DE I.A 10 % M ÛÏI “*oT£*,TV /(?{?/ (nouvelle série) T 0 M E T H E N T E - H U l T I È M E LYON H. GEO RG, LIBRAIRE-ÉDITEUR 36, passage de l’hotel-dilu MÊME MAISON A GENÈVE ET A BALE PARIS J.-B. BAILLIÈRE ET FILS, ÉDITEURS 19, RUK 1IAUTKFR0ILLF 1891 ANNALES DE LA SOCIÉTÉ LIÎNNÉEÎNNE DE LYOIV AVIS AUX SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES La Société d’Études scientifiques étant fusionnée avec la Société linnéenne de Lyon, on est prié, afin d’éviter les doubles emplois, d’envoyer à l’avenir toutes les commu- nicalions, livres, annales, bulletins, mémoires, lettres, destinés à la Société d’Études scientifiques à l’adresse du Président de la Société linnéenne , place Sathonay, à Lyon. AVIS AUX SOCIÉTAIRES v Les membre; de la Société linnéenne sont priés de faire parvenir au Trésorier de la Société, rue Pléney, 5, le montant de leur cotisation. Passé le 30 juin, ce montant sera recouvré par la voie de la poste et les frais seront ajoutés au mandat. Les Sociétaires non résidant à Lyon qui désirent qu’on leur envoie le volume des Annales voudront bien en donner avis au Secrétaire et joindre à leur cotisation le prix de l'envoi par colis postal, soit GO centimes en gare, ou 85 centimes à domicile. DE LA SOCIÉTÉ lijyékyye ©]£ 1LTOH -iVfîVn ■- ç (nouvelle série) TOME T R E N T E - H U I T I È M E LYON H. GEORG, LIBRAIRE-ÉDITEUR 36, PASSAGE DE t’ HO T E L-D 1 E U MÊME MAISON A GENÈVE ET A BALE PARIS J. -B. BAILLIÈRE ET FILS, ÉDITEURS 19, RUK H AUTKFKDILLK 1891 r ' r I U ! ' ... v.: ; ‘ ; .1 TABLEAU DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE LYON BUREAU POUR L’ANNÉE 1891 MM. Depéret, président. Mermier, vice -président. Redon, secrétaire général. Chantre, secrétaire. Roux (Nizius), trésorier. LISTE DES MEMBRES EN 1891 MM. 1889. Bataillon, préparateur du cours de zoologie à la Faculté des sciences. 1866. Beckensteiner (Charles), rue de l’Hôtel-de-Ville, 9. 1881. Belon (R. P.), rue du Plat, 18. 1860. Berne (Philippe), Saint- Julien-en-Jarret (Loire). 1869. Bertiioley (Martial), notaire à Mornant (Rhône). VI TABLEAU DES MEMBRES MM. 1875. Blanc (Léon, le ûr), rue de la Charité, 33. 1889. Blanc (Louis), répétiteur d’anatomie et de zoologie à l’École vétérinaire. 1887. Boihon (Ferdinand), à la gare d’Ambérieu (Ain). 1891. Boucher, répétiteur d’histoire naturelle à l’école vétéri¬ naire. 1861. Bresson (Louis), architecte, place de la Bourse, 2. 1888. Bruet, conducteur des travaux de la Cie P.-L.-M., à Autun (Saône-et-Loire). 1863. Brunet-Lecomte, négociant, rue des Colonies, 2. 1884. Bruyas (Aug.), quai des Célestins, 5. 1891. Buat (Marcel Du), chef dessinateur à la Cie P.-L.-M., 10, cours du Midi. 1891. Buffet (François), rue Dubois, 46. 1881. Carret (l’abbé), aumônier des Dames du Sacré-Cœur aux Chartreux. 1881 . Carrier (Édouard), docteur en médecine, rue Saint-Domi - nique. 1866. Chabrières, trésorerie générale du Rhône. 1882. Chanrion (l’abbé), rue du Vernay, 36, à Saint-Étienne. 1885. Chantre, rue de Trion, 36. 1887. Chobaüt (Alfred, le Dr), rue Dorée, 4, à Avignon. 1872. Coquet (Adolphe), architecte, avenue de Saxe, 289. 1879. Courbet (Jules), rue Sainte- Hélène, 14. 1871. Coutagne (Georges), ingénieur des poudres et salpêtres, quai des Brotteaux, 2. 1889. Couvreur, chef des travaux de physiologie à la Faculté des sciences. 1862. Delocre, inspecteur des ponts et chaussées, rue Lavoisier, 1 , à Paris. 1889. Depéret, professeur de géologie à la Faculté des sciences. DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE VII MM. 1891. Dériard-Richarme (Auguste), quai de Retz, 15. 1891. Dériard-Richarme (Pierre), quai de Retz, 15. 1872. Desgeorges (Alphonse), négociant, rue Puits-Gaillot, 19. 1885. Des Gozis (Maurice), à Montluçon (Allier), place de l’Hôtel- de- Ville. 1865. Desgrand (Louis), négociant, rue Lafont,24. 1881. Donat-Motte, naturaliste, rue Victor -Hugo, 2. 1882. Drivon (Jules), médecin des Hôpitaux de Lyon, quaide la Guillotière, 30. 1891. Dübois, professeur de physiologie à la Faculté des sciences. 1888. Dupüis, entrepreneur, route de Vienne, 94. 1870. Durand (Victor), rue Lafont, 6. 1884. Faure, professeur h l’École vétérinaire, cours Morand, 26. 1881. Favarcq, propriétaire, rue du Vernay, 48, à Saint-Étienne (Loire). 1891. Ferier (Charles), place Tholozan, 22. 1882. Flory, avoué, rue Gasparin, 8. 1857. Fournereau (l’abbé), professeur à l’institution des Char¬ treux. 1856. Gabillot (Joseph), quai des Célestins, 5. 1889. Garcin, préparateur de botanique à la Faculté des sciences 1890. Garin (Jules), quai Saint-Antoine, 37. 1891. Garon, route de Strasbourg, 51. 1881. Geandey (Ferdinand), négociant, rue de Sèze, 11. 1851. Gensoul (André-Paul), rue Vaubecour, 42. 1866. Gillet (Joseph), quai de Serin, 9. 1890. Givois, pharmacien à Vichy (Allier). 1881 . Grouvelle (Antoine), directeur de la manufacture des tabacs à Reuilly, rue de Charenton, 319, Paris 1862. Guimet (Émile), place de la Miséricorde, 1. VIII TABLEAU DES MEMBRES MM. 1890. Hagenmuller (Dr), rue de l’Arsenal, 5, à Bone (Algérie). 1869. Heyden (le baron de), à Bockenheim, près de Francfort- sur-Mein, Schlosstrasse, 54 (Allemagne). 1887. Jacquard (R. P.), institution des Dominicains, à Oullins. 1882. Jacquet, imprimeur, rue Ferrandière, 18. 1891 . Jardon, préparateur de physiologie à la Faculté des sciences. 1845. Jordan (Alexis), rue de F Arbre-Sec, 40. 1881. Lachmann, chargé de conférences pratiques de botanique à la Faculté des sciences, cours Gambetta, 30. 1884. Lacroix (Eugène le Dr), Grande rue des Charpennes, 45. 1868. Laval (Henri), avocat à Villefranche (Rhône). 1881. Locard (Arnould), ingénieur, quai de la Charité, 38. 1881. Mabille (J.), préparateur au laboratoire de zoologie, au Muséum, rue Laromiguière, 7 bis, Paris. 1883. Magnien (Louis), pharmacien des hôpitaux de Lyon. 1873. Magnin (Antoine Dr), professeur à la Faculté des sciences de Besançon. 1860. Mangini (Félix), ingénieur civil, avenue de l’Archevêché, 2. 1855. Mangini (Lucien), ingénieur civil, Sainte-Foy-l’Argen- tière (Rhône). 1881. Marmorat (Gabriel), négociant, rue Lafont, 18. 1866. Marnas, teinturier, quai des Brotteaux, 12. 1887. Mauduit, docteur à Crest (Drôme). 1883. Mehier (Camille), rue Sainte-Catherine, à Saint-Etienne (Loire). 1887. Mermier, rue Bugeaud, 138. 1891. Michaud, quai de la Pêcherie, 13. 1881. Moitier, surveillant au Lycée Saint-Rambert, près de Lyon. DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE IX MM. 1876. Monvenoüx (Frédéric), pharmacien, rue Grenette, 35. 1891. Neyreneuf (Vincent), professeur à la Faculté de Caen (Calvados). 1856. Pallias (Honoré), rue Centrale, 31. 1879. Perroud (Charles), avocat, place Bellecour, 16. 1866. Pichot (Emmanuel), négociant, quai des Brotteaux, 17. 1883. Pitrat, imprimeur, rue Gentil, 4. 1886. Redon (Gaston), rue des Prêtres, 22. 1881. Redon-Neyreneuf (Louis), rue des Prêtres, 22. 1880. Regalia (Ettore), secrétaire de la Société d’anthropologie de Florence (Italie). 1881. Renaud (Jean-Baptiste), cours d’Herbouville, 21. 1873. Rérolle (Louis), directeur du Muséum de Grenoble (Isère). 1858. Rey (Claudius), officier d’Académie, place Saint-Jean, 4. 1864. Riaz (Auguste de), banquier, quai de Retz, 10. 1882. Riche (Attale), licencié ès sciences naturelles, rue de Pen- thièvre, 11. 1889. Riel (Ph., le Dr), boulevard de la Croix-Rousse. 1888. Roland, rue de la Gare, 55, à Oullins (Rhône). 1863. Roman (Ernest), place des Pénitents-de-la-Croix, 1. 1881. Roüast (Georges), rue du Plat, 32. 1870. Roux (Gabriel), docteur en médecine, rue Duhamel, 17. 1873. Roux (Nizius), rue Pléney, 5. 1882. Roy, horticulteur, chemin de Montagny, au Moulin-à-Vent, près de Lyon. 1868. Saint-Lager (le Dr), cours Gambetta, 8. 1886. Saubinet (Etienne), lieutenant-colonel au 1er régiment du génie à Versailles. TABLEAU DES MEMBRES X MM. 1866. Sonthonax (Léon), rue Neuve, 9. 1882. Terras (Marius), à Ahmed-Zaïd, près Tunis. 1881. Tommasi (Dr Donato), avenue de Wagram, 50, Paris. 1862. Vachat (du), juge au tribunal de Belley (Ain). 1885. Yaghon, place de la Charité, 3. 1872. Verchère (Ernest-Antoine), cours Gambetta, 3. 1881. Xambeu, capitaine en retraite à Ria, par Prades (Pyrénées Orientales). DE LA SOCIÉTÉ LIN N KEN NE XI Membres correspondants. 1863. Blanchard, membre de l’Institut, à Paris. 1866. Falsan (Albert), à Collonges-sur-Saône (Rhône). 1849. Lejolis, directeur de la Société des sciences naturelles de Cherbourg. 1875. Merget, professeur à la Faculté de médecine de Bordeaux. 1875. Hayden, ex-directeur du Geological and geographical Survey , à Washington. APERÇU GÉOLOGIQUE SUR LES ENVIRONS DE LA BAUME D’HOSTUN ( D R O M E ) PAR Eue MERMIER Présenté à la Société Linnéennc de Lyon La Baume d’Hostun est un petit village du département de la Drôme situé entre l’Isère et la Bourne, à une faible distance en aval et au sud du confluent de ces deux rivières. Gracieusement assis au pied de la montagne de Rochechinard (1), ce village est construit en partie sur un énorme bloc ou massif de tuf calcaire, qui supporte en outre les ruines pittoresques d’un vieux château féodal. Une tour et des lambeaux de murs d’enceinte restés debout font voir que les matériaux employés à l’édifica¬ tion de ce château ont été pris sur place. Les carrières d’où ils ont été extraits, disparaissent en partie sous des amoncellements de détritus recouverts aujourd’hui par la terre végétale, mais sont cependant bien visibles sur certains points, où leurs fronts, taillés à pic dans le tuf, forment des escarpements qui devaient (1) On appelle dans le pays Montagne de Rochechinard l'extrémité septentrio~ nale de la montagne de Musan, qui fait suite à celle de la Raye et vient se terminer assez brusquement au bord de l’Isère, en formant entre La Baume d'Hostun et Saint- Nazaire-en-Royans, une sorte de promontoire d'où la vue s'étend fort loin sur la plaine du Bas- Dauphiné. Soc. Linn., T. XXXVIII 1 2 LA BAUME DHOSTUN concourir à la fortification de l'ancienne résidence des seigneurs d’Hostun (1). Actuellement, ce tuf est exploité dans une petite carrière qui produit une pierre de construction légère et solide, très estimée dans le pays. Le 29 septembre 1889, je me trouvais à La Baume d’Hostun, en compagnie de mon collègue et ami, M. Boiron, chef de section à la Compagnie des chemins de fer P.-L.-M., et nous examinions ensemble la qualité des pierres de taille extraites de cette carrière, lorsque mon attention fut attirée par la présence de coquilles incrustées dans le tuf. Quelques instants de recherches me firent voir que ces fossiles n’étaient pas rares, et qu’ils étaient repré¬ sentés surtout par des Cyclostomes, des Clausilies, des Hélices, des Hyalinies, etc., les genres Hélix et Hyalinia comportant en particulier un assez grand nombre d’espèces. Ce gisement n’ayant encore été cité par aucun naturaliste, et l’examen du caractère de la faunule qu’il contient pouvant fournir d’utiles renseignements relatifs aux changements climatériques survenus dans la région depuis les derniers temps géologiques, je résolus de recueillir ces diverses coquilles, et, bien que le tuf fût assez dur, je parvins, moyennant certaines précautions, à en extraire un grand nombre d’exemplaires en parfait état de conservation, que je soumis à la haute compétence de M. Locard. Ce savant conchyliologiste se chargea d’examiner en détail les espèces que je lui présentais, et m’engagea, afin de rendre cet examen plus complet, à faire de mon côté une étude géologique sommaire des environs de la Baume d’Hostun permettant d’établir, sur des données stratigraphiques certaines, l’âge approximatif de ce dépôt de tuf. J’essaierai donc de résumer les principales observations que j’ai faites dans ce but, et je dirai tout d’abord que ce massif de tuf, adossé au flanc ouest de la montagne de Rochechinard, en un point (1) J'ai reçu de M. Anatole de Gallier, président de la Société archéologique de la Drôme, des renseignements historiques contenant la preuve de l’existence de ce château en l’an 1290. LA BAI' ME D IIOSTUN 3 où celui-ci dessine une légère concavité, repose nettement sur un lambeau de terrasse alluviale; que, par conséquent, la fixation d’une limite inférieure à l’âge de la formation du tuf sera résolue de fait par la détermination de l’âge de ces alluvions. Or, pour classer ces dernières en toute connaissance de cause, il n’est pas inutile de se rendre compte, au moins daosses grandes lignes, de la constitution géologique de la région avoisinante. Celle- ci me paraît ressortir assez clairement de la coupe suivante, que j’ai prise au droit du massif de tuf. Cette coupe va de la vallée de l’Isère à celle de la Bourne, en traversant la montagne de Rochechinard normalement à sa direc¬ tion ; elle comprend de bas en haut : a. Néocomien. — Marnes et calcaires marneux gris à Spatangues. b. Urgonien. — Calcaire à Réquiénies, jaunâtre à la base, blanc à la partie supérieure. c. Cénomanien. — Sables et grès bigarrés. d. Tongrien. — Calcaire blanchâtre à silex pyromaques, sables et grès marneux. e. Aquitanien. — Conglomérat, calcaires, marnes. f. Helvétien. — Mollasse marine. g. Pliocène supérieur. — Alluvions alpines (haute terrasse). h. Quaternaire. — — (moyenne terrasse). *• — — (basse terrasse). k. — Tuf calcaire coquillier. ï LA BAUME I) IIOSTU.A I. ÉPOQUES NÉOCOMIENNE ET URGONIENNE a. Marnes et Calcaires marneux à Spatangues b. Calcaire à Réquiénies L’ensemble a, b , fortement redressé, appartient au crétacé inférieur. Les calcaires marneux a terminent Y Hauterivien ; le Toxcister complanatus Agassiz y est abondant. L’Urgonien coralligène b forme le sommet et le dos de la mon¬ tagne. C’est un calcaire compact, jaunâtre à la base, et blanc, même crayeux, à la partie supérieure. Sa cassure laisse voir une multitude de sections de Réquiénies (Requienia Londsclalei Sow.) ainsi que des Brachiopodes, des Echinides et des Polypiers. Des carrières sont ouvertes dans les assises du bas. Malgré les diffi¬ cultés d’accès, on a tenté d’exploiter la pierre blanche du haut; mais ces tentatives ont échoué en raison de la grande quantité de crevasses qui fendillent la roche en tous sens, et la fragmentent jusqu’à une grande profondeur. II. ÉPOQUE CÉNOMANIENNE c. Sables et grès bigarrés Ces couches, qui s’observent aux environs de Saint-Nazaire à l'état de traces sur les hauteurs, et en masses importantes dans le fond des vallées de la Bourne et de l’Isère, reposent en discordance de stratification sur le calcaire Urgonien. J’ai examiné sur plu¬ sieurs points le contact de ces deux formations, et j’ai vu qu’il se faisait toujours suivant une surface des plus irrégulières ; les Sables bigarrés épousent toutes les sinuosités delà roche sous-ja- LA BAUME d’üOSTON 5 cente, respectant les saillies, remplissant les poches et les crevasses. Le calcaire Urgonien a donc été érodé avant le dépôt de ces sables; mais pour dire aujourd’hui quelles sont les couches que cette érosion a dû faire disparaître avant d’attaquer le calcaire à Réquiénies, il faudrait rechercher la hauteur qu’a atteint le faciès coralligène dans la série des terrains crétacés inférieurs de la ré¬ gion. Or, par son importance, cette recherche ne saurait trouver place dans une énumération de terrain aussi succincte que celle que nous faisons. D’inclinaison et de consistance très variables, ces sables et ces grès, d’une puissance approximative de 25 à 30 mètres, ont été à leur tour littéralement déchiquetés par l’érosion, et les lambeaux qui subsistent affectent parfois des formes bizarres, qu accentuent les différences de coloration de la roche, en passant brusquement et à plusieurs reprises, du blanc au jaune et au rouge foncé. L’ori¬ ginalité d’aspect que ces vestiges bigarrés impriment au paysage s’observe surtout aux abords du confluent de la Bourne et de l’Isère, lieu bien connu des excursionnistes attirés dans la région par la splendeur des sites du Vercors et du Royanez. La pauvreté fossilifère de cette formation a rendu son classe ¬ ment difficile. Elle a été généralement prise pour un produit datant de l'Eocène; mais on a une tendance à revenir aujourd’hui sur ce classement; M. Depéret, professeur de géologie à la Faculté des sciences de Lyon, qui a étudié sur d’autres points du Sud-Est des formations analogues, mieux développées qu’à Saint-Nazaire, et surtout mieux partagées sous le rapport des fossiles, croit pou¬ voir les rattacher à l'époque Cénomanienne (1). En adoptant cette classification, j’ajoute que j’ai moi-même constaté une très grande analogie au point de vue pétrographique, entre les sables et grès bigarrés de Saint-Nazaire et les sables et grès Cénomaniens à Ostrea columba des environs d’Orange (Vaucluse). (1) Renseignement verbal qu’a bien voulu me fournir M le Dr Deperet. 6 LA BAUME d’iIOSTUN III. ÉPOQUE TONGRIENNE d. Calcaire blanchâtre à silex pyromaques Sables et grès marneux La première de ces assises, d’une épaisseur variable, mais ne dépassant pas quatre mètres, est bien visible sur les deux rives de l’Isère, ainsi que sur la route de Saint-Nazaire à Pont-en- Royans. Elle contient les fossiles ci-après : Potamides Lamarcki Brongt., variété à granules effacés et à lignes d’accrois¬ sement sinueuses très apparentes. Sphærium (Cyclas) gibbosum Sow. Moules indéterminés de gastropodes. Les sables et grès marneux qui suivent ont une puissance difficile à apprécier, mais que je puis néanmoins estimer à 50 ou 60 mètres. Dépourvus de restes organiques, ils présentent une ressemblance frappante avec les sables bigarrés, auxquels ils ont d’ailleurs emprunté une bonne partie de leurs éléments; et il est bien certain qu’il serait difficile de ne pas les confondre avec ces derniers, si le banc calcaire à Potamides Lamarcki , var., n’était là pour leur imposer une limite inférieure tongrienne , à laquelle ils ne sauraient échapper. Cet âge tongrien doit s’appliquer en effet sans conteste au banc calcaire à silex pyromaques, en raison, non seulement de la pré¬ sence d’une variété du Potamides Lamarcki, mais aussi de celle du Sphærium gibbosum, fossile abondamment représenté dans la plupart des dépôts tongriens de la vallée du Rhône. Il convient également à l’assise des sables et grès marneux superposés, car ces derniers ont leurs analogues dans le Tongrien du bassin de Crest sous forme de marnes sableuses, diversement colorées, subordonnées à la série aquitanienne, et atteignant précisément LA J5ALME d’hOSTUN 7 dans les environs de Grest une soixantaine de mètres d’épaisseur (1). Il faut, du reste, faire observer que cette comparaison avec les terrains du bassin de Crest a une grande importance, car les ter¬ rains tertiaires des environs de Saint-Nazaire, bien que situés à l’Est du pli formé par les montagnes de la Raye et de Musan, font incontestablement partie intégrante de ce bassin. L’ensemble des couches représente donc l’étage Tongrien, mais on remarquera dans ce groupe l’absence des couches marneuses à Cyrènes, si constantes cependant au début de la période des grands lacs Oligocènes. Cette absence s’ajoute à la lacune plus grande qu’entraîne le classement dans le Cénomanien des sables bigarrés inférieurs. IV- ÉPOQUE AQUITANIENNE e. Conglomérat. — Calcaires marneux et Marnes La partie supérieure des couches précédentes est légèrement ravinée par un conglomérat à éléments gréseux et siliceux soudés par un ciment marno -sableux, qui a une quinzaine de mètres de puissance, et se relie intimement à une série de couches intéres¬ santes dont voici la succession de bas en haut : Calcaire marno-sableux à Hélix Ramondi Brongt., et à H. cf. eurabdola Font., avec intercalation à la base de lentilles de conglomérat . lm,50 Marne tendre feuilletée, avec débris de végétaux. . . 0m,20 Lit lignileux . 0m,O2 à 0m,03 Marne tendre feuilletée avec débris de végétaux . 0m,30 Calcaire marneux dur en plaquettes, à Cyrena Gargasensis Math., var. lm,50 Marnes foncées, sans consistance, sableuses à la base, débutant parfois par des plaquettes de grès et contenant plusieurs lits marno-calcaires ou gréseux durs, d’épaisseur variable, avec traces indéterminables (1) Fontannes, Études stratigraphiques, VI, 1880. 8 LA BAUME d’hOSTUN de végétaux monocotylédonés, Hélix Ramondi Brongt. , Limnæa pachygaster Thomæ, Nystia Duchasteli Nyst, Neritina aquensis Math. (1). L 'Hélix Ramondi est très commun dans la première assise de calcaire marno-sableux. Une espèce voisine, à forme déprimée, à péristome précédé d’un fort étranglement, espèce qu’on peut rapprocher de Y Hélix eurabdota Font., s’y trouve aussi assez fréquemment. Un bel affleurement de cette assise fossilifère se voit sur la rive droite de l’Isère, en face de la grange Pérousse, à un kilomètre et demi environ en amont de l’ancien bac de Rochebrune, le long- même du chemin qMi descend perpendiculairement au bord de la rivière. En remontant ce chemin, on trouve, bien développés, les calcaires marneux en plaquettes contenant des empreintes végé¬ tales, et une Cyrène très voisine de Cyrena Gargasensis Math., mais dont elle diffère cependant par un sommet plus gros. Les marnes foncées, dans lesquelles on trouve encore, quoique plus rarement, Y Hélix Ramondi, accompagné d’espèces lacustres, sont en général profondément ravinées par l’érosion. Au droit de notre coupe, la Bourne a creusé son lit dans les marnes de cet horizon. Y,’ âge aquitanien de cet ensemble de couches est suffisamment affirmé par la présence de YHelix Ramondi dans les termes extrêmes de la série. Nous rattacherons à cet âge le conglomérat inférieur qui passe insensiblement, comme nous l’avons vu, aux couches nettement aquitaniennes. Les dépôts se rapportant aux deux époques Tongrienne et Aquitanienne de la période Oligocène n’ont pas été signalés jusqu’à ce jour dans les environs de Saint-Nazaire, où ils occupent cepen¬ dant une surface relativement importante. Je suis heureux d’avoir été amené à réparer cette omission. (1) Les fossiles oligocènes des environs de Saint-Nazaire sont en assez mauvais état de conservation. Je n'ai pu arriver à leur détermination exacte que grâce à l'obli¬ geant concours de M. le Dr Depérel, à qui j'adresse ici mes sincères remerciements. LA 13.4UME D’UOSTUN V. ÉPOQUE HELVÉTIENNE f. Mollasse marine La Mollasse marine est visible à l’ouest de la montagne de Roche- chinard, où elle a été profondément entaillée par l’Isère. J’ai relevé sa position en face de Grange-Vieille, soit à 1 kilomètre et demi environ en aval du pont suspendu de Saint-Nazaire, et l'ai reportée dans le prolongement de la coupe. Mais c’est sur les bords de la Bourne qu’il faut aller chercher la superposition de la Mollasse aux formations oligocènes, et pour la montrer nettement, notre coupe devrait être transportée parallèlement à elle-même à 1 kilomètre environ au nord, ou à quelques centaines de mètres au sud de sa position. En ces points, la Mollasse repose en légère discordance de stra¬ tification sur les marnes aquitaniennes, elle est d’ailleurs fossilifère. Voici les fossiles qu’elle m’a fournis après quelques minutes de recherches : Lamna, dents. Balanus, sp. Pijrula rusticula Bast. Turritélla turris Bast. Ostrea crassissima Lamck. Ostrea Boblayei Desh. Ostrea digitalina Dubois. Anomia costata Broc. Pecten subbenedictus Font. Pecten præscabriusculus Font. Area turonica Duj. Cardium commune Mayer. Le Turritélla turris et YOstrea Boblayei y forment de véri¬ tables bancs. Cette liste, bien que très incomplète, permet de paralléliser les premières assises de la mollasse marine de Saint-Nazaire avec la mollasse à Pecten subbenedictus du bassin de Crest, classée dans Y Ilelvétien inférieur. Sur le versant Est, comme sur le versant Ouest de la chaîne, la Mollasse a été fortement redressée. Le mouvement qui a rompu 10 LA BAUME D’ilOSTUN l’horizontalit primitive des terrains de cette contrée en les brisant et les redressant jusqu’au point de faire apparaître la craie infé¬ rieure à la surface du sol, n’a donc pu se produire qu’à partir de la fin de la période miocène. Si l’on rétablit par la pensée le relief du sol, tel qu’il devait se présenter à la suite de cette for¬ midable poussée, pour le comparer au relief actuel, on peut se faire une idée de l’importance des érosions survenues pendant les périodes suivantes. Ces érosions sont incontestablement l’œuvre de vastes cours d'eau, qui ont du reste laissé d’autres traces de leur ancienne existence : je veux parler des alluvions qu’ils ont déposées, et qu’on observe aujourd’hui à différents niveaux au-dessus du fond de la vallée. VI. PLIOCÈNE SUPÉRIEUR g. Alluvions alpines Les couches g, h, i, sont des dépôts alluviaux, et atteignent les altitudes suivantes : g, 270 à 300 mètres, soit 120 à 150 mètres au-dessus du fond de la va'lce actuelle. Il, 230 à 250 mètres, soit 80 à 100 mètres — — t, 185 à 215 mètres, soit 35 à 65 mètres — — On sait que les caractères distinctifs des alluvions anciennes d’âges différents, tels qu’ils ont été définis par MM. Fontannes, Depéret, Delafond, Torcapel et d’autres savants, sont tirés surtout de deux considérations différentes : 1° La disposition topographique des dépôts alluviaux. 2° Le degré d' altération et la nature de leurs éléments. L’étude du premier de ces facteurs a fait reconnaître une grande constance à trois niveaux différents d’alluvions anciennes, tandis LA BAUME D’HOSTUN 11 que l’examen de leur constitution intime a fait ressortir l’existence d’une corrélation entre ces diverses altitudes, le degré d’altération des éléments et l’âge des alluvions ; l’altitude la plus élevée cor¬ respondant à l’altération la plus profonde et à l’âge le plus ancien . Comme l’indiquent les altitudes ci-dessus des terrasses <7, h,i, les trois horizons d’alluvions anciennes se retrouvent aux environs de La Baume d’Hostun. Les éléments qui les constituent sont pour la plupart d’origine alpine, car les cours d’eau qui les ont amenés prenaient leur source à des glaciers plus ou moins localisés dans la région des Alpes. Tout autour, et jusqu’à une grande distance de cette région alpine, on a observé, s’intercalant entre les nappes alluviales, des formations morainiques qui ont permis de reconstituer au moins trois grandes extensions glaciaires. Une seule de ces extensions — la deuxième — a laissé des traces incontestées dans la vallée du Rhône ; mais le fleuve de glace qui occupait à cette époque la dé¬ pression suivie aujourd’hui par l’Isère, n’est jamais descendu jus¬ qu’à la Baume d’Hostun, en sorte que les moraines en place y font absolument défaut. Cependant le glacier de l’Isère s’est approché suffisamment du point qui nous intéresse pour qu’il soit possible de distinguer ses dé¬ jections remaniées des alluvions nettement fluviatiles. Si Ton joint à cette donnée les conclusions qui découlent de la considération de l’altitude et de l’altération des nappes de cail¬ loux, nous aurons des éléments suffisants pour la détermination de l’âge des terrasses g, h et i. La couche g est une ancienne terrasse ravinant les Sables bi¬ garrés. Entamée elle-même par des ruisseaux qui se sont taillés dans sa masse de véritables lits de torrents, elle est réduite à l’état d’îlots, très accessibles à l’observation. A première vue, on pourrait supposer que ce cailloutis est interstratifié entre les Sables bigarrés et les couches tongriennes d, et cela d’autant mieux que la présence d’un conglomérat attribué au Tongrien a été constatée à ce niveau parM. Fontannes dans le bassin de Crest. 12 LA DAUME D IIOSTUN Mais eu examinant la ligne de contact des deux formations, on peut se convaincre que le conglomérat s’est déposé en partie sur la tranche des couches inclinées des Sables bigarrés, suivant une surface irrégulière mais sensiblement horizontale; d'où il suit que l’ablation des sables, et par suite le dépôt des alluvions, n’a pu se produire qu’après le soulèvement de ces couches, c’est-à-dire postérieurement à la période Miocène. Cette terrasse est formée de cailloux roulés alpins, souvent agglomérés en poudingues par un ciment calcaire assez dur. Les éléments sont composés essentiellement de quartzites, de roches feldspathiques et de calcaires anciens. La surface des quartzites est rugueuse et quelque peu jaunâtre, les éléments feldspathiques sont en voie de kaolinisation, et les calcaires sont parfois légè¬ rement impressionnés. Sur certains points, les cailloux sont emballés dans un sable ferrugineux; sur d’autres plus nombreux, ils sont enduits d’un ciment calcaire qui donne à la masse l’aspect d’une véritable maçonnerie de béton. Cependant, pris dans leur ensemble, ces caractères d’altération sont moins accentués que dans les ter¬ rasses de même niveau des environs de Lyon. L’argile jaune ou rouge, si caractéristique des hautes terrasses lyonnaises, fait ici défaut. Mais, par son faciès ancien, par son altitude considérable au- dessus du fond de la vallée actuelle, ce lambeau isolé ne peut pas être confondu avec les terrasses alluviales h et i. L’altération rela¬ tivement faible de ses éléments doit être attribuée, sans doute, à ce que l’accès des eaux d'infiltration a été promptement gêné par le calcaire que ces eaux mêmes déposaient dans les interstices des cailloux. Par assimilation avec des alluvions de même horizon, dans lesquelles on a trouvé ailleurs des restes de YElephas meridio - nalis, la terrasse g doit être classée dans le Pliocène supérieur . L\ IUUME I) IIOSTUN VII. QUATERNAIRE h. Alluvions alpines préglaciaires La couche h est la terrasse sur laquelle repose le tuf coquillier qui nous occupe. C’est une terrasse bien distincte de la précédente, qui ne s’élève nulle part à plus de cent mètres au-dessus du fond de la vallée actuelle. Elle se compose de cailloux roulés, emballés dans un sable gris, quartzeux, non terreux ; le cailloutis comprend surtout des quartzites, des gneiss et des schistes amphiboliques, du granité, de la diorite, de la serpentine, du quartz et des cal¬ caires diversement colorés ; j’y ai noté également de la protogine du Pelvoux, du jaspe et quelques débris d’huîtres fossiles roulés. A part quelques rares exceptions, ces cailloux sont fort peu altérés et paraissent fraîchement lavés. La partie supérieure delà terrasse présente, il est vrai, des symptômes d’altération, mais la zone contaminée ne dépasse pas lm,50 à 2 mètres de profondeur. Cette formation n’est plus représentée, dans la vallée de l’Isère, que par quelques vestiges, tandis qu’il en existe des restes impor¬ tants dans la vallée de la Bourne. Sur la rive gauche de celle-ci, on peut observer, entre la Motte-Fanjas et Saint-Nazaire, un de ces lambeaux qui a une quarantaine de mètres de puissance, et forme un bel escarpement visible sur plus d’un kilomètre de lon¬ gueur. Ravinant la terrasse Pliocène, la Mollasse marine, les couches Oligocènes et les Sables bigarrés, cette nappe alluviale, dont l’horizon correspond exactement à celui du lambeau qui supporte le tuf du château de La Baume, est interrompue, à 25 ou 30 mètres au-dessus de sa base, par un banc de sable très argi¬ leux, de 6 à 7 mètres de puissance, qui supporte à son tour une nappe de gravier de 5 à 6 mètres d’épaisseur. Le gravier supé¬ rieur au banc de sable renferme une grande quantité de roches 14 LA BAUME d’iIOSTUN feldspathiques, tandis que le gravier inférieur m’a paru en contenir beaucoup moins. Cette intercalation de sable argileux et ces variétés de cail— loutis indiquent qu’il s’est produit des changements de régime dans les cours d’eau de cette époque, changements dus à des accidents locaux qu’il serait difficile d’analyser. Par analogie avec des dépôts semblables d’autres régions dans lesquels on a découvert une faune quaternaire, la terrasse h ne peut être classée que dans le Quaternaire. i. Alluvions alpines postglaciaires La couche i est la troisième terrasse, la moins élevée et la mieux conservée des trois. C’est elle qui, en s’abaissant progressivement, forme la basse vallée de l’Isère. Ses éléments sont au point de vue de l’altération semblables à ceux de la terrasse h. Mais ce qu’il faut signaler ici, c’est la présence d’un entassement irrégulier, sur¬ tout vers la base, de gros blocs peu roulés, dontle diamètre varie de 30 à 60 centimètres, et atteint ou dépasse exceptionnellement! mè¬ tre. Le calcaire Urgonien et la Mollasse marine s’y trouvent côte à côte avec les roches cristallines des Alpes. Ce sontlà, à n’en pas douter, les épaves d’une moraine voisine disloquée par la débâcle du glacier qui s’était avancé dans la vallée de l’Isère jusqu’aux environs de Yinay, c’est-à-dire à 20 kilomètres à peine en amont du point qui nous occupe. La coupe faite par l’Isère dans cette terrasse permet d’en mesu¬ rer la puissance; elle est d’une vingtaine de mètres. En l’exami¬ nant de bas en haut, on remarque que les gros blocs, communs d’a¬ bord, s’éclaircissent peu à peu pour faire place à des cailloux arrondis de plus petite taille; on voit ainsi se compléter progres¬ sivement le travail de trituration et de charriage exercé par les eaux du torrent quaternaire qui s’allongeait au dépend du glacier en voie de recul. Cette terrasse g est donc contemporaine du retrait des glaciers LA BAUME DHOSTUN 1 5 (le la vallée du Rhône ; elle est Postglaciaire, ou Inter glaciaire, si l’on veut rappeler la période qui a vu les glaciers sortir une troisième fois de leurs cantonnements alpins. Une considération venant confirmer ce classement, est la hauteur de 15 mètres qu’a la base de la terrasse au-dessus du fond de la vallée, car on sait qu’à l’époque du dépôt des alluvions post¬ glaciaires, le Rhône et ses affluents coulaient à une quinzaine de mètres au-dessus de leur niveau actuel. La terrasse h, plus élevée que la terrasse i, a été ravinée avant le dépôt de cette dernière. D’autre part, la forme arrondie et la petite taille de ses éléments, qui annoncent un charriage prolongé, ne s'accordent pas avec l’hypothèse d’un voisinage glaciaire. Par suite, le dépôt de cette terrasse n’a pu que précéder la grande extension des glaciers; elle est donc Préglaciaire , et c’est ce dernier âge qu'il convient de fixer comme limite inférieure à la for¬ mation du tuf coquillier du château de La Baume d'Hostun. k. Tuf calcaire coquillier Le massif de tuf du château de La Baume a une forme assez irrégulière. On peut cependant lui attribuer comme dimensions moyennes : 400 mètres de longueur, 100 de largeur et 30 à 45 de hauteur, ce qui correspond à un volume approximatif de 1 mil¬ lion 500.000 mètres cubes. Sa partie supérieure atteint l’altitude de 290 mètres. Constitué en majeure partie par un calcaire blanchâtre, dur et caverneux, ce tuf renferme quelques parties terreuses sans cohésion et des traces charbonneuses. Il est recouvert, sur certains points, par lm,50 à 2 mètres de terre végétale. Sa formation est due à un phénomène ordinaire d’infiltration. La source qui l’a édifié existe encore, mais ne construit plus aujour¬ d’hui, car elle a fini au contraire par s’encaisser à la longue dans ses propres dépôts. Lorsqu’elle construisait, cette eau devait, selon 16 LA BAUME d’ïIOSTUN toutes probabilités, s’échapper de plusieurs fissures, ruisseler et tomber en cascades sur une grande surface inclinée. Puis, le tuf, se déposant peu à peu, a dû aveugler successivement ces dif¬ férentes issues en ramenant, à mesure, les eaux sauvages dans un chenal unique qui se rétrécissait lentement. Ce chenal est aujour¬ d’hui très étroit ; il se creuse dans le tuf même, et les eaux le par¬ courent avec rapidité pour aller se perdre dans les alluvions postglaciaires de la base. La stratigraphie nous a montré que ce tuf a pu commence r à se former immédiatement après le dépôt des alluvions prégla¬ ciaires, c’est-à-dire pendant la phase de réchauffement qui a amené et suivi la fonte des grands glaciers. Mais, pour l’attribution d’une limite supérieure, autrement dit pour la recherche de l’époque à partir de laquelle le tuf a dû ces¬ ser de se former, la stratigraphie est muette à la Baume d’Hostun. Cette lacune est très heureusement comblée par la paléontologie. Nous avons vu plus haut, en effet, qu’en se formant, ce tuf avait emprisonné un grand nombre de coquilles appartenant aux mol¬ lusques qui peuplaient à cette époque le versant Ouest de la mon¬ tagne de Rochechinard. M. Locard, par l’étude qu’il a bien voulu faire de ces fossiles, étude que le lecteur trouvera consignée dans une notice publiée à ce sujet, nous renseigne sur cette limite supé¬ rieure, et, par une interprétation judicieuse des modifications sur¬ venues depuis lors dans la faune malacologique de la contrée, parvient à classer rigoureusement cette intéressante formation. On pourrait souhaiter, en terminant, que les nombreuses em¬ preintes de végétaux contenues dans les parties travertineuses du tuf, fissent l’objet d’une étude spéciale venant corroborer nos con¬ clusions et contribuer à faire du gisement de La Baume d’Hostun un horizon bien déterminé pouvant servir de point de repère pour un travail plus général sur ces dépôts tufacés, si abondants dans toute la vallée de l’Isère. NOTE SUR LES COQUILLES TERRESTRES DE LA FAUNE QUATERNAIRE DE LA BAUME D’IIOSTUN (Drôme) PAR A. LOCARD — *<>«- Les tufs calcaires coquillicrs de la Baume d'IIoslun ont été é'udiésau point de vue géologique parM. Élie Mermier(l). Nous n’avons donc pas à revenir sur ce sujet. Mais, à la demande de notre collègueide la Société Linnéenne de Lyon, nous avons examiné les nombreux fossiles qu'd a recueillis dans ces tufs, et]il nous a paru intéressant de faire connaître le résultat de cet examen. La question envisagée sous ce point de vue pré¬ sente d’autant plus d’intérêt, qu’elle va nous permettre de faire ressortir quelques formes nouvelles et de préciser avec un peu plus d'exactitude l’âge de ces tufs. Ces dépôts coquilliers ont une] consistance très variable et semblent renfermer une faune aussi riche que variée. Lorsqu’ils sont un peu tendres, l’extraction des Mollusques en est facile ; ils se détachent en blanc mat sur un fond d’un roux clair, et parfois sont dans un admirable état de conservation. Tous appartiennent à la faune terrestre. Nous aurons donc à les comparer soit avec d’autres formes fossiles déjà connues du bassin (t) liermier, Elle, 1890. Aperçu géologique sur les environs de la Baume d'IIoslun (Drôme), 1 br. gr. in-8, 20 p. Soc. Lin.n., T. XXXVIIl 2 18 LES COQUILLES TERRESTRES du Rhône (1), soit avec la faune vivante du département de la Drôme dont il vient d’être donné deux excellents catalogues (*2). H E L I G I D Æ Genre SUGCINEA, Draparnaud. Succinea oblonga, Draparnaud. Succinea oblonga, Draparnaud, 1801. Tabl. moll., p. 56. — 1805. Hist. moll., p. 59, pl. III, flg. 24-25. — Locard, 1882. Prodrome, p. 32. Le Succinea oblonga vit aujourd’hui encore dans un assez grand nombre de stations du département de la Drôme; de toutes les Succinées, c’est l’espèce qui peut vivre le plus loin des ruisseaux ; ainsi s’explique sa présence dans cette formation qui ne renferme absolument que des coquilles terrestres. Cette forme ou tout au moins des formes extrême¬ ment affines vivaient dans les formations quaternaires. On les retrouve même jusque dans le Norwich-Crag d’Angleterre qui répond au Pliocène supérieur ; mais la forme actuelle diffère un peu de celle qui vivait à l’époque des dépôts du Lehm ancien dans les environs de Lyon et se rapproche davantage de la faune fossile des tufs de la Drôme. — Assez rare. Genre HYALINIA, Agassiz. Hyalinia septentrionalis, Bourguignat. Zonites septentrionalis, Bourguignat, 1870. Moll. nouv. lit., in Rco. mag. zool., XXII, p. 17, pl. XVr, fig. 4-6. (1) A. Locard, 1879. Description de la faune malacologique des terrains quaternaires des environs de Lyon, I vol. gr. in-8. A. Locard, 1880. Nouvelles recherches sur les argiles lacustres des terrains quaternaires des environs de Lyon, 1 vol. gr. in-8. (2) Clialcnier (Constant), 1888. Catalogue des mollusques terrestres et fluviatiles observés dans le département de la Drôme, Romans, 1 vol. gr. in 8. (In Bull. Soc. sc. nat. Drôme). Sayn (Gaston), 1888 1889. Catalogue des mollusques terrestres et fluviatiles du départe¬ ment de la Drôme (avec le concours de M Paul Fagot), in Bu'l. Soc. malac. France, t. V, et VI. DE LA BAI ME d’uOSTUN J 9 Uyalinia septentrionalis, Locard, 1880. Éludes variât. malac.,\, p. 42. — 1884. Prodrome , p. 38. Nous rapportons à celte espèce une forme de Hyalinie bien déprimée en dessus, assez fragile, et qui présente la plus grande analogie avec le type actuellement vivant et répandu dans une grande partie de la France. M. G. Sayn signale cette espèce il Monlvcndre, dans le parc de Saint- Vallier. Nous connaissons cette forme à l'état fossile dans les argiles de la vallée de la Saône, en amont du pont de Fleurville (Saône-et- Loire), mais elle y est plus rare et de tail’e plus petite (1). — Peu commun. Hyalinia Blauneri, Schdttlewortu. Hélix Blauneri , Schutllewortb, 1843. En Mit. Gesellsch. Bern , p. 13. Hyalinia Blauneri, Locard, 1880. Études var. malac., I, p. 43.— 1882. Prodrome, p. 37. Nous rattachons à cette espèce plusieurs individus de taille un peu petite, mais avec ce galbe parlculièrement râblé qui caractérise si bien ce type. M. G. Sayn la signale à l’état vivant dans quelques localités du département de la Drôme. Nous la connaissons â l’état fossile dans les brèches osseuses de Corse à Lagomys Corsicanus. — Peu commun. Hyalinia neglecta, P. Fagot. Hyalinia neglecta, P. Fagot, 1888. Cat. descr. moll. reg. Toulouse, p. 84. Quoique le type de cette espèce ait été cité uniquement dans les envi¬ rons de Toulouse, nous croyons qu’il possède une assez grande extension géographique. Encore assez mal connue, cette forme se distingue du Hyalinia lucida par son galbe plus aplati, par ses tours moins convexes, à croissance plus lente et plus régulière, avec un ombilic un peu moins large et un peu moins évasé ; etc. L’échantillon fossile que nous avons reçu de la Drôme, présente la plus grande analogie avec les types que nous devons à l’extrême obligeance de M. P. Fagot. — Rare. (1) Pour tout ce qui concerne l'historique des espèces que nous aurons à citer, au point de vue de leur anricnnelc géologique, nous renvoyons au tableau que nous avons publié en 1881, in : Etudes sur les variations malacologiejuts, II, p. 220 à 230. 20 LES COQUILLES TERRESTRES Hyalinia Dutaillyana, J. Mabille. Zonites Dutaillyanus, J. Mabille, 1878. In Arch. Malac., 3e fasc., p. 53. Hyalinia Dutaillyana, Locard, 1880. Études variât. malac., I, p. 52. — 1882. Prodrome ; p. 41. Le Hyalinia Dutaillyana est une espèce plus particulièrement localisée dans l’est et dans le centre de la France; nous ne la connaissons pas vivante dans la Drôme; cependant nous croyons pouvoir y rapporter avec certitude un individu bien conservé, quoique un peu empâté dans sa gangue, qui nous a été communiqué par M. Mermier. Celte espèce nous est inconnue à l’état fossile dans d'autres stations. Hyalinia diaphana, Studer. Hélix diaphana , Studer, 1820. Kurz. Verzeichn., p. 86. Hyalinia diaphana, Agassiz, 1837. In Charpentier, Moll. Suisse, p. 17. — Locard, 1882. Prodrome, p. 49. M. G. Sayn a signalé celte petite espèce vivant dans plusieurs stations de la Drôme; c’est en somme yne forme assez répandue dans toute la partie centrale du bassin du Rhône, mais assez difficile à observer à cause de sa petite taille. Cette même forme se trouve à l’état fossile dans le Pleistocène moyen et supérieur de la Saxe, dans les alluvions du Danube et le Loess de la vallée de l’Elbe; nous l’avons signalée dans le Lehm le plus récent des environs de Lyon. — Assez rare. Hyalinia subnitens, Bourguignat. Zonites subnitens, Bourguignat, 1870. In J. Mabille, Hist. malac. bass. Parisien, p. 1 16. Hyalinia subnitens, Locard, 1879. Faune malac. quatern. Lyon., p. 19. — 1882. Prodrome, p. 40. Cette espèce si bien caractérisée, vit actuellement dans les parties élevées du département ; M. G. Sayn l’a signalée dans plusieurs stations ; mais la forme vivante est absolument normale, tandis que les échan¬ tillons fossiles atteignent une taille considérable. Ainsi, le type, tel qu’il a été décrit, mesure de 7 à 10 millimètres de diamètre, tandis que les fossiles de la Baume d’IIostun atteignent jusqu’à 14 millimètres; ils constituent donc, par rapport au type une var. major; cette variété paraît en même temps un peu plus renflée, avec le dernier tour un peu plus DE LA BAUME D ÜOSTUN ■21 gros que dans le type. Nous avons signalé le type fossile du Ihjalinia subnitens dans les marnes quaternaires de Collonges, dans les argiles lacustres de Gerland, et dans le Lehm d’Irigny, dans le département du Rhône. — Commun. Genre HELIX, Linné. Hélix Depereti, Locard. Coquille d’un galbe globuleux, un peu déprimé, de grande taille, très convexe et un peu plus développée en dessus qu’en dessous. — Spire com¬ posée de cinq à cinq et demi tours, les premiers à croissance régulière, à profil simplement convexe; dernier tour très gros, exactement arrondi en dessus comme en dessous, s’infléchissant rapidement, mais sur une faible longueur à son extrémité, légèrement plus dilaté dans cette partie. — Suture peu profonde quoique bien accusée. — Sommet lisse et obtus. — Ouverture grande, très oblique, ovalaire, un peu plus large que haute, assez échancréepar l’avant-dernier tour. — Péristome discontinu, bien arrondi depuis sa naissance dans le haut, jusqu’à la partie la plus inférieure, se rejoignant ensuite avec la columelle par une ligne droite, légèrement réfléchi dans la partie arrondie, plus épaissi et comme comprimé dans la partie droite. — Ombilic nul. — Test solide, assez épaissi, orné destries longitudinales un peu flexueuses, un peu fines, irrégulières, rapprochées. — Hauteur totale, 20 à 22 ; diamètre maximum, 30 à 32 millimètres. Cette belle espèce, la plus grosse et la plus commune du gisement de la Baume d’Hostun appartient incontestablement, plus encore par ses carac¬ tères aperturaux que par son galbe, au groupe de YHelix nemoralis (1). C’est de celte dernière forme qu’elle se rapproche le plus ; mais elle constitue un type nouveau et tout différent. Nous lui donnons le nom de notre savant ami M. Charles Depéret, professeur de géologie à la Faculté des sciences de Lyon. C’est incontestablement l’espèce domi¬ nante et tout à fait caractéristique de ces dépôts. Comparé à YHelix nemoralis, YHelix Depereti s’en distinguera : à sa taille plus grande, car nous ne connaissons pas de colonies d'Helixnemo- ralis dans lesquelles les sujets normaux aient une taille pareille à ce (I) Hélix nemoralis , Linné, 1758. Systema naluræ, édit. X, p. 773. 22 LES COQUILLES TERRESTRES type (1); par son ensemble plus surbaissé, qui rappelle plutôt le galbe de V Hélix vermiculata (2); par son dernier tour plus régulièrement arrondi dans son profil ; par son ouverture proportionnellement plus grande et encore plus allongée dans le sens transversal ; par son périslome plus épais, plus renversé dans la partie arrondie; par scs stries plus fines; etc. En résumé, nous ne saurions mieux faire comprendre cette espèce qu’en disant qu’elle sert d’intermédiaire entre l 'Hélix nemoralis et YHelix ver - miculata. Dans le grand nombre d’échantillons qui nous été communiqués, nous avons observé quelques variations. A côté du type tel que nous venons de le décrire, nous signalerons une var. globulosa, dont la spire est un peu plus haute, et qui donne à l’ensemble un faciès plus globuleux. Chez quelques sujets on constate encore des traces de bandes ornementales, ces échantillons sont en minorité. Ils répondent aux formules 003 | 45, 103 | 45 et 123 | 45. Hélix sylvatica, Draparnaud. Hélix sylvatica , Draparnaud, 1801. Tabl. moll.,\>. 79. — 1805. Ilist. moll., p. 93, pl. VI, fig. 1-2. — Locard, 1882. Prodrome , p. 58. Le département de la Drôme est un de ceux ou l’on trouve l’IIelix sylvatica en plus grande abondance. Mais il y est très polymorphe; dans les basses montagnes, sa taille atteint celle de l 'Hélix nemoralis, tandis qu'il devient de plus en plus petit à mesure qu'il s’élève en altitude. La forme fossile est de taille moyenne, et conforme au type vivant; on voit encore sur les échantillons des traces de bandes ornementales répondant à la formule : : 3 | 45. Nous avons déjà signalé cette espèce à l’état fossile dans le Lehrn et dans les argiles lacustres des environs de Lyon où elle est toujours rare. Elle se rencontre également dans le Pleistocène inférieur et moyen des duchés de Nassau et du Wurtemberg, et dans les formations quaternaires delà plaine vaudoise en Suisse. — Assez commun. (1) Les plus gros échantillons d' Hélix nemoralis que nous ayons rencontrés dans le hassin du Rhône ne mesurent que 2î millimètres de hauteur et 28 de diamètre (Locard, 1880. Et. variations mal. ic., I, p. 172). Nous nous sommes procure des échantillons d'Helix nemoralis vivants, pris dans la même localité que l’ Hélix Depereti, et les plus beaux ne mesurent que 18 millimètres de hauteur pour 25 de diamètre. (2) Hélix vermicu’ala, Millier, 1 77 i . Vérin, terr. flao. hist., II, p. 20. D2 LV J3AUM2 d'hOSTUN 23 Hélix fruticum, Muller. Hélix fruticum, Millier, 1774. Yerm. terr. fluv. hist., Il, p. 71. — Locard, 1881. Prodrome, p. 60. L'Helix fruticum n’est actuellement pas très répandu dins le départe¬ ment delà Drôme; il est surtout localisé ; les formes fossiles sont confor¬ mes au type vivant, et d’une taille assez belle, puisqu’elles mesurent 18 de hauteur pour 23 de diamètre ; leur galbe est un peu globuleux et tend ainsi à se rapprocher de l’espèce suivante. Nous connaissons également cette forme fossile, mais de taille un peu plus petite, dans le Lhem et dans les argiles lacustres des environs de Lyon. On l’a signalée à l’état fossile dans un grand nombre de dépôts quaternaires, dans la Somme, l’Oise, l’Alsace ; depuis le Pleistocène inférieur, dans le duché de Nassau, le Wurtemberg, la Bavière, la Saxe, la Silésie, en Autriche aux environs de Vienne; dans les dépôts pleistocènes supérieurs des vallées du Mein, de l’Elbe, du Danube, en Angleterre et en Suisse ; etc. — Assez commun. Hélix Mosellica, Bourguignat. Hélix Mosellica, Bourguignat, 1878. Test. nov. moll., n° 131. — Locard, 1881. Prodrome, p. 60 et 307. MM. C. Chatenier et G. Sayn n’ont pas encore signalé cette espèce dans la Drôme; elle vit cependant dans la partie centrale du bassin du Rhône où nous l’avons rencontrée plusieurs fois ; voisine de V Hélix fru¬ ticum, elle s’en distingue : par sa taille un peu plus petite, par son galbe plus globuleux avec une spire plus élevée, par son ombilic un peu plus étroit, etc. Nous en avons observé un échantillon bien caractérisé dans les tufs de la Baume d’Hostun. Hélix strigella, Draparnaud. Hélix strigella, Draparnaud, 1801. Tabl. moll., p. 84. — 1806. Hist. moll., p. 84, pl. VII, fig. 1-2. — Locard, 1882. Prodrome, p. 61 et 308. On sait que le type de Draparnaud lui avait été envoyé de la Drôme où Faure-Biguet l’avait recueilli. La forme fossile diffère peu de la forme vivante; elle mesure 14 de hauteur pour 18 de diamètre maximum, ce qui correspond à une très belle taille. Nous connaissons cette forme fos- 24 LES COQUILLES TERRESTRES sile dans le Letam au sud de Lyon, et dans les argiles de Gerland ; mais elle est toujours rare et de plus petite taille. On observe cette môme coquille fossile dans le Pleistocène moyen et supérieur de la Saxe et de la Thuringe, dans le Loess des vallées du Mein, de l'Elbe, dans le canton de Saint-Gall, la plaine vaudoise, etc. — Rare. Hélix incarnata, Muller. Hélix incarnata, Millier, 1774. Verm. terr. flux, hist., II, p. 03. — Locard, 1882. Prodrome , p. G7. Dans notre Prodrome, nous avons signalé cette espèce vivant dans le département de la Drôme, d’après le catalogue manuscrit de Sionest, son amiFaure-Biguet l'avant rencontrée à Crest, à la fin du siècle dernier. 11 semblerait que cette forme a disparu du département ou tout au moins quelle y est exceptionnellement rare, car ni M. C. Chatenier, ni M.G. Sayn no l'ont retrouvée. Elle est pourtant commune à l’état fossile et de très belle taille ; les échantillons mesurent de 10 à 12 de hauteur pour 15 à IG de diamètre; ils ont en général le pôristome fort et peut-être plus développé et plus évasé que chez la plupart des échantillons vivants du bassin du Rhône. Nous avons observé un très joli échantillon subscalaire fossile, dans lequel les trois derniers tours sont de plus en plus fortement étagés les uns au-dessus des autres. Nous ne connaissions pas encore cette forme à l’état fossile dans nos régions, quoiqu’elle ait été déjà signalée dans le Pleistocène moyen du Wurtemberg et de la Saxe, ainsi que dans le Thallôss de la vallée de l’Elbe. — Commun. Hélix Mermieri, Locard. Coquille de grande taille, conique-globuleuse, un peu surbaissée, beau¬ coup plus développée en dessus qu’en dessous. — Spirecomposéc de six tours serrés, à croissance très régulière, à profil bien convexe; dernier tour nettement anguleux depuis sa naissance jusqu’à son extrémité, bien arrondi en dessus, bien convexe en dessous. — Suture assez profonde, marquée surtout par le profil des tours. — Sommet lisse, obtus, un peu brillant. — Ouverture très échancrée, très étroite dans le sens de la hau¬ teur, en forme de croissaut, exactement inférieure. — Péristome faible¬ ment arrondi, un peu épaissi et légèrement réfléchi, recouvrant complète¬ ment l’ombilic. — Test solide, épais, crétacé, orné de stries longitudinales DE LA BAl’ME D'iIOSTUN 25 un peu flexueuses, assez régulières et assez fortes. — Hauteur totale, 4 à 5 millimètres ; diamètre maximum, 6 à 8 millimètres. Cette espèce que nous considérons comme nouvelle, et à laquelle nous sommes heureux de donner le nom de celui qui nous l’a fait connaître, se rapproche de V Hélix edentula (1), mais elle s’en distingue: par sa taille plus grande ; par son galbe plus surbaissé; par ses tours de spire plus convexes, séparés par une suture plus accusée ; par son ouverture plus étroite; par son dernier tour bien plus caréné; par son ouver¬ ture plus étroite ; etc. UHelix edentula a été cité dans la Drôme, par MM. C. Chatenier et G. Sayn; mais ils n’ont signalé aucune variété se rapprochant de ce type. — Assez commun. Hélix limbata, Dkaparnaud. Eelix limbalct, Draparnaud, 1803. Hist. moll., p. 100, pi. VI, fig. 29. — I.ocard, 1882. Prodrome , p. 69. L’ Hélix limbata ni aucune de ses formes aftines n’ont jamais été signalés vivants ou fossiles dans le département de la Drôme. Nous en avons cependant observé un échantillon bien caractérisé dans les tufs de la Baume d’IIoslun ; comme taille et comme galbe, il se rapproche beau¬ coup de ceux de la France centrale et méridionale; il mesure 9 1/2 de hauteur pour 14 de diamètre; la carène caractéristique est traduite sur notre fossile par une ligne très blanche, comme calcaire, qui se détache sur un fond un peu plus teinté. — Très rare. Hélix ciliata, Venetz. Hélix ciliata , Yenclz, 1820. In Studer, Iiurzes Verzeichn., p. 86. — Locard, 1882. Prodrome, p. 70. Il est assez difficile, nous le reconnaissons, de distinguer à l’état fos¬ sile, l'Helix ciliata de \'H. cinctella. ($), cependant il y a un critérium que nous tenons pour absolument certain, c’est celui de la forme du péri— stome, lorsque les coquilles sont bien adultes. Or, les échantillons des tufs de la Baume d’IIostun que nous rapportons à V llelix cinctella sont de très petite taille, puisqu’ils ne mesurent que 8 millimètres de diamètre (1) Hélix depilata, Draparnaud, 1801. Tabl. moll., p. 72 (non Pfeiffer). - Hélix edentula, Draparnaud, 1808. Hist, moll., p. 80, pl. VIII fig. 11. (2) Hélix cinctella, Draparnaud, 1801. Tabl. moll., p. 87. — 1803. Hist. mol/., p. 99, pl. VI, fig. 78. — Locard, 1882. Prodrome, p. 70. 26 LES COQUILLES TERRESTRES pour 4 3/4 de hauteur totale; mais ils sont absolument adultes; leur péristome très développé est droit et uu peu tranchant dans le haut, mais bien réfléchi dans tout le b is, et accompagné sur tout son pourtour d’un bourrelet interne. Nous sommes donc bien ici en présence d’une var. minor de YHelix ciliata. Pourtant cette espèce n’a pas été encore rencontrée à l’état vivant dans le département de la Drôme. Hélix sericea, Muller. Hélix sericea, Millier, 1774. Verm. terr. fluv. h>st., TI, p. G2. — Locirni, 1882. Prodrome, p. 73 C’est avec quelques points de doute que nous donnerons dans ce travail les déterminations spécifiques des formes appartenant au groupe des hispides ; ce groupe soit à l’état vivant, soit à l’état fossile, est encore bien mal connu. MM. C. Chatenier et G. Sayn citent tous les deux dans ce groupe les Hélix sericea, H. plebeia et H. hispida. Nous n’hésiterons pas à rapporter à YHelix sericea des petites formes fossiles au galbe globu¬ leux, à l’ombilic très étroit qui présentent incontestablement la plus grande analogie avec l’espèce vivante laquelle n’est en somme pas rare dans la région. L’Helix sericea ne nous était pas encore connu à l’état fossile dans le bassin du Rhône; on trouve dans le Pleistocène inférieur d’Allemagne des formes voisines ou tout au moins très analogues. — Peu commun. Hélix plebeia, Draparnaud. Hélix plebeium, Draparnaud, 1803. Hist. ,moll., p. 103, pl. VIII, fig. 5. — plebeia, Michaud, 1831. Com.pl. hist. moll. Drap., p.29. — Locard, 1882. Prodrome, p. 73. Nous rapportons à YHelix plebeia une forme voisine de la précédente, ayant comme elle un ombilic étroit, mais d’un galbe plus déprimé, moins globuleux, avec des tours plus arrondis, séparés par une suture plus profonde. Ils répondent bien au type actuellement vivant et sont, en général; d’une belle taille. Dans nos Nouvelles recherches sur les argiles lacustres, nous avons signalé deux formes fossiles de YHelix plebeia, qui correspondent très vraisemblablement à deux espèces ; l’une est le type tel que nous le voyons aujourd’hui, l’autre, que nous avons désignée sous le nom de var. alta, est de même taille, mais d’un galbe plus élevé ; nous voyons ces deux formes dans les échantillons de la Drôme; ils passent presque à YHelix Bourniana de M. Bourguignat. — Assez commun. DE LA RAUME ü’iIOSTUN 27 Hélix Bourniana, Bourguignat. Hélix Bourniana , Bourguignat, 1864. Malac. Grande Chartreuse, p. 5t>, pi. VII, flg. 13. — Locard, 1882. Prodrome, p. 76. Lors do la publication de notre Prodrome, nous ne connaissions cette élégante hispide que dans la station originale où M. Bourguignat l’avait rencontrée pour la première fois. Depuis lors, nous l’avons observée dans un assez grand nombre de localités du bassin du Rhône; mais c’est tou¬ jours une espèce rare, un peu montagnarde. Nous retrouvons cette même forme fossile dans les tufs de la Drôme ; elle diffère de \' Hélix plebeia : par son galbe plus haut, plus globuleux; par ses tours despire notablement plus arrondis, à croissance plus lente et plus régulière ; par son dernier tour moins développé; par sa suture encore plus accusée, par son ouver¬ ture plus petite et plus arrondie ; etc. — Peu commun. Hélix rotundata, Muller. Hélix rotundata, Millier, 1774. Yerm. terr. fluv. hist., Il, p. 29. — Locard, 1882. Prodrome, p. 82. La forme fossile est absolument conforme à l’espèce actuellement vivante, et comme taille et comme galbe ; on distingue même encore sur la surface supérieure de la spire quelques-unes des petites maculatures qui ornaient le test. Nous connaissons celte coquille à l'état fossile dans la plupart des dépôts quaternaires du bassin du Rhône; elle figure déjà dans la faune du Lehm le plus ancien. C’est une de nos espèces vivantes les plus répandues dans les formations quaternaires; on l’a signalée dans les lufsde la Celles, près Moret(Seine-ei-Marne), ainsi que dans la Somme, en Suiss >, dans le Lues - du canton de Saint- Gall et de la plaine Vaud dsc ; dans le Pleistocène inférieur du duché de Nassau, du Wurtemberg, de la Saxe, de la Silésie; dans les alluvions du Danube, de l’Elbe; en Italie, dans les formations quaternaires de la Ligurie ; dans le Pleistocène supérieur d’Angleterre ; etc. — Assez commun. Hélix obvoluta, Muller. Hélix obvoluta, Millier, 1774. Yerm. terr. fluv. hist., II, p. 27. — Locard, 1882. Prodrome, p. 86. L 'Hélix, obvoluta est une des formes terrestres actuellement vivantes, les mieux représentées etl?s plus développées dans les dépôts qui nous 28 LES COQUILLES TERRESTRES occupent. Les échantillons atteignent facilement de 13 à 14 millimètres de diamètre. Cette espèce ne paraît être venue dans nos pays qu’à la fin des dépôts du Lehm ; elle est commune à l’état vivant dans la Drôme, mais, comme l’a fait observer M. G. Sayn, elle se plait davantage entre C00 ou 700 mètres jusqu’à 1200 mètres d’altitude. Celte espèce aujourd’hui bien plus localisée que YHelix rotundata avait, à l’époque quaternaire, à peu près la même extension géologique et géographique; nous retrouvons en effet ces deux espèces presque toujours ensemble et dans les mêmes dépôts. — Commun. Hélix lapicida, Linné. Hélix lapicida, Linné, 1758. Systema naturæ, édit. X, p. 708. — Locard, 1882. Prodrome , p. 89. Actuellement cette espèce est très abondante dans la Drôme, à des altitudes diverses, mais en général un peu localisée. Nous la trouvons en assez grande abondance dans les tufs de la Baume d’IIostun, où elle atteint de belles dimensions; elle mesure de 16 à 17 millimètres de dia¬ mètre et son galbe est assez bombé; c’estégalemcnt ce quenousobservons aujourd’hui dans les colonies d ’ Hélix lapicida qui ne sont pas à de grandes altitudes et qui vivent dans un milieu un peu tempéré et suffi¬ samment humide. Cette espèce, à l’état fossile, est peut-être encore plus répandue que les Hélix obvoluta et //. rotundata ; nous la voyons citée dans presque tous les dépôts quaternaires connus en France, en Suisse, en Allemagne, en Italie, en Angleterre et même jusqu’aux îles Madères ; dans le bassin du Rhône elle ne commence à apparaître qu’avec le Lehm le plus récent. — Commun. Genre ZUA, Leach. I Zua exigua, Menue. Achatina exigua, .Menkr, 1830. Syn. moll., 2e édit., p. 29. Zua exigua , Fagot, 188G. Moll. quat. Toulouse et Villefranche, p. 92. Cette petite espèce parait aujourd’hui assez localisée dans le dépar¬ tement; elle y vivait également à l’époque quaternaire et ne paraît pas s’être bien sensiblement modifiée. M. P. Fagot l’a signalée dans le Lehm de la Haute-Garonne; néanmoins elle est d’origine certainement plus DE LA BAUME d’üOSTUN 29 récente que le Zita subcylindrica, qui aujourd’hui l’accompagne presque toujours. — Assez rare. Genre CÆGILIANELLA, Bourguignat. Cæcilianella Liesvillei, Bourguignat. Cæcilianella Liesvillei , Bourguignat, 1836. Aménités malacologiques, T, p. 217, pl. XVIIT, fig. 6-8. — LocarJ, 1882. Prodrome, p. 135. Nous avons observé un bel échantillon, bien caractérisé de cette élé¬ gante et délicate coquille ; elle n’a pas été signalée à l’état vivant dans la Drôme, quoique nous la connaissions dans la plupart des départe¬ ments environnants, l’Ain, l'Isère, le Rhône, Vaucluse, etc. MM. C. Cha- lenier et G. Sayn n’ont signalé que le Cæcilianella acicula (1). Nous ne connaissions pas le C. Liesvillei à l’état fossile. Mais le C. acicula, espèce très voisine, a été signalé dans le quaternaire de la Somme et de l’Au¬ vergne, dans le Pleistocène moyen et supérieur du Wurtemberg et de la Saxe, dans les alluvions du Danube, et dans le Pleistocène supérieur d’Angleterre. — Très rare. Genre CLAUSILIA, Draparnaud. Glausilia laminata, Montagu. Turbo laminatus, Montagu, 1803. Test. B rit,, p. 33J, pl. H, fig. 4. Cl ausilia laminata, Turton, 1831. Shells Prit., p. 70, fig. 33. — Locard, 1882. Prodrome, p. 140. Les Clausilies paraissent peu nombreuses dans les tufs de la baume d’Hoslun ; nous n'en avons observé que deux espèces seulement. Le Clausilia laminata fossile ne parait pas différer essentiellement de la forme vivant aujourd’hui, réfugiée dans le nord du département, dans les régions boisées. Cette espèce existait déjà en Allemagne dans le Pleis¬ tocène moyen. — Rare. (I) Bucùaum acicula, Muller, 1774. Verm. lerr. /tuv. hist.. H, p.130. üjeciliinella acicula, Baurguigna!, 1834. Améailés malacologiques, (I, p. 217 pl. XVlîl flg. 1 ù 3. — Locard, 1882. Prodrome, p. 133. 30 les coquilles terrestres Clausilia ventricosa, Draparnaud. Clausilia ventricosa, Draparnaud, 1803. Hist. moll., p. 71, pl. IV, fig. 16. — Locard, 1882. Prodrome, p. 142. La seconde espèce de Clausilie fossile doit être rapportée au Clausilia ventticosa qui vit, comme la précédente, de préférence dans les forêts de la région montagneuse. C’est une des plus belles espèces de la région, et qui sans doute est plus commune aujourd’hui qu’elle ne l’était jadis. Celte espèce a déjà été signalée à l’état fossile ; elle vivait, dès l’époque des dépôts du Pleistocène inférieur, en Autriche et en Allemagne ; en France et en Suisse, on l’a également signalée, mais dans des dépôts plus récents. — Rare. Genre ORCULA, Held. Orcula dolium, Draparnaud. Pupa dolium, Draparnaud, 1801. Tabl. moll., p. 38. — 1803. Eist. moll., p. 72, pl. III, fig. 43. Orcula dolium, Ileld, 1837. In Isis von Qken, p. 910. — Locard, 1882. Prodrome, p. 171. Nous ne saurions établir de différences entre la forme fossile des tufs de la Baume d’Hostun et la forme actuellement vivante dans le dépar¬ tement de la Drôme; nous connaissions déjà cette espèce à l’état fossile, dans les argiles lacustres des environs de Lyon ; elle a été signalée dans le pleistocène moyen de l’Allemagne et plus tard en Suisse et en Autriche. CYCLOSTOMIDÆ Genre CYCLOSTOMA, Draparnaud. Cyclostoma elegans, Muller. Nerita elegans, Muller, 1774. Verm. terr. fluv. hist., II, p. 137. Cyclostoma elegans, Draparnaud, 1801. Tabl. moll., p. 38. — 1803. Hist. moll., p. 83, pl. I, fig. 3-8. — Locard, 1882. Pro¬ drome, p. 212. Le Cyclostoma elegans vivant et même fossile est unedes espèces les plus répandues dans toute la région; la forme fossile est d’assez petife tail'e, DE LA BAUME D’HOSTUN 31 et a encore conservé un peu de sa teinte violacée. Nous avons observé cette même coquille dans les dépôts quaternaires des départements du Rhône et de l’Isère ; elle existe également dans d’autres parties de la France, en Allemagne, en Angleterre, en Suisse, en Italie, etc. C’est une des espèces fossiles, faisant partie de la faune vivante, desplus communes et des plus répandues, mais qui descend peu au-dessous du Pieistocène supérieur. — Commun. Genre POMATIAS, Studer. Pomatias patulus, Draparnaud. Cyclostoma patuJum, Draparnaud, 1801. Tabl. moll., p. 39. — 1805. Eist. moll., p. 38, pl. I, fig. 9-10. Pomatias patulus, L. Pfeiffer, 1847. In Zeitschr. für Malac., p. 110. Locard, 1882. Prodrome, p. 216. Le Pomatias patulus vivant n’est pas très répandu dans la Drôme ; c’est une espèce assez localisée, provenant sans doute de stations plus méri¬ dionales ; la forme fossile est conforme à la forme vivante. Nous ne la connaissons pas à l’état fossile dans d’autres contrées. Mais nous savons que le Pomatias septcmspirale existait déjà en Allemagne dans le pieis¬ tocène moyen des tufs de Cannsladt, et en France dans ceux de la Celle près Moret (Seine -et- Marne). — Assez rare. La petite faunule que nous venons de passer en revue se compose d’une trentaine d’espèces appartenant toutes à la faune terrestre. L’examen de cette faune va nous permettre de tirer quelques conclusions relatives à l’histoire de la faune actuelle, ainsi qu’à l'âge et aux conditions dans lesquelles se sont formés les tufs qui les renferment. Tout d’abord au point de vue négatif, nous remarquerons l’absence de plusieurs grands types caractéristiques de la faune actuelle; ici point d’espèces franche¬ ment méridionales parmi les Hélix ou les Ilyalinies, point de Chondrus, de Papas ou de Verligos; un seul Orcula; enfin absence complète des Hélix aspersa et //. pomalia, ou tout autre forme appartenant à ce grand groupe. Cependant Y Hélix aspersa vit en quantité dans la région et 32 LES COQUILLES TERRESTRES M. Mermier nous a déclaré avoir rencontré sur ces mêmes tufs des quan¬ tités à’Uelix pomatia vivant. Enfin, si nous comparons cette faunule avec celle relevée dans les catalogues de MM. C. Chatenier et G. Sayn, nous voyons qu’elle en diffère par plusieurs autres points. Que devons-nous conclure de ces faits? L'Helix aspersa estime forme d’importation relativement très récente dans cette partie du bassin du Rhône. Signalée dans le Thal-Loess et dans les dépôts modernes du Pleislocène supérieur d’Algérie, elle ne nous est connue d’aucun dépôt quaternaire, même des plus récents, de la France ou de la Suisse. C’est incontestablement une forme d’origine méridionale, très probablement introduite en France au moyen âge pour les besoins de l'alimentation maigre des couvents religieux. L'Helix pomatia est au contraire une forme plus ancienne, et qui nous est venue par l’est. On la connaît déjà dans les tufs du Pleislocène moyen de Cannstadt dans le Wurtemberg, puis dans le Thal-Loess de la Suisse. Mais nous ne croyons pas qu’elle ait jamais été signalée dans des dépôts quaternaires français. Elle vivait cependant dans nos pays à l’époque romaine, au moins dans le Lyonnais; nous en avons observé de très nom¬ breux échantillons dans la faunule de Trion (1), c’est-à-dire dans une station remontant aux tout premiers siècles de notre ère. Peut-être même sont-ce les Romains, très amateurs d’escargots, qui ont introduit celte espèce dans nos pays. Avec ces deux caractères négatifs, mais très précis, nous pouvons donc déjà conclure que les tufs de la Baume d’IIoslun ne sont nullement con¬ temporains, et qu’ils appartiennent à une formation réellement quater¬ naire. Parmi les caractères positifs, il y en a plusieurs d’une grande impor¬ tance. Constatons d’abord que, dans notre faunule, il y a certaines espèces qui n’ont pas été signalées par les auteurs qui ont étudié la faune actuelle du pays ; notons les Hyalinia Dutaillyana, Hélix Mosellica, 11. incarnata, II. limbata, H. ciliata, II. Bourniana, Cœcilianella I.iesvillei; parmi celles cïYHelix incarnata , est particulièrement abondant et de taille telle que, s’il eût vécu actuellement, dans les mêmes conditions qu’à l’époque de la formation des tufs, il n’eût certainement pas échappé aux investi¬ gations des naturalistes, comme ont pu leur échapper des espèces rares (1) Locard, 188$. Note sur une faunule malacologu|ue gallo-romaine trouvée eu 1385 dans la mécropole de Trion, à Lyon, p. 4 et 14. 33 DE LA BAUME d’hOSTUN et petites comme les llyalinia Dutaillyana ou Cæcilianella Liesvillei. Or, toutes ces espèces étrangères à la faune actuelle ont un caractère assez particulièrement subalpestre; ce sont toutes des formes du Nord ou de l’Est, et non point du Midi ; donc, c’est par une émigration du nord au sud, ou de l’est à l’ouest que la faune s’est propagée. D’autre part, nous avons eu à signaler soit des variétés, soit des espèces nouvelles. Le Hyalinia subnitens, X Hélix obvoluta, formes égale¬ ment du Nord et de l’Est, atteignent des dimensions particulièrement grandes. Deux espèces sont nouvelles, l 'Ilelix Mermieri que nous ne pouvons par sa taille et par son galbe, comparer avec aucune espèce actuel - lement vivante, etl ' Hélix Depereti, forme ancestrale sans doute, ou tout au moins qui a précédé dans le pays les Hélix nemoralis et H. hortensis. La faune des tufs vivait donc dans des conditions différentes de celles que nous observons aujourd’hui. Revenons un instant sur ce magnifique Hélix Depereti, le fossile émi¬ nemment caractéristique par sa taille comme par son abondance de ces dépôts. Il vivait jadis en compagnie de Y Hélix sylvatica, forme du même groupe ; or, Y Hélix sylvatica a continué à vivre, à se.propager, à se mul¬ tiplier, restant toujours semblable à lui-mème, tandis que YHelix Depe- reli a disparu, pour faire place plus tard à une autre forme encore plus voisine de YHelix sylvatica, YH. nemoralis de la faune actuel'e. Il y a donc eu, comme on le voit, de sérieuses modifications dans la faune; donc très vraisemblablement les milieux où elle vivait étaient diffé¬ rents des milieux actuels. La présence de cette grande quantité de Hya- linies nous permet d’affirmer que ce milieu était particulièrement humide, car, de tous les pulmonés terrestres, ce sont les Hyalinies, avec leur test mince qui redoutent le plus la sécheresse. Avec la taille relativement grande que nous constatons chez quelques formes, nous conclurons que le milieu d’alors était encore plus chaud qu’il n’est aujourd’hui, puis- qu’en général la taille des espèces s’accroît à mesure que la température des milieux où elles vivent tend à s’élever davantage. Donc le milieu d’a¬ lors était à la fois chaud et très humide. En même temps, nous constatons que, dans cette faunule, il n’existe aucune des espèces si caractéristiques des dépôts du Lehm ancien des environs de Lyon ; YHelix arbustonim, les petites formes hispides des Hélix Neyronensis et II. Locardiana font complètement défaut. Or, nous savons qu’à la faune froide des premiers dépôts formés à la suite de la fonte de glaciers, a succédé une faune plus chaude, qualifiée d’intergla- Soc. Linn., t. xxxvnl 3 3f LES COQUILLES TERRESTRES ciaire, et dont nous retrouvons l’équivalent en Angleterre et en Alle¬ magne. C’est à cette faune interglaciaire que nous rattacherons la faune à HeUx Depereti. des tufs de la Baume d’Hostun, et nous les synchroni¬ serons ainsi avec les dépôts des tufs de la Celle près Muret (Seine-et- Marne), ou avec les couches à Corbicula fluminaiis de l’Angleterre et de la Belgique. C’est un horizon encore fort mal connu dans nos régions de la vallée du Rhône; mais sa découverte apporte un nouveau jalon bien précis dans la succession des phénomènes qui se sont passés depuis l’extension des glaciers des Alpes jusqu’à nos jours. INFLUENCE PNEUMOGASTRIQUE SUR LES PHÉNOMÈNES MÉCANIQUES ET CHIMIQUES DE I,A RESPIRATION CHEZ LES OISEAUX CONSÉQUENCES DES PHÉNOMÈNES ASPHYXIQUES PRODUITS PAR LA DOUBLE SECTION, P A R T I C U L I È R E >1 E N T A U POINT DK VUE DK LA FONCTION GLYCOGÉNIQUE PA R E. COUVREUR Présenté à la Société Linnéenne de Lyon le 9 mars 1891 L’influence du pneumogastrique sur la respiration chez les oiseaux, n’a été jusqu’ici, l’objet d’aucun travail d’ensemble : nous nous proposons dans ce mémoire d’étudier cette influence, au point de vue mécanique, au point de vue chimique, et au point de vue des effets généraux, que les troubles respiratoires produits par la double section, ont sur l’organisme. Nous nous sommes servi dans ces recherches, du double procédé de la section, et de l’excitation soit du bout central, soit du bout périphérique. Les sections et les excitations ont été faites dans la région cervicale. I EFFETS MÉCANIQUES a. Influence sur le larynx supérieur. Lorsqu’on sectionne chez un oiseau les deux pneumogastriques dans la région du cou, on voit que, contrairement à ce qui se passe 36 INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE chez les mammifères, les mouvements de la glotte persistent, et sont même exagérés. A chaque mouvement inspiratoire, le larynx est soulevé violemment, et les deux lèvres de la glotte s’écartent largement : le larjmx redescend et la glotte se referme à chaque mouvement expiratoire. Ce fait s’explique si l’on examine la distri¬ bution des nerfs du larynx supérieur. Ceux-ci, qui sont au nombre de deux, sont constitués par une anastomose avec le glosso- pharyngien, qui se détache très haut du pneumogastrique : il n’y a donc pas de récurrent chez les oiseaux, ou plutôt ce nerf se distribue exclusivement à l’œsophage, et ne prend aucune part à l’innervation du larynx supérieur. Il faudrait donc sectionner les pneumogastriques très près de leur sortie du crâne pour produire la paralysie de la glotte. Peut-être même, est-ce le glosso-pharyn- gien qui joue le plus grand rôle dans l’innervation de cette glotte. b. Influence sur le larynx inférieur. Dans les mêmes conditions, on voit que l’oiseau peut continuer à chanter, les quelques filets que le récurrent envoie au syrinx ne sont donc pas indispensables à son fonctionnement. Le nerf moteur de ce syrinx est une branche descendante que l’hypoglosse envoie le long de la trachée, après avoir contracté, non loin de sa sortie du crâne, une anastomose avec le pneumogastrique (1). Le rôle de cette anastomose reste à établir. c. Influence sur le type respiratoire (2). 1° Section unilatérale. — Au moment de la section, l'animal présente une pause en expiration. Celle-ci dure peu : la respiration ne tarde pas à reprendre : elle est un peu ralentie et irrégulière, coupée çà et là par des pauses en expiration; mais, cet effet, n’est que passager; au bout de quelques jours le rythme normal a repris, avec son amplitude et son chiffre ordinaires. 2° Section bilatérale. — Que cette double section soit faite (1) Ces faits, déjà signalés en partie pour le pigeon par Boddaert, sont généraux chez les oiseaux. (2) Les expériences ont été faites sur des pigeons et sur des coqs. INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE 37 immédiatement, ou bien que les deux sections soient faites après un long intervalle (pourvu que l’on ait eu soin de réséquer une certaine longueur du nerf pour empêcher sa réparation), le résultat est le même. Coq. — Immédiatement après la section, les mouvements res¬ piratoires deviennent beaucoup plus rares (3 ou 4 par minute, au lieu de 35 à 40), ils sont en même temps beaucoup plus amples. L’inspiration est peu allongée, l’expiration très brève. Des pauses en expiration d’une durée de quinze secondes environ séparent deux mouvements respiratoires. Ce type dure peu; un quart d’heure après environ, le nombre restant toujours le même (3 ou 4), l’amplitude diminue beaucoup, et tombe même au-dessous de la normale : en même temps on constate un certain changement dans le graphique d’un mouvement respiratoire. L’expiration reste toujours très brève, mais l’inspi¬ ration s’allonge notablement. Si on examine l’animal au bout de quatre ou cinq jours, les mouvements sont devenus plus fréquents (12 à 15 par minute), mais ont encore perdu en amplitude. L’in¬ spiration reste très allongée, mais l’expiration n’est plus si brève. La pause expiratoire est réduite à deux secondes. Ce type se continue jusqu’à la mort. Pigeon. — Les nombres donnés ci-dessus se rapportent au coq : voici ceux que nous avons obtenus avec un pigeon — qui n’ont d’ailleurs rien d’absolu. Nombi e normal des respirations par minute 90 Aussitôt après la double section. Nombre . 9 Durée de la pause expiratoire . 8 secondes. 4 jours après la double section. Nombre. . 23 Durée de la pause expiratoire . 2 secondes. Les phénomènes relatifs à l’amplitude, à la durée de l’inspiration et de l’expiration, sont du reste les mêmes. Nous donnons ici deux tableaux où sont condensés les résultats relatifs au nombre des inspirations et à leur volume moyens : résultats obtenus sur deux autres pigeons. 38 INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE Là, le nombre et le volume ont été notés de jour en jour. 1er pigeon, poids 420 grammes, mort au bout de 6 jours. NATURE DE L'OBSERVATION ANIMAL NORMAL P. COUPÉS i JOUR APRÈS o 3 4 5 Nombre des inspi¬ rations par minute 30 il 18 18 18 18 18 Volume moy. d’une inspiration. 6CC5 6“ 6tc 5CC5 5CC4 4CC6 4CC 6 2me pigeon, poids 318 grammes, mort au bout de 5 jours. NATURE DE L'OBSERVATION ANIMAL NORMAL P. COUPÉS 1 JOUR APRÈS 2 3 4 Nombre des inspi¬ rations par minute 35 9 1/2 20 1/2 22 1/2 20 1/2 181/2 Volume moy. d’une inspiration. . . 5CC 4 “25 4 ce 3“ 4 2“5 2 “6 On peut voir, d’après ces deux tableaux, et les chiffres relatifs au troisième pigeon que nous avons cités plus haut, que les nombres obtenus sont très variables, selon l’animal. Mais, ce qui en ressort clairement, et ce qu’il y a de général, ce sont les phénomènes suivants : Après la section, le nombre des mouvements respiratoires diminue beaucoup : ce nombre se relève dès le lendemain pour rester à peu près stationnaire jusqu’à la mort, et inférieur au nombre primitif. L’amplitude de la respiration va décroissant depuis le moment de la double section jusqu’à la mort. Nous verrons quelle est l’importance de ces faits, quand nous étudierons les modifications que la double section des pneumogas¬ triques fait subir aux phénomènes chimiques delà respiration. 3° Excitation du bout central d'un des nerfs , l'autre étant intact. — Dans le cas d’une excitation faible, on voit le rythme 39 INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE respiratoire s'accéler, mais dans le cas d’une excitation forte, on voit la respiration s’arrêter immédiatement et toujours en inspira¬ tion. Nous insistons sur ce dernier résultat, car Paul Bert a soutenu que chez les mammifères, l’arrêt avait lieu en inspiration ou en expiration, suivant le moment où l’on appliquait l’excitant. Or, sur les oiseaux, quand on applique le courant au début de l’expi¬ ration, on provoque immédiatement un mouvement inspiratoire et c’est en inspiration que l’arrêt a lieu. Nous ajouterons que nous sommes arrivés à des résultats analogues sur les reptiles (Caïman) (1). 4° Excitation du bout central d' un des nerfs ; les deux étant coupés. — On obtient exactement le même effet que précédemment, c’est-à-dire, toujours une pause en inspiration. On peut même arriver à changer complètement le type respiratoire par des exci¬ tations pratiquées au bon moment. Les deux pneumogastriques étant coupés, le type consiste en des mouvements séparés par des pauses expiratoires; en pratiquant les excitations à la fin de chaque expiration, on arrive à obtenir des mouvements séparés par des pauses inspiratoires. 5° Excitation du nerf dans sa continuité. — Le résultat est encore le même que précédemment. 6° Exitation du bout périphérique ; l'autre nerf étant intact. — Pendant l’excitation, on voit se produire une accéléra¬ tion manifeste des mouvements respiratoires, qui diminuent légèrement d’amplitude, aussitôt après l’excitation les mouvements reprennent leur rythme normal. Ces faits ont été signalés chez les mammifères par M. Laulanié (2). 7° Excitation du bout périphérique, l'autre nerf étant coupé. — On n’obtient plus pendant l’excitation des effets immé¬ diats, consistant en une accélération de la respiration, la voie centripète du reflexe produit dans le cas précédent est donc con¬ tl) Recherches sur la respiration du Caïman ( Mémoires de la Société de bio¬ logie, 1888). (2) Effets repiratnires des excitations centrifuges du nerf vague (C. R. Soc. Biologie 9 février et 20 juillet 1889). 40 INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE stituée par l’autre pneumogastrique : ceci établit une différence avec les mammifères chez lesquels dans ces conditions, d’après Laulanié, les effets persistent. Mais où la différence est bien plus sensible encore, c’est qu’alors que chez ces derniers, quand on cesse l’excitation, on voit se produire des effets dépresseurs consé¬ cutifs, consistant en un arrêt respiratoire ; chez les oiseaux la respiration reprend simplement son rythme normal. Laulanié attribue à une anémie bulbaire, due à l’arrêt du cœur, les effets consécutifs qu’il a observés chez les mammifères. Nous pensons que cette interprétation est en effet exacte, car chez les oiseaux où nous n’avons pas constaté d’effets consécutifs, le courant n’était pas assez énergique pour produire l’arrêt du cœur, très difficile comme on sait à obtenir chez ces animaux. d. Influence sur la contractilité pulmonaire. On sait que, lorsqu’on excite le bout périphérique du pneumogas¬ trique d’un mammifère ou d’un reptile (Paul Bert), on obtient une légère contraction du poumon, due à l’action du pneumogastrique sur les fibres du Reissessen. C’est en vain que nous avons cherché à obtenir les preuves de cette contraction chez les oiseaux. En pre¬ nant toutes les précautions possibles, l'enregistrement soit par la trachée, soit par l’humérus, ne nous a jamais donné aucun résultat. Ce serait néanmoins une conclusion prématurée que d’assurer que chez les oiseaux le pneumogastrique n’a aucune action sur la con¬ tractilité pulmonaire. En effet, chez ces animaux, le système pneumatique est tellement développé, et la masse d’air contenue dans l’ensemble des poumons des sacs aériens et des os pneuma- tisés est telle, qu’on conçoit qu’une très faible conti'action puisse ne produire que des changements dépréssion trop peu considérables pour être traduits par les appareils enregistreurs même les plus sensibles. e. Influence sur la ventilation. Nous avons recherché quelle était l’influence que la double sec¬ tion des pneumogastriques exerçait sur la ventilation pulmonaire, 41 INFLUENCE DD PNEUMOGASTRIQUE c’est-à-dire la quantité d’air passant à travers le poumon dans un temps donné. Nous avons suivi les variations de cette ventilation pendantles jours successifs qui s’écoulent depuis l’opération jusqu’à la mort. Voici deux séries de résultats obtenus sur deux pigeons : 1er pigeon, poids 420 grammes, mort au bout de 6 jours OBSERVATION ANIMAL NORMAL P. COUPÉS 1 JOUR APRÈS 2 3 4 5 Ventilation pulmo¬ naire par minute. 180cc 86cc U4CC 100cc 96 cc 86e c 86 cc 2me pigeon, poids 318 grammes, mort au bout de 5 jours. OBSERVATION ANIMAL NORMAL P. COUPÉS i JOUR APRÈS 2 3 4 Ventilation pulmo¬ naire par minute. 173cc 44 ec 82cc6 61, «6 53, 4 46rc4 Ce qui ressort clairement de ces deux tableaux, c’est qu’immédia- tement après la section, la ventilation pulmonaire subit une baisse considérable. La rareté des mouvements respiratoires est donc loin d’être compensée par leur amplitude comme on l’admet chez les mammifères. D’ailleurs, si l’on se reporte à deux tableaux donnés plus haut et se rapportant aux mêmes animaux, on verra que les deux facteurs de la ventilation pulmonaire (nombre et amplitude des inspirations) baissent tous deux après la double section. En se reportant aux mêmes tableaux, on pourra s’assurer que la baisse légère dans la ventilation, constatée le lendemain de la section, est due uniquement à l’augmentation du nombre des mouvements res¬ piratoires, car leur amplitude continue à diminuer. Quanta la baisse graduelle de la ventilation, qui va s’accentuant de plus en plus de jour en jour, sans descendre néanmoins au- dessous du minimum constaté immédiatement après la double 42 INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE section ; elle est due surtout à la diminution constante de l’amplitude des mouvements respiratoires, car leur nombre demeure à peu près et même parfois complètement stationnaire. II EFFETS CHIMIQUES En présence des troubles considérables amenés dans le rythme respiratoire par la double section, et delà réduction que cette double section fait subir à la ventilation pulmonaire, nous nous sommes demandés si rien n’était changé dans les phénomènes chimiques de la respiration. De Blainville (1), qui seul s’est occupé de la ques¬ tion, a prétendu que les échanges respiratoires n’étaient en rien modifiés chez les oiseaux par la double section des pneumogas¬ triques ; il s’appuyait sur ce fait, que le sang était encore rouge dans les artères après cette double section. Ce procédé n’ayant peut-être pas toute la délicatesse désirable, nous avons dosé les quantités d’oxygène absorbé et les quantités d’acide carbonique éliminé pendant les jours successifs qui s’écoulent entre le moment de la double section, et la mort qui en est la conséquence inévitable. Cette mort, pour de Blainville, est simplement causée par l’inanition ; nous allons voir qu’il n’en est rien, et que la double section des pneumogastriques est suivie chez les oiseaux comme chez les mam¬ mifères de phénomènes asphyxiques très nets qui ont certainement un rôle considérable dans la terminaison fatale de l’opération. Nous verrons même plus tard que, contrairement à l’opinion géné¬ ralement admise, on rencontre aussi chez les oiseaux des lésions pulmonaires consécutives à la section des vagues. Nous nous sommes occupés tout d’abord des variations qui pou- (1) De Blainville, Nouveau Bull. Soc. phil., 1808. INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE 43 vaient se produire dans l’élimination de l’acide carbonique, et cela dans deux conditions : 1° pour le même temps; 2° pour le même volume d’air. Nous avons opéré sur des pigeons ; on mesurait la ventilation pulmonaire en faisant respirer l’animal dans un gazomètre qui enregistrait l’air inspiré dans un temps donné. L’acide carbonique était dosé au moyen de la baryte. L’air de l’expiration traversait cette baryte, dont le titre alcalin était pris avant et après chaque opération au moyen d’une solution d’acide oxalique dont 1 centi¬ mètre cube correspondait à 1 milligramme d’acide carbonique. Voici les résultats numériques obtenus dans une de ces expé¬ riences prises pour type, sur un pigeon du poids de 318 grammes. Chaque nombre est la moyenne des nombres très voisins obtenus dans cinq ou six observations. NATURE DE L OBSERVATION ANIMAL NORMAL P. COUPÉS 1 JOUR APRÈS 2 3 4 VEILLE PE LA MORT Air inspiré par mi¬ nute . . . .' . 173cc 44 ce 82cc6 6 1 cc 6 53cc4 46cc6 GO2 par minute 0 mme anomalie musculaire, en anatomie humaine. Outre cette particularité, ce muscle présente encore celle déjà signalée plus haut, d’ètre renforcé par un faisceau qui émane du fessier superficiel, portion long vaste. 2° Poplité. — Le poplité nous offre l’existence d’un os sésa- (1) Il existe concurrement avec le court adducteur de la jambe, qu’on a homolo¬ gué au droit interne chez les animaux où ce droit interne manq ue. 86 LA MYOLOGIE DU MEMBRE POSTÉRIEUR moïde, développé dans le point où se fusionnent ses deux tendons supérieurs, insérés l’un sur le condyle externe du fémur, l’autre sur le cartilage semi-lunaire correspondant; cet os est important à signaler, car nous en retrouverons de nombreux, développés sur les trajets tendineux, dans la région du pied. Au niveau de son insertion tibiale, il échange un certain nombre de fibres avec le fléchisseur pro¬ pre du gros orteil, qui s’insère au même niveau, de sorte que, dans cette région, il est impossible de séparer nettement les deux mus¬ cles, sinon par un procédé tout artificiel. 3° Soléaire — Le soléaire présente tout d’abord une particu¬ larité pour son insertion supérieure : au lieu de se fixer au tibia et au péroné, comme chez l’homme, ou même au tibia seul, comme chez les solipèdes, il s’insère exclusivement sur le péroné (tête et partie supérieure de la face postérieure); à ce niveau, il est intime¬ ment uni avec le faisceau péronéen du long fléchisseur commun des orteils. Son insertion inférieure n’est pas moins remarquable ; au lieu de se réunir aux jumeaux pour aller constituer avec eux le tendon d’Achille, il possède une insertion calcanéenne propre, en avant de celle de ce même tendon. Ce muscle, très développé, est un auxiliaire puissant des jumeaux comme extenseur du pied sur la jambe. 4° Long fléchisseur commun des orteils. — Ce muscle offre la particularité d’être uni sur toute sa longueur (sauf dans sa portion inférieure, où les deux tendons sont distincts) avec le tibial postérieur; nous avons déjà vu, en outre, qu’il est intimement uni au soléaire par son faisceau péronéen. La masse musculaire commune du long fléchisseur et du tibial postérieur s’insère sur le péroné, le tibia et le ligament interosseux; les insertions péronéennes appartenant plutôt au long fléchisseur et les insertions tibiales au tibial postérieur. 5° Tibial postérieur. — Nous n’avons pas à revenir sur ce muscle, dont nous avons signalé les singularités en parlant du précèdent (1). (1) Ajoutons cependant que son insertion inférieure, au lieu de se faire sur le sca¬ phoïde se fait sur le premier cunéiforme. DU G RA -N D FOURMILIER 87 6° Long fléchisseur propre du pouce. — Nous avons déjà noté ce que présente de curieux son insertion tibiale, nous n’y reviendrons donc pas. Mais ce que ce muscle offre de plus curieux, ce sont ses insertions inférieures. En effet, au lieu d’aller s’insérer uniquement sur le pouce, il envoie un petit faisceau à un cartilage sésamoïde contenu dans l’épaisseur de l'aponévrose plantaire, et qui présente une facette articulaire nette, situé sur le bord interne du premier cunéiforme. Quelle est la signification exacte de ce cartilage et du faisceau musculaire qui s’y rend: c’est ce que seules de longues recherches d’anatomie comparée pourraient élucider. Nous pouvons penser avec Bardeleben que ce cartilage, dont il a pu constater l’existence sur des squelettes montés, représente le rudiment d’un doigt plus interne que Je pouce ou præhallux. Ajoutons cependant que Bardeleben admet dans le membre antérieur du grand Fourmilier, une formation analogue ou præpollex, et que nous n’avons pu constater chez notre animal, à l’endroit où devrait se trouver ce rudiment de doigt, qu’un épaississement fibro-cartilagineux de l’aponévrose palmaire, qui n’aurait certes pas résisté au montage (1). Or, comme cet épais¬ sissement mal délimité d’ailleurs, et qu’on homologuerait bien difficilement à un rudiment de doigt, occupe dans la main exacte¬ ment la même position que le cartilage précité dans le pied ; il y aurait peut-être des réserves à faire au sujet de l’interprétation de ce cartilage, comme doigt rudimentaire. 7° Long et court péroniers latéraux. — Les deux muscles ont leurs corps absolument fusionnés et ne peuvent se distinguer que par leurs tendons* dont les insertions sont d'ailleurs abso¬ lument normales et semblables à celles qu’on trouve chez l’homme. 8° Extenseur propre du gros orteil. — Ce muscle qui est en même temps un adducteur, s’insère d’une part sur l’extrémité (1) On pourrait objecter à ceci que la bête était jeune; mais nous répondrons que, la différenciation étant faite au pied, il n'y a pas de raison pour qu’elle ne le fût aussià la main. Ajoutons, d'ailleurs, que sur un squelette de petit fourmilier adulte, qui existe dans les collections zoologiques de la Faculté de Lyon, alors que l'exis¬ tence du cartilage est indubitable au membre postérieur, il n’y en a pas trace au membre antérieur. 88 LA MYOLOGIE DU MEMBRE POSTÉRIEUR inférieure du péroné, d'autre part sur la première phalange. Il est assez réduit, mais est absolument distinct et non fusionné avec le tibial antérieur, comme chez les carnassiers. 9° Long extenseur commun. — Ce muscle au lieu de se ter¬ miner comme chez l’homme et chez les carnassiers par 4 tendons destinés aux 2e, 3% 4e et 5° doigts, ne présente que 3 tendons destinés aux 3e, 4e et 5e. IV. Région du pied. 1° Pédieux ou court extenseur des orteils. — Ce muscle, au lieu de présenter seulement trois faisceaux comme chez les carnassiers, en présente quatre comme chez l'homme : seulement, au lieu de se rendre aux 1er, 2e, 3e et 4e doigts il se rend aux 2e. 3e, 4e et 5". Il en résulte que, chez le Tamanoir, l’extension du pouce ne peut se faire que par l’extenseur propre, * assez réduit comme nous l’avons vu. 2° Abducteur du petit orteil. — Il existe chez le Tamanoir, comme chez l’homme un muscle abducteur du petit orteil, ce muscle s’insère d’une part sur le bord externe et postérieur du calcanéum où il confond son insertion avec celle du court fléchisseur plantaire, d'autre part, par un double tendon, à l’extrémité antéro-externe du 5mc métatarsien (1). 3° Court fléchisseur du petit orteil. — C’est là encore un muscle commun à l’homme et au Tamanoir et qui, comme le précé¬ dent, du reste, manque chez la plupart des animaux : il s’insère d'une part sur la gaine du tendon réfléchi du long péronier latéral; d’autre part, sur le côté externe du 5,nc métatarsien et se porte de là à la lre phalange du petit orteil. 4° Opposant du petit orteil. — Ce 3me muscle du petit orteil, qui existe parfois chez l'homme, se rencontre très net chez le Tamanoir, dont le 5me doigt possède, on le voit, une musculature aussi compliquée que celle que l’on rencontre chez l’homme, ce qui, à notre connaissance, n’a été rencontré chez aucun animal. Ce muscle s’insère d’une part à l'extrémité postéro-inférieure du calcanéum, où il est recouvert par le court fléchisseur plantaire (1) Ou plutôt sur un petit os sésaraoïde situé à cette place (voir plus loin). DU GRAND FOURMILIER 89 et à la face externe du même os, d'autre part à l’extrémité antéro- interne du 5ra- métatarsien, par un double tendon (1). 5° Court fléchisseur plantaire. — Ce muscle rudimentaire chez la plupart des animaux, est très développé chez le Tamanoir : au lieu de présenter quatre faisceaux musculaires comme chez l’homme, il n’en présente que trois : il s’insère d’une part sur le calcanéum, d’autre part sur les 2e, 3e, 4e doigts (lre phalange). 6° Accessoire du long fléchisseur. — Ce muscle court, signalé seulement chez l’homme se retrouve chez le Tamanoir. Il s’insère d’une part obliquement sur la face inférieure du calca¬ néum, et d’autre part sur le point de division du tendon du fléchis seur commun ; il possède un faisceau spécial dont le tendon va st fusionner avec celui que le long fléchisseur envoie au pouce. 7° Long fléchisseur commun. — Le long fléchisseur au lieu de se terminer par quatre tendons comme chez l’homme, en pos¬ sède cinq, destinés chacun à l’un des cinq doigts. Le pouce, outre son fléchisseur propre, peut donc encore être fléchi par un tendon du long fléchisseur commun. 8° Lombricaux. — Les lombricaux s’insèrent d’une part sur le point de division du tendon du long fléchisseur. Ils sont au nom¬ bre de quatre et vont aboutir : le 1er au côté interne du 2e orteil, le 2e au côté interne du 3e, le 3e au côté interne du 4e, le A" au côté interne du 5e. Cette disposition rappelle, on le voit, complè¬ tement ce qui se voit chez l’homme. 9° Interosseux plantaires — Ils sont au nombre de trois, mais assez difficile à délimiter : ils vont s’insérer comme les lombri¬ caux sur le bord interne des derniers doigts ; les trois derniers dans ce cas. Les lombricaux et les interosseux ne s’insèrent pas à proprement parler sur le bord interne des doigts ; leurs insertions communes vont aboutir chacune à un petit os sésamoïde placé sur le bord interne de la tête des quatre derniers métatarsiens. Outre ces quatre os sésamoïdes, on en rencontre encore six autres qui portent à dix le nombre total de ces os : chaque métatarsien en a donc (t) Ou plutôt à uu petit os sésamoïde situé à cette place (v. plus loin). 90 LA MYOLOGIE DU MEMBRE POSTÉ. DU GRAND FOURMILIER deux justaposés à sa tête inférieure. L’un est situé à droite, l’autre à gauche. Ces os sésamoïdes sont les homologues de ceux que l’on rencontre à l’extrémité du 1er métatarsien chez l’homme, les deux qui appartiennent au même métatarsien sont reliés entre eux par une bride tendineuse, sous laquelle passe le tendon du long fléchis¬ seur commun. Si on les numérote d’un à dix, en allant du bord interne (pouce) au bord externe du pied, on voit que le 1er donne attache à l’adduc - teur propre du gros orteil; les 3% 5e, Ie, 9° aux lombricaux et aux interosseux, le 9e donnant attache, en outre, à l’opposant du petit orteil; le 10e à l’abducteur du petit orteil. Les 2e, 4°, Cf, 8e, ne donnent attache à aucun muscle et sont simplement reliés aux 1er, 3e, 5e, 7e par le ligament précité. 10° Adducteur propre du gros orteil. — Ce muscle s'étend du calcanéum au premier des os sésamoïdes signalés plus haut. Si l’on récapitule toutes les particularités musculaires qui sont ici brièvement signalées, on pourra voir que, pour ce qui est du membre postérieur du moins, la musculature du Tamanoir, se rap¬ proche beaucoup de celle de l’homme et s’écarte énormément de celle de la majorité des animaux à cinq doigts dont la musculature a été particulièrement étudiée, nous voulons parler des carnas¬ siers. Le pied surtout, comme on pourra s’en assurer par la compa¬ raison est aussi semblable que possible à celui de l’homme, sauf quelques points de détail : les différences les plus sensibles consis¬ tent dans l’absence d’un court fléchisseur du gros orteil et d’un abducteur du gros orteil (1). Tous les autres muscles se retrouvent et ne présentent au point de vue de l'insertion que drs différences peu sensibles. Ce point nous a paru intéressant à signaler. (1) Nous n'avons pas non plus pu constater la présence d'interosseux dorsaux. (Laboratoire de zoologie de la Faculté des sciences de Lyon.) SUR LES MONSTRES MÉLOMÈLES PAH M. LOUIS BLANC CH KF DES TRAVAUX ANATOMIQUES A L* ECOLE VÉTÉRINAIRE DE LYON Les monstres mélomèles « caractérisés par l’insertion d’un ou de plusieurs membres accessoires sur des membres normaux, ou, en d’autres termes, par le redoublement ou la multiplication des membres (1), » sont certainement, parmi les monstres doubles, ceux dont l’origine duplicitaire a provoqué et soulève encore les objec¬ tions les plus sérieuses. Lors de la discussion célèbre de Létnery et Win slow sur l’origine de la monstruosité, les cas d’augmentation du nombre des mem¬ bres, et surtout des doigts, furent un des arguments présentés par Winslow pour combattre les idées de Lémery. Il semblait en effet difficile d'admettre que, dans un monstre double, l’un des sujets pût être réduit à un seul membre, voire même à une portion de membre. Jusqu’à Is. Geoffroy Saint-Hilaire « tous les auteurs se sont accordés à voir dans les monstres à membres surnuméraires des êtres essentiellement simples, essentiellement unitaires, chez lesquels des parties accessoires se sont produites par un véritable 1 Is. Geoffroy Saint-Hilaire, Traité des anomalies. Soc. LlNfi., T. xxxvii; 8 92 SUR LES MONSTRES MELOMELES excès de développement. Personne n’a essayé de démontrer, par un examen attentif des faits, la vérité de ce système (2). » Isidore Geoffroy Saint-Iiilaire, dont nous venons de citer les paroles, rompit avec les idées de ses prédécesseurs et réunit dans une seule famille de monstres doubles, les Polyméliens, tous les cas de multiplication des membres. Afin d’appuyer cette classifi¬ cation, l’illustre tératologiste indique pour ces membres acces¬ soires des caractères qui, s’ils étaient constants, justifieraient pleinement son opinion. « A quelque genre qu’ils se rapportent par la disposition spéciale et le lieu particulier d’insertion de leurs membres accesoires, tous les monstres doubles polyméliens pré¬ sentent entre eux une grande analogie dans la conformation externe des parties parasites . Considérés dans leur ensemble, les mem¬ bres parasites, beaucoup plus souvent analogues à des membres ab¬ dominaux qu’à des membres thoraciques, sont plus petits qu’à l’état normal. Leur conformation est vicieuse dans presque toutes leurs parties, et, presque toujours, leurs diverses articulations sont ankylosées ou à demi ankylosées entre elles. Lorsqu’on examine l’organisation intérieure, on trouve les os fort mal conformés, quelquefois imparfaitement ossifiés, ou même seulement cartilagi¬ neux. L'intervalle qui les sépare de la peau est rempli, non par des muscles, mais par du tissu cellidaire et de la graisse. Quant aux autres parties accessoires qui existent ordinairement à la base des membres parasites, elles varient suivant que ces membres sont abdominaux ou thoraciques, et aussi, suivant qu’on les observe chez les mammifères ou les oiseaux; et il n’y a ici à noter sur elles aucune généralité, si ce n’est que leur fusion avec les organes du sujet principal, lorsqu’elle a lieu, se fait par la rencontre et la soudure des parties homologues. » Les auteurs qui ont suivi Is. G. Saint-Hilaire n’ont pas tous adopté sa manière de voir, et l’une des objections les plus sérieuses que l’on a opposées à la théorie de la duplicité des monstres mélo- mèles est la multiplication des membres surnuméraires observée chez les batraciens anoures et urodèles à la suite d’amputations (1) Is. Geoffroy Saint-Hilaire, loc. cit. 93 SUR LFS MONSTRES MELOMELES expérimentales exécutées sur des larves. Ces observations permet¬ tent de croire que certains cas de polymélie sont dus à des mutila¬ tions accidentelles, ou tout au moins à des lésions survenues pen¬ dant les premiers temps de la vie embryonnaire. Aussi M. Dareste, dans ses Recherches sur la production artificielle des mons¬ tres, dit que les mélomèles ne lui semblent pas s’expliquer par une dualité primitive de l’embryon1. L’examen attentif que nous avons pu faire de trois sujets de cette espèce nous a fourni des preuves, qui nous semblent con¬ cluantes, de l’unité des monstres mélomèles, et la description d’un mouton et de deux membres isolés, que nous avons étudiés, lèvera, croyons-nous, tous les doutes sur ce sujet. Le mouton, que nous avons reçu vivant, était âgé de cinq à six mois. Outre ses quatre membres bien conformés, il présentait, du côté gauche, un membre antérieur supplémentaire qui se détachait du corps à la base de l’encolure, au niveau de l’angle scapulo- huméral. Ce membre, composé d’un humérus et des autres régions, était un peu plus court que le membre principal. D’ailleurs il ne touchait pas le sol : à l’humérus, dirigé verticalement, faisait suite un avant-bras presque horizontal, et celui-ci soutenait une région digitée un peu inclinée en arrière, de telle sorte que les sabots de ce membre supplémentaire se trouvaient à peu près au niveau de la région carpienne du membre principal. Le membre anormal se fai¬ sait remarquer immédiatement par le très faible développement des régions brachiale et antibrachiale qui semblaient constituées par le squelette recouvert de la peau. Pendant la marche, cet appendice était animé de mouvements d’oscillation qui nous parurent passifs. Enfin, il présentait une certaine sensibilité, mais notablement moins marquée que dans le membre normal. La dissection de ce monstre nous a montré que le membre supplé¬ mentaire n’était pas greffé en parasite sur le membre principal, mais faisait partie intégrante de l’organisme du sujet, avec lequel il contractait d'intimes connexions par son squelette, ses mus¬ cles, ses vaisseaux et ses nerfs. (1) Page 146. 94 SUR LES MONSTRES MELOMÈLES Les deux membres étaient supportés par un scapulum commun, divisé en bas et pourvu de deux cavités glénoïdes. Cet os présentait à sa face externe une épine acromienne disposée comme à l’ordi¬ naire, qui venait faire saillie au-dessus du col. Mais du milieu de cette crête semblait se détacher une deuxième saillie, qui traver¬ sait la fosse sus-épineuse en se dirigeant obliquement en avant et en bas. En réalité cette crête s’élevait sur le bord antérieur de l’omoplate et se repliait en arrière pour s’accoler sur la moitié de Fig. i. — Face interne du scapulum. Fig. 2. — Face externe du scapulum. R, R', cavités glénoïdes; S, S', crêtes acromiennes; T, cartilage de prolongement du scapulum C, U', apophyses coracoïdes; V, col du scapulum. sa longueur, à l’épine scapulaire principale plus considérable que la première. Cette crête se terminait par un acromion très saillant, qui se prolongeait notablement au-delà de l’extrémité inférieure du scapulum. Celle-ci était divisée en deux par une échancrure pro¬ fonde : la portion postérieure correspondait à la cavité glénoïde nor¬ male; la partie antérieure, surmontée de la deuxième apophyse acromienne, présentait également une surface articulaire concave, dirigée en avant, qui recevait l’humérus du membre supplémen¬ taire. Il y avait donc à la face externe du scapulum gauche deux crêtes acromiennes correspondant chacune à une cavité articulaire, et di¬ visant la surface de l’os en trois parties, une fosse sous-épineuse, SUR LES MONSTRES MELOMELES 95 postérieure, — une fosse intermédiaire, étroite et se prolongeant par une cavité comprise entre les deux crêtes accolées, — et une fosse sus-épineuse, antérieure. La face interne du scapulum offrait des particularités de même nature. En avant d’une fosse sous-scapulaire à peu près normale, on voyait partir du bord antérieur de l’os une saillie triangulaire qui supportait la deuxième cavité glénoïde. Fig. 3. — Région scapulo humérale des Fig. 4. — Région scapulo-huméraie des deux membres (face externe). deux membres (face interne). J, terminaison de la portion postérieure du pectoral profond ; K, deltoïde ; L et L les deux muscles sus-épineux; Met M', sous-épineux; N et N', sous-scapulaires; O, omobrachial ; O grand rond ; P, nerf venu de la 7* paire cervicale ; Q, Q les deux artères humérales. Les os du bras et de l’avant-bras n’offraient aucune particula¬ rité, si ce n’est que leurs différentes surfaces d’insertion étaient nulles ou peu visibles. Ces os présentaient les caractères généraux de l’humérus, du radius et du cubitus des ruminants, mais ils avaient l’air inachevés. L’appareil musculaire était plus intéressant que le squelette. Le membre supplémentaire possédait en effet des muscles extrinsèques et intrinsèques. Comme muscles intrinsèques on trouvait le biceps, le triceps, le sus-épineux, le sous-épineux et le sous- scapulaire. Le sous-épineux, inséré avec le sus-épineux du membre princi¬ pal dans la fosse intermédiaire, formait un faisceau conique des SUR LES MONSTRES MF.LOMELES 90 fibres un peu pâles qui venaient s’attacher par un court tendon à la face postéro- externe du deuxième humérus, sur l’éminence que représentait le trochiter. Le muscle sus-épineux, d’une- couleur normale, occupait tout l’espace compris entre la deuxième crête acromienne et le bord an¬ térieur du scapulum. Il s’insérait sur le sommet du trochiter. Fio. 5. — Dissection superficielle de la moitié antérieure du mouton mélomele. (L’extrémité inférieure du membre normal a été tronquée). A, trapèze; B, rhomboïde; C, mastoïdo-humêral terminé par deux chefs D et D> sur le membre normal et le membre supplémentaire; E, sterno-maxiliaire; F, triceps brachial ;F’, le même muscle dans le membre supplémentaire; G, biceps; G', biceps du deuxième membre; H, court fléchisseur de l’avant-bras ; I, grand dorsal; J, seconde porlion du pectoral profond ; K, del¬ toïde. Quant au sous-scapulaire, plus développé que les précédents, il se fixait sur le bord antérieur de l’os de l’épaule et à la face interne SUR LES MONSTRES MELOMELES 97 du scapulum accessoire et venait se terminer sur le trocliin du petit humérus. Les autres muscles de l’épaule faisaient défaut. Le triceps brachial, très réduit, était formé par un large faisceau pâle qui s’attachait autour de la tète de l’humérus, et se fixait par un tendon au sommet de l’olécrane. Enfin le biceps était représenté par une mince bandelette charnue, presque incolore, qui suivait le bord antérieur de l’humérus pour se perdre au niveau de l’articulation du coude. Le membre surnuméraire recevait en outre un muscle extrin¬ sèque constitué par un faisceau du mastoïdo-huméral. Celui-ci, en effet, vers le tiers inférieur du cou, se divisait en deux chefs : un, supérieur, qui se perdait sur l’aponévrose scapulaire externe et l’angle scapulo-huméral de l’angle principal ; — et un second, inférieur, qui se fixait sur la face externe et l’extrémité supérieure de l’humérus accessoire. Outre cet appareil musculaire, le membre accessoire possédait une artère et un nerf. L’artère, née du tronc axillaire, donnait presque immédiatement un vaisseau qui représentait la circonflexe postérieure ; puis elle parcourait la face interne du bras et allait se ramifier dans l’avant-bras et la main. Quant au nerf, assez volumineux, il provenait de la septième paire cervicale, passait entre les deux chefs du mastoïdo-huméral, devenait superficiel et suivait le bord antérieur de l’humérus pour aller se perdre dans les téguments de l’avant-bras. Nous n’avons pas cherché l’origine des filets qui innervaient les muscles sus et sous- épineux, mais le muscle sous-scapulaire recevait une branche venant du faisceau destiné au muscle sous-scapulaire principal. En résumé, nous voyons que le membre surnuméraire de ce mouton contractait des connexions intimes avec le membre princi¬ pal et le corps tout entier. Rien, dans ces rapports, ne rappelle une greffe ; tout, au contraire, montre avec évidence qu’il y avait là, non pas une soudure de deux membres, mais une division, d’un membre primitivement simple. Tout d’abord les deux membres sont suppor¬ tés par un scapulum unique, mais présentant deux accromions et deux extrémités articulaires qui résultent de la division d’un corps 98 SUR LES MONSTRES MELOMELES et d’une épine scapulaire simple. On peut supposer que ce scapulum résulte de la fusion de deux os primitivement séparés, et l’apparence de l’os ne dément pas cette hypothèse. Mais nous ferons remarquer que le sujet était très jeune, aucun noyau d’ossification n’était soudé, et cependant il n’y avait déjà plus trace de la fusion des deux omoplates ; si elles s’étaient développées par deux centres d’ossification distincts, ceux-ci se seraient soudés avec une rapi¬ dité assez surprenante. Nous tiendrons compte d’ailleurs de la possibilité de cette origine. De plus, les deux portions de ce sca¬ pulum ne se correspondaient pas par leurs parties homologues : les deux faces externes étaient tournées du même côté, et le bord postérieur de la petite moitié correspondait au bord antérieur de la portion principale. En deuxième lieu, ce scapulum divisé supporte une double série de muscles. Nous voyons en outre une division régulière du tronc axil¬ laire, et, ce qui est bien plus important, du muscle mastoïdohuméral. Enfin il y a un nerf spécial pour ce membre supplémentaire. Cette dernière particularité a une valeur encore plus considérable que les précédentes. En effet, si le membre anormal appartenait à un deuxième individu, ses nerfs proviendraient du névraxe de ce sujet. Celui-ci disparaissant de bonne heure, les nerfs n’auraient persisté qu’à la condition que leurs cellules d’origine aient consti¬ tué quelque masse ganglionnaire située à la base du membre : c’est ce qui a été observé par M. Chauveau chez les monstres hétéradel- phes. Si ces cellules, mères des fibres nerveuses, venaient à dispa¬ raître, celles-ci dégénéreraient et se résorberaient, car on sait, depuis les expériences de Waller, que toute fibre nerveuse, isolée de son centre formateur et trophique, dégénère et se détruit. Mais en aucun cas on ne peut admettre que le système nerveux du sujet principal envahisse les restes du sujet parasite. Tous les faits d’ob¬ servation tératologique démontrent l’impossibilité de cette substi¬ tution de système nerveux. Il résulte de ceci que la présence, dans le membre accessoire, d’un nerf venant du système nerveux central du sujet démontre que ce membre lui appartient réellement et ne provient pas d’un autre individu disparu. 99 SI’ R LES MO.NSTUES MELOMELES Si l’un compare maintenant les résultats que nous avons obtenus en disséquant ce mouton mélomèle, aux caractères indiqués par Is. Geoffroy Saint-Hilaire pour les monstres polyméliens, on voit qu’il existe entre eux des différences essentielles. Les preuves de parasitisme invoquées par le fondateur de la Tératologie, et en par¬ ticulier la mauvaise conformation des os, l’absence des muscles et par suite des nerfs moteurs, la soudure des membres par leurs parties homologues, n’existent pas ici. Au contraire, tout nous montre une division régulière, et nous amène à revenir aux idées anciennes sur l’origine de ce genre de Polymèles, idées que Meckel traduisait en donnant à ces membres anormaux le qualificatif de progenies. Nous dirons donc que, dans les cas de Mélomélie ana¬ logues à celui que nous venons d’étudier, le membre supplémen¬ taire est une dépendance , une production du membre prin¬ cipal. Quant à l’origine même de cette production, nous sommes portés à croire qu’elle est due à un bourgeonnement du mamelon embryon¬ naire que doit former le membre, bourgeonnement qui résulte lui- même de la division accidentelle du sommet de ce mamelon au mo¬ ment où il commence à se dessiner. Le deuxième cas de mélomélie, que nous avons observé récem¬ ment, est des plus singuliers, il vient complètement à l’appui de l’hypothèse que nous venons d’énoncer, et que nous développe¬ rons plus tard. En classant les pièces tératologiques de notre musée nous avons trouvé un membre antérieur droit d’agneau à mi- terme, dépouillé de son tégument, mais encore revêtu de ses parties molles desséchées. L’aspect bizarre de cette petite pièce qui pré¬ sentait trois extrémités pourvues chacune de leurs deux onglons nous détermina à l’étudier attentivement, et voici les résultats aux¬ quels nous sommes arrivés. La dessiccation de ce membre rendait impossible l’étude des parties molles, et même après l’avoir assoupli dans l’eâu, nous n’avons pu reconnaître la disposition exacte des muscles qui en recouvraient la région supérieure; sur les rayons métacarpo-pha- 100 SUR LES MONSTRES iMÉLOMÈLES langiens, nous avons constaté la présence de plusieurs tendons et ligaments que nous indiquerons plus loin. Quant au squelette, il Fi o. 6. — Membre antérieur droit d'un fœtus de brebis affecté de mélomélie. O, omoplate; II et H,, humérus; C, cubitus; R, radius; c et c', carpes; M, M* et M*, métacarpes; P, P1 etP!, les trois régions digitées. offre une disposition des plus intéressantes et qui, croyons -nous, n’a jamais été signalée. Le membre normal était formé par un scapulum, un humérus, SI! K LES MONSTRES MELOMELES 101 un radius (sans cubitus), un carpe réduit à trois os, un métacarpe et des phalanges moins développés qu’à l’ordinaire. En arrière de ce membre, se trouvait le second appendice, qui, chose singulière, empruntait au premier un os, le cubitus. En effet, le long du bord postérieur de l’humérus principal nous en rencon¬ trons un second, de même longueur, mais difforme. La partie moyenne en est très mince, elle s’est même brisée pendant la dessic¬ cation qui a raccorni la pièce. L’extrémité supérieure est également très réduite, et vient s’accoter au bord postérieur du scapulum, près du col. Quant à l’extrémité inférieure elle est plus développée qu’à l’état normal; elle présente trois faces : l’une dirigée en arrière et en dehors, porte la fosse olécranienne, — la seconde, interne, cor¬ respond à l’épitrochlée, — quant à la troisième, elle représente la face antérieure avec la fossette coronoïde, et s’articule sur l'épi¬ trochlée de l'humérus principal. La région antibrachiale est constituée par un seul os, le cubitus, qui appartient évidemment au membre principal, mais qui s’en est séparé. Cet os est plus développé qu’à l’ordinaire. Son extrémité supérieure, normale, est articulée avec l’humérus supplémentaire ; immédiatement au-dessous de cette articulation, le corps de l’os de¬ vient subitement très mince, puis s’accroît de plus en plus jusqu’à l’extrémité inférieure, presque aussi volumineuse que celle du ra¬ dius du premier membre. Ce cubitus supporte un carpe composé de huit os juxtaposés d’une façon irrégulière et formant une masse plus large en bas qu’en haut. Au carpe font suite deux mains complètes, placées côte à côte, mais d’une façon un peu oblique. La main externe est un peu plus longue que l’interne, mais toutes deux sont bien conformées, et même mieux développées que celle du membre principal. L’humérus et le cubitus étaient noyés dans des masses musculaires indéterminables; à la surface des deux métacarpes et des doigts, on pouvait reconnaître les tendons extenseurs et fléchisseurs des pha¬ langes, ainsi que les ligaments suspenseurs du boulet. Voici donc un membre antérieur du mouton qui présente une double monstruosité ; un membre supplémentaire est placé en arrière 102 SUR LF.S MONSTRES MF.LOMELES du membre principal, et en outre, son extrémité est bifide et forme deux mains normales. La communauté d’origine des deux appen¬ dices est démontrée par le déplacement du cubitus, qui se détache du membre principal pour prendre part à la constitution du membre supplémentaire : cette disposition est incompatible avec toute idée de greffe. En effet, comment interpréter cette conformation, si l’on admet la théorie de la monstruosité double. Il faut supposer d’abord un embryon réduit aux deux membres antérieurs venant se greffer sur le côté droit du sujet principal. Ensuite, il faut admettre que ces deux membres se sont fusionnés au niveau du carpe, — que le membre gauche s’est atrophié dans toute sa partie supérieure, — que le membre droit a également subi une régression du scapulum et du radius, — et enfin que le membre principal lui-même a, lui- même, perdu son cubitus, soit par atrophie, soit par défaut de for¬ mation. Moyennant toutes ces hypothèses, on arrive à obtenir la disposition désirée. Mais il nous paraît tout aussi difficile d’admettre cette série de coïncidences, que de croire aux procédés ingénieux qui permettent de faire dériver cheval de equus. L’hypothèse de la division nous semble bien plus rationnelle, et nous montrerons plus loin comment elle peut permettre d’inter¬ préter ce cas singulier. La mélomélie comporte un cas rare, mais dont nous possédons un exemple dans les collections de notre service. Il s’agit de la pré¬ sence de deux membres supplémentaires portés par un membre normal. 1s. Geoffroy Saint-Hilaire n’en connaissait que deux cas, l’un chez le canard, et l’autre, qu’il avait observé lui-même chez un mouton dont le scapulum droit soutenait trois membres placés les uns au devant des autres et soudés par les humérus. De ces trois appendices, les deux antérieurs étaient plus petits que le troi¬ sième qui représentait le membre normal. Is. Geoffroy Saint- Hilaire ne donne aucun renseignement sur les caractères anato¬ miques de ces trois membres. Joly (1) a signalé deux cas semblables (1) Joly, Sur deux cas de Mélomélie observés chez le mouton (C. R, Ac. Sc., 1868). SUR LES MONSTRES MELOMÉLES 103 chez le mouton, sans donner de renseignements précis sur la dispo¬ sition anatomique. Aussi, croyons-nous bon de décrire rapidement les particularités que l'on observe sur le squelette de chèvre qui existe dans les collections tératologiques de l’Ecole vétérinaire de Lyon. Outre le membre normal, bien conformé et bien dirigé, le scapu- lum droit supporte deux autres membres antérieurs, placés côte à côte et dirigés obliquement en avant et en bas, de façon à se placer dans le prolongement de l’axe de l’omoplate. Ce dernier os offre Fig 7. — Scapulum du membre trifide vu par la face externe. Fia. 8. — Extrémité inférieure du même os vu par les sur¬ faces articulaires, et repré¬ senté à une échelle plus grande. R, R1 et Rs, les trois cavités glénoïdes; S, S' et S% les trois acromions; V, V ' et V!, les trois apophyses coracoïdes. une disposition très remarquable. Sa face externe, plus large qu’à l’état normal, est divisée en deux par l’épine acromienne. La fosse sus-épineuse est elle-même subdivisée par deux autres crêtes. La plus postérieure, presque parallèle à l’épine scapulaire, est peu élevée, mais vers le col de l’os elle se relève brusquement pour former un acromion aigu et très saillant, puis elle s’abaisse et se termine presque subitement. La deuxième crête, située en avant de la précédente, naît en commun avec elle; elle s’élève peu à peu, gagne le bord antérieur du scapulum et forme un sommet mince et peu élevé, puis elle s’abaisse et disparaît rapidement. SUR LES MONSTRES MELOMELBS 104 A chacune de ces trois crêtes acromiennes correspond, à l’angle inférieur de l’omoplate, une surface articulaire séparée du reste de l’os par un col bien net. Ces trois cavités glénoïdes, assez irrégu¬ lières, sont surmontées de trois apophyses coracoïdes reportées du côté interne; celles-ci sont en outre creusées chacune d’une facette diarthrodrale qui augmente la surface de la cavité glénoïde corres pondante. Fig. 9. — Membre antérieur droit triple chez une chèvre. (L'avant-bras et la main normaux ne sont pas représentés). O, scapulum portant trois cavités glénoïdes, une normale, R, et deux accessoires, R' etR;; H, H1 et H5, humérus; »•' et rs, les deux radius supplémentaires, por¬ tant chacun un cubitus dont les olécranes sont confondus en c; C* et C!, carpes supplémentaires; M* et Ms, régions, métacarpo-phalangiennes supplémentaires. On voit que ce scapulum ne diffère de celui que nous avons décrit plus haut que parce qu’il est trifide au lieu d'ètre simple¬ ment dédoublé. En outre ses trois extrémités semblent tordues sur elles-mêmes de façon à reporter en dedans les apophyses cora¬ coïdes. SUR LF. S MONSTRES MELOMELFS 105 Les deux membres supplémentaires offrent une disposition re¬ marquable. Tout d’abord il n’y a qu’un membre droit, — le plus postérieur — et l’autre est symétrique du précédent, c’est-à- dire qu’il est conformé comme un membre gauche. En deuxième lieu chacun de ces deux membres semble tordu sur lui-même et avoir décrit de dedans en dehors un angle de 180°, de telle sorte que, en haut c’est la face postérieure de l’humérus qui se trouve dirigée en dehors, au milieu, c’est le cubitus, et en bas la face externe des phalanges. En réalité les deux membres ont simplement conservé leur portion embryonnaire. Enfin, ces deux membres sont adhérents ou soudés entre eux au niveau de chaque articulation. C’est ainsi que les deux humérus s’opposent par leur région trochinienne avortée, les deux cubitus sunt confondus par le bord postérieur de leur olécrane et juxta¬ posés par leur extrémité inférieure, et les deux canons sont arti¬ culés par le bord externe de leur extrémité phalangienne. Nous n’avons aucun renseignement sur les parties molles de ces membres surnuméraires, mais il y a une telle ressemblance entre la disposition générale de ce squelette et le squelette du mouton que nous avons décrit, qu’il nous est permis de croire que les muscles, vaisseaux et nerf présentaient la même disposition dans les deux cas. Quoi qu’il en soit, nous pouvons affirmer que ces deux exemples de mélomélie sont de même nature, ont une origine semblable. Ceci soulève une difficulté, provoque une objection contre la façon dont nous avons interprété l’anomalie du mouton. Ici les membres supplémentaires ne sont plus parallèles et semblables au membre normal : l’un des deux est symétrique de ce membre, et, au pi’emier abord on ne voit guère comment, d’un membre droit, a pu naître un membre gauche. Il semble naturel de voir dans ces appendices en excès les deux membres d’un second sujet. Mais il nous est encore plus facile de comprendre comment un bourgeon, né du mamelon qui doit devenir le membre thoracique, peut se di¬ viser suivant sa longueur en deux moitiés symétriques, et donner ainsi deux membres, l’un semblable au membre droit, et l’autre à celui du côté gauche. 106 SUR LES MONSTRES MÉLOMÊLES Cette disposition anormale a donc, suivant nous, une double ori¬ gine : d'une part un bourgeonnement du membre encore rudi¬ mentaire, et d'autre part la division de ce bourgeon en deux moitiés symétriques. Cette opinion est corroborée par certains cas de polydactylie, dans lesquels on peut reconnaître l’existence de ces phénomènes de division et de bourgeonnement. Nous laisserons de côté la poly- dactylie atavique qui reconstitue dans une extrémité digitée la pentadactylie, et peut-être même les formes hexadactyles et hepta- dactyles par réapparition du præpollex ou du præhallux, et du postminimus. Mais en dehors de ces cas, on peut observer fréquem¬ ment des anomalies par division des phalanges et de la région mé¬ tacarpienne ou métatarsienne (1). Is. Geoffroy Saint-Hilaire a signalé plusieurs anomalies assez semblables à celles que nous allons décrire, mais il ne les distingue pas des formes ataviques. Chez le porc, en particulier, on rencontre souvent sur un doigt quelconque la division de la dernière phalange, ou bien de deux . ou même de trois phalanges. On a ainsi deux régions III If I r phalangiennes supportées par un métacarpien com - ftLUjjj. mun. Cet os lui-même peut se diviser et donner E çFï i ainsi deux doigts complets dont un, supplémen- P . taire, est quelquefois peu développé, mais parfois Fio. 10. — Main de aussi très volumineux. porc présentant une réapparition du pouce P, et en outre un dé¬ doublement des deux dernières Chez l’homme, on a signalé fréquemment des cas de division de la deuxième phalange du pouce. On a vu également des cas où un doigt supplémentaire se trouvait intercalé au milieu de la main et du phalanges p, de pied, c’est-à-dire ne représentant pas le præpollex ou le præhallux. Enfin on a observé des individus porteurs d’un si grand nombre de doigts, que l’atavisme ne pou¬ vait certainement être invoqué pour expliquer leur origine. C’est (1) Nous rappelons cependant à ce sujet qu’Albreclit. comparant les doigts aux rayons ptérygiens de la Raie, remarque que ceux-ci sont tous dédoublés à leur extré¬ mité libre. Il en conclut que chaque doigt de mammifère est virtuellement double; et que, par suite, les cas de division que l’on peut constater dans ces organes sont d’origine atavique. STR LES MONSTRES MÉLOMÈLES 107 ainsi que Ruysch cite plusieurs exemples de polydactylie chez l’homme, dans lesquels le nombre des doigts allait jusqu’à huit ou neuf, et Saviard, en 1702, parle d’un enfant, né à l’Hôtel-Dieu de Paris en 1007, et ayant dix doigts aux pieds et aux mains. Un cas bien connu est celui indiqué par Morand (1770). Un pied d’un homme présentait un métatarsien externe bifide et portant deux doigts, le métatarsien moyen disposé de même, et le métatarsien interne complètement dédoublé. Il y avait donc là, réapparition du præhallux et du post-minimus, et division d’un doigt (1). Chez le cheval, on observe les mêmes particula¬ rités. Les collections de l’Ecole Vétérinaire de Lyoxi renferment une pièce figurée dans le Traité d' Anatomie des ani¬ maux domestiques de MM. Chauveau et Arloing : c’est une main Fig. 11. — Bifi- dité du pouce chez l'homme, (d'après G uyot- Daubés.) Fig. 12. — Région méla- carpo-phalaugieune du cheval, avec les pha¬ langes di v isées(d'après Chauveau et Arloing). Fig. 13. — Région mélacarpo - pha- langienned’unfœ- tusdecheval, dans lequel la division porte jusque sur le métacarpien prin¬ cipal. Fig. 14. — Main de veau dédoublée. A, la main normale; A', la main supplémentaire. de cheval dans laquelle la première phalange est bifide et les deux autres complètement divisées. MM. Joly et Lavocat(2) ont constaté (1) Lavocat, Sur le pied de l'Iiomme à huit doigts, dit pied de Morand (C. R. Ac. Sc., 1873). (2) Joly et Lavocat, Et. anatomiques et tératologiques sur une mule fissipède (C. R. 1853). Soc. Lin.n., T. XXXVIll 9 108 SUR LES MONSTRES MELOMELES également cette disposition sur un fœtus de mule. Le même ouvrage renferme la ligure d’un cas décrit par M. Delplanque, et dans lequel la division atteint l’extrémité inférieure du métacarpe lui- même. Comme il est bien démontré que le métacarpien principal du cheval et les phalanges qui lui font suite ne représentent qu’un seul rayon digité, le doigt médian, ces deux anomalies sont donc des faits de division. Chez les ruminants, nous avons observé des cas encore plus démonstratifs. Les collections de l’Ecole possèdent une main de jeune bovidé formée de deux canons normaux, adossés, mais non soudés, et supportant chacun deux doigts bien conformés. En outre, sur chaque moitié de cette main on voit les ligaments interdigités qui vont des onglons aux ergots ; ceux-ci n’ont pas été conservés au cours delà dissection de cette pièce, mais la place qu’ils occu¬ paient est encore visible. Cette extrémité est donc double, et cha¬ cune de ses moitiés est constituée comme l’est d’ordinaire la région mélacarpo-phalangienne du bœuf. Une seconde pièce, que nous avons vue à l’état frais, présente une disposition semblable. Une troisième nous montre un état un peu plus compliqué. A un canon principal, portant deux régions phalangiennes et deux ergots, est soudé en dedans un doigt com¬ plet, le pouce très probablement ; en dehors est fixé un autre canon, un peu plus petit, portant deux ergots et deux régions digitées complètes. Dans cette extrémité, il y a donc cinq doigts complets, et quatre rudimentaires représentés par les ergots. Le mode de juxtaposition de ces os montre qu’il y a là deux mains : l’une est la main normale compliquée d’un pouce réapparu, l’autre, située en dehors, est supplémentaire et comprend deux doigts et deux ergots. Ces différents cas de polydactylie nous semblent démontrer d’une façon évidente la possibilité de la division d’un membre. Nous voyons, en effet, cette division s’effectuer successivement sur une, deux, trois phalanges, puis envahir le métacarpe, et arriver à donner soit un doigt supplémentaire complet, soit même une seconde SUR LES MONSTRES MÉLOMÈLES 1 09 main normalement conformée. L’existence d’une division complète et exacte de la main étant démontrée, rien n’empêche d’admettre la possibilité de cette même division pour le membre tout entier, Nous connaissons, en effet, un exemple où la division a envahi le carpe, séparé les os de l’avant-bras, et même dédoublé l’humérus, et plusieurs cas où le membre est complètement dé loublé dans ses parties, jusqu’au scapulum qui est lui-même bifide. Quant à la cause de cette division, nous avons déjà dit qu’elle nous semblait résider dans une lésion d'ordre traumatique, ou d’origine trophique, qui atteindrait le membre encore à l’état de rudimentaire. Celte lésion déterminerait parfois la division de ce rudiment en deux bourgeons, et d’autres fois un dédoublement limité aux organes intérieurs du membre. Si nous supposons que le mamelon, qui doit donner le mem¬ bre, bourgeonne dès son apparition, ce bourgeon pourra avoir une direction quelconque, et surtout se développer d’une façon indé¬ pendante du membre principal. Il pourra donner un membre plus ou moins volumineux, plus ou moins complet dans son squelette ou ses parties molles, mais toujours réuni au membre principal au niveau du rayon osseux correspondant au point de bourgeonne¬ ment. En outre, ce bourgeonnement ayant pour point de départ une lésion de l’extrémité du membre embryonnaire, comme celui-ci prend très vite la forme d’une palette aplatie de dehors en dedans, on conçoit que toute lésion légère de cette extrémité aura pour effet de la diviser en deux portions situées l’une au devant de l’autre. Ceci explique pourquoi dans le cas de duplicité d’un mem¬ bre, les deux rayons sont toujours placés à la suite l’un de l’autre, et jamais côte à côte. A l’appui de cette interprétation, nous rappelons les expériences de Bonnet (1) sur les jeunes salamandres. Répétant les expériences de Spallanzani sur la régénération des membres après ablation, il a vu les membres se reformer jusqu’à huit fois de suite. Or, ces membres ont quelquefois porté un doigt supplémentaire, et dans Cl) Boauet, Œuvres d'histoire naturelle , 1781. MO SUR LES MONSTRES MELOMÈLES un cas, Bonnet ayant fendu longitudinalement un membre en voie de régénération, la main une fois formée, portait trois doigts en plus du nombre normal. Dans d’autres cas, il y a une véritable division intime de la masse cellulaire qui donne naissance au squelette. C’est ainsi que l’on a observé des sujets chez lesquels les deux humérus, distincts ou soudés, étaient enveloppés par un tégument commun, tandis que les avants et les mains étaient complètement séparés. Dans ce cas, il semble évident que la lésion a non seulement divisé le sommet du mamelon, mais encore a produit une scission à son intérieur. Ce bourgeonnement, ou, pour mieux dire cette division du rudi¬ ment des membres, ce dédoublement intérieur sont-ils possibles? Les faits embryologiques constatés chez les mammifères permettent de le croire. D’après Kôlliker, « le squelette entier des extrémités se constitue sous forme d’un blastème dont les différentes parties forment dès le début un tout continu, et dans lequel, du tronc vers la péri¬ phérie, se différencient successivement, cartilage par cartilage, articulation par articulation, tous les éléments de la charpente . La loi qui préside à la formation du squelette des extrémités est la suivante: dans l’axe du rudiment des extrémités, une masse de blastème se sépare du reste et, peu à peu, se convertit aussi bien en cartilage qu’en la capsule articulaire et en le périchondre. Plus l’extrémité s’accroît, plus s’allonge aussi à son intérieur le rudi¬ ment des formations squelettiques, qui y prend aussitôt la confi¬ guration typique du segment correspondant au membre (1). » Nous voyons donc que, dans le mamelon qui fait saillie sur les cotés du thorax, il existe dès son apparition, un blastème qui cor¬ respond au scapulum encore non différencié. Si un trouble trau¬ matique ou trophique survient à son extrémité à peine saillante et la divise, cette cause agira sur le blastème sous-jacent, en dédou¬ blera l’extrémité ; les deux sommets de ce blastème bifide croîtront côte à côte, s’organiseront isolément, et le dédoublement portera 1) Kôlliker, Traité d'embryologie de l'homme et des mammifères. SUR LES MONSTRES MELOMELES tll ainsi sur tous les rayons qui y sont contenus virtuellement, c’est- à dire sur l’extrémité du scapulum, l’humérus et les os de l’avant- bras et de la main. De là, formation de deux membres complets qui pourront s’accroître d’une façon indépendante, ou rester coales- cents. Si la lésion intervient plus tard, le dédoublement se portera sur les rayons non différenciés, os de l'avant bras, carpe, méta¬ carpe ou phalange. Dans le cas singulier de polymélie où le radius appartient à un membre et le cubitus à l’autre, la division du mamelon s’est pro¬ duite au moment où le scapulum seul était différencié, et les deux bourgeons ne se sont point séparés, sont restés adhérents. Le dédoublement du blastème a d’abord produit deux humérus ; puis, lorsque l’avant-bras s’est formé, cette anomalie du blastème a con¬ stitué d’emblée les deux traînées cellulaires qui se différencient normalement pour former les os de l’avant bras. Enfin les deux branches squelettiques continuant à s’accroître et à se différencier, ont donné deux carpes, puis deux mains, dont l’une s’est elle- même dédoublée de la même façon. Dans le cas de dédoublement de la main, de métacarpiens ou de phalanges, l’explication de ces anomalies par le mécanisme que nous venons d’exposer n’offre aucune efficacité. Quelle que soit la disposition de son squelette, le membre ou la région supplémentaire doit être accompagnée des parties molles, muscles, tendons, nerfs, plus ou moins développés, parfois dégéné¬ rés, mais dont quelques-uns sont toujours reconnaissables. C’est, en effet, ce que nous avons constaté dans les cas de mélomélie, de division de la main ou des doigts que nous avons pu observer avant que la macération ou tout autre procédé ait dénudé les os. On voit donc que, dans cette hypothèse de la lésion traumatique ou trophique, les différents cas de mélomélie ont une cause unique, déterminant un phénomène constant, qui est plus ou moins intense, qui se propage sur une étendue plus ou moins grande du membre, mais qui est toujours identique à lui-même, comme mécanisme et comme résultat. Avec la théorie duplicitaire on rencontre au contraire sans cesse SU II LEi MONSTRES MELOMELES J 12 des difficultés, des impossibilités même, dans l’interprétation des faits observés. Nous sommes donc amenés à conclure que, dans les différents cas que nous avons cités, il n’y a pas monstruosité double, et que les membres ou régions supplémentaires appartiennent bien aux sujets qui en sont porteurs. Il y a encore un argument que l’on peut invoquer en faveur de l’origine unitaire des monstres mélomèles, c’est l’observation de cas de ce genre chez les Batraciens. Les membres apparaissent chez ces animaux, longtemps après leur sortie de l’œuf, à une époque où ce sont des êtres isolés, indépendants les uns des autres; la production d’une greffe dans ces conditions est absolument im¬ possible. En résumé, les sujets mélomèles doivent être classés dans les monstres unitaires, et ce genre d’anomalie se rattache par des liens étroits à une forme de polydactvlie, l’augmentation du nom¬ bre des doigts ou le dédoublement d ; la main par division longitu¬ dinale. On peut ainsi établir une série presque continue avec les anomalies et les monstruosités par excès dans le nombre des doigts et des membres : 1° Dédoublement des phalanges; 2° Dédoublement de doigts ; 3° Déloublement de la main ou du pied; 4° Dédoublement de la main et de l’avant bras ; — du pied et de la jambe; 5° Dédoublement du membre entier; 6° Multiplication du membre entier. Il y a donc lieu de modifier sur ce point la classification d’is. Geoffroy Saint-Hilaire. Il faut retirer des monstres doubles poly- méliensle genre Mélomèle et certaines formes de Pygomèles (1), et (I) On rencontre en effet des pygomèles chez lesquels le membre supplémentaire est porté par un petit coxal soudé au postérieur du coxal principal, et intercalé entre celui-ci et le sacrum. Cette monstruosité correspond exactement au cas de mélomèlie que nous venons de décrire. SUR LES MONSTRES MELOMELES 113 les réunir au cas de dédoublement de la main confondus jusqu’ici avec la polydactylie, pour en faire une famille de monstres simples caractérisés par une division complète ou partielle d’un ou de plusieurs membres. Cette famille dont les représentants pourraient porter le nom général de Méloméliens se placerait entre les Ectroméliens et les Syméliens, et serait divisée en trois genres fondés sur la disposition squelettique du membre anormal. C’est ainsi que l’on pourrait admettre la classification suivante. Monstres unitaires autosites, tribu I, fam. II. MÉLOMÉLIENS Un ou plusieurs membres sont divisés partiellement ou d’une façon complète. 1er genie: La main seule est divisée. ... Schistomêi.e 2° genre: Le membre entier est divisé en deus . Mélomèle 3° genre : Le membre entier est divisé en trois . Tuiomèle Userait facile de déterminer exactement la position de l’anomalie par l’adjonction au nom générique des mots antérieur ou posté¬ rieur, droit ou gauche. La Mélomélie ou la Triomélie antérieure correspondrait à la Mélomélie de l’ancienne classification, et la Mélomélie ou Triomélie postérieure à certaines formes de Pygo- mélie. ÉTUDES suit LE GRAND FOURMILIER ( M Y R MECOPHAG A JUBATA) ORGANES GÉNITAUX - STRUCTURE VERTÉBRALE PAR MM. BATAILLON ET COUVREUR Présenté à la Société Linnéenne de Lyon, le 26 octobre 1891. -«O- INTRODUCTION Le Laboratoire de zoologie de la Faculté des sciences de Lyon a conservé vivant, pendant presque toute l’année 1889, un jeune Tamanoir (Myrmecophaga jubata) rapporté du Brésil. Cet animal était alimenté avec du lait, de la semoule, des œufs, et delà viande crue hachée. Nous n’avons pas à parler des mœurs de cette espèce à l’état libre, ni du mode si particulier d’alimentation qui lui a valu son nom. Disons pourtant que le régime substantiel auquel notre hôte était soumis n’avait point éteint chez lui l’instinct naturel. Et rien n’était plus curieux que de le voir abandonné dans le jardin de la Faculté pendant les beaux jours, fouillant le sol de ses griffes puissantes, et projetant avidement sa langue sur les rares fourmis qu’il pouvait rencontrer. Combien il paraissait plus à l’aise à ce maigre festin que devant son repas habituel! La cavité buccale presque fermée, et livrant juste passage en avant à un véritable ruban lingual de plus de 10 SOC. LINN. T. XXXVIII. 116 ÉTUDES SUR LE GRAND FOURMILIER 20 centimètres, n’était point faite pour le régime de la captivité; et c'était pitié de voir la pauvre bète happer lentement et péniblement les fragments de chair nageant dans sa mixture liquide. Notre pensionnaire semblait néanmoins se porter fort bien, lors¬ que, contre toute attente, il fut trouvé mort, le 1er janvier 1890, au matin. M. le professeur Sicard voulut bien nous confier la tâche de l’examiner. Mais le désir de conserver le squelette absolument intact, l’ignorance des points qui pourraient présenter de l’intérêt, nous ont peut-être empêché de tirer de cette bonne fortune tout le parti possible. On nous permettra bien d’ajouter aussi que le froid très vif, avec l’impossibilité d’établir un système de chauffage suf¬ fisant pendant cette période de vacances, nous invitait à aller vite. Nous avons pu réunir cependant d’assez nombreux documents. Les uns concernant la Myologie du membre postérieur constituent un premier mémoire déjà paru. D’autres, se rapportant aY appareil génital et à la structure vertébrale , feront l’objet de ce travail. Ces derniers nous ont paru présenter un intérêt particulier, parce qu’ils se rattachent à des points discutés, et sont peut-être de nature à aplanir des difficultés d’autant plus grandes que les sujets d’études sont plus rares. I. — APPAREIL GÉNITAL Les organes génitaux ont frappé notre attention aussitôt après l’ablation de la masse intestinale. Ils présentent en effet des carac¬ tères spéciaux, et dont quelques-uns semblent défier toute homolo¬ gation. Nous insisterons sur ces caractères au fur et à mesure que nous les rencontrerons. Notons seulement qu’il s’agit d’un individu femelle, jeune à en juger par sa taille (longueur totale lm,25; queue 0m,47 ; hauteur maximum 0m,37), et par l’état de son squelette; en tout cas n’ayant point geste. ÉTUDES SUR LE GRAND FOURMILIER 117 Organes génitaux externes. — La fente vulvaire, longue de 2 centimètres environ, s’ouvre dans un vagin qui mesure 6 centi¬ mètres. Ce vagin présente sur sa face sternale un certain nombre de replis, dont deux beaucoup plus prononcés ont la forme de becs de plume à angle postérieur, emboîtés l’un dans l’autre. Les bords du dernier angle présentent chacun deux pertuis très nets : ils doivent correspondre à ce que M. Pouchet(l) considère comme des orifices de glandes. C’est la seule indication de glandes que la dissection simple nous ait permis de constater jusqu’au col de l’utérus. Utérus. — Le vagin s’ouvre dans l’utérus par deux orifices très étroits placés chacun à la face inférieure d’une petite languette plissée longitudinalement. M. Pouchet a vu aussi deux orifices don¬ nant chacun passage à « une soie de sanglier » et dit à ce sujet : « c’est là, sans doute, une anomalie ». On voit que le fait s’ob¬ serve sur notre animal. Si cet orifice double était une anomalie, il faudrait également considérer comme anormale la disposition sui¬ vante sur laquelle nous devons appeler l’attention. L’utérus, nettement bilobé extérieurement, est complètement divisé en deux par une cloison médiane. Or, l’exemplaire décrit par M. Pouchet avait un utérus simple dont la forme rappelait « d’assez près celle de l’utérus de la femme en bas âge. » En présence de ces deux observations, il devient difficile de dis¬ tinguer ce qui est normal de ce qui ne l’est pas; mais la constance des deux pertuis nous conduirait à considérer plutôt comme anor¬ mal le cas de l’utérus simple. D’autres particularités bizarres que nous allons rencontrer expliqueront notre réserve et feront comprendre tout l’intérêt qu’il y aurait à étudier ces organes sur un grand nombre d’exemplaires et à des âges différents. Oviductes et ovaires. — Nous avons employé à dessein l’ex¬ pression d’utérus bilobé : c’est qu'au fait il n’est point bicorne. Les deux oviductes viennent déboucher à la face inférieure du (1) Mémoires sur le Gra?id Fourmilier , Paris, 1868. 118 ÉTUDES SUR LE GRAND FOURMILIER col , lequel est très court et mal délimité. Ces oviductes, d’abord rectilignes, présentent au milieu de leur trajet et sur un segment d'environ 3 centimètres, des replis dont l’ensemble, soutenu par un tissu conjonctif assez dense, constitue de chaque côté une masse fusiforme bosselée (on sait que ces replis de l’oviducte manquent chez les Vertébrés supérieurs et sont au contraire de règle chez les Reptiles et les Amphibiens). Au niveau des ovaires, ces conduits redeviennent rectilignes ; ils longent le bord interne de chaque glande, et viennent se terminer à leur sommet par une trompe large d’environ 3 millimètres. Sans tenir compte des replis, leur trajet ne mesure pas moins de 9 centimètres. L’ovaire est une masse ovoïde dont le grand diamètre mesure lcra,5; et le petit 1 centimètre. Au point où cessent les replis de l’oviducte, c’est-à-dire au milieu de leur parcours environ, on voit se détacher du bord interne de ces conduits deux cordons fibreux n’ayant pas moins de 1 milli¬ mètre de diamètre, et allant en arrière à la rencontre l’un de l’autre sur la ligne médiane. Ils se soudent d’abord, puis redeviennent dis¬ tincts, et viennent aboutir plus ou moins confondus au niveau où débouchent les oviductes. D’autre part, au point où l’oviducte s’infléchit pour se rabattre, à son extrémité sur chaque ovaire, on le voit se continuer suivant une direction rectiligne par un petit tractus délicat, mais très net, aboutissant à une légère ampoule. On peut, sans trop de difficulté, homologuer ce tractus à Y hydatide ; les restes du canal de Wolf restant confondus avec l’oviducte dans la moitié supérieure de son trajet, ou pouvant manquer, tandis qu’on les retrouverait bien indiqués par les cordons fibreux plus ou moins complètement obli¬ térés dans la moitié inférieure. Au point où se terminent ces cordons viennent aboutir deux glandes symétriques disposées de chaque côté de l’utérus com¬ me une double arborescence. Ce n’est là qu’une appparence ; car les appareils en question consistent dans un simple tube replié sur lui-même à son extrémité. Leur situation au-dessus du col de la vessie, leurs rapports avec la terminaison des cordons que nous ÉTUDES SUR LE GRAND FOURMILIER î 19 homologuons aux canaux de Wolf, ne rappellent rien de ce que l’on sait sur l’appareil mâle ou femelle, si ce n’est les vésicules sé¬ minales. Mais comme ces glandes sont loin d'ètre rudimentaires (longueur du tube simple, 3 centimètres et demi ; portion enroulée : longueur 2 centimètres et demi, largeur 5 millimètres), leur déve¬ loppement ne pourrait s’expliquer que par une adaptation à une fonction sur laquelle nous ne savons rien. Nous nous contenions de les signaler. S’il nous fallait résumer en quelques mots les points intéres¬ sants présentés par cet appareil femelle, nous dirions : 1° Deux orifices vagino- utérins. 2° Utérus double et non bicorne. 3° Oviductes s’ouvrant à la base de l’utérus (cas qui à notre connaissance n’a pas été signalé chez les mammifères). 4° Oviductes contournés sur la portion moyenne de leur par¬ cours. 5° Hydatide nette en avant, et rudiments des canaux de Wolf très développés en arrière. 6° Enfin, glandes particulières, disposées symétriquement de chaque côté de l'utérus, en rapport avec la terminaison des cor¬ dons de Wolf, très développée, et dont l’homologation nous paraît actuellement impossible. 11. - STRUCTURE VERTÉBRALE Un autre point qui nous a particulièrement intéressés est la composition du rachis dans les régions dorsale, lombaire et sa¬ crée. En arrière de quinze vertèbres dorsales, munies chacune d’une paire de côtes bien développées, il existe trois vertèbres présentant à première vue les deux caractères négatifs propres aux lombaires; absence de côtes, absence de soudure. Le sacrum est composé de 120 ÉTUDES SUK LE GRAND FOURMILIER cinq vertèbres intimement unies entre elles tant par leurs centres que par leurs apophyses transverses. Les trois premières sont unies par synostose aux os iliaques ; la dernière est soudée à l’ischion ; elle laisse voir à la face dorsale du bassin deux puissantes apo¬ physes transverses. Cette vertèbre ne présente pas trace d’hémapophyses à sa face inférieure ; malgré le développement considérable des apophyses transverses qui lui donnent un aspect général rappelant celui de la première caudale, il nous semble impossible de ne pas rattacher ceite vertèbre au sacrum. Du reste, le caractère dont nous venons de parler se trouve pres¬ que aussi accusé sur la vertèbre précédente. Si d’autre part, sans aller chercher bien loin des exemples qui abondent, nous considé¬ rons dans le même groupe un squelette de Tatou (Dasypus novem- cinctus) nous voyons dans la région considérée une dégradation régulière dans les dimensions de ces apophyses : il y a accroisse¬ ment régulier de leur longueur du milieu de la région dorsale au milieu du sacrum, puis décroissance graduelle vers la région cau¬ dale. Il ne reste donc pour limiter nettement la région sacrée sur notre squelette, qu’un caractère morphologique : la soudure des vertèbres entre elles et avec le bassin. La limite postérieure se trouve bien indiquée sur notre exemplaire par l’apparition subite à la première caudale d’une paire d’hémapophyses longues d’environ trois centimètres. Mais ce caractère ne nous semble pas avoir la même valeur que le précédent, puisque, chez un type extrêmement voisin, ayant le sacrum construit exactement delà même façon (Myrmecophaga telradactyla : Tamandua), nous voyons les premières caudales manquer d’hémapophyses. Notre squelette se rapporterait donc, suivant toute vraisem¬ blance, à la formule vertébrale donnée par Owen qui indique : 15 dorsales, 3 lombaires, 5 sacrées. Un examen anatomique minutieux de la région lombaire nous a conduits à modifier cette formule. Après avoir enlevé l’aponévrose qui représente dans cette région ÉTUDES SUR LE GRAND FOURMILIER 121 les couches musculaires du grand dorsal et du grand oblique , après avoir enlevé également le puissant ruban musculaire ilio- costal qui s’étend en dehors du long dorsal jusqu’à Y épine ilia¬ que, on trouve, tendu entre la dernière côte et l’épine iliaque, un plan charnu simple nettement limité à son bord externe. Il se con¬ tinue vers l’axe par un fascia fibreux qui va s’unir à deux apo¬ physes transverses ; et, par la direction de’ses fibres, par ses rapports immédiats avec la paroi postérieure de l’abdomen en dehors des psoas, il ne peut être holomogué qu’au carré des lombes. Admet¬ tra-t-on que sa couche superficielle et externe correspond au pelil oblique (lequel, entre parenthèses, nous n’avons pas constaté), le fait à noire point de vue n’a guère d’importance. En nous ar¬ rêtant aux seuls caractères morphologiques : insertion nettement limitée au bord supérieur de la crête iliaque, direction des fibres, connexions avec les apophyses transverses, nous le dénommons carré des lombes. Ce plan musculaire est coupé transversalement par un tractus fibreux, ossifié sur une longueur d’environ deux centimètres, et épais de cinq millimètres. Ce noyau ossifié correspond exactement à l’apophyse transverse de la première des trois vertèbres dé¬ nommées plus haut lombaires (en adoptant la formule d’Owen). Un ruban fibreux bien limité le met en rapport avec cette apo¬ physe. Enfin, en avant et en arrière de cette formation, deux paires nerveuses rachidiennes émergent de la masse musculaire, affectant avec ce rudiment les mêmes rapports que les paires rachi¬ diennes précédentes avec les côtes. Cette production qui se pré¬ sente symétriquement développée sur les deux côtés de la région serait pour nous de nature costale ; et la vertèbre qui la porte nous semble devoir être considérée comme une dorsale. 11 est intéressant de rapprocher les types rares qu’on a l'avan¬ tage de rencontrer de ceux étudiés précédemment. M. le professeur Pouchet, dans son travail intitulé : Mémoires sur le Grand Four milier, donne précisément une description soignée et appuyée de planches, des divers bassins de Fourmilier qu’il a pu rencontrer, soit à Paris, soit au British Muséum. Les quelque neuf ou dix 122 ÉTUDES S U K LE GRAND FOURMILIER exemplaires qu’il a pu voir se répartiraient suivant lui et à peu près par moitié, suivant deux types. lrc sacrée généralement libre. l'e caudale soudée au sacrum. _ , , , lre sacrée soudée. 2e type a 16 dorsales. 1er type à 15 dorsales. 1 lre caudale libre. Il nous a paru curieux qu’une dizaine de squelettes de toute pro¬ venance, et en tout cas, la provenance n’indiquant absolument rien, pussent se répartir en deux groupes de même importance, l’un à 15 dorsales, l’autre à 16. Notre animal, avec sa 16e côte rudimentaire nous a suggéré une étude critique des divers bassins examinés jusqu’ici, d’après les documents fournis dans les Mémoi¬ res. \\ nous mettait, en effet, sur la voie d’une interprétation qui mé¬ rite d’ètre proposée, et que nous n’hésiterons pas à émettre, car elle simplifierait les choses en ramenant à une seule formule la struc¬ ture vertébrale du Tamanoir pour la région dorsale, lombaire et sacrée. ÉTUDE CRITIQUE DES DIFFÉRENTES FORMULES VERTÉBRALES ASSIGNÉES AU GRAND FOURMILIER Nous avons rapproché plus haut notre type de celui auquel Owen donne : 15 dorsales, 3 lombaires, 5 sacrées. M. Pouchet, parlant de ce squelette d’Owen dit : « Il importe de remarquer que cette notation des vertèbres lom¬ baires et sacrées, différente de celle de Cuvier (1), ne doit pas, selon toute probabilité, être expliquée par cette supposition que chez l’individu observé par M. R. Owen, la dernière fausse côte aurait avorté et disparu comme cela se voit quelquefois. Le savant anatomiste ne s’est pas trouvé en face d’un cas tératologique ; la vertèbre qu’il détermine troisième lombaire doit répondre à la pre¬ mière sacrée de Cuvier; s’il compte néanmoins 5 vertèbres sacrées (1) Cuvier, dans sa formule Vertébrale du Tamanoir, indique : 16 dorsales, 2 lom¬ baire, ü sacrée?. ÉTUDES SUR LE G RA A D FOURMILIER J 23 c’est qu’il fait probablement rentrer dans le sacrum, la vertèbre notée par Cuvier première caudale. » La solution rejetée par le savant auteur de ce passage, nous paraît précisément acceptable; et, sans voir là un cas téralologique, nous dirons que la première lombaire d’Owen correspond à notre 16° dorsale, avec son rudiment costal. Pour ce qui est de la ré¬ gion sacrée, elle présente dans le type d’Owen, les mêmes carac¬ tères que celle appartenant à un autre bassin décrit par de Blain- ville. Or ce dernier, présenté en vue postérieure, est absolument identique au nôtre. 11 n’y a pas jusqu’à la forme de chaque apophyse épineuse sacrée qui ne soit reconnaissable. Seulement M. Pouchet, en reproduisant ce bassin, note comme deuxième sacrée une vertèbre identique à celle que nous considérons comme la pre¬ mière et qui limite nettement le sacrum en avant. Elle présente, en effet, sur une vue de profil, la forme d’un triangle rectangle dont l’hypoténuse est en avant, tandis que chacune des autres, soudée à la précédente et à la suivante, affecte au-dessus de la ligne des apophyses transverses une forme régulièrement rectangulaire. Nous faisons donc facilement rentrer dans notre cadre la figure de de Blainville en considérant comme 2e lombaire, la vertèbre no¬ tée lre sacrée dans les Mémoires. Dans le cas étudié par M. Pouchet et rappelant dans l’en¬ semble cette figure, il ne resterait comme caractère spécial que la présence d’appendices styloïdes à la vertèbre considérée comme une caudale soudée. C’est là le seul point réellement curieux à tirer de l’examen comparatif : nous devons le considérer comme une anomalie intéressante, et on pet regretter de ne pas en avoir une figure. Un autre squelette observé dans la collection huntérienne, et rap¬ porté au type à 15 dorsales, rappelle singulièrement l’exemplaire étudié par nous, en ce qu’il présente à gauche une côte rudimen¬ taire articulée, longue d’environ 3 cent. 1/2. A droite, l'apophyse transverse présente les caractères de la côte rudimentaire de l’autre côté, mais est soudée à l'apophyse articulaire postérieure. A ce propos, il est dit dans les Mémoires : « On n'a point songé 124 ÉTUDES SUR LE GRAND FOURMILIER à compter la vertèbre correspondante comme dorsale : on a consi¬ déré cette petite côte adventice comme une anomalie. » Cette disposition, qui existe plus ou moins asymétrique chez le type en question, est parfaitement symétrique chez notre exem¬ plaire. Mais, le rudiment que nous avons disséqué, si l’on ne prenait des précautions spéciales, ne résisterait certainement pas au montage. Par conséquent, en supposant que la pièce ait existé, rien d’étonnant à ce qu’elle manque sur le squelette de de Blain- ville et sur celui d’Owen. Si l’on rapproche cette particularité bizarre d’un certain nombre de faits, à savoir : que l’individu de la collection huntérienne ne présentait que 15 paires de côtes développées ; que d’autres sque¬ lettes décrits auparavant en avaient soit 15, soit 16 (des rudiments comme les nôtres ayant pu échapper à la préparation), que l’ob¬ servation du seul squelette présentant des rudiments de côtes à la 16e dorsale a été faite après l’achèvement du travail ; en tenant compte de toutes ces coïncidences, disons-nous, on s’explique que le savant professeur ait distingué deux types et ait considéré comme tératologique le cas, suivant nous, le plus significatif de toute sa série. Le seul exemple semblant ne pas cadrer exactement avec notre manière de voir est précisément le sujet disséqué par M. Pou- chet. L’auteur des Mémoires le rapproche de celui de de Blain- ville et lui donne comme formule : 15 dorsales, 2 lombaires, 5 sa¬ crées soudées entre elles et à la première coccygienne. Le bassin, nous l’avons dit, n’a pas été figuré. Il eût été intéressant de voir si la soudure de la première vertèbre dite sacrée, et qui pour nous serait une 2e lombaire, est aussi complète que celle des suivantes : si, d’autre part, il n’existait pas, sur cet exemplaire, quelque trace de la 16e paire de côtes. En tout cas, l’examen de tous les documents produits jusqu’à ce jour nous porte à croire que : dans tous les types dits à 15 côtes , la vertèbre indiquée comme première lombaire est une 16e dor¬ sale. Tantôt , elle est dépourvue de tout appendice costal, tantôt elle est munie de côtes bien développées ou de rudiments comme ÉTUDES SUR LE GRAND FOURMILIER 125 ceux dont nous avons parlé. Suivent d'une façon régulière 2 lombaires et 5 sacrées ; la première vertèbre libre venant ensuite étant toujours la lre caudale. M. Pouchet a eu l’idée de chercher des repaires pour délimiter le sacrum; et se sert de la crête ilio-pectinée. Il dit à ce propos : « Le règlement des vertèbres qui doivent prendre le nom de sa¬ crées, calculé sur leurs rapports avec la crête ilio-pectiné pourra paraître artificiel. Il ne l’est pas, au moins pour le tamanoir, où cette manière d’envisager le squelette reflète l’arrangement même des nerfs rachidiens. La paire nerveuse qui est au-dessus de la crête ilio -pectinée, la paire qui répond par conséquent, à la pre¬ mière vertèbre sacrée, descend dans le bassin concourir avec les suivantes, à former le plexus sacré et le nerf sciatique, les deux paires situées plus haut, celles des vertèbres lombaires par con¬ séquent, forment le plexus lombaire et donnent le nerf crural. Nous pouvons ajouter qu’en comptant de la sorte, ou voit toujours la cinquième vertèbre à partir de la crête ilio-pectinée, c’est-à- dire la première caudale, quels que soient ses rapports et son union avec la première sacrée, présenter en-dessous deux héma- pophyses libres. Elles ne se soudent pour former une arcade hémati¬ que complète et un os en V régulier, qu’au niveau de la vertèbre suivante ou deuxième caudale, » Sur les dessins des mémoires, cette crête est obscure et ne donne pas l’indication précise fournie par notre exemplaire. Chez lui, cette crête commence à la vertèbre que nous dénommons première sacrée. Il importe de remarquer que, d’après notre discussion de la formule vertébrale, cette première vertèbre serait probable¬ ment notée seconde par M. Pouchet, et qu’en somme les faits doi¬ vent être concordants. Du reste nous ne voyons pas que la constance des rapports avec les nerfs rachidiens (laquelle donnerait à cette crête, sa valeur comme repère) soit établie par la dissection d’un seul individu. M. Pouchet prend un autre repère pour deux animaux in • jectés : la naissance des iliaques externes. Elle se présente dit-il entre la deuxième lombaire et la première sacrée chez un type à ETUDES SCR LE GRAND FOURMILIER 126 quinze côtes et chez un type à seize côtes. Ce caractère eût-il une grande valeur qu’il resterait à examiner ce type à seize côtes conservé en chair, et sur lequel on n’a constaté que le nombre des côtes et les rapports de la crête ilio-pectinée. D'ailleurs, dire que l’iliaque externe naît entre la deuxième lom¬ baire et la première sacrée chez un type à quinze côtes se ramène pour nous à dire qu’elle naît entre les deux lombaires. Et comme tout a été déterminé dans l’autre type d’après les rapports de la crête iliopectinée, sans étude spéciale de la région vertébrale, dire que cette iliaque naît au deuxième intervalle au-dessus de la crête, qui pour dous, doit correspondre à la première sacrée, c’est encore dire qu’elle naît entre les deux lombaires. Il resterait à disséquer cet exemplaire qui, selon toute probabilité, doit rentrer dans la règle. On voit qu'en somme (et il est facile de s'en rendre compte tant d'après les dessins reproduits par M. Pouchet, que par ceux de notre propre exemplaire ), on voit disons-nous, qu’en tenant compte de ce que la seizième dorsale est munie de cotes jilus ou moins développées, la formule vertébrale du grand Fourmilier resterait telle que l'a donnée Cuvier : seize dor¬ sales, deux lombaires, cinq sacrées. Ainsi disparaitraît cette anomalie unique d’une double formule vertébrale chez une même espèce, le Fourmilier se rangeant sous une loi commune à la généralité des formes mammifères: fixité de la structure vertébrale particulièrement nette pour les régions cervicale, dorsale et sacrée. Laboraf oire de zoologie de la Faculté des sciences de Lyon. PLANCHE EXPLICATION DE LA. PLANCHE Fig. I. — Organes génitaux femelles du Grand Fourmillier vus par la face ventrale. ov. Ovaire. р. Pavillon de la trompe. t. Oviducte. tm. Portion moyenne de l’oviducte repliée sur elle-même. u. Utérus bilobé. o. Orifice vagino-utérin gauche. og. Orifices de glandes. h. Hydatide. io. Gordon fibreux considéré comme vestige du canal de Wolf. gl. Glande particulière non homologuée. Fig. 2, 3, 4. — Bassin du Grand Fourmilier. a. Cavité cotyloïde. b. Os illiaque. с. Ischion. cL. Pubis. e. Trou obturateur. f. Union de la cinquième vertèbre sacrée avec l’ischion. g. Grande échancrure sciatique. l, 2, 3, 4, 5. Série des vertèbres sacrées. Fig. 2. — Bassin vu par sa face postérieure. Fig. 3. — Bassin vu par sa face antérieure. Fig. 4. — Bassin vu de profil. En avant du bassin sont indiquées les deux ver¬ tèbres lombaires, et les trois dernières dorsales munies de leurs appendices costaux. NOTE SUR UN NOUVEAU GISEMENT DE PLIOCÈNE MARIN A. BÉDARR1DES (Vaucluse) TAU Eue MERMIER Présentée il la Société Linnéennc de Lyon. La carte géologique détaillée de la France au 1/80.000 (feuille d’Avignon) contient, dans la partie comprise entre les trois locali¬ tés de Courthézon (1), Châteauneuf-Calcernier et Bédarrides, une légère inexactitude qu’il me paraît utile de porter à la connaissance des personnes qui s’intéressent à la géologie de notre région. La surface triangulaire ainsi délimitée est occupée par une col¬ line au contour capricieusement découpé, faisant une saillie de 70 à 80 mètres sur les alluvions modernes du Rhône et de l’Ouvèze. En consultant la carte, on voit que ce petit massif est formé de Mollasse helvétienne (m3) sur laquelle repose directement une nappe d’al- luvions pliocènes (P). Un très petit lambeau de Pliocène marin (p) est indiqué contre l’abrupt qui termine la colline au sud-est, sous le mot la du lieu dit :1a Gandole, en face même de Bédarrides. J’ai visité ce témoin de la dernière invasion de la mer dans notre vallée, et j’ai constaté qu’il y avait là, en effet, une petite masse de marnes et de sables contenant des débris de fossiles pliocènes marins. Lorsqu’on se dirige de ce point vers le nord, en côtoyant (1) Courthézon se trouve sur la feuille d’Orange. Soc. Linn. t. xxxviii. It 132 UN NOUVEAU GISEMENT le flanc oriental de la colline, on voit disparaître ce gisement au point indiqué sur la carte; mais à environ 500 mètres de là, il réapparaît plus largement étalé et plus puissant, en formant une bande à peu près continue, qu’il est facile de suivre sur un parcours d’au moins 3 kilomètres. Cette bande, qui ne figure pas sur la carte, est très développée sous le mot Loup , se rétrécit quelque [ eu à la hauteur de l’ancien télégraphe aérien et paraît disparaître aux environs de la grange Lacrau. Lorsqu’on revisera la feuille d’Avignon, il sera facile de l’intercaler entre les alluvions pliocènes et la Mollasse sous-jacente. Cette Mollasse appartient à l’ Helvétien moyen. D’anciennes car¬ rières, ouvertes dans sa masse, à 500 mètres environ au nord de l’ancien télégraphe, pour exploiter un banc de grès lumachelle à Cardita cf. Michaudi, Tournouër, le montrent suffisamment. L’importante formation pliocène qui couronne ainsi le flanc est delà colline de Bédarrides a une puissance maxima de 20 mètres. Elle comprend de bas en haut : 1° Des Marnes bleues avec fossiles blancs. 2° Des Sables fossilifères assez grossiers avec des lentilles gré¬ seuses, de nombreuses taches ferrugineuses et d’abondantes concré¬ tions calcaires blanches. Les fossiles que fournissent les Marnes bleues sont les suivants : Nassa limata, Chemuitz. Natica Josephinia, Risso. Dentalium delphinense, Fontannes . Corbula gibba, Olivi. Loripes leucoma, Turton. Venus islandicoides , Lamarck. Venus multilamella, Lamarck. Pectunculus glycimeris, Lamarck, Ostrea cochlear, Poli. Plusieurs valves d 'Ostrea cochlear sont fixées sur des blocs de grès contenu dans les marnes. Des recherches suivies permettraient d’allonger beaucoup cette liste. Néanmoins les espèces indiquées suffisent pour reconnaître l’àge plaisancien du dépôt, et son assimilation à l’horizon des F aluns et Marnes à Cerithium vulgatum de Saint-Aynès ne saurait faire aucun doute. DE PLIOCENE MARIN 133 Les Marnes bleues ont une épaisseur variable, qui peut attein¬ dre 5 mètres sur certains points. Elles sont légèrement ravinées par les sables supérieurs, et s’appuyent sur la tranche des bancs helvétiens. L’île mollassique de Bédarrides ne devait pas être complètement submergée quand leur dépôt s'effectuait, car le caractère littoral de la faune, et la présence de gros blocs degrés paraissant s’être déta¬ chés de falaises voisines, impliquent la proximité immédiate d’une terre ferme, sur ce point cependant assez distant des bords delà mer plaisancienne. Les Sables contiennent la faune ci-après : Janira benedicta, Lamarck. Pecten multistriatus , Lamarck. — scabrellus, Lamarck. — Bollenensis , Mayer. Lima in /lata, Chemnitz. Anomia ephippium, Linné. Ostrea Barriensis, Fontannes. — cucullata, Born. — lamellosa , Brocchi. — Perpiniana, Fontannes. — Companyoi, Fontannes. Balanus (2 espèces). Cidaris Desmoulinsi, Sismonda. Ils s’avancent transgressivement sur les marnes à fossiles blancs et passent par dessus la Mollasse. Ce dépôt s’est formé pendant la période d’avancement de la mer plaisancienne; il indique que celle- ci avait fini par recouvrir totalement les hauteurs comprises aujourd’hui entre Orange et Bédarrides. L’ancienne île sur le rivage de laquelle vivaient auparavant de petits Gastropodes et des Lamellibranches dimyaires, ne formait plus alors qu’un haut fond, une sorte de récif sous-marin, peuplé d’Echinides, de Monomyaires et particulièrement d’Ostracées. Cette faune est celle des sables à Pecten scabrellus de Neffiach et Millas (Pyrénées-Orientales), sables assimilés par Fontannes à ceux à Ostrea Barriensis de Saint-Pierre-de-Cénos (Vau¬ cluse). MOEURS ET PAR LE CAPITAINE XAMBEU Présenté à la Société Linnéenne de Lyon le 26 octobre 1891. ■<>•0- INTRODUCTION Les Annales de la Société linéenne de Lyon ont eu jusqu’ici la bonne fortune d’enregistrer la plupart des travaux descriptifs sur les premiers états des insectes. Me plaçant au point de vue de l’ordre des Coléoptères, Mülsant, notre entomologiste lyonnais, outre ses travaux originaux, a donné de bonnes et nombreuses descriptions de larves et de nymphes malheureusement éparses un peu partout dans le corps des Annales ; l’illustre Perris, dans son immortel travail des larves de Coléoptères, paru en 1877, a élargi l’œuvre en faisant connaître les caractères descriptifs de larves et de nymphes, suivis de bien des détails ignorés sur leurs mœurs et leurs métamophoses ; plus tard, Rey, le doyen des entomologistes lyonnais, le continuateur et le savant collaborateur des ouvrages de Mulsant, sous le titre bien modeste d 'Essai sur les larves de Coléoptères , 1886, a de beaucoup augmenté le bagage descriptif des espèces et a ainsi accru le nombre de celles exhumées par ses devanciers ; j’ose moi-même apporter aujourd’hui quelques Soc. Linn., t. xxxviii. 12 136 INTRODUCTION nouveaux faits descriptifs et biologiques et continuer ainsi l’œuvre commencée par nos illustres prédécesseurs : je me suis un peu plus étendu, quand je l’ai pu, sur les mœurs, les métamorphoses et les instincts des espèces, sans négliger toutefois les détails descrip¬ tifs y adhérents, parce que la science entomologique ne doit j as seulement consister à compter le nombre de poils ou d’épines de chaque individu, la forme plus ou moins grande, la variété plus ou moins changeante des couleurs, mais bien plutôt à co nnaître la souche exacte, c'est-à-dire le cycle biologique, et ce sont précisé¬ ment ces premiers états, délaissés à tort, parce qu’ils inspirent quelquefois une certaine répugnance injustifiée, ou parce qu’ils sont trouvés trop longs à observer, qui sont de nature à servir de base à une classification exacte : jusqu’alors, bien des espèces dou¬ teuses, bien des genres incertains, bien des familles mal établies, continueront d’être ballotées, faute de ne pouvoir leur trouver une place certaine dans l’harmonie naturelle. Ria, le 25 Septembre 1891. COLÉOPTÈRES CICINDELIDES Cicindela connata, Heer. Larve : longueur de 18 à 20 millimètres ; largeur 3 à 4 milli¬ mètres. Corps subcylindrique, parallèle, replié sur lui-même, gris pâle, pubescent ; tête et premiers segments noirs ; large à la région antérieure, un peu moins à l’extrémité opposée. Tête noire, large, triangulaire, déprimée, fortement chagrinée, excavée à sa région médiane, avec trait triangulaire ferrugi¬ neux à l’occiput ; de l’angle de ce trait partent deux lignes obliques de couleur rougeâtre qui vont se perdre un peu en arrière de la base antennaire ; les bords latéraux céphaliques sont relevés en forme de lame flexueuse et dentée, et le re¬ bord occipital est caréné ; épistome et labre indistincts, la tète s’avance en forme de chaperon verruqueux et légèrement denté à son bord antérieur, au-dessus des pièces buccales qu’il dé¬ passe, les mandibules venant au repos prendre appui contre la dentelure de cette sorte de palette ; mandibules grandes fal- ciformes, se croisant l’une sur l’autre, ferrugineuses à la base, noires à l’extrémité, avec une forte dent noire, au tiers inté- 138 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES d'iNSECTES rieur, et deux légères dentelures à son bord extérieur, ter¬ minées par un gros cil brun ferrugineux ; mâchoires placées à la hauteur du plan de position des palpes labiaux,’ à pièce basilaire forte et transverse, rougeâtre et pubescente avec deux spinules à la base, à lobe intérieur bi-articulé, long et sub¬ déprimé, portant trois cils longs et roux à la base extérieure et trois autres à l’extrémité opposée, laquelle est brune et su- bicylindrique, avec long cil brun au bout ; palpes maxillaires triarticulés, premier et deuxième articles courts, bruns, égaux, un peu renflés au sommet qui est testacé, troisième long, grêle noir conique à pointe obtuse, deux longs cils à direction diver¬ gente partent du sommet du deuxième article ; menton corné, noir, convexe, quadrangulaire à rebord latéral très saillant ; palpes labiaux bi-articulés, premier long, testacé, cylindrique, renflé au sommet duquel partent de gros cils à direction di¬ vergente, deuxième brun, noir, lisse de même forme, moitié plus petit avec long cil extérieur ; languette charnue, testacé pâle, à angles arrondis; autennes, bien 'développées, à pointe dirigée en dedans, brun clair, avec longue pubescence rousse au sommet des quatre articles dont elles se composent; pre¬ mier article court, tronconique, à extrémité claire ; deuxième un peu plus long, cylindrique ; troisième, moitié du précédent; qua¬ trième, court, noir, à extrémité obtuse ; ocelles, deux points ocellaires noirs, gros, cornés, luisants, sur la carène en arrière de la base antennaire, deux autres moins grands, noir luisant, au-dessous de la carène. Segments thoraciques , le premier un peu moins large que la tête, corné, noir mat, clypéiforme, fortement déprimé, à angles très aigus, à disque lisse et brillant; pubescent de poils blancs, en particulier à son pourtour, avec ligDe longitudinale médiane; deuxième segment un peu moins large que le pre¬ mier, subconvexe, s’avançant en pointe sous le premier seg¬ ment, corné, gris sale, fortement pubescent à son pourtour, un peu moins sur le milieu ; disque légèrement déprimé, ligne mé¬ diane peu marquée ; troisième segment, même forme, même MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’INSECTES 139 pubescence, de couleur un peu moins sombre, à bord antérieur moins accentué. Segments abdominaux égaux en longueur et en largeur aux segments thoraciques ; les huit premiers, gris sale, sub¬ convexes, avec une double rangée de plaques écailleuses, bru¬ nes, parsemées de longs cils roux, séparées par une large ligne longitudinale médiane ; le cinquième arceau relevé en forme de gros bourrelet; de l’arrière des deux plaques surgit un tuber¬ cule subcorné, brun, avec de gros cils roux, surmonté d’un crochet de couleur jaunâtre, dont la branche est dirigée en dedans et la pointe très aiguë dirigée en dehors, deux longs cils exté¬ rieurs à la base de chaque crochet; un peu en arrière sont deux petits styles courts, cylindro-coniques, à pointe très dé¬ liée, débordée par deux longs cils partant du tiers delà tige; le neuvième anneau plus petit que les précédents est formé d’une plaque unique et se termine par un prolongement charnu, jaunâtre, fortement cilié, qui fait l’office de pseudopode ; sur la région latérale, tous les segments abdominaux portent une petite plaque subovalaire, jaunâtre, lisse, subcornée, avec aréole de cils roux divergents ; une incision latérale très accentuée marque le point de division de la région dorsale avec la région ventrale. Dessous, le corps est subdéprimé, la tête est fortement con¬ vexe, de nature cornée, rougeâtre, le milieu du disque traver¬ sé par une forte impression longitudinale, terminé par un dou¬ ble trait en forme d’Y ; le dessous des segments thoraciques est mamelonné, le centre du mamelon marqué d’une petite plaque ronde, lisse, brillante aux deux derniers segments ; les sept premiers arceaux abdominaux subconvexes, portent à leur centre une plaque obovale grise, ciliée de roux, suivie de cinq à six petites taches de même couleur, ciliées aussi de roux ; les huitième et neuvième arceaux ont deux plaques ad¬ jacentes, plus foncées en couleur, à pubescence plus longue ; l’extrémité du neuvième est en saillie, porte l’anus dont la fente longitudinale se bifurque au bout, le pourtour du tube est cilié de roux. 140 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES o’iNSECTES Pattes insérées sur le prolongement de la ligne de sépara tion des deux régions, formées d’une hanche longue de cou¬ leur brunâtre, cylindrique, ciliée de roux ; trochanters courts, brun clair ; cuisses brunes et ciliées, terminées par une pointe obtuse, légèrement renflées à l’extrémité ; jambes courtes, cy¬ lindriques, brunes, fortement ciliées ; tarses très courts, bi-on- guiculés et ciliés de roux. Stigmates mat à péritrème ovalaire, noir; la première paire plus grande, plus pâle, placé sous le rebord postérieur du premier segment thoracique, au bord antérieur du deuxième anneau et un peu au-dessous de l’alignement des huit sui¬ vants qui sont sis un peu en arrière du bord antérieur des huit premiers arceaux abdominaux et au-dessus de la ligne de sé¬ paration des deux régions. Aux environs de Ria (Pyrénées-Orientales), comme à ceux d’Argelès, où j’ai pu l’observer, cette larve se trouve au bord des sentiers battus, le long des talus bien exposés au midi, sur les coteaux variant de 400 à 800 mètres d’altitude ; la cher¬ cher en plaine serait perdre son temps, elle ne s’y trouve pas : la plaine est le domaine de la Cicindela campestris et d’au- trts espèces affines ; la rechercher sur les collines ou sur les montagnes dont l’altitude dépasse 800 mètres, serait peine inu¬ tile ; ici c’est encore à partir de cette hauteur le séjour de la C. campestris ; la zone d’habitation de ces deux insectes est si bien tranchée, qu’on ne les trouverait pas ensemble : ni lar¬ ve ni adulte ne sont jamais mêlés ; bien des espèces fauniques ne vivent qu’à partir d’une altitude bien délimitée, altitude qui est la même partout pour la même espèce ; c’est le cas de la C. connata; il est même des variétés qui ont aussi leur al¬ titude, mais elles sont peu ou prou mêlées au type, et je ne m’avancerai pas trop en affirmant que la larve de laquelle naît la variété est exactement semblable à celle qui donne le type. La Cicindela connata dont Heer a fait une variété de la campestris , semble devoir constituer une espèce distincte, tant par sa larve que par l’adulte, et aussi par les mœurs : la larve MOEURS ET MÉTAMORPHOSES d’iNSECTES 141 se distingue de la campestris et espèces voisines, par la cou¬ leur noir mat de sa tête et de son premier segment, ainsi que par sa pubescence longue et serrée; les trous qu’elle construit dans un sol très ingrat, toujours rocailleux et très sec, ne sont jamais perpendiculaires ; profonds de 3 à 4 centimètres au plus, ils suivent le terrain friable et se prolongent ensuite en faisant un coude oblique d’un volume proportionnel au corps de la future nymphe ; la larve se nourrit d’insectes et de vers, elle est rarement le jour à l’affût, ce qui fait supposer chez elle des habitudes nocturnes, et cela peut s’expliquer étant donné le milieu de son habitat où la trop grande chaleur du jour, éloigne dans des lieux plus tempérés ou retient sous abri, la proie dont elle s’alimente ; on la trouve au prin¬ temps et plus particulièrement en automne, devenue alors adulte, elle se métamorphose au fond de sa retraite, en ayant soin de boucher au préalable le trou de sa galerie ; dès les premiers beaux jours de février, l’adulte apparaît en petite quantité, le nombre augmente jusqu’en juin pour disparaître complètement et ne reparaître partiellement qu’en septembre et en octobre, époque à laquelle quelques sujets tardifs terminent l’existence de la généra¬ tion ; je n’ai jamais observé d’accouplements chez ces derniers, le rapprochement des deux sexes a plus particulièrement lieu au printemps. L’adulte est toujours plus cuivreux, plus net de formes, ses taches sont bien délimitées et constantes ; il est vagabond, erre dans des lieux incultes, guette sa proie entre les herbes, parmi la broussaille, n’est jamais en nombre aux mêmes lieux, tandis que la Campestris vit par groupes, dans des endroits découverts et sablonneux. La Cicindela connata doit-elle constituer une espèce ou con¬ tinuer d'être considérée comme une variété? Tout semble lui donner le caractère de l’espèce, larve, mœurs, adulte. Si c’est une variété, pourquoi le type dont elle a été tirée ne se mélange- t-il jamais avec la variété, étant donné que, dans les 142 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES DTNSECTES mêmes lieux, ce type se trouve à 400 mètres d’altitude et au-des¬ sous, et à 800 mètres d’altitude et au-dessus. La larve de la variété connata n’a jamais donné le jour au type campestris, pas plus que de la larve du type n’est jamais issue la variété. A ces deux causes réunies, la question ne semble pas sujette à discussion : connata mérite les honneurs de l’espèce, étant admis que les insectes d'une même espèce sont ceux qui peuvent reproduire d’une manière indéfinie, par voie de génération , des individus semblables. Telle est la question que j’ai posée au n° 6, du Coléoptériste du 1er mars 1891 . Ciciudela Sylvicola, Dej. Larve : longueur 22 millimètres, largeur 4 millimètres. Cette larve a beaucoup de ressemblance avec celle de la C. con- nata à laquelle on peut se reporter en tenant compte des indications suivantes. Corps convexe, gris foncé, très légèrement pubescent, à extré¬ mité antérieure noir brillant tronqué; atténué à l’extrémité pos¬ térieure. Tête d’un noir cuivreux brillant, large, triangulaire, chagrinée; à bords postérieurs arrondis, avec longs cils roux raides, épars sur la surface ; fortement excavée, le milieu de l’excavation transver¬ salement caréné et surmonté de deux poils ; les bords postérieurs et une partie des bords inférieurs latéraux relevés en forme de carène ; mandibules sans cil terminal ; mâchoires à pièce basilaire forte et oblique ; menton carré, avec deux longs poils bruns à la base et ligne médiane claire ; le premier article des palpes labiaux est évasé au bout, le deuxième arqué en dedans ; languette légère¬ ment dentée; — antennes arquées en dedans, longues et à cils déliés; ocelles, les deux inférieurs sont bruns et obliquement placés. Segments thoraciques, le premier rouge, cuivreux brillant, lisse, clypéiforme, convexe à son centre avec ligne longitudinale MOEURS ET MÉTAMORPHOSES d’iNSECTES 143 médiane, et trait transversal ondulé au milieu, à angles antérieurs très aigus, à poutour cilié de poils blanchâtres; deuxième convexe, troisième carré, à angles postérieurs aigus. Segments abdominaux, le bourrelet du cinquième arceau est fortement granuleux et cilié ; dans l’enceinte du bourrelet formé à la base de chaque crochet est une petite tige cornée, cylindrique, à bout noir et pointu, avec deux longs cils à moitié de la tige; la double rangée de plaques écailleuses repose sur une ligne longitu¬ dinale à fond obscur. Dessous convexe, tête divisée en deux lobes par un fort sillon à extrémité bifurquée : la plaque obovale grise est ridée, le milieu du segment anal est relevé par deux tubercules petits, transversale¬ ment ciliés. Pattes de longueur égale, à hanches dirigées vers l’extérieur, les autres parties vers le centre, la jambe courte et épineuse est bi- onguiculée, l'ongle interne le plus court. Stigmates , forme et couleur et place de sa congénère, la C. con- nata. C’est en juillet et en août, dans la Drôme, à 13 kilomètres de Romans, entre Barbières et le Col de Tourniol, sur un terrain argileux, contre des talus bien exposés au soleil, que j’ai trouvé cette larve : les trous qu’elle creuse dans la terre ne sont pas très profonds, 12 centimètres au plus : elle est aussi très abondante le long de la montée qui de Die va à la chapelle en Vercors par le col du Rousset. Cicindcla fleiuosa, Fab. Larve : longueur 14 à 15 millimètres, largeur 2 1/2 à 3 milli¬ mètres. A de grands rapports de forme et de couleur avec la Campestris, elle s’en distingue par les particularités suivantes : Corps plus court, grêle d’un rouge cuivreux, brillant à la région antérieure, testacé à l’extrémité opposée. Tête écailleuse triangulaire, fortement concave, rouge cuivreux 144 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES l)’lNSECTES très brillant; disque limité par deux sillons parallèles se rejoignant au milieu du bord postérieur qui est au point de rencontre surmonté d’un petit tubercule noir bicilié, ce bord postérieur relevé en forme de carène ainsi qu’une partie du bord latéral, tous deux avec courts cils blanchâtres; épistôme verruqueux; labre comme dans Cicin- dela connata; mandibules grêles, fortement arquées, à base rou¬ geâtre claire et luisante, à extrémité brune; mâchoires à lobe et à palpes rougeâtres; menton saillant convexe, luisant scutiforme; palpes comme chez connata; languette frangée de courts cils roux; antennes longuement ciliées, premier article allongé cylindrique, vert métallique, deuxième rougeâtre, même forme, un peu plus long, troisième obconique plus court rougeâtre ainsi que le qua¬ trième qui est petit cylindrique à bout obtus et t ricilié ; ocelles, les deux supérieurs gros, noirs, cornés, saillants. Segments thoraciques , le premier clypéiforme, écailleux un peu moins large que la tête, rouge cuivreux très brillant avec cils blancs au bord antérieur qui est bisinué et aux bords laté¬ raux, parcouru par une ligne médiane bien marquée de chaque côté de laquelle est une forte impression en forme de Y très ouvert ; deuxième et troisième segments charnus, testacés, par¬ ticipant de la forme du premier mais plus étroits, le bord antérieur du deuxième s’avance en pointe de couleur bleue sous le rebord postérieur du premier, avec ligne longitudinale médiane de chaque côté de laquelle sont deux courts traits obliques. Segments abdominaux charnus, grêles, gris sale, ciliés de roux avec deux petites plaques foncées, ciliées, séparées par une ligne médiane de la couleur du fond, laquelle s’arrête à hauteur du segment anal qui en est dépourvu et qui est proportionnellement plus cilié que les autres ; un long bour¬ relet latéral cilié longe les flancs des huit premiers segments; le cinquième anneau est mamelonné, la base du mamelon armé d’une aréole de cils du centre de laquelle s’élève une apophyse charnue ciliée terminée en pointe brune cornée, entourée à son milieu d’une rangée circulaire de longs cils ; du centre du MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES 145 mamelon émerge un crochet acuminé identique à celui de la C. connata mais bien moins accentué et à milieu tricilié. Dessous de la tête fortement convexe, divisé en deux lobes par un fort sillon excavé à l’extrémité, laquelle se termine par un petit renflement scutiforme ; le milieu du segment anal porte deux groupes transverses de trois granulations, un de chaque côté de la ligne médiane, chaque granule surmonté d’un très long poil brun ; anus à bout tronqué, brun, forte¬ ment cilié à son pourtour. Pattes plus grêles que chez sa congénère la C. connata. Stigmates petits saillants bruns, à péritrème gris sis à leur place habituelle. C’est à toute époque de l’année et à différents degrés de développement, sur les talus sablonneux qui longent à l’Est la voie ferrée, un peu au-dessous de Saint-Fonds près de Lyon, qu’on trouve cette larve : elle abonde aussi au Camp de la Valbonne, ainsi qu’au bord des Sablonnières des environs de Romans : elle se pratique des trous dans ce milieu sablonneux dont la profondeur varie de 15 à 20 centimètres, elle est très agile ; lorsqu’elle est arrivée à son entier développement, elle bouche l’orifice du trou dans lequel elle avait vécu, donne une direction oblique à sa loge qu’elle agrandit, et se dispose à subir sa transformation ; au fond de sa galerie cylindrique on trouve les débris des insectes dont elle s’est repue ainsi que les dépouilles de ses mues successives. Inquiétée, elle dégage par sa bouche uneli queur acre et brune. Nymphe longueur 12 à 14 millimètres; largeur 5 millimètres. Corps jaune foncé, masque thoracique plus clair, ailes pattes et antennes de couleur hyaline, large à la région antérieure, atténué à la région postérieure qui est un peu arquée ; masque frontal plan, le disque légèrement relevé; mandibules croisées très proé¬ minentes ; masque thoracique à premier segment en forme de carré, à rebords ciliés de courtes soies, les deux segments sui¬ vants égaux, trapézoïdaux à disque renfle et bi- mamelonné ; le bord postérieur des cinq premiers segments abdominaux relevé 146 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES ü'iNSECTES en forme de bourrelet transversal ; de l’extrémité de chaque bourrelet fait saillie une petite éminence conique charnue, l’ex¬ trémité de celles des quatre premiers arceaux longue de un millimètre se termine par quatre granules noirs de la base desquels part un long poil brun ; l’extrémité de la cinquième de beaucoup la plus longue, se termine par dix à douze granules à base ciliée de poils formant faisceau : ces poils disparaissent en partie dans le cours de la nymphose par suite du frottement que la nym¬ phe exerce sur eux ; le segment anal porte une plaque scutiforme en dessus et se prolonge en dessous en deux saillies membraneuses à base large, charnue, à pointe très courte arquée en dehors ; les antennes reposent sur le milieu des cuisses des deux premières paires de pattes, se coudent ensuite en longeant le bord antérieur des élytres dont elles dépassent un peu la pointe. C’est en juillet et août que la plus grande partie des larves se métamorphose en nymphe : avant l’hiver on ne trouve que de jeu¬ nes larves, jamais de nymphes. La nymphe dans sa loge repose sur ses épines dorsales, lesquel¬ les lui garantissent son corps du contact avec le sol. Adulte , c’est au bord des talus sablonneux, non loin des lieux où s’est écoulée son existence larvaire, que se tient l’adulte : caché tant que le soleil n’a pas encore paru, et sans cesse en quête de proie dès que l’astre solaire déverse ses rayons lumineux. La variété verte est assez commune aux environs de Saint - Fonds. CARABIDES Cnrabus rutilant, Dej. Larve : longueur 35 à 40 millimètres, largeur 8 à 10 millimètres. Corps large, allongé, convexe en dessus, déprimé en dessous, glabre, lisse, chagriné, un peu atténué aux deux extrémités, entiè¬ rement noir à l’exception de la tête, avec ligne longitudinale médiane. MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D'iNSECTES 147 Tête cornée, petite, rougeâtre, plane, excavée au centre forte¬ ment chagrinée et verruqueuse, disque renflé ; épistome et labre indistincts, lisière frontale tridentée, les deux dents extérieures courtes, avec long poil brun à la base, à pointe mousse; la médiane triangulaire émerge d’une forte encoche; mandibules fortes, rou¬ geâtres, falciformes, à extrémité très acérée, à base armée d’une forte dent recourbée en dedans ; mâchoires brunes à pièce basilaire obconique, forte, ciliée, plus densément en dedans, portant à son extrémité un lobe bi- articulé arqué en dedans, premier article gros, épais, cylindrique, cilié, deuxième plus court à bout acuminé; à la base intérieure du lobe est accolée une petite saillie dentiforme avec long poil aubout; palpes maxillaires bruns, dequatre articles annelés de testacé ; premier court gros, cylindrique, deuxiè ne et troisième plus longs et plus larges, renflés à l’extrémité, quatrième fusiforme ; menton charnu, testacé, triangulaire; palpes labiaux, brun rou¬ geâtre, bi-articulés, àbaseannelée de testacé, premier, court, épais, à direction extérieure, cilié en dedans, deuxième un peu plus long terminé par un empâtement qui lui donne la forme d’une bottine renversée; languette testacée rudimentaire avec quatre longs cils, à bords arrondis; antennes brun noir, courtes, un peu arquées en dedans, à base articulaire testacée, de quatre articles, le premier, court épais, deuxième, deux fois plus long mais moins large; troi¬ sième, plus court avec une saillie dentiforme à la base du quatrième qui se termine en pointe obtuse et ciliée ; quelques courts cils le long de la tige antennaire ; ocelles sis en arrière de la base anten- naire au nombre de six implantés sur une protubérance noire cornée, chagrinée, dont ils circonscrivent le pourtour. Segments thoraciques noirs, larges, convexes, chagrinés, avec ligne longitudinale médiane bien marquée; le premier beaucoup plus large que la tète s’élargissant en s’arrondissant d’avant en arrière, à bords latéraux légèrement relevés en forme de carène, plus long que les deuxième et troisième qui sont égaux et transverses et un peu plus larges, à bords latéraux carénés, les angles arrondis, le bord antérieur transversalement ridé. Segments abdominaux légèrement convexes, noir brillant, mat 148 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES o’iNSECTES sur le disque, chagrinés, avec ligne médiane bien marquée, dimi¬ nuant un peu de largeur de la base à l’extrémité, les sept premiers égaux ou à peu près, à bords latéraux avec forte carène, à angles antérieurs arrondis, effacés, les angles postérieurs arrondis aussi mais avancés en légère saillie sur le segment suivant, deux impres¬ sions obliques de chaque côté de la ligne médiane; le huitième plus convexe avec angles postérieurs plus accentués, un peu plus long mais moins large avec une seule impression oblique; neu¬ vième, court, verruqueux,à bord antérieur caréné, à angles pos¬ térieurs très saillants, les antérieurs droits, se terminant par deux crochets, cornés, noirs, trifides, légèrement ciliés et verruqueux, la pointe basilaire, longue, détachée de la suivante qui est plus longue, arquée en dedans, avec petite dent au tiers extérieur de la tige. Dessous, de la tête convexe, rouge vif, bilobé, une petite fossette au point le plus élevé de chaque lobe, le trait de division noir; des segments thoraciques et des segments abdominaux brun noir; les six premiers segments abdominaux portent une double plaque lisse, noire, en forme de parrallélogramme, la deuxième interrompue au quart de sa largeur pour former une petite plaque carrée; deux autres plaques en forme de chaînon bordent latéralement chacun de ces segments; le septième offre une plaque simple et un chaînon double, moins accentués ; le huitième avec plaque et chaînon simple; le neuvième sans plaque se termine par un pseudopode court, conique, chagriné, légèrement cilié, à extrémité tronquée, dont la larve se sert comme appui pendant sa marche. Pattes , longues, fortes, légèrement ciliées, de longueur inégale, les antérieures les plus courtes, de cinq pièces; hanches dirigées vers l’extérieur, longues, canaliculèes â l’extérieur; trochanteis, cuisses et jambes de longueur égale, à bout renflé fortement spino- sulées en dedans; tarses longs coniques, avec spinules intérieures, terminés par un double crochet arqué en dedans. Stigmates ovalaires, flaves, à péritrème noir, la première paire près du bord antérieur du deuxième segment thoracique et un peu plus bas que les autres qui se trouvent enchâssés sur le rebord MOEURS ET METAMORPHOSES D’iNSECTES 149 latéral des huit premiers segments abdominaux entre la chaîne et le rebord latéral des segments. Cette larve vive, alerte, paraît en automne et au printemps : on la trouve sous les pierres pendant le jour; la nuit, elle court à la recherche de sa proie qui consiste en jeunes limaces et en escargots du genre Hélix; c’est donc un utile auxiliaire pour l’agriculture ; les crochets qu’elle porte à son extrémité anale et qu’elle redressé à volonté, joints à ses mandibules longues et effilées, constituent pour elle des armes précieuses. Lorsque la larve veut changer de peau, elle se contracte fortement vers sa partie antérieure ; après quelques efforts, la peau se fend sur la ligne médiane thoracique, la tête glisse, laissant en place la vieille peau qui reste intacte même dans les plus petits détails des pièces buccales : puis le corps se dégage par l’ouverture devenue de plus en plus béante, laissant après lui la dépouille complète des téguments extérieurs. Fin septembre, à deux centimètres en terre, non loin d’un cada¬ vre de pouletplacé comme appât, se trouvaient quatre gros œufs cy¬ lindriques, blanchâtres, à bout arrondi, mesurant 5 millimètres de longueur et 1 à 1 1/2 de diamètre : mi-octobre, ces œufs éclosaient donnant le jour à de jeunes larves de carabe qui, du lendemain de leur éclosion étaient trois fois plus longues et plus larges que l’œuf duquel elles étaient nées. La localité n’est fréquentée que par le Carabus rutilans, tout porte à croire que les œufs trouvés ont été pondus par une femelle de cette espèce. Carabus luclanclioliciis, Fab. Larve ; longueur 25 à 30 millimètres, largeur 6 à 8 millimètres. Ressemble exactement à la larve du Carabus rutilans à laquelle il y aura lieu de se reporter, la taille est moins avantageuse, les traits différentiels sont les suivants : Corps d’un noir profond, luisant et lisse, fortement convexe. Tête à lisière frontale quadridentée, les deux dents extrêmes à 150 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES pointe obtuse et rougeâtre, les deux médianes, noires, accolées et pointues ; disque frontal relevé en forme de gros tubercule cordi- forme, avec deux carènes cornées, élevées et latérales; mandibules entièrement noires, déprimées avec légère carène au bord exté¬ rieur, plus courtes et moins arquées ; mâchoires avec leur lobe dentiforme et leurs palpes ; menton, lèvre et palpes labiaux identiques (1) ; languette un peu plus saillante et plus longuement ciliée ; antennes avec article supplémentaire à peine distinct ; ocel¬ les rougeâtres. Segments thoraciques , une impression oblique de chaque côté de la ligne médiane ; angles inférieurs des segments, triangulaires et en saillie sur les segments suivants, avec rebord latéral relevé et rebord dorsal bien marqué ; segment anal un peu plus verru- queux ; épine trifide terminale identique quoique un peu moins prononcée, mais plus longuement ciliée. Dessous semblable, un peu moins foncé en couleur, le pseudopode noir, plus conique, est parcouru par un fort trait médian intérieur. Pattes identiques, mais fortement ciliées. Stigmates flaves à péritrème noir, à leur place habituelle. La larve comme l’adulte sont vagabonds et quasi erratiques, abandonnant pendant deux et trois années consécutives des loca¬ lités olù ils reviennent ensuite ; un seul point des environs de Ria où nos observations ont été faites, a paru être fréquenté en perma¬ nence par cette espèce ; cet endroit, quoique situé en montagne et en plein midi, conserve même durant les fortes chaleurs, une fraî¬ cheur relative, par suite de suintement des eaux ferrugineuses qui humectent constamment la couche superficielle du sol : là, abon¬ dent petites limaces, vers de terre, escargots, vers et larves de di¬ vers ordres d’insectes, tous, aliments servant à assouvir les appé¬ tits de notre larve. C’est en automne et plus particulièrement au printemps qu’à grands renforts de recherches, on peut, sous d’énormes blocs, trouver la larve qui est essentiellement nocturne ; l’adulte peu com- (1) Le deuxième article des palpes labiaux est simple et à extrémité obtuse. MOEURS ET MÉTAMORPHOSES d’iNSECTES 151 mun se cache moins bien, quoiqu’il soit difficile à trouver, sa couleur bronzi obscur se confondant, par effet de mimétisme, avec la couleur ardoisée des blocs sous lesquels il s’abrite. Nehria Lafrcsnaycl, Serv. Dej. Larve : longueur 24 millimètres, de l’extrémité du dernier ar¬ ticle des palpes maxillaires au bout de la fourche caudale, lar¬ geur, 4 à 5 millimètres ; forme de larve de carabe. Corps allongé, effilé vers la région antérieure, légèrement con¬ vexe, glabre, noir, brillant, avec ligne longitudinale médiane et poils épars sur la surface. Tête presque carrée, un peu moins longue que le premier seg¬ ment thoracique, chagrinée et finement ridée ; épistome sinué, le milieu concave, marqué de deux points rougeâtres, terminé par deux petits tubercules, avec lisière tridentée; labre indistinct ; une ligne longitudinale médiane partant du sinus occipital se bifurque aussitôt, les deux branches venant aboutir au milieu de la base anten- naire ; mandibules falciformes longues et effilées, se croisant, rougeâtres, terminées en pointe acérée, sans arêtes, avec quelques cils épars et forte dent arquée à la face de la tranche interne ; m⬠choires épaisses, portant deux palpes insérées sur un gros tuber¬ cule, à pubescence longue, allongée, rougeâtre intérieurement ; le palpe extérieur de quatre articles, le basilaire court, brunâtre à la base, testacé intérieurement, le deuxième obconique, aussi long que le premier et le troisième réunis, le troisième moitié plus petit, le quatrième brun légèrement ombré à sa base, terminé en pointe mousse ; le palpe intérieur de deux articles, le premier court, noir, épais conique, annelé de brun à l’extrémité, le deuxième rouge⬠tre, terminé en pointe; accolé à ce palpe intérieur est un lobe co¬ nique, rougeâtre pointu avec poil effilé au bout; menton effacé ; lèvre inférieure longue, rentrée, portant deux longs palpes labiaux droits épais, de deux articles, le basilaire conique, brun avec ren¬ flement testacé au bout, le terminal même forme, brun, légèrement 13 Soc. Linn., T. XXXVIII. 152 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES d’iMSECTES ombré à l'extrémité dont la pointe est bilobée ; languette courte brune, ciliée; toutes les pièces buccales portent quelques cils épars sur leur surface ; antennes de quatre articles portés par un pédoncule gros, conique ; premier article court, épais, noir, annelé de testacé à son point de jonction avec le deuxième, lequel est plus grêle, deux fois plus long que le premier et de même cou¬ leur, troisième grêle, conique, brun à la base, rougeâtre à l’extré¬ mité avec article supplémentaire très petit en dessous, quatrième rougeâtre à bout effilé ; la base et le point de jonction de ces qua - tre articles sont garnis de soies brunâtres, longues ; ocelles situés au-dessous de la base antennaire, noirs, luisants, placés sur un tu¬ bercule noir, corné, lisse, de forme ovale, autour duquel ils sont disposés. Segments thoraciques noirs, lisses, relevés à leur bord latéral par une arête semi-circulaire tranchante, traversés en leur mi¬ lieu par un fort sillon longitudinal ; entre ce sillon et l’arête est un enfoncement en forme de croissant, moins accentué au pre¬ mier segment qui est arrondi à ses deux extrémités, plus étroit vers la tête et plus long que les deux suivants; les bords antérieurs du deuxième segment s’avancent pour enchâsser la base du pre¬ mier, son bord est creusé d’une forte ride légèrement sinueuse quoique parallèle au bord, la forme de ce segment, comme celle du troisième, est celle d’un rectangle, tous deux sont noirs et lisses, les bords antérieurs du troisième segment sont moins accen¬ tués que ceux du deuxième, et l’angle inférieur tronqué au deuxième est denté au troisième. Segments abdominaux noirs, lisses, de forme rectangulaire, les sept premiers égaux en forme et en dimension, le huitième un peu moins long et un peu plus large, tous avec une ligne longitudinale médiane accentuée ; leur rebord latéral est courbe relevé en forme de carène jusqu’à l’extrémité, laquelle se ter¬ mine en pointe mousse; une petite soie rougeâtre est implantée sur le rebord latéral antérieur et postérieur de ces huit premiers segments, et chacun d’eux porte entre le rebord et le sillon longi¬ tudinal deux fortes impressions dont l’intérieure est moitié plus MOEURS ET MÉTAMORPnOSES d’|XSECTES 1 53 courte ; neuvième segment d’un noir profond, moitié moins large que les précédents, la carène latérale plus relevée et se termi¬ nant en pointe vers l’extrémité ; du centre de l’anneau partent deux appendices cornés, granuleux, pubescents, avec forte épine noire centrale vers le milieu de la tige : une deuxième épine à direction extérieure, de même couleur vers le deuxième tiers de la tige laquelle se termine par une troisième pointe, les deux premières courtes, droites, la troisième plus longue, un peu arquée. Dessous de la tête brun de poix, convexe, lisse,, bilobé avec forte impression longitudinale médiane ; du corps, glabre, seg¬ ments thoraciques flaves, le premier scutiforme avec le bord an¬ térieur corné, les deux suivants avec point noir à la partie anté¬ rieure médiane; segments abdominaux, les sept premiers flaves avec plaques noirâtres brillantes disposées : deux rangées laté¬ rales en formes de lames, une troisième plus petite de forme carrée, une médiane lenticulaire suivie d’une autre plus petite di¬ visée dans son milieu par une légère impression longitudinale, le huitième segment ne porte qu’une plaque ainsi que le dernier que termine le tube anal, lequel est légèrement pubescent, charnu, à bout tronqué, testacé et longuement cilié. Pattes longues, noires, inégales, les postérieures les plus lon¬ gues ; pièces bien distinctes, à bout renflé et testacé, ciliées à leur tranche interne avec quelques poils extérieurs ; hanches longues obliques, excavées à l’extérieur, trochanters courts, cuisses et jambes égales, tarses longs, grêles, cylindriques, terminés par un crochet bifide, les deux pointes égales. *$ tigmales ovalaires, flaves, à péritrême noir, la première paire un peu plus bas placée que les autres est sise au bord antérieur du deuxième segment thoracique, les suivantes au tiers antérieur des anneaux, entre le rebord dorsal et la dernière plaque ventrale des huit premiers segments abdominaux. J’ai trouvé cette larve avec l’adulte en juillet et en août au Canigou, à 2600 mètres d’altitude, toujours dans des lieux frais et humides, en particulier au-dessous des amas de pierres dont le 154 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES n’iXSECTES pied est baigné par les eaux de neige : elle vit de vers, de mollus¬ ques et d’autres êtres à substance molle ; elle ne mâche pas sa proie, elle enfonce sa tête dans le corps de sa victime qu’elle suce. Feronia (paeudortliomus) atnaroïdcs, Dejean. Larve : longueur 15 millimètres, largeur 2 à 3 millimètres. Corps allongé, parallèle, pubescent, gris livide ; tête rougeâtre avec plaque écailleuse rectangulaire sur chaque arceau ; subcon¬ vexe en dessus, déprimée en dessous, atténué à l’extrémité posté¬ rieure. Tête rougeâtre, déprimée, en forme de carré, à angles antérieurs arrondis, à bord latéral postérieur légèrement sinueux ; disque renflé, puis parcouru par une dépression relevée en forme de carène à bord noirâtre; quelques cils longs, roux, sur la région latérale; un trait en forme de Y, dont les branches très allongées et à fond pâle embrassent le disque et les carènes pour aller se perdre à la base de l’insertion antennaire; pièces buccales rougeâtres; pas de trace ni d’épistome, ni de labre, le bord extérieur qui en tient la place se termine en forme de pan coupé ; mandibules grandes, fal- ciformes, avec forte dent au tiers intérieur; mâchoires cylindriques à pièce basilaire, très longue, lobe interne court, bi-articulé, à deuxième article aciculé ; palpes maxillaires de quatre articles, le premier court, gros, conique, annelé de testacé à l’extrémité ainsi que le deuxième lequel est deux fois plus long, mais moins gros, troisième moindre que le deuxième, quatrième court terminé en pointe ; menton court, testacé, triangulaire, portant une pièce pal- pigère saillante, au bout de laquelle sont deux palpes labiaux bi- articulés, le premier article à direction extérieure, annelé de testacé à l’extrémité, le deuxième coudé, moins volumineux terminé en pointe vers l’intérieur; antennes insérées en arrière de la base extérieure des mandibules de quatre articles rougeâtres, les trois premiers annelés de testacé à l’extrémité; premier cylindrique très long, deuxième moitié du précédent un peu renflé à l’extrémité, troisième échancré extérieurement, du bout extérieur émerge un MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D'iNSECTES 1 55 tout petit article supplémentaire entouré de longs cils; quatrième court à extrémité obtuse et ciliée ; ocelles, un groupe compact de points ocellaires noirs cornés, en arrière et touchant la base anten- naire. Segments thoraciques, premier segment un peu plus large que la tète, brun, en ovale allongé, revêtu d’une grande plaque écailleuse rectangulaire, rougeâtre, deuxième et troisième, même forme, un peu moins grands que le précédent avec plaque écailleuse plus terne, tous trois avec légère pubescence rousse; rebord latéral très pro¬ noncé et légère ligne médiane. Segments abdominaux , testacés, légèrement pubescents de roux, avec grande plaque écailleuse rectangulaire grise, diminuant insensiblement de volume delà base à l’extrémité; les huit premiers avec ligne médiane peu marquée de couleur plus claire que le fond et rebord latéral saillant ; neuvième, terminé par deux longs filets testacés, à direction intérieure avec de longs cils épars le long de l’appendice et jusqu’au bout qui est obtus, chaque poil partant d’une petite papille. Dessous, la tète est rougeâtre et déprimée en dessous, divisée en deux lobes par une forte impression médiane; segments thoraciques et segments abdominaux d’un gris pâle, le premier segment thora¬ cique avec plaque écailleuse triangulaire rougeâtre; les segments abdominaux fortement ciliés de poils roux émergeant de plaques écailleuses brunes, luisantes disposées : une, de forme mi-ovale, accolée au bord antérieur de l’anneau, trois en arrière, la médiane transversale avec trait au milieu, les deux voisines tuberculiformes; de plus le rebord latéral est relevé en forme de chaînon interrompu à l’intersection de chaque anneau ; le neuvième segment n’a qu’une plaque et porte à son extrémité un long appendice tubulaire, cilié, pouvant faire l’office de pseudopode, dont la larve se sert rarement peudant la marche, elle en fait usage comme point d’appui pendant le repos, ou, lorsqu’elle se met en état de défense. Les deux régions dorsale et ventrale sont bien délimitées par leurs rebords latéraux dans les intervalles desquels est un léger espace testacé. 156 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES Pattes longues, rougeâtres, garnies de fortes spinales noirâtres, courtes; hanches triangulaires, grosses à la base, laquelle est insérée très haut, trochanters aussi longs que la cuisse, la jambe est un peu plus courte et se termine par un long tarse à l’extrémité duquel est un crochet bi-onguiculé, un long cil intérieur part de l’extrémité de chaque trochanter. Stigmates très petits, flaves à péritrème roux, sis, le premier au bord latéral antérieur du deuxième arceau, les huit autres entre le bord latéral de la plaque écailleuse dorsale et le rebord latéral inférieur des huit premiers segments abdominaux. C’est en automne et plus particulièrement au printemps que l’on trouve cette larve : elle entre en pleine activité dès les premiers beaux jours, aussi la prend-on alors un peu partout, sous les pierres, sous les tas de bois, sous les détritus, là où elle trouve matière à son existence; en automne, en vue de franchir à couvert la rude période des frimas, elle recherche des abris sérieux, de préférence le dessous des gros arbres dont les corps gisent à terre. C’est au massif du Canigou, à partir de 2000 mètres d’altitude, que vivent la larve et l’adulte. Ilembidiuiii liipuiictatiiiii, Linné. Larve : longueur 6 millimètres 5, largeur 1 millimètre. Corps filiforme, subconvexe, pubescent, rougeâtre à sa région antérieure, noir sale aux autres régions. Tête grosse, rougeâtre, pubescente, fortement excavée à son mi¬ lieu, avec un léger bourrelet jaunâtre transverse à son bord posté¬ rieur ; une ligne longitudinale pâle part du bourrelet, parcourt le cin quième de la région occipitale pour se bifurquer en ligne flexueuse et aller se perdre en arrière de l’insertion antennaire ; épistome peu distinct; lisière frontale triangulaire, légèrement denticulée à son bord qui est noir ; mandibules grandes, falciformes, rou¬ geâtres, se croisant, à pointe très acérée avec forte dent au tiers postérieur de la tranche interne; mâchoires bilobées, émergeant MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D'iNSECTES 157 d’une pièce cardinale grande, rougeâtre et cylindrique ; premier lobe court, cylindrique; deuxième grêle, très effilé à l’extrémité; palpes maxillaires de quatre articles, rougeâtres, formant corps avec la pièce cardinale dont elles paraissent être le prolongement, premier article court cylindrique testacé à l'extrémité ; deuxième, trois fois plus long, troisième et quatrième grêles, pas plus longs à eux deux réunis que le deuxième ; le terminal ténu à son extré¬ mité qui est finement déliée ; menton charnu triangulaire, testacé flave, à base excavée ; palpes labiaux rougeâtres de deux arti¬ cles, portés par une pièce cardinale très longue, premier grêle et cylindrique ; deuxième subulé à pointe dirigée en dedans ; languette courte, triangulaire peu apparente ; antennes jaunâtres, légèrement renflées à l’extrémité des articles qui sont au nom¬ bre de quatre portés sur une protubérance cornée ; premier et deuxième articles cylindriques testacés et ciliés à l’extrémité ; troisième coudé en son milieu, de la base du coude s’échappe extérieurement un petit article dentiforme accompagné d’un long cil ; quatrième petit grêle, tronqué à l’extrémité, laquelle se ter¬ mine par deux longs cils ; ocelles noirs, cornés, groupés en cer¬ cle compact en arrière de l’insertion antennaire. Segments thoraciques subconvexes, larges, transverses, lisses, brun noir, pubescents à la région latérale ; le premier subcor- diforme avec léger bourrelet à l’extrémité et ligne longitudinale médiane'peu accentuée, laquelle ligne se prolonge sur les deuxième et troisième segments ; en avant du milieu de la région laté¬ rale de ces trois arceaux est imprimée une fossette longue, suboblongue. Segments abdominaux : pareils de forme et de dimension, ils diminuent toutefois un peu «le volume vers l’extrémité ; ils sont tous noir brun, fortement pubescents, en particulier sur les côtés ; la région dorsale est sensiblement convexe et parcourue par une ligne longitudinale élevée en saillie légère, une double incision latérale divise la région dorsale de la région abdomi¬ nale, laissant un léger intervalle entre les deux lignes incisées, intervalle rempli en regard du milieu de chaque anneau par 158 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES d’iîSSECTES un léger tubercule noir corné ; le neuvième anneau légèrement tronqué est terminé par un appendice bifide, testacé à la base de chaque branche, un long cil brun part de l’extrémité de cha¬ que branche, un autre cil, long aussi, émerge du tiers des deux tiges ; entre les deux brandies est le tube anal qui fait saillie, il est aussi long que le tiers de la tige et sert de pseudopode h la larve. Dessous rougeâtre sous la tête, qui est divisée en deux lobes par une ligne longitudinale, laquelle se bifurque au tiers de sa longueur pour constituer un lobe petit et de même couleur ; brun sous tous les segments qui sont légèrement pubescents, la sur¬ face de chaque anneau est divisée par des incisions longitudi¬ nales et latérales qui dessinent la place d’une double plaque rec¬ tangulaire par anneau. Pattes longues, testacées, ciliées intérieurement, de cinq piè¬ ces bien détachées ; hanches grosses à leur base, lisse ; tro¬ chanters courts et gros; cuisses et jambes cylindriques ; les tar¬ ses terminés par un ongle brun acéré. Stigmates noirs à péritrème brun, peu apparents, sis à leur place habituelle. On trouve cette larve pendant tout le mois d’août, sous les pierres, sur les bords des étangs du Canigou. à 2000 mètres d’altitude ; quoique de taille petite, elle fait une guerre achar¬ née aux larves plus grandes qu’elle d 'Agabus chalconotus , lors¬ que ces dernières viennent s’abriter sous les pierres pour se préparer à la nymphose; elle poursuit aussi les larves plus agiles d ' Hydroporus griseoslriatus, venues dans le même but, sous les mêmes pierres ; elle fait encore sa proie des diverses larves de nevroptères et de vers de diptères qui fourmillent sur les bords de l’eau. Lorsqu’arrive l’époque de sa transformation, ce qui a lieu vers la fin août, elle se façonne, à un demi- centimètre de pro¬ fondeur et sous pierre, une loge oblongue dont elle lisse les pa¬ rois et où devra s’accomplir son évolution nymphale. Nymphe longueur 3 millimètres, largeur 1 millimètre. moeurs et métamorphoses d’insectes 159 Corps subconvexe en dessus, déprimé en dessous, blanc mat, jaunâtre à l’extrémité qui est obtuse ; fortement hérissé de poils roux sur son pourtour, plus longs sur la tête et à l’extrémité abdominale ; le premier arceau thoracique cordiforme ; les seg¬ ments abdominaux gris, bien distincts, à facettes nombreuses ; aucune autre particularité à signaler. La durée de la phase nymphale est courte, dix à douze jours, au bout desquels apparaît l’adulte. La description de l’adulte a été faite par Linné, S. nat. s, 672, et reproduite par Duval, Dejean et Fairmaire : il est très commun sur les bords des étangs du Canigou. DYTISCIDES Agabus hipustulatus, Linné. Larve : longueur, 13-15 millimètres, non compris les filets eau daux; largeur 3 millimètres. Corps allongé, subconvexe, gris pâle ardoisé, atténué à l’extré mité postérieure, lisse et glabre, marbré de taches plus pâles que la couleur du fond, traversé par une ligne longitudinale médiane noirâtre. Tête , en ovale un peu allongé, gris clair lisse, transparente, glabre, avec ligne longitudinale médiane noire et quelques poils bruns, très courts clairsemés sur les bords latéraux, un peu moins large que le premier segment thoracique, légèrement marbrée de taches pâles irrégulièrement disposées, légèrement ponctuée sur toute sa surface; épistome noirâtre, transverse, bi -caréné, légère- rement pubescent à son bord antérieur; pas de trace de labre; man¬ dibules subcornées, falciformes, se croisant, subferrugineuses, à crochet noirâtre, fortes à la base; mâchoires petites, testacées con¬ stituées par un petit lobe bi-articulé à extrémité rentrée et en forme de crochet, émergeant d’un gros article basilaire testacé à l’extré- 160 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES ü'iiNSECTES mité duquel sont aussi implantés les palpes maxillaires composés de quatre articles testacés, premier, court, gros, conique, deuxième et troisième, égaux subcylindriques et trois fois plus longs chacun que le premier, quatrième un peu moins long que les précédents, a pointe obtuse, tous glabres et lisses ; menton triangulaire, taillé en biseau à ses angles antérieurs; palpes labiaux testacés, de deux articles très allongés, le dernier à extrémité noirâtre et obtuse ; lan¬ guette rentrée ; antennes insérées au-dessus du bord supérieur des mandibules, émergeant d’un léger tubercule sub-hémisphérique gris pâle, de quatre articles, premier article, le plus long, à extré¬ mité annelée de testacé, deuxième un peu moins long que le pre¬ mier, testacé aussi à l’extrémité, tous deux sub-cylindriques, troisième gris, plus foncé à l’extrémité, plus grêle que les deux premiers, quatrième, court, grêle, gris clair; ocelles d’un noir brun, au nombre de six, placés en cercle autour d’une protubé¬ rance arrondie. Segments thoraciques, premier fortement convexe, presque aussi large que la tête à son bord postérieur, gris clair fortement marbré de taches pâles, un peu étranglé à sa base, luisant, lisse, légèrement ponctué et clairement parsemé de petits cils bruns; deuxième et troisième convexes, pas aussi longs que le premier à eux deux réunis, d’un gris brun, lisses, glabres avec quelques points enfoncés ; le rebord latéral de ces trois segments enchâsse le dessous de la partie correspondante. Segments abdominaux au nombre de huit, convexes, diminuant de volume de la base à l’extrémité, les six premiers de forme à peu près égale, d’un gris foncé, le premier large, les autres diminuant un peu vers l’extrémité, les cinquième et sixième ponctués avec quelques cils bruns parsemés sur leur surface, tous traversés par une ligue longitudinale médiane, noire, septième plus foncé en couleur, plus convexe, presque cylindrique, plus long, mais moins large que les précédents, à ponctuation plus forte et à pubescence plus marquée, tronqué à l’extrémité; huitième en forme de cône tronqué, terminé par une pointe un peu noirâtre, légèrement rele¬ vée, à ponctuation bien marquée et à pubescence plus longue et MOEURS ET MÉTAMORPHOSES DI.XSECTES 1 61 plus serrée ; du bord latéral de ces trois derniers anneaux sortent de longs cils noirs très déliés, et du dessous du dernier arceau font saillie deux filets caudaux, longs, d’un gris clair, à extrémité brune, avec quatre très longues soies noires implantées au bout des tiges. Dessous d’un gris pâle; un léger renflement fermé par un demi- croissant, corné, brun, sépare la tête du premier anneau; les segments de la région thoracique sont déprimés ainsi que les cinq premiers segments abdominaux; les trois derniers sont convexes, fortement ponctués et ciliés de poils roux émergeant de petits points tuberculeux noirs. Pattes longues, d’un gris clair, pubescentes; hanches grosses, à base finement pointillée ; trochanters courts ; cuisses larges, fine¬ ment pubescentes en dedans; jambes garnies de petites épines brunes; tarses avec de fortes spinules, terminés par un crochet bi-onguiculé. Stigmates noirs, à périlrème pâle, le premier un peu en arrière du bord latéro-antérieur du deuxième segment thoracique, les sept suivants, un peu en arrière aussi, à peu près au tiers des rebords latéro- antérieurs des sept premiers segments abdominaux; le neuvième dans la troncature du huitième segment de la région abdominale. Issue en automne d’œufs pondus à l’arrière-saison, la larve, essentiellement aquatique, hiverne sous les pierres ou sous les débris végétaux, amas de feuilles, de brindilles, qui à celte saison sont amoncelés au fond des mares ; dès les premiers rayons chauds de janvier elle entre en activité de jour comme de nuit, se nourris¬ sant de vers, mollusques, larves d’autres insectes, alevins de pois¬ son, et quand arrive la mi-mai, arrive aussi pour elle le moment où un changement profond doit se produire; elle sort de l’eau la nuit, prend pour asile le dessous d’une pierre, d'un corps quelconque, à défaut, elle pénètre dans le gazon qui tapisse le bord de la mare où elle a vécu, se construit dans le sol et à une faible profondeur une logeoblongue, et là, à l’abri de tout danger, elle accomplit la phase transitoire qui doit la conduire à sa deuxième morphose. Nymphe, longueur 8 à 9 millimètres, largeur 5 millimètres. 162 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’INSECTES Corps court, ramassé, ovale, d’un beau blanc de lait, convexe en dessus, déprimé en dessous. Tête plate en dessous, ceinte d’une aréole de cils bruns, front un peu excavé à son milieu; yeux rougeâtres ; pièces buccales, anten¬ nes, ailes et pattes rassemblées contre le corps et au-dessous des régions thoraciques et abdominales; tarse de la dernière paire de pattes arrivant presque à toucher l’extrémité anale dont le dessous est terminé par quatre filets, deux antérieurs courts, pâles, à pointe obtuse légèrement rembrunie, les deux suivants cinq fois plus longs ; les bords latéraux en forme de lame tranchante, à extrémité subulée. Le dessus du premier segment thoracique, en forme d’écusson, déborde les yeux, porte de longs cils bruns, les deuxième et troi¬ sième segments sont ciliés aussi et un peu plus larges, mais un peu moins longs que le premier; les segments abdominaux, tous légè¬ rement pubescents et au nombre de huit, diminuant de volume vers l’extrémité, sont parcourus par un léger sillon longitudinal médian; l’emplacement des stigmates est indiqué par une légère protubé¬ rance aux endroits correspondant à ceux de la larve. La nymphose dure un mois environ, elle peut être activée ou re¬ tardée par l’état de la température ; les téguments restent longtemps à durcir ; tant que les environs de la loge sont humides, l’adulte ne quitte pas son berceau ; mais aux premières pluies de la fin de l’été ou du commencement de l’automne, il prend son essor en se faisant un passage sous son abri et vole à la recherche d’une mare, n’ayant plus dès lors en vue que la reproduction de son espèce. Ce n’est pas h dire qu’à l’état parfait les Dytiscides se privent de nourriture ; ils sont au contraire très carnassiers, recherchant avi¬ dement toutes les proies qui leur convenaient à l’état de larve, et n’épargnant à l’occasion ni frai ni alevin. Adulte. La description et le dessin de l’insecte à l’état parfait ont été faits par Aubé dans son Iconographie des Hydrocanthares , année 1836, page 181, planche XXII, figure 4. Fairmaire et Laboul- bène, dans leur Faune Française , année 1854, page 192, en ont aussi donné une bonne description. MOEURS ET MÉTAMORPHOSES I)’lINSECTE8 163 Larve et adulte doivent être compris dans la catégorie des es¬ pèces nuisibles. L 'Agabus bipustulatus fréquente, aux environs deRia, les ma¬ res des coteaux qui restent à sec de fin juin jusqu’en automne ; il y est commun. C’est dans ces mares qu’il accomplit son cycle io- logique. Agabus clialconotus, Panzer. Larve : longueur 12 millimètres, y compris les filets caudaux ; largeur 3 millimètres. Corps allongé, subconvexe, gris sale en dessus, blanchâtre en dessous, lisse et glabre, atténué à l’extrémité postérieure, légère - ment marbré de taches plus pâles que la couleur du fond, avec ligne longitudinale médiane peu marquée. Tête en ovale un peu allongé, rétrécie à sa région postérieure, un peu moins large que le premier segment thoracique, rougeâtre pâle avec une ligne longitudinale médiane peu profonde se bifur¬ quant au milieu du front, chaque branche s’arrêtant ensuite au- des¬ sous de l’insertion antennaire, légèrement ridée sur toute sa surface; épistome étroit, transverse, avec un rebord de cils roux à sa partie antérieure et une petite saillie charnue en demi-ovale sur chacun des côtés extérieurs; labre nul; mandibules subcornées, falciformes subferrugineuses, se croisant un peu ; mâchoires courtes, d’un seul lobe à extrémité pointue, et à direction intérieure émergeant d’une pièce cardinale grosse, cylindrique, à l’extrémité de laquelle sont aussi implantés les palpes maxillaires, dont le nombre d’articles et la forme sont ceux de Y Agabus bipustulatus ; palpes labiaux et languette comme chez ce dernier ; antennes rougeâtres, insérées au-dessus du bord supérieur des mandibules, de quatre articles, premier subcylindrique, légèrement renflé à l’extrémité qui est noirâtre; deuxième de même forme, un peu moins volumineux, noirâtre aussi à l’extrémité ; troisième un peu plus grêle, à extré¬ mité noire ; quatrième court, grêle ; ocelles comprenant : en arrière 164 MOEUKS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES de la base autennaire, une protubérance noire, cornée, englobant quatre taches gris pâle, puis un groupe de cinq ocelles noirs, qua¬ tre en demi-ovale, le cinquième au milieu, en arrière encore un groupe de cinq granules noirs, surmontés d’un cil et disposés sur une même ligne : on observe les taches gris pâle, pendant l’état de transition, avec cinq ocelles seulement ; en temps normal, c’est-à-dire pendant l’état d’activité de la larve, les ocelles, au nombre de six, sont noirs, cornés, confluents, rangés sur deux lignes parallèles avec six petites granulations au dessous des joues, noires, surmontées d’un petit cil et disposées en ligne oblique. Segments thoraciques : même forme et même couleur que dans YAgabus bipustulatus , les deuxième et troisième segments étant aussi larges que le premier à eux deux réunis, tous trois sans trace de pubescence. Segments abdominaux les cinq premiers de forme à peu près égale, convexes, diminuant un peu de volume de la base à l’extré¬ mité, maculés de taches pâles, le premier le plus large, les autres un peu moins, avec quelques petits cils sur la région dorsale, les quatre suivants noirâtres, cylindriques, avec un rebord transverse noir et quelques légères macules sur la région dorsale, le dernier en cône tronqué, portant à son extrémité deux longs filets caudaux de la forme et de la dimension de ceux de son congénère YAgabus bipustulatus ; entre les deux filets est l’anus. Dessous rougeâtre sous la tête, qui est subconvexe, pâle sous les segments thoraciques et sous les cinq premiers segments abdomi¬ naux; noirâtre sous les autres segments, lesquels sont cylindriques avec points râpeux noirs, surmontés d’un cil brun. Pattes comme dans Y Ag abus bipustulatus . Stigmates entièrement noirs, en saillie, et à la place indiquée pour son congénère le bipustulatus. Eclose d’œufs pondus à l’arrière-saison, la larve mène une exis¬ tence complètement aquatique. C’est aux étangs du Canigou, à l’altitude de 2200 à 2400 mètres, qu’il m’a été donné de l’observer. Elle hiverne sous les pierres immergées et recouvertes durant tout MOEURS ET MÉTAMORPHOSES DTNSECTES 165 l’hiver d’une épaisse couche de glace ou sous les amas de détritus amoncelés par les orages et enfouis dans l’eau. Aux premiers chauds rayons du soleil de mars, et malgré l’épaisse couche de glace qui recouvre encore l’étang, elle entre en pleine activité, se nourrissant de jeunes larves de Névroptères qui abon¬ dent autour des eaux, aussi de la chair d’un petit Mollusque bivalve, qui n’est pas rare; dès que les eaux baissent, vers la mi-juillet, alors que la fonte des neiges est sur le point d’être terminée, et que le dessous des pierres n’est plus inondé, elle sort de l’étang de jour ou de nuit, entre sous une pierre, se construit une loge sphérique en terre, dont la paroi supérieure adhère au roc; puis elle entre en pleine transition, pour se transformer quatre ou cinq jours après en nymphe, phase qui est accomplie fin juillet ou aux premiers jours d’août. Nymphe , longueur 7 millimètres; largeur 3mm,5. Corps court, ramassé, légèrement recourbéà sa partie postérieure, d’un beau blanc, avec légère teinte noire sur la région abdominale, pubescent, convexe en dessus, concave en dessous. Toutes les autres parties du corps sont identiques à celles de la nymphe de YAgabus bipustulatus . La nymphose dure de quinze jours à trois semaines, vient ensuite l’éclosion ; quatre ou cinq jours après, les téguments de l’adulte sont assez consistants pour lui permettre de se dégager de sa loge, puis il se fraye un chemin sous la pierre ; dès qu’il paraît au jour, son premier soin est consacré à donner à son corps, affaibli par un rude labeur, un repos pendant lequel il lisse ses téguments, il prend après son essor dans la direction des eaux, plonge dans le liquide d’où il ne sortira plus : en quête d’une compagne, il s’accouple, puis il meurt, sérvantdans la plupart des cas de pâture aux nombreuses larves qui rayonnent autour de l’étang. Adulte. Aubé, dans son Iconographie des Hydrocanthares (1836), en donne la description et la figure, p. 145, pl. XVII; Fair- maire et Laboulbène, dans leur Faune Française, 1854, p. 189, reproduisent la description. 166 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES üydroporiis griseostriatns, de Géer. Larve : longueur, 11 à 12 millimètres, y compris les filets caudaux, largeur 2mm,5. Corps allongé, convexe, atténué aux deux extrémités, lisse, brun terne en dessus, gris pâle en dessous, à pubescence rousse, médio¬ crement épaisse, avec ligne longitudinale médiane, peu marquée aux trois derniers segments. Tête en ovale allongé, lisse et brillante, parcourue le long du tiers postérieur par une ligne médiane pâle à bord large et noirâtre, se bifurquant pour aller se perdre au-dessous de la base anten- naire; uneligne transversale noire resserre la partie postérieure de la tête au cinquième de sa longueur ; épistome testacé, pâle, lisse et brillant, lancéolé, avec une dentelure sur chaque bord, creux intérieurement; labre nul; mandibules libres, arquées, unidentées, testacées, à pointe brune avec tache noire à la base intérieure ; mâchoire et palpes maxillaires testacés, formés d’une tige unique, longue, quadri-articulée, grêle et cylindrique; premier article très court; deuxième, très long; troisième, un peu moins long que le deuxième, légèrement renflé à son extrémité, tri-annelé de brun; quatrième, petit, se terminant en un crochet dont la pointe de cou¬ leur noirâtre est recourbée en dedans; il n’existe pas de traces de lobe maxillaire; l’article basilaire pourrait-il être considéré comme en tenant lieu? tout porterait à le croire; menton, étroit transverse ; palpes labiaux droits, testacés, grêles, de deux articles, premier très long grêle, deuxième aussi long et plus grêle, acuminé, à pointe noire; languette, pas de traces; antennes testacées, longues, de quatre articles, premier, court, renflé à l’extrémité ; deuxième, deux fois plus long que le premier, cylindrique; troisième, coudé, grêle, de la longueur du deuxième, à extrémité brune; quatrième, court, ténu, à pointe brune et déliée, à direction extérieure; ocelles, un groupe de six points ocellaires, bruns, saillants, disposés sur deux rangées parallèles, trois par rangée ; en arrière du dernier MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES 167 groupe est un gros point triangulaire; toutes les pièces buccales manquent de pubescence. Segments thoraciques , convexes en dessus, d’un gris sale, légè¬ rement marbrés de noir, à pubescence grise, plus dense aux bords postérieurs des anneaux; deux points noirs de chaque côté de la ligne médiane ; premier segment de couleur plus pâle que les sui¬ vants, à angles arrondis, légèrement èchancré à son bord postérieur qui est finement bordé de noir; deuxième et troisième, pas plus longs à eux deux réunis que le premier, comme lui échancrés en arrière avec fine ligne noire et angles arrondis. Segments abdominaux, les six premiers, semblables aux deux derniers thoraciques, avec cette différence que les deux points noirs au lieu d’être près de la ligne médiane en sont plus écartés; sep¬ tième et huitième, bien plus étroits, plus pubescents, cylindriques, le dernier très court, tronqué, terminé par deux stylets très longs, noirs et verruqueux à la base, paraissant multi-articulés, terminés par deux soies rousses très déliées. Dessous, la tête est obovale en dessous, gris pâle, avec un trait ferrugineux en forme de croissant à la base des mandibules; le dessous des six premiers arceaux ventraux est gris pâle, pubescent, les bords latéraux de ces arceaux sont traversés près de leur extré¬ mité par une forte impression, formant un rebord en forme de gout¬ tière; les anneaux suivants sont cylindriques et d’un brun terne. Pattes très allongées, testacées, pubescentes, la troisième paire plus longue que les précédentes; hanches bien développées, mas¬ sives à la base, à forme triangulaire; trochanters courts ; cuisses longues; jambes un peu moins; tarses allongés, grêles, terminées par un long onglet acéré à extrémité bi-ciliée. Stigmates petits, roux, elliptiques, àpéritrène noir, à leur place normale, le neuvième difficile à voir. C’est au Canigou, au bord des étangs, à une altitude de 2300 mè¬ tres qu’on trouve cette larve : elle vit aux dépens d’une infinité de jeunes larves de névroptères qui abondent autour des eaux, aussi de la chaire d’un petit mollusque bivalve, elle passe l’hiver et une partie du printemps dans son élément naturel, l’eau. Dès qu’arrivent Soc. Linn., t. xxxviii. 14 J 68 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES mai et juin, les larves, les premières écloses, parvenues à leur com¬ plet développement, cherchent hors de l’étang, un abri sous pierre, ou au milieu du gazon, et se préparent à changer de forme ; d’au¬ tres larves se succèdent de distance en distance, de sorte que de juin à mi octobre, on en trouve toujours d’arrivées au terme de leur croissance et prêtes à se transformer ; c’est de jour comme de nuit que la larve sort de l’eau pour aller à la recherche de l’abri destiné à recevoir l’espoir du futur régénérateur de l’espèce : très agile et très remuante, elle se contracte au moindre attouchement, et par des sauts répétés, échappe à la main qui veut la saisir. La larve se façonne en terre, de préférence sous pierre, une loge ovale, lisse intérieurement, destinée à servir de berceau à la nym¬ phe ; légèrement courbée en arc, elle se contracte, ses téguments prennent une teinte plus claire, et aussitôt commence l’état transi¬ toire, prélude de la nymphose. Nymphe , longueur 5 millimètres, largeur 2 millimètres. Corps jaune pâle ; yeux à protubérance saillante, noirs ; masque frontal, segments thoraciques et bords latéraux des segments abdo minaux couverts de soies rousses; pièces buccales, antennes, ailes et pattes hyalines et transparentes ; rebord des segments abdominaux très accentué en dessus, ces segments diminuent de volume jusqu’au dernier, lequel se termine par deux styles très allongés et ténus, à extrémité légèrement roussâtre : le premier segment thoracique déborde un peu en pointe mousse le dessus des yeux qu’il cache complètement lorsque la nymphe repose sur le sol. Si la larve est alerte et remuante, la nymphe ne lui cède en rien comme agilité et comme vivacité ; son corps est sans cesse agité de mouvements très saccadés. Nous avons trouvé des nymphes pendant toute la bonne saison, mais il y a lieu de tenir compte dans ces lieux élevés, de l’état de la température si variable qui avance de beaucoup, ou qui retarde bien plus encore les phases évolutives du premier état des insec¬ tes ; elle anéantit quelquefois même certaines espèces : ainsi fin août 1890, alors que les larves Hydroporus yriseostriatus, eu pleine activité, se préparaient à subir sous pierre leur deuxième mor- MOEURS ET MÉTAMORPHOSES l)’lNSECTES 169 phose, est survenue une forte gelée qui a détruit toutes celles sor¬ ties de l’étang. La durée nymphale de VH. griseostriatus est de huit à dix jours; deux jours gprès l’éclosion, les téguments de l’adulte sont suffisamment consistants pour lui permettre de sortir de sa retraite et de gagner les eaux voisines. ■ Adulte. Dans ces étangs si déserts où nul ennemi n’est à craindre, l’insecte à l’état parfait n’est pas rare ; en hiver, il s’enfonce dans la profondeur des eaux, ce qui le met ainsi à l’abri des fortes gelées ; au printemps, plus la chaleur augmente, plus il s’approche des bords : il est mauvais nageur, même au fort de la journée, aussi le prend-on facilement, et cette remarque ne s’applique pas à VH. griseostriatus seulement, elle est particulière à tous les Dy- tiscides et Helopborides habitant ces mêmes eaux; à quoi cela tient- il? Nous avons vu des Dytiscides, par la fraîcheur du matin, lents dans leurs mouvements, mais très agiles par la chaleur du milieu du jour, VH. griseostriatus ne semble pas ressentir les bienfaits des rayons solaires, il est aussi lent dans ses mouvements à midi, qu’il l’était le matin et qu’il le sera le soir. La description de l’adulte a été faite par de Geer ; elle se trouve dans Dejean, Hydrocanthares, 1836, page 258, planche 30, figure 4, et dans Fairmaire, Faune Française, 1854, page 211. La nymphe a un ennemi sans cesse acharné à sa poursuite : c’est la larve du Bembidium bipunctatum Liuu., dont nous avons fait connaître la vie évolutive. STAPHYLINIDES Si pal in latieornis, Fauvel. Larve : longueur 2mm,5, largeur 1/2 millimètre. Corps allongé, filiforme; atténué à l’extrémité, pubescent, avec de longs cils spinosuliformes sur les bords latéraux ; rougeâtre, 170 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES avec nuance plus accentuée sur la tête et sur les segments thora¬ ciques. Tête en ovale un peu allongé, à extrémité tronquée, d’un rouge vif, avec cils roux sur son pourtour, plus longs vers les bords la¬ téraux ; un peu plus large que les segments thoraciques ; épistome transverse, de la couleur de la tête ; labre peu apparent, à rebord ferrugineux, légèrement dentelé ; mandibules bien développées de couleur ferrugineuse, avec rebord intérieur noir et à extrémité légèrement arquée; mâchoires formées d’un lobe pointu, testacé, pâle ; palpes maxillaires même couleur, de trois articles, premier long subcylindrique, deuxième court, conique, troisième coudé à direction intérieure, avec un long cil au bout participant de cette même direction ; menton carré, testacé; languette de même cou¬ leur, de forme triangulaire, très déliée et dépassant les pièces buc¬ cales ; palpes labiaux testacés, si ténus qu’il est difficile d’en dis¬ tinguer le nombre d’articles lesquels par transparence paraissent être de deux ; antennes de couleur pâle, de quatre articles : pre¬ mier légèrement ferrugineux, conique et à large base, deuxième court, même forme que le premier, troisième aussi long que les deux précédents, avec vestige d’article supplémentaire au bout, quatrième grêle terminé par deux cils à direction latérale ; ocelles très petits, noirs cornés disposés en forme de croissant en arrière et au-dessous de l’insertion antennaire. Segments thoraciques rougeâtres, avec sillon longitudinal mé¬ dian bien marqué, subconvexes en dessus ; le premier de forme rec¬ tangulaire, un peu verruqueux, avec longs cils sur le rebord laté¬ ral, deuxième et troisième un peu moins larges, de même forme, un peu verruqueux aussi, avec cils sur les côtés. Segments abdominaux , les huit premiers rectangulaires, di¬ minuant de volume vers l’extrémité, avec impression longitudinale médiane peu marquée, tous flanqués à leur rebord latéral de longs cils ; un plus long cil à base rougeâtre émerge des deux tiers inférieurs de chaque anneau dont le dessus est légèrement pubes- cent ; neuvième fortement convexe, pubescent, terminé à chaque bord latéral par un appendice très délié et à extrémité ferrugineuse, MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iPiSECTES 171 parsemé de longs cils dans toute sa longueur ; entre ces deux appendices jaillit le tube anal qui les dépasse un peu, il est en forme de cône tronqué et de couleur pâle, la larve s’en sert comme de pseudopode. Dessous, n’offre rien de particulier ; les différentes parties de la tète sont divisées par des traits imprégnés de couleur ferrugi¬ neuse ; le dessous des segments est déprimé, la couleur en est un peu plus pâle qu’en dessus, ils sont un peu moins pubescents. Pattes longues, de couleur pâle, plus foncée aux articulations ; cuisses et jambes allongées ; tarses terminés par un petit crochet à extrémité ferrugineuse. Stigmates flaves, à peine visibles à un fort grossisement. J’ai pris cette larve en avril, aux environs de Ria, sous une énorme pierre et dans une des galeries parcourues par le Micro - typhlus Rialensis, Carabique aveugle, tout récemment décrit. Le Microtyphlus se tient sous d 'énormes blocs profondément enfon¬ cés en terre ; il utilise pour ses retraites, les galeries creusées par les lombrics ; c’est dans l’une d’elles que j’ai pris la larve de Si- palia laticornis, avec l’insecte parfait. Ocypus netiops, Valtl. Larve : longueur 20 millimètres, largeur 2 à 3 millimètres. Corps convexe en dessus, allongé, noir sur la tête et sur les seg¬ ments thoraciques, couleur qui est un peu moins accentuée sur les segments abdominaux ; déprimé en dessous. Tête noire, lisse, cornée, luisante, en ovale allongé, terminée à sa partie postérieure par un léger renflement circulaire formant bourrelet, légèrement chagrinée en particnlier dans l’espace com¬ pris entre les antennes ; épistome noir corné, armé de neuf dents à son bord antérieur, une longue soie se faisant jour dans l’espace compris entre chaque dent : les deux premières petites et de couleur ferrugineuse, les deux suivantes beaucoup plus grandes et noires, la cinquième pointue, petite, noire se trouve au milieu del'épistome; 172 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES les quatre suivantes comme les précédentes et dans l’ordre inverse; labre invisible ; mandibules grandes, falciformes, acérées, se croi¬ sant, ferrugineuses, à bord intérieur noir ; mâchoires et palpes partant d’une même tige, longue, grise, brune, à base noire et cy¬ lindrique, cornée ; premier article long cylindrique surmonté d'un gros bourrelet en forme d’article ; de la base intérieure du bourre¬ let part une petite tige dentiforme, à direction centrale; palpes maxillaires de trois articles, premier et deuxième longs subcylin¬ driques, troisième très délié et subulé ; menton noir, lisse, pyra - midal, divisé en deux parties terminées par les palpes labiaux bruns, grêles bi articulés, le deuxième article coudé et à pointe dirigée vers l’intérieur ; languette charnue, cylindrique à extré¬ mité testacée, fortement ciliée en dedans ; antennes brunes garnies de soies de même couleur, de quatre articles, premier gros, court, noir à extrémité testacée, deuxième long, légèrement renfle à l’extrémité, troisième gris pâle, un peu moins long que le deuxiè¬ me, légèrement aplati en forme de lame dont le tranchant serait intérieur, avec petit article supplémentaire très grêle ; quatrième de moitié du troisième, de couleur claire, ambrée, terminé par une houppe de poils bordée de deux très longs cils : ocelles composés de quatre points gris cornés, au -dessous de la base extérieure des mandibules disposés en oblique, deux par deux, sur un léger ren¬ flement corné. Segments thoraciques noirs, luisants, lisses, terminés à leur bord postérieur par un léger bourrelet semi-circulaire arrondi, le premier un peu atténué en avant, de la largeur de la tête et aussi long, fortement convexe ; deuxième et troisième même forme, pas plus long à eux deux réunis que le premier. Segments abdominaux d’un noir mat, subcylindriques, de forme égale mais diminuant de volume de la base à l'extrémité, laquelle se termine en pointe ; les huits premiers avec sillon lon¬ gitudinal médian de couleur plus claire que le fond, fortement ridés et transversalement striés, le neuvième simplement chagriné et à bout tronqué; de la troncature partent deux longs filets ciliés, par¬ semés de petits points verruqueux, bi articulés, à extrémité déliée : MOEURS ET MÉTAMORPHOSES d’ïNSECTES 173 du milieu de ces deux filets jaillit le tube anal qui est gris foncé, cilié et légèrement imbriqué de points noirs et qui fait l’office de pseudopode pendant la progression de la larve ; les bords latéraux des anneaux, doublement relevés par un sillon, offrent une série trituberculée à chaque segment, excepté au neuvième. Dessous, la tête est lisse et noire, concave dans son milieu» bombée à ses côtés ; anneaux thoraciques d’un gris livide ; seg¬ ments abdominaux parcourus par une double rangée de fortes stries transverses, divisés dans leur milieu par un trait légèrement ridé en travers et d’autant moins accentué qu’il se rapproche du neu - vième anneau sur lequel ce trait est presque imperceptible. Pattes gris livide, de 5 pièces, bien détachées, cuisses et jambes armées de fortes épines noires, avec onglet acéré et ferrugineux au bout. Stigmates ovales, gris, à péritrème noir, situés, la première paire un peu au delà du rebord latéral du deuxième segment thoracique, les huit autres sur les huit premiers arceaux abdominaux et un peu au-dessus du milieu, sur le rebord latéral de chacun d’eux. On prend cette larve avec l’adulte dans le courant de mars, sous les pierres des forêts de chênes-liège, aux environs d’Argelès, dans les Pyrénées-Orientales; aussi aux environs de Ria, le long des canaux d’irrigation et sur les bords des torrents. Baptolinus affinis, Payk. Larve : longueur 6 millimètres, largeur lmm,5. Corps allongé, linéaire, charnu, jaunâtre à la partie antérieure, testacé pâle à la région opposée, avec longue pubescence grise par¬ semée sur toute la surface. L'été rougeâtre; lisse, quadrangulaire, à bord antérieur droit, à bords postérieurs arrondis, avec ligne longitudinale médiane à fond pâle se bifurquant au-dessus du vertex pour aller se perdre à la base antennaire ; deux fortes impressions au deux tiers et entre les deux branches bifurquées et quelques longs poils roux épars sur la 174 MOEURS EN MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES surface; labre et épistome indistincts; lisière frontale dentelée, trois dents, les plus longues au milieu, trois autres de chaque côté; mandibules longues, rougeâtres, falciformes, se croisant au repos; mâchoires à base cylindrique bi-articulée, jaune translucide ; lobe court pointu ; palpes maxillaires longs, tri-articulés, jaune clair et translucides, premier article court et droit ainsi que le deuxième qui est deux fois plus long, troisième long aussi grêle, pointu, arqué en dedans, un long poil, brun clair, émerge de la base du deuxième article ; menton charnu, obconique, testacé clair à bords évasés, portant de chaque côté deux palpes labiaux testacés, bi-articulés, à premier article clair et droit, à deuxième article grêle, très ténu, arqué en dedans ; languette saillante brune et pointue ; antennes ciliées, testacé clair, de quatre articles, premier court, tronconique; deuxième plus, long un peu moins gros; troisième à extrémité ren¬ flée portant un petit article supplémentaire à son bord intérieur; quatrième court, sub-arqué en dedans, à pointe terminée par quatre soies, deux extérieures longues, deux intérieures, courtes et join¬ tives ; ocelles constitués par trois points cornés, noirs groupés sur les côtés en arrière de la base des mandibules, deux en première ligne, le troisième en arrière, touchant les deux premiers. Segments thoraciques convexes, rougeâtres, lisses et luisants avec de longs cils sur les bords latéraux et ligne longitudinale médiane ; le premier long, presque aussi large que la tête, à bord antérieur un peu étranglé et renflé, à bords latéraux relevés et ciliés, à bord postérieur renflé ; deuxième et troisième égaux, aussi larges et un peu plus longs à eux deux réunis que le premier dont ils ont la même couleur, ciliés sur toute leur surface. Segments abdominaux sub-convexes, de couleur terne, avec ligne longitudinale médiane à fond clair, ciliés, les poils de la région dorsale plus petits, plus nombreux et noirs, ceux des flancs plus longs et bruns ; les deux premiers segments courts et égaux, les suivants plus larges, diminuant graduellement de la base à l’extré¬ mité, le bord postérieur des huit premiers flave, segment anal court, terminé par deux longs styles cylindriques, bi-articulés, ciliés, le premier article long avec cils courts, épars et mêlés à déplus longs, MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’INSECTES 175 deuxième article moitié plus court terminé par trois cils dont le médian est le plus long. Dessous de la tête et des segments thoraciques rougeâtre, le bord postérieur de la tête est marqué en son milieu d’une tache carrée noire ; le bord antérieur du premier segment thoracique est trian- gulairement parcouru par un léger trait; segments abdominaux ternes, ciliés comme en dessus, avec ligne longitudinale médiane et bord postérieur des arceaux de couleur flave; le segment anal se termine par un long pseudopode tubuleux, cilié, aidant à la pro¬ gression de la larve ; un fort bourrelet latéral cilié, de la couleur du fond, séparé les deux régions dorsale et ventrale. Pattes longues, grêles, jaune clair, ciliées sur tout leur pour¬ tour; hanches longues et renflées à direction intérieure ; trochan - ters courts triangulaires ; cuisses longues, écartées, à bout renflé: jambes aussi longues mais plus grêles, intérieurement arquées, terminées par un onglet ferrugineux à pointe très acérée. Stigmates gris à fond clair, sis, la première paire au bord infé¬ rieur du premier segment thoracique et en dessous ; les huit autres au tiers antérieur des huit premiers segments abdominaux et au- dessus du bourrelet latéral. C’est à la mi-juin, à Belaj, à la maison forestière du Canigou, à 1400 mètres d’altitude, sous l’écorce très épaisse mais humide d’un énorme sapin mort depuis longues années, que j'ai trouvé larve et adulte. La larve doit vivre des nombreux petits vers de diptères qui désa¬ grègent les détritus provenant des déjections des premiers habitants de l’écorce après la mort de l’arbre, coléoptères, hyménoptères et diptères dont la liste serait trop longue à donner. Xantliolinns punetulatus, Payk. Larve : longueur 10 millimètres, largeur 1 1/2 à 2 millimètres. Corps linéaire, subconvexe, à pubescence rousse éparpillée sur toute sa surface, blanc mat jaunâtre à l’exception de la tête et du 176 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES premier segment thoracique qui sont d’un rouge ferrugineux : une ligne longitudinale médiane peu marquée parcourt une partie de la tête et de la région dorsale. Tête rougeâtre, légèrement déprimée, quadrangulaire, avec bourrelet semi-circulaire enserrant le bord postérieur qui est in¬ fléchi à l’extrémité, avec fines rides transverses, légèrement pu- bescente ; une ligne longitudinale peu marquée, de couleur plus pâle que le fond, se bifurque au tiers antérieur du disque pour al¬ ler se perdre un peu plus loin ; épistome court, ferrugineux, bord frontal légèrement excavé, garni de cinq petites dents, la médiane la plus petite, courte, encastrée entre deux autres plus grandes, les deux latérales qui font suite, plus larges, mais moins longues; mandibules falciformes, longues, cornées, à base ferrugineuse, à extrémité noirâtre, unidentées, à rebord intérieur râpeux ; m⬠choires insérées très bas, formées d’un lobe cylindrique châtain et d’un palpe intérieur denté ; palpes maxillaires de trois articles ciliés, premier et deuxième bruns translucides, troisième subulé et à direction divergente : menton châtain petit ; palpes labiaux bi- articulés ; languette testacé pâle, saillante et lancéolée ; antennes de quatre articles rougeâtres, sis un peu en arrière de la base des mandibules, premier tronconique, testacé, court, deuxième très long ferrugineux, annelé de testacé à l’extrémité ainsi que le troi¬ sième qui est grêle rougeâtre avec deux longs cils, un extérieur, l'autre intérieur, presque aussi long que le deuxième, avec arti¬ cle supplémentaire bien prononcé, quatrième très grêle, ferrugi¬ neux terminé par de longs cils ; ocelles, en arrière de la base des mandibules, formés de quatre points bruns, cornés, groupés en demi cercle ; un cinquième point noir surmonté d’un cil se trouve en arrière du disque et à l’angle postérieur de la tête. Segments thoraciques , le premier subferrugineux, testacé flave aux deux bords transverses, aussi long et un peu moins large que la tète; deuxième et troisième jaunâtres avec bords plus foncés, légèrement ponctués, finement pubescents, moins larges que le pre¬ mier. Segments abdominaux testacé flave, subconvexes, avec ligne MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D IINSECTES 177 longitudinale médiane légèrement enfoncée et plus pâle, fortement ciliés de longs poils roux ; les sept premiers un peu plus larges que les segments thoraciques, huitième et neuvième un peu moins larges, ce dernier se terminant par un tube tronconique surmonté d’un double style cylindrique, bi articulé, de couleur jaunâtre; premier article allongé, bordé de longs cils latéraux ; deuxième un peu plus grêle, aussi long, terminé par un cil brun très délié et presque aussi long que le style ; entre ces deux appendices se trouve l’anus, cylindrique, brun foncé, à extrémité tronquée, fai¬ sant office de pseudopode. Dessous, la tète est rougeâtre, ponctuée, sensiblement pubes- cente, avec deux traits obliques médiocrement enfoncés au centre et une ligne longitudinale bifurquée au bout, très peu accentuée, le premier arceau thoracique brun clair, les deux suivants testacé pâle, ainsi que les arceaux abdominaux qui sont couverts d’une pubescence rousse assez dense, l’extrémité du dernier ombrée de brun foncé. Pattes allongées, jaunâtres, hérissées de longues épines rou¬ geâtres ; hanches longues cylindro-coniques, brunes à l’extrémité ; trochanters très courts ; cuisses longues, d’un brun pellucideux brillant ; jambes un peu grêles, fortement ciliées et terminées par un tarse à bout onguiculé. Stigmates flaves, à péritrème roux, à leur place normale. La larve est très vive et très remuante, elle marche aussi bien à reculons qu’en avant, elle paraît faire sa nourriture des larves d’ Ammœcius elevatus, oliv. et d’autres petites larves vivant du compost des bergeries, au milieu desquelles elle sème la mort et le carnage : j’en ai pour preuve les nombreux cadavres trouvés parmi celles apportées daus mon cabinet d’élevage. On la trouve prin¬ cipalement en été et c’est d’août à septembre qu’elle se transforme en nymphe ; pendant sa vie active, cette larve pourvoit à ses besoins en visitant sans cesse les endroits où se tiennent les paisibles larves à’ Ammœcius, et, avant sa nymphose, elle se creuse en terre à un centimètre de profondeur une loge ovale oblongue dans laquelle elle opère son travestissement. 178 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D'iKSECTES La larve de Xantholinus punctulatus a déjà été décrite par Bouché (Natur. Insect , 1834, p. 181-182) sa description n’étant pas en parfaite concordance avec la nôtre, nous avons jugé utile de la décrire à nouveau, quitte à meilleur juge à rétablir l’exacti¬ tude des faits ; au reste, nos observations sont suivies de détails en¬ core inconnus sur la larve en question, c’est ce qui nous a engagé à en donner la vie évolutive au complet. Nymphe longueur 5 millimètres, largeur 1 millimètre 1/2. Entièrement d’un rouge ferrugineux ; corps ramassé, véritable masque où la tête et les segments thoraciques sont intimement liés, le tout tellement bien rassemblé qu’il est difficile d’en remarquer les principales pièces. Tête inclinée, aplatie contre les segments thoraciques, pointillée, front fuyant, convexe, terminé par un tubercule très accentué. Segments thoraciques légèrement pointillés, le premier cou¬ vrant le dessus du corps, le deuxième cordiforme voilant en partie le troisième, qui est aussi cordiforme. Segments abdominaux cylindriques, diminuant de volume de la base à l’extrémité laquelle se termine en pointe ; les quatre pre¬ miers segments portent à leur bord latéral une petite proéminence conique en forme de rivet d’où les stigmates font saillie, la même proéminence est simplement marquée aux quatre segments sui¬ vants. Le dessous n’offre rien de particulier, si ce n’est deux appen¬ dices, noirs foncés, probablement l’extrémité des pattes posté¬ rieures partant du dessous des ailes, et venant se terminer en pointe au milieu des arceaux abdominaux ; le bord du dernier seg¬ ment est trilobé, à extrémité en forme de léger bouton : la dépouille chiffonnée de la larve adhère à l’extrémité des segments abdomi¬ naux qu’elle voile en partie. La durée de la phase nymphale est très courte, huit jours au plus ; la durée larvaire étant courte aussi, tout nous porte à croire que l’adulte accomplit deux et trois générations par an. Adulte. C’est sous les pierres entourant les bergeries, sous les détritus de toute sorte et dans le compost même, qu’on trouve toute MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES 179 l’année l’insecte à l’état parfait aux environs de Ria ; au moindre choc, au moindre péril, il se contracte, se ramasse en boule, échappe ainsi au danger qui le menace, en restant longtemps dans cette position d’expectative. Sa description a été faite par plusieurs auteurs, parmi lesquels il y a lieu de citer Paykul, Erichson, Gyllenhal, Fairmaire, Fauvel et Rey. Selon de Haan ( Métamorphoses , 1836, p. 24) les diverses saisons donnent des résultats tout différents pour l’anatomie des larves : jeunes, toutes les parties intérieures sont dilatées et allon¬ gées ; plus tard, ces mêmes parties peuvent être un peu plus ou un peu moins dilatées ; enfin, en hiver, lorsque les larves ne prennent pas de nourriture ou lorsqu’elles sont arrivées à la veille de leur nymphose, aucune dilatation n’est sensible, le corps n’est qu’un amas de graisse. A ces données, on peut, par analogie, dire que les téguments ex¬ térieurs larvaires sont appelés à subir des changements identiques: des parties du corps se modifient avec l’âge, ou si l’on veut avec la saison, d’autres ne se montrent qu’à partir d’une époque plus reculée ; d’où l’on peut conclure qu’une larve d’une espèce désignée, examinée à certain moment, donnera des détails à relever qui manqueront plus tard, en sorte que les descriptions pourront ne pas concorder, si elles ne sont pas faites toutes, en prenant pour base le moment où la larve aura acquis sa plus grande expansion, c’est à- dire la période qui précède la phase transitoire, prélude de la nymphose. C’est peut-être ce cas qui serait de nature à expliquer les traits différentiels de la description de Bouché et de la nôtre, à propos de la larve du Xantholinus punclidatus. Xniitliolinns glaliratus, Grav. Larve : Rey, dans son essai des larves de coléoptères inséré dans les Annales de la Société Linèenne de Lyon , année 1886, page 150, a donné, de la larve, une longue description. 180 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES Cette larve se trouve assez fréquemment dans les fumiers et dans les matières animales et végétales en décomposition : elle vit d’une infinité d’animalcules qui y grouillent et en particulier de vers de diptères. A la génération d’automne, la larve hiverne pour se transformer en nymphe, dans les lieux même du théâtre de ses exploits, à une faible profondeur en terre, et sans autre couvert qu’une loge mal façonnée, formée par le tassement des matières environnantes. Nymphe , longueur8 millimètres, largeur2 l/2à 3 millimètres. Corps jaunâtre, glabre, à téguments durs, en partie subcylin¬ drique, fortement renflé à son extrémité antérieure, atténué à l’ex¬ trémité opposée. Tête complètement infléchie, avec forte excavation du disque frontal; masque bucal couvrant toutes les parties de la bouche; des lignes de séparation à fond obcur indiquent la place des man¬ dibules ; yeux marqués par un petit point brun ; les antennes se relèvent, longent la base des yeux, puis se coudent derrière les deux premières paires de pattes en s’appuyant sur leurs genoux ; occiput proéminent, fortement bosselé, avec deux petits points bruns à l’extrémité de la proéminence. Segments thoraciques : le premier long et large, deuxième étroit, cordiforme ; troisième étroit et transversal, Segments abdominaux , un peu élargis vers le milieu de la région, tous plus ou moins transverses ; premier long et large; deuxième moitié moins large que le précédent, les quatre suivais très étroits, s’élargissant un peu jusqu’au sixième, le bord posté¬ rieur de ces quatre arceaux forme une bande rougeâtre très accen¬ tuée ; les trois segments suivants diminuent sensiblement de largeur jusqu’à l’extrémité ; septième presque aussi long que le premier, mais moins large ; huitième nn peu moins long et un peu moins large ; neuvième long mais très étroit, terminé par deux pointes subcornées ferrugineuses droites et contiguës, à ligne extérieure brusquement rétrécie au tiers antérieur. Dessous , couleur du dessus, pièces buccales masquées, empla¬ cement des pattes marqué par des traits sombres, les tarses de la MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES 181 troisième paire font seuls saillie ; la bande postérieure des 3e à 6 arceaux abdominaux est un peu plus accentuée qu’en dessus ; fente anale transverse, stigmates bruns ; les quatres premières paires abdominales en saillie sur un petit tubercule conique, sis au tiers antérieur des anneaux. Au moindre attouchement, la nymphe devient vive et remuante: sa phase nymphale dure un mois environ, tout le mois d’avril, au bout duquel elle se dégage par des contractions répétées de sa peau qu’elle accule en forme de gros chiffon, au fond de son réduit. C’est au commencement de mai, qu’aux environs de Ria (Pyré¬ nées-Orientales), l’adulte prend son essor. Quelques larves du genre Xantholinus ont été décrites, une seule nymphe était connue, celle du X. lentus, Erichs, dont Schiôdte et Beling ont donné la description ; j’en ai fait connaître une deuxième, celle du X. punctulatus , Payk, page 155. Ni l’une ni l’autre de ces deux nymphes n’offrent rien de particulier ; seule, celle du X. glabratus, se distingue par deux traits caractéristiques bien marqués qui sont : d’abord, deux petits points bruns placés, un de chaque côté de la proéminence occipitale ; ensuite, la bande circulaire rougeâtre qui ceint le bord postérieur des troisième à sixième segments abdominaux. Adulte. Erichson, Gravenhorst, Fairmaire, Rey, en ont don¬ né la description. Sous cet état, on le trouve assez souvent sous les pierres, sous les fumiers, sous les débris de toute sorte ; il se roule sur lui-mème, en se pelotonnant, quand il est inquiété ou quand il est au repos, particularité qui est propre aussi à sa larve. Platystethus cornutus. Grav. Larve : longueur 3 millimètres, largeur 1/2 millimètre. Corps filiforme, d’un beau jaunâtre, linéaire, convexe en dessus comme en dessous, un peu moins à la région thoracique, avec longue pubescence blanchâtre éparse ; arrondi à la région antérieure, tronqué à la région opposée, 182 MOEURS ET MET AMORPII OSES D’iNSECTES Tête petite, ovalaire, à angles arrondis, avec longs poils clair semés, rembrunie à la lisière frontale ; ligne longitudinale médiane très accentuée, se bifurquant au vertex pour aller se perdre au- dessus de la base antennaire, entre les deux extrémités est un court trait longitudinal noir; épistome étroit, transverse; labre large à bord frangé et presque droit; mandibules fortes, cornées, à base fer¬ rugineuse, à extrémité noire et bidentée, à tranche extérieure, caré¬ née ; mâchoires à lobe court, pointu ; palpes longs, droits, de trois articles ; premier, très long testacé, très arqué en dedans, deuxième, moins long, droit, troisième, à bout rembruni et très délié; men¬ ton allongé, sub-cylindrique, saillant; palpes labiaux courts, grêles, bi-articulés, premier article, droit, deuxième, arquée en dedans ; languette courte à bout tronqué ; antennes latérales de quatre arti¬ cles, jaune clair: premier et deuxième, courts, troisième, deux fois plus long, avec long cil au bout extérieur, quatrième, court, à bout tronqué et garni de longues soies, en dessous est un petit article supplémentaire à bout pointu et soie à la base; ocelles, un point ocellaire, corné, noir, très apparent, un peu en arrière de la base des mandibules surmonté d’une longue soie. Segments thoraciques jaunâtres, subconvexes, s’élargissant graduellement jusqu’au troisième segment avec longs poils, en par¬ ticulier sur les flancs ; premier segment, presque arrondi, pas plus large, ni plus long que la tète, lisse et brillant, avec une incision de chaque côté de la ligne médiane et une en arrière plus profonde, transversale, deuxième et troisième segments un peu plus larges, moins longs, transverses, égaux, avec une incision latérale relevant les flancs en forme de bourrelet. Segments abdominaux convexes, forme, couleur, pubescence et incision latérale comme aux deux précédents, augmentant peu mais graduellement jusqu’au huitième, sur lequel l’incision latérale est peu marquée; neuvième, court, tronqué, à bout relevé de chaque côté par un appendice testacé, droit, avec longs cils roux à direc¬ tions divergentes. Dessous. Les pièces buccales sont ceintes d’un trait ferrugineux arqué à l’intérieur ; les segments thoraciques sont relevés en forme MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES 183 de mamelon triangulaire à leur milieu et les segments abdominaux portent un fort bourrelet transverse aux huit premiers arceaux ; le neuvième segment fortement cilié est tronqué et terminé par un petit pseudopode court à bords tuméfiés au centre desquels est l’anus à fente longitudinale. Un double bourrelet latéral longeant les flancs sert de ligne de partage aux deux régions dorsale et ventrale. Pattes longues, latérales; hanches et trochanters courts; cuisses cylindriques, longues, ciliées, armées à leur milieu interne d’une petite épine ferrugineuse à bout pointu et arqué en dedans, termi¬ nées par un court onglet, ferrugineux à pointe arquée et acérée. Stigmates de couleur un peu plus claire que le fond, saillants, la première paire placée au bord postérieur du premier segment thoracique, les autres au tiers antérieur des huit premiers segments abdominaux et au-dessus du bourrelet latéral. C’est dans des bouses de vaches à moitié sèches, à Belaj, non loin de la maison forestière du Car.igou, à 1400 mètres d’altitude que nous avons trouvé cette larve, à ses divers états de développe¬ ment, le 1er septembre. Ce même jour nous faisions l’ascension du pic du Canigou (2790 mètres) : durant le trajet, l’une d’elles se transforma en nymphe, et cela n’a rien d’étonnant, la raison en est bien simple, la voici. Toute larve arrivée à son complet développement, tant qu’elle n’a pas encore commencé à se contracter, c’est-à- dire tant que le travail d’élaboration intérieur n’a pas encore reçu un commence¬ ment d’exécution, peut retarder de un mois à deux ans sa transfor¬ mation, soit en prenant entre-temps un peu de nourriture, soit en restant à l’état de vie latente, c’est le cas particulier aux larves déplacées et remises dans leur milieu naturel ; mais dès que leur travail intérieur a commencé, il faut qu’il s’achève soit par la transformation en nymphe avec continuation de vie, soit par la mort après un commencement de transformation, nulle larve ne saurait s’y soustraire, c’est une expérience qu’au reste chacun peut tenter même avec les larves les plus rebelles à toute éducation ; lorsque l’état de la science biologique sera plus avancé, il sera possible de préciser à quelques heures près le moment exact auquel Soc. Linn., t. xxxviii. 15 184 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES devra avoir lieu la transformation : il n’est donc pas surprenant que notre larve prise à une altitude de 1400 mètres, se soit trans¬ formée en nymphe dans le cours d’un trajet qui a duré quatre heures de temps et qui de 1400 mètres nous a porté à 2790, c’est-à-dire à près de 1400 mètres au -dessus du point où nous l’avions prise ; dans cette question, le tout est de mettre les larves dans le milieu qui leur convient. Combien de fois, l’état nymphal, si difficile à observer à l’état normal pour les larves hypogées, ne l’avons- nous pas obtenu en soumettant ainsi à l’épreuve des larves arrivées aux approches de leur transformation : il suffit de placer les larves dans un milieu approchant de leur élément naturel, question qui ne s’apprend qu’avec l’expérience. Parvenue à son complet développement, la larve du Platyste- thus cornutus, se choisit une place dans le milieu nourricier qui lui a servi de pâture, à ce point elle élargit le passage, lui donne une forme oblongue, puis peu de temps après elle se dépouille de sa forme larvaire pour prendre le masque nymphal. Cette larve adhère aux doigts ou aux objets avec lesquels on la met en contact, elle sécrète à cet effet une humeur agglutinative qui recouvre son corps et qui contribue à lui donner cette adhérence. Nymphe, longueur 2 mm, 1/4, largeur 1 millimètre. Corps en ovale allongé, d’un beau jaune, arrondi en avant, at¬ ténué en arrière, convexe, avec longs poils bruns épars sur la surface; masque frontal rond, à disque excavé; masque thora¬ cique clypéiforme à bord antérieur relevé par deux longs filets bruns, un de chaque côté de la ligne médiane ; les sept premiers segments abdominaux à angles latéraux inférieurs saillants, le huitième porte une apophyse conique au tiers latéral, le neuvième se termine par deux styles testacés ; pattes et ailes très courtes, leur extrémité atteignant à peine la base du premier segment abdominal ; les antennes reposent sur le milieu des cuisses de la première paire de pattes : la nymphe reste immobile quel que soit l’attouchement que l’on exerce sur son corps ; la phase nym- phale dure environ trois semaines. MOEURS ET MÉTAMORPHOSES d’iNSECTES 185 Adulte. C’est un insecte commun un peu partout, dans les plai¬ nes comme dans les montagnes, dans les détritus comme dans les déjections des solipèdes et des ruminants ; il vole peu le jour, c’est en particulier à la nuit tombante qu’il prend ses ébats, il a deux générations la première au printemps, la seconde à l’automne; sa description à été donnée par Fairmaire et Laboulbène, Fau- vel, et autres auteurs. Platystetlius spinosiis, Erichson. Larve : Longueur 7 millimètres, largeur 1 millimètre. Corps linéaire, parallèle, convexe en dessus, subdéprimé en dessous, jaunâtre pâle, avec pubescence et cils épars sur la sur¬ face. Tête ovalaire, cornée, luisante, jaunâtre, subdéprimée à la ré¬ gion antérieure, convexe à la région occipitale, avec longs cils bruns épars à la périphérie, la partie déprimée circonscrite par deux lignes obliques qui se rejoignent à l’occiput ; épistome étroit, transverse, testacé pâle ; labre saillant, carré, à fond jaunâtre, pâle, pubescent ; mandibules bidentées vues de profil, triangulai¬ res, à base jaunâtre, à pointe noire, dépassant à peine le labre * mâchoires à lobe triangulaire, charnu, à pointe cornée, dentée e ferrugineuse, avec cils et forte pubescence au bord interne et uneapo- physe ciliée au milieu externe ; palpes maxillaires arquées en de¬ dans, de trois articles gris clair, le premier cylindrique deux fois plus long que les deux suivants réunis, deuxième avec long cil extérieur à la base, un pareil cil se retrouve à la base du troisième qui est grêle, subulé, à pointe ferrugineuse, menton charnu, corné en dessus, convexe, en carré long; palpes labiaux testacés, bi- articulés, grêles, à deuxième article acuminé et pubescent ; lan¬ guette saillante, échancrée au milieu ; antennes tri- articulées, rougeâtres, annelées de testacé, pubescentes et cylindriques, émer¬ geant d’un tubercule conique touchant la base extérieure des man¬ dibules qui pourrait être considéré comme un premier article, 186 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES premier et deuxième articles égaux, troisième grêle tomenteux, à sa base est accolé un petit article supplémentaire intérieur ; ocelles, pas de traces. Segments thoraciques convexes, jaunâtres, avec de longs cils bruns, le premier un peu plus large que la tête, à bord antérieur arrondi, à angles latéraux aigus ; deuxième et troisième pas plus larges et un peu moins longs que le premier, tous trois très faiblement striés. Segments abdominaux convexes et pubescents, les huit pre¬ miers égaux en forme et en dimensions avec les anneaux thoraci¬ ques, mais un peu moins larges, les bords latéraux de ces huit segments exhaussés d’une apophyse avec aréole de cils bruns, le neuvième plus petit, n’a pas de proéminence latérale, il porte deux courts appendices testacés pâles à extrémité ténue, ornés de longs cils ; en arrière de leur base d’insertion sont, en relief deux points noirs. Un léger bourrelet latéral se prolongeant par le milieu des apophyses délimite les deux régions supérieure dorsale et infé¬ rieure ventrale. Dessous subdéprimé, un peu moins en couleur qu’en dessus, chaque anneau légèrement renflé au milieu et strié longitudinale¬ ment, avec pubescence brune très clair semée sur le milieu des arceaux, dont le dernier est transversalement fendu à la partie anale et ne sert pas à la progression de la larve pendant sa marche. Pattes courtes, hanches grosses, coniques, ciliées, cuisses et jambes longues, cette dernière plus grêle, ciliée à ses deux côtés, tarses terminés par un onglet très acéré, à pointe ferrugineuse di¬ rigée en dedans. Stigmates, leur couleur diffère si peu de celle du fond que l’empreinte n’en est pas facile à discerner ; détail peu important, étant déjà donnée la connaissance de larves affines. Contrairement à ce qui a lieu pour la majeure partie des larves de Staphylinides, celle-ci ne donne pas, au premier aspect, une idée, même approximative, de sa ressemblance avec l’adulte dont elle constitue la souche : elle n’a même pas un air de famille. MOEURS ET MÉTAMORPHOSES d'IKSECTES 187 Aux alentours des bergeries (cortals)des contreforts du Canigou (Pyrénées- Orientales), dans le compost formé par les crottins des moutons, mêlés aux balles de blé agglomérées autour des portes d’entrée et fortement piétinées par le passage des troupeaux, se plaît le PL spinosus. La larve vit du compost même, dans lequel elle se creuse des < r couloirs où elle n’est pas toujours à l’abri de la dent du Xantho- linus punctulatus, Paykull, autre staphylin, celui-ci carnassier et ne vivant que de rapine, ainsi que je le mentionnerai en faisant connaître le cycle biologique de Y Ammœcius elevatus , Oliv. Aux premiers jours d’août, l'œuf du Pl. spinosus éclot; la jeune larve attaque en naissant la substance qui lui sert de pâture, elle chemine dans ce milieu nourricier, avançant au fur et à mesure de ses appétits ; fin août, elle arrive au terme de son développe¬ ment; sans autre préparation, au lieu même où elle se trouve alors, elle se construit une loge oblongue, dont elle lisse les parois, puis elle se prépare à changer de forme. Nymphe, longueur 6 millimètres, largeur lmm,l/2. Corps ramassé à sa partie antérieure, allongé et convexe a l’extrémité opposée, d’un jaunâtre clair avec cils bruns épars au centre des arceaux dorsaux ; les pièces buccales sont un peu détachées du corps, les mandibules saillantes, les antennes se coudent en remontant, puis longeant le dessus des genoux des deux premières paires de pattes ; comme dans la larve, l’extré-- mité du dernier segment porte deux appendices petits, charnus, à extrémité dure, subulée et ferrugineuse. Autant dans la larve les stigmates se confondent avec la couleur du corps, autant ils sont apparents dans la nymphe ; les deuxième à huitième segments portent chacun sur le bord inférieur de la région dorsale deux gros stigmates à fond noir, au tiers antérieurdes arceaux. Vers la mi-septembre, la larve se débarrasse, par des mouve¬ ments alternatifs et contractiles, de sa peau qu’elle accule à l’extré¬ mité de sa loge ; alors apparaît la nymphe, sorte de momie repo¬ sant au fond de son berceau sur les deux épines qui terminent son dernier anneau ; elle est immobile et paraît insensible aux attou- 188 MOEURS ET MÉTAMORPHOSES D’iNSECTES chements exercés sur son corps. Après un travail d’élaboration intérieur d'une quinzaine de jours environ, elle donne le jour à l’adulte; celui-ci, en peu de temps, acquiert la consistance néces¬ saire pour se faire jour à travers la couche compacte qui le sé¬ parait du dehors, couche d’une épaisseur de douze à quinze mil¬ limètres, et libre, n’ayant d’autre but que de jouir d’une existence aérienne à laquelle tout le convie, il s’élance dans l’espace, vole en particulier à la tombée de la nuit, aux alentours des bergeries, suit les traces laissées par les troupeaux, recherche, pour s’en repaître, les crottins dans lesquels il plonge, et cette existence dure jusqu’au moment où, male et femelle, unis d’un désir commun, viennent assurer, par un rapprochement, la souche d’une nouvelle génération. Adulte. On le trouve le jour sous les pierres, dans l’intérieur des crottins, sous les tas de paille ou d’herbes, au printemps, et en particulier à l’automne. Rey, dans ses Brévipennes oxytêliens , 1879, page 33, en a donné la description. Eriehson, dans son Généra et species staph. 784 ; Fairmaire et Laboulbène, dans leur Faune fran¬ çaise, page 607, et Fauvel, dans sa Faune gallo-rhénane, 3, page 184, ont aussi décrit l’espèce. TABLE DES MATIÈRES Aperçu géologique sur les environs delà Baume-d’Hostun (Drôme), par E. Mermier . ... 1 Noie sur les Coquilles terrestres de la Faune quaternaire de la Baume-d’Hostun (Drôme), par A. Locard . 17 Influence du Pneumogastrique sur les phénomènes mécaniques et chimiques de la respiration chez les oiseaux, par E. Couvreur. 35 Sur un cas d’Hermaphrodisme faux par excès des voies génitales, observé sur un bouc, par L. Blanc . 59 Note sur l’origine des courants d’air souterrains, observés dans les graviers de la colline de Caluire, par E. Mermier . 75 p Etude anatomique sur la myologie du membre postérieur du grand Fourmilier (Myrmecophaga jubata), par MM. Couvreur et Bataillon . 83 Sur les monstres mélomèles, par L. Blanc . 91 Etudes sur le grand Fourmilier (Myrmecophaga jubata), par MM. Bataillon et Couvreur . 115 Note sur un nouveau Gisement de Pliocène marin à Bédarrides (Vaucluse), par E. Mermier . . . . . . 131 Mœurs et métamorphoses d’insectes, par le capitaine Xambeu. . 135 Lyon. — lmp. Pitrat aîné, A. Rey, Suecesseur, rue Gentil, 4 — 3251 LISTE DES PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ LIMENNE ANNALES ET COMPTES RENDUS de 1836 à 1850-52, contenant : Observations botaniques , par Seringe, Alexis Jordan. — Notes entomologi- ques, par Donzel, Gacogne, Godart, Perris, Mulsant et Rey. ANNALES (nouvelle série) tomes I à XXXII, de 1852 à 1885, contenant : Diagnoses d'espèces nouvelles, par Alex. Jordan; Catalogue des pilantes du cours du Rhône, par Fourreau; Flore des Muscinces par Débat. — Icono¬ graphie et description de chenilles et lépidoptères, par Millière. — Notices sur les Altisides, par Foudras. — Coléoptères, par Levrat, Chevroi.at, Perroud, Godart, Perris, Sichel, Mayet, Donnadieu, Mulsant et Rey; Abeille de Perrin, R. P. Belon. — Notices ornithologiques par Boucart, Mulsant et Verreaux. — Géologie du départ, du Rhône, par Mène. CHAQUE VOLUME EST VENDU AU PRIX DE 15 FR. SE VENDENT SÉPARÉMENT Tètranyques , par Donnadieu. — Chrgsides, par Abeille dePerrin. — Larves de coléoptères, par Perris. — Brévipennes, par Mulsant et Rey. — Lathri- diens, par le R. P. Belon., Lyon. — lmp Pitrat aîné, A. REY, successeur, 4, rue Gentil. — 3251.