiode, trois têtes : une de lion, l’autre de chèvre, et » la troisième de dragon. La tête de lion était devant, celle » de chèvre au milieu du corps, et celle de dragon derrière. : Des médailles, entr'autres celles de Corinthe, de Sériphe et (1) L'antig. expliquée, suppl. , t. 1, pl xxxv, n°5 4 et 2, et p. 91 220 RÉSUMÉ DES SÉANCES. de Lycie, offrent aussi le lion aux trois mêmes têles, sans aucune trace de flammes, comme sur un beau marbre de la villa Albani à Rome, où le monstre a deux têtes de lion, une de chèvre au dos, et l’autre de serpent à l'extrémité de la queue. Ces diversités dans les formes de la Chimère justifient suffi- samment la curieuse variété que signale notre bas-relief, où la tête de chèvre est remplacée par celle d'un âne, tandis que, par une intéressante et rare concordance avec le type grec primitif, la tête de l'âne et celle du serpent vomissent des flammes, d’où l’on peut conjecturer que de la gueule du lion s'échappaient aussi des feux qui pouvaient être figurés sur une autre pierre contiguë à celle-ci. Au second plan est un chêne dont le tronc et les feuillages se dessinent en faible relief. Des roches sont en avant. Le bas-relief esi précédé d’une marge lisse et longue, de 0,35; elle indique, sans doute, le commencement de la frise pour un des côtés de l'édifice. Longueur totale de la pierre, 1,35. 2. Lion en marche; il passe derrière un chêne. — La sculpture est très-mutilée. Longueur, 0,90 (N° 10 de notre précédent Hé more). Les deux morceaux suivants pouvaient être très-rapprochés l’un de l’autre : T1H340 V1 1INY 2 AO ja X SES EEE JUIN. 294 3. Cerf et biche.— Au-dessous de la biche qui s’élance et fuit, un jeune lion rampe sur le sol, prêt à attaquer un serpent qui sort d'un amas de roches et se dresse à l'aspect de son ennemi; tandis qu'un singe, assis dans les branchages d’un chêne, prend part aussi à un épisode que complétaient, sans doute, les sculp- tures d’une autre pierre. Il tient d'une main un objet difficile à préciser, mais qui, s’il était permis de l'expliquer d’après le molif général de la frise, pourrait dénoter la présence d’un animal en fuite, un écureuil peut-être que le singe aurait saisi par la queue. Longueur de la pierre, 1,05 (N° 13 de notre Mémoire ). 4. Biche en fuite (train de derrière ) ; cerf terrassé par un lion.— On ne voit qu'une partie de la tête de ce dernier animal, mais l'espèce est reconnaissable par comparaison avec un sujet pareil que reproduisent des monuments antiques, entr'autres un tombeau publié par Montfaucon (1) et des médailles au nom du triumvir Durmius, frappées en mémoire des guerres d'Afrique (2). Des branchages de chêne occupent le fond de la scène. Lon- gueur, 0,55 ( N° 14 de notre Mémoire ). Les trois pièces qui suivent devaient être juxta-posées . 5. 6. 7. Ours, sanglier, lion, ânes sauvages, etc. — L'ours est attaqué par un quadrupède que l’état de mutilation de la pierre ne permet pas de déterminer. Le sanglier est aux prises avec un carnassier fantastique à museau en bec de griffon; ce der- nier animal se fait remarquer par un collier ou par une sorte de crinière tressée autour du cou; particularités curieuses que nous offre aussi un animal à peu près pareil figuré sur un an- tique claveau d'arcade à Clermont (3). Le lion terrasse un âne (4) Antiquité expliquée. Suppl. t. v, pl. xxvIN, fig. 4. @) Cæsar Augustus sive Historiæ Imperatorum Cesarumque romanor. ex antiqg. numismal. institutæ…. Huberto Goltzio, 1574, xxx vi, n°5 13 et 15. (3) Ce débris intéressant a été trouvé dans les fondations de l’église Saint- Eutrope, de Clermont. M. Dauvergne l’a signalé au Comité historique du minis- tère de l’Instruction publique, et M, Compagnon, architecte, en a donné un excellent 222 SÉANCES. sauvage, en avant de ce groupe deux autres ânes sont en fuite. Des roches, des plantes peut-être et des chênes indiquent en- core ici la forêt. Dans les branchages de deux de ces arbres , une chouette est assaillie par des oiseaux ; un écureuil s'enfuit sur une autre branche. Lon- gueur des trois pièces 3,55 (N° 16, 17 et 11 de notre Mémoire). moulage au musée du Puy. La bierreests ulptée sur trois faces : l’une d'elles offre, en partie, l'ani- mal fantastique dont il est ici question ; sur une autre face, on voit la partie antéricure d'un griflon pareil également, dans ce qu'il en reste, à celui que nous mentionnons à l’article suivant. La face inférieure d'intrados est ornée de caissons avec rosaces qui présentent aussi des rapports de ressemblance avec celles qui décorent le dessous du larmier assigné par nous, comme la frise, au temple principal; concordances importantes qui prouvent, une fois de plus, l'attribution à ce seul et mème édifice, de nos divers membres d'architecture antique - 8. Griffon terrassant un taureau; au fond de la scène, brancha- ges et feuilles de chêne. — La tête du griffon, sa crinière tres- sée autour du cou ressemblent beaucoup à ce qui distingue un pareil animal figuré sur le elaveau antique trouvé à Clermont, et dont nous venons de parler. Longueur 1,30 ( N° 19 du Mé- moire ). 9. Quadrupède, un ours peut-être, dressé sur les pattes de derrière et tourné à gauche. Longueur approximative, 0,70 (N° 18 du Mémoire ). 10. Sanglier et animal fantastique. — L'artiste a représenté le sanglier au sortir d’une tanière formée de roches et de plantes, dans laquelle est encore engagée la moitié postérieure de son corps. À la pose de la tête et des jambes de devant, aux soies hérissées sur le dos, on juge que l’animal doit se trouver en présence de quelque redoutable adversaire. En arrière et sur les roches de la tanière, on voit un petit quadrupède, de forme fantastique, à museau en bec de griffon et à très-longue queue (1). (4) Les monuments antiques fournissent des exemples de ces sortes d'animaux fantastiques créés par l'imagination des voyageurs. On peut en juger par la célèbre [2 24 RÉSUMÉ DES SÉANCES. On ne peut dire, d’après son attitude assez paisible , quelle part il prenait à la scène. Quant au théâtre de l'action, c'est encore la forêt caractérisée par des chênes et une plante à longues feuilles. A la suite du bas-relief, la pierre est lisse sur une longueur de 0,35 ; cette marge nue terminait probablement la frise pour un des côtés de l'édifice. Longueur totale de la pierre 1,50 ; hau- teur, 0,82. Nous avons découvert ee morceau le 12 août 1857, à la base de la muraille Sud de la cathédrale, sous le porche du For. Cette partie du mur était formée, en outre, de grands blocs cubiques et percés à leurs faces de parements, de trous de louve indiquant une destination antérieure. 11. Lion, aigle et faon. — 11 n'existe du lion que le train pos- térieur:; mais toutes les lignes de celte partie du corps semblent aceuser une pose de l'animal motivée peut-être par l’étreinte d’un victorieux adversaire. Celui-ci se devine d’après un bout de grande aile qu’on voit au-dessus de la croupe du lion, et qui pourrait se rapporter à un aigle, à l'exemple de groupes plus ou moins analogues figurés sur les monuments (1). Un chêne, dont les branches sont entièrement couvertes de feuilles et de glands, sépare ce sujet d'un autre qui représente un aigle tenant un faon sous ses griffes. Nous avons trouvé ce bas-relief, par une exploration faite le 29 mars 1858, derrière le pilier sud-ouest du clocher de la ca- thédrale. L'induction, qui nous a guidé dans cette découverte, porte à croire qu’il existe d’autres sculptures antiques à la suite de celles-ci. Il serait intéressant de les mettre au jour. La pierre a été réduite à la hauteur de 0,70; par une recoupe qui à fait disparaître le listel supérieur etune partie du bas-relief, mosaïque de Palestrine. (Mém. de l'Acad. des inscripl. et belles-lettres, édit, in-12, t. zur, p. 225.) 4) Montfaucon (Antiq. expl. Suppl, t. v, pl. xxvin, f. 3) donne un bas-relief où un aigle tient sous ses griffes un tigre et un lièvre. JUIN. 225 l'exploration n'a pu atteindre l'extrémité de cette curieuse pière ; sa longueur connue est de 0,90. 12. Lion bondissant (?). — Nous n'avons qu'un petit fragment de ce bas-relief, Outre un reste de plante à larges feuilles, on y voit les pattes de derrière et la queue d’un lion. Leurs dispositions ne semblent guère convenir qu’à un animal qui s’élance par un bond rapide. Longueur, 0,29 (N° 12 de notre Mémoire). 13. Homme, corbeille, etc. — Bas-relief très-mutilé, dont le sujet est difficile à déterminer. On croit y reconnaître des restes d’un homme nu derrière lequel est une corbeille renversée. Au- devant de ce personnage, la sculpture accuse des saillies plus ou moins frustes : on dirait des troncs d'arbres et des branchages entre lesquels l'homme ferait des efforts pour se frayer un pas- sage. Toutefois il ne serait pas impossible qu’une étude très- attentive des lignes permît d'y voir tout autre sujet, par exemple, une de ces scènes de lutteurs qui souvent sont figurées sur les vases antiques aussi bien que les combats d'animaux. Le bas-relief a été réduit à 0,56 de haut par une recoupe qui en a détruit la partie inférieure. Restauré en dessin, dans la supposition d’une scène de lutteurs, il aurait la hauteur exacte de la frise, 0,82. Longueur, 0,66 (N° 20 du Mémoire). 14, Petit fragment sur lequel on ne dislingue que des feuilles de chêne. — 11 provient des fouilles du For. Telles sont les pièces de notre frise recueillies jusqu'à ce jour. À leur énumération sommaire, il faut ajouter, d'après Lalande (1), la mention d’autres bas-reliefs qui peut-être provenaient de la même frise, et qui auraient été trouvés, sous l’ép'scopat de Mgr de Galard, dans le sol de la place du For. « Sur ces pierres, disait un manuscrit, on voit une Isis em- » maillotée et plusieurs cerfs. Elles donnent à connaître qu'elles » avaient été employées à un temple de Diane. » (4) Essais hist. sur les antiquités de la Haute-Loire, 1896, p. 110. TOME XXI, 15 226 RÉSUMÉ DES SÉANCES, On comprend combien ces indications seraient précieuses, si elles étaient exactes. Malheureusement nos recherches ont été jusqu’à présent infructueuses pour retrouver les curieuses pierres que signalait ce manuscrit. Ne désespérons pas cependant de les découvrir. Il est important de remarquer que nous connaissons déjà qua- torze morceaux de la frise qui, juxta-posés, offrent ensemble une longueur d'environ 12 mètres, représentant, en réalité, 14 à 15 mètres, par la restitution graphique de quelques bas-reliefs in- complets (1). En ayant égard aux lacunes que manifestent, entre eux, plusieurs de ces morceaux, on jugera du développement que pouvait avoir l’œuvre entière qui, sans doute, se déployait à l’entablement d'un édifice quadrilatère. Quel plus vaste sujet, d’ailleurs, que cette action générale dans une forêt de chênes, ce tumultueux spectacle de combats acharnés qui pouvait comporter bien des scènes violentes d'une nature primitive et sauvage, et — comme si des êtres réels ne suffisaient pas à réaliser la pensée de l'artiste — qui comprenait également des animaux fantastiques et fabuleux? Un de nos bas-reliefs semble indiquer, en outre, que l’homme apparaissait dans une partie de la même frise, peut- être aussi avec un rôle de luttes qui ferait désirer la mise au jour d'autres pièces du même genre. Des recherches persévérantes promettent donc de nouvelles découvertes à l’aide desquelles il sera possible de connaître plus complètement celle œuvre intéressante de l’art gallo-romain. . En attendant, les morceaux connus nous révèlent de curieuses analogies avec de pareilles représentations figurées sur des mo- numents orientaux, où des lions prennent aussi une grande part à ces scènes de combats. C'est encore à la mythologie persane que l’auteur de la frise emprunta le groupe mithriaque du griffon et du taureau, sujet que les anciens ont souvent reproduit. Le singe et des êtres fantastiques pourraient dénoter aussi quelque (4) Nous ne croyons pas qu’on ait signalé en France une pareille série de bas- reliefs provenant d'une frise antique et représentant des sujets plus ou moins analogues. JUIN, 297 lointaine provenance. Quant à la Chimère, d'origine bellénique, sa présence signalerait ici une influence grecque qui, sous un autre rapport, semble se révéler également sur plusieurs de nos bas-reliefs par un dessin large et, malgré les difficultés de taille qu'offrait la pierre, par l’habileté de l’exécution. Mais si l'artiste s’inspira des représentations orientales pour la donnée générale de son sujet, si, pour Ja traduire , il puisa dans une certaine mesure aux sources de l’art hellénique, peut- être voulut-il placer en Gaule le théâtre de l’action. On le croirait à voir la forêt de chênes et certains animaux, tels que des ours, sangliers, ânes sauvages, cerfs, ete., qui, si l'on en juge par leurs formes dessinées dans un sentiment d’exacti- tude, pourraient avoir été représentés d’après les espèces qui alors habitaient encore la contrée. A l'égard de l'aigle dont un de nos bas-reliefs vient, pour la première fois, de nous révéler la présence, attendons qu'une sculpture plus complète nous apprenne si l'artiste a eu l'intention d’assigner un rôle de domi- nation sur les lions, vainqueurs eux-mêmes d’autres animaux, au roi des oiseaux, emblème de la puissance romaine, Après cette lecture, écoutée avec une vive curiosité, M. l'abbé Bernard demande la parole, non, dit-il, pour présenter la réfutation du système de M. Aymard, ni entamer à ce sujet une discussion sans doute in- terminable, mais simplement pour poser des réserves et prendre acte, dès à présent, de ce que la Société ne saurait, à la suite d’une opinion individuelle, si impor- tante qu’elle soit, s'engager d’une manière absolue (1). (4) M. l'abbé Bernard croit d'ailleurs devoir faire observer que le mémoire tel qu'il se trouve aujourd'hui inséré dans le compte-rendu de la séance du 4 juin n’a pu fournir matière à une discussion réelle, en raison de l'extension capitaie et de la transformation complète qu'il a subie dans l'impression. (Note de la Rédaction.) 228 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Le silence des contradicteurs ne peut donc être interprété comme un assentiment tacite donné à des conclusions dont plusieurs ne paraissent pas admis- sibles, et les autres sont essentiellement controversa- bles, sur une question et en des matières destinées, ce semble, à rester longtemps encore à l'étude. M. le chanoine Sauzet fait également ses réserves : il cite plusieurs points dans lesquels il ne saurait parta- ger entièrement l'opinion de M. Aymard. Avec une information encore incomplète à son sens, il lui paraît imprudent de se hâter de conclure. La séance est levée à sept heures. Le Vice-Secrétaire, L. BALME. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 2 JUILLET. SOMMAIRE. Lecture du procès-verbal. — Nécrologie : décès de la comtesse de Macheco. — Ouvrages reçus : Le Cabinet historique : note concernant Mgr de Maupas, évêque du Puy ; le Sud-Est : apiculture ; dangers de la graine d’ivraie dans le pain ; renvoi à M. le docteur Martel ; Compagnie générale des assurances contre la grêle, diminution des tarifs. — Correspondance : lettre de M. le Préfet : de- mande de renseignements sur l’état des récoltes; lettre de M. l'Ingénieur en chef : allocation accordée pour le drainage ; observations de M. de Brive à ce sujet. — Bibliographie : Album photographique d'archéologie religieuse, de MM, Aymard et Malègue; souscription de la Société. — Minéralogie : rapport de M. Félix Robert, sur des recherches de gisements houillers. — Agriculture : concours régional de Mende; rapport verbal de M. le Président. — Industrie. création d’un bassin pour la multiplication et l’éclosion des sangsues dans l’'hos- pice de Craponne. — Beaux-arts : communication, par M. Vibert, d'un dessin du mont Corneille et de la statue de Notre Dame de France. — Rapport de M. du Garay sur la candidature de M. Moyère; scrutin et élection de ce candi- dat, en qualité de membre correspondant. ‘ A trois heures, la séance est ouverte sous la prési- dence de M. Ch. Calemard de Lafayette. En l'absence de M. le Secrétaire, M. Chouvon, sur l'invitation du président, veut bien tenir la plume, 250 RÉSUMÉ DES SÉANCES. OuvrAGEs REÇUS. — Nécrologie. — Le Bulletin monu- mental mentionne, avec l'expression du regret dû à sa mémoire, le décès de madame la comtesse de Macheco, auteur de plusieurs ouvrages dont la publication avait été accueillie avec une faveur méritée. Madame de Ma- checo avait pris part, en 1855, aux travaux du Congrès scientifique de France siégeant au Puy. Le Cabinet historique donne, à propos de saint Fran- çois de Sales, des détails sur Mgr Henri de Maupas, évèque du Puy. Le Bulletin du Puy-de-Dôme reproduit une lettre adressée par M. Doniol à M. de Gourcy, sur la race bovine de la Plaine (Puy-de-Dôme). Le Sud-Est contient un article intéressant sur les abeilles , par M. Hamey , professeur d’apiculture à Paris. Le mème journal indique les moyens de se procurer de bonne heure des pommes de terre sans porter pré- judice à la récolte ultérieure. Il s’agit simplement d'extraire au pied de chaque plante les plus gros tuber- cules, dès qu'il s’en est formé, en prenant les précau- tions suffisantes pour ne pas déranger les autres. Ces derniers grossiront à leur tour et fourniront une ré- colte aussi abondante que si la plante n’eût pas été ainsi exploitée. Le procédé n’est pas nouveau, mais en raison de son utilité il peut être bon de le mentionner une fois de plus. M. le docteur Martel est prié d'examiner, dans la JUILLET. 251 même publication, un article signalant les dangers qui résultent de la graine d’ivraie contenue dans le pain. Le Compte-rendu de la Compagnie générale des assurances sur la grêle annonce une diminution dans les tarifs. M. le Président se plaît à rendre justice à la loyauté de cette compagnie, dont il n’a eu qu’à se louer dans le règlement d’indemnité pour des récoltes grèlées qu'il avait assurées. La société la Riveraine adresse un exemplaire de ses statuts. M. Giron veut bien se charger de les examiner et d'en rendre compte à la prochaine séance. CoRRESPONDANCE. — M. le Préfet écrit pour demander des renseignements sur l’état des récoltes ; M. le Prési- dent invite ses collègues à vouloir bien faire connaître leurs appréciations à cet égard. M. de Brive répond que jamais les récoltes n’ont eu une apparence plus satisfaisante, et qu’il est d'autant plus heureux de le constater, qu'il a, au commencement de la saison, conçu une opinion bien moins favorable et fourni des renseignements tout différents. Bon nombre de membres de la Société confirment l'appréciation de M. de Brive. Une lettre de M. l'Ingénieur en chef du département annonce qu'il a reçu de Son Exc. M. le Ministre de l'Agriculture un crédit de 850 francs à affecter au drai- nage. Sur cette somme, 400 francs seront mis à la 232 RÉSUMÉ DES SÉANCES. disposition de la Société, et les 450 francs restants sont destinés à être distribués en primes aux propriétaires qui auront effectué des drainages de quelque impor- tance. Les demandes devront contenir les détails com- plets de l'opération, faire connaître la nature du terrain et les modifications que les travaux d'assainissement y auront apportées. M. de Brive saisit cette occasion pour demander que les fabricants de drains soient pressés de s’approvi- sionner dans la bonne saison, afin d’être en mesure de satisfaire aux demandes qui leur seraient faites en au- tomne. M. le Président dit que les machines à fabri- quer les tuyaux appartenant à la Société ont besoin de quelques réparations ; il prie M. Chouvon de s'assurer au plus tôt de ce qu'il y aurait à faire pour les mettre en état de fonctionner convenablement. , BIBLIOGRAPHIE. — M. Aymard met sous les yeux de l'Assemblée un exemplaire de Album photographique d'archéologie religieuse, exécuté et publié par M. Ma- lègue et dont M. Aymard lui-même a fourni le texte. M. le Président signale toute la valeur artistique et littéraire de cette œuvre qui est la réalisation d’un vœu exprimé par le Congrès à la suite de l'exposition d'objets d'art religieux due à l'initiative si universelle- ment applaudie de Mgr de Morlhon. La Société trou- vera bon sans doute, ajoute M. le Président, de souscrire au moins à deux exemplaires de cette belle publication, et elle regrettera certainement que ses ressources si limitées ne lui permettent pas de faire beaucoup plus. Elle peut du moins recommander vivement une telle JUILLET. 233 œuvre à l’attention et à la bienveillante sympathie du Conseil général, pour que M. Malègue soit autant que possible dédommagé de ses sacrifices. Dans le cas où le Conseil général voudrait bien ac- cueillir la recommandation de la Société et prendre un nombre suffisant de souscriptions, M. le Président de- mande quelle serait la destination qu’il serait plus con- venable d'indiquer pour les exemplaires acquis aux frais du département. M. le chanoine Alirol indique la bibliothèque du Puy, la bibliothèque ecclésiastique qui se forme en ce moment; M, l'abbé Bernard mentionne le Lycée, la Chartreuse; M. Aymard désigne les lieux où les archives ont reçu une organisation complète, tels que Saint-Paulien, la bibliothèque de Saint-Julien de Brioude, la Chaise-Dieu, qui a reçu de son curé le don d’une bibliothèque déjà importante ; M. de Brive croit devoir ne pas oublier les deux sous-préfectures; M. Calemard de Lafayette père pense qu'il faut avant tout faire équitablement la part de chaque arrondisse- ment et que quatre exemplaires pourraient en consé- quence être demandés pour chacun d'eux. La Société se rangeant à cet avis, la demande au Conseil général sera faite en ce sens. MinéRALOGIE. — M. Félix Robert a la parole pour faire connaître le résultat d’une excursion qu'il à été chargé de faire dans le canton de Saint-Julien-Chapteuil, à l'effet de constater dans quelles conditions et avec quelles chances se faisaient les recherches de gise- ments houillers entreprises par des industriels de Saint-Etienne. 254 RÉSUMÉ DES SÉANCES. M. Robert s'exprime en ces termes : MESSIEURS, La Société ayant eu connaissance qu’une compagnie de Saint-Etienne projetait d'exécuter des fouilles pour recher- cher du charbon dans le bassin de Saint-Julien-Chapteuil, nous fûmes chargés par M. le Président, M. Lacombe, membre du Conseil général pour le canton de Saint-Julien- Chapteuil, et moi, de visiter les lieux et de vous rendre compte de notre exploration, pour mettre la Société en mesure de s’éclairer et d'aider au besoin de ses études la compagnie elle-même. C'est le résultat de cette investi- gation que je viens vous présenter aujourd’hui. Profitant d’une belle journée, nous sommes partis par la route qui longe la Gagne, non sans admirer en passant l'effet si pittoresque de la Roche-Rouge, dick basaltique qui semble jaillir du milieu des granites et qui explique à la science l’émission de diverses roches de brèche volca- nique dont s’embellit la vallée du Puy. | En continuant notre route, nous avons visité la belle propriété de notre collègue M. Plantade, dont nous regret- tions naturellement l'absence ; et, suivant la nouvelle route, nous sommes arrivés par une pente modérée au sommet de la montagne, en vue de Saint-Julien-Chapteuil. De ce point, la vallée se présente sous un aspect gracieux et sévère ; à vos pieds s'étale le bourg dominé par l’église et son clocher gothique. Non loin de là sont les ruines de l’ancien château, éparses sur un monticule basaltique ; et fout autour, des habitations, des champs couverts de JUILLET. 255 récoltes, des prairies en ce moment émaillées de fleurs. À l'horizon la vue s'étend sur une ceinture de volcans qui commencent à Saint-Pierre-Eynac et finissent au Mégal. Ces volcans font partie de la chaîne trachytique, qui ferme au levant la vallée de la Haute-Loire, formant une suite de dicks et plateaux indépendants, tantôt interrompus, tantôt présentant des renflements qui, dans les groupes du Mégal et du Mezenc, atteignent jusqu'à 42 et 15 kilo- mètres de longueur, de telle sorte qu’on peut les considérer comme autant de centres d’éruptions placés sur une même ligne. Les phonolithes me paraissent les plus anciens volcans du Velay ; ils constituent la presque totalité de la chaîne et l'étude des diverses masses phonolithiques vous démontre qu’ils sortaient sur un grand nombre de points en suivant une longue fissure qui s’est dirigée du midi au nord, affectant des formes très-diverses, suivant que la matière était plus ou moins fluide; l'émission de ces phonolithes ne fut accompagnée d'aucune déjection. Les trachytes se sont fait jour à leur tour sur cette ligne et ont formé plusieurs centres d’éruptions qui ont pro- duit des dicks et des coulées accumulés sur place ou répandus au loin suivant que la matière était plus ou moins pâteuse. Aux environs de Saint-Julien-Chapteuil , le volcan de Saint-Pierre-Eynac s'est élevé en dôme, et du côté du levant une coulée s’est étendue à une grande distance formant un vaste plateau qui a resté longtemps dénudé, n'ayant pour toute végétation que quelques fou- gères ; aujourd'hui il est couvert d’une jeune forêt de pins sylvestres plantés par les soins de l'administration fores- tière, bignfait inappréciable qu'a rendu M. de l’Eguilhe 236 RÉSUMÉ DES SÉANCES. dans ces pays de montagne ; vient ensuite le volcan de Monate qui se présente en dick arrondi avec des pentes très-abruptes, sans végétation et d’une tristesse grandiose ; ses laves porphyroïdes servent, avec celles de la Pradette, à paver les trottoirs qui embellissent la ville du Puy ; plu- sieurs dicks isolés continuent la chaîne jusqu’au Mégal. Arrivés à Saint-Julien, nous avons été reçus par M. Emile Mauras, qui nous à fait connaître ses projets et l'espoir qu’il avait de trouver du charbon ; après quelques heures de repos passées dans sa belle propriété qui domine tout le vallon, ce qui permet d’embrasser d’un coup-d’æil tout un panorama remarquable, noussommes allés voir le gisement prétendu carbonifère qui se trouve à deux kilomètres de Saint-Julien-Chapteuil. Près du village d’Auteyrac, on ren- contre des dépôts arénacés dispersés sur une superficie qui m'a paru d’une minime étendue, environ deux ou trois kilo- mètres de circonférence ; ces grès n’appartiennent point à la période secondaire, ils ne sont point caractérisés par les plantes fossiles de cette époque; ce sont, à mon avis, de véritables arkoses des terrains tertiaires ; du reste le granite les environne de toute part, ce qui ne permet pas d'admettre un bassin houiller dans un si petit espace. Si M. Emile Màuras a rencontré dans ses recherches quelques fragments de charbon, ils ont été conservés par quelque cause que je ne puis expliquer. La vallée du Puy ayant été exposée à l'érosion des eaux pendant la période secondaire, s'il y a eu quelques dépôts carbonifères, ils ont été entraînés; les arkoses que l’on rencontre au pont de la Chartreuse-sur- Loire, près le Puy, viennent confirmer cette opinion. L'ensemble de ces données nous amène donc à con- clure, bien qu’à regret, à que les recherches sur lesquelles JUILLET. 257 vous nous avez appelés à vous faire connaître notre avis, paraissent dénuées de toute chance de succès. Au retour de notre excursion, nous avons examiné, non loin d’Auteyrac, un gisement de minerai de fer qui est l'objet d'un commencement d’exploitation. Cette mine pourrait certainement acquérir de l'importance, du jour où nos communications avec Saint-Etienne seraient facili- tées par l'établissement du chemin de fer, et où les houilles de la Loire suppléeraient à celles qu’il faut, selon nous, renoncer à chercher sur les lieux mêmes. En remerciant M. Félix Robert de cette communica- tion, M. le Président ajoute qu'il était bon, en effet, que la Société ne restât pas étrangère à une étude et à des recherches sur lesquelles il lui appartenait natu- rellement de faire connaître son opinion. Elle serait certainement heureuse que les recherches de l’industrie vinssent, dans cette question, infirmer les jugements préalables de la science; mais l'opinion formelle et connue des hommes les plus compétents, MM. Bertrand de Doue, Aymard, Félix Robert, etc., ne permet guère d'espérer que l'avenir vienne donner à ces prévisions l’heureux démenti qu’elle désire. 1 AGRICULTURE. — M. le Président fait une communica- tion verbale sur le concours régional de Mende auquel il vient d'assister. De telles solennités, dit M. Ch.de Lafayette, sont tou- jours et à plus d’un titre d’un grand intérêt, mais le concours de Mende se recommandait cette année plus 258 RÉSUMÉ DES SÉANCES. particulièrement encore, puisque c'était pour la pre- mière fois, dans la région, que la prime de huit mille francs, nouvellement instituée par S. Exc. M. le Ministre de l'Agriculture , devait ètre accordée au propriétaire dont l'exploitation présentait dans le département l’en- semble le plus complet et le plus satisfaisant. Cette prime d'honneur a été obtenue par M. des Molles, député de la Lozère, que nous sommes accou- tumés à regarder en quelque sorte comme un compa- triote, en raison de son voisinage de la Haute-Loire, de la similitude de ses cultures, et aussi de ses relations de parenté avec des familles du Puy. Ce que j'ai pu voir par moi-mème et les renseigne- ments que :j'ai recueillis dans mes entretiens, tant avec M. Chouvon qu'une mission ministérielle a retenu pendant vingt-cinq jours dans la Lozère, qu’avec d’autres membres du jury et d'autres notabilités agronomiques, m'a pleinement convaincu que nos cultures, soit pour les procédés, soit pour les résultats, n’avaient rien à en- vier à celles de ce département. Il n’en est pas de mème pour ce qui concerne les animaux de l’espèce bovine. La race de la Lozère, race d’Aubrac, vulgairement désignée dans nos pays sous le nom de race de la Canourgue, est réellement remarquable dans bon nombre d’étables; et elle a figuré au concours avec une distinction qui ne s'était jamais rencontrée au même degré dans aucune des précédentes exhibitions. Ce succès est évidemment dû à la suite et à la persistance des efforts de quelques riches proprié- taires qui se sontengagés avec une émulation digne de tout éloge dans cette voie éminemment utile au pays, JUILLET. 259 de l'amélioration de la race indigène. Sous cette heu- reuse influence, la race d’Aubrac a acquis un grand et beaucoup plus précoce développement ; elle possède surtout désormais une harmonie relative des formes qui contraste singulièrement dans le souvenir des hommes compétents avec les plus sérieux de ses défauts originels, notamment avec la profonde ensellure qui disgraciait et déshonorait les premiers individus dont l'apparition fut remarquée dans les premiers concours régionaux. À Mende, on aurait cru sans doute pouvoir adresser aux animaux soumis à l’appréciation du jury et à l’exa- men du public, le reproche si souvent formulé contre la plupart des animaux de concours, celui d'être trop gras et partant impropres à la reproduction. Mais ce re- proche est-il bien sérieux ? A l’âge où les taureaux d’un développement complet sont présentés dans les con- cours, qu'ils soient ou non préparés spécialement en vue de ces solennités, ils sont inévitablement, sauf de rares exceptions, destinés à la castration, sinon à la boucherie. Ils commencent en effet à devenir difficiles à gouverner et très-souvent méchants; ils sont lourds pour la saillie; de plus, ayant acquis toute leur valeur en taille et en poids, il n’y a plus désormais que leur travail qui puisse indemniser le propriétaire intelligent et qui calcule des frais d'entretien et de nourriture de plus en plus dispendieux. Qu'importe dès lors à la chose publique que l'animal primé bien plus en vue des services déjà rendus que de ceux qui lui restent à rendre, ait un degré d’engraissement qui le conduise à l'abattoir plutôt qu’à la charrue? Il en résulte mème 240 RÉSUMÉ DES SÉANCES. une constatation utile de l'aptitude de certains animaux à l’engraissement précoce, et quelquefois une incitation opportune pour le propriétaire à diriger ses efforts vers ce côté de la spéculation du bétail, si évidemment con- forme aux intérêts de la consommation. D'ailleurs la vache qui à produit ce taureau existe sans doute en- core, sa propre descendance reproduit et conserve le progrès d'amélioration qu'on récompense en lui. L'effet qu'on devait attendre de la prime reste acquis, et la preuve des bons résultats qu’il faut attribuer aux con- cours régionaux se manifeste avec évidence, dans l'amélioration si visible des races françaises depuis l'institution de sconcours. A ce sujet, ajoute ensuite M. le Président, combien ne faut-il pas regretter l’insouciance de nos éleveurs des montagnes qui, plus encore que notre éloignement des autres concours, a laissé notre race du Mezenc jus- qu’à ce jour en dehors de la lice. Le seul moyen sans doute de mettre cette race intéressante suffisamment en relief, et de l’associer au mouvement général de progrès , ce serait d'obtenir du Gouvernement son classement à part et une catégorie spéciale en sa faveur dans les programmes à venir. C’est à ce résultat que doivent tendre avec persistance les efforts de la Société. Tant que la race du Mezenc sera exposée à concourir avec d’autres races d’une supériorité surtout apparente par le volume et le poids, beaucoup plus avancées d’ailleurs dans la voie de l'amélioration progressive par une suite d'efforts depuis longtemps dirigés vers ce but, dans des régions plus riches et par des proprié- taires plus intelligents , nos éleveurs ne tenteront JUILLET. 241 pas, et ils auront raison, de lutter contre plus forts qu'eux. Nous n’en persistons pas moins à penser tous que la race du Mezenc, par sa disposition à cumuler suffi- samment les trois aptitudes du travail, de la viande et du lait, mériterait d’être encouragée dans une voie d'amélioration en dedans et de sélection judicieuse. J'ajouterai, dit l'honorable président, quelques mots sur l’exposition des appareils, machines et produits dont la direction, au concours de Mende, avait été con- fiée à notre habile collègue M. Chouvon. J'ai vu avec plaisir à l’œuvre la machine Pinet, dont le manége a fait fonctionner tour-à-tour batteuse, tarare, débour- reur, tarare à vanner, hache-paille, coupe-racines, etc.; j'ai remarqué également une complète et belle collec- tion d'outils et instruments de drainage exposée par M. Edmond Vianne, ingénieur draineur à Paris, qui entreprend la direction de grands travaux d’assainisse- ment dans les régions où il peut être appelé. M. Vianne a déjà, dans la Lozère, exécuté en grand des opérations de ce genre chez l’un des concurrents de la prime d'honneur. En ce qui concerne les produits, j'ai vu avec intèrèt les produits variés de la fabrication des fromages qui témoignent des efforts et en même temps du succès des burons lozériens dans limitation des fromages de Roquefort. En terminant, M. le Président ne saurait donner trop d'éloges à l'accueil vraiment sympathique et excep- tionnel que la ville de Mende à fait aux nombreux étrangers que la solennité du concours avait attirés : TOME XXI. 46 242 RÉSUMÉ DES SÉANCES. fètes nombreuses, banquets, entrain parfait des auto- rités de la ville et notamment de M. le Préfet, Mon- seigneur l’Evèque, M. le Maire, M. le Président de la Société d'agriculture. Au moyen de souscriptions des membres résidants de cette Société, un banquet a été offert à cent trente agriculteurs dans une magnifique salle qui présente un intérèt historique. Cette salle, dont les murs et le plafond peints avec une grande ri- chesse retracent de nombreuses scènes de l'histoire sainte, avait été préparée pour recevoir Louis XIV, dont la visite était attendue à Mende à l’époque des guerres de religion dans les Cévennes. En résumé, Messieurs, assister à un concours régio- nal, c’est se donner de tous points à soi-même une excellente et profitable leçon ; et en dehors de ce profit tout personnel, l'hospitalité gracieuse donnée par la ville de Mende à tous les conviés de l’agriculture sera, pour notre ville, un bon exemple à suivre quand le Puy deviendra à son tour le centre du concours ré- gional. IxpusrriE. — M. Aymard mentionne avec éloge l'in- troduction d’une industrie nouvelle pour le pays dans l'hospice de Craponne. Il s’agit d’un bassin pour la multiplication et l'élève des sangsues. Les dignes reli- gieuses qui dirigent cet établissement se sont inspirées, pour l'organisation de leur bassin, de toutes les indi- cations de la science moderne, et leur zèle intelligent leur donne tout droit à compter sur une complète réussite. f M. Béliben entretient également la Société de JUILLET. 245 l'intention d’un industriel de la ville de faire de l’ami- don avec des marrons-d’Inde. Cette découverte nouvelle, à laquelle le Gouvernement s’est intéressé, ne saurait avoir, suivant l'opinion de plusieurs membres, une application bien utile dans notre département où les marronniers sont assez rares. BEAUx-aRTSs. — M. Vibert fait passer sous les yeux de l'Assemblée un dessin du mont Corneille et de la statue de Notre-Dame de France. Ce dessin donnant les pro- portions exactes du rocher et de la statue projetée, est destiné à répondre à l'opinion qui semble réclamer au- jourd'hui l'exécution d’un modèle de dimension plus grande encore que la dimension déjà arrêtée. M. Vibert pense que, pour repousser victorieusement cette nou- velle idée, il suffit de montrer aux pieds de la Vierge un homme qui, dans l'échelle proportionnelle, paraît un véritable Lilliputien à côté du plus gigantesque co- losse. M. de Brive, après avoir, ainsi que plusieurs mem- bres, examiné le dessin de M. Vibert, dit qu'à son sens la question n’est point à poser ainsi. La proportion à établir entre la taille humaine et celle de la statue im- porte assez peu; ce qui paraît désirable, c’est que celle- ei soit aussi colossale que possible et qu’elle dépasse, par ses proportions, tous les monuments existants du même genre. M. Vibert répond que pour peu qu’on voulût aug- menter encore les dimensions actuelles, le nouveau multiplicateur arriverait à donner des cubes hors de proportion avec les ressources probables, et qu’il serait dès lors imprudent de se jeter dans cette nouvelle voie, 244 RÉSUMÉ DES SÉANCES. puisqu’en voulant trop tenter on courrait le risque de ne pas aboutir. Il ajoute que le colosse semblant lutter comme masse avec le rocher, ne satisferait probable- ment guère au point de vue des exigences de l'art , et qu'enfin une dernière raison paraîtra sans nul doute devoir dominer toutes les opinions et toutes les dissi- dences, à savoir que les dimensions du monument étant augmentées, et le piédestal devant être développé dans les mêmes proportions, ce dernier devrait s'appuyer jusque sur les rebords ébréchés de la marge du rocher, et ne saurait ainsi donner les indispensables garan- ties de solidité désirables. Cette dernière considération paraît péremptoire à la plupart des membres de l’assemblée. RAPPORT SUR UNE CANDIDATURE.— M. du Garay aîné a la parole pour faire son rapport sur la candidature de M. Moyère. MESSIEURS , Vous avez chargé, dans votre dernière séance, une com- mission d'examiner le mémoire présenté par M. Moyère, ancien notaire à Fay-le-Froid, qui sollicite le titre de membre non résidant de votre Société. Rapporteur de cette commission, je viens vous faire l'analyse du travail de M. Moyère, qui demande, avec zèle et intelligence, le reboisement de nos montagnes, et prin- cipalement de celles de Fay-le-Froid. Il cite l'exemple de l'Angleterre qui, ayant essayé du JUILLET. 245 déboisement de ses montagnes, espérant sans doute tirer un plus grand produit d’un autre genre de culture, en a tellement reconnu les inconvénients que, par un bill du parlement, rendu il y a près de 99 ans, elle a ordonné le reboisement d’une étendue considérable de terrains. Depuis lors, on à employé tous les ans « de cinq cent mille francs » à un million, soit en achat de terres, plantations ou » clôtures. » Malgré que le sol de l'Angleterre soit très- riche en bassins houillers, ils n'ont pas moins senti le besoin de repeupler leurs terres incultes, soit pour avoir des bois de construction, soit pour entretenir leur marine : tandis que nos houillères étant bien moins abondantes, nous avons besoin non-seulement de bois de construction, mais surtout de bois de chauffage. Nous avons, en beaucoup de points, l'habitude d’imiter nos voisins d’outre-Manche : mais dans cette circonstance, nous n’aurions pas besoin de leur exemple, pour être con- vaincus de l'utilité du reboisement de nos montagnes, et particulièrement de celles de Fay. M. Moyère nous fait un tableau fort touchant du malheu- reux habitant de ce canton, qui, au milieu de vastes ter- rains incultes, ne trouve pas un arbre pour s’abriter lui et sa cabane, et pas un morceau de bois à brûler: qui, dans les hivers les plus rigoureux, n’a pour se réchauffer que du gazon séché ou de la tourbe. Il nous cite même des familles entières trouvées mortes de froid dans les rudes hivers de 4829 et 1845. IL est vraiment fâcheux que les habitants d’un climat si àpre en soient réduits à ne brüler que des mottes, tandis qu'autrefois le sol de ce canton était couvert de forêts qui fournissaient largement à leurs besoins : et, comme le dit 246 RÉSUMÉ DES SÉANCES. avec raison M. Moyère, le climat et les terres étant les mêmes qu'ils étaient anciennement, les essences d’arbres qui y réussissaient alors doivent y réussir aujourd’hui. Pour nous prouver que ce sol était réellement couvert de forêts, il cite les conditions faites, au xIme siècle, entre le seigneur du Mezene, Aymard de Poitiers, comte de Valen- tinois, et les habitants de ces contrées, qu’il laisse jouir librement des productions du sol, et entre autres des bois à chauffer et à bâtir. La dévastation de ces forêts remonte à une époque assez reculée pour que M. Moyère ne tienne pas à en rechercher les causes ; mais l'essentiel, dit-il, est de les replanter. Si l’on opposait les rafales ou les vents violents auxquels ces contrées sont exposées, on pourrait prévenir ces objec- tions en garnissant le sommet de ces montagnes de bois taillis, et les versants pourraient produire des bois de haute futaie. M. Moyère signale à votre attention huit essences d’ar- bres, comme étant les plus propices à réussir dans ce cli- mat, qui sont : « le hêtre indigène, l’orme à large feuille, » le frêne commun, le bouleau blanc, le sapin, l’épicéa, » le pin sylvestre, le mélèze. On trouve toutes ces essences ) d'arbres dans les montagnes des Alpes et des Pyrénées, » à 45,000 ou 48,000 mètres au-dessus du niveau de la » mer. » M. Moyère cite particulièrement le hêtre comme four- nissant un excellent chauffage et de bon charbon de bois: il dit également qu’il doit être recherché à cause de sa graine appelée faine, qui sert à nourrir et à engraisser les pores, ainsi qu'à faire de la bonne huile. Jinsislerai principalement pour la plantation du mélèze. JUILLET. 247 Cet arbre est aussi robuste qu'il est beau au printemps par sa verdure si fraîche et si précoce ; il croît très-rapidement. Comme bois de construction, sa durée est de plus de deux mille cinq cents ans; il résiste même dans les endroits humides. On peut également le regarder comme un arbre d’un produit supérieur aux autres essences résineuses, puisqu'en l'émondant on peut faire des fagots sans nuire au développement actif de l'arbre. J'en ai fait l'expérience en faisant émonder, à la hauteur de quatre à cinq mètres, des mélèzes d’une vingtaine d'années qui ont 1 m.10 c. de circonférence sur 10 à 12 mètres de hauteur. Fai même fait dépointer les branches principales à 25 ou 50 centi- mètres du corps de l'arbre, et tous les tronçons des bran- ches ont donné de nouvelles pousses pleines de vigueur. Je me joindrai à M. Moyère pour prier votre Société d'engager l'administration forestière à s'occuper activement du reboisement de ces montagnes et à veiller avec sollici- tude à ce que les plantations faites par divers propriétaires ne soient pas dévastées comme elles l'ont été jusqu’à pré- sent. Je connais un propriétaire de ce canton, qui, ayant fait une plantation d'environ quatre mille pieds d'arbres de diverses essences, les a vus dépérir insensiblement par l'ineurie des fermiers, qui ne les ont pas préservés de la dent meurtrière de leurs troupeaux. Les essais faits par l'administration forestière dans la commune de Saint-Front ayant parfaitement réussi, il fau- drait l'engager à continuer sur d’autres points et remplacer la bruyère qui couvre le sommet des montagnes de Fay par des bouquets de bois de diverses essences, qui seraient d'un grand produit; et si l'on songeait à l’agréable en même temps qu'à l’utile, cela embellirait les vastes pelouses et 248 RÉSUMÉ DES SÉANCES. récréerait l'œil du touriste entrainé de ces côtés par la beauté du lever du soleil au sommet du Mezenc et par le vaste horizon que l’on y découvre. Nous sommes tous convaincus, Messieurs, de la nécessité du reboisement du canton de Fay ; nous ne le sommes pas moins de l'utilité du reboisement de toutes les montagnes de France. Cest une question qui préoccupe vivement les esprits sérieux. Les organes de la publicité eux-mêmes prennent l'initiative pour demander le reboisement. Non- seulement il est essentiel d'obtenir des bois de chauffage, qui deviennent de plus en plus rares, mais d’arrêter la dévastation des hauteurs qui, dégarnies de plantations, laissent, un jour de pluie torrentielle, entrainer leur terre végétale dans les vallées et jusque dans le lit des rivières, de manière à occasionner ces inondations désastreuses qui ont tout ravagé en 4846 et l’année dernière. Il est évi- dent que par le déboisement et le défrichement des mon- tagnes, on à détruit le rempart naturel qui protégeait la plaine. D’après les renseignements officiels cités par M. Moyère, il y aurait à reboiser en France : « un million deux cent » quatorze mille deux cent quatre-vingt-douze hectares. La » superficie boisée dépasse sept millions d'hectares, un » peu plus du huitième de la superficie totale du pays. Il » resterait encore une quantité de bois suffisante pour » bannir toute inquiétude pour l'avenir, si l’on prend des » mesures pour assurer la conservation des forêts. La con- » sommation annuelle, en moyenne, est de quinze millions » de stères de bois de chauffage, et de cinq millions de bois » de charbonnage, ce qui donne un demi-stère de bois par » habitant: c’est bien peu, et cependant nos forêts ne sont JUILLET. 249 » pas susceptibles d'en donner davantage. » Il faudrait tâcher de produire une moyenne plus considérable. Votre désir, Messieurs, a toujours été de vous entourer des hommes zélés pour la prospérilé de leur pays et jaloux d'améliorer le sort de leurs semblables. À ce double titre, M. Moyère se recommande à vous. Vous ne dérogerez donc point à vos habitudes, et vous accepterez avec empresse- ment celui qui vient frapper à votre porte et qui désire compter au nombre de vos membres non résidants. La commission dont je suis l'organe vous propose, à Punanimité, de l’admettre. À la suite de cette lecture, il est procédé au vote sur la candidature de M. Moyère; celui-ci obtient l’unani- mité des suffrages; en conséquence, il est proclamé membre correspondant de la Société. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à sept heures. : Le Directeur de la ferme-école départementale, faisant fonction de Secrétaire, J. B. CHOUVON. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 7 AOUT. SOMM AIRE. Lecture du procès-verbal. — Ouvrages reçus : Revue agricole du Gers : traite- ment des fumiers ; Annales de la Société du Pas-de-Calais : péripneumonie des bêtes à cornes ; Bulletin de la Sociélé agricole de la Loire : société ali- mentaire ; Aunales de la Société de Tarn-et-Garonne : intoxication par l’ivra'e ; renvoi à M. ie docteur Martel; Bulletin de la Société d'acclimatation : pisci- culture, par M. Millet; Annales de la Sociélé académique de la Loire : Cata- logue de la bibliographie forézienne, par M. Latour-Varan ; Revue des Sociétés savantes ; abonnement à cette publication ; Bulletin monumental : programme du congrès archéologique de Mende. — Correspondance : lettre de M. le Maire de Vieille-Brioude, demandant l'envoi des Annales ; lettre de M. le Préfet : envoi d'une médaille d'honneur de première classe décernée à M. Best, pour son active coopération aux travaux de statistique; félicitations de M. le Prési- dent. — Agriculture : visite à l'exploitation de M. de Brive; observations de M. le Président sur quelques modifications à apporter au programme des prix pour le concours annuel de la Société ; spécimens des cultures de Senilhac : épis et tiges de blé présentés par M. Charles de Lafayette; observations du même sur l’étude qu'il conviendrait de faire de la valeur et des qualités compa- ratives de diverses variétés de céréales ; réflexions de MM. Béliben et Chouvon sur le même, sujet. — Economie publique : rapport de M. Souteyran sur la situation de la caisse d'épargne ; remerciments de M. le Président à M. Sou- teyran. — Archéologie : fragments de poterie antique trouvés à Saint-Paulien et offerts au musée par M. Gauthier ; observations de M. Aymard à ce sujet. La séance est ouverte à trois heures, sous la prési- dence de M. Ch. Calemard de Lafayette. Qi _ AOÛT. > Les fonctions de secrétaire sont remplies par M. L. Balme, vice-secrétaire. Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté. OUVRAGES REÇUS. — M. le Président mentionne par- ticulièrement les publications suivantes : La Revue agricole du Gers renferme un bon article sur l’importante question du traitement et de l’aug- mentation des fumiers de ferme. Dans les Annales de la Société du Pas-de-Calais, on remarque une étude sur la peripneumonie des bêtes à cornes, par M. Manchet, vétérinaire. L'auteur habite une localité où la malidie a sévi avec la plus extrème rigueur; il à pu par conséquent recueillir une foule d'observations, et procéder à un grand nombre d’expé- rimentations. [1 attribue l’origine du mal, dans la plupart des cas, aux vices de l’alimentation; en ce point, il se borne donc à émettre une opinion déjà fré- quemment exprimée. La partie la plus intéressante du travail est celle où l’auteur indique l’inoculation comme le seul préservatif du mal. Le Bon Cultivateur de Nancy mentionne et décrit un nouvel instrument de l'invention de M. le docteur Turé, qui, au moyen du changement de certaines parties peut suppléer un grand nombre d'instruments. Avec le même appareil, en effet, on peut avoir à vo- lonté au moins six instruments accomplissant des 252 RÉSUMÉ DES SÉANCES. fonctions différentes, et notamment : 1° un râteau; 20 un ramasseur; 3° un scarificateur, 4° un extirpateur; oo un rayonneur; 6e un semoir. Get instrument est relativement peu cher, puisqu'il ne coûte que trois cents francs. Le Bulletin de la Société agricole de la Loire contient le rapport de la commission de l’organisation de la Société alimentaire, fait par M. d’Albigny de Villeneuve. Le but de cette société est de procurer, par l'association dans l’achat des denrées diverses, une économie très- sensible, et par conséquent la vie à bon marché au profit des membres de l'association. Une commission spéciale avait été chargée de constater les résultats de cette création. Le rapport que nous avons sous les yeux fournit la preuve que cette entreprise n’a pas réussi. Un pareil échec, dans une ville comme Saint-Etienne, nous apprend sans doute que nous aurions bien moins de chances encore dans la création d’une semblable entreprise au Puy, et peut contribuer à nous détourner de tout essai du même genre. Les Annales de la Socièté de Tarn-et-Garonne contiennent un article sur l’intoxication par l’ivraie. M. le docteur Martel est prié de vouloir bien faire connaître ultérieurement à la Société son opinion sur ce travail. , Dans le Bulletin de la Société d'acclimatation, M. Millet produit une intéressante étude sur la pisci- culture. M, le comte de Causans voudra bien examiner AOÛT. 253 ce travail et voir quels enseignements il est possible d'en tirer pour la pratique de notre pays. Les Annales de la Société académique de la Loire contiennent le commencement d’un catalogue de la bibliographie forézienne par M. de Latour-Varan. Ce travail, qui sera continué, a évidemment un intérêt considérable pour tous ceux qui s'occupent de notre histoire locale. La proximité du Forez et du Velay, la connexité qui existe naturellement entre l’histoire des deux pays, si souvent solidaires l’un de l'autre, appellent toute l'attention de nos érudits sur l'étude de M. de Latour-Varan. Les Annales archéologiques de M. Didron contiennent un article intéressant sur la symbolique dans les vête- ments ecclésiastiques. La Revue des Sociétés savantes modifiant son pro- gramme primitif, annonce que, sous les auspices de S. Exc. M. le Ministre de l’Instruction publique, elle consacrera désormais une large part de sa publicité à l'appréciation et à la reproduction des travaux des associations savantes des départements. M. le Président pense que la Société trouvera bon sans doute de souscrire à cette publication. La Société accueille cette proposition. Un petit volume intitulé /hstoire du Puy, capitale du Velay, par M. Mazodier, est adressé par l’auteur, un de nos compatriotes, qui prie la Société de vouloir 254 RÉSUMÉ DES SÉANCES. bien en agréer l'hommage. La Société remercie M. Ma- zodier et le félicite du témoignage de reconnaissant souvenir offert par lui à sa ville natale. Le Bulletin monumental contient le programme du congrès archéologique qui doit s'ouvrir à Mende, le 24 août 1857, et se continuer le 29 du même mois à Va- lence. La XXIVe session du congrès scientifique de France est aussi annoncée comme devant avoir lieu dans les premiers jours du mois de septembre à Gre- noble, et dans le même mois viendra ensuite la réunion du congrès européen de bienfaisance, à Francfort-sur- le-Mein. M. le Président exprime le désir que la Société soit représentée dans quelques-unes de ces solennités intel- lectuelles. Il donne également communication d’une lettre de M. de Moré, secrétaire général du congrès archéologique de Mende, qui réclame vivement le con- cours de la Société académique du Puy, et fait particu- lièrement appel au zèle de M. Aymard. M. Aymard regrette vivement de ne pouvoir se rendre à Mende, ses fonctions d’archiviste l’obligeant à préparer un travail destiné à passer sous les yeux du Conseil général dont la convocation est fixée à la même époque. CORRESPONDANCE. — M. le Président donne lecture d’une lettre de M. le Maire de Vieille-Brioude qui de- mande, pour sa commune, la suite des Annales de la Société, dont elle possède déjà les premiers volumes. AOUT. 200 La Société applaudit au zèle de M. le Maire de Vieille- Brioude et s'empressera de faire droit à sa demande. Une lettre de M. le Préfet annonce, au nom de Son Exc. M. le Ministre de l’Agriculture et du Commerce, qu'une médaille d'honneur de première classe a été accordée à M. Best, expert-géomètre, membre de la Société d'agriculture et membre de la commission dé- partementale de statistique, en récompense du con- cours actif, intelligent et dévoué qu'il a constamment prêté aux travaux de cette commission. Des médailles de deuxième et de troisième classe sont également décernées à M. Blanc Camille, proprié- taire à Brioude, et à M. Vissaguet-Lafaye, juge de paix à Monistrol, pour une collaboration utile dans les com- missions cantonales. M. le Ministre a manifesté en même temps le désir que ces médailles soient remises à leurs destinataires dans les séances les plus prochaines des Sociétés ou Comices agricoles. Après la lecture de cette lettre, M. le Président fait ressortir en quelques mots la haute et légitime impor- tance que le Gouvernement attache à recueillir tous les éléments d’une statistique agricole complète de la France. Les grands travaux de cette nature sont en effet appelés à rendre les plus précieux services, et aideront certainement à la solution de bon nombre des problèmes capitaux que l’économie publique cherche à résoudre aujourd'hui. En remettant ensuite à M. Rest la médaille qui lui est décernée, M. le Président félicite l'honorable membre 256 RÉSUMÉ DES SÉANCES. x du témoignage de haute satisfaction rendu à ses tra- vaux par S. Exc. M. le Ministre. La Société est heu- reuse de voir constater publiquement ainsi, que le concours le plus actif et le plus direct donné aux dif- ficiles travaux de la statistique départementale ait été dû à l’un de ses membres, et elle ne peut qu'applaudir à la distinction bien méritée dont il est aujourd’hui l’objet. AGRICULTURE. — M. le Président rend compte d’une excursion faite, avec un certain nombre de membres de la Société, à la Darne, commune de Coubon, où M. de Brive avait bien voulu les engager à venir visiter son exploitation. M. Ch. de Lafayette témoigne de tout l'intérêt que ses collègues et lui ont pris à constater les améliorations si remarquables réalisées par M. de Brive, et les résultats de tout point satisfaisants qui en ont élé la conséquence. Ces cultures, comme perfection d'ensemble, sont certainement un des plus curieux spécimens de la culture intensive et si peu connue, pratiquée plus souvent qu’on ne le croit peut-être dans quelques-unes des localités, au sol particulièrement privilégié de nos fertiles vallées. Mais l'exploitation de M. de Brive se distingue de toutes les autres, même de celles les mieux conduites et où la main-d'œuvre est le plus irréprochable, par des procédés nouveaux et des pratiques inconnues dans le pays, tels que drainage, chaulage du sol, emploi d'engrais commerciaux, etc., et surtout, ce qui appelle une mention toute spéciale et mérite d’être donné particulièrement en exemple, par AOÛT. 257 la création d'un assolement judicieux conforme à toutes les prescriptions de la science. C'est évidemment par l’assolement, en effet, que les cultures du même genre pèchent trop souvent dans ce pays, et restent bien au-dessous des succès qu’elles semblent mériter, bien au-dessous des succès obtenus par M. de Brive. Ces succès et la supériorité incontestable de la Darne se traduisent par un fait essentiellement concluant. Dire que M. de Brive est arrivé, sur une exploitation de 15 à 16 hectares, à entretenir dix-huit à vingt têtes de gros hétails, c’est manifester clairement l'importance du résultat acquis et la puissance d’une culture où la production se trouve si énergiquement servie. Le guano, chez M. de Rrive, a produit de merveilleux effets, bien qu'employé à des doses fort inférieures à celles qui sont le plus généralement indiquées. M. Plantade désirerait connaître le prix du guano et les quantités précises à employer. M. de Brive dit que le guano coûte 35 fr. les 100 kilos pris à Bordeaux, — reste le port en sus. Quant aux quantités, on conseille généralement de répandre de 300 à 400 kilogrammes par hectare. Mais M. de Brive à obtenu les remarquables effets constatés par ses collègues avec des quantités de moitié moindres. M. le Président recommande cet exemple et les ré- sultats de cette utile expérimentation à l'attention et à limitation des agriculteurs. Il appelle ensuite l'examen de la Société sur quel- ques modifications qu’il lui semblerait utile d'apporter TOME XXI. 17 925$ RÉSUMÉ DES SÉANCES. au programme des concours annuels. Il proposerait notamment de changer dans certains cas la nature des primes ou récompenses, et de substituer souvent à une somme d'argent le don de machines agricoles ou d’ou- vrages d'agriculture. Ge serait le moyen de généraliser infailliblement l'emploi de bons instruments, et de propager par la lecture les bons enseignements. La Société donnant son adhésion à cette pensée, s'en réfère pour l'exécution à l'appréciation et aux décisions de la commission des primes. M. le Président présente à l’examen de ses collègues quelques poignées d’épis, froment et seigle, provenant de ses cultures à Sénilhac. Ces produits sont remar- quables tant par leur longueur tout-à-fait exceptionnelle que par le nombre de grains contenus dans chaque épillet. M. Ch. de Lafayette a dû des résultats prodigieux en ce genre à l'action énergique d’un engrais qu’il fait composer avec un mélange de suie et de sang. Un épi de s2igle, reproduit de grandeur naturelle dans le Journal d'agriculture pratique, comme excessivement remarquable par sa dimension, est mis en regard de quelques-uns des épis provenant de Sénilhac, qui sont presque tous supérieurs en longueur de près d’un cin- quième. A ce sujet, et notamment en ce qui concerne les fro- ments, M. le Président dit qu'on doit attacher , à son avis, la plus haute importance à l'étude comparative des diverses variétés de céréales entre elles. La Société devra certainement quelque jour provoquer ou faire exécuter elle-même des essais des variétés nouvelles et AOUT. 259 surtout des variétés dites anglaises. La supériorité rela- tive de certains froments cultivés dans d’autres régions peut seule expliquer les rendements prodigieux signa- lés par exemple dans les cultures du Nord. M. le Pré- sident pense que les terrains de certaines parties du département, ceux particulièrement du bassin et des environs du Puy, sont d'une fertilité comparable à celle des sols les plus privilégiés. L'infériorité de nos variétés de céréales et, il faut l'avouer aussi, le vice des asso- lements sont certainement les seules causes de l’infé- riorité des quantités dans le produit. M. le Président proposera donc en temps utile lacquisition de se- mences d'essais, et 1l invite ses collègues à chercher à se renseigner sur les variétés qu'on pourrait supposer les plus recommandables pour notre sol et pour notre cl'mat. «M M. Béliben dit que notre collègue M. Nicolas, pro- fesseur d'agriculture à l’école Normale, a déjà procédé à d’utites essais de ce genre, en semant à la ferme de Malaval, consacrée à l’enseignement agricole de l’école Normale, vingt variétés de froment. M. Chouvon annonce qu'il a également mis à l'étude plusieurs variétés étrangères et qu’il sera en mesure de faire connaître à la Société les rendements compa- ratifs qu’il aura obtenus. Il attache, comme M. le Pré- sident, une très-grande importance à l'étude de cette question, et il désire. vivement aussi que les expé- riences se généralisent sur plusieurs points et dans des proportions suffisantes pour amener à des conclusions définitives. C’est surtout avec le froment du pays, placé dans des conditions absolument identiques, qu'il 260 RÉSUMÉ DES SÉANCES. importe, suivant M. Chouvon, de comparer les variétés nouvelles. EcoNomE PUBLIQUE. — La parole est à M. Souteyran, pour la lecture du rapport qu'il veut bien faire an- nuellement sur la situation de la Caisse d'épargne. M. Souteyran s'exprime ainsi : MESSIEURS , Je viens, pour me conformer à nos statuls, vous rendre compte des opérations de la Caisse d'épargne durant l'année 1856. IL vous sera facile, à la vue de la masse de fonds relative que leur mouvement met en jeu, de vous faire une idée de leur importance. La Caisse à reçu durant 1856, en 1503 versements, dont 572 nouveaux, €i.. : 4.2: ont é ne n80B AUS ER En intérêts capitalisés au profit des dépo- Sante MAD IEMRMET SES PRE ML 14076 94 Total....... 219220 26 Elle a payé en -810 remboursements , dont 264 pour solde, ci.... 2153131 16€ En achats de rentes pour 1461 216774 16 le compte des déposants... » Total..... 216774 16 qui, déduits, donnent pour excédant des re- celtes sur les paiements, €i........ ..... 2446 40 AOUT. 261 REPOT US e slate 24461 40€ Cet excédant ajouté au solde dû aux dé- posants à la fin de l'exercice de 14855, ci... 385257 17 porte le capital dû au 51 décembre dernier, à 1550 déposants, à la somme de..,...... 587685 27 Ainsi, malgré l’action continue de causes puissantes de baisse, telles que l'élévation du prix des denrées et la con- currence de placements plus productifs, la caisse s’est non-seulement maintenue à son niveau, mais elle à pro- uressé en capital de 2,446 fr. et en livrets de 108$, c’est-à- dire de près de 9 p. 0/0. Cette augmentation, bien que légère en elle-même, sur- tout celle du capital, acquiert une certaine importance dans les circonstances où elle se produit, car elle constitue un triomphe sur les obstacles qui s’opposaient à son déve- loppement. — Je doute que les autres Caisses d'épargne de France présentent une situation aussi favorable. (Le compte- rendu des opérations de la Caisse d'épargne de Paris qui a paru dans le Moniteur du 16 courant, accuse une perte de 4,472,557 fr. sur le solde dû aux déposants à la fin de l’année 4855.) Le capital n'ayant pas augmenté dans une proportion aussi forte que les livrets, il s'ensuit que la moyenne gé- nérale des dépôts, qui était au 51 décembre 1855 de 510,17, à baissé de 25 fr. et est descendue à 287,17. L'affaiblissement de la moyenne résultant uniquement de l'augmentation des livrets, est plutôt un bon qu'un mauvais symptôme ; il prouve que la Caisse d'épargne du Puy, fidèle à son véritable rôle, ne sert que de banque temporaire, et qu'aussitôt que les économies qu'elle à 262 RÉSUMÉ DES SÉANCES. successivement reçues ont atteint sous sa féconde incubation un chiffre suffisant, elles en sortent pour payer des prix de ferme, soutenir l’industrie ou se transformer en propriété. La vérité de cette induction se trouve confirmée par les deux faits suivants : 1o L'activité toujours croissante du mouvement des fonds en entrée et en sortie, qui s’est élevé, en 1856, à 421,947 fr. et a dépassé de plus de 7,000 fr. celui déjà si important de 1855. 20 Le nombre de ce que j'appellerai les petits livrets, ceux de 500 francs et au-dessous, qui monte à 41,055 sur 1,550 et forme par conséquent plus des trois quarts du chiffre total. Les versements de 1856 l’emportent sur ceux de 1855 de 27, et les remboursements de 5. — Le progrès se révèle done sur tous les points de l’ensemble général. Maintenant si nous pénétrons dans le sanctuaire de la Caisse, pour saisir la part qu'a prise à ses opérations chaque catégorie de déposants, et surprendre ses plus in- limes secrets, nous remarquons que trois classes, malgré un mouvement de fonds assez satisfaisant, ont fini par laisser au 51 décembre leur crédit en diminution sur celui de 1855 : — ce sont les ouvriers, — les employés et les militaires. — Le total des déficits produit par chacun de leurs comptes s'élève à,.............,.4 2156214559 Les employés contribuent à ce chiffre pour larSomme des AR RARE 507 82 Les mihtaires, pour celle de......,..... 135772 85 4 reporter. ........ 16080 65 AOÛT. 265 Report. ...... 16080 65 formant une perte de 45 p. 0/0 environ sur __ leur capital de 1855. EHesipuvriers, pour, din and 80H28 48 Total égal. ...... 21562 13 La baisse du compte des employés est trop minime pour mériter qu'on s'y arrête ; elle s'explique d’ailleurs natu- rellement par la cherté des subsistances. Celle du compte des militaires, quoique bien autrement importante, ne doit pas nous préoccuper davantage, elle est la conséquence obligée du mouvement de notre garnison. L'arrivée d’un ba- taillon fournit des dépôts par transfert, et son départ des re- traits de même nature... Quelquefois Les transferts recettes balancent les transferts paiements ; d’autres fois ceux-ci l'emportent, surtout si le séjour des militaires partants s’est assez prolongé pour donner lieu à de nombreux verse- ments. Dans tous les cas, la situation de leur crédit est indépendante de tout intérêt local et ne se rattache par aucun lien aux accidents qui peuvent modifier l’aisance générale du pays. Il n’en est pas de même de la situation du crédit des ouvriers; plus intéressante que toutes les autres, elle doit aussi nous trouver plus sensibles à ses défaillances... Heu- reusement le mal n’est pas bien grand. La baisse constatée sur leur compte est faible : 5,000 sur S5,000 francs. Ce n’est guère que 6 p. 0/0 environ ; encore cette baisse se trouve-t-elle rachetée par quelques compensations assez précieuses : L'augmentation du nombre des livrets (d'ouvriers) qui est de 56 sur 260, soit à peu près 44 p. 0/0. 264 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Et le nombre des versements sur nouveaux livrets (ou- vertures de nouveaux comptes durant l'année) qui présente en 1856 sur 4855 un accroissement en livrets de 29 sur 55, plus de 50 p. 0/0, et en capital de 5,768 sur 8477, près de 70 p. 0/0. Le progrès des autres classes donne un total de 25,808 fr. 25 €. qui couvre avec un excédant de 2,446 fr. 40 e. la brèche faite au capital de la Caisse par les employés, les militaires et les ouvriers. Dans ce chiffre de 25,808 fr. 25 c., les domestiques figurent pour une somme de 7,560 fr. 45 c., représentant un boni de 40 p. 0/0 sur leur solde de 1855. Le surplus est fourni par les professions diverses et les mineurs. J'arrive à la succursale de Craponne. Il faut l'avouer, Messieurs, elle est soumise à une bien dure et bien longue épreuve... Aux difficultés d’une exis- tence toute récente, s’est jointe, pour arrêter son essor, la persistance des causes générales, dont la triste influence pèse depuis quatre années sur toutes les Caisses d'épargne de France. Mais, comme si ce n’était pas encore assez de contre-temps, ne voila-t-il pas que le chômage de la fa- brique de dentelles est venu fondre sur elle et la frapper dans son endroit le plus sensible, en tarissant sa source la plus féconde de prospérité... Ne soyons donc pas étonnés si sa situation, bien que progressive, laisse tou- jours beaucoup à désirer. Son capital s'élevait au 54 décembre 4855, à 2910/4135 Elle a reçu dans le courant de l’année 1856 1686 50 Les intérêts capitalisés ont produit........ 1420 » Total:.ucc. Gr 4746 168 AOÛT, 265 Report...... + ÀAT16 65 Elle a payé en remboursements....,,..,..,. 1604 » Reste en capital au 51 décembre dernier, 35112 65 d’où il résulte une augmentation de 202 fr. 50 c. Son mouvement général, qui n'avait été en 4855 que de 2,850 fr., s’est porté à 5,290, et donne par conséquent une amélioration de 440 fr., soit plus de 15 p. 0/0. Ce progrès, quelque faible qu’il soit, dénote un désir de vivre qui peut paraître de bon augure... Ne désespérons pas... Avec l'appui de la Caisse-mère et un ciel moins inclément, peut- être poussera-t-elle de plus profondes racines. Vous parlerai-je maintenant du fonds de dotation ? Destiné à devenir un des principaux moteurs du mont-de- piété, dans le cas où nos efforts pour l'établir seraient cou- ronnés de succès, sa situation devient intéressante, et ce rapport laisserait peut-être à désirer si je ne vous la faisais pas connaitre. Son chiffre s'élevait au 51 décembre 1855. ae Pr DRE ete eelelenate cheieteie eloisletsiete ee AU 0 TION Le produit des intérêts de eette somme et du quart de retenue à donné un Cle men stages, nf, 3114/7901 60 En déduisant pour frais,..,.. 1569 » llnreste mn". 421 60 qui, ajoutés au capital existant, élèvent le fonds de dotation, au 51 décembre 1856, à.. 17509 LD 1 M. le Président remercie M. Souteyran de cette 266 RÉSUMÉ DES SÉANCES. intéressante communication ; la Société ne peut que se féliciter de la constatation des bons effets produits par l'utile création de la Caisse d'épargne, à laquelle elle est si justement heureuse d’avoir eu bonne part ; il lui est on ne peut plus précieux que des documents aussi remarquables par leur clarté que par leur haute inspi- ration morale, lui rappellent périodiquement le succès et le progrès d’une véritable œuvre de bien public. ARCHÉOLOGIE. — Don AU Musée. — M. Aymard fait hommage au Musée, au nom de M. Gauthier, directeur des contributions indirectes, de deux fragments de poteries antiques dites samiennes, qui ont été trouvés à Saint-Paulien. L'un de ces débris offre divers dessins en relief, des fleurons, des oiseaux et un personnage combattant. L'autre morceau est la partie inférieure et nue d’une grande tasse sur laquelle M. Aymard signale l’estam- pille du fabricant ainsi figurée : DOMITVSF (Domitus fecit). Le même membre fait observer que ce nom se re- trouve dans la marque de fabrique : SEXDOMITI que porte un autre morceau de semblable poterie. trouvé aussi à Saint-Paulien, et qu'il avait mentionné dans une communication faite au Congrès scientifique du Puy (1). La question des marques de potiers, ajoute-t-il, est une de celles qui, dans les réunions du Congrès, furent (4) Compte-rendu, À 1, p. T04. AOÛT. 267 l'objet d’intéressantes explications, et il fut constaté qu'aucune des estampilles découvertes dans la Haute- Loire n'avait été indiquée sur des poteries trouvées dans d’autres contrées plus ou moins voisines de ce département. À cette occasion, M. Aymard mentionne un autre fragment du même genre qu’il a recueilli à Saint-Paulien, et sur lequel la marque du fabricant est figurée en grandes lettres saillantes dans un des petits tableaux qui décoraient le pourtour du vase. C’est comme une légende écrite en ligne verticale. La frac- ture de la pièce en a emporté une partie ; les seules lettres qui subsistent sont celles-ci : MAN... C'est la troisième estampille ainsi figurée que notre confrère rencontre dans le pays. La première, qui pro- venait aussi de Saint-Paulien, portait le mot VNA; la deuxième, qui avait été lue sur un fragment trouvé dans les substructions de la villa d'Espaly, offrait les lettres suivantes : IVSTM (Justi manu). On en trouvera les descriptions dans les comptes-rendus des séances du Congrès tenu au Puy en 1855 (1). Ces marques si complètement différentes des précé- dentes indiquent-elles un lieu distinct de fabrication? Dans quel pays devra-t-on placer les ateliers qui les produisirent ? Questions qu’il serait difficile de résoudre. Il suffira de faire remarquer que Grivaud de la Vincelle a cité un fragment de vase trouvé à Ligones, près de Lézoux (Puy-de-Dôme), sur lequel on lit le nom ALBVCI écrit de la même manière, et que dans des (4) Tone 1, p. 708. 268 RÉSUMÉ DES SÉANCES. fouilles exécutées à Jort (arrondissement de Falaise) M. Charma a signalé le mot BVTRIO figuré de même en saillie et en ligne verticale sur un fort joli vase que décorent de riches dessins. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à sept heures. Le Vice-Secrétaire, L. BALME. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 5 NOVEMBRE. SOMMAIRE. Lecture du procès-verbal. — Ouvrages reçus. — Dépouillement de la correspon- dance : Communication de M. Arnauld, inventeur de la Sonde œ@sophagienne ; demande de renseignements par M. le Préfet sur les ravages de loïdium ; idem, sur les travaux de drainage accomplis pendant l’année courante. — Demandes d'admission. — Circulaire de Son Exec. M. le Mmnistre de l’asricul- ture, relative au concours régional dont le Puy dait être le siége en 1860, — Communication de M. le Président au sujet de l'examen pour l'admission des nouveaux élèves de la Ferme-éco!e de Nolhac; félicitations de la Société adres- sées à M. Chouvon. — Sciences historiques : lecture par M Béliben d'un mé- moire sur les anciens compoix de la ville du Puy. — Don au Musée : M, Vi- bert fait hommage, au nom de M. Joseph Seguin, d’une gravure représentant la mort de Caton d'Utique. La séance est ouverte à trois heures, sous la prési- dence de M. Ch. Calemard de Lafayette. En l'absence de M. Oscar Bonnet, les fonctions de secrétaire sont remplies par M. L. Balme, vice-secré- taire, TOME XXI. 18 270 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Le procès - verbal de la précédente séance est lu et adopté. Ouvrages REÇUS. — M. le Président appelle plus par- ticulièrement l'attention sur les publications suivantes : Le Journal de la morale chrétienne, où se trouve un important document sur la situation générale des caisses d'épargne, recommandé à l'examen de M. Sou- teyran. Les Annales de l’Académie d'archéologie de Belgique publient un travail historique d’un haut intérêt sous ce titre : De l'influence des Pontifes chrétiens sur les sciences, les lettres et les arts en Europe. Le Bulletin du Comité de la langue mentionne l’en- voi de nouvelles communications archéologiques, par M. Aymard. Les Annales archéologiques de M. Didronet la Revue de l'art chrétien donnent de justes éloges à l’Album photographique d'archéologie religieuse, publié par MM. Aymard et Malègue, et qui a été soumis, dans une des séances précédentes, à l'appréciation de la Société. Dans un autre numéro de la Revue de l'art chrétien se trouve un travail de M. Dominique Branche, concer- nant l’abbaye de la Chaise-Dieu. M. Branche a, comme on le sait, écrit l’importante monographie historique NOVEMBRE. 271 de la Chaise-Dieu, et la haute valeur de cet ouvrage est suffisamment connue. Les documents nouveaux qu'il produit aujourd'hui sur le même sujet sont le complément également précieux de ses premières études. Le Bulletin de la Société de la Sarthe contient un ar- ticle de numismatique concernant l’époque gauloise , qui est renvoyé à l'examen de M. Aymard. Le Bulletin de la Société d'agriculture de Vaucluse contient l'indication d'un nouveau traitement du piétin, traitement dont les résultats seraient, au dire de lau- teur, infaillibles. Cette maladie, dit M. le Président, a cruellement sévi, durant les années précédentes , dans nos campagnes, et a porté le plus grand préjudice à nos cultivateurs. La propagation d’un remède efficace serait donc particulièrement opportune, et la Société trouvera bon de reproduire la recette indiquée, dans 'Almanach annuaire de la Haute-Loire. Deux numéros des publications de la Société de Douai contiennent , l’un un article à lire sur les avan- tages de l’ensemencement, par Poquet; l’autre un compte-rendu détaillé des rendements comparatifs en céréales obtenus par divers cultivateurs de la région du nord, dont les noms sont indiqués, ce qui donnerait aux chiffres formulés un caractère d’exactitude, bien que ces chiffres paraissent, au premier abord, suspects d’exagération. En les tenant pour vrais, ils manifestent, dans toute son évidence , la supériorité de ces cultures 272 RÉSUMÉ DES SÉANCES. des pays avancés qui, grâce à l’observance des prin- cipes rationnels de l’assolement, et en même temps à l'emploi des fumures les plus copieuses et les plus énergiques, mettent le sol en mesure de donner son maximum de produit. Les membres de la Société qui s'occupent pratiquement d'agriculture liront avec in- térêt ces articles. Le Journal d'agriculture pratique signale l'emploi d’un moyen assez original de combattre la météorisa- tion chez les animaux, qui lui est communiqué par un de ses correspondants, M. de Saint-Priest. Il s’agit simplement, à l’aide d’une seringue vide, qui jouera le rôle de pompe aspirante, de soustraire une certaine quantité du gaz développé en excès dans les intestins. Ce moyen, plusieurs fois expérimenté, aurait, dit-on, toujours réussi. Son emploi, dans tous les cas, ne sau- rait présenter de graves inconvénients. Un autre numéro de la mème publication, en ren- dant compte du congrès scientifique de Grenoble, si- gnale toute l'importance des travaux de la section d'agriculture, présidée par notre collègue et ancien président M. de Brive. Un juste hommage est rendu à la direction éclairée donnée par M. de Brive aux discus- sions agricoles du congrès. É M. Arnauld, inventeur de la sonde œsophagienne, adresse un certain nombre de prospectus expliquant les avantages et le mode d'emploi de son instrument. L'administration a demandé à MM. les vétérinaires dé- partementaux d’expérimenter l'efficacité de la sonde NOVEMBRE. 275 œsophagienne, et de faire connaitre quelle pourrait être la valeur de cette invention. M. le Président, qui a reçu la visite et les explications de l'inventeur, croit pouvoir, dès à présent, recommander l'emploi de cette sonde aussi simple que rationnelle et déjà éprouvée avec SUCCÈS. Le Recueil agronomique publié par la Société d'agriculture de Tarn-et-Garonne annonce que, dans le concours d'agriculture de 1858, il sera décerné une médaille d’or de la valeur de 150 francs à l’auteur du meilleur mémoire traitant de l'application de la chaux et autres amendements calcaires aux terres du département. Tout le monde connaît, dit M. le Prési- dent, l'importance du chaulage des terres, et quels résultats, quelquefois prodigieux, ont été obtenus de cette pratique dans certaines régions. Le chaulage, non plus que les autres amendements en général, sauf l'em- ploi du plâtre pour les légumineuses, n’est, pour ainsi dire, pas connu dans la Haute-Loire. Quelques essais de M. de Brive, quelques autres que je m'applaudis d'avoir faits moi-même, prouvent cependant quel pro- fit on pourrait attendre de cette pratique, en ce pays surtout où la valeur vénale de la chaux est bien infé- rieure au prix qu'elle a dans des pays où elle est très- largement employée. Ce qui manque sans doute parmi nous, c’est la notion exacte des circonstances de sol et de récoltes dans lesquelles il conviendrait d’adminis- trer l'amendement calcaire. Les travaux d'analyse des terres et d'étude d’amendements que M. Regimbeau avait bien voulu entreprendre, sur la demande de la 274 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Société, et que le départ de cet honorable membre a interrompus, avaient donc une bien réelle utilité. La Société fera certainement tout ce qu’elle pourra pour que ces études soient reprises, agrandies et continuées d’unemanière permanente. CoRRESPONDANCE. — M. le Préfet écrit pour demander des renseignements sur les ravages de l’oïdium dans les vignobles du département. D’après les indications fournies par diversmembres, très-peu de ceps auraient été attaqués cette année par la maladie; les treilles seules auraient été sérieusement maltraitées. Certaines espèces particulières, le muscat blanc par exemple, semblent avoir été infestées d’une manière plus grave. Il sera répondu en ce sens à M. le Préfet. Dans une seconde lettre, M. le Préfet informe la So- ciété que M. le Ministre de l’agriculture exprime le désir de recevoir toutes les publications des associa- tions agricoles. M. le Président fait observer que de tout temps la Société s’est fait un devoir de prévenir les demandes de cette nature. M. le Préfet écrit encore pour demander des rensei- gnements sur les travaux de drainage accomplis, sous l'inspiration de la Société, pendant l'année courante. M. le Président invite ses collègues à recueillir, à ce sujet, pour les transmettre à la prochaine séance, tous les renseignements qui sont à leur portée, en ce qui concerne tant les drainages exécutés que ceux en voie d'exécution ou en projet. NOVEMBRE. 275 Lo] DEMANDES D’ADMISsION. — M. le Président soumet en- suite à l'assemblée deux demandes d'admission : L'une de M. Prosper Philip, notaire et maire de Saint-Paulien, qui présente à l'appui de sa demande : lo Une notice historique sur la ville de Saint-Paulien ; 2o [Un mémoire relatif à un travail de désséchement exécuté sur deux étangs situés dans la commune qu'il administre. L'examen de la candidature de M. Philip est renvoyé à une commission composée de MM. Chouvon , Sou- teyran et Marthory, rapporteur; L'autre, de M. Henri Doniol, qui, venant prendre lui- même la direction de l'exploitation de sa terre de Ronzé, et devant par conséquent résider désormais dans l’ar- rondissement du Puy, demande à échanger son titre de membre correspondant contre celui de membre ré- sidant. M. Doniol présente, à l'appui de sa candidature, son ouvrage intitulé : Histoire des classes agricoles en France. L'examen en est renvoyé à une commission composée de MM. Aymard , Louis Paul et Béliben, rapporteur. AGRIGULTURE.— M. le Ministre de l'Agriculture adresse à la Société un certain nombre de circulaires relatives au concours régional qui doit avoir lieu au Puy en 1860. Son Excellence, dit M. le Président, a bien voulu, comme vous le voyez, Messieurs, accéder à la demande que j'ai eu l'honneur de lui adresser, au nom de la 276 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Société, en désignant la ville du Puy pour être le siége du concours régional. Il nous reste à engager vive- ment les propriétaires et éleveurs à se mettre dès à présent en mesure de figurer avec honneur dans cette grande manifestation agricole. Notre pays a encore devant lui le temps nécessaire pour que les efforts se multiplient dans tous les ordres de productions rurales, de manière à ce que la visite des exploitations et les exhibitions d'animaux pour le concours montrent enfin notre sol et nos bestiaux , non pas tels qu’ils sont restés jusqu'à ce jour, mais tels qu’ils peuvent être sous l'influence d’un progrès intelli- gent. D'ici à, il y a lieu d'espérer qu'il sera fait droit aux demandes réitérées déjà faites, et qui pourront être re- nouvelées pour que la race du Mezenc soit admise à former une catégorie particulière et que des prix spé- ciaux lui soient enfin attribués. M. le Président entretient ensuite l'assemblée des examens des jeunes candidats qui se sont présentés le 2 novembre pour être admis à la Ferme-école de Nolhac. Le jury à pu constater, par la visite détaillée de la ferme, combien M. Chouvon, son habile directeur, con- tinue à mériter les témoignages de satisfaction qui lui ont été tant de fois décernés. La prospérité de l’établis- sement se manifeste en toutes choses, et notamment par l’affluence des jeunes gens qui aspirent à y être re- çus. Tous les élèves sortants sont assurés qu'avec de la conduite et des prétentions modérées ils trouveront sans effort des positions satisfaisantes. Le bon renom NOVEMBRE. 277 de l’école de Nolhac s'étend chaque-année plus au loin* Parmi les hautes notabilités agricoles qni se sont adressées à M. Chouvon pour lui demander de jeunes sujets, on peut citer, par exemple , M. de Crombecque, l’un des plus éminents cultivateurs du Nord. Le jury a remarqué cette année que les candidats étaient plus jeunes que les années précédentes, mais qu'ils étaient infiniment mieux préparés, et parais- saient attacher le plus grand prix à leur réception. M. le Président, en terminant, adresse une fois de plus à M. Chouvon les vives félicitations de la Société pour le zèle, l'intelligence et le dévoñment qu'il ap- porte à son œuvre. C’est à ses soins de tous les jours qu'est dû le succès d’une institution à laquelle le pro- grès agricole du pays sera si redevable désormais. SCIENCES HISTORIQUES. — L'ordre du jour appelle une communication de la commission des recherches his- toriques. M. Béliben donne lecture du travail suivant : MESSIEURS , Parmi les documents que votre Commission permanente des études et des recherches historiques fait sortir tous les jours de l'obscurité où ils étaient ensevelis depuis des siè- cles, se trouve un vieux livre, un vieux terrier de la ville du Puy, à la date de 4408. IL a échappé à l'incendie de la nuit du mercredi, 40 octo- bre 4653, qui dévora l’hôtel-de-ville avec les meubles, Les 278 RÉSUMÉ DES SÉANCES. papiers , titres, chartes et les priviléges et concessions oc- troyés par les rois à la communauté du Puy. Il était sans doute avec ces vieux livres de compte relégués, d’après le procès-verbal de l'incendie, dans un autre corps de logis donnant sur le poids du roi. Il est heureux qu’on en fit peu de cas à cette époque; c’est à cela que nous devons la conservation de ce précieux manuscrit in-folio. Malgré l'importance de ce document, malgré son air vénérable , il gisait toujours oublié et méconnu dans la poussière, lorsqu'un heureux hasard l’a fait tomber en nos mains. Ce terrier est en assez bon état de conservation; il com- prend 970 pages en magnifique fort papier vergé, au fili- grane de la couronne , dont il manque cependant les feuil- lets écrits 27, 255 et 465. — Il est précédé d’une table de 48 pages. Cette table renferme le nom de tous les habitants de la ville, possesseurs de terres , de maisons soumises à la taille; elle est surtout précieuse en ce qu’elle porte en tête, en lettres gothiques, ces mots: Rubrica des las ylas fayta, l’an mil CCCCVIIL. Ce premier feuillet , presque en lambeaux , est le seul endroit du livre qui en consacre l'authenticité par une date précise; de sorte qu'il n’y a point de place au doute et que nous avons bien réellement sous les yeux la ville du Puy au moyen-âge. Vous avez entrevu déjà qu’on n’y parle encore que cette langue romane si mélodieuse, née d’un idiome latin sous le beau ciel de la Provence. Il ne faut pas s'attendre à trouver dans notre terrier la moindre réminiscence de ces tensons , de ces syrventes qui charmaient nos ancêtres, de ces romances d'amour que trouvaient si doulces Marquise, la vicomtesse de Polignac, NOVEMBRE. 279 sous le pseudonyme de Bertrans, ou la fière baronne de Mercœur , que célébrait Pons de Capdeuil, Tan quan la vey me tè le vesers jauzen Et qu'an m'en part siu en tal pessamen Qu'en chantant plor et m’vol la cor partir. En aïssi m'fai s’amors viur et murir. Elle à expiré pour jamais dans une guerre fratricide, cette aimable littérature romane, à laquelle notre Velay avait donné d’illustres soutiens dans ses troubadours, Guillaume de Saint-Didier, Pons de Chapteuil, Pierre Cardinal , le fougueux satirique du moyen-âge. Mais de quelque violence qu’on use contre une langue, elle ne disparaît pas facilement du sol où elle a poussé avec éclat; elle y laisse de profondes racines. Les vain- queurs la maudissent et la proscrivent; elle ne sera plus la langue officielle, la langue protégée , encouragée; mais elle restera chère à la mémoire des peuples qui ne veulent pas en apprendre d'autre, et qui pendant longtemps pour- suivront de leur dédain et de leurs sarcasmes la langue françoise si peu harmonieuse pour des oreilles méridiona- les. Ii n’y a pas encore longtemps que la langue romano- provençale était habituellement employée par tous les ha- bitants du midi de la France, tant nobles que bourgeois et paysans. Mais n'ayant plus de lien et de règles fixes, n'étant plus l’objet d'un enseignement régulier, ayant comme perdu sa syntaxe, elle s’est divisée en une foule de dialectes qui n’ont plus été que du patois; c'est- à-dire une impure collection de locutions pour la plupart empruntées. Par moment elle jettera quelques vives lueurs, par exemple, dans Les chants si doux et si poétiques de no- 280 RÉSUMÉ DES SÉANCES. tre moderne troubadour Agenais (Jasmin) ; mais ce sont les derniers accents d’une langue qui se meurt; et on y sent l'influence de la langue d'oil. On peut donc dire que nos contrées ont laissé mourir leur langue , avec toute cette ci- vilisation méridionale dont elle n’était que l’expression la plus haute. Devons-nous la regretter et avons-nous perdu au change? Le doute est permis en présence de tous les chefs-d’œuvre qu'a produits l'esprit humain dans cette langue du Nord dont nous subissons le joug, devant cette vivante unité française , si féconde en progrès éclatants, en glorieuses institutions; mais qu’il nous soit permis, lors- que, presque sous nos yeux , tombe quelqu'un de ces véné- rables vestiges de nos anciennes coutumes , de notre ancien parler, de ne pas fermer notre cœur à quelques regrets, qui ne sont pas sans amertume. Aussi ce n’est pas sans émotion, qu'en ouvrant notre vieux terrier, dans ses pages bien techniques et fort peu poétiques, du reste, j'ai retrouvé des traces du provençal le plus pur; on n’y reconnaîtrait pas le patois de nos jours ; car qui sait com- bien d’altérations l’auvergnat, le limouzin, le lyonnais et le français ont infligées à notre ancienne langue na- tionale. On peut en juger à la première lecture et par une courte citation : Peyre Dolezo un ostal en las taulas vès la chareyra de la Traversa, en que ista, que douna de cens ans clers qua- tre cartous de civada et dezanou déniès et mealhe, et une lioura de pébre (4) al Monsignor del Puey, val, sans chart, (A) Elle valait 5 livres équivalant à 200 de notre époque. NOVEMBRE. 281 seis cents liouras, den sen debatre per tot lo chart trenta liouras, resta cinq cens settanta liouras..… Item prent sobre l’ostal de la molher de maystre Peyre Armant que fo de messire Johan Bargetas, à la grango de blat quarante sous debtals que valont trenta dos liouras. Item dona a tres sorres mongas per legat fayt per son payre seis liouras per viestiari à chascune de dos en dos ans sept flors que montarie per an à totas très vingt et seis liouras , etc., etc. Item prend al portal de Crebacor sobre un autre ostal que compret de dona Cecilia Marceta la Mazelliera, etc. (1). Il me semble que ces accents ont plus de sonorité que ceux de notre patois d'aujourd'hui, rempli d'intonations sourdes, trainantes, avec des consonnes mouillées que nous devons à nos voisins d'Auvergne. Il y a des mots qui sont tout italiens, — la molher , la sorre, la monga (2), compret (acheter), etc. Plusieurs linguistes pensent que l'italien même vient du romano-provençal, et l’on à dit (1) Pierre Dolézon, une maison aux Tables, vers la rue de la Traverse, où il demeure, et qui donne de eens aux cleres quatre cartons d'avoine, dix-neuf de- niers et mialhe, et une livre de poivre à Monseigneur l'Evèque du Puy. — Elle est évaluée sans cette charge 600 livres. — Il faut en ôter pour la charge 30 livres, reste 570 livres. Il prend sur la maison de la femme de maître Pierre Armant, maison qui appar- tenait à messire Jean Bargès, et qui est à la grange du blé, 40 sous de rente éva- lués à 32 livres. Il donne à trois sœurs religieuses, pour le legs fait par son père, 6 livres par an, et pour leur vestiaire à chacune d'elles tous les deux ans, 7 florins qui font en totalité 68 livres par an. I prend au portail de Crève-Cœur, sur une autre maison qu'il acheta de dame Cécile Marcet, la bouchère, etc. (2) La femme, la sœur, la religieuse. 282 RÉSUMÉ DES SÉANCES. que Dante eut la pensée d’écrire son admirable poème de l'Enfer dans la langue provençale. Ce qui est certain, c’est qu’il faut demander le nom, l’histoire et les œuvres de nos poètes, nos compatriotes des XIIe et XIIIe siècles, aux bi- bliothèques d'Italie. Je n’entends pas trouver dans le terrier de 1408 des élé- ments nécessaires pour une histoire de la langue ; il n’a certes aucune valeur littéraire; mais on m’excusera , si, à propos de l’idiome dans lequel il est écrit, j'ai donné un souvenir et un regret à cette littérature si gracieuse, bril- lante tige épanouie sous le souffle lyrique de nos anciens chevaliers-poètes, et morte dans sa fleur. Ce que notre terrier peut nous donner, c’est la topogra- phie de notre ancienne cité, sa population, son état in- dustriel et commercial. Nous la trouvons, comme dans le compoix de 1725, comme dans l’extime de 1544, suivant une coutume de Rome ancienne, divisée en 22 îles ou quartiers. — A cette date de 4408, je n’ai pu encore retrouver l’origine des noms de ces iles, ils me paraissent dus en partie à des ci- toyens, capitaines isliers, chargés de la police et de la garde de leurs quartiers, et qui, dans les temps d’alarmes et de troubles souvent suscités par des gens d'armes de passage, des routiers, ou par l’annonce de l’arrivée de l'Anglais et du Bourguignon, devaient pourvoir au dresse- ment des chaînes qui défendaient l’abord des principales rues; ce qu'indique un procès engagé par le syndic des consuls contre les officiers de la cour commune qui pré- tendaient aussi au dressement des chaînes dans les rues : privilége exclusivement réservé aux magistrats consulaires Q NOVEMBRE. 2 C2] 3 et, sous l'autorité de ces derniers, aux gardiens des quar- tiers de la ville. Outre cette sorte de défenses destinées à arrêter les cava- valiers, la ville était préservée contre les attaques exté- rieures par cette même enceinte fortifiée dont j'ai déjà présenté le plan, par ces hautes murailles, ces tours à l'entretien et à la réparation desquelles les consuls avaient ordre d'employer toutes les sommes provenant du droit de barriage (un denier sur chaque bête chargée et non char- gée entrant en ville). Cependant ce n’est pas vers les portes de la ville que se trouvent au moyen-âge les quartiers les plus fréquentés. La rue de Saint-Gilles n’est à cette époque que le chami de Saint-Giri, le chemin de Saint-Gilles ; et dans ce quar- tier il y a des jardins ; il y a la rue des orts dous Mour- gues, qui n’est autre que la rue des Mourgues, Les mai- sons de la rue Porte-Aiguière sont de peu de valeur : cetle rue a même des jardins du côté gauche en en- trant par la porte, près de laquelle nous voyons établi, en 1545, le couvent de Bon effet. C'est dans la haute ville, vers le Cloître, que se porte la foule au moyen-âge; c'est là que règne l’Evêque, sei- gneur et comte du Velay, à l’ombre de cette vaste basi lique, au pied du haut clocher Notre-Dame, sous la pro- tection de la tour Saint-Mayol et de la vaste enceinte fortifiée qui vient se relier à la salle crénelée des Etats. Cest toute une ville dans une ville ; avee son officialité, sa juridiction particulière, ses propres murailles , ses tours, ses portes, dont il nous reste encore un fragment bien conservé dans la rue de Vienne. Fortifiée par le rocher Corneille qui s'élève isolé et à 284 RÉSUMÉ DES SÉANCES. pic, par une partie des murs de la ville, contre l’inva- sion de l'ennemi du dehors, elle est surtout fortifiée contre les habitants, avec lesquels le Cloître ne reste pas tou- jours en bonne intelligence; surtout lorsque la main pontificale prétend toucher aux franchises de la commune. Là, selon un document authentique (1459, — inventaire de la ville), rière le clergé se réfugiaient des nobles, des bourgeois même, pour échapper aux innombrables con- tributions que les rois, pour payer leurs guerres, impo- saient à leurs bonnes villes. Immédiatement au-dessous du cloître se développaient les îles Chamars, Feuchier, Moravy et Viana : mais c’est au pied et tout le long du rapide escalier qui conduit à la basilique, jusque sous les voûtes qui portent le sanc- {uaire que la ville est le plus agitée. Là est le mouve- ment et le commerce; on peut en juger par l’estima- tion des maisons de la rue des Grazes {de Gradibus), la rue qui longe l'escalier de la cathédrale, par la valeur des maisons de la rue de Séguret (secureto), rue fort an- cienne qui, sous un nom insignifiant existe encore devant l'Hôtel-Dieu. La rue de la Traverse, maintenant rue du Greffe, celle de la Rochette, dite des Pèlerins, celle de Montpeyroux, aujourd’hui de la Prison, etc., toutes ces rues, quoique étroites, étaient les plus passantes de la ville. Ces hauts quartiers auxquels conduisait la rue des Ta- bles, si escarpée, mais alors si animée et si peuplée, étaient habités par des argentiers, des orfèvres; on en compte dans le terrier plus de quarante, parmi lesquels j'ai relevé les noms d’Estienne de Lobeyrac, rue de la NOVEMBRE. 285 Traverse; de Laurent Crouzet, rue de Séguret, sans doute l’aïeul de l’orfèvre François-Siméon Crouzet, célè- bre dans sa ville, au XVIe siècle , en l'art de la métri- ficature et rhétorique françoise , auteur de plusieurs mys- tères joyeux, farces et comédies. La fabrication, à l'effigie de la Vierge anicienne, des mé- dailles d’or et d'argent, de plomb et d’étain, à l'usage des pèlerins, était une industrie considérable à cette époque. Elle était en pleine activité autour de la cathédrale : elle a donné lieu à de nombreux procès, dont les pièces authentiques sont aux archives de l'Hôtel-Dieu, entre plu- sieurs habitants du Puy et les maîtres de l'hôpital qui prétendaient en avoir le monopole. Toujours est-il que, d'après notre terrier, le haut commerce trouvait dans ce genre d'industrie une mine inépuisable de richesses et de considération. A côté des argentiers se plaçaient les borcers ou bour- siers, qui vendaient aux nombreux visiteurs que nous attiraient la célébrité du sanctuaire de Notre-Dame et la beauté de nos sites, des ceintures, des écharpes bro- dées de pierreries fines, de belles bourses. Non con- tents d’attendre le chaland dans leurs boutiques, ils le proyoquaient par l’exhibition de leurs marchandises, éta- lées sur de grandes tables qu'ils plaçaient dans les rues, surtout dans celle appelée de las Taulas ou des Tables. Il y en avait jusques sous la grande voûte qui porte les dernières travées de la cathédrale, contre les piles qui soutiennent, comme dans l’espace, près de la moitié de ce remarquable édifice, IL y avait de ces tables des deux côtés de la rue des Grazes; le Chapitre, l’Université de Saint-Mayol , l'Hôpital avaient chacun les leurs dont ils TOME XXI. 49 286 RÉSUMÉ DES SÉANCES. tiraient de fortes assences. Les rues de la Traverse et de la Rochette en étaient garnies. Le terrier cadastral de 4408 in- dique bien aussi des tables pour la rue de la Coyraria (ou Courrerie), et pour le pla de la Buldoyre (la place du Plot) ; mais celles-ci, quine payaient que 25 sous de rente au Consulat, n'étaient estimées que 60 livres, c’est-à-dire 2,400 fr. (évaluation fondée sur le prix du blé à cette époque, qui était à 2 sous l’hectolitre; sur le prix d’une messe et de la journée d’un ouvrier cotées à six deniers). Il y avait encore des tables à plus bas prix encore aux portes de la ville, sur les autres places, appelées Taulas d'ort , tables pour le jardinage; tandis que les tables de la rue de las Taulas, celles des Grazes, de la Rochette, etc., étaient évaluées à 120 livres ou 4,800 fr. Il est difficile de se faire une idée exacte du spectacle si pitioresque, si animé que devaient présenter les rues en pente escarpée de la haute ville, pleines de monde, cou- vertes de tables chargées de petits objets bénis, images, médailles, chapelets, reliquaires, auxquels la piété des pèlerins donnait un débit considérable. Sans doute que les marchandises d’un plus grand prix étaient renfermées aux boutiques des argentiers , des borcers et des mercers; car, malgré les lois somptuaires de 41510, édictées par Philippe- le-Bel, la ville était renommée par le luxe et la richesse de ses productions fabriquées. Chez les argentiers, se trou- vaient ces magnifiques pièces d’orfévrerie, ces beaux reli- quaires, ces croix, ces cassettes émaillées à figurines d’or repoussé et ciselé qu’un de nos savants confrères (1), dans un album photographique, a su faire revivre et exposer à (1) M. Aymard. NOVEMBRE. 287 nos regards. Grâce à ses persévérants efforts, grâce au bu- rin délicat de M. Camille Robert et à l’'habileté du photo- graphe M. Malègue et de imprimeur M. Marchessou, nous pouvons, sans recourir à l’art exotique, retrouver ces merveilles de l’industrie de nos ancêtres qu'on venait de bien loin chercher au Puy. Ce que le terrier de 1408 m'a révélé de l'immense affluence des pèlerins dans notre ville, non-seulement à l'époque du jubilé , mais encore à toutes les grandes fêtes; ce qu'il m'a révélé du talent et de la renommée de nos ar- sentiers, j'en ai trouvé la preuve dans un petit livre bien narquois , bien satyrique, intitulé ironiquement : Les quinze joies du Mariage , et attribué à Antoine de Lassale, né en 1598, en Touraine, et auteur de Jehan de Xaintié. Après avoir exposé sur le ton de la plus douce philoso- phie les sept premières joies du mariage, il arrive à la huitième : « C’est celle que procure au bonhomme la détermina- tion prise par sa femme d'aller en pèlerinage à Nostre- Dame du Puy en Auvergne ou à Rochemadour près de Ca- hors, en compaignie d’un sien cousin. » La huitième joie, dit-il, si est quand le bon homs ayant voué sa femme en mal d'enfant aux saincts et aux sainctes et aussi elle se voue à Nostre-Dame . » Or s'approche Quasi-modo qu’il faut partir. Les voilà en route et peine pour le bonhoms..……. » ... Or arrivent au Puy en Auvergne à quelque paine, et font leurs pèlerinages; et Dieu sait si le bonhoms est bien déboutté et foullé en la presse, pour faire passer sa femme ; or lui baille sa femme , sa sainture et ses pate- nostres, pour les toucher aux reliques et au sainct image 288 RÉSUMÉ DES SÉANCES. de Nostre-Dame et Dieu sait s’il est bien empressé, et s’il a de bonnes coudées et de bons repoux..…. » Or il y a de riches dames, damoiselles, bourgeoi- ses qui sont de leur compaignie , qui achaptent patenostres de coral, de jais ou d’ambre, aimeaulx (1), ou autres joyaulx. Or il faut que sa femme en ait aussi bien comme les autres; et à l’aventure le bonhomme n’a pas trop de chevance , mais nyentmoins il faut qu’il en pourvoie. Pour le retour même peine pour le bonhomme. Et la dame qui est lassée ne fera rien de quinze jours, sinon parler 0 ses com- mères et cousines, et parler des montaignes qu’elle a veues, et des belles chouses, et de tout ce qui lui est advenu... » Voilà certes un témoignage on ne peut plus concluant, dans son expression si plaisante, de la réputation de notre cité au moyen-ôge, et qui prouve surabondamment que la ville doit beaucoup à Marie, sa protectrice, et que le piédestal sur lequel nous la plaçons, n’est que l’acquit d’une vieille dette. Parmi ces marchandises , objet de la convoitise de nos dames , damoiselles et bourgeoises du moyen-âge , les mer- cers de la rue Notre-Dame-des-Anges devaient tenir la dentelle , parure extrêmement recherchée par la noblesse de France, surtout à une époque où l'habillement était d'une si grande magnificence, mélée de telles bizarreries que le continuateur de Guillaume de Nangis va jusqu’à attribuer le désastre de Créey à l'ampleur des manches du justaucorps. — En 1408, les femmes avaient quitté depuis longtemps le costume sévère du XIILe siècle, et Juvénal (1) Certaines édtions portent anneaulx. NOVEMBRE. 289 des Ursins, historien de la fin du XIVe et du commence- ment du XV® siècle, qui est précisément l’époque de notre terrier , se récrie contre le luxe de la toilette. « Les dames et damoiselles, dit-il, menaient grands et excessifs états et cornes merveilleuses, hautes et larges, et avaient de chas- cun côté deux grandes oreilles , ornées d’étoffes précieuses et de dentelles si larges que quand elles voulaient passer l'huis d’une chambre , il fallait qu’elles se tournassent de côté et qu’elles se baissassent (1). » Il y a donc déjà bien longtemps que la fantaisie et le caprice sont, en France, les lois de la royauté la plus tyrannique , la plus étendue et la plus solidement assise qui fut jamais , la mode. Les gigan- tesques escophions du commencement du XVe siècle et les souliers à la poulaine ne pourraient-ils pas être justifiés par certaines exagérations du costume des dames de nos jours ? Quant aux dentelles, les trois in-folios que j'ai consultés sur la ville du Puy n’en disent pas un mot; c’est par d’au- tres documents que j'ai appris qu'on en fabriquait au Puy . en 1408 , et qu'on trouvait cette marchandise chez nos mercers ou merciers. Cependant nous pensons que ce genre d'industrie, qui n’est pas spécialement mentionné, n'était pas un objet principal de commerce , et n'avait pas le développement que nous le voyons prendre de nos jours, et qui promet à notre ville et au département du bien-être et de la prospérité. (1) Voir l'excellent dictionnaire historique des institutions , mœurs et coutumes de la France, au mot habillement des Français aux diverses époques de leur his- toire, par M. Chéruel, maître de conférences à l’école Normale supérieure, 290 RÉSUMÉ DES SÉANCES, Si du commerce de la ville du Puy nous passons à sa po- pulation, sans trop de témérité nous pouvons affirmer, d’a- près les données de notre terrier, qu’en 1408 la ville du Puy était au moins aussi peuplée qu’elle l’est de nos jours. ILest vrai qu’elle n'avait pas la même étendue qu’aujour- d’hui. Depuis cette époque, nous l’avons vue franchir ses murailles, s’étaler au grand jour du soleil, et venir former successivement les faubourgs St-Laurent, de Panassac, des Capucins, du Breuil , de Saint-Jean. La ligne des maisons du boulevard , à partir du portail d'Avignon jusqu’à celui des Farges , a été portée en avant des remparts sur une lar- geur de 20 mètres en moyenne. Mais, d’une autre côté, dans l’enceinte des murs, les rues se sont élargies, les places ont pris un plus grand développement. Dans l’inté- rieur, des établissements étendus se sont formés aux dé- pens d’un grand nombre de maisons : ainsi le Lycée ou Collége a été construit surl’emplacement de plus de qua- rante maisons prises dans la rue des Monédiers, de la Velha Sabbatlaria (la Vieille-Savaterie), du Bessac et de la Chaus- sada (ou Chaussée, calciata). — Le couvent de Sainte- Marie, dans l’//a Viana (de Vienne), a été bâti aux dépens de vingt-six maisons. — Celui de Sainte-Claire a envahi l'île Pouzarot, et ainsi du grand hôpital, de la Visitation, de Saint-Joseph et d’autres établissements religieux ou ci- vils ; de sorte que les faubourgs ont gagné ce que la ville intérieure a perdu. Nous pouvons donc en tirer cette con- séquence, que pendant bien longtemps le nombre des habitations est resté à peu près le même ; que celui des mai- sons construites a compensé celui des démolitions succes- sivement opérées dans le but d'élargir les rues et d'agrandir les places. De sorte que la ville s’est mise à l'aise, mais NOVEMBRE. 291 sans perdre d'habitants d’une manière notable, En 1545 nous avions 1699 articles pour la ville, en 4408 on compte environ le même nombre de maisons. En supposant dix habitants par maison ou un peu plus, nous avons une population de 46 à 48,000 âmes , qui est à peu près celle de notre ville en 4858. Je ne puis donc avoir grande confiance dans ce propos du frère Théodore-l'Hermite qui, dans son Histoire de Notre- Dame du Puy, à la date de 4695 (1), affirme « que les rues » et principalement les basses sont marchandes et pleines . » d’une abondance de peuple et le nombre des habitants » approche de cinquante mille. » Sans doute qu’il comp- tait dans ce nombre la population flottante en un jour de fête, Une telle affluence n’eût certes pu vivre habituellement dans l'enceinte assez peu étendue et contenue, depuis le XIIe siècle, dans de hautes murailles. Dailleurs le recense- ment et la statistique étaient choses assez peu connues avant notre époque, au moyen-âge surlout. Dans ce temps de peste, d’oppression et de guerre , les hommes ne se comp taient pas; qu'importait le nombre à ceux pour qui la mort était le but suprême de la vie. La seule induction qu’on puisse légitimement tirer de nos investigations à ce sujet, est que notre cité était au moins aussi peuplée au moyen- âge que de nos jours. D'où vient que sa population est restée stationnaire, tandis que les autres villes qu’elle dominait ou qu’elle éga- lait autrefois ont prospéré. Les villes de Toulouse, de Nismes, de Montpellier, de Carcassonne, de Saint-Etienne, (1) A cette date le commerce avait quitté la haute ville. 292 RÉSUMÉ DES SÉANCES. de Clermont sont devenues de belles villes, remarquables par la magnificence de leurs constructions. La plupart de leurs rues sont larges, bien alignées, bien arrosées. Il n’est pas une de ces villes qui ne possède un château d’eau, avec des réservoirs, des conduits destinés à fournir l’eau saine des sources à des fontaines monumentales, à des bor- nes-fontaines qui servent à entretenir la propreté dans les rues, de grandes routes, des chemins de fer rendant faciles et commodes les abords de ces villes.—Tout cela n'existe pas encore au Puy, où les améliorations se produisent si lente- ment. Assurément nous ne pouvons attendre aujourd’hui des populations ces ardentes aspirations religieuses qui ame- paient journellement chez nous des foules de pèlerins qui fai- saient la fortune de nos argentiers, de nos merciers et de nos hostaliers. Si les conditions de prospérité ne sont pas au. jourd’hui tout-à-fait les mêmes, les éléments de progrès ne nous font cependant pas défaut ; il ne s’agit que de sa- voir les mettre en œuvre. Déjà la fabrication de la dentelle, heureusement placée entre des mains intelligentes et acti- ves, prend un développement qui promet beaucoup. D’au- tre part, notre ville, reine des montagnes , fièrement assise entre trois vallées, arrosées chacune d’un cours d’eau, ne peut-elle pas devenir un centre agricole et indus- triel? Par leurs pentes rapides, les trois rivières qui la bai- gnent, la Loire, la Borne et le Dolézon, peuvent fournir de nombreuses chutes et donner à l’industrie de puissants moteurs; tandis que les terres volcamisées et les gras pâtu- rages, au moyen de la culture perfectionnée, donneront l'abondance et le bien-être. Mais où m'’entraîne la comparaison de la ville de 4408 avec la ville de 4860 ; j'oublie que je suis en ce moment NOVEMBRE. 293 un homme du moyen-âge, et qu'après m'être arrêté quel- que temps dans la haute ville, il me reste encore à parcou- rir ses bas quartiers, mon vieux terrier sous le bras. M. le Président exprime à M. Béliben tout le vif in- térêt que l’Assemblée a pris à cette lecture. La Société ne peut qu'engager vivement M. Béliben à continuer des recherches de cette nature, qui apporteront infailli- blement de nouveaux et précieux éléments pour l'his- toire. Dox au Musée. — M. Vibert, directeur du Musée, soumet à l'examen de la Société une gravure qui, de- puis la dernière séance, lui a été adressée par M. Jo- seph Seguin de Paris, pour en faire hommage au Musée, dans le cas où elle serait jugée digne de cette desti- nation. Comme œuvre d'art , dit M. Vibert, cette gravure offre peu d'intérêt; il n’en est pas de même comme do- cument historique. Elle représente la mortde Caton d'U- tique. L'ensemble de cette composition a tant de rapports avec le même sujet possédé par le Musée, que l’un sem- ble une réminiscence de l’autre, avec quelques varian- tes dans les draperies et l'attitude de Caton, dont le fils ne figure pas dans la gravure qui fait l'objet de cette communication. Tout le mérite de cette gravure est de porter le nom de Ribera , et de nous confirmer dans l'opinion que notre tableau du Caton d'Utique doit être attribué à cet auteur , et non à Salvator-Rosa, en faveur de qui aucune preuve ne s’est encore révélée. 294 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Cette observation est faite en vue de la notice future des collections du Musée. M. Vibert rappelle les dons récents de notre généreux et intelligent compatriote, M. Joseph Seguin, et, sur la proposition de M. le Président , la Société lui vote d’u- nanimes remerciments. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à sept heures. Le Vice-Secrétaire , L. BALME. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 3 DÉCEMBRE. SOMMAIRE. Lecture du procès-verbal. — Communication des ouvrages reçus. — Dépouille- ment de la correspondance : Envoi et don, par M. le docteur Philippe Mathieu, d’une magnifique collection de coquillages ; remerciments de la Société ; démis- sion donnée par M. Oscar Bonnet des fonctions de secrétaire. — Cormmunica- tion sur le drainage; observations de MM. Chouvon, de Brive, Calemard de Lafayette, Béliben. — Enquête sur les résultats de la culture de la pomme de terre Chardon. — Don au musée : lettre de M. le comte de Niewerkerke annon- çant l'envoi d’un paysage de M. Lapito, donné par Sa Majesté l'Empereur ; ob- servations à ce sujet par M. Vibert, directeur du musée ; vote de remerciments par la Société. — Compte-rendu du Congrès de Grenoble par M. de Brive. — Rapport de M. Marthory sur une candidature. — Ouverture du scrutin et élection de M. Prosper Philip comme membre résidant. La séance est ouverte à trois heures, sous la prési- dence de M. Ch. Calemard de Lafayette. L'ordre du jour de la précédente séance est lu adopté. 296 RÉSUMÉ DES SÉANCES. OuvraGes REÇUS. — Le Bulletin de la Société des An- tiquaires de Picardie contient une courte notice sur le monogramme de Charlemagne, qui peut être utile à consulter pour l'attribution de certaines monnaies. Les Annales de la Société d'émulation du départe- ment des Vosges publient un article à lire sur la ques- tion toujours controversée d’Alésia. On remarque dans le Bulletin de la Société de l'His- toire de France une notice sur la topographie de Paris au quatorzième siècle, qui témoigne tout le prix qu'on attache à des études du genre de celles qu’a entreprises notre collègue M. Béliben. Le Bulletin de la Société académique de Poitiers contient plusieurs études sur les divers systèmes d’amo- diation et de louage des biens ruraux et notamment sur le bail à colonage partiaire, par MM. de Curson et Savatier de Beaupré, qui jettent d’utiles lumières sur une des plus importantes questions agricoles, et ten- draient sans doute à relever le métayage bien compris de l’injuste discrédit dont quelques théoriciens l'ont frappé. Dans le Recueil agronomique de la Societé d'agricul- ture de Tarn-et-Garonne se trouve un article où le procédé du sulfatage des blés est clairement et briève- ment décrit. Dans le Journal d'agriculture pratique pour le Midi DÉCEMBRE. 297 de la France, M. Noulet étudie, en praticien exercé, les charrues qu'on à pu voir à l'Exposition universelle de 1855. Parmi les charrues françaises recommandables se trouve mentionnée la charrue de M. Armelin, que M. le Président a étudiée lui-même et qu'il considère comme l'une de celles dont on pourrait tirer le meilleur parti dans notre pays. La charrue Armelin se distingue particulièrement par la mobilité de la pointe indépen- dante de son soc. Cette pointe est constituée par une barre de fer carrée, d’un mètre à peu près de longueur, aiguisée en bec de flûte, s’affilant à mesure qu’elle s’use, et qu'on pousse en avant au fur et à mesure de l'usure de la pointe. Cette ingénieuse disposition dis- pense de fréquentes visites chez le maréchal. Le même article accorde une intéressante mention aux instru- ments, pour défoncements énergiques, de M. Guibal, de Castres. Ces instruments, la défonceuse Guibal et le rouleau piocheur, sont évidemment bien près d’attein- dre le précieux desideratum auquel tend l'inventeur, mais il leur manque sans doute encore un certain degré de perfection relative qui puisse mettre leur mérite hors de toute contestation. La 9%, la 10e et la 11e livraison du tome vie du Zulle- tin de la Société d'agriculture de Vaucluse contiennent : 1° un rapport sur les truffières artificielles; 2° une note sur le sorgho et une communication sur le vin de sorgho, qu'on peut lire avec fruit. Le Moniteur des Comices contient par fragments, auxquels on ne peut reprocher que leur excessive 298 RÉSUMÉ DES SÉANCES. brièveté, la publication des voyages agronomiques de M. le comte Conrad de Gourcy. Le Journal d'agriculture pratique contient un ar- ticle de M. Camille Bouscasse qui fait connaître en dé- tail le système, très-digne d’être étudié, employé par M. de Crombecque, pour la préparation des engrais d’étable. L'Annuaire de la Société météorologique de France contient le renouvellement du bureau et l'élection des dignitaires de cette Société. Parmi les noms des mem- bres non résidants de son conseil d'administration nous voyons avec satisfaction figurer celui de notre honorable doyen M. Bertrand de Doue, dont les travaux météorologiques jouissent dans le monde savant d’une si légitime considération. Le Bulletin de la Société des Antiquaires de la Morinie mentionne des recherches historiques et paléographiques faites dans un esprit entièrement conforme à celui qui a déterminé, dans le sein de la Société, la formation d’une commission spé- ciale. La Revue de la Société d'agriculture, sciences et arts de Valenciennes contient la monographie du village de Raismes; monographie qui peut aussi servir, jusqu’à un certain point, de modèle, et prouve tout au moins que les études de cette nature ayant pour objet les plus modestes circonscriptions, ne sont ni dépourvues DÉCEMBRE. 299 d'intérêt, ni même sans valeur pour les études d'histoire générale. M. le Président recommande ces diverses publi- cations à l'attention du Comité des recherches histo- riques, qui peut y trouver quelques utiles indications sur les moyens de rendre ses propres travaux aussi fructueux que possible. CORRESPONDANCE. — Madame la baronne de Thilorier écrit à M. le Président pour lui annoncer l'envoi de quelques exemplaires du prospectus qui contient l’énu- mération des races et espèces d'oiseaux de basse-cour dont elle est assez abondamment pourvue pour pou- voir céder aux personnes qui le désireraient, soit des couples adultes, soit des œufs pour les faire couver. Le prospectus annoncé contient l'indication des qualités et principaux caractères des plus intéressantes de ces espèces. M. le Président en fait la distribution à MM. les membres présents. Il est ensuite donné lecture d’une lettre de M. Phi- lippe Mathieu, docteur en médecine, qui, pendant les pérégrinations les plus lointaines, a bien voulu con- server le souvenir de la Société, et qui lui fait don au- jourd’hui d’une magnifique collection composée de 9590 coquilles recueillies à l'ile Bourbon, et que les éta- blissements les plus riches en ce genre nous envicraient Certainement. Voici la lettre de M. Mathieu. 500 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Le Puy, le 3 décembre 1857. MONSIEUR LE PRÉSIDENT, J'ai l'honneur de vous adresser une caisse de coquillages de l'ile de la Réunion, que j'ai fait recueillir avant mon départ de cette colonie. Je suis heureux de l’offrir à ma ville natale, en témoignage du souvenir que je lui avais conservé pendant mon absence dans ces lointains parages. Il serait possible que quelques-uns de ces objets fissent double emploi : en ee cas, je ne saurais blàämer que vous fissiez, avec d’autres établissements scientifiques, des échanges bien combinés, qui profitent également aux uns et aux autres. Veuillez offrir à votre savante Société, dans laquelle je compte plusieurs condisciples et amis, et agréer aussi pour vous-même, Monsieur le Président, l'expression de mon attachement et de mes sentiments les plus distingués. PP. MATHIEU, d. m. p. A la suite de cette lecture, M. le Président invite ses collègues à passer dans la salle d'histoire naturelle pour y examiner le magnifique envoi de M. Mathieu. Il pro- pose ensuite la candidature du généreux donateur au titre de membre non résidant. Il sera statué sur cette proposition à la prochaine séance. En attendant, les DÉCEMBRE. 501 plus vifs remerchnents seront adressés à M. le docteur . Mathieu. M. Aymard fait observer que, parmi les coquilles que la Société vient d'admirer, il en est quelques-unes qui peuvent avoir pour nous un intérêt spécial; ce sont les coquilles terrestres, qui offriront des sujets instructifs de comparaison avec les espèces vivant encore dans notre pays, comme avec celles qu’on y retrouve à l’état de fossile. Démission. — M. Oscar Bonnet demande la parole pour exprimer à la Société tout le regret qu’il éprouve d’avoir à renoncer aux honorables fonctions de Secré- taire qu'elle avait bien voulu lui confier. Forcé de quitter la ville du Puy pour une nouvelle résidence, M. Oscar Bonnet emporte le plus précieux et le plus reconnaissant souvenir des témoignages de bien- veillance et de sympathie qu'il a reçus de ses collègues. Ce bon souvenir l’encourage à demander à la Société qu'elle veuille bien lui conserver le titre de membre résidant, au moins jusqu'à l’époque où les intérêts qui l'appellent ailleurs lui auront permis de prendre un parti décisif sur sa résidence ultérieure. La Société, consultée , s’empresse, à l’unanimité , d'accorder à M. Oscar Bonnet la faveur qu'il sollicite , et M. le Pré- sident exprime à son tour que la Société veut voir , dans la demande qui lui est faite, un gage que les adieux de M. Oscar Bonnet n’ont rien de définitif. Elle ne renonce pas à l'espoir que M. Oscar Bonnet lui rap- porte un jour une collaboration assidue et le concours justement apprécié de ses études et de son talent. TOME XXI. 20 502 RÉSUMÉ DES SÉANCES. En raison de la démission de M. Oscar Bonnet, la Société aura à procéder, dans la prochaine séance , à la nomination d’un Secrétaire. DRAINAGE. — Pour répondre à la demande de M. le Préfet, communiquée dans la dernière séance, concer- nant les travaux de drainage exécutés dans le départe- ment, M. le Président invite ses collègues à faire con- naître les travaux ou projets sur lesquels ils peuvent avoir recueilli des renseignements. M. Chouvon dit qu’en ce qui le concerne, il ne saurait trop préconiser la pratique sérieuse du drainage. Il se propose bien de continuer assidûment à drainer ses propriétés. Les champs qu'il a drainés déjà se sont immédiatement distingués par les effets les plus caractérisés ; l’assai- nissement des terres et l'écoulement des eaux qui se fait sans retard, constituent une transformation radicale du sol cultural. Durant cette année, par exemple, année, comme on le sait, fort pluvieuse, on à pu mettre en tout temps la charrue dans des champs qui, avant d’être drainés, restaient forcément sans labour toutes les fois que l'automne était humide. M. Chouvon pense que la Société doit redoubler d'efforts pour seconder le zèle de l'autorité supérieure dans la propagation de la pratique du drainage. M. de Brive exprime une opi- nion analogue. Il s’applaudit vivement d’avoir drainé et drainera encore. M. Calemard de Lafayette père constate que la prairie drainée, dont il a déjà entretenu la Société, a donné des produits de plus en plus satisfaisants. Les fermiers qui Sen DÉCEMBRE. 507 sollicitent la location des parties drainées ne font plus aucune différence entre la tête de la prairie, qui est de première qualité, et les bas-fonds les plus marécageux qu'on avait été réduit à défricher et dont on avait fini par abandonner la culture. M. Ch. Calemard de Lafayette va faire aussi étudier un drainage d'ensemble pour la propriété de Sénilhac, où il espère pouvoir tirer un utile parti, pour l'irriga- tion, des eaux d'écoulement. M. Béliben dit qu'il est à sa connaissance que M. Vissaguet se propose de de- mander incessamment à M. Nicolas les études d’un drainage complet de sa prairie de Champcenis, au ter- roir de la Bernarde. M. le Président fait observer qu'il résulte de ces communications que bien peu de personnes, dans l’ar- rondissement du Puy du moins, ont encore pratiqué de sérieuses opérations d'assainissement, Il est à sa connaissance , il est vrai, que dans l'arrondissement de Brioude la question à marché beaucoup plus vite. MM. de Ruolz et Olivier notamment accomplissent ou vont accomplir de vastes opérations d'assainissement, Mais il n'en est pas moins regrettable que plus près de nous, si peu de propriétaires se soient mis en mesure de bénéficier des dispositions si favorables et des en- couragements du Gouvernement. Il serait à souhaiter qu'un certain nombre de propriétaires manifestassent en ce moment l'intention de procéder prochainement à l'exécution de drainages de quelque importance. Ce serait le seul moyen de justifier la demande des alloca- - tions considérables que le Gouvernement, grâce à l'intervention bienveillante de M. le Préfet et de 504 RÉSUMÉ DES SÉANCES. M. l'Ingénieur en chef, serait certainement tout disposé à nous accorder. Les renseignements recueillis dans la séance et ceux qu'il sera possible d'y ajouter encore seront transmis sans retard à M. le Préfet. L'ordre du jour appelle la communication des essais faits, par plusieurs membres, de la pomme de terre Chardon. Introduite l’année dernière par les soins de la So- ciété d'agriculture, cette robuste variété, dit M. le Président, paraît avoir conservé, cette année encore, le caractère de supériorité comme vigueur, comme ré- sistance à la maladie et comme rendement, qui lui avait été reconnu tout d'abord. Cette opinion estconfirmée par l'unanimité des com- munications qui se produisent à ce sujet. Il résulte en effet des renseignements fournis par un grand nombre de membres, notamment MM. de Brive, Chouvon, Calemard de Lafayette père, du Garay aîné, Joyeux , Ch. Calemard de Lafayette, etc., que la pomme de terre Chardon a rendu généralement 18 ou 20 fois la semence; et cela dans les conditions les plus usuelles de la grande culture, conditions dans lesquelles les pommes de terre ordinaires n’ont guère rendu cette année que 7 ou 8 fois la semence. Ces rendements, déjà très-beaux, de la pomme de terre Chardon, ont mème été considérablement dé- passés. Sur le terroir privilégié de Polignac, un double décalitre en aurait donné 45. DÉCEMBRE. 505 Au point de vue de la maladie, la pomme de terre Chardon présenterait de même, par la comparaison avec les autres variétés cultivées dans le pays, l'avantage le plus marqué. Ainsi, M. de Brive, par exemple, éva- lue au tiers environ les pertes résultant de l’altération organique pour les variétés ordinaires; ailleurs, et suivant d’autres observateurs, c'est moitié qu'il faudrait dire. Pour la pomme de terre Chardon, au contraire, quelques expérimentateurs, cultivant en des sols légers et suffisamment sains, n’en ont point trouvé de gâtées ; d'autres n’évaluent le déchet qu’au vingtième, au quin- zième , et tout au plus au dixième des quantités ré- coltées. Appréciant à leur valeur des faits si certains et si re- marquables, et retrouvant ici, dans toute son évidence, ce principe capital, suivant elle, qu'en agriculture il n’est pas de question si minime en apparence qui ne touche aux plus hauts intérêts publics, la Société croit devoir conclure de ce qui précède, que la simple substitution d’une variété à une autre variété de pommes de terre, peut, en doublant et triplant peut-être le ren- dement de cette culture , intervenir puissamment dans la solution des plus graves problèmes soulevés par la question de l'alimentation du plus grand nombre. Elle estime que c’est là une preuve, entre tant d’autres, une preuve des grands résultats qu'on peut atteindre par l'étude comparative des diverses variétés de récoltes similaires. Et en appelant de tous ses vœux le moment où ses ressources et les encouragements éclairés du Gouvernement lui permettront, dans cet ordre d'idées, 306 RÉSUMÉ DES SÉANCES. de tenter, au profit du pays, les expérimentations de toute nature, elle décide : Que les indications fournies par un grand nombre de ses membres, à la suite d'expériences judicieuse- ment conduites , au sujet de la valeur relative de la pomme de terre Chardon, seront, en son nom, trans- mises à S. Ex. M. le Ministre de l'Agriculture; et que M. le Ministre sera, en outre, vivement sollicité de con- tribuer encore, par tous les moyens possibles, à la propagation la plus prompte et la plus générale de cette précieuse variété. BEAUX-ARTS. — M. Vibert, directeur du Musée, fait la communication suivante : Par lettre du 19 octobre dernier, M. le comte de Niewerkerke , directeur des Musées de Paris, annonce à M. le Maire l'envoi d'un tableau donné par l’Empe- reur au Musée du Puy. Ce tableau, qui a figuré à la der- nière exposition, représente une vue prise dans la vallée de Royat, peinte par Lapito. M. Vibert ajoute que ce paysage, arrivé depuis deux jours, est placé dans la galerie des tableaux, et prie M. le Secrétaire de la Société d'insérer cette déclaration dans le procès-verbal de la séance. M. le Président ajoute que le procès-verbal devra contenir également, au nom de la Société, l'expression de la plus vive gratitude. L'ordre du jour appelle le compte-rendu du Congrès scientifique de Grenoble, par M. de Brive. M. de Brive s'exprime en ces termes : DÉCEMBRE, 307 MESSIEURS , Délégué pour vous représenter au Congrès scientifique qui s’est tenu à Grenoble, en septembre dernier, je crois remplir un devoir en vous rendant compte de la mission que vous m'avez donnée. J'espère d’ailleurs que le succès du Congrès du Puy, auquel notre Société a pris une part si importante, vous à convaineus de l'utilité de ces solenni- tés scientifiques auxquelles désormais resteront attachés tout votre intérêt et votre dévoüment. Le Congrès de Grenoble, dirigé par un secrétaire géné- ral (1) actif et érudit, avait réuni un nombre de savants à peu près égal à celui qu'avait attiré le Congrès du Puy. La présence à Grenoble d’une cour impériale, d’une aca- démie, de diverses facultés et de plusieurs armes savantes, assurait d'avance à cette solennité un concours considé- rable. Aussi comptait-on plus de 400 membres inscrits, dont les deux tiers environ ont suivi très-exactement tous les travaux indiqués par un long programme. L'ancien palais des Etats du Dauphiné, servant depuis quelques années de palais de justice, avait été mis à la disposition du Congrès et présentait, par le grand nombre et la beauté de ses pièces, une distribution des plus con- venables pour la tenue des séances générales et des séances de sections. Mgr Ginoulhac, évêque de Grenoble, élu président 1) M. Albert du Boys, ancien magistrat, 508 RÉSUMÉ DES SÉANCES. général, a ouvert le Congrès par une messe du Saint-Esprit et un discours très remarquable sur l'alliance des sciences et de la religion. Immédiatement après, les travaux des sections ont commencé par la nomination de leurs prési- dents, qui ont été : pour celle des Sciences : M. Gueymard, ingénieur en chef des mines en retraite; celle d'Histoire . M. de Terrebasse, ancien député ; celle de Médecine : M. le docteur Leroy, doyen de la Faculté des Sciences; celle des Lettres : M. Dubeux, procureur général à la cour impériale d’Aix; et enfin, j'ai eu l'honneur d’être désigné pour pré- sider celle d'Agriculture. J'ai su que, dans toutes les sections, les questions du programme y ont donné lieu à d’intéressantes discussions. Mais, par la raison sans doute que les questions agri- coles ont acquis de nos jours un intérêt plus général, la section d'agriculture est celle de toutes qui a réuni le plus grand nombre de membres et dans laquelle les séances ont été le plus suivies et le mieux remplies. L’attache qui m’a retenu constamment dans cette section ne me permet pas d'entrer dans aucun détail sur les tra- vaux des autres sections. Cependant je crois devoir appeler l'attention de mes collègues sur les questions suivantes, qui ont été débattues dans ces sections et qui me paraissent toucher à plusieurs intérêts de notre département : Des lignites considérés comme combustibles et des pro- cédés à suivre pour en améliorer l’usage. Des ciments et chaux hydrauliques, conditions que doi- vent remplir les pierres calcaires pour être propres à leur fabrication. Des plantes caractéristiques de diverses zônes d'altitude et des limites inférieures et supérieures de leur végétation. DÉCEMBRE. 509 Des ossements fossiles découverts dans les terrains ter- tiaires de transport du bassin du Rhône. Des scrofules, du crétinisme et des goîtres dans les pays de montagnes. Des eaux thermales du Dauphiné et de la Savoie. Des procédés hydrothérapiques. Des ateliers monétaires dans les provinces qui formaient autrefois Le royaume d’Arles. Des universités qui ont existé en Dauphiné. De la musique religieuse au XIXe siècle. Dans la section d'Agriculture, les questions qui ont été l’objet des plus sérieuses discussions ont été les suivantes . . Des inondations et des moyens de les prévenir. De l'utilité des fermes-écoles. De la désinfection des matières fécales et de leur emploi. De l’écobuage. De la sulfalisation des bois pour assurer leur durée. Des engrais : de leur confection, de leur conservation et de leur emploi. Du semis des bles en ligne. De l'élève de la chèvre au point de vue de la production des peaux de chevreaux. La première de ces questions, celle relative aux inonda- tions, avait dans le département de l'Isère une plus grande importance que partout ailleurs. Sillonné qu'il est sur toute sa surface par des cours d’eau qu'encaissent de hautes mon- lagnes, les inondations y sont fréquentes et dévastatrices. La ville de Grenoble en particulier, située au centre d’une vallée fertile, est entourée par deux rivières, l'Isère et le 340 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Drac, qui font sa richesse en temps ordinaire, mais qui, en temps de crûe, couvrent ses récoltes, ravinent ses terres, remplissent ses rues et menacent souvent son existence méme. Aussi cette question, pour laquelle un grand nombre de membres s'étaient fait inserire, a-t-elle rempli trois séances entières, dans lesquelles tous les moyens préservatifs ont été indiqués, discutés et appréciés à leur valeur. On y a reconnu qu’il ne pouvait y avoir de vrais préservatifs que dans les travaux qui, en retenant provisoirement les eaux surabondantes, auraient pour effet de diminuer l'intensité de l’inondation en prolongeant sa durée. Aussi la section a-t-elle émis l'avis suivant : « S'il ne dépend pas de l’homme d'arrêter complètement les inondations, il est possible d’en atténuer les effets par l'emploi, suivant les circonstances locales, du reboisement, du gazonnement, des barrages, des fossés horizontaux, des réservoirs artificiels, du drainage et du curage des cours d’eau. » C’est à peu près la solution que vous aviez vous- mêmes donnée lorsque vous aviez débattu cette grave question dans le sein de votre Société. A propos de la question sur l'utilité des fermes-écoles, utilité que quelques membres ont contestée, parce que dans les départements qu’ils habitent, des fermes-écoles n’ont pu être établies, ou que celles qui y ont été établies n’ont pas réussi, j'ai saisi l’occasion de faire connaître les services que la ferme-école de Nolhac a rendus au dépar- tement de la Haute-Loire et de rappeler que c’est à l’habile et sage direction de notre collègue M. Chouvon qu'est dû le succès qu’elle a obtenu. = DÉCEMBRE. 314 Une question qui a été traitée sous toutes ses faces est celle des engrais. M. de La Trehonnais a d’abord parfaitement établi que les engrais, qui ne sont autre chose que les matériaux avec lesquels les plantes sont constituées, étaient ou naturels ou artificiels. Les engrais naturels sont fournis à la terre par l'air, mais en quantité d'autant plus grande que, par le travail, on y expose mieux ses diverses parties. De à l’ex- plication des effets de la jachère et de ceux des plantes fourragères améliorantes qui transmettent à la terre les provisions d'azote, de phosphate, d'oxygène et d'hydrogène qu’elles ont puisées dans l’air au moyen de leur large et haut feuillage. Les engrais artificiels sont ceux qui sont élaborés par la digestion des animaux ou la manipulation des manufac- tures. Le fumier d’étable, qui est le plus généralement employé, n’est autre que la récolte consommée par l’animal mais amoindrie des parties que l'animal à appropriées à sa constitution. Cette récolte avait été déjà le produit à la fois des engrais du sol et de l'air, et on conçoit dès-lors toute sa puissance de fécondation, par ce fait qu'il rend au sol plus que celui-ci ne lui avait fourni. Mais il ne suffit pas de produire le fumier, il faut le conserver, avec toutes ses qualités, jusqu'au moment de son emploi. Les éléments les plus précieux du fumier sont ou volatils et s’évaporent à l’air, ou bien cristallisés et sont solubles dans l’eau. De là, la nécessité de modérer sa fermentation et de l’abriter du soleil et des eaux plu- viales. Parmi les engrais de commerce, M. de La Trehonnais s’est arrêté spécialement au guano, dont tout le monde apprécie 312 RÉSUMÉ DES SÉANCES. le mérite, mais que son haut prix fait souvent délaisser, et à un engrais nouvellement employé et qui joint à un prix bien inférieur des qualités tout aussi fertilisantes, le su- perphosphate de chaux dont il a été créé en Angleterre, depuis quelques années, un nombre considérable de fa- briques. M. Gueymard, le célèbre chimiste de Grenoble, et qui a su, pendant tout le Congrès, trouver le temps de présider la section des sciences, et d'apporter à toutes les séances de la Section d'agriculture le tribut de ses connaissances profondes et variées, a traité la question des engrais avec la même supériorité. Partant de ce fait qu’il regarde comme certain, que dans l'habitude, on perd de 25 à 50 p. 0/0 des engrais produits, il occupe la section des moyens, non-seulement d'éviter cette déperdition, mais encore d'améliorer et d'augmenter la masse des engrais. Tout le monde connaît la volatilité du carbonate d’am- moniaque, dont l'odeur est si désagréable, mais qui est en même temps l’un des principaux principes de la fertilité des engrais. La chimie indique des moyens bien simples de conserver cette substance au fumier des étables. IL suffit pour cela de le saupoudrer, chaque soir, avec du plâtre fin, avant de donner la litière aux animaux. Cette matière a la propriété de convertir le carbonate d’ammoniaque en sulfate d'ammoniaque fixe, d'accroître ainsi la puissance de l’engrais et de rendre les écuries salubres. Quand le plâtre est cher dans une localité, on peut employer les couperoses avec le même succès, en en faisant dissoudre 00 grammes dans deux litres d’eau et en arrosant le fu- mier. Er ot DÉCEMBRE. 515 Les matières fécales, si riches en principes azotés, en phosphates et autres sels, ne sont presque nulle part uti- lisées convenablement. Dans la plupart des villes on est obligé de payer pour les faire enlever. À Grenoble, il en est bien autrement et la belle vallée du Grésivaudan doit, en partie, sa grande richesse de végétation à l'emploi de ces matières. La valeur, sur place, du mètre cube enlevé par les fermiers des environs, est de 5 francs. On en ré- pand, en deux fois, 100 mètres cubes par hectare, dans un assolement de cinq ans, composé de deux chanvres, l’un après l’autre, un blé, un trèfle et un autre blé. La ville de Grenoble , comptant 55,000 habitants, fournit, chaque année, 16,000 mètres cubes de matières fécales qui ferti- lisent, pendant cinq ans, 460 hectares de terre. C’est done un engrais puissant. Mais l’odeur de la vidange et du trans- port infectait la ville et en rendait l'emploi bien désagréa- ble. On résolut donc de désinfecter les fosses, avant de les vider, et on y réussit complètement par le mélange d’une dissolution de couperose verte (sulfate de fer) (1). Mais les . consommateurs prétendirent que la désinfection enlevait à l’engrais son action fertilisante et il a fallu toute la per- sistance de l'administration et Les efforts d’une commission scientifique, pour convaincre le publie qu'en fixant les principes azotés dans l’engrais, on empéchait leur déper- dition et on ajoulait ainsi à l’engrais des sels volatils, es- sentiels à la nutrition des plantes. (1) 4 kilog. de sulfate de fer dissous dans 12 litres d'eau et versés dans une fosse, en brassant à fond, suflisent à la désinfection complète, et en moins de 10 minutes, d'un mètre cube de matière fécale. Le sulfate de fer se vend 42 à 13 cent. le kilog, 514 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Il existe, dans les environs de Grenoble, une pratique dont M. Gueymard a cru devoir également entretenir la section. On l'appelle le brülage des terres ; c'est à peu près ce qu'ailleurs on désigne sous le nom d’écobuage. À la fin de l’assolement, on enlève sur tous les champs de la vallée la partie gazonnée, sur une épaisseur de à à 10 centimè- tres ; on fait sécher au grand air; on réunit ces mottes en petits cônes, au centre desquels on place de petits fagots de chenevottes ou de sarments et on fait brüler lentement. On établit ainsi ces petits fours, au nombre de 8 à 900 par hectare. L'essentiel est que la température ne s'élève pas trop et que le combustible et les débris de plantes soient plutôt charbonnés qu’incinérés. L'effet de ce brülage est de constituer, avec l’humus et les autres matières contenues dans le sol, du carbonate d’ammoniaque qui, répandu, avec la terre brülée, sur toutes les parties du champ, lui com- munique une grande fertilité. M. Gueymard pense que cette grande fertilité, acquise par le brülage des terres, est due à une autre action qui n’a point encore été signalée : c’est la fusion de la silice que contiennent, dans des pro- portions considérables, tous les terrains propres à la cul- ture, et qui est si utile à Ja végétation de la plupart des plantes. La silice, par son contact avec l'air et l'humidité du sol, est bien accessible à l'assimilation des plantes, mais faiblement. Par le brülage, elle est réduite à l’état de gé- latine et, sous, cette forme, elle peut être beaucoup plus complètement absorbée par la végétation. Quoi qu’il en soit des causes, il n’en est pas moins certain que l’expé- rience a établi que le brülage des terres, loin de nuire à leur fécondité, dans les environs de Grenoble, contribue puissamment à entretenir cette richesse de végétation qui DÉCEMBRE, 515 fait l'admiration de lous les étrangers qui visitent ces belles vallées. En 1841 , M. le docteur Boucherie avait publié des expé- riences très-intéressantes sur des moyens simples pour assurer la conservation des bois et donner aux plus ten- dres la durée des bois les plus durs. Ces procédés con- sistaient dans le remplacement de la sève par une disso- lution minérale ou métallique qui leur communiquait son inaltérabilité et faisait passer les bois à l’état fossile. On avait, dès le principe, essayé un grand nombre de réactifs, et quoique tous produisissent de bons résul- tats, on avait fini par donner la préférence au sulfate de cuivre. D'abord on sulfalisa les bois en garnissant leur partie supérieure d’un cylindre extérieur en plomb laminé, dans lequel on versait le réactif qui, en s’in- sinuant dans les pores du bois, en chassait la sève et s'y établissait à la place. Plus tard, on plaça les bois que l’on voulait sulfatiser dans des caisses de madrier hermétiquement fermées: on enlevait la sève en y fai- sant le vide, puis on introduisait dans la caisse une dissolution de sulfate qui remplaçait la sève. Aujour- d'hui on a simplifié les procédés, qui varient suivant le résultat qu'on veut obtenir. Lorsqu'on veut sulfati- ser complétement les bois, on les place dans une caisse de mesure, on ajoute la dissolution composée de 95 d’eau et 7 de sulfate de cuivre cristallisé. On chauffe directement ou à la vapeur jusqu'à 70 ou S0 degrés centigrades , et l’on maintient cette température pendant 2 ou 5 heures, suivant la dureté ou la dimension des bois. Un mètre cube de bois exige 2 kilog. de sulfate de cuivre, 546 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Le second procédé, applicable aux bois dont on ne veut sulfatiser qu’une partie, aux piquets ou échalas par exemple, consiste à placer les bois verticalement dans un vase de cuivre, à y verser une dissolution sembla- ble de sulfate de cuivre, et à chauffer au même de- gré pendant 4 ou 2 heures. Tous les bois préparés d’après ces procédés deviennent inaltérables au feu comme à l'humidité. On peut sul- fatiser les bois tendres comme les bois durs, les bois secs comme les bois verts, les bois bruts comme les bois ouvrés. En 1857, des bois tendres sulfatisés avaient déjà résisté 9 ans à toutes les intempéries des saisons et ne manifestaient aucune altération. On conçoit l'utilité dont l'emploi de la sulfatisation peut être pour les bois de charpente, de menuiserie, les poteaux des télégraphes, les traverses des chemins de fer, les poutrelles des ponts, les supports des gale- ries, l’échalassement des vignes, etc., etc. On fait usage de ce procédé précieux pour quelques-unes de ces in- dustries. Mais à combien d’usages nouveaux ne pour- rait-il pas être appliqué? Le prix du sulfatage est élevé, puisque le sulfate de cuivre coûte en ce moment 425 fr. les 400 kil., et qu'avec tous les frais accessoires, on peut évaluer la dépense de la sulfatisation du bois à 6 fr. 75 cent. le mètre cube. Mais si par ce moyen on rendait en effet indéfinie la durée des bois, quelle économie ne trou- verait-on pas à l’employer? Le Congrès de Grenoble, par la divulgation qu'il aura faite de ce procédé, sur lequel plusieurs de ses membres, et en particulier M. Gueymard, ont porté la lumière, DÉCEMBRE. 317 aura rendu un véritable service à toutes les industries qui peuvent l'utiliser. La question du semis des blés en ligne a fourni l’oc- casion de faire observer que ce mode d’ensemencement avait l’avantage d'économiser une part considérable de la semence, économie qui peut être évaluée à la moi- tié, ou même aux deux tiers, et de faciliter le binage des céréales, qui deviennent ainsi une récolte sarelée. Ce dernier fait donnerait l'explication de l'accroissement de production que l’on obtient généralement de ce môde de semis. En même temps on a fait remarquer que cette mé- thode se complique de la question de l'emploi des se- moirs mécaniques, sur le mérite desquels la section n’a pas été d’un avis unanime, principalement pour la pe- tite culture. On a paru conclure de la discussion, qu'il y avait lieu de continuer les expériences sur ce mode d’ense- mencement{. Enfin, Messieurs, la section s’est occupée d’une ques- tion qui avait un grand intérêt pour les habitants de Grenoble. Vous savez que la ganterie de cette ville a une réputation européenne et qu’elle occupe une grande partie de sa population. Or, la matière première de cette industrie, qui est la peau de chevreau, diminue chaque jour par les progrès que fait l’agriculture et la guerre à outrance que la silviculture fait aux chèvres et à leurs éleveurs. C’est un combat à mort entre ces deux industries. Le Congrès avait à rechercher les moyens d'opérer una réconciliation entre ces deux intérêts. Il a cru les trouver TOME XXI, 21 518 RÉSUMÉ DES SÉANCES. en conseillant l’élève de la chèvre, dont les produits par le lait et le pelage sont considérables, à l’étable ou au piquet. Ces deux méthodes sont employées dans quelques lo- calités où on s’en trouve bien. En l’adoptant générale- ment, on pourrait continuer, même étendre l'élève de la chèvre et conserver ainsi à la ganterie un produit dont elle ne peut se passer. .Telles sont les principales questions qui ont été sou- mises à la section d'agriculture du Congrès de Greno- ble, et qui ont été discutées avec une suite, une intelligence des matières et un talent qu’il est bien rare de rencontrer dans les réunions mêmes les plus dis- tinguées. J'aurais encore à vous signaler bon nombre d’utiles travaux, mais je ne dois point oublier que c’est un simple résumé que j'ai à vous présenter en ce mo- ment, l'impression des procès-verbaux du Congrès de- vant un jour combler les lacunes que contient ce rapport. En attendant, j'aurai atteint mon but si j'ai pu vous convaincre de l'intérêt qu'a présenté le Congrès de Gre- noble, et donner à quelques-uns d’entre vous le désir d'assister à ces assises périodiques de la science, où s’échangent entre amis tant de bonnes pensées et tant de bons sentiments. M. le Président remercie M. de Brive de cette inté- ressante communication. La Société savait déjà combien elle avait été dignement représentée par l'honorable membre, au Congrès de Grenoble; elle ne peut que lui renouveler aujourd’hui d’unanimes félicitations. DÉCEMBRE. 519 ADMISSION. — M. Paul Marthory fait un rapport verbal au nom de la commission chargée d'examiner les titres présentés par M. Prosper Philip, à l'appui de sa candi- dature. M. Philip se présente avec deux mémoires ou notices qui montrent, sous un multiple aspect, ses aptitudes en même temps que son ardeur au travail. Le premier de ces écrits est une Notice historique sur la ville de Saint-Paulien pendant la période de 4789 à 4795. Cette intéressante étude retrace, en traits rapides, quel- ques-uns des vestiges matériels ou moraux attestant l’anti- que importance de l’ancienne capitale des Vélaunes. Je n’ai garde, dit M. le Rapporteur, de vous donner une analyse de ces pages rapides que nul d’entre vous ne manquera de lire; je préfère constater ici, à la juste satisfaction de la Société, quel heureux mouvement de recherches histori- ques continue à se produire sous vos auspices, et je vois, dans le travail que M. Philip consacre à la ville où il est né, un de plus de ces bons exemples donnés depuis quel- que temps par une foule d'hommes studieux et amis de leur pays. Le second opuscule , par lequel M. Philip nous prouve surabondamment qu'avant même d’être nominativement des nôtres il était, par l’action intelligente, par le dé- voûment et le zèle, l’un des plus méritants parmi les colla- borateurs de notre œuvre agricole, est un Rapport sur des travaux de desséchement d’un marais et de défriche- ment d’un terrain boisé, exécutés dans la commune de Saint-Paulien. 520 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Ici encore le rapporteur estime que la meilleure ma- nière d'apprécier la double entreprise si heureusement menée à bonne fin par M. Philip, c’est de lire la note si courte mais si substantielle écrite par lui. L'une de ces deux opérations a été exécutée sur une pro- priété particulière de l’auteur, et en fournissant du tra- vail à la population ouvrière, dans un moment de cruel chômage, en préparant, d’autre part, un sol inculte et sans valeur à donner des produits considérables, M. Phi- lip a trouvé, et donné en utile exemple, une des com- binaisons les mieux entendues de l'intérêt privé s'inspirant d’une généreuse vue d'humanité. Le travail de desséchement et l’amodiation d’un ter- rain communal accomplis par M. Philip, comme maire, a bien une autre valeur encore, et témoigne d’une initiative qu'on serait heureux de voir imiter par les administrations qui se meuvent dans les sphères les plus élevées. Il suffit sans doute de constater que , par le desséchement du marais communal appelé le Grand-lac, le jeune et habile administrateur a pu réaliser / dans la commune qui lui doit désormais une impérissable gratitude, trois bienfaits distincts, féconds eux-mêmes en inappréciables consé- quences. Tandis, en effet, que le plus grand service était ainsi rendu à la salubrité publique, des ressources sérieuses , inespérées, arrivaient d’ailleurs merveilleuse- ment à point pour aider à la réalisation des plus utiles me- sures; et en même temps le grand intérêt de la con- sommation générale trouvait également son compte dans un accroissement de production que nul ne serait tenté de dédaigner en songeant que des œuvres pareilles pourraient DÉCEMBRE, 524 et devraient s’accomplir dans le plus grand nombre de nos communes rurales. Les ressources créées ainsi par la mise en valeur d’un pa- cage relativement improductif, s'élèvent aujourd’hui à la somme de 4,400 francs. Elles ont permis de solliciter avec fruit de rombreux secours du Gouvernement, et c’est grâce à elles que la commune de Saint-Paulien se trouve désormais dotée d’un ensemble d'institutions qui ferait honneur à de bien plus grandes cités. Parmi les créations qui recomman- dent à la gratitude de toute une population le nom de M. Philip et le souvenir d’une administration féconde, il est bon de signaler tout au moins les plus importantes. Ici il n’y a qu’à citer le résumé de M. Philip lui-même : Ao L'école communale, dont la direction est confiée à quatre frères de l'établissement de Paradis, est gratuite. Les portes en sont ouvertes à l'enfant du riche et du pau- vre, on ne compte pas moins de 150 à 200 élèves pendant l'hiver ; 20 Une salle d’asile , fondée sur une grande échelle, qui peut rivaliser avec tous les établissements de ce genre créés dans le département, abrite aussi gratuitement tous les enfants du premier âge des deux sexes; 50 L'hospice , reconstruit à neuf et sur des bases meilleures, permettra désormais de secourir un plus grand nombre de malheureux; 40 La principale place de Saint-Paulien, qui était plus élevée que le sol de l’église et la rendait conséquemment très-humide, a été soumise à un nivellement régulier; 50 Une conduite d’eau a été établie , et une fontaine orne la principale place de la cité ; 522 RÉSUMÉ DES SÉANCES, 60 Un service contre les incendies a été fondé par l’organisation d’une compagnie de sapeurs-pompiers et l’a- chat d’une pompe. Ce rapide exposé suffit tout au moins à prouver que M. Philip est également habile à exécuter d'excellentes choses et à les exposer d’une façon saisissante et pleine de clarté. En accueillant dans son sein ce nouveau mem- bre, la Société témoignera, autant qu’il esten elle, de tou- tes ses sympathies pour un maire qui, bien jeune encore, a déja mérité d’être cité comme modèle et qui devien- dra pour elle un collaborateur des plus appréciés. La commission, à l'unanimité, propose l'admission de M. Prosper Philip. A la suite de ce rapport, le serutin est ouvert. Le dépouillement du vote donne l’unanimité en faveur de M. Philip, que M. le Président proclame membre rési- dant de la Société. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée. Le Secrétaire, Oscar BONNET. PROCES-VERBAUX DES SÉANCES DE L'ANNÉE 1858 SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 14 JANVIER. SOMMAIRE. Lecture du procès-verbal, — Communication des ouvrages reçus. — Dépouille- ment de la correspondance. — Nécrologie : Mort de M. le baron de Bastard ; de M. de Sigaud de Lestang père. — Musée : Vœu de la Société pour qu'il soit prochainement procédé à la construction du Musée-Crozatier ; observations à ce sujet par MM. Félix Robert, Vibert, etc. — Ecoles industrielles : Rapport annuel de M. Bertrand de Doue sur la situation des écoles. — Election de M, Béliben comme secrétaire de la Société. — Rapport sur la candidature de M. Henri Doniol, par M. Béliben; nomination de M. Doniol à titre de membre résidant. A trois heures, la séance est ouverte sous la prési- dence de M. Ch. C. de Lafayette. En l'absence de M. Bonnet, M. Balme est prié de 324 RÉSUMÉ DES SÉANCES. remplir les fonctions de secrétaire. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. OuvRAGES REÇUS. — M. le Président offre à la Société, au nom de M. Achille Eyraud, notre compatriote et col- lègue, le livret d’une opérette intitulée : Brin d'amour, et dont il est l’auteur. Cette pièce, dit M. le Président, a obtenu à Paris un très-agréable succès et apporte une justification nouvelle à la réputation d'esprit de bon aloiï que de nombreux opuscules pleins de gaieté et d'humour ont faite à notre confrère. Le Bulletin de la Société de Vaucluse publie un tra- vail intéressant sur la grande question du reboïsement. Cet article sera lu avec fruit par les personnes qui étu- dient cette question. Le Bulletin de la Société d'acclimatation contient un article sur les courses de chevaux, où se trouvent appréciées avec une juste sévérité les tendances si ex- clusives qui veulent voir dans les courses un moyen capital et presque le seul but de l'amélioration de la race chevaline. Le Sud-Est, dans une communication sur la cachexie aqueuse des moutons (la pourriture), indique l'emploi du sulfate de fer comme un précieux remède contre cette maladie. Un deuxième article de la même publication conseille la scarification des arbres fruitiers comme un moyen JANVIER. 529 de hâter et d'accroître en même temps leur produc- tion. Enfin une note de M. Gueymard, insérée au même bulletin, recommande l'emploi d’une peinture au zinc pour l'extérieur. Cette note pourra être utilement re- produite dans l'Annuaire départemental. La Revue horticole du Gers publie un mémoire sur l’industrie mulassière, qui peut être utile à consulter, et qui présente des opinions souvent conformes à celles que M. du Garay a émises dans le sein de la Société sur cette importante question. CORRESPONDANCE. — MM. les Secrétaires généraux de la 25e session du Congrès scientifique de France, qui doit se tenir cette année à Auxerre, adressent le programme provisoire de cette session, avec une invitation pres- sante à la Société du Puy de déléguer quelques-uns de ses membres pour y assister. M. le Président engage vivement ceux de nos collègues qui pourraient repré- senter la Société dans cette solennité scientifique, à se mettre en mesure de le faire et à prendre d'avance connaissance du programme. En conséquence d’une délibération prise par la So- ciété, M. le Président a écrit à M. le Ministre de l’Agri- culture et du Commerce pour demander que les navires étrangers important le guano fussent traités avec la mème faveur que les navires français. Le Conseil gé- néral, sur l'invitation de la Société, avait appuyé la 526 RÉSUMÉ DES SÉANCES, mème demande. Son Excellence répond qu'elle ne croit pas pouvoir l’accueillir, la perception des droits ne pouvant affecter que d’une manière absolument in- signifiante le prix vénal de l’engrais importé. M. le marquis de Ruolz écrit pour rendre compte de son essai en grand de la pomme de terre Chardon. L’honorable agronome d’Alleret remercie vivement la Société de l’heureuse initiative qu'elle a prise en cette question. La nouvelle variété a donné à Alleret des ré- sultats remarquables. Mise en comparaison avec les anciennes, elle a rendu à peu près le double de pro- duits. De plus, elle paraît, à l'égard de la maladie, jouir d’une immunité toute particulière. Ces renseignements viennent confirmer et compléter les indications déjà recueillies dans le sein de la Société, à la dernière séance. M. de Brive pense qu'après des constatations d’une telle importance, et qui empruntent une valeur sé- rieuse, dans le problème de l'alimentation publique, à la maladie qui sévit avec une intensité toujours crois- sante sur les autres variétés, il y à lieu de porter les résultats acquis à la connaissance de l'administration supérieure et de provoquer des mesures qui puissent permettre de propager largement et rapidement la pomme de terre Chardon. M. le Président rappelle qu’à la dernière séance il a été décidé qu'il écrirait, au nom de la Société, à Son Exc. M. le Ministre pour lui soumettre les considéra- tions qui viennent d'être émises, et le prier instam- ment de favoriser par des moyens analogues à ceux on JANVIER, 927 qu'il a bien voulu employer déjà, mais en les étendant encore, la propagation d’une si précieuse variété. On pourrait également écrire à M. le Préfet, pour appeler son attention sur le développement toujours croissant de la maladie, qui rend si improductive et si onéreuse la culture des variétés ordinaires, et pour lui signaler les mérites exceptionnels de la pomme de terre Chardon. Ces diverses propositions reçoivent l’assentiment de la Société. NécROLOGIE. — La Société, déjà cruellement frappée, depuis quelques années, dans la personne de plusieurs de ses membres les plus distingués, de ceux-là même qu'il ne peut pas lui être donné de remplacer complè- tement, puisque leurs successeurs n'auront pas, comme eux, l'honneur d’avoir pris rang dans son sein, dès les premiers jours de sa création, à titre de fondateurs, la Société a encore à enregistrer de récentes pertes bien regrettables et bien douloureuses. M. Bertrand de Doue annonce qu'il vient d'apprendre la nouvelle de la mort de M. le baron Armand de Bas- tard, ancien préfet de la Haute-Loire. M. de Bastard, dit M. Bertrand de Doue, fut le fondateur de notre association. Par les nombreuses subventions qu'il obtint du gouvernement, par les allocations dont il pouvait disposer comme préfet, par le concours constant et dévoué qu'il voulut bien accor- der à des hommes dont le nom ne saurait être répété trop souvent et avec trop de gratitude dans cette enceinte : MM. de Becdelièvre , Ruelle, Arnaud , 328 RÉSUMÉ DES SÉANCES, Mandet, etc., en créant la Société, il fut aussi le créa- teur de ce Musée. C’est en raison de tels services que lui fut décerné le titre de président honoraire de la Société, et que nous devons aujourd’hui à sa mémoire le témoignage de nos profonds regrets. L'expression de ces sentiments, si unanimes parmi nous, doit revivre dans nos procès- verbaux. Puisse la famille de M. de Bastard y trouver une preuve de notre profonde sympathie pour sa dou- leur et de la vive reconnaissance de ce pays pour le chef qu’elle vient de perdre. M. Calemard de Lafayette père se reprocherait de ne pas être arrivé à temps pour pouvoir unir sa voix à celle de M. Bertrand de Doue. M. de Bastard apparte- nait à ce pays par une adoption réciproque et déjà bien ancienne. Et ce lien volontaire lui survivra certaine- ment, rattachant encore les siens à nous par le sou- venir d’un échange permanent d’affections durables et de services rendus. La perte de M. de Bastard n’est pas la seule qui ait dù vivement affecter la Société dans ces derniers jours. — Les morts vont vite, dit encore M. Bertrand de Doue. Tout récemment nous nous pressions autour du cer- cueil de M. de Lestang père. M. de Lestang était aussi, lui, l’un des membres fondateurs de notre association. Les fonctions de secrétaire général de la préfecture, qu'il remplissait sous la restauration, lui permirent également de témoigner d'une manière efficace de tout son dévoüment pour la Société. Lorsque l’âge lui rendit l’assiduité à nos séances plus difficile, ce fut un juste sentiment de gratitude qui lui JANVIER. 529 décerna le titre de membre honoraire. — Pour lui aussi, un témoignage de vifs et légitimes regrets doit rester inscrit dans nos procès-verbaux. L'Assemblée s'associe avec la plus unanime cordia- lité à l'expression de ces sentiments, et M. le Président revendique le droit de consacrer à ces deux existences si honorablement remplies quelques pages de notice nécrologique, qui trouveront place à la fin du volume des Annales de l’année courante. Musée. — M. Félix Robert, conservateur des collec- tions de minéralogie et de paléontologie , demande où en est la question: du Musée qui doit être édifié avec les fonds légués par M. Crozatier. — Ces fonds ont été versés et il semble que c’est un devoir désormais de se hâter d'accomplir la volonté du généreux donateur. M. Vibert a eu l’occasion de s’entretenir de cette question avec M. Pradier , l'architecte désigné par les exécuteurs testamentaires. M. Pradier ne voudrait rien entreprendre avant l’a- chèvement de la fontaine monumentale dont il est éga- lement chargé. M. Pradier pense que ce n’est qu'après l’inaugura- tion de la statue de Notre-Dame de France qu'il sera possible de s'occuper du Musée , pour que les visiteurs que nous attirera cette imposante solennité ne trou- vent pas nos collections dans le désarroi qu'entrainera nécessairement une reconstruction. M. Vibert et M. le Président ne partagent pas la ma- nière de voir de M. Pradier, 11 leur semble que dès à présent il ÿ aurait lieu de produire les plans et devis, 350 RÉSUMÉ DES SÉANCES. de les soumettre à la discussion , à l'approbation du Gouvernement et du conseil des bâtiments civils. On aurait ensuite à se pourvoir de matériaux ; tout cela entraînera immanquablement des délais très-considé- rables, et ce n’est qu'à l'expiration de ces délais qu'il y aura à déplacer les collections. L’inauguration de la statue sera donc alors très-certainement accomplie. L'assemblée adhère à cette opinion et invite M. le Président à écrire officieusement à M. le Maire pour lui exprimer le vœu de la Société que la solution de cette importante question ne soit pas plus longtemps ajournée. ECOLES INDUSTRIELLES. — Conformément à l’usage , M. Bertrand de Doue fait un rapport sur la situation des écoles industrielles pendant l’année qui vient de s'é- couler. M. Bertrand est heureux d’avoir à constater, dans le sein de la Société, tous les services que rendent ces écoles et l’état de prospérité dont elles continuent à jouir. Le nombre des élèves qui suivent les cours est de soixante et chaque année le niveau d'instruction s'élève d'une manière sensible. M. Bertrand de Doue annonce que la distribution annuelle des prix doit avoir lieu in- cessamment. Il ne doute pas que la Société, qui a créé les écoles et qui leur continue avec unt générosité si dévouée sa protection et ses largesses, ne tienne à être représentée dans cette petite fète de famille, et il invite notamment MM. les membres du bureau à s’y rendre. M. le Président s'empresse, au nom du bureau, d’ac- cepter cette invitation ; et, au nom de la Société tont entière, il exprime à MM. Bertrand de Doue et Vibert,les = 44 JANVIER. 551 zélés directeurs des écoles, les plus vives félicitations pour le dévoûment si désintéressé et si constant avec lequel, depuis tant d'années, ils consacrent tous leurs soins à une œuvre de bien public et de véritable s x progrès. ELECTION D'UN NOUVEAU SECRÊTAIRE. — L'ordre du jour appelle la nomination d'un nouveau Secrétaire, en remplacement de M. Oscar Bonnet, démissionnaire. M. le Président déclare que le scrutin est ouvert et rappelle qu'aux termes du règlement cette élection doit être faite à la majorité absolue des voix. Le dépouillement des votes constate qu'il y à eu 24 votants. M. Béliben ayant obtenu 13 suffrages est proclamé Secrétaire de la Société. M. Béliben exprime, en quelques mots vivement sen- tis, la gratitude qu'il éprouve pour le témoignage de confiance et de sympathie que la Société veut bien lui accorder. Il espère que son zèle et que son dévoüment, secondés par le concours de ses collègues , lui permet- tront de ne pas rester trop au-dessous de la tâche diffi- cile qui lui est imposée. C’est à ce titre du dévoûment et du zèle qu’il croit pouvoir réclamer la bienveillance de tous, bien convaincu qu’elle ne lui fera pas défaut , non plus que l’affectueuse assistance de M. le Président. Le vote de la Société, dit M. le Président, prouve, mieux que toutes les paroles , combien elle est persuadée que M. Béliben , si pleinement en pos- session de l'estime et de l'affection de tous ses col- lègues , est apte, par ses talents bien connus et par 52 RÉSUMÉ DES SÉANCES. ses habitudes studieuses non moins que par la haute impartialité d’un esprit juste et droit , à remplir les délicates fonctions de Secrétaire. M. Béliben s’est rapidement pénétré, depuis son entrée dans la Société, de ce sentiment si précieux et si élevé de bonne confra- ternité, d’attachement au bien public et de zèle pour le progrès en tout genre qui font la vie et la force de notre institution. C’est dire qu’il peut compter sur la plus parfaite réciprocité de tous les bons sentiments qu'il apporte lui-même au milieu de ses collègues. L'assemblée donne un assentiment complet à ces pa- roles de M. le Président. RAPPORT SUR UNE CANDIDATURE. — Au nom de la com- mission chargée d'examiner les titres présentés par M. Henri Doniol à l'appui de sa candidature, M. Béliben donne lecture du rapport suivant : MESSIEURS , En acceptant la mission de vous rendre compte de l'ouvrage que M. Henri Doniol présente à vos suffrages, dans le but d'échanger son titre de membre corres- pondant de notre Société académique contre celui de membre résidant, je ne me doutais pas des difficultés et des périls de l’entreprise. Cet ouvrage est plus qu'un mémoire, c’est un livre, dans toute l’acception du mot, un livre sérieux, de grande érudition. En 1855, dans la séance du 50 avril de l’académie des sciences mo- rales et politiques, il a obtenu, n'étant encore qu'à JANVIER. -)-5.) l’état de mémoire, l'approbation des maîtres de la science historique. Aussi me vois-je forcé, faute d’avoir suivi ce préceple du poète : Sumite materiam vestiis, qui scribitis, æ& juam Viribus, de réclamer de vous, en toute sincérité el sans artifice de langage, toute l’indulgence à laquelle vous m'avez accoutumé. À peine ai-je pris le temps de relire cet ouvrage qui, par ses vues profondes, neuves et cependant bien pri- ses, mérite d'arrêter à chaque instant le regard de la plus élevée en dignité et de la plus utile de toutes les sciences, la philosophie de l'histoire (1). À défaut d’une critique suffisante, je vais essayer de vous faire con- naître les passages les plus remarquables du livre de M. Doniol, dans une analyse où j'emprunterai souvent à l’auteur lui-même. M. Doniol nous donne ce volume comme le corrigé d’un mémoire écrit en 1852 pour le concours que l’a- cadémie des sciences morales et politiques avait ouvert sur celte question : Histoire de la condition des classes agricoles, en France, depuis le XII siècle jusqu'à la révolution de 1789. Ce n’est pas tout-à-fait le titre qu'a pris M. Doniol. Celui qu'il à choisi ne s'en écarte pas trop, il est vrai, mais il indique déjà la tendance de l’auteur. I va nous présenter l'Histoire des classes rurales en France (1) M. Guizot, — Voir son rapport au nom de la section d'hstoire. — T. xxv, p. 301 des comptes-rendus. TOME XXI. 22 554 RÉSUMÉ DES SÉANCES. et de leurs progrès dans la liberté civile et la pro- priété. Dans ce seul titre nous avons la pensée intime qui a soutenu M. Doniol dans ses recherches histori- ques : là est le secret et le résumé de tout le livre. Ce titre nous dit déjà que les classes rurales, à tra- vers mille vicissitudes, ont marché d'un pas lent, mais sûr, dans la voie du progrès; que pour ces classes le progrès n’est autre que celui de l'égalité civile et de la liberté de travail qu'ils ont conquises en s’élevant peu à peu à la dignité de propriétaires. Ce sentiment est d'ailleurs développé d'une manière remarquable dans ce passage de la préface : « Le titre que je donne à mon livre dit seul où le » lien des faits de l’histoire que j'écris m'a paru être. » S'il y à un caractère profond dans la civilisation fran- » Ççaise, c’est la poursuite de la possession individuelle » du sol comme manifestation et sûreté du droit. Nul » fait social ne peut être moins contesté après une ré- » volution qui a eu pour mobile le plus énergique et » pour effet irrésistible un morcellement foncier immense. » Il n'y en a pas dont la vitalité soit mieux attestée, » Propriété foncière, égalité juridique, non-seulement » ces termes rappellent en France des choses corres- » pondantes et éveillent des idées corrélatives, mais » pour le plus grand nombre ce sont toujours des objets » qui se servent mutuellement de gage et qui se com- » mandent, L'égalité la plus entière dérive aujourd’hu; » du droit commun; cependant où la voit-on assez com- » plète tant qu’elle n’a pas la propriété pour preuve, » et où ne cherche-t-on pas avidement à la lui don- » ner pour appui? » JANVIER, 555 Telle est la manière de l’auteur; vous voyez qu'elle est franche et large. Son œuvre va donc se développer à la lumière d'une grande idée : la poursuite de l’individualité et de l'égalité civile au moyen de la propriété foncière. Tout en faisant quelques réserves, il faut bien convenir que la propriété foncière est bien réellement un des signes de la force personnelle. Elle ne l'a que trop été pendant tout le moyen-âge, sous Le régime de la féodalité ; à cette époque, si bien caractérisée par ce mot : nulle terre sans seigneur ; où tous les pouvoirs publics morcelés étaient transformés en priviléges domaniaux ; où le propriétaire avait sur son domaine, soit grand, soit petit, à l'ombre protectrice d’une certaine hiérarchie, tous les droits d'administration, de justice, de souveraineté, priviléges excessifs dont la terre inveslissait son seigneur et maître. Voilà certes un fait bien capable de fixer l'attention de l'historien des classes ru- rales. La terre n’est pas seulement la source du bien-être et de toute richesse ; d'elle viennent encore toutes les jouis- sances sociales. C'est done à posséder la terre à titre de pro- priétaires que doivent tendre tous les efforts des populations asservies, qui n’ont encore cultivé que pour le compte et au profit des classes privilégiées. Tel est le point de vue, un peu exclusif peut-être, où s’est placé M. Doniol pour demander à l’érudition la plus étendue et la plus solide, à la suite des événements politiques de notre histoire, toutes les phases de la marche des classes agricoles vers leur con- dition présente. Il prend son sujet, et nous devons l'en féliciter, à partir d'une époque bien plus reculée que celle qu'indiquait le programme du concours, Son livre nous donne une histoire de la condition des classes agricoles, non pas seulement 556 RÉSUMÉ DES SÉANCES. depuis le XIIIe siècle, mais depuis les premiers siècles de notre ère jusqu’à la révolution de 1789. Nous y gagnons une solution neuve et hardie de quelques questions so- ciales du plus haut intérêt sur l’état des personnes et de la propriété territoriale aux principales époques de notre histoire. Son ouvrage, de plus de 450 pages, se divise en trois livres : dans le premier nous assistons à l’origine et à la formation des classes agricoles. D'abord l’auteur pose comme un fait incontestable que ce n’est pas aux classes particulièrement chargées des tra- vaux manuels qu'appartient l'indépendance. Dans toute société où surgit, pour un motif quelconque, la nécessité d'employer aux travaux rudes el continus de la terre des hommes spéciaux, se produit cet asser- vissement du travailleur comme une chose inévitable. Mais il distingue deux sortes d’asservissements : celui du serviteur voué par la nécessité aux labeurs de la culture et celui de l’esclave que la guerre et la conquête ont mis dans la dépendance absolue du vainqueur. Ces deux états, qui ont tant de points de contact, ont dû souvent se con- fondre ; et, selon que prédomine chez un peuple l'élément moral ou celui de la force, l'esclave s'élève au rang de serviteur, ou le serviteur devient esclave. Mais M. Doniol rejette bien loin de son sujet l'esclavage, cette institution contre nature, où l'homme réduisait son semblable à l’état de chose, lui ôtait son individualité pour le soumettre sans remords aux plus durs travaux. Si le christianisme, aidé par le génie de la nation, n’eut victorieusement combattu son influence, cette institution aurait, dès le principe, arrêté l'essor de tout progrès pour les classes rurales, JANVIER, 591 en tenant les populations laborieuses dans une éternelle abjection, et c'en était fait de l’histoire des progrès de ces classes. LE COLONAT. — Déja, du temps d’Auguste, l'esclavage avait subi, sur quelques terres et surtout en Gaule, une transformation réelle dans le colonat qui, suivant M. Do- niol, a été une transaction entre le droit antique de s’ap- proprier l’homme et des habitudes civiles plus respectueu- ses de l’individualité : et ces habitudes, il en trouve la source dans la tradition celtique et germaine, qui réservait une part notable d'individualité au cultivateur. Le colonat est donné par les empereurs Marc-Aurèle, Claudien et Pro- bus, comme condition civile, à des peuplades barbares vaincues et transplantées, tandis que Dioclétien en fait l’organisation légale du travail agricole. C’est que le colo- nat a d'immenses avantages pour le maitre, dont la terre est mieux {ravaillée et devient plus productive, et surtout pour l’eselave. Celui-ci reste, il est vrai, attaché au sol à perpétuité, mais il jouit de quelques droits : des effets ci- vils du mariage des libres; il peut posséder un petit pécule qu'il transmettra à ses enfants, et on ne doit pas arbitrai- rement le séparer de la terre qui lui a été assignée et qu'il possède autant qu'il en est possédé. Le colonat peut donc être regardé, avec raison, comme un premier pas de l’'esclave agricole vers la liberté. C’est dans le colonat que l'Eglise fait entrer l’esclave, en lui conservant le bénéfice de devenir libre par le mariage avec la femme non asser- vie; ce qui est une source féconde de changements dans l’état des personnes. Ce chapitre, dont je ne vous donne qu'une pâle analyse, 358 RÉSUMÉ DES SÉANCES. est plein d'intérêt, de vues neuves et fortement écrit. M. Do- niol nous y retrace le tableau de ces populations agricoles de la Gaule cherchant, avec avidité, à s'ouvrir, à travers le colonat, la voie qui les a conduites à la sociabilité mo- derne. « Une tendance vivace, dit-il, à s'incruster le droit » dans le travail et à puiser sans cesse, dans le droit con- » quis, un travail plus libre, générateur de droits plus » étendus et plus forts, dessine, en quelque sorte, la » France, au milieu des ruines de l'empire. Depuis, elle a » tellement précédé les autres nations européennes, dans * cette réalisation du progrès social par le développement » agricole, qu'on la croirait prédestinée à leur tracer la » route et à les y conduire. » M. Doniol nous montre ensuite le colonat impérial gran- dement modifié et envahi de toutes parts par l'élément libre. Mais après le règne de Charlemagne, lorsque, dans les mains débiles de ses successeurs, vinrent à se relâcher les liens de l’autorité centrale, c’est-à-dire, à l’époque de l’éta- blissement de la féodalité, le servage remplaça le colonat. Il n’en est pas la suite ; c’est une institution toute nouvelle, qui ramène, en quelque sorte, le colonat à un état d’escla- vage, il est vrai, mais à un état compatible avec les idées morales et religieuses de l’époque; de sorte que le servage n’est nullement un pas en arrière dans la marche des classes agricoles. Le serf n’est, à la vérité, qu’un individu tout-à-fait incomplet, rivé à la glèbe, limité dans ses droits de famille, de propriété et de transmission, mais il tranche avec le colon par le plus envahissant de tous les instincts, celui de l’individualité, qui est l'élément par excellence de la féodalité, et qui sauvera cette société d’une décadence complète. JANVIER. 299 FÉODALITÉ. — Nous voilà maintenant sous le régime féodal. La condition agricole, sous ce régime, tel est l’objet du dernier chapitre du Ier livre. Pour définir les personnes au XIIIe siècle, M. Doniol part de ce principe, que de la possession ou de la privation des droits de famille, de propriété et de transmission dérive l'état social en Occident; il reconnaît trois sortes de per- sonnes au moyen-àge : 40 Ceux qui jouissent pleinement de ces droits : 2 Ceux qui n’en jouissent que sous l'autorité du seigneur ; 5° Et ceux qui en sont privés. C'est-à-dire les gentilshommes, les vilains et les serfs. Le serf est un objet de propriété , le vilain un sujet contribuable , et le gentilhomme un sujet non contribuable , souverain du vilain et propriétaire du serf. Le seigneur a droit aux fruits de la terre en tant que propriétaire et maître du sol, quoique ne s’em- ployant en rien à le faire produire. Les vilains ont le même droit de propriété , mais sont sujets et contribuables du seigneur et complètent leur subsistance au moyen du travail qu'ils fournissent à la culture d'autrui. Enfin, les serfs n’ont droit aux fruits du sol que comme salaire de leur travail. Tel est le personnel agri- cole au moyen-âge. LE SEIGNEUR. — Pour bien déterminer les effets que la hiérarchie féodale exerça sur la condition agricole, M. Doniol distingue avec force dans le seigneur féodal deux 540 RÉSUMÉ DES SÉANCES. caractères : celui qu’il tient de ses droits de fief, et celui que lui donnent ses droits de justice. Quant au fief qui constitue la féodalité, qu’on en place la source dans la recommandation ou dans le bénéfice, il est certain qu'il est fondé sur le contrat; par exem- ple celui-ci : l'homme puissant, le guerrier, protégera le laboureur contre les méfaits de toute sorte, et en retour, le laboureur travaillera pour celui qui le dé- fend lui et sa famille, et lui assurera une existence honnête. — Les juristes de tous les temps n'ont pas cessé, pendant plus de six siècles, de supposer des contrats dans les litiges féodaux. Ils ne peuvent croire qu'à une aliénation volontaire et conventuelle de la liberté du serf. — Le fief n’a rien d’incompatible avec l’action du pouvoir royal ; il est de nos jours encore la forme sociale de monarchies puissantes et ne nuit nullement au développement de la richesse agricole. C'est un genre de conduction agricole fondé sur la propriété privée. On peut même dire que devant le fief il n’y à pas de serf, puisque celui-ci ne reconnais d'autre seigneur que la terre et qu'il n’est devant le maitre du sol qu'un moyen d'assurer la production. — IL y à eu même souvent des serfs qui eux-mêmes avaient des serfs qui servaient leurs domaines privés. De sorte que, sous le rapport du fief, le régime féodal à eu peu d'action sur la condition des classes agricoles. Il n’en est pas de même du seigneur féodal, con- sidéré comme grand justicier. Haut fonctionnaire , ayant indüment retenu l'autorité qu'il exerçait au nom du pouvoir central, ce n’est pas sur les serfs seuls, 4oms de cors, que tomberont les effets de celte souveraineté ES _— JANVIER, 5 multiple, déréglée, arbitraire, violente, mais sur les homs de poeste, sur les vilains, manant, levant et cou- chant sur la terre du seigneur, gens taillables et cor- véables à merci. — Le seigneur se garderait bien d’ac- cabler, de ruiner son serf, qui est l’instrument même de ses revenus agricoles, qui na ni personnalité civile ni politique, ne comptant que comme chose. , 2 Au vilain, à l'agent libre de la culture, la responsa- bilité avec toutes ses charges: c’est sur lui que por- tera toute cette innombrable multitude de corvées, de redevances, d'impôts, d’amendes, qui iront l’atteindre infailliblement dans son activité, dans ses revenus, dans son commerce, au point que le seigneur ne lui laissera plus qu'une part insuffisante de fruits pour assurer la reproduction... Mais accablé sous un pareil fardeau, il ne succombera pas : on lui a laissé la faculté qui dans l’homme est la dernière à périr, la possession de soi-même, la personnalité : là est l'élément vivace du progrès. Cette distinction, si féconde -et si bien fondée, entre les droits féodaux qui n'atteignaient que les serfs, el les droits de justice qui faisaient du vilain le justi- ciable du seigneur, permettra à M. Doniol de suivre avec succès, dans ses développements el ses progrès , la condition du serf et ensuite celle du vilain. C'est l’objet du Ile livre et de la première partie du Ile. LES SERFS, — M. Doniol établit d'abord que la liberté humaine à toujours été le principe fondamental du droit [rançais des personnes ; il invoque le témoignage de Beau- 342 RÉSUMÉ DES SÉANCES, manoir, qui déclare que cascun est franc et d'une même francise. Pour les juristes, le servage n’est qu’un fait ré- sultant d’un consentement altéré par la prescription qui a corrompu cette naturelle francise. Aussi la condition de serf n’a-t-elle été absolue et dure qu'aux mauvaises époques de la féodalité. Elle s’adoucit déjà vers le XIILe siècle. Vers cette époque, le plus grand nombre des serfs sont en possession du mariage, de la filia- tion légitime, de la succession, du témoignage aux actes publics; ils peuvent se racheter et on les voit s'élever à la dignité de propriétaires ; et on peut même dire que la liberté leur est offerte avant qu’ils l’aient sollicitée. Ils redoutent en effet les charges du vilain et se montrent froids devant les perspectives de cette condition. « S'ils » avaient suivi, dit M. Doniol, l'impulsion avec autant » d’empressement qu’en mirent les rédacteurs des chartes » d’affranchissement à étaler les vices et les désolations de » la servitude pendant cent années, la liberté se serait » généralisée bien avant l’époque où elle prit réellement » possession des faits. » LES VILAINS. — Après nous avoir donné une histoire générale du servage, M. Doniol entreprend celle de la deuxième classe de personnes, celle des vilains, c’est-à-dire celle des travailleurs libres, qui était devenue l’immense majorité de la nation. Il suit, dans son origine, cette classe qui, par les affran- chissements, augmente tous les jours: puis 1l expose sa position compliquée vis-à-vis du seigneur. C’est elle qui, depuis Charlemagne, paie la dîme à l'Eglise et supporte le poids de toutes les redevances privées et arbitraires qu’il JANVIER, 543 plaît au seigneur d'imposer aux travailleurs libres, ma- nant, se levant et se couchant sur ses terres et laissant prendre au maître le droit d’asseoir un prélèvement sur tout produit, sur toute manifestation de l’œuvre indivi- duelle. Ajoutez à cela les exactions d’une armée innom- brable de collecteurs, de percepteurs, dont la noblesse et le clergé, en qualité de privilégiés, ont si cruellement expié les crimes, et vous aurez Pétat du vilain au moyen- âge. C’est encore lui qui portera toutes les charges du fisc royal, si tyranniquement avide lorsque la royauté est obligée de se défendre. Il est donc temps que des actes publics émanés de l'autorité viennent fixer le nombre de ses redevances. C’est dans cette réglémentation des coutumes que M. Do- niol place l’affranchissement des communes; il prétend qu’on a eu tort de la prendre comme une générale el héroï- que revendication de liberté politique. Gette revendication peut bien appartenir à quelques grandes cités, mais les cam- pagnes, les villages, les hameaux seront satisfaits s'ils peu- vent obtenir quelqu'une de. ces chartes qui réglémentent les coutumes : ainsi la suppression de la main-morte, du for-mariage, l'octroi de la faculté d'hériter, de transmettre ; ce qu'ils veulent surtout, c’est qu'on spécifie et qu’on fixe le nombre des redevances et qu'on mette fin, par là, à ces excès de perception engendrés par l'arbitraire des sei- sneurs. Quelque élevées que soient les charges qu’on leur imposera, ils ne seront pas indéfiniment pressurés ; quel- que chose leur restera en propre du fruit de leurs peines. De là naîtra la foi au travail, le mépris téméraire des pri- vations qui ont fait du paysan français une force si vivace. Voilà le premier pas vers la liberté civile; c’est bien peu, 544 RÉSUMÉ DES SÉANCES, il est vrai, mais relativement à l’état antérieur c’est un immense progrès. Alors, sous cette heureuse influence, les serfs ne redou- teront plus la condition du vilain ; ils demanderont l’affran- chissement, impatients d'accepter ces réglémentations coutumières qui vont leur donner des misères nouvelles, mais avec ces misères l’heureuse perspective d’un peu de responsabilité, d’individualité et de liberté. Ces considérations sont profondes, neuves, hardies : on peut bien ne pas y souscrire sans réserves ; mais elles n’en font pas moins du livre de M. Doniol un ouvrage très- remarquable, où sont condensées, trop fortement peut- être, une foule d'idées puissantes, d'une grande portée historique, demandant au lecteur beaucoup d'attention. Evidemment l’auteur n’a pas écrit pour tout le monde, ou bien dans son excessive modestie a-t-il supposé plus grand qu'il n’est le nombre des esprits élevés capables de s’asso- cier à de hautes études d'histoire. Cependant les théories de M. Doniol ne sont pas abstrai- tes, elles se développent toujours appuyées sur des faits. Ainsi, pour établir que le seignorat, tant qu'il reste arbi- traire dans l’absolue possession de ses droits illimités, est incompatible avec le travail libre de la terre, l'auteur ne manque pas de citer à l'appui de son opinion les désas- treuses guerres de religion du XVIe siècle et la fin pitoyable du règne de Louis XIV. A ces époques néfastes, le cultiva- teur, accablé d'impôts, retombe sous la domination abusive du seigneur ; il abandonne les conductions libres pour se réfugier dans les mains-mortes, redevenir serf. La condition civile du seigneur n’est pas meilleure au fond que celle du vilain, L'auteur remarque, avec M. Troplong, Er eat JANVIER. DAD que le noble est esclave de son fief qui l’absorbe tout entier. Sa tutèle est soldée comme une fonction publique qu'il ne peut décliner ; son mariage est une affaire poli- tique et à la discrétion du seigneur suzerain ; il est lié par une foule d’autres entraves de ce genre : tandis que le vilain, lui, est libre ; sa majorité s'ouvre avec ses forces physiques, à tout âge; sa succession se divise en portions égales, il ne reconnait ni le droit d’ainesse, ni les prérogatives de sexe. De telles entraves auraient arrêté le développement de ce travail actif, avide de responsabilité, qui est la source même de toute richesse et de toute force sociale. M. Doniol trouve encore des motifs de progrès, pour les classes rurales, dans les conditions économiques qui suc- cessivement ont réglé les contrats de culture. Avec la science d'un jurisconsulte exercé, il étudie tous les genres de conventions qui eurent lieu, au moyen-âge, entre le propriétaire et l'agent agricole, depuis l’emphytéose justi- nienne, les mains-mortes, les hostises, les baillées à rente, ou assences, ce grand moyen de défrichement, jusqu’au métayage ant recommandé par Montesquieu et qui occupe la moitié de la France, et aux baux à ferme, où tant de responsabilité et d'indépendance est laissée aux conduc- teurs du domaine. La dernière partie de cet ouvrage est consacrée au déve- loppement civil et social des classes agricoles à travers les événements publies. Ici, M. Doniol nous offre un tableau animé des vicissitudes qu’eurent à subir les populations sous l'influence du gouvernement royal. Il a pu être quel- quelois abusif et regrettable, mais M. Doniol, avec l’impar- lialité de l'historien, demande qu'on ne reproche pas à la royauté ce qui venait des choses. Il reconnait {out ce que 546 RÉSUMÉ DES SÉANCES. les rois de France ont fait pour l’agriculture, la sollicitude de l'administration à son égard, dont les preuves sont écrites, avec les plus grands détails, dans le recueil des ordonnances royales. Cetle partie si importante de l’ou- vrage de M. Doniol comprend quatorze chapitres, dans lesquels nous voyons se dérouler tous les grands faits his- toriques qui ont eu quelque influence sur la condition des classes rurales. : C’est d'abord l'avènement des classes agricoles, au XIIIe siècle, avec les changements favorables qui eurent lieu dans les conditions d'exploitation et dans le déve- loppement de la propriété, qu’on vit s'étendre jusqu’à l'acquisition de fiefs par des vilains. Puis vient, au XIVe siè- cle, après le désastreux traité de Brétigny, un moment où les intérêts agricoles tombent dans un état déplorable, malgré le zèle de la royauté pour les classes rurales, zèle marqué par l'abolition légale du servage. À l'avènement de Charles V, dit le Sage, qui, d’après M. Doniol, mérita surtout celui de restaurateur des campagnes, le paysan respire un peu et se refait de ses pertes. Nouveau bouleversement au XVe siècle; mais pendant tous les troubles amenés par les événements politiques, les classes rurales marchent dans la voie du progrès ; leur condition civile et sociale s'améliore et le bien-être com- mence à pénétrer dans les campagnes. La législation vint au secours du courage et de la patience des rustiques qui, malgré leurs misères, trouvèrent assez de force pour sauver le pays. La nation allait périr, la noblesse et la bourgeoisie la livraient au roi d'Angleterre; mais du fond des campagnes surgit au cœur de la France un grand amour — JANVIER. 547 de la patrie, et la valeur inspirée d’une fille des champs conduisit Charles VIT au sacre de Reims. La renaissance donna une impulsion nouvelle aux inté- rêts agricoles, et le XVIe siècle, en réformant la seigneurie, rehausse les conditions d'exploitation. C’est à ce moment que naissent la science agricole et l’idée des méthodes, à la voix de Bernard Palissy et de Bodin. Mais leur ensei- gnement est prématuré, car le rendement général est bien faible, et l'abus des cultures céréales, en épuisant le sol, donne à la jachère une valeur qu’elle ne mérite pas. Le bon temps des campagnes est après les guerres de religion, sous le roi dont le peuple a gardé le souvenir, pendant l'administration de Sully. C’est l’époque de l’en- seignement de l’illustre Olivier de Serres. La petite culture profile avec ardeur des lecons qu’il donne dans son théâtre d'agriculture. De Sully à Colbert, l'esprit de privilége dont s'empreint la royauté arrête de nouveau cet essor ; mais Colbert, malgré les difficultés qui surgissent de la résis- tance des institutions sociales, s'efforce avec succès, dans les onze premières années de son ministère, de continuer la politique de Sully. Cette œuvre méritoire échoue sous les exigences fiscales des dernières années du grand roi : et, au milieu du XVIIe siècle, Le pays est physiquement épuisé. De la prostration générale naquit ce rapide mou- vement qui entraîna à établir, en 1789, la liberté absolue de la culture et qui constitua la petite propriété comme une des formes nécessaires du travail agricole dans la so ciété nouvelle. Tel est en substance l'ouvrage de M. Doniol, dont cette analyse ne peut donner qu'une idée affaiblie. L'historien des classes agricoles présente son sujet par un côté si tou- 548: RÉSUMÉ DES SÉANCES. chant; il parle si bien et avec tant de cœur des misères et des vertus de ce paysan français si pauvre et si opprimé, mais si riche de sobriété et de courage, surtout quand la pro- priété doit être le prix de ses efforts, que la critique hésite devant tant de généreux sentiments. Et moi aussi je sym- pathise avec celte ardente affection que l'habitant de notre belle France montre pour la terre. J'ai aussi mon petit coin qui me sourit et m'attire, et je comprends qu'il y a dans cet amour le germe de grandes et belles choses. Cependant il me semble que l’idée fondamentale de l'ouvrage de M. Doniol est trop exclusive. Il paraît faire de la poursuite de la possession individuelle du sol le seul moyen, pour les classes inférieures, d’arriver à la liberté et à l'indépendance de la personne. Avec M. Doniol, nous pensons que rien ne manifeste mieux le droit, ne le fonde avec plus de sûreté que la pro- priété territoriale; mais le même privilége appartient aussi à ce genre de propriété qui est le fruit de deux grandes puissances , reconnues souveraines par l'esprit moderne, le commerce et l’industrie. Nous sommes loin de l’époque où Sully, ne voyant de salut pour un peuple que dans l'agri- culture, proscrivait tout ce qui ne tient pas essentiellement au sol, et résistait aux inspirations d'Henri IV, alors que ce grand roi dotait la France de la fabrication de la soie, qu'il encourageail la formation d’une colonie francaise au Canada, et protégeait là compagnie commerciale des Indes. Le commerce, les voyages et l’industrie, ces hardis mo- teurs de la civilisation, ont fait autant, pour l'émancipation des classes inférieures, que la conquête patiente et labo- rieuse de la propriété terrienne. Sans sortir de son sujet, — JANVIER. 549 l'historien des classes agricoles aurait donc pu faire quel- ques réserves, et ne pas attribuer presque exclusivement à l'amour de la terre ce qui est dû à tant de causes diverses. Ces causes, celle même qui pousse l’homme à la pour- suite de la propriété, n’ont-elles pas toutes un même prin- cipe qui est le libre arbitre, cette conscience naturelle de nos devoirs et de nos droits, qui constitue le fond même de l’individualité personnelle? Ce qui rend l’homme li- bre, ce qui en fait une personne et non une chose, c’est la possession de lui-même. Sollicité par l'agression violente et continue de mille forces étrangères, l’homme n'obéit pas comme l'animal à leur aveugle impulsion, il leur ré- siste et, dans une certaine mesure, il se possède ; là est le fondement légitime de la propriété, le mobile de tout ef- fort, de toute réflexion, de tout labeur. — Se posséder soi- même est une faculté dont le développement se trouve naturellement dans la propriété que nous donne le travail, soit physique, soit intellectuel, et qui, sous ces deux for- mes, manifeste notre force individuelle. IL y a encore le côté matériel dont il faut tenir compte, dans celte tendance qui pousse l’homme de France vers la possession de la terre. La configuration du sol français pré- sente tant de variété; il est coupé par tant de cours d’eau ; il à de si fraîches vallées, des prairies si abondantes, une température si douce; il donne des fruits si délicieux, dans plusieurs de ses contrées, qu'il invite à la culture : au point que les populations y ont cherché le bien-être, souvent aux dépens de leur dignité et de leur liberté. C’est ici le moment de signaler un mal qu’engendre la poursuite trop vive et trop glorifiée de la propriété territo- riale. On m'a dit qu'il y a dans nos montagnes des eultiva- TOME XXI, 25 550 RÉSUMÉ DES SÉANCES. teurs qui mettent une vanité excessive dans la possession du sol. — Ils ont la passion de la terre; ils empruntent pour s’arrondir, ne reculant pas devant la perspective de l'expropriation forcée ; ils en supporteront les effets désas- treux, plutôt que de se dessaisir d’un champ qu'ils ont acquis sans le payer. [Ils mettent ainsi souvent un fol amour-propre à rechercher ou à détenir la propriété au détriment de leur honneur et de la tranquillité de la famille. Dans cet ouvrage , si fortement pensé, où les connaissan- ces les plus approfondies du droit et de l’histoire s'unissent aux saines appréciations du philosophe, si l’art est difficile, la critique n’est pas trop à l'aise. — Pour l’acquit de mon rôle, je ne hasarderai plus que quelques observations de détail. — Ainsi, M. Doniol, sous ce titre : Restauration des campagnes sous Charles V, nous représente ce roi comme un bienfaiteur des peuples, fondant « l’économie publique sur la prospérité agricole, et cette prospérité sur l’allége- ment des charges, l’accroissement des débouchés, ete. » — Telle n’est pas, à notre avis, la physionomie générale du XIVe siècle, époque de grandeur morale, mais de misère publique, où le roi de France le plus sage même ne se préoccupe , en fait d'administration intérieure, que des in- térêts du fisc et du domaine royal. Charles V eut la gloire, à force de ruse, de prudence et de sagesse si l’on veut, de débarrasser le pays de trois fléaux qui l’épuisaient : l'Anglais, le Navarrais et les grandes compagnies de rou- tiers; mais il ne fit rien directement pour le soulagement des populations rurales. — A la suite de ses grands suecès politiques , les campagnes purent respirer un peu; la sé- curité et l’ordre amenèrent une espèce de restauration JANVIER. 551 agricole dont on ne doit pas faire honneur à Charles V: car, s'il restreignit le droit des prises, droit irrégulier et peu productif , en revanche il établit les aides, impôt plus régulier et bien plus lourd. Une autre observation plus générale a trait à l'influence des villes sur l'amélioration des classes agricoles. — Ainsi, qui ne sait que l'habitant des cités et des bourgs conquit de bonne heure la liberté municipale? Ce grand mouvement politique , connu sous le nom d’affranchissement des com- munes, ne fut pas sans action sur le sort des campagnes. — M. Doniol n’a garde de passer sous silence un fait histo- rique d’une telle importance , mais il en restreint beaucoup trop la portée en le bornant à une fixation de redevances , à un simple règlement de coutumes. Sous l'influence régé- nératrice de ce mouvement qui se fait sentir et se propage dans toute l’Europe, du nord au midi, des villes du Rhin, des communes flamandes jusqu'aux bourgades de l'Italie , les campagnes tressaillent, elles aspirent à l'égalité civile, à l'indépendance dans le travail. Il est vrai qu'aux villes seules appartient l'initiative de cette revendication de la liberté politique; les campagnes ne sont pour rien dans cette glorieuse conquête ; mais elles en profitèrent et y ga- gnèrent leurs chartes de coutumes. Il fallait encore faire remarquer que, dans les pays de droit écrit, tel qu'était le nôtre, les populations, beaucoup moins foulées par l'arbitraire des seigneurs, n’eurent pas autant à lutter pour obtenir des franchises. Je termine ici cette analyse trop longue, mais encore in- suffisante, d'un livre d’une immense érudition. — M. Do- niol, avec une grande élévation de sentiment, avec un talent incontestable, y prend en main les intérêts agricoles : 322 RÉSUMÉ DES SÉANCES. il aura toutes vos sympathies; j'aurais mauvaise grâce à retarder encore d’un seul instant son entrée dans cette So- ciété, à qui est dévolu le rôle de patron et de défenseur des populations rurales. Le scrutin est ouvert sur les conclusions du rapport. Il est procédé au dépouillement du vote. Sur 23 vo- tants M. Doniol ayant obtenu 21 suffrages est proclamé membre résidant de la Société. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à sept heures. Le Vice-Secrétaire , L. BALME. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 4 FÉVRIER. SOMMAIRE. Doxs Au Musée : d’un fossile du genre bothriodon, d'un fragment de bois pétrifié, d’un moulage d’un bas-relief romain, etc.—AcGriCULTURE: Utiiité d’une comptabilité agricole ; d’un essai de nouvelles semences de froment; MM. de Brive, Chou- von, Balme, Azéma. — Le sorgho, le lupin jaune ; M. Plantade. — Ensemen- cement du blé en lignes. — Des jardins d'hiver, par MM. Aymard et Martel. — Pisciculture : empoissonnement du lac du Bouchet. — Sciences ; Météorologie : Influence des montagnes sur la grêle ; MM. Aymard, de La Tourette, Robert Félix, Azéma, M. de Brive; M. Bertrand de Doue est chargé de répondre aux questions venues de la Société impériale d'agriculture, au sujet de la marche de ce meétéore. — SCIENCES HISTORIQUES * Tombeau de Jean Soancn, évèque de Senez, à la Chaisc-Dieu. — Extraits des titres originaux du marquisat d'Allègre, donnés par M. Jules de Vinols. — Documents découverts par la commission permanente des Recherches historiques. — Archives du département et des hôpitaux. — Confrérie de Notre-Dame du Puy à Amiens ; est-elle d’origine anicienne? M. de Brive.— BEAUX-ARTS, littérature : Etudes littéraires de M. de Fontpertuis ; Commentaires d’une ronde chantée dans le pensionnat de de- moiselles de madame Pittarch; M. Fourtier, — Architecture : Démolition de la maison Gallien ; dégagement des abords de la cathédrale, — Gravure de M. Soumis représentant la Vierge de Corneille. — Congrés des Sociélés sa- vantes ; délégalion. — PERSONNEL DE LA SOCIETÉ : Démission de M. Balme de la place de secrétaire-adjoint, — Envoi de M. le docteur Roux. — Nomination de la commission chargée de la candidature de M. Jules de Vinols, — M. le docteur Philippe Mathieu est nommé membre non résidant, M. Aymard, en l'absence de M. Ch. de Lafayette, préside la séance. Après avoir invité M. Béliben, 394 RÉSUMÉ DES SÉANCES, nouvellement élu Secrétaire de la Société, à prendre place au bureau, M. Aymard prononce l’allocution suivante : « Cest un devoir pour votre Vice-Président d’ex- » primer ses regrets et ceux de la Société au sujet » de l'événement douloureux qui, en nous privant de » la présence de notre digne Président, m'appelle à » l'honneur d'occuper aujourd’hui le siége de la pré- » sidence..…. Vous le savez, Messieurs, M. Ch. de » Lafayette a perdu son‘beau-père , M. Fiévée de Jeu- » mont, l’un des médecins les plus éminents de la » Capitale; je suis certainement l'organe des senti- » ments de la Compagnie en disant que nous nous » associons tous à la douleur qu'inspire à sa famille » la perte d'un de ses membres, ainsi qu'aux regrets » qu'il laisse au milieu de ces savants docteurs parmi » lesquels il occupait une place distinguée. » La parole est ensuite donnée à M. Balme, Secrétaire- adjoint, pour le compte-rendu de la précédente séance, Ce rapport est adopté dans toute sa teneur. Dons Au Musée. — Acquisrrions. — M. le Président annonce premièrement que la Société a acquis les dents d’un fossile du genre bothriodon, genre qui a été dénommé ainsi par M. Aymard. Cuvier avait dis- tingué une espèce de ce genre sous le nom d’anthra- coterium velaunum , d’après une pièce découverte par M. Bertrand de Doue dans le calcaire marneux mio- cène inférieur de Ronzon, près le Puy. 20 M. Ch. Robert fait don au Musée d'un fragment mn FÉVRIER, 509 de bois pétritié trouvé dans un terrain de transport de l'époque volcanique, dans la vigne de M. Ouillon- Robert, commune de Brives. Ge fossile, d’après les formes et l'épaisseur des couches ligneuses , indique un conifère , probablement un sapin. 3° Moulage d’un grand bas-relief gallo-romain dé- couvert par M. Aymard, le 12 août 1857, sous le ves- tibule du For, dans le mur sud de la cathédrale, par suite de fouilles exécutées sous sa direction, au moyen d'un crédit alloué par M. le Miuistre d'Etat. La pierre a, dans la partie qu'il a été possible de mettre au jour, 1m 30° de longueur sur 0 82° de hauteur. Ces dimen- sions , ainsi que le faire de la sculpture et le sujet que représente le bas-relief indiquent que cette pierre, avant d'être employée à la construction du mur de la cathédrale , avait fait partie de la frise d’un ancien monument. Le sujet représente un sanglier qui sort de son repaire ; son attitude indique l’effroi ; il se tient sur la défensive et on juge qu'il est dans la posi- tion d’un animal sur le point d’être attaqué par un de ces lions, ou par toute autre bête féroce qui, dans les autres bas-reliefs déjà connus, se précipitent avec furie sur des cerfs, des ânes sauvages, des ours, sangliers, etc. Nous possédions déjà douze fragments de cette magnifique frise donnant ensemble une lon- gueur de 10»; ce qui porte aujourd’hui à plus de 11" le développement des pièces retrouvées. Les mêmes fouilles ont mis à découvert, sur une hauteur de 2m 91°, toute la base du mur méridional de l'église de Saint-Jean des Fonts-baptismaux, dont le petit appareil, parfaitement régulier, a, selon 556 RÉSUMÉ DES SÉANCES. M. Aymard, tous les caractères d’une construction gallo-romaine ; il répond assez bien à la description que donne M. de Caumont de ce genre de construction des Ile, Ille et IVe siècles, dans le dernier numéro du Bulletin monumental. 40 Une frise, avec écusson armorié et entouré d’une riche couronne de feuillage dans le style de la fin du XVe siècle, 5° Une autre pierre ornée d’entrelacs sculptés dans le style du règne de Louis XII. 6o Fragment d’une ancienne épée trouvé à Saint- Agrève; — acquisition. 7e Un grand nombre d'anciens bois gravés pour l'imprimerie , donnés par M. Marchessou , imprimeur de la Société. AGRICULTURE. — Le Journal d'agriculture pratique pour le midi de la France, dans un article des der- niers numéros, soulève la question du prix de revient d’un hectolitre de froment. À ce sujet, M. le Président fait remarquer l'opportunité et l'importance de cette question : Combien il serait à désirer qu’on déterminât, dans un certain degré d'approximation , ce que, dans notre pays, coûte au producteur un hectolitre de froment et de toute autre céréale. L’agriculteur, con- naissant le résultat final de ses labeurs, pouvant se rendre compte de ses bénéfices, trouverait dans cette connaissance une force nouvelle pour arriver à des améliorations croissantes. M. de Brive partage les mêmes sentiments à cet égard. Il pense que la solution d’une question pareille ml + de —— FÉVRIER. 397 est d'intérêt public ; mais il paraît que pour lob- tenir telle qu'il importerait de l'avoir, il faudrait que nos agriculteurs voulussent bien mettre quelque ordre dans leur comptabilité, si toutefois ils en ont une. On cultive, on produit, mais on ne cherche nullement à tenir note des opérations qu’on a faites, à en calculer les profits et Les pertes. La comptabilité agricole est bien pratiquée à la ferme - école par M. Chouvon, qui y apporte toute l'exactitude dési- rable ; elle est mème enseignée aux jeunes gens qui en suivent les cours. L’habile directeur de Nolhac sait très-bien ce que lui coûte à produire un hectolitre de froment ou de tout autre grain ; mais les conditions de production pour une ferme-école sont différentes de ce qu’elles peuvent être pour un propriétaire culti- vateur ou un fermier. D'un autre côté, un bon comp- table, surtout en agriculture, ne s’improvise pas; ils sont rares dans nos campagnes ceux qui veulent ou peuvent se rendre un compte exact des produits de la culture ! Que de choses ils ne doivent pas perdre de vue : loyers, intérêts du capital, fumures, semences, main - d'œuvre , frais de transport, rapports de la grange avec l’étable ou avec la basse-cour, etc.; tout a son importance. À l'esprit d'analyse, l’agent-comp- table doit unir la vue d'ensemble; ce n'est encore qu'après plusieurs années et à l’aide de moyennes bien calculées qu'on obtiendra quelques résultats positifs au sujet de la question qui nous occupe. Pour la résoudre convenablement, M. Albert de Brive pense que les données font défaut quant à présent, et qu'on doit se borner à engager les propriétaires à établir 598 RÉSUMÉ DES SÉANCES. dans leurs fermes la comptabilité agricole autant qu'il sera en leur pouvoir et surtout à en répandre le goût. Peut-être, ajoute-t-il, y trouvera-t-on quelques secours contre cette infériorité de rendement qui, pour notre contrée, est une cause permanente de misère. M. de Brive s’afflige, avec l'accent d’une âme dévouée aux intérêts de son pays, du triste état de notre agricul- ture, sous un rapport capital, celui de la production des céréales. — Il ne conçoit pas que, dans des condi- tions de sol qui ne sont pas trop défavorables, l’hectare produise, en moyenne, beaucoup moins de blé que dans d’autres contrées (12 hectolitres). Il est temps de sortir de cette ornière où nous retient la coutume et de recourir, contre cette insuffisance de rendement, aux moyens d'amélioration dont l'efficacité est re- connue; tels que l’assainissement des terres au moyen du drainage, la viabilité des voies de communication, surtout celle des chemins ruraux, l'alternance dans les sols et une bonne comptabilité. Il en est un autre que lui suggère la lecture d’un excellent rapport sur des résultats obtenus de plusieurs semis de froments étrangers. L'auteur de ce rapport est M. Chouvon , à qui nous laissons la parole : MESSIEURS , L'année dernière j'ai eu l'honneur de vous rendre compte de diverses expériences que j'avais faites sur le rendement du blé de pays, comparativement avec d’autres blés de provenances diverses, Dans ce nombre figuraient principa- ee ——— FÉVRIER, 359 lement trois variétés venant directement d’Ecosse, qui m'avaient été données par Son Excellence M. le Ministre de l’agriculture. Les quantités assez grandes avaient été soumises à des essais en plein champ, dont vous voudrez bien me permettre de vous rappeler les résultats. Cet envoi m'était parvenu assez tard, surtout pour notre climat. Les premiers semis cependant en furent faits dans des condi- tions assez bonnes. Les seconds, au contraire, attardés in- définiment par les pluies qui étaient survenues, germèrent daps des conditions mauvaises. Voici quel fut le chiffre du rendement : Premières semailles, comparatives, assez bonnes conditions : hectol. litres. Froment du pays...-........ à l’hectare.... 17 60 — écossais : Hunter Swit, 22 NS BONE PELLE VOTES — — Fauton Swit, Ur 22 1050 — — Spalding prolifié — .... 22 50 Deuxièmes semailles, comparatives, mauvaises conditions : hectol. litres. Froment du pays, à l’hectare....... 14 75 — d’Ecosse, moyenne, ue 12 50 Ces résultats tout-à-fait divergents disaient aussi claire- ment que si on l'avait lu dans un livre : les blés d’Ecosse provenant d’un pays où la culture est portée au plus haut point de perfection, ne doivent être risqués que dans une bonne culture, C’est, en d’autres termes, l’étalon cheval 560 RÉSUMÉ DES SÉANCES, arabe ou anglais qui, allié à une jument de distinction bien soignée, donnera un excellent produit, tandis qu’il échouera dans des conditions inverses. La même année, 14857, dans des essais en petit et bien traités, des blés anglais qui m’avaient été donnés par M. le comte de Gourcy, et le blé Doniol que je tenais de M. Doniol lui-même et de notre président, M. Charles de Lafayette, se comportèrent comparativement comme dans le premier essai dont je viens de rendre compte. Ainsi : Le blé du pays ayant rendu, à l’hectare....... 49h 251 la moyenne des cinq variétés de M. de Gourcy MIT ET TUE ER SLR M RER RER TRES la moyenne des deux semis de M. Doniol s’éleva à 28 74 En somme, on voit qu’en 1857, dans les essais en petit et en grand, l'avantage reste aux froments étrangers. En 1858, année d'extrême sécheresse, les choses se sont passées tout différemment. La moyenne de ma culture en- tière en froment, nécessairement placé dans des condi- tions diverses de fertilité, a été à l’hectare, de.. 48 616 la moyenne des blés écossais, dont aucun n’était mal placé alété des el Eee Bas ATOUT Dans mes essais en petit, des soins parfaits, le semis en ligne et une fumure pour la récolte précédente très-abon- dante, ont amené les rendements à un chiffre qui prouve combien l’agriculture a de la marge pour bien faire. Néan- moins les blés étrangers, sauf un seul, ont encore eu le dessous, ainsi qu’on le voit dans le tableau suivant qui classe Les variétés par ordre de rendements : hectol. litres. 1° Balles rouges, anglais, à l’hectare..... 72 20 De pays, 1. 61057020 FÉVRIER. 561 50 Blanc d’Espagne, àl'hectare.… : ...: 36h, »l 4° Anglais, courte paille, PU PTS LED TETE) 5o Ikling, né lériasts 040 nb0 60 Productif, pieteotete AMD Ale gi) 70 Tendre, d'Oran, He AO 0) 8o Mélange de toutes les variétés — ..... 29 19 90 Géant, d'Algérie, Sn tea i2 ete » 400 Anglais, sans nom, 1+r su saanhA1 ED 410 — 2e té 28420 420 — 5e =mutiasale 55 a 2 7450 150 Carré, de Sicile, Sr didéorasii 2 14e Anglais, sans nom, = Mie ous 20400 150 Ecossais, Hunter Swit, host 226 469, .— Fauton Swit, use ee 20n 15) 47 — Spulding prolifié, — ..... 22 50 48° Doniol, TT A OU PET TN PAL 49° Gros, de Toscane, et an le 200 Dur, d'Espagne, is ae oO 51:00 La variété nommée Balles rouges a donné un produit si extraordinaire, que j'ai besoin de fournir une explication à son sujet. Je n’avais pu faire de ce blé, que je possédais nouvellement, qu'une seule ligne, et elle bordait un sen- tier d’un mètre de largeur. L’épi avait donc plus d'espace, plus d'air et plus de lumière. C’est à cette circonstance que j'attribue une réussite si extraordinaire, mais que je ne puis mettre en doute, car le tout a été mesuré et pesé avec le plus grand soin. À part cette exception, on voit que le blé du pays accuse sa supériorité par un rendement de 57 hectol. 25, tandis que les autres variétés descendent de 56 hectol., elc., à 362 RÉSUMÉ DES SÉANCES. 15 hect. 50. La sécheresse excessive de l’année entre évi- demment pour beaucoup dans l'infériorité relative des froments anglais originaires d’un climat brumeux. Ceux provenant de pays chauds, par une raison inverse, ont élevé leurs produits. Qu'il me suffise d’en donner une preuve : le Carré de Sicile a rendu, la première année que je l’ai cultivé, 40 hectol., la seconde 45 57, et on voit qu’à la dernière récolte il est monté à 27. Au reste, ce n’est qu'incidemment que je parle de ces blés. Le culti- vateur qui a quelque expérience sait, en effet, qu'il est toujours imprudent de semer des blés venant de pays chauds, car il suffit d’un mauvais hiver pour détruire en- tièrement la récolte. Il est à remarquer que les blés écossais dont les épis, à la première année de culture, comportaient cinq grains à l'épillet, n’en contenaient cette année que trois, comme le nôtre. IL est évident pour moi que l'addition d'engrais riches, tels que guano, etc., faite à une culture d’ailleurs supérieure , donne seule au grain cette exubérance de végétation que ne peut comporter la culture ordinaire. A défaut de conclusion absolue, que je ne puis tirer des éléments de mon rapport, je terminerai par une SEP appréciation personnelle. Le blé du pays peut suivre les progrès d’une culture avancée, ainsi qu’on le voit dans les derniers essais en conditions supérieures dont je viens de rendre compte. Il sera plus à l’abri des chances diverses de température et, chose qui a bien son importance, il sera vendu plus cou- ramment au marché, Comme preuve que cette variété peut progresser avec la culture la plus élevée, je vous prie de vous rappeler la gerbe de blé que vous présenta, TE FÉVRIER. 565 l'année dernière, le Président de notre Société. Gette gerbe était venue dans un terrain poussé à la plus entière ferti- lité par les engrais d’étable et un engrais particulier de sang provenant de l’abattoir. Les épis avaient, comme les blés écossais que je tenais du ministère, cinq grains à l'épillet, ce que j'ai remarqué pour la première fois dans cette variété. Si on peut trouver mieux et arriver plus vite par les blés anglais, ce que je crois assez facilement, ce mieux ne sera constant que dans une culture assez riche pour leur fournir des conditions identiques à celles qui les ont fait ce qu'ils sont. De ce lumineux rapport, dont l’Assemblée s’est montrée fort satisfaite, M. de Brive en conclut qu’il est urgent, dans l’intérèt de la production ,. d'essayer de nouvelles semences. De la qualité des semis dépen- dent la bonté et la quantité des fruits récoltés, et il n’est pas d'économie plus mal entendue que celle qui porte sur la semence; elle atteint la production dans son germe, et avec les mêmes travaux et les mêmes frais elle donne des résultats d’une médiocrité désespérante. Ces considérations, bien motivées, venant à l'appui des expériences si concluantes consignées dans le rap- port de M. Chouvon , mettent en grande faveur les froments étrangers. M. Balme fait observer que les froments récoltés de semence étrangère se tiennent très-bien sur nos marchés, qu’ils font mème l'admiration de nos culti- vateurs des campagnes. 1 — _— RÉSUMÉ DES SÉANCES. M. Azéma demande cependant qu'on tienne grand compte du climat et qu’on adopte des espèces rustiques qui puissent résister au froid. Il fait remarquer que la température moyenne de notre pays est la même que celle des îles Ferroë , entre les 61e et 63e de latitude. Cela vient de ce que, dans cet archipel du Dane- mark, situé au nord de l'Angleterre, le thermomètre ne subit pas de grandes variations, tandis que chez nous il passe souvent, avec des transitions brusques, d’une grande élévation à un abaissement considérable. Nous avons des hivers très-froids et des étés assez chauds ; conditions atmosphériques qu'il ne faut pas j{ ure de vue dans le choix des espèces et qui peuvent bien être pgur quelque chose dans cette infériorité de rendement qui excite avec tant de raison la solli- citude de la Société. M. Chouvon attribue surtout cette infériorité à la routine, qui s'attache à des assolements qui ruinent les terres. On veut produire tout de suite ; il faut que le champ donne tous les ans du grain; on met paille sur paille ; mais c’est l'avenir que l’on escompte, car on n'obtient ainsi que de pauvres récoltes que donne à regret un sol épuisé. Dans la plantureuse Limagne, dans la terre de marais, on distingue à première vue les champs de seconde paille d'avec ceux qui sont mieux cultivés. C’est en rompant tout-à-fait avec les mauvaises habitudes que M. Chouvon voit s'élever chaque année la moyenne de ses produits. Nolhac, qui ne lui donnait d'abord que 12 hectolitres à l’hec- tare, en fournit aujourd'hui plus de 16. IL espère ar- river bien plus haut lorsque le temps lui aura permis mÉEs dr FÉVRIER. 565 de mettre la dernière main aux cultures de la ferme- modèle. L'Assemblée, intéressée par ces observations qui sont de vrais préceptes, ayant trait au plus utile de tous les arts, à l’agriculture, cette source première et inépuisable du bien-être matériel et moral, écoute avec faveur la proposition qui lui est faïte par M. le Présiäent d'introduire , dans la culture fourragère , le sorgho préconisé par le Journal d'agriculture pra- tique et dans un article tiré du Moniteur des comices. Par des procédés assez économiques, on peut tirer du sorgho assez de cassonade pour les besoins-de la ferme, puisque un kilo de ses tiges, desséché et décortiqué , donne 400 grammes de matières sucrées. Cest surtout comme plante fourragère que le sorgho peut rendre de grands services. Telle est l'opinion des agronomes de l’Assemblée, MM. de Brive, Chouvon, Balme du Garay, Plantade ; sous ce rapport on le pré- férerait au maïs. Il est vrai qu'il ne mürit pas sa graine sous notre climat ; mais sa saveur douce et agréable, qui ne laisse pas d’arrière-goût, et sa culture facile et peu coûteuse le recommandent comme un fourrage d'une qualité supérieure. M. Aulanier en à fourni un bon échantillon. En conséquence, la Société décide qu’elle fera venir à ses frais de la graine de sorgho pour être distribuée aux inembres qui en feront la demande. Au sujet du sorgho, M. Plantade rappelle que la Société, dans une de ses précédentes séances, avait 2 — + TOME XXI. 566 RÉSUMÉ DES SÉANCES pris sous sa protection une autre plante fourragère , le Lupin jaune. I se félicite de l'avoir cultivée; elle est maintenant dans les habitudes de sa ferme. Elle mürit son fruit pourvu qu’on la sème en avril et mai. L'année dernière , les fleurs de la tige et celles du deuxième étage ont produit la graine, qui a les qualités nutri- tives de l’avoine sans être aussi excitante. Les animaux ont beaucoup d’appétence pour cet herbage d'où pro- vient d’excellent fromage. La culture du lupin jaune est des plus avantageuses : ïl vient dans les terres sa- blonneuses , de médiocre qualité et sans fumure, et produit plusieurs récoltes. Les terres où l’on enfouit cette plante deviennent fertiles, et il n’est pas jusqu’à sa racine qui ne donne l’'humus nécessaire à la pro- duction du seigle. Tant et de si belles qualités, qui lui ont fait donner le nom de sauveur de la misère , la recommandent vivement auprès de MM. les agri- culteurs et lui méritent de la part de la Société une mention. $ M. de Brive recommande comme excellent engrais le guano du Pérou, qu'il a expérimenté avec le plus grand succès; on peut facilement s'en procurer en s'adressant à M. Morand-Trintinhac, au prix de 35 fr. les 100 kil. à Marseille, et 6 fr. de port. M. le Président rappelle les avantages de l’ensemen- cement du blé en lignes et au plantoir qui, d’après les calculs de M. Faure, directeur de l’école normale de Foix, donne 71 fr. de bénéfice par hectare {Journ. d'agriculture pratique, octobre 1837 }. FÉVRIER. 567 D'après ce dernier journal, M. Aymard signale encore un nouveau mode de destruction des taupes , grillons, courtillières, c'est celui de l’eau chaude de savon qu'on répand dans les trous. Il rappelle encore les résultats qu'on peut obtenir du joug séparé dans l’attelage des bœufs. HoRTICULTURE. — Passant ensuite à cette question : savoir comment l'hiver a traité les arbres à feuilles persistantes, il s'exprime en ces termes : En présence des perfectionnements de {ous genres qui se révèlent en France, depuis quelques années, dans la culture et lembellissement des jardins; en présence des efforts et des encouragements que beaucoup d'associations académiques manifestent par des concours, des expositions périodiques et des créations de jardins d’expérimentations, - notre Société ne devait pas rester indifférente à certaines innovations qui obtiennent chaque jour la faveur du public et la sanction de l'expérience. De ce nombre sont les heureux essais qui ont été faits dans le pays pour l'introduction de plantes, arbustes et arbres à végétation persistante qui, admis dans l’orne- mentation des jardins, servent à les parer pendant la saison rigoureuse de l’année et leur prêtent un charme dont les priveraient les plantes et arbustes d'été alors com- plètement dépouillés de leurs feuilles. Il est même intéressant de remarquer combien la na- ture semble répugner à la complète léthargie du règne végétal. Dans son intelligente prévoyance, elle a créé des 568$ RÉSUMÉ DES SÉANCES. arbres et des plantes chez lesquels la vie végétative, tandis qu’elle sommeille pour beaucoup d’autres, ne s'éteint en aucun temps et dont les feuillages, aux teintes variées, embellissent le paysage. Il est même des végétaux qui alors célèbrent leurs hyménées en se parant de fleurs , tels que les mousses, certaines bruyères, la rose de Noël, le perce-neige, le bois-gentil, etc.; il en est d’autres dont les brillantes noces, accomplies sous les rayons d'un soleil d'été, ont donné naissance à des fruits aux couleurs plus ou moins éeclatantes qui décorent aussi la campagne durant l'hiver : les mahonia, le buisson ardent, le fusain dit à bonnet de prêtre, les aubépines sont de ce nombre. D’autres enfin, comme les mahonia et le daphné lauréole portent des grappes de boutons qui s'épanouiront en bouquets de fleurs aux premiers jours du printemps. La plus simple observation nous apprend également que la nature n’a laissé aucune interruption dans la succession des plantes d’une saison à l’autre. Aux plantes d'été suc- cèdent celles de l’automne, dont beaucoup prolongent elles- mêmes leur végétation jusqu'aux premiers froids de l'hiver; d'autres produisent leurs feuilles vers la fin de l'hiver pour fleurir dès les premiers jours du printemps, parfois même, lorsque la saison est favorable, aux mois de février et de mars. A l'exemple de la nature, aujourd’hui surtout que nos “jardins tendent à l’imiter par leurs tracés, les mouvements de terrains et l’arrangement des plantes, sachons utiliser ces précieuses ressources pour prolonger, même pendant les frimats, les pures et inépuisables jouissances que nous donnent les jardins, sans être obligés de recourir, pour FÉVRIER, 569 satisfaire ce besoin, à ces serres plus ou moins dis- pendieuses dont beaucoup d'horticulteurs ne peuvent se donner le luxe. Disposés en bosquets, les arbres et arbustes à feuilles persistantes , les plantes ornées de fleurs, les végétaux même à tiges vertes, mouchetées el ornées de panachures, nous feront oublier les rigueurs de la saison. Déjà, Messieurs, notre Société est entrée dans celte voie par des plantations de différentes espèces d'arbres verts qu'elle a effectuées, sous ma direction, dans les mo- destes espaces de terrain que la mairie du Puy avait mis à notre disposition dans la prairie du Breuil. Là, Messieurs , vous avez vu, pendant le précédent hiver de 1856-1857, plusieurs belles espèces résister à un froid maximum de 250 70, et; dans le cours de l'hiver actuel, elles ont encore supporté, à plus forte raison, une température de 400. Ces espèces que, sous ce rapport, il est utile de vous signaler sont : l’épicéa, le sapin argenté, le pin sapo, les pins noirs d'Autriche et de Haguenau, la sapinette bleue, les cèdres du Liban et déodora, les genévriers de Virginie et du pays, les ifs, thuya, filaria, houx, laurier de Portugal, buisson ardent, etc. Ces végétaux sont aux trois expositions de l’est, du sud et de l’ouest. Dans mon jardin, qui est situé sur l'avenue de Vals au Puy, et à peu près dans les mêmes conditions d'aspect et de température que celui de la Société, l'hiver précédent épargna les arbres suivants : épicéa , sapinette bleue, sapin baumier, sapin argenté, {huva, genévriers de Vir- ginie et du pays. 570 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Les arbustes qui furent aussi préservés, malgré le froid excessif de l’hiver, sont les ifs, la sabine, le fragon commun, le houx de Madère, les fusains verts et argen- tés, les filarias, le buisson ardent, les houx, diverses espèces de buis, les daphnés lauréoles et méséréon, les lierres. Les plantes qui résistèrent sont les pervenches à petites feuilles, les thyms verts et argentés, la couquelourde, les corbeilles dorées et argentées, la glaciale, une espèce de bruyère, etc. La rose de Noël, le perce-neise et le bois-gentil fleu- rirent en leur temps accoutumé. Toutefois le froid excessif de cet hiver se fit sentir sur quelques espèces qui perdirent leurs feuilles. Tels furent un cèdre du Liban qui, depuis lors, n’a même pu se re- mettre entièrement, le troène du Japon, les rosiers de Bengale que je dus receper au printemps, un crategus, la laurelle et le mille-pertuis. Ces cinq dernières espèces ont parfaitement conservé leurs feuilles pendant l'hiver actuel. Plusieurs plantes jouissent aussi d’une belle ver- dure, en particulier les amarillys, les iris célestes , les jonquilles. Ont aussi conservé leurs feuilles : les hépa- thiques, primevères, corbeilles dorées et argentées , gueules de lion, giroflées-suissarts, et déjà les hyacinthes apparaissent hors de terre, ainsi que les perce-neiges qui vont fleurir. Quelques-unes des espèces qui, en 1856-1857 souf- frirent dans mon jardin, résistèrent ailleurs, plus favo- risées probablement par certaines circonstances qu'il y aura lieu d'étudier. Ainsi, le jardin de la préfecture pos- séde un cèdre du Liban et une laurelle qu’épargnerent les FEVRIER. 971 rigueurs de cet hiver, aussi bien que les jasmins jaunes , les pervenches, la rose de Noël, le gazon ture et une es- pèce de saxifrage. Plusieurs horticulteurs de notre ville cultivent aussi avec succès des végétaux d'hiver. M. Philippe Thomas, membre du Conseil municipal, en a formé dans sa vigne, située sur le coteau de Montgiraud, commune de Cha- drac, un charmant bosquet où des rochers basaltiques, tapissés de lichens variés, sont en partie couverts de lierres à larges feuilles et entremélés de massifs d’ar- bustes. Les espèces qui, chez lui, résistèrent durant le précé- dent hiver sont les lauriers cerise et de Portugal, maho- nia, filaria à larges feuilles et à feuilles de saule, alaterne, houx commun et panaché, alisier toujours vert, gené- vriers commun et de Virginie, thuya, sapineltes argentée, rouge et bleue, sapin argenté, pins lord Weymouth, lari- clio et commun. Celles qui eurent à souffrir des rigueurs du froid sont les cèdres déodora et du Liban, et encore ces arbustes perdirent seulement, sans périr, leur parure d'hiver. Cette année M. Thomas a pu jouir de leurs feuillages ainsi que d’autres espèces dont il a aceru sa collection. Nos jardiniers s’adpnnent aussi avec quelque succès à l'élève de ces intéressants végétaux, et j'ai pu admirer chez eux, cet hiver, un certain nombre d’espèces, entre autres des rhododendrum rusticum, le locuba, espèce de laurelle remarquable par la grandeur des feuilles, par leur couleur claire et leurs belles panachures, le barberis darvini, la laurelle à feuilles étroites, le buépluvium à EYE RÉSUMÉ DES SÉANCES. oreilles de lièvre, des lauriers , des chèvre-feuilles et sy- ringas à feuilles persistantes. De jeunes sujets qu'ils élèvent en ce moment en serres promettent aussi des plantes et arbustes qu’il sera possible de cultiver en pleine terre; tels sont les troène (Ziqustrum), spirée à fleurs rouges, sca- lonia , budlea, etc., etc. On pourrait multiplier les exemples et dresser déjà un catalogue assez nombreux des végétaux qui, dans les divers jardins de nos environs, ont échappé aux rigueurs de l'hiver précédent et ont présenté aussi, durant le cours de celui-ci , les apparences d'une végétation aussi normale que le permet la saison. Mais il suffira d’avoir appelé l’at- tention de la Société sur une question d’horticulture qui pourra être traitée un jour avec tous les développements désirables. Après cette communication, qui a été accueillie très- sympathiquement par l'Assemblée, divers membres font connaitre aussi les résultats qu'ils ont obtenus en cultivant quelques-uns des mêmes végétaux qu'a si- gnalés M. Aymard. M. le docteur Martel donne des explications dé- taillées à l'appui de la même thèse. Ce membre, qui s’est appliqué, depuis plusieurs années , à résoudre le problème des jardins d'hiver dans son application à notre pays, signale diverses phases qu'ont suivies chez lui un assez grand nombre de végétaux à feuilles per- sistantes. Il rappelle en particulier les observations qu'il a faites dans le précédent hiver et durant le cours de celui-ci, -” FEVRIER. 579 Un fait important à remarquer, dit-il, c’est que la plu- part de ces végétaux semblent exiger, dans nos jardins, une exposition où ils aient à supporter le moins possible les alternatives de gel et de dégel. À cet égard, l’exposi- tion du nord est celle qui généralement leur convient da- vantage; c’est aussi à cet aspect que, dans mon jardin, se trouvent aussi les plus beaux bouquets d'arbres, d’ar- bustes et de plantes à feuilles persistantes. C’est probablement à cette circonstance, ajoute aussi M. Martel, que je dus, pendant l'hiver précédent, la con- servation de quelques rares espèces d'arbres verts, tels que les cèdres de l'Atlas, sapin anglais, sapin baumier, sapinettes bleues et rouges: les genévriers de Virginie , l’épicéa et le sapin argenté résistèrent également, ainsi que deux belles espèces d’ifs, tandis que je perdis le cèdre du Liban, le déodora et des thuyas qui n'étaient peut-être pas suffisamment à l'abri des variations de température. Je fus plus heureux à l'égard des arbustes dont ma col- lection assez nombreuse comprend environ trente espèces ; entr'autres : mahonia, deux variétés (l'une d'elles re- marquable par l'éclat de ses feuilles lustrées) , houx de Madère à larges et belles feuilles, houx panachés de nuances diverses, houx frisés , locuba du Japon, fu- sains vert et argenté, buplèvre oreille de lièvre, buis, cinq espèces, dont une dite à nacelle, une autre à feuilles magnifiquement panachées, une troisième à feuilles plus larges dite buis de mahon, alaternes vert et pa- nachés, arbousier, filarin, fragon à grappes et fragon épineux, lierre à larges feuilles et à feuilles panachées, daphné lauréole , buisson ardent, jasmin d'Italie , ro- siers (entr’autres le Charles-Martel), ete, 574 RÉSUMÉ DES SÉANCES, Le crategus ne put résister au froid excessif de cet hiver. Je dus le receper au printemps, et cette année- là il n’a pas été atteint sensiblement par le froid maxi- mum de 10 degrés. Quant aux plantes, je puis signaler, comme M. Ay- mard, les amarillys, les iris célestes, la sauge, le ro- marin, les thyms vert et argenté, les corbeilles dorées et argentées, le thlaspi, les gueules de lion, la gla- ciale, la coquelourde, le giroflin ou suissart, la rose de Noël et les perce neige, dont les feuilles aux tein- tes plus ou moins vertes, n’ont pas cessé, durant le cours de ces deux hivers , d'animer mon jardin. Je dois aussi donner une mention à deux jolies va- riétés de gazon , du genre fetusia, que j'ai employées avec succès pour les bordures de mes bosquets d'hiver. Leur teinte, d'un gris plus ou moins glauque , fait un heureux contraste avec les couleurs d’un vert brillant qui caractérisent d’autres plantes, et surtout avec les tons beaucoup plus sombres des ifs, épicéas et autres végétaux plus ou moins arborescents. Au surplus, il n’est pas douteux, d'après ma propre expérience, qu'on ne puisse obtenir, par une certaine entente des effets à produire, des jardins d'hiver , dans lesquels il sera possible de réunir des végétaux de tou- tes grandeurs et offrant à l'œil étonné du spectateur toutes les nuances de verdure, depuis les tons les plus tendres jusqu'aux teintes les plus sombres. PiscicurruRe. — ‘M. Limozin, sous-inspecteur des eaux et forêts, écrit à M. le Président de la Société FÉVRIER. 375 pour l'informer qu'il a demandé à la Sécherie impé- riale de Hagueneau (Bas-Rhin), et qu’il va recevoir, au premier jour, 140 kilog. de semence de pin sylvestre, d’épicéa, de mélèze. Ces semences, M. le Sous-[nspec teur les a payées au moyen des fonds que la Société d'agriculture a mis à sa disposition pour l'exercice 1857. Dès ce printemps, la plus grande partie de ces semences sera jetée sur les bords du lac du Bouchet, et ces semis seront surveillés par M. le Sous-Inspec- teur en personne. À ses yeux, le reboisement des bords du lac se rattache à l'empoissonnement, pour lequel il n’a encore rien été tenté, et rien ne le sera jusqu'à ce qu'une maison forestière destinée au surveillant ait été construite ; l'architecte départemental doit pré- senter cette année le projet de cette maison avec éta- blissement de pisciculture. De cette franche et loyale communication, dont on doit remercier M. Limozin, il ressort clairement que cette question de pisciculture, qui nous donnait de si belles espérances, pour laquelle la Société, depuis plu- sieurs années, prodigue ses vœux et ses ressources, n’a fait aucun pas; qu’elle n’est encore sur les bords du lac qu'à l’état de projet. M. le Président adjure MM. les Membres qui font partie du Conseil général _de vouloir bien s'intéresser, dans le Conseil, au succès d’une institution qui, sous le rapport de l'alimentation publique, peut avoir de si bons résultats. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES.— Météorologie. — La Société impériale et centrale d'agriculture, par l'organe de MM, Darblay et Payen, dans une circulaire, demande 576 RÉSUMÉ DES SÉANCES, à M. le Président de la Société des renseignements sur la grèle, sur les circonstances qui, dans la région que nous habitons , accompagnent ce funeste météore, telles que les courants des vents, l'influence que les bois peuvent avoir sur la déviation de la ligne suivie par la grêle, celle des grands cours d’eau, etc. M. le Président ne se dissimule pas les difficultés d'une réponse exacte et catégorique. Le phénomène de la grèle est un des moins connus, surtout dans les lois qui président à la marche de ce fléau. IE fait un appel aux lumières de ses confrères et, dans le but d'engager la discussion sur ce sujet, il émet l'opinion suivante : que les hautes montagnes, couvertes ou non de futzies et appelées gardes, opposent ordinairement à l’action de la grêle une résistance heureuse. Souvent, au-dessus de ces montagnes, le nuage électrique qui la porte dans ses flancs se divise et va éclater à droite et à gauche et épargne tous les lieux défendus par la garde, dans une zûne qui, le plus souvent, court du sud-ouest au nord-est; car telle est ordinairement la direction des nuages chargés de grêle. Ainsi la commune de Vals, dans une grande partie de son étendue, se trouve protégée par la garde d'Eycenac. M. le docteur La Tourette lui objecte que la commune de Vals a été dévastée par ce terrible fléau pendant plusieurs années de suite. , Mais M. Aymard, sans en disconvenir, distingue ce qu'on appelle les grèles locales des grèles générales ; ces dernières, rien ne les arrète. En 1835, 1836 et 1837, elles ont atteint la commune de Vals, mais au FÉVRIER. 577 mème moment elles s'abattaient sur plus de cent com- munes ; Vals peut bien avoir la grêle dans les années des grands orages qui couvrent une étendue considé- rable de pays; mais cette commune est toujours préservée des grèles qu'on peut appeler locales Des observations relevées pendant plus de trente années et recueillies à la préfecture attestent que la moyenne des temps de grèle est aussi faible à Vals que dans les communes qui en sont le moins atteintes. M. Robert Félix partage l'opinion de M. Aymard quant à l’action salutaire sur la grêle des pies de mon- tagne appelés gardes, d’où ils ont tiré ce nom. Il à fait des observations sur la marche de ce météore du côté, de ses propriétés, et a remarqué que la montagne de Solilhac la faisait dévier et la coupait en deux courants qui se précipitaient dans des directions différentes, pourvu toutefois que le nnage ne fût pas trop élevé. M. Azéma pense que l'influence exercée par la configuration du sol sur le phénomène de la grèle est très-complexe et ne peut être soumise à aucune loi générale. D'après la théorie de la grèle, imaginée par Volta, ce météore, après s'être formé dans les hautes régions de l'air par une évaporation subite ou un refroidisse- ment quelconque, se développerait en masses plus ou moins volumineuses entre deux nuages chargés d’élec- ticités contraites, où il se trouverait balloté par suite de leur attraction et répulsion successives. IL semble d’après cela que, saus aucune exception, les montagnes, par l'excès de leur force attractive sur le nuage inférieur, devraient appeler la chute des 518 RÉSUMÉ DES SÉANCES. erèlons sur leur surface et préserver ainsi de ce fléau les plaines environnantes ; mais soit qu'une bonne théorie de la grêle soit encore à trouver, soit que la nature et l'élévation des arbres qui recouvrent le sol modifient la puissance d’action des montagnes en faci- litant par leurs cimes élevées et pointues l’écoulement du fluide dont la terre peut se trouver elle-même char- gée, les prévisions de la théorie se trouvent souvent démenties par l'expérience , et les personnes que leur profession oblige à rechercher les localités où ce phé- nomène sévit le plus fréquemment, assurent que les pays de plaine en sont aussi souvent atteints que ceux des montagnes, et qu'il faudrait une longue suite d'observations faites avec soin sur toute la surface du globe, pour déduire de lenr comparaison la nature du lien mystérieux qui peut exister entre la chute de la grêle et la configuration plus ou moins accidentée de la surface terrestre. M. de Brive tient toutes ces observations pour fort judicieuses ; mais elles ne son! pas assez complètes pour qu'on puisse y trouver une réponse suffisante à l'appel de la Société centrale d'agriculture ; il s'associe au désir manifesté par toute l’Assemblée d’avoir, sur cette question, l'avis d’un de ses membres en ce moment absent de la séance, dont le nom fait autorité dans les sciences, et surtout dans la météorologie dont il est un des créateurs. — M. le Secrétaire est chargé de provo- quer sur ce sujet l'opinion de M. Bertrand de Doue. SCIENCES HISTORIQUES. — Archéologie. — M. Aymard informe l'assemblée que le Président, M. Charles de FÉVRIER, 579 Lafayette, a obtenu la bienveillante intervention de Mgr l'Evêque, pour que les débris de l'inscription tumulaire de l’évèque de Senez, Jean Soanen, soient réunis, et que cette pierre soit remise à sa place pri- mitive. M. Aymard ajoute qu’il à pu faire connaître l'endroit même où reposent les restes de Jean Soanen, d'après la savante notice sur la Chaise-Dieu, qu'a publiée notre confrère M. Francisque Mandet, « Main- » tenant encore, dit cet écrivain, quoique la pierre tumulaire ait été brisée pour être vandalement em- ployée à je ne sais quel usage moderne, on voit » dans une petite chapelle, près du grand escalier du couvent, l'endroit où reposent les cendres de » Soanen. » M. Mandet a donné lui-même, ces utiles renseignements d’après la xxvie lettre des Voyages en Auvergne, par le citoyen Legrand. {Dict. hist. des personnages d'Auvergne, par Aigueperse, t. 11, f. 246.) Quant aux débris de l'inscription, M. Aymard avait informé la Société, à la précédente séance, qu'il les avait vus dans une des salles de l’école des Frères de la doctrine chrétienne, où ils servent de supports à une cheminée. 7 C4 L2 Histoire. — M. Aymard donne lecture d’une lettre par laquelle M. Jules de Vinols adresse à la Société la copie d'un document important pour l’histoire de la féodalité dans notre pays. Il a pour titre : Extrait de titres originaux du marquisat d'Allègre. M. le Vice-président ajoute : « ce sont les lettres » royales datées du 30 juillet 1576, par lesquelles le » roi Henri IT érigea en marquisat la baronie d’Allègre 580 RÉSUMÉ DES SÉANCES. » au profit d'Yves d’Allègre , conseiller au conseil » privé du roy. » Cette pièce est accompagnée de l'extrait original que M. Jules de Vinols a bien voulu donner, à la demande de M. Aymard , aux archives départementales. Il est dit à la fin de l'écrit que l'extrait des dites lettres a été fait en 1626, par trois notaires, qui ont signé. On avait cru jusqu'à ce jour, fait observer M. de Vinols , que l'érection de ce marquisat avait eu lieu vers 1551, au profit d'Yves, échanson du roi Henri I, et petit-fils de celui qui avait été tué si glorieusement en assurant le succès de la bataille de Ravenne. Le document authentique produit par M. Jules de Vinols vient ainsi fixer une date précise. Il offre également un véritable intérèt au point de vue du régime féodal. Les cinq châtellenies qui dépendaient du marquisat d’Allègre y sont énoncées. Ge sont : le château et la ville de Chomelix, Villeneuve, Saint-Just-des-Ygues et sombret, ainsi que la baronie de Roche-en-Reynier et tout ce qui en dépendait; baronie qui donnait à ses possesseurs, comme on sait, droit d'entrée aux Etats du Velay. Le mème document énumère les droits seigneuriaux, les juridictions féodales, la haute, moyenne et basse justice qui étaient attachés au marquisat; tout ce qui concerne les fiefs et arrière-fiefs, et enfin il y est dit que, contrairement à l’édit du roi Charles IX, daté de juillet 1566, le marquisat ne sera point incorporé à la couronne, mais qu’il conservera toutes les prérogatives de l’ancienne baronie d’Allègre, « tout ainsi qu'il en était en sa première création, sous lesquelles conditions FÉVRIER. 381 ledit sieur d'Allègre n'ait voulu accepter libéralités royales, ni consentir en aucune manière à la pré- sente érection. » Curieux exemple qui prouve combien, malgré les édits royaux , était encore vivace, au xvi siècle, le régime féodal dans nos contrées. Ce document complètera, dans le dépôt des archives départementales, un dossier qui compte déjà diverses pièces historiques sur le marquisat d’Allègre , et qui ont été données par M. Grangier, adjoint au maire d’Allègre. On y remarque entre autres : lo Un partage de cens dû par les habitants de Bre- chiniat, paroisse de Monlet, à haut et puissant seigneur M. Jean-Baptiste Colbert, titre qui rattache à notre pays un des plus grands noms historiques de la France ; 2o Un traité passé entre madame la maréchale de Maillebois, marquise d’Allègre et fille du maréchal Yves d’Allègre, et M. Delormes, chanoine du Puy, et MM. les curés et prètres de la commune d’Allègre, au sujet de diverses dotations pieuses (20 août 1747) ; 30 Partage de cens dû au marquisat par les habitants de Brechiniat et autres pièces, 1693 ; 40 Une copie d'un procès-verbal d'incendie du chà- teau d’Allègre, etc. « L'ensemble de ces documents fournira un jour des lumières à l’histoire de ce marquisat, pour laquelle déjà l’un de nos confrères, M. Félix Grellet, a publié dans le compte-rendu du Congrès scientifique de France (22e session, tenue au Puy), une excellente notice sur le château d’Allègre. » TOME XXI. 25 582 RÉSUMÉ DES SÉANCES. L'Assemblée a encore été vivement intéressée par la lecture d’un document inédit, dont on doit la décou- verte à la Commission des recherches historiques que la Société a constituée dans son sein sous l'inspiration toujours féconde de son digne Président M. Charles de Lafayette. — Il s'agit de l'élection d’un Evèque au Puy, celle de Pierre de Chalencon, le 2 décem- bre 1485, sous le règne de Charles VIIT. Les incidents que relate le procès-verbal de cette élection sont des plus piquants. M. l'abbé Bernard a su les choisir et les lire de manière à satisfaire pleinement ses audi- teurs. Dans la Société et hors de cette enceinte on attend avec impatience la publication de pareils documents destinés à répandre une vive lumière sur l’histoire de notre pays. — Gräce à la forte initiative de quelques- uns de ses membres, la Société ne restera pas en ar- rière dans ce mouvement qui, partout en France, entraine la pensée vers l'étude des sources de l’histoire nationale. À côté de la Commission qu'elle vient de créer, lui prètant un fraternel concours, s'élève l'insti- tution toute nouÿelle des archives communales. Sous l'impulsion de M. Aymard, votre Vice-Président, les communes, sur tous les points du département, fouillent en ce moment dans le passé, recueillent leurs vieux parchemins, écrivent aussi leur histoire. Craponne , le Monastier ont organisé des archives fort curieuses. L'hôpital de Craponne a déjà produit un inventaire analytique de titres qui,.pour ne pas remonter bien haut, ne laissent pas que d’avoir de l'intérêt. FEVRIER. 585 Les deux hospices du Puy vous diront bientôt, par l'organe de leur archiviste qui est aussi votre Secrétaire, toute l'importance du dépôt qu’ils ont si soigneuse- ment conservé. Ces renseignements sur le progrès des études histo- riques dans le pays, donnés par M. le Vice-Président, sont écoutés avec faveur. — Une note extraite du Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, suggère à M. de Brive une observation qui à trait à une revendication historique. Voici le fait : cette Société, fort renommée dans le monde archéologique, a nommé une commission chargée de lexamen approximatif des dépenses que nécessiterait une reproduction des œuvres d'art qui décorent la cathédrale d'Amiens et y forment comme un musée de peinture et de sculpture. Or ces œuvres, dont quelques-unes sont remarquables, proviennent de la célèbre confrérie dite de Notre- Dame-du-Puy. On sait que le but de ces sortes d’asso- ciations qui, sous le même vocable, sont connues dans une foule de villes de France, était d'honorer la Sainte - Vierge par des prières en même temps que par des œuvres littéraires et artistiques. Cest à bon droit que notre ville réclame l'honneur d’avoir donné naissance à cette institution; une notice publiée par M. Aymard, dans le 2e volume du Congrès scientifique de France, xxie session, laisse peu de doute à cet égard. — M. de Brive désirerait donc que la Société du Puy se mit en rapport avec la Société des antiquaires de Picardie, dans le but de provoquer une solution définitive à cette question d’origine, d’où 584 RÉSUMÉ DES SÉANCES. sortira, pour notre antique cité, un nouveau titre de noblesse. BEAUX-ARTS. — LITTÉRATURE. — M. de Fontpertuis fait hommage de deux brochures ayant pour titre : Etudes littéraires ; Yune est relative à l'écrivain fla- : mand, Henri Conscience, dont le talent exquis s’est révélé dans ces derniers temps au monde littéraire par des romans de mœurs ; l’autre s'occupe des écrivains russes (Grogol et Pouchkine, dont les œuvres poétiques jouissent d’une réputation méritée en Russie et en France, où la traduction les a vulgarisés. Parmi les publications littéraires et artistiques recues par la Société, M. le Président signale une revue mensuelle, revue du centre, avec ce titre : l’Art en province, publiée par M. Desrozier, de Moulins. Dans la première livraison de cette œuvre, qui est le réveil d'une publication périodique pendant quelque temps interrompue , on trouve un bon article signé par M. Alphonse Fourtier, payeur de notre département, et qui habite le boulevard d'Espaly. Get article a été inspiré à son auteur par une ronde chantée et dansée dans un pensionnat de jeunes demoiselles dont il est le voisin, celui de madame Pittarch. La Société en a entendu la lecture avec intérêt, surtout celle du com- mentaire qu’en donne M. Fourtier. Il démêle dans les couplets, d’ailleurs de piètre facture, une chanson satyrique du xvure siècle, faite pour venger la France de quelques vaines tentatives essayées par Charles Emmanuel, en 1600, contre nos conquêtes en Italie, et np + der FÉVRIER. 582 surtout pour railler l'entreprise hardie et téméraire qu'il avait conçue contre les Turcs, de s'emparer de Chypre et de Jérusalem. On sait que cette entreprise échoua, ayant eu à peine un commencement d’exécu- tion, il n’est resté, à la famille de ce duc de Savoie, qu’on avait surnommé le Grand, d'autre avantage que le titre dérisoire de roi de Chypre et de Jérusalem, que les rois de Sardaigne ont encore gravé dans leurs écussons. BEAuUx-ARTs. — Architecture. — Au sujet de la dé- molition de la maison Gallien, dont l’adjudication vient d’être prononcée, M. Aymard paraît craindre que le nouvel alignement que l’on à pris, dans le but de dégager la façade de notre belle cathédrale, ne suffise pas pour arriver complètement à ce résultat. Il lui semble que les abords de cet imposant édifice ne sau- raient être trop découverts et trop libres. M. de Brive est heureux d'annoncer que l'autorité compétente a pris toutes les mesures capables de satis- faire à cet égard au goût et à toutes les exigences des amis de l’art chrétien. M. Martel fait observer que l'alignement arrèté lais- sera, entre le grand escalier et les nouvelles construc- tions, un espace vacant plus considérable que celui qui, du côté opposé, existe entre ce même escalier et le bâtiment de l’Hôtel-Dieu ; il aura la mème étendue que l’espace qui sépare la façade de la chapelle du Saint-Esprit de la première rampe de droite. Ainsi rien ne s'oppose plus à ce qu'on donne bientôt suite au magnifique projet, d’une exécution plus facile 586 RÉSUMÉ DES SÉANCES, qu'on ne pense, qui consiste à ouvrir une large et belle rue toute plantée, la rue des Tables-Notre-Dame-de- France, aboutissant perpendiculairement du pied du grand escalier au boulevard Saint-Laurent. Gravure. — M. Aymard communique à l’Assemblée une belle épreuve d’une gravure en taille douce, exé- cutée par M. Soumy. Elle représente le portement de Croix et atteste une habileté et une süreté de burin très-remarquable. « On sait, ajoute M. le Président, que M. Soumy est né au Puy, et qu'il a obtenu à l’école impériale des Beaux-Arts de Paris le premier grand prix de gra- vure. C'est à Rome, où il a été envoyé par l'Etat, que notre compatriote a gravé cette belle planche d’après un tableau de grand maitre. » Cet artiste distingué, ajoute M. le Président, dont j'ai été heureux de signaler à la Société, en différentes fois, les heureux et persévérants efforts, m'a fait savoir qu'il se propose de reproduire, par la gravure, la grande statue de la Sainte-Vierge, qui doit être érigée sur le rocher de Corneille. Cette belle œuvre de M. Bonnassieux ne pouvait être traduite par une main plus habile. M. Soumy attache à la parfaite exécution de cette gravure un noble sentiment de patriotisme, et l'on peut être certain qu'il y consacrera tout le talent dont il a déjà donné des preuves dans d’autres gravures qu'admirent les connaisseurs. » Les cent premiers exemplaires , tirés avant la lettre, et sur beau papier de grand format, seront livrés au prix modique de 10 francs, mais seulement y FEVRIER. 587 aux personnes qui se seront fait inscrire comme sou- scripteurs. » La gravure pourrait être terminée pour la solen- nité de l'inauguration de la statue. » La Société, vivement intéressée par cette communi- cation, décide qu’elle s’inscrira en tête de la liste de souscription. SOCIÉTÉS SAVANTES. — La Commission administrative du Congrès des délégués des Sociétés savantes, présidée par M. de Caumont, qui se réunit chaque année à Paris, invite M. le Président à faire désigner par la Société académique un ou plusieurs membres chargés de représenter la Société du Puy au Congrès des So- ciétés savantes de France, qui s'ouvrira rue Bonaparte, no 44, le 5 avril, et sera close le 15. MM. les membres de la Société académique du Puy, qui se trouveront à cette époque à Paris, sont priés de vouloir bien en être les représentants. — Les délégués ont la mission de faire un rapport sur les travaux de la Société à laquelle ils appartiennent, pour l’année 1857. Ils seront en outre invités à donner des rensei- gnements sur les travaux personnels des hommes studieux de leurs pays, et à faire connaître toutes les publications en cours d'exécution dans la circonscrip- tion académique qu'ils représentent au Congrès. ADMINISTRATION. — PERSONNEL DE LA SOCIÉTÉ. — M. le Président donne lecture d'une lettre par laquelle M. Balme déclare devoir donner sa démission de secrélaire-adjoint. Le Président regrette fort cette 588 RÉSUMÉ DES SÉANCES. détermination, et toute l’Assemblée est unanime pour engager cet honorable confrère à vouloir bien conti- nuer encore des fonctions dont le principal honneur est dans les charges qu'elles imposent. M. Doniol, l’éminent auteur de l'Histoire des Classes agricoles, présente des remerciments à la Société. — Il lui tarde d’être au moment où les travaux de cul- ture le rappelleront à Ronzet pour montrer, dit-il, à ses collègues, par son exactitude à leurs réunions, le prix qu'il a attaché à leur suffrage. M. le docteur Roux, dans une lettre datée de Mar- seille, témoigne à M. le Président combien il a été sensible à l'honneur que la Société lui a fait en l’ad- mettant au nombre de ses associés non résidants ; et, pour exprimer sa gratitude, il envoie les dix-neuf volumes parus du Recueil statistique dont il est l’édi- teur. M. le docteur Roux, de Marseille, occupe un rang distingué dans la science, et nous l'avons vu figurer avec honneur à la xx1e session du Congrès scientifique de France, avec le titre de Vice-Président général du Congrès, auquel il fit hommage de plusieurs ouvrages de médecine qui ne sont pas sans mérite. M. Jules de Vinols désire faire partie de la Société, à l'appui de sa demande et comme titre d'admission, il adresse une étude sur la peinture des anciens maitres. Sur l'indication de M. le Président, la Société nom- me, pour examiner le travail présenté par M. de Vinols sur cet intéressant sujet, MM, Vibert, Giraud et Plan- tade. — —— FÉVRIER. 589 L'ordre du jour appelle le vote au scrutin secret sur la candidature de M. Philippe Mathieu, docteur méde- cin, à Paris, en qualité de membre non résidant. — M. Philippe Mathieu, du Puy, est nommé à l’unani- mité. La séance est levée à six heures et demie. Le Secrétaire , BÉLIBEN. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 11 MARS. SOMMAIRE. Hommage rendu à la mémoire de M. le docteur Borie. — AGRICULTURE : De l’éco- buage ; MM. de Brive, Chouvon, l'abbé Bernard. — Comptabilité agricoie. — Amidon de marron-d'Inde. — Renseignements sur l’état des récoltes au commen- cement de mars; MM. de Brive, Bertrand de Doue, le docteur de Lafayette, Plantade, Robert. — Renvoi par M. le Préfet à l'examen de la Société d’un mé- moire sur la maladie des pommes de terre par M. Auguste Richond ; nomination d'une commission ; M. Dumontat rapporteur. — SCIENCES NATURELLES ET PHY- siQues : Mémoire sur la grêle par M. Bertrand de Doue. — Observations de M. Robert sur le même sujet. — Mouvement des eaux de l'Allier au port de Bouxhors, par M. Poyet, ingénieur des mnes. — D'une notice géologique sur la Lozère, par M. Justin Dorlhac. — SCIENCES HISTORIQUES : Mémoire de M, Aymard, au sujet de Municipio arisido, de la notice des cités des Gaules. — Médaille de Dubnocove. — Beaux-arts : Grande statue en plàtre du fabuliste Lafontaine par Julien; démarches pour en obtenir la remise pour le Musée.— Exécution des objets d'art de la fontaine Crozatier ; M. de Brive. — Sculpture de M. Badiou. — PERSONNEL DE LA SOCIÉTE. — Commission pour la candidature de M. Limozin, sous-inspecteur des eaux et forêts; M. Plantade, rapporteur. Présidence de M. Aymard, vice-président. Vers trois heures, en ouvrant la séance, M. Ay- mard exprime en quelques mots le regret qu'il éprouve MARS. 594 de l'absence du Président, M. Charles de Lafayette, que des affaires de famille retiennent encore loin de la Société. Il rend ensuite un légitime hommage à la mé- moire d’un des sociétaires enlevé aux travaux de la Société par une mort prématurée, après une longue et cruelle maladie. M. le docteur Borie était un des membres les plus assidus de nos réunions mensuelles. Il s'occupait avec succès des questions ardues de l’é- conomie publique et de celles qui ont trait aux sciences de sa profession qu'il cultivait avec désinté- ressement. Toujours à l'affût des inventions nouvelles, ami éclairé du progrès, poursuivant les améliorations sociales, tel s’est montré le docteur Borie dans les conseils de la ville et dans le sein de notre Société, dont il: fut le secrétaire pendant plusieurs années. Des mémoires insérés dans nos Annales témoignent de la variété de ses connaissances. Naguère encore il s'occupait d’une question d’un haut intérèt, la pa- nification, et, il y a quelques mois, nous l'avons en- tendu exposer avec lucidité ses vues à ce sujet dans une séance mensuelle honorée par la présence du pre- mier magistrat du département, M. Emile Paul de Rostan. Ce qui relève surtout la mémoire de l'homme que nous regrettons, c’est l'appui généreux qu'il à donné à l'institution des sourds et muets. Ces pauvres déshérités vénéraient en lui un protecteur. Ils lui en ont montré leur reconnaissance en se pressant, au der- nier jour, autour de son cercueil. La Société doit des regrets au docteur Borie ; son souvenir vivra dans le cœur de ses confrères et de ses concitoyens. 592 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Immédiatement après cette communication , le Secrétaire donne lecture du compte-rendu de la pré- cédente séance, — Ce rapport est adopté sans réclama- tion. Dons AU MUSÉE. — M. Aymard fait hommage, au nom de M. le marquis de la Rochelambert, sénateur, de deux morceaux de palmier pétrifié. OuvrAGES REÇUS. — Parmi les livres et les nom- breuses publications reçues par la Société, on remar- que l'ouvrage intitulé : Etudes numismatiques, dont M. Fillon est l’auteur et dont M. le Président fait hommage de la part de M. Charvet, numismate à Paris. M. le Président a rapporté également de Paris le Recueil des mémoires de la Société géologique de Ber- lin (14 volumes), qui lui a été offert par les adminis- trateurs de cette Société, en considération des travaux scientifiques de notre Société. On remarque aussi les publications (in-4°, 3 vo- lumes) de la Société pour la recherche et la conserva- tion des monuments historiques dans le grand-du- ché du Luxembourg ; cet ouvrage renferme de beaux dessins. AGRICULTURE. — Écobuage. — À l'occasion d’un ar- ticle du Moniteur des Comices (janvier 1858), une question intéressante d'agriculture surgit au sein de la Société. Cette question n’est pas neuve, il est vrai, mais elle est loin d’une solution complète, et sur elle MARS. 595 là théorie et l'expérience n'ont pas encore dit leur dernier mot; il s’agit de l’'écobuage, opération qui, on le sait, consiste à brüler les terres au moyen de mottes ou de branchages qu’on dispose en fourneaux. M. de Brive, au Congrès scientifique de France, 24e session, tenue à Grenoble, où il a représenté la Société, a pris part à la discussion qui s’est élevée sur ce sujet. L'opinion qu'il en a rapportée n’est pas favorable à cette manière de fumer la terre. La cal- cination des terres par les fourneaux produit deux ef- fets bien distincts, l’un mécanique, l’autre chimique. M. de Brive admet bien que le feu appliqué aux terres argileuses les rend friables, plus faciles à la culture, en leur Ôôtant leur état de consistance et de tenacité; mais ces heureux résultats ne s'appliquent qu’à une espèce de terres, aux argileuses ou tourbeuses, et même cette bonne influence se trouve-t-elle dimi- nuée et même anéantie par l'effet chimique de la calcination. Le feu consume le terreau , en brûle les substances organiques, et volatilise les principes fer- tilisants, au point qu’au bout d’une année un champ se trouve totalement épuisé. A l’appui de cette opi- nion, M. l’abbé Bernard assure que dans son can- ton on à cessé toute espèce d’écobuage , et que dans les terres traitées autrefois par ce moyen par trop énergique , il fallait attendre plus de vingt années pour qu'on püt y replanter des bois. M. de Brive ne croit à l'utilité du brülage des terres que dans le Cas où, comme dans les environs de Grenoble, le calcaire entre pour une forte part, 30 à 50 0/0 dans la composition des terres ; on arrive alors par le brülage 594 RÉSUMÉ DES SÉANCES. à opérer un chaulage énergique sur les terres où il est exécuté. À M. le Directeur de la Ferme-école de Nolhac dé- fend l’écobuage. Il fait ressortir tout le bien de l’ac- tion mécanique de ce procédé, qui en divisant la terre, l’ameublit, la rend plus poreuse, et par consé- quent plus accessible à la chaleur solaire et plus ca- pable d'absorber l'air atmosphérique avec tous les principes fécondants qu'il renferme. Elle désagrége si bien les terres argileuses et compactes, qu'elles ne sauraient revenir à leur premier état quoique humec- tées par une forte pluie. En outre, M. Chouvon ne con- vient pas que les effets chimiques soient aussi désas- treux qu'on à bien voulu le dire. Sans doute il ne faut pas abuser du brülage des terres. — Mais, sans parler même des cendres et des résidus de bois brülé qui sont un bon amendement, l’écobuage donne en outre des sels de soude et de potasse, et produit, en désagré- geant la terre, des silicates et des alcalis. Ces matières, rendues solubles par l’action du feu, fournissent à la végétation des céréales des principes nutritifs qui tien- nent très-heureusement la place d'engrais organiques d’une production et d'un emploi ordinaire si coûteux. Cette discussion intéresse toute l'assemblée, mais elle se reproduira avec plus de succès lorsque le Congrès de Grenoble aura livré à la publicité le compte-rendu des séances dans lesquelles la question de l'écobuage a soulevé d'importantes observations de la part des chi- mistes agronomes qui assistaient à la 24e session. Comptabilité agricole. — La Société, par l'organe de MARS. 5395 son président, à propos d'un ouvrage sur cette matière de M. Stermin , agent comptable de la ferme-école de Puilboreau , revient sur cette question dont l'utilité a été exposée avec force dans sa dernière séance, par M. de Brive, au sujet de savoir si les fumiers doivent être mis en ligne de compte dans les livres d’une ferme. La Société renvoie l'examen de cette question à M. Chouvon, en le priant de vouloir donner, aussitôt que ses occupations le lui permettront, un aperçu des principes qui doivent diriger l'agent comptable d’une ferme; et surtout les principes qui seraient d’une ap- plication facile parmi les agriculteurs de nos campa- gnes. Un précis court, clair et simple des principales règles d'une comptabilité mise à la portée de tous, se- rait un grand service rendu à l’agriculture. La So- ciété l'attend du dévoûment du Directeur de la Ferme- école de Nolhac. M. le Président signale encore, d’après le même journal , l'usine de M. Callias, à Nanterre, où l’on peut extraire 40,000 k. d’amidon des marrons-d’'Inde. — La fécule de marrons-d’Inde offre une économie de 50 p. 0/0 sur l’amidon de blé et son empois donne aux tissus plus de brillant, plus de fermeté, et une fer- meté plus souple. Un excellent article sur les meilleures courges, dans le Bulletin de la Société d'horticulture de la Sarthe, mérite d’être mentionné. M. de Brive, au nom du Journal d'agriculture pra- 596 RÉSUMÉ DES SÉANCES tique , dont il est le correspondant, réclame des mem- bres de la Société des renseignements sur l'état des récoltes. Il fait valoir l'utilité de cette espèce d’en- quête qui s’'accomplit à la fois sur tous les points de la France, et qui, recueillie, à plusieurs époques de l'année, dans la chronique agricole, rédigée par M. Barral, est le motif de la part de l'administration de mesures très-importantes. M. de Fontpertuis ajoute que c’est de la Société que parviennent à la préfecture, au bureau des transmissions, les données les plus com- plètes et les plus explicites pouvant servir à éclairer le gouvernement sur l’état de l’agriculture et des ré- coltes. Les résultats de l'enquête à laquelle prennent part MM. Bertrand de Doue, le docteur de Lafayette, Chou- von, Plantade, Robert, et que résume M. de Brive, sont que la récolte a traversé l'hiver sans trop souf- frir des gelées sans neige qui sont une exception dans notre pays, et que son état est d'apparence in- certaine. M. le Préfet envoie à l'examen de la Société un mé- moire qui lui est adressé par M. Auguste Richond, au sujet de la maladie de la vigne et d’une nouvelle ma- nière de la traiter par le souffre. — MM. Dumontat, Joyeux et Robert sont chargés de rendre compte de ce travail. SCIENCES NATURELLES ET PHYSIQUES. — Météorologie. — M. Bertrand de Doue communique à la Société, qui En MARS. 597 l'écoute avec le plus vif intérèt, un mémoire sur la grèle. Les observations qu'il renferme ont été écrites, d’après la mission qu'il en avait reçue de la Société, en vue de répondre, autant que la science le comporte dans son état actuel, aux questions adressées à notre Société par Messieurs de la Société impériale et cen- trale d'agriculture. MESSIEURS , La Société m'a chargé , dans sa dernière séance, de re- cueillir les renseignements qui lui sont demandés par la Société impériale et centrale d'agriculture, sur fa grêle, dont les retours plus fréquents auraient causé plus de désastres en 1857 que dans les années ordinaires. Cette Société vous demande en premier lieu de lui faire connaitre l'étendue et la gravité des dégâts dans les localités atteintes par le fléau. J'ai dû, pour répondre à cette première demande, n'a- dresser à la seule source où il est possible de se procurer les renseignements désirés, c’est-à-dire à la direction des con- tributions directes où se centralisent les rapports dressés par MM. les contrôleurs , à l'effet de constater sinon l’é- tendue des surfaces atteintes par la grêle, du moins l'im- portance des dégats qu’elle a occasionnés. Il résulterait des renseignements qui m'ont été communiqués par M. Campmas, directeur de cette administration, avec une obligeance dont la Société doit être reconnaissante, que TOME XXI. 26 598 RÉSUMÉ DES SÉANCES. les dégâts occasionnés par la grêle dans le département ont été évalués, en 1855, à ,106 fr. en 1854, à 435 en 1855,à 515,804 en1856,à 78,722 et en 1857, à 469,014 Total. . 1,485,681 IL résulterait de ce tableau que, conformément à ce qui a été observé ailleurs , la grêle aurait produit dans nos contrées des effets plus désastreux dans l’année 4857, puisque les dégits officiellement constatés pour servir de base à la répartition des indemnités auraient excédé de plus des quatre cinquièmes la moyenne des quatre années précédentes. Il faut pourtant se garder, dans l'intérêt de la vérité, de regarder les chiffres qui vous ont été communiqués comme représentant toute l'étendue des dégâts. Chacun de nous sait par une trop fréquente expérience que la constatation officielle des dommages n’a lieu que sur les points où la grêle a sévi avec un certain degré de gravité, et que pour les surfaces toujours plus étendues où elle n’a enlevé que la semence, soit même le double et quelquefois le triple de cette quantité, maires et particuliers s’épargnent l’em- barras de faire des réclamations qu'ils savent n’aboutir qu'à des indemnités à peu près illusoires. Ne considérons donc ces chiffres que comme pouvant servir à établir une sorte de proportionnalité entre les dif- férentes années auxquelles ils s'appliquent, mais non comme représentant toute l'étendue des dégâts auxquels MARS. 599 nos contrées montagneuses sont plus particulièrement ex- posées. Quant aux renseignements qui vous sont demandés sur les circonstances qui accompagnent la grêle, telles que les courants des vents, l'influence que les bois ont pu avoir sur la direction de la ligne suivie par la grêle, celle des cours d’eau ; si la ligne a été directe et si la largeur varie dans son cours, etc.; ce sont là autant de questions plus faciles à poser qu’à résoudre. Différentes opinions ont été émises à ce sujet dans votre dernière séance. Toutes peuvent avoir une certaine valeur. Il ne m'’appartient pas de les discuter, et je me bornerai à soumettre à la Société, à l’occasion de la demande qui lui a été adressée par la Société centrale, les deux tableaux suivants résultant, soit des observations auxquelles je me suis livré avec assiduité pendant les cinq années météorologiques 1849-1855, sur la direction des vents supérieurs et inférieurs, soit des obser- vations udométriques qui ont été faites au Puy pendant la même période, par les soins de M. Guyot, alors ingénieur en chef des ponts et chaussées dans ce département. Les nombres qu'ils renferment ont été puisés dans le ta- bleau général À, qui accompagne le mémoire sur la ca- pacité pluvieuse des vents supérieurs et inférieurs, qui a été lu à la Société météorologique de France, et qui à paru dans l’Annuaire de cette Société pour 1857. Le premier de ces deux tableaux fait connaître le nom- bre d’orages accompagnés de précipitations aqueuses qui ont éclaté sur la ville du Puy pendant chaque saison des cinq années météorologiques 4849-1855, et la quantité de grêle et de pluie qui a été recueillie et mesurée à la suite de ces orages, dont le nombre total est de 54. 400 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Le second tableau indique la direction des 108 vents supérieurs et inférieurs par lesquels ces orages ont été amenés. On y voit que 25 de ces vents ont soufflé de l’ouest, 22 du sud-ouest, et 20 du sud , nombres bien su- périeurs à ceux qui ressortent des autres directions. Telles sont, Messieurs, les seules données positives que j'ai à vous présenter sur les difficiles questions qui vous ont été soumises, Quant à la recherche des diverses influences dont elles sont en définitive la dernière expres- sion, je n’essaierai pas de l’aborder. Chacun de nous se crée dans Ja science un domaine qu’il cultive selon ses forces et son courage. Il est souvent dangereux d’en trop reculer les limites. Toutefois, il est permis d’augurer que ce sera surtout dans les directions que je viens d’indiquer comme étant plus fréquemment parcourues par les vents précurseurs des orages, que l’on peut espérer de rencontrer, à des dis- tances qui restent encore inconnues, les foyers autour desquels se trouvent réunies les conditions plus particu- lièrement favorables à la formation et aux développements de ces redoutables météores. MARS, = = = Æ 6 9CL ES GS 6 ra) 6€ ‘XAVIOT | —— 32 Lien . — «C « « « cc | PR 0, — « = 2 = Da 1 _ = a nr = = = CS &CST cSF = er] 19 _ _ _ oi 19 _ sl (ai _— an + Æ = al 2 6 SCC [ra = F £ GIG 21 Ju € K « OSSI Gr G 7 08 < « [Pa « « GYSF “NITTIN |'SUNOfÉ “HITIIN |'SUNOfT WITHIN |SuANOf) “NITIIN |‘SHAOfŸ ‘HITIIN |‘SHAOC) ‘SHNÔIN9 — -O'ION -OHLTN À "THANNV 'IVLOL “4 OLAV LA "SdNSLENT Hd "UHAIH *CGSr-6r8L Senbhhoposogouw SQUUD $2) Juvpuad fin,] nn spa42$q0 Sasnanbn suornndhooud ap soubodiuooon sabn4o p a4quoN °F oN AVATAVL La s0r A (LS £G rad 0€ [A F S "2" XNVEOT IE 6 9 L n cr 9 l 9 |l'unaruaant INA | Ke v y 9H For re re & l'HAAIMNANS INA | | | |"IVLOL N ON O0 OS $ IS ci tIN ° *"SNOIDHMNIQ | Canodiouud squoa piny ann soynp =o4 SUOIAUG) EESF-GYSH Sonbibojouoojout saguun buro say quopuodl sououn 979 quo sosnonbn suouopdooud op souboduoson sobn4o 507 sjonbsop ad snortofur 19 Sinortodns sjuoa Sop Suorpouq ‘à oN AVTIAVEL MARS. 1035 M. Bertrand de Doue ajoute à la lecture de ce mé- moire, dont une copie est arrivée à sa destination, quelques explications qui montrent combien la météo- rologie a de l'importance , mais combien aussi elle ré- clame de précautions et d'expériences. Les observations suivantes sont lues par M. Robert Félix. C’est à l'étude des faits, c’est à l'examen des circonstances locales qu’on doit s'attacher, pour expliquer, s’il est possi- ble, les causes des variations du phénomène de la grêle. Si la marche des orages était connue par des observations em- brassant une série de plusieurs années, on pourrait, en les rapprochant de la connaissance des circonstances locales, découvrir pourquoi certains pays sont souvent ravagés. tandis que d’autres sont presque toujours épargnés. Quelles sont ces circonstances locales? Elles ne peuvent être que la configuration terrestre, une chaîne de monta- gnes, la constitution géognostique, les courants locaux, les grands fleuves, et les grandes forêts situées à des zônes plus où moins élevées ! Observons comment les faits se produisent dans les pays de montagnes, où les orages sont plus fréquents et plus intenses. Dans les vallées de la Suisse, qui vont de l'Est à l'Ouest, il se passe quelquefois vingt années sans grêle, tandis qu’elle est commune dans les Hautes-Alpes et dans les vallées qui sont au Sud-Ouest. — Dans l'Auvergne, les orages sont fréquents, et presque toujours accompagnés de grêle. Au pied des montagnes, les villages de Blanzat, Chateaugué et 404 RÉSUMÉ DES SÉANCES, Payat paraissent être condamnés annuellement à la grêle, tandis que ce fléau est rare entre le Mont-Dore et le Puy-de- Dôme, quoique cette région soit peu éloignée de ces villa- ges ; seulement elle est situéo à 400 mètres plus haut, Dans la Haute-Loire, l’orage nous arrive le plus souvent du Sud-Ouest, il semble se former sur les montagnes vol- caniques qui environnent le lac du Bouchet, et de là il vient presque toujours fondre dans nos vallons ; dans sa route, il est souvent détourné par les montagnes d’Eyce- nac et de Croustet; alors il se dirige dans la vallée de la Loire ou dans celle de la Borne, suivant la direction des vents. Il est des communes qui sont rarement atteintes de la grêle, comme Blanzac, etc., tandis que le Monteil, Cha- drac et Polignac le sont souvent. Les pays calcaires sont ceux où les orages ont le plus de force et de fréquence ; dans les contrées où la diorite abonde, les nuages les plus menacants se dissipent à me- sure qu’ils s’approchent de cette espèce de roche. — La question de la grêle, toujours soulevée et jamais résolue, ne nous permet que d'exprimer des doutes, tout en re- cueillant les faits qui peuvent servir à l’histoire de ce météore. Les circonstances locales doivent nécessairement modifier l’action du phénomène. D'après l'opinion la plus probable, la formation de la grêle serait due à un déerois- sement rapide de la température, occasionné par des cou- rants ascendants {rès-énergiques, et à la lutte des vents opposés dans les hautes régions de l'atmosphère. Navigation de l'Allier. — M. Poyet, ingénieur civil des mines à Bouxhors, adresse à la Société un mémoire _— MARS, 405 manuscrit sur le mouvement de l'Allier au port de Bouxhors (Puy-de-Dôme). Ge mémoire est accom- pagné d'un tableau graphique, où se trouve dessiné avec soin, sur une échelle proportionnelle et au moyen de lignes de différentes nuances, le profil du mouve- ment des eaux pendant les années 1850, 51, 52,53, 54; et l’on peut suivre avec précision les limites supé- rieures et inférieures qu'elles ont atteintes chaque jour et chaque mois de ces années. Ces données, résultant d'opérations qui paraissent bien faites, sont intéres- santes sous le point de vue économique des transports des houilles du bassin de Brassac. La voie de l'Allier est moins coûteuse , elle sert surtout, suivant l’expres- sion de l’auteur, à maintenir une concurrence con- stante avec les tarifs si élastiques du chemin de fer. Ce mémoire est en outre accompagné de considérations intéressantes sur l'industrie des mariniers, sur le goût qu'ils ont, pour leur aventureux métier et jusque sur leurs mœurs et même leur langage. — Ce travail mériterait une place dans nos Annales. La Société a reçu l'Annuaire de l'Institut des pro- vinces et des Congrès scientifiques, t. x, 1858. Au mi- lieu de très-intéressants articles d'agriculture, d’ar- chéologie et de sciences naturelles, se distingue un tra- vail d'un des membres correspondants de la Société, M. Dorlhac, ingénieur civil des mines et membre de la Société des géologues de France. C’est une notice géo- logique d'environ 30 pages sur le département de la Lozère ; elle a été écrite pour répondre à des questions posées aux Assises scientifiques du Gévaudan, du 406 RÉSUMÉ DES SÉANCES. 24 août 1857. Elle prouve que notre compatriote et collègue M. Dorlhac sait se rendre digne de la considé- ration qui de la part de ses concitoyens le suit hors de son pays. SCIENCES HISTORIQUES. — M. Aymard, rendant compte des recherches qu'il a faites pendant son séjour à Paris, s'exprime en ces termes : MESSIEURS , La Notilia provinciarum et civitatum Galliæ, qui paraît avoir été rédigée sous l'empire d’Honorius, donne, comme on le sait, les divisions territoriales de la Gaule au temps de ce prince (l'an 595 à 425). Ces divisions comprennent dix-sept provinces, et dans chacune d'elles on trouve Ja métropole, les cilés et quel- ques villes d’une certaine importance, qualifiées castra, portus, etc. IL est, sans doute, regrettable que la Notice ne relate pas toutes les villes de la Gaule; mais ce document n’est pas moins précieux pour celles qu'il indique et dont il importe de bien constater les noms et les qualifications, à défaut du texte primitif, par l’étude comparée des copies successives qui ont été faites dans le cours du moyen-àge. Ces manuscrits, en effet, ne sont pas exactement con- formes : les mêmes mots y sont diversement orthographiés: il y a des interpolations et certaines copies mentionnent MARS. 407 des noms de villes qui, dans d'autres, semblent avoir été omis. Afin de faciliter les moyens d'investigation, Guérard, dans son Æssai sur les divisions territoriales de la Gaule, a eu l’heureuse idée de publier la Notice avec les variantes recueillies dans vingt-cinq manuscrits que possède la bi- bliothèque impériale de Paris. Toutefois, l’auteur n'avait pu consulter toutes les copies anciennes, et probable- ment il en existe bien d’autres au Vatican, à Londres, Berlin, Vienne, Saint-Pétersbourg, etc., encore inexplorées et dans lesquelles la science devra puiser d’instructives données. En attendant qu'on aie réuni à ce sujet des notions plus multipliées, il était utile, pour nos recherches sur le pays des Vellaves, de mettre à profit les indications consignées dans l'ouvrage de Guérard et qui se rapportent au passage suivant de la Notice : Provincia aquitanica prima. Première Aquitaine. Numero vin. Cilés au nombre de huit. Metropolis civitas Bituriqum.. Bourges. Civitas Arvernorum ......... Clermont-Ferrand. Civitas Rutenorum .......... Rodez. Civitas Albiensium.. ..,..... Alby. Civilas Cadurcorum......... Cahors. Civitas Lemovicum ......... Limoges. Civitas Gabalum......... Me D JGDOLS: Civitas Vellavorum. ...... ... Saint-Paulien. Provincia aquilanica secunda. Deuxième Aquitaine. ete. etc. 408 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Les variantes de civitas Vellavorum, notées par Guérard, sont les suivantes (1) : Vallavorum. D. H. N. W. (XVe — Xe — XIIe — Xe siè- cles). — Evallorum. E. (IXe siècle). — Ballavorum. 1. (Xe siècle). — Bellavorum. M. (Xe siècle). — Velanorum. 0. (XVe siècle). — Vallanorum. B. T. (IXe — XIVe siècles). — Civitas Vellatiorum. Municipio arisido. U. V. (NIVe et XIVe siècles). J'avais remarqué les deux dernières désignations : Civitas Vellatiorum. Municipio arisido. Ainsi éerits à la suite l’un de l’autre, ces énoncés pou- vaient paraître synonymes et éveiller l’idée de l’interpré- {ation suivante : {a cité des Vellaves placée maintenant au municipe ariside, traduction qu'auraient justifiée, en- tr'autres, les énoncés suivants de deux manuscrits: civitas Albensium nune Vivario et civitas Albensium, Vivaria, qui signifient : a cité des Albens, maintenant Viviers. Ces indications faisaient désirer l'examen des manus- crits. IL me fut facile de retrouver, à la bibliothèque impé- riale, les deux copies sur parchemin que l’auteur avait désignées par les lettres U. V, comme provenant du fonds de l’abbaye Saint-Victor et qui sont classées, au cabinet des manuscrits, sous les nos 262 et 567 (2). (1) Les 25 copies manuscrites appartiennent aux fonds dits du Roë, de Saint- Victor, de Saint-Germain et de Lamoignon. M. Guérard les a désignées par les 95 lettres capitales qui suivent les variantes. (2) C'est dans la bibliothèque de mon savant ami, M. Auguste Bernard, auteur d'ouvrages historiques très-estimés, en particulier sur le Forez, que j'eus occasion de consulter le livre de Guérard, ouvrage aujourd'hui tres-ra e. Je lui soumis les MARS. 409 _ Ces deux copies portent, en effet, la même mention, toutefois écrite en deux lignes : se Civitas Vellatiorum. Municipio arisido. uis, Provincia aquitanica secunda. ; q ctelslete d'a tstate s = 2e, 0" © Cette disposition des énoncés fait naître une interpréta- tion d’après laquelle la cilé et le municipe, deux villes distinctes, auraient pu être inscrites dans la Notice au temps d’'Honorius, ainsi que les portus et castra (écrits parfois à différents cas : portu, porlum, castro) qui, placés à la suite des cités, sont compris comme villes différentes, dans la même province que les capitales. Toutefois, deux questions se présentent : 10 À quelle ville convient-il d’assigner le municipe ? 20 Cet énoncé existait-il réellement dans le texte primi- tif, ou bien, s’il a été interpolé dans une copie plus ou moins ancienne, à quelle époque faut-il attribuer cette mention du municipe ? Avant d'aborder plus directement la première de ces questions, il ne serait pas inutile de préciser la ville à rapprochements qui m'apparaissaient entre le unécipium arisidum et les lieux dont il est parlé dans ce travail; nous vérilièmes ensemble les manuseri:s, et ses encouragements m'ont engagé à publier les résultats de mes recherches. 410 RÉSUMÉ DES SÉANCES. laquelle revient le titre de civitas Vellavorum, ville chef- lieu des Velluves, qui précède celui du municipe sur les deux manuscrits. On croit généralement que cette cité, au temps d'Hono- rius, aurait occupé encore l'emplacement sur lequel est situé le bourg actuel de Saint-Paulien. A la vérité, d'anciens documents, concernant la ville du Puy, appellent égale- ment celle-ci civitas Vellavorum, Vellavia, Vellavis ; des monnaies mérovingiennes la nomment Vellavos et Vellao et nous croyons avoir établi, dans un précédent travail, que Grég. de Tours l’a mentionnée, en 591, sous l’appella- tion d’urbs vellava (1). Mais cette dernière ville ne fut ainsi qualifiée qu'après avoir remplacé, comme chef-lieu des Vellaves, la ville gallo-romaine que le témoignage du géographe Plolémée et les monuments permettent de placer à Saint-Paulien. L'époque exacte de cette transla- lion de la cité n’est pas fixée : il ne serait pas impossible qu’elle eût été effectuée postérieurement à la rédaction de la Notice, après les invasions des barbares, des Vandales surtout qui, ayant désolé nos contrées, amenèrent des transferts de chefs-lieux, en particulier dans deux pays limitrophes : chez les Gabales, de Gabalum (Javols) à Mimate (Mende), et chez les Helviens ou Albens, d’A/ba Augusta (Aps) à Vivarium (Niviers) (2). A l'égard du #unicipium arisidum, sans insister sur le sens connu de #unicipium, remarquons que cet énoncé (A) Voyez notre note explicative sur un passage de Grégoire de Tours, relatif à la ville du Puy. (Annales de la Soc. acad. du Puy, t. xx1, p. 196). Nous y avons indiqué quelques-uns des textes qui donnent ces noms à la ville du Puy. (2) Voir la note E à la suite de la présente notice. MARS, AA indique une ville qui se caractérise très-bien par son titre rappelant tout un système d’immunités administratives. Or, les antiquités lapidaires trouvées au Puy y attestent, comme on sait, l'existence d’une ville dans les temps an- tiques, et, d’après une de nos plus curieuses inscriptions mentionnant le préfet de la colonie (4), elle aurait été dotée d’un système privilégié d'administration qui, à beau- coup d’égards, ressemblait au régime des municipes (2). Il n’était pas rare, d’ailleurs, que les villes colonies ou mu- nicipes obtinssent, suivant les convenances des temps, d'échanger ces titres l’un pour l'autre (5). Il serait donc permis, par une induction probable, d'appliquer à notre localité le titre de municipiun. Quant au vocable arisidum, sa forme le rapproche d’un très- ancien nom de la même ville, surtout si l’on considère, d’après tant de variantes des manuscrits — entr'autres Vel- latiorwmn pour Vellavorum — que l'on peut voir ici une leçon fautive d’'Anisidum , ethnique adjectivé, suivant l'usage du temps, qui rappellerait Anicium (Anisium) et le vocable subsistant encore Anis, de l'éminence sur les pentes de laquelle est assise la ville du Puy. (A) Voir cette épigraphe dans le Comple-rendu du Congrès scientifique de _ France (session de 1855, t. 11, p. 49), et dans les Aux. de la Soc, acad. du Puy, te xx, p. 543 et t. xx1, p. 196. (2) Sous ce rapport, elle différait essentiellement de Revession (Saint-Paulien). Celle-ci s’attribue, dans ses inscriptions officielles, la qualification de cité des Vellares. Si le titre de colonie lui avait appartenu, elle n'aurait pas manqué de s’en faire honneur, au mo ns sur quelqu'une de ces épigraphes, par exemple celle dédiée à l'impératrice Etruscille, où cette ville a eu soin d'inscrire son privilége de cité libre des Vellaves. (3) Voyez Savigny, Hist. du droit romain, Waduite de l'allemand par M. Guenoud. Paris, 4830, tome 1. 412 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Le même nom, il est vrai, aurait des rapports de forme avec celui d'un petit pays où, d’après Grégoire de Tours (1), aurait été institué, en 576, un évèché sous le nom d’Arisitensis, et qui ne subsista pas long- temps. Denys Sainte-Marthe (2) pense que c’était l’Arzat dans le Rouergue (pays des Rutènes), comté de Milhau. Mais en supposant, ce qui n’est pas impossible, qu’ A- risilensis, au temps de Grégoire de Tours, füt l’équiva- lent d'Arisidus, et qu’un lieu des Rutènes eût été désigné par un nom plus ou moins approchant, ce fait n’excluerait pas la coexistence d’une autre localité à peu près ho- monyme à laquelle se rapporterait plutôt la variante des deux manuscrits. Combien de villes en Gaule que désignaient les mêmes vocables? César en cite quatre nommées Noviodunum et deux Gergovia; la carte iti- néraire dite de Peutinger relate huit Noviomagus et trois Lugdunum ; il y avait peut-être deux ou même plusieurs Alesia ou Alisia (5), ete. (A) Hist. franc., lib. v, cap v. (2) Gall. Christ., t. 1 ATAG), p.195. Des documents postérieurs à Grég. de Tours, et cités dans le Gall. Christ., mentionnent aussi un vicus nommé Arisitensis et Arisidèus, qui, d'après Sainte-Marthe, pourrait être assigné au même teritoire d’Arzat et avoir été le siége de l'évêché appelé Arisilensis au VIe siècle. (3) On a identifié avec raison, à notre avis, les noms A/esia, Alisia, Alise (Alis), qui se rapportent à des époques diflérentes. En effet, l'A lesia des Commentaires de César est écrit ALISIIA (c'est-a-dire Alisea) sur une curieuse inscription romaine qui fait partie du musée lapidaire de la com- mission des antiquités de la Côte-d'Or. Cette double permutation, dans le mème nom, de l'e en à et de lé en e (m grec), fait voir que la pronon- ciation de le, plus ou moins approchante de lé, était très-indécise, On pour= Te MARS, A15 De plus, dans lhypothèse de deux villes plus ou moins homonymes, rien ne prouve, aucune découverte de monuments, que nous sachions, n’est venue témoigner que ce lieu du Rouergue aurait succédé, comme au Puy, à une colonie transformée peut-être en municipe. On peut dès-lors contester à cette localité le titre de mu- nicipium, et peut-être serait-on mieux fondé à le re- vendiquer en faveur d’Anicium où, comme nous l'avons dit, la présence d’antiquités lapidaires, jointe aux convenances d'un site très-bien approprié à lexistence d'une ville romaine, atteste l'importance de la localité dans les temps antiques. On serait dès-lors amené à expliquer ainsi les deux désignations des manuscrits : Civitas Vellatiorum. — La cité des Vellaves (Saint-Paulien). Municipio arisido. — Le municipe Aniside (le Puy). Nous n'insisterons pas sur l'interprétation que peut comporter le second de ces énoncés, ne prétendant nulle- ment en avoir fixé l'attribution définitive. Il aura suffi d’avoir appelé l'attention de la science au sujet d’un nom de ville inconnue dans l'histoire des temps antiques et rait citer d’autres exemples, entr'autres celui que fournit une épigraphe trou- vée à Saint-Marcel-pris-le-Puy : on y lit céllica pour cellica. En outre, les los qu régissent les transformations des mots font voir, par beaucoup d'exemples, que certaines consonnes sont sujettes également à se substituer les unes aux autres, particulièreuent les lettres /, 2, 7, d, de sorte que, suivant la pronovcialion propre aux idiomes de diverses loca- lités, où à des époques différentes, le vocable Alésia équivandrait à Anisia (ou Anicium), Arisia (Arisium), ete. TOME XXI. 27 A4 RÉSUMÉ DES SÉANCES. dont l'emplacement pourra être déterminé avee plus de certitude par de nouvelles recherches. I Examinons maintenant la deuxième question qui est relative à l'époque où le municipe aurait été inserit dans la Notice. Ici se présente une difficulté : Est-il certain que ceténoncé soit dû à l’auteur de la Notice, et ne serait-il pas possible qu'il y eût été placé plus tard, par interpolation ? Il faut reconnaître que ce document porte, en effet, des preuves d’interpolation et, sans renoncer à l'opinion que notre énoncé pourrait remonter au texte primitif, nous ne contesterons pas non plus la possibilité qui le ferait consi- dérer comme une addition. Seulement, dans cette seconde hypothèse, il nous semble très-difficile d'admettre que des copistes aient inventé le municipe. Il n’y aurait aucun motif plausible de suspecter leur sincérité et, dès lors, l'interpolation, si elle avait eu lieu, ne pourrait que nous révéler quelque notion traditionnelle qui témoignerait en faveur de cette ville. D'abord rien ne prouve que l'énoncé ne remonte pas à la rédaction primitive de la Notice. Guérard ne cite, il est vrai, sur vingt-cinq manuscrits, que deux qui le relatent, et pour n’affaiblir en rien les objections, ajoutons que ceux- ci sont du XIVe sièele, tandis qu’il s’en trouve, sans cette mention, des IXe et Xe siècles. Mais il est évident que ces MARS. A5 vingt-cinq manuscrits de la bibliothèque impériale de Paris ne représentent pas {tous ceux, en assez grand nombre, qui, avant la découverte de l'imprimerie, ont dû être faits dans le cours du moyen-âge, et en différents pays. On peut donc en supposer bien d’autres perdus ou existant encore dans les bibliothèques publiques et privées; dès lors, il serait possible d'en trouver encore avec la mention du muni- cipe. De plus, il importe peu que nos deux manuscrits soient du XIVe ou du IXe siècle, si, comme nous le pen sons, il n’est guère vraisemblable que des copistes aient eu l’idée d'inventer un municipe. On serait ainsi conduit à admettre des copies successives qui auraient transmis -de siècle en siècle un énoncé aussi ancien que la Notice elle-même. Quant aux interpolations incontestables qui existent dans les manuserits et qui sont de dates plus ou moins anciennes, on à vu par deux exemples précédemment cités, qu’elles n'incriminent en rien la véracité des copistes ; elles se rap- portent, en effet, à l'intention nullement dissimulée de dé- signer la ville qui, d'après la rédaction de la Notice, en avait remplacé une autre dans son titre de capitale. Ces additions ont done trait à des faits avérés, et si l’on avait à en reconnaitre une également pour le municipe, il n'est pas douteux qu'elle aurait été motivée par quelque donnée, Dans ce cas, il n’y aurait, à notre avis, qu’une conjecture plausible : un copiste aurait ajouté ce municipe dans la nomenclature des villes, d’après quelque notion traditionnelle ou bien au vu d’un document qui, très-pro- bablement, aurait été bien antérieur au XIVe siècle, On est donc forcé de reconnaître, ou que la Notice n'a pas reçu d'interpolalion ou que, si elle a eu lieu, la 416 RÉSUMÉ DES SÉANCES mention de ce municipe consacrerait également le sou- venir d’une ville romaine existant encore vers la fin du IVe siècle. M. le Président présente ensuite des empreintes d’une médaille gauloise « qui, dit-il, semble se rap- porter à un fait historique des annales de la Vellavie. » Elle est au type d’un guerrier désigné sur la médaille sous le nom de Dubnocov. MM. les conservateurs du cabinet impérial des médailles se sont empressés, sur la demande de M.le Vice-Président, avec une obli- geance parfaite, de faire exécuter ces empreintes. BEAux-aRTSs. — M. le Vice-Président informe l’as- semblée que pendant son séjour à Paris, il a renouvelé par écrit, auprès de l'administration de l'Ecole impé- riale des beaux-arts, la demande qu'il avait faite en 1855, à l'effet d'obtenir une copie en plâtre de notre im- mortel fabuliste Lafontaine, par le sculpteur Julien. Cette reproduction de l’une des plus belles œuvres de notre illustre compatriote n’est pas un moulage pris sur le chef-d'œuvre de sculpture qui se voit à Paris, sous le dôme de l’Institut, mais le modèle ori- ginal de la main de Julien et qui lui a servi pour l'exécution de son marbre. Cette circonstance ajoute un nouveau prix à cette pièce et en fait plus vivement désirer l'obtention. — La demande de M. Aymard a été très-gracieusement accueillie par M. Vinit, secrétaire général de l’école, et il y a lieu d'espérer qu’elle le sera aussi par l'administration dont on attend la réponse, MARS. 117 avant de solliciter directement auprès de M. le Ministre d'Etat le don de cette statue. Sur l'invitation de M. le Président, M. de Brive in- forme l'assemblée qu'il a fait aussi récemment un séjour dans la capitale et qu'ayant reçu de l'administration municipale la mission de prendre connaissance dans les ateliers de M. Bosio des modèles de statues destinées à la fontaine monumentale que la munificence de Cro- zatier permet d'ériger au Puy sur la place du Breuil, il s’est assuré que ces importants travaux de sculpture sont déjà très-avancés. On sait qu'ils comportent dix- sept figures qui seront toutes coulées en bronze ; douze de ces statues qui forment 4 groupes, comprenant chacun trois figures de génies, sont terminées et à l’état de modèle en plâtre et n’attendent plus que l'approba- tion de M. l'architecte pour être livrées au fondeur. Cha- cun de ces groupes supporte un vase destiné à verser l'eau par deux jets latéraux, divers attributs sont pla- cés à leurs pieds. Ces modèles reproduisent des sujets qui avaient été exécutés par un célèbre sculpteur pour lune des pièces d'eau du palais de Versailles; ils ont été choisis d’après les ordres de Crozatier, qui lui-même les avait moulés; mais les vases qu'ils supportent ont été ajoutés, ce qui a nécessité des chan- gements notables dans les attitudes des génies. Il y avait là des difficultés que l'artiste a heureusement réso- lues... Les cinq autres figures, plus grandes que nature, sont celles de la ville du Puy, des deux princi- pales rivières du département, la Loire et l'Allier et des deux rivières qui baignent les abords de la ville, la 418 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Borne et le Dolaison. La première est à l’état de mo- dèle définitif et de grandeur d'exécution. La ville du Puy est représentée debout, elle tient d’une main un sceptre, emblème de suprématie que motive son titre de chef-lieu du département, —elle pose l’autre main sur un écusson à ses armes ; à ses pieds est figurée une cor- beille contenant des dentelles pour représenter la prin- cipale industrie du pays. Les quatre rivières ne sont encore que modelées en terre mais à peu près termi- nées et seront très-prochainement coulées en plâtre. Ces figures sont assises et accompagnées d’attributs allégo- riques qui, joints à l'expression des traits, au costume, à la pose, donneront à chacune d'elles un caractère parfaitement distinctif. M. de Brive ajoute qu'il a sou- mis à M. Bosio diverses observations que cet artiste, aussi modeste que distingué, a bien voulu apprécier. il s’est entendu à cet égard avec M. Aymard qui a vi- sité également les statues et a été satisfait, comme lui, du talent consciencieux et de l’activité que M. Bosio apporte dans l'exécution de ces ouvrages importants; et même afin qu'ils soient plus promptement achevés, cet artiste a eu la générosité de refuser d’autres tra- vaux d'art. L'Assemblée, intéressée par cette communication, remercie M. de Brive par l'organe de son Président. M. Aymard annonce qu'il a vu dans l'atelier de M. Ba- diou la reproduction en marbre de Valentin Haüy (1), 4) Le frère du savant physicien l'abbé Haüy mort en 1822 MARS. 149 fondateur de l'institution des jeunes aveugles, dont le modèle avait été envoyé à l'exposition universelle de 1855. Cette œuvre d'art, qui a été commandée par l'Etat, justifie, par les qualités du style et sa belle exécu- tion , la confiance qu'a le Gouvernement dans le talent de notre compatriote. M. Experton, du Puy, l'un des plus habiles praticiens de Paris, a été chargé par M. Badiou d'exécuter cette sculpture. OBJETS D'ADMINISTRATION. — M. le Président ajoute que, pendant son séjour à Paris, il a fait des démarches dans les divers ministères avec lesquels la Société entretient des relations administratives. Il a même eu l'honneur d'être reçu en audience par M. le Ministre de l’instruc- tion publique. Partout il a été l'objet du plus bienveillant accueil, dont il se plaît à reporter tout l'honneur à la compagnie dont les travaux sont appréciés dans ces mi- nistères ; partout également on lui a fait espérer soit des augmentations de crédits, soit des dons d'œuvres d'art ; M. le marquis de La Rochelambert, sénateur, et M. le marquis de Latour-Maubourg, député, lui ont oftert éga- lement leur généreux appui pour toutes les demandes qui intéresseront le Musée et la Société. PERSONNEL DE LA SOCIÉTÉ. — L'ordre du jour appelle la lecture du rapport de M. Vibert sur la candidature de M. Jules de Vinols ; l'heure avancée fait remettre cette lecture à une autre séance. M. le Président nomme, pour rendre compte du travail présenté par M. Limo- zin pour être admis dans le sein de la Société, MM. Plan- tade, Chouvon et Robert. Comme le nombre des 420 RÉSUMÉ DES SÉANCES. membres résidants se trouve au complet, la commission administrative sera réunie pour avoir à présenter à la Société des observations sur ce qu'il convient de faire vis-à-vis de nouvelles demandes d'admission lorsque le nombre des membres résidants a atteint le chiffre fixé par le règlement. A sept heures, la séance est levée. Le Secrétaire , BÉLIBEN. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 8 AVRIL. SOMMAIRE. Musée : Pierre de Jagonnas. — AGRICULTURE : Opinion de M. Henri Doniol sur le sorgho. — Maladie de la pomme de terre, — Tuyaux de drainage d’un nou- veau genre, — Drainage par jauge. — Distribution de graines et noyaux envoyés par la Société impériale d’acclimatation. — Alimentation : De la poule dite crève-cœur, ete. — Question des boucheries ; MM. de Fontpertuis, Henri Doniol. — SciëNCEs PHYSIQUES : D'un mémoire de M. Dorlhac sur un gisement de serpentine. — SCIENCES HISTORIQUES : De la chape de Pébrac ; MM. Leblanc, Aymard — Anciennes Sociétés savantes du Puy; M. Bertrand de Doue, — Considérations sur les municipes, les colonies et les préfectures romaines, par M. de Fontpertuis. — Hommages de M. l'abbé de Montlezun, de M. de Font- pertuis, de travaux d'histoire et de littérature. — PERSONNEL DE LA SOCIÉTÉ : Candidature de M. Bompard. — Rapport de M. Vibert sur la candidature de M. Jules de Vinols, — suivi d’un vote en faveur de son élection comme membre résidant. — ADMINISTRATION : Votes relatifs au règlement de la Société. — Lettre de Son Exec. M. le Ministre de l'instruction publique, sur l'organisation du comité des travaux historiques et des Sociétés savantes. Présidence de M. Aymard, vice-président. La séance est ouverte avant trois heures. M. le Pré- sident donne la parole au Secrétaire de la Société pour 422 RÉSUMÉ DES SÉANCES, le compte-rendu de la dernière séance, qui est adopté sans réclamation. Doxs AU MUSÉE. — Acquisitions. — M. Aymard fait hommage d’un morceau de la roche siénitique de Ja- gonnas (Haute-Loire), qui est employée dans la con- struction de la fontaine Crozatier, au Puy, notamment pour les quatre grandes vasques. Cette roche ofire les principaux éléments constitutifs de la siénite, c’est-à- dire l’orthose et l’artinote ou amphibole. On croit y reconnaître aussi quelques paillettes de mica. M. le Président fait observer que cette belle pierre, qui est extraite en très-grands blocs, se prête parfaite- ment à la taille et qu'elle est mème susceptible de prendre le poli du marbre, à raison de sa dureté et de la finesse du grain. Elle a été employée avec succès dans l'un des plus importants édifices de l’antique ville d’Anicium, comme on le voit par deux fûts monoli- thes de colonnes qui ont conservé Jeur poli et qui existent au Puy dans l’église Saint-Jean-des-Fonts- Baptismaux. M. le Président présente également un ancien et curieux étrier en fer qu'il a acquis pour le Musée. AGRICULTURE. — Le sorgho, dont M. le Président met une certaine quantité de graines à la disposition des agronomes de la Société, est le sujet de quelques ob- servalions. — Plusieurs membres désireraient qu'on cultivât cette plante de manière à pouvoir en retirer tout ce qu'elle peut donner, non-seulement du four- rage pour les bestiaux, mais de l'alcool et du sucre AVRIL. 425 pour les besoins de la ferme : on cite à ce sujet les belles exploitations de M. Le Play, dans la Haute- Garonne et le Tarn-et-Garonne, qui fabriquent des produits pouvant rivaliser avec ceux des distilleries de betteraves. — M. Henri Doniol appuyant sur l'opinion déjà présentée dans une des dernières séances, assure que nos climats ne doivent chercher dans le sorgho qu'un fourrage très-abondant, riche en substances ali- mentaires, recherché par le bétail, s'accordant avec tous les assolements; mais on ne doit pas espérer le voir parvenir à ce degré de maturité où il arrive dans le midi de la France et qui est nécessaire pour qu’on puisse l’employer avantageusement à la distillation; on n'aurait que de très-faibles produits, dont la valeur serait loin de compenser les dépenses de ce genre d'exploitation. Maladie de la pomme de terre. — M. le Président signale un article cité dans le Bulletin de la Société d'agriculture du département du Cher, ne 67. Cet article, extrait d'ouvrages sur l’agriculture et signé Ottman père, membre honoraire de la Société indus- trielle à Strasbourg, indique un remède infaillible contre la propagation de la maladie des pommes de terre. Dans cet article il est dit : Le germe de la maladie est dans la pomme de terre elle-même et n’est autre qu'une surabondance dans la partie aqueuse, survenue à la suite des années pluvieuses que nous avons tra- versées. La dessication par la mise en contact de ce tu- bercule avee une chaleur artificielle produit d'excellents 424 RÉSUMÉ DES SÉANCES. effets, et plus la dessication est prompte et complète plus la récolte est belle. Le four est un bon moyen pour arriver à ce but; on y place la semence entière, sans ètre coupée, sur des claies ; il ne faut pas ensuite la replacer dans un endroit humide, mais la tenir dans une chambre haute, un lieu aéré et sec. M. le Président invite MM. les membres de la Société à tenter cette expérience, qui présente si peu de diffi- cultés. Drainage.— Dans le Journal d'agriculture pratique du 20 mars 1858, il est question de tuyaux de drainage à collier fixe et d’une nouvelle machine destinée à fa- briquer ces sortes de drains. — M. de Brive fait remar- quér que ces tuyaux, d’un genre nouveau, pourraient très-bien servir pour les fontaines. M. le Président entretient encore la Société d’un genre de drainage qui, pour être fort connu et très- ancien, n'en produit pas moins de bons effets : il con- siste à retourner la terre d’un jardin, par exemple, sens dessus dessous et à la profondeur d’un mètre, en laissant au-dessous les pierres et les mottes de gazon ; c'est, en un mot, le défoncement par jauge, recom- mandé sous le nom de drainage naturel, sans pierres, ni tuyaux, ni fagots, par les Tablettes des deux Cha- rentes, citées par le Bulletin de la Société d'agriculture du département du Cher et par le Journal mensuel des travaux de l'Académie nationale agricole, etce., de fé- vrier et mars 1858. M. le Préfet de la Haute-Loire adresse à la Société AVRIL. 425 un essai sur une méthode nouvelle de culture par M. Félix Aroux. M. le Président nomme, pour faire l'examen de ce travail, une commission composée de M. Bertrand de Doue, rapporteur ; membres : MM. Albert de Brive et Chouvon. . La parole est donnée à M. Dumontat, qui avait été chargé , conjointement avec MM. Joyeux et Robert, de faire un rapport sur un mémoire adressé à M. le Mi- nistre de l'Agriculture par M. Auguste Richond, et que Son Exc. M. le Ministre de l’Agriculture, par l’inter- médiaire de M. le Préfet, avait envoyé à l'examen de la Société. Il s'agissait, dans ce mémoire, d’un procédé nou- veau pour la guérison de la maladie de la vigne et des pommes de terre. Le rapport qui suit, et qui donne une appréciation spirituelle du mémoire de M. Ri- chond , a été écouté avec faveur. MESSIEURS , Dans votre dernière séance vous avez nommé MM. Joyeux, Robert et moi, pour vous faire un rapport sur le nou- veau procédé découvert par M. Auguste Richond, pour la guérison de la maladie de la vigne et des pommes de terre et dont il à fait part à M. le Ministre de l’agriculture ; son remède est extrémement simple et facile à exécuter ; il consiste à faire dissoudre dans un arrosoir ordinaire une demi-livre de salpêtre mêlé avec un quart de livre de 426 RÉSUMÉ DES SÉANCES, soufre liquide ; c’est à la proportion dans laquelle doivent entrer ces deux matières ; cette préparation une fois opérée, il a pratiqué une légère excavation au pied d'une treille pour recevoir ce liquide qu'il fit répandre par un fils de son fermier. Une seconde treille placée tout près de celle sur laquelle il à fait son expérience n'avait reçu aucun traitement, ‘et il à été fort étonné, au mois d'octobre, de voir que le cep sur lequel il avait fait répandre le liquide était exempt de la maladie, tandis que l'autre était criblé d’oidium tukéri. Malheureusement M. Richond n’explique pas dans quelle quantité d’eau ces matières doivent être en dissolution ; il ne dit pas non plus la quantité du liquide versé sur le cep de vigne et, de plus, il ne nous apprend pas ce que c’est que son soufre liquide. Les chimistes ne reconnaissent d'autre soufre liquide que le sulfure de po- tasse. Il serait cependant bien nécessaire que M. Richond formulât d’une manière positive sa composition, et il est indispensable de lui demander des renseignements à cet égard. Son expérience comparative qu'il a faite sur les pommes de terre, en trempant les tubercules vingt-quatre heures dans le même liquide, avant de les placer à côté de celles que son fermier plantait pour son usage, lui a fait remar- quer que les premières étaient exemptes de la maladie; qu’elles ont montré, tout le temps de leur végétation, une vigueur que les autres n'avaient pas; et qu’elles ont été beaucoup plus grosses que celles de son fermier, dont une partie étaient attaquées de la maladie. L'auteur du mémoire attribue à l'énergie de ce liquide les bons résultats qu’il a obtenus et entre dans de longs détails scientifiques pour le prouver ; il cite, depuis Moïse, AVRIL. 427 les nombreux savants de l'antiquité, comme les modernes, qui ont prôné le nitre pour la fécondation des céréales. A l'égard de la vigne, l’auteur raconte dans son mé- moire, qu'un de ces savants donne, dans un ouvrage, des détails très-intéressants sur le nitre. C’est dans un long séjour qu’il avait fait à Rome, que l’auteur vit une ma- ladie se manifester sur les treilles de vigne. Il avait dit : ne vous reposez pas sur la nature, elle ne dédaigne pas les secours de l’art, elle aime à nous montrer toute l'étendue de ses propres forces. Après avoir développé l’action du nitre sur les céréales, il ajoute : vous ferez, avec un égal succès, la même épreuve sur la vigne : arrosez-en la racine avec du nitre ou du salpêtre et du soufre, elle vous pro- duira des raisins en abondance. Voici son raisonnement tel qu'il le produit : La vigne depuis longtemps avare des tré- sors qu’elle renfermait, et jusque-là cultivée d’une manière trop simple, laisse échapper à la fois de son sein une mul- titude de germes qui, mis en réserve pour d’autres années, ne se seraient développés que successivement, ou plutôt eussent été détruits par l’âge ; ce qui la force à cette libé- ralité, c’est l'impulsion du nitre et l'humide influence des esprits volatils dont elle tire une abondante nourriture. Ne croyez pas qu’un si grand effort tarisse cette source et lui fasse perdre sa fertilité naturelle ; le plant ne s’affaiblit en rien ; celte vigne, sans s’épuiser, payera tous les ans le même tribut; longtemps jeune, rendue plus riche par ses profusions mêmes, elle entretient sa vigueur par le secours de l'agent qui la fertilise, et ce n’est que fort tard qu’elle ressentira les tristes atteintes de l’âge. Cette citation, Messieurs, nous démontre le succès du nitre et du soufre comme un engrais puissant. Mais combien 428 RÉSUMÉ DES SÉANCES. d’espèces d'engrais ou de compots n’a-t-on pas employés pour guérir la vigne, et de substances énergiques saturées dans l'urine, et des laits de chaux vive. J'ai moi-même fait toutes les expériences conseillées par les notices qui ont été communiquées à la Société, et sur lesquelles je vous ai fait des rapports malheureusement peu coneluants ; ainsi, en garde contre toutes ces nouvelles découvertes, les mem- bres de votre commission se réservent de faire l’épreuve du procédé de M. Richond pour donner leur avis sur sa valeur; mais avant tout que M. Richond nous dise ce qu'il entend par soufre liquide, comment il s'y est pris pour le composer, et quelle quantité il faut verser du liquide sur chaque cep. A la suite de ce rapport, M. le Président fait distri- buer à tous les membres qui en ont fait la demande quelques échantillons de graines ou de noyaux adres- sés par M. le Secrétaire du Conseil d'administration de la Société impériale d’acclimatation : 1o Quelques pommes de terre d'Amérique ; Sainte- Marthe ; 20 Haricots-tubercules. — P. 1, ne 2; 308 Ale Tom-sam-rong-arbre, de Siam ; 4o Panis, plante textile; 50 Quelques noyaux d’amygdales pédunculata, de Si- bérie orientale; 6e Quelques prunus sibérica ; To Quelques araucaria brasiliensis ; 8° Trois noyaux de pêches Tullin. AVRIL. 429 Après la séance, il sera fait une distribution de grai- nes de lupin jaune. M. le Président recommande à MM. les membres qui veulent se charger d’expérimenter ces nouvelles cultu- res de vouloir bien faire connaître les résultats de leurs expériences. La Société impériale d’acclimatation demande aussi une communication à ce sujet. Il annonce ensuite que sous peu il sera procédé, au Musée, à la vente, au prix de 2? fr. 50 cent. le double décalitre, des pommes de terre Chardon, destinées à servir de semence, et dont la Société a fait l’acqui- sition. Le programme du concours régional agricole qui se tient cette année à Cahors est distribué à tous les mem- bres de la Société. EcoNoMIE PUBLIQUE. — Alimentation. — Un article du Journal d'Agriculture pratique sur le coq et la poule de race espagnole, par M. Ch. Jacque, mem- bre de la Société impériale d’acclimatation, et du jury du concours universel de Paris, 1856, fournit l’occasion de quelques observations présentées par MM. de Brive et Chouvon sur les qualités des espèces qui réussissent dans nos contrées : si la race espagnole donne des oiseaux de luxe d’une beauté et d’une qua- lité remarquables, unies à une grande fécondité, cette race ne saurait convenir à nos climats à cause de sa dé- licatesse ; la gelée fait tomber leur crête et le moindre froid fait périr les poulets, très-frileux et très-longs à TOME XXI. 28 450 RÉSUMÉ DES SÉANCES. s'emplumer ; tandis que la poule dite crève-cœur et la cochinchinoise sont acelimatées. — L'une est excellente couveuse, tandis que l’autre donne des œufs énormes et en quantité. — Ge sont les deux espèces que nous devons propager chez nous selon que lon veut avoir ou des petits ou des œufs. — Il faudrait avoir dans la même ferme et des unes et des autres. Question des boucheries. — Le décret impérial qui établit à Paris la liberté de la boucherie, avec le rap- port si remarquable qui le précède et que Son Exc. M. Rouher, Ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics a adressé à S. M. l'Empe- reur, ne pouvait manquer d'attirer l'attention de la Société. La question des boucheries est une de ses préoccu- pations constantes. Depuis longtemps elle a compris que cette question était d’un grand intérêt relativement au bien-être des populations et aux progrès de l’agri- culture ; aussi prète-t-elle toute son attention aux ob- servations dont l'acte récent du gouvernement impé- rial est l’occasion, de la part de MM. de Fontpertuis et Henri Doniol. M. de Fontpertuis signale un article de la Revue contemporaine où sont exposées avec talent toutes les vicissitudes de l’organisation de la boucherie parisienne. Il ne pense pas avec l’auteur de ce travail que le nou- veau décret, au moins quant à présent, amène une diminution sensible dans le prix de la viande. Les bouchers ne renonceront pas de sitôt aux prix établis par les anciennes taxes, qu'il est à craindre de voir RE — AVRIL. 451 augmenter plutôt que fléchir et dont ils demanderont le maintien au monopole. M. Henri Doniol partage les mêmes appréhensions. Avec une vivacité, une justesse et une élégance d'expression que la Société aime à trouver dans un de ses nouveaux membres, il se pro- nonce contre la liberté absolue de la boucherie. A Clermont, au Puy, dans d’autres villes où la boucherie est libre, est organisé un tel monopole, que les bou- chers y font la loi aux consommateurs. Il a vu à Cler- mont, dans des temps d’abondance, la viande aussi chère qu’à l’époque de la disette. L’abattoir est devenu le domaine exclusif de quelques industriels, de sorte que nous n'avons plus que de seconde main et dans les qualités inférieures ces objets de première nécessité. Il pense que la liberté doit être organisée, pour qu'elle n'aboutisse pas au monopole. Dans chaque localité, l'administration municipale pourrait avoir un ou plu- sieurs étaux avec des acheteurs ; elle trouverait là un moyen sûr de se renseigner sur les prix de revient et pourrait fixer une limite qui, sans nuire à la liberté des échanges, mettrait un frein aux spéculations du monopole. L'Assemblée, intéressée par ces développements, charge, par l'organe de son Président, M. Doniol de les consigner dans un rapport. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. — M. Dorlhac, in- génieur civil des mines, membre correspondant, fait hommage d’un mémoire sur un gisement de ser- pentine entre Fix et Vernassal. Par l'organe de son Président, l’Assemblée adresse ses remerciments à ce 4352 RÉSUMÉ DES SÉANCES géologue, notre compatriote, que des travaux recom- mandables ont déjà signalé à l'attention des savants. M. Regimbeau écrit à M. le Président pour remettre entre ses mains son titre de membre résidant. M. Regimbeau exprime les regrets les plus vifs de ne plus coopérer aux travaux de la Société. Il regrette de laisser inachevée l'analyse des terres du département. Le phénomène produit dans une prairie de la localité de Vabres continue toujours à le préoccuper ; il en essaie une explication qu’il recommande à la sagacité des chimistes de la Société ; il s'adresse à MM. les membres de la commission dont il faisait partie el qui a été chargée de l'exploration de ce phénomène. La question du plâtrage des vins occupe encore une notable partie de sa lettre, mais il ne dit pas si cette opération est nuisible ou non aux vins quant à leur usage. Il termine en priant la Société de vouloir bien lui conférer le titre de membre non résidant, ce qui lui est accordé à l'unanimité. SCIENCES HISTORIQUES. — M. le Président signale à l'attention de l’Assemblée un travail archéologique de M. Paul Le Blanc, conservateur de la bibliothèque de Brioude, travail qui est inséré au Bulletin monumental de M. de Caumont (3e série, t. 1v, ne 2, 1858). Cet article est intitulé : Note sur la chape de Pébrac et sur l'ancienne porte de Saint-Julien-de-Brioude. I fournit, en outre, des données sur les portes des églises = —— AVRIL. 455 du Puy, de Chamalières, de Lavoñte-Chillac, etc. ; il est suivi de renseignements relatifs aux constructions monastiques de Lavaudieu. La chape, ou plutôt le pluvial de Pébrac, dit M. Ay- mard, est l’une des étoffes les plus anciennes et les plus curieuses qui existent dans le département de la Haute- Loire. On sait qu'une tradition respectable l’attribue à saint Pierre de Chavanon, qui fonda l’abbaye de Pébrac et en fut le premier abbé, de 1062 à 1080. M, Le Blanc conteste la sincérité de cette croyance po- pulaire. Il cite des ouvrages relatifs à la vie de saint Pierre de Chavanon qui se taisent sur cet ancien vêtement, entre autres les œuvres imprimées ou inédites de Jacques Bran- che, chanoine régulier et sacristain de Pébrac, qui est connu surtout par sa Vie des Saints et Saintes d'Auvergne et du Velay. M. Le Blanc conclut du silence de ces docu- ments que la chape n’aurait pu entrer à Pébrac que posté- rieurement à Branche, et il ajoute qu’on lui a parlé, depuis peu, d’une chape achetée au commencement du siècle aux environs de Nimes, et cédée, à la même époque, par une revendeuse du pays, au curé de la paroisse de Pébrac. Lorsque j'ai publié cette précieuse étoffe dans l Album photographique d'archéologie religieuse, j'ai mentionné Ja tradition comme pouvant être authentique, d’après une donnée importante: la coïncidence de l’âge du tissu, déter- miné par les sujets décoratifs, avec la date du siècle où vi- vait saint Pierre de Chavanon. Cette hypothèse, que je n’émettais, d’ailleurs, qu'avec réserve, a été heureusement confirmée par la mention du 454 RÉSUMÉ DES SÉANCES. vêtement dans le Gallia christiana, édition de 41720, et dans les Acta Sanctorum, publiés par les Bollandistes en 4750, par conséquent bien des années avant le commence ment de notre siècle. A cet égard, l’assertion du Gallia christiana, que les Bollandistes rappellent en l’adoptant, est très-explicite ; et, en outre des documents sur lesquels les savants et con- sciencieux auteurs de cet ouvrage l'avaient sans doute ap- puyée, elle avait pour elle la sanction de pratiques reli- gieuses consacrées par le temps, Voici, en effet, ce que rapporte le Gallia christiana à l'occasion de saint Pierre de Chavanon (tome 11, col. 459) : die sequenti 9 septembris recolilur ejus festivilas in quà celebrans ad solemnes vesperas ulibur ejusdem sancti pluviali cum parvo ca- pilio. La tradition existait done en 4720 ; elle s’est perpéluée jusqu'à ce jour par la même vénération pour ce vête- ment, avec lequel le célébrant officie encore dans les so- lennités. - Conservons done à notre pays l'attribution d’une pre- cieuse pièce d'archéologie, dont la date peut être ainsi précisée historiquement. Rendons grâce également au res- pect religieux qu’inspire cette relique d’un saint : il l’a très-heureusement sauvée du mercantilisme qui, depuis trop longtemps, dépouille nos anciennes églises de leurs richesses artistiques. | M. Le Blanc signale ensuite les peintures polychrômes qui ornent les portes en bois sculpté de quelques-unes de nos anciennes églises. Ces peintures lui donnent occasion de faire une remarque neuve et judicieuse ; c’est que l’in- fluence de lPélément décoratif fourni par les étoffes aux — — AVRIP. 435 artistes chrétiens s’étendait jusqu'a inspirer les tons de l’ornementation picturale de ces portes. Un examen mi- nutieux de la porte de Lavoûte-Chillac à permis, en outre, à M. Le Blanc et à notre ami commun, M. Com- pagnon, de reconnaître un curieux détail : la silhouette à demi-effacée de cavaliers affrontés, armés de lances, coiffés de ce casque normand usité depuis 1066 jus- qu’en 1190, que l’on observe notamment sur la tapisserie de Bayeux. Ainsi se trouve corroboré, par une nouvelle preuve, comme le fait observer M. Le Blanc, l’âge que j'avais assi- gné à cette curieuse porte. Celles de l’église de Brioude sont remarquables par le cuir épais et peint en rouge qui couvre le bois, par leurs armatures en fer élégamment découpées et finissant en fleurons, et par deux poignées en bronze, chacune d’elles formée d’une plaque circulaire avec tête d'animal, anneau et légende. Ces plaques, dont je fus heureux, en 4857, après un nettoyage plus complet que ceux qui avaient pu le précé- der, de lire les curieuses inscriptions jusqu'alors indé- chiffrées (1), ont été représentées en gravures dans la Notice de M. Le Blanc qui donne une interprétation très- admissible, à mon avis, des légendes circulaires. Il y aurait lieu maintenant de les comparer à toutes cel- les du même genre qui ont pu être observées dans d’autres pays, et d’en déduire la pensée religieuse qui inspira ces - (4) Voyez mon rapport imprimé au Conseil général, dans leque’ j'ai donné, au mois d'août 1857, ces intéressantes légendes. 456 RÉSUMÉ DES SÉANCES. sujets d’ornementation. Je me proposais de le faire dans un travail spécial ; mais je laisserai très-volontiers ce soin à mon savant compatriote et ami M. Le Blane, dont les recherches érudites nous promettent d’intéressantes études sur le pays et en particulier sur la ville de Brioude qui possède ces rares et curieuses pièces d'archéologie chré- tienne. Anciennes Sociétés savantes du Puy. — M. Lacombe, notre collègue, dans une lettre à la date du 5 avril, fait hommage de deux pièces qui ont quelque intérêt historique sous le point de vue des origines de notre Société. La première est un discours d'ouverture du citoyen Jamon, bibliothécaire de l’école centrale et président d'âge du conseil central d'administration du départe- ment de la Haute-Loire. Le gouvernement de cette époque avait recommandé l’organisation d’une Société d'agriculture par arrondissement ; un arrêté du 14 ven- tôse an VII, de l'administration centrale, ordonne l'institution de celle qui doit fonctionner au Puy, et le 10 messidor an VII, jour de la fête de l'Agriculture, M. Jamon prononce le discours d'installation. L’ora- teur prend son sujet de très-loin, à l'origine mème des Sociétés, suivant la coutume des auteurs de ce temps. Il suit les progrès de l’agriculture qu'il associe à ceux de la civilisation, à travers tous les âges et tous les peuples. Les Egyptiens, les Grecs, les Romains surtout tiennent une bonne place dans ce discours, dont le ton reste toujours très-élevé, assez déclamatoire et figuré ; = = =—— AVRIL. 437 les idées sont saines néanmoins et disposées avec ordre, évidemment inspirées par des réminiscences de quelques pages de Montesquieu et de Jean-Jacques Rousseau. Notre auteur dit quelque part sans transition : « Recevez, Citoyens, ces fleurs et ces productions de » notre climat comme un tribut que la terre s’em- » presse de rendre à votre industrie. Une couronne de » chêne suffisait autrefois pour exciter l’'émulation de » tous les Romains, qu'il en soit de même du don que » la patrie vous offre aujourd’hui. Regardez-le comme » le gage de sa reconnaissance pour le zèle désintéressé » avec lequel vous l'avez servie et comme un encou- » ragement à de nouvelles découvertes. » Votre Secrétaire a voulu savoir de quelle nature était le don que la patrie avait offert aux membres de cette première Société d'agriculture. — Il l'a trouvé dans les registres de l'administration qui représentait chez nous le gouvernement du Directoire. — Un arrêté (à la date du 6 messidor an VII) ordonne le programme de la fète de l'Agriculture et celui de l'installation de la So- ciété ; il y est question de bosquet, de fleurs, d’épis, d'autel de la patrie, d'encens, de promenade civique ; tout y est réglé, jusqu'aux airs que doit exécuter l'institut de musique. — Le don offert aux membres de la Société est une fleur et un pampre. Ce n’est donc pas uniquement au figuré que M. Jamon distribua des fleurs à son auditoire. Mais l'intérêt principal de cette lecture est dans les observations qu'elle a soulevées de la part d’un de nos plus honorables confrères. M. Bertrand de Doue donne les noms de quelques-uns des membres de cette Société 158 RÉSUMÉ DES SÉANCES. que le premier préfet, M. de Lamothe, supprima quelques années après son installation, par le motif qu'elle s’occupait de sujets étrangers à sa destination. Le président en était M. Mathieu Bertrand, le père même de notre collègue. M. André, dit Langlais, professeur de grammaire générale et de logique à l’école centrale, en était le secrétaire. Mais, ajoute-t-il, la date du 10 messidor an VIT n’est pas l’unique origine de notre Société. — M. Bertrand de Doue lui en attribue une autre plus ancienne. — Dès 1785-86, si les souvenirs de son enfance ne le . trompent pas, dans une modeste chambre de l'étage élevé d’une maison de la rue Saint-Jacques, se réunis- nissaient quelques hommes de talent de notre ville; des avocats, des médecins. Tout près de nous, les frères Montgolfier venaient d'appeler l'attention publique sur la modeste ville d’Annonay par une découverte qui avait excité un enthousiasme universel. A cette époque, qui pouvait rester indifférent au mouvement scienti- fique et littéraire qui entraînait le XVIIIe siècle? Des besoins nouveaux agitaient les esprits d'élite. — ‘Aussi parmi nous les hommes les plus instruits, sentant la nécessité de se soustraire à l’oisiveté des sociétés de Saint-Hubert et de la Franche-Amitié, se réunissent, forment une société libre, où ils pourront en toute liberté prendre part au progrès scientifique et litté- raire., — Ils répètent les expériences de physique, con- struisent des ballons, des montgolfières, et s'occupent en même temps de littérature. — M. Bertrand de Doue a le regret de ne pouvoir citer tous les membres de cette société, qu'il regarde comme le noyau ou l'élément — = _— AVRIL. 439 précurseur de la nôtre. — Ceux qui lui reviennent en mémoire sont : MM. Bertrand des Brus, de Bains, de la Colombe cadet, Rousson, avocat et auteur de plusieurs ou- vrages, les deux frères d’Adiac, de Brive, le père de notre honorable confrère. La première Société avait pris quelques développe- ments, puisque l'abbé Laurent, cité par le secrétaire, écrivait en 1787 dans son A/manach : « Une société littéraire, dont les membres sont avan- » fageusement connus, commence à se former dans » cette ville. Lorsqu'elle aura une plus grande consis- » tance on en donnera le détail. Nous nous contentons » d'observer qu'il est à souhaiter que cette société di- » rige ses travaux de préférence vers l’agriculture, » l’histoire naturelle et généralement vers la physique » appliquée aux arts utiles. » Une autre citation, tirée du même livre et ainsi conçue : « CONCERT DES AMATEURS. — Il s’assemble plu- » sieurs fois par semaine, est très-nombreux et dis- » tingué par les talents des sujets qui le composent. » rappelle à M. Bertrand de Doue des souvenirs d’une autre espèce et qu'il exprime d’une manière qui inté- resse la Société. Il nous dit la composition de cette société musicale, dont M. Assezat l'aîné était directeur, le lieu même où elle tenait ses séances, rue Saint-Haon. — Il nous fait part des succès, non mérités, dit-il, qu'il y à 440 RÉSUMÉ DES SÉANCES. obtenus dans l'exécution de quelques concerto de vio- lon de Viotti. Adsclenar père, le maître de musique en vogue de cette époque, composait des quatuor remplis de réminiscences d'Haydn, dont les œuvres immor- telles commençaient à se produire. Parmi les exécutants, il cite : MM. Richard, ancien cor, Solde, basson, Balme, — de Mariol, — Baudin, Olivier Martin, l'abbé Baudoin, chanoine pauvre, Joly, Pabbé Girard, à la maîtrise, etc. Ces Messieurs se réunissaient quelquefois, pour y donner des concerts, chez M. de Pina, doyen de la ca- thédrale, qui aimait beaucoup la musique. Tous ces détails, d’une époque antérieure à notre siècle et à la révolution, sont écoutés avec une reli- gieuse attention, et l’Assemblée remercie M. Lacombe de la communication des pièces qui en ont été l’oc- Casion. La seconde de ces pièces est un autre discours du même M. Jamon : il a trait à l'installation de la biblio- thèque, dont il était le bibliothécaire. Celui-ci n’est pas signé, mais le style et l’écriture le font aisément reconnaitre, et le vénérable bibliothécaire de la ville, M. Campagnac, servi par sa fidèle mémoire, n’a pas un instant hésité sur son authenticité. L'ordre du jour appelle la communication sur les municipes romains. M. de Fontpertuis donne lecture y AVRIL. AA d'un important travail qui a pour titre: Considérations sur les municipes, les colonies et les préfectures ro- maines. MESSIEURS , Ce n’est point ici une dissertation en règle sur un sujet qui comporte de vastes développements et dont plus d’une partie est encore ténébreuse, malgré les nombreuses et savantes recherches des jurisconsultes et des historiens, tant allemands que français. Le pelit travail que j'ai l’hon- neur de présenter à la Société a de moins hautes pré- tentions. L'idée m'en a été suggérée par les découvertes archéologiques récemment faites par notre honorable con- frère M. Aymard. Les origines de la ville du Puy ten- dent à s’éclaircir : l’oppidum gaulois du mont Anis serait remplacé par une cilé gallo-romaine, municipe, préfec- ture, ou colonie. C'était peut-être le moment de s’interro- ger sur la signification de ces mots et sur la nature des institutions qu’ils ont servi à désigner. La retraite du peuple sur le mont Aventin n’est pas l'épisode de l’histoire romaine qui nous frappe générale- ment le plus sur les bancs de l’école. Lucrèce échap- pant par la mort au souvenir de son injure ; Coclès défen- dant seul un pont contre toute une armée ; Mutius ouant son poignet aux"flammes en punition de n’avoir pas su frapper l'étrusque Porsenna ; les décemvirs, Appius et Virginie, tels sont les faits qui ont plutôt le privilége d’impressionner l'esprit et la mémoire des jeunes étu- diants, Vraies ou fabuleuses, ces histoires ont le charme 442 RÉSUMÉ DES SÉANCES. puissant de la poésie, et cela suffit à des esprits encore vierges. La retraite du peuple sur l’Aventin est un fait qui ne relève, au contraire, que de l’histoire et de la po- litique. Grâce aux travestissements trop communs dans l’enseignement scolaire, il faut une certaine maturité d'esprit pour en saisir toute l'importance. Cependant si la signification de ce fait vous échappe, il en sera de même de celle des événements qui suivent : vous ne com- prendrez plus rien à la guerre d'Italie, aux sanglantes compétitions de Sylla et de Marius; rien à Pompee, à Cé- sar, à Cicéron, à Octave; rien à la chute de la Répu- blique et à l'avènement de l'Empire. Quand les plébéiens enlevèrent leurs aigles pour les porter sur l’Aventin, leurs maux étaient au comble. Rentraient-ils, après la guerre, dans cette Rome dont ils avaient élevé les gigan- tesques monuments et agrandi le territoire, ruinés, ils devenaient la proie vivante de leurs créanciers ; ils étaient emprisonnés, torturés, vendus comme des esclaves. La loi et la férocité des mœurs permettaient jusqu’au dépèce- ment de leur chair (4)! L'ager romanus, le champ sa- cré, limité par les augures et les tombeaux, et à la posses- sion duquel étaient attachés tous les droits de cité, Le plé- béien en était exclu; les terres conquises, patrimoine de la République et prix du sang plébéien, le patriciat les avait usurpées. Descendue du mont sacré, la plèbe ro- maine avait conquis ces droits civils et politiques que le génie sacerdolal de la vieille Rome, non moins que l’or- gueil des patriciens, lui avait jusqu'alors refusés. (4) Loi des douze tables. _ _— — AVRIL. 445 L'ager romanus ne sortit pas cependant des mains de ses possesseurs. Ce que voulait le peuple, ce n’était pas une portion de ce territoire , d'ailleurs très-limité, mais bien la participation aux droits dont il était le symbole. On transigea de même sur la question du partage des terres conquises, bien qu’il s’agit la d’un intérêt matériel très- important pour les plébéiens. On leur offrit des terres hors de Rome, en pays conquis. Telle est l’origine des co- lonies. Pour être un leurre suffisant, la colonie dut pré- senter au peuple au moins l’image de Rome. « Elle sera donc, dit M. Michelet (1), identique avec la métropole ; rien n’y manquera au premier aspect. L'augure et l’agri- mensor suivront la légion émigrante, orienteront les champs suivant la règle sacrée, décriront les contours et les espaces légitimes, renverseront les limites et les tombeaux des anciens possesseurs; et si le territoire des vaincus ne suffit pas, on prendra à côté : » Mantua væ miseræ nimium vicina Cremonæ. La nouvelle Rome aura ses consuls dans les duumvirs, ses censeurs dans les quinquennaux, ses préteurs dansles dé- curions. Ils règleront les affaires de la commune, veille- ront aux poids et mesures, lèveront des troupes pour Rome. Qu'elle se contente de cette vaine image de puis- sance. La souveraineté, le droit de la paix et de la guerre restent à Rome. Les colonies ne sont pour elle qu'une pépinière de soldats. » A la différence des colonies (> Michelet, Histoire romaine. 444 RÉSUMÉ DES SÉANCES. grecques , elles ne forment pas un Etat indépendant, mais tout au plus une corporation sujette, suivant l’expres- sion d'Adam Smith, à la correction, à la juridiction , à l'autorité législative de la métropole. Les plus favorisées d’entr’elles, les colonies romaines , avaient le droit de cité et celui de suffrage, encore sans doute au profit d’un très-petit nombre de leurs habitants. C’étaient en général, en effet, des prolétaires, des citoyens non oplimo jure qui acceptaient ce que Cicéron et Tite-Live ont appelé un exil. Point de part aux charges et aux honneurs de l'Etat. Dans les colonies latines, le droit de suffrage est, en outre , tout restreint qu’il soit de sa nature, subordonné à la permission du magistrat ; le droit de cité, à l’exer- cice de quelque magistrature dans une ville latine. Les priviléges accordés aux colonies italiques étaient encore plus restreints. L'origine territoriale du municipe marque entre lui et la colonie une première différence. La seconde et la plus im- portante se tire de la situation politique du municipe vis-à-vis de Rome. La plupart des peuples conquérants de l'antiquité exterminèrent ou réduisirent en esclavage les nations vaincues. Voisins dangereux , alliés perfides, con- quérants insatiables, les Romains portèrent toutefois dans la conquête des idées et un système tout différents. Ce fut sans doute de leur part moins affaire d'humanité que de politique, et une conséquence vraisemblable, nous dit M. Guizot, de la situation respective de Rome et des populations voisines avec qui elle entra de bonne heure en guerre. Ces populations n'étaient pas disséminées dans les champs, mais agglomérées dans des cités desquelles dé- pendait un territoire assez étendu. De là une plus grande + ne ve AVRIL. 115 difficulté et un moindre profit à les exterminer ou à les asservir. Les Romains, d’ailleurs, ne cherchaient pas une patrie; ils ne s’appliquaient qu'à l'agrandissement du territoire et de la puissance de la leur. Ils préférèrent done s’assimiler les vaincus que les détruire; ils leur conférèrent les droits de bourgeoisie romaine et souvent même leur laissèrent la jouissance de leurs anciennes lois: car Rome savait, au dire de Montaigne , « que les peuples » accoutumés à la liberté et à se commander eux-mêmes » trouvent toute autre forme de police monstrueuse et » contre nature. » Les traits généraux de cette politique se reconnaissent dans tous les municipes:; mais il y a des distinctions im- portantes à faire quant à l'étendue des priviléges, à Rome, des villes municipales, et quant à leur organisation inté- rieure. D'après la classification de M. Michelet, que nous adoptons parce qu’elle est compréhensive et dans sa géné- ralité ne repousse pas la variété, il aurait existé quatre catégories de municipes. Ainsi, certaines villes municipales ‘ne jouissaient qu'en partie du droit de bourgeoisie ro- maine ; elles n'avaient pas par exemple Le droit de suffrage ; elles avaient été, en outre, obligées d'abandonner leurs anciennes lois. D’autres, au contraire, avaient conservé ces lois et participaient au droit de bourgeoisie. Ailleurs, le municipe possédait ce droit en entier, mais il avait dû faire le sacrifice plus ou moins complet de sa législation autonome ; tel était le cas de Tibur, de Préneste, de Pise, d'Arpinum. Les villes d'Anagni, d’Aricie, de Cœré (1) G) Cœré fut la première ville d'Italie qui, réunie à Rome, ait obtenu le droit de TOME XXI, 29 446 RÉSUMÉ DES SÉANCES. jouissaient à la fois du droit de bourgeoisie romaine et de leur ancienne législation. Toutes ces villes, d’ailleurs, possédaient leur sénat et leurs magistratures indépen- dantes, sous le nom de duumviri où quatuorviri juri dicundo, præfecti juri dicundo, ædiles, censores, quin- quennales. Chaque ville municipale, avons-nous dit, avait un sénat. Il serait plus correct de dire son ordre de décurions, ordo decurionum, ou plus simplement, ordo, plus tard appelé curie. Les dénominations de sénat et de sénateur se trou- vent bien appliquées aux magistrats et magistratures des villes municipales, non-seulement dans les historiens et sur les inscriptions, mais encore dans le plébiscite connu sous le nom de table d'Héraclée. Cependant il n’y avait, à proprement parler, qu'un sénat, celui de Rome. La curie partageait avec Les magistrats l'administration intérieure de la cité; non que les magistrats et la curie aient été deux corps indépendants l’un de l’autre, se faisant équilibre, se pondérant, comme on dit aujourd’hui. Décurions eux-mé- mes, les magistrats sortaient, par voie d'élection, de la cu- rie. La première magistrature était celle des duumwviri ou quatuorviri; les duumvirs présidaient la curie, avaient droit d'inspection sur l'administration entière et rendaient la justice, la justice civile au moins, la juridiction crimi- nelle ayant été enlevée de bonne heure aux autorités mu- nicipales et dévolue, à Rome, au Préteur. Les duumvirs étaient élus pour un an; dans quelques villes, ils étaient cité romaine, Un sénatus=consulte de l'an 365 disposa w{ cum Cwrelibus hospi- lium fieret. (Tite-Live.) me 4AT remplacés par un préfet, præfectus juri dicundo, envoyé de Rome et nommé également pour une seule année. Ces villes étaient appelées préfectures. La condition de l'habitant d’une préfecture, quoi qu’en aient dit certains historiens, n’était nullement inférieure à celle de l'habitant du municipe proprement dit. Cicéron et Marius n’étaient- ils pas originaires d'Arpinum qui, d’après Festus, était une préfecture? L’édile avait l'inspection des édifices publics, des rues, des approvisionnements de grains, des poids et mesures (1). Quant au curator, censor où quinquennalis, trois noms différents pour désigner le même emploi, sui- vant les lieux et les temps, quant au curator, il partageait avec l’édile l'inspection des édifices publics, mais sa prin- cipale attribution était l'administration financière. Il affer- mait les biens du municipe, recevait les comptes des travaux publics, prêtait et empruntait de l’argent au nom de la eité (2). Nous ne parlons pas des magistratures infé- rieures {munera) qui, à la différence des magistratures su- périeures (honores), ne conféraient point de distinction ni de dignité personnelle. Nous ne donnerions pas aujourd’hui à ceux qui occupaient les munera {susceplores ænarchæ curatores frumenti, curatores calendrarii, scribæ tabel- liones) d'autre titre que celui d'employés. Les habitants des municipes n’élisaient pas seulement leurs magistrats ; réunis en assemblée, comme à Rome, ils exerçaient le pouvoir souverain et rendaient des lois et décrets. Le témoignage de Cicéron ne laisse aucun doute sur (1) Guizot. Essais sur l'histoire de France, page 31. (2) Savigny. Histoire du droit romain au moyen-âge. — Guizot. lbidem 448 RÉSUMÉ DES SÉANCES. ce point; il loue son aïeul d’avoir résisté à une loi de scru- tin (legem tabellariam) que proposait Gratidius, habitant d’Arpinum. Ce Gratidius serait-il le père de Marius? Les lois et décrets rendus dans les municipes n’étaient évidem- ment pas d'intérêt général; (Rome s'était réservé, je l'ai déjà dit, le droit de faire la guerre ou la paix, de lever des impôts, de rendre la justice criminelle et une partie même de la justice civile. L'habitant du municipe participait à l'exercice de ces droits en votant dans les corhices ; mais il ne pouvait le faire que dans le sein de Rome même. Les actes émanés des assemblées du peuple, dans le municipe, avaient done un caractère local; ils n’intéressaient que les municipes. Les cérémonies du culte, l'administration des biens et revenus de la communauté, les fêtes, les édifices, la police intérieure, l'administration de la justice dans les limites de la juridiction des duumwirs, tels en étaient, sans doute, les principaux objets. C'était un champ encore assez vaste laissé à la liberté et à la vie locale. Je me figure les municipes, sous Rome ré- publicaine du moins, comme une confédération d'Etats in- dépendants, unis politiquement à la métropole par des liens semblables, sauf leur origine, sauf les différences de temps et de civilisation, à ceux qui unissent aujourd’hui les Can- tons Suisses et l’Union Américaine. Le municipe était la patrie de nature et de fait ; Rome, la patrie politique qui contenait la première. Ce sont les expressions de Cicéron parlant d’Arpinum : « Itaque hance ego meam esse patriam » numquam negabo, dum illa sit major et hæc in ea cons » tineatur. » « La vie locale unie à tant de force et d’uni- » té, dit M. Michelet, voilà ce qui constituait la beauté du » syslème romain, » ms. AVRIL, 149 Cette vie était tenue pour précieuse par ceux qui en jouissaient. « Les municipes, continue le même histo- rien, jaloux de conserver leur indépendance, refu-- saient parfois de devenir colonies romaines, et souvent, à leur tour, les cofonies ne voulaient point être trans- formées en municipes. La colonie avait plus de gloire, une vie plus brillante ; elle était organisée sur le modèle de Rome ; cette ressemblance la faisait participer à l’éclat de la métropole. Les municipes avaient en récompense plus de liberté. Les municipes qui préféraient les hon- peurs à la liberté demandaient le titre de colonies. Les colonies qui préféraient l'indépendance aux honneurs demandaient celui de municipes. Nous avons des exem- ples des deux genres. Quelquefois, dans un municipe, nous voyons se combattre le parti de l'ambition et celui de la liberté. Préneste, aux portes de Rome, avait reçu une colonie romaine. Elle porta quelque temps ce titre et demanda à redevenir municipe. Les montagnards de Préneste, à cinq lieues de Rome, voulaient une existence indépendante. Ce sont les mêmes hommes qui si long- temps combattirent pour les Colonna, pendant tout le moyen-âge ; ils ont conservé cet esprit d'indépendance qui leur faisait demander le titre de municipe. Rome avait envoyé une colonie à Utique ; l’ancien élément pu- nique prévalut, et les habitants d'Utique demandèrent le titre de municipe. Au contraire, les habitants d’Ita- lica, en Espagne, demandèrent à changer leur titre de municipe pour celui de colonie qu'ils croyaient plus glorieux, » 450 RÉSUMÉ DES SÉANCES. IT Telle était, peinte à grands traits, l’organisation muni- cipale dans les villes d'Italie. Si de Ftalie nous passons aux provinces, un spectacle différent ne nous attend-il pas? Non. On retrouve, au temps des empereurs du moins, dans les provinces, la curie et les décurions, quel- quefois appelés, comme en Italie, sénat et sénateurs. Mais il existe des différences considérables entre les ma- gistratures des provinces et celles d'Italie. Parmi les fonc- tions publiques, beaucoup de #munera et point d’Aono- res, si ce n’est en ce qui concerne le culte, exception que l'on rencontre dans les Gaules, par exemple. Point de dignité, de magistrature qui répondit à celle des duum- virs, embrassant à la fois la présidence du sénat, l'admi- nistration de Ja cité, la distribution de la justice, Le fait se déduirait au besoin de l'institution des defensores, qui se généralisa de la fin du IVe au milieu du Ve siècle, s’il n’était attesté par deux documents authentiques, la constitution d'Honorius sur la diète tenue à Arles en 404, et le code théodosien (409). Les villes de provinces qui jouissaient du jus italicum font toutefois exception à cette règle. Elles ont le domaine quiritaire, des immeubles, des duumvirs, des édiles, des quinquennales et jouissent, comme les cités italiques , de l’exemption de FPimpôt direct, d'une organisation et d’une juridiction indépen- dante. Les historiens ne nous ont conservé le nom que d’un AVRIL. 454 très-petit nombre de cités provinciales jouissant du jus italicum. Pour ne parler que des Gaules : Lyon, Vienne, Cologne (Savigny), Narbonne, Fréjus, Orange, Arles (Henri Martin), étaient dans ce cas. Beaucoup d’autres villes peuvent l'avoir été. N'en était-il pas ainsi de Bordeaux, de Poitiers et de Reims, qui avaient des consulats, déno- mination souvent confondue en Italie avec celle de duum- virat, par habitude ou par amour-propre? C’est là un point qu’il appartient à l’épigraphie surtout d’éclaireir, à en croire M. de Savigny : le savant historien du droit romain considère , en effet, la mention dans les inserip- tions d’une ville de province du titre d'une magistra- ture italique comme une preuve certaine que cette ville jouissait du jus italicum. Le chef de la curie, dans loutes les provinces vrai- semblablement, et à coup sûr dans les Gaules, portait le titre de principalis. Cette charge n’était point élective ni temporaire ; elle était dévolue au eurial inscrit le pre- mier sur l'album de la curie. Le principalis l'était pour toute sa vie; cependant il lui était loisible, après quinze années d'exercice, de résigner ses fonctions , faculté à peu près illusoire, fait observer M. Lherminier, pour le doyen du sénat. Son successeur naturel était le décurion inserit immédiatement après lui sur l'Album (usque ad secundum “eveclus locum). Si celui-ci était trop vieux ou trop faible pour la gestion des affaires, le sénat faisait une élection, sans porter préjudice au successeur naturel, qui conservail la préséance et ses priviléges {sine ordinis prejudicio). Le principalis n'avait point la magistrature , dans l'accep- tion romaine de celte qualité. Entièrement destitué du double caractère du magistrat, c’est-à-dire la temporanéité 452 RÉSUMÉ DES SÉANCES, de la charge . et de la dignité personnelle et particulière , il ne devait pas avoir de juridiction, NII Le déplacement de pouvoir que consacra l'avènement d’Auguste à l'Empire ne pouvait manquer d'exercer sur l'organisation des villes municipales une influence corré- lative. Après une agonie de quelques années; les comices, devenus un simulacre, disparurent de Rome; les droits qu'y avait exercés le peuple passèrent au sénat. L'exemple fut inévitablement suivi dans les provinces. Auguste, à la vérite, accorda aux citoyens d’un grand nombre de mu- nicipes le droit d'envoyer, ecacheté, à Rome ce suffrage dont, sous la République, on ne pouvait user que dans les murs mêmes de Rome. Ce fut de sa part un calcul de politique et non un acte libéral : Auguste se souciait peu , en effet, de voir les citoyens considérables des villes reprendre le chemin de Rome qu’ils avaient peu à peu ou- blié. Le droit de cité romaine fut étendu, mais était-ce alors autre chose qu'un mot? Quels étaient les droits d’un citoyen romain sous Tibère ou Caracalla? La première magistrature des villes d'Italie, le duumvirat, est conser- vée, mais avec des modifications qui en restreignent sen- siblement la portée et en atténuent le caractère primitif. Les villes gardent leur juridiction, mais limitée; c’est de- vant le préteur, déchu lui-même du premier rang et devant lequel se placent l'empereur et son lieutenant , que mn de AVRIL. 433 se portent à Rome les grandes affaires. L'Italie est sou- mise, comme les provinces, à un lieutenant impérial. C’est le juge d'appel. Adrien partage l'Italie en cinq districts, dont l’un réservé au préteur à Rome, les autres placés sous le gouvernement de quatre consulaires ; Marc-Aurèle remplace les consulaires par des juridici, investis des mêmes pouvoirs sans les mêmes honneurs. Ainsi se com- plète et se développe, de règne en règne et d’empereur en empereur, l’œuvre de dissolution de l'indépendance mu- nicipale , judiciaire et politique des villes d'Italie. Les Pan- dectes et les écrits de Paul nous montrent les duumvirs réduits au rang de magistrats inférieurs, m#nagistralus mi- nores, sans fribunal, sans imperium , sans polestas. Ns ne peuvent plus infliger aux esclaves que les plus légers châtiments. Il fallut quatre siècles pour que cette décadence fût complète. Le système d’abaissement pratiqué par les empe- pereurs vis-à-vis de l'Ialie, jadis privilégiée, profita un moment aux provinces. Une certaine liberté municipale survéeut à la perte de la liberté politique. De Nerva à Dioclétien , le titre de décurion est encore tenu à honneur et recherché comme tel. « De nombreuses lois (4) ont » pour objet d'accroître et d'assurer les propriétés et les » revenus des villes. Trajan leur permit de recevoir des » héritages par voie de fidéi-commis. Bientôt elles furent » autorisées à les recueillir directement. Adrien leur » accorda le droit de recevoir des legs. Il ordonna que tout » administrateur qui détournerait les biens d'une ville (4) Guizot, Essais sur l'histoire de France, page 45. 451 RÉSUMÉ DES SÉANCES. » serait considéré comme coupable non de vol simple, » mais de péculat. Les revenus ordinaires suffisaient com- » munément à leurs dépenses et il n’était pas néces- » saire de charger de nouveaux impôts les citoyens. L'Etat » ne rejetait point sur les cités les charges qui ne les » concernaient pas directement. » Bon vouloir et modéra- tion de courte durée. Depuis Dioclétien jusqu’à Honorius, tout l'effort du pouvoir central, pressé entre les invasions des barbares, le christianisme naissant et la populace romaine toujours croissante, toujours plus avide de pain et de spectacles, tout l'effort du pouvoir central consiste à retirer de cette masse épuisée de l'Empire le plus de richesses et de forces. A dater de cette heure, la dissolu- tion du régime municipal se précipite. Sous Constantin et ses successeurs, c'est une déroute, un sauve qui peut général dans la curie, dont le tableau n’est plus à faire après MM. Amédée Thierry et Guizot. Ce n’est plus de l'honneur que confère le décurionat ; c’est l'esclavage et la ruine qu’il entraine. Aucun curial ne peut quitter le mu- nicipe sans l’autorisation du gouverneur, il répond sur sa fortune du recouvrement des impôts, de sa gestion personnelle des revenus de la ville; de ses propres revenus, il en comble le déficit! S'il meurt sans en- fants, les trois quarts de ses biens vont de droit à la curie. Il ne peut entrer dans l’armée, habiter à la cam- pagne sans avoir passé par tous les degrés des fonctions municipales. Aussi, au Ve siècle, les décurions se ca- chaient-ils dans les rangs les plus humbles de l’armée, voire parmi les esclaves, pour échapper à leur intolé- rable situation: mais le fisc savait encore les trouver là et les rendre violemment à la curie, après avoir confisqué ee —— AVRIL. 455 leurs biens. Les criminels étaient condamnés à devenir décurions ! Julien, le dernier enthousiaste du vieux génie de Rome, voulut rendre à l'Empire la vie municipale, comme il ten- tait de lui rendre ses dieux. Il restitua aux municipes les biens que son prédécesseur leur avait enlevés. Tentative aussi impuissante que le furent plus tard celles d'Honorius et de Justinien! Ni l'institution des defensores, ni l’asso- ciation des évêques au gouvernement municipal n’arré- tèrent la marche de la dissolution. On ne remonte pas le cours des temps, et la société nouvelle, pour un temps du moins, devait répudier les traditions romaines. En Orient, le régime municipal prolongea son existence jusque vers la fin du IXe siècle. C'était moins qu’une ombre sur laquelle souffla Léon-le-Philosophe. En Occident, les barbares le trouvèrent dans l’état de ruine matérielle et morale que j'ai dit tout à l'heure. Son sens se perdit et ses formes s’oblitérèrent de plus en plus du Ve au Xe siècle, au milieu des vains essais de monarchie impériale de quel- ques rois barbares et de l’enfantement de la société féodale. Deux grands événements, les croisades et la guerre des in- vestitures vont en faire revivre le principe; au Midi, sous une enveloppe quasi romaine, au Nord, d’après des idées, par des moyens et sous un nom étrangers aux souvenirs de Rome républicaine ou impériale. Les villes du Midi, restées romaines par les traditions, les monuments, presque la langue, à ce moment de renaissance, vont ressusciter le con- sulat. Parti de Milan, vers 1095, le consulat franchit bien- tôt les Alpes et se répand en Guyenne, dans le Limousin et jusqu’en Auvergne. Un mouvement non moins énergique d'émancipation se manifeste au nord de la Loire ; il en sort 456 RÉSUMÉ DES SÉANCES. la commune jurée, mot nouveau pour une chose nouvelle. Le Mans et Cambrai ont donné le signal ; Laon, Noyon, Beau- vais, Saint-Quentin, Amiens, Auxerre, Sens, Vézelay et tant d’autres villes y répondent. La France, les Flandres et une partie de l’Allemagne se couvrent de communes, La réhabilitation et l’affranchissement du travail, la des- truction des priviléges et l'égalité des droits furent le mot d'ordre de cette révolution, l'effort et le but des commu- niers du Nord, des habitants des villes consulaires du Midi. Ils ne réussirent, on le sait, que dans une faible mesure et pour peu de temps. Mais ils avaient jeté les germes d’une organisation politique et sociale mortelle à la féodalité. Ces germes ne devaient pas être perdus, et 89 a continué l’œu- vre ébauchée au XIIe siècle. Fils et héritiers oublieux et ingrats peut-être de ces hommes du moyen-àge, nous jouissons en paix de ces libertés pour la possession des- quelles ils ont lutté avec tant d'énergie et de patriotisme, avec un sentiment si élevé du droit, de la justice et de la vérité. IV Je reviens, en terminant, à la cité romaine d’Anicium que j'ai quelque peu perdue de vue dans les développe- ments qui précèdent, à cette cité dont notre savant con- frère Aymard s’efforce chaque jour de produire un titre ou un débris. Anicium était-elle un municipe ou une co- lonie? L'épigraphe, sur les vieux murs de la cathédrale, — ee AVRIL. 157 découverte par M. Aymard, autorise la seconde de ces sup- positions : il y est, en effet, question d'un certain Ferrarius Argutus Ater, préfet de la colonie, præfectus coloniæ. La première supposition s’appuierait sur le texte de la Nofice des cilés des Gaules, manuscrit du Ve siècle, où Anicium est appelée municipe : Municipio Arisido pour Anicido. Anicium n'’aurait-elle pas passé successivement par l’état de municipe et de colonie? À l’époque où il faut rapporter l’épigraphe rappelée plus haut, et surtout à celle de la pu- blication de la Notice des cités des Gaules, les mots muni- cipe et colonie n’avaient-ils pas perdu leur signification primitive et n’étaient-ils pas fréquemment employés l’un pour l’autre? Enfin, à en juger par le mot duwmviri qui figure sur l’épigraphe de la cathédrale, ne jouissait-elle pas du jus italicum ? A quelle époque l’aurait-elle recu ? Etait-ce au moment de la conquête, peu après ou bien à une époque plus rapprochée de nous, alors que le titre de citoyen romain s'était avili et que les empereurs le distri- buaient aux villes comme une vaine compensation de leur indépendance perdue ? Autant de questions que je pose, sans prétendre, bien entendu, les résoudre. Je n’entends pas davantage me pro- noncer sur le fait même des origines romaines de la ville du Puy. M. Aymard complétera sans doute ses travaux ; les contradictions ne lui feront pas défaut vraisemblablement, et du choc des opinions et des systèmes naitra cette fois encore la lumière et la vérité. Questions de clocher, dira-t-on peut-être! Questions fu- tiles et bonnes tout au plus pour l’'amusement des épigra- phistes et des archéologues de profession ! Permis à chacun de traiter avec ce dédain l'archéologie et Les archéologues. 458 RÉSUMÉ DES SÉANCES. On ne pense pas de cette façon, j'en suis sûr, dans cette enceinte, et je ne suis pas le seul à y considérer les travaux archéologiques comme une source féconde d'informations et d’éclaircissements historiques. Questions de clocher! mais la monographie des 36,000 clochers qui couvrent le sol de la France, si elle pouvait s'effectuer, jetterait ce me semble un nouveau jour sur l'histoire de notre patrie, his- toire encore susceptible de tenter plus d’un grand esprit, malgré les beaux travaux des Guizot, des Thierry, des Sis- mondi, des Michelet, des Martin! J’entendais dire, il y a quelque temps, à M de Brive, notre ancien Président, que l'histoire de France ne serait vraiment faite qu’autant que celle des provinces serait complète, et que les éléments nécessaires de l’histoire des provinces se trouvaient dans celle des cités. Je me range volontiers à cette opinion. Eclaircissons donc l’histoire de la ville du Puy. Ce n’est qu'une pierre sans doute que nous aurons posée, mais on travaille autour de nous et, pierre par pierre, l'édifice en- tier peut s'élever. L'Assemblée a encore accueilli avec faveur l’hom- mage que lui adresse M. le chanoïne Montlezun d’une notice historique de la ville de Fleurance, du canton de Lectoure. Cet honorable écrivain, que des liens de confraternité unissent à notre Société, à écrit avec un soin consciencieux, soutenu par une érudition patiente, les événements principaux de l'histoire qu'il retrace. L'organisation administrative du pays y est présentée avec ordre et netteté, et le lecteur se prend d'intérêt pour cette petite ville du moyen-âge, où, 7 US AVRIL, 459 sous la main de l'Angleterre, n'a cessé de palpiter une poitrine toute française. BEAUX-ARTS. — LITTÉRATURE. — M. Bompard, vicaire à Lamothe, adresse une pièce de vers sur le château de Bouzols et demande à faire partie de la Société. — L'examen du travail de M. Bompard est confié à une commission composée de MM. F. Bernard, Vibert et de Vinols. M. de Fontpertuis fait hommage de la suite de ses études sur les romanciers russes. — L'assemblée lui en adresse ses remerciments par l'organe de M. le Président. L'ordre du jour appelle la lecture du rapport de M. Vibert sur la candidature de M. Jules de Vinols. — M. Vibert, retenu chez lui par une indisposition, adresse son travail au Secrétaire qui en fait la lecture au milieu de l'attention générale. MESSIEURS , A votre dernière séance, M. le Président vous donna communication d’une lettre par laquelle M. Jules de Vinols sollicitait l'honneur d’être admis au nombre des membres résidants de notre Société. À l’appui de sa demande, il a présenté un travail ayant pour objet: Quelques considéra- tions critiques sur la peinture ancienne comparée à nos œuvres modernes. 460 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Vous avez tous lu, Messieurs, bien des dissertations sur ce sujet, qui a occupé tant d'hommes remarquables par la science, le génie et le goût : Léonard de Vinci et Lomazzo, dans leurs traités de peinture ; Vasari et Bellori, dans leurs ouvrages sur la vie des peintres illustres; Felibien, dans ses entretiens sur la vie et les œuvres des plus excellents peintres anciens et modernes ; Winckelmann, dans l'his- toire de l’art chez les anciens; Mengs, surnommé le Raphaël de l'Allemagne, dans ses considérations sur la beauté et le goût en peinture; bien d’autres encore, sans compter les auteurs vivants, semblent, depuis l’époque dite de la Renaissance, avoir exploré la question du vrai et du beau jusqu’à son extrême limite. Cette réflexion n’est pas une insinuation critique du sujet choisi par M. J. de Vinols; elle tend seulement à constater le courage de l’entreprise: courage heureux, hâtons-nous de le dire, et familier au nom que porte le candidat. La lecture de l'ouvrage pré- senté serait un moyen plus sûr et plus agréable pour fixer votre jugement, mais, soit par l’usage ou à cause des au- tres matières qui prennent leur part du temps consacré à nos séances, vous êtes condamnés à n’entendre qu’une analyse, suivie d’une rapide appréciation. Pénétré de l’infériorité de la peinture moderne, M. Jules de Vinols se demande si la caducité a fatalement atteint la manifestation de la pensée humaine dans le grand art de la peinture, ou si, par sa propre faiblesse, par une incapa- cité méritée, notre siècle est destiné à demeurer inférieur aux siècles qui l'ont devancé. Recherchant les causes de cette différence, il considère comme une vérité acquise que, dans les œuvres humaines, tout vient de la pensée ; c’est elle qui fit la puissance de nos prédécesseurs et rendit À AVRIL. 461 leur gloire durable comme tout ce qui est éternel, le vrai et le beau. La pensée est le génie de la peinture encore plus que de la poésie et de l’éloquence : celles-ci, pour voiler leur faiblesse, ont la ressource des développements, tandis que la peinture doit produire son effet du premier coup, vaincre ou succomber instantanément. Pour préciser sa pensée, M. Jules de Vinols emprunte à Bellori cette ré- flexion de Nicolas Poussin: « La peinture est une image des » choses incorporelles, rendue sensible autant qu'il se » peut par limitation des corps. » Cette définition spiri- tualiste du but que doit atteindre la peinture est déve- loppée dans l'ouvrage que nous analysons ; l’auteur expose le rôle de la pensée comme créatrice souveraine des œuvres d'art, et, pour soutenir cette opinion par l'autorité de l'exemple, il fait une revue chronologique des peintres célèbres qui, depuis le moyen-âge, durent leurs suceès à l'idée plus qu’à la forme. C'est d’abord, au commencement du XII: siècle, Guido da Sienna, artiste modeste dont l’âme naïve fut inspirée par les sujets religieux. Un seul de ses ouvages est par- venu jusqu'à nous : la madone du couvent des Domini- cains. Cette œuvre est peinte par une main inhabile, le faire en est sec et aride, cependant elle à suffi pour établir la réputation de l'artiste; on reste ému, captivé devant cette image incorrecte, pourquoi ? C’est que la dignité de l'attitude, la convenance de l'expression, la gravité de l’ensemble éveillent dans l'âme attendrie l’idée du calme éternel, de la chasteté inallérable de la Mère de Dieu ; en d’autres termes, c'est que, même avec des traits peu sé- duisants pour les sens, la pensée à toujours le pouvoir de les dominer. TOME XXI. où 462 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Puis vient Cimabué, le Michel-Ange du XIIe siècle : ses images sont si fortes, si pathétiques, qu'on n’aperçoit l'incorrection de la forme qu'après l'effet produit par la pensée. . La fin du XIIe et le commencement du XIVe siècle donnent pour successeur à Cimabué le Giotto, son élève. Après avoir énuméré les œuvres de ce maitre, qui mit la forme au service de la pensée, M. de Vinols ajoute : « Voilà ce qu'a pu produire dès l'aurore de l’art chrétien » le spiritualisme de la foi : animée par les sujets religieux, » qu’elle choisit pour son domaine propre, la pensée hu- » maine s'élève de cette terre dans les hauteurs des régions » célestes, et la forme semble n'être pour elle qu'un pé- » nible assujétissement. » Continuant sa revue, notre futur collègue dit, au sujet de Michel-Ange, qu'il ne faut pas demander à la fougue de cet artiste une correction obtenue par la contrainte et le labeur, il ne saurait s’y asservir; mais l’indignation divine imprimée au front de Moïse, les effrayantes péripéties du jugement dernier et l’auguste coupole de Saint-Pierre de Rome ne sont-elles pas la plus haute, la plus fière mani- festation de la pensée humaine ? Nous citons textuellement cette courte transition à la cinquième étude : « Il ne paraissait pas qu'il fût donné à » l’homme de s'élever plus haut, mais ne jamais quitter » les régions célestes, cette gloire sans exemple était ré- » servée à Raphaël, et la postérité a consacré dans sa per- » sonne cette vérité que nous avons prise pour point de » départ, savoir que la source du beau est plus élevée que » cette terre, domine la matière et naît dans le sein de la » pure intelligence, en donnant à ce génie vraiment inspiré AVRIL. 465 » le nom glorieux et unique de divin. » L'auteur fait ensuite remarquer, dans un rapide examen des œuvres principales de ce maître, qu’on n’y retrouve pas les sujets séduisants de l’Albano, le gracieux faire du Corrège, le coloris admirable du Titien ; mais Raphaël a prouvé, dans son tableau du vœu de Sigismond, qu’il aurait pu être coloriste comme les Flamands et les Vénitiens. S'il a dé- daigné les artifices du clair-obseur et des oppositions de lumière, c'est que ces moyens étaient au-dessous de lui; aussi, dans ses compositions, la forme, toute parfaite qu’elle est, disparaît sous l'impression de la pensée exprimée, et ses œuvres les plus admirées sont celles où la matière a la moindre part. lei finit cette revue des peintres anciens. Elle est précé- dée et suivie de considérations générales dont le déve- loppement exigerait un cadre plus grand que le nôtre ; nous avons, autant qu'il nous était possible, reflété leur esprit sur le fond de cette analyse. Si elle est fidèle, vous aurez remarqué, Messieurs, la convenance du terrain adopté par M. J. de Vinols, le choix limité mais ju- dicieux des maîtres qu’il y introduit pour interroger, apprécier leurs œuvres et tirer d’une discussion érudite cette conséquence : que dans les œuvres d'art, de pein- ture particulièrement, l'idée doit dominer la forme, l’âme gouverner la matière : c’est le triomphe du spiritua- lisme sur le réalisme. Notre mission n’est pas de rechercher dans quelle mesure pourrait s'établir l'union de ces deux tendan- ces, mais nous pensons que dans cet examen de la peinture ancienne la discussion est logique en général et particulièrement au point de vue du spiritualisme 464 RÉSUMÉ DES SÉANCES. religieux. La combinaison du plan créé pour ce tra- vail et la manière de le traiter révèlent l’œuvre d'une intelligence active et noblement cultivée. Il est regrettable, Messieurs, qu'avec un pareil ta- lent d'exposition, M. J. de Vinols se soit borné à quel- ques généralités touchant la peinture moderne : nous ne trouvons ici aucune citation , aucune revue d’œu- vres contemporaines; leur infériorité, que nous ne con- testons pas, surtout au point de vue de la pensée religieuse, est proclamée, non démontrée par des exem- ples. C'est une lacune dans ce travail sérieux qui jus- tifierait plus parfaitement son titre si l'examen de Ja peinture moderne était aussi complet que celui de la peinture ancienne: au reste, ce que le talent du cri- tique avait fait pour l’une dit ce qu'il aurait su pro- duire pour l’autre : aussi croyons-nous que C'est par un sentiment de réserve qu'il n’a pas voulu discuter des œuvres et des noms que l'autorité du temps n’a pas encore consacrés. Dans M, Jules de Vinols, l'écrivain, pour exprimer le mérite de l’idée, sacrifie moins que l'artiste le mé- rite de la forme : sa rédaction est soignée, technique, substantiellement riche; peut-être serait-elle plus ra- pide sans l’entrave des périodes de longue haleine, dont l'effet ordinaire est de tendre un peu l'esprit du lecteur. Ces observations critiques sont les seules que nous avons à vous soumettre, Messieurs ; encore perdent- elles singulièrement de leur valeur devant la modestie de l'honorable candidat, qui, recherchant les causes de l'infériorité de l’art contemporain, s'exprime ainsi : « Pour » le faire avec quelque autorité, il faudrait être grand = tu ee — AVRIL 465 » peintre, profond historien et critique consommé , et » on se demande si toutes ces qualités réunies pour- » raient suffire; aussi, c’est avec une circonspection » égale à votre indulgence que j'ose vous exposer mes » idées à ce sujet. » Nous sentons combien manquent d'autorité nos élo- ges et nos critiques; aussi, Messieurs, pour vous si gnaler les qualités du travail remarquable confié à notre examen, nous avons compté sur la fidélité de notre analyse plus que sur la valeur de notre appréciation. L'œuvre qui fait le sujet de ce rapport vous assure un collaborateur distingué; c’est donc avec empresse- ment que nous avons l'honneur de vous proposer l’ad- mission de M. Jules de Vinols au nombre de vos mem- bres résidants. Ses deux frères sont nos collègues, Messieurs ; quand, de nos jours, tant d'hommes recom- mandables par le talent, le nom ou la fortune, ap- portent le tribut de leurs efforts dans le courant du progrès, il est raisonnable et consolant de croire que la décadence ne frappe pas encore à la porte de notre siècle. Après cette lecture, l'unanimité est acquise à la can- didature de M. Jules de Vinols et immédiatement pro- clamée. OBJETS D’ADMINISTRATION. — Ce rapport est si bien goûté de l'assemblée, qu’elle décide qu'à l'avenir l’or- dre du jour se conformera à un article du règlement intérieur, qui place la lecture des rapports sur les 466 RÉSUMÉ DES SEANCES. candidatures immédiatement après le dépouillement de la correspondance. M. le Président présente les propositions du con- seil d'administration de la Société, en ce qui concerne une modification du règlement. — Le conseil, après en avoir mürement délibéré, a été d'avis d'ajouter à l'art. 16 du règlement de la Société les paragraphes suivants : « Dans le cas où le nombre des candidats au titre de membre résidant excéderait celui des vacances, il sera procédé à l'élection par voie de ballotage, au moyen de bulletins écrits, sans égard à l’ordre des demandes , pourvu qu'elles aient été faites dans deux séances consécutives. ! » Au premier tour de scrutin, les deux tiers des suffrages seront nécessaires pour valider l'élection. Si cette majorité n'est acquise à aucun candidat, il sera procédé à un second tour de scrutin entre les deux candidats qui auront réuni le plus de suffrages, et celui qui obtiendra la majorité absolue sera élu. » Cette addition au règlement fait l'objet d’une discus- sion à laquelle prennent part MM. Balme, Martel, Plantade et de Brive, et après laquelle l'unanimité est acquise à la proposition. Sociétés savantes. — M. le Président signale à l’at- tention de la Société le récent arrêté de M. le Ministre Secrétaire d'Etat au département de l'instruction pu- blique, relatif à l'organisation du Comité des travaux historiques et des Sociétés savantes. EE AVRIL. 467 Dans sa haute intelligence, M. Rouland à jugé que quelques Sociétés savantes de province comptaient pour quelque chose dans le mouvement scientifique et his- torique qui caractérise notre époque. Aussi s'est-il proposé de leur accorder une large place dans les pu- blications de la Revue qu'il vient de créer. Les travaux des Sociétés savantes auront désormais une place à côté de ceux du Comité historique, — Des récompenses d’un ordre élevé, des prix sont destinés à stimuler le zèle et les recherches des Sociétés de pro- vince. Ne pourrait-on pas voir dans l'arrêté de M. le Ministre et dans l’admirable commentaire qui l’ac- compagne, et qui est adressé à notre Président, comme une expression nouvelle de la pensée féconde qui a organisé parmi nous la commission des recherches historiques ? Aussi notre Société, appréciant d’une manière spé- ciale toute la portée de ces récentes dispositions, en a accueilli l'annonce avec la plus vive satisfaction. M. le Président, après avoir annoncé que le Congrès scientifique de France tiendrait sa 25e session à Au- xerre et avoir donné communication du programme des questions qui seront discutées dans cette solennité, lève la séance. — Il est six heures et demie, SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 6 MAI. SOMAMEANE E. Musée : Vierge sculptée du XVe siècle. — AGRICULTURE : Cartes agronomiques des propriétés particulières, par M. de Caumont. — Utilité d’un cours d'analyses chimiques de terres, eaux, engrais, produits du sol, etc.; M. de Brive. — Vœu relatif à exempt on du se, vice militaire pour quelques élèves des Fermes-écoles ; MM. de Brive, Souteyran, Aymard. — Rapport de l’instituteur public de Saiit- Julien-Molhesabate, M. Ambert, sur des expériences agricoles; lettre de M. le Secrétaire à M. l'inspecteur des écoles primaires — Le titre de membre corres- pondant de la Société est accorde à M. Ambert. — Ce mème titre est accordé à M. Edouard Beaufrère, propriétaire au Mas de Lagrange de Soubrey. — Cul- ture du topinambour, d’après M. Doniol père. — Explications de M. Richond sur le soufrage de la vigne. — Allocation accordée à la Société par Sen Exec. M. le Ministre de lagriculture. — Pisciculture : Inauguration de l'établissement de pisciculture du lac du Bouchet par M. le Préfet Emile Paul de Rostan. — SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES : Guvrage de M. Poulett Scrope, géologue anglais. — Travaux de botanique par madame Ariaud. — SCIENCES MÉDICALES : De la fièvre typhoïde qui sévit à Vals; M. Aymard, les docteurs MM. de La- fayette, Martel, du Garay — SCIENCES HISTORIQUES : Cerdidatu'e de M. Augrste Bernard, de la Loire, offrant comme titre d'admission un mémoire sur les voies romaines ; M. Aymard est nommé rapporteur. — Caitulaire de l’abl aye de Cha- malières ; M. l’abbé Bernard. — BEAux-aRTs. — Lilléralure : Instruction pastorale pour le mois de Mare, de Mgr. Evèque de Morl'on. — Rapport de M. F. Bernard sur une candidature ; ajournement, — Gravure : Travaux de M. Camilie Robert. — Architecture : De la restauration du Musée ; MM. de Brive, Souteyran. — PERSONNEL DE LA SOCIETÉ : Rapport de M. Plantade sur la candidature de M. Limozin, sous-inspecteur des eaux et forêts, au titre de membre résidant. — Admission. MAI, 469 Présidence de M. Aymard, vice-président. 7 À trois heures la séance est ouverte par la lecture du procès-verbal de la précédente séance. — II est adopté sans réclamation. Ensuite M. Aymard exprime quelques regrets au su- jet de l'absence de notre Président que des occupations importantes retiennent encore loin de ses collègues. D'un autre côté, dit-il, cette absence n'aura pas été tout-à-fait nuisible à la Société, puisque pendant son séjour à Paris M. Charles de Lafayette a eu l’occasion d'assister au congrès des Sociétés savantes, où il a re- présenté avec éclat notre Société dont il a fait connaître les travaux ; il s’est fait écouter avec intérèt dans plu- sieurs discussions, et il a eu l’insigne honneur de pren- dre place au fauteuil après MM. de Montalembert, Drouyn de l'Huis, et de présider une séance générale du congrès. Cette communication est entendue avec plaisir. Dons AU Musée. — Acquisitions. — M. le Président fait placer sur le bureau une statue en marbre de la Vierge tenant l'enfant Jésus, qu'il a acquise pour le Mu- sée. — Cet intéressant morceau porte les caractères de la sculpture au XVe siècle, — Elle a été trouvée au Bouchet-Saint-Nicolas. AGRICULTURE. — Parmi les publications reçues par la Société, M. le Président signale l'Annuaire de l'Insti- tut des provinces, où se trouve, dans le compte-rendu 470 RÉSUMÉ DES SÉANCES. d'une séance du congrès des académies, un rapport sur deux cartes agronomiques soumises au congrès par M. de Caumont. Sous le nom un peu singulier de To- pographie tellurique, M. de Caumont a fait dresser l’esquisse géographique de deux propriétés, l’une de 42 hectares, l'autre de 80. Un de ces plans indique, par des teintes différentes combinées avec des hachures, les variétés du sol, les qualités diverses du sous-sol et la nature géologique de chacune des parties de la propriété avec l'épaisseur de la terre arable. Par ce moyen, le propriétaire peut connaître son terrain, sa- voir quelle partie a besoin d’être assainie par le drai- nage, quelle autre peut être utilement traitée par la chaux; quels assolements conviennent de préférence et d’après la nature de la terre à tellé ou telle parcelle de sa propriété. Déjà au congrès de 1855, la première et la deuxième question des {re et 6e sections réunies avaient soulevé la question si importante de grandes cartes à la fois géologiques et agronomiques, et avaient provoqué sur ce sujet des observations pleines d'intérêt et qui mé- ritent d'être relues, de la part de MM. de Caumont, Legall, de Brive, -Aymard; maintenant il s’agit de car- tes particulières. Aujourd'hui M. de Caumont, par des conseils et des exemples, engage tout propriétaire , quelle que soit l'étendue de sa terre, d’en dresser la carte agronomique avec un texte explicatif, et assurément on ne peut attendre que de bons résultats d’une étude ainsi conduite du terrain qu'on veut exploiter. Mais pour que ces cartes remplissent parfaitement leur but, M. de Brive pense que leur confection doit LV - — MAI, 471 ètre précédée d'une analyse chimique des matières qui composent le sol arable. La question des engrais, celle des amendements et celle si importante des soles se trouve intimément liée à la connaissance de la terre qui donne ses produits avec tant de largesse lorsque nous avons su lui confier le genre de semence qui lui convient. L'on sait aujourd'huï que les progrès de l'agriculture sont appuyés sur les sciences naturelles, la géologie, la météorologie et surtout sur la chimie. Sans la théorie la pratique n’est pas un art, mais un métier ne nous donnant que des notions courtes, in- complètes, empiriques. Il est temps de se défaire de ces proverbes qui favorisent la paresse et la routine ; comme celui-ci : Expérience passe science ; soit : mais sans la science qu'est l'expérience, un tâtonnement rempli de mécomptes et d'erreurs fort préjudiciables , surtout quand il s'agit Gu premier de tous les arts, l'agriculture, cette source principale de la richesse pu- blique. Aussi M. de Brive insiste-t-il avec force, comme il l’a déjà fait il y a quelque temps dans une autre séance, pour que la Société donne, dans ses travaux , une large part à la chimie agricole. — 11 montre quels immenses avantages on pourrait retirer de l'analyse des terres, des plâtres, des gravois, des engrais, des eaux, etc., et de l'analyse des produits. Cette étude, bien faite, indiquerait à l’agriculteur la nature des principes qui se trouvent dans le sol de sa propriété et celle de ceux qui sont nécessaires au genre de culture qu'il veut pratiquer ; de là naîtraient des méthodes sûres et une entente rationnelle dans la disposition des soles et dans la distribution des 472 RÉSUMÉ DES SÉANCES, amendements et des fumures. C’est par de pareils pro- cédés que M. Boussingault, un des plus grands noms de la chimie, est parvenu à faire d’une de ses terres, autrefois peu productive, une belle ferme qui lui rapporte plus de 15 pour 0/0. Déjà mème la chimie n'a- t-elle pas mis en question l'utilité du drainage dans certaines circonstances, sous prétexte que les eaux qui passent par les prairies entraînent des sels nécessaires à la fertilité du sol? M. de Brive pense donc qu'il y a de ce côté beaucoup de bien à faire, tant dans la grande que dans la petite culture ; aussi se propose-t-il d’invoquer l'intervention du Conseil général dans une question qui intéresse à un si haut point l'avenir de l’a- griculture dans notre département. Une allocation modique pourrait permettre d'organiser dans le sein de la Société un cours suivi d'expériences de chimie agricole. Pour atteindre à ce résultat, M. de Brive demande l'appui de MM. les membres du Conseil géné- ral, ses collègues à la Société académique, et tout au moins veut-il que l'architecte de la restauration du Musée trouve un eniplacement pour le laboratoire de chimie devenu désormais une des nécessités du lo- cal d’une Société d'agriculture; en attendant, on lo- gerait les fourneaux et les cornues comme on le pourrait. L'Assemblée entre dans des vues si justes et si droi- tes et approuve de tout point les mesures indiquées par le préopinant. Une autre disposition dont M. de Brive attendrait le plus grand bien pour l’agriculture serait celle qui MAI. 475 .dispenserait du service militaire un certain nombre d'élèves des fermes-écoles. L'Etat fait, dit-il, des sacri- fices pour cette institution si heureusement introduite chez nous, et d’un autre côté il supprime l'effet de ces sacrifices en prenant au moyen de la conscription les jeunes gens les plus valides, déjà habitués aux travaux de la ferme et formés par l’enseignement agricole. — M. de Brive en à fait l'expérience. Une première fois, il confie la direction d’une de ses fermes à un jeune homme sorti de l’école de Nolhac, des mains de notre habile collègue M. Chouvon. A peine l’a-t-il fa- çonné à ses habitudes et pénétré de ses intentions et de ses desseins que le recrutement vient le lui prendre ; il éprouve le même désappointement dans une deuxième épreuve. — Ainsi l'Etat, dit-il, semble défaire d’une main ce qu'il a fait de l’autre; il y a là une anomalie tout-à-fait préjudiciable à l'agriculture comme aux intérêts bien entendus de l'Etat. Aussi demande-t-il instamment que la Société veuille bien intervenir de nouveau, par l'organe de son Pré- sident, auprès de M. le Ministre de l’agriculture pour que le Gouvernement, usant de la même gé- nérosité à l'égard des élèves des fermes-écoles que de celle dont il use envers les jeunes gens qui se vouent à l’enseignement public, veuille bien en exempter un certain nombre du service militaire. M. Souteyran voit dans une pareille demande une démarche fort grave, qui ne tend à rien moins qu'à appeler l'intervention du pouvoir législatif. 11 doute du succès, n'admettant pas qu'il y ait parité entre les élè- ves d’une école normale et ceux d’une ferme-école, ATA RÉSUMÉ DES SÉANCES. Les premiers sont destinés à un service public, tandis que les seconds n’ont d'autre destination que l’indus- trie privée. Indirectement sans doute la nature de leurs travaux les appelle à servir l’intérèt général, mais ils sont avant tout les serviteurs des particuliers, qui peu- vent les payer et les faire exonérer. En retour, contre l'exemption du service militaire dont l'Etat gratifie le futur instituteur, il y a un engagement décennal, il y a une fonction rétribuée d’une certaine manière, et vous savez laquelle; tandis que rien ne peut empêcher un élève d’une ferme-école de tirer tout le parti pos- sible de son talent, de sa profession qu'il doit aux libéralités, sans doute fort bien entendues, du Gou- vernement. M. le Président fait remarquer que la Société, dans une autre séance, a déjà reconnu l'opportunité d’une mesure qui permit à l’agriculture de tirer quelque parti de l’enseignement des fermes-modèles ; ce qui ne se fait que d’une manière très-imparfaite sile recru- tement vient arrêter nos jeunes agriculteurs dans leur carrière, etilest d'avis qu’en cette circonstance elle ne doit pas se séparer de plusieurs autres Sociétés d'agri- culture qui adressent la même demande. Elle pourrait avoir aujourd'hui auprès du Gouvernement plus de chance de succès qu'à l’époque où elle fut une première fois l’objet des délibérations de la Société. C'était pen- dant les glorieuses guerres d'Orient, au moment où le recrutement de l’armée ne permettait aucune conces- sion. Aujourd’hui la paix profonde que nous devons à Napoléon III pourrait permettre une mesure qui n’au- rait rien d’excessif, puisque dix exemptions par ferme, MAI. 475 relativement à la somme générale des enrôlements, ne produiraient qu’un déficit imperceptble dans les cadres de l’armée. L'Assemblée, consultée, décide que M. le Président appellera l'attention de M. le Ministre sur une situation qui touche de si près aux intérêts de l’agriculture. M. le Président communique à la Société une lettre de M. l’Inspecteur des écoles primaires, qui lui a été adressée par les ordres de M. l’Inspecteur d'académie. M. Béraud, Inspecteur des écoles primaires, soumet à l'appréciation de la Société un rapport que lui à fait parvenir l’Instituteur public de St-Julien-Molhesabate, M. Ambert. Ce rapport a trait à des expériences com- parées sur l’ensemencement en lignes et sur l’ense- mencement à la volée; leur double résultat pour un semis de seigle et d'avoine est consi: né dans un tableau bien conçu et l'avantage reste largement acquis à l’en- semencement en lignes. L'Instituteur a mis lui-même la main à l’œuvre et, n'ayant pas de propriété dans la commune, il est parvenu à faire réussir ses expériences sur une parcelle de champ qui lui à été gratuitement concédée, à la charge par lui de faire disparaitre le chiendent ou gramen qui l'avait envahi. M. le Président pense qu’on ne saurait trop encourager de pareils essais et, à titre de récompense, il demande pour M. Ambert la qualité de membre correspondant de la Société, qui lui est concédée à l'unanimité ; il charge en même temps le Secrétaire de répondre à M. l’Inspecteur, ce qu'il a fait en ces termes : 476 . RÉSUMÉ DES SÉANCES. MONSIEUR L'INSPECTEUR , La Société me charge de vous remercier de la commu- nication que vous lui avez faite des expériences agricoles commencées dans la commune de Saint-Julien-Molhesabate par l'instituteur public M. Ambert. La Société, vous le savez, mel au premier rang de ses préoccupations l’amélio- ration du sort des populations rurales de ce pays. Elle pense qu’un des moyens les plus sûrs de l'obtenir est la propagation des saines méthodes d’agriculture. Les gens de la campagne ont généralement assez d’insouciance ; ils se plaisent dans l’ornière de la routine. Aussi les terres, en beaucoup de localités, sont médiocrement labourées ; les assolements mal entendus; la ferme est dans un état d’incurie déplorable ; les avantages des prairies artificielles ne sont pas encore appréciés partout. Que dire du petit jardin, enclos de pierres brutes ou de broussailles, envahi par les ronces? Quoique habituellement placé à côté de la maison, il est bien la pièce la plus négligée et la plus inu- tile de la ferme : il n’y pousse que quelques maigres tuber- cules. Une réforme radicale qui ne porterait même que de ce côté, dont l’instituteur donnerait le conseil et l'exemple, aurait sur les mœurs du paysan et sur le bien-être de ses enfants des effets salutaires. La bonne tenue du jardin, divisé en plates-bandes potagères entourées d'arbres frui- tiers, où se trouveraient quelques jolies fleurs vivaces. coûterait bien peu de travail à la robuste famille du labou- reur et lui serait une source de pures jouissances. Par le MAI. A7TT jardin on atleindrait l’intérieur de la ferme dont on ferait disparaître , avec le désordre et la malpropreté, la gêne, la misère et la maladie. L'instituteur peut donc, sans rien diminuer de son dé- voüment à l'instruction des enfants, acquérir un nouveau titre à la considération publique. Qu'il mette en pratique, dans le communal qu'il aura défriché de ses mains, quel- qu’une des leçons d'agriculture qu’il a reçues à l’école Normale et à la ferme de Malaval et il verra bientôt de quelles heureuses conséquences son exemple sera suivi, La Société, heureuse d'encourager dans cette voie d’hon- neur l’instituteur de Saint-Julien-Molhesabate, lui a conféré à l'unanimité le titre de membre correspondant. Vous voudrez bien lui en adresser le diplôme ci-inelus. J'ai l'honneur d'être, ete. M. l'Inspecteur se propose de faire usage de cette lettre pour engager, dans ses tournées, MM. les Insti- tuteurs à imiter l'exemple de leur collègue de Saint- Julien-Molhesabate. La Société confère encore, à l'unanimité, le titre de membre correspondant à un de ses lauréats, M. Edouard Beaufrère, qui en fait la demande « en » promettant, dit-il, de mettre tout son zèle à intro- » duire tous les nouveaux modes de culture dans nos » campagnes isolées, mais fertiles. » — M. Edouard Beaufrère, propriétaire au Mas de Lagrange de Sou- brey, commune de St-Pierre-Salettes, canton du Mo- nastier, nous donne plus que des promesses. — Il a TOME XXI. 91 478 RÉSUMÉ DES SÉANCES. planté 5,000 pieds d’épicéas ou mélèzes, venus de grai- nes. — [l plante annuellement 200 à 250 arbres de qualités différentes, tels que frènes, ormeaux, syco- mores, peupliers d'Italie, etc.; et, quoique confiné dans les hautes montagnes du canton du Monastier, il a créé un enclos qui donne des fruits de première qualité, tels que prunes de reine-claude, pommes- rainettes, calvilles, poires de Florence, mouille-bouche, cerises variées de toute beauté. — Il n’a pas négligé les fleurs, dont il a de belles collections : des vivaces, des annuelles, avec des bordures d’allées et des arbustes d'ornement. — Voilà, certes, des faits qui parlent hau- tement en faveur de l'initiative bienfaisante de notre Société ; aussi votre Secrétaire s'est-il empressé d’en- voyer à M. Beaufrère l'avis de sa nomination, en l'invitant à multiplier ses communications des expé- riences qui réussissent si bien et qui sont de si bon exemple. Culture du topinambour. — Dans le Bulletin agri- cole du Puy-de-Dôme, nous trouvons, dit M. le Prési- dent, des documents nouveaux et intéressants sur la culture du topinambour, par un de nos collègues, M. Doniol père. Get agronome distingué trouve de grands avantages dans la culture de cette espèce de tubercules. Un demi-hectare de terrain de 3e classe lui a donné un revenu net annuel, pendant 15 ans, de 375 fr. 25 cent. Le topinambour se cultive sur le mème emplacement, sans qu’on ait besoin de plantations ou de semences nouvelles; cär, quelque soin qu'on mette à l’arracher, il reste toujours dans la terre plus de MAI. 479 tubercules qu’il n’en faut pour là garnir, de sorte qu’on peut dire, suivant l'expression pittoresque de M. Do- niol, que cette plante a la propriété de se succéder à elle-même. Les moutons en font avec avidité leur nourriture ordinaire ; on doit s’en servir toujours à l’état cru. Il est vrai que cette nourriture les prédispose à l’apo- plexie, mais une saignée copieuse faite à l'oreille pré- vient tout accident. La race bovine consomme aussi le topinambour avec empressement; il ne produit pas les fâcheux effets qui résultent de l'alimentation par les pommes de terre non cuites. A l'exception du rapport sur la belle exposition d’horticulture qui a eu lieu à Paris, concurremment avec celle des beaux-arts, et qu'on peut lire dans le Journal de la Société inpériale et centrale d'horticul- twre, les autres publications ne renferment rien que la Société ne connaisse déjà et qui soit digne de lui être communiqué. Un prospectus sur une question ancienne et déjà bien débattue, celle d’une réserve de blé pour les jours de disette, fixe un moment l'attention de la Société. _— M. Balme veut bien se charger de le lire et de nous en donner son avis à la prochaine séance. M. Dumontat, dont nons avons entendu le rapport sur les expériences de M. Richond, relativement au soufrage de la vigne, déclare qu'après avoir obtenu de l'auteur du mémoire des explications satisfaisantes, il 480 RÉSUMÉ DES SÉANCES. va à son tour essayer les moyens indiqués dans le tra- vail de M. Richond. M. le Président annonce que l'allocation du Ministre de l'Agriculture a été portée de 2,000 à 2,500 francs. — Il espère qu’elle pourra s'élever encore et arriver au taux de 3,000 où elle à été à une époque anté- rieure. Pisciculture. — M. le Président annonce que M. le Préfet se propose d’inaugurer, le 12 de ce mois, l’éta- blissement de pisciculture au lac du Bouchet. Notre nouveau confrère, M. Limozin, sous-inspecteur des eaux et forêts, nous rendra compte de cette inaugura- tion qui est depuis si longtemps dans les vœux de la Société. M. de Causans à lu le traité qui lui avait été confié. Mais comme M. Millet ne s'occupe, dans cet ouvrage, que de pisciculture marine, il n’y a pas lieu à rapport. ECONOMIE PUBLIQUE. — Chemins de fer. — La Société apprend avec intérèt que les ingénieurs de la compa- gnie du chemin de fer de Saint-Etienne au Puy sont à nos portes, et qu'ils ont déjà planté leurs jalons de- puis Firminy jusqu’au Puy. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. — M. le Président donne lecture d’une Notice sur un ouvrage de M. Pou- lett Scrope. — Elle intéresse la Société, car elle donne les opinions de ce célèbre naturaliste anglais sur les questions que soulève l’étude de la constitution _ MAI. 481 géologique de notre département, que cet infatigable voyageur a visité dans tous les sens, M. le Président entretient la Société du dévoñment d’une autre personne à la science. Mme Arnaud, dont l’'ardeur pour la botanique paraissait s'être un peu ra- lentie, encouragée par une lettre de notre Président, M. Ch. de Lafayette, et par quelques exhortations de votre Secrétaire, a repris son œuvre avec la vivacité d'un jeune savant. Elle a exploré l'arrondissement de Brioude, suivant le cours de l'Allier depuis Langeac jusqu’à Brassac. Pendant le long séjour qu’elle a fait dans cet arrondissement, elle a enrichi son herbier d'un grand nombre d'espèces dont les flores du pays ne faisaient pas mention. Sur l'avis de plusieurs membres et notamment de MM. de Brive et Azéma, la Société décide qu'il sera adressé des félicitations à Mme Arnaud, pour les péni- bles recherches, les fatigues et les dépenses devant lesquelles, mue par un sentiment de tendre piété, elle n'a pas reculé dans le but de continuer l’œuvre de M. Marcelin Arnaud, son fils, qu'une mort prématu- rée a ravi à la science. * En outre, Mme Arnaud sera invitée à vouloir bien mettre en ordre tous les matériaux qu'elle possède, de manière à ce que nous puissions avoir dans un bref délai cette flore si désirée qui sera pour ses auteurs et pour la Société un titre d'honneur. SCIENCES MÉDICALES. — M. le Président , à l’occasion d'un Bulletin de la Société de médecine de Besancon , 482 RÉSUMÉ DES SÉANCES. qui traite de la fièvre typhoïde , se demande s'il ne se- rait pas utile que notre Société, qui compte parmi ses membres les médecins les plus distingués de la ville, portât son attention sur ce terrible fléau qui, à des époques rapprochées, vient répandre la désolation et la mort sur plusieurs points du département. On sait tous les ravages qu'elle a faits dans une ville d’un département voisin et qui est si près de nous. La com- mune de Erives en fut atteinte en 1856; en 1857 c'était le tour de la commune de Vals, qui n’est pour ainsi dire qu’un faubourg de notre ville. Dans ce dernier village elle a sévi d’une manière cruelle , s’attaquant surtout à la partie la plus vivace de la population, aux jeunes gens et aux adolescents. Devons-nous nous laisser trai- ter ainsi sans jeter le cri d'alarme, et nos concitoyens n'ont-ils pas le droit d'attendre de nous, des lumières de nos collègues les plus dévoués et les plus instruits quelques éclaircissements sur la marche de cette mala- die, sur ses symptômes précurseurs, sur les causes qui peuvent l’amener et sur les moyens préservatifs? Des faits bien constatés, bien observés mettraient peut- êtresur la voie de quelques heureuses découvertes. Ainsi le village de Vals est un de ceux qui, ordinairement, souffraient le plus des épidémies. Il n'avait pas d’eau potable. Réduit aux eaux du Dolézon, qui ne lui arri- vent qu'après avoir lavé les prairies périodiquement couvertes de fumiers, ce village ne devait pas trouver dans cette boisson, chargée d'éléments délétères, une réfection salutaire. Pendant mon administration, dit M. Aymard, mes premiers soins se sont tournés de ce côté, et malgré le chiffre élevé de la dépense, malgré MAI. 483 les résistances qui ordinairement s’attachent aux meilleurs projets, j'ai fait voter la création d’une fon- taine destinée à remplacer les eaux malsaines du Do- lézon;, par mon initiative, la commune a fait l'achat d’une de ces sources abondantes et limpides qui don- nent tant de fraicheur à la riante vallée de Vals et, au moyen d'un aqueduc de près d’un kilomètre et de tuyaux d’un diamètre assez fort, et aujourd’hui, grâce à l’activité du maire actuel, M. Arnaud, les eaux pures et salutaires d’une fontaine abreuvent le village de Vals. Depuis ce moment il ne paraît pas que de nou- veaux cas de fièvre typhoïde ou de petite vérole se soient déclarés. Quant à moi, dit M. le Président, je ne doute pas un instant, sans pouvoir le justifier en- tièrement par des raisons plausibles, que ce ne soit à l'insalubrité de ces eaux que ce village, d’ailleurs placé dans une bonne situation topographique, a dû l’appa- rition des épidémies qui l'ont décimé plusieurs fois. — — M. le Président croit donc de son devoir d'appeler l'attention de la Société sur ces faits. Il désirerait que l'examen en füt soumis aux lumières d’une commis- sion composée d'hommes spéciaux. M. le docteur C. de Lafayette ne croit pas à l’effica- cité de ce moyen. La fièvre appelée typhoïde , si c’est réellement l'épidémie qui a effrayé la population de Vals, est une des plus hautes et des plus incessantes préoccupations de la médecine ; l'attention de la science est toute grande éveillée sur cette terrible épidémie qui sévit à raison de circonstances si diverses, dépendantes les unes des localités, les autres des individus, d’autres de la température, de l'alimentation, etc. Il pense 484 RÉSUMÉ DES SÉANCES, donc qu'une commission et un rapport n'aboutiront pas, faute de grands moyens d'observation, etn’ajoute- raient rien à ce qu’on sait déjà sur ce sujet et à ce qui en a été dit au congrès de 1855, dans le remarquable travail de M. le docteur Mouret. Il suffit, dans la situa- tion où nous sommes , que les faits qui se produisent soient constatés avec soin et dans tous leurs détails par le médecin des épidémies, à qui revient la mission de ce genre de travail ; mission qui à été remplie avec beaucoup de-distinction par M. le docteur Porral , comme l’attestent des rapports consignés dans nos Annales. M. le docteur Martel partage les mêmes sentiments et M. du Garay, aujourd’hui médecin des épidémies, se charge de faire à la Société un rapport sur l'épidémie .de la fièvre typhoïde qui a sévi dans les localités envi- ronnantes. SCIENCES HISTORIQUES. — M. le Président annonce une nouvelle candidature, celle de M. Auguste Bernard, de la Loire, comme membre non résidant. Le mémoire pro- duit par le candidat concerne les voies romaines dans la partie du département de la Loire jusqu’à Ruessium ; la commission est composée de MM. Aymard, Sauzet, l'abbé Bernard. M. Aymard se charge du rapport. M. Bernard intéresse vivement l’assemblée avec le cartulaire de l’abbaye de Chamalières. BEAUX-aARrS. — Jiltérature. — Parmi les ouvrages reçus, M. le Président signale une /nstruction pastorale pour le mois de Marie, avec mandement pour l'œuvre = — — MAI, 485 de Notre-Dame de France, par Monseigneur de Morlhon, notre digne évêque. On ne saurait développer avec plus d’onction, avec plus d’éloquence et de poésie, mais en même temps avec plus de justesse et de rigoureuse orthodoxie, toutes les idées que fait naître cette gracieuse dévotion à Marie qui depuis quelques années se propage toujours plus largement dans le monde catholique. Elle est accom- *pagnée du troisième prospectus pour l'érection de la statue de Corneille ; cet opuscule, sorti de la plume d'un de nos confrères, M. Alirol, est plein de faits inté- ressants et rédigé avec esprit et talent. La parole est ensuite donnée à M. Bernard François, chargé du rapport sur la candidature de M. Bompard. Ce travail obtient l’assentiment général; il est vif, net, spirituel et conclut à l’ajournement de l'admission du candidat. L'assemblée en adopte les conclusions et, par exception, décide son insertion dans le procès- verbal. MESSIEURS , M. Bompard a présenté, pour être admis dans vos rangs à titre de membre non résidant, une ode sur le château de Bouzols. Yai l'honneur de vous communiquer le résultat de lexa- men auquel s’est livrée la commission chargée d'apprécier cet ouvrage. 486 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Le titre de la pièce donnait lieu d’espérer que le poète, s'inspirant des événements remarquables dont Bouzols à été le théâtre, les ferait passer sous les yeux du lecteur. Hélas! Messieurs, il n’en est rien: soit que l’auteur n'ait pas con- sulté les annales du Velay, notamment les ouvrages si re- cherchés de MM. Arnaud et Mandet, nos historiens chéris ; soit qu’il ait ignoré lui-même les fastes du château de Bou- zols, toujours est-il qu'on n’en retrouve pas la moindre trace dans ses strophes. Pourquoi passer complètement sous silence le long siége soutenu, en 1399, par Raymond-Louis de Beaufort, vicomte de Turenne, baron de Bouzols; — la prise du château en 1420 par les Bourguignons, auxquels il est repris en 1421 ; — le nouveau siége qu'il soutient victorieusement en 1590 contre les Royalistes; — sa soumission au due de Nemours, l'un des principaux chefs de la Ligue, en 159; — la surprise qu'il éprouve en 1610 de la part des habitants du Puy? Pourquoi taire également ses illustres possesseurs : les Polignac, les Turenne, les Beaufort, les d’Armagnac, les Montaigu, dont les noms retentissent si souvent dans notre histoire ? Aussi, Messieurs, quoique cette ode ne manque pas d'un certain mouvement lyrique, il est évident qu'en l'absence de faits historiques, ou même de chronique légendaire, elle a le grave défaut de n’exprimer que des lieux communs ; de sorte qu'il suffirait de substituer au nom de Bouzols celui de tout autre manoir en ruine, pour que l’ode s’adap- tât parfaitement à cette nouvelle destination. De là, absence d'intérêt et d'inspiration, malgré la valeur d’un certain nombre de vers parmi lesquels nous citerons les suivants: MAI, 487 Les verts festons du licrre et l’humble giroflée S'attachent aux créneaux du donjon chancelant, Et le gazon fleurit dans la cour désolée Où ton maître jadis revenait triomphant.… IL est à regretter que beaucoup d’autres passages soient moins corrects et moins bien sentis. Permettez-moi, Messieurs, d'arrêter un instant votre attention sur quelques imperfections que, parmi plusieurs autres, j'ai relevées pour ainsi dire à la hâte: Est-ce là que jadis, déployant leur puissance, Grondaient en menaçant les foudres des Césars ? Quels Césars? La tradition de Bouzols ne remonte point aux Empereurs romains. Le synonyme ne parait done pas heureusement choisi pour désigner des barons du moyen-àge. Dans tes murs accouraient les bataillons épars. Le mot épars qu'affectionne l’auteur jusqu’à le repro- duire deux à trois fois dans la pièce, semble placé là pour la rime et représente une idée qui jure avec le vers sui- vant : Ils se pressaient nombreux sous ta noble bannière, OCTO MONTE Sen senbetobecedecceete Et le clairon bruyant disait à tous: malheur! Malheur à tous! dit le poète. Les vainqueurs et les vain- eus semblent ainsi confondus dans un désastre commun. Et en parlant de débris : Le patre indifférent les foule avec mépris. 488 RÉSUMÉ DES SÉANCES, L'indifférence et le mépris se contredisent d’une manière choquante: un pâtre ignorant peut fouler sans émotion de nobles ruines; mais il ne saurait mépriser ce qu’il ne com- prend pas. Queiquefois cependant la joyeuse jeunesse L'adjectif joyeuse convient certainement au substanti jeunesse-; mais en poésie, leur réunion est peu séduisante pour l'oreille. Enfin le dernier vers de la pièce : Le monde passera comme un fleuve tari... Un fleuve tari a passé ; mais il ne passera plus, du moins tant qu’il restera dans son état de desséchement. L'auteur a donc rendu son idée d’une manière inexacte. Pour résumer, il a paru à votre commission qu’une œuvre aussi courte réclamait une inspiration plus originale et plus de perfection dans la forme, et que ces défauts n'étaient pas suffisamment rachetés par le style et le mou- vement de quelques strophes. Ce n’est pas la première fois que M. Bompard frappe à votre porte. Quelques pièces de vers qu’il avait produites déja, dans une autre circonstance, pour solliciter vos suf- frages, furent déclarées insuffisantes. Je dois ajouter que l’ode sur Bouzols était comprise dans ce premier envoi et qu'il ne paraît pas que l’auteur y ait introduit, depuis lors, des modifications notables. En présence de l’imperfection de cet ouvrage, votre commission a pensé que M. Bompard devait être invité à y * MAI. 489 présenter un titre d'admission plus réel et plus important. Elle vous propose en conséquence d’ajourner sa candida- ture. Gravure. — M. le Président communique une lettre de M. le docteur Peghoux, par laquelle ce savant con- frère sollicite l'intervention de la Société pour obtenir des gravures sur bois de M. Camille Robert. On sait, dit M. le Président, avec quel talent M. Camille Robert a su orner quelques pages du compte-rendu du Con- grès scientifique de France. — Sa présence au Puy est une très-heureuse circonstance. — Tous les jours, il nous arrive d’avoir besoin de son burin consciencieux et savant pour la reproduction des monuments qui, de tous côtés, semblent comme sortir de dessous terre. — Il serait à désirer que, par des commandes, la So- ciété eût le bon esprit de retenir parmi nous cet artiste si plein de zèle et de talent. Architecture. — M. de Brive demande ce que devient le projet de restauration du Musée. Il serait à désirer que M. Pradier voulüt bien s'occuper sérieusement du plan et du devis de la restauration de notre Musée. Il sait pertinemment que l'érection de la statue colossale de Corneille ne peut avoir lieu à l'époque fixée. Au- cune raison ne doit donc s'opposer à ce qu’on mette la main à l’œuvre le plus tôt possible. Une économie bien entendue exige qu’on n’attende pas le moment où les travaux du chemin de fer rendront la main-d'œuvre fort chère. 490 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Ce provisoire, en se prolongeant, nous fait le plus grand mal. Les plafonds de la grande salle se détério- rent tous les jours; les collections ne sont pas à leur . place; il est grand temps qu'on avise. M. Souteyran partage les mêmes sentiments et assure, en très-bons termes, la Société du bon vouloir de l'administration municipale, à qui ne peut pas être imputée la faute d’une si déplorable situation. La So- ciété, pénétrée des excellentes dispositions de la Mairie pour ses intérêts, charge M. le Président d'agir active- ment auprès de M. Pradier, pour en obtenir l’ouver- ture des travaux de restauration du Musée. PERSONNEL DE LA SOCIÉTÉ. — Après la lecture du rapport de M. Plantade, sur la candidature et sur le mémoire présenté par M. Limozin, ayant pour sujet : Reboise- ment du pays, rapport dont la lecture a été faite par le Secrétaire, en l'absence du rapporteur, M. le Sous- Inspecteur des eaux et forèts a été élu membre rési- dant, à l'unanimité. — Voici ce rapport. MESSIEURS, Dans le travail présenté par M. Limozin, comme titre d'admission, en qualité de membre résidant, l’auteur jette d’abord un coup-d’æil rapide sur l’état actuel de notre département, et tout en laissant pressentir un avenir plus prospère à certains points de vue, il constate que pour le présent la principale richesse du pays se trouve dans les produits du sous-sol : ce qui l'amène à dire que cette MAI. 491 richesse est ici, plus qu'ailleurs peut-être, susceptible d'extension. Puis il ajoute : « Des personnes plus compétentes vous entretiendront » d'améliorations culturales. Je me propose de vous sou- » mettre quelques observations sur la Haute-Loire, au » point de vue des bois. Je sais quel intérêt vous prenez à » la conservation de cette partie de la richesse publique: » En vous parlant des bois, je suis sûr d’éveiller, au » moins par le choix du sujet, l'attention de votre hono- » rable compagnie. » Vous le voyez, Messieurs , c’est dans la spécialité de ses fonctions que le candidat a pris le sujet de son mé- moire. Ce choix, de bon goût, concorde bien avec les ter- mes modestes de son entrée en matière. L'auteur du mémoire passe rapidement sur l’utilité des bois en général, sur leur rareté progressive et sur leur innocuité en raison des terrains improductifs qu’ordinaire- ment ils occupent. Il traite de l'influence des forêts sur les climats et sur les accidents météorologiques , ainsi que de l'obstacle qu’elles opposent aux inondations. Après avoir démontré, par l'étude des lieux et la tradi- tion, que le département de la Haute-Loire, loin de présenter, comme aujourd'hui, de vastes étendues de ter- rain complètement dénudées, était, il y a un siècle, couvert de forêts, il se demande d’où peut provenir ce changement, et il pense que la double cause de ce déboi- sement général n’est pas moins dans le morcellement de la propriété survenu vers la fin du siècle dernier que dans l'abus du parcours. Il ne restait plus qu'à indiquer les moyens de remédier à ce fâcheux état de choses, et c’est par là que M. Limozin 492 RÉSUMÉ DES SÉANCES. termine son mémoire, dont je vais vous lire la con- clusion : « Je vous ai signalé, Messieurs, l’utilité des bois en général, et dans la Haute-Loire en particulier. Je vous ai signalé l’appauvrissement et la diminution du sol fores- tier dans ce département. J'ai essayé de vous faire connaî- tre les causes de cette décadence et les difficultés locales du reboisement. « Il me resterait maintenant à indiquer les mesures à prendre, tant pour assurer la conservation des bois en- core existants, que pour réparer les ruines déjà faites; mais parmi ces mesures, les unes devraient avoir pour objet la propriété privée; il ne m’appartient pas de m’en occuper. Je ferai seulement remarquer en passant qu’il ne suffit pas, pour faire du reboisement, d'offrir des pri- mes et d'accorder des dégrèvements d'impôts, et que la prohibition de défricher ne garantit pas la longue existence des bois de nos montagnes, s’il est permis aux propriétaires de les livrer aux troupeaux dans toutes conditions. » Le gouvernement réparateur et éclairé de l'Empereur a sans doute examiné ces questions sous toutes leurs faces : si des mesures sont prises dans l'intérêt des bois, on doit croire qu'elles seront efficaces. » En ce qui touche les biens communaux, l’Administra- tion forestière , sans sortir des limites de la législation ‘actuelle, pourrait poursuivre et obtenir le reboisement des terrains pour lesquels cette transformation est recon- nue nécessaire; mais, comme je l'ai fait voir, sa tâche est difficile. » Il serait d’abord indispensable de mettre un peu d'ordre dans les habitudes du parcours et de vaine pâture. ee MAI. 195 L'élève des bêtes à laine est sans doute une des principales richesses de ce pays, et l’on ne doit pas songer à sup- primer cette branche de l’industrie agricole, Mais s’il faut conserver le mouton, on doit en proscrire l'abus. Le pacage devrait faire, dans chaque commune, l’objet d’une réglémentation. Il faudrait notamment proportionner le nombre de moutons au nombre d'hectares de pâtures, et il ne devrait pas être loisible à chaque propriétaire aisé de nourrir, aux dépens du sol communal, autant de bêtes qu'il peut en acheter. Il faudrait aussi que le lieu du parcours fût fixé, suivant les temps, par le maire ; avec un parcours réglé et aménagé, les agri- culteurs tireraient un bien meilleur parti de leurs her- bages. Quant’ aux chèvres, elles devraient être l’objet des règlements les plus sévères. Ces animaux devraient être tenus en laisse ou attachés sur le lieu de leur pacage ; il devrait même être permis de les tuer dans l’intérieur des bois. ? » Il faut reconnaître, au surplus, que le reboise- ment et la conservation des terrains communaux sont en voie de progrès. L'Administration forestière a , par sa sur- veillance et avec votre utile concours, converti en bois des surfaces considérables; elle pourra, avec les mêmes moyens , continuer ces améliorations. Mais si elle a beaucoup fait, il lui reste encore plus à faire. Près de dix mille hectares de friches communales sont encore à soumettre au régime forestier, et parmi les terrains qu’elle surveille, une grande partie est à reboiser, Elle fera tout cela sans doute, mais il lui faudrait, pour aller vite en cette besogne, indépendamment d'un personnel plus nombreux dans ce département, le concours aclif des TOME XXI. 52 494 RÉSUMÉ DES SÉANCES. autorités locales et l'appui de l'opinion, c’est-à-dire l'adhésion des hommes éclairés du pays. » Jusqu'à présent, Messieurs, vous vous êles associés aux efforts de mon administration; vous l’avez aidée très- efficacement des ressources de votre Société; par vos travaux et avec la haute influence que vous exercez à si juste titre sur l'opinion, vous avez soutenu son œuvre contre l'indifférence et les préjugés. » L'Administration forestière ne peut que vous être reconnaissante de tout ce que vous avez fait; si vous lui continuez votre appui, sa tâche, dans ce département, sera bien simplifiée, » En vous faisant cette citation textuelle, j'ai voulu, Messieurs , vous faire juger par vous-même du mérite de ce mémoire, qui m'avait paru également recommandable par la clarté et la correction du style, et par la logique des idées. Je regrette que vos usages ne m'’aient pas permis de vous lire, au lieu d’une analyse de ma façon, l’entier travail de M. Limozin : le candidat n'aurait fait qu’y gagner et la Société ne pouvait pas y perdre. Quoi qu'il en soit, vous accueillerez avec empressement la demande qui vous est adressée, tant pour la valeur du récipien- daire, dont le mémoire nous est un échantillon précieux , qu’en considération des fonctions qu'il remplit. En lui ouvrant vos portes, Messieurs, vous aurez fait un pas de plus dans la voie tracée par votre devise : Nititur ad utilia. A six heures et demie, la séance est levée. Le Secrétaire , BÉLIBEN. ns — | SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 3 JUIN. SOMMAIRE. Lettre adressée de Paris à M. le Secrétaire par M. le Président. — Dons au Musée : Larmiers d’une’trise antique en pierre de Blavozy, trouvés à l'Hôp- tal-géncral. — Base de colonne, produit d’une 'ouille faite à Espaly. — AGRICULTURE : Discussion sur le morcellement de la propriété, au sujet d'un article de M. Léonce de Lavergne ; MM. c'e Fontpertuis, Calemard de Lafayette père, Bertrand de Doue, de Brive, le Président. — Charrue Bella, dite Biscocua. — Semoir en lignes de M. Alphonse Calbiac. — Trufière artificiclle de M. Rous- seau, de Carpentras. — Méthode de culture de M. Aroux ; rapport de M. Ber- trand de Doue.— Enquête sur les suites de lagelée des 9, 40 et 41 mai, — Résultat des semis envoyés par la Société d’acclimatation de Paris. — Arbori- culture : Le saule à feuilles de laurier; M. du Villard. — Pisciculture : Em- poissonnement da lac du Bouchet ; tradition sur ce lac ; M. Limozin. — Sondage du lac; M. Bertrand de Doue. — Eco\omtE PUBLIQUE : Réponse négative au sujet de l’exemption du service militaire pour les éleves des fermes-écols. — SCIENCES : Mathématiques : M. le prince Alphonse de Polignac — Sciences naturelles : Insectes q i ravagcnt les prairies de Saint-Julien-Molhesabate ; M. Ambert. — Sciences médicales : Rapport de M. le docteur du Garay sur une épidémie de Vals. Présidence de M. Aymard, vice-président. La séance est ouverte à trois heures. La parole est au Secrétaire de la Société, qui donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. — Ce compte-rendu est adopté sans réclamation. 496 RÉSUMÉ DES SÉANCES. M. le Président fait donner lecture d’une lettre de M. Ch. Calemard de Lafayette, adressée de Paris à M. le Secrétaire. Ce souvenir de notre si dévoué Président, que des affaires importantes et personnelles retiennent loin de nous, est un témoignage de l'intérêt qu'il porte à la Société, dont la pensée ne le quitte pas au milieu de graves occupations. La Société accueille cette communication avec plaisir. MONSIEUR LE SECRÉTAIRE, Je suis bien en retard vis-à-vis de vous, mon cher col- lègue, et j'aurais dû depuis longtemps vous remercier de votre bon souvenir. Mais j'ai été et suis encore tellement incertain de mes faits et gestes, voyageant à droite et à gauche, au nord et au centre, et croyant, de plus, que d’un jour à l’autre il me serait possible de préciser l’époque de mon retour; enfin je me suis si mal et si peu appartenu depuis trois mois, que je suis peut-être excusable de n’a- voir rien fait de ce que j'aurais voulu et dû faire. Les mêmes incertitudes qui ne me laissaient pas dès la veille la libre disposition du lendemain m'ont fait ajourner également une bonne partie des démarches que je compte faire, avant mon départ, pour le bien de la Société. Un moment accidentel de répit, durant la tenue du Con- grès des Sociétés savantes, m'a permis, néanmoins, de donner aux séances une sorte d'assiduité relative, et j'en ai profité pour chercher à y représenter de mon mieux notre JUIN. 497 Association, en tâchant de la maintenir, par la manifestation de ses œuvres et de ses efforts, au rang tout-à-fail excep- tionnel qu’on veut bien lui accorder. Cette année , comme toujours, la marche, les tendances les voies et moyens de notre petite académie ont re- cueilli une fois de plus les témoignages d’une vive adhé- sion. Notre organisation générale et nos vues, la part faite parmi nous dans des proportions diverses, conformes à toutes les aptitudes et à tous les besoins, la part faite, dis-je, à toutes les spécialités ; cette heureuse universalité d’études qui permet de ne pas laisser passer sans examen compétent une seule des questions importantes de l’actua- lité scientifique, semblent toujours à ceux qui comparent notre œuvre à celle des autres associations du même genre, mériter d’être donnés en exemple dans des villes même d’une tout autre valeur. C’est certainement à cette justice flatteuse qui nous est rendue, que je dois attribuer, comme le faisait l’année dernière M. de Brive, la part qui est toujours accordée au représentant de notre Société dans les distinctions hono- rifiques dont dispose le Congrès. Puisque c’est bien certainement la Société qu’on honore et qu'on veut honorer dans son Président , je n'ai pas le droit de taire qu’en m’appelant à présider une séance gé- nérale, dans une session où j'ai vu tour-à-tour se succé- der au fauteuil MM. de Montalembert, Boulatigner, Drouyn de lHuis, etc., le Congrès a fait dans ma personne, à la Société du Puy, un accueil qui nous oblige gran- dement. Je n’ai pas besoin de vous dire que ce que j’ai dû commu- niquer, au sujet de la création de notre commission des 498 RÉSUMÉ DES SÉANCES. recherches historiques, a trouvé dans le Congrès l’assen- timent le plus absolu. Au moment où M. le Ministre de l'instruction publique se préoccupe beaucoup du Concours que les Sociétés savantes dela province peuvent donner aux études générales, le Con- grès a cru devoir faire auprès du Ministre, de l'exemple que nous donnons , l’objet d’une recommandation toute particulière. Enfin le délégué du ministère auprès du Congrès, — que j'ai eu l’occasion de revoir depuis, m'a assuré com- bien nous pouvions compter sur une sympathie effective pour nos œuvres, dès que l’organisation du nouveau comité historique aura nettement établi les rapports ultérieurs entre les Sociétés savantes et le ministère. Je n’ai pas dû négliger non plus de mentionner les fouilles accomplies sous les auspices de la Société, en rendant au zèle de notre collègue M. Aymard la justice qui lui est due; je crois avoir ainsi préparé les voies pour les demandes que je compte faire plus directement avant mon départ. Ces demandes me semblent pouvoir porter et sur quelques suppléments d'allocations que nous avons lieu d'espérer, et sur les ouvrages que nous aurions intérêt à posséder. Sous ce dernier rapport, je serais bien aise d’avoir votre avis sur les ouvrages sérieux et de quelque importance qui vous paraitraient particulièrement utiles aux études histo- riques dont nous aimons, vous et moi, à espérer de si bons résultats. Vous voudrez bien aussi provoquer nos autres collègues de la commission à vous communiquer à cet égard leurs propres inspirations. — En un mot, je vous serai bien Se ——— JUIN. 499 obligé de me faire, à l’aide du concours de ceux de nos collègues que vous croirez bon de consulter, une note des additions à notre bibliothèque qui sembleraient le plus immédiatement désirables. Dans le même ordre d'idées, et pour ce qui concerne- rail encore notre histoire locale , j'ai pu donner quelques heures à la bibliothèque ; mais j'avoue qu’à mon grand re- gret j'ai été trop souvent empêché de faire à cet égard ce que j'aurais désiré. Auriez-vous, en outre des indications générales que vous me transmettrez, quelques mentions plus précises à me fournir ? et puis-je vous être bon à vérifier spécialement quelque chose? disposez de moi dès lors en toute liberté ! Au point de vue agricole, mon absence et surtout quel- ques pérégrinations extérieures n'auront pas élé, j'espère, tout-à-fait inutiles pour mon instruction personnelle, A Paris même j'ai examiné avec soin les instruments in- connus dans nos cultures et dont l'introduction pourrait y rendre de bons services ; j'ai, sous ce rapport, quelques idées que je communiquerai à mon retour, en subordon- nant naturellement toute chose à la loi supérieure des possibilités financières. Enfin j'ai fait des démarches pour arriver à la réalisation du vœu souvent émis par nous, pour la formation d’une catégorie spéciale de la race du Mezenc dans les concours. Si nous n'avons pas sous ce rapport pleine satisfaction, du moins il paraît assuré qu'on cessera d’assimiler, à son grand dommage, la race mezine avec une race écrasante par ses apparences, la race d’Aubrae. Les Mezene ne se- raient plus désormais mis en concours qu'avec une race de montagne beaucoup moins redoutable et qui d’ailleurs 500 RÉSUMÉ DES SÉANCES. ne sera que très-peu représentée, si elle doit l'être, non- seulement au concours de 1860 au Puy, mais même dans les autres chefs-lieux de la circonscription qui, par leur proximité, nous paraîtraient accessibles à nos produits. Je me préoccupe comme vous de ce qu’il y a-de regret- table dans les retards apportés à nos publications. Il est clair que les travaux perdent toute actualité, partant tout intérêt, dans ces ajournements. Mais la question financière rend très-délicates les modifications qu’on pourrait être tenté de faire dans le régime actuel. Au moins faudrait-il attraper le courant à tout prix. Adieu, mon cher collègue, et laissez-moi vous répéter, en finissant, de disposer de moi sans nulle façon. — Si je n'avais pas été trois fois déçu dans les espérances que je formais d'un mois à l’autre, je vous dirais que j'espère bien être de retour au commencement du mois prochain. — Jusqu'à présent c'est là mon plan comme mon vif désir ; mais ne serai-je pas entravé? — J'espère encore que non, sans en être sûr. En tout état de cause, n’ayant plus devant moi qu'un temps désormais limité, et forcé par d’autres occupations de répartir la besogne facultative que je m’imposerais sur une période déterminée, je désirerais, si je dois avoir à faire quelques démarches pour ce qui semblerait utile dans l'intérêt de la Société, en recevoir le plus tôt possible la communication. Jusqu'à présent la présence des députés encombrait les ministères; les personnes que j'aurais pu mettre en mouvement objectaient cette difficulté. Désormais le terrain est un peu plus libre. La question de nos chemins de fer est évidemment et doit être toujours pour nous la grande préoccupation. Je m’efforcerai de SE — JUIN. 04 grouper et de stimuler ici les influences qui sont solidaires de nos intérêts. Mais malheureusement les circonstances semblent peu propices; la place est toujours dans une situation assez fâcheuse pour que les nouvelles opérations financières effraient beaucoup les compagnies. L’'inertie est done à l’ordre du jour pour les grands travaux, excepté en ce qui touche Paris, qui continue à faire peau neuve de toute part, et cela à l’aide d’une vaste improvisation générale. — Quand viendra donc le tour du Puy? En ce qui nous concerne du moins faisons toujours tout notre effort pour ne pas laisser notre petite patrie tout-à- fait oubliée. On ne se rend peut-être pas assez compte de la valeur des moindres travaux intellectuels, pour mettre un pauvre pays en évidence. — Dans notre petite sphère, souvenons-nous-en le plus souvent possible ; et en atten- dant, mon cher collègue, croyez combien j'apprécie, dans la communauté de ces idées, votre dévoué concours et votre zèle intelligent, croyez de même à ma bien affec- tueuse confraternité. CH. CALEMARD DE LAFAYETTE. Dons AU MUSÉE. — Acquisitions. — M. le Président à la satisfaction de signaler une acquisition nouvelle et très-importante dont vient de s'enrichir notre musée lapidaire. Par ses soins, quatre blocs énormes de pierre, d'origine très-ancienne, ont été extraits d'un mur de soutènement situé dans le jardin de l'Hôpital-général. Pour cette œuvre, M. Avmard a trouvé dans MM. les administrateurs et dans M. l'économe des hospices, 502 RÉSUMÉ DES SÉANCES, M. Gerbier, un concours empressé, plein de courtoisie et de bon goût, qui montre l'estime que les hommes dis- tingués de ce pays ont pour les travaux de la Société. Ces belles pierres, du même modèle que celles qui or- nent la coupole du clocher angélique de la cathédrale, nous donnent, dans un assez grand développement, une des parties essentielles d’une corniche, le larmier, qui, d'après M. Aymard, couronnait cette frise dont la res- titution, conduite avec tant de soins et d'intelligence, sera une des plus remarquables découvertes de l'ar- chéologie. Avec quel art, quelle harmonie dans les pro- portions, quelle entente de la perspective sont taillées, creusées, sculptées, ces pierres que la carrière avait données si grossières ! Il nous est maintenant permis de dire, ajoute M. Ay- mard, que les pierres parlent et disent avec une élo- quence irrésistible toute la grandeur des origines de la cité podienne. Cette communication intéresse l'Assemblée qui, par l'organe de son Président, adresse des remerciments à MM. les administrateurs et à M. l’économe des hospices. M. Aymard annonce encore qu’il a fait l'acquisition, au village d'Espaly, d’un fragment antique qui l’a mis sur la voie de bien d’autres découvertes. Ce morceau est une base de colonne avec partie de fût à feuilles imbri- quées ; par la forme allongée des saillies, on peut sup- poser qu'elle faisait partie d’un édifice situé sur une éminence, à mi-hauteur du rocher d'Espaly. Des fers de hache d'origine ancienne, trouvés dans des rochers, sont déposés sur le bureau. JUIN. 205 AGRICULTURE. — Dans les publications reçues par la Société, M. le Président signale un article de M. Léonce de Lavergne, inséré dans le Journal d'agriculture pra- hque, T. 1, 20 mai 1858, sous ce titre: Des excès du morcellement parcellaire et des moyens d'y remédier, M. de Lavergne semble y partager l'opinion de M. Pa- riset, agronome de Lunéville, qui prétend que les pro- grès de l’agriculture sont arrêtés par le système de morcellement qui tend de plus en plus à envahir les campagnes fertiles. La plupart des cultivateurs exploi- tent des domaines composés de petites parcelles, dissé- minées quelquefois à de grandes distances; le plus souvent enclavées. Comment leur est-il possible de multiplier les cultures fourragères, les racines, sans lesquelles il n’y a pas de bonne agriculture possible ? Comment leur est-il permis d’avoir des assolements bien réglés sur des terres enchevètrées d’où ils ne peuvent sortir sans fouler les récoltes? de telle sorte que, l’état du sol leur traçant la seule ornière où il leur soit permis de marcher, ils en reviennent aux plantes épuisantes, et le résultat, suivant l'expression de M. Pariset, est qu'ils s’'endettent, tout en s’exté- nuant et en se tuant le corps et l'âme. Comme remède à cette situation, trois mesures sont recommandées par M. Léonce de Lavergne : La première serait l’application de la loi de 1836, sur les chemins vicinaux, à l'ouverture de nouveaux chemins ruraux ou d'exploitation. La deuxième consiste à favoriser les échanges, en re- venant au principe de la loi du 16 juin 1824, qui ne soumetlait les échanges d'immeubles qu'à un droit fixe 504 RÉSUMÉ DES SÉANCES de un franc, lorsque l’un des immeubles échangés ve- nait se réunir à une propriété contiguë. L'application de cette loi, malgré des abus facilement remédiables, n'avait entraîné, pendant dix ans qu’elle est restée en vigueur, qu'une perte annuelle de 400,000 fr. pour le Trésor. M. de Lavergne cite un exemple qui mérite d’être rapporté de ce système d'échanges qu'il voudrait voir se généraliser. C’est celui qu'a donné le Président de la Société impériale et centrale d'agriculture. L’hono- rable M. Darblay, lui-même, dans son domaine de Noyen (Seine-et-Marne), a su amener trente-trois de ses voisins à lui céder 98 parcelles faisant ensemble 14 hectares, 92 ares, 55 centiares, contre 14 hectares, 27 ares, 58 centiares, divisés en 74 parcelles, et cela sans aucune soulte en argent. M. de Lavergne voudrait encore que, dans certaines circonstances, dans le cas d’enclave, par exemple, l'échange fût rendu obligatoire, au moyen d'un nou- veau genre d'expropriation forcée. Il se prononce pour le système des réunions territoriales, formées de propriétés trop morcelées et dont l'expérience, faite sur une grande échelle, a réussi en Prusse. Mais ce n’est pas sans faire des réserves qu'il préconise ce moyen de remédier aux désastreux effets du mor- cellement. Il est encore bien plus réservé sur la dernière des trois mesures qu'il propose et qui consisterait dans la suppression de l’art. 826 du code civil, ainsi conçu : « Chacun des co-héritiers peut demander sa » part en nature des meubles et immeubles de la — -—— JUIN. 505 » succession, etc. » Cette suppression permettrait aux tribunaux d'appliquer plus souvent le principe con- tenu dans l’art. 832 et qui dit: « Dans la formation » et composition des lots, on doit éviter, autant que » possible, de morceler les héritages et de diviser les » exploitations. » L'opinion de M. Léonce de Lavergne, en matière d'économie sociale, est certainement d’un grand poids mais elle s'applique à des questions si graves que PAssemblée s’en est émue. Plusieurs membres prennent la parole en faveur du morcellement de la propriété. Is n’admettent pas qu'on touche, sans une extrême nécessité, aux principes de notre code civil, à des lois qui sont chères au pays et sur lesquelles repose entièrement l’ordre social mo- derne. Alors la question est abordée sur divers points de vue, sous le point de vue économique et agricole et sous celui de la politique et de la morale. Les uns se prononcent pour le statu quo . il n'y à rien à modifier à la législation actuelle disent-ils, le morcellement a suivi son cours; le voilà au moment de s'arrêter. Il suffirait que le fisc adoucit encore ses rigueurs dans les transactions qui ont pour effet les échanges. Déjà a commencé le travail de la recompo- sition. Les nécessités de la culture, l'apport de la femme, les produits de l’épargne et du travail viennent tous les jours accroître le noyau héréditaire. Ajoutez à cela les heureux changements qui s’opèrent dans les mœurs et qui font que le goût public se prononce tous les jours davantage pour les exploitations agricoles. Cette ten- dance est devenue une des plus vives préoccupations 506 RÉSUMÉ DES SÉANCES. du Gouvernement et l’objet, de sa part, d'encourage- ments nombreux et bien entendus. Et si les capitaux savaient prendre la route si saine et si féconde de l'agriculture, nous ne tarderions pas à voir, non pas une reconstitution de ces grandes propriétés, qui ont été pour l'empire romain la première cause de dissolu- tion et chez nous, au moyen-âge, un sujet de misère et de malheur, mais un développement suffisant de la propriété moyenne permettant, dans une juste mesure, l'emploi des méthodes économiques ; et cela sans que la loi portât la moindre atteinte à quelqu'une de nos conquêtes de l'esprit moderne : l'égalité des droits et la liberté des transactions. Les arguments directs ne manquent pas en faveur du morcellement. Le nombre des propriétaires est donné comme une garantie de l’ordre social. Un de nos collègues n’a-t-il pas montré avec un grand ta- lent, dans un beau livre qui a été son titre d’ad- mission dans la Société académique, qu'en France l'histoire des classes rurales n’était autre que celle de leurs progrès dans l'égalité civile et la propriété, et que le caractère essentiel de la civilisation mo- derne et de la moralité était dans la poursuite de la possession individuelle du sol, comme manifestation et sûreté du droit; faisant ainsi ressortir la correspon- dance intime qui, en France, existe depuis longtemps entre ces deux choses, la propriété foncière et l'égalité juridique. Il ne faut donc pas regretter ce morcellement foncier immense qui a donné à la France plus de vingt millions de propriétaires et dont le mouvement, déjà commencé JUIN. 507 bien avant 89, a décidé la révolution française et irré- vocablement fondé l’ordre nouveau. 0 Et mème sous le point de vue économique, on ne peut méconnaître les services que la division des pro- priétés a rendus à la production agricole. IIs sont vi- sibles et frappants dans ces nombreuses parcelles que le bras robuste de nos paysans a, pour ainsi dire, créées. On sait qu'en France tous les vœux du vilain et du vassal se tournaient vers ce sol inculte de la sei- gneurie. Heureux, lorsqu'il avait pu obtenir un lam- beau de cette friche aride, dénudée ; il l’arrosera de ses sueurs, en arrachera les ronces et les rocs, et à force de travail et de sobriété il en fera une véritable terre. Quel droit de propriété mieux établi que celui de l'avoir faite soi-même? etc. Tels sont les arguments, rendus, il est vrai, d’une manière générale, par lesquels plusieurs membres, entr'autres M. de Fontpertuis, soutiennent la division des terres, pourvu, ajoute M. de Fontpertuis, que cette division n’aille pas jusqu'à l’'émiettement. En faveur de cette opinion, M. Calemard de Lafayette père, appuyé par M. Bertrand de Doue, fait valoir un moyen qui a bien sa force. On se plaint, dit-il, de l’é- migration des habitants des campagnes; elle serait bien plus grande si le titre de propriétaire n’attachait au sol la plupart de nos paysans. Nos ouvriers agricoles, les meilleurs, offrant le plus de garanties, sont géné- ralement ceux qui possèdent quelques parcelles de terrain. D'un autre côté, qu’on ne dise pas que le mor- cellement est une cause d’appauvrissement, car on lui doit le haut prix, le prix excessif auquel se sont 508 RÉSUMÉ DES SÉANCES. élevées les terres en quelques années. — Et, il est fort douteux, ajoute M. de Lafayette, que la grande pro- priété donne, proportionnellement à son étendue, tout ce que rend cette quantité indéfinie de parcelles, tra- vaillées individuellement, et qui fournissent à la sub- sistance de tant de familles. Il est vrai que de ce côté, il faut des avances considérables, des dépenses incal- culables d'argent et de forces; mais qu'importe, si en fin de compte la balance est faite entre les frais et les produits; les règles d’une bonne administration ne se trouvent-elles pas remplies? Et puis, dans certains pays, n’existe-t-il pas des cultures, celle du tabac, par exemple, etc., qui exigent tous les soins d’une exploi- tation parcellaire ? Si-à ces raisons économiques, en faveur du mor- cellement, on ajoute toutes celles que peuvent fournir la politique et la morale ; si l’on considère que ce qui donne à notre patrie le premier rang dans le monde, ce qui en fait la force, est cette immense armée de propriétaires-soldats tout prêts à se lever pour la dé- fense de ce territoire dont chacun possède une partie ; si l’on considère que de cette terre tant divisée nais- sent, comme une abondante moisson, toutes les vertus qui honorent la famille du paysan français, la cause du morcellement aura fait un nouveau pas. Mais nous avons à entendre l'expression d’une opi- nion très-autorisée parmi nous, et qui ne nous fera pas défaut dans cette circonstance importante. M. de Brive voit surtout le côté pratique de la question; il est d'avis qu’il serait urgent de mettre un terme à cette excessive division de la propriété, qui est un JUIN. 509 obstacle aux progrès de l’agriculture.—Voici comment il s'exprime : La question du morcellement est à la fois très-grave et très-complexe ; elle est très-grave en ce qu’elle touche aux intérêts les plus importants , et très-complexe en ce que, suivant qu'on la considère au point de vue politi- que et moral, ou bien au point de vue agricole et éco- nomique , on arrive à une solution différente. Je ne l’envisagerai pas sous le rapport politique; il me suffira de dire qu’à ce point de vue le morcellement de la terre peut être désirable, parce qu’il rattache un plus grand nombre de citoyens au sol, au principe conser- vateur , à l’ordre. Mais au point de vue agricole et économique, il me paraît présenter les plus graves inconvénients. Dans une société régulièrement établie, toutes les for- ces doivent être productives et il n’y a de véritable produit que le produit net. Or s’il est reconnu que la petite cul- ture donne le produit brut le plus considérable, il est facile d'établir que ce produit est en très-grande partie an- nulé par la dépense des frais de culture, en sorte que ce produit brut le plus considérable devient le produit net le plus restreint. La grande propriété est celle qui donne le produit net le plus considérable, parce qu’elle peut concentrer ou diviser le travail, réduire les frais d’établis- sement, et surtout ceux de main-d'œuvre. Les instru- ments nouveaux et économiques déjà si fructueusement appliqués et ceux que le génie de l’homme invente cha- que jour et qui tendent à substituer les machines aux bras TOME XXI. 55 ro 510 RÉSUMÉ DES SÉANCES. font un travail plus prompt, plus parfait et moins coù- teux. Par eux on arrive donc à un produit moins cher. Or ces instruments ne peuvent être appliqués à la petite culture. La grande culture et la moyenne par l’association peuvent seules en faire usage et obtenir des produits économiques. La grande culture est donc préférable à la petite eul- ture, au point de vue économique, mais c’est à la condition que les forces actives de l’exploitation seront en équilibre avec les forces passives ou résistantes, que l'intelligence et le capital seront suffisants. Ce n’est que par la grande propriété et la grande culture que la vie à bon marché pourra être réalisée. Au point de vue agricole, ce n’est qu'avec la grande propriété que les assolements réguliers et les prairies arti- ficielles, qui représentent les deux plus grands progrès réalisés par l’agriculture des temps modernes, peuvent être établis, que l’élève des bestiaux, la conservation des bois et toutes les cultures qui demandent du temps et de l'espace peuvent être assurés. Je pense que le morcellement , tel qu’il résulte de la loi sur les successions, et qui tendra à augmenter constam- ment jusqu’à ce qu'une digue lui soit opposée par la légis- lation, est funeste aux intérêts agricoles ct aux grands intérêts économiques du pays. C’est par ces motifs que le Congrès scientifique, pen- dant la session qu'il a tenue au Puy en 1855, a émis l'avis : que la division indéfinie de la propriété est con- traire aux intérêts de l'agriculture, et le vœu que des mesures soient prises pour arréler ce morcellement el spécialement que les dispositions du code civil soient a — JUIN. BL E. modifiées dans le sens de l'indivision des immeubles ru- raux, toutes les fois que leur partage peut étre évité. Ces considérations, qui portent sur le côté pratique de la question, sont écoutées avec intérêt, et il ressort de cette discussion si élevée que la complexité du problème ne permet pas d'émettre une déclaration positive au sujet de la question qui a passionné l’Assem- blée. — Tel est l'avis de M. le Président. — Toutefois, il pense que les opinions divergentes pourraient se rallier à la mesure indiquée par M. de Lavergne, et qui aurait pour effet de faciliter les échanges. — Sans restreindre le nombre des propriétaires fonciers, elle donne une demi-satisfaction: aux partisans de la réu- nion des héritages. M. Chouvon rend compte de vive voix du Con- cours régional de Cahors, dans la circonscription duquel se trouve compris le département de la Haute- Loire, et auquel il à assisté en qualité de membre du jury. Sur l'invitation de M. le Président, il donne quel- ques explications sur la charrue dite Bisocs-Bella, qui se trouve mentionnée et dessinée au Moniteur des comices du 29 mai 1858. C’est une araire qui a deux socs et deux versoirs, et qui rend de merveilleux ser- vices dans les deuxième et troisième labours. — Elle est facile à manier, ne dévie pas du sillon; M. Chou- von en est fort content et l'emploie avec succès. 512 RÉSUMÉ DES SÉANCES. M. Aymard cite encore avec éloge le semoir en lignes, à toutes graines, pour les petites exploitations, de M. Alphonse Calbiac, qui a obtenu à son inventeur le ler prix des machines au Concours agricole de Paris, en 1856. M. Barral, dans son Journal d'agriculture, 5 mai 1858, le recommande comme étant d'une con- struction à la portée du premier menuisier et serru- rier venu, et capable de rendre de vrais services, même à la petite culture. M. le Président appelle l'attention de la Société sur un Rapport écrit avec beaucoup d'esprit, par M. le marquis L. des Inards, et inséré au Bulletin de la So- ciété d'agriculture et d'horticulture de Vaucluse. Ce rapport a trait à une visite faite à la truffière artifi- cielle de M. Rousseau, à Carpentras, le 18 février 1858. Il a suffi à M. Rousseau de semer des glands d'une certaine espèce de chène pour avoir des truffes; et ces bois, venus sur un sol compact, de 20 à 30 centimè- tres de profondeur seulement, reposant sur un tuf très-dur, lui donnent plus de revenu que la terre à blé ou à prairies. N'y aurait-il pas là, dans certaines de nos localités où le terrain est aride, une source inespérée de pro- duits ? Les administrateurs d’une société d'assurances mu- tuelles contre la grèle demandent le patronage de la Société. Elle passe à l’ordre du jour, qui indique la lecture du rapport sur une nouvelle méthode de cul- ture, par M. Aroux. A —— JUIN. 21 MESSIEURS , M. le Président m'a chargé, dans une de vos précédentes séances, de vous rendre compte d’une brochure qui vous est parvenue par l'intermédiaire de M. le Préfet. Comme, sans rien préjuger sur le mérite que peuvent avoir les procédés qui y sont indiqués pour d’autres loca- lités, il m'a paru qu'ils ne seraient jamais applicables à nos pays de montagnes, je vous demanderai la permission d'être bref dans mon appréciation, et d'économiser ainsi votre temps et le mien. Cette brochure a pour titre: Méthode nouvelle de cul- ture et d’ensemencement. Elle est l'œuvre de M. Félix Aroux, ancien fabricant de draps à Elbeuf, aujourd'hui propriétaire et horticulleur aux environs de Louviers. Ce dernier titre m'a d’abord donné à penser que la méthode recommandée par l’auteur pourrait bien être le résultat d'expériences faites dans un jardin; et l’on sait à quels mécomples s'expose celui qui essayerait d'en faire l’appli- cation sur de vastes espaces, où l’agriculteur se trouve, à chaque instant, aux prises avec des’ difficultés de tout genre. _ Ce qui m'a paru confirmer cette conjecture, c’est d’abord que l’auteur ne nous dit pas un mot de la nature et de l'étendue du terrain sur lequel il a opéré, c’est qu'il ne rend pas compte d'une seule de ses expériences et qu'il s’est ainsi ôté la confiance qu'il était de son intérêt d’inspi- rer, à défaut de l'autorité qui lui manque encore comme nolabilité agricole ; c'est enfin de lui entendre parler de grains de blé qui lui auraient rendu 80, 100, 150 et jusqu’à 514 RÉSUMÉ DES SÉANCES. 500 pour un, en attendant de se rapprocher davantage, nous dit-il, du résultat de 5,000 pour un, qui aurait été obtenu et constaté par des expériences. Quoi qu'il en soit des magnifiques résullats, qui sont cependant loin encore du maximum que l’auteur attend de son système, voici les douze principes sur lesquels il re- pose : 1° Cultiver les terres aussi irnlensivement que possible, 20 Ne pas les engraisser immédiatement avant de les en- semencer en céréales. | 5° Renouveler la semence en temps opportun, la choisir, la cribler, ete. 40 Chauler avec des préparations arsenicales. - 50 Ensemencer les grains d'automne 15 jours plus tôt que de coutume, et n’employer que 60 à 90 litres de semence environ par hectare. 60 Herser en long après l'hiver ; en travers, si besoin est. Te Rouler avec un instrument pesant. So Biner mécaniquement la terre, au printemps, entre les rayons. 90 Couper les céréales avant leur maturité complète, et les mettre immédiatement en petites meules, ete. Jusqu'ici, il n’y à rien dans ces préceptes qui n'ait été publié, recommandé, pratiqué dans les limites du possible et qui puisse justifier l’épithète de nouvelle, donnée à ce mode de culture. Ce qui appartient à peu près en propre à M. Aroux, con- siste : 1o À égoutter la terre arable par un drainage tempo- raire vertical, lorsque le labour sous-sol ne suffira pas. JUIN. D15 Ce drainage s’opérera, chaque fois qu'on sèmera ou qu’on plantera, à l’aide d’un pieu armé d’une pointe en fer qu’on enfoncera dans la terre, aux endroits où l’eau séjournera plus particulièrement, et enfin, par un drainage horizontal et permanent, dans les terres marécageuses. 20 À ensemencer les grains au rayon disposé en plu- sieurs rigoles lassées, pour former un lit uni et solide à la semence et la disperser dans les rayons espacés, pour les céréales, de 25 à 40 centimètres. 50 À lasser assez énergiquement la terre qui recouvrira la semence, pour y creuser une ornière. Ces ornières, de forme conique ou trapézoïdale, etce., etc. L'auteur, moins explicite pour ces deux dernières opérations que pour l'instrument qui devra servir à son drainage temporaire vertical, ne nous dit pas, il est vrai, comment on devra s'y prendre pour exécuter en grand ces deux dernières opérations. Cependant, Messieurs, ceux d’entre vous qui désireraient faire de petits essais compara- tifs, ainsi que l’auteur y engage les cultivateurs qui doute- raient des avantages de sa méthode, pourront voir dans sa brochure comment il faut s’y prendre. Pour cela, ils n’au- ront qu’à faire herser 10 ares de terre après le labour à grain, tracer ensuite, au cordeau, des rayons larges de 6 à 8 décimètres, dons Le fond desquels ils traceront de chaque côté, à l’aide d’une baguette, deux petites rigoles dans les- quelles ils mettront, à la main, les grains, à 6 ou 8 centi- mètres de distance et autant que possible en quinconce ; ils recouvriront au râteau et feront passer une hersette chargée, pour tasser la terre sur la semence et y creuser une ornière de 5 à 8 centimètres de profondeur. Ils dis- lanceront les rayons comme on l’a déjà indiqué. 516 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Et de plus, Messieurs, à {ous ceux qui lui communi- queront les résultats de leurs essais, ou même à ceux qui le critiqueront, notre auteur s'engage à dire ce qu’il faut faire pour empêcher les colzas de geler, dans les hivers rigoureux, et pour diriger leur floraison, dans les hivers doux, de manière à la faire arriver au mois de mai. Voilà de la générosité ! Faisons, pour y avoir part, des essais en pelit, mais gardons-nous de suivre les conseils de M. Aroux, pour une culture en grand, aussi coûteuse que d’une exécution difficile, et à laquelle lui-même, je persiste à le croire, ne s’est point encore livré. M. Bertrand de Doue, qui a bien voulu se charger de la rédaction de ce rapport, reçoit les félicitations de la Société, par l'organe de M. le Président. M. le Président s’enquiert des résultats funestes de la gelée des journées néfastes des 9, 10 et 11 mai, qui a désolé nos vergers et nos vignes. D'après les renseignements fournis par MM. de Brive, Balme, Chouvon et Plantade, les blés n'ont pas souffert et sont beaux. Dans certaines contrées, vers Coubon, par exemple, les seigles ont été atteints assez gravement, dans d’autres, c’est à peine si on peut constater une perte de 1,20. En Auvergne, la gelée a épargné les vignes situées sur les points élevés. Les lentilles et les fèves ont surtout à redouter la sécheresse qui persiste ; et les prés, déjà attaqués JUIN. D17 Jar la velée demandent en vain la pluie { ui n'arrive [e) ? pas. M. Calemard de Lafayette père voudrait connaître les résultats de tous les semis envoyés par la Société d'ac- climatation et distribués à quelques membres de la Société. — En général, ils n’ont pas réussi. Quelques graines de haricot-tubercule ont germé avec des noyaux d'amygdalia. Les deux ou trois échantillons de pom- mes de terre de Sainte-Marthe sont sortis. Arboriculture. — Devant le bureau, sur une table, s'épanouit une belle branche d'arbre. M. du Villard y reconnait un sujet indigène, le saule à larges feuilles de laurier. Elle a été cueillie dans le jardin d’acclima- tation de notre Société. Son feuillage est de toute beau- té, il fait très-bien au bord de l’eau, dans un jardin paysager. Il se multiplie par boutures et mérite d'être propagé. Des branches sont à la disposition de MM. les membres de la Société. Pisciculture. — Lac du Bouchet. — M. Limozin, sous-inspecteur des eaux et forêts et notre collègue, écrit à M. le Président, pour l'informer que linaugu- ration de la pisciculture, au lac du Bouchet, s’est faite le 12 du mois de mai. Ge premier essai d’empoissonne- ment s'est accompli en présence de M. le Préfet de la Haute-Loire, accompagné des membres du conseil de révision, de MM. le juge de paix du canton et du maire de Cayres. M. Limozin, présent à la séance, donne de vive voix 518 RÉSUMÉ DES SÉANCES. des explications et des détails, écoutés avec faveur, sur cette nouvelle institution que nous devons à M. Paul de Rostan et qui était depuis longtemps dans les vœux les plus chers de notre Société. Il croit fermement au succès de l'empoissonnement. De récentes mesures ont fini par éloigner des bords de ce beau lac, battus comme une grand’route, les trou- peaux de moutons qui n’y trouvaient pas même une chétive pâture. Bientôt, dans 5 où 6 ans, il espère y voir s'élever des arbres d’un beau port et d'une belle venue : tels qu'épicéas, mélèzes, bouleaux, sapins, ete. Il y a fait semer deux quintaux de graines et planter 4,000 épicéas, qui n’ont souffert que très-peu de la ge- lée et dont il n'a péri que la douzième partie. De sorte que le côté qui est dans la commune de Cayres se trouve entièrement livré à l'influence salutaire de Fad- ministration des eaux et forêts. Il en sera bientôt de même du côté situé dans la commune du Bouchet, dont le terrain amodié à un certain nombre d'habitants ne tardera pas à passer sous le régime forestier. Dans un temps assez court, on pourra voir une belle végéta- tion dans ces lieux aujourd’hui tout-à-fait dépouillés, et il n'y aura pas de site plus digne d'attirer les visiteurs, de paysage plus gracieux que cette belle nappe d’eau si limpide, entourée d’un cadre de ver- dure. En effet, ce lac, situé sur une haute montagne, par sa forme pure et arrondie, par ses bords d’une na- ture sévère, a de tout temps frappé l'imagination. I] à ses légendes et ses mystères. Le guide ne manque pas de dire à l'étranger : « ces eaux sont insondables et sans fond ; elles forment au milieu du lac un tourbillon JUIN. 519 qui a déjà englouli le téméraire qui s’est aventuré loin du bord. Les poissons ne peuvent y vivre et ceux qu'on y lance on ne les retrouve plus. » Telles sont les traditions et bien d’autres encore qui alimentent la crédulité populaire au sujet de ce beau lac. Mais l'administration des eaux et forêts a peu de goût pour le merveilleux et M. le Sous-Inspecteur, après une étude assez approfondie des lieux, pro- met y trouver une source féconde de produits pour le pays. Ses bords, nous dit-il, offrent un terrain d’une grande richesse, capable de donner des bois magnifi- ques. Ses eaux vives, fortement agitées par les vents et par des courants intérieurs, alimentées par des sources souterraines, pourront très-bien être empoissonnées, Il soupçonne avec raison que sous ce rapport, vu la difficulté des transports, aucune tentative sérieuse n’a été faite. Ce n’est pas sans peine qu'il à transporté au lac du Bouchet 120 poissons vivants d'espèces diffé- rentes, tels que barbots, carpes de rivière, ablettes , gougeons et truites, pouvant tous se reproduire, les uns destinés à nourrir les autres. Des essais de pisciculture moderne, d’après les nouvelles méthodes peuvent y être tentés sur une large échelle et avec le plus grand succès; mais il faudrait pouvoir y établir le garde de Cayres en lui construisant une petite maison d'habitation et lui fournissant le matériel nécessaire pour un établisse- ment de pisciculture, M. Limozin pense qu'une somme de 4,000 francs, dépensée pour cet objet, produirait les meilleurs résultats et sous le rapport de la sur- Yeillance et sous celui de l'empoissonnement du lac. 920 RÉSUMÉ DES SÉANCES Le Conseil général ne pourrait faire de dépense mieux entendue. Le garde pourrait en outre se mettre en mesure de recevoir les nombreux visiteurs que le nouvel amé- nagement du lac y attirerait immanquablement. Il au- rait une nacelle à voiles et à rames à la disposition de ceux qui, ne redoutant pas les horreurs du gouffre traditionnel, voudraient se livrer aux plaisirs d’une excursion nautique. M. Limozin ne croit pas au tourbillon de la légende ; il est fortifié dans son incrédulité par M. Bertrand de Doue , qui a en sa possession le procès-verbal d’une expérience de sondage faite sur le lac du Bouchet. Ce procès-verbal, qui porte une date antérieure à la révo- lution, dressé à la requête du sieur Valat, chirurgien, dont le nom est bien connu , fut signé par le maire et le curé du Bouchet-Saint-Nicolas. Le lac, dit cette pièce, va en s’approfondissant vers la partie centrale, où il atteint à une profondeur qui est bien remarquable, celle de 80 pieds. Dans cette petite excursion scienti- fique nos explorateurs s’avançaient dans plusieurs di- rections, ayant en main une sonde faite au moyen d’un long cordeau soutenant une assez grosse pierre ; ils s'aperçurent très-bien que ce cratère avait une forme conique et que des bords au centre la pente était ré- gulière. Ces détails, donnés par M. Bertrand de Doue, ajoutent à l'intérêt déjà excité par les récits de M. Li- mozin. ECONOMIE PUBLIQUE. — M. le Ministre de l'Agriculture répond, à la date du 10 mai, à M. le Président, que JUIN. 524 l'administration de la guerre ne voit pas la possibilité d'accueillir le vœu de la Société, relativement à l'exemption du service militaire pour les élèves des fermes-écoles. SctExcEs.— Mathématiques et Physique. — M. le Pré- sident signale à l'attention de la Société un volume des Mémoires de l'Académie impériale des sciences, inscrip- tions et belles-lettres de Toulouse. (T. 1, 5e série.) Dans ce livre se trouvent plusieurs travaux scienti- fiques d’une haute valeur et qui sont signés d’un grand nom historique, bien connu dans nos montagnes, ce- lui de M. le prince de Polignac, officier d'artillerie d'un vrai mérite, sorti des premiers de l’école Po- Iytechnique. Ce jeune homme, fils aîné de la seconde femme du Prince de Polignac, l’ancien Ministre de Charles X, après avoir vaillamment combattu pour son pays, dans les rangs de l’armée de Crimée, sous le gé- néral Pélissier, occupe en ce moment ses loisirs de gar- nison par des études destinées à donner au nom qu'il porte un éclat tout nouveau. — Les mathématiques, les sciences physiques, dans ce qu’elles ont de plus élevé et en même temps de plus utile, sont l’objet de ses tra- vaux, si bien accueillis à l'académie impériale des scien- ces de Toulouse. — Les études mathématiques ont pour titres : Sur quelques formules très-générales qui se pré- sentent dans la théorie des nombres premiers. — Deux applications de son calcul nouveau sur les entiers des ñnombres. — Introduction dans l'analyse d'une nou- velle transcendante. — M. de Polignac traite encore d'une nouvelle machine à vapeur sans chaudière, avec 522 RÉSUMÉ DES SÉANCES. des modifications à introduire dans la construction de ce genre de machines. Avec l’assemblée, le pays tout entier applaudira aux succès d’un membre de cette grande famille, dont le berceau est près de nous et dont le nom est si intime- ment lié aux souvenirs de notre histoire locale. Sciences naturelles. — De nouveaux renseignements parviennent à M. le Président sur ces insectes qui font tant de ravages dans les prés de la commune de Saint- Julien-Molhesabate. — Suivant le désir de la Société, quelques-uns de ces insectes ont été demandés à l’insti- tuteur de cette commune, M. Ambert, notre corres- pondant, qui s’est empressé de répondre avec un bon vouloir digne d’éloges ; et ces insectes, vivants, ont été transmis à M. le Président de la Société impériale et centrale d'Agriculture, avec prière de vouloir bien en faire déterminer l'espèce et les mœurs par les entomo- logistes de cette savante compagnie. Sciences médicales. — M. le docteur du Garay est ap- pelé, par l’ordre du jour, à donner lecture du rapport qu'il à fait sur l'épidémie de Vals. Il s’acquitte de sa tâche de manière à s’attirer, avec l’assentiment de la Société, des compliments de la part de M. le Président. MESSIEURS , A la précédente séance de la Société, notre Vice-Prési- dent, M. Aymard, qui la présidait, a fait un appel à nos JUIN. ! 523 lumières pour examiner un mémoire médico-administratif, si je peux m'exprimer ainsi, inséré au Bulletin Ne 7 de 1857 de la Société de médecine de Besançon : il s’agit d’un travail sur la fièvre typhoïde qui avait frappé son atten- tion : il a souligné trois ou quatre alinéas de cet intéressant mémoire, dont l’auteur est M. Chenevier, professeur à l’école de médecine de Besançon. Quelle pensée animait M. le Président dans la lecture de ces pages annotées par lui? Je ne crois pas me tromper : il était sous l'impression des effets récents provenant de la fièvre typhoïde et de la variole qui ont, en 1857, sévi à Vals-près-le-Puy, commune dont naguère il était le maire. Il s’est demandé s’il ne serait pas possible, au moyen de mesures administratives, d'améliorations communales, sinon de faire disparaître complètement les causes de ces maladies , au moins d'en atténuer les effets. Examinons cette question : D'un côté, nous voyons celle commune, qui a tous les éléments d’une sorte de colonie agricole prospère. On y cultive principalement la terre dans les divers travaux que comportent les jardins maraïchers, champs, prés, vi- gne, etc.; on y fait un commerce assez étendu et très- intelligent des moutons, des vaches, dont le lait est apporté, tous les jours, à la ville; elle a, pour ainsi dire, toutes espèces d'ouvriers : maçons, tailleurs de pierres, serru- riers, elc., rien n’y manque à cet égard; peut-être il y a plutôt exubérance ; enfin l’activité et le travail constant des habitans y entretiennent les bonnes mœurs; c’est, en en un mot, une population très-intéressante. Dans nos courses médicales, nous avions fait, depuis longtemps, ces observations; notre collègue, ancien maire de Vals, les 4 524 RÉSUMÉ DES SÉANCES. avait faites aussi, et ayant remarqué combien cette popula- tion était accessible aux idées de progrès, il s’est ap- pliqué, pendant 4 années, à la doter d’un assez grand nom- bre d'améliorations, entr’autres, pont, quais, chemins vicinaux , chemins ruraux, fontaines, aqueducs d’assainis- sement dans le village, maison de mairie, salle d’asile, conférences agricoles , etc. En ce inoment s'ouvre une belle avenue dont le projet avait été conçu par notre collè- gue, et qui mettra bientôt cette commune en communica- tion magnifique avec la ville du Puy et en fera, un jour , comme un des faubourgs de la cité (1). D'un autre côté, nous remarquons aussi dans le village de Vals où, pour le dire en passant, presque toute la population de la commune est agglomérée, une disposi- tion analogue, absolument, à celle des villages que j'ai pris pour types , dans le cours de ce travail, pour le dévelop- pement fatal, nécessaire, pour ainsi dire, de la fièvre typhoïde endémique ou. épidémique. Aussi existent-elles périodiquement. (Voyez le paragraphe noté par 1° dans l'énumération des causes.) C’est dans le but longtemps médité que des travaux d’as- sainissement ont été faits dans le village; que des fon- taines d'eaux parfaitement pures ont été établies; des tas (4) Depuis qu'on a fait exécuter, par les ordres du Prifet, M. Emile Paul de Rostan, la charmante allée qui longe les maisons du côté ouest de la promenade du Fer-à-cheval, si n'était l'interruption provenant de la loge de l'octroi de Vals et de quelques mètres du jardin Dugone, on irait j squ'a la limite de la commune du Puy sur un trottoir et sous des arbres dont la con- tinuation produit, par la pensée, l'aspect le plus ravissant. La patie de cette allée qui fait partie de la commune de Vals suivrait immédiatement , sous le rapport de ces améliorations. . Le JUIN. 525 de fumiers enlevés ; des "soins de propreté recomman- dés, ete., etc. Rien n'a manqué, sous ces différents rap- ports, au cœur généreux de notre confrère et aux idées non moins éclairées de son digne successeur à la mairie de Vals. Mais avant d'essayer d'aborder la question scientifique , disons avant tout ce qui s’est passé, sommairement, dans la commune de Vals. Eu 1857, vers le mois de juin, apparut une épidé- mie de variole qui n'a cessé qu’en décembre. A cette épo- que-là régnait aussi, depuis le 4er septembre, une épi- démie de fièvre typhoïde qui n’a disparu également qu’au mois de décembre. En sorte que les épidémies mar chaient simultanément, la variole ayant débuté trois mois plus tôt, pour cesser, l’une et l’autre, au mois de dé- cembre. 56 personnes ont été atteintes de la variole, et 58 de la fièvre typhoïde. 6 personñes sont mortes de la première, dont 4 n'avaient pas été vaccinées, et trois de la seconde maladie. Il est à remarquer-que la variole a dé- buté avant la fièvre typhoïde, pendant que, dans d’autres cas, elle suit la terminaison de cette fièvre. C'est ce qui s’est fait remarquer à Saint-Etienne-du-Vigan, canton de Pradelles, en 1854. (Voir les 5 tableaux ou notes ci-contre , où sont les noms, l'âge, le sexe et la date de l'invasion pour chaque personne atteinte.) Arrivons aux causes de pareils fléaux, en d’autres termes, à l'éfiologie de ces maladies. Elles tiennent à une espèce d’empoisonnement de l'air. On appelle miasmes ou effluves les particules impondérables, invisibles, qui vicient l'air et que nul observateur n’a constatées autre- ment que par les effets sur les corps sains des hommes ou TOME XXI. 54 524 RÉSUMÉ DES SÉANCES. des animaux, c'est-à-dire par des épidémies ou des épi- zooties. Ces miasmes sont de différentes natures. Dans nos pays, les épidémies de fièvres typhoïdes sont, pour ainsi dire, endémiques et de beaucoup les plas fréquentes chez l'homme : en sorte que l: miasme qui les développe est facilement créé. Le scorbut, le typhus des armées en campagne , comme ceux de notre armée en erimée, qui ont fait périr 60,000 hommes, — ce qu'a fait imprimer linspecteur- médecin en chef de ces armées, Baudins, — tiennent, d’une part, aux miasmes qui proviennent des hommes malades par suite d’une mauvaise nourriture, et à des miasmes qui provenaient d’influences telluriques, de l’autre. Dans le premier cas, ce sont principalement les mala- dies contagieuses. Il en est des animaux comme des hom- mes : aussi remarquons-nous des épizooties comme des épidémies contagieuses; mais il n’est pas facile de distin- guer la maladie contagieuse de celle qui ne l'est pas. Donc les miasmes qui produisent l’'empoisonnement sur des corps sains viennent de différentes sources. Nous les distinguerons, comme nous l'avons fait pour ros travaux épidémiques de l'arrondissement, de la ma- nière suivante , en : 4o Effluves ou miasmes telluriques, provenant de la terre ; avec quelques circonstances atmosphériques, telles que: fortes chaleurs après un printemps pluvieux, surtout quand il existe des prairies où les eaux sont slagnantes, el des montagnes plus ou moins élevées qui couronnent le village, et qui empêchent les effluves, poussées par des vents du Midi, d’en sortir. y re _— vo JUIN’, J21 Nous avons dû rapporter à cette division les épidémies de fièvre typhoïde, qui se sont fait remarquer, en 1852, à Cougeac, commune de Saint-Paulien ; à Saint-Pierre-Eynac ; à Mounedeyres, commune de Queyrières, canton de Saint- Julien-Chapteuil ; à Saint-Elienne-du-Vigan, canton de Pra- delles, en 1854; à Vals, près le Puy, en 1857. 2° Effluves ou miasmes provenant des corps malades, soit qu'ils viennent, dans le commencement, d’une épi démie tenant à des effluves telluriques, soit qu’ils viennent de causes morales, comme par exemple, les sinistres ru- raux: l’épidémie typhoide de Barges, canton de Pradelles, qui survint l'année 4854, après une grêle qui avait déter- miné une disette locale, doit être rapportée à cette classe de miasmes; nous soupçonnons aussi que les pestes du moyen-âge devaient tenir à cette elasse-là. En effet, en li- sant l’histoire de Paris, surtout, on voit que toutes les di- settes étaient suivies de pestes: choléra ou fièvre adynami- que, ou ataxique, qui n’étaient autre chose que des fièvres lyphoïdes d'aujourd'hui. 50 Effluves où miasmes qui tiennent à la malpro- preté des maisons, des cloaques, des rues, à la mauvaise qualité des eaux pour les usages domestiques, etc. ; en un mot, aux causes d'insalubrité générale qu'on pourrait éviter. C’est à elles que notre honorable collègue, étant maire de la commune de Vals, s’est adressé, pour y faire des améliorations ; c’est aussi d'elles que l’auteur du mémoire, soumis à notre examen, conseille de s'occuper exelusive- ment; « en effet, dit-il, la science ne fournit ancun moyen » d'investigation qui permette de s'occuper, d’une manière » sérieuse, des questions du miasme animal et du miasme DAS RÉSUMÉ DES. SÉANCES. » végélal. » Aussi notre collègue a-t-il été réellement bien inspiré de ne s’oceuper que des causes générales d’in- salubrité. Cependant, qu’il nous soit permis de dire que nous avons essayé, il y a quelques années, de pousser plus loin nos investigations, sur le point, surtout, du miasme végétal. Toutes les observations dont nous avons eu l'honneur de vous rendre compte, il n’y a qu'un instant, nous avaient fait remarquer la même configuration topographique. Ainsi Cougeac, Mounedeyres, Saint-Pierre-Eynac, Saint-Etienne du Vigan sont, tous, à l'exposition du midi; la façade de leurs maisons tournée de ce côté-là; l'extrémité opposée est dans la terre, comme cela doit exister dans des villages adossés à de très-hautes montagnes, qui les surmontent el qui empêchent l’air de circuler ; au-dessous de ces mêmes villages, il y a des prairies plus ou moins étendues où on rencontre, même au mois de juillet, des flaques d’eau. On sait que les plantes, les herbes décomposées par des eaux croupissantes forment des miasmes, N'est-ce pas à ce miasme que sont dues les fièvres intermittentes, perni- cieuses ou non, qui sont ou endémiques ou épidémiques ? Par exemple : dans la plaine de Saint-Germain, près le Puy, qui est loute entourée de montagnes; et quoiqu'il y ait quantité de ruisseaux dans cette plaine, on sait très-bien que l'écoulement des eaux n’est pas facile, dans cette com- mune, puisque les prairies ne sont pas de bonne qualité, en raison de cette dernière circonstance. Viennent donc des vents du Midi, au mois d'août, pour les localités dont nous avons fait, à grands pas, l’esquisse topographique; peut-être, — et nous soupçonnons qu'il en est ainsi, — trouverions-nous la raison des maladies 7 JUIN. 529 endémiques ou épidémiques de la première classe ou du miasme végétal ? Cette observation de notre part pourrait avoir quelque chose de vrai, surtout si nous faisons attention qu’en 1854, lorsque le choléra existait à Brives, près le Puy, — village qui offre toutes les circonstances topographiques que nous avons rappelées plus haut, — il n’en existait pas un seul cas dans le village de Charensac qui, il est vrai (mieux bâti, les rues larges), en est séparé par la Loire; mais qui est soumis aux mêmes conditions topographiques, moins une, la plus essentielle de toutes, d'après notre système, à savoir : la non exposition au Midi, du village de Charensac. C'est une idée systématique que nous venons déposer dans vos archives; mais il n’y a que les systèmes qui font avancer la science. Ce sont des espèces de haltes qui repo- sent l'esprit et donnent du courage pour faire une autre étape. Vous aurez déjà vu toutes les considérations prati- ques qui peuvent découler de pareilles idées, semblables aux nôtres, telles que constructions rurales, drainage, canaux d'assainissement, ete. , etc. NOTES SUR LA PETITE VÉROLE EN 1857. Celte maladie a paru à Vals vers les premiers jours de juin el a cessé aw milieu de décembre. Suivent, par ordre de date, les noms des personnes atteintes. D PERRET IDE EE TEL DEEE PE DEEE EE SEE EPS == Tee = | NOMS. AGE. VACCIN. | OBSERVATIONS DIVERSES. | es RS | ce | cmmsceremqeenmems | cn ns l | Faugère Louise......| 14 ans. | Non vace. | Guérie, légèrement gravée. Allègre Fanie........| Sans. | Vaccinée. | Guérie, fortement gravée. Arnaud Mathieu......| 48 ans. | Non vace. | Bien guéri, fortement marqué. 290 RÉSUMÉ DES SÉANCES. AGE. VACCIN. | OBSERVATIONS DIVERSES.| NONS. Allègre Thérèse .....| 4an. | N nvacc.| Morte le 16 juin. | | Allègre Auguste .....| Gans, | Vacciné. | Bien guéri, les traces sont à | peine sensibles. Allègre Agnès.......| &8ans. | Vaccinée. | Bien guérie , les traces sont à | peine sensibles. | Soulier Philomène ...| 20 ans. | Non vace. | Guérie, mais fortement mar- quee. Depuis, elle a une sup- | puration à un œil. Soulier Rosalie......| 44ans. | Vaccinée. | Guérie, légèrement marquée. | Martin Picrre........| Tans. Vacciné. Guéri., Cette maladie ni a | laissé le teint rouge. | Allègre Eugénie .....| Æ%ans. | Non vace. | Morte le 16 août. | Allègre Marianne ....| 12 ans. | Non vace. | Guerie, très-marquée, sans ! autres infirmités. | | Allègre Augustin. ....| 18 ans. | Vacciné. | Guéri, traces imperceptibles. | Veysseyre Etienne...| 45 ans. | Non vace. Id, Id. | | Veysseyre Andre .... 8 ans. | Non vacc Id. Id. | | Veysseyre Philomène. | 18 ans. | Non vace. Id. Id. Soulage Augus'e.....| Tans. | Vacciné. Id. Id. | Soulage Marguerite ..| #ans. | Vaccinée. Id. Id. | Reymond Barthélemy.| 22 ais. | Non vace. | Mort le 22 septembre. | Reymond Rosalic....| 19 ans. | Non vace. | Morte le 24 scp'embre. Reymond Théodore ..| 16 ans. Vacciné. Guéri, aucune trace. Reymond Pierre .. ..| 45 ars. | Vacciné. Id. Id., plus faible depuis. | Reymond Vidal......! 19 ans. | Vacciné. | Mort le 9 octobre. Veysseyre Andre.....| 1 an, Nou vace. | Guéri, sans aucune ‘race ni n- firmités. | | Seguin Sophie.......| 44ans. | Vaccinée. | Guére, légirement gravée. Allirand Eléonore....| 22 ans. | Vaccinée. | Guérie, assez marquée. Valadier Jne-Marie...| 20 ans. | Vacente. | Guérie, mais fortement gravée. | Bernard A .ne-Marie .| 17 ans. | Vaccinée. | Guérie, sans aucune trace. Bernard Matheu.....| 21 ans. | Vacciné. | Guéri, id. Blanc Rosalie...... .| Sans. | Vaccinée. | Guérie, légèrement marquée. | Bernard Félix......,.| 19 ans. Vacciné. | Guéri, sans aucune trace. Soulier Pierre.......| 48 ans. | Nan vacc. | Guéri, id. | Reymond Jean ......| Sans. | Vacciné. | Guëri, légèrement gravé. | Dussap P.erre.......| Gans. Vacciné, Guéri, id. | Boriel Fix ........| Æans. | Vacciné. | Mort le 2 décembre, Dussap Maria........| Tans. | Vaccinée. | Guérie, légèrement gravée. Nombre de personnes atteintes...ss..ses 39 | MOrtes Re ephemctale eme casee etes | — = FT _— SENSALrE Ceitifié par nous, docteur en médecine et maire de la commune de Vals- près-le Puy. A Vals, le 21 mai 1858. E. ARNAUD, Qt _ JUIN, DE NOTE DU DOCTEUR ARNAUD, Sur les 6 personnes qui ont succombé, 4 n'avaient pas été vaccinéés. Sur les 55 personnes atteintes, 15 n'avaient pas été vac- cinées. NOTE SUR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EN 1857. La fièvre typhoïde s’est manifestée à Vals, vers le 4er sep- tembre 4857. Elle a disparu au commencement de dé- cembre suivant. Trente-huit personnes en ont été atteintes, trois ont succombé. La première est une femme de 70 ans, morte le 19 sep- tembre, après 4 jours de maladie. La deuxième, une femme de 65 ans, morte le 19 sep- tembre, après 15 jours de maladie. La troisième, encore une femme de 51 ans, morte le 15 novembre, après 55 jours de maladie. Les premiers malades étaient plus souffrants, mais ils gardaient moins la maladie. Vers la fin de la maladie, quelques personnes ont gardé le lit durant plus de 40 jours. SCIENCES HISTORIQUES. — M. l'abbé Bernard continue la lecture de ses attachantes études sur le cartulaire de l’abbaye de Chamalières. Le Bulletin de la Société des antiquaires de France signale les découvertes de la Société, faites dans les fouilles du For, sous la direction de M. Aymard. 532 RÉSUMÉ DES SÉANCES. ADMINISTRATION. — Lecture est donnée, au nom du conseil d'administration, de l’état de situation de la Société. L'assemblée approuve les comptes qui lui sont soumis. A six heures, la séance est levée. Le Secrétaire , BÉLIBEN. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 1° JUILLET. SOMIMAEIMRE. Dons Au Musée : Acquisition d'une boiserie dite Miséricorde, provenant des stalles de l’abbaye de Bonnefoy. — Piaque en plomb, du XIIIe siècle, représentant saint Jean-Bapt:ste, donnée par M. de Chaumeils, de Pradelles. — AGRIcuL- TURE : Lettre de Son Exec. M. le Ministre de l’agriculture. — M. Molh demande des graines de ver à soie. — M. Chaudier adresse un rapport sur des expé- riences agricoles faites aux Villettes et demande le titre de membre non résidant. MM. de Brive, Plantade, Niolas, sont chargés de l'examen des titres de M. Chaudier. — M. le Directeur de l’école Normale demande à la Société trois médailles et des mentions honorables pour être distribuées, comme recom- penses, aux élèves de l'école Normale qui ont suivi avec zèle et succès les leçons dagriculture théorique et pratique données à la ferme de Malaval. — Cette de- mande, appuyée par MM. Nicolas et de Brive, est renvoyée au conseil d'admi- n stration. — Mention d'une médaille frappée en l'honneur de Mathieu Dombasle. — Voyage agronomique de M. de Gourcy dans la Haute-Loire ; ses remarques sur la ferme-école de Nolhac et sur Alleret. — Rapport de M. Balme sur la conservation des bles et sur les greniers d’abondance ; discussion soulevée sur cette matière ; MM. de Brive, Plaitade, Balme, Souteyran; Vœu de la Société. — SCIENCES NATURELLES : Travaux de madame Arnaud sur la flore du pays. — SCIENCES HISTORIQUES : Prêt momentané fait au Musée par Son Exe. M. le Mi- nistre des finances, de pierres sculptées provenant de la démolition de la maison Gallien. — Le cartulaire de l'abbaye de Chamalières interprété par M. l'abbé Bernard. — Admission de M. Bernard, de la Loire, comme membre non rési- dant, après un rapport de M. Aymard. — Beaux-arTs : Lettre de M. de Niewerkerque faisant espérer pour le Musée un gage de la munificence de l'Em- pereur. — M. Giraud demande une distinction pour un de ses elèves ; renvoi au conseil d'administration. 554 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Présidence de M. Aymard, vice-président. A trois heures M. le Président ouvre la séance et donne la parole au Secrétaire pour la lecture du pro- cès-verbal. Ce compte-rendu est adopté sans réclama- tion. Doxs Au Musée. — Acquisitions. — Acquisition faite par M. le Vice-Président d’une boiserie dite Wiséri- corde, provenant des stalles de l’abbaye de Bonnefoy. M. Aymard fait encore hommage, au nom de M. de Chaumeils de Lacoste, maire de Pradelles, d’une plaque ou enseigne en plomb avec l’image de saint Jean-Bap- tiste du XIIIe siècle, trouvée dans l’ancien cimetière de St-Clément, près Pradelles. AGRICULTURE. — M. le Président donne lecture d’une lettre de M. le Ministre de l'Agriculture, à la date du 23 juin, par laquelle M. le Ministre exprime le regret de ne pourvoir, pour cette année, élever la subvention de 2,500 fr., accordée à la Société, à la somme de 3,000 fr., que M. Ch. Calemard de Lafayette lui avait fait demander par l'intermédiaire de M. de Romeuf, député de la Haute-Loire. Les crédits alloués au Ministre de l'agriculture pour ce service se trouvent en ce moment totalement épuisés. M. Aug. Molh écrit de Saint-Etienne-Vallée-Française (par St-Jean-du-Gard), pour savoir s'il n'y aurait pas dans nos montagnes quelque oasis que la maladie des vers à soie n'aurait pas visitée. S'il pouvait avoir JUILLET. 239 quelques chances de trouver chez nous des graines exemples de la maladie, il viendrait acheter des cocons qu'il ferait grainer à Barre. Il n’est pas pos- sible de répondre d'une manière catégorique à la lettre de M. Molh, vu que dans notre pays les édu- cations sont à peine commencées et que d’ailleurs cette industrie y est fort peu répandue. M. Chaudier , instituteur public aux Villettes, de- mande à faire partie de la Société en qualité de mem- bre non résidant; comme titre d'admission, il adresse, par l'intermédiaire de M. l’Inspecteur des écoles pri- maires, un rapport fort substantiel sur des essais d’a- griculture qu'il a tentés, sur une assez grande échelle, dans la propriété de M. de Vaux, aux Villettes. M. Chau- dier est un homme instruit que le Préfet, M. de Chevre- mont, avait appelé dans la commune de Sainte-Sigo- lène , dans le but de lui donner la direction d’une espèce de ferme-modèle dont il voulait doter l’arron- dissement d’Yssingeaux. Pendant plusieurs années, il a occupé, à la satisfaction de notre collègue M. Ghouvon, la place d'agent comptable à la ferme-école de Nolhac. M. de Brive est d'avis que la Société doit accueillir la demande de M. Chaudier avec intérêt ; il assure qu'elle trouvera un concours utile dans le talent de cet habile agriculteur. En conséquence M. le Président nomme pour l'examen du travail de M. Chaudier , une com- mission composée de MM. de Brive, Plantade et Nicolas. M. le Directeur de l'école Normale primaire du dé- parlement écrit qu'il désirerait vivement que la Société 556 RÉSUMÉ DES SÉANCES. voulût bien décerner, à titre d'encouragement et de récompense, trois médailles, dont une en argent, et trois mentions honorables aux élèves de l’école dont il donne les noms et qui, cette année, se sont distingués et placés au premier rang dans le cours théorique et pratique d'agriculture organisé à la ferme de Malaval. Notre collègue M. Nicolas , ingérieur draineur et en même temps professeur d'agriculture à l’école, serait heureux de voir favorablement accueillie cette demande par la Société. Il y voit un moyen de seconder ses efforts dans un enseignement pour la première fois introduit dans les écoles du pays et pour lequel l'Etat et le département font des sacrifices. M. de Brive vient à l'appui de M. le Président pour disposer la Société en faveur de cette demande. Il attend beaucoup de cet enseignement régulièrement donné, où la pratique s’unit à la théorie. Il est suivi deux fois par semaine par plus de trente élèves-mai- tres, qui iront répandre dans nos campagnes le goût de cet art qu'il est dans les attributions de la Société de faire aimer et connaître. La demande de M. le Direc- teur est prise en considération et renvoyée avec avis favorable au conseil d'administration. M. le Président nous fait encore part d’une lettre adres- sée par M. de la Chauvinigre aux hommes laborieux et au cœur droit qui composent les Sociétés et Comices agricoles. Après un court historique de la vie de Ma- thieu Dombasle et des services qu'il a rendus à l’agri- culture , M. de la Chauvinière demande que notre Société veuille bien souscrire pour la médaille frappée JUILLET, 557 en l'honneur de celui qui a su relever le front du la- boureur et ennoblir la charrue. Beaucoup de sympathie accueille cette communica- tion. Plusieurs membres font observer qu'on pourrait parfois donner en prime la médaille frappée à l'effigie de Dombasle. Le renvoi au conseil d'administration est prononcé unanimement. Parmi les publications reçues , M. le Président si- gnale un article du Moniteur des comices (1°* mai 1858), qui contient une relation d’un voyage à travers notre département, fait par l'habile agronome M. de Gourcy. C'est à l'époque du congrès scientifique qui a laissé dans notre souvenir des impressions si bonnes et si durables. M. de Gourcy, qui fut un des quatre vice- présidents de la section d'agriculture, ne l’a pas oublié etparmi les membres qu'il a remarqués et qu'il cite avec distinction, nous aimons à trouver des noms qui « nous sont chers. Gette relation renferme une description détaillée de la ferme de Nolhac, avec la nature du sol, le genre et la qualité de ses produits. Les prairies, couvrant six hectares, fort bien irriguées, fourniraient des coupes tès-productives, si toute la couche arable avait été drainée. La comptabilité en partie double, les soins donnés au jardin et à la pépinière sont mentionnés. Dans les étables, bien tenues d’ailleurs, il ne trouve guère qu’une demi-tête de gros bétail par hectare ; mais il est satisfait des moyens employés par M. Chouvon 558 RÉSUMÉ DES SÉANCES pour parer à cette insuffisance, et se procurer tout le fumier nécessaire à une exploitation faite selon les règles. Le concours de bétail qui eut lieu à cette époque, M. de Gourcy le donne avec tous ses détails, mais sans aucune appréciation. Les travaux de notre Société, relatifs au drainage, à l’acquisition de machines à faire des tuyaux, au re- boisement, ont attiré son attention ; il rappelle un vœu du congrès, relatif à l'introduction de l’ensei- gnement dans les écoles normales, vœu qui a eu chez nous un commencement de réalisation, grâces aux soins de M. de Chevremont, au zèle pour le bien du pays de M. le Préfet actuel, son successeur, et à l’ac- tivité du directeur de l’école Normale du département, M. Rabaly. — M. de Gourcy assure même que notre Société décerne, chaque année depuis longtemps, des récompenses pécuniaires et honorifiques aux institu- teurs qui ont enseigné à leurs élèves des notions d’agri- culture, assertion qui, je crois, sera bientôt une vérité « éclatante. Cet article se termine par le récit de la visite qu'il a faite, de concert avec M. de Baïlly de Merlieux, à la belle propriété d'Alleret. — Les immenses travaux en- trepris par M. de Macheco et continués par son gendre, M. de Ruolz : la construction et la disposition de cinq vacheries, dispersées sur cette vaste exploitation de 258 hectares, la plantation de la vigne, les défonce- ments de terrain, les irrigations, la race des bestiaux qui remplissent les étables, les écuries et la basse-cour, les machines à battre, tout, jusqu’à la nourriture et au — JUILLET. D29 gage des journaliers (60 cent. par personne), a forte- ment attiré l’attention de notre voyageur agronome et lui à fourni le sujet d'une relation pleine d'intérêt. La correspondance épuisée, M. Balme a la parole pour un rapport sur une lettre de M. Frédéric l'Enfant, relative à la conservation des blés et des greniers d'abondance. MESSIEURS , J'ai à vous rendre compte d’une lettre sur la conservation des grains et les greniers d’abondance , qui vous est adres- sée par M. Frédéric l'Enfant, ancien cultivateur à Coule- mesle, près Montdidier, propriétaire à Caen. Dans une petite brochure que l’on trouve à la suite, il soumet à Sa Majesté Napoléon II tout un plan pour arriver à la réali- sation de projets jusques à ce jour entourés de difficultés réputées insurmontables. Etablir des greniers d’abondance, c’est là soulever une question d'économie politique de la plus haute importance , dont le corollaire immédiat est de conserver aux céréales, par suite au pain, un prix à peu près égal en tout temps. La solution de ce problème inté- resse vivement nos populations agricoles; vous donc, qui ‘avez pour mission de veiller à tous leurs intérêts, vous de- viez être les premiers appelés à prononcer sur la valeur des moyens proposés. Aussi c’est à votre examen que M. l'Enfant soumet le projet dont il est l’auteur. Produire, produire beaucoup, tel a été le but des études et des efforts de toutes les sociétés d'agriculture de 540 RÉSUMÉ DES SÉANCES. France. Il est constant que par les nouvelles méthodes de culture que l’on a propagées, on a obtenu des résultats inespérés. Aujourd'hui que vous avez entraîné nos culti- vateurs dans la voie du progrès, vous devez faire de nou- veaux efforts pour les y maintenir, et les pousser plus avant. Mais si vous voulez que les populations obéissent à cette impulsion, il faut trouver un moyen pour assurer la vente des produits agricoles, non-seulement à un prix égal à celui de revient, mais encore avec une certaine somme en sus qui deviendra pour eux une prime d'encouragement. S'il n’en est ainsi, craignez de les voir renoncer, avant peu, à toute amélioration, même à celles dont le succès est dé- sormais infaillible. Les améliorations, surtout celles du sol, demandent un travail opiniâtre , des dépenses continuelles. Eh bien! lors- que le paysan verra que l’abondance des produits occa- sionne une baisse exagérée dans le prix des céréales; lors- qu'il verra ses revenus décroître alors qu’il récolte davan- tage, et n'être plus en rapport avec les sacrifices d'argent et de peine qu'il fait pour les obtenir, n’en doutez point, il reviendra à l’ancienne culture, qui, tout en rendant moins, donnait, par suite de la rareté des produits, un re- venu plus considérable , et exigeait moins de labeurs, moins de dépenses. L'homme est instinctivement par trop paresseux et égoïste, pour ne pas appréhender que l’exces- sif bon marché des grains n’arrête le mouvement progres- sif de l’enseignement agricole. A côté de ces considérations générales touchant au pro- grès scientifique de l’agriculture , il en est d’autres qui ne sont pas moins de nature à attirer votre attention. Sans doute il est nécessaire que les populations ouvrières JUILLET. D41 de nos villes manufacturières mangent le pain à bon marché. Mais l’ouvrier des champs, comme celui des villes, demande à son travail le pain de chaque jour; lui aussi n'aurait-il pas droit à quelques sympathies. Vous le savez , le sort de l’homme que dans nos campagnes nous appelons »#anœuvre est intimément lié au prix des cé- réales; suivant qu’elles seront chères ou à bas prix, il trou- vera de l'ouvrage ou chômera. L'expérience en a été faite ces dernières années : les ouvriers des champs, alors que les grains avaient acquis un prix par trop exagéré, ont eu moins à souffrir de la misère que les années précédentes, pendant lesquelles les céréales étaient à trop bas prix. Cela se comprend aisément. Vienne la hausse, le propriétaire a de l'argent au-delà de ses besoins, et il n’a pas l'habitude de thésauriser : ou plutôt si, il thésaurise, mais en confiant à la terre ses éco- nomies, Dès qu'il a à sa disposition quelques épargnes, il voit à faire dans ses propriétés une foule de réparations utiles , même quelques-unes d'agrément , etaussitôt il met la main à l’œuvre et va chercher des ouvriers, Vienne au contraire la baisse, il parcourt ses terres, renvoyant à des jours meilleurs toute réparation. Dans ces derniers temps, on s’est beaucoup plaint en agriculture du manque de bras. Généralement on l’attri- buait aux émigrations des ouvriers vers les chantiers des chemins de fer. Sans doute l'exécution des lignes de fer pouvait en être un motif. Pour moi cependant, surtout dans nos montagnes, cette cause me parait plus apparente que réelle; je la trouve plutôt dans la prospérité agricole. Je veux dire que, pendant le cours de ces dernières années, le nombre des travaux entrepris augmentait , tandis que le TOME XXI. 9) 542 RÉSUMÉ DES SÉANCES. nombre de bras pour les exécuter restait stationnaire. Ainsi, tel qui habituellement n’employait pas d'ouvriers , en occupait un certain nombre. Que plusieurs personnes agissent ainsi dans la même commune, ce qui avait lieu, bientôt dans cette localité il n’y aura pas assez d'ouvriers, et pourtant leur nombre n’aura pas diminué. Du reste, pourquoi les ouvriers émigrent-ils? Sans doute parce qu'ils y trouvent un avantage pécuniaire. Faites que l’agriculture puisse donner à ses ouvriers un salaire aussi élevé que celui que donne l’industrie, aussitôt vous verrez cesser toute émigration ; tant l’homme, surtout le monta- gnard , tient au pays où il est né. Or, ce but, on ne peut l'atteindre qu’en favorisant le développement de l’agricul- ture, et l’un des moyens les plus sûrs d’y parvenir, c’est de conserver à ses produits un prix moyen. Le prix moyen des céréales est même dans l'intérêt des classes ouvrières de l'industrie. La prospérité du com- merce dépend en effet beaucoup de celle de l’agriculture. Plusieurs manufactures de France ne vivent que par les produits qu’elles livrent à la consommation des populations rurales, et les achats que feront ces dernières seront tou- jours proportionnés au numéraire qu’elles ont en main : pour elles, il n’y a pas de crédit. Telles sont les considérations qui, selon moi, militent en faveur du projet qui vous est présenté. Je dois vous dire un mot des considérations que présente à ce sujet M. l'Enfant; elles sont d’un ordre tout aussi élevé. Il démontre que la fortune de la France est inté- ressée à la mise en pratique de sa théorie : en cela il a raison, puisqu'il est vrai que dans les années de disette que nous venons de traverser notre pays à été tributaire de JUILLET. 545 l'étranger de plusieurs millions, C’est aussi, selon lui, l’un des plus sûrs moyens de prévenir lout mouvement in- surreclionnel. La faim, dit la sagesse des nations, pousse le loup hors du bois. Les greniers d’abondance! Lorsqu’à votre dernière séance M. le Président prononça ce mot, j’entendis dire autour de moi que cette question était définitivement, en pratique, jugée irréalisable par le Gouvernement , qu’il fallait sur ce point s’en rapporter à l’industrie privée. Tel n’est point mon’avis. Cette question touche de trop près, d’une part, à l'alimentation publique, de l’autre à la prospérité du pays, pour que le Gouvernement ne la fasse constamment étudier, pour qu'il ne prenne l'initiative de tout nouvel essai. C’est encore par les réserves de grains qu'il trouvera le moyen le plus sûr, le plus prompt à régulariser en peu de temps le cours des grains. Un homme dont le génie embrassait toute chose , l’Em- pereur Napoléon Ier, voulait que chaque grande ville eût un approvisionnement de grains qui lui permit de nourrir ses habitants pendant plusieurs mois dans les années où les productions agricoles seraient insuffisantes. « Cette réserve, écrivait-il à son Ministre du commerce, » serait créée dans les années d’abondance où le blé se » vend à vil prix. Les achats que l’on ferait en relève- » raient le cours et favoriseraient l’agriculture, La réserve, » livrée à la consommation dans les mauvais jours, empê- » Cherait la cherté excessive des grains et maintiendrait la » taxe du pain à peu près égale en tout temps. » Equilibrer le prix des grains, telle était la volonté de l'Empereur, et cette volonté, il la fit exécuter en faisant construire des greniers d'abondance dans la ville de Paris. 3544 RÉSUMÉ DES SÉANCES. L'on y réunit une certaine quantité de grains : malheureu- sement, on s’aperçut bientôt que le grain ainsi mis en tas ne tardait pas à fermenter et devenait impropre à la con- sommation. Il fallut renoncer à cette première expérience. Elle eut cependant pour résultat de faire connaître que la principale difficulté à vainere, pour l'établissement des greniers d’abondance, c'était d'arriver à la conservation des grains. Depuis lors, plusieurs méthodes ont été essayées, et toutes ont été reconnues peu propres à être employées sur une vaste échelle. Aujourd’hui, M. l'Enfant indique un double moyen qu’il croit infaillible, et qu’il donne comme la conséquence d’une série d'observations. Voici en quoi ils consistent. Pour l’un, il ne s’agit que de laisser le grain dans l’épi. Pour l'autre, il pense que l'on préserverait le grain de toute altération si, avant de le mettre dans le gre- nier, on le mélait avec une certaine quantité de paille hachée ou avec la balle. Ces épillets, dit-il, mélés dans des proportions convenables, auraient pour effet d’absor- ber la partie humide des grains, unique cause de leur fer- mentation, par suite, de leur avarie. Restait à se prémunir contre l’invasion des charençons. Le moyen qu'il conseille comme le plus sûr pour les détruire, c’est l'emploi du gaz carbonique. Ces procédés admis comme certains pour con- server les grains, l'établissement des greniers d’abondance ne soulève plus que des difficultés de détails que l’on peut résoudre facilement, en appropriant les mesures que l'on prendrait pour cela aux habitudes des localités où on les établirait. A cet effet, M. l'Enfant présente un système pour l'achat des grains, qui nous parait digne d'être signalé. 11 serait établi, par chaque arrondissement, une commission de — JUILLET. 49 surveillance etun comité d'achat. Les acquisitions se feraient par le comité d'achat, sur échantillon envoyé à la commis- sion de surveillance et admis par elle. Le prix serait fixé d’après la mercuriale des marchés régulateurs du départe- ment du vendeur. Tels sont, en résumé, les systèmes de conservation des grains que M. l'Enfant, après dix ans de travaux et de re- cherches, à proposé au Gouvernement d’expérimenter et d'appliquer à l’établissement de réserves de grains. Il faut bien le reconnaître, ils sont fort simples et d’une applica- tion bien facile ; tellement, que s'ils sont efficaces, on est à se demander comment on n'y a pas plus tôt songé. A vous, Messieurs, il s'adresse en ces termes : « Si vous trou- » vez nos recherches dignes de votre attention, vous vou- » drez bien amender les points que vous jugerez défec- » tueux, et même formuler de nouvelles propositions qui » se trouveraient en harmonie avec le projet tendant à ».résoudre , dans l'intérêt général, les questions sou- » levées. » Que répondrez-vous à cette demande pleine de modestie d’un homme qui, dans tout le travail dont nous venons de vous rendre compte, nous à paru constamment dirigé par un seul sentiment, celui du bien public? Je l’ignore. Pour moi, considérant la solution de ce problème, tant au point de vue humanitaire qu’au point de vue agri- cole, je désirerais que votre Société émit le vœu de voir faire une expérience sérieuse de ces systèmes, afin d’en connaître la portée. Ce vœu, vous le communiqueriez à M. l'Enfant ; il s'empresserait, comme il vous le dit dans sa lettre, de Le joindre aux pièces qu’il se propose d'envoyer à Son Excellence, M. le Ministre de l’agriculture, qui est déjà saisi de sa proposition. Si cette nouvelle tentative était 546 RÉSUMÉ DES SÉANCES, couronnée de succès, vous auriez, encore une fois, la satisfaction d’avoir donné un appui moral à un acte de première utilité et de haute bienfaisance. Cette lecture et le vœu qui la termine, de voir faire par le Gouvernement une expérience sérieuse de ces systèmes, appellent, de la part de M. de Brive, quelques observations réfléchies et quelques prudentes réserves. M. de Brive, rendant justice au talent du rapporteur, partage son opinion et celle de M. l'Enfant, sur l'utilité d’un équilibre équitable dans la mercuriale des grains. Il est de toute justice que l’agriculteur puisse trouver dans la vente de ses produits une légitime récompense de ses peines ; autrement on verra s’avilir le travail le plus pénible, il est vrai, mais le plus fécond de tous, celui de la culture des terres, celui qui, chez nous, exige tant de sueurs, tant d’avances, tant d'intelli- gence. En effet, qu’est-il besoin de méthodes nouvelles, d'enseignement agricole ? à quoi peut aboutir une société ayant la mission de propager les meilleurs pro- cédés de culture , de préconiser l'emploi des instru- ments perfectionnés ? à quoi bon des conseils , des primes, des encouragements dont le but est d’exciter à la plus grande production possible si, sur les marchés, l’avilissement des prix n'entraîne que la perte et la ruine pour le producteur ? quel peut être l'avenir de l’agriculture si le laboureur voit ses revenus décroître à mesure qu'il récolte davantage, si, au milieu de l’abon- dance générale qu’il aura faite, il ne trouve que la mi- sère? M. de Brive connaît tous les périls que peut créer JUILLET. DA7 une pareille situation qui est une des constantes préoccu- pations des Sociétés d'agriculture ; mais il reconnaît en même temps que les moyens que M. l'Enfant propose pour y remédier sont impraticables. Dabord pour ce qui regarde la conservation des grains, le moyen indiqué de les laisser dans l’épi n’est pas discutable; car, en supposant que l’épi tienne le grain dans un état de conservation parfaite , où loger les immenses meules qu'il faudrait conserver pour avoir une suffisante ré- serve de blé. L’ohjectiontirée de l'étendue des bâtiments s’amoindrit sans se détruire, s’il suffit pour les conserver de mélanger les grains battus avec de la paille hachée ou avec une certaine quantité de balle, de manière à ce qu'ils soient le moins possible en contact. Ce procédé, auquel il manque d’être suffisamment appuyé par des expériences, pourrait être utile dans quelques exploï tations particulières où on voudrait conserver les ré- coltes de quelques années ; mais la question change et prend de bien autres proportions s’il s'agit de grandes réserves entreprises par l'Etat, les départements ou les communes. M. Balme voudrait bien ne demander à la Société que l’appui d’un vœu pour les procédés de M. l'Enfant, purement relatifs à la conservation des grains ; mais la pensée dominante de son rapport l’en- traine sur le vaste sujet des greniers d’abondance. A l'appui de l'opinion du rapporteur, M. Plantade se déclare le partisan de ces créations qui ont été un instant dans la pensée de Napoléon Ier, et auxquelles on ne manque pas de revenir, par manière d’expédient, aux époques où l'application en est impossible, aux époques de disette et de famine. M. Plantade entend 248 RÉSUMÉ DES SÉANCES. qu'on prévienne ce fléau quand il en est temps. Il voit dans les greniers d’abondance un moyen de retenir en France ces sommes immenses, ces millions que nous jetons, au grand détriment de la fortune publique, dans les marchés de l'étranger , en Russie, en Prusse, en Amérique, dans le but de nous approvisionner pen- dant les années mauvaises. L'autorité, dans un haut intérêt d'ordre et surtout d'humanité, doit pouvoir tiver de ses réserves, sagement ordonnées, de quoi diminuer les horreurs de la famine. En outre, l’agri- culture y trouverait son compte, puisqu'il y aurait dans ces réserves un moyen facile d'arriver à ce desi- deratum tant cherché par les économistes agronomes, l'équilibre dans le prix des céréales. En conséquence M. Plantade demande l'intervention de la Société dans une question pressante ; il le fait avec une vivacité qui lui attire de nombreuses adhésions. Mais avant de passer au vote, M. le Président donne de nouveau la parole à M. de Brive, qui voit bien des difficultés dans ces concentrations de grains. Il est dou- teux qu’elles puissent éloigner tout danger de disette dans les années où les récoltes viendraient à manquer. L'opinion de la grande majorité des économistes est con- traire à cette mesure. D'abord ils ne la croient pas réa- lisable. Les essais qu’on en a faits n’ont pas abouti. La dépense seule qu'entrainerait la construction ou la disposition des lieux destinés à recevoir d'immenses réserves serait un obstacle, même pour les gouverne- ments les plus riches. Ajoutez à cela l'embarras de l'emménagement, de la conservation et de la distribu- tion des grains ; sans parler du gaspillage inévitable JUILLET. D49 dans de pareilles opérations, pour lesquelles il faudrait toute une armée d'employés. La perte des intérêts, des capitaux engagés, celle plus considérable occasionnée par la différence entre les prix d'achat et ceux de re- vente serait pour le pays une cause de ruine bien plus certaine que celle que peut occasionner aux époques de disette l’approvisionnement à l'étranger. À quoi bon construire des chemins de fer destinés surtout à la cir- culation des produits du sol, si on renferme ses pro- duits dans des magasins. Rien n’est plus mal entendu qu'un amoncellement de marchandises qui restent ainsi improductives, enlèvent à la circulation un capi- tal considérable, tandis que le progrès consiste dans la mobilisation la plus rapide possible des produits de l’in- dustrie, Sous un pareil régime, la liberté des échanges et du commerce, ces conquêtes de la civilisation mo- derne, seraient bientôt anéanties. Les greniers d'abon- dance nous auraient bientôt ramenés à l'enfance des Sociétés, ou bien à ces époques désastreuses où les gou- vernements, ne pouvant vivre qu'à condition de fournir aux peuples du pain et des spectacles, monopolisaient le commerce des céréales. Le libre commerce nourrira toujours mieux les populations que ne le pourra faire l'Etat. Aujourd’hui la seule annonce de création de gre- niers d’abondance troublerait le commerce des grains, arrêterait toute transaction et on verrait, en pleine abondance, se produire cette disette qu'on avait pré- cisément pour but de prévenir. Ne peut-on pas voir, l'histoire à la main, tons les désastres qui ont suivi l'intervention du gouvernement dans la réglémenta- tion des céréales? sans parler des périls qui, dans les 550 RÉSUMÉ DES SÉANCES, circonstances difficiles, pourraient menacer ces grands approvisionnements de grains. Quant à présent, l'échelle mobile , moyen très-heu- reux , mais transitoire, placé entre l’ancien régime des prohibitions provinciales et le moderne régime de liberté , suffit pour offrir quelques garanties d’équi- libre dans le prix des céréales. Et d’ailleurs, sans se re- trancher derrière un optimisme plein d’insouciance, on peut encore fonder quelques espérances sur lavenir. L'agriculture augmente le nombre des genres de pro- duction alimentaire. L’igname de la Chine, destiné à passer dans nos cultures habituelles, vient en aide à la pomme de terre qui ne sera pas toujours malade ; on sait avec quelle force cette dernière peut lutter contre la disette. Dans notre nouveau et fécond système d’assolement et dans la diffusion des cultures fourragères se trouve encore un moyen d'atteindre à ce prix rémunérateur si ardemment et si légitimement désiré par le proprié- taire agriculteur. Si, après une année d’extrème abon- dance qui a entraîné une baisse excessive dans le prix des céréales, au lieu de proquire du blé on produit des herbages, on verra sensiblement s'élever le prix du grain. Le consommateur n’y perdra pas, puisque avec le pain taxé à un prix modéré on pourra lui fournir de la viande à bon marché et en vulgariser l'usage au grand bénéfice de l'alimentation publique et de l’agri- culture. Après de telles considérations, M. Souteyran est d'avis de n’émettre d'autre vœu que celui qui se renfermera dans quelque généralité, et semblable à ce qui a été JUILLET. 254 formulé, sur cette matière, par plusieurs sociétés d'agriculture. M. le Président, résumant les débats, propose d’ex- primer à M. le Ministre de l’agriculture, le vœu que le Gouvernement encourage les moyens qui lui semble ront propres à maintenir, dans le prix des céréales, un équilibre convenable. Arboriculture. — M. le Président prie M. du Garay ainé de vouloir bien donner à la Société, pour la séance prochaine, son avis sur un procédé nouveau employé dans la culture des arbres fruitiers, et notamment celle des cerisiers. Pisciculture. — M. Limozin est également chargé de faire un rapport sur un nouveau moyen de transport des poissons vivants. i INDUSTRIE. — M. le Président désigne, avec leur consentement, les membres qui se proposent de se rendre au Monteil, près Craponne, pour expérimenter l'invention de M. Schlisler, relative à la conservation des toitures. — MM. de Brive, Robert, Chouvon ac- ceptent de faire ce voyage en compagnie de M. le Pré- sident. , SCIENCES NATURELLES. — M. le Président à le plaisir d'annoncer à la Société que Mme Arnaud a commencé à mettre en ordre les collections de plantes qu'elle a recueillies, dans ses nombreuses pérégrinations dans le épartement, 52 RÉSUMÉ DES SÉANCES, QE La Flore de la Haute-Loire est done en bonne voie d'exécution. En voici les premières parties qu'elle a écrites elle-même : elles comprennent 150 pages in-fe, renfermant plus de 61 esnèces de l’ordre des dicotylé- donées. Plusieurs membres de la Société parcourent les cahiers déposés sur le bureau et se montrent très- satisfaits de la netteté, de l’ordre, du talent avec les- quels sont présentés tous les détails de cet intéressant et remarquable ouvrage. Que Mme Arnaud veuille bien continuer son œuvre avec son activité habituelle, qui n’aille pas cependant jusqu’à nuire à sa santé, qui nous est précieuse dans ses travaux si pénibles mais si fruc- tueux pour la science et si utiles au pays, les sympathies de toute l’assemblée la suivent. SCIENCES HISTORIQUES. — M. le Président donne com- munication de deux lettres, l’une du Ministre de l'in- struction publique, l'autre du Ministre des finances, qui autorisent, à titre de prêt momentané , le dépôt dans le Musée archéologique, historique du Puy, des pierres sculptées de style roman , provenant de la dé- molition d’une maison achetée par l'Etat pour le déga- gement des abords de la cathédrale. Ces deux lettres sont arrivées par l'intermédiaire de l’autorité muniei- pale, à qui M. le Président adresse des remerciments au nom de la Société. M. Lagrave, auteur d’un essai historique sur la ville de Langeac, demande la faveur d’une place pour son travail dans les Annales de la Société. Renvoi au couseil d'administration, selon l'usage. JUILLET. DD L'ordre du jour appelle M. Bernard à donner lecture de la suite de ses travaux sur le cartulaire de Chama- lières. [ Ge travail intéresse l’Assemblée. Les repas festivals du XIIIe siècle, très-heureusement interprétés par notre savant collègue, font plaisir à entendre. M. le Président donne ensuite lecture de quelques noëls, écrits en patois, qui lui ont été adressés par M. Ruat, instituteur public qui, sous la direction de M. Aymard, les a recueillis dans les archives départe- mentales. — 16 et 17. Cette expression naïve de la foi de nos pères excite l'intérêt de l’Assemblée. M. Aymard lit un rapport sur un travail de M. Ber- nard, du Forez, relatif aux voies romaines dans le département de la Loire. Satisfaite du rapport et du travail du candidat, la Société confère, à l'unanimité, le titre de membre non résidant à M. Bernard. BEAUX aRTs. — M. le Président donne à la Société communication d’une lettre de M. de Newerkerque, qui nous fait espérer qu’à la sollicitation de sa cousine Mme de la Rochelambert et à celle de notre digne Pré- sident, qui ne nous a pas oubliés à Paris au milieu de ses innombrables occupations, nous pourrons obtenir pour notre Musée un gage de la munificence du gou- vernement de l'Empereur. M. Giraud, notre collègue, demande que la Société accorde une médaille d'encouragement à un de ses e a 554 RÉSUMÉ DES SÉANCES. élèves, M. Armand. Sa demande, appuyée par des des- sins remarquables sortis du crayon du jeune Armand, excite de nombreuses sympathies dans l’Assemblée. Plu- sieurs membres sont d'avis qu’on ‘ne doit pas repous- ser une pareille demande. La mission de la Société est une mission d'initiative. A elle le noble devoir et la royale prérogative d'essayer de susciter des célébrités. Il serait fâcheux qu’un homme célèbre pût nous dire un jour : vous m'avez refusé un encouragement. Renvoi; selon l'usage, au conseil d'administration. A six heures, la séance est levée. Le Secrétaire , BÉLIBEN. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 5 AOUT. SOMMAIRE. Doxs au Musée : Don de plusieurs échantillons d'aragonite ; géode de fer hydraté, ete, par M. Robert Félix. — Ossements fossiles offerts par M. de Chardon. — AGRICULTURE : De l'amélioration des races de bestiaux, croise- ment, sélection ; race du Mezenc. — Détermination de l'époque du concours départemental annuel pour 1858. — Rapport de M. Mine-Edwards sur des insectes qui ravagent les prairies ; conclusion adoptée par la Société sur ce sujet. — Rapport de M. de Brive sur la candidature de M. Chaudier ; atmis- Sion. — De la castration des vaches laitières. — Soufrage de la vigne ; M. Du- montat, M. le comte de Miramont. — M. Chouvon, sur le meilleur système de charrue. — Orge d'hiver ; M, Ch. Calemard de Lafayette. — Arboriculture : Rapport de M. Balme du Garay sur un nouveau mode de culture des arbres. — Pisciculture : Rapport sur des moyens de transport des poissons vivants, — INDUSTRIE : Rapport de M. Chouvon sur un vernis de l'invention de M. Schlisler. — SCIENCES HISTORIQUES : Dessin de la villa romaine d'Espaly, par M. Dorlhac. — CONSEIL D'ADMINISTRATION : Médailles accordées aux élèves de l’école Nor- male. — Ajournement d'une médaille demandée pour un jeune dessinateur ; MM. Aymard, L. de Vinols, le Président. Présidence de M. Ch. Calemard de Lafayette. À trois heures, M. le Président ouvre la séance. — La parole est donnée au Secrétaire pour la lecture du procès-verbal de la dernière séance, qui est adopté sans réclamation. 556 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Doxs au Musée. — M. Félix Robert fait hommage à la Société de plusieurs échantillons d’aragonite cunéi- forme, ainsi que d’une belle géode de fer hydraté, tapissée de cristaux de chaux carbonatée. Tous ces produits ont été trouvés dans une brèche argilo-volca- nique, qui est sur le chemin de Polignac à Tressac ; ces échantillons ont été recueillis par les soins de M. de Chardon qui a fait exécuter de nouveaux travaux sur ce chemin, d’après les indications de M. Robert, maire de cette commune. M. Théodore de Chardon a offert aussi à la Société plusieurs fragments d’os d’éléphants, plusieurs portions de métacarpiens et métatarsiens et phalanges, ainsi qu'un oléocrane du cerf de Solilhac (cervus solilha- cus) ; il en est de même de plusieurs fragments d'os provenant du daim de Polignac (cervus-dama poligna- cus). Tous ces échantillons viennent de la collection de son frère Charles de Chardon. OUVRAGES REÇUS — Parmi les nombreuses publica- tions placées sur le bureau, M. le Président signale, dans les Annales scientifiques et littéraires de l'Au- vergne, éditées sous la direction de M. Lecoq, deux études, écrites par deux membres non résidants de notre Société: l’une est un mémoire sur les colonies d'Auvergne, par M. Mathieu, et l’autre traite des mon- naies des Arvernes, par M. Peghoux. AGRICULTURE. — M. le Président signale encore une longue discussion, contenue au Bulletin de la Société \OUT. 4 académique d'agriculture, belles-leltres, sciences et arts de Poitiers, nos 45-46. Elle roule sur un sujet plein d'intérêt, qui avait été indiqué d'avance aux membres de cette Société, l'amélioration des bestiaux. Les ré- sultats de ce débat, où sont abordées et développées avec talent toutes les questions d'importation, de croi- sement et de sélection, donnent à M. le Président des espérances pour notre race du Mezene. M. de Curzon, si connu dans le monde agricole et un des principaux interlocuteurs, fondant son opinion sur des faits bien observés, se prononce pour lamélioration des races par elles-mêmes, surtout dans la race bovine. — Dans l'amélioration de cette espèce, il regarde toute importa- tion, tout croisement des races anglaises, hollandaises et suisses comme inutiles, surtout si nos éleveurs don- nent, de bonne heure, à leurs sujets déjà pourvus de qualités naturelles, une nourriture abondante et saine, des habitations aérées, s’attachant à un choix sévère de reproducteurs de même race. M. le Président fait remarquer combien ces conseils s'appliquent au perfectionnement de notre race me- zine, déjà douée de qualités incontestables, dont elle à fait preuve au concours régional de Mende, et qui sont susceptibles de grands progrès lorsque les encourage- ments arriveront à nos éleveurs. Aussi, dans l'intérêt de nos contrées, a-t-il demandé avec instance que, dans les concours, cette race ne füt pas placée dans le voisi- nage si dangereux de la race d’Aubrac et que, pour quelque temps du moins, on ne la mit en concurrence qu'avec des races moins avancées, de manière à ce qu'elle put conquérir sa juste part d'encouragements. TOME XXI. 510 355$ RÉSUMÉ DES SÉANCES. I a tout lieu de croire que l'administration supérieure fera droit à de si légitimes réclamations et qu'elle donnera aux éleveurs de cette race si méritante, que M. le Président a pris tant à cœur de voir réussir, le temps de la faire accepter dans le monde officiel et de la mettre au point où nous espérons la voir arriver un jour. M. le Président demande à l'assemblée de vouloir bien fixer le jour du concours annuel départemental, qui à lieu ordinairement au mois de septembre, au siége de la Société. Un des membres désirerait qu'il fût fixé au dimanche qui précède la foire, au lieu de la veille mème, par le motif que les animaux de concours n'étant pas ceux de foire, on pourrait, le lendemain du concours, se trouver embarrassé des premiers. Mais la crainte de faire venir deux fois, en quelques jours, les éleveurs du Mezenc ou de tout autre point éloigné du dé- partement, fait maintenir l'antique usage et le concours est fixé au mercredi 29 septembre, veille de la foire dite de la St-Michel. À cause de la sécheresse qui per- siste depuis si longtemps et du manque de fourrages, M. le Président ne fonde pas de grandes espérances sur ce prochain concours; néanmoins il engage tous les membres à user de leur influence auprès des produc- teurs et à agir de telle sorte qu'il ne soit pas trop infé- rieur aux concours précédents. Nous ne devons pas, dit-il, nous laisser surprendre, — 1860 approche, — au mois de mai de cette année, notre département sera appelé à montrer, à son tour, aux yeux des départe- ments qui l'entourent, tout ce qu'il peut, tout ce qu'il AOÛT. 559 vaut. Que le Gouvernement nous trouve prêts à répon- dre à son appel. — Les concours annuels de 1858 et 1859 doivent être comme une préparation à la grande lutte d’où nous devons sortir avec honneur si nous voulons faire disparaître les derniers vestiges de la ta- che dont une main indiscrèle à couvert, sur la carte, notre département. Dans le dépouillement de la correspondance, M: le Président rencontre le rapport de M. Milne Edwards sur une communication de M. Béliben relative à des insectes qui ravagent les prairies de Saint-Julien-Molhe- sabate ; il donne lecture de ce rapport qui avait été provoqué par M. le Secrétaire sur les ordres de la Société. SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ET CENTRALE D’AGRICULTURE. Paris, le 23 juin 1858. Dans la séance dernière, M. le Président nous à chargés, M. Guérin-Méneville et moi, de lexamen d’une lettre de M. Béliben, secrétaire de la Société d'agriculture du Puy, relative à des insectes qui se sont montrés en troupes in- nombrables sur quelques points du département, et qui y ont causé des dégats considérables, en coupant par le pied l'herbe des prairies. M. Béliben a joint à sa lettre divers échantillons de ces animaux destructeurs, et il désire en connaître le nom. Ces insectes appartiennent à une tribu de petits lépidop- tères, que les anciens entomologistes désignaient sous le 560 RÉSUMÉ DES SÉANCES. nom de teignes à fourreau de paille coupée, à raison de l'espèce de gaine que la chenille se construit avec des dé- bris d'herbes sèches et qu’elle traine avec elle. Dans le système de classification adopté de nos jours par les natu- ralistes, ces animaux forment le genre Psyché. D'après l'investigation des nymphes et des fourreaux soumis à mon examen, je suis porté à croire qu'ils ne sont pas tous iden- tiques spécifiquement ; mais les individus adultes que j'ai trouvés dans l'envoi de M. Béliben me paraissent se rap- porter tous à l'espèce appelée Psyche stomoxella, et très- bien figurée dans la monographie des Psychides, publiée récemment par M. Bruand dans les Mémoires de la Société d'encouragement du Doubs. Or les Psychés présentent une particularité organique dont la connaissance pourra être utile aux agriculteurs, non pour combattre le fléau dont la Société du Puy s’est émue, mais pour en arrêter les progrès et en prévenir le retour. Les femelles sont aptères, et les mâles seulement ont la faculté de se déplacer au moyen du vol. Il en ré- sulte que les œufs pondus par ces insectes destructeurs doivent se trouver dans les lieux mêmes où ils viennent d'exercer leurs ravages, et que c’est de ces localités que partent bientôt de nouvelles légions de petites chenilles qui, pour se nourrir, doivent se jeter sur les champs circon- voisins. Par conséquent, si on brülait sur place les herbes dans les endroits ravagés, on pourrait espérer détruire la source du mal, Si les localités infectées ne sont pas trop étendues, je conseillerai donc aux Par suite de cette expérience, j'ai le projet d'introduire la moutarde blanche dans ma culture, comme récolte dé- robée après céréale, et j'ai cru devoir inviter ceux de nos collègues qui s'occupent d'agriculture à tenter le même essai. Je ne renonce pas au plaisir d'aller visiter vos travaux agricoles avant mon départ pour Paris, et je vous prie de croire loujours à mes sentiments bien dévoués. DE BRIVE. Un article du Bulletin agricole du Puy-de-Dôme, de septembre 1858, préconise l'emploi des os mis en poudre comme engrais d'une grande puissance, À ce NOVEMBRE. 601 sujet, M. le Président fait connaître à la Société un projet de moulin destiné à broyer les os que l’industrie étrangère nous ravit tous les jours en grande quantité, au détriment de notre agriculture. Ce projet a été conçu par M. Souchon, qui se distingue par le goût des améliorations et qui possède une propriété avec prise d'eau pouvant très-bien se prêter à cette industrie nouvelle. Le moindre encouragement venu de la So- ciété lui permettrait de donner suite à ses projets. La Société, consultée, remet à M. le Président le soin de s'entendre avec le conseil d'administration au sujet du vœu de M. Souchon. Horticulture. — À propos d'un article du Journal d'horticulture du Bas-Rhin, M. le Président fait remar- quer quelle extension la culture maraichère a prise dans notre pays et celle que l'avenir lui réserve. Mais il se demande si dans cette industrie agricole les vrais principes ne sont pas quelquefois outragés, si la loi de succession dans les cultures est observée et si nos jar- dins potagers sont soumis à quelque règle d’assole- ment. Un article sur ce sujet, que M. du Garay fera ‘insérer dans lAlmanach, pourrait produire de bons résultats. M. Dumontat présente à la Société un échantillon de graines provenant d’une plante qu’il a cultivée dans son jardin. Ces graines, torréfiées, lui fournissent un café d’un goût et d’un arôme qui a quelque rapport avec le moka. Il désirerait qu'un des membres de la 602 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Société voulüt bien déterminer la plante qui porte la graine précieuse. M. Martel reconnaît dans la tige chargée de fruits que lui présente M. Dumontat le lopier à quatre aïles, de la famille des légumineuses, contenant une huile essentielle qui peut bien avoir jusqu’à un certain point le goût du café, mais qui n’en a ni l’excitant ni l’arôme. Sur ce sujet la Société reconnaît la nécessité d’expé- riences plus concluantes. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. — Par l'intermé- diaire de M. Aymard, M. Aulagner, instituteur public de la commune de Taulhac, adresse à la Société une * notice accompagnée d’un croquis, sur la imarche de l'orage mêlé de grèle qui, le 16 juillet 1858, a fait tant de mal dans la commune de Taulhac. La Société accueille cette communication avec intérêt. Elle reçoit avec reconnaissance l’hommage d’une esquisse géologique du département de la Lozère qui lui est présentée par M. Aymard , de la part de son auteur M. J. Dorlhac, ingénieur, directeur de mines, membre de la Société géologique de France , de la Société académique du Puy, et notre compatriote. Ce mémoire, assez étendu (84 pages et 97 articles), accompagné de tableaux dressés avec soin, a été écrit pour répondre aux questions de géologie posées dans le programme des Assises scientifiques du Gévaudan sous la direction de l'institut des provinces. Ces ques- tions portaient sur les divers terrains qui composent le sol du Gévaudan et sur leurs caractères principaux. NOVEMBRE. 605 SCIENCES HISTORIQUES. — Archéologie. — M. Aymard place sous les yeux de la Société la restauration d’une partie de la grande frise du monument dont nous possédons des fragments si précieux et d’un si grand caractère, et qui ont été découverts dans les murs et aux environs de la cathédrale. Cette restauration est due au talent de M. Camille Robert qui, sous la di- rection de M. Aymard, a rendu avec bonheur le style de cette vaste composition, entreprise à la demande et aux frais de la Société. Histoire. — L'ordre du jour appelle une communi- cation sur une rectification historique. M. Béliben expose que, dans un voyage qu'il à fait à Paris, dans le mois d'août dernier, il a exploré les bibliothèques dans le but d'y recueillir quelques documents pouvant servir à l’histoire du pays, dont il se proposait de faire hommage à votre commission permanente des recher- ches historiques. Les résultats de ses études n’ont pas rempli les espérances qu'il en avait conçues. Gepen- dant, à la Bibliothèque impériale, au département des manuscrits, il a tenu en ses mains les précieux manuscrits des troubadours, annotés de la main même de Pétrarque, dans l’un desquels il a transcrit une courte notice sur la vie de Pierre Cardinal avec la table et le titre de ses sirventes. Ces deux manuscrits sont inscrits sous les numéros 2032, 2033 du supplé- ment. Un autre jour, dit-il, j'ai découvert un manus- nuscrit in-4° avec de belles enluminures , sans nom d'auteur, ayant pour titre : « Congratulation et chartes ..» de la nativité de Charles ainsné fils du Roy Loys 60% RÉSUMÉ DES SÉANCES. » onzième de ce nom dauphin de Viennois commencé » bien eureusement en cette forme » Ciel saphire qui n’a ombre ne nuict » Tout estelle de thopaces menues, ete. » Suivent vingt-huit strophes dans ce goût, dont les six dernières contiennent la dédicace ou oraison « à ma mère de grâces,» c'est-à-dire à la reine femme de Louis XI, dans laquelle il annonce « une translation du latin en français de la fondation de la miraculeuse et sainte église et singulier oratoire de Notre-Dame du Puy et de l'invention de son dévot image fait par Jérémie le prophète, longtemps avant l’incarnation de Jesus Christ. » Suit encore un prologue du translateur de douze strophes de douze vers chacune. J'ai relevé la table des chapitres de cettehistoire, qui embrasse la légende entière de l'établissement du sanctuaire de Notre-Dame du Puy et qui se tcrmine encore par des vers de la composition du traducteur. La prose de l'exposition contient vingt-huit chapi- tres, le premier et le deuxième commençant ainsi: « Comment saint Pierre commença de prescher à Rome; comment il envoya saint Georges et saint Front ès parties de France. » Le dernier se termine ainsi: « Comment le premier image fut apporté par iceluy roy de France en l’église du Puy où se font miracles innumérables. » Cet écrit, dont je ne me hasarderai pas à soupçconner l’auteur, à moins que je n'apprenne que le chanoine Odin était poète, est antérieur de près d'un siècle aux manuscrits de Médicis. — Il suppose :. 36 — NOVEMBRE. 605 un ouvrage plus ancien, puisqu'il n'est qu'une traduc- tion. Il est inscrit sous Ie ne 8002. Je dois en outre à l’obligeance de M. de Eacabane, conservateur et professeur à l'Ecole des chartes de la Bibliothèque impériale e! vice-président de la commis- sion de l'Histoire des sanctuaires de Marie de France, des renseignements qui, je le pense, m'ont mis sur la trace d’une rectification historique. — Le Gallia chris- tiana, t. 1, p. 718, place au nombre des évêques du Puy Jean IV de Cardaillac et s'exprime textuellement : « Johannes de Cardaillie cum esset episcopus ani- ciensis; factus est Bracharensis (Braga) archipræsul, in locum Guillehni, qui translatus est ad sedem Arela- tensem (d'Arles), anno cireciter 1360. » Mais on trouve dans la collection des manuscrits Suarez, tom. Xvur, à l'article Æispanix episcopi Aurienses (d’Aurence en Portugal) : Innocentius, etc. (1), Alfonso de Noya orcinis fratrum minorum confert episcopatum Awrienseni Vacantem per translationem Johannis episcopi Auriensis ad ar- chiepiscopatum Bracharensem. — Datum Avenione 10ecalendas septembris, anno Je. Registr. Innocentii Go anno % archiepiscopo Bracharensi, alia Petro regi Castellæ et Legionis (de Castille et de Léon). D'après ce dernier texte, il me paraît évident que l’évêque Jean, qui a été transféré au siége archiépis- copal de Braga en Portugal, (Bracharensis), venait (1: Mnocent VI de 1359 à 1869. — La neuvieme année est 1561. TOME XXI. 09 606 RÉSUMÉ DES SÉANCES. d’Aurence, aussi en Portugal, et non d’Anis, et que les auteurs du Gallia christiana qui ont consulté Sua- rez ont lu Aniciensis pour Auriensis, confusion du reste très-facile à opérer, puisque ces deux noms s'écrivent à peu près de la même manière et que d’ailleurs les dates coïncident parfaitement, que l’année neuvième du pontificat d’'Innocent VI correspond au millésime de 1361. D'ailleurs nos historiens s'arrêtent fort peu sur Jean de Cardaillac, qu'ils placent entre Jean III de Jaureus ou Joffrevy et Bertrand IT de la Tour avec la date de 1361 pour ces trois évèques. Dans un autre texte de Suarez se trouve un fait que nos histoires ne rapportent pas, c’est la translation de Jean Il de Chandorat du siége d’Anicium à celui de Tortose en Espagne. — Innocentius, ete., VI, Johanni episcopo aniciensi absluto à vinculo aniciensi confert episcopatum Dertusensem (Tortose) vacantem per obi- tum Stephani episcopi Dertusensis, dat. Avenione 3e ca- lendas martii, anno V (1357). PERSONNEL DE LA SOCIÉTÉ. — Aussitôt après le dé- pouillement de la correspondance à eu lieu le scrutin pour la nomination du Président. Le dépouillement à donné 27 suffrages sur 30 votants en faveur de M. Ch. Calemard de Lafayette, qui exprime à la Société sa gratitude en termes qui sont vivement applaudis. Le scrutin est ensuite ouvert pour la nomination du Secrétaire-adjoint. M. Limozin ayant obtenu 19 suf- frages est proclamé Secrétaire-adjoint. En quelques + NOVEMBRE, 607 mots bien sentis, il exprime ses remerciments à la Société, ADMINISTRATION. — M. le Ministre de l'instruction pu- blique informe M. le Président qu'il met une somme de 300 francs à la disposition de la Société d'agricul- ture et sciences du Puy, en l'assurant qu'il est heureux d’avoir pu donner à cette Compagnie savante un té- moignage de l'intérêt qu'il prend à ses travaux. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à sept heures. Le Secrétaire , BÉLIBEN. SÉANCE MENSUELLE DU JEUDI 2 DÉCEMBRE. SONMAIRE. Lecture du procès-verbal. — Hommage rendu à la mémoire de M. Philippe Hedde, membre non résidant. — M. Bertrand de Douce exprime des regrets à l’occasion de la mort de M. Thuillier, peintre paysagiste. — Dons au Musée : M. Experton, par l'intermédiaire de M. Vibert, fait don d’un buste attribué au sculpteur Julien. — OUVRAGES REÇUS : Encouragements donnés à la commission des Recherches historiques, par M. A. Silvy, dans la Revue des Sociétés savantes. — Vie de Jean de Ferrières, vidame de Chartres, par M. Léon de Bastard ; M. Hippolyte de Vinols est chargé de rendre compte de cet ouvrage. — Histoire &e l’éduca- tion en France, par M. Théry, recteur de l’Académie de Clermont; M. Béliben est chargé de rendre compte de cet ouvrage. — AGRICULTURE : Nomination d’une commission dite des céréales, pour l'examen de la question de l'échelle mobile. — Drainage : Loi du 17 juillet 1856 autorisant un emprunt de ecnt millions en vue de faciliter les opérations du drainage. — Rapport sur des expériences agr.- coles faitcs à la ferme de Malaval par M. N'colas. — Arboriculture : De Putilité de l'échenillage pour cette année ; M. Bertrand de Doue. — ECONOMIE PUBLIQUE. — Chemin de fer : Travaux de Firminy au Puy; M. Martel. — D'une exploita- tion des massifs de chaux des environs du Puy; M. Chouvon. — SCIENCES NATURELLES : Des lignites du département; M. Bertrand de Dour. — SCIENCES HISTORIQUES : Communication sur le municipe Arisido ; M. l'abbé Bonard — LiTrÉéRATURE : Lecture d'une pièce de vers par M. F. Bernard. — FERSONNEL DE LA SoclétTÉ : Réélection du Vice-Président. — Renouvellement d'une parte du conseil d'a’ministration, = DÉCEMBRE. 609 Présidence de M, Ch. Calemard de Lafayette. A {rois heures, M. le Président ouvre la séance. — Le Secrétaire à la parole pour la lecture du procès- verbal de la dernière séance, qui est adopté sans réclamation. Immédiatement après cette lecture, M. le Président fait connaître à la Société la mort prématurée et re- grettable de M. Hedde Philippe, membre non résidant de la Société. M. Hedde n'a pas tardé à suivre dans la mort sa respectable mère madame Hedde, qui habitait notre ville, au faubourg des Capucins ; il est décédé à Nimes le 9 novembre de cette année, après une courte maladie. Sans doute ses jours ont été abrégés par cette ardeur intellectuelle dont il était dévoré. On à vu rare- nent une telle activité dans une organisation aussi peu vigoureuse. Il s’est montré pendant tout le cours de sa vie dévoué jusqu'à l’intempérance aux progrès (le lin- dustrie et de la science, essayant d'appliquer avec une confiance souvent téméraire toutes les idées nouvelles, celles mème qui ouvrent à l'imagination le champ des hypothèses (1). Jean-Claude-Philippe Hedde naquit au Puy en 1796 (2)e Il fit ses premières études au pensionnat Saint-Maurice, (U I a écrit des mémoires sur le magnétisme, 2. M. Hedde était le troisième fils de M. Philippe Hedde, bacquer, rue Raphaël, qui avait rempli, à la satisfaction des honuêtes gens, les fonctions le: plus difficiles de l’adm nistration municipale, en 1794. I était petit-fils de M.J.-A. Hedde, fabri- cant de denteiles et premier président du {'ibunai de commerce, lors de sa creation 610 RÉSUMÉ DES SÉANCES. sous l’habile professeur M. Pommier, dont le souvenir est vivant dans notre ville et particulièrement dans cette enceinte. Après avoir terminé ses classes au lycée de Nimes, notre jeune bachelier se met en quête d’une profession. T1 dédaigna les sentiers battus ; l'inconnu l’attirait : la mécanique et l'industrie pouvaient satis- faire ses aspirations, elles étaient dans ses goûts. Pour obéir à une vocation prononcée, il part pour Lyon. En 1814, nous le trouvons au sein mème de l’in- dustrie de cette ville ingénieuse, dans un atelier de fabrication des étoffes de soie, maniant la navette, agi- tant les pédales. Pendant un séjour de deux ans qu'il fit dans cette ville, il connut intimement le célèbre Jacquard et devint le témoin et le confident des tenta- tives si patientes de cet ouvrier mécanicien, qui eut tant de peine à vulgariser le métier mécanique à tisser de Vaucanson. En possession de l’idée nouvelle, M. Hedde se rend à Saint-Etienne où lappelait son oncle maternel, M. Thiolière-Peyret, fabricant de rubans. Dans cette ville, lémule de Lyon pour l'industrie, il conçoit la pensée hardie d’imiter Jacquard et, de concert avec d'habiles mécaniciens-fabricants, il applique le mé- tier Vaucanson à la fabrication des rubans. Après des efforts persévérants, d'énormes sacrifices te temps et d'argent, le succès couronne cette œuvre ; on parvient à approprier les ingénieux procédés du mécanisme dit I était arrière-pelit-fils de Philippe Hedde, né à Ypres, en Flandres, en 1688, qui était venu s'établir en qualité d’hoste, dans la rue de l'Ange ; nommé consul en 4721, il adopta la devise : Aide-toi, le ciel l'aidera ; il mourut en 1768, ee DÉCEMBRE. (RE à la Jacquard aux métiers employés au lissage des ru- bans. Ainsi c'est, en partie, au modeste commis de la maison Thiolière-Peyret que Saint-Etienne doit lintro- duction d'un procédé de fabrication dont la consé- quence fut pour cette ville un immense développement industriel. Ce succès, qui est une véritable découverte, place Hedlde au rang des hommes utiles qui ont honoré cette ville. Mais dans cette nature originale et privilégiée se rencontraient bien d’autres aptitudes. Das l'inventeur il y à ordinairement un artiste. Notre jeune industriel ne fera pas exception à la règle. Animé du feu sacré, il aborde la carrière des arts; le voilà s’essayant dans le dessin d'ornement dont il avait pris le goût à Lyon, dans cette ville distinguée par-dessus toutes les autres par son génie pour le dessin. Bientôt il devient le dessi- nateur spécial de plusieurs maisons à la fois, notam- ment de celles de son oncle et de M. Hippolyte Rovet. À partir de ce moment, vers 1818, les dispositions. an- tiques et surannées disparaissent pour faire place à la nouveauté ; et de grandes commandes venues de tous les points de l'Europe élèvent très-haut la réputation de l'industrie rubanière de Saint-Etienne, en même temps qu’elles apportent dans cette ville l'abondance et la richesse. C’est à cette époque que M. Hedde, en- couragé par les fabricants, entr'autres par le maire de Saint-Etienne, M. Hippolyte Royet, fonda un cours public de textologie, de dessin et de fabrication. Beau- coup de musées conservent encore comme un spé- cimen curieux la carte explicative de ce cours, le pre- nier du genre, 612 RÉSUMÉ DES SÉANCES. Après avoir rendu tant de services gratuits, il devait lui être permis de s'occuper de ses propres intérèts. En 1893, il s’'associa avec un de ses frères, M. Isidore Hedde (1), dans le but de tirer parti des ressources iné- puisables de son esprit inventif et laborieux. Mais der- rière le comptoir du marchand nous retrouvons toujours notre artiste exelusivement préoccupé de perfectionne- ments à introduire ou dans le dessin ou dans la fabri- cation des rubans. Il invente des genres nouveaux qui ont été plus tard une source de fortune pour ses succes- seurs : notamment les rubans-gaze avec la trame écrue, sans torsion, les franges tirées à la Jacquard, les dé- coupés à réserve, la double étoffe, les doubles rubans et autres articles qui, après avoir été brevetés, sont ren- trés dans le domaine public. A lui,seul, M. Hedde pou- vait fournir les éléments d’un musée industriel. Il en trouva la pensée dans son généreux dévoûment aux progrès de l’industrie, et sous les auspices de M. Peyret- Lallier, maire de la ville et député de la Loire, il dota Saint-Etienne de cette utile institution. La direction lui en revenait de droit, il lobtint aux applaudissements des habitants de cette ville, justement fiers de la gloire et de la prospérité de leur industrie. M. Hedde n’était pas seulement un homme d'action, il savait écrire, ainsi que le témoignent &: ncribreux mémoires sur le commerce, sur Îcs arts, sur les fabri- (4: M. Hedde Isidore, chevalier de lordie impérial de la Légion- d'Honneur, membre non résidant de la Société académique du Puy, est ‘e membre de cette fa- mille qui à figuré si honorablement dans l’ambassar'e de M. de Lagrénée en Chine, eu qualité de représentant de l'industrie lyonnaise et stéphanoise, RE — DÉCEMBRE. 615 ques ; ils ont été publiés par la Société industrielle de Saint-Etienne, dont il a été longtemps un des membres les plus zélés. En 1898, il fit paraître sous le titre modeste d'/ndicateur stéphanois un ouvrage plein d'intérêt, non-seulement utile aux habitants dont il consacre les occupations laborieuses, mais encore aux étrangers dont il facilite les recherches ; œuvre qui obtint les honneurs d’une mention des plus flatteuses dans le célèbre rapport d'enquête ouverte devant le parlement anglais (1). Les Annales (années 1836, 1837, 1838) de notre Société académique, dont M. Hedde, rendu à son pays natal, fut nommé membre résidant, renferment de lui, sur la Bible de Théodulphe, plusieurs notices qui feraient honneur à quelqu'un de nos habiles historiens archéologues. Elles sont illustrées de deux planches, dont l'une représente les principaux orne- ments du manuscrit et l’autre 16 dessins coloriés des diverses étoffes précieuses intercalées dans les pages de ce livre, dans le but d'en préserver les curieuses 4) Voici ce qu'en a dit M. le docteur John Bowring devant la commission d'en- quête formée en Angleterre pour éclairer le parlement sur le commerce des Soierics : « Je mettrai devent vos yeux des documents publiés par un homme que je re- » garde, sans aucun doute, comme le mieux informé du pays. N'ayant été occupé, » depuis plusieurs années, qu'a des recherches de statistique, il a écrit le seul » livre de mérite qui décrive le commerce de soieries de Saint-Eticnne, son accrois- » sement et ses progrès. Ses écrits peuvent être consultés par tout homme qui » s’ntéresse à l’histoire du commerce, et je ferai remarquer ici qu'il est extraor- » dinaire qu'il y ail unc listoire imprimée du comm rec de Saint-Eticnre, tandis » qu'il n’en existe pas de celui de Evon. » (Report from a selched committee on the selh trade, etc. 614 RÉSUMÉ DES SÉANCES. enluminures. L'analyse raisonnée de ces tissus, bien conservés et qui ont plus de mille ans d'existence, est une page d'un intérêt capital pour l'histoire de l'in- dustrie des étoffes, et de nos jours plusieurs fabricarits viennent y chercher des inspirations. M. Hedde ne resta pas bien longtemps au Puy. L'air natal ne put lui rendre la santé altérée par tant de tra- vaux ; il se voit obligé de chercher un climat plus doux et choisit le séjour de Nimes, où l’attendaient de nombreuses relations de jeunesse et de famille. Dans cette ville, comme à Lyon, comme à Saint-Etienne et au Puy, l'étude attire irrésistiblement. Il devient bientôt membre titulaire de l'Académie du Gard, et les publications de cette Société renommée se rem- plissent d'ouvrages sortis de sa plume dont la liste est longue. Le plus remarquable, son œuvre capitale, a pour titre : Parallèle entre Vaucanson, Paulet et Jacquard. C'est une histoire approfondie, conscien- cieuse de la mécanique dite à la Jacquard. La conclu- sion est que tout le mérite qui revient à Jacquard de cette mécanique, inventée par Vaucanson, est de l'avoir découverte dans les greniers du conservatoire, de l'avoir offerte aux méditations des artistes et d’en avoir pressenti toute l'importance. De la spéculation M. Hedde passait vite à la pratique; aussi le voit-on, dans sa patrie adoptive, chargé de divers intérêts qu'il surveille avec un désintéressement à toute épreuve. Il aide le maire de Nimes à la fonda- tion d’une école industrielle et d'un cours de tissage à l'usage de la population industrielle de cette ville; et lorsque Ta noble cité, inspirée par ses antiques tradi- DÉCEMBRE, 615 tions, veut édifier des travaux d'art destinés à lui amener l’eau qui lui manque, elle appelle dans ses conseils l’ingénieux industriel, son hôte vénéré, et le nomme rapporteur dans cette entreprise. Mais le malheur avait atteint cette âme ardente, mais douce et pieuse; il s'était vu mourir tout vivant et tout entier dans ce qui est notre avenir, dans son fils uni- que, le jeune Félix Hedde, jeune homme de dix-sept ans et demi, de grande espérance, déjà prèt pour l'école Polytechnique, qu'une courte et cruelle ma- ladie vint arracher des bras de sa mère le 7 août 1851. M. Hedde ne put se remettre d’un coup aussi terrible et, depuis ce temps, sa santé délicate s’altéra de jour en-jour. Il est mort à Nimes le 9 novembre 1858, em- portant les regrets de sa famille, de ses nombreux amis, d’une ville tout entière. Dans notre ville, à la- quelle le tenaient lié tant d’attaches, sa mort causa une impression douloureuse. Elle a été vivement ressentie dans cette Assemblée qui charge son Président de transmettre à madame Hedde de Belviala, sa veuve, l'expression de ses regrets. M. Bertrand de Doue obtient la parole pour une communication du même genre. Il a le regret d’ap- prendre à la Société la mort de M. Thuillier, peintre paysagiste d’un grand mérite, qui a été enlevé récem- ment à l'affection de ses nombreux amis et de sa fa- mille, après une longue et douloureuse maladie. Un lien intime et mystérieux unissait M. Thuillier à nos montagnes. Nos sites el nos paysages avaient pour lui un vif attrait, Test venu plusieurs fois Ÿ chercher 616 RÉSUMÉ DES SÉANCES. d'heureuses inspirations que son pinceau traduisait souvent avec succès, comme le témoignent quelques belles toiles que possède notre Musée. Les œuvres de cet artiste viennent d'acquérir par sa mort un nou- veau prix. Par son talent, par les aimables qualités qui le distinguaient, M. Thuillier mérite cet hommage qui est rendu à sa mémoire avec tant de convenance par M. Bertrand de Doue, qui nous rappelle aussi qu'une des filles de l’artiste que nous regrettons, mademoiselle Louise Thuillier, est membre non rési- dant de la Société ; titre qu'elle doit à un fort joli paysage de sa main dont elle fit don à notre Musée. Doxs au Musée — M. le Président donne lecture de la lettre suivante, adressée par M. Vibert, directeur du Musée, qui, retenu aux assises comme membre du Ju- ry, ne peut assister à la séance : Le Puy, 2 décembre 1558. MONSIEUR LE PRESIDENT, A la séance du mois de janvier, j'eus l'honneur d'annon- cer à la Société que M. Francisque Experton, statuaire à Paris, m'avait promis une œuvre de Julien pour notre Musée. Vous avez sous les yeux cet ouvrage que j'ai reçu depuis notre dernière réunion. Le sujet, pris dans l’histoire ro- maine, représente : l’Acolyte Sabinus offrant son char aux Vestales obligées de fuir les Gaulois vainqueurs de Rome, — DÉCEMBRE. 17 Le talent de Julien semble résumé dans ce buste: vérité de mouvement et d'expression, grâces de la forme, science du modelé, hardiesse d'exécution, en un mot, toutes les qualités qui font naître une sympathie spontanée devant les œuvres de ce maître, sont empreintes sur ce modeste plâtre. Avant d’arriver au port, cette matière fragile a traversé tant d’écueils, que les soins donnés à sa parfaite conservation tendent aussi à proclamer le mérite de l'œuvre. Cette belle tête d'étude, modelée par la main même de Julien, fut, d’après les renseignements que m'a donnés M. Experton, exécutée probablement pour son concours au grand prix de sculpture, en 1765, prix qu'il obtint à l'una- nimité. Agé alors de 54 ans, il en avait consacré 26 à l'étude, sous la direction de Samuel au Puy, de Perrache à Lyon, du célèbre Coustou à Paris. Avec une telle con- science, Julien, malgré les dispositions naturelles dont il était doué, ne pouvait consentir à se révéler que par une œuvre de maître. Celle-ci nous est doublement précieuse. Indépendamment de son mérite, elle acquiert un nouvel intérêt à raison des phases qu’elle traversa avant d'arriver jusqu’à nous: elle passa d’abord des mains de Julien en celles de M. Lestrade, sculpteur, son ancien camarade d'école et son praticien, à qui il confia l'exécution du marbre. L'ouvrage, commencé par ce dernier au moment de la Terreur, fut interrompu et négligé ensuite pour des travaux plus pressants. Julien mourut en 1804, vivement contrarié par cet abandon ; le chagrin" qu'il en éprouva dit assez combien il estimait cette composition. Lestrade vécut jusqu’en 4825, possesseur du modèle et du marbre ébau- ché, qui devint alors la propriété d'un troisième maître, G4s RÉSUMÉ DES SÉANCES. M. T°, sculpteur, collègue du défunt, Héritier de son père, M. T°” fils n’a terminé le marbre qu'en 4858, d’après le modèle original que nous possédons enfin, grâce au géné- reux patriotisme de M. Experton. Au reste, ce n’est pas la première preuve de dévoûment que cet artiste donne à son pays: les bustes de Julien, du maréchal de Vaux, du baron de Saint-Vidal, de Sénectaire, du cardinal de Polignac ; la statuette de ce dernier et quel- ques hbas-reliefs ont successivement enrichi le Musée où, à part les bas-reliefs représentant d’autres sujets, ils concou- rent à former la galerie historique réservée à nos vieilles illustrations. Le mérite reconnu de ces productions diver- ses, œuvres de M. Experton, données par Jui au Musée, atteste que son talent est au niveau de sa libéralité. Veuillez, M. le Président, agréer, ele. Le Directeur du Musée, VIBERT. Prenant un vif intérêt à cette communication, l’As- semblée vote d'unanimes remerciments, que M. le Pré- sident est prié de transmettre à M. Experton. M. Bertrand de Doue place sur le bureau un magni- fique échantillon de lignite, donné par M. de Mars, membre correspondant de la Société. PUBLICATIONS ET OUVRAGES REÇUS. — Parnm les publi- cations et les ouvrages reçus, M. le Président signale DÉCEMBRE. 649 la Revue des sociélés savantes, publiée sous les auspices du Ministre de l'Instruction publique et des Cultes. Cette intéressante publication, qui, outre le compte- rendu des séances du G:mité impérial des travaux historiques et des sociétés savantes, renferme des mé- moires et mème des livres, signés de noms connus et illustres dans toutes les branches de la science, ne nous élait pas parvenue depuis quelques mois. Une négligence involontaire dans l'abonnement avait été la seule cause de ce retard. À la dernière séance, tous les numéros arriérés se trouvaient sur le bureau. La livraison de juillet 1858 contient un article, écrit avec goût, qui concerne l'institution de la commission des recherches paléographiques et des études historiques, organisée dans le sein de la Société. L'auteur, M. A. Silvy, un des plus spirituels rédacteurs de la Revue, y rend hommage à la pensée féconde qui a créé parmi nous une telle commission, chargée, dit-il, de centra- liser les efforts de la science historique dans la localité el, ce qui est son caractère original, de procéder à la recherche, à l'appréciation des documents historiques que renferment non-seulement les dépôts publics mais aussi les archives privées. Après avoir exposé tout le bien qu'il attend de l'institution nouvelle, qui est une preuve du mouvement intellectuel si libre, si sponta- né, des centres seconduires, après avoir signalé les ré- sultats déjà obtenus et toutes les sympathies qui ont accueilli cette création, M. Silvy conclut en ces termes : « En félicitant cette Société, qui supplée au norbre par le zèle de ses membres et la bonne direction de leurs travaux, d'une initiative qui a été si promptement 620 RÉSUMÉ DES SÉANCES. couronnée de succès, nous avons la ferme espérance que ce bon exemple ne sera pas perdu. La Revue se plaira toujours à signaler toute innovation, toute amé- lioration qu’elle rencontrera dans la méthode d'étude des Sociétés. Constater les résultats obtenus par les Sociétés savantes, c'est beaucoup, sans doute; mais montrer une voie nouvelle à parcourir, un filon qui restait à exploiter, c’est mieux encore, et nous re- mereions la Société du Puy de nous en avoir fourni l’occasion. » * M. le Président entretient ensuite la Société d’une lettre qu'il a reçue de M. Léon de Bastard, fils de M. de Bastard, ancien Préfet de la Haute-Loire, dont le sou- venir est vivant dans notre pays, surtout dans le sein de cette Société, dont il a été un des fondateurs et même le premier protecteur. Cette lettre, adressée à M. le Président, contient l'hommage de plusieurs ouvrages que M. Léon de Bas- tard adresse à la Société, — Un de ces livres, tiré à un très-petit nombre d'exemplaires (170), et qui est re- narquable par une belle exécution typographique, à surtout attiré l'attention de M. le Président. — Il dé- cèle un vrai talent d’historien et est digne d’un examen approfondi, tant à cause du mérite de l’auteur que du nom dont il est signé, nom qui éveille toujours dans cette enceinte .une si vive sympathie. — Aussi M. le Président a-t-il chargé M. Hippolyte de Vinols de vou- loir bien rendre compte de l’ouvrage de M. Léon de Bastard, intitulé Vie de Jean de Ferrières, vidame de Chartres, seigneur de Maligny. à à ——— DÉCEMBRE, 624 M. le Président donne encore lecture d’une lettre de M. le Préfet qui dispose, en faveur de la Société, d’un exemplaire du remarquable ouvrage intitulé: Histoire de l'éducation en Franc& 2 vol. in-80, par M. Théry, recteur de l'académie de Clermont, Un crédit spécial voté par le Conseil général, dans sa dernière session, pour l'acquisition d'un certain nombre d'exemplaires de cet ouvrage, lui a fourni l’occasion de donner à la Société une nouvelle marque d’intérèt, — La Société remercie M. le Préfet, par l'organe de son Président, et charge le Secrétaire de lui rendre compte de l'ouvrage de M. Théry AGRICULTURE, — Commission dite des céréales. — M. Doniol père, membre non résidant, écrit pour en- gager la Société à s'occuper sans retard et à l'exemple de la Société d'agriculture de Clermont, de la question si Capitale de l'importation des céréales. 11 désirerait qu'un vœu füt émis en faveur de mesures administra- tives qui restreindraient l'introduction en France des blés étrangers qui, en ce moment, font à notre indus- trie agricole une concurrence désastreuse ; tandis que le Gouvernement parait pencher vers la liberté des échanges, comme l'indique le récent décret qui sus- pend pour quelque temps encore les effets de l'échelle mobile. La question soulevée par M. Doniol est fort grave aux yeux de M. le Président, qui, après avoir entendu plusieurs membres : MM. Souteyran, Balme, Plantade, de Fontpertuis, et avoir pris l'avis de l’Assemblée, croit devoir la renvoyer à l'examen d’une commission TOME XXI. 40 622 RÉSUMÉ DES SÉANCES. extraordinaire chargée d'éclairer en cette occasion la démarche de la Société. En conséquence, M. le Président désigne comme de- vant composer la commissién, sous sa présidence, MM. Souteyran, de Fontpertuis, Balme, Plantade et Giron-Pistre. — Un jour très-rapproché sera indiqué pour la première réunion de la commission. Drainage.— M. le Préfet adresse à la Société le règle- ment d'administration publique daté du 23 septembre dernier, ayant pour objet d'assurer l'exécution du prèt de cent millions autorisé par la loi du 17 juillet 1856, en vue de faciliter les opérations du drainage. — Plu- sieurs exemplaires de ce règlement sont distribués à quelques membres de la Société. Conformément aux dispositions de l'ordre du jour, M. Nicolas, professeur d'agriculture à l’école Normale, donne lecture d’un compte-rendu d'expériences agri- coles faites à la ferme de Malaval. Ce rapport contient les résultats qu'il a obtenus dans le cours pratique d'agriculture qu'il dirige dans cette ferme. MESSIEURS, Appelé, au moment où je sortais à peine moi-même de l'école impériale de la Saulsaie, à diriger l’enseignement agricole que l'administration départementale à voulu faire donner aux futurs instituteurs comme complément indis- pensable de leur instruction, je devais craindre, à cause de Cry DÉCEMBRE. 626 ma jeunesse et de mon peu d'expérience de l’agriculture et de l’enseignement, d’être au-dessous de la tâche que j'entreprenais et de ne pouvoir tirer tout le parti possible des éléments qui allaient se trouver entre mes mains. Mais les encouragements et les conseils des personnes qui m'’ac- cueillirent avec tant de bienveillance, et notamment de plu- sieurs membres de la Société, parmi lesquels je dois citer en première ligne M. le Président et M. de Brive, m’enhar- dirent et je me mis résolüment à l’œuvre. Quelques mois après, la Société voulut bien m'accueillir dans son sein, afin, sans doute, de me mettre à même de profiter de l’en- seignement qui doit ressortir de ses séances mensuelles. Malheureusement les fonctions qui m'ont valu cet honneur ne me permettent pas d'assister souvent à ces réunions qui me seraient si utiles. La Société n'a pas borné ses encoura- sgements au maître; elle a voulu montrer aussi qu'elle n’é- * tait pas indifférente aux efforts des élèves en accordant des médailles aux plus méritants. C’est pour témoigner toute ma reconnaissance aux per- sonnes qui se sont particulièrement intéressées à mes efforts et à la Société tout entière que je viens vous faire con- naître, moins les résultats obtenus dans le cours pratique d'agriculture de l’école Normale, que les efforts que j'ai faits et les résultats que je puis espérer dans l'avenir. Description de la ferme de Malaval. La propriété de Malaval, qui a été choisie pour servir de champ d'expérience, a une étendue d'environ deux hec- tares. Elle est située dans la belle vallée de Vals, sur la rive gauche du Dolaizon et à peu près au milieu de la 624 RÉSUMÉ DES SÉANCES. montagne, à une distance de 2,100 mètres environ de la ville du Puy. Elle se trouve ainsi tournée vers le Sud-Est, exposition très-favorable à la culture des plantes qu’on ren- contre dans le département, Aussi il paraît que depuis long- temps on y avait essayé tous les genres de culture : jardin d'agrément, jardin potager, arbres fruitiers, prairie natu- relle, prairie artificielle, terre labourable, vigne, rien n’y manquait. C'est sans doute ce qui a contribué à faire choisir cette terre. Le sol végétal, qui se compose dans la partie supérieure de débris de roches volcaniques, et dans la partie basse, d’un mélange de ces débris avec des marnes blanchâtres, est assez puissant; mais malheureusement ce mélange de marnes le rend tenace et difficile à travailler dans quelques parties. Etat où se trouvait la ferme au moment de l'acquisition. Lorsque l’enseignement agricole fut inauguré à l’école Normale et queje me trouvai, pour ainsidire, le fermier de Malaval, je dus chercher à me rendre compte de l’état dans lequel se trouvaient les terres. Il faut bien l'avouer, elles étaient un peu négligées et ne rapportaient pas ce que le propriétaire pouvait en exiger, parce que la plus grande partie n’avait pas reçu d'engrais depuis plus de vingt ans peut-être et qu'on s’efforçcait néanmoins d’y cultiver les plantes les plus épuisantes. Je n’en veux pour preuve que les expédients auxquels eut recours le propriétaire, Il s'était engagé à livrer une parcelle de terre ensemencée en froment et il n'eut rien de mieux à faire que de la fumer _ DÉCEMBRE. 625 avec des chiffons. Je suis loin de blämer cet engrais ; mais je le crois insuffisant et de peu d'énergie. Au reste, cet élat de choses se comprend jusqu’à un certain point. La difficulté de transpôrt rend assez difficile l'emploi des engrais pris en dehors de la propriété, à moins de faire chaque année de grands sacrifices, et le propriétaire qui habitait le Puy ne pouvait y entretenir des bestiaux qui auraient pu lui fournir le fumier dont les terres avaient besoin. Telles sont les conditions où je me suis trouvé en pre- nant la direction des travaux. Que faire dans une telle si- tuation ? Je dus me contenter, pour la première année, de suivre à peu près le mode de culture qui avait été préparé, tout en étudiant le sol et cherchant à me rendre compte de ses besoins et des produits qu'on devait en attendre. Il était trop tard d’ailleurs pour songer à établir dès cette pre- mière année un assolement régulier. Toutelois, quoique condamné à marcher ainsi en tâälonnant, je ne devais pas oublier le double bu£ qui m'était imposé : travailler à l'a- mélioration de la propriété et la faire servir à l'instruction des élèves-maitres. Pour obtenir ce résultat, j'avais bien des difficultés à surmonter. Les ressources mises à la disposition de l’école furent à peine suffisantes pour acheter les outils indispen- sables. Je ne pouvais arriver que lentement et progressi- vement à l'amélioration des terres, en suivant un mode de culture approprié à leurs besoins et en rapport avec les éléments dont je disposais. Quelques personnes avaient cru peut-être que la propriété allait être transformée en quel- ques mois et qu'avant la fin de la première année elle pourrait êlre citée comme modèle. Grande était leur , ” ” ” 626 RÉSUMÉ DES SÉANCES. illusion et leur désenchantement serait encore plus grand si elles voyaient le peu de résultats obtenus. Mais je sais bien que cette illusion ne pouvait être partagée par les véritables agriculteurs, par ceux qui savent ce que coûle de soins et de sueurs l'amélioration d’un terrain naturellement fertile, il est vrai, mais depuis longtemps négligé. Ce n’est pas en arrivant sur un sol mal préparé, sans fumiers et sans une main-d'œuvre sûre et appliquée au fur et à mesure des besoins, qu'on peut espérer de pareils pro- diges, qui, même avec ces conditions réunies, ne s’ob- tiennent qu'après des années. Mais si les faibles ressources pécuniaires consacrées à la culture sont insuffisantes, le travail manuel des élèves- maîtres est incapable d’y suppléer. Ces jeunes gens ne peu- vent, par exemple , faire un défoncement comme les manœuvres et on ne doit pas exiger d’eux un travail si fatigant. Au lieu de leur inspirer le goût de l'agriculture, on pourrait la leur faire prendre en dégoût, et le but prin- cipal de mes efforts serait manqué. On ne peut raisonna- blement exiger d'eux que les travaux les plus légers, les binages, les sarclages, la culture des jardins, de la vigne, la taille des arbres, etc.; et encore, que peut-on attendre pour la grande culture de binages qui se font à jour et heure fixes et une fois seulement par semaine? Les culti- vateurs savent bien que la terre n'attend pas, que Le travail doit se faire Le jour où il se présente Gans les conditions les plus favorables. C'est ce qui fait sans doute que les mau- vaises herbes revivent avec tant de persistance et c’est ce qui ne permet pas de marcher plus rapidement dans les voies de l’amélioration. Un autre obstacle, moins sérieux il est vrai, mais non DÉCEMBRE. 627 moins réel, c’est la diversité des travaux à exécuter à la fois et la multiplicité des expériences à faire chaque année pour Pinstruction des élèves. Ces travaux si divers, ces essais qui doivent être de courte durée ne peuvent man- quer de diminuer la production et d'apporter un obstacle au progrès de l'amélioration générale. Travaux de première annee. Au commencement «du mois d'octobre, les semences d'automne ayant été faites, il me fallut occuper les élèves à l'appropriation du jardin potager. C’est alors que je ren- contrai pour la première fois la difficulté de me procurer des engrais. J'eus recours à un moyen qui, si je ne me trompe, fut aussi profitable à l'instruction des élèves qu'à la préparation du jardin. La chute des feuilles était arrivée et le vent en les balayant les ramassait en tas dans la prai- rie. Je les fis râteler et entasser dans un coin avec des dé- bris de toute espèce, avec les gazons et les boues provenant du nettoyage des allées et des réservoirs. Ce compost, re- mué et arrosé souvent, se convertit en peu de temps en humus et me fournit un fumier frès-propre à l'usage au- quel il était destiné. Mais il ne fallait pas songer à fumer ainsi les terres qui devaient recevoir les semences de prin- temps. Si encore j'avais {rouvé un approvisionnement de foin suffisant pour permettre d'hiverner une vache, j'en aurais fait immédiatement l'acquisition et elle aurait com- mencé à donner quelques engrais; mais le fenil était com- plétement vide, Il fallut attendre jusqu'au mois de juin pour introduire dans la propriété cet auxiliaire indispen- 628 RÉSUMÉ DES SÉANCES. sable de l’agriculture. En attendant, je fis l'achat de quel- ques chars de fumier pour préparer un peu les terres, et au printemps elles furent ensemencées, partie en orge, partie en légumineuses (haricots blancs et lentilles). Mal- heureusement la sécheresse fit beaucoup de mal à ces ré- coltes, dont le produit fut presque insignifiant. En même temps je faisais commencer par les élèves le défrichement de l’ancienne luzernière, qui fut ensuite con- tinué par un cultivateur de Vals et me donna un sol neuf et très-propre à la culture des plantes sarclées. C’est sur ce terrain que furent plantées les pommes de terre qui, si elles n’avaient été atteintes par la maladie, auraient été un des plus beaux produits de cette première année et au- raient été très-utiles pour la nourriture de la vache pen- dant l'hiver 1857-1858. Au printemps les travaux se multiplièrent : il fallut s’oc- cuper de la taille des arbres, de la vigne, de la culture du jardin d'agrément, etc. , etc. La soirée du jeudi ne suffisait plus aux exigences loujours croissantes. Mais les résultats ne répondirent pas toujours à nos travaux. La récolte en blé (1) et les produits du jardin potager furent seuls satis- faisants. Les fruits furent détruits en grande partie par les gelées, ce qui malheureusement arrive trop souvent dans ces contrées. La vigne donna près de deux hectolitres de vin. En résumé, cette première annce ne fut pas heureuse quant aux produits; mais elle n’avait pas été perdue pour (4) La parcelle ensementee par le propriétaire, d'environ 23 ares, donna 34 doubles décalitres de froment, c'est-a-dire pr. s de 30 kectolitres a l'hectare, DÉCEMBRE. 629 l'instruction des élèves et elle m'avait permis de connaitre parfaitement la nature et les exigences du sol, Travaux et résultats de la seconde annee. Dès le commencement de la seconde année, je crus de- voir, d'accord avec M. le Directeur de l’école Normale, res. treindre les terres consacrées à la culture, pour deux raisons: pour diminuer le travail des élèves et pour don- ner plus détendue à la nouvelle prairie artificielle qui est destinée à pourvoir aux besoins de la vache pendant la plus grande partie de l’année. Ainsi, tout en faisant achever le défrichement de l’ancienne luzernière, je fis ensemencer de la luzerne sur toute la partie basse de la propriété, et, à partir de ce moment, je pus arrêter mon assolement comme l'indique le plan annexé à ce rapport. J'ose espérer que les résultats des expériences faites sur cet assolement mériteront de fixer davantage l'attention de la Société. C’est sur les pommes de terre que j'ai ensemencé le froment. Je devais cette semence, qui est une des nom- breuses variétés des blés anglais, à la générosité de M. de Ruolz. Ce blé à atteint une hauteur de 4 mètre 60 et a rendu quatre hectolitres de grain pesant 80 kilog. l’hecto- litre, et 470 kilog. de paille. Si l’on compare cette produc- tion à la surface qui l’a produite et qui n’est que de 8 ares 82, on trouve un rendement de 45 hectolitres de grain et de 5528 kilog. de paille par hectare. Ce résultat est cer- tainement exceptionnel ; mais il doit en être ainsi toutes les fois qu'on met une céréale sur le défrichement d’une lu- zerniére qui a au moins vingt ans de durée, Toutefois, si 650 RÉSUMÉ DES SÉANCES. j'avais fait ensemencer le blé du pays dans de telles condi- tions, il aurait très-probablement versé de bonne heure, surtout dans une année moins sèche que celle que nous venons de traverser; ce qui aurait diminué la récolte en grain. Je dois donc dire en passant que ce blé anglais, ap- pelé Ikling, a la propriété de ne pas verser dans les terres même les plus riches en engrais. Il la doit à la forte con- stitution de sa paille. Mais il ne donne pas un grain de première qualité. Malgré sa belle apparence, ce grain est peu prisé des boulangers qui en ont déjà fait l’essai. Il laisse un déchet considérable au moulin et sa farine con- tient peu de gluten, ce qui en rend le pétrissage difficile. Aussi se vend-il toujours à un plus bas prix que celui du pays. 11 ne faut done pas trop en généraliser l'emploi ; car, tout en récoltant beaucoup de grain, en remplissant ses greniers, on n’en retirerait pas un produit en rapport avec la quantité. Indépendamment de cette expérience, qui a été faite sur une grande échelle, j'ai fait, pendant deux ans, des essais en petit sur un grand nombre de variétés de blés anglais, et les résultats obtenus m'ont forcé à en éliminer la plus grande partie. De plus de trente espèces de ces blés, six ont seules donné de bons résultats el peuvent être essayées en grand ; les autres ont dégénéré el ont produit un grain tout- à-fait inférieur en qualité. IL est probable que la culture et la préparation des terres sont cause de cette dégénérescence. Il faudrait sans doute ensemencer ces blés dans des terres parfaitement défoncées et fumées de longue main pour obtenir des résultats satis- faisants ; mais malheureusement, soit à cause de la nature du sol qui ne se prête pas toujours à son ameublissement DÉCEMBRE. 6354 complet, soit par suite du manque d'instruments perfec- tionnés et de fumier surtout, il est impossible au cultiva- teur français de songer à obtenir Les résultats qu’obtient le cultivateur anglais. Quoi qu’il en soit, des expériences bien imparfaites que je viens de citer, je crois pouvoir conclure qu'il vaut mieux nous en tenir à la semence que nous possédons de- puis longtemps, à la plante qui est adoptée dans ces loca- lités et dont la constitution est parfaitement appropriée aux exigences du climat. Rien n'empêche sans doute de chér- cher à l’améliorer et à en faire sortir des variétés plus pro- ductives. C’est aussi dans le courant de cette année que j'ai com- paré les produits de la betterave disette où champêtre avec ceux de la betterave à sucre. Un propriétaire de l'Auver- gne me disait, il y a un an, qu'il avait fait en grand la culture de cette dernière plante et qu'il croyait que, dans ce pays, son rendement était supérieur à celui de la bette- rave champêtre. Pour m'assurer de l'exactitude de cette observation, je fis préparer de la même manière deux pe- tits carrés contigus, de 55 mètres de surface, et ensemen- cer dans l’un des betteraves disette, et dans l’autre des betteraves à sucre. Les mêmes cultures furent données en même temps à chacun des carrés. Après la récolte, on pesa séparément les produits de chaque variété de betteraves, et on trouva 191 kilog. de betteraves à sucre et 4182 kilog. de betteraves disette, ce qui fait une différence de 9 kilog. sur une surface de 55 mètres, ou d'environ 2571 kilog. par hectare. Ainsi il semble constaté que la betterave à sucre donne plus de rendement en poids que la betterave cham- pêlre. Cest ce que confirment d'ailleurs les expériences 652 RÉSUMÉ DES SÉANCES faites dans différents terrains et citées par MM. Girardin et Dubreuil, qui ont constaté en outre, par des analyses réité- rées, que la betterave à sucre contient aussi plus de matiè- res nutritives. Cette espèce est donc appelée à remplacer la betterave disette. Remarquons toutefois que les racines de toutes les va- riétés de betteraves sont essentiellement pivotantes et de- mandent par conséquent un sol profond. Lorsque la couche végétale sera peu puissante, elle ne suffira pas à leur végé- tation et les produits devront diminuer sensiblement. Aussi, comme la ‘betterave disette est peut-être moins exi- gente sous ce rapport, on pourra avoir plus d'intérêt à la cultiver si le sol arable n’atteint pas une profondeur d'au moins 0 mètre 50, ce qui arrive souvent dans nos contrées. l Je dois citer encore une autre expérience qui peut avoir de bons résultats. Du maïs, apporté du Midi par M. le Di- recteur de l’école Normale, a été ensemencé dans un coin de la propriété et y a parfaitement végété, bien qu’il ait été ensemencé trop tard et dans un terrain peu propre à le recevoir. Une partie avait été ensemencée en ligne et était destinée à donner la graine. Le reste, jeté à la volée, cou- vrait une surface de 6 mètres environ et devait servir de fourrage. Cette. dernière récolte a atteint une hauteur de 0 mètre 70 environ, dans peu de temps, et a été coupée pour la vache. Le maïs planté en ligne est arrivé à matu- rité au mois d'octobre et a donné d’assez beaux épis, qui cependant contenaient beaucoup de grains avortés; ce qu’il faut attribuer sans doute à l'époque tardive de l’ensemen- cement et surlout au terrain qui n’avait pas été préparé pour celte eullure. J'ai obtenu ainsi environ trois litres de — DÉCEMBRE. 655 grains que je me propose d’ensemencer l’année prochaine, pour avoir du fourrage. Avant de terminer, je dois dire que la pomme de terre Chardon, que j'avais fait planter sur la partie de la luzer- nière qui avait été défrichée au commencement de la se- conde année, a donné environ 208 hectolitres à l’hectare. Les tubercules, qui étaient en général très-gros, n’ont pas été atteints de la maladie. J'en avais fait planter une partie selon la méthode du pays, et une autre partie à 0 mètre 50 de distance. Ces dernières ont donné plus de produit et de plus beaux tubercules que les autres. Ce résultat n’est pas étonnant : les tubereules peuvent prendre ainsi un plus grand développement et cette disposition rend plus faciles le binage et le buttage. Les résultats que je viens d'exposer sont sans doute de bien peu d'importance; mais maintenant que je connais mieux ce que j'ai à faire et les éléments dont je dispose, j'espère pouvoir présenter dans l'avenir des expériences plus suivies et plus dignes des encouragements de la Société. Toutefois, je dois le dire, le régime auquel je suis as- treint ne me permettra pas de faire encore ce que j'aurais espéré. Ni la culture, ni les essais que je tente ne peuvent être faits d’une manière assez suivie, parce que mes occu- pations ne me permettent d'aller qu’une ou deux fois par semaine visiter et diriger les travaux. Si l'étendue de la propriété et les ressources fournies par l'administration permettaient d'y attacher un cultivateur avec sa famille, je pourrais lui confier le soin d'achever les expériences com- mencées. Il ferait en temps utile les cultures, 1l pourrait même se livrer à l'élève des races étrangères, bovines, 651 RÉSUMÉ DES SÉANCES. ovines, porcines, etc. Mais il faudrait que le département voulüt s'imposer encore quelques sacrifices pour une œuvre si utile aux progrès de l’agriculture dans ce pays. Arboriculture. — Chenilles. — M. Bertrand de Doue, jetant le cri d'alarme, signale l'apparition du plus ter- rible ennemi de nos arbres forestiers, la chenille à co- cons. Elles se sont montrées déjà en nombre dans les bois de Doue. Mais cette espèce est facile à détruire si les arrètés qui en ordonnent l’extermination sont exé- cutés de bonne ‘heure, c’est-à-dire pendant l'hiver, à l'époque où les gens de la campagne, moins occupés aux travaux de la terre, peuvent mieux surveiller et arrêter l'invasion du fléau. L'époque des grands froids est la plus propice pour l’échenillage, puisqu'on peut surprendre ces insectes dans les cocons qui leur ser- vent de retraite. M. Bertrand de Doue désirerait que la Société voulût bien éveiller dès à présent l'attention de l'autorité, qui pourrait ainsi recommander de bonne heure l’exécu- tion de ses arrètés. La chenille dite à grappe {Phalena piniperda) qui loge ses œufs dans les épingles des pins et qui fait tant de ravage dans nos forêts, a bien aussi fait son appari- tion. On la signale dans les communes de Saint-Ger- main, de Polignac, à la Barbeyre, etc., mais il est plus difficile de la détruire : il faut y employer la main et l’écraser ; ce qui n’est pas toujours d’une exécution facile. — M. de Surrel indique comme moyen de des- truction, une décoction d’ellébore blanc qu'on répand ES — DÉCEMBRE. 653 sur les arbres attaqués. Quelques bons jours d'un froid vif et sec seraient sans doute un bien meilleur remède. ECONOMIE PUBLIQUE. — Chemin de fer. — M. Martel rend compte à la Société d’une lettre qu'il a reçue de M. de Brive, qui confirme ce qui a été déjà dit de la prochaine exécution du chemin de fer de Firminy au Puy. — Le tracé est fait de Firminy à Conflans, où sont déjà arrivées plusieurs grandes voitures remplies d'outils destinés aux ouvriers. Dans cette dernière loca- lité sera construite une gare destinée au dépôt des marchandises. — Ces détails, M. de Brive les tient de l'ingénieur lui-même chargé de la direction des tra- vaux, que le hasard lui à procuré pour compagnon de voyage de Monistrol à Saint-Etienne. M. Chouvon entretient la Société d’une vaste entre- prise conçue par M. Favet et relative à une exploi- tation mieux entendue et plus économique des massifs de chaux qui se trouvent aux environs du Puy. — La Société est toute disposée à favoriser une production plus abondante et à meilleur marché de cette matière si utile à l’agriculture, mais elle désirerait, avant d'accepter le patronage d’une entreprise aussi impor- tante, avoir des renseignements précis sur le projet de M. Favet, tels qu'un devis et un plan explicatif des moyens qu'il est nécessaire de mettre en œuvre. SCIENCES NATURELLES. — Lignites. — À l’occasion de l'échantillon de lignite qu'il a déposé sur le bureau, 656 RÉSUMÉ DES SÉANCES. M. Bertrand de Doue donne à la Société quelques expli- cations : Le lignite se trouve répandu en longues couches sur plusieurs points de notre département. Mais il s’en faut que l'épaisseur de la couche soit en raison de son étendue. À peine si, sous le sol qui la recouvre, elle atteint jusqu'à 40 centimètres, ce qui rend son exploi- tation plus dispendieuse que productive. Aussi M. Ber- trand de Doue fonde-t-il peu d'espoir sur les essais d'une exploitation régulière de ce combustible. I y a quelques années, appelé à Pouzols, commune de Saint- Front, devant une carrière ouverte et qui déjà avait entrainé plus de 1,200 francs de dépense, il n'eut pas de peine à démontrer au propriétaire qu’il devait s'arrêter dans une entreprise au bout de laquelle il n’y avait que des sacrifices et des pertes certaines. SCIENCES HISTORIQUES. — L'ordre du jour appelle la communication sur le municipe Arisido. — M. l'abbé Bernard, dans un mémoire écrit, où il combat plusieurs opinions de M. Aymard au sujet du municipe Arisido, excite au plus haut point l'attention de la Société, qui décide que ce mémoire sera-communiqué à M. Aymard qui n’avait pu assister à la séance. Sur la proposition de M. l'abbé Bernard, la Société décide l'achat des œuvres de Lefranc de Pompignan. LITTÉRATURE. — M. François Bernard donne lecture d’une jolie pièce de vers qu’il a composée sur ce sujet : La Muse au retour de l'hiver. (V. aux Mém., p. exlvj.) DÉCEMBRE. 6357 Cette lecture en est faite avec tant de sentiment, le vers est si harmonieux, la pensée si poétique, qu'elle obtient l'assentiment unanime et de nombreux applau- dissements. PERSONNEL DE LA SOCIÈTÉ. — Aussitôt après le dépouille- ment de la correspondance, a eu lieu l'élection du vice- président, au scrutin secret. Le dépouillement à donné, sur 26 votants, 19 voix à M. Aymard, 5 à M. Louis de Vinols, 1! à M. Jules de Vinols et { à M. Souteyran. M. Aymard à été proclamé vice-président de la So- ciété comme ayant obtenu la majorité absolue. Immédiatement la Société a procédé au renouvelle- ment d’une partie du conseil d'administration. MM. de Lafayette père et du Villard ayant obtenu les deux tiers des suffrages des membres présents, ont été proclamés membres du conseil d'administration. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à sept heures. Le Secretaire , BÉLIBEN. TOME XXI. 4 JUN. 98 11 - 3 PAYS. AA FOREST | à ADHONAEZ APTE IC IE ICE ANNEXES RAPPORTS ET MÉMOIRES re { Li il { | ELA. CAE ex er te RE nr En ve, CCC CIC Am AMIE Æ CE CE Mr A . ne À Qi pi; FELLMANN Mt ! Il ES ere EL _ nr ll RAPPORTS ET MÉMOIRES. ANTIQUITÉS GALLO-ROMAINES DÉCOUVERTES A TOULON-SUR-ALLIER ET RÉFLEXIONS SUR LA CÉRAMIQUE ANTIQUE PAR M. E. DE PAYAN-DUMOULIN. \ CHAPITRE Ier, HISTORIQUE DES FOUILLES. | Toulon-sur-Allier est un joli village du Bourbon- —_ hais, situé à quelques kilomètres au sud de Moulins, sur la ligne du chemin de fer de Paris à Lyon. * Les travaux agricoles effectués dans cette localité, . au mois d'août 1856, mirent à nu quelques frag- _ ments de poterie rouge et de statuettes en terre cuite. TOME XXI. “ i] ANTIQUITES Ces fragments furent recueillis par M. Bertrand, attaché au chemin de fer, qui les communiqua à M. de Payan-Dumoulin, alors procureur impérial à Moulins, et à M. Esmonot, architecte du dépar- tement de l'Allier. L'examen de ces débris prouva que leur antiquité n’était pas douteuse, et qu'ils con- stituaient des échantillons intéressants de l’art céra- mique gallo-romain. MM. Esmonot et de Payan-Dumoulin, après avoir obtenu le consentement des propriétaires, firent pra- tiquer des fouilles dans le local où les fragments avaient été trouvés. J'ai déjà rendu un compte sommaire des résultats de cette découverte en 1857, dans le journal l//- lustration, nes 770, 771 et 817. Plusieurs personnes, qui s'intéressent vivement à l'étude de la céramique gallo-romaine et à nos anti- quités nationales, m'ont engagé à publier avec plus de détails le résultat des fouilles que nous avons fait pratiquer, ce qui m'a décidé à écrire cette notice, dans laquelle je donnerai l'historique des découvertes faites à Toulon-sur-Allier. Je présenterai quelques réflexions sur la céramique antique ; je décrirai les vases trouvés à Toulon, j'en indiquerai la destination ; je chercheraï à interpréter le sujet des figurines exhumées; j'étu- dierai enfin leur emploi et la date de leur fabrication. Je n’oublierai pas le sage précepte de M. Legouz de Gerland {Dissertation sur l'origine de Dijon) : « La défiance de soi-même est Le caractère nécessaire » pour marcher dans la route obscure de l'antiquité ; GALLO-ROMAINES, ii » mais aussi il est plus aisé de critiquer que de bien » dire. » Je m'efforcerai de suivre l'opinion que me traçait M. l'abbé Cochet, dans une lettre qu’il m'a écrite au sujet des fouilles de Toulon , le 6 mars 1858. L’archéologie est une science de comparaison ; c’est donc en mettant en regard les uns des autres une foule de monuments antiques, qu'on parvient à découvrir la vérité. Le champ que j'ai exploré à Toulon est situé à six ki- lomètresenviron de Moulins, au quartier des Laris, près d'un coteau qui s'élève au levant; ce champ est borné au couchant par la route impériale de Paris à Lyon, un ruisseau se trouve au sud, à très-peu de distance. Ces fouilles, commencées en 1856, ont été conti- nuées en 1857 et terminées en 1858. Les travaux entrepris ne tardèrent pas à amener d'intéressantes découvertes. Un four à cuire la poterie fut rencontré à la pro- fondeur d’un mètre environ ; il était bâti avec d'é- normes briques posées à plat. L'intérieur du four contenait des scories qui s’é- laient vitrifiées sur la base du four et qui faisaient Corps avec l'édifice : quelques briques percées de trous existaient à la partie supérieure du four pour recevoir les pièces soumises à la cuite. Des tuyaux en terre, ronds, d'environ trente-trois centimètres de longueur et d’un diamètre d'environ un déci- mètre, servaient de bouches de chaleur; des poteries épaisses, grossières et de forme circulaire, s’adaptant aux trous des briques, ont été trouvées; elles ser- iv ANTIQUITÉS vaient de support pour les pièces soumises à l’action du feu pour la cuite. Ce four était en partie détruit; la culture avait fait disparaître toute la construction voisine de la super- ficie; le désordre des matériaux renversés était tel, qu'il devenait à peu près impossible de dresser Le plan de ce monument. Près du four se trouvait, à une profondeur d’envi- ron un mètre vingt-cinq centimètres de la superficie du sol, un terrain qui paraissait avoir été battu et nivelé à une époque très-reculée : ce terrain était couvert d’une légère couche de sable. Ce local était l'aire servant à préparer les poteries et les statuettes de la fabrique; dans divers endroits on trouvait sur cette aire des masses d'argile blanche plastique, analogue à la terre de pipe. A côté de ces dépôts d'argile, je découvris des vases richement ornés et plusieurs statuettes représentant des sujets variés. A une certaine distance du four, les fouilles ont mis à jour une tranchée remplie de vases brisés, d’une variété d’ornements et d’une élégance rares. Quelques vases entiers ou presque entiers furent heureusement découverts et exhumés après des siècles d'enfouissement. On peut ranger dans trois principales catégories les objets découverts à Toulon : Les vases, les statuettes et les moules. Les Vases sont de plusieurs espèces : GALLO-ROMAINES. 4 lo Vases en poterie rouge, dite samienne, enrichis de sujets, tels que : chasses aux bètes fauves, scènes de la mythologie, feuillages et ornements ; 20 Vases rouges sans ornements; 3° Vases en terre grise et grossière ; 40 Vases en terre revêtus d’une couverte ou engobe noire présentant des ornements d’une grande finesse ; oo Vases en argile blanche très-rares à Toulon. Les Statuettes ont présenté une foule de sujets différents. Le mème sujet a été fréquemment traité dans des dimensions diverses, et présente en ou- tre certaines variétés dans la forme et dans l’orne- mentation. Les statuettes représentent : 1o Plusieurs divinités du paganisme ; 20 Divers animaux. Je diviserai les Moules en distinguant les moules des vases de ceux pour les statuettes. On n'a trouvé à Toulon qu'un seul fragment de moule de lampe funéraire, encore le caractère de cet objet laisse-t-il quelque incertitude. Je donne, dans quatre planches annexées à cette notice, les gravures sur bois, par Fellmann, des principales statuettes et des yases les plus curieux, qui ont été le résultat des fouilles. J'ai dessiné quelques-uns de ces objets d’après na- ture; d’autres l’ont été d’après les croquis que M. Esmonot a fait faire pour le Bulletin de la Société d'émulation de l'Allier. Ces dessins sont d’une grande exactitude et repro- v) ANTIQUITÉS duisent avec vérité le caractère des objets qu'ils re- présentent. On comprend que, pour ne pas multiplier les planches, je n’ai donné que les figures principales. Beaucoup d’autres objets secondaires ou trop incom- plets pour être dessinés ont été découverts. En les citant, je dirai peu de mots de ces objets : Une tète d'Hercule et les jambes de cette statuette. Le caractère de cette tête est noble, elle est nue, la chevelure est frisée, les sourcils sont fortement arqués et relevés d’une manière menaçante : cette tète athlétique peint bien une divinité emblème de la force matérielle; malheureusement, le nez brisé nuit au caractère de cette figure. Un fragment de massue et la peau de lion qui couvre la statuette ne permettent pas de douter du sujet représenté. Montfaucon (Antiquité expliquée) donne plusieurs figures de l’Hercule gaulois, assez semblables à celle dont les fragments ont été trou- vés à Toulon. L’Hercule gaulois se trouve sculpté dans l'un des bas-reliefs découverts à Cussy, entre Beaune et Autun. , On a trouvé aussi à Toulon des fragments du moule d’une figurine de Mercure, et des débris d’une statuette de Mars ; mais ces fragments étaient trop incomplets pour entrer dans les planches qui accom- pagnent cette notice. La plupart des dessins sont du quart de la grandeur naturelle des objets; j'indi- querai les proportions de certaines statuettes qui se- ront données sur une échelle différente. Les premières fouilles faites en 1856 et 1857 ame- GALLO-ROMAINES vi] nèrent successivement la découverte de tous les objets dessinés dans les trois premières planches annexées à la notice. Les recherches ne produisant plus de nouvelles po- teries ou statuettes, les fouilles furent abandonnées; mais ayant présumé, d’après la direction des fours, qu'ils devaient continuer dans les celliers de la maison de M. Dai, adjoint à la mairie de Toulon, j'obtins, en 1858, l'autorisation d'y faire des recherches, et je continuai le 20 mai 1858 les fouilles interrompues depuis environ un an. Mes prévisions ne m’avaient pas trompé, car je dé- couvris les débris d’un autre four construit dans la remise de M. Dai, en briques énormes analogues à celles du premier four ci-dessus décrit. Au milieu des ruines de ce four, j'exhumai les débris d’un cadavre : le crâne était encore presque entier, mais les ossements tombaient en poussière. L'enfouissement de ces débris humains paraissait re- monter à une haute antiquité, dont il n’est pas pos- sible de déterminer la date avec une certaine préci- sion, mais que j'ai lieu de croire contemporaine de la destruction de la fabrique de statuettes. La présence de ce cadavre au milieu des débris du four autour duquel étaient épars, dans un grand désordre, des fragments de vases et de statuettes, fait présumer que cette fabrique aura été détruite par un de ces actes de violence qui accompagnent le fléau de la guerre. Cette supposition, basée sur des probabilités, ex- plique comment les potiers gallo-romains avaient viij ANTIQUITÉS abandonné , non-seulement des vases entiers, des statuettes complètes et sans défaut, mais encore les moules qui servaient à fabriquer ces objets. L'abandon des instruments de fabrication , qui de- vaient avoir une certaine valeur, ne peut guère avoir d'autre motif qu'une catastrophe inopinée qui a dû mettre en fuite ou faire périr les propriétaires de la fabrique. Comme dans les fours découverts en 1856 et en 1857, il existait, à environ un mètre quatre-vingts centimètres de profondeur, à partir de la superficie du sol, un plafond nivelé couvert de sable noirâtre. Des masses d'argile blanche étaient enfouies à cette profondeur. C'est au milieu de ces dépôts d'argile que se trou- vaient des statuettes et des moules de vases. Je découvris, sur ce point, plusieurs exemplaires de la statuette de femme portant deux enfants sur son sein, et les têtes nos 5, 6, 7, 8 gravées dans la quatrième planche. Ces têtes appartenaient aussi à des statuettes de la femme portant deux’ enfants à son sein; leur caractère étant remarquabie, j'ai cru devoir en donner le dessin. La figure n° 7 est coiffée d’un véritable diadème, les cheveux sont agencés avec élégance ; les autres figures ne manquent pas de noblesse. Je découvris aussi un moule de statuette de Vénus, analogue à la figure n° 5 de la première planche ; mais ce qui rendait cette pièce fort intéressante, c’est qu'elle portait, outre le nom gravé sur sa partie ex- térieure, le mot 1oppiLLo gravé en creux à l’intérieur GALLO-ROMAINES. ix du moule. Cette inscription se trouvait sur la draperie ou rocher contre lequel est posée la main de Vénus. Je trouvai aussi la statuette de Vénus faite avec ce moule, et qui portait en relief le même mot 1oppILL0o. Ces deux morceaux sont d’un intérêt spécial, vu l'extrème rareté d'inscriptions en relief sur les sta- tuettes, et en creux dans l’intérieur des moules. L'extérieur des moules de statuettes trouvés à Toulon porte au contraire presque toujours des noms gravés en Creux, en gros caractères. Cette dernière fouille amena la découverte d’un cheval, planche IV, no 2, demi-grandeur. Malgré son extrème fragilité, cette statuette cu- rieuse fut trouvée intacte ; elle avait été sans doute préservée par la masse d'argile plastique qui l’en- veloppait et dont je la détachai avec un soin minu- tieux. L'un des morceaux les plus rares et les plus cu- rieux , produits de cette fouille, est une chapelle ou édicule, dans le centre de laquelle devait se placer une statuette. Ce petit monument est représenté planche IV, no 4, demi-grandeur. Cet édicule est d'une riche ornementation, on y remarque deux danseuses, dont l’une est environnée d'étoiles. Deux personnages tenant une draperie sont re- présentés dans des positions diverses, au bas et au sommet du monument. La partie supérieure du fronton avait été coupée lors de la construction de la maison de M. Dai; car x ANTIQUITÉS cet intéressant monument de la céramique antique fut extrait de ‘terre contre les murs de la maison; il était placé de telle sorte, qu’il avait été impossible de bâtir sans couper le fragment qui manque. Il est à remarquer que tous les objets trouvés à Toulon, vases ou statuettes, ont été cuits dans les fours et sont devenus d’une telle dureté, que la lime d'acier peut à peine les entamer , et que pour les user, il faut employer une bonne meule de grès. J'ai fait cette observation en cherchant à ajuster, pour en opérer la restauration, plusieurs statuettes et vases brisés. Dans la mème remise, je trouvai un moule de corps de cheval, planche IV, n° f, demi-grandeur. La fouille à aussi amené la découverte de pieds de cheval fabriqués isolément. On a trouvé des jambes, des bras, qui avaient été moulés à part, et des moules distincts pour la fa- brication de ces objets, que les céramistes ajustaient ensuite au corps des statuettes. Je n'ai pu découvrir des outils en os, des poin- cons , des fragments de tour ou d’autres instruments de potier. Le seul objet que je considère comme un véritable instrument de céramique, est la moitié d’un disque en quartz d'environ dix centimètres de diamètre. Ce disque, d’une épaisseur de quelques centimètres, pa- raissait poli et usé par le frottement; je pense qu'il servait à faire disparaître les aspérités des statuettes ou des vases, quand, après la cuite, il existait GALLO-ROMAINES, x) quelque défectuosité : lorsque ce disque était entier, il pouvait être employé pour un tour. Je trouvai aussi des moules circulaires de support ou de piédestal pour les figurines; ces supports ont la forme de la moitié d’une sphère, ils étaient fa- briqués à part et ajustés ensuite aux statuettes pour leur servir de base. Un lièvre, planche IV, dessin ne 3, demi-gran- deur, fut aussi trouvé dans le cellier de M. Dai, à peu de distance des autres figurines. Cette statuette est d’une grande vérité de pose : le timide animal couche les oreilles sur son dos pour se dérober plus facilement aux regards. Près de la statuette de lièvre, je trouvai une petite statuette de coq. Les deux pieds nus d’une statuette d'homme furent aussi trouvés dans le voisinage ; les proportions de ces pieds donnaient à la statuette une grandeur plus que double des plus hautes qui eussent été décou- vertes ; mais je fis vainement rechercher la partie supérieure de cette statuette, qui est peut-être un Hercule ou toute autre divinité. Dans ce mème local, je trouvai une déesse tenant d’une main une patère, de l’autre une corne d’a- bondance ; cette figure était à peu près semblable à celle dessinée planche fre, ne 9; mais ce qui la distinguait de cette dernière, c’est qu'elle était assise sur un cheval richement harnaché; la tète et les jambes du cheval étaient brisées. La statuette de la divinité était détachée du che- val qui était à côté d'elle, mais en rapprochant ces xI] ANTIQUITÉS deux objets, on avait la certitude qu'ils avaient été réunis ensemble et séparés plus tard, probablement par le même choc qui avait brisé la tête et les jam- bes du cheval. Je n'ai pas donné le dessin de cette figure, vu sa ressemblance avec celle n° 9 de la première planche. Je trouvai aussi, dans le cellier, un moule de vase, de forme cylindrique, brisé en cinq fragments, mais presque complet; ce moule est un des plus curieux produits de la fouille. Il représente, en creux, une femme faisant danser un chien; ce moule contient aussi des chevaux marins. Les premières fouilles de 1857-1858 avaient fait dé- coûvrir un vase qui paraît avoir été fabriqué avec ce moule. Je ne mentionne que pour mémoire de nombreux débris de vases à reliefs, richement ornementés, que je recueillis dans cette fouille. L'un d'eux était couvert d’une multitude de poissons. D'autres vases représentaient des chasses aux ani- maux féroces fuyant devant des chasseurs à cheval, armés d’un épieu. Plusieurs fragments de moules de vases furent aussi exhumés; l’un d’eux représente des lièvres et des dau- phins séparés par un personnage. Sur le coteau qui, au levant, borne le champ des Laris où ont été pratiquées les fouilles, on a trouvé, le 25 mai 1858, un petit triens d'or mérovingien, représenté planche IV, dessin n° 2, grandeur natu- relle. On voit sur cette pièce une figure barbare couronnée GALLO-ROMAINES. xii] et la légende Maximo monetario; au revers, À. R — 2. [. Civitas Arvernorum. Cette pièce paraît être un monétaire de Clermont- Ferrand, ancienne capitale du pays des Arvernes. La légende et l'effigie se rapportent à Maxime, offi- cier de la monnaie. Le style de cette pièce fait penser qu’elle a été frap- pée au VIe siècle. Au couchant de la grande route de Paris à Lyon, dans la propriété de M. Meunier, on trouve encore des débris de vases et de statuettes. Les fouilles que j'y en- trepris, grâces à l’obligeance du propriétaire, n’ame- nèrent aucune découverte intéressante, elles prouvè- rent seulement l'importance et l'étendue de la fabrique de poteries de Toulon. Dans la vigne de M. Meunier, on trouve une argile plastique qui a pu servir à la fabrication de vases et de statuettes. On a découvert dans la même propriété une meule antique, servant aux Gallo-Romains pour broyer le grain. Tous ces faits sont de nature à établir qu'il a existé, sur ce point, un établissement important. J'ai donné dans la quatrième planche, nes 9 et 10, le dessin de deux statuettes trouvées à St-Just, aux environs de Lyon. J'ai pensé que ces objets étaient intéressants et qu’ils pourraient servir de point de comparaison avec ceux découverts dans le champ des Laris. Le taureau n° 9, planche IV, demi-grandeur, est à peu près semblable à des fragments de taureau que Ce XIV ANTIQUITÉS j'ai trouvés à Toulon ; cependant la statuette de St-Just est d'un meilleur style et d’une exécution plus cor- recte. La figurine n° 10, planche IV, grandeur naturelle, représente un enfant nu portant un panier rempli de fleurs : ce morceau, d’une grande finesse de formes, très-gracieusement exécuté, est en argile blanche, pareille à celle des figurines de Toulon. CHAPITRE I. RÉFLEXIONS GÉNÉRALES SUR LA CÉRAMIQUE. Avant de donner l'interprétation descriptive des ob- jets trouvés à Toulon-sur-Allier , il convient de dire quelques mots sur la céramique en général. L'étude de cet art antique jettera un jour précieux sur _ ob- jets que je me propose de décrire. M. Enjubault, conseiller à la cour impériale de Riom, qui sait allier la science du légiste au culte des lettres, a publié, en 1858, sur Bernard Palissy et sur l’art céramique un écrit qui joint les charmes d'un style élégant à la profondeur de la pensée. D'après cet écrivain, l’art céramique date des plus anciens jours; il occupe les sociétés naissantes et tous les peuples à qui l’histoire assigne un rang. Il mar- que, dans son développement, le progrès des con- naissances humaines. GALLO-ROMAINES. XV L'art céramique comprend la confection des bri- ques, tuiles, colonnes, chapiteaux, moulures, ara- besques, statues, bas-reliefs, grès artificiels, vases en poterie commune ou fine, faiences et porcelaines : on rencontre partout ses produits, en Asie, en Egypte , en Grèce, dans toutes les parties de l'Italie. L'art de modeler en argile existe, en effet, de- puis une antiquité très - reculée; Pline-l’Ancien, qu'il faut toujours consulter lorsqu'on veut étudier l'état des arts chez les Romains et les Grecs, pense que l’art de la plastique a existé avant celui de la _statuaire. Millin {Dictionnaire des Beaux-Arts, verbo Mo- deler) dit qu'il est en effet naturel de croire que l'on a commencé à modeler avec de l'argile des fi- gures d'hommes et d'animaux, qu'ensuite on à ex- posé ces figures au feu pour leur donner plus de consistance; on est arrivé plus tard à employer des métaux et des marbres qui exigeaient une plus grande perfection dans l’art, et dont l'usage pré- sentait plus de difficultés à vaincre. Pline prétend que Dibuiade, potier de Sycione , fut le premier inventeur de l’art de la plastique ou de modeler en argile ; il ajoute que cependant d'au- tres attribuent cette découverte à Ahæœcus et à Théo- dore, de l'ile de Samos, et que Démocrate, exilé de Corinthe, emmena avec lui Æuchin et Eugram- mus, qui portèrent en Italie l'art de la plastique. Les Grecs ont évidemment initié les Romains à l'art de modeler; de Grèce, cet art s’est répandu en Ita- lie et dans les colonies grecques; les Romains l'ont XV) ANTIQUITÉS vulgarisé dans les Gaules où les colonies fondées par les Grecs avaient déjà dû le faire connaître. Cependant , les statuettes en argile, quelquefois émaillées, exhumées dans les tombeaux égyptiens, couvertes de caractères hiéroglyphiques, sont d’une haute antiquité et très-probablement bien antérieures à l’art grec. Une origine très-antique appartient aussi aux bri- ques, tuiles, et autres produits céramiques trouvés dans les ruines des vieilles cités de l'Asie, dont quel- ques-uns sont couverts de caractères cunéiformes. Tous ces objets, ainsi que les statuettes des Egyp- tiens, peuvent être considérés comme les plus an- ciens monuments de lart plastique. Les Assyriens, les Babyloniens et les Egyptiens couvraient mème leurs vases d’'émaux, ce qui fait supposer qu'ils con- naissaient le verre, l'émail n'étant qu’une espèce de vitrification. Les Chinois, peuple dont la civilisation remonte si haut dans le temps, prétendent fabriquer la porce- laine depuis plus de trois mille ans, c’est-à-dire de- puis une époque antérieure au développement de la civilisation grecque et romaine : sans accepter cette allégation comme complètement vraie, on doit con- venir que cet art paraît être cultivé en Chine de- puis une antiquité très-reculée. La fabrication de la porcelaine suppose des connais- sances céramiques fort anciennes et très-développées. Le Japon fabrique aussi la porcelaine depuis la même époque ; il a peut-être dépassé la Chine dans cet art difficile. GALLO-ROMAINES. XVI) La porcelaine est une poterie translucide, blanche et luisante, dont les Chinois et les Japonais ont eu pendant longtemps le secret. La découverte de la route des Indes-Orientales permit de recevoir les produits de la Chine et du Japon, là porcelaine fut importée en Europe, elle y fut le sujet d’une vive admiration. On s'em- pressa d'imiter ce chef-d'œuvre de la céramique. L'Italie fabriquait alors les belles faïences émail- lées de Gubbio, de Pesaro , d’Urbin, sur les- quelles d'habiles artistes reproduisaient les œuvres des grands peintres, sous la surveillance mème des maîtres. À cette époque, l’art de la céramique avait fait d'immenses progrès en Europe, il avait pris part à ce mouvement de renaissance qui fécondait tous les arts; mais la matière employée était grossière en comparaison de la porcelaine. Une poterie nouvelle avait été inventée : c’est la faïence couverte d’un vernis, glace vitreuse aupa- ravant inconnue. Les oxides métalliques sont la base des vernis et des émaux; le plomb, le manganèse, le fer, l’étain sont aussi employés, à l’état d’oxides, à la coloration des émaux. L’enduit des Romains n’était pas identique à celui des faiences : il consistait dans une couche légère d’une substance dont la composition est ignorée ; di- verses opinions ont été émises sur ce point, ce n'est pas encore le moment de les discuter. La grâce exquise des arabesques italiennes, le des- sin si pur des figures, ne faisaient pas disparaitre TOME XXI. Û Xviij ANTIQUITÉS la vulgarité de la matière employée pour la fabri- cation de la faïence. Vainement Bernard Palissy produisait, avec son ébauchoir magistral, des vases ornés d'animaux qui semblaient faire revivre la nature; vainement Nevers, grâce aux artistes italiens que les ducs y avaient ap- pelés, perfectionnait les ornementations de la faïence, la translucidité de la poterie était encore inconnue aux fabriques de l’Europe. M. Jacquemart nous apprend, dans un excellent article de la Gazette des Beaux-Arts (1859, p. 288 ), que sur la fin du siècle de Léon X, en 1580, le grand-duc de Toscane François Médicis, secondé par Bernardo Buontalenti, parvint à fabriquer de la porcelaine en pâte tendre. C’est à ce prince éclairé et qui s'occupait personnellement avec ardeur du progrès des arts, qu'on doit attribuer l'honneur de la première fabrication européenne de la porcelaine. Les rares pièces de la fabrique grand-ducale por- tent la marque F et la coupole de Sainte-Marie-des- Fleurs. En 1673, la porcelaine fut fabriquée pour la pre- mière fois à Rouen, qui serait la seconde ville d'Europe où cette fabrication aurait été entreprise ; il est maintenant établi que Florence a la priorité. M. Brongniart, dans son Traité des Arts cérami- ques, assigne la première place à Rouen; mais des documents certains, cités par M. Jacquemart, tran- chent la question en faveur de Florence. Cette ville a cherché, dans le commencement de ce siècle, à fabriquer des porcelaines semblables à GALLO-ROMAINES. XIX celles de la Chine. J'ai vu, en 1841, à Florence, lors de l'exposition faite à l’occasion du Congrès des amis italiens des sciences, dont j'avais l'honneur de faire partie, des vases imitant la fabrication chi- noise avec une rare perfection; mais les difficultés de ces imitations en rendent le prix si élevé, que cette tentative ne paraît pas avoir eu des résultats bien féconds. Cette fabrication est , je crois, demeu- rée à l’état de curiosité, ct n’a recu aucun déve- loppement sérieux. Florence qui, à la renaissance des arts en Europe, possède la première fabrique de porcelaine, semble être, suivant l’heureuse expression de M. Jacque- mart, la mère prédestinée des arts céramiques. Elle avait été, par ses merveilleux vases, dits Etrusques, la rivale de la Grèce pour la fabrication des poteries lustrées. Lucca della Robia, lun de ses enfants, a inventé, vers 1530, le vernis métallique et la faïence émaillée. CHAPITRE IT. CÉRAMIQUE CELTIQUE. Les Celtes et les Gaulois paraissent avoir connu, avant l'occupation romaine des Gaules, l’art de la céramique; mais chez eux, cet art était véritable- ment dans l'enfance : on y voit l’expression d’un vé- ritable état de barbarie. XX ANTIQUITÉS La matière brute des vases celtiques, les figures qui y ont été gravées à force de temps et de pa- tience, rappellent les dessins exécutés par les Indiens de la mer du Sud. Le dessin ornemental qui les couvre paraît d’une grande antiquité. Quelques fragments de poteries de l'ère celtique attestent cependant un certain progrès dans l’art du dessin et dans la forme des vases, qui sont néanmoins très-inférieurs aux vases romains. Les fouilles faites dans les tumulus contenant des tombeaux celtiques et gaulois, celles entreprises dans les chambres souterraines des dolmens et des allées couvertes ont produit un assez grand nombre de vases celtiques dont plusieurs ont des dessins dentelés tracés par bandes continues. Il est d'autant plus difficile d'étudier les poteries gauloises, qu'excepté dans les tumulus, on les trouve très-fréquemment mélangées avec les poteries gallo- romaines, car elles sont enfouies dans les mêmes lieux qui ont été habités avant et pendant la conquête romaine. Cette observation a été présentée, avec raison, par M. de Caumont, dans le Bulletin monumental de 1847, p. 111. Cet archéologue cite les vases celtiques découverts à Fontenay ; ils ne paraissent pas faits avec l’aide du tour, ils ne portent aucune moulure, ils ont été frottés, à l'extérieur, avec un outil qui les a polis irrégulièrement. Les poteries gauloises du tumulus de Fontenay-le- Marmion sont en terre noire, mal préparée et rem- plie de petits cailloux. GALLO-ROMAINES. XX) Les vases celtiques découverts en Bretagne, dans le centre et dans l’est de la France, offrent des caractères à peu près semblables, analogues aussi à ceux des po- teries trouvées près de Dieppe, par M. Feret. La pâte de ces poteries n’est pas solidement liée, la couleur en est noire ou brun-foncé, les formes annon- cent l'enfance de l’art. Dans quelques-unes de ces poteries on a cru reconnaître l'usage du tour, d’autres ont été moulées sur une forme intérieure et polies avec la main ou taillées avec quelque instrument. Les ornements consistent dans des filets mal conduits et dans de petites hoches sur les bords de l'orifice. M. Brongniart, dans son Traité des Arts céramiques, publié en 1844, d'nne des détails très-intéressants sur les poteries celtiques. La plupart des poteries. présumées gauloises sont brunes ou noires. M. Brongniart a acquis la certitude que la couleur noire est due à du charbon pulvérisé introduit dans la pâte. L'art du potier gaulois, avant la domination romaine, n’est guère connu que par les vases funèbres des tu- mulus et des monuments druidiques, ce sont les seuls qu'on puisse, avec certitude, attribuer à une époque aussi reculée. Xxij ANTIQUITÉS CHAPITRE IV. CÉRAMIQUE ÉTRUSQUE. M. Enjubault pense que l’art étrusque n’est que l’art grec, qu'il a la même origine, le même esprit et la mème noblesse, qu'il a transmis ses perfections à la Campanie et à Rome. Cette opinion me paraît juste, quoique un peu trop absolue. Winkelmann se borne à dire que le style étrusque avait de la ressemblance avec l’ancien style grec. Cet habile interprète de l'antiquité donne, dans son Histoire de l'Art, chez les anciens, t. 1, p. 281, des renseignements fort curieux sur l’art étrusque; celui qui désire approfondir cette étude lira avec fruit ce savant ouvrage. Les Grecs, les Etrusques et les Campaniens ont, dans l'antiquité, fabriqué des vases magnifiques par la grâce de leurs formes et par la pureté des dessins qui les ornent. Ces vases sont de diverses couleurs, mais le plus fréquemment à fonds noirs ou rouges. Leurs peintures représentent ordinairement des su- jets mythologiques ou héroïques, des chasses. Ils se trouvent dans la partie du royaume de Naples appelée la Grande-Grèce, notamment à Nola, et dans diverses autres parties de l'Italie, GALLO-ROMAINES. xxii) Il existe d’admirables collections de vases étrusques dans le musée du Vatican à Rome, dans le Musée royal Bourbon de Naples et à Florence. J'ai visité et étu- dié ces merveilleux produits de l’art céramique étrus- que en 1841, lors du voyage que je fis en Italie, et j'ai été saisi d'admiration en reconnaissant la perfection à laquelle étaient arrivés les arts de la céramique et du dessin , dès une haute antiquité. Plusieurs archéologues pensent que la plupart des vases italo-grecs sont d’une époque antérieure à la fondation de Rome. Ces fragiles monuments de l’art antique nous ont été conservés par le sépulere, que le respect des an- ciens pour la tombe ne permettait pas de violer. C'est aux tombeaux que nous devons le peu que nous savons des mœurs, des usages et des croyances de l'antiquité, et nous pouvons répéter avec l'abbé Cochet les paroles qu’il emprunte à l'£cclésiastique : « Ossa eorum visitata sunt et post mortem prophe- taverunt. » Les vases étrusques nous font connaître avec exacti- tude l’art du dessin chez les anciens. Ces dessins nous offrent les contours des figures, leurs diverses parties, le jet et les plis des draperies, le tout par de simples lignes et par des traits sans lumières et sans ombres. Sur la plupart des vases italo-grecs les figures sont peintes d’une seule couleur, ou pour mieux dire, la couleur des figures est épargnée sur le fonds même des vases ou sur la couleur de la terre, qui est une argile très-fine. Le champ du tableau est d'un noir brillant, et XXIV ANTIQUITÉS c'est avec ce même noir que sont tracés sur le fonds les contours des figures. M. d'Hancarville a fait des expériences pour dé- couvrir le mode de peinture de ces vases; il con- jecture qu’on mettait une couche de rubrique ou d'ocre de fer sur les vases pendant qu'ils étaient encore humides. Cette teinte prenait au feu la couleur qui constitue le fonds des figures sur les vases à fonds noir, ou le fonds du vase sur ceux à figures noires. La couleur noire était obtenue à l’aide d’une dis- solution de plomb avec de la chaux de magnésie. Winkelmann trouve les dessins des beaux vases italo- grecs si corrects que les figures pourraient occuper une place avantageuse dans les dessins de Raphaël. Les figures sont dessinées d’un seul trait, sans repentir, avec une grande sûreté de main. Ces vases sont les prodiges de l’art des anciens. D'Hancarville a publié une série de vases italo- grecs fort remarquables ; les figures sont gravées par David (1787. — 5 vol. in-8o ). L'examen de l'ouvrage de d’Hancarville montre la richesse de dessin qui était prodiguée dans ces vases destinés aux sépultures, et qu’on découvre surtout dans les tombeaux de lItalie méridionale. Plusieurs vases trouvés dans le royaume de Naples portent des inscriptions en lettres grecques. Quel- ques-uns de ces vases ont jeté du jour sur plusieurs parties de la mythologie païenne; ils nous ont fait connaître les riches et gracieux costumes grecs, ainsi que la forme des ameublements de ce peuple, GALLO-ROMAINES, XXV arrivé bien avant Rome à une civilisation très-avancée. Les Tyrrhéniens ou anciens Etrusques s'étaient éten- dus dans la Grande-Grèce et la Campanie; ils ont enfoui dans leurs tombeaux leurs merveilleux vases peints qui font encore l'admiration de notre époque. On trouve dans la céramique étrusque certaines in- spirations qui paraissent empruntées à l’art égyptien, dont l’origine est encore plus antique. On a aussi trouvé en Sicile de magnifiques vases étrusques ou italo-grecs, avec des inscriptions grec- ques indiquant le nom du peintre qui les avait ornés, ou la dédicace à une personne aimée. Winkelmann (Histoire de l'Art) cite plusieurs de ces inscriptions qu'il serait trop long de reproduire, CHAPITRE V. DESTINATION DES VASES ANTIQUES. Les vases italo-grecs étaient employés à divers usages. Winkelmann pense que les plus petits ser- vaient de jouets aux enfants. Telle n’est pas l'opinion de d'Hancarville, qui les croit consacrés aux dieux Pénates ou aux Lares pour ètre placés dans des la- raires ou oratoires privés de chaque famille, à limi- tation des grands vases qu'on offrait dans les temples publics. Je suis très-porté à adopter cette dernière pensée. Les vases de terre, d’après Winkelmann, étaient particulièrement destinés aux sacrifices et spé- cialement à ceux de Vesta. { V. Brodeus, c. 19, XXV) ANTIQUITÉS Quelques vases étrusques renfermaient la cendre des morts dont les corps avaient été consumés sur un bücher; telle est la destination de la plupart de ceux trouvés dans les tombeaux de la Campanie, de la Sicile et de la Grande-Grèce. M. Grange, de Clermont, a trouvé des vases sa- miens à relief dans des tombeaux romains; ils étaient encore pleins d’ossements calcinés. L'usage de déposer des vases dans les tombeaux appartient aux peuples les plus divers par les mœurs et par le climat; on en a constaté l'existence non-seule- ment chez la plupart des peuples de l’ancien monde, mais encore dans les deux Amériques, au Mexique, au Pérou, etc. Je possède un vase en forme de gourde, de terre noire avec des dessins guillochés, rappelant ceux des vases celtiques; il a été trouvé dans un ancien tombeau du Pérou. L'usage de placer des vases dans les tombeaux appartient à une antiquité; reculée, il a été pratiqué par les Egyptiens, les ,Grecs, les Romains, les Celtes, les Gallo-Romains , et il s’est conservé jusqu'au XIIe siècle de l'ère chrétienne. L'abbé Cochet cite même diverses contrées de la France où il a duré bien plus longtemps. Les rites des funérailles faisaient partie de la religion celtique. { V. dom Martin, De la religion des Gaulois.) Les Celtes faisaient placer dans leurs tombeaux non-seulement des vases, mais encore leurs armes et leurs plus chères idoles. Il paraît établi que les Druides croyaient à l’im- mortalité de l'âme et à une autre vie, GALLO-ROMAINES, XXVi) Jules César, dans ses Commentaires, dit : Les Druides n'ont rien tant à cœur que d’inculquer aux Gaulois que les âmes ne meurent point, mais qu'après la mort elles passent dans d’autres corps, opinion dont ils se ‘servent pour étouffer la crainte de la mort et exciter la valeur. C'est pour cela sans doute que l’on déposait dans les tombeaux des Gaulois des vases, les idoles dont le culte leur était le plus cher, des armes, et enfin les objets qu'ils avaient le plus aimés pendant leur existence et qu'ils devaient retrouver dans une autre vie. : Les Gaulois ont pratiqué la coutume de brûler les morts, soit avant l'introduction du christianisme dans les Gaules, soit après cette époque. Saint Eloy combattait cet usage qui se perpétuait chez les chrétiens et qu'il considérait comme impie et superstitieux. Aussi, dans certains tombeaux gaulois, on trouve les cendres des morts placées dans des vases; d’autres poteries paraissent avoir contenu des boissons ou des aliments destinés, soit au mort pour une autre vie, soit aux divinités funèbres. On plaçait aussi dans les tombeaux italo-crecs, ou romains, Ou gallo-romains des vases remplis d'huiles ou de parfums ; d’autres vases contenaient des médailles frappées à une époque contemporaine du mort. Dans les jeux publics de la Grèce, de beaux vases peints étaient donnés en prix aux vain- queurs, xxvii) ANTIQUITÉS Les vases servaient aussi à l’ornement des tem- ples, des édifices publics et des maisons particu- lières, ainsi que pour l'usage des bains. On a trouvé souvent des vases peints d’un seul côté, d’autres qui n'avaient jamais eu de fond et qui évidemment n'étaient propres qu'à l'ornemen- tation. Winkelmann, page 299, tome 1, dit: « I ya grande apparence que les anciens se servaient de leurs vases comme nous nous servons de la porce- laine, seulement pour orner leurs maisons. Cest ce que nous pouvons conclure par les peintures qui décorent ces vases et qui sont en général mieux exécutées d’un côté que de l’autre, de manière que le côté inférieur était placé contre le mur; mais cet usage est encore mieux constaté par la forme même de quelques vases qui n’ont point de fond et qui n’en ont jamais eu, comme on l’a souvent observé. » Les anciens avaient aussi l'habitude de mettre des vases ornés sur le haut de leurs édifices, surtout de leurs maisons de campagne, comme on le voit par les peintures découvertes à Herculanum et à Pom- péia, ainsi que dans un fragment de peinture des bains de Titus, rapporté par Montfaucon (Diar. Ital. p. 130.) et par Bottari (Picturæ antiquæ, tab. 10). Mongez (Encyclopédie méthodique , Dictionnaire de l'Antiquité, p. 223) dit que l’on est étonné de la grande quantité de vases et de, débris de vases de toute matière et de toutes sortes de formes que l’on découvre dans les endroits qui ont été habités par les anciens, GALLO-ROMAINES. XXIX Notre étonnement cessera si nous considérons que les objets dont se composait leur mobilier étaient peu variés et que les vases en formaient la partie la plus nombreuse et la plus riche. Une grande quantité de produits céramiques se trouve dans cette couche du sol où le temps, les invasions de bar- bares et les bouleversements ont englouti les dé- bris des siècles passés. De tous les vases que l'on trouve dans les lieux qu'ont habités les anciens, le plus grand nombre a probablement servi dans les repas ou pour contenir la cendre des morts; mais un grand nombre étaient destinés à l’ornementation. Les vases samiens en terre rouge servaient à la fois de décoration, pour les usages des bains, et de vases funéraires; on en trouve dans les villes gallo- romaines, dans les tombeaux et dans les ruines de thermes antiques. Si l’on veut se faire une idée de l'importance de l’art céramique, il faut visiter le musée de Sèvres, qui a été institué pour faire connaître l’histoire de cet art; j'ai admiré ce magnifique établissement , l’ordre merveilleux qui y règne, et j'ai pu y étudier les diverses transformations de la céramique, suivant les peuples et les époques. On peut y rechercher la date des découvertes des principales pâtes et glaçures et les progrès de l'art. La description méthodique du musée céramique de Sèvres, enrichie d'un atlas de figures publié par MM. -Brongniart et Riocreux, en 1845, ? vol. XXX ANTIQUITES in-8, fournit des documents d’un immense intérêt pour l'étude des arts plastiques. On peut voir au musée de Sèvres des imitations parfaites des poteries à relief antiques et les moules modernes qui ont servi à leur confection. C’est M. Artaud, archéologue de Lyon, qui a donné à l'établissement de Sèvres ces curieux fac-simile de l’art antique. CHAPITRE VI. DESCRIPTION DES VASES GALLO-ROMAINS DE TOULON-SUR- ALLIER. La variété inouïe des vases gallo-romains découverts à Toulon-sur-Allier offre un vaste sujet d’investiga- tions. Nous avons trouvé plus de deux cents formes ou dessins différents. Les vases de Toulon peuvent se diviser en cinq classes principales : fo Les vases samiens à relief; 20 Les vases rouges unis de formes variées; 3o Les vases gris en poterie grossière ; 4o Les vases à couverte noire à relief; oo Les vases rouges à dessins en creux ou poteries incuses. S 1er. Vases samiens à relief. Pour décrire d’une manière complète cette multitude GALLO-ROMAINES. xxx} de vases, il faudrait, au lieu d’une brève notice , un gros volume et un atlas de planches; ce travail serait d’un grand intérèt; mais il faudrait y consa- crer beaucoup de temps et posséder des connaissances spéciales moins superficielles que les miennes. Je me bornerai donc à parler des principales va- riétés d’une manière sommaire. On ne peut, en examinant les vases gallo-romains, se défendre d’un sentiment d’admiration ; la prodi- gieuse diversité des dessins, l'élégance, la grâce de la forme des poteries, la richesse de l’ornementa- tion sont pour l'observateur un sujet d’étonnement. L'art romain étale dans ces vases le ban et l’ar- rière-ban de ses faciles divinités; c’est par ces vases qu'on peut juger l'état de la civilisation romaine au Ile et au Ille siècle de l'ère chrétienne. Les plus belles poteries de Toulon montrent encore le carac- tère élevé de l’art, l'élégance du dessin et la richesse de la composition; cependant la plupart de ces poteries ont des reliefs qui manquent de netteté et de finesse, d’où l'on peut conclure que les moules avaient servi longtemps et s'étaient usés. Il faut aussi remarquer qu'en général les poteries trouvées sur le sol de la fabrique devaient avoir été rejetées par les céramistes gallo-romains comme défectueuses. Les moules de vases à relief découverts à Toulon prouvent aussi qu'ils ont eu de longs services; la vivacité des arètes des creux a disparu, des frot- tements répétés pendant de nombreuses années ont fatigué les moules et usé les bords des dessins qui n'ont plus la netteté primitive. Les vases rouges XXxi) ANTIQUITÉS à relief de Toulon n'ont pas le vernis brillant de ceux qu'on découvre à Clermont-Ferrand. Les dessins des vases de Toulon sont fréquemment semblables à ceux trouvés dans la cité des Arvernes, mais ils sout moins nets et plus empâtés. Est-ce à l’altération des moules usés par un long emploi qu'on doit attribuer l’infériorité des vases à relief de Toulon ? Ne doit-on pas penser aussi que les moules de ces vases ont été obtenus par des contre-moulages ré- pétés faits sur des vases romains, et que les déli- catesses du moule primitif ont été ainsi altérées ? La nuance terne du vernis de Toulon ou l'absence de vernis que l’on remarque sur ces vases vient- elle de l'imperfection des matières employées par les potiers de cette fabrique, ou résulte-t-elle du fait que la dernière préparation produisant cette couverte brillante et si solide qu’elle a impunément traversé seize siècles, n'était pas donnée dans la fabrique de Toulon ? Ces deux solutions peuvent être admises. La struc- ture, le profil, le galbe des vases gallo-romains de Toulon mérite de fixer les investigations de l’anti- quaire; l'examen de ces vases tend à prouver la perfection du goût de l'art antique. Les variétés de forme des vases gallo-romains à relief est un argument de plus pour établir la di- versité de leur destination. Les vases à relief les plus nombreux sont des espèces de coupes analogues à celles dessinées dans la planche no III; ces coupes sont de grandeurs très- GALLO-ROMAINES. Xxxii] variées , depuis dix jusqu'à trente centimètres de diamètre. Presque tous les vases trouvés à Toulon sont brisés ; on en a cependant trouvé deux ou trois d'à peu près entiers, et on à pu en recomposer plusieurs en réunissant leurs fragments. On comprend que les potiers de Toulon reje- taient les vases défectueux ou qui se rompaient lors de la fabrication, et qu'ils utilisaient pour la vente les vases sans défaut. Cest ce qui rend si rare la découverte de vases intacts dans les fours à poterie antique. L'intérêt que présentent les dessins des vases à relief, soit comme art, soit comme histoire de la mytholo- gie antique, a décidé plusieurs musées à en faire des collections. On peut examiner avec fruit celles du Mans, d'Avignon, d'Orléans, de Paris, de Moulins, et celles qui existent dans les cabinets de plusieurs particuliers, parmi lesquelles la collection de M. Es- monot, à Moulins, occupe l’un des premiers rangs. On a trouvé, en France, des vases gallo-romains dans une foule de localités, dont les plus remarquables sont : le Châtelet, près Saint-Dizier (Grivaud de la Vin- celle a publié les résultats des fouilles faites dans cette localité), Clermont-Ferrand, Autun, Nîmes, Lyon, Vienne, Paris, Arles, Bordeaux, Néris, Vichy, Lezoux, Bourbon-l'Archambault, Varennes, Diou. Le Bourbonnais est une des contrées où la céra- mique gallo-romaine a reçu les développements les plus considérables ; une foule de localités y présentent de curieux vestiges de l’art céramique antique. TOME XXI. : XXXIV ANTIQUITÉS Des poteries à relief samiennes ont été trouvées il y a plusieurs années dans une villa romaine, à Espaly, près de la ville du Puy, et à Corsac, commune de Brives, dans un cimetière gallo-romain découvert en 1860 dans la propriété de M. Vinay, avocat. M. Batissier (Eléments d'Archéologie, p. 279) donne sur les vases gallo-romains des appréciations d’une justesse parfaite. L'art de faire cuire l'argile avait été porté à un grand degré de perfection par les Romains. Les urnes que l’on découvre tous les jours et depuis tant de siècles prouvent non-seulement leur extrème habi- leté, mais encore le profond sentiment qu'ils avaient des beautés de la forme. Les poteries romaines les plus belles sont les po- teries rouges, couvertes d’un vernis brillant et de figures en relief. Le grain en est fin et serré; la dé- licatesse et la légèrete du tour sont incomparables. Outre les vases en forme de coupe, il en existait à Toulon dont la forme est cylindrique. (Voir l’un de ceux contenus planche III.) D’autres ont la forme d’un cône tronqué. Ces vases sont ornés d’élégantes moulures, de frises rehaussées de guillochis. Les principaux sujets représentés sur les vases à relief de Toulon sont : 1° des animaux féroces, tels que tigres, lions, léopards, ours, sangliers, loups, poursuivant des animaux timides, cerfs, lièvres, che- vreuils, etc. Quelquefois ce sont des chasseurs à cheval, armés d’un épieu, qui poursuivent des animaux féroces. GALLO-ROMAINES. XXXV 20 D’autres vases représentent des quadriges attelés de chevaux fougueux. 3o Des poissons nageant autour du vase. 4o Des guirlandes de feuillage entremèlées de fleurs et d'ornements d'architecture variés. so Des scènes mythologiques ou héroïques, dans lesquelles figurent les diverses divinités de l’'Olympe païen et les héros de la fable : des Bacchantes, Apol- lon, Diane, des Satyres, des Centaures, etc. Go Des animaux fantastiques, tels que griffons , che- vaux marins, quelquefois montés par des divinités marines. Te Une femme faisant danser un animal ressem- blant à un chien; des monstres marins se trouvent sur le mème vase. Cette ornementation du vase cylindrique dont J'ai donné le dessin ce tableau, qui » était aucunement gasté, de sorte que ce desgat » causait une plus grande gloire à Apelles. Il avait » commencé une autre Vénus sortant de la mer en » l’isle de Lâgo, laquelle eût encore surpassé la » première; mais la mort le surprint sur ce point, » et on ne put jamais trouver homme qni la sceut » parachever. » Cette peinture d’Apelles, célèbre dans toute la Grèce et en Italie, fut reproduite, soit par la grande statuaire, soit par la céramique; elle représentait l'idéalisation de la beauté antique et la déesse des plaisirs : son culte était général en Grèce, en Italie et dans les Gaules. Vainement objectera-t-on contre le nom de Vé- nus, donné à la statuette ne 5, planche re, qu'on l'a trouvée dans des tombeaux. Il ne faut pas perdre de vue que l’un des attributs de la Vé- nus gauloise la faisait classer parmi les dieux in- fernaux. C'est ce qu'explique Dom Martin (Religion des Gaulois, t. 1, p. 228). Les Gaulois plaçaient Vénus parmi les dieux infernaux, ainsi qu'il est prouvé par une inscription trouvée dans la forèt de Belème GALLO=ROMAINES. Ix} DIIS INFERIS. VENERI. , MARTI. MERCURIO. SACRUM. Ainsi, il est très-naturel que l’on trouve des sta tuettes de Vénus dans les tombeaux gallo-romains. C'était rendre hommage à une divinité infernale, que la placer dans la tombe. On croyait ainsi as- surer au mort sa protection pour une autre vie. iette classification de Vénus parmi les divinités infernales était adoptée non-seulement par les Gau- lois, mais encore par les Grecs et par les Romains, qui la vénéraient à ce point de vue sous le nom de Vénus-Lybitina, Epitymbia, et Infera. Les Gaulois lui rendaient un culte spécial , ils lui avaient érigé plusieurs temples et chapelles; ils comptaient sur les bons offices que cette déesse pouvait leur rendre après leur mort. Parmi les statuettes de Vénus-Anadyomène trou- vées, à diverses époques, dans la Gaule, on peut citer celle dont Millin { Vonwments antiques inédits, t. rer, p. 224) donne le dessin et la description. Cette Vénus- Anadyomène est en bronze, elle fut trouvée dans la Saône, à Pontaillier, en 1802 ; elle a beaucoup d’ana- logie avec la Vénus de Toulon, mais elle soutient sa chevelure des deux mains, tandis que la Vénus de Toulon ne la supporte que d’une main. Millin, après avoir décrit la célèbre Vénus d’Apelles, cite une Vénus-Anadyomène conservée au musée de Ixij ANTIQUITÉS Dijon , remarquable par sa pose élégante et par sa parfaite conservation. Caylus à aussi publié (t. 1v, pl. Lx) une Vénus-Ana- dyomène. Ces diverses autorités ne me laissent aucun doute sur l'attribution de la statuette no 5, planche re. C'est Vénus sortant de la mer, elle essuye ses che- veux imbibés d’eau et prend son empire sur le monde, en posant le pied sur la terre. Les moules qui ont servi à fabriquer cette statuette viennent aussi des fouilles du champ des Laris; plu- sieurs de ces moules, offrant des variétés de gran- deur ou de dessin, portent gravés, à l'extérieur, les noms des céramistes qui les ont fabriqués. Nous avons déjà donné la nomenclature de ces artistes gallo- romains. Priscus est fcelui dont le nom se trouve le plus fré- quemment reproduit. Un seul moule porte à l’intérieur, dans le bas, le mot IOPILLO, gravé en creux, j'ai découvert la statuette fa- briquée avec ce moule qui porte le mot 1opiLLo moulé en relief. Cette inscription, sur la statuette, est fort rare dans la céramique antique; elle rend ces deux pièces fort intéressantes. Leur style et leur fabrication paraissent supérieurs aux autres produits de l’atelier de Toulon. Outre les statuettes nues de Vénus, on a trouvé plu- sieurs autres figurines dans diverses attitudes, que leur nudité et leurs poses ne permettent pas de publier et de décrire. GALLO-ROMAINES. Ixiij A > PLANCHE [Ire, N° 6. Jupiter. Je pense que cette statuette, dont la figure, envi- ronnée d'une barbe épaisse, ne manque pas de noblesse, représente un Jupiter gallo-romain. Cette figurine est en buste, assez bien drapée, elle repose sur un socle circulaire enrichi d'un petit ornement rond; ce type de Jupiter me paraît avoir une grande ressemblance avec une statuette gallo- romaine en bronze que je possède, représentant Jupiter tenant la foudre à la main, qui a été trouvée à Néris (Allier). Cependant la statuette de Toulon n’offrant aucun attribut, pourrait bien représenter un autre sujet, un empereur, par exemple. Aussi crois-je devoir me borner à une simple conjecture. Les Gaulois adoraient Æsus, que plusieurs ont confondu avec Jupiter, notamment Jules César dans ses Commentaires. Dom Martin pense que c'étaient deux divinités différentes, et que les Gaulois n’au- raient commencé à donner à leurs dieux, notam- ment à Esus, une figure humaine qu'à partir du règne de Tibère, pour se conformer aux intentions de ce prince d’assimiler les deux cultes gaulois et romain , et de représenter les dieux gaulois comme les dieux romains. (V. Dom Martin, t. rer, p. 277.) Ixiv ANTIQUITES Il est difficile de discerner la vérité au milieu des obscurités qui environnent cette partie de l’his- toire. Cependant Esus et Jupiter étaient bien des divinités gauloises distinctes, car on les voit toutes deux à la fois représentées sur un bas-relief trouvé dans les substructions du chœur de la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Dom Martin (t. 11, p. 69) considère Esus comme un lerme indéfini, qui signifiait Dieu. C'était, dit-il, la divinité la plus ancienne des Gaulois, et en quelque sorte le symbole de l'unité de Dieu, qu’on croit avoir été la première religion des Gaulois. Les Druides ne donnèrent que très-tard une figure sensible à ce dieu qu'ils vénéraient sans en représenter l'effigie mystérieuse. $ 5. PLANCHE Irc, N° 7. Junon. IL est difficile d'expliquer la figure ne 7, planche Pre, représentant un buste de femme portant une coif- fure fort élevée, à trois rangs de tresses entremèlées de pierreries, drapée avec élégance et reposant sur un socle circulaire enrichi d’un petit ornement rond. Cette figurine ne présente aucun attribut qui per- GALLO-ROMAINES. Ixv mette de la déterminer avec sûreté. Cependant je crois que cette statuette représente Junon ou une impératrice. Je préfère la première opinion, car elle me paraît plus en harmonie avec la destination des statuettes que j'étudierai ci-après. $ 6. ? PLANCHE Ie N° 8. Minerve. Cette figure représente Minerve s'appuyant sur son bouclier, ayant casque en tête et portant une patère à l’une de ses mains. Cette statuette est d’un carac- tère noble , d’un dessin élégant, les draperies en sont bien ajustées. On n’en a trouvé à Toulon que deux exemplaires et quelques fragments. S 7. PLANCHE Ir, N° 9. La Fortune ou l’'Abondance. Cette figurine représente une femme assise sur un siége peu élevé, tenant une urne d’abondance d’une main, une patère de l'autre. TOME XXI. Ixv)j ANTIQUITÉS Je ne crois pas qu’il faille voir dans cette statuette la représentation d’une déesse mère, maire ou ma- trone. En général, ces déesses étaient réunies au nombre de trois dans les divers monuments qui les repré- sentent. Ces déesses étaient trois femmes ayant pour sym- bole des cornes d’abondance et des patères à la main, elles ont été l’objet d’un culte fort ancien dans les Gaules et dont l’origine est inconnue. Elles paraissent ‘avoir été d’abord des divinités champêtres, qui devinrent ensuite des déesses pro- tectrices des maisons et des citoyens. C'étaient des génies bienfaisants qui veillaient à la santé de la famille, à la fécondité de la terre et à la prospérité des personnes. Ces déesses étaient aussi appelées Dames des Gaules. Certains auteurs ont cru que c’étaient des drui- desses matres familias; elles sont qualifiées, dans diverses inscriptions antiques, de mnairæ, matræ , maitres, matronæ. Ces divinités , d’après Dom Martin, présidaient aux accouchements et représentaient les Parques. Dom Martin (t. 11, p. 147) donne la figure de déesses-mères trouvées à Lyon, dans l’église d’Ainay. L'une de ces figures présente une grande ressem- blance avec celle trouvée à Toulon. Des statuettes de déesses-mères ont été trouvées à Nimes. La déesse Nehalennia se trouve avec les déesses- mères au centre d'un édicule analogue à celui trouvé GALLO-ROMAINES. Ixvij à Toulon; à côté de la déesse Nehalennia est un chien semblable à la statuette de chien exhumée à Toulon. Malgré les diverses analogies de la statuette n° 9 avec les déesses-mères, je pense qu’elle représente la Fortune ou l’Abondance. Montfaucon donne la gravure d’une statuette pres- que semblable, qu'il qualifie de cette manière. Kipping {De Dis popularibus) a publié un mo- nument à peu près pareil à cette statuette, qui porte gravé sur son piédestal le mot Fortuna. Je me garde bien de rien affirmer sur la quali- fication de la statuette no 9; j'ai fait connaître mes conjectures, je laisse à de plus habiles le soin de résoudre d’une manière certaine cette question. 8. A PLANCHE Ir, N° 10. Le n° 10 est une figure de femme drapée avec élégance; les bras, qui manquent, et qui portaient les attributs de cette déesse , rendent très-difficile la qualification de cette figurine dans laquelle je crois, sans pouvoir l’affirmer, reconnaître une Junon. Montfaucon a publié (t. rer, planche 21 de lAnti- quité expliquée) une figure de Junon qui à beau- coup d’analogie avec la statuette n° 10. Ixviij ANTIQUITÉS d A PLANCHÉ fre, N° 11. Le petit monument ne 11 est très - remarquable ; on n’a trouvé à Toulon que le moule brisé en deux morceaux qui, ayant été rajustés, ont permis de tirer quelques épreuves modernes. C’est un médaillon circulaire ; une figure en buste, représentée avec un fort relief, paraît sortir de l’en- cadrement d’un bouclier, orné d’un large cordon saillant. Le sujet m'est inconnu; la tête est belle, la chevelure bien bouclée. Des monuments analogues ont été découverts à Pompéia; je les ai remarqués au musée Bourbon de Naples; ils sont gravés dans l’œuvre de David, sur les peintures et sculptures d'Herculanum et de Pompéia. Le moule de cette figure fait partie de la belle collection de M. Esmonot, à Moulins. $ 10. PLANCHE Ir, N° 12. Gracieux buste de femme; la partie inférieure de cette statuette n’a pas été trouvée. GALLO-ROMAINES. Ixix $ 11. PLANCHE I', N° 13. Buste de jeune divinité ou de héros qu’il ne m est pas possible de personnifier,; cette statue, bien drapée, repose sur un socle arrondi enrichi d’un petit or- nement circulaire. $ 12. PLANCHE 1e, N° l4. Un homme et une femme qui s’embrassent. Le moule de cette figurine a seul été découvert ; on à tiré avec ce moule quelques épreuves mo- dernes. Ce même sujet a été aussi trouvé d’une plus grande dimension et d’un type un peu différent. Je me borne à donner le dessin de l’une de ces figures. Cette composition est fréquemment représentée sur des monuments antiques; je la crois un symbole de l'amour conjugal. Cette figurine présente un aspect singulier ; on peut, en la regardant avec attention, y voir deux personnages de profil, ou un seul per- sonnage de face. Est-ce le hasard ou le calcul du céramiste qui a produit cette singularité ; je livre ce problème aux érudits. xx ANTIQUITÉS gs PLANCHE I°, N° 15. Figurine assise, ayant une espèce de manteau à ca- puchon, ses mains sont appuyées sur ses genoux. Je n'ai pu découvrir aucun monument semblable, et cette statuette me semble une véritable énigme. Représente -t-elle un grotesque ? Je l’ignore. La publicité donnée à cette notice aura au moins pour résultat ‘de mettre les archéologues en demeure de rectifier mes erreurs et de déterminer le sujet des figurines que je n'ai pu expliquer. $ 14. PLANCHE IT, N° 16. Cette figurine représente un personnage couché sur un dauphin ou monstre marin; une seule a été trouvée à Toulon ; elle fait l’'ornement de la collection de M. Esmonot. J'ignore le sujet qui a été représenté. Le dauphin était consacré à Neptune, on le voit dans di- vers monuments accompagnant ce dieu. $ 15. PLANCHE (II, N° 17. Le numéro 17 est étranger aux fouilles de Toulon. Je l'ai trouvé dans la rivière de la Queune, com- GALLO-ROMAINES. ; Ixx) mune de Bressoles (Allier). Get objet représente une tète de bouc ou de chèvre; il est en poterie ver- nissée , analogue aux poteries du moyen-âge ; je crois que c’est le goulot d’une très-grande amphore, il a environ quinze centimètres de hauteur. Ce morceau m'ayant paru intéressant et étant trou- vé aux environs de Moulins, j'ai cru devoir en donner le dessin. $ 16. PLANCHE II, N° 18. Un sanglier en terre cuite blanche, trouvé à Toulon. Le sanglier était cher aux Gaulois : j'en possède un en bronze d’une très-belle exécution, qui a été trouvé à Gergovia, près de Clermont-Ferrand, et qui paraît avoir été fixé à un casque ou à une enseigne militaire. Le revers des anciennes monnaies gauloises est souvent chargé d’un sanglier. L’arc-de-triomphe d'Orange, l’un des plus beaux monuments que l'art romain ait édifiés dans les Gaules, nous apprend que les Gaulois portaient le sanglier sur leurs enseignes. Le sanglier de Toulon prouve de plus fort le ca- ractère gallo-romain de cette fabrique où nous trou- vons de nombreuses divinités généralement adorées dans les Gaules. Ixxij ANTIQUITÉS $ 17. Taureau et chien. Des fragments de taureau et des statuettes de chien ont été trouvés à Toulon. Je n’ai pas donné ces figures, celle du taureau à une grande analogie avec celle dessinée planche IV, n° 9. Dom Martin (t. 1, p. 70) nous apprend que les Gaulois ont adoré nn taureau. Les bas-reliefs trouvés dans l’église de Notre- Dame, de Paris, le 16 mars 1711, le prouvent suf- fisamment. Sur l’une des pierres on voit un tau- reau sur le même plan que Vulcain, Jupiter et Esus. Le dieu Taureau est accompagné de trois oiseaux gravés sur le bas-relief. Ne nous étonnons pas dès lors de trouver réunis à Toulon le taureau et plusieurs oiseaux. Le taureau est plusieurs fois représenté sur des médailles de César Auguste (Voir planche 71 de l’ou- vrage d'Hubert Galtzius). Le taureau servait aussi de monture à Mer- cure-Soleil qui dompte un taureau et montre ainsi sa supériorité sur la Lune, figurée par le taureau. Dom Martin (tome 1er, p. 455), cite une statue gauloise, trouvée en France, de Mercure-Soleil , monté sur un taureau. Ce monument faisait partie de la collection de M. de Chezelles. Le dieu Mithras avait aussi pour monture un GALLO-ROMAINES. Ixxiij taureau, mais les Gaulois attribuaient plus spéciale- ment le taureau à Mercure symbolisant le Soleil. Plutarque mentionne le culte des Gaulois por le taureau, il raconte que lors d’une invasion des Gaulois en Italie , sous le consulat de Ma- rius , ils accordèrent une capitulation aux Romains qui occupaient un fort commandant l’Adige, et qu'ils jurèrent par leur Taureau d'airain d’obser- ver les articles du traité. Catulus, après la défaite des Gaulois, fit porter dans sa maison, comme une glorieuse dépouille , le taureau d’airain qu'il considérait comme la mar- que la plus éclatante de la victoire. Grégoire de Tours (/Zist. Lib. 11, ch. 10), faisant l'énumération des idoles des premiers Français, dit que leur superstition avait érigé en dieux des oiseaux et des animaux. Il fait allusion au dieu Taureau et il s’écrie : « Hélas! s'ils avaient du moins été en état de comprendre quelle terrible vengeance tira le Seigneur du crime que les Juifs commirent en adorant le veau qu'ils avaient fait fondre. » Il est donc certain que le taureau a été adoré dans les Gaules. On a trouvé dans le tombeau de Chilpérie (Voir Dom Martin, t. 1, p. 72) une tête de taureau d'or qu'on regarde comme l’idole favorite de ce prince. Sur le bas-relief trouvé dans la cathédrale de Pa- ris, représentant le dieu Taureau, on lit : TARVOS TRIGARANUS. Ixxiv ANTIQUITÉS Les oiseaux de Toulon, figures nos 22 et 23, planche IT, sont-ils les compagnons du dieu Tarvos? Sont-ils des jouets d'enfant? L'une et l’autre de ces interprétations sont acceptables, et l’on peut en donner encore bien d’autres plus ou moins admis- sibles. Le chien trouvé à Toulon était-il le gardien de la déesse Nehalennia ? ce qui peut le faire supposer, c’est qu'on le voit gravé à côté d’elle sur plusieurs mo- numents.- Etait-il un simulacre de Cerbère ou un compa- gnon des dieux Lares ou Pénates, ou bien un ex- voto, ou encore un jouet d'enfant ? Telle est la question dont la solution est incer- taine et qui pourrait entrainer une trop longue dissertation, que je m'abstiens d'entreprendre. S 18. PLANCHE II, N° 19. Singe. Un singe assis tient sa tête dans l’une de ses pattes de devant et pose l’autre sur son genou. Les Romains connaissaient les singes, ils les fai- saient venir de l’Afrique, qui leur était soumise. Peut-êtré cette figurine représente-t-elle un animal symbolique. GALLO-ROMAINES. Ixxv $ 19. PLANCHE II, N° XX. Buste dont l'attribution ne me paraît pas facile à faire ; est-ce le portrait d’une divinité? est-ce un grotesque ou bien un jouet d'enfant? je n’ose résoudre la question. Des statuettes pareilles à celle ne 20 ont été trouvées au vieil Evreux, par M. Réver, à Néris, à Vichy, à la Forêt, près de Moulins. $ 20. PLANCHE II, N° 21. Buste de femme; elle n’a jamais eu de bras et le bas du corps n'existait pas dans cette figurine qui est entière, telle qu’elle a été fabriquée. Le no 21 est-il une poupée gallo-romaine? je l'ai d’abord pensé, mais je crains de n’avoir pas découvert la vérité. Cette curieuse figurine est déposée au musée de Moulins. PLANCHE II, N° 24. Coq. Coq, oiseau cher aux Gaulois; on a trouvé plusieurs modèles différents de coq et leurs moules. Je me suis Ixxv) ANTIQUITÉS borné à donner le dessin d’un seul, pour ne pas mul- tiplier les planches. Les Romains consultaient les augures au moyen des poulets sacrés. On trouve fréquemment, dans les tombeaux gallo- romains, des coqs où des colombes, en terre cuite. J'ai assisté, à Arles, dans le vaste cimetière de cette cité impériale, appelé les Aliscamps (Eliseus cam- pus), à l'ouverture de plusieurs tombeaux où des fi- gurines semblables ont été recueillies. Une admirable collection de monuments gallo- romains a été réunie à Arles, les tombeaux en ont fourni la plus curieuse partie. Ces cogs et colombes, placés près de la dépouille mortelle des enfants, par le culte pieux de leurs pa- rents, n’avaient-ils pas un caractère symbolique adapté aux rites du paganisme ? A (2) 9 PLANCHE II, N° 95. Paon. Cette figurine est un paon, la queue déployée : c'est l'oiseau de Junon dont nous avons trouvé seulement le moule ; il est formé de deux parties, à l’aide desquelles on a pu tirer quelques épreuves modernes de cettefigure. M. Esmonot a dirigé cette délicate opération, il a obtenu un succès complet. GALLO-ROMAINES. Ixxvij Un exemplaire des diverses épreuves modernes, ti- rées avec plusieurs moules antiques, a été offert, par M. Esmonot, au musée de Moulins. PLANCHE II, N° 26. Un corps de cheval; divers types de chevaux ont été trouvés à Toulon, quelques-uns sont richement har- nachés. Les figures de la planche IV ayant été décrites som- mairement, dans la narration des fouilles, il est inutile d'en présenter une nouvelle interprétation. CHAPITRE X. DESTINATION DES STATUETTES. Epoque de leur fabrication. Les figurines de Toulon sont de véritables idoles gallo - romaines ; elles représentent les principaux dieux des Gallo-Romains. Pline (liv. xxxv, chap. xn) parle des statuettes et des vases de terre, produits de l'art céramique ; il cite Varron, qui faisait grand cas de Pasitelès, Ixxvii) ANTIQUITÉS célèbre céramiste : il ajoute que l’art de la poterie est père de l’art de la fonderie et de tous les ou- vrages qui se font au ciseau et au burin. Cet art était très -anciennement pratiqué en Italie, surtout en Toscane et dans les Gaules. Les images des dieux étaient fréquemment faites en ar- gile. Pline cite une image de Jupiter au Capitole et un Hercule de la mème matière. L'argile était employée avec succès par les anciens modeleurs , ils nommaient la grossière pelos ; l'argile blanche et fine se nommait argillos, du mot argos blanc. Tous les ouvriers en argile étaient connus dans l'antiquité gréco-romaine sous la dénomination de Pelourgoi, qui comprenait les briquetiers, tuiliers, fournalistes, modeleurs et potiers. Les Athéniens les nommaient Prométhées, parce qu’ils considéraient Prométhée comme le premier modeleur. La fabrication de Toulon est indubitablement an- tique , les caractères des objets découverts ne laissent : aucun doute à cet égard. Quoiqu'il soit très-difficile de préciser la date de cette fabrication, que j'avais d’abord crue du Ile au IVe siècle de l'ère chrétienne, de graves raisons me portent à penser qu'il est plus exact de la fixer du Ile au Ille siècle. Le style du dessin et de l’ornementation des vases, celui des figurines se rapportent à cette époque. La coiffure de la tète de la grande Latone (planche fre, GALLO-ROMAINES. Ixxix n° 1) est fort remarquable ; elle est à plusieurs rangs de cheveux frisés. Une autre Latone est aussi coiffée d’un diadème, emblème de divinité ou de souveraineté. Cette coiffure est semblable à celle que les mé- dailles donnent à Plotine, femme de Trajan, morte l'an 129 de Jésus-Christ. Une médaille de Domitia, femme de Domitien, mariée à ce prince l’an 70 de Jésus-Christ, morte sous le règne de Trajan, présente aussi une coif- fure analogue à celle de certaines Latones. Mongez (Encyclopédie méth., planche 132, fig. 7) donne le dessin d’une tête romaine exactement coiffée comme la Latone de Toulon. L'abbé Cochet {Sépultures qgauloises, p. 54) cite la découverte faite en 1827, par M. Feret, à St- Martin, d’une Latone près d’une sépulture gauloise; on trouva dans le même lieu une médaille d’An- tonin-le-Pieux , qui régna de l’an 138 à l'an 161 de notre ère. La présence simultanée de la statuette de Latone et de la médaille d’Antonin-le-Pieux dans le même tombeau gallo-romain semble établir la probabilité que la fabrication de cette figurine a été contem- poraine du règne de ce prince. La nature des objets mythologiques représentés sur les vases et qui s'appliquent à la théogonie ro- maine prouve aussi que ces vases sont de fabrica- tion postérieure à la conquète romaine des Gaules. Le style et les ornements des figurines, l’agen- cement des coiffures se rapportent aux époques de Ixxx ANTIQUITÉS Domitien, de Trajan, d’Antonin-le-Pieux , entre le Ile et le Ille siècle de l’ère chrétienne, moment où le christianisme commençait à pénétrer dans les Gaules; mais où subsistaient encore, dans plusieurs contrées, l'idolâtrie , les superstitions et coutumes du paganisme. La monnaie d’or trouvée près du lieu des fouilles est bien postérieure à cette époque, mais rien ne justifie qu'elle soit contemporaine de la fabrique de Toulon. Les noms latins inscrits sur plusieurs vases prouvent que déjà la Gaule était soumise aux Romains, qui y avaient apporté leur langue. Les caractères des signatures des moules, qui avaient conservé une physionomie grecque, tendent à prouver que l'occupation romaine n’était pas très-ancienne; car ces caractères, recus des Grecs par les Gaulois, ont dû peu à peu disparaître après la conquête, qui leur substitua les caractères latins. Nous avons déjà dit que Tibère avait ordonné la suppression du culte des Druides et la fusion du culte gaulois avec les divinités romaines. On voit en effet, dans les figurines de Toulon, un véritable assemblage des dieux gaulois et des dieux romains. Certains noms gravés en creux sur la partie ex- térieure des moules de figurines ont un caractère gaulois; d’autres, au contraire, sont évidemment romains. Ces noms du peuple conquis, mêlés à ceux de la nation dominatrice, sont l’indice certain de la fusion GALLO-ROMAINES. Ixxx]} des races à laquelle tendaient les colonisateurs ro- mains. Ils cherchaient à s’assimiler les races vain- cues, et ils y parvenaient surtout en leur offrant le bienfait de leurs arts. Les Gaulois, race éminemment sympathique, se plièrent avec facilité à la brillante civilisation que leur apportaient les Romains en échange de la liberté. Aussi firent-ils rapidement des progrès dans les arts et dans les sciences pendant la période de l’occu- pation romaine. L'art de la céramique ne fut pas un des derniers que s’assimilèrent les Gaulois : aussi voyons-nous dans le bassin de l'Allier des traces nombreuses d’établisse- ments céramiques gallo-romains, qui attestent le large développement de cette industrie dans cette contrée. La destination des figurines de Toulon n’est pas douteuse, ce sont de véritables idoles; elles étaient employées à plusieurs usages différents : Divinités Pénates ou Lares, on les plaçait dans l’in- térieur des maisons, dans de petits édicules ou laraires possédés par presque tous les citoyens. Rosinus {Romanarum antiquitatum , lib. dec. , p. 18) nous parle de ces édicules particuliers du culte des dieux Pénates et des divinités Laraires : a Ædicula diminutium est, quasi parva ædes sacra, sicut et sacelluwin. » « Penates quasi pentes, quod penitissüni dii sunt ; itaque Penates sunt præsides et custodes di. » « Lares sunt dii domestlici : unde et pro ædibus ipsis accipiuntur. » Kipping {De Dis popularibus) donne d'intéressants TOME XXI. f Ixxxij ANTIQUITÉS détails sur le culte des Romains pour les dieux Lares. Les anciens admettaient parmi les dieux Pénates la plupart des divinités principales et une foule de di- vinités secondaires. Il y avait des dieux Lares des bourgs et des chemins, ils étaient gardiens des maisons, un chien les accompagnait, c’étaient les génies du foyer. On lit souvent dans les édicules romains : GENIO LOCI. On ne fouille pas les ruines d’une maison gallo- romaine sans y trouver des débris de figurines de dieux Lares ou de divinités Pénates. Cartari (Le imagini dei Dei gli antiqui, p. 363), s'ex- pliquant sur le culte des dieux Pénates, cite l'opinion de Cicéron : « Penati erono certinumi nati nelle private case, et adorati nelle piu secrete parte di quelle. » Ce culte était commun aux Romains et aux Gaulois, surtout après la conquête. Virgile, liv. 7 de l’Enéide, parle du culte des dieux Lares : ARE rer .…..Frondenti tempora ramo Pmplicat et Genium loci, primamque dearum Tellurem , nymphas et adhuc ignota precatur NÉMManrer tante JET. Le nom de Laris, qu'a conservé la partie de la com- mune de Toulon où se trouve la fabrique de figurines, tend à vérifier cette destination. M. de Caumont, dans son Cours d'Antiquités, dit qu'on plaçait ces statuettes dans les habitations gallo romaines. GALLO-ROMAINES. Ixxxii} Les figurines d’idoles étaient aussi consacrées aux cérémonies funèbres, les Gallo-Romains les plaçaient dans leurs tombeaux; j'ai cité de nombreux exemples de ce fait. Quel était le mystérieux symbolisme présidant à ces pratiques religieuses ? L’antiquité ne nous a pas livré son secret; mais on peut présumer que les Gallo - Romains avaient pour but de s’environner des divinités auxquelles ils vouaient un culte particulier, ou qu'ils supposaient devoir les protéger dans une autre vie. On trouve des statuettes de divinités funèbres dans les tombeaux d'hommes, de femmes et d’enfants. On y voit notamment Latone, Vénus -Libitine, Mercure, etc. Les superstitions des Gaulois et des autres nations paiennes étaient si nombreuses et si variées dans les diverses contrées de l’Europe, qu'il est bien dif- ficile à l’antiquaire, cherchant à les expliquer par les monuments, de ne pas commettre d'erreur. Les écrits qui nous sont parvenus sur la mythologie gréco-romaine fourmillent de contradictions et ne jettent qu'un jour incertain sur la classification, les attributs et le culte des faux dieux. Si l’on considère la matérialité du culte des païens , la multiplicité des divinités qu'ils adoraïient, les pas- sions les plus mauvaises qu'ils avaient divinisées; si l'on songe à leurs idoles d'argile et de bronze , aux- quelles des hécatombes humaines étaient sacrifiées par un peuple divisé en maîtres orgueilleux et en esclaves avilis; on admire la grande mission du christianisme * Ixxxiv ANTIQUITÉS qui, au monde matériel antique a substitué le monde intellectuel moderne, la vérité à l'erreur, l'esprit d’abnégation au culte des appétits sensuels , la liberté à l'esclavage ! On reconnaît que le christianisme a transformé la terre en arrachant l’homme aux plus honteuses, aux plus absurdes superstitions. Cependant la religion des Gaulois n’était pas dé- pourvue de toute idée morale, ce qui explique la vita- lité du culte druidique qui survécut à l’introduction du christianisme dans les Gaules pendant un temps considérable. Les premiers chrétiens se séparaient . avec peine d'objets qu'ils étaient habitués dès l’en- fance à vénérer. L'existence d’idoles gauloises dans certaines églises chrétiennes est un fait avéré et qui s'explique facile- ment par le désir des premiers Apôtres de faire plus facilement triompher les grands principes du christia- nisme en tolérant certaines superstitions des peuples de la Gaule, encore en proie à l'ignorance. Saint Augustin (Ep. 47. Ad Publicol.) dit : «Il en est des temples, des idoles et des bois sacrés comme des paiens : on n’extermine point les derniers, mais on les convertit, on les change; de même on ne détruit pas les temples, on ne met pas en pièces les idoles, on ne coupe pas les bois sacrés; on fait mieux, on les consacre à Jésus-Christ. » Aussi, comme l’observe Dom Martin, le génie des premiers siècles était de placer et quelquefois d’en- fouir les idoles dans les églises, pour y servir de trophée à la religion. GALLO-ROMAINES. Ixxxv Les monuments gaulois trouvés à Notre-Dame de Paris, les inscriptions, bas-reliefs, statues, sculptures et autres monuments gallo-romains trouvés enchâässés dans les murs de plusieurs églises, notamment à Notre-Dame du Puy, viennent encore établir les an- ciens usages à ce sujet. Ainsi la destination des statuettes était à la fois re- ligieuse et funéraire. On s’en servait aussi pour des eæ-voto et pour cer- taines cérémonies secrètes du culte de quelques divinités. Les sources des fleuves, des rivières et des fontaines, les mares étaient chez les Gallo-Romains l’objet d’un culte mystérieux. L'abbé Cochet raconte la découverte, faite par M. Boudot, des ruines d’un temple de la déesse Sequana, aux sources de la Seine, et de nombreux eæ-voto à l’entour. Il ajoute qu'il est très-porté à attribuer à une dé- votion du même genre et à de semblables offrandes les nombreuses statuettes en terre cuite de Latone et de Vénus, trouvées en 1820 à la fontaine de Mirville, voisine de la source de Grainville et sortant comme elle du plateau de Beaumont. ( V. Mémoire de la So- ciété des antiquaires de Normandie, 1826, p. 204.) On peut attribuer aux mêmes causes les dépôts de nombreuses statuettes de Vénus, de Latone, de Mercure et d’autres divinités, trouvées dans la mare de l’Argilière, près de Baux, dans la forèt d'Evreux. ( V. Mémoire de la Société des antiquaires de Normandie, 1826-1828, p. 189.) Ixxxv] ANTIQUITÉS Les mares ont partagé avec les rivières et les fontaines le culte superstitieux des idolâtres, Le culte des fontaines est mentionné par les Pères de l'Eglise, ainsi que le rappelle M. l'abbé Cochet, à qui je fais ce nouvel emprunt. Il cite ces paroles de saint Augustin aux peuples de l'Afrique : « Si vous voyez quelqu'un faire des vœux aux fon- taines et aux arbres, reprenez-les fortement de ce péché. » Le second concile d'Arles, tenu en 442, ordonne aux Evèques d’empècher d’adorer les arbres , les pierres et les fontaines. Le concile d'Auxerre de 585, reproduisit cette dé- fense. L'on à recueilli à Bourbon-l’Archambault, dans la source minérale, lors de réparations faites au puits qui la reçoit, des fragments de statuettes et de poteries samiennes à relief. A Vichy, en 1857, on a extrait d’un puits romain, qui fut découvert lors de la reconstruction d’une maison, tout un laraire antique ; on y remarquait la statuette d’un jeune dieu dont la base était un véri- table tronc à offrandes. J'ai visité ce puits et ai recueilli quelques objets provenant de cette découverte, notamment une base de grande statuette. Cette base, de forme élégante , était circulaire et ornée d’une espèce de cordon. Tous ces faits prouvent non-seulement le culte des Gallo-Romains pour les sources des eaux, mais qu'ils leur consacraient, comme des ez-voto, les figurines re- présentant diverses divinités. GALLO-ROMAINES. Ixxx vi} C'est un usage remarquable auquel étaient employées les statuettes d'argile. On pourrait s'étendre davantage sur la curieuse dé- couverte de l'atelier céramique de Toulon , et présen- ter d’autres aperçus qui ne manqueraient pas d'intérêt ; je laisse aux érudits le soin d'éclairer des questions dont je n’ai pas donné la solution et je prie le lecteur de considérer cette notice comme une simple étude destinée à appeler l'attention des hommes compétents sur l’histoire de la céramique gallo-romaine. EXTRAIT D'UN MÉMOIRE INTITULÉ : De la fréquence et de la capacité pluvieuse des vents supérieurs et inférieurs sur la station du Puy Par M. J.-M. BERTRAND DE DOUE MENBRE RÉSIDANT DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DU PUY Lu par le même à la Société, dans sa séance du 5 décembre 1857 Dans une suite de mémoires déjà livrés à la publici- é (1), j'ai montré en quelles proportions s'opère, sous différents climats, la distribution des fréquences géné- rales des vents, entre les régions supérieures et infé- rieures de l'atmosphère, c’est-à-dire entre celles dont la limite commune est marquée par la surface infé- rieure des nuages les moins élevés. Dans celui dont je donne aujourd’hui un extrait à la Société (2), je me suis proposé de rechercher quelles (1) Annuaire météorologique de la France pour 1851. [re Partie, page 337. — Id, Pour 4855: Ire Partie, page 191. — Annuaire de la Sociélé météorologique de France pour 1855. Irc Partie, page 253. (2) Voir l'Annuaire de la Societé météorologique de France pour 1857. [re Par- ie, page 13. Ie Partie, page 193, XC FRÉQUENCE ET CAPACITÉ PLUVIEUSE DES VENTS relations il existe entre ces fréquences et celles des combinaisons pluvieuses des vents supérieurs et infé- rieurs, par lesquelles les précipitations aqueuses ont lieu sur la station du Puy. Lorsqu'on parcourt avec quelque attention les nom- breuses séries d'observations recueillies par les météo- rologistes, on reconnaît d’abord qu'il n’en est aucune dont les termes oscillent entre des limites aussi écar- tées autour de leurs moyennes, que dans celles qui ont pour objet de déterminer la moyenne quantité de pluie, - de neige, ete., qui tombe annuellement sur tel ou tel point. Ce phénomène serait ainsi un de ceux qui se compliquent, au plus haut degré, d’influences locales ou fugitives, et dont les moyennes exigent par consé- quent un plus grand nombre d'années, avant de pou- voir être considérées comme définitives. Il y à donc quelque témérité à essayer de déduire d’une série d'observations udométriques, de cinq an- nées seulement, des généralisations dignes de fixer l'attention des météorologistes. En m'arrêtant à ce nombre, j'ai cédé, je l'avoue, aux avertissements de l’âge et au désir, peut-être prématuré, de reconnaître en quelle mesure le point de vue nouveau, sous lequel j'ai considéré la fréquence des vents, était susceptible de s'appliquer à un autre ordre de faits. Sans doute, j'ai dû regretter que diverses circon- stances, entre autres, l'enlèvement de l’excellente gi- rouette de Corneille, lors des premières dispositions qui furent faites pour élever sur ce rocher la statue colossale de la Vierge, ne m’aient pas permis d’ajouter quelques années de plus à ces observations, mais SUP. ET INF. SUR LA STATION DU PUY. XC] n'avons-nous pas vu les lois d'égalité et d’interversion de fréquence ressortir, avec une rare précision, au Puy, à Bruxelles et à Goersdorff, de séries de cinq, huit et quatre ans? et, si les résultats de nos recherches ac- tuelles sont tels qu'on y voie reparaître les conditions de ces deux grandes lois, peut-être notre série obtiendra- t-elle de cette connexité et de diverses considérations, qui seront ultérieurement exposées, le degré de valeur. qui pourrait lui manquer sous le rapport de la durée. Dans une première partie, je ferai connaître les moyens d'observation employés et les résultats obtenus en dehors de toute autre considération que celles de l'altitude des lieux et du relief du sol. Une seconde partie sera consacrée à l’étude des relations qui exis- tent entre les fréquences générales des vents et les phé- nomènes pluvieux. PREMIÈRE PARTIE. Les observations udométriques dont j'ai fait usage dans ce mémoire font partie des études ordonnées par l'administration supérieure des ponts et chaussées, après la funeste inondation de la Loire en 1846, en vue de déterminer le régime de ce fleuve et de ses princi- paux affluents. En conséquence, un certain nombre d’udomètres d’un modèle uniforme furent placés sur divers points favorablement situés dans le bassin de la Loire, à la portée de MM. les Ingénieurs chargés de diriger et de surveiller les opérations. xci) FRÉQUENCE ET CAPACITÉ PLUVIEUSE DES VENTS Deux de ces instruments furent placés dans notre département, l’un à Yssingeaux, à 867 mètres de hau- teur absolue, sous la direction de M. Tourvieille, con- ducteur principal, faisant fonctions d'ingénieur ordi- naire; le second fut placé au Puy, à 638 mètres de hauteur , dans le jardin attenant à l'habitation de M. Guyot, alors ingénieur en chef dans le département, et sous sa direction. Un tableau général À, qui a été publié à la suite du mémoire dont je présente aujourd'hui un extrait à la Société, renferme la série complète des observations udométriques faites au Puy, sous les yeux de M. Guyot, que je ne saurais assez remercier des soins qu'il a ap- portés à ces minutieuses opérations. On y trouve, entre autres, l'indication des différentes formes, pluie, neige, giboulées, grèle, sous lesquelles se sont produites les précipitations aqueuses ; les quan- tités d’eau recueillies et réduites en millimètres ; la date vraie des jours où elles sont tombées ; l’indica- tion du nombre de jours de pluie, etc. Enfin, les deux dernières colonnes de ce tableau donnent les directions des vents supérieurs et inférieurs dont se composent les diverses combinaisons par lesquelles il a plu. Les directions portées sur ces deux dernières colonnes sont celles des vents plus ou moins réguliers, plus ou moins durables qui ont précédé la chute de la pluie. Ce sont en effet ceux qui, en transportant de ré- gions plus ou moins éloignées de grandes masses d'air saturées de vapeurs, et les mettant en contact avec d’autres masses douées de températures moins élevées, entretiennent, par la précipitation de ces vapeurs, SUP. ET INF. SUR LA STATION DU PUY. xCiij l'équilibre hygrométrique de l'atmosphère et restituent aux diverses contrées du globe l'humidité dont elles ont été dépouillées par les cours d’eau, par l'évaporation et l’action desséchante des vents. Je n’ai d’ailleurs tenu aucun compte, soit des vents dont les brusques varia- tions indiquent le trouble de lair au moment où la pluie va tomber, soit de ceux aux allures incertaines qui lui succèdent immédiatement et qui servent de transition à des vents plus généraux. . Le tableau suivant présente le résumé, par années et saisons météorologiques, du nombre de jours de pluie et des quantités d’eau tombées au Fuy, pendant les cinq années 1849-1853, avec leurs moyennes quinquen- nales, annuelles et saisonnières. En vue d'en éprouver la valeur, j'y ai ajouté le ré- sumé des observations qui ont été continuées, sur la même station, par MM. les employés des ponts et chaus- sées et dont M. Coumes, ingénieur en chef dans ce dé- partement, a bien voulu me donner communication. J'ai ainsi obtenu une moyenne septennale dont la con- cordance avec celles des cinq années précédentes en confirme toutes les conséquences et leur donne un nouveau degré de valeur. J'ai enfin consigné, dans une dernière ligne de ce tableau, la moyenne quinquennale du nombre d’orages, accompagnés de pluie ou de grèle, qui ont éclaté pen- dant les cinq années 1849-1853 sur la ville du Puy ou . Sur ses environs immédiats. C’est un trait ajouté à ceux par lesquels j'ai essayé, ailleurs, de caractériser le cli- mat de nos montagnes. XCIV FRÉQUENCE ET CAPACITÉ PLUVIEUSE DES VENTS TABLEAU N° 1. — Résumé, par années et saisons météorologiques, du nombre de jours de pluie observés et des quantités d'eau tombées au Puy, d'après les observalions udomélriques de MM. les Ingénieurs des ponts et chaussées pendant : 1° les 5 années 1849-4853 ; 2° pendant les 2 années suivantes , 1854 et 1855. v TOTAUX HIVER. luvrans ÉTÉ. L'AUTOMNE. | anNueLs. FD TT, À ee, ii, | | ANNÉES. s Jsels sels sels. 5? e_|[E®) ÉAE OR EEET EAEE sels slsu Ssloulgeleu os slsu|ss AE NS RS DRE SE) QE, nn mm mm | mm | mm mm | NT SARA 23 | 19,3) M | 470,11 23 | 953,8) 37 | 243,1] 124 656,3 AREONeA en 36 | 83,1) 34 | 457,5) 31 260] 28 | 164,7] 129 666,1 | ASDAS EL eee 35 | 116,5) 34 | 484,9] 98 | 487,11 34 | 140,2) 131 628,0 RAS crme 33 | 34,2! 98 | 96,5) 50 | 560,6) 30 | 244,01 141, 935,3 RAGE 31 | 99,6] 38 AT 37 | 98,6! 38 | 258,3 144 PE {Total des 5 années. [158 352 TTS 785,6 /169 1360,9] 167 020,3 660 3519,2 | jours de pluie|s4 6! 70,5! 35 | 157,1133,8 972,9,33,4| 901.1133,8 703,9 par an et des 2 quantités annu- elles de pluie. 91,9] 31 | 196,4 38 | 971,1] 27 | 141,6] 446 700,2 59,4] 43 | 164,3 33 | 200 A1 | 981,8) 158 762,5 Moyenne quin- quemnale des | Total des 7 années. | | Moyenne septen- nale des jours de pluie par ans et des quanti-) ? tes annuelles de pluie. Rapports des quan- tités à 10 ..... NPD) EC Moyenne annuelle des jours d’o- rage et quanti- nn ae »| » 4e) 3378 425,92/18| 16,8] 10,8, 445,3 d'après 5 ans d'observations. | — 1849-1853. Rapports des quan- tités à 10..... ::41 > SEE 0 RE EN EN TE | A9 - 31019 1446,3210 1889,0 fo 1443,7 943 4989,3 74,9/35,6| 163, à 3! 269,8/33,6| 206,20134,7 141,7 SUP. ET INF. SUR LA STATION DU PUY. XCV Il résulte de la moyenne septennale portée sur ce ta- bleau, comme de celles des cinq premières années : 10 Que sur la station du Puy, le nombre des jours de pluie est très-approrimativement le méme dans les différentes saisons. Il n’est, en effet, qu'un seul de ces nombres qui s’é- carte de plus de deux jours du quart des moyennes quinquennales et septennales des jours de pluie. 20 Qu'en commencant par les saisons qui ont donné le plus d'eau, elles doivent étre rangées dans l'ordre suivant : Eté, Automne, Printemps, Hiver. Ces deux lois sont, à très-peu de chose près, les mêmes que celles qui ont été reconnues dans les cli- mais séquanien et vosgien. (Patria. 1er xol., col. 202). 3° Que si l'on représente par 10 la quantité d’eau tombée en moyenne dans le cours de l'année, celle qui est tombée dans les différentes saisons sera très-appro- æœimativement représentée par les nombres suivants : Eté, Automne, Printemps, Hiver, Année. SE MO 12 04 Huy = A0. D'où il suit: 40 Que la moyenne quantité d'eau qui tombe en hi- ver et en élé, c'est-à-dire dans les deux saisons à tem- pératures extrémes, est égale à celle qu'on recueille dans celles à température moyenne, c'est-à-dire au printemps et en automne. Qu'on ne s'étonne pas de ce que la précision de ces rapports offre de singulier. Ce n’est pas seulement sur XCY) FRÉQUENCE ET CAPACITÉ PLUVIEUSE DES VENTS la station du Puy que l’on peut en trouver d'aussi sim- ples, et cette différence, que l’on verra se reproduire sur tous nos tableaux, est assez importante pour méri- ter quelques explications. Un jour de pluie est, pour nous, ainsi que pour la plupart des météorologistes, celui où il tombe, en un lieu déterminé, une quantité d’eau appréciable à l’é- prouvette d’un udomètre, quels que soient d’ailleurs et cette quantité et le nombre de précipitations qui ont pu se succéder pendant les vingt-quatre heures ou d’une aurore à l’autre. Ainsi dégagée de ces éléments essentiellement va- riables, l'indication d’un jour de pluie devient celle d’un fait aussi simple que l'unité qui sert à l’exprimer. Mais un jour de pluie n’est pas seulement caractérisé par une ou plusieurs précipitations plus ou moins abondantes, il l’est encore par la saturation de l'air, par l’accumulation des vapeurs sous forme de nuées pluvieuses, par certaines combinaisons dans les direc- tions, plus ou moins favorables à la chute de la pluie, par l’adoucissement de la température, par un état de trouble dans l’équilibre de l'air, enfin par cet ensemble de conditions atmosphériques que l’on à coutume de désigner par le mot de temps pluvieux. Or, ce concours de circonstances tient à des causes autrement générales et d’un ordre bien supérieur aux variations de température qui accompagnent la chute de la pluie, aux vents locaux et de peu de durée qu’elle engendre et aux effets de l’évaporation, d’où dépendent si souvent le volume et la répétition des averses. Ces causes sont: d’une part, l'accumulation des vapeurs SUP. ET INF. SUR LA STATION DU PUY. XCWi) s’élevant de l'Atlantique ou de la Méditerranée et leur rencontre avec de grandes masses atmosphériques d’une température plus basse; de l’autre, ce sont, sous notre climat, des conditions géographiques, telles que la situation et la distance où nous sommes de ces deux mers, l'interposition des Cévennes et des montagnes de la Haute-Auvergne, la direction et la hauteur des longues chaînes des Alpes et des Pyrénées, etc. Ces diverses influences s’exercent sur de vastes espaces avec un caractère de généralité tel, que partout elles domineront les influences étroitement locales et que l'unité indicatrice des jours de pluie représentera l’ensemble des phénomènes plus exactement que les chiffres essentiellement variables par lesquels on tient compte des quantités de pluie. Cette propriété donne au caractère tiré des jours de pluie une grande valeur. Elle explique en même temps pourquoi les rapports déduits des quantités d’eau re- cueillies ressortent avec moins de netteté que ceux tirés des nombres de jours où la pluie est tombée. Supposons actuellement que des moyennes pluvio- métriques obtenues dans des pays de plaine, sur un point heureusement choisi, restent applicables à des surfaces d’une certaine étendue autour de cette station. En sera-t-il de mème pour nos contrées montagneuses, où le voisinage de chaînes plus ou moins élevées et les différences d'altitude que présente pour ainsi dire à chaque pas le relief du sol exercent des influences, bien connues d’ailleurs des météorologistes, sur la quantité et la distribution des pluies? On sait par l'expérience de tous les jours et par les TOME XXI. ” XCViij FRÉQUENCE ET CAPACITÉ PLUVIEUSE DES VENTS rapports de ceux de nos paysans qui habitent les points élevés des montagnes, qu'il y pleut plus souvent et en plus grande abondance que dans le voisinage du Puy. Le voyageur qui s'éloigne de cette ville, après des neiges nouvellement tombées, remarque aussi que la couche en devient plus épaisse à mesure que la route remonte vers le faite des chaînes qui l’environnent. Mais en dehors de ces témoignages, il est une source d’infor- mation bien autrement positive et qui ne peut laisser de doute sur un accroissement dans le nombre de jours et les quantités de pluie en raison de l'altitude des lieux où elle tombe. Je veux parler des observations udomé- triques faites à Yssingeaux par M. Tourvieille, à la même heure que celles de M. Guyot et avec un instru- ment semblable. Yssingeaux est à 22 kilomètres en ligne directe à VE.N.E. du Puy. Il est situé au pied du versant exté- rieur de la chaîne phonolitique du Mégal, qui ferme de ce côté le vaste bassin vers le milieu duquel se trouve la ville du Puy; enfin la hauteur absolue de cette der- nière station étant de 638 mètres, celle d’Yssingeaux de 867, il en résulte une différence d'altitude entre ces deux points de 229 mètres. Le tableau suivant présente le résumé, par années et saisons météorologiques, des observations faites à Yssingeaux pendant les six années 1850-55. J'ai dû en écarter celles de l'année 1849 qui n’embrassaient pas l’année entière. On a ajouté à la suite des moyennes d’Yssingeaux les moyennes septennales du Puy, afin d'en rendre la comparaison plus facile au lecteur. SUP. ET INF. SUR LA STATION DU PUY. XCIX TABLEAU N° 2. — Résumé, par années el saisons Mméléorologiques, du nombre de jours de pluie et des quantités d'eau tombées à Yssingeaux, d’après les observations udométriques faites par M. Tourvieille pendant les G années 1850-1855. TOTAUX AUTOMNE. er | sinof “amd 2p sinof *S29qu0] saquen() œ æ ‘Sapquo1 sajnuen() *S29 {07 saquen() *omyd op sinof *S29qu0] satnuen() “amd 9p | mm | 134,148 | 935,6[ 20 | 301,9) 42 | 193,8) 163 805,0 145,9) 58 280,5) 38 | 935,7] 55 201,1} 491) 872,5 | 106,9, 33 131,1} 57 | 505,6) 52 | 202,4 189 006,0 | 190,5) 63 | 315,8] 40 | 924,41 54 | 305,2 994 1402.9 155,6! 40 202,4] 44 | 566,8 233,7) 161! 958,5 | 428,9) 45 | 256,9) 51 952,9) 4 396,3] 1554055,0 | PTE [æ Total des 6 années. {268 | 871,5 987 le D à 1682,5 1080 5859,9 | (Yssingeaux). .. 44, | 145,2 AT, 8 937, n 41,5 | 313,9 46 | 280,4] 180 976,6 | (Moy. de 6 années | | | | 71,9 25,6 163,7 34,3| 269,8]33,6| 206,2434.7| 711,7 #4 Co EE A CO NE Au premier coup-d'œil jeté sur les moyennes d'Ys. singeaux, on y retrouve : lo Le rapport d'égalité déjà obtenu de celles du Puy, dans la répartition du nombre annuel des jours de pluie entre les différentes saisons. Le plus grand écart de ce rapport avec le chiffre 45 qui représente le quart du nombre annuel des jours de pluie, est de 3 jours 5/10. 20 On y voit aussi la moyenne quantité annuelle de pluie se répartir entre les saisons dans le même ordre qu'au Puy; c'est-à-dire qu'en commencant par celle € FRÉQUENCE ET CAPACITÉ PLUVIEUSE DES VENTS où ùl tombe le plus de pluie, elles se trouvent rangées dans l’ordre suivant : Eté, Aulomne, Printemps, Hiver. À la vérité, la simplicité des rapports observés entre les quantités de pluie tombées au Puy dans les différentes saisons n'existe plus à Yssingeaux, mais il suffit des perturbations déterminées par le voisinage de la haute chaîne du Mégal, dont les pics phonoli- tiques dominent de très-près cette dernière ville, pour expliquer l'insuffisance d’une série de six ans pour ramener les quantités de pluie et le nombre de jours à une moyenne complètement satisfaisante. On verra, en effet, dans quelques instants quelles puissantes in- fluences les chaînes de montagnes exercent sur les phénomènes pluvieux. En comparant les moyennes des totaux annuels de ce tableau on voit aussi : 30 Que le nombre annuel des jours de pluie à Yssin- Ch 2 ON te PE At 4 à om et au Puy seulement de.. ............... 134,7 on à l'énorme différence entre ces deux sta- hons de TAN RE RE MMS Il aurait donc plu à Yssingeaux un jour sur deux en moyenne pendant ces six années; c’est pourtant ce qui ressort, à très-peu de chose près, du nombre 180! 40 Enfin, que la moyenne quantité annuelle de pluie qui tombe à Yssingeaux étant de... 976mm 6 CPL PUNTO See Jens NE, SONORE il'en résulte une différence de......,.,... 9264 9 SUP. ET INF. SUR LA STATION DU PUY. ce] non moins remarquable que celle du nombre de jours de pluie entre des stations aussi rapprochées. S'il était permis de ne pas tenir compte des condi- tions topographiques dans lesquelles ces deux villes sont placées et surtout de l’interposition de la chaine du Mégal, et qu’on n'attribuât qu’à la seule différence d'altitude de 229 mètres l’excédant de 264mm 9 de pluie qui tombe à Yssingeaux, il en résulterait que la quan- tité annuelle de pluie augmente en moyenne de {mm 15 par mètre de hauteur. Mais les choses ne se passent point ainsi : car, indé- pendamment de l'influence générale qu’exerce l'altitude relative des lieux sur les quantités annuelles de pluie et sur leur inégale répartition, certaines circonstances locales, dont l’action n’est pas moins difficile à évaluer, contribuent encore à compliquer cette répartition. C'est entre autres l’action bien connue des chaînes de montagnes sur les nuées pluvieuses. Souvent il arrive, en effet, que ces nuées ne parviennent à fran- chir les lignes de sommités qui forment l'enceinte du bassin du Puy et qu'elles ne continuent leur trajet au- dessus de cette vaste dépression qu'après s'être dé- pouillées, en les traversant, d'une portion plus ou moins considérable des vapeurs dont elles étaient chargées. Ainsi, s’il pleut par l’ouest ou le nord-ouest on verra les eaux de la Borne, dont la source et les principaux affluents se trouvent de ce côté, grossir et même sortir de leur lit, tandis que la Loire, qui prend sa source de l’autre côté du bassin, sera à peine troublée. Lorsque, au contraire, il pleut par les vents de sud ci FRÉQUENCE ET CAPACITÉ PLUVIEUSE DES VENTS ou de sud-est, c’est la Loire qui croîtra tandis que la Borne restera presque stationnaire. L'action condensatrice des chaînes de montagnes vient encore s'ajouter à celle qu’elles exercent par l’in- terposition de leurs masses et se manifeste avec un nouveau degré d'évidence lorsqu'elles atteignent une altitude de 1,000 à 1,100 mètres. Souvent, tandis que les vents de sud et de sud-est soufflent avec violence à la surface du sol ét que, par un remarquable contraste, ceux de l’Atlantique par- courent avec une lenteur majestueuse les régions su- périeures de l'air; souvent, dis-je, on aperçoit des hauteurs voisines du Puy un bourrelet de sombres nuées envelopper dans un état d'apparente immobilité toutes les sommités de la chaîne centrale, depuis le groupe du Mezenc jusqu'au-delà des montagnes qui environnent les sources de la Loire. Vu de plus près, cet amas de vapeurs revêt un autre aspect. Ce n'est plus une masse continue, immobile, telle qu'elle apparaissait à une plus grande distance. Elle se transforme, à mesure qu’on s’en rapproche, en une longue trainée de nuées aux contours distincts et mobiles que les vents de sud et de sud-est entraînent avec leur violence accoutumée dans la direction de cette partie de la chaîne. On les voit (et ce spectacle n'est pas sans intérêt) naître spontanément, se déve- lopper avec une surprenante rapidité, jouer en quelque sorte autour de ces pics isolés qui hérissent le dos de cette chaîne, simuler d’ardentes poursuites, puis s’éva- nouir avec une égale promptitude ou se résoudre en soudaines averses, suite nécessaire du contact des SUP. ET INF. SUR LA STATION DU PUY. ciij tièdes vapeurs de la Méditerranée avec l'air froid de nos hautes montagnes. Ces tristes régions restent ainsi ensevelies pendant deux ou trois jours sous un voile d’épaisses nuées dont la fureur des vents ne déchire d’abord que de faibles lambeaux aussitôt emportés à l’autre bout de l'horizon. Peu à peu ces nuages déta- chés croissent en nombre et en volume, leur couleur s’assombrit ; bientôt ils couvrent toute l'étendue des cieux et se résolvent en pluies plus ou moins abon- dantes. Souvent aussi ces nuées ne versent dans l’intérieur de notre bassin que quelques gouttes d’eau. On hési- terait à attribuer à une cause aussi insignifiante le changement qui s'opère presque aussitôt après dans la température, dans l’état du baromètre et la direction des vents, si une crûe de la Loire ne venait nous apprendre que cette précipitation n’était que le der- nier résidu des pluies abondantes tombées autour des sources de ce fleuve, c’est-à-dire sur les points mêmes où le bourrelet de vapeurs dont elles étaient émanées avait été observé. J'en ai dit assez pour constater la double influence que l'altitude des lieux et l'interposition des chaînes de montagnes exercent dans nos environs sur la dis- tribution des pluies. De nouvelles séries d'observations faites simultanément sur des points différents per- mettront peut-être de démêler un jour la part affé- rente à chacune de ces deux influences. En attendant, il est permis d’augurer que les rapports de fréquence et d'intensité saisonnière des pluies qui viennent d'être reconnus, se reproduiront comme autant de lois clima- civ FRÉQUENCE ET CAPACITÉ PLUVIEUSE DES VENTS toriales constantes sinon sur tout l'ensemble, du moins sur la plus grande partie du groupe montagneux de l'intérieur de la France, DEUXIÈME PARTIE. Nous venons d'indiquer quelques-unes des influences que le sol, ou plutôt que le globe lui-même exerce par les inégalités de sa surface, sur le nombre de jours de pluie et sur l'épaisseur essentiellement variable de la couche d’eau qui la recouvre annuellement. Il nous reste à étudier, dans cette seconde partie, les relations qui existent entre les fréquences générales des vents supérieurs et inférieurs et les manifestations des phé- nomènes pluvieux. Les nombreux tableaux dans lesquels ont été classées les observations pluviométriques et anémométriques qui servent de base à nos recherches ne pouvaient trouver place dans cet extrait. Il en est de même de tous les détails relatifs aux transformations qu’elles ont dû subir pour devenir exactement comparables. Mais il est nécessaire, pour l'intelligence de cette se- conde partie, de donner quelques explications sur les deux modes de distribution que nous avons adoptés pour le classement des faits dans ces divers tableaux. Déjà, dans de précédentes recherches, j'en avais ob- tenu des résultats assez satisfaisants pour m’engager à suivre la même voie. La première de ces distributions est fondée sur les propriétés physiques des vents. Ils s’y trouvent partagés SUP. ET INF. SUR LA STATION DU PUY. Cv en deux groupes, dont le septentrional embrasse les directions No, N, NE, E, par lesquelles le baromètre se maintient plus haut, le thermomètre plus bas et la tension de la vapeur moindre que par les autres vents. Le groupe méridional comprend les directions se, s, so, 0, dont les influences agissent en sens contraire, L'axe commun de ces deux groupes correspond à la direction NNE-sso, par laquelle les propriétés des vents sont à leur maximum ou à leur minimum. C'est aussi celle qu'affecteraient les vents alisés sous nos moyennes latitudes, si par suite de l’abaissement du courant supérieur celui-ci ne se rencontrait avec le courant inférieur et ne donnait lieu à des pénétrations réciproques et à la formation de courants partiels plus ou moins compliqués qui caractérisent le régime des vents sous nos climats tempérés. De la comparaison de ces deux groupes il était ressorti une loi remarquable à laquelle j'ai donné le nom de loi d'égalité de fréquence et qui est ainsi for- mulée : La sonvme des fréquences annuelles des vents supé- rieurs et inférieurs dans chacun de ces groupes est égale à celle des vents inférieurs, quelles que soient d'ailleurs les différences entre les fréquences totales de ces mêmes groupes. Cettedoi, observée au Puy, à Bruxelles et à Goersdorff, se montre complètement indépendante des influences locales et revêt le caractère d’une loi générale de l'at- mosphère. Elle serait une conséquence du principe d'équilibre en vertu duquel les deux courants généraux CY] FRÉQUENCE ET CAPACITÉ PLUVIEUSE DES VENTS de l’alisé, quoique morcelés sous les moyennes lati- tudes, continuent à se diriger de l’'Equateur au Pôle et réciproquement. Le second mode de distribution part d’un autre point de vue. Au lieu de correspondre aux conditions de température, de densité et des grandes masses d'air que les vents transportent incessamment au-dessus d’un point déterminé, il n’y est tenu compte que des conditions géographiques propres à cette station. Ainsi, un groupe oriental a été formé des quatre directions NE, E, SE, s, c’est-à-dire des vents qui souf- flent de l’intérieur de notre continent et de la Médi- terranée. Le groupe occidental comprend les directions 0, 0, NO, N, qui se rapportent aux vents de l’Atlantique et des mers du Nord. Or, il résulte de cette distribution appliquée aux ob- servations du Puy, de Bruxelles et de Goersdorff une seconde loi non moins remarquable que la précédente, quoique revêtue d’un moindre degré de généralité. Elle consiste dans la prédominance des vents inférieurs de l'hémisphère oriental pris dans leur ensemble, sur les vents supérieurs de ce groupe, tandis que par une interversion à laquelle la loi a emprunté son nom, les vents supérieurs de l'hémisphère opposé l'emportent en fréquence sur les vents inférieurs du méme groupe. Toutefois cette loi, constante dans son principe d’in- terversion, varie quant aux nombres qui servent à l'exprimer sur les trois points où elle a été reconnue. Ces nombres représentent, ainsi que je l'ai démontré, l'effet maximum des influences géographiques et lo- cales. La loi devient sous ce point de vue purement SUP, ET INF. SUR LA STATION DU PUY. cvi clinatoriale et se trouve exprimée au Puy par le rapport 1 : 2 pour le groupe oriental et par celui 4:3 pour le groupe opposé. Telles sont les deux lois qui, dans nos deux systèmes de groupes, résument : l’une les influences du ciel, l’autre celles du sol sur la fréquence comparée des vents supérieurs et inférieurs et que nous allons voir, non sans quelque surprise, s'imposer aux rapports de fréquence entre les vents pluvieux. C'est donc selon ces deux modes de distribution ou systèmes de groupes qu'ont été disposés, dans nos di- vers tableaux, les nombres qui représentent d’une part les fréquences générales des vents supérieurs et inférieurs, de l’autre les nombres de jours de pluie ob- servés et les quantités d’eau tombées par les vents plu- vieux de chacun de ces groupes. Nous avons dû nous borner dans cet extrait à résumer dans le tableau sui- vant, sous leur expression la plus générale et seule- ment par groupes, les rapports que nous avons obtenus de ces comparaisons. SE DES VENTS VIEU FRÉQUENCE ET CAPACITÉ PL .— ei S9AJQTUI II “sHoddex W Old *SIMONQJUE 19 SANTIANS XN9IANÉ SJU9A sa[ 44 S99qu07 ne9,p | S4LILNVAÙ sauashs anop s07 uojos ‘sadnoub 404 2S0@S1p 100} 2T *2pOL9E 97199 juvpuad vnoramqd sjuan Sp SUOSWUIQUOI S sauponoau ‘oo ‘ojoul ‘obiau ‘and 2p sopuuvnb son © *UOWDIS 27109 ANS S9019540 amd ap sunol 2p a4quoû a) ad 2gquas24d2t “Ye LES sit r o" + : G o APE sis * "Ar. d'u —: dl : A | x re * A te pr tri Fr A re ; 1 RS : 500 dass 0 ! fi } + d 2e F Ai ES a ‘ F4 * tete 20451 nes ati. bips dicsff À la RUE IE î : CUIR LUN HE ET ELU * 4 { POÉSIES # Par M. François BERNARD Membre résidant SOUVENIR DÉDIÉ A MON CONFRÈRE ET AMI M. VIBERT Pour le remercier de sa jolie Vue du Puy et de Pépitre gracieuse qui cn accompaguait l'envoi, en janvier 4855 Üergiss mein nicht. Comme la corolle modeste Qui reflète l’azur céleste Et que l'âme nomme Aimez-moi, Parmi les fleurs de poésie Qui me parfument d'ambroisie, L'une murmure : « Souviens-toi ! » exli] POÉSIES. Salut à cette fleur sans tache ! Le doux sentiment qui l’attache, Comme un fil de Vierge, à mon cœur, D'un charme si pur l’environne Qu'en la trouvant dans ma couronne, Je me dis : N'est-ce pas ma sœur ? « Souviens-toi! » Telle est la pensée Qui de mon front s’est élancée En relisant tes vers chéris, Au verso d'une blanche page Où tu fis revivre l’image Du site gracieux d’Anis. Peintre charmant ! heureux poète ! L'art, qui choisit son interprète, Mit sur ta tête deux rayons. — Moins prodigue envers moi, la Muse M'abandonna la cornemuse, Qui jette au vent d’agrestes sons. RÉPONSE DE M. VIBERT MEMBRE RÉSIDANT, DIRECTEUR DU MUSÉE A MON AMI ET CONFRÈRE M. F. BERNARD PSALMODIE Ami, tu prétends que la Muse Ne te donna, pour instrument, Qu'une champêtre cornemuse, Dont l'écho gémit tristement. POÉSIEË. exliij Pourquoi médire de la Muse, Ingrat? Quand ton doigté charmant Fait résonner la cornemuse, On adore cet instrument. Lyre, théorbe et cornemuse Obéissent également Au diapason d'une Muse Qui divinise l'instrument. Tes chants attestent que la Muse Fe servit amoureusement ; Et qu'en Coffrant la cornemuse, Son âme était dans l'instrument. Il À M. Louis pe VINOLS Membre de la Société académique du Puy MA SOUVERAINE Siriente de Pons de Chapteuil en l'honneur de Fouvergine de Recheharon (1) Mon Dieu, mon Roi, ma Dame. Forèts, grands monts, torrents que l’on entend mugir, Vallons délicieux où l'amour me ramène, (A) L'auteur de ces strophes cn a empruité le sujet et Pinspiration au beau roman historique de M. L. de Vinols, Le Velay au moyen-uge. exHiv POÉSIES. Berceau de mon enfance où je reviens mourir, Parmi tous les trésors chers à mon souvenir, Vous me gardiez ma Souveraine ! J'ai vu la mer d'azur aux flots harmonieux Des Césars d'Orient baigner la cité reine; Mais l’onde qu'illumine un soleil radieux, Les vastes horizons, rien ne vaut à nes yeux Un regard de ma Souveraine ! J'ai combattu cent fois l’Infidèle maudit : Sous les coups de la mort mon âme était sereine ; Le cliquetis du fer, le coursier qui bondit Etaient mes seuls amours.—En ce temps, qui m’eût dit Quelle serait ma Souveraine ! Sur mon front a passé le simoun dévorant, Qui roule en tourbillons les débris qu'il entraine. Aux épreuves du sort mon cœur indifférent Battait pour les Saints-Lieux. — Il tressaille à présent À la voix de ma Souveraine ! Quand la lance et l'épée ont rempli leur devoir, Que le sang ennemi coule à flots dans l'arène, Blessés ! de tendres soins raniment votre espoir. — Moi, contre tous les maux je ne voudrais avoir Qu'un souris de ma Souveraine ! La dame du vainqueur couronne son retour, La dame du vaincu sait adoucir sa peine. Si l’aveugle destin doit me trahir un jour, J'irai le défier dans le riant séjour Où n'apparut ma Souveraine | POÉSIES. exlr Yaleureux chevaliers, dont le cœur noble et fort Invoquait aux combats sa belle suzeraine, Est-il un seul de vous qui n'aime avec transport Dieu, son roi, son pays, et jusques à‘la mort Puisse oublier sa Souveraine ! JIT REMERCIMENT A Mademoiselle Louise C... SONNET. Je garde cette jolie pièce de vers sur un lit de soie el de rose que vient de lui construire ma fille... (Extrait d'une lettre de M. C...) L'un de mes chers oiseaux, échappé de la cage, En poursuivant la gloire égara son chemin. — C'était l'hiver : pour lui, point d'asile au bocage ! — Vous le priîtes dans votre sein. Un nid reçut l'oiseau fatigué du voyage, Nid de soie et de rose ! un véritable écrin !.… Là, sous votre regard, mieux que sous le feuillage, Il fredonne son gai refrain. Il chante tout le jour ; votre souris l’effleure. Qu'importe désormais qu'un fantôme le leurre ; Que la gloire tarde à venir : TOME XXI. j exlvi POÉSIES. Ce doux nid qu'ont bercé l'innocence et la grâce, Laissera dans son cœur une riante trace, Où vivra votre souvenir ! IV LA MUSE AU RETOUR DE L'HIVER Lue à la Nocicté académique du Puy, dans sa séance de décembre 1858. Où riaient tant de fleurs, de soleil, de gaîté, Rien, plus rien; tout a fui comme un songe d’éte. H. Moreau. Lorsque s’en vont à tire-d’aile Et les beaux jours et l’hirondelle, Muse, tu chantes sur mon seuil! Je reconnais ta voix charmante Malgré le vent, qui se lamente A travers la campagne en deuil. « Ami, » — dis-tu, frolant ma porte Du bout de ton aile d'argent, — « Ouvre à la Muse, qui t'apporte » La Ivre chère à l'indigent. POÉSIES. exlvi] » II va neiger : d’épaisses nues » Assombrissent l’azur des cieux ; » L'oiseau s'enfuit des branches nues, » Portant ailleurs ses chants joyeux. » Pour les fleurs que ta main arrose, » J'avais imploré le destin : » Vœu superflu! — L'hiver morose » Fauche sans pitié ton jardin. » Ouvre-moi! — La douce espérance » Répand sa lueur dans mes chants ; » Je tends les bras à la souffrance ; » Je ne suis dure qu'aux méchants ; » Pour alléger sa vie amère, » Je souris à l’infortuné ; » Et J'apprends à la jeune mère » L'air qui berce son nouveau-né. » Tu sais de la Vierge divine : Combien le nom a de douceur : » Je le murmure à l'orpheline, » Qui la prend pour mère et pour sœur. » Ouvre-moi!— Partageant tes veilles » Solitaires, au coin du feu, » Je te peindrai, dans leurs merveilles, » L'amour pur, la nature et Dieu! » — Viens donc, messagère céleste ! Que n’ai-je, sous mon toit modeste, Un trône pour te recevoir ! exlvii] POÉSIES. Mais tu souris, car tu préfères Aux vaines grandeurs les misères, La chaumière au noble manoir. 0 Muse gracieuse et bonne, Laisse tomber de ta couronne Sur mon front pâle quelques fleurs, Corolles de la poésie, Où l’âme puise l’ambroisie Dont elle charme ses douleurs. MERCURIALES DE LA HAUTE-LOIRE Par M. CH. PELLISSIER DE LOM Employé à la Préfecture, el MERCURIALES. JANVIER ET FÉVRIER. MARCHÉS PRIX MOYEN | pour Le mois de JANVIER. FÉVRIER PRODUITS. céréales [lhect.] légumes [lhect.] pommes de terre [l'hect.] viandes [le kil.] porc, céréales [l'hect.] légumes, PR pommes de terre [l'hect.] viandes [le kil.] froment , méteil , seigle, orge, avoine , pois, lentilles, baricots, bœuf, vache, veau , mouton , froment , méteil, seigle, orge , ayoine , pois, lentilles , haricots, bœuf, vache, veau , mouton, pore, DE BRIOUDE fre 55 50 » 24 50 19 T5 41 25 D'YS5IN- GEAUX MERCURIALES. MARS ET AVRIL. PRODUITS. DE fee: BRIOUDE | D'YSSIN-| GEAUX fr. el porc, froment , D| 31 » | 50 50 cercales méteil , 27 68! » » | suigle 25 42| 23 12| 25 20 [lhect.]} 20 75| 20 06| 20 92 avoine , 41 42! 41 » | 141 99 PRIX MOYEN À, : 2 5 1] … légumes pole Fe 50 L L f pour le mois }[l'hect.] lentilles , ER » » ! d haricots , 59 » » » e MARS. pommes de terre [l’heet.]| 6 62 » » | bœuf, , » 90 » f : vache, 1 40 » 90! » 95 ; viandes } où 1 05] » 90! 4 » [le kil.] ? = | mouton , 1 50! 1» l » porc , 14 75] 41 20 » froment , 535 08| 31 17| 50 56 Pa méteil 29 95 » » CNE ele 24 74| 22 75| 24 07 IRC SI) ns 01 81| 19 50| 92 78 SL à : avoine, 114 99] 40 75] 12 25 légumes) Pi ; 25 T5 É : [lhect.] lentilles, {7 50] » ; AVRIL. 7 haricots, 35 » » » pommes de terre [Phect.]| 7 47 » » ba uf, » 1 10 » nt vache, 4 40, 4 05! 1» | 1 L L veau, 1 40| 4 10! 1» [te Kil:]} nonton x 1 50] 1 22] ln 1 46 » elij MERCURIALES. MAI ET JUIN. ” MARCHES PRODUITS. S | bdd DE |D'YssiN- ; | SRIOUDE GEAUX . | | RE EP 2 PE LL fonce Nc PAT al froment, 55 05! 31 37) 52 25} céréales | Méteil , 29 63 » » | [Phect seigle, 24.76| 22 54| 24 91! ‘1 | orge, 22 10] 49 » | 25 75 avoine , A1 91| 11 12] 142 62 PRIX MOYEN j : 25 93 : | il légumes{ POS; 4 (à | pour le mois [het] lentilles , 47 50 » » | | d haricots, 55 41 » » | È | MAI. pommes de terre [Phect.]| 7 25 » » 1 bœuf, » 4 40|: » (À viandes vache, 1 1 10 » 90 [le kil veau, 1 145] 1 140! » 904 nl mouton, 14 45| 4 52] 14 » À porc , 4 90| 1 45 » froment , 31 46| 29 62] 29 30 nu méteil 27 59 » » re scigle , 95 54| 22 50| 25 58 "Jorge, 22 » | 20 50! 21 40} avoine , 44 95| 11 87| 12 85 lé y pois, 925 95 » » feet. 1] lentilles, 50 62 » | JUIN. | haricots, 36 419] » » | pommes de terre [Phect.]| ‘7 62 » » | bœuf, » LL» » | HNCR vache, 1 40! 1» 4» | La Lil veau, 120) 41» | 1». [le kil] mouton 4 50] 4 20| 1» | porc, 1 90! 4 40] » | MERCURIALES, JUILLET ET AOÛT. PRODUITS. céréales [lhect.] PRIX MOYEN pour le mois de [lheet.] JUILLET. viandes [le kil.] légumes P nn froment , méteil , seigle , orge, avoine , os , lentilles, haricots, pommes de terre[l’'hect.] bœuf, vache, veau, mouton , porc, BRIOUDE IC: 25 93 1] 20 y» 48 50 11 7 D’YSSIN\- GEAUX. | » | 21 85 22 42 14 29 céréales [l’hect.] légumes [l'hect.] pommesde terre[l’hect.] viandes [le kil.] froment , méteil , seigle, orge , avoine , pois, lentilles, haricots, bœuf, vache, veau, mouton, porc, EMA CE PE A mme | cliv MERCURIALES, SEPTEMBRE ET OCTOBRE. MARCHÉS | | | | PRODUITS. PART DE |D’yssIN-| | DU PUY. de | | BRIOUDE | GEAUX. | me froment, céréales méleil [(l'hect.] seigle, orge, avoine PRIX MOYEN ; | pour le mois léeûtire pois, | [l'hect ] lentilles , | de ‘7 | haricots, | SEPTEMBRE, pommes de terre [lhect.] bœuf, viandes | vache, [le kil ] { veau, moulon, | porc, froment , | céréales méteil l [lhect.] EE orge, avoine, légumes pois, OCTOBRE. [Phect 14 lentilles, | haricots, pommesde terre [lheet.] bœuf , viandes | vache, [Phect.] veau, mouton, pore, MERCURIALES. NOVEMBRE ET DÉCEMBRE. clv PRODUITS. froment, AE méteil, céréales ED [l'hect.] es à orge, avoine , PRIX MOYEN |. fs légumes( POS; © mm | :| GEAUX. À D'YSSIN- | our le mois lhect.]{ lentilles, | i d [ ] haricots, | e | NOVEMBRE. [pommes de terre [lheet.] | bœuf, viandes pu ) . le Ki] mouton, porc, froment , AA méteil , RE seigle, [(Phect ] j 1 l'orge, avoine , lé & pois , [Phect ] lentilles , | DÉCEMBRE. haricots , pommes de terre [lhect ] bœuf, : vache , viandes ss [le kil.] 4 mouton, porc, IALES. L UI MER — Z - GYy 17 *S0IIX G FYC ‘s23l1] I 6/F |070 29 ‘sean Ut “HIT2p 12 21101204 Say 02 { ap qeumb np ouuafoiu uafou 22UPU2JUO9 d —" “oypenb 40 796 67 "Soyr 6 &0c “sai L £CG |00Z F7 ‘Son “#o1t4 *ANIOAV 0S£ &2 “Soyt1 L Sr |S89 "69 ‘saJqu] ‘Son G 8CF DEP RUNTIAR RMS sai ua qeuuob np ouuofour aouEu9juo sai ua qeuimb np auuaowu 22UEU9)002 2p uofour spiod 3p ua{ont sptoq TT, — aenb 3x “apenb o1} mm — SOGSF 24qW999p Ua S9710/ *A'TDIAS 20244) eaupoap 30 |22M10Pe47) L &81 “82111 Z09SH "saut a ee L'O RE CERETTRNE) jemuinb np | ouuo fou 92UEU)}U02 a — < PAIE F 99F |0ZYF 09 “sain “Son G SZ} "Sa Y70 ZG “son YIL 7% “Sort ‘4940 YL6 SL "8011 9 91 “san 661 SZ | & GS *saali] ££9, SZ EUR "#onx mers | ccmeomnmenson mm 0111032944 |'111tw02p 12|21110122q44 |°1109p 19 2111020] ap Soi] LE] $aiji[ ua ep perumb up qeumb np uafour auuañouwu euuafoui uoiowu | £pioqg spl 2p uafou sptq ao)urua)u02 OJuEu9}Uu0) EE É ÉHUUEN TT *LNINOUWA nb € “aprçenb 0 : survab sa9 op ombruowu pquinb np $24117199p 19 So4ju} U9 a9uDu -21U09 D) 06 “PUUD augw D) op survab sap 10h92) sprod 9j 4270su09 anod ‘quowat0dap 2] SUP Soou91494%9 $9p) 1DI]NSI4 91 04 : qupquasaud 39 ‘ou 0) 404 S28S94p SIDIH ‘ MERCURIALES, clvi] JANVIER ET FÉVRIER. MARCHÉS | PRODUITS. de DE | D’YssiN- fl © BRIOUDE | GEAUX. il fr. | fe c| f. cl froment , 22 04| 20 12] 20 26 sure limetile 19 » » N heat seigle, 415 91| 16 43| 47 98 Î "l'orge, 13 55| 142 57| 15 56 | avoine , 8 87| 8 T5 10 54 | PRIX MOYEN légumes js . n » » 2 pour le mois |[l’hec SONG ? = 3 | 4 a np = baricots, 55 » » » e JANVIER. pommes de terre [lhect.]| 4 46 » » bœuf, » » 90 » de vache, 1» | » 90| » 90 [le kil veau , 4 » » 90 » 95 $ J mouton , 4 4 05] » 95 pore, 1 70| 110 » froment , 20 68| 20 56| 19 95 “Aréalee méteil , 18 19 » » | hant 11 seigle, 14 98! 16 18| 47 15 ER 15 75| 11 87| 15 66 avoine , 9 06] 951! 10 20 : | ! pois, 25 » » » | Fr lentilles, 47 50| » 1 | FÉVRIER. | haricots, 55 » » » pommes de terre [l’hect.] bœuf, | k d vache, 4 05 » 90 » 90 TE veau , 4 42] » 90! » 90 Der] mouton, 125] 440] 1» 4 T0| : clvii] MERCURIALES. MARS ET AVRIL. a MARCHÉS PRODUITS. FPMONT 7 4 à DE | D'YSsIN- DU PUY BRIOUDE| GEAUX fc fre cf" froment , 20 22| 19 56| 19 15 céréales méteil , 18 58 » » [l'hect.] scigle, 414 56! 14 81! 16 56 4 | orge, 15 48| 11 95| 15 37 avoine , 9 1211 9 12] 140 69 PRIX MOYEN légumes pois, 25: » » » | | pour le mois [l'hect.] lentilles , 47 81 » » | haricots , 39 » » » de MARS. pommes de terre [Phec.] 5 25 » » bœuf, , » 90 » te vache, 1 40! » 90! » 90 PER veau, ls » 90! 1» DER mouton , 4252} 4°07| 1» | porc, 1 T0] 41 25 » froment , 19 55] 18 56| 18 95 AA A méteil , 17 98 » » rt oh seigle, 15 74| 14 18| 15 46 CI | orge, 12 74] 11 06! 15 58 avoine, 8 81| 9» 9 54 légumes pois , 25 15 : : | [l'hect.] lentilles, 44 57 » ; OUAVRILE ‘1( haricots, 54 T5 » » pommes de terre [Phect ]l #4 50 » » bauf, » » 90! 41 10 A vache, 1 05! » 90! » 80 ER # veau , » 95| » 80] » 90 pe] mouton , 1834104 45) n90 | porc, 4 67| 4 10 » | MERCURIALES. clix MAI ET JUIN. MARCHÉS PRODUITS. rot 7 DE |D'YSsIN- BRIOUDE | GEAUX. froment, 19 56, 18 55] 17 42} méteil , 17 65 n » céréales seigle, 44 » | 44 04| 14 gt Dee 12 72] 10 7a| 12 13 avoine , 8 85| 9 81| 7 661 l PRIX MOYEN me pois , 21 04 » » ! pour le mois (l'hect.] lentilles , 41 25 » » ‘| haricots, 29 58 » » | de à | MAI. pommes de terre [Phect.]! # 25 » » | bœuf, » » 90 » 5. vache, À » » 90 » 90 Fr ; veau, Î » » 90! 4» 4] mouton, 1 50| 4 20| 1 » 1 60) 4 20 » porc , froment , 21 05| 19 87| 17 60} ARTE ES méteil, 18 92 » » [l'hect.] sigle , orge ‘ ayoine , 9 95! 10 68! 10 Gt ) légumes) pois: 22 » à (L'hect 1\ lentilles, 45 » » » JUIN. haricots, 54 37 » » pommes de terre [lhect.]| #4 87 » » bœuf, » » 90 » à] viandes vache; ue 0) » 2 [le kil.] veau, » 92] » 85] .» 95 1} mouton 4 30| 4 10] 1» 1 6 porc, MERCURIALES., JUILLET ET AOÛT. PRODUITS. DU PUY. MARCHÉS DE D’'YSSIN- BRIQUDE | GEAUX. | | froment , 21 69| 19 56| 18 37 coealle méteil , 49 64 » » À [l'hect.] seigle , 15 80, 15 75) 15 15 ‘2 l'orge, 14 62! 44 95| 15 ».| 5 ele. avoine , 11 49! 42 18] 11 49 pour le mois },, pois 24 79 » s !| gumes | lentilles, | 47 53) » » CE Cle 1) haricots, 55 94 » » JUILLET. pommes de terre[l'hect.]| : T 62 » » > bœuf, » » 80 » viandes | vache, dun » 80! » 90 [le kil.] | veau, » 90! » 80! 1» mouton , 4 16] 1 LE porc, 1 60] 1 10 » | froment, 19 60! 18 51| 17 25 cééales méteil , 17 90 » » Ph 1] seigle, 14 24| 43 51| 14 26 [hect.] } Grgo, 15 51| 42 37| 12 18 | avoine, 9 93| 10 06| 9 94 | | | AOÛT. (légumes nl 4h ; | l'hect.] CRAN 3 91 F £ [ haricots, 35 » » » pommesdeterre[Phect.]| 5 06 » » bœuf, » » 80 » viandes | vache, 1 » 80! » 90 [le kil.] ! veau, » 92| » 85] » 95 mouton, 1"07| ‘ » 90/42 60! 1 10 » pore, MERCURIALES. SEPTEMBRE ET OCTOBRE. DIET TPE EN ET SES PRODUITS. porc, ou puy. | PE BRIOUDE Irc RU eRce froment, 17 98! 16 87 “les méteil , 16 95 » | [Phect.] seigle, 45 40] 15 » orge, 12 46| 10 75 avoine, 9 48| 9 62 PRIX MOYEN pour le mois lé pois, 25 33) » égumes) nulle A (l'hect.] ent es, 43 » » de haricots, 33 » » | SEPTEMBRE. Jpommesdeterre [lhect.]| 5 70 » ; bœuf, | 0] » 80 viandes | vache, » 90! » 80 [le kil]: veau, : M) » 90 | mouton , » 90! » 90 | pore, 4 60/ 4» froment , 17 82| 17 6: Mer bles méteil , 16 T5 » (l'hect.] seigle, 12 99) 12 85 DA | orge, 11 91! 40 82 ayeine, 8 75| 8 64 24 5 » 1m : légumes pois, 24120 OCTOBRE, Ch eL.] fentiilés 43 n » (EE haricots, 53 » » pommesde terre [l'heet.]| 2 62 » | bœuf, » » 80 » Au viandes | vache, » 90] » 80] » 90 Chect.] | veau, 1 » » 80! » 90 mouton, » 90! » 85 » 90 4 60) À » » MERCURIALES. NOVEMBRE ET DÉCEMBRE. 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Annales de la Société d’émulation du département des Vosges, tom. 1x, 1855. : Académie des sciences et arts de Lyon. Annuaire de la Société météorologique de France, 1856. Annales de l’académie d'archéologie de Belgique, 1856- D7. Annales archéologiques de Didron , 1856. Annales de la Société d'agriculture de la Gironde, 1856. Annuaire des cinq départements de l’ancienne Norman- die, publié par l'Association normande. Annales de la Société linnéenne de Maine-et-Loire, 1853. Annuaire de l’Institut des provinces, 41857. Annales de l'académie de la Rochelle, 1853, cIxy] OUVRAGES REÇUS Annales de la Société d'agriculture , sciences, arts et belles-lettres du département d’Indre-et-Loire , 1856. Annales de la Société académique de Mantes, 1856. Annales de la Société impériale d’agriculture du dépar- tement de la Loire, 4857. : Analyse des procès-verbaux du Conseil général de la Haute-Loire, de lan vi à l'année 4841, publiée par Adal- bert Frout de Fontpertuis , chef de cabinet de M. le Préfet, | vol. in-8o. Annales de la Société d’émulation des Vosges, tom. 1x, 1856. Almanach du Sud-Est, journal agricole et horticole pour l’année 1858. Bon Cullivateur (le), publié par la Société centrale d’a- griculture de Nancy, 1856-57. Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimata- tion, 4856-57. Bulletin de la Société d'agriculture du Cher, 1856. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse. Bulletin de la Société de l’histoire de France , 1856-57. Bulletin des séances de la Société impériale et centrale d'agriculture. Bulletin de la Société archéologique, historique et scien- tifique de Soissons. Bulletin de la Société impériale et centrale d'agriculture de la Seine -Inférieure. PENDANT L'ANNÉE 1857. clxvi) Bulletin de la Société d'agriculture et d’horticulture de Vaucluse, 1856-57. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie , 1856-57. Bulletin du Comice agricole de l'arrondissement de Saint-Quentin, 1856. Bulletin de la Société des sciences natureltes et des arts de Saint-Etienne (Loire), 4856. Bulletin de la Société agricole et industrielle de l’arron- dissement de Saint-Etienne, 1856. Bulletin du Comité de la langue , de l’histoire et des arts de la France, 4855-56. Bulletin du Comice agricole de l'arrondissement d’Alais (Gard), 1856. Bulletin des travaux de la Société d'agriculture de Saint- Germain-en-Laye. Bulletin de la Société centrale d'agriculture et des Comi- ces agricoles de l'Hérault, 1856. | Bulletin de la Sociét£ d'agriculture de la Sarthe. Bulletin de la Société d'agriculture, industrie, sciences et arts de la Lozère, 1856. Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, 1856-57, Bulletin de la Société d'agriculture et d’horticulture du Gers, 1857. Bulletin de la Société académique d'agriculture, belles- lettres, sciences et arts de Poitiers, 4856. Bulletin de la Société d'agriculture, des sciences et des arts de la Haute-Vienne. Bulletin de la Société linnéenne de Normandie, 1855-56. Bulletin de la Société d'agriculture de la Lozère, 485 Ï Bulletin de la Société de médecine de Besancon, clxviij OUVRAGES REÇUS Bulletin de la Société des antiquaires de France, 1857. Bulletin de la Société industrielle d'Angers, 4836. Bulletin de la Société libre de la Seine-Inférieure, 1856. Exposition universelle de 1855. Bulletin de la Société protectrice des animaux , 4857. Bulletin de la Société centrale d'agriculture de l'Hérault, 1857. Bulletin de la Société d’horticulture de l’Aube 1857. Bulletin de la Société académique de Laon. Bulletin de la Société impériale des antiquaires 1857. Bulletin agricole du Pas-de-Calais, 1857. Bulletin de la Société archéologique de Béziers. Bulletin de la Société impériale et centrale d’horticul- ture de la Loire-Inférieure, 1857. Bulletin des séances de la Société météorologique de France, 1857. ( Culture (de la) de la betterave, considérée au point de vue de son influence sur la production du blé, par le docteur Jusseraud. Cabinet (le) historique 4856-57. Communication sur la pomme de terre Chardon , adressée à la Société impériale et centrale d'agriculture à Paris. Catalogue de la bibliotheque et de l’herbier, riche de 4,000 plantes, de M. Desvaux. Considérations sur la situation morale de la France, d’après les statistiques criminelles, par M. Enjubault. PENDANT L'ANNÉE 1857. clxix Communication adressée à la Société d'agriculture im- périale et centrale de Paris, par M. Dugrip. Cours familier de littérature, un entretien par mois, par M. de Lamartine. Donné par le Gouvernement. Compte-rendu des travaux de la Société de médecine de Nancy, année 4855-56, lu dans la séance du 19 octobre 1856. Considérations générales appliquées à l'hygiène publi- que et privée pendant le cours d’une épidémie de choléra asiatique, par le docteur Bourgogne. Célébrités contemporaines en France , par Gavarni. Donné par le Gouvernement. Catacombes de Rome. Donné par le Gouvernement. Congrès archéologique de France, séances générales te- nues à Nantes, 1856. Crédit (du) européen , par M. Manuel de Valdouer. Bro- chure in-8°. Compte-rendu de l’Académie du Gard. Conseil général du département de la Haute-Loire, ses- sion de 1857. Compte, au premier juillet 4856, des recettes et des dé- penses du département de la Haute-Loire , ordinaires, fa- cultatives, extraordinaires et spéciales de l'exercice 1855. E Exposé des travaux de la Société des sciences médicales de la Moselle, 1855. Etudes sur les beaux-arts , depuis leur origine jusqu’à nos jours, par E. de Mercey. Donné par le Gouvernement. CIxX OUVRAGES RECUS Etude médico-philosophique sur la coutume de coucher deux, par le docteur Fulgence Fiévée de Jeumont. Essai sur les monnaies des Arverni, par M. Peghoux. Broch. in-80. F Fabrique de machines à battre les grains, à battage tangent. Feuille du cultivateur forézien, publié par la Société d'agriculture de Montbrison (Loire), 1856. Guide pour la préservation des vignes , par la méthode préventive, par M. A. Vialles. H Histoire de la ville de Vie-Fezensac. Broch. in-8°, cahier. Histoire numismatique de la révolution Française , avec planches. Donné par le Gouvernement. Histoire instructive et religieuse du Puy, capitale du Velay, par Mazoyer. Broch. in-12. Instruction populaire sur le soufrage des vignes, par le docteur Frédéric Cazalis, broch. in-8®. FENDANT L'ANNÉE 1857. CIxx) Institution des sourds-muets , des sourds-parlants , des entendants-muets et des enfants arriérés des deux sexes. fondée à Naney et dirigée par M. Piroux. Journal de la Société impériale et centrale d’horticul- ture, 1856-57. Journal de la morale chrétienne. Journal d'agriculture pratique, 1856, Journal d'agriculture pratique et d'économie rurale pour le midi de la France, publié par les Sociétés d'agriculture de la Haute-Garonne et de l'Ariège. M Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest, 1855. Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1856. Mémoires de la Société impériale des sciences, de l'agri- culture et des arts de Lille. Supplément à l'année 4855. Moniteur (le) des Comices et des cultivateurs 1856-57 Mémoires de l’académie impériale de Metz, 1853-56. Mémoires de la Société d'agriculture et de commerce de Caen. Mémoires de la Société impériale académique de Cher- bourg, 1856. Mémoires de la Société archéologique de l'Orléanais, 1855-55. clxxi} OUVRAGES REÇUS Mémoires de la Société d'agriculture, des sciences, arts et belles-lettres de l'Aube. Mandement de Mgr de Morlhon, évêque du Puy, pour le carême de 1857. Maladie de la vigne, par le docteur Frédéric Cazalis. Maladie de la vigne, expliquée par la théorie de Rozier et de Bose, sur la taille et l'ébourgeonnement. Maladie du poirier, comparée à celle de la vigne, par Le Roy-Mabile. Manière la plus profitable d’élever les vers à soie, et du meilleur moyen de diminuer les dommages occasionnés par la muscardine, par Auguste Bossi. Mémoires de la Société des sciences morales, des lettres et des arts de Seine-et-Oise. Mémoires de la Société d'agriculture de la Marne 1855-56. Mémoires de l’académie impériale de Toulouse, 1856. Montataire. Saint-Leu d’Esserent. Mémoires de l’Académie d'Arras , 1854-55-57. Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire. Mémoires de l'académie des sciences d'Aix, 1857. N Notes sur l’agriculture des cantons granitiques du dé- partement de la Lozère. Nonnos. Les Dionysiaques ou Bacchus; poème en qua- rante-huit chants, grec et français, rétabli, traduit et commenté par le comte de Marcellus. Donné par le Gou vernement. À K PENDANT L'RANÉE 1857. elxxii} Notice historique de la ville de Mirande. Notice pomologique ; liste synonymique des diverses va- riétés du poirier, anciennes, modernes, nouvelles, par M. de Liron d’Airolles. Notice sur l'établissement hydrothérapique d'Auvergne, suivie d’un résumé des résultats obtenus dans cette maison de santé, fondée à Brioude par M. Andrieux, de Brioude. Notice historique de Notre-Dame de Gaillon, par M, l'abbé de Montlezun, chanoine d’Auch et du Puy. (0) Orient (|), par Eugène Flandin. Donné par le Gouver- nement. P Portraits inédits d'artistes français , texte par P. de Che- nevières, lithographies par Frédéric Legrip. Paléographie des chartes et des manuscrits du XIe au XVIL siècle, par Alphonse Chassant. Publications agricoles et horticoles de la Société impé- riale d'agriculture de Douai, 1856-57. Q Question (la) du pot au feu , par Victor Borie , organisa tion du commerce des viandes. TOME XXI. l clxx1v à OUVRAGES RECUS R Revue des beaux-arts, 1856-57. Recueil des actes administratifs de la Haute-Loire. Recueil des travaux de la Société libre d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de l'Eure, année 1854. Revue agricole industrielle de la Société impériale et littéraire d'agriculture de Valenciennes, 1856-57. Rapport d’une commission de la Société d'agriculture de Vaucluse, sur les opérations hydroscopiques de MM. Martin et Bompuis. Revue générale de l’année, par le docteur Frédéric Cazalis. Revue de l’art chrétien. Rapports du jury mixte international, publiés sous la direction de son Altesse Impériale le prince Napoléon, pré- sident de la Commission impériale. Donné par le Gouver- nement. Recherches historiques, biographiques et littéraires sur le peintre Lantara, avec la liste de ses ouvrages , par Emile de la Chavignerie. Donné par le Gouvernement. Revue universelle des arts, par Paul Lacroix. Donné par le Gouvernement. Réponse au rapport de M. le docteur Debons , sur un mémoire adressé à la Société d'agriculture de Valen- ciennes, 1857. Règlement (du) des gages des domestiques loués à l’année et du livret agricole, par le docteur Frédéric Cazalis. x Recueil de l'académie des Jeux floraux , 1857. PENDANT L'ANNÉE 1857. CIxXxY Recueil agronomique publié par les soins de la Société d'agriculture, sciences de Tarn-et-Garonne. Revue archéologique ou Recueil de documents et de mémoires relatifs à l'étude des monuments, à la numisma- tique et à la philologie de l'antiquité et du moyen-âge. Réfutation de la méthode répressive pour le soufrage des vignes. Rapport de M. Jusseraud, présenté au nom de la Com- mission instituée pour le concours des exploitations rura- les pour la prime d'honneur dans le département de la Lozère, etlu en séance solennelle à Mende, 4 juin 4857. Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille, 1856. Recueil des actes de l’Académie impériale de Bordeaux. Revue des Sociétés savantes, publiée sous les auspices du Ministre de l'instruction publique et des cultes, 1857. Recueil des publications de la Société havraise 1855-56. Recueil de l’Académie impériale de Bordeaux, 1856. Rapport sur l'exposition universelle de 1855, présenté à Sa Majesté l'Empereur par Son Altesse Impériale le prince Napoléon, président de la commission. Donné par le Gou- vernement. S Société des antiquaires de l'Ouest , vingt-deuxième séance publique annuelle. Société des antiquaires de la Morinie, bulletin historique, 1856. Séance publique de l’Académie des sciences d'Aix, 1857 clxxv) OUVRAGES REÇUS Société linnéenne de Bordeaux, séance publique d’hiver, discours d'ouverture par M. Charles des Moulins. Société de Zurich : Mémoires sur les monnaies des rois de la Bourgogne transjurane , 1856. ‘ — Inscriptiones confæderationis Helvetiæ latinæ edidit Theodorus Mommsen. Société d'agriculture d'Alger 4857. '] A] Travail (du) scientifique. Discours prononcé à l’ouver- ture de la séance linnéenne de Bordeaux, 1856, par M. Char- les des Moulins. Travaux (précis analytique des) de l’Académie impériale de Rouen, 1855-1856. U Utilité (de l’) des expériences comparatives sur la valeur productive des diverses variétés de céréales, suivi de quel- ques mots sur l’état de l’agriculture dans la Lozère et sur le Causse-Méjean, par le docteur Frédérie Cazalis. V Vie des saints évêques d’Auch, par M. de Montlezun chanoine d’Auch. M AE OUVRAGES REÇUS PENDANT L'ANNÉE 1858 Annales de l’Académie d'archéologie de Belgique, 1857. Annales archéologiques de Didron, 1857-1858. Académie de la Rochelle. — Compte-rendu des travaux de la Société des sciences naturelles, 1856. Annales de la Société d'agriculture de la Gironde, 1857. Académie des sciences et lettres de Montpellier. Annales de la Société académique de Nantes et de la Loire-Inférieure, 1857. Annales de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire, 1857. Annales scientifiques, littéraires et industrielles de l'Au- vergne, 1857. Annales de la Société impériale d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles-lettres de la Loire, 1857, Annales de la Société d'émulation des Vosges, 1857 clxxvii] OUVRAGES REÇUS Annuaire de l’Athénée des arts, sciences et belles-lettres de Paris, 1858. Annuaire de l’Institut des provinces, 1858. Annuaire de la Société météorologique de France, tom. v, 1857. Art (l’) céramique et Bernard Palissy, par M. Emile En- jubault, conseiller près la Cour impériale de Riom. B Bon cultivateur (le) ou Recueil agronomique, publié par la Société centrale d'agriculture de Nancy, 1857-1858. Bulletin de la Société d’horticulture de l'arrondissement de Beaune, 1857. Bulletin de la Société d’horticulture de la Sarthe, tom. 11, 14858. Bulletin de la Société impériale d'horticulture pratique du Rhône, 1857. Bulletin du comice agricole de l'arrondissement de Saint- Quentin (Aisne), 1857. Bulletin de la Société centrale d'agriculture et des co- mices agricoles de l'Hérault, 1857. Bulletin de la Société de l’histoire de France, 1857. Bulletin de la Société Linnéenne de Normandie, 1856-57. Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, 1857. Bulletin de la Société impériale et centrale d’horticulture . de la Seine-Inférieure, 1857. Bulletin de la Société libre d’émulation, du commerce et de l’industrie de la Seine-Inférieure, 4857. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, 1857, PENDANT L'ANNÉE 14858. clxxix Bulletin de la Société d'agriculture du Cher, 1857. Bulletin historique de la Société des antiquaires de la Morinie, 14855. Bulletin de la Société de médecine de Besançon, 1857. Bulletin des travaux de la Société d'horticulture de Saint- Germain-en-Laye, 1858. Bulletin du Comice agricole de l'arrondissement d’Alais (Gard), 1858. Bulletin de l’Académie delphinale, 4857. Bulletin de la Société académique d'agriculture de Poi- tiers, 1857. Bulletin mensuel de la Société d'agriculture et de com- merce de Caen, 1858. Bulletin de la Société d'histoire naturelle de la Moselle, 8° cahier. Bulletin du Comité de la langue, de l’histoire et des arts de la Fran°e, 1857-1858. Bulletin monumental par M. de Caumont, vol. xx. Bulletin de la Société d'agriculture, industrie, sciences et arts de la Lozère, 1857-1858. Bulletin des séances de la Société impériale et centrale d'agriculture, 1858. — Séance publique du 49 avril 4857. Bulletin de la Société protectrice des animaux, 1858. Bulletin de la Société d'agriculture et d’horticulture du Gers, 1858. Bulletin agricole du Puy-de-Dôme, 1858. Bulletin des travaux de la Société d'agriculture d'Alger, 1857. Bulletin de la Société d'agriculture et d'horticulture de Vaucluse, 1857. clxxx OUVRAGES REÇUS Bulletin de la Société d'agriculture, des sciences et des arts de la Haute-Vienne, 1857. Bulletin de la Société impériale zoologique d’acclimata- tion, 1858. Bulletin de la Société impériale des antiquaires de France, 1857. Bulletin de la Société d'horticulture de l’Aube, 4857. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, 1857. Budget départemental des dépenses et des recettes ordi- naires, facullatives, extraordinaires et spéciales. — Exer- cice 1858. — Supplément au budget départemental de l'exercice 1857. Brin d'amour, par M. Achille Lafont, musique de Louis Heffer, brochure in-12. Bulletin de la Société centrale d'agriculture des Basses- Alpes, 1858. Bulletin de la Société de statistique, des sciences natu- relles et des arts industriels de l'Isère. Bulletin de la Société archéologique de Béziers, 1858. Cabinet historique (le) 1857-1858. Congrès scientifique de France, xxu1° session, tenue à la Rochelle en septembre 1856. Catalogues des coquilles vivantes et fossiles de l'Auvergne, brochure in-8o. Cercle pratique d’horticulture et de botanique de la Seine-Inférieure, 4858. ne nn AT ER” à PENDANT L'ANNÉE 1858, clxxx] Correspondance de Charles IX'et de Catherine de Médicis avec Gaspard de Tavannes, au sujet de M. de Maligny, janvier 1561, par M. Léon de Bastard, brochure in-8o, D Discours prononcé à la distribution des prix du petit sé- minaire de la Chartreuse par M. Urbe, supérieur, chanoine honoraire, membre de la Société académique du Puy. Démolition de l’étage supérieur du eloître de la cathé- drale d’Evreux, par M. Raymond Bordeaux, membre de l'Institut des provinces. E Entrée de Louis XIV dans la ville d'Auxerre par M. Léon de Bastard, brochure in-52. Etudes littéraires, par M. de Fontpertuis. — Scènes de la vie flamande. — Henry Conscience. — Romanciers russes, brochure in -12. Etudes sur les phénomènes, l'aménagement et la légis- lation des eaux, au point de vue des inondations, avec application au bassin de l'Allier, par A. Monestier-Savignat, brochure in-8°0. Etudes numismatiques, par Benjamin Fillon, brochure In-80. Exposé des travaux de la Société des sciences médicales de la Moselle, 18357, clxxxij OUVRAGES REÇUS H Histoire de l'éducation en France, depuis le Ve siècle jusqu'a nos jours, par M. Théry, recteur de l’Académie de Clermont-Ferrand. Donné par le Gouvernement. Instruction pastorale de Mgr Lefranc de Pompignan, évêque du Puy, sur l'hérésie, pour servir de suile à celle du même prélat sur la prétendue philosophie des incrédules modernes. (Bibliothèque historique.) Journal de la Société de la morale chrétienne, tome vire, 1858. Journal d'agriculture pratique, 1858. Journal d’agriculure pratique et d'économie rurale pour le Midi de la France, publié par les Sociétés d'agriculture de la Haute-Garonne et de l'Ariège, 1857-1858. Journal de la Société impériale et centrale d’horticul- ture, 1857-1858. Journal mensuel des travaux de l’Académie nationale de la Société de statistique universelle, 1858. Journal de la Société d’horticulture du Bas-Rhin, 4858. Journal d'agriculture progressive; le Draineur etle Génie rural, 1858, PENDANT L'ANNÉE 1858, clxxxii} L Lettres de l'abbé Lebœuf, par M. Léon de Bastard, bro- chure in 80, (Extrait du bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne.) M Mémoires de l'Académie du Gard, 1856-1857. Mémoires de la Société des sciences naturelles et archéo- logiques de la Creuse? tome ne, 4857. Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire, 1857. Mémoires de la Société impériale des antiquaires de France, 1857. Mémoires de l’Académie impériale de Metz, 1856-1857. Mémoires de la Société d'agriculture, des sciences et belles-lettres de l'Aube, 4837. Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest, 1852- 1556. Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, 1854-1835. Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, scien- ces et arts de la Marne, 1857 Mémoires de l’Académie impériale des sciences, inscrip- tions et belles-lettres de Toulouse, 4857. Mémoires de l’Académie impériale de Caen, 4858. Mémoires de la Société impériale d'agriculture, sciences et arts séant à Douai, 1836-1857, clxxxiv OUVRAGES REÇUS Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, de 1851 à 1858. Mémoires de la Société de l’histoire et des beaux-arts de la Flandre maritime de France, 1857. Monographie de la cathédrale de Chartres. Livre vie. Mandement de Mgr de Morlhon, évêque du Puy, à l’oc- casion du jubilé accordé par notre Saint-Père le Pape, et pour le carême de l’année 1858. Mandement de Mgr de Morlhon, évêque du Puy, pour le mois de Marie et pour l’œuvre de Notre-Dame de France. N Notice sur la très-ancienne noble maison de Kerckhove, dite Van-der-Varent, par M. J. Van-der-Heyden, br. in-8o. Notice biographique sur M. le baron Chaillou des Barres, par M. Challe, broch. in-8o. Notice historique de la ville de Fleurance, par M. de Montlezun , chanoine d’Auch, broch. in-8°. 3 P Pronostic (le) de l'épilepsie et du traitement de cette maladie, par le docteur Michéa, broch. in-8o. Publications de la Société pour la recherche et la con- servalion des monuments historiques dans le grand-duché de Luxembourg, 1852-1854-1856. Promenade (une) au lac du Bouchet (Haute-Loire), par M. Alphonse Fourtier, broch. in-8°, PENDANT L'ANNÉE 483$. CIXxxY Précis analytique des travaux de l'académie impériale des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, 1856-1857. R Revue de l’art chrétien, 1858. Revue des beaux-arts, 1858. Recueil agronomique, publié par les soins de la Société des sciences, etc. du Tarn-et-Garonne, tom. XXXVI, 1857. Revue agricole, industrielle et littéraire de la Société impériale d'agriculture, sciences et arts de Valenciennes, 1857-1858. Recueil des travaux de la Société d'agriculture , sciences el arts d'Agen, 4857. — Fête annuelle de l'arrondissement d'Agen. — Discours et rapports lus à la séance solennelle de distribution des prix et médailles tenue à Laroque- Timbaut, 4857. Recueil des travaux de la Société libre d'agriculture de l'Eure, 1855-1856. Recueil des actes de l’Académie impériale des sciences de Bordeaux, 4857. Résumé des travaux de la Société nantaise d'horticulture, du 44 novembre 4852 au 25 novembre 1855. Recueil de l'académie des Jeux floraux, 1858. Revue des Sociétés savantes, publiée sous les auspices du Ministre de l'instruction publique et des cultes, 1857-1858. Rouleaux krosskill de M. Lecointe, constructeur à Saint- Quentin, broch. in-8°, Rapport fait à l’Académie des inscriptions et belles- lettres, au nom de la commission des antiquités de la CIXXXVj OUVRAGES REÇUS PENDANT L'ANNÉE 1858. France, par M. Adrien de Longpérier (séance du 7 août 4857), broch. in-8°. Rapports sur l'ouvrage de M. Monestier-Savignät ayant pour titre : Etudes sur les phénomènes , l'aménagement et la législation des eaux, au point de vue des inondations, présentés à la Société d'agriculture du Puy-de-Dôme par M. de Sarrazin, et à l’académie de Clermont-Ferrand par M. le comte Martha-Beker, broch. in-8°. S Société d'agriculture des sciences et des arts de Boulogne- sur-Mer , 1857. Société géologique de Berlin (Prusse) 1855-1854-1855- 1856. Société d'agriculture , des belles-lettres , sciences et arts de Rochefort, 1856-1857. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales. Statistique monumentale de Paris (Atlas) liv. 5225. Société chimique de Paris; répertoire de chimie pure et appliquée, 1858. Sud-Est (le), journal agricole et horticole, 1858. V Vie de Jean de Ferrières, Vidame de Chartres, seigneur de Maligny, par M. Léon de Bastard, broch. in-8°. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME Procès-verbaux des Séances des années 4857-1858. PAGES, SÉANCE DU 8 JANVIER 1857. — Sommaire. ..... 5 Ouvrages reçus, mentionnés, — Mémoire de M. le docteur Haxo, sur la situation de l’industrie de la broderie dans le département des Vosges, dans les Annales de la Société d'émulation des Vosges ; à cette occasion : des denteleuses de la Haute-Loire. 'e sets. 2e AO ODB TOO DONONUE 6 réfet de Chèvremont, à l’occasion de son départ, par Mile Présidents és 8 POS TE ect doc 10 — Lettre de M. le Président à Son Exec. M. le Mi- nistre de l’agriculture, demandant que le Puy devienne prochainement le siége du Concours Récionalas ét satiotai otre trets dut ee 15 Agriculture. — Situation des travaux de drainage dans le département............ nue TO Industrie. — Recherche de gisements houillers dans le canton de Saint-Julien.... ......... 47 cIxxxvii} TABLE SÉANCE DU 5 FÉVRIER. — Sommaire... ....«... Allocution de M. le Président, relative à la pré- sence de M. le Préfet. — Réponse de M. le Pré- 1 Er SR er neue cine sta Ouvrages reçus, mentionnés... suceuse eee Correspondance. — Lettre de M. le Président, de- mandant l'agrégation de la Société avec la So- ciété impériale zoologique d’acclimatation. . Agriculture. — Objets divers. ..... re : Industrie. — Discussion, à l’occasion du anse de M, le docteur Borie, sur les nouveaux procé- dés de fabrication du pain. — Opinion de M. le Préfet. pete STARAURS STE re 4 jaime Archéologie, — M. Bretagne indique, avant son départ, les lieux qui, selon lui, doivent être OU RlÉS Sven pre ace Fe cie ea intels orale fe — Exposition d’émaux du moyen-âge par M. AY au SÉANCE DU 5 MARS. — Sommaire.............. Dons au Musée d'objets antiques.....,.....6... Ouvrages reçus, mentionnés par M. le Président. . Agriculture. — Objets divers. .......s..... ‘établissement d’une école de dessin industriel........ enhrenade 50 Industrie. — Introduction de M. Rolland, construc- teur mécanicien de boulangeries mécaniques... Archéologie, — Communication sur les fouilles du For par M. Aymarde see. te mers — Rapport de M. Robert Félix sur les fouilles du puits dE FODSURC Se ER LCR OREIEAE —_ ET DES MATIÈRES. cIxxxix Personnel de la Société. — Rapport de M. de Brive sur la candidature de M. Nicolas, ingénieur draineur. — Admission... .... Pratt USE SÉANCE DU 2 AVRIL — Sommaire. ............ Ouvrages reçus, mentionnés par M. le Président. . Agriculture. — Graine de riz de montagne, envoyée par M. le préfet... .... ar SEE an AE — Mémoire de M. Charles Giraud sur l'emploi des bœufs etdes chevaux dans les travaux des champs. — À ce sujet, question de l’élève du cheval, opinion de MM. Chouvon, de Brive, du Garay.. — Rapport verbal de M. Chouvon sur un ouvrage de M. de Morangiès, ayant ponr titre Agriculture des cantons graniliques de la Lozère.—Admis- sion de M. de Morangiès comme membre corres- pondant . ..... et eee ee RE se SÉANCE DU 7 MAI. — Sommaire...... Ne lee Ouvrages reçus, mentionnés............ Mae Economie publique. — De la création d’un mont- de-piété au Puy. — MM. de Brive, Souteyran.. Archéologie. — Mémoire de M. Aymard sur la chappe dite de PEDRAC. 2.002 meite dele DEA Sociétés savantes. — Rapport de M. de Brive sur la dernière session du Congrès des délégués des SHARE SATA ee ae moche re asie ES Sciences historiques. — Création d’une commis- sion permanente des études historiques et des recherches paléographiques. — Rapport de M. Ch. Calemard de Lafayette. — Nomination de TOME XXI. ni PAGES, + 1 96 EXC TABLE la commission permanente des recherches his- toriques, — Membres correspondants... ... SÉANCE DU 4 JUIN. — Sommaire.............. Ouvrages reçus, mentionnés par M. le Président... — Parmi ceux-ci, un Album monographique du porche de la cathédrale du Puy, par M. Dorlhac, architecte 551. à: OA Os CU OL LOIRE LL Beaux-arts. — Travaux exécutés à Givors, pour la statue colossale de N.-D. de France ; M. de Brive. Archéologie. — Nouvelle communication de M. Ay mard sur les fouilles du For, avec des notes... La première, sur l'inscription relative au dIBUNATIAONE SEL sc less den La seconde, concernant l'inscription du Préfet de la Colomiers eu RENE Se eee La troisième, sur l’explication d’un passage de Grégoire de Tours, relatif à la ville du Puy. La quatrième, sur la frise du temple...... : — Réserves faites par quelques membres au sujet des opinions historiques du Mémoire......... SÉANCE DU 2 JUILLET. — Sommaire......... FR Ouvrages reçus, mentionnés par M. le Président. . — Album photographique d'archéologie religieuse, exécuté par M. Malègue, texte de M. Aymard... Minéralogie. — Rapport de M. Robert Félix sur le résultat des recherches des gisements houillers de Saint-julien-Chapteuil............,.... - Agriculture. — Rapport de M. Ch. C. de Lafayette sur Le Concours régional agricole de Mende... PAGES- DES MATIÈRES. Industrie. — Multiplication des sangsues à lhos- pice de Craponne. — Fabrication de l’amidon avec les marrons d'Inde... MENT Beaux-arts. — Dessin de la statue de Corneille par MSN DER ER ARE ME SUNSET OR Personnel. — Rapport de M. du Garay sur la can- didature de M. Moyère. — Admission. — Le Mémoire de M. Moyère, apprécié par M. du Ga- ray, roule sur le reboisement des montagnes, et en particulier de celles de Fay-le-froid. ....., SÉANCE DU 7 AOUT. — Sommaire.............. Ouvrages reçus, mentionnés par M. le Président. . Correspondance. — Médaille d'honneur de pre- mière classe, accordée à M. Best, en récompense de son concours aux travaux de la Commission départementale de statistique......,........ Agriculture. — Compte-rendu d’une excursion faite à la Darne, propriété de M. de Brive. ... — Produits des propriétés de Sénilhac, présentés par M. de Lafayette à l'examen de ses collègues. — Nécessité d'une étude comparative de diverses variétés de céréales. —Le Président, M. Chouven, MA BéDDENS 2 .…. LT cn hl 2r+ is Economie publique. — Rapport de M. Souteyran sur la situation de la caisse d'épargne de la ville AUSPLNE ECC EEE FOTÉC 0e de 0 DOS ce Archéologie. — Poteries samiennes, trouvées à Sant-Paulien. Re So. Ls SÉANCE DU 5 NOVEMBRE. — Sommaire......... Ouvrages recus, mentionnés .,,..... srab Aue 260 266 269 270 exci] TABLE Agriculture. — Travaux du jury d'examen pour l'admission à la ferme-école de Nolhac; M. le Présidentinnenmeus. REIN Fur RTS Sciences historiques. — Communication sur un terrier de la ville du Puy à la date de 1408, par MBélibenssenttr. se fameuse Don au Musée, par M. J. Seguin, d’une gravure représentant la Mort de Caton d'Utique, ayant quelques rapports avec le tableau que le Musée possède ; M. mibente. 20e) An hses uhans sul SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE. — Sommaire. ..... sie Ouvrages reçus, mentionnés. ................. Correspondance, — Lettre de M. Philippe Mathieu, annonçant l’envoi d'une collection de 550 co- quilles, recueillies à l'ile Bourbon. ....... Ne Démission des fonctions de Secrétaire par M. da Bonnet, à qui la Société conserve le titre de membre résidant... ..... RE Arte LE HAUTE Agriculture. —- Drainage, son utilité, ses bons ré- sultats ; MM. Chouvon, le docteur de Lafayette, M. Béliben, M. le Président... .:..4... ...... — Enquête sur les résultats des essais de la pomme de terre dite Chardon , faits par plusieurs mem- Beaux-Arts. — Tableau représentant une Vue prise dans la vallée de Royat, par Lapito. Don de S. M. l'Empereur Napoléon HE. ......,...... Sociétés savantes. — Rapport de M. de Brive sur le Congrès scientifique de Grenoble.......... Rapport de M. Paul Marthory sur la candidature PAGES. DES MATIÈRES, “de M. P. Philip. — Admission, — Une Notice historique sur la ville de Saint-Paulien, com- prenant la période de 1789 à 1795, et un opus- cule sur des travaux de dessèchement et de défrichement d’un terrain boisé sont le travail offert par M. Philip, comme titre d'admission. . SÉANCE DU 14 JANVIER. 14858, — Sommaire. .... Ouvrages reçus, mentionnés............. sde Correspondance, — Lettre de M le marquis LE Ruolz, confirmant les bons résullats d’un ense- mencement en grand de la pomme de terre dite Ghardon...…...wspe ide admet: EE Hommage rendu à la mémoire de M, le ne Ar- mand de Bastard, ancien Préfet de la Haute- Loire, par M. Bertrand de Doue...,....... Autre hommage, rendu à la mémoire de M. Sigaud de heslane père. ie nn. 6 tnt, Vœu de la Société au sujet de la prochaine recon- struction du Musée-Crozalier............... Situation des écoles industrielles de la ville pen- dant l'année classique 4857-1858, par M. Ber- trand, de Done: -..hnisobdat #32 chris 4 Personnel de la Société — Election de M. Béliben en qualité de Secrétaire de la Société. — Ses remerciments pour ce témoignage de confiance. — Réponse de M. le Président.............. — Rapport de M. Béliben sur le livre intitulé Ais- toire des classes rurales en France, que M. H. Doniol avait présenté comme titre d'admission. — Admission du candidat, ..... mé sis ms . exciij PAGES. ot ot LE CXCIV TABLE Procès-verbaux rédigés par M. Béliben, L Secrétaire de la Société. SÉANCE DU 4 FÉVRIER. — Sommaire... .. .. .. 333 Installation du nouveau Secrétaire 355 Allocution de M. le Président, à l’occasion de la mort de M. le docteur Fiévée de Jeumont, beau- père de M. Ch. Calemard de Lafayette. .,...,. 354 Dons au Musée. — Objets fossiles. — Moulage d’un bas-relief gallo-romain, découvert par M. Ay- mard sous le vestibule du For... .... Hé ré 394 Agriculture. — Sur le prix de revient d’un hecto- litre de froment. — Utilité d’une comptabilité agricole et d’un essai de nouvelles semences aghicoles ft HMS A M Re QU RS 06 — Rapport de M. Chouvon sur des expériences faites sur plusieurs semis de froments étrangers 538 — Opinions sur ce sujet de MM. de Brive, Balme, res nss Azéma, Chouvon...... Ie ARR ARRET NE UE. DAME TES — Le songho...:.#:11 Anne LEP UL AES TT RE + 1565 — “Ledupintjaune à 443114 SPA DNS HN 566 Horticulture. — Mémoire de M, Aymard sur les jardins d'hiver... ..... PAREIL CES LOST LUE LCR 567 — Opinion de M. Martel sur ce sujet.......... 572 Pisciculture. — Empoissonnement et rchoisement dulacidu!Bouchet:. es 94. ta tuer br rene 315 Sciences physiques et naturelles.—Météorologie. — De la marche de la grêle dans les environsduPuy 376 Histoire. — Extrait de titres orig'naux du marqui- sat d’Allègre, adressés à la Société par M. J. de Vinolsstiiut doit bmensattiitentf. L 580 DES MATIÈRES. -— De la lecture d'un document sur l'élection de Pierre de Chalencon comme évêque du Puy, en 1485, faite par M. l’abbé Bernard. ........ ” — Revendication faite par M. de Brive de l’insti- tution de la célèbre confrérie de N.-D. du Puy. Littérature. — Etudes littéraires de M. de Fontper- (DiSeg hianst ody 18e CRE CU de 2. eh fois tag — Ronde expliquée par M. Fourtier........... Architecture. — Opinion de plusieurs membres sur la destination du local rendu vacant par la démolition de la maison Gallien, près la cathé- dpale pet. ini dre DURE DR ER os Gravure de M. Soumy, communiquée à la Société par M. Aymard....... : ME JÉtE sta des ie Personnel de la Société. — M. Balme donne sa dé- mission de Secrétaire-adjoint. ....... spi — M. Philippe Mathieu est nommé membre non Tésidante sit a te. MERE Un Ju RER EN) © SE ptet SÉANCE DU 11 MARS. — Sommaire............. Hommage rendu à la mémoire de M. le docteur Borie. Agricullure-w—tEcobuage 20m. 21.4 Ne Comptabilité, agricole... 4.108087 7% EEE — Enquête sur l’état de la récolte pendant l'hiver. Sciences. — Météorologie. — Mémoire de M, Ber- trand de Doue en réponse au Président de la Société impériale d'agriculture, au sujet de la marche de la grêle et des orages. .... sers fl. SE — Opinion de M. Robert...... #Et A. sine à LE — Navigation de l'Allier, sur un Mémoire de M. Poyet, ingénieur des mines à Bouxhors.... CXCV PAGES, 997 403 104 CxCY) TABLE PAGES, Sciences historiques. — Mémoire de M. Aymard sur la cité des Vellaves, d’après la Notice des cites des Gauless 4.50 PURE ERP RON 106 Beaux-arts. — Statue de Lafontaine par Julien... 416 — Etat des travaux d’art de la fontaine Crozatier ; MS CO BRINE 2 DD. PÉRA ent ae si NOTE Brie IT — De la statue de Valentin Haüy par M. Badiou. 418 SÉANCE DU 8 AVRIL. -— Sommaire, ..…. . ORETRRE 421 Agriculture. — Opinion de M. H. Doniol sur le SOTÉHOL eo vels 2 sors PARA 2 A ECO NC à 22e 422 —Remède contre la maladie de la pommedeterre. 425 — Rapport de M. Dumontat sur un mémoire de M. Richond au sujet de la maladie de la vigne. 425 Economie publique. — Question des boucheries.. 450 Sciences historiques. Mémoire de M. Aymard sur ane LR Lo RATÉ un travail de M. Paul Leblanc, relatif à la | chappe'de Pébrac. "RIRE RCE MER PRE 455 ÿ — Communication sur un discours d'ouverture 1 pour l’organisation d’une Société d'agriculture : au Puy par le citoyen Jamon.............. 456 F — D'une Société philharmonique au Puy avant Ja TÉVOIUMION 2 2 2 sors PR ETES 437 — Mémoire sur les municipes, les colonies et les préfectures romaines, par M. de Fontperiuis... 44 Beaux-arts. — Rapport de M. Viberi sur un mé- moire ayant trait à des considérations critiques sur la peinture des derniers siècles, comparée aux œuvres modernes, présenté par M. de Vi- nols Jules comme titre d'admission, — Admis- sion du’ CANADA) RS SUPER ENT RERET ET à 459 Sn LE PACE, TS 2 DES MATIÈRES. .CXCVi) PAGES, Administration. — Règlement qui indique la place de la lecture des rapports sur les candidatures. 466 — Règlement relatif au cas où le nombre des can- didats au titre de membres résidants excède COMEENVAES VACANCES 1 NT FMRUNT ERA 46 Sociétés savantes. — De l'arrêté du Ministre de l'instruction publique organisant au ministère le comité des travaux historiques et des Socié- 1 LED SAYAES. 2 MAATNAR. MUR SON 468 SÉANCE DU 6 MAI. — Sommaire. ............... 468 Agriculture, — Cartes agronomiques de M. de Cau- MORÉEPMPIERT ZEN. TE ROC SERE SU SE: À bo SbinË 469 — De lutilité d’un cours d'analyse et de chimie agricoles, dans le local de la Société; M.deBrive, 470 — Vœu relatif à l’exemption du service militaire pour quelques élèves des fermes-écoles; MM. de M /DoNe Sonteyran, AYITArU :.. MAT Eee 172 — Communication de l’instituteur de Saint-Julien- . Molhesabathe, M. Ambert, sur des expériences agricoles ; à ce sujet, lettre adressée à M. l'Inspec- teur des écoles primaires par le Secrétaire de la SOCTO LE noel dcr cer ces à TI EN 175 — Le titre de membre correspondant est accordé à M. Ambert, ainsi qu'à M. Edouard Beaufrère, du Mas de Lagrange, pour plantations et organisa- tion d’un jardin dans une localité située au cœur desthautes MODIAUN ES ANT ON AMEN EE 177 — Culture du topinambour par M. Doniol....... 478 Sciences physiques et naturelles. — Travaux sur la botanique, par madame Arnaud........... 181 ExCvIi) TABLE Sciences médicales. — De la fièvre typhoïde qui a sévi au village de Vals près le Puy; des heureux effets de l'établissement d'une fontaine dans ce village comme moyen préservatif. ..,..,...... Littérature. — Instruction pastorale pour le mois de Marie, par Mgr de Morlhon............... — Troisième prospectus relatif à l'érection de la Viesse: de;Corneille. sed its. 15e): saut — Rapport de M. F. Bernard sur une candidature au titre de membre non résidant, concluant à l’ajournement. Le sujet du rapport est une critique d’une pièce de vers sur le château de Bousols.r21408.de on. de pre tatoo be 48 Gravure, — Travaux de M. Camille Robert, d’après une lettre de M. le docteur Peghoux, de Clermont. Architecture. — De la reconstruction du Musée ; MM.“de Brive’ Souteyran, etc. #00 Personnel de la Société. — Rapport de M. Plantade sur un Mémoire traitant du reboisement du pays, offert par M. Limozin comme titre d’admis- sion. — M. Limozin est admis membre résidant, SÉANCE DU 5 JUIN. — Sommaire.............. Lettre de M. le Président Ch. Calemard de La- fayette, adressée de Paris à M. le Secrétaire, au sujet du Congrès des Sociétés savantes, où M. de Lafayette a représenté la Société académique du Puy. Cette lettre renferme les démarches qu’il a faites ou qu'il se propose de faire, tant sous le rapport agricole et industriel du pays que sous celui de la marche des études historiques. . ... PAGES 485 DES MATIÈRES, Dons au Musée. — Quatre pierres ou larmiers d’une frise antique, donnés par MM. les admi- nistrateurs des hospices du Puy Agriculture. — Miscussion sur le morcellement de la propriété, à l'occasion d’un article de M. Léonce de Lavergne. Opinion de plusieurs membres de la Société sur ce sujet.....,... — D'une truffière artificielle , par M. le marquis Lédehinandssernr ion. Heriitowset — Rapport de M. Bertrand de Doue sur une mé- thode nouvelle de culture, par M. F. Aroux... Pisciculture. — Inauguration de la pisciculture au lac du Bouchet, par M. Paul de Rostan, préfet dédaHaute-Loiresthasen 6 ir seu ere Jéfeiéh — Considérations sur ce lac et sur son avenir au point de vue d’un établissement de pisciculture. Economie publique. — Réponse de Son Ex. M. le Ministre de l'agriculture n’accueillant pas le vœu relatif à l’exemption du service militaire pour les élèves des fermes-écoles. . .......... Sciences. — Des travaux scientifiques de M. le prince dePolignacisgit tar chattes Sietete Sciences médicales. — Rapport de M. le doc- teur du Garay sur l'épidémie de la fièvre typhoïdersà Valss sy. dis 2618 nlacmgemsre sin UE SÉANCE DU ler JUILLET. — Sommaire. .......... Agriculture. — D'un rapport sur des expériences agricoles par M. Chaudier, instituteur public auxwVillettesse st Aster Rata Laure — Voyage agronomique de M, de Gourey dans la excix PAGES, 05 12 DA45 cc TABLE Haute-Loire, à la ferme-école de Nolhac ; à Alle- TO RE AE a CÉSAR RSR — Rapport de M. Balme sur une lettre de M. Fré- déric l'Enfant, relative à la conservation des blés et aux greniers d'abondance. Discussion élevée sureettéqnratièrent. MSN EPA FE Sciences naturelles. — De la Flore de la Haute- Loire, par madame Arnaud............... 2 Sciences historiques. — Admission de M. Bernard, du Forez, comme membre non résidant, à la suite d’un rapport de M. Aymard............ Beaux-arts. — D'une lettre de M. de Newerkerque SÉANCE DU 3 AOÛT. — Sommaire... ..:.:..4... Agriculture. — Du perfectionnement des races d'animaux, notamment de la race du Mezenc.…. . — Rapport de M. Milne Edwards sur des insectes qui ravageaient les prairies de St-Julien-Molhe- bateh ie use _... CC ..... — Rapport de M. de Brive sur la candidature de M. Chaudier. — Admission de M. Chaudier comme membre non résidant........,...... — De la Castration des vaches laitières ........ Arboriculture. — Rapport de M. Balme du Garay sur un nouveau mode de culture des arbres [RUITIErS Rene serres D PAR A to oi Pisciculture. — Rapport de M. Limozin sur un mode de transport pour les poissons vivants... Industrie. — Rapport de M. Chouvon sur le ver- nis de l'invention de M. Schlisler............ La Société, sur l'avis du conseil d'administration, DES MATIÈRES. accorde des médailles à M. le Directeur de l’école Normale pour être distribuées, à titre de récompenses, aux meilleurs élèves du cours théorique et pratique d'agriculture. .....,... — Elle ajourne une demande relative à une mé- daille destinée à encourager une vocation artis- tique. — Vive discussion à ce sujet.,......... SÉANCE DU 4 NOVEMBRE. — Sommaire. ........ Hommage rendu à la mémoire de M. le docteur Péghoux, de Clermont, membre non résidant. . Hommage rendu à la mémoire de M. Pradier Jules, membre..non résidants... #88 Act Dons au Musée. — Notice de M. Théret, chirur- sien de la marine impériale, sur différents ob- jets apportés d'Amérique et donnés au Musée. . — Lettre de mademoiselle Ida de Bosberg sur un vase funéraire, dont elle fait hommage à la Société ad eos coaster: ab he GR -— Notice de M. le curé de Lubilhac sur une mine d’antimoine, dont un échantillon est déposé sur le bureau: sdéidondins-stsmmimthaii- ché — Moulage d’une inscription lapidaire, avec la traduction, par M. Aymard..... sé tes Du dl Ouvrages reçus. — L'Art céramique el pe Palissy, par. M.#Enjubault.....2":."anitur Agriculture. — Compte-rendu de Ja mission rem- plie par M. le Président à la ferme-école de Nolhac, au sujet des examens de rentrée. ..... — Lettre de M. de Brive sur une plante fourra- gère, la moutarde blanche... .. TO ie cc) PAGES >S94 590 cci) TABLE — Projet d’un moulin à broyer Les os, par M. Sou- chomi:. 4. ei tar TAPIE 0 CT RTE ER LUS Sciences historiques. — Restauration d'une frise par. M. Camille-Robertert metéent:ét crnrgé — Manuscrit de la Bibliothèque impériale, n° 8002, sur la fondation de l’oratoire de Notre- Dame du-Pay-hèue so oeil ani Me — Reclification au sujet de Jean IV de Cardaillac, indiqué comme évêque du Puy dans le Gallia christiqnes: 2894 AA MESRUREE MINES, SAN Réélection de M. Ch. Calemard de Lafayette comme Président....... RAS LR ha EP gs eg rs NS A à SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE. — Sommaire. ........ Hommage rendu à la mémoire de M. Philippe lledde, membre non résidant. ...... Eee ne Regrets, exprimés par M. Bertrand de Doue, sur la mort de M. Thuillier, peintre paysagiste. . .. Dons au Musée. — Lettre de M. Vibert sur un buste, œuvre du sculpteur Julien....,........ Ouvrages reçus.—Opinion de M. Silvy sur la créa- tion de la commission des recherches historiques. — Vie de Jean de Ferrières, vidame de Char- tres, par M. Léon de Bastard............... — Histoire de l'éducation en France, par LU AS 1119 9 PÉAOS A AE TR LL: |: 71 VQNC OUT ES “RC à Agriculture. — Création d’une commission dite des céréales, au sujet de la question de l’échelle mobile, soulevée par M. Doniol............. 605 606 606 608 609 615 616 619 DES MATIÈRES. ccii] — Comple-rendu d'expériences faites à la ferme 1) deiMa laval par eMENNICO AS ER 622 Arboriculture. — D'une nouvelle invasion de che- nilles ; M. Bertrand de Doue........,........ 654 Sciences naturelles, — Lignites. De leur exploita- tion, d’après M. Bertrand de Doue...... sr. M 680 Rapports et Mémoires. Mémoire sur des antiquités gallo-romaines décou- vertes à Toulon-sur-Allier et réflexions sur la cé- ramique antique, par M. E. de Payan-Dumoulin. j Chapitre Ier, — Historique des fouilles. .... J Chapitre I. — Réflexions générales sur la CÉPAMIQUEMET ENT RUN xiv Chapitre IE, — Céramique celtique........ xix Chapitre IV. — Céramique étrusque....... xxi} Chapitre V. — Destination des vases antiques. XXV Chapitre VI. — Description des vases gallo- romains de Toulon-s-Allier. xxx Chapitre VIL.— Noms et signatures des potiers gallo-romains........... xxxvii} Chapitre VIH.—Mode de fabrication des mou- les, des vases et des sta- AE ASP NIAENE LC xl} Chapitre IX. — Description des statuettes de TOUIODE EE ET rr AeDOExLVIT Chapitre X. — Destination des statuettes... Ixxvii) Extrait d'un mémoire intitulé : De la fréquence et de la capacité pluvieuse des vents supérieurs el ceiv TABLE DES MATIÈRES. PAGES. inférieurs sur la station du Puy, par M. J.-M. Bertrand de Doue, membre résidant. ......... Ixxxix Observations sur l’homme fossile de Denise, par M. Félix Robert, membre résidant....... PRE CXY Compte-rendu du Congrès des délégués des Sociétés savantes, par M. Ch. Calemard de Lafayette, pré- sident.de la Société, 2... Ones CXXV Poésies de M. F. Bernard, membre résidant..... exlj I. Souvenir, dédié à, M. Vibert...#...2... cxlj Réponse de M. Vibes een ee exlij II. A M. L. de Vinols. — Ma Souveraine.... exliij IT. Remerciement à mademoiselle Louise C. exlv IV. La Muse au retour de l'hiver. ...... tr CENT Mercuriales de la Haute-Loire, par M. Pélissier Lom, employé à la préfecture. — Année 4857.. exlix Mercuriales. — Année 1858.................. clvij Liste des ouvrages reçus pendant l’année 4857... clxv _— —— pendant l’année 1858... clxxvij FIN DE LA TABLE. 4 JUN. dk 7IS AS D Eh : ‘ arr + È \\ È ; 1 A / | @ (a fe (4 | < 1 ) Ci À S Ÿ DEA 020 DICO DDC 24 72 CA PL D RSR LHNIE0O > SIC %Z 77 e + 4 n L n , » . : à { » : : 2 k £ V »" n À ; = L 0 . . > ‘ \ Re CR Te TRE 2 en ae. = e A Le tn TRE ARLES Re LD PS ee) pans s Tasse Cr E LT ere EX Re LS LIT D RON Ps De Po CRD Pr TS de : ù Ze se