warehouse austin 01417110 Q 46 P377 SCIENCE 201b3Tfl47fi V.20 1906 LIFE THE LIBRARY OF THE UNIVERSITY OF TEXAS 6I1.U82LI I ni v <10 \90G ROOM USE OHLY Digitized by the Internet Archive in 2017 with funding from IMLS LG-70-15-0138-15 https://archive.org/details/annalesdelinsti2019inst_0 SCEAUX. IMPRIMERIE CHARAIRE ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR (JOURNAL DE MICROBIOLOGIE) FONDÉES SOUS LE PATRONAGE DE M. PASTEUR PAR E. DUGLAUX COMITÉ DE RÉDACTION : MM. Dr CALMETTE (A.), directeur de l’Institut Pasteur de Lille ; CHAMBERLAND, sous-directeur de l'Institut Pasteur; Dr CHANTEMESSE, professeur à la Faculté de médecine; DT GRANCHER, professeur à la Faculté de médecine; Dr LAVERAN, membre de l’Institut de France ; METCHNIKOFF, sous-directeur de l’Institut Pasteur ; Dr ROUX, directeur de l’Institut Pasteur; Dr VAILLARD, membre de l’Académie de médecine. TOME VINGTIÈME 1906 AVEC TRENTE-QUATRE PLANCHES PARIS MASSON ET Cie, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE « 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN (6e) THE LIBRARY THE UNIVERSITY OF TEXAS 2Qme ANNÉE JANVIER 1906 No l ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Etudes sur les bacilles paratyphiques Cultures, fonctions biologiques “ in vitro ” Par MM. E. SACQUÉPEE et F. CHEVREL ■r . Laboratoire de bactériologie militaire de l’Ouest (Rendes). Depuis bientôt dix ans, on a décrit un certain nombre de bacilles, pathogènes pour l’homme; dénommés bacilles paraty- \ phiques. Ils furent rencontrés d'abord par Achard et Bensaude dans les urines humaines et dans un abcès chondrosternal, au cours d’infections d’allures typhiques; Widal et Nobécourt cultivaient peu après un microbe analogue dans le pus d’un abcès thyroïdien; Gwyn, Cüshing le décelaient à nouveau. Jusque-là* le rôle des bacilles paratyphiques restait incertain. L’étude approfondie de leurs caractères et de leur valeur patho- gène fait un grand pas avec le travail de Schootmüller (1901) ; ce dernier auteur signale qu’il existe’' deux groupes de bacilles feparatyphiques, différenciés par leurs caractères de culture et par d’agglutination. C’est à chacun de ces deux groupes que, l’année ^suivante, Brion et Kayser assignent les dénominations de bacille type A et bacüle type B : nous y reviendrons plus loin . aSDans la suite, des études analogues sont poursuivies de tous côtés, particulièrement en Allemagne et en Amérique. Les pre- mières descriptions sont vérifiées et augmentées de nombreux faits nouveaux ; en même temps que se poursuit activement le travail bactériologique, on essaie d’écrire l’histoire des infcc- tions paratyphoïdes chez l’homme. , , De ces recherches, il ressort en toute certitude quelques 1 415876 2 ANNALES œ L’ INSTITUT PASTEUR . notions de grand intérêt. En premier lieu, s’il est bien certain que les bacilles paratyphiques sont pathogènes pour l’homme, les réactions morbides qu'ils provoquent ne présentent aucun caractère d’originalité : en dehors de faits exceptionnels (ictère, abcès, etc.), les infections paratyphiques revêtent l’aspect de la fièvre typhoïde ou de l’embarras gastrique simple, suivant leur gravité; cliniquement, elles sont confondues avec ces deux affections : le terme d’infection paratyphoïde marque un diagnostic d’ordre biologique, non clinique. — En deuxième lieu, les grandes lignes de l’étiologie sont celles mêmes qui dominent la genèse de la dothiénentérie : jusqu’à ce jour, les contaminations d’origine hydrique y revendiquent la meilleure part. Parfois cependant on pourrait incriminer l’infection par les viandes, mode de production qui ne paraît pas possible, on le sait, pour la fièvre typhoïde. — Seules les lésions anatomo- pathologiques seraient différentes, l'intestin des rares victimes humaines de la fièvre paratyphoïde s’étant présenté tantôt intact, tantôt altéré de diverses manières : on signale la nécrose super- ficielle, l’aspect dysentéri forme des ulcérations, l’absence d’adé- nopathies mésentériques, etc.; pour différentes qu elles soient des lésions classiques de la dothiénentérie, ces constatations d'autopsie sont trop variables pour permettre d’affirmer l’auto- nomie du groupe. Par contre, si la clinique, l'étiologie et l’anatomie patholo- gique se montrent impuissantes à déceler ou à définir les infec- tions paratyphiques, divers procédés biologiques paraissent capables de les dépister. Ces procédés ont pour base soit la découverte des agents pathogènes chez les malades, soit la recherche des propriétés spécifiques du sérum sanguin. Or, il n’est jamais indifférent d’être exactement fixé sur la nature d'une maladie humaine, et deux considérations immé- diates, à défaut d’autres raisons, suffisent àfaire saisir l’intérêtqui s'attache à la différenciation des maladies paratyphiques : d’une part, et malgré les apparences cliniques, leur pronostic immé- diat est relativement bénin, la, mortalité d’ensemble n’atteignant pas 1 0/0; d’autre part, F avenir éloigné du malade est enjeu : est-il atteint de fièvre typhoïde, l’affection actuelle le vaccinera contre une atteinte ultérieure de dothiénentérie, alors que rien 1 ABLEAU HISTORIQUE RESUME DES PRINCIPAUX CARACTÈRES DE; CULTU ETUDES SUR LES BACILLES PARATYPHIQUES TJ g o s 4- 1 s 1 1 - 1 III ||**|*** '05O[nA9q 4 = * * » * * « « + « « « - « « a « ' oso)oi;[B^ s a • s « a R » *a+ **aaaaa-j- ‘ 95011 BI\r « " * ^ * 1 » * + + * - * « « * 4- •aipinQ ■0SOpcq + + — i — L . ++ 4 i 4- I I4-* «+l I T 73 f, ” P- CD G F O § Z* o *C0 ^ fa o VD fc0 • -H G g e d o £ s ■ • £3 £ S _ 3 ? g GM -cd 5 a ds a -ai ° cj cl Î^U-tlCJCJ GM s cd ■ CJ . OO ) - Gl . cd 4'^ ^ °o o o ï-t d d w -i-i d ~ d CJ CJ -ai ao cd O O _■ G O O O 2C £ CO 03 a ;o * V* O . O W o«‘ _ W ^ H oo o TJ a> S o fa o o o . o la ■ ^ 03 c 3 O = O G G o -— G G h d 2 O ‘o d « *-8.“ cd CJ -JJ oc 73 .73 d Gh 'W • — 03 SZ Q«M J? 4 . G X! 3 CJ pq -G G, i4 X 3 o Gh CJ o o a? cd oh a v_ 0 - G — d CQ M3 'C C a j2 o U à • • « • • ^ * " ! T4 CD : : >J 4 r- G ' £ - S o - C4 -HH -d <6 o G • fa ■*— j ‘ H. O G 73 G O >» fî Ifa rfi 2 i = ^ ü O o ® Q CD O CJ 6 ce! , ^ o o en 73 ca 'Tp d 03 C g ; o z. 5§‘ ■G g H-H 7) hG ih>- 03 G P'C/j fcdl nJ 03 Q &D._ cd - G G O.G ° Glc/TCJ V 9dA soiipug ^ 'pi -g odÀ’j sonto-eg o *-s a - PJC cd o G r ^ s O o 73 cd H Gh co G JJ CD J ’£ 2 I M ••- flj G ci S î3 g JJ O fl CJ a ,a> o> Q w ,-t-j coi g 03 . r- fcp , .5 “^” ' — « „ "ts 73 :G £ CJ 03 j» ro G 73 Q 3. j JTO * CU i-* ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 4 ne démontre aujourd’hui qu'il jouira du même bénéfice s'il est atteint de fièvre paratyphique. Ces diverses réflexions nous ont amenés à étudier de près, depuis plus de 3 ans, les infections présentant l’aspect clinique de la fièvre typhoïde ou de l'embarras gastrique. L’emploi régulier de l'ensemencement du sang, ou hémoculture, la recherche des bacilles pathogènes dans les excreta, l’étude des agglutinines et des sensibilisatrices spécifiques, nous ont ainsi permis de soupçonner un nombre élevé d’infections paraty- phiques, 45 au total, dont 23 démontrées par l’hémoculture. Nous devons y ajouter 40 autres faits, dans lesquels le diagnostic fut porté par les propriétés spécifiques du sérum : il s'agissait de sérums envoyés au laboratoire en vue du sérodiagnostic, et prove- nant de garnisons diverses (Tours, Fontevrault, Poitiers, etc. l). Il serait hors de propos de rapporter ici le détail des obser- vations cliniques ou étiologiques relatives aux malades que nous avons pu suivre. Notre but est d’apporter une contribution à l’étude bactériologique des bacilles paratypbiques, en étu- diant, dans des mémoires successifs, les caractères des microbes isolés chez nos malades, leurs propriétés biologiques, les réactions des sérums bqmains ou expérimentaux. Ce premier mémoire est consacré à l’étude des caractères de culture et des fonctions biologiques in vitro . * Afin d'éviter des redites inutiles, nous fixerons d'abord la physionomie générale des bac. paratypbiques; la description est empruntée à Rayser, et représente l’état actuel de la question. Les bac. paratyphiques se subdivisent en 2 groupes, désignés type A et type B. — Les bac. des 2 types sont des bâtonnets courts, vivement mobiles, ne prenant pas le Gram. La tempé- rature optima de développement est 37°. Sur gélatine en plaques, les colonies ne présentent pas de vallonnements; elles sont arrondies, un peu grisâtres, presque transparentes (type A) ou blanchâtres et épaisses (type B). Sur agar rouge neutre, on L Ces iverscs observations ont déjà fait l'objet de communications antérieures [Presse Me ! traie, août 1905; Société médicale des hôpitaux, décemure 1905, Société de biologie, décembre 1905), dans lesquelles on pourra trouver divers détails com- plémentaires. ETUI) K S SUR LES BACILLES PARATYPH IQUES a observe une fluorescence rapide et la décoloration du milieu. Il ne se produit pas d’indol. Le lait n’est pas coagulé; par contre, divers sucres (glucose et maliose) sont fermentés. Sur bouillon lactosé, seul le bac. type B provoque un dégagement gazeux appréciable. Sur pomme de terre, le bac. type B se développe sous forme d un enduit épais, gris brun; la culture du bac. type A reste presque invisible. Dans le petit-lait tournesolé, les deux types acidifient d’abord ; seul le type B alcalinise dès la 2(‘ semaine. Le type B éclaircit le lait après plusieurs semaines, le type A ne le modifie pas. Sur tous les milieux, le bacille type B pousse plus abondamment que le bacille type A. Ajoutons quelques caractères importants : tous les bacilles paratyphiques sont ciliés, présentant 2 à 6 flagelles longs; tous se développent bien sur gélose et bouillon (culture semblable à celle du bacille typhique ou du colibacille) : le type B couvre souvent le bouillon d’un voile peu épais, et ses cultures dégagent parfois une odeur légèrement putride. Prenant pour base les différenciations culturales qui pré- cèdent, nous avons pu reconnaître et classer nos divers échan- tillons, d'autant plus facilement que nous possédions divers types de comparaison antérieurement étudiés. L’énumération et la provenance des microbes sont consignées dans le tableau IL Il est inutile de rééditer k nouveau chacune des réactions énoncées plus haut. Sauf exceptions qui seront signalées en temps utile, elles se sont toujours retrouvées pour chacun des bacilles étudiés. Ce point définitivement fixé, nous aborderons 1 étude de quelques propriétés intéressantes : cultures sur milieux métalliques, sur milieux vaccinés, action fermentative sur les sucres. Exacts en général, les schémas admis comportent quelques exceptions; ainsi certains bacilles type B donnent sur gélatine une culture transparente, peu épaisse, comme le bacille type A : la même remarque a été faite par Schootmüller. De même, divers représentants du type B ne donnent sur pomme de terre qu une culture insignifiante, à peine visible et incolore : ces deux modes d’examen ne donnent donc pas toujours les résul- tats attendus. Des cultures ont été faites sur tranches d/ artichaut (procédé 6 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tableau II DÉSIGNATION, PROVENANCE, ORIGINE DES ÉCHANTILLONS ÉTUDIÉS DÉNOMINATION N°s d’ordre. PROVENANCE LIEU DORIGINE Bac. typhique 1 Rate (autopsie). Paris 1809. — ; 2 Sang- humain (in vit a). Rennes 1902. — »» O — — 1903. — 4 — — 5 — _ — G 7 8 — — 1904. — — — 9 — — 1903. — 10 — — — — 11 — 1904. — 12 — — 13 — — B — 14 — — 15 — — — B. paratypliique A. . . 10 — Strasbourg (Brion Kayser). — ... 17 — États-Unis (Coleman). — 18 — Rennes 1904 août. — 19 — — id. ? 20 — États-Unis (Longcopc). B paratypliique B... 21 — (Hambourg (Schootm.). — 22 Selles humaines. Brême (Ivurth). — . . . 23 Sang humain (invita). Rennes 1903. — 21 — — 25 — ,. — 26 — — 27 — i. — 28 — — ■ . . . 21) — — 30 3L 39 — Rennes avril 1904. — 33 31 35 - Rennes août 1904. — 30 Urines humaines. Paris 1893 (Achard B.). — 57 Arthrite. — 38 Abcès thyroïdien. Paris 1897 (Widal N.). — 39 Selles lui maines. Sarrebrück 1902 (Jürgens). — ... 40 Intestin typhique. Rennes 1902. id 9 41 Sang humain. — 1903. Rennes mai 1904. Paracoli . . . 43 Eau x parai y ph og eues. Fontevrault 1904. Bact. coli 44 Sang humain. Rennes 1903. 45 Eaux. Granville 1903. - ÉTUDES SUR LES BACILLES PARATYPHIQUES 7 de Roger) ; la plupart des échantillons du type B verdissent le milieu en 2 ou 3 jours, comme le B. coli ; les bacilles type A ne verdissent que tardivement, ou pas du tout, comme le bacille d’Eberth. Milieux métalliques. — Orlowski a montré que, sur les milieux de culture additionnés de divers sels métalliques, le bacille d'Eberth et le colibacille se comportent de manière dif- férente. Les mêmes réactions ont été essayées pour les bacilles paratyphiques. Dans la gélatine additionnée de lartrate double de fer et de potasse (4/20 à 1/30), ensemencée en piqûre, les bacilles type B font apparaître une coloration noire en 3 à 6 jours ; les bacilles type A ne modifient pas la coloration du milieu. Les résultats sont de tous points identiques sur gélose addi- tionnée de sous-acétate de plomb (3,5/100). De même, sur gélose renfermant du nitroprussiate de soude (1,5/100), l’ensemencement des bacilles type B développe, en 2 à 5 jours, une coloration verte intense; la même réaction est moins intense et plus tardive dans J es cult ures des bacilles type A 1 . En raison de leur netteté, ces réactions particulières peuvent être utilisées pour la différenciation des types. Milieux vaccinés. — Cette intéressante épreuve, véritable ébauche de vaccination in vitro , fut pratiquée de deux manières : par ensemencements sur tubes de gélose raclés et sur cultures en bouillon Martin filtrées. Les milieux dits vaccinés étaient ensemencés depuis 6 à 8 semaines. Dans le tableau suivant (tableau III) sont consignés les résultats obtenus. 1. On sait que, sur milieux renfermant du 1er et du plomb, le bacille d’Eberth noircit, non le colibacille; sur milieux au nitroprussiate, le B. coli Verdit, non le bacille d’Eberth. Les bacilles paratyphiques b se comportent donc comme le bacille d’Eberth vis-à-vis des deux premiers métaux, comme le colibacille sur le troisième Sur gélose additionnée de sulfate d’ niche', les divers microbes étudiés se comportent comme sur les milieux renfermant du fer ou du plomb; la réaction est toutefois moins hâtive et moins régulière. 8 ANNALES DE L’INSTffUT PASTEUR Tableau III. Milieux vaccinés contre ENSEMENCEMENT DE 15 bac. typh. 3 colibacilles. 5 b. parat. A. 10 b. parat. B. Bac. typhique 1 -T ? 3 + 1 4" 10 + 1 i — 4 — Bac. coli i :> — 2 +? 3 — 10 +? Bac. parat. A (n° 16) 1 4-? 3 + 1 + 10 + 4 — 4 — Bac. parat. B, (nos 24 et 30).. 2 4-? 13—* 3 -f- 1+? 4 — 5 + 5 — Ce tableau peut être interprété brièvement : ; Les milieux vaccinés contre l’un quelconque des microbes étudiés, se montrent généralement hostiles au développement ultérieur des bacilles paratyphiques type A et des bacilles typhiques ; Les bacilles paratyphiques type IL nullement gênés dans les cultures du bacille paratyphique type A ou dans celles du bacille typhique, végètent difficilement dans les cultures du colibacille. A l’égard de leurs propres milieux, leur sensibilité est inégale et ne se prête à aucune schématisation. Fermentation des sucres. Lait et petit-lait. — On accorde généralement a ces dernières cultures une très grande valeur différentielle, en admettant les données suivantes : les bacilles paratyphiques ne coagulent pas le lait; les bacilles type B aci- difient d’abord, puis alcalinisent dès la 2e semaine : cette alcali- nisation se traduit par la clarification et une légère teinte bru- nâtre dans les cultures en lait, par le virage dans les milieux tournesolés, qui deviennent bleus (caméléonage); au contraire, les bacilles type A produisent une acidité légère, mais immuable. Les variations et les degrés des réactions sur le lait sont indiqués dans le tableau IV; on trouvera dans le tableau V des renseignements simplement qualitatifs. Dans i un ou l’autre ETUDES SUR LES BACILLES PARATYPHIQUES 9 tableau, il est facile de constater que la réalité ne se prête qu'irrégulièrcment au schéma : certains bacilles type A et nombre de bacilles typhiques provoquent le caméléonage des milieux tournesolés et T alcalinisation secondaire du lait. Si Tableau IV 1 ÉCHANTILLONS DEGRÉ D’ACIDITÉ OU D’ALCALINITÉ APRÈS 2 jours. 12 jours. 23 jours. Bac. typhique 1 R = 5 R = 5 R = 4 2 R = 7 S — 5 S = 20 R = \ Bac. paratyphique 16 R = 6 R = 10 — -- 28 II, oc V = 14 H II *0 Bac. coli 45 R = 35 R = 50 R = 53 tardive qu'elle soit (11 à 35 jours), cette réaction n en jette pas moins un certain trouble, car elle n'est guère plus hâtive pour maints échantillons que l'ensemble de leurs attributs range dans le type B. L'alcalinisation secondaire du lait et des milieux lactés n’est un bon caractère que si elle apparaît rapidement, avant 8 à 10 jours; au delà, elle perd toute valeur différentielle. Milieux glucose*-. — Tous les bacilles paratyphiques fort fermenter le glucose, tant à l'air <{Ti à l'abri de l’air; les gaz formés sont H et CO 2; 1 acidité est mesurée dans le tableau VI. En consultant les tableaux VI et VIII, on voit qu'en effet les bacilles paratyphiques sont, à l'égard du glucose, des ferments plus énergiques que le bacille d’Eberth. Ce caractère peut servir L Pour les tableaux IV, VI et VII, le signe R indique l’acidité, S l’alcalinité. Les chillres représentent le nombre de centimètres cubes de solution ccntinormale de soude nécessaires pour ramener à la neutralité 10 c. c. de milieu. Les cultures (tableaux VI et VII) sont laites sur peptone Martin sucrée à 2 0/0 et salée à 0,5 0/0. 2. Les divers milieux sucrés (peptone, bouillon, gélose) renferment 2 0/0 de sucre, 0,50 0/0 deNaCl; la peptone e nployée est la peptone Martin. Le bouillon est dé.->ucré au pr alable, par végétation d’un colibacille pendant 12 heure*. Cultures sur gelose en piqûre. — Sol de Barsiekôw : sucre, 1; nutrose. 1; NaCi. 0,5: teinture de tournesol, 0,5: eau, q. s. 0/0. 10 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tableau V. [ LACTOSE LAIT ET DÉRIVÉS Échantillons Bouillon lactosé Pe. tone lactosée. D w 11 Lait . Lait tournesolé Petit-lait tournesolé. W a microbiens. Noms et numéros. SI) •*-> co c o pQ g CO U SD m o O Q) SD c0 G O rQ G CO U O vD tf) O O ’c OO G s* ë £ (JJ a n 5 2 O .S cO m CC ® m 0 = non éclairci E éclairci. en n jours. « 2 cè ce? oâ 4 s œ 5 -o E, E|| 11 + CD 1 Date (jour) de neutralisation Date (joui) ne | l'ali alinisation . C=t "5=5 CD J=C ; CD te ^ .2 % *'§'31 jl-Jg -5=3 rrl g-> cS i+ Date (jour) de l neutralisation , o • T3 Ç a "5 5| 5 S Si Numéros des échantillo: B. typhique 1. 2. 0 id. 0 id. 0 id. 0 id R N 0 E 15* 0 4" 12e 15e 0 + 1 2e 15e 1 2 — 3. — — — — id. E 30e id. 20° 25e id. 25e 36e 3 — 4. — — — — R - E 23e ■15e 20e — 14e 18e 4 — 5. — — — — N E 25e — 15e 22e — 15e 20e 5 — 6. — — — — id. E 30e — 20e 25e — 20e 25e 6 Y — — — — — E 25° 0 15e 20e 0 16e 22e 7 — 8. — — — — — 0 — — - — — 8 — 9. — — — — — id. id — — id. — — 9 ■10. — — — — — — - — — — — — — 10 — 11. — — — — — — — — — — — 11 — 12. — - — — r — . — — — 12 — 13. 13 — 14. — — — — - - — . — 14 — 15. 13 B. paratyph- A 16. +? — — — R — 4- 20 e 33e 4- 30e 33e 16 — 17. 0 — — — id. 0 » » 0 — — 47 — 18. id. — — — — t id . » » id. — — 18 — 19. + ? — — — E 16e + 10° ■j 2? 4- 10e 12e 19 id? 20. 0 -4 — 4* E 22* — 9« 41e 10e 12e 20 B. paratyph. B 21 . 4- id. 4- — E 9* — 7e 9e — 2e 6e 21 22 id. — — — E 7e — 3e 5° — 4cr 3e 22 — 23. — — — — E 7 e — 2e 4 e — 1er 4e 23 — 24 — — — — E 9e — 2e 4 e — 1 er 3e 24 23. — — — — E 14e — 4e 10e — 2e 6e 25 — 26. — — — — E 14e — 3 e 9 e — 3e 8e 26 — 27. — — E 9e — /{.e 8e — 2e 4e 27 28. — — E 18e — 3e 6e — 6e 28 29 — — — _ — E 10e — b* 9e — 2e 5e 29 30. +? — 0 0 R — E 7e — 3e 5e — 2e 6e 30 — 31. + — 4~ 4~ id E 12e — 4e 7e — 1er 3e 31 — 32. -4 ? — 0 0 - — E 7 e — 4e 6e — c>c 6e 32 33. 4~ — id. id. — E 13e — 3e 14 — C)C 9e 33 — 34 id. — 4- id. 4- — E 10e — 5e 10e — 4e 12e 34 35 >— — id. — E 9e — 4e 11e — - 3e 9e 35 — 36. — — — E 10e — 5e 9e — 2e 7e 36 — ^7 . — — — — E 13e — 4e 10e — C)C 6e 37 1 CO OC — — — E 14 — 5 e 8e — Oe 6e 38 — 39. — — E 9e — 5 e 9e — 4 cr 5* 39 — 40 — — 0 0 — E 10e — 5e 10e — 2e 4e 40 id? 41. — — 4- 4- — E 8e 4e 7e — 9 e 6 e 41 id? 42. — — id. id. _ — E 20e — 5e 40e — 9e 6e 42 B .paracoli 43 . + 4- + + + + + -4 Rp G 7e 0 » » 0 )) » 43 B. coli 44. id. id. id. Rc G 2° 0 » » 0 )) » 44 id. 43. id. id. id. Rc G 2e 0 » » 0 » )) 45 I Dans les ttbleaux V, VIfl, IX, le^signe -f- inlique un dégagement gazeux abondant ; le signe -f-? un dégagement gazeux faible. — Pour la solution de Barsiekow, N veut dire réaction neutre (pas d acidité) ; R . R et R -f- marquent des degrés croissants d’acidité, sans coagul ition ; Rp, aspect trouble, api arence de précipité, sans qu’il y ait coagulation nette : c’est probablement une coagu- lation imparfaite; Rc, coagulation complète. TxU ÉTUDES SUR LES BACILLES PAR AT Y P11IQUE S 14 à la différenciation : seuls les bacilles paratyphiques donnent un dégagement gazeux sur milieux anaérobies (milieux liquides ou gélose profonde); la fermentation visible sur milieux carbo- natés est plus sujette à caution. Tableau VI. Échantillons , 24 heures. LACTOSE 3 jours. 5 jours. GLUCOSE 48 heures. LÉVULOSE 48 heures. GA LACTOSE 48 heures- Bac. typhique 2.... B = 2 5 = 1 CO II Co R ^ 10 R = 9 R = 7 — — 14 * 5 = 1 5 = 1.5 5 = 3 R = 12 R — 11 pi II >-4 — parat. IG o II ed 5 = 1 5 = 1 Sd II R = 12 PS oc — — 23 .... . R = 0.5 II IG 5 = 3 .R = 10 R = 13 R = 1 1 — eoli 4 o 5» II O0 R = 10 R = 10 R = 17 R =14 R = 12 Le galactose , le lévulose et le maltose fermentent égale- ment, ce dernier comme le glucose, les deux premiers avec moins d’intensité (tableaux YI et VIII). La fermentation des milieux arabinosés varie suivant les types : tous les bac. paratyphiques acidifient fortement (coagu- lation de la solution de Barsiekow) ; mais seuls les bac. type B dégagent des gaz en milieux anaérobies. Ces réactions méritent quelque attention, car dans les memes conditions le bac. typhique ne fermente pas du tout: c est un bon moyen de diag- nostic différentiel (tableaux VII et VIII) Tableau Vil. ÉCHANTILLONS MANNITE 48 heures DULCITE 48 heures ARABINOSE 48 heures Bac. tvphique 5 R - 7 5 = 2 S = 2 Bac. parat. 18 R = R = o b— * r* II Bac. parat. 30 R = 10 R = 9 R = 41 Bac. coli 43 R = 14 5 = 1 0 R = la Divers alcools polyatomiques : dulcile , marmite , glycérine , fermentent (tableaux VII et IX) à des degrés divers; pour cha- 12 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tableau VJ U Numéros et noms des échantillons GLUCOSE 1 Sur mi MALTOSE 1 lieu de Bars ARAR1NOSE iekow. LEYULOS Sur Barsiekow. e : *) . . Rc 3*' R G" R i r id. G" id. R - 6* id. 3 — 4. . Rp 4" Rp 8' N L ‘‘ id. 3" id. R ", e id. 4 — o. . Rc 3e Rc S' R — 7" id. 6,! id. id. id. id. 5 — 6. . Rc 3e id. Or R — id. Rp 7" id. )) » id. G — 7. . Rp 3e id. 8'' N )) R 7 e id. Rc id. 7 - — 8. . Rc 3 e R — *> ,• Pi 7° Rc (A id. id. 8 e id. 8 — 9 . Rc 3e Rc 8° R - 8" R 3° id. R G" id. 0 — 10. . Rc 8" R 0 e id . id. id. id. id. id. 3 e i cl . 10 — IL. R p 3" Rc G" N )) )) )) id. id. id. 11 — 12. . Rc V' • id. 9 e R — 8“ » >4 id. id. 12 — 13. . Rc 4° R - fl‘ u N » Rc 6e id. id. 13 — 14. . Rp 5" Rc 7" R 71' R 7e id. Rc 8". id. 14 — 13. . R]) 3" R G,: R — £c Rc 3 e id. R 7* id. 13. Para A 10. . Rp 8e Rc 6e Rc 8 e id. 8e id. Rc 3'' id. IG — 17. . Rp 3" R -f 9" i" Rp 7e Rp 4 e id. id. 14" id. 17 — 18. . id. id- id. id. Rc 5 e id. 10* id. id. ■12" id. 18 — 10. . id. id. id. id. id . 4° Rc 3" id. id. 2" id. 19 id ? 20. . Rc 4e Rc . 3 e id . a" id. 3 e + id. Or 0 20 Para B 21 . . id. 3 e id 3‘- id. 7" id. A c r 4- id. L" 0 21 — 22. id. 4 " id. 3e id. id. id. id. id. id. CA r + 22 — 23 . . id. 4e id. 3“ id. id. id. 3 e id. id. id. 4- 23 — 24. . id. 0 <« 01 id. 2’- id . id. id. id. id. id. id. 4- 24 — 23 . . id. 41' id. 2<: i d . id. id. id. 0 id. id. + 23 — 20 . . id. 3“ id. 2e id. id. id. id. 0 id. id. 4- 2G — 27. . id. 4 e id. 3e id. id. id. id. + id. id. H- 27 — 28 . . id. 3 e id. 3e id. id. id. id. + id. id. 0 28 — 29 id. 3 e id. G" id. id. id. 4e + id. id. 0 29 — 30. . id. 4e id. 3fc id. id. id. 3e 4- id. pr 0 30 — 31 . . id. 4e id. 2e id. id. id. 9 c id. 2" + 31 — 32. . R p 8 e id. 3" id. id. id. 3 e + id. id. 0 32 — 33. . Rp :v id. id. id. id. id. id. + id. id. + 3 3 — 34. . Rc 4" id. id. id. id. id. id. 4- id. id. -1- x 4 — 33. . id 3 e id. id. id. id. id. id. id. id . 0 33 — 30.. Rp 4e id. id. id. id. id. id. 0 id. id. 0 3 G — 37. . Rc X" id. id. id. id. id. id. 0 id. id. 0 37 — 38. . id. 4" id. id. id. id. id. id. 4- id. id. 0 38 — 30. . 4 e id. id. id. id. id. 4* 4- id. id. 0 39 — 40 . . 4e id. id. id. 2° id. 3 e 4- id. id. 0 40 — 4L . R -f 6 e id. id. id. if id. Q c 0 id. id. 4- 41 id. ? 42. . Rc Rp Qc id. 2* id. id. 4- id. id. 0 42 ParacoJi 43 . . id. o) c Rc 2 e id. •< 0 id. id. + id. id. + 43 Goli 44. . L'r id. Lr id. u) <■ id. id. + id. id. 4- 44 id. 43. . ] or id. /[or id. id. id. 3" 4- id. id. + 43 1 Pour le glucose, le maltose, on n'a pas reproduit lc3 résultats concernant les milieux géloses sucrés (en piqûre) : sur ces milieux, aucun bac. typhique ne donne de gaz, alors qu’au contiaire tous les tac. paratyphiques provoquent un dégagement gazeux. THE IfBRARY THE UNTVERSITY OF TEXAS ÉTUDES SUR LES BACILLES PARATYPHIQUES 13 Tableau IX. Échantillons. GLY Cl M . de Bar d .2 a *=> S 2 * ® a C g RINE siekow. TT S 3 3 O g CD as a £ a = 'O Eau peptonisée gélosée. ■ - T DUL( M.deBai .2 «s s 2 'S « a 'dj c a a :ite ■siekow. 4 £ d = w 'y. a a £ C a Eau peptonisée gélosée. MAN M.de Ba d .2 «' S a * 3 a ■o C ce ü MITE rsiekow. ~ a 3 1 O .3 O y CD 2 a S Q d "O Eberth 1 N )) ü N )) 0 N )> 2 N )) id. N )) 0 N » 3 R — 12e N » 0 R — 6e 4 N )) N )) 0 N » 5 N )) N )> 0 N )) 6 R — 10" id. N » 0 N » 7 R — Oc id. N » 0 R — 6" 8 N )) id. N » U R — 5" 9 N » id. N » 0 N )) 10 R — ;4" id. N » 0 N )) 11 R — 4> o O id. N )) 0 N » • 12 N » id. N )) 0 N » 13 N » id. N )) 0 N » 14 R — 3 e id. N )) 0 N » 15 N )) id. N » 0 N » Parai. A. 16 R 1 2° id. R — 10" R — 5" 17 R 1 2" + R — 6" 4 R - 5" 18 R 8"* 0 R - 5" + R - 6e 10 R 8e 0 R — 5" + R — 7" id? 20 R 10e R — 10" 1 R 4" Parat. 13. 21 R 10- H- R p 3" + R 5" 22 R 10" R 5e 4- R 6e •?3 R 11" Rp 3" + R 8" 24 R 10" + R 4" -4 R 6" 25 R 4" 4- R 4" ,4“ R 5" 26 R 0" -4 R 4 5" '4- R 5" 27 R 8" 4- R p 6" + R 4" 28 R 5" 4- R 5" 4" R 1 C 20 R 5" 4- R + 7" I “T R 6" 30 R — 6" 4- R 6" 4- R C Ml R — 4" 4 R 5" — (■- R 8" 32 R — 6" • + R 8" 4- R 7" 33 R — 6" R Oc •4 R 6" 34 R 5" 4- ! R + 10" 4 R 5" 35 R 6" + R 4- 5" 4- R 6" 36 R 10" 4- R + 5" 4- R 5" 37 R 7‘- 4- Rp 6e ■4 K 7e 38 R 0" 4- Rp 6" 4- R 6" 30 R - 3" +? R 4 4 e 4- R 5" 40 R 7" + R 6" 4 R 6" 41 R 8" 4 R V 6" 4 R 7" 42.. R — 8" + R 7" 4- R 5" Paracoli 43.... Rp 10" + 2 R — 3" 4- R 3" Goli 44 R + 6" 0 R — 3" _u R 4- 2e 45 R 4 5" + ? R — 3" + R 3" 14 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cun d’eux, l’attaque est plus incomplète que pour les sucres précédents; elle est moindre pour la glycérine que pour la dul- cite et la mannite. Le mode d’action sur la dulcite est particu- lièrement intéressant: les bac. paratyphiques type B la font fer- menter plus fortement que ne le font la plupart des colibacilles. En résumé, en dehors de leur action sur le lait, les bac. paratyphiques font fermenter énergiquement le glucose, le lévu- lose, le galactose, le maltose; Ils font fermenter encore, moins fortement, l arabinose, la glycérine, la dulcite et la mannite ; Les diverses fermentations sont plus prononcées pour le bac. type B que pour le bac. type A. Leur action est faible ou nulle sur le lactose1, le saccharose et le raffinose. Cette diversité d’action différencie peu les bac. paraty- phiques entre eux. Par contre on y trouve divers éléments de séparation d’avec le bac. d’Eberth et le B. coli. L'ensemble des caractères précédents montre que les bac. type A et type B se distinguent généralement assez bien; aux distinctions déjà connues, nous devons ajouter les renseigne- ments tirés des cultures sur milieux métalliques, sur artichaut, sur milieux vaccinés, etc. Par contre, nous pensons que certaines différences invoquées jusqu ici ne méritent pas toujours le cré- dit qu’on leur a accordé : il en est ainsi, au moins dans quelques cas, des cultures sur gélatine, pomme de terre, lait et milieux lactés. En outre, il existe des échantillons qu’il est bien difficile de classer : tels le bac. de Wells Scott, et les échantillons de Gwyn et de Cushing2. Si la division en type A et type B mérite d'ètre conservée, c’est surtout parce qu’elle est commode pour la comparaison des échantillons; en réalité, la pratique ne la sanctionne pas toujours dans tous ses détails. 4. Divers bac. parat donnant dos gaz en milieux lactosés (Auar, bouillon car- bonate), alors que les dosages ne décèlent pas une forte acifiié. Suivant Smith, le lait renfermerait, à côté du lactose, un peu de glucose et. de u-a actose ; ce deuxième sucre persiste-t-il dans le lactose du commerce, déterminant une fer- meniat on fugace • l légère? 2. Le bac de Wells Scott aiealinise le lait en 10 jours, alors que ses autres caractères le rangent dans le lype A. — Les bac. de Gwyn et de Gi'ishing sont différents pour Cushing ; Kayser les assimile tous deux au type A; Johnston en- cadre le bac. Gwyn dans le type A, et le bac. Güshing dans ie type B. • ( J » r & ÉTUDES SUR LES BACILLES PARATYPHIQUES 15 Les bac. type B se rapprochent beaucoup des bac. de Gar- tner, du bac. de la psittaccose, etc., — bacilles du « groupe intermédiaire » de Dürham, — d’une part; du B . coli d’autre part. La ressemblance culturale avec les bac. dits intermédiaires est telle, que divers auteurs (Trautmann, Schootmüller, etc.), concluent à l’identité spécifique. Il est plus facile de différencier les bac. type B du B. coli typique; mais on sait qu’il existe un nombre élevé de B . coli aberrants, les paracolibacilles de Gilbert, dont les propriétés rappellent singulièrement celles des bac. type B : la plupart des caractères distinctifs peuvent être supprimés par de minimes artifices de technique1. On conçoit sans difficulté que divers auteurs aient pu, à juste titre, donner aux échantillons isolés par eux le nom de B. paracoli (Widal et Nobécourt, Gwyn, Sion Negel, etc.). Ce dernier terme n’a d’autre inconvénient que d’être imprécis; on peut actuellement considérer l’histoire des bac. paratyphiques comme un chapitre particulier de l’histoire des paracoli. Les bac. type A, de leur côté, sont très voisins du bacille typhique. Quelques particularités assez constantes permettent de les différencier : citons la réaction du rouge neutre, les cul- tures sur milieux métalliques, la différence du pouvoir zymo- tique sur certains sucres (fermentation anaérobie du glucose; du galactose, etc., fermentation de l’arabinose). En ce qui concerne enfin leurs rapports généraux avec les autres espèces microbiennes, la tendance générale est de consi- dérer les bac. paratyphiques comme étant intermédiaires entre le bac. d’Eberth et le colibacille. Si cette conception est exacte le plus souvent, elle ne se justifie pas toujours. Il nous paraît pré- férable d’accepter qu'il existe un groupe de bac. paratyphiques. indépendant, et qu’il n'est pas nécessaire de subordonner aux espèces voisines (réserve faite toutefois sur leur degré de parenté avec le bac. de Gartner). De nombreux renseignements peuvent être fournis par l’étude des réactions biologiques; nous y reviendrons bientôt. 1. Ainsi le B. paracoli 43 coagule le lait, mais cette coagulation n’apparaîl plus si on ajoule au lait son volume de solution de lactose à 4 0/0. De même il provoque le caméléonage sur une solulion lactoséc peptonisée. 415876 ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE P .a r MM. E. MARCHOUX et P.-L. SIMON!) Deuxième Mémoire de la Mission française à Rio-de-Janoiro b 1 TRAVAUX RÉCENTS Depuis la publication de notre premier mémoire, une nouvelle commission américaine, composée de MM. J. Rosenau, H. -B. Parker, Francis et G. Beyer, a été envoyée à la Vera- Gruz pour confirmer la découverte de la première commission composée de MM. Parker, Beyer et Pothier, et déterminer l’importance qu’il convenait d’attribuer au Myxcococidium Stegomyiœ dans la transmission de la fièvre jaune. Les nouveaux observateurs n’ont pas tardé à reconnaître que, comme nous l’avions déjà affirmé, ce parasite, qui se rencontre facilement chez les moustiques normaux, ne joue effectivement aucun rôle dans l’infection amarile. Ils pensent que les formes décrites sous le nom de Myxococcidum stegomyiœ sont pour la plupart des cellules d’une levure, probablement Saccharomyces api- cul atus. Nous avons rapporté dans un précédent mémoire que l’injection d’un sérum virulent, filtré au travers de la bougie Chamberland B., était demeurée sans résultat, mais nous avions fait remarquer que l’immunité du sujet infecté n’avait pu être vérifiée et nous avions laissé planer un doute sur les conclusions à tirer de cette expérience. La deuxième commission du 1 °llow fever institute a constaté que l’agent spécifique de la fièvre jaune traverse avec facilité la bougie B., quand le sérum est étendu de son volume d’eau physiologique Trois expériences faites ont donné trois succès. Il peut se faire que la dilution du sérum ait facilité le passage au virus, mais il est regrettable que les expérimentateurs n’aient pas songé à vérifier, au moins sur un de leurs sujets, notre expérience intégrale. î. Le premier mémoire a paru dans ces Annales, en novembre 1903. ETUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 17 MM. Otto et Neumann qui ont été envoyés au Brésil par une société de commerçants de Hambourg, pour y étudier les condi- tions sanitaires des ports brésiliens, n’ont pas fait d’expériences d inoculation. Mais ils ont rapporté sur les mœurs du Stegomyia un certain nombre d’observations nouvelles. Ils ont emporté à Hambourg des moustiques vivants qu’ils ont nourris en route sur un canari et ensuite sur des rats blancs, que les Stegomyia piquent très volontiers. Ils ont vu que, même en été, ces insectes sont incapables, sous le climat de Hambourg, de donner en plein air plus d’une génération, mais ils en ont produit 12 à l’étuve à 27° et 3 à la température de la chambre. Le froid les tue rapidement; à 0°, ils ne vivent que quelques instants, à 4°, leur survie ne dépasse pas une heure. Ils se gardent 82 jours à la température de 7° à 9°. Les œufs conservés à sec n’éclosent plus après 8 jours. Quand ils sont maintenus à 27° en plein air, au bout de 12 jours ils sont encore capables de donner naissance à des larves. Comme les œufs, les insectes parfaits vivent plus longtemps a la température extérieure qu’à 27°. Dehors ils se gardent 15 jours, à 1 étuve ils meurent beaucoup plus vite. Dans les caisses où ces insectes étaient enfermés se trouvait de la ouate humide; c est sans doute parce que celle-ci s’est desséchée plus vite à 1 étuve que les moustiques y ont vécu moins longtemps. En tous cas, ces expériences écartent toutes les craintes qu’on pouvait avoir sur le transport des moustiques infectés dans les bagages. L absence d’humidité et le ballottement des objets qui sont contenus dans les caisses ou malles, suffisent d ailleurs large- ment à assurer la mort des insectes qui, par un hasard très grand, auraient pu s’y laisser enfermer. MM. Otto et Neumann ont cherché sans succès à voir le parasite de la fièvre jaune à l’aide du microscope fabriqué par la maison Zeiss sur les indications de Siedentopf et Szigmondy. L impossibilité de définir les corps qui passent dans le champ rend jusqu’à nouvel ordre cet instrument inutilisable pour ce genre de recherches. Signalons aussi un travail de Durham sur les observations laites par lui et Meyers à Para. Il y est question d un petit bacille très court, qu’on rencontrerait dans les coupes d’organes. 18 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Y. Bandi s’est efforcé, dans un volumineux travail paru en allemand, de tirer de l’oubli le bacille de Sanarelli. Otto et Neumann ont constaté, comme nous l’avions fait nous-mêmes dès 1902, que le sang1 des malades prélevé aseptiquement pendant la période où le virus se trouve dans la circulation, non seule- ment ne donne pas de culture du bacille ictéroïde, mais ne donne aucune culture dans les divers milieux employés jusqu’à présent. Il RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LA TRANSMISSION DE LA FIÈVRE JAUNE On a lu dans notre premier mémoire la description d’une microsporidie parasite du Stegomyia fasciata , le Nosema Stegomgiœ qu’il est assez fréquent de rencontrer chez ce moustique. Les modes d’infection du St. f. par ce parasite nous avaient échappé lors de nos premières recherches. Nous avons constaté récemment que le plus ordinaire était la transmission par voie d’hérédité. Chez des femelles fortement infectées, des plasmodes de Nosema arrivent jusqu’à l’ovaire et pénètrent les ovules. L’œuf ainsi parasité ne meurt pas toujours, et quand il se développe avec des spores dans son intérieur il donne naissance à une larve infectée. Les larves porteurs du parasite sont faciles à reconnaître dès les premiers jours de leur développement par l’examen micros- copique. Le parasite affectionne en effet les vésicules transpa- rentes situées près de l’anus, à l’intérieur desquelles on le distingue soit à l’état de plasmode, soit à l’état sporulé. Souvent le tube digestif et d’autres organes son! infectés et la larve est tuée par le développement du parasite. La mortalité qu’il déter- mine à l’état larvaire nous a paru considérable, alors qu’elle est presque nulle chez l’insecte parfait. Nous n’avons pu réaliser l’infection directe des larves en mélangeant à leur nourriture des spores de Nosema st. prove- nant d’autres larves ou de moustiques adultes. Ce fait a de quoi surprendre, d’autant mieux que, chez les lépidoptères, des para- sites du même groupe sont très facilement transmissibles aux chenilles par ingestion des spores et que la transmission hérédi- taire existe concurremment. 19 ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE Ainsi que nous Lavons affirmé déjà, la présence de ce para- site chez le St. f . n’a aucun rapport avec la transmission de la fièvre jaune. La connaissance de la propagation héréditaire de cette maladie chez le moustique n’en est pas moins intéressante. Elle nous a déterminés à poursuivre des recherches concernant la possibilité de la transmission héréditaire, chez le St, du microbe de la fièvre jaune. Dès r année 1903, notre attention avait été attirée sur ce fait que dans un foyer endémique très étendu, tel que Rio-de- Janeiro, on voit parfois la fièvre jaune se manifester dans un quartier fort éloigné de ceux où elle paraissait préalablement cantonnée, et dans des conditions telles qu’il est impossible de saisir la relation du premier cas relevé dans le foyer secondaire avec le cas humain d’où il tire son origine. Étant donné ce que nous savons actuellement des formes frustes de la fièvre jaune, on doit se tenir toujours en défiance vis-à-vis de cette source ordinaire des nouveaux foyers. On doit songer également qu’un St. f. infecté peut être, accidentellement, transporté à une grande distance du point où il a contracté l’infection. En certains cas, nous avons dû nous demander si des œufs, pondus par un St. f . infecté quelques semaines ou quelques mois auparavant, dans le quartier où l’on constate un retour épidémique sans lien apparent avec un foyer existant, n’auraient pu donner nais- sance à des moustiques infectieux par voix d’hérédité. Nos premières expériences effectuées en 1903, n’ont abouti qu’à des résultats négatifs. Expérience. — - On a recueilli les pontes de deux St. /. qui avaient piqué le 25 avril 1903 un malade au 2e jour présentant une atteinte grave de fièvre jaune. Les larves écloses de ces œufs ont été élevées au laboratoire et ont atteint 1 état parfait le 22 juin. Parmi les femelles issues de ces larves, on en a choisi 6 qui, 3 jours après la métamorphose, le 25 mai, ont piqué le sujet H., arrivé depuis peu au Brésil et n’ayant jamais encore éprouvé la fièvre jaune. Les piqûres n’ont été suivies d’aucun résultat dans les 10 jours oui ont suivi. Au bout de cet intervalle, le 6 juin, on a fait repiquer le même sujet par 3 femelles St. f . injectés directement le 13 juin sur un cas de fièvre jaune grave au 2e jour. La fièvre jaune s’est manifestée chez le sujet H. le 10 juin, 4 jours après les piqûres des 3 moustiques virulents. Par conséquent ce sujet était sensible a la fièvre jaune et s’il n’a pas éprouvé de réaction après le 25 mai, 20 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR c’est que les St. f. issus de mère infectée ne peuvent transmettre l’infection au 3e jour après leur passage à l’état parfait. Nous avons répété cette expérience au mois de février 1905. Expérience. — Une femelle St. née au laboratoire et arrivée à l'état adulte le 19 janvier 1903, a été accouplée du 9 au 11. Elle a piqué un malade de fièvre jaune présentant une atteinte sévère, au 2« jour de la maladie, le 11 janvier, et a fourni une lre ponte le 17 janvier. Au 23 janvier elle a piqué un autre malade au 2e jour qui présentait une atteinte de gravité moyenne. Elle a fourni une 2e ponte le 28 janvier. Cette dernière ponte a éclos du 3 au 4 février et les larves élevées au laboratoire ont donné des insectes parfaits dès le 16 février. Deux femelles provenant de cette ponte ont été isolées dans des tubes à élevage et alimentées avec du glucose jusqu’au 2 mars. A cette date, c’est- à-dire 14 jours après la métamorphose, on a fait piquer par ces 2 mous- tiques le sujet A. Ce sujet, de nationalité portugaise, était arrivé au Brésil depuis peu de jours et n’avait jamais éprouvé aucune atteinte de fièvre jaune. Il n’a pas manifesté de réaction à la suite de la piqûre. Après un intervalle de 8 jours, le 10 mars, le même sujet a été piqué une seconde fois par un seul des deux moustiques, l’autre étant mort acci- dentellement. Quatre jours plus tard, le 14 mars, il a manifesté les symptômes de la lièvre jaune. OBSERVATION 14 mars. — Dans la matinée du 14 mars, A. n’a rien éprouvé d’anormal, il a pris son premier déjeuner et vaqué à ses occupations ordinaires jusqu’à midi. A ce moment il éprouve une légère sensation de malaise et de l’inap- pétence. A table il ne mange pas. Il retourne cependant à son travail, mais à 3 heures et demie il éprouve une grande lassitude, une sensation de chaleur à la tête, et se sent l’estomac embarrassé. Il va se coucher à 4 heures du soir. A partir de ce moment la fièvre se manifeste, accompagnée de céphalalgie et de la douleur lombaire caractéristique. A 8 heures du soir la température rectale atteint 40°, 3. Les yeux sont brillants, la face injectée, rouge brique, la peau sèche et chaude, la langue légèrement saburrale avec les bords rouge vif. L’épigastre est sensible ainsi que toute la région du foie. Vers 8 heures et demie, il éprouve de violentes nausées et il se produit un vomisse- ment bilieux et alimentaire suivi d’une diminution de la céphalagie. II n’y a pas eu de selles dans îa journée ; l’urine ne contient pas d’albumine. 13 mars . — Le malade est très abattu, il n’a pü dormir pendant la nuit. La céphalalgie a diminué, il n’éprouve ni douleurs lombaires, ni douleurs des membres inférieurs. Il accuse une sensation de lassitude générale intense et de vive chaleur à la tête. Lorsqu’il fait un effort pour se soulever, il ressent des vertiges. La langue est recouverte d’un enduit nacré avec les bords rouges. Pas d’albumine dans les urines. Constipation. Qn détermine une selle dans la soirée an moyen d’un lavement. ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 21 16 mars. — Le malade a reposé pendant la nuit, il éprouve une sensation de mieux. L’épigastre est douloureux à la pression. Il se produit dans la journée un vomissement bilieux. La langue est moins saburrale. Pas d’albumine dans les urines. Teinte subictérique de la conjonctive. 17 mars. — On constate, avec la chute de la température, une grande amélioration de l’état général. Le malade est dès ce jour en convalescence. A partir du 20 mars on a pu le considérer comme guéri. Courbe de température du cas de fièvre jaune de À. Le sujet A., comme on le voit par l’observation et la courbe de la température, a éprouvé une atteinte de lièvre jaune fort légère, bien que suffisamment caractérisée par les symptômes d’invasion. L’absence d’albumine, l’abaissement de la tempé- rature après 48 heures, la rapidité de la convalescence, témoignent particulièrement de la bénignité du cas. A des médecins non familiarisés avec les formes atténuées de la fièvre jaune, le diagnostic pourrait sembler discutable. Nous avons tenu à lever tous les doutes à cet égard en soumettant notre sujet au contrôle de l’inoculation amarille normale, par piqûre de Si. f. directement infectés sur des malades. Seize jours après qu’il a éprouvé la maladie, le 31 mars, on a fait piquer A. par 5 St. f. qui avaient piqué le 2 mars un malade au 2e jour. Ce malade avait éprouvé une atteinte de fièvre jaune mortelle. 22 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR La piqûre n’a déterminé chez A. aucun trouble de la santé, durant les 6 jours qui ont suivi. Au bout de cet intervalle, le- 7 avril, on Ta fait piquer à nouveau par cinq St. f. qui avaient été infectés le 21 mars sur un cas grave au 1er jour de la maladie» Cette nouvelle épreuve n’a amené aucun résultat. L’immunité démontrée chez le sujet A. par ces deux dernières expériences vient donc confirmer d’une manière rigoureuse que la maladie éprouvée par lui à la suite de la 2e piqûre d’un St. f. issu d’une mère infectée, n’était autre que la fièvre jaune. Il est à noter que l’intervalle écoulé entre le moment de la dernière piqûre infectieuse, le 10 mars à 4 heures du soir, et l’apparition des premiers symptômes de la fièvre jaune le 14 mars à midi, a été de 3 jours et 20 heures, soit exactement 92 heures. Cette durée d’incubation de 3 jours et quelques heures a été la plus communément observée dans les expé- riences de transmission de fièvre jaune par piqûre de St. /. Nous relevons en effet, sur 26 cas expérimentaux suivis d’un résultat positif à la Havane et au Brésil, 18 cas où les premiers symptômes de la maladie se sont manifestés dans le cours du quatrième jour qui a suivi la piqûre. Nous nous sommes demandés si, en dépit de la surveillance exercée vis-à-vis de notre sujet qui habitait avec l’un de nous au laboratoire, une circonstance fortuite n’aurait pu l’exposer à une inoculation autre que la piqûre expérimentale du mous- tique infecté héréditairement. Rien, dans les conditions où il se trouvait placé, ne nous a permis de nous arrêter à ceth* hypo- thèse. D’ailleurs, le fait que la période d’inoculation a mesuré exactement la durée qui doit être considérée comme normale, suffirait à l’écarter. Nous nous trouvons donc en présence d’un cas certain de fièvre jaune, conféré par un St. /'. infecté par voie héréditaire. Ce cas soulève un certain nombre de problèmes de première importance au point de vue de la prophylaxie. Et tout d’abord, la transmission du virus amaril aux moustiques par l’œuf est- elle fréquente dans la nature? Est-elle possible pour une série de générations? A défaut d’expériences que nous n’avons pas eu les moyens ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 23 de réaliser, les observations épidémiologiques peuvent apporter quelque lumière sur ces questions. Si Ton considère ce qui se passe à Rio-de-Janeiro, on voit que le St. f. y subsiste toute Tannée durant et qu’à aucun moment l’homme n’est complètement à l’abri de ses piqûres. Toutefois, à certaines périodes, en particulier de décembre à juin, il se multiplie avec une telle abondance qu’on le rencontre par milliers dans toutes les habitations, tandis qu’elles n’en renferment qu’un nombre médiocre dans la saison où la tem- pérature nocturne s’abaisse. La fièvre jaune suit une courbe à peu près parallèle à celle qui représenterait l’abondance des St. f. aux divers moments de l’année : A partir de juin en géné- ral, les cas humains sont rares jusqu’en janvier ou février. De janvier à mars, ils suivent une progression ascendante; l'épi- démie atteint son apogée en même temps que la pullulation du moustique, elle se maintient à la période d’état jusqu’au moment où le refroidissement atmosphérique fait disparaître des géné- rations de St. f. adultes et ralentit l’évolution des œufs et des larves. Dans l’hypothèse où la transmission par hérédité chez le St. f. jouerait un rôle important, on aurait lieu de s’étonner que l’épidémie subit une décroissance sensiblement proportionnelle à celle du nombre des moustiques, à la fin de la saison chaude. En effet, à partir du début de l’épidémie, au fur et à mesure que les cas humains deviennent plus fréquents, chaque généra- tion de St. f. devrait centupler le nombre des insectes infectés, si bien qu’à la fin de la période épidémique la proportion de ceux-ci devrait être plus considérable qu’à tout autre moment. La disparition delà majeure partie des St. f. adultes qu’amènent les premières séries de nuits fraîches, ne constituerait pas une raison suffisante pour déterminer le déclin de l’épidémie, attendu que des générations de moustiques, qui, en moins grande quan- tité il est vrai, continuent d’éclore chaque jour, devraient com- prendre presque exclusivement des individus infectés hérédi- tairement. Les faits témoignent au contraire que lorsque, par suite d’intempéries, les générations de St. f. adultes qui entre- tenaient l’épidémie viennent à disparaître, l’épidémie disparaît avec elle et qu’il ne suffit pas, pour la rallumer, de l’éclosion, à quelque temps de là, des pontes que ces générations ont laissées ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 24 derrière elles. On voit bien se produire, de distance en distance, quelques cas humains isolés suffisants pour entretenir le virus d’une saison à l’autre, mais les circonstances où Ton peut attribuer ces cas à la piqûre de moustiques virulents par voie d’hérédité, sont exceptionnelles. En somme, les faits épidémiologiques relevés dans les foyers où le St. f. subsiste à toute époque de l’année, plaident en faveur de la détermination ordinaire des cas humains par des moustiques infectés directement sur d’autres cas humains. On est autorisé à admettre, croyons-nous, que l’hérédité joue un rôle extrêmement réduit dans la propagation du virus parmi les St. f . Pour nous rendre compte des probabilités de transmission du virus par l’œuf, non plus simplement d’une génération de St. f. à la suivante, mais à une série de générations successives, il est nécessaire d’examiner le mécanisme des épidémies de fièvre jaune dans les foyers non endémiques. Nous pouvons trouver dans le Brésil même des foyers accidentels où la fièvre jaune passe en ouragan à certaines époques, décime la popu- lation de toutes couleurs et de toutes catégories, puis disparaît pour ne plus se manifester durant de longues années. Si nous considérons, par exemple, la ville de Campinas, dans l’État de Saint-Paul, nous voyons que cette ville a éprouvé, en J 889, une épidémie terrible qui a pris naissance grâce à l’importation de cas venus des villes de la côte, qui s’est terminée avec le retour de la saison d’hiver et qui n’a pas fait, au cours des années suivantes, de nouvelles apparitions. Campinas, située à une altitude d’environ 400 à 500 mètres, jouit d’une saison hivernale assez fraîche qui s’étend de juin à octobre, avec des tempé- ratures moyennes de 15 à 20°. Par contre, la chaleur est forte durant le reste de l’année ; les températures nocturnes, alors, ne s’abaissent guère au-dessous de 24° et les températures diurnes atteignent fréquemment 35°. Sous un tel climat, le St. f. se mul- tiplie avec facilité pendant les 8 mois de chaleur, il disparaît ensuite d’une manière en apparence absolue pendant 3 ou 4 mois. Sa disparition, disons-nous, n’est qu’apparente. En effet, l’arri- vée des nuits fraîches tue les moustiques adultes de cette espèce, mais leurs œufs et leurs larves subsistent, et le retard apporté ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 25 par le froid à leur évolution permet à l’espèce de se conserver dans la région. Dans un foyer de ce genre, et ils sont nombreux au Brésil, lorsque des cas étrangers viennent à être importés au cours d’une saison chaude qui favorise particulièrement la pullulation du St. f., une épidémie se manifeste et dure régulièrement jusqu’à la saison fraîche, pendant laquelle elle s’éteint com- plètement. On ne voit pas survenir un retour offensif de la fièvre jaune à la période chaude suivante qui ramène les St. f. Nous avons cité l’exemple de Gampinas en 1889, à cause de l’importance de l’épidémie dont cette ville fut alors le théâtre : nous pourrions citer aussi celle que nous avons observée direc- tement à Aréal en 1902, et qui, après la saison fraîche de 1903, n’a pas manifesté de réviviscence, bien que les St. f. eussent persisté dans la région. En de tels foyers où le froid est capable de faire disparaître tous les St. f. adultes pour une durée relativement courte, mais où l’espèce ne disparaît pas, conservée parles œufs et les larves qui donnent un petit nombre de générations nouvelles chaque fois que la saison fraîche est coupée par une courte période d’élévation thermométrique, il est constant que la fièvre jaune ne renaît pas sur place. Elle n’y revient, d’une saison chaude à une autre, que réimportée d’une autre localité. Cependant les St. f. qu’on y rencontre quelques mois après l’extinction de l’épidémie amarille sont des descendants, à la troisième ou qua- trième génération tout au plus, de ceux qui ont, peu de mois auparavant, convoyé le virus. On ne saurait admettre par conséquent que l’hérédité virulente chez le St. f. puisse s’étendre à plusieurs généra- tions. Nous sommes conduits par l’examen des faits épidémiologi- ques, à considérer le passage du virus amarii par l’œuf d’une génération à une autre comme un cas insolite. Si parce moyen l’infection peut se propager à des individus issus directement du moustique qui l’a contractée en piquant un malade, elle ne paraît pas capable de se perpétuer à travers la suite des généra- tions de ce moustique. Est-ce à dire que ce mode de contamination du St. f. soit un point négligeable de l’épidémiologie de la fièvre jaune ? 26 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEÜll Loin de là. S’il ne paraît pas avoir de conséquences particu- lièrement graves au point de vue de la perpétuation de la fièvre jaune hors des foyers endémiques, on peut soupçonner qu’il a dans ceux-ci une réelle importance. Son caractère de gravité se manifeste surtout en ce qui concerne la prophylaxie. On avait cru jusqu’à présent que, pour être efficace, la prophylaxie pou- vait se borner à la destruction des moustiques adultes. Si l’on tient compte de la possibilité de l’infection héréditaire, ne serait-ce qu’à la première génération, on aperçoit la nécessité d’élargir les mesures prophylactiques et de les appliquer avec plus de rigueur en ce qui touche la destruction des larves et des œufs. 11 n’est guère possible de tirer d'une seule expérience des déductions inattaquables. Cependant il n’est pas sans intérêt de remarquer que ce cas expérimental unique de fièvre jaune con- férée à l’homme par la piqûre d’un St. f. infecté héréditairement, s’est manifesté avec une forme particulièrement bénigne. On est en droit de se demander si cette bénignité ne relève pas d’une atténuation du virus qui a passé par l’œuf. Parmi les cas expé- rimentaux déterminés en faisant piquer des sujets sensibles par des moustiques directement infectés sur un malade, nous avons aui qu’une certaine proportion ont évolué avec une allure égale- ment bénigne. On est fondé à en conclure qu’en dehors de la résistance individuelle présentée parles sujets, des conditions, qui nous échappent jusqu’à présent, sont capables d’amener tantôt l’ exaltation, tantôt l’atténuation du virus dans l'organisme du St. f . Le passage par l’œuf de ce virus n’est-il pas une des conditions suceptibles de déterminer l’atténuation? Nous manquons des éléments indispensables pour résoudre cette question. Bornons-nous à rapprocher du cas de A. des faits sur lesquels règne l’obscurité la plus complète. On sait (jue dans les pays à fièvre jaune se manifeste parfois, par bouffées épidémiques, une maladie désignée sous le nom de lièvre inflammatoire, dont Béranger-Feraud et d’autres auteurs affirment la nature amarille. Elle diffère de la fièvre jaune surtout par la légèreté des atteintes et l’absence de mortalité. L’un de nous a eu l’occasion d’observer en 1882 une petite épidémie de cette affection qui se manifesta parmi les soldats de la compagnie en garnison aux îles du Salut, à la Guyane 27 ÉTUDES SUR LA FIEVRE JAUNE française. En l'espace de 8 à 10 jours, un tiers environ de l’effectif de cette petite garnison fut atteint par la‘ fièvre inflam- matoire qui n’occasionna aucun décès et disparut aussi subite- ment qu’elle s’était manifestée. Nous avons été frappés de l’ana- logie existant entre la forme présentée par la maladie chez les soldats d,es îles du Salut, et celle du cas de fièvre jaune qui a évolué sur le sujet A. en mars 1905. La fièvre inflammatoire, on le sait, n’a été signalée que dans les contrées où la fièvre jaune est endémique. Ses apparitions épidémiques ont été souvent précédées ou suivies de cas certains et graves de fièvre japne. S’il était démontré, par des expériences ultérieures, que les St. f. infectés par hérédité sont capables seulement de provoquer par leurs piqûres des cas humains légers, il serait important de rechercher si les cas de fièvre dite inflammatoire ne se différencient pas de la fièvre jaune, sim- plement par ce qu’ils relèvent de ce mode de contamination. Des recherches effectuées au cours des six dernières années a Cuba et au Brésil, il ressort d’une manière indiscutable que le moustique est, dans la nature, le véhicule de la fièvre jaune. Cette vérité est aujourd’hui acceptée par la plupart des médecins qui ont pratiqué cette maladie. Nombre d’entre eux cependant élèvent contre le rôle du St. /*., tel qu’il se dégage des travaux récents, des objections nouvelles : S’il est évident, disent-ils, que le moustique infecté inocule la fièvre jaune à l’homme par sa piqûre, rien ne prouve que pour s’infecter il doive piquer un malade. On peut admettre aussi bien qu’il s’infecte en absor- bant les substances excrétées par le malade, qui souillent sa literie et ses vêtements, ou encore qu’il emprunte l’infection soit à l’eau, soit au sol qui ont été souillés par les déjections ou Ses cadavres d’autres moustiques virulents. Bien que ces objections puissent sembler un peu puériles aux personnes familiarisées avec la biologie du SL /’. et instruites de la fragilité du virus amaril, nous avons cru faire oeuvre utile en. les soumettant au critérium de l’expérience. Nous avons institué à cet effet trois séries d’expériences : D’une part nous avons conservé des St. f. adultes dans des bocaux où l’on introduisait chaque jour des cadavres de St. f. infectés, qui avaient péri à une date postérieure au 15e jour après qu’ils 28 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR avaient piqué un ou plusieurs malades. Au bout d une longue période d'existence au contact de ces cadavres, nous avons fait piquer, sur un sujet sensible à la fièvre jaune, les St. /.conservés dans ces conditions. En second lieu, nous avons fait éclore des œufs de St. f. dans des vases contenant de 1 eau où Ton avait au préalable immergé des cadavres de moustiques infectés. Les larves ont été élevées jusqu’à l’âge adulte dans ce milieu où l’on introdui- sait au fur et à mesure de leur croissance de nouveaux cadavres de St. f. remplissant les mêmes conditions. Les femelles nées de ces larves ont piqué, au 20e jour de leur existence à l’état adulte, un sujet sensible. Enfin, nous avons fait ingérer à des St. /. adultes du sang de malade provenant d’hémorragies, des matières du vomisse- ment noir, et des meloena. Elles ont piqué des sujets sensibles après un intervalle de 15 à 25 jours. Ces expériences ont été répétées un certain nombre de fois, il serait fastidieux d’en donner le détail au complet; il suffit d’en rapporter ici une de chaque série pour ne laisser aucun doute dans l’esprit du lecteur sur leurs résultats. 1° Expérience d’infection du St. f. adulte par la mise au contact de CADAVRES DE St. f. INFECTES. On a placé au fond d’un bocal de verre d’une contenance de 10 litres uni1 couche de terre humide et une petite cuvette remplie d’eau. Sur la terre et dans l’eau de la cuvette on a disposé 20 cadavres de St. f., sacrifiés les uns 17 jours, les autres 22 jours après qu’ils avaient été infectés par piqûre de malades de fièvre jaune. Dans le bocal ainsi préparé on a introduit, au lendemain de leur passage à l’état parfait, 10 St. f. femelles nées dans le laboratoire. Pendant les 8 jours qui ont suivi on a introduit chaque jour, dans le bocal, 1 ou 2 cadavres frais de St. f. infectés, morts plus de 15 jours après l’infection. Les St. f. en expérience ont été conservés durant 18 jours dans le bocal en assurant leur subsistance au moyen de pâte de glucose. 11 en est mort 3 dans cet intervalle. Au 19e jour, on a fait piquer, par les 7 individus survivants, le sujet A, dont la sensibilité à la fièvre jaune a été ultérieurement démontrée. Ce sujet n’a manifesté aucune réaction dans les 10 jours qui ont suivi la piqûre. 2o Expérience d’infection de St. f. au stade larvaire par des cadavres DE St. f. INFECTÉS. 29 ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE On a immergé dans un vase contenant 1 litre d eau les cadavies de 12 St. f. sacrifiés 16 jours après avoir piqué un malade amarillique, et 1 on a"placé dans le même vase 4 femelles St. f. saines, prêtes à pondre. Ces insectes ont déposé leurs œufs à la surface de l’eau et l'éclosion a eu lieu du 3e au 5e jour après l’immersion des cadavres infectieux. Les larves ont été élevées dans cette eau et sont arrivées à l’état parfait au 17e jour. Dans l’intervalle on a introduit dans le bocal 20 nouveaux cadavres frais de St. f. infectés depuis 45, 19 et 26 jours au moment de leur mort. Au fur et à mesure que des femelles sont arrivées a 1 état adulte, après 17 à 18 jours d’existence au stade larvaire, on les a isolées dans des tubes à élevage et alimentées avec du glucose. Elles ont été conservées dans ces conditions pendant 21 jours. A ce moment on a fait piquer par 8 de ces femelles le sujet F. qui, récemment arrivé au Brésil, n’avait jamais éprouvé la fièvre jaune. Ce sujet n’a manifesté aucune réaction pendant les 8 jours qui ont suivi la piqûre. 3o Expérience d’infection du St. f. par des matières vomies, du sang HÉMORRAGIQUE ET DES MELOENA PROVENANT DE MALADES DE FIÈVRE JAUNE. Trois lots de 12 St. f. femelles ont été placés dans 3 bocaux à élevage. Les moustiques, nés au laboratoire, n’avaient jamais piqué ni reçu aucune alimentation; ils étaient arrivés à l’état parfait dans les 2 jours précédant l’expérience. Au 1er jour de l’expérience, on donne comme alimentation exclusive : Au 1er lot, des matières du dépôt des vomissements noirs émis par un malade depuis moins d’une heure; Au 2e lot, du sang à demi figé provenant d'une hémorragie nasale d'un malade et recueilli dans la journée: Au 3e lot, des meloena provenant* du même malade que te sang offert au 2e lot. On constate que les moustiques du 1er et du 3e lot évitent de s’alimenter avec les matières offertes. Une partie de ceux du 2« lot acceptent de sucer le sang hémorragique . Au 2e jour de l’expérience, on offre à nouveau du vomissement noir au 1er lot et des meloena au 3e. Pour leur faire accepter ces matières, on les a mélangées à une petite proportion de glucose. On constate que les moustiques acceptent facilement cette pâtée. Le 2e lot reçoit, comme la veille, du sang hémorragique fraîchement recueilli. Aucune autre nourriture n'a été offerte aux moustiques en expérience du 2« au 4e jour. A partir du 4e jour,- les 3 lots sont alimentés avec du glucose. Au 22e jour de l’expérience, on fait piquer le sujet f . par b de ces mous- tiques dont 3 de chaque lot. Ce sujet, gardé en observation pendant les 8 jours suivants, n’a manifesté aucune réaction. 30 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nous avons maintes fois observé clés St. f. femelles, mis au contact d une région de la peau d'un amarillicjue souillée soit par du sang provenant des hémorragies, soit par des matières fécales. Si le moustique n'est pas à jeun, il se tient obstiné- ment sur les parois du tube et évite de s'approcher de la peau. S'il a faim, il se garde d'appliquer sa trompe à la surface dans les points où elle est enduite de sang ou d’autres matières. Il recherche avec soin un endroit où la peau soit nette, et dès qu'il l'a rencontré, il y plonge sa trompe pour puiser dans la profon- deur du sang vivant. Le mâle, qui ne pique pas, mais qui est friand du liquide sudoral, serait seul capable de se déterminer à absorber des excrétions déposées à la surface de la peau ou sur des linges. Quant à la femelle, ses mœurs l’éloignent abso- lument de cette pratique. On peut donc être certain que, même si ces excrétions étaient virulentes, ce qui est contraire aux résultats obtenus par tous les expérimentateurs, le St. f. femelle ne pourrait jamais être infecté par ce moyen. Il n'est pas superflu d'insister sur ces divers côtés négatifs de la transmission amarille, en raison de la répugnance qu’éprou- vent beaucoup de médecins à abandonner certaines pratiques, jadis supposées utiles dans la prophylaxie. Un intérêt trop évi- dent s’attache, dans un foyer de fièvre jaune, à concentrer tous ses efforts sur l'organisation d'une prophylaxie efficace, pour qu'on en compromette le succès, en sacrifiant une partie des moyens dont on dispose à l'application de mesures stériles. A en juger par les observations épidémiologiques, le St. f . parait avoir besoin d'une température assez élevée pour déve- lopper et conserver son pouvoir infectieux après qu'il a absorbé le virus amaril en piquant un malade. Les expériences réalisées à Cuba et a Rio-de-Janeiro manifestent qu'après piqûre d’un malade, l’insecte, maintenu pendant un laps de temps minimum de 12 jours à des températures moyennes de 25 à 30°, acquiert généralement le pouvoir infectieux, mais on ignore quelles conditions exactes de température sont nécessaires pour le lui conférer à coup sûr, si l'évolution du virus dans son organisme n'est pas retardée par des températures inférieures à 25° et si la température qu'il subit, au moment de piquer un individu sain, n'infîue pas sur le résultat de cette piqûre. ETUDES SUR LA FIEVRE JAUNE 31 Nous avons constaté, au cours des épidémies de fièvre jaune, qu'un abaissement momentané de la température atmosphé- rique, dû par exemple à une série de journées pluvieuses, bien qu'insuffisant pour empêcher les Stegomyia de piquer, amenait parfois une diminution sensible du nombre de cas journaliers de fièvre jaune. Il est donc possible que les insuccès, assez fréquents, éprouvés par les expérimentateurs de la Havane et par nous à Rio-de-Janeiro, avec des St, f . qui, ayant ingéré du sang virulent depuis plus de 12 jours, semblaient remplir les condition requises pour la transmission, aient relevé simplement de F état de la température au moment des expériences. On est d'autant mieux fondé à émettre l’hypothèse que le succès des inoculations de fièvre jaune par le St, f, est sous la dépendance des conditions de température dans lesquelles l’ino- culation est pratiquée, que la spirillose des poules, également inoculée à ces animaux par la piqûre d’un insecte, obéit à des règles semblables. L Argas miniatus , hôte intermédiaire du spirille des poules, s’infecte comme le St. f. en piquant un indi- vidu malade. Comme lui, il ne manifeste le pouvoir infectieux qu’après un laps de temps déterminé. Comme lui, il confère par sa piqûre la maladie aux individus sains. En étudiant les conditions dans lesquelles il exerce son pouvoir infectieux, on a vu qu’un certain degré de température au moment de la piqûre, était indispensable pour que cette piqûre déterminât à coup sûr la maladie. Il en résulte cette conséquence pratique que les Argas infectés, transportés dans un poulailler d’une région où les températures nocturnes sont peu élevées, comme à Pétropolis par exemple, ne peuvent y introduire la maladie. Bien que l’on ne puisse affirmer que la fièvre jaune soit due à un microbe de la famille des spirilles, divers caractères de la maladie et les analogies qu’elle présente, au point de vue de la transmission, avec certaines spirilloses telles que la fièvre récurrente et la maladie des poules, orientent dans cette direc- tion la recherche du microbe amaril, inconnu jusqu’à ce jour. Cette hypothèse, pour d’autres raisons, a déjà été émise par Schaudinn. Quoi qu’il en soit de la nature du microbe, le plus haut intérêt s’attache à ce que toutes les circonstances qui empêchent la piqûre du St. f. infectieux de conférer la fièvre jaune, ou qui ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR qçg fj Jmi favorisent ce résultat, soient précisées. Si Ton songe qu’un grand nombre d’inoculations à l’homme seraient nécessaires pour déterminer expérimentalement ces circonstances, on ne peut s’étonner que le problème n'ait pas encore été résolu. Il n’était pas moins nécessaire de l’exposer ici, d’une part afin de mettre en évidence les lacunes qui subsistent dans notre con- naissance de la propagation amarille, d'autre part en raison de la possibilité d’éclairer la question, en dehors du concours de l'expérimentation, en accumulant au cours des épidémies ulté- rieures des observations spécialement dirigées sur ce point. En l’état actuel on doit, dans la pratique de la prophylaxie, considérer comme dangereux tout St. f. qui a piqué un malade depuis un minimum de temps de 12 jours, quelles qu’aient été les conditions de température auxquelles il a été soumis durant cet intervalle, et quelles que soient ces conditions au moment où l’individu sain est exposé à sa piqûre. Parmi les problèmes que soulève, au point de vue de la prophylaxie, la connaissance du' rôle du St. /*., il en est un qui s'imposait particulièrement à notre étude : Nous avons démontré déjà qu’un individu atteint de fièvre jaune renferme toujours dans son sang le microbe vivant pendant les 3 premiers jours de sa maladie. N’est-il pas possible que, durant la période d'incu- bation, le microbe existe déjà dans le sang et qu’un St. f. qui pique l’homme à cette période contracte l’infection? Nous avons constaté une première fois que des St. f. qui avaient piqué un sujet 3 jours avant la manifestation amarille se montraient incapables dans la suite de transmettre la fièvre jaune. Toutefois cette expérience ne nous a pas paru suffire à élucider la question en raison de ce long intervalle de 3 jours entre la piqûre et l’apparition des premiers symptômes. En continuant nos expériences sur ce sujet nous avons réussi à posséder des moustiques qui avaient piqué un individu en période d’incubation 6 heures seulement avant l’apparition des premiers symptômes. Expérience. — Le 14 mars à 8 heures du matin, on a fait piquer le sujet A. par 9 St. f . femelles, élevées au laboratoire et n’ayant jamais encore piqué. L’individu piqué le matin par les 9 moustiques a ressenti vers Z heures de ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 33 l’après-midi du même jour un malaise caractérisé par de la céphalalgie et de la lassitude. Dans la soirée le malaise s’est accentué, la fièvre s’est mani- festée vers 5 heures accompagnée de douleurs lombaires et fémorales et le sujet a dù s’aliter. Il a éprouvé un cas de fièvre jaune caractérisée bien que de moyenne gravité. Les 9 ST /*., qui avaient piqué ce sujet 6 heures avant le début de l’atteinte de fièvre jaune, ont été conservés au laboratoire et alimentés au glucose pendant 18 jours. Il en est mort quatre dans cet intervalle. Au 18e jour après la piqûre, les 3 St. f. survivants ont piqué le sujet S. récemment arrivé au Brésil et qui n’avait jamais éprouvé d’atteinte amarille. Ce sujet n'a manifesté aucune réaction à la suite des piqûres. Avec les reserves qui s’imposent pour toutes les expériences suivies d un résultat négatif, nous nous croyons autorisés à affirmer que, durant toute la période d’incubation, le St. /. a peu de chances de s’infecter sur l’homme. Les expériences ont confirmé ici des probabilités qu’on pouvait établir déjà par le raisonnement. III ESSAI DE CULTURE (( IN VIVO )) DU VIRUS DE LA FIÈVRE JAUNE Pendant notre deuxième séjour au Brésil, nous avons, comme précédemment, fait de nombreuses tentatives d’infection chez les animaux. Pas plus ceux qui étaient bien portants que ceux dont la résistance avait été artificiellement diminuée, ne se sont montrés sensibles au virus amaril. Devant le succès obtenu par MM. Metchnikoff et Roux dans la transmission aux singes anthropomorphes du spirochète de Schaudinn, nous avons pensé à utiliser aussi ces animaux. Du Brésil, dans des tubes à essais enfermés sous double enveloppe de gaze, nous avons rapporté 124 moustiques infectés sur des malades. 57 sont arrivés en bon état jusqu’à Paris. Grâce à l’obligeance de M. Metchnikofl, nous avons pu les faire piquer sur un orang- outang et sur un jeune chimpanzé. Au bout de 7 et 9 jours ces 2 animaux ont présenté de l’élévation de température qui a persisté pendant 3 jours chez le premier, 2 jours chez le second. Mais il nous est impossible de dire si cette élévation de température a été le signe d’une infection amarillique. Il nous aurait fallu faire des passages par singes et finalement sur 1 homme pour trancher la question. Dans les deux cas, les sujets nous faisaient défaut. 34 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le manque d’animaux d’expérience complique singulière- ment. l’étude de la maladie. La nécessité d’opérer toujours sur l’homme nous a souvent fait reculer avant d’entreprendre cer- taines expériences. Nous avions, par exemple, préparé un cheval en lui donnant périodiquement d’abondantes injections de sang humain virulent. La crainte de provoquer des accidents d’hémo- lyse ou d’embolie nous a toujours retenus d’essayer son action sur les malades. Pour obtenir un sérum actif et sans danger, nous avons cherché à tourner l'impossibilité de réussir in vitro des cultures du virus jauneux, en essayant de le cultiver in vivo dans le moustique. Si le germe qui cause la fièvre jaune sortait du moustique sous la forme où il y entrait, il devenait légitime d’espérer une transmission directe. A l'effet de mettre à l’épreuve cette importante hypothèse, des moustiques vivants infectés le 12 février 1904 ont été broyés avec du glucose additionné d’un peu d’eau physiologique. Cette mixture rapidement préparée le 10 mars, a été offerte immédiatement à un certain nombre de Stegomyia neufs, mis à jeûner depuis 2 jours. Les insectes se sont aussitôt jetés sur cette nourriture. Seize jours plus tardi le 26 mars, 3 de ces moustiques ont piqué un homme. Le même ndividu a été piqué par deux autres de ces moustiques le 28., Le 7 avril, cet homme s’est senti mal à l’aise; le 8. il a eu un frisson, de la douleur dans les jambes et dans la région lombaire. Le thermomètre après avoir atteint 39° le 8 avril, 39°, 5 et 39°. 8 le 9 avril, est reven u à la normale le 11. Le 13 on constatait la présence d’un léger ictère. Il y a eu de l’albumine dans les urines. En somme, cet homme a présenté une forme nette de fièvre jaune. Le virus avaitdonc passé d’un moustique à l’autre* La portée de cette ex périence est considérable, Rien n’est plus facile que de se procurer ainsi des virus en abondance. La culture du virus jauneux revient à l’élevage du Stegomyia qui est des plus commodes. Aussi avons-nous continué ces pas- sages. Un seul moustique nous restait de cette expérience. Nous l’avons consacré à l’infection par le même procédé de 25 nouveaux insectes. Ces derniers broyés à leur tour ont été distribués à 200 autres St. f . De ceux-ci, 25 ont été consacrés au quatrième passage, la majeure partie des autres, broyés dans l’eau physiologique, ont été injectés, après filtration ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 35 sur toile métallique, dans les veines d'une jeune chèvre; 10 autres ont piqué un homme, mais sans résultat. Cet insuccès ne nous a pas découragés : nous avons continué les passages et les injec- tions à la chèvre quia reçu ainsi environ 2.000 moustiques. Son sérum, essayé 15 jours après la dernière inoculation, s'est montré d'ailleurs inactif. A partir du deuxième passage nos cultures étaient sans doute stériles sans malheureusement qu'il nous ait été possible de nous en apercevoir. V oilà, en effet, le plus sérieux obstacle h ce genre de culture. A chaque passage, il faut recourir à l’homme pour vérifier la réussite de f ensemencement. Or, notre deuxième passage provenait d'un seul insecte, dont il était impossible de garantir l’infection quoiqu’il fit partie d'un groupe qui avait contaminé un homme. En admettant même qu'il contînt du virus, il a pu se faire que la dilution de celui-ci ait été un peu forte. Enfin, et c'est peut-être là la raison qui a empêché aussi le succès de nos autres séries de mous- tiques infectés sur d autres malades, la saison était peu propice (juin-juillet) et pouvait avoir gêné 1 infection. Nous savons, en effet, que les argas hôtes intermédiaires du spirochète des poules, ne sont pas infectieux quand on les garde à une tempé- rature de 20° et au-dessous, mais qu'ils le deviennent quand on les met à l’étuve1. De même toutes nos tentatives d’infec- tion faites avec des moustiques maintenus à une température voisine de 20° sont demeurées infructueuses. Les moyens nous ont manqué pour vérifier si le réchauffement de ces mêmes insectes leur rendait leur pouvoir infectant. IV ROLE NÉGATIF DES MOUSTIQUES AUTRES QUE LE (( STEGOMYIA FASO G A )> DANS LA TRANSMISSION DE LA FIEVRE JAUNE Nous avons exposé ailleurs nos premières recherches sur la possibilité de la propagation de la fièvre jaune par d'autres moustiques que le Stegomyia fasçiata. Cette question présente un tel intérêt pour la prophylaxie que nous avons cru devoir en continuer l’étude et la résoudre expérimentalement pour les principales espèces qu'on rencontre dans les foyers de fièvre jaune au Brésil. E BoRRELet Marchoux, Comptes rendus de La Société de Biologie , 2b frv. 1905. 36 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Une première série d’expériences nous a montré que chez la majorité des espèces un phénomène d’ordre physiologique s’opposait à ce qu elles pussent, dans les conditions ordinaires, ayant ingéré du sang virulent, acquérir le pouvoir de trans- mettre le virus à l'homme. Ce phénomène, sur lequel nous reviendrons dans un autre mémoire, est la mort de la femelle après la première ponte : chez les représentants des genres CAilex , Psorophora , Tœniorhynchus , Janthinosoma , que Ton rencontre communément à Rio-de- Janeiro et dans les autres foyers de fièvre jaune brésiliens, l’intervalle qui s’écoule entre la première piqûre, sur l’homme, de la femelle fécondée et la ponte, augmenté de l’intervalle maximum qui peut exister entre la date de cette ponte et celle de la mort, représente régulièrement une durée inférieure à 12 jours. Or nous savons, par l’exemple du Stegomyia fasciata , que cette durée est le minimum indispensable à la culture du virus amaril dans l'or- ganisme du moustique, pour que sapiqûre devienne infectieuse. Expérience. — On a isolé dans des tubes à élevage un certain nombre de femelles d’espèces différentes, récemment arrivées à l'état adulte et fécondées. On les a fait piquer sur l’homme et l'on a noté les intervalles écoulés entre la première piqûre, la ponte et la mort. 1° Sur 17 femelles Cnlex fcitigans : 2 qui ont pondu au 2e jour sont mortes au 3e jour; 5 qui ont pondu au 3e jour sont mortes au 3e jour; d qui a pondu au 3e jour est morte au 4e jour; 6 qui ont pondu au 4e jour sont mortes au 4e jour ; 1 qui a pondu au 3e jour est morte au 5e jour; 4 qui a pondu au 2e jour est morte au 8e jour; 1 qui a pondu au 2e jour est morte au 12e jour, 2o Sur 10 femelles Culex confirmatus : 1 qui a pondu au 4e jour est morte au 4e jour; 2 qui ont pondu au 3e jour sont mortes au 3e jour ; 2 qui ont pondu au 4e jour sont mortes au 6e jour; 1 qui a pondu au 5e jour est morte au 6e jour; d qui a pondu au 3e jour est morte au 7e jour; 2 qui ont pondu au 4e jour sont mortes au 7e jour ; 1 qui a pondu au 3e jour est morte au 8e jour. 3e Sur 2 Janthinosoma musica femelles : d qui a pondu au 6e jour est morte au 7e jour; d qui a pondu au 8e 'jour est morte au 8e jour. 4° Sur 7 femelles Culex tœniorhynchus : 2 qui ont pondu au 5e jour sont mortes au 5e jour ; 1 qui a pondu au 4e jour est morte au 5e jour; \ qui a pondu au 5e jour est morte au 6e jour; 2 qui ont pondu au 6e jour sont mortes au 6e jour; \ qui a pondu au 6e jour est morte au 7e jour. ÉTUDES SUR LA FIEVRE JAUNE 37 ,v)0 Sur 3 Psorophora ciliata femelles : 1 qui a pondu au 2e jour est morte au 5e jour; 2 qui ont pondu au 3e jour sont mortes au 4e jour,^ (jo Une femelle Tœniorhynchus Arribalzagœ a pondu au 7e jour et est morte au 7e jour. Les espèces Culex fatigans , Gulex confirniatus et Cul ex Tœniorhynchus sont, de celles qui piquent l’homme, les plus répandues à Rio-de-Janeiro, après Stegomyia fasciata. Les Psorophora ciliata. Janthinosoma musica et Tœniorhynchus Arribalzagœ sont rares dans la ville, toutefois on peut les rencontrer dans les habitations. L’expérience montre que chez toutes, la durée normale de l’existence de la femelle est trop courte pour lui permettre de jouer un rôle dans la fièvre jaune. Il semble qu’il en soit de même pour la grande majorité des culicides. Cependant nous avons rencontré plusieurs espèces exclusivement forestières chez lesquelles la durée moyenne de la vie de la femelle est supérieure a 12 jours en raison de la lenteur du développement des œufs. La ponte chez quelques individus capturés par nous, n’a eu lieu qu’au bout d’un intervalle de 15 à 30 jours après la première ingestion de sang humain ou animal. Bien que la ponte fût suivie de près par la mort de la pondeuse, l’intervalle écoulé eût suffi au moustique pour devenir dangereux si le virus arnaril trouvait dans son orga- nisme un terrain de culture favorable. L Anophèles albitarsis , commun à Rio-de-Janeiro, présente le même caractère de ponte tardive que ces espèces forestières. C’est sans doute à cette particularité qu'il doit de servir de véhicule au paludisme. Au contraire de beaucoup d’autres culicides qu on peut élever facilement en captivité en les alimentant avec du sucre ou des substances végétales sans leur fournir de sang. Y Ano- phèles albitarsis femelle exige, pour sa conservation, de piquer ii peu près journellement. Elle effectue sa ponte de 10 à 15 jours après la lre piqûre, dans la plupart des cas. Comme l’évolution du protozoaire de Laveran dans son organisme demande une semaine environ, X Anophèles qui s est infecté de bonne heure en piquant un paludéen, est capable à partir du 8° ou du 9e jour de son existence de transmettre le paludisme. Il demeure infec- tieux jusqu’à sa mort qui arrive d’ordinaire le jour même ou le 38 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR lendemain de sa ponte. 11 possède donc, pendant 2 à 6 jours le pouvoir infectieux. Si, pour beaucoup d’espèces, la ponte met un terme à la vie du moustique au bout d’un laps de temps très court, inferieur à la durée de l’incubation du virus amaril chez le St. f. , cepen- dant il peut se présenter des cas, chez ces mêmes espèces, où la période durant laquelle une femelle peut répéter ses piqûres soit beaucoup plus longue. Ce sont d’un côté les cas exception- nels où la femelle survit longtemps à sa ponte, témoignant ainsi d’une vigueur supérieure à celle de la moyenne de son espèce; d’un autre côté, ceux où la ponte est retardée par une cause quelconque, telle que l’insuftisance de la quantité de sang absorbée ou un abaissement de la température atmosphérique. Ce sont enfin les cas, plus fréquents croyons-nous, où la femelle n’est pas fécondée ou bien l’est tardivement : en dehors des circonstances accidentelles nombreuses qui peuvent empêcher raccouplement, nous avons vu que chez le St. f. une certaine proportion de femelles peuvent n’être pas fécondées, bien qu elles soient laissées durant quelques heures en compagnie des mâles, si la température de la chambre d’élevage est abaissée. 11 doit en être de même dans la nature pour beaucoup de culicides : parmi les femelles qu’on capture à l’extérieur, il n’est pas rare d’en rencontrer qui ne sont pas fécondées et qui par suite ne pondent pas en captivité, quel que soit le nombre de repas de sang qu’elles prennent. Nous avons recherché si, en prolongeant la durée de la vie chez des femelles d’espèces autres que St. f.. par la suppres- sion de raccouplement, ces individus seraient capables de cul- tiver dans leur organisme, et de transmettre le virus de la fièvre jaune. Expérience I . — Des njmplies de Cnlex fat ig ans ont été isolées et l’on a mis à part les femelles qui en sont écloses. Ùn lot de ces femelles a été mis à piquer sur un amarillique au 2e jour de la maladie, le 25 janvier. Après s’être gorgées de sang virulent, elles ont été conservées au laboratoire à une température moyenne de 27°. Le 14 février, 20 jours après l’ingestion de sang virulent, 4de ces moustiques ont piqué le sujet F., arrivé au Brésil depuis moins d’un mois et qui n’a jamais éprouvé encore la fièvre jaune. Les piqûres n’ont déterminé aucun malaise chez F. au cours des dix jours suivants. Expérience II. — Un lot de Cul ex confirmatus fenn lies vierges, pro- venant de pupes isolées avant le passage à l’état parfait, ont piqué un amarillique au fer jour de la maladie. Elles ont été ensuite conservées au 39 ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE laboratoire à la température moyenne de 27°, du 25 janvier au 7 fé\rier. Le 7 février, 13 jours après l’ingestion de sang virulent, 4 de ees mous- tiques ont piqué le sujet F. Ces piqûres n’ont amené aucun résultat. La sensibilité du sujet qui a servi à ces deux expériences a été démontrée un mois plus tard. Ayant ete alors pique pai des St. f. virulents, il a éprouvé une atteinte caractérisée de fièvre jaune dont il s’est rétabli. Nous avons également tenté la transmission de la fièvre jaune par des femelles préalablement fecondees de Cul ex d une espèce à ponte tardive, provenant des forêts de la province de Minas-Geraes. Ces moustiques ont effectué leur ponte plus de 20 jours après la première piqûre, ce qui nous a permis de réaliser l’expérience. Expérience. — Deux Culex sp... ?, capturés dans les bois, ont piqué un amarillique au 1er jour de maladie, le 28 février 1903. Ils ont été conservés au laboratoire à la température moyenne de 27°. f t . , Au bout de 15 jours on les a fait piquer sur le sujet S., récemment arrive au Brésil. . r _ . , Q„ Leurs piqûres n’ont été suivies d’aucun résultat jusqu au 2/ mars. On a fait repiquer le même sujet par un de ces moustiques le 27 mars. Cette seconde piqûre est demeurée également sans résultat. Ces trois expériences établissent que le virus amaril ne cultive pas dans l’organisme de culicides pris au hasard. On peut en inférer que le St. f. a les plus grandes chances d’être le seul moustique capable de lui servir d’hôte intermé- diaire. D’autre part, les expériences concernant la durée de l’existence des femelles de diverses espèces communes dans les foyers de fièvre jaune, démontrent que parmi celles-ci le NU f est seul à redouter au point de vue de la propagation amarille. CONCLUSIONS I. — La transmission héréditaire du virus amaril est possible chez le Stegomyia fasciata. Dans le cas, jusqu’ici unique, où elle a été observée, les œufs qui ont donné naissance aux indi- vidus infectés héréditairement à la première génération, avaient été pondus par un moustique inlecté depuis assez longtemps sur le malade amarillique. IL — L’infection des St. f. par voie d’hérédité ne parait pas jouer un rôle considérable dans la propagation de la fièvre jaune. Elle est susceptible néanmoins de déterminer la revivis- cence d un fover récemment éteint. Il est donc très important d’en tenir compte dans l’organisation de la prophylaxie. 40 ANNALES DE L1NST1TUT PASTEUR III. — Il est possible que le passage d une génération de St. f. à une autre, par l’œuf, du virus amaril, détermine l’atténua- tion de ce virus. IY. — Le St. f. ne s’infecte pas en absorbant soit le sang provenant des hémorragies communes chez les malades à la 2e période de la fièvre jaune, soit le liquide des vomissements noirs, soit les déjections. Le moustique, même en captivité, n’absorbe ces matières que s’il y est contraint par le jeûne. V. — Leslarves de St. élevées dans une eau contenant des cadavres frais de moustiques infectés, ne contractent pas l’in- fection et les individus adultes issus d’elles ne sont pas virulents. VI. — Le St. f . infecté , maintenu à une températ ure voisine de 20°, ne paraît pas posséder le pouvoir infectant. VII. — - Nous n’avons pas réussi à infecter des St. f. sur des sujets en période d’incubation de fièvre jaune. VIIL — Le virus de la fièvre jaune peut être artificiellement transmis de moustique à moustique. Nous n’avons pas réussi à faire plusieurs passages successifs. IX. — Ce mode de transmission n’est possible qu’entant que procédé de laboratoire. Il n’existe pas dans la nature : les mous- tiques adultes sains, maintenus au contact de cadavres de moustiques infectés, ne contractent pas l’infection et sont incapables de transmettre la fièvre jaune. X. — Les expériences de transmission à l’homme par des moustiques d’autres espèces que St. f. ont donné constamment des résultats négatifs. Il est donc très probable que le virus amaril est adapté à l’organisme chez cette unique espèce, à l’ex- clusion de tous les autres culicides. N’en fut-il pas ainsi, un phénomène biologique, qui s'observe chez la plupart des espèces, la mort de la femelle après la première ponte, s’oppose à ce que le virus absorbé par des indi- vidus de ces espèces, en piquant un malade, ait le temps de se développer dans leur organisme de façon aies rendre infectieux. XI. — Le St. f . échappe à cette règle. C’est parce que la femelle est capable de fournir plusieurs pontes successives qu’elle sert d’hôte intermédiaire à la maladie. Si elle mourait régulièrementaprèssa première ponte, comme beaucoup d’autres femelles de culicides, la fièvre jaune serait inconnue chez l’homme. Dans ses rapports avec le “Spirocliaete pallida.” Par C. LEVADITI. Travail du laboratoire du professeur Metchnikoff. La présence du Spirocliaete pallida dans les organes des nouveau-nés hérédo-syphilitiques a été établie, peu après la découverte de Schaudinn et Hoffmann, par Buschke et Fischer1, par Levaditi 2, et confirmée depuis par un assez grand nombre d'observateurs (Hoffmann3. Babes et Panea4, Bodin % Nigris6, Bronnum 7, etc.). La coloration des frottis par le procédé de Giemsa a montré l’existence presque constante des spirochètes pâles dans les lésions cutanées et viscérales de la syphilis hérédi- taire, et a précisé les rapports entre le nombre de ces parasites et l’intensité des altérations anatomo-pathologiques. Mais faute d’une méthode permettant la coloration des spirilles sur coupes, il était impossible d’entreprendre l’étude de la topographie du micro-organisme découvert par Schaudinn et Hoffmann dans les tissus lésés. Or, une telle étude était désirable au plus haut point, étant donnés les renseignements qu elle peut fournir au sujet du rôle joué par le spirochète dans la pathogénie de 1a. syphilis. Herxheimer et Hübner8 ont été les premiers à colorer, au moyen du bleu du Nil, les spirilles dans des coupes histologiques provenant d’un chancre syphilitique. Mais, le petit nombre des parasites constatés par ces observateurs dans leurs préparations, ainsi que l’absence de renseignements précis concernant les 1. Buschke et Fischer, Deutsche, med. Wocli., 1905, 18 mai, p. 791. 2. Levaditi. C. B. de la Soc. de Biologie , vol. 58, p. 845; Presse médicale , n° 43, 31 mai 1905. 3. Hoffmann, Berl. klin. Woch., 1903, n° 32. 4. Babes et Panea, Berl. klin. Work. 1905, n" 28. 3. Bodin, Société franç. de dermatol. et de sgphiligraphie, juillet 1905. 6. Nigris, Deutsche med. Wocli., 1905, n° 36, p. 1431. 7. Broxnum, Hospitalstidende , 1905, nos 29 et 39; Bronnum et Hli.ermann, Deutsche med. Woch., 1905, n» 44. 8. IIerxheimer et Hubner, Deutsche med. Woch., 1905, n° 26. p. 1023. 42 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR relations entre ces parasites et les lésions décrites par eux, mon- trent que le procédé recommandé par Herxheimer et Htibner ne saurait être considéré comme pratique. Récemment, Berta- relli, Yolpino et Bovero 1 ont proposé une méthode de coloration basée sur l’imprégnation des spirochètes par le nitrate d’argent et l’emploi du mélange de Van Ermengem, comme agent réduc- teur. Suivant les auteurs italiens, cette méthode permet la tinc- tion satisfaisante des spirilles dans les tissus qui les renferment; grâce à elle, ils ont pu voir ces parasites dans le foie et la rate d’un nouveau-né hérédo-sypliilitique et fournir quelques ren- seignements sur la topographie des spirochètes. Peu après la publication du premier travail de Bertarelli et ses collaborateurs, nous avons eu l’occasion de mettre à l’épreuve le procédé imaginé par eux. Nous avons remarqué que si la coloration des spirilles est véritablement possible par ce procédé, elle ne présente pas moins certains inconvénients qui rendent la méthode imparfaite. Ainsi, malgré l’imprégnation prolongée des coupes dans un hain de nitrate d’argent à 0,05-0,75 0/0 main- tenu à 38°, les spirochètes sont relativement pâles ; d’un autre côté, on ne peut éviter la formation de précipités d’argent métallique, quels que soient les soins que Ton apporte dans le maniement de la méthode italienne. Nous avons obtenu des résultats sensiblement meilleurs en nous servant d’un procédé basé sur le même principe que celui de Bertarelli, Yolpino et Bovero, mais qui en diffère par le fait que l’imprégnation au nitrate d’argent, de même que la réduction ultérieure, sont appliquées non pas sur les coupes déjà montées, mais sur des fragments d’organes préalablement fixés au formol. C’est la méthode recommandée par Bamon y Cajal 2 pour la coloration des fibrilles nerveuses qui nous a servi avec succès à teindre les spirochètes dans les coupes histologiques, méthode que nous avons légèrement modifiée. G râce à elle, nous avons pu étudier l’histologie pathologique de Thérédo-syphihs dans ses relations avec le Spirochaete pallida et recueillir une série de constatations dont l’énoncé fait le sujet de ce mémoire 3. Nous avons pu J. Bertarelli, Volpino et Bovero, Rivista d'igiene, 1905, n° 16, p. 561; Cen- tralblatt fur Bakteriologie , vol. XL, fasc. 1, p. 56. - Ramox y Cajal, Comptes rendus de la Société de Biologie , vol. LVI. p 368. 3. Une partie de ces résultats et notre méthode ont été déjà publiés autre part. Voir : Levaditi, Sur la coloration du Spirochaete pallida Schaudinn dans les SYPHILIS HÉRÉDITAIRE 43 entreprendre également, en collaboration avec M. Manouélian, l’étude histopathologique des lésions syphilitiques primaires et secondaires chez l’homme et le singe, étude dont les résultats ont été déjà publiés ailleurs 1 . Dans le présent travail, nous exposerons la méthode utilisée par nous; les observations cliniques des 4 cas de syphilis héré- ditaire que nous avons étudiés en détail, soit seul, soit en collaboration avec MM. Salmon et Sauvage; les résultats fournis par l’analyse histologique de ces cas et les conclusions qui en découlent. Avant d’entreprendre cet exposé, nous tenons à remplir un précieux devoir en remerciant ici MM. les profes- seurs Pinard et Wallich, MM. les docteurs Macé et Nobécourt, Mlle Rose et nos collaborateurs, pour le concours qu’ils ont apporté à ces recherches. I MÉTHODE 1° Des fragments d’organes, ayant environ 1 millimètre d’épaisseur, sont fixés dans du formol à 10 0/0, pendant 24 heures : 2') Lavage et durcissement dans l’alcool à 96°, pendant 24 heures; 3° Lavage à l’eau distillée pendant quelques minutes, jusqu’à ce que les fragments tombent au fond du récipient; 4° Imprégnation à l’aide d’une solution de nitrate d’argent dont la concentration varie de 1,5 0/0 à 3 0/0. La solution de nitrate à 3 0/0 est préférable lorsqu’il s’agit d’imprégner des pièces obtenues par biopsie. Cette imprégnation doit être faite à 38° et prolongée pendant 3 à 5 jours, suivant les tissus; 5° Court lavage à l'eau distillée et réduction ultérieure à la température de la chambre pendant 24 à 48 heures, par la solution suivante : Acide pyrogallique de 2 à 4 0/0. Fomol 5 e. e. Eau distillée 100 cm. c. 6° Lavage à l’eau distillée, déshydratation à l'alcool; xylol, paraffine et coupes (5 au maximum) ; 7° Les coupes sont ensuite colorées par un des procédés suivants : a) Mélange de Gienasa, pendant quelques minutes, lavage à l’eau, différenciation coupes. C. R. de la Société de Biol., vol. LIX, p. 320. 1905, séance du 21 octobre. Le même : L’histologie pathol. de l'hérédosyphilis dans ses rapports avec le Spi- rochoete pal/ida Schaudinn. C.R.de laSoc.de Biologie, vol. LIX, p. 342, 1905. — Levaditi et Sauvage. Sur un cas de syphilis héréditaire tardive, C. R. de la Société Biol., vol. LIX , p. 344. L Levaditi et Manouélian, C. R. dé la Société de Biologie, vol. LIX, n° 34, p. 527 et 529. 44 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR à l'alcool absolu additionné de quelques gouttes d’essence de girolle, éclair- cissement à l’essence de bergamote et au xvlol. montage au baume de Canada; b). Solution concentrée de bleu de loluidine, différenciation à l’alcool additionné de quelques gouttes du mélange éther-glycérine (Unna), éclaircissement à l’essence de bergamote, xylol et montage au baume de Canada. (Procédé indiqué par M. Manouélian.) Grâce à 1 emploi de cette méthode, on obtient des préparations où les spirochètes apparaissent teints en noir plus ou moins foncé, où les noyaux des cellules épithéliales, conjonctives et leucocytaires prennent une teinte bleue, cependant que la substance fondamentale du tissu conjonctif et musculaire se colore en vert. Les planches jointes à ce mémoire rendent compte de la netteté des coupes traitées d’après le procédé dont nous venons d’exposer les détails. 11 OBSERVATIONS Observations!. — Service de M. le professeur Pinard , à ta clinique Baudelocque . Femme P„ L., âgée de 32 ans, entre dans le service le 14 juillet 1903. Première grossesse en 1894 ; l’enfant, expulsé au terme de 7 mois, est mort et macéré (p. f. I960 grammes; p. p, 430 grammes). Deuxième grossesse en 1896 ; expulsion d’un enfant venu au terme de 8 mois, et qui meurt après quelques mouvements d’inspiration. Cette femme aurait eu à l’âge de 18 ans, au niveau de la grande lèvre gauche, un bouton qui aurait persisté pendant 3 mois. Peu de temps après l’apparition de cet accident, la malade a souffert de maux de gorge, mais n’a jamais eu d’éruptions cutanées. Lors de son premier accouchement qui a eu lieu à la clinique Beaudelocque, cette femme a été soumise au traite- ment mercuriel, qu’elle a suivi pendant 3 mois. La grossesse actuelle date de 9 mois, et n’a été marquée par aucun accident, sauf quelques vomissements au début; au cours de cette grossesse, la femme n’a pas suivi de traitement antisyphilitique. L’enfant de sexe féminin, pèse 2,900 grammes, le placenta 660 grammes. Il meurt après quelques inspirations, une demi-heure après la naissance. Nul renseigne- ment au sujet du père. Pas d’indications sur les résultats de la nécropsie. Les organes (foie, rein, rate et système nerveux) ont été conservés dans du formol jusqu’au 10 novembre (4 mois), date à laquelle nous les avons soumis à l’examen microscopique. L’état de ces organes ne nous a pas permis de déceler d’autres lésions macroscopiques, en dehors d’une hyperhémie des plexus choroïdaux, des méninges et de la substance cérébrale grise. Conclusions. — Il s’agit d’une femme dont 1 infection syphilitique est rendue très probable par ses antécédents 45 SYPHILIS HÉRÉDITAIRE (bouton de la grande lèvre), ainsi que par les produits de ses grossesses antérieures. Nous venons de voir, en effet, que son premier enfant est venu au monde mort et macéré , et que le second a succombé très rapidement après la naissance. Le fait que le dernier rejeton est mort peu de temps après l'accouche- ment nous amène à attribuer un certain caractère de gravité à l'infection syphilitique, que nous supposons être la cause de cette mort. Nous verrons jusqu'à quel point l’examen microscopique des organes, en nous montrant la quantité et la distribution des spirochètes dans les divers tissus, confirme cette opinion. Observation II (en collaboration avec M. Nobécourt). Service de M. Porak , à la Maternité. Femme X., âgée de 21 ans, entre dans le service le 27 septembre 1905. Première grossesse en 1901 terminée par la naissance d’un enfant venu à terme vivant, mais débile ; cet enfant est mort trois mois après, à la suite de diarrhée et d'hémorragies intestinales. La grossesse actuelle (conception par un autre père) date de 7 mois 1/2 environ. Vers le mois de juin, cette femme a eu une éruption généralisée de boutons et de taches rougeâtres, ces dernières plus marquées, surtout au niveau des genoux. Elle nie avoir présenté d autres accidents spécifiques et ne s’est pas traitée après l’apparition de cette éruption. Le 27 septembre, naissance d’un enfant couvert de bulles de pemphygus, situées sur la peau des extrémités. Ces bulles ont un contenu purulent. V enfant meurt le jour même de sa naissance. Frottis. — Les frottis faits par M. Nobécourt, pendant la vie du rejeton, avec le contenu des bulles de pemphigus, et colorés par le mélange de Giemsa, montrent quelques rares spirochètes typiques. L’enfant a été placé quelques heures après sa mort dans une solution de formol, le cadavre n’étant pas ouvert. Six jours environ après le décès, nous avons l’occasion d’ouvrir le cadavre dont la conservation est parfaite, et faire des frottis avec les divers organes et les lésions cutanées1. L’examen de ces frottis nous a permis de faire les constatations suivantes : Foie : assez nombreux spirochètes. Rate : assez rares spirochètes. Rein : assez nombreux spirochètes. Capsules surrénales : nombreux spirochètes. Poumon : assez nombreux spirochètes. Contenu purulent des bulles de pemphigus : pas de spirochètes. Raclage du fond de ces bulles : nombreux spirochètes. Thymus : assez nombreux spirochètes. Moelle osseuse : assez rares spirochètes. Ganglions mésentériques : pas de spirochètes. Sang du cœur : pas de spirochètes. I. La conservation dans le formol nous a empêché d’apprécier l’état macrosco- pique des organes. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 4(3 Conclusions . — Il s'agit d’une femme dont l'infection syphi- litique a débuté au cours de sa grossesse, et qui a mis au monde un enfant prématuré, couvert de bulles de pemphigus. Cet enfant est mort le jour même de sa naissance. Étant donné d’une part le fait que la mère était en pleine éruption syphilitique lorsque le produit de la conception était âgé de 4 mois environ, et si l'on tient compte, d'autre part, de la mort rapide de l’en- fant, on est conduit à considérer comme grave et généralisée V infection spécifique du rejeton. Cette observation montre en outre que, si Ton se rapporte aux résultats fournis par les frottis, on doit compter parmi les organes pouvant renfermer des spirochètes, les capsules sur rénales 1 , le thymus et la moelle osseuse. Elle prouve égale- ment, comme nous avons eu déjà l'occasion de le constater antérieurement, que malgré la richesse en spirilles des produits prélevés par le raclage du fond des bulles de pemphigus, ces parasites peuvent être absents dans le frottis fait avec le con- tenu même de ces bulles, surtout lorsque ce contenu est puru- lent. Enfin, les conditions dans lesquelles le cadavre de l’enfant a été conservé montrent que la fixation préalable des divers organes par le formol, n’empêche nullement la coloration des spirochètes sur frottis. Au contraire, en nulle occasion ces spi- rochètes n’ont mieux retenu le principe colorant que dans le cas dont nous venons d’exposer l’observation. C’est là d'ailleurs un fait que nous avons pu vérifier dans la suite et qui nous a donné l’idée d’employer comme agent fixateur, pour l'impré- gnation des spirochètes surcoupes, non pas l'alcool ammoniacal recommandé par Rarnon y Cajal pour les fibrilles nerveuses, mais une solution de formaline à 10 0/0. Observation III (en collaboration avec M. Salmon 2). Service de M. Porak , à la Maternité. L’enfant qui fait le sujet de cette observation, issu de parents dont on ne connaît pas l’histoire pathologique, a été amené de la ville au commencement de novembre. Il est couvert d’énormes bulles de pemphigus, à contenu légèrement purulent, situées sur la peau des membres. Au niveau de la face dorsale du pied droit, on décèle toute une série de lésions pemphigoïdes dont la grandeur varie depuis celle d’une lentille jusqu’à celle d’une pièce de 0 fr. 50. Ces différentes lésions représentent autant de stades divers dans l’évolution du pemphigus. 1. IIabes et Panea (déjà cités) ont été les premiers à déceler des spirochètes sur des frottis de capsules surrénales chez un nouveau-né hérédo-syphilitique. 2. Levaimti et Salmon, C. R. delà Société de Biologie, vol. LIX, p. 465. 47 SYPHILIS HÉRÉDITAIRE L'enfant meurt le jour de sa naissance. La nécropsie laite environ 20 heures .après la mort, le cadavre étant conservé à la glacière, permet de constater les altérations suivantes : Légère hypertrophie du foie et des reins, qui ont conservé leur aspect normal ; augmentation du volume de la rate et surtout des capsules surré- nales. Ces dernières, sans offrir des altérations macroscopiques bien nettes, sont plus volumineuses qu’à l’état normal. Le poumon est, par places, atteint de pneumonie rouge, les bronches laissent s’écouler un liquide légèrement trouble. On fait des frottis d’organes, qui permettent de déceler la pré- sence d’un assez grand nombre de spirochètes dans le foie , le poumon , le pemphigus et surtout dans les capsules surrénales. On excise une série de bulles de pemphigus de différentes grandeurs, que 1 on soumet, en même temps que la plupart des organes, à l’examen histologique. Conclusions . — Il s'agit dans cette observation d’un nouveau- né venu au monde avec des lésions pemphigoïdes riches en spirochètes et qui a succombé très peu de temps après la nais- sance. Ce cas se rapproche des précédents en ce qui concerne la rapidité de révolution et le caractère grave de V infection syphilitique . Les organes les plus atteints par cette injection , à en juger d’après les altérations macroscopiques constatées et la richesse en spirochètes, sont le foie, le poumon et les cap- sules surrénales . Observation IV (en collaboration avec M. Sauvage *). Service de M. le professeur Pinard , à la Clinique Baudelocque. L’enfant qui fait le sujet de cette observation est né vivant et à terme le 24 juillet 1905. Depuis le 2e mois jusqu’à la fin de la grossesse, la mère avait été soumise au traitement antisyphilitique. Le père est un syphilitique avéré qui a eu un chancre en 1890 et ne s’est pas soigné depuis. Des trois enfants précédemment conçus par ces deux procréateurs, l’un, né prématurément à 8 mois, est mort au bout de 15 jours, les deux autres ont été expulsés morts et macérés. L’enfant , qui pesait 5,810 grammes (placenta 750 grammes), ne présenta aucune manifestation de syphilis, ni à la naissance, ni pendant tes pre- mières semaines de la vie. Nourri exclusivement au sein par sa mère, il sembla se développer dans d’excellentes conditions et pesait 5,350 grammes le 12 septembre. C’est seulement vers la fin du 2e mois que se produisit une éruption qui débuta par la plante des jneds et la paume des mains. Le 13 septembre, cette éruption se présentait sous la forme de larges el nombreuses syphilides papuleuses, de couleur rouge jaunâtre; on cons- tatait en même temps une desquamation épidermique à la paume des mains et à la plante des pieds, et des fissures sur la lèvre inférieure et aux commissures labiales. Le traitement par la liqueur de Van Swieten fut pies- 1. Levaditi et Sauvage. Sur un cas de syphilis héréditaire avec présence du Spirochaete pallida dans les viscères. C. R. Soc. Biologie , vol. LIX, 190b, p. 34 l. 48 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR crit et la mère continua le traitement qu’elle avait suivi pendant la grossesse et après son accouchement. Le 3 octobre, l’éruption avait pâli et présentait, par places, de la desqua- mation furfuracée. Le raclage de deux papules choisies l'une sur la jambe gauche et Vautre sur la cuisse droite donna des produits contenant un petit nombre de spirochètes paies . L'examen du sang recueilli par piqûre de l’index ne permit au, contraire de constater la présence d’aucun spi- rille, malgré la précaution prise d’étaler ce sang en couches épaisses sur lamelles (observation après laquage du sang par l’eau distillée). Le 5 octobre, l’éruption était manifestement étiolée sur les membres infé- rieurs et apparaissait sur la poitrine sous la forme de quelques papules d’un rouge cuivré. A ce moment, deux vésicatoires d’un centimètre carré chacun furent placés: l’un (n° I) à mi-hauteur de la face externe de la jambe droite, en un point correspondant à deux larges papules; l’autre (no 2) à la face externe du bras gauche, sur une zone de peau d' apparence parfaitement saine. Les vésicatoires furent retirés au bout de 5 heures; le no 1 avait déterminé la production d’une bulle contenant un liquide hémorragique ; à la place du vésicatoire no 2, l’épiderme était soulevé par quelques gouttes de liquide clair. Les liquides transsudés recueillis aseptiquement conte- naient : celui du vésicatoire no 1, de nombreux spirochètes et des globules rouges, celui du vésicatoire no 2 (appliqué sur la peau en apparence nor- male) des spirilles plus rares et quelques leucocytes 1 . Dès le lendemain du jour où les vésicatoires avaient été appliqués, V éruption s' étendit sur la poitrine et apparut sur les bras, en partie sur la région voisine du point d’ application du vésicatoire n° 2. Malgré le traitement, l’état de l’enfant alla en s’aggravant; de l’œdème apparut aux extrémités, les selles devinrent diarrhéiques et verdâtres et l’on constata la présence de légères traces d’albumine dans les urines 2. L’enfant finit par succomber après une période de coma, dans la nuit du 11 au 12 octobre. Autopsie. — Le 12 octobre, 13 heures après la mort. La peau du cadavre est complètement décolorée, œdème des jambes et des bras, lésions cutanées flétries. Lésions. — Foie considérablement hypertrophié et dur ( foie silex). Rate très augmentée de volume, de consistance dure, de coloration rouge brun. Rein droit légèrement plus gros 3; couche corticale plus épaisse et blan- châtre. Capsule surrénale correspondante d’aspect normal. Fragment de poumon droit congestionné. Le sang prélevé par aspiration dans la cavité du cœur est partiellement hémolysé. Examen microscopique (frottis). — Le soir même où l’autopsie fut faite, 1. Il est à signaler que la centrifugation ne permit pas de constater un nombre de spirilles plus considérable dans le dépôt formé que dans le reste du liquide du vésicatoire n° 1. 2 ' .'examen microscopique du dépôt obtenu par la centrifugation de l’urine a montré l’absence de spirochètes dans ce dépôt. 3 Pour des motifs d’ordre particulier, la nécropsie n’a pu être faite que par incision lombaire. SYPHILIS HÉRÉDITAIRE 49 l’examen des frottis non colorés permit de reconnaître la présence de nom- breux spirochètes immobiles dans le tissu hépatique. Rien de semblable ne put être observé dans les préparations faites avec les autres viscères. L’étude des préparations colorées par le Giemsa montrèrent l’existence de spirilles dans le foie, où ces parasites sont très nombreux et parfois disposas par amas, dans le rein, la rate et la moelle osseuse. On constata, de plus, la présence d'un assez grand nombre de spirochètes (5 à 6 par lamelle) dans le sang du cœur. Conclusions. — Cette observation d’un enfant issu d'un père syphilitique est intéressante à plusieurs points de vue. En premier lieu, elle montre qu'un rejeton hérédo-syphilitique peut venir au monde sans présenter aucune manifestation spécifique visible, et n’offrir les signes évidents de l’infection syphilitique que quelques mois après sa naissance. Il s'agit dans ce cas d'une syphilis héréditaire relativement tardive , dont l'apparition a été précédée par une vraie période d’incu- bation au cours de laquelle le germe pathogène transmis par l’un des procréateurs a du rester caché quelque part dans l’or- ganisme de l’enfant pour y proliférer d’une façon lente. Cette conservation du virus pendant une période de temps assez pro- longée, sans qu’il y ait eu des manifestations syphilitiques visibles, quoique étant un fait des plus communs dans l’histoire de la syphilis, mérite d’attirer l’attention. Nous verrons en effet, lorsque nous exposerons les résultats fournis par l’étude histo-pathologique de ce cas, que cette conservation du virus syphilitique pourrait trouver une explication plausible dans la présence de spirochètes à l’intérieur du protoplasma de certains éléments nobles, entre autres des cellules hépatiques. En second lieu, ce cas a ceci de particulier qu’il offre des lésions syphilitiques profondes de certains organes, telle la cyrrhose hypertrophique diffuse du foie, et qu’il permet ainsi de préciser jusqu’à quel point la distribution des spirochètes est en rapport avec la gravité des altérations spécifiques des divers viscères. Nous venons de voir que l’examen des frottis prouve déjà l’existence d’une relation étroite entre le nombre des spirochètes et ces altérations, en nous révélant la présence d’une grande quantité de parasites précisément dans le foie, i’organe le plus touché par le processus infectieux. En outre, notre observation montre que les spirilles , absents dans le sang de la circulation générale examiné 50 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pendant la vie , peuvent apparaître dans le milieu hématique pendant les dernières phases de V évolution de la maladie / L'examen du sang' puisé par piqûre à la pulpe du doigt fut en effet négatif, cependant que celui du sang du cœur, pratiqué après la mort, révélât la présence d’un assez grand nombre de spirochètes, Enfin, T application de vésicatoires sur la peau couverte de syphilides nous a permis de recueillir quelques faits, dont voici les principaux. Dans un travail antérieur, fait en collabo- ration avec G. Petresco l, nous avons montré que le Spiro- chaete pallida passe facilement dans le liquide des vésicatoires appliqués sur une région de peau couverte de syphilides papu- leuses, même lorsque ces syphilides se montrent dépourvues de toute ulcération visible à l’œil nu. Nous avons prouvé égale- ment que le passage de ce Spirochaete s’effectue aussi dans le contenu des phlictènes qui intéressent la surface cutanée en apparence saine, sise au voisinage immédiat des syphilides 2. Il était intéressant de vérifier ces données en examinant ce qui se passe lorsqu'on applique un vésicatoire sur la surface cutanée des nouveau-nés hérédo-syphilitiques ; voir, par exemple, si dans un organisme farci de spirochètes, ces parasites ne seraient capables de traverser la peau absolument dépourvue de lésions syphilitiques apparentes, pour pénétrer dans le liquide des vésicules. C’est ce que nous avons réalisé avec M. Sauvage, chez l’enfant qui fait le sujet de cette observation. L’examen microscopique du liquide renfermé dans les phlictènes des deux vésicatoires appliqués Tua à la surface d’une sypliilide non ulcérée, et l’autre sur la peau saine du bras , nous a révélé la présence d’un assez grand nombre de spiro- chètes pâles. Cette constatation nous aurait amené à conclure en faveur du passage des spirilles à travers les couches cutanées dépourvues de toute altération spécifique, si le lendemain même du jour où le vésicatoire fut placé, nous n’avions pas remarqué l’apparition d’une éruption discrète sur le tronc et les bras de notre malade. Tout porte donc à croire que la localisation du spirochète dans le système cutané d une part , et les altérations 1. C. Levxditi et G. Petresco. Presse médicale, n° 7S, 190o. 2 Rappelons à ce propos qu’aucun spirille n’a pu être décélé dans le contenu des vésicatoires appliqués sur la peau saine, loin des lésions syphilitiques, chez des individus en pleine éruption secondaire . SYPHILIS HÉRÉDITAIRE 51 auxquelles cette localisation donne heu d’autre part , doivent précéder T apparition des syphilides , en ton* que lésions visibles à l œil nu l. Ce que nous considérions donc comme étant de la peau saine, n était qu une peau en imminence d’éruption, et cela explique suffisamment le passage du spirochète dans le vési- catoire place à ce niveau, a un moment où 1 examen microsco- pique du sang fut négatif 2 3 4. * * * A ces quatre observations dont nous avons pu faire l’étude anatomo-pathologique complète, s’ajoutent deux autres qui doivent occuper une place a part. Dans la première, il s’agit d’un enfant heredo syphilitique mort-né, dont le poumon présentait les lésions caractéristiques de la pneumonie blanche ; nous devons ce cas et le matériel d’étude àM. Landsteiner, de Vienne, que nous remercions chaleureusement ici. La seconde concerne un fœtus macéré issu de parents syphilitiques, dont les oiganes ont ete examines au point de vue de la présence des spirQchètes dans les coupes, en collaboration avec MM. Queyrat et Feuillie '. Voici les détails de ces observations : Observation V. (Pneumonie blanche.) — La mère, âgée de 32 ans, a un premier enfant qui actuellement est bien portant j le truit d’une seconde conception est venu au jour prématurément a 8 mois et n’a vécu que quelques heures. Le 3° enfant, qui fait le sujet de notre observation, pesait 2,100 grammes (long., 45 centimètres), et a succombé pendant l’accouche- ment. La nécropsie a révélé, en dehors d’une pneumonie blanche typique, une tuméfaction de la rate et une ostéochondrite syphilitique L La mère a été soumise plusieurs fois au traitement antisyphilitique. Observation VI. (Fœtus macéré.) Service de MM. Porak et Maee. — La mèie, âgée de 23 ans, a eu, il y a 4 ans, un bouton sur les parties génitales et a été tiaitée a Saint— Louis. On a constaté alors une éruption de boutons 1. Les constatations que nous avons laits avec M. Manouélian, au cours de l’étude histologique du chancre du singe, confirme cette manière de voir. Les alté- rations que l’on décèle dans une lésion primaire datant d’un jour, par exemple, s°nt plus étendues qu on serait tenté de le croire, d’après l’aspect macroscopique de cette lésion. 2. G. Nïgris f Deutsche med. Woch. 1905, n° 30, p. 1431) prétend avoir découvert des spirochètes dans le liquide d’un vésicatoire placé sur la peau normale d’un nouveau-né hérédo syphilitique. 3. Qleyrat, Levaditi et Feuillié, Constatation des spirochètes de Schaudinn dans le foie et la rate d’un fœtus macéré. Soc. de dermatologie, décembre 1905. 4. M Landsteiner nous a communiqué le résultat positif fourni pu* l’examen des frottis du poumon, ainsi que la présence des spirochètes dans les coupes de cet organe. 52 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sur la poitrine et des plaques dans la gorge. Elle accouche le 20 novembre au terme de 8 mois environ, dun enfant mort depuis 8 jours et macéré. Hydramios (3 litres de liquide). ^ % Les détails cliniques des observations que nous venons de résumer montrent que les six cas dont nous avons pu entre- prendre l’étude représentent des étapes différentes dans l’évo- lution de la syphilis congénitale. Nous avons recueilli la plupart des formes sous lesquelles l’hérédo-syphilis peut faire son apparition, depuis le fœtus macéré et le rejeton mort-né syphi- litique, jusqu’à la forme relativement tardive de la syphilis héréditaire, en passant par les degrés moyens de l’infection spécifique représentés par les enfants qui ont succombé quelques heures après la naissance U L’intérêt de l’étude histo- pathologique à laquelle nous avons soumis ces cas découle de leur variété même; cette étude nous montre, en effet, jusqu’à quel point les diverses modalités cliniques et anatomo-patho- logiques de la syphilis héréditaire sont sous la dépendance de la quantité et de la distribution du parasite découvert par Sehaudinn, et Hoffmann. III HISTOLOGIE PATHOLOGIQUE a) Foie. Observation I (infection aiguë. Planche I, fi g. 2). — Les lésions du tissu interstitiel, relativement légères, sont repré- sentées par une accumulation d’éléments mononucléaires (lym- phocytes et quelques gros macrophages) dans les espaces qui séparent certains trabécules hépatiques: ces éléments sont disposés par foyers. L’hyperplasie du tissu conjonctif n’est accentuée qu autour d’un certain nombre d'espaces portes; ce tissu est œdématié et plus riche en noyaux. Dans quelques-uns de ces espaces portes, on remarque des vaisseaux lymphatiques, extrêmement dilatés et remplis par une masse albumineuse coagulée, colorable en jaune par le nitrate d’argent, et qui contient quelques leucocytes. La quantité des spirochètes révélés dans ce cas est vérita- 1. Il nous a été impossible recueillir des observations suivies de nécropsie,. de gommes hérédo-syphilitiques. Le seul cas de ce genre examiné par nous (gomme du foie envoyée par M. Landsteiner) s’est montré négatif au point de* vue de la présence des spirilles sur coupes. SYPHILIS HÉRÉDITAIRE 53 blement considérable: chaque champ du microscope en renferme des centaines. Le nombre exagéré de ces parasites rend presque impossible la précision des rapports qui existent entre les spirilles et les éléments hépatiques. Néanmoins, dans certaines régions du foie, on peut voir que la plupart des spirilles sont disposés entre les cellules glandulaires, qu’ils longent la paroi des capillaires intra-lobulaires et qu’ils pénètrent également dans le liquide d’œdème qui remplit les fentes conjonctives des espaces portes. Remarquable est la variété de forme des spirochètes. A côté d’éléments spirilliens très longs, à ondulations régulières, il y en a d’autres dont les dimensions sont réduites, les ondulations plus serrées, et qui se terminent souvent par un renflement plus ou moins accentué. A un fort grossissement, on remarque que ce renflement terminal est dû à ce que les spirochètes, pareils en cela aux spirilles de la septicémie des poules, s’entortillent à l’une de leurs extrémités pour constituer une vraie boucle *. Enfin, il n’est pas rare de rencontrer des spirochètes entière- ment enroulés sur eux-mêmes, formant un nœud dans lequel on ne suit qu’avec peine l’enchevêtrement capricieux du filament spirillien. Sur des coupes plus minces, on constate la réunion des parasites en amas, ainsi que l’existence d’un certain nombre de spirilles dans le protoplasma des cellules hépatiques; ces spirilles intracellulaires semblent plus irréguliers que les spiro- chètes libres. Rappelons enfin que les vaisseaux lymphatiques dilatés des espaces portes renferment quelques parasites et que de rares spirilles existent en pleine lumière des vaisseaux san- guins. Observation II (infection aiguë. Planche I, fig. 5). — L’aspect microscopique du foie est presque normal. On ne ren- contre, en fait d’altérations pathologiques, que la dilatation des capillaires intralobulaires et une légère infiltration mononu- cléaire disposée d’une façon irrégulière. De plus, quelques- uns des éléments glandulaires qui entourent les espaces portes 1. Nous avons décrit, on collaboration avec M. G. Petresco, une disposition analogue des spirochètes dans les frottis de chancres syphilitiques. (\oir Presse médicale, 190o, n° 78.) 54 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR et certains vaisseaux sus-hépatiques renferment des granula- tions pigmentaires. Les spirochètes sont en petit nombre. Pour les rencon- trer, il faut examiner les zones hépatiques qui entourent les vaisseaux, surtout là où la pigmentation des cellules glandulaires est plus accentuée. On les trouve alors disposés entre ces cel- lules, le long de capillaires, ou entre les fibres conjonctives du stroma. La présence de spirochètes libres à l’intérieur des vaisseaux est, dans ce cas, un fait: incontestable; ce sont surtout les veines sus-hépatiques qui renferment de tels spirochètes libres. Observation III (infection aiguë. Planche I, fîg. 4). — Les lésions interstitielles peu accentuées, se rapprochent de celles décrites dans l’observation I. Les vaisseaux faiblement dilatés, renferment des hématies en partie dissoutes et des leucocytes mononucléés en grand nombre. Les spirilles sont disposés surtout autour des vaisseaux. Dans certaines régions du foie, la parroi des veines sus hépa- tiques est littéralement infiltrée par des spirochètes, lesquels pénètrent entre les cellules endothéliales qui tapissent ces vaisseaux. Plus on s’écarte des régions périvasculaires, plus les spirochètes deviennent rares ; on ne les retrouve alors que par individus isolés, logés entre les cellules hépatiques Remar- quable est la disposition des spirilles en gros amas, que l’on découvre surtout vers les parties terminales de certains vais- seaux. Ces amas, qui rappellent ceux que l’on a décrit dans la spirillose des poules de Marchoux et Salimbeni, sont de vraies colonies de spirochètes, d’où partent, en s’irradiant, des para- sites qui s’infiltrent entre les cellules hépatiques du voisinage. Observation I V (syphilis tardive. — Planche I, fig. I ; plan- che II, fig. 2). — Dans certaines régions de la glande biliaire, la sclérose hépatique est diffuse et relativement peu prononcée. Par contre, dans d’autres régions, cette sclérose est très accen- tuée et ne s’atténue qu’au voisinage immédiat des espaces portes. Là, les cellules hépatiques ont conservé jusqu’à un certain point leur aspect normal ; elles sont emprisonnées par groupes de 4 à 10 dans des nids formés par des travées conjonctives riches en éléments fibroplastiques et en lymphocytes. Plus on s’écarte des espaces portes, plus le tissu scléreux devient dense; SYPHILIS HÉRÉDITAIRE 55 il anéantit presque complètement les cellules nobles, lesquelles ne sont représentées que par des unités réduites de volume, irrégulières, visiblement dégénérées. Au centre même de ces foyers scléreux, on décrouvre une nécrobiose complète de tous les éléments figurés ; les noyaux de ces éléments apparaissent comme fragmentés et hyperchromatiques. Les spirochètes sont en grand nombre ; ils abondent surtout là où les cellules hépatiques ont conservé une intégrité relative. Rares dans le stroma conjonctif, où on les voit suivre les fibrilles et s’infiltrer dans les espaces lymphatiques, ces spirochètes s’accumulent surtout autour des vaisseaux sanguins. Les relations intimes qui existent entre les spirilles et les cellules glandulaires apparaissent dans ce cas de la façon la plus nette. Chaque îlot cellulaire est parsemé par un nombre de spirochètes pouvant varier de 10 à 15. Un examen attentif permet de constater que la plupart de ces spirochètes sont logés dans le protoplasma des cellules hépatiques. Les para- sites traversent ce protoplasma dans tous les sens et ceux d’entre eux qui sont disposés à la périphérie de la cellule, ongent avec une certaine régularité le bord cellulaire. Cer- tains spirilles flottent librement au milieu des vaisseaux hépa- tiques. Observation VI (fœtus macéré. Planche II, fig. 1). — A un petit grossissement (coupe colorée au Van Gieson), on distingue un tissu réticulé formé par des bandes conjonctives relative- ment minces, mais qui grossissent sensiblement lorsqu'on se rapproche des espaces portes. Dans les mailles de ce réseau on décèle des blocs irréguliers, faiblement colorés et qui ne lais- sent voir qu’un vestige de noyau. L’immersion permet de constater que la sclérose du foie est relativement accentuée et que par suite de la macération avancée de l’organe, les cellules hépatiques ne sont plus représentées que par des masses irré- gulières dépourvues de noyaux colorables. Ces masses sont farcies de cristaux de pigment et semblent correspondre à des groupes de 2 ou 3 cellules. Ce foie renferme un assez grand nombre de spirochètes. Distribués d’une façon irrégulière, les parasites abondent dans le tissu conjonctif péri-vasculaire, existent également dans la lumière des vaisseaux, ainsi que dans le protoplasma de 56 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR certains éléments glandulaires. Remarquable est le contraste entre le degré de destruction et de macération du tissu hépa- tique et la conservation de la, forme et des affinités colorantes des spirochètes . b) Poumon. Observation II. — Le nombre des alvéoles ayant gardé leur aspect normal est relativement minime ; la plupart de ces alvéoles sont obstruées et quelques-unes sont confluentes, emphysémateuses. Les parois alvéolaires sont infiltrées par des éléments mononucléaires, cependant que la lumière des alvéoles est remplie par un exsudât albumineux, au milieu duquel flottent des macrophages. On remarque également les signes d’une bronchite desquamative, de même que la présence de leucocytes polynucléaires dans la cavité des bronches. Les spirochètes existent en assez grand nombre. La plupart d’entre eux se trouvent dans les bronches, répandus entre les épithéliums desquamés et les leucocytes. D’autres existent en plein tissu pulmonaire, le long des capillaires ou dans les alvéoles. Les spirochètes intraalvéolaires sont pour la plupart dégénérés, transformés en éléments variqueux ou arrondis ; cette dégénérescence intéresse surtout les parasites contenus dans le protoplasma des macrophages. Observation III (planche II, fig. 7). — Les lésions intéressent surtout le tissu interstitiel et les bronches. Elles consistent en une infiltration de ce tissu par des leucocytes mononucléaires et en une desquamation de l épithélium bronchique; la lumière des bronchioles est obstruée par des épithéliums ciliée et par des globules blancs polynucléaires dégénérés. Les alvéoles sont en partie confluentes, emphysémateuses, en partie remplies par un exsudât albumineux, au milieu duquel flottent des macro- phages et parfois des polynucléaires mal conservés. La quantité des spirochètes est considérable. La plupart des parasites sont logés en plein tissu interstitiel, le long des parois des capillaires sanguins; ils ne semblent pas envahir la lumière même de ces capillaires. Certains de ces spirochètes pénètrent dans les alvéoles, où on les décèle soit libres, soit renfermés dans le protoplasma des macrophages et des polynucléaires. Les espaces conjonctifs péribronchiques sont farcis de 57 SYPHILIS HÉRÉDITAIRE spirilles, mais un petit nombre seulement envahissent les cavités bronchiques. Ces derniers s’infiltrent entre les épithéliums cylindriques et pénètrent dans le protoplasma de ces épithéliums, en se dirigeant de la profondeur vers la surface. Arrivés au voisinage de l’extrémité ciliée des cellules épithéliales, les spirochètes s’incurvent, pour former un arc dont la concavité correspond à la partie basale de ces cellules. Observation IV. — Les alvéoles sont légèrement agrandies et contiennent de rares globules rouges et des macrophages. L’épithélium bronchique est relativement intègre. Les spirochètes sont très rares: ils sont disposés à l’intérieur des vaisseaux. Observation V (pneumonie blanche. Planche II, fig. 5). — A un petit grossissement on constate que le poumon est unifor- mément atélectasique. Les vaisseaux sont dilatés et gorgés de sang, les alvéoles sont, soit aplaties, soit remplies par un exsu- dât riche en cellules. Un fort grossissement permet de voir que le tissu conjonctif périvasculaire est épaissi et infiltré par des petits mononucléaire; çà et là ce tissu est le siège d’une hémor- rhagie assez accentuée. Les alvéoles sont remplies par des gros macrophages à noyau rond ou lobé : elles contiennent parfois quelques polynucléaires et des hématies. Les spirochètes sont en grand nombre. Ils sont disposés autour des gros vaisseaux, s’infiltrent le long des fibres conjonc- tives et abondent également dans les alvéoles pulmonaires. La grande majorité des spirilles contenus dans ces alvéoles sont phagocytés par les grosses cellules mononucléaires qui rem- plissent les cavités alvéolaires . Certains de ces macrophages renferment jusqu’à 5 et 6 spirochètes irrégulièrement disposés et plus ou moins dégénérés. La dégénérescence des spirochètes se traduit par l’irrégularité de leurs ondulations et par la for- mation de renflements le long du filament spirillien, ou à l’une des extrémités du parasite. De là l’aspect variqueux des spirilles intracellulaires. A un stade plus avancé de leur destruction, les spirochètes apparaissent comme fragmentés et finissent par se transformer en granulations, dont la forme est variable et qui retiennent l’argent d’une façon intense. Ce processus rappelle celui qui préside à la transformation des vibrions cholé- riques en granulations de Pfeiffer, à l’intérieur des leucocytes. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 58 Ajoutons que certains gros vaisseaux contiennent quelques spirilles libres. c) Capsules surrénales . Observation III (planche II, fig. 4). — Le nombre des spiro- chètes est considérable La plupart des parasites occupent les espaces qui séparent les fibrilles conjonctives du stroma de la zone corticale; ils sont disposés parallèlement à ces fibrilles et empiètent parfois sur les éléments cellulaires de la glande surré- nale. Dans la zone médullaire, les spirilles sont relativement peu nombreux; ils sont soit libres, soit renfermés dans le corps nrotoplasmigue des cellules glandulaires . Observation IV . — On ne remarque aucune lésion histologique, sauf une hyperhémie et une accumulation de mononucléaires dans la zone médullaire de la capsule. Les spirochètes sont relativement rares. Ils occupent les espaces qui séparent les fibrilles conjonctives du stroma, dans la région médullaire, et flottent librement dans les lacunes, au milieu des hématies et des mononucléaires. La zone corticale est dépourvue de spiro- chètes. d) Rate. Observation I (planche I, fig. 6). — Pas de lésions histolo- giques de l'organe, sauf un épaississement de la tunique interne des vaisseaux folliculaires. Les spirochètes sont en assez grand nombre; ils sont disposés soit en pleines lacunes spléniques, soit surtout autour des gros vaisseaux. Cette disposition péri - vasculaire indique la pénétration des parasites par la voie sanguine. On peut se convaincre de cela lorsqu’on constate que la paroi conjonctive et l'endothélium de certaines artérioles intra-folliculaires sont farcis de spirilles, lesquels deviennent d’autant plus rares que Ton s’écarte du vaisseau. Çà et là on découvre des spirochètes libres à l’intérieur des vaisseaux sanguins. Observation il. — L'hypertrophie de l’organe est due surtout à 1 hyperplasie des éléments cellulaires de la pulpe splénique et à la richesse en sang des lacunes. Le nombre des spirochètes est très minime; les parasites sont logés soit dans la pulpe, soit autour des vaisseaux et à leur intérieur. Observation III. — Absence de spirochètes. ‘ SYPHILIS HÉRÉDITAIRE 59 Observation 1 V. — Mêmes particularités histologiques que dans l'observation II; les spirochètes fort rares occupent la pulpe splénique. Observation V (fœtus macéré). — La macération de l’organe est sensiblement moins accentuée que celle du foie. Elle inté- resse surtout les éléments de la pulpe et respecte relativement les cellules des follicules. Les lympocytes sont encore recon- naissables grâce à la colorabilité de leur noyau: le tissu conjonctif, plus épais qu’à l’état normal, est plus riche en éléments mono- nucléaires. Les spirochètes sont surtout disposés autour des vaisseaux folliculaires et le long des fibres conjonctives du stroma, e) Rein . Observation IV. — Le rein de l’enfant qui fait le sujet de cette observation, le seul d’ailleurs qui présente des particularités dignes d’intérêt, ofire les signes d’une légère néphrite épithé- liale corticale. Les épithéliums des tubes contournés sont tuméfiés et en partie desquamés, leurs noyaux se colorent mal. Les spirochètes sont rares. Ils existent soit dans le tissu conjonctif qui sépare les tubes rénaux, soit à l’intérieur même de ces tubes. Un examen attentif permet de constater la présence de rares spirilles dans le protoplasma des cellules épithéliales qui tapissent certains tubes contournés . f) Pemphigus . Observation II (planche I, fig. 3 : planche II, fig. 6). — Les vésicules de pemphigus débutent par la formation de petites cavités en plein épiderme, cavités qui proviennent d’une vacuo- lisation des cellules épithéliales et de la fonte partielle ou totale* de ces cellules. Au voisinage immédiat de ces vésicules, les élé- ments cornés sont aplatis; ils se desquament et tombent dans la phlyctène où on les retrouve à l’état de débris, mélangés à des leucocytes mono et polynucléaires plus ou moins dégénérés. Les papilles dermiques qui correspondent aux vésicules de pem- phigus, montrent des signes d’inflammation se traduisant par une accumulation de lymphocytes. Les spirochètes fourmillent au point de contact en(re les vésicules de pemphigus et le derme. Assez nombreux au centre- 60 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR même des papilles où ils suivent les fibrilles conjonctives et longent les parois vasculaires, ces spirochètes abondent surtout vers l’extrémité épidermique de ces papilles qui constitue le fond même des phlyctènes. On a V impression que les spirilles envahissant 1 épiderme en procédant de la pro- fondeur vers la surface , des papilles vers les couches profondes de cet épiderme. La pénétration des parasites dans l’épiderme s’opère le long des espaces légèrement élargis qui séparent les éléments épithéliaux; cela se voit aisément surtout au voisinage de la paroi des vésicules pemphigoïdes,là où les cellules épithéliales s’écar- tent les unes des autres et se desquament. A ce niveau, à côté de spirochètes ayant conservé leur aspect normal, on remarque d’autres dont les ondulations sont irrégulières, qui se terminent en boucle, ou qui sont entièrement enroulés sur eux-mêmes. En pleine cavité vésiculaire, le nombre des spirochètes est sensiblement inférieur à celui des parasites que Ton décèle au niveau des papilles et dans l’épiderme. Ces spirilles sont soit libres, soit phagocytés par les éléments polynucléaires qui ont pénétré dans les phlyctènes de pempliigus. Les régions profondes du derme sont pauvres en éléments spirilliens. A ce niveau , on ne rencontre des parasites que dans les glandes sudoripares. Les tubes glandulaires renferment un certain nombre de spirilles droits ou entortillés, irrégulière- ment disposés parmi les éléments épithéliaux qui tapissent ces tubes. Il est difficile de préciser le siège exact des spirochètes par rapports à ces éléments. (Planche II, fig. 3.) Observation III. — Les lésions constatées ressemblent à celles décrites dans le cas précédent. Les spirochètes, moins nombreux, abondent surtout au niveau des lésions plus âgées. Rares dans les papilles dermiques, d’ailleurs peu lésées, les parasites existent en quantité appréciable à l’intérieur même des vésicules de pempliigus. Souvent, on rencontre dans ces vési- cules des parasites nettement agglutinés , rappelant par leur disposition les formations que nous avons décrites dans le foie de l’observation III. A noter également l’existence des spiro- chètes au sein des glandes sudoripares 1 . 1. L’examen du système nerveux (cerveau, moelle, ganglions spinaux, plexus choroïdes) provenant des observations 1 et 111, fait en collaboration avec M.Manoué- iian, nous a montré l’absence de spirochètes dans les tissus. SYPHILIS HEREDITAIRE IY 61 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES Les constatations histo-pathologiques résumées dans le chapitre précédent, nous permettent de formuler un certain* nombre de conclusions destinées à préciser le rôle pathogène joué par le Spirochaete pallicla dans l’hérédo-syphilis. Les voici : I. — L’influence exercée parles spirochètes sur la genèse des lésions viscérales et cutanées de la syphilis héréditaire, ainsi que sur l’allure de l’infection syphilitique du nouveau-né, ressort d’une façon manifeste de l’examen des observations dont nous venons d’exposer les détails. En effet, l’étude des frottis d’une part, celle de la distribution des spirochètes sur les coupes d’autre part, nous montre que les organes les plus riches en parasites sont, par ordre décroissant, le foie, le poumon, les capsules surrénales et la peau. Or, ces organes sont précisément ceux qui, à l’examen histologique et de par leur aspect macros- copique, nous sont apparus comme étant les plus atteints par le processus syphilitique. Le plus grand nombre de spirochètes ont été découverts soit au niveau des lésions d’hépatite interstitielle diffuse (foie silex), soit dans le poumon atteint de pneumonie blanche et les capsules surrénales hypertrophiées, soit enfin au milieu des altérations cutanées du pemphigus. Cette constatation, rapprochée de l’absence ou de la rareté des spirilles dans les viscères ayant conservé leur aspect normal et qui ont été relati- vement épargnés par le processus syphilitique, tels que le cerveau et le rein par exemple, suffit pour écarter définitivement l’hypothèse d’après laquelle le Spirochaete pallida ne serait qu’un agent d’infection secondaire, n’ayant aucun rapport avec la pathagénie de la syphilis. D’ailleurs, deux de nos observations (I et II) montrant la présence d’un grand nombre de spirilles dans les organes internes chez des fœtus mort-nés, ou chez des enfants qui ont succombé après quelques inspirations et qui n’ont rien introduit dans leur tube digestif, rend fort invrai- semblable une telle hypothèse. IL — Particulièrement intéressant nous semble le rapport qu’il y a lieu d’établir entre l’allure générale de l’infection syphilitique du nouveau-né d’une part, et la distribution des spirochètes d’autre part. Les formes aiguës de cette infection, se terminant m ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR rapidement par la mort de Tentant, semblent liées à une distri- bution plus diffuse des parasites de Schaudinn; par contre, dans le cas d’hérédo-syphilis tardive examiné par nous, ces parasites sont localisés dans l’organe qui a été le plus éprouvé par le processus syphilitique, à savoir le foie. Cette localisation des spirilles dans les viscères des enfants issus des parents infectés, permet d’entrevoir la possibilité d’une liérédo-syphilis exclusi- vement splanchnique, évoluant sans aucune manifestation syphilitique du système cutané ou muqueux. Cette forme de syphilis essentiellement viscérale, pouvant précéder l’appari- tion des lésions syphilitiques externes, n’est pas dénuée d’inté- rêt, surtout si Ton tient compte des problèmes de prophylaxie qu’elle peut soulever1. III. — La précision de la voie suivie par l’agent pathogène de la syphilis pour pénétrer dans l’organisme fœtal peut être facilitée par l’analyse des faits exposés dans ce mémoire. Nous ne discu- terons pas ici l’origine paternelle de la syphilis héréditaire, quoique cette origine semble certaine dans notre observation IV. Nous envisagerons exclusivement la source maternelle du virus syphilitique et sa transmission par la voie placentaire. A ce propos, nous désirons insister d’une façon particulière sur la prédominence des spirochètes dans le foie, organe qui est le premier à recevoir le sang chargé de virus au contact du sang de la mère, dans les vilosités placentaires. La glande hépatique étant le premier viscère ensemencé par le microbe syphilitique, il est tout naturel que cette glande ait le plus à souffrir de l’infection et qu’elle contienne le plus de parasites. Nous venons de voir que tout ceci se trouve confirmé d’une part par la constatation de vraies cultures de spirochètes dans le foie (observation III), et d’autre part par l’existence de spi- rilles libres dans la lumière de certains vaisseaux hépatiques. IV. — Si la voie que suiventles spirochètes pour envahir l’orga- nisme fœtal (syphilis maternelle) et pour se transporter d’un organe à l’autre est celle de la circulation sanguine, comme le prouve d ailleurs la disposition périvasculaire des spirilles dans la rate ou le poumon par exemple, il n’en est pas moins vrai que le sang n’est pas le milieu que ces spirilles choi- 1. Voir l’observation que nous avons publiée avec M. Sauvage et le rapport fait, à ce propos, par M. Wallich. ( Société d’ obstétrique, séance du 8 janvier 1906.1 SYPHILIS HÉRÉDITAIRE fid sissent pou r s’y développer . Cela ressort d'une façon très nette de la rareté relative des spirochètes intravasculaire.- rareté qui contraste avec le caractère septicémique des autres spirilloses de l’homme et des animaux (fièvre récurrente, septicémie spi- rillique des poules de Marchoux et Salimbeni). Au contraire, il semble que le spirochète pâle quitte rapidement la lumière* des vaisseaux pour se fixer dans la parmi même des canaux sanguins et pour s’y multiplier. De là, le parasite gagne les cellules nobles et le tissu conjonctif, et s’attaque à ces élé- ments pour les modifier d’une façon plus ou moins profonde. Parmi les cellules pour lesquelles les spirilles de Schau- dinn et Hoffmann montrent une préférence marquée , il y a lieu de citer les épithéliums glandulaires. Il ressort en effet, de nos constatations, que ces spirilles ont la propriété de pénétrer dans le protoplasma relativement intact de certains éléments épi- theliaux, tels que les cellules hépatiques et rénales , les cellules des capsules surrénales et probablement celles des glandes sudoripares. Ce fait est particulièrement important. Il montre combien eût été erroné de souscrire à l’hypothèse suivant laquelle l’agent pathogène de la syphilis s’attaque exclusivement au système vasculaire et conjonctif, hypothèse déduite de la pré- pondérance des lésions des vaisseaux dans le processus syphi- litique. Dorénavant, on doit compter parmi les éléments suscep- tibles d’être influencés parle Spirochaete pullula non seulement les vaisseaux et le système conjonctif, mais aussi les cellules épithéliales qui entrent dans la constitution de certains organes glandulaires. Un problème se pose à propos de la présence des spiro- chètes dans le protoplasma des cellules que nous venons de men- tionner. Il s’agit de préciser si l'existence intraprotoplasmique des parasites est due à leur pénétration active dans des éléments anatomiques ayant gardé toute leur vitalité, ou bien s’il ne s’agit là que d’un phénomène agonique, ayant sa raison d’être dans l’état pour ainsi dire inerte, où se trouvent ces éléments pendant les quelques heures qui précèdent la mort. Pour résoudre ce problème d’une façon satisfaisante, il faudrait pou- voir examiner des tissus fixés à l’état vivant, ce qui est fort difficile à réaliser, étant donné le siège profond des organes qui ont présenté le phénomène dont il est question. Force est 64 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR donc de laisser la question en suspens et ne faire pour le moment qu’enregistrer le fait1. Y. — La pathogénie des lésions qui caractérisent la syphilis nous apparaît très claire, si nous tenons compte des rapports qui existent entre ces lésions et la distribution du Spirochaete pal licla. Les altérations particulières au processus syphilitique intéressent les vaisseaux (endo et périartérite), le tissu conjonctif (infiltration par des mononucléaires et sclérose) et les éléments nobles (dégénérescences parenchymateuses). Doit-on considérer ces altérations comme étant dues à l'influence directe des spiro- chètes, ou bien sont- elles, du moins en partie, attribuables à l'intervention de certains produits solubles élaborés par ces para- sites? Les faits que nous venons d’exposer plaident plutôt en faveur delà première de ces manières de voir. Nous avons cons- taté en effet, que les spirilles pulullent non seulement autour des vaisseaux lésés 2 et parmi les fibrilles conjonctives hyper- trophiées, mais aussi au contact même des cellules nobles et dans le protoplasma de ces cellules. Ces constatations mettent suffisamment au jour X influence directe exercée par les spiro- chètes sur la genèse des lésions syphilitiques 3. VL — Une place à part doit être réservée aux altérations viscé- rales que l’on rencontre chez les fœtus syphilitiques macérés. Il ressort de l’observation que nous avons recueilli en collabora- tion avec MM. Queyrat -et F euillié que la macération n’est pas un processus lié d’une façon directe à l’infection de l’orga- nisme fœtal par le virus syphilitique. Sans insister ici sur les arguments d’ordre expérimental (spirillose des embryons de 1. Si l’on démontrait que l’existence intracellulaire des spirochètes de la syphilis est réellement un phénomène vital, et non pas une conséquence de l’état agonique des éléments anatomiques, on aurait là une explication plausible de la conservation du virus syphilitique pendant les périodes plus ou moins longues qui précèdent l’éclosion des accidents cutanés et viscéraux. Sans consid >rer ce siège intracellulaire des parasites comme un stade dan le cycle évolutif de ces microorganismes, par analogie à ce que l’on sait des protozoaires, on pourrait envisager ce fait comme une des raisons d’être de l’état latent de l’infection syphi- litique. Ln effet , la présence des spirilles dans le corps de certaines cellu'es doit assurer une vitahtr plus longue d ces parasites, en les mettant d l abri de Vinflucnce destructive des éléments phagocytaires. 2. La présence des spirochètes au niveau des vaisseaux atteints d’endo- et de périartérite ressort d’une façon très nette de l’étude histologique du chancre. (V. Levaditi et Manouélian. C. R. delà Soc. deBiolog., vol. LIX, n° 3i, p. ^7-5 9.) 3. Si, au niveau des foyers très nécrosés, les spirochètes sont p us rares ou manquent complètement (foie, observ. IV), cela tient au fait que le processus nécrotisant tîn.t par détruire ces spirochètes. SYPHILIS HEREDITAIRE 65’ poulet *) qui nous ont amené à accepter cette manière de voir, nous rappellerons seulement le fait que, dans cette observation, la macération de certains organes est des plus avancées, sans que l’on puisse constater dans ces organes un nombre trop con- sidérable de spirilles. Pour nous, le processus de macération est un acte autolytique , fermentatif , qui s’exerce vis-à-vis de tissus ayant cessé de vivre , chez des fœtus dont la mort intra- utérine peut être provoquée par une infection spirillienne intense. D’ailleurs, on n’a qu’à tenir compte de la distribution irrégulière des spirochètes dans le foie et surtout dans la rate des fœtus macérés, distribution qui contraste avec la macéra- tion uniforme des tissus, pour refuser tout rôle causal aux spi- rilles dans le mécanisme de cette macération. Digne d’intérêt est le fait de la conservation des spirochètes dans des organes dont les éléments anatomiques ont été pro- fondément altérés parla macération. Cette constatation, que nous avons vu se reproduire au cours de nos recherches sur la spi- rilîose des embryons de poulet, prouve que les spirochètes doivent opposer une certaine résistance vis-à-vis de l’influence détériorante des agents provocateurs delà macération. Bien entendu, lorsque la mort du fœtus date depuis longtemps et que la macération est trop avancée, les spirochètes finissent aussi par céder à l’action destructive de ces agents macérants et se détruisent plus ou moins entièrement. C’est ce qui explique les résultats négatifs que nous avons obtenus, au point de vue de là présence de spirochètes dans les organes, lors de l’examen d'un certain nombre de fœtus macérés. VII. — Un dernier point mérite d’être envisagé ici : c’est le mode suivant lequel l’organisme fœtal se défend contre l’ac- tion morbigène des spirochètes pâles. Nous ne possédons que relativement peu de données ayant trait à cette question. Néanmoins, la constatation d’une phagocytose intense de ces spirochètes réalisée par les macrophages des alvéoles pulmo- naires (Voir observation V, pneumonie blanche) montre que cette défense, en tant qu’on puisse parler d’actes défensifs efficaces chez des êtres qui n’ont pas atteint leur parfait développement. 1. Ces expériences, inspirées par les recherches de M Borrel qui, le premier, a transmis la spirillose de Marchoux et. Salimbeni aux embryous de poulet, seront publiées prochainement. 66 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR est l’œuvre des phagocytes. Qu'il s’agisse là d’un véritable acte phagocytaire suivi d’une digestion des éléments spirilliens dans le protoplasma de ces macrophages, c’est ce que prouvent les altérations subies par les spirilles dans ce protoplasma, telles que leur état variqueux et leur transformation en granules. Ces altérations offrent d’ailleurs plus d’une analogie avec celles que l’on a enregistrées dans des expériences concernant l’englobe- ment du vibrion cholérique par les leucocytes polynucléaires (phagocytose in vitro et in vivo , Bordet, Levaditi, Lôhlein, etc). Elles contrastent avec la conservation des spirochètes qui ont pénétré activement dans des éléments anatomiques dépourvus de propriétés phagocytaires, telles les cellules hépatiques, par exemple. La présence de cette défense phagocytaire chez les rejetons hérédo-syphilitiques, s’exerçant vis-à-vis du spirille de Schaudinn et Hoffmann, s’appuie déplus, sur le fait de la rareté relative des spirochètes contenus dans l'organe splénique (Voir observations II, III et IV), rareté qui contraste avec la richesse du foie en ces parasites. Il a été établi, en effet, que la crise qui préside à la disparition des spirilles au cours de la spirillose des oies et des poules, ainsi que la crise de la fièvre récurrente, sont dues à une phagocytose intense des éléments spirilliens s’opé- rant surtout dans la rate (Metchnikoff, Cantacuzène, Levaditi). A cette phagocytose des spirochètes de la syphilis s’ajoutent également, à titre d’actes défensifs, l’influence détériorante que la réaction mononucléaire d’une part, la sclérose consécutive à cette réaction d’autre part, exercent à l’égard des spirilles pâles. Quoi qu’il en soit, la découverte de cellules mésodermiques en plein exercice de leurs fonctions phagocytaires chez des enfants mort-nés, montre que dès les premiers moments de l’existence, le protoplasma de ces cellules possède déjà la propriété d’en- glober et de digérer les éléments microbiens avec lesquels il se trouve aux prises. VIII. — Ajoutons que nos constatations nous renseignent au sujet du caractère infectieux de certains produits (sécrétions et autres) provenant de syphilitiques, ce qui n’est pas sans offrir quelque intérêt au point de vue prophylactique. Ainsi, la pré- sence de spirochètes libres dans le contenu des bronches et l’existence de ces parasites dans le protoplasma des épithéliums SYPHILIS HÉRÉDITAIRE 67 rénaux, font penser à 1 infectiosité de P expectoration et peut- être à celle de l’urine (Levaditi et Salmon). D’un autre côté, la decouverte de spirdles ayant conservé 1 intégrité de leurs carac- tères morphologiques et tinctoriaux, non seulement dans les papilles dermiques, mais aussi dans le contenu des vésicules de pemphigus *, prouve que ce contenu peut bien devenir une source de contagion. 1. Les spirochètes renfermés dans ces vésicules peuvent être vivants, comme le prouve l’examen des préparations fraîches. Légendes des planches I et II Planche 1. hig. 1. Coupe de foie (observation IY). — h. cellules hépatiques renfer- mant des spirochètes ( s , s')\ h! , h", groupes de cellules hépatiques contenant un certain nombre de spirilles;/,», leucocyte polynucléaire dans le stroma conjonctif; f, élément fibroplastique en plein tissu scléreux. Fig. 2. Coupe de foie (observation I). — e, espace porte entouré de lobules hépatiques parsemés dun grand nombre de spirochètes; s, spirille entortillé; s’, spirochète se terminant par un fouet qui ressemble à un cil: s", spirochète disposé en boucle. Fig. 3. Coupe de peau atteinte de pemphigus (observation II). — e, épiderme, dont les cellules se sont vacuolisées; a, vésicules de pemphigus. contenant des leucocytes mononucléaires (/), polynucléaires (p), et des spirochètes, pa , papille dermique riche en éléments pourvus d’un seul noyau et en spirochètes; s, spirochètes ayant pénétré entre les fentes qui séparent les cellules épidermiques. Fig. 4. Coupe de foie (observation III). — e, espace interlobulaire conte- nant une colonie de spirochètes ( c ); v, vaisseau capillaire dont la paroi est longée par quelques spirilles ; h, h\ éléments hépatiques; à', cellule hépa- tique pourvue d’une vacuole à l’intérieur de laquelle on remarque un spiro- chète disposé en arc de cercle; p, leucocyte polynucléaire. Fig. 5. Coupe de foie (observation II). — v, vaisseau sus-hépatique ren- fermant des globules rouges et des leucocytes (l) ; s, spirochète en pleine lumière vasculaire. Fig. 6. Coupe de rate (observation I). — t», ?/, vaisseaux folliculaires entourés de lymphocytes et de leucocytes mononucléaires ; s\ s", s"', spirochètes disposés dans la paroi vasculaire et parmi les éléments du follicule. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 68 Planche IL Fig. 1. Coupe de foie (observation VI , fœtus macéré). — v. vaisseau dans nn espace porte contenant des débris cellulaires parsemés de spirochètes (s'); p, paroi vasculaire riche en spirilles ( s '") ; s, nombreux spirochètes au niveau de l’endothélium vasculaire; h, groupe de cellules hépatiques altérées par la macération et contenant des spirilles (s") ; h\ cellule hépatique à l’état de vestige, renfermant des grains de pigment. Fig. 2. Coupe de foie, (observation ÏV, foie silex). — p , espace porte avec v , vaisseau, et b , canal biliaire; s, foyer de sclérose ; l, c, lobules hépa- tiques dissociés par le processus scléreux. Fig. 3. Coupe de glande sudoripare , faite au niveau du pemphigus (observation II). — g , lumière glandulaire ; c, tissu conjonctif environnant; s, spirochète au niveau de l’épithélium; sr, s", spirochètes entortillés. Fig. 4. Coupe de capsule surrénale faite au niveau de la zone médul- laire (observation III). — c, cellule glandulaire, renfermant deux spirilles (s') ; 5, extrémité d’un spirochète contenu dans le protoplasma d’un élément capsulaire ; c", spirille intracellulaire. Fig. 5. Coupe de poumon atteint de pneumonie blanche (observation Y). — a , alvéole pulmonaire renfermant des leucocytes polynucléaires (p)etdes macrophages ; m, élément mononucléaire ayant englobé des spirochètes ; certains de ces spirochètes sont transformés en granules ; m' , m\ m,n, macro- phages contenant des spirilles; v , vaisseau. Fig. 6. Coupe de peau atteinte de pemphigus (observation II). — c, couche cornée de l’épiderme (e); f, plilyctène de pemphigus; v, vésicules intraépidermiques; p, papille dermique riche en éléments mono et polynu- cléaires ; i, foyer d’inflammation périvasculaire. Fig. 7. Coupe d’une bronche (observation III). — b, lumière delà bronche ; e, e' , e", épithéliums bronchiques renfermant des spirochètes; s, paroi bronchique contenant des spirilles ; v, vaisseau1. 1. Toutes ces préparations ont été déssinées à la chambre claire avec l’im- mersion Zeiss (12e) et l’oculaire compensateur n° 6, exception faite des coupes représentées par les figures 2 et 6 de la planche II, qui ont été reproduites à T'aide du même oculaire et de l’objectif n° 3. COMIBliTION i L’ÉTUDE Dü ÉffiGOME Pau P. VANSTEENBERGHE et Chef de laboratoire à l’Institut Pasteur de Lille GRYSEZ Médecin-mjjor de 2e classe. L’étude bactériologique de la méningite cérébro-spinale est restée jusqu’ici assez confuse, malgré les nombreuses recherches auxquelles cette maladie a donné lieu au cours de ces dernières années. Dans certains cas qui ne laissaient aucun doute au point de vue clinique, on a trouvé des espèces microbiennes si dissem- blables qu’il est permis de croire que la méningite épidémique n'est pas une affection spécifique : tantôt on a isolé le ménin- gocoque de Weichselbaum, tantôt le pneumocoque, et souvent aussi des diplocoques à caractères peu précis. Pourtant, parmi ces microbes, le méningocoque est celui qui paraît à l’heure actuelle un des agents les plus fréquents de l'infection typique. Malheureusement, le diagnostic bactériologique de cette espèce est difficile, parce qu’un certain nombre de ses caractères sont mal définis et surtout parce qu’il ne se prête pas à la reproduction expérimentale de la maladie chez les animaux. Or, après un certain nombre de tentatives infructueuses, nous avons eu l’occa- sion de rencontrer un méningocoque particulièrement virulent qui nous a permis d’étudier la méningite cérébro-spinale expé- rimentale et les conditions diverses de son apparition : ce sont les résultats de nos recherches que nous allons exposer. A. Propriétés du méningocoque virulent. — Le méningocoque que nous avons étudié a été retiré, par ponction lombaire faite pendant la vie, chez un malade mort en deux jours de méningite cérébro-spinale suraiguë. Très abondant dans le. liquide céphalo- rachidien, intracellulaire, phagocyté par les polynucléaires, il présentait l’aspect caractéristique du diplocoque en grain de café, à éléments de taille très variable, se colorant bien par les couleurs d’aniline : bleu.de méthylène ou thionine phéniquée; certains éléments apparaissaient dégénérés, vacuolés. prenant 70 ANNAL liS DE L’INSTITUT PASTEUR mal la couleur, ainsi que l’avaient signalé Weichselbaum et Jager, mais tous restaient fortement colorés par la méthode de Gram. Ses caractères de culture sont les suivants : H ne se développe pas en eau peptonisée et en gélatine. Il pousse à peine sur pomme de terre, un peu mieux en bouillon, sur gélose ordinaire et sur sérum coagulé, et plus abondamment sur les milieux préparés avec le liquide de l’ascite. En bouillon-ascite, en particulier, la culture se fait assez bien en vingt-quatre heures : il se dépose sur les parois du tube de petits grumeaux qui tombent au fond : le liquide reste clair. Sur gélose-ascite les colonies peuvent atteindre 2 millimètres de diamètre, elles sont transparentes. La culture est peu abondante en sérum pur de lapin ou en bouillon sérum. En milieux anaérobies le développement est toujours nul. Tous ces caractères sont semblables à ceux que Weichsel- baum et ses élèves ont attribués aux cultures du Diplococcus in 1 racellularis men ingi tidis . Nous avons observé, comme Betten court et Lepierre, dans les cultures et in vivo , une auréole à peine accusée, beaucoup moins nette que la capsule du pneumocoque et très difficile à déceler. Le microbe èultivése colore aussi facilement que celui retiré de l’organisme et se teint fortement par la méthode de Gram. C’est sur ce mode de coloration que presque tous les auteurs ont basé le diagnostic bactériologique du méningocoque ; et l’on a décrit toute une série de diplocoques, que Weichselbaum refuse d’ailleurs de reconnaître pour des méningocoques, suivant qu’ils étaient colorés ou qu’ils ne se coloraient pas par le procédé de Gram. De nombreux observateurs ont bien essayé de montrer que cette réaction est inconstante, mais leurs conclusions ont été fortement battues en brèche. Comme nous allons le voir, il s’agit là d'un fait absolument contingent. Dans l’organisme et dans les milieux de culture, notre méningocoque prenait le Gram ; mais dans les milieux peu nutritifs, comme le bouillon simple ou le bouillon-sérum . Oeorge, Bcrliner Tierarztlische Wochenschrift , 1904, p. 3. 86 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR De notre côté, nous avons été en présence d’un cas semblable de contagion. Un agriculteur des environs de Paris nous apporta, un jour de Tannée dernière, 2 poules dans lesquelles il fut facile de mettre en évidence une pasteurella. Les poules de sa ferme mouraient lentement, une à une, avec les symptômes du choléra des poules. L’épizootie avait débuté à la suite de J introduction dans la ferme de 4 jeunes porcs, dont 2 présen- tèrent quelques jours après des signes si manifestes de maladie qu’ils furent abattus. Les poules allaient picorer dans la porcherie; elles étaient saines avant l’arrivée des porcs et aucune basse-cour des environs n’était atteinte de choléra. Il •est il peu près certain que les poules avaient été contagionnées par les deux porcs malades. Toutes ces observations conduisent à penser qu’une pasteu- rellose d’une espèce animale donnée peut faire naître une pasteu- rellose sur une espèce différente. En passant d’une espèce à l’autre, une pasteurella acquiert, •en effet, un pouvoir pathogénique nouveau. C’est ce qu’il est possible de reproduire expérimentalement. 111 PASSAGES D’üN TYPE DE PASTEURELLA DANS UN AUTRE TYPE La pasteurella porcine virulente, à sa sortie du porc, tue d’emblée le pigeon et les petits oiseaux, mais se montre beau- coup moins funeste à la poule. D’après les résultats de nos expériences, on peut considérer une mortalité de 1 poule sur 2 inoculées, comme une moyenne; mais il est facile d’augmenter cette virulence du microbe de porc pour la poule. Partant du microbe qui ne tue qu’une poule sur deux, après quelques psssages par cobayes inoculés sous la peau, nous avons tué de jeunes poussins dont le sang a donné un virus mortel à coup sûr pour la poule. En essayant de remonter la virulence seulement par la poule, nous n’avons pas réussi, peut- être n’avons-nous pas tenté assez d’essais. Ainsi, le 20 janvier 1904, 4 poules reçoivent chacune dans le pectoral :gauche J/8 de c. c. de culture de past. porcine virulente. Le ne* 1 meurt en LES PASTEURELLA 87 4 jours, le n° 2 en 11 jours; elles ont toutes deux le sang rempli de cocco- bacilles. Les nos 3 et 4 résistent. La culture du sang de la poule 1 est inoculée le 26 janvier à 2 poules nouvelles dont l’une résiste; l’autre meurt 5 joués après l’inoculation. La culture du sang de cette poule de 2e passage est inoculée, toujours à la dose de t/8 de c, c., le 1er février, à 2 poules, qui paraissent abattues pendant 2 jours, mais qui se remettent et résistent. ‘ Au lieu d’acquérir une virulence plus grande, le microbe së serait plutôt même atténué. . q Notre virus de pasteurellose porcine était entretenu par des passages par cobayes inoculés sous la peau. De sorte qu’e/j avril 1904, le virus employé ne différait de celui de l’expérience précédente que par deux ou trois passages par cobayes. Le 20 avril, 4 poussins âgés de 15 â 20 jours sont inoculés dans le pectoral par 1/8 de c. c. de culture sang de cobaye;’ 3 méurent après 15 heures, le 4e après 24 heures. Le sang du poussin' mofrt le premier est inoculé, à la dose de 1/8 de c. c., dans le pectoral d’un coq adulte, le 21; ce coq meurt 20 heures après l’inoculation, avec le sang très riche en microhes typiques. Deux poules reçoivent, toujours, dans le muscle, 1/8 de c. c. du sang du coq; elles sont trouvées mortes respectivement après 36 heures et 11 jours. Le sang de ces poules, conservé à la glacière, en ampoules, a toujours donné des cultures mortelles pour la poule.. 1 . .. q De sorte qu’une pasteurella porçine paraissant bien fixée dans son pouvoir pathogénique pour la poule, comme le montre l’expérience du 20 janvier, est devenue une véritable pasteurella aviaire. Mais la modification de la virulence acquise par d’autres pasteurella est encore plus nette. Nous avons amené celle du mouton, au début tout à fait inoffensive pour la poule, à Fét,at de véritable virus de choléra des poules. Le microbe employé, comme la plupart de ceux étudiés ici, provient de la collection de l’Institut Pasteur conservée aveè tantde soin parM. leDr Binot, et avait été donné par 31. Lignières, L’expérience suivante donne la mesure de son activité aû moment où nous avons commencé sort étude. ‘‘ 1 ' • • r ' y ■ | Le 12 mars 1904, une culture de 24 hèures! en bouillon est inocuiéç, f raison de 1/4 de c. c., dans le pectoral de! 4 poules, — et de 1/8 de, c. c-, sous la peau du flanc de 2 lapins et de 2 cobayes. Les poules ne paraissent pas malades, et elles supportent de mênhe une inoculation de 1 c. c. de culture du même virus, le 27 avril suivant. Les v 2 lapins meurent après 88 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 36 heures et .3 jours, avec. le Sang, le' foie et la rate bourrés du coccobacille. inoculé. Des 2 cobayes, l’un résiste, avec élimination du virus par un abcès, et l’autre est trouvé mort 9 jours après l’inoculation, avec de nombreux microbes dans le sang du cœur. Dans le but de modifier le pouvoir pathogénique de cette pasteurella du mouton, nous faisons, à partir du 16 mars, une série de passages par lapins. A chaque passage, c’est le sang du dernier lapin mort, pris dans le cœur, qui est inoculé, à la dose de 1/8 de c. c., sous la peau du flanc du lapin suivant. Dès les premiers passages la mort survient après 15 heures* puis après 12 heures, et jusqu’au 32e passage, le dernier qué nous ayons fait, les animauN meurent entre la 11e et la ■12e heure. .... . i ^ f ' , Le 7 novembre, la culture de ce virus de 32e passage est 'essayée sur des poules èt des lapins dans l’expérience suivante : •' Le 8 novembre, 6 poules èt 4 lapins reçoivent la culture citée ; les •2 poules àla dose de 1 c. Cv dans le pectoral, 2 lapins à la dose de 1/8 de c. c. %ons la peau du flanc; les 2 autres ont seulement les narines mouillées avec un tampon de ouate. Les 6 poules meurent en 30-36 heures avec beaucoup de microbes dans e sang et les organes. Les deux lapins inoculés meurent en 42 heures et #'es deux autres en 36 heures et 16 jours. Le dernier de ces lapins, mort • krdivement, a succombé à une véritable pneumonie, analogue à celle de la dorme chronique de la septicémie; spontanée du lapin. /iprès 32 passages par lapins, la pasteurella ovine se trouve avoir exactement le pouvoir pathogène du choléra des poules, pour les animaux de laboratoire ; et aucun caractère ne permet -plus de distinguer entre eux ces deux virus. M. Guérin considère comme agentde la diphtérie des volailles une pasteurella qu’il a isolée de fausses membranes sympto- matiques ‘.Quoique retirée de la poule, cette variété de pasteu- rella se distingue nettement du microbe du choléra par son incapacité à acquérir une virulence suffisante pour tuer la poule par septicémie. Et en effet, le microbe virulent, que M. Guérin a eu l’amabilité de nous faire parvenir, ne paraît pas rendre la poule malade, inoculé, en culture, à la dose de 1 c. c. dans les muscles pectoraux. Même, contrairement à ’ 4. Gué u in, Annales de V Institut Pasteur, décembre 1901, p. 941. .* r LES PASTEC KELLA 8$ toutes les autres, par passages successifs sur le lapin, cette pasteurella aurait la propriété de s'atténuer, aussi bien pour le lapin que pour le pigeon; après le 24e passage, M. Guérin ne tue plus le lapin qu’en 4 à 5 jours, au lieu de 48 heures à la première inoculation 1 . Depuis son mémoire de 1901. M. Guérin a dû réussira modifier cette curieuse propriété, càr le virus qu’il nous adonné se comporte comme toutes les autres pasteurella, c’est-à-dire qu’il acquiert très facilement et très vite une grande virulence pour le lapin. 3 passages par cet animal, précédés de 3 passages par pigeons, ont suffi à élever la virulence à un degré tel que le lapin ne survit que 10 à 12 heures à 1 inoculation. La pasteurella de la diphtérie aviaire a donc un pouvoir pathogène calqué à peu près exactement sur celui de la pasteu- rella du lapin. Nous nous sommes alors demandé si cette dernière, employée suivant la technique de M. Guérin, donnerait un tableau pathologique ressemblant à celui qu il obtient en inoculant son microbe dans le tissu conjonctif de la paupière inférieure du pigeon. Or nous avons obtenu, avec le microbe authentique de lapin, des fausses membranes typiques sur la cornée, à l’entrée des. narines et dans le pharynx. Mais ces fausses membranes ne sont nettes que si la mort survient un peu tardivement : 2 pigeons morts en 7 jours les présentaient fort abondantes, tandis qu’un pigeon de la même série, mort en 3 jours, n’en portait presque pas. Cette propriété de donner des fausses membranes est générale pour toutes les pasteurella. lorsque les animaux peuvent sur- vivre quelques jours à l’infection. La pasteurella isolée par M. Guérin dans la diphtérie a\iaire ne se sépare donc pas des autres variétés; elle pourrait peut- être même être confondue avec celle du lapin. TV VACCINATION PAR UNE PASTEURELLA CONTRE UNE AUTRE PASTEURELLA* Les modifications expérimentales de la virulence que nous venons d’examiner montrent déjà ce que vaut le seul caractère' 1. Guérin, Loc . cit., p. 943; 90 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR -distinctif des pasteurella entre elles : le pouvoir pathogène. L’étude de l’immunité conférée à un organisme par l’une d'elles à l’égard des autres apporte une preuve plus frappante encore de la parenté très étroite de ces divers microbes. Jensen 1 avait déjà montré que les poules qui ont été ino- culées avec la bactérie de la pleuropneumonie septique des veaux possèdent l’immunité contre le choléra des poules. Kitt2 3, dans des publications récentes, montre que des lapins immunisés contre le B. suisepticus le sont également contre le microbe des poules. Nous avons été amenés à cette étude des immunités réciproques conférées par les différentes pasteurella lorsque nous avons eu des animaux de laboratoire bien vaccinés contre l’une d’elles. Nos premières recherches avaient porté presque exclusivement sur le microbe de la Schweineseuche ou pneu- monie des porcs. Dès le mois de mars 1903, nous savions vacciner le lapin contre la pasteurella porcine expérimentale, tuant les témoins en moins de 12 heures. Car, contrairement aux con- clusions de Yoges % il est possible de vacciner contre la pasteu- rella aviaire ou la pasteurella porcine, et solidement même, des animaux très sensibles, comme le lapin. Il est évidemment très difficile d’obtenir des vaccins à la fois assez inoffensifs et suf- fisamment immunisants. Mais par toutes les méthodes connues d’atténuation, il est possible avec delà patience, d’obtenir de bons vaccins vivants. Notons en passant que l’atténuation peut être poussée si loin que le microbe est devenu un véritable saprophyte, incapable de tuer de très jeunes souris par inocu- lation intra-péritonéale. Les mêmes microbes, tués par divers procédés, peuvent donner également une immunité non douteuse aux animaux de ^laboratoire auxquels ils sont inoculés. Les expériences suivantes montrent l’immunité très nette que l’on peut conférer au lapin par des vaccins vivants ; elles prouvent, en outre, qu’un animal vacciné contre la pasteurella ^porcine l’est également contre le choléra des poules. 1. Jensen, Monatshefte fur Thierheilhunde , t. II. 1890, p. 1. 2. Kjtt, Monatshefte f9 T,, 20 avril 1905, p. 461. 3. VogeSj Zeitschrift f ur Bijgiene , B. 23, p. 159. LES PASTEURELLA 91 Le 20 juin 1903, 2 lapins de 2,380 grammes et 2,330 grammes sont inoculés sous la peau du flanc gauche par un premier vaccin, à la suite duquel ils ont tous deux un œdème du volume d’une grosse noix. Un mois après, ils pèsent 2,710 grammes et 2,180 grammes; ils sont réinoculés par un second vaccin sous la peau du flanc droit. Ce second vaccin ne détermine chez les 2 lapins qu’une réaction locale insignifiante. Les 2 animaux augmentent de poids; au 1er août, ils arrivent aux chiffres respectifs de 2,880 grammes et 2,350 grammes. A ce moment, les œdèmes causés par le premier vaccin ont disparu par résorption. Une nouvelle inoculation est alors faite sous la peau du flanc droit avec 1/8 de c.c. de culture de pasteurella porcine virulente. Un lapin témoin, qui subit cette même inoculation, meurt après 15 heures; les 2 lapins vaccinés ne paraissent pas malades, mais tous deux ont des œdèmes, 24 heures après l’injection; chez le premier, fœdème grossit jusqu’à atteindre la taille d’une très forte noix, puis reste stationnaire; chez l’autre, l’œdème de même grosseur s’ouvre en abcès qui se cicatrise ensuite. Au 24 septembre, près de 2 mois après 1 inoculation virulente, l’œdème du premier n’est pas entièrement résorbé, et l’abcès du second non complètement fermé; mais les 2 animaux pèsent 3,400 grammes et 2,879 grammes. Ils sont alors réinoculés une seconde fois, à gauche, cette fois-ci, par 1/8 de c.c. de virus virulent tuant le témoin en 12 heures. La réaction locale est à peu près nulle; le premier lapin se maintient au poids de 3,400 grammes; le second perd, en un mois, 200 grammes, qu’il reprend peu à peu. Les deux lapins sont dès lors solide- ment vaccinés. A la fin de Tannée 1903, les résultats heureux obtenus sur les poules par (les inoculations préventives de pasteurella porcine nous engagent à tenter l’épreuve inverse sur des lapins vaccinés contre le microbe de porc. Le 18 décembre, les 2 lapins dont nous venons de suivre l’immunisa- tion, et 2 lapins neufs sont inoculés chacun par 1/8 de c.c. de culture de 24 heures de bacille du choléra des poules. Les 2 témoins succombent en moins de 15 heures; les 2 immunisés ne paraissent pas malades. Les jours suivants, ils ont un peu d’œdème au point d’inoculation, mais ils augmentenl de poids. Le 16 janvier, ils n’ont, au point d’inoculation du dernier virus, qu’une petite induration sous-cutanée de la grosseur d’une noisette. Ils con- tinuent à bien se porter, et supportent ultérieurement plusieurs injections de pasteurella porcine virulente. Cette suite d’inoculations prouve surabondamment la pos- sibilité d’une vaccination solide contre les pasteurella, et elle montre en outre que l’immunité contre l’une d’elles est valable contre une autre. Car cette résistance des lapins vaccinés par la pasteurella porcine contre la pasteurella aviaire n’est pas 92 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUli une exception tenant, soit à l'espèce animale (lapin), soit aux relations particulières pouvant exister entre ces deux variétés de pasteurella. Les poules ayant subi, sans en périr, des inoculations du. microbe du porc, peuvent être vaccinées ainsi contre le choierai des poules ; cette immunisation est même beaucoup plus facile* que chez le lapin. Voici Fune des premières expériences que nous ayons tentées dans cette voie. Le 10 juin 1903, 4 poules sont inoculées par 1/8 de c. c. de culture de virusdeporc ; leurs poids sont alors : no 1, 1,760 grammes, no 2, 1,359 grammes, n°3, 2,160 grammes, no4, 1,250 grammes. Le no 2 meurt en 3; jours et demi ; les 3 autres sont visiblement éprouvées : 13 jours après, le no 1 ne pèse plus que 1,560 grammes, le no 3, 1,910 grammes, le n°4, 1,100 grammes. Malgré cet amaigrissement, les 3 poules survivantes sont réinoculées le 23 juin par 1/4 de c. c. d’une nouvelle culture du même virus. Les nos \ et 3 conti- nuent à maigrir jusqu’au 3 juillet, où elles ne pèsent que 1,470 et 1,690 grammes, la 4e se maintient à son poids de 1,100 grammes. A ce jour, elles sont réinoculées toutes trois par 1 c. c. du même virus; 14 jdurs plus tard, les 3 poules sont éprouvées par une inoculation de 1/8 de c.c. de culture de pasteurella aviaire virulente, dans le pectoral, en même temps qu’une poule témoin. Celle-ci meurt en 50 à 60 heures : des 3 vaccinées, la poule no 1 est très éprouvée ; elle se met en boule, refuse de manger et se cachectise; le 28 juillet, 11 jours après, elle ne pèse que 970 grammes, elle meurt du 29 au 30 ; les poules nos 3 et 4 supportent très bien l’inoculation virulente ; elles augmentent de poids; au 28 juillet elles pèsent 1,680 et 1 ,380 grammes, et au 10 août 1 ,730 et 1,420 grammes.. A cette dernières date, elles sont de nouveau éprouvées par 1/8 de c. c„ de culture de pasteurella aviaire virulente, qu’elles supportent parfaitement. Ultérieurement, elles résistent à plus de dix inoculations de doses croissantes- de coccobacille du choléra des poules*. Citons encore Fexpérience suivante, qui conduit aux mêmes résultats : Le 8 février 1905, 4 poules reçoivent dans le pectoral 1/4 de c. c. de cul- ture d’une race de B. suisepticus , envoyée à la collection de l’Institut Pasteur par M. Wassermann. Le 20 du même mois, ces 4 poules sont inoculées une seconde fois par 1/8 de c. c. d’une culture très virulente daine autre race du même bacille (origine Preisz). Elles supportent bien ces deux inoculations. Au 22 mars, l’immunité qu’elles ont dû acquérir est éprouvée par l’inocula- tion à chacune d’elles de 1/8 de c. c. de pasteurella aviaire virulente. 2 pou- les neuves, qui reçoivent en même temps la même dose de virus, meurent en 3 jours; l’une des 4 poules traitées succombe aussi, en 2 jours; les 3 autres résistent. Elles sont bien vaccinées, car elles supportent encore 1/8 de c. c. de choléra virulent le 5 avril, tandis que 2 poules témoins périssent en 36 heures LES PASTEURELLA 93 Toutes ces poules, comme les lapins cités plus haut, sont immunisées contre la pasteurella aviaire, et cette immunité leur a été conférée par une pasteurella différente, celle du porc. Nous disions plus haut que cette vaccination contre le virus du choléra des poules par celui de la pneumonie des porcs ne tenait pas à une parenté plus étroite entre ces deux variétés du même groupe: on peut en effet vacciner contre le choléra des poules au moyen de toutes les pasteurella. Celle du lapin, que nous avons isolée d’une maladie spontanée, peut être consi- dérée comme un bon vaccin de choléra des poules. Kitt 1 a lui aussi signalé le fait. D’après Lignières, le lapin n’aurait « pas une pasteurellose qui lui soit propre. Naturellement ou expérimentalement, cet animal peut s’infecter avec toutes les pasteurella ». Le microbe que nous a\ons isole d une i limite contagieuse sévissant sur des lapins apportés à l’Institut Pasteur appartenait-il à une variété de pasteurella soit porcine, soit bovine, soit ovine ou autre? Nous n’avons pas pu le vérifier; mais, sûrement, il n’était pas du type aviaire, comme l’entend Lignières. Inoculée à la poule à la dose de 5 c. c. dans le péritoine, la culture en bouillon de ce microbe ne la rend pas même malade. Cette même culture tue 1 pigeon sur 2 (moyenne) à la dose de 1/8 de c. c. dans le pectoral. Ce virus de lapin, si moffensil pour la poule, la vaccine ties nettement contre le choiera des poules. Voici, entre autres, quelques expériences qui le prouvent bien. Le 24 mai dernier, 4 poules sont inoculées par 1/4 de c. c. de Culture de septicémie du lapin ayant lait 7 passages par cobaye. 9 jours après, 2 de ces poules sont inoculées une seconde fois par 1/4 de c. c. de culture du cobage de 14e passage ; les 2 autres ne sont pas réinoculées. Le 14 juin, ces 4 poules et 2 poules témoins reçoivent 1/8 de c. c. de culture de choléra des poules virulent dans le pectoral. Des 2 témoins, l’une meurt en 12 heures; l’autre prend la maladie chronique, se cachectise et meurt 2 mois après. Les 2 poules n’ayant reçu qu’une fois de la pasteurella du lapin meu- rent également, l’une en 10 jours, 1 autre après 3 mois 1/2, par cachexie. De celles inoculées 2 fois par le microbe de lapin, l’une résiste et supporte une nouvelle inoculation virulente le 7 novembre; l’autre meurt en bon état sans avoir paru malade, le 28 octobre suivant, après 4 mois et 14 jours; son sang ne donne aucune culture; elle n’est pas morte des suites de 1 inocu- lation d’épreuve. 1. Kitt. Septicémie hémorragique pluriforme, dans le t. II du Traité de bactè riologie Kolle et Wassermann. 94 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Encore une expérience sur le même sujet : 6 poules sont inoculées dans le pectoral gauche, le 10 octobre dernier, par 1 c. c. chacune de culture de pasteurella du lapin. Elles sont réinoculées' le 23 par 1 c. c. de culture du même virus dans le pectoral droit. Elles sont ensuite éprouvées, le 7 novembre, par 1/8 de c. c. de culture de choléra des poules très virulent, tuant 4 poules témoins à la dose de 1/1000 de c. c. en 36 heuies, 40 heures, 48 heures et 60 heures. 3 sur 6 succombent à celte épreuve très sévère ; elles sont trouvées mortes le 10 novembre au matin ; les 3 autres résistent très bien. 4 poules d une autre série ont été vaccinées, aux mêmes dates, par les mêmes doses des mêmes vaccins; mais, de même que les 4 poules témoins, celles de cette série ne reçoivent que 1/1000 de c. c. de virus de pasteurella aviaire à 1 inoculation d’épreuve. Une seule meurt en 36 heures; les 3 autres survivent et vont bien jusqu’à ce jour. Aucun amaigrissement n’est constaté chez les 3 poules restant de la lre série, ni sur celles de la 2e série. Voici enfin une 3e expérience, montrant que le sang d un animal moi t par la pasteurella du lapin vaccine mieux que la culture du même sang. Le 7 juin 1905, 2 poules sont inoculées dans le pectoral, chacune par 1/2 c. c. de sang d’un cobaye de 17e passage de septicémie du lapin. Le lendemain, 2 autres poules reçoivent 1/2 c. c. de la culture du même sang. Aucune de ces poules n'est malade les jours qui suivent. Le 20 juin, elles sont éprouvées en même temps qu’une poule témoin par 1/8 de c. c. de culture de pasteurella aviaire virulente. Le témoin succombe en 36 heures; les 2 poules inoculées par la culture meurent également, en 36 heures et 60 heures; les 2 autres ayant reçu le sang de cobaye résistent; elles étaient vaccinées. Cette différence entre le pouvoir immunisant du sang et celui de la culture n’est pas toujours aussi nette, mais elle est constante. On pourrait peut-être encore penser que ce coccobacille extrait du lapin est trop voisin de celui du choléra des poules, dont il ne serait qu’une variété atténuée pour la poule. Mais répétons la même expérience avec Y une des pasteurella qui seraient, d’après Lignières, le plus nettement différenciées de la pasteurella aviaire, celle du cheval, et celle même que Lignières a procurée à la collection de l'Institut Pasteur. Le 11 mars 1904, 4 poules sont inoculées, chacune dans le pectoral, par 1/4 de c. c. de culture de 24 heures de pasteurella équine virulente; aucune LES PASTEURELLA 95 n’est affectée par cette inoculation. Une 2e injection de 1 c. c. dans le pec- toral opposé, pratiquée sur ces 4 poules le 27 avril suivant, ne paraît pas les toucher davantage. Le 13 mai, elles sont alors éprouvées, en même temps que 2 poules témoins, par 1/8 de c. c. de culture de choléra virulent. Les 2 poules témoins meurent en 36 heures et 60 heures ; l’une des 4 poules préalablement inoculées de pasteurella équine succombe également en 60 heures; mais les 3 autres résistent et supportent ultérieurement d’autres inoculations de pasteurella aviaire virulente. Elles sont bien vaccinées. Voilà donc la pasteurella équine, plus éloignée du virus du choléra des poules que la pasteurella du lapin , car elle ne tue pas même le pigeon d’emblée, et difficilement les petits oiseaux, qui vaccine à peu près aussi solidement contre la pasteurella aviaire. Nous pouvons citer d’autres exemples de vaccinations de pasteurella l’une par l’autre. Les lapins vaccinés contre le microbe de la pneumonie des porcs supportent impunément l’inoculation du virus de septi- cémie du lapin, mortelle pour les témoins. Le 25 mai 1905, 4 lapins bien vaccinés contre la pasteurella porcine (ayant subi outre les vaccins, au moins une inoculation virulente) et 2 lapins neufs sont inoculés par 1/8 de c. c. de culture de pasteurella du lapin, sous la peau. Les 2 témoins meurent, l’un dans la nuit du 26 au 27, l’autre dans la nuit du 27 au 28. Les 4 lapins vaccinés contre le microbe de porc ont un peu d’œdème au point d’inoculation pendant les jours qui suivent, mais 1 inocu- lation ne laisse aucune trace au 14 juin. Nos dernières expériences viennent de nous montrer que l’immunité du lapin vacciné contre la pasteurella porcine s’étend aussi à la pasteurella trouvée par M. Guérin dans la diphtérie aviaire. Le 14 décembre dernier, 2 lapins neufs et 2 lapins vaccinés contre le microbe de porc sont inoculés sous la peau par 1/8 de c. c. de sang d’un lapin mort par la pasteurella de Guérin. Les 2 lapins neufs meurent en 12 heures et 15 heures, tandis que les 2 lapins vaccinés résistent avec un léger œdème au point d’inoculation. Toute cette suite d’exemples est suffisante pour prouver que l’immunité active, acquise par un animal sensible contre une variété de pasteurella, s’étend aux autres. Elle n’est évidemment pas également complète vis-à-vis de m ANNAL US DE L’INSTITUT PASTEUR toutes, car-il n’y a pas identité entre toutes les pasteurella, mais elle suffit à montrer que toutes proviennent d’un seul microbe ayant acquis des propriétés pathogènes, des qualités virulentes, une « physionomie pathologique » variable, en partie fixées par une longue suite de passages chez les différentes espèces animales. L'étude des propriétés d’un sérum spécifique montre la grande variabilité de ces qualités acquises. V PROPRIETES D UN SÉRUM PRÉPARÉ AVEC UNE SEULE PASTEURELLA Pour produire un sérum antipasteurellique, nous nous sommes adressés au cheval, que nous n avons pas eu de peine à bien immuniser. Les inoculations ont toujours été faites sous la peau. Craignant les accidents que plusieurs bactériologistes avaient éprouvés au cours d'immunisations semblables, les vaccins employés d'abord étaient tout à fait inoffensifs, même pour le lapin. La première inoculation de vaccin eut lieu le 26 avril 1904 ; 5 vaccins de virulence graduée furent donnés, sans jamais provoquer ni réaction thermique sensible ni œdème. Un virus moyennement virulent fut injecté pour la première fois, à 10 c. c., le 7 juin; une réaction thermique de 1° pendant la soiree du même jour et un peu d’œdème vite résorbé en furent les seules conséquences. Quatre inoculations de ce virus furent faites jusqu'aux vacances de 1904, sans provoquer d’œdème, mais il y eut chaque fois une élévation sensible de la température (0°,S à 1°). Le 14 octobre, les injections de virus sont reprises; on se sert d'un virus plus virulent de même origine (Preisz). Il n'y a toujours pas d’œdème, mais la température monte vers 40°, et ne redescend aux environs de 38° qu'après 3 ou 4 jours. Le 6 décembre, on commence les inoculations du virus le plus virulent que nous ayons alors. 11 se forme, au point de la piqûre, un petit œdème dur qui s’ouvre quelques jours après, et la température monte à 40°. Du 6 décembre 1904 au 15 juin 1905, 14 inoculations de virus très virulent sont pratiquées; chaque fois, la température monte entre 39 et 40°, et il se produit, au LES PASTEURELLA 97 niveau de la piqûre, un petit œdème mou qui se résorbe en 3 ou 4 jours; 3 fois seulement, 1 œdème s’est transformé en un petit abcès vite cicatrisé. Ce cheval, qui avait reçu en tout 1,165 c. c. de virus viru- lent, de la seule origine Preisz, paraît subitement très malade le 9 juillet au matin; il a 40°, 2 de température; il meurt à midi. A 1 autopsie, on reconnaît que la cause de la mort est une hémorragie du foie, lequel est réduit en véritable bouillie. 11 avait été saigné 3 fois : le 7 février à 2 litres; le 1er mars à 4 litres, et le 28 juin à 4 litres. 1. Propriétés agglutinantes du sérum. — 11 est tout d’abord intéressant de voir comment se comporte ce sérum, produit par une seule race de pasteurella, au point de vue de l'agglutination des cultures de différentes autres races. Le sérum agglutine les cultures à l’état naissant, et les cultures de 24 heures. Les pasteurella employées dans les épreuves d agglutination sont : la pasteurella porcine envoyée il y a quelques années à l’Institut Pasteur par M. Preisz et qui est celle employée à l’immunisation; 3 autres races de pasteurella porcine, isolées par nous d’épidémies sévissant en Charente, en Eure-et-Loir et en Hongrie; nous leur donnons ci-dessous le nom de leur origine; 3 races données à l’Institut Pasteur par M. Wassermann et conservées à la collection sous les nos I. II et III; puis une race de pasteurella aviaire (choléra des poules), une race de pasteurella de diphtérie aviaire (que nous devons a 1 obligeance de M. Guenn); enfin, une race de chacune des pasteurella du lapin, du cobaye, du cheval et du mouton. \ oici les résultats obtenus ( examen macroscopique après 12 heures) : ! - Sur cultures de 24 h. en bouillon ; rapport : sérum volume total a) à) c) d ) e) n a) à) i) j) porcine Preisz, limite comprise enti re 1 40.000 cl 1 00.000 — Charente, — 1/100 et i/i .ooo — Eure-et-Loir, pas d’agglutination . — Hongrie, — Wassermann I, l imite en h re 1/100 et 1/1 . ooo — Wassermann II, — 11. 000 (‘1 1/10.000 — Wassermann II J, — J/100 <‘t 4/1 .000 aviaire choléra des poules), — 1/100 et 1/1.000 — (diphtérie), — 1/2.000 et 1/5.000 du lapin, — 1/1.00 et 1/1.000 7 98 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR le) Pasteurella du cobaye, limite entre 1/1.000 et 1/10.000 l \ — du cheval, — et m) — du mouton, — 1/1.000 et 1/10.000 IL Agglutination des cultures faites dans le mélange bouillon- sérum. a) à) c) . d) e) f) 9) h) i) j) k) D Pasteurella porcine Preisz, limite comprise entre 1/60.000 et 1/80.000 — — Charente, — 1/400 et 1/600 _ — Eure-et-Loir, agglutination nulle Hongrie, Wassermann I, limite entre 1/200 et 1/400 — Wassermann II, — Wassermann III, aviaire (choléra), — (diphtérie), du lapin, du cobaye, du cheval, du mouton, 1/4.000 et 1/6.000 1/200 et 1/400 1/400 et 1/600 1/1.000 et 1/1.500 1/600 et 1/800 1/4.000 et 1/6.000 1 /20 et 1 / 40 1/1.000 et 2.000 Nous avons vérifié que le sérum normal de cheval n agglu- tine aucun de ces microbes à moins de I/I5. Dans les conditions où nous avons opéré, T agglutination est beaucoup plus nette dans les cultures en développement que dans les cultures faites; c’est pour cela que nous avons précisé davantage, dans le second tableau, les dilutions entre lesquelles est située la dilution limite agglutinante. L’examen de ce tableau est très intéressant. 11 montre la spécificité très nette du pouvoir agglutinant pour la pasteurella qui nous a servi à l’immunisation. Mais il témoigne également de la parenté étroite qui réunit ces microbes. Le taux de l’ag- glutination, pour la plupart d’entre eux, est relativement élevé. Si l’agglutination donnait une idée exacte de la parente, 2 races au moins devraient être écartées de la famille. Or, ces 2 races sont précisément des pasteurella retirées du poïc, comme celle qui a servi à la préparation (lu sérum. Leur pouvoir pathogène sur les différents animaux de laboratoire a sensiblement la même allure que celle-ci. Et, à part cette diffé- rence dans leurs agglutinines, avec peut-être une virulence moindre, toutes leurs propriétés, comme leur origine, tendent à les identifier complètement au type qui a servi à l'immunisa- ton du cheval. LES PASTEURELLA 99 L agglutination rapproche au contraire de la meme race type la pasteurella du cobaye et celle du mouton, que leurs qualités pathogènes feraient plutôt éloigner. Mais nous avions constate que la non-agglutinabilité d’un microbe de ce groupe, par un sérum donné, ne peut permettre de le séparer du microbe qui a servi à la préparation du sérum. Nous avons atténué la virulence de la race de pasteu- 1 ella porcine, inoculée au cheval, pour la transformer en vac- cins. Cette pasteurella très virulente, agglutinée par 1/60,000 de sérum, perd très vite son agglutinabilité, plus vite que sa A irulence. Les vaccins obtenus, actifs pour l’immunisation des lapins, ne peuvent plus être influencés par le sérum qu’à des dilutions inférieures à 1/20. L agglutination seule ne suffît donc pas à mesurer la parenté de divers microbes de ce genre; ce qui ne signifie pas qu’elle ne puisse donner des indications précieuses sur l’étendue de 1 activité du sérum, comme le veulent MM. Wassermann et Ostertag. 2. — Action préventive du sérum sur les animaux. Le sérum que nous avons obtenu est nettement préventif pour la race de pasteurella qui a servi à le produire. Si l’on com- pare, au point de vue de leurs propriétés préventives, les sérums de ce même cheval obtenus des saignées du 7 février et du 28 juin, on voit que le premier est aussi actif que le second. A cette première saignée, le cheval n’avait reçu que 715 c. c. de virus virulent au lieu des 1,165 c. c. qui lui ont été inoculés avant le 28 juin. Voici deux expériences donnant à peu près la moyenne des résultats obtenus avec ces deux sérums. Le 27 février, on essaye le sérum de la première saignée sur V* lapins auxquels on l’injecte à la dose de 5 c. c. sous la peau du flanc droit : pour deux, 24 heures avant 1/8 de c. c. de virus inoculé sous la peau de l’autre flanc; pour deux autres simultanément avec une inoculation de la même quantité de virus sous la peau du côté opposé ; enfin, pour les deux derniers, mélangé avant l’inoculation à 1/8 de c. c. de la même culture virulente. 2 lapins témoins, inoculés par la culture seule, meurent après 12 heures et 20 heures. Ceux qui ont reçu le sérum meurent aussi, mais avec 100 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR des retards notables. Ainsi, c’est après 6 jours 1/2 et 9 jours que succombent les deux premiers ; 5 jours et 8 jours les deux suivants: et 7 jours et 8 jours • les deux derniers. Soit donc, en moyenne, une survie de 5 à6 jours sur les témoins. Les effets du sérum de la troisième saignée ne sont certai- nement pas meilleurs. Voici une expérience faite suivant le mode précédent : Injection préventive de 5 c. c. de sérum 24 heures avant 1/8 de c. c. de culture virulente sur 3 lapins; ils meurent tous trois en 36 heures, 60 heures et 6 jours 1/2. Injections consécutives de 5 c. c. de sérum d'un côté et de 1/8 de c. c. de virus de l'autre sur 4 lapins; mort de ces 4 animaux après 18 heures, 60 heures, 5 jours 1/2 et 5 jours 1/2. Enfin, injection de 5 c. c. de sérum mélangé à 1/8 de c. c. de culture virulente à 4 lapins qui succombent respectivement après 60 heures, 7 jours, 7 jours et 8 jours. Les 2 lapins témoins, inoculés de culture seulement, meurent en 12 et 15 heures. Dans ces expériences, nos animaux étaient évidemment soumis à une épreuve extrêmement sévère. Ces virus se multi- plient dans l’organisme du lapin avec une rapidité extraordi- naire, qu’il est difficile d’empêcher. D’autre part, la dose de 1/8 de c. c. est énorme si l’on considère qu’une quantité cent fois plus faible tue aussi vite. De sorte que, chez les lapins traités, les retards obtenus suffiraient à montrer que ce sérum avait un pouvoir préventif très net. Mais, dans quelques cas, nous avons même pu préserver définitivement des lapins aussi durement traités. Ainsi, le 27 février 1905, 3 lapins reçoivent 5 c. c. de sérum : le 1er, 24 heures avant 1/8 de c. c. de culture virulente, le 2e en même temps que la culture, le 3e, ce sérum mélangé d’avance à 1/8 de c. c. du même virus. Les 2 lapins témoins meurent en 12 et 20 heures. Le 1er. inoculé de virus le 28, est réinoculé trois fois par 1 c. c. de sérum les 1er, 2 et 3 mars, toujours du côté opposé à la piqûre de virus. A ce dernier point, il y a dès le 1er mars un œdème qui se résorbe lentemen ensuite sans s’ouvrir. Le lapin ne baisse pas sensiblement de poids (49 grammes de perte sur 3,700 grammes) et supporte, le 5 avril d’après, une nouvelle inoculation virulente (tuant le témoin en 12 heures . Il est défi n itivement et très solidement vacciné. LES PASTEURELLA 101 Les deux autres sont réinoculés 4 fois par 1 c. c. de sérum, les 28 février, 1er, 2 et 3 mars; ils succombent néanmoins 5 jours et 7 jours après l’inocu- lation virulente. Il ne nous parait pas douteux que nous aurions eu de meil- leurs résultats si nous les avions recherchés en nous contentant d’une épreuve moins sévère. Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, après les observations de MM. Lignières, Wassermann et Üstertag, ce sérum préparé par une seule pasteurella est loin d’ètre un sérum monovalent. 11 s’est montré à peu près aussi préventif à l'égard d’autres pasteurelloses expérimentales, en particulier du choléra des poules et de la septicémie des lapins. Le 1er mars 1905, on injecte 3 lapins à 5 c. c. de sérum sous la peau; le 1er ne reçoit le virus, 1/8 de c. c. de culture de bacille du choléra des poules, que le lendemain; le 2e est inoculé de virus sous la peau du flanc opposé immédiatement après avoir reçu le sérum ; et pour le 3e, la cul- ture virulente a été mélangée au sérum avant l’inoculation de celui-ci. Ils meurent malgré le sérum, mais après 7 jours, 8 jours et 10 jours, tandis que le témoin est tué en 18 heures. Ce sont là des retards analogues à ceux obtenus lorsqu’il s’agissait de la pasteurella porcine avec laquelle a été préparé le sérum. Sur les poules, l’action préventive du sérum n’est guère moins nette : Ainsi, tandis que 2 poules neuves meurent en 15 et 22 heures, à la suite d’une inoculation de 1 /8 de c. c. de culture virulente dans le muscle pectoral, 2 poules ayant reçu 5 c. c. de sérum sous la peau, 24 heures avant l’in- jection du même virus, ne meurent qu’en 2 jours 1 /2 et 0 jours J /2. 2 poules reçoivent 5 c. c. de sérum d’un côté et 1/8 de c. c. de virus de l’autre, elles succombent après 40 heures et 4 jours 1/2. Enfin, de 2 poules qui reçoivent chacune le mélange de 5 c. c. de sérum et de 1/8 de c. c. de la même culture, une seule meurt, après 6 jours; l’autre résiste. Mais, réinoculée 40 jours plus tard de pasteurella aviaire virulente tuant le témoin en 36 heures, elle ne peut résister que pendant 11 jours. Elle n’était pas vaccinée ou avait perdu son immunité. Injecté préventivement à des lapins inoculés par le microbe de la septicémie du lapin, le sérum de pasteurella porcine a retardé la mort comme dans le cas des inoculations de microbes de porc et de poule. Le virus employé dans l’expérience citée 102 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ci-dessous, et qui nous a été obligeamment donné par M. Bri- dré, ne tue pas aussi vite que ceux examinés précédemment. L’expérience est du 28 mars 1905; les 2 lapins témoins sont tués par 1/8 de c. c. de culture virulente en 60 heures et en 4 jours. 2 lapins traités 24 heures avant par 5 c. c. de sérum sous la peau, mettent 8 et 9 jours pour mourir. 2 lapins ayant reçu simultanément le sérum et la culture, sous la peau des deux flancs, succombent après 4 jours et 8 jours. Enfin, le mélange du sérum et du virus, mêmes doses, ne tue les 2 derniers lapins qu’en 7 jours et 8 jours. Ces deux pasteurella, de la poule et du lapin, sont de celles moyennement agglutinées par le sérum. Il y aurait lieu d’exa- miner ici la corrélation possible entre le taux d’agglutination du sérum, et son action antimicrobienne pour chacune des diffé- rentes pasteurella. Ce sera l’objet d’un travail ultérieur. CONCLUSIONS De toutes les expériences que nous venons de citer, résulte clairement qu’il faut renoncer pour l’avenir à différencier les pasteurella entre elles. Elle proviennent d’un microbe unique, qui acquiert ou perd assez facilement sa virulence, et qui, par son passage dans le corps de certains animaux, et par son adap- tation sur une espèce déterminée, provoque une pasteurellose spéciale à cette espèce. Il découle de ces faits des mesures d’hygiène et de prophylaxie qui doivent s’étendre à toutes les espèces d’animaux réceptifs dans le cas où l’une de ces espèces est atteinte de pasteurellose. La pasteurella paraît être un microbe banal très répandu dans la nature, existant en particulier dans l’intestin et sur les muqueuses des voies aériennes des animaux sains. Sous des influences mal connues encore, maladies causées par d’autres microbes ou même maladies sans microbes, la pasteurella passe du canal intestinal ou des «voies aériennes dans le sang, où elle acquiert très vite une virulence capable de tuer des animaux de même espèce ou d’espèces voisines. Pour notre part, à quatre •reprises différentes nous avons retiré du sang d’animaux d’expé- rience une pasteurella qui n’était pas toujours la même, alors LES PASTEURELLA 103 que nos animaux étaient inoculés d’une tout autre maladie qu'une pasteurellose, et que la contagion ne pouvait jouer aucun rôle. Mais, malgré tous nos efforts, nous ne sommes pas encore arrivés à préciser les conditions nécessaires pour faire apparaître la pasteurella spontanément dans le sang. Nous poursuivons nos études dans cette direction. Quoi qu’il en soit, il nous paraît bien difficile, après ce que l’on sait aujourd’hui, de ne pas faire, involontairement pour ainsi dire, un rapprochement entre les résultats de ce travail et ceux déjà acquis pour d’autres maladies, très variables égale- ment dans leurs diverses manifestations, comme les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes, comme la tuberculose et ses variétés : humaine, bovine, équine, aviaire, etc. Chacune de ces maladies ne serait-elle pas produite par un microbe déterminé, ayant acquis des propriétés virulentes spé- ciales, par des passages par le corps de divers animaux ou dans différents milieux encore inconnus ? ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE Par MM. E. MARCHOUX et P.-L. SIMOND Troisième Mémoire. De la Mission française à Rio-de-Janeiro. 1 Recherches expérimentales sur la Biologie du Stegomyia fasciata. 1° Expériences tendant à déterminer les moments des piqûres. Dans un précédent mémoire, nous avons insisté sur ce fait que la fièvre jaune n est pas contractée au cours de la journée, mais seulement à la chute du jour ou pendant la nuit. La démonstration en est facile à Rio-de-Janeiro, grâce au voisinage de Pétropolis, sanatorium placé à 800 mètres d’altitude, où la population étran- gère va se mettre àl abri de 1 epidemie. En faisant remonter nos recherches aussi loin que nous l'ont permis les documents existants, nous n avons pu relever un seul cas où la fièvre jaune ait frappé un de ces étrangers, parmi ceux si nombreux qui vont passer la journée à Rio, y séjournent de 9 heures du matin à 4 heures du soir, et reviennent coucher à Pétropolis. Les cas sont nombreux, au contraire, parmi ceux qui acciden- tellement retenus a Rio ont du y coucher, ne fût-ce qu’une seule nuit. D’après nos observations, nous avons cru devoir attribuer cette immunité diurne à ce que la femelle du Stegomyia fasciata , très ardente à la recherche du sang humain, dans les premiers jours de son existence d’insecte parfait, cesse après quelque temps de s’attaquer à l’homme durant la journée et se contente dès lors de le piquer pendant la nuit. En vue de préciser les données de l’observation, nous avons institué en 1904 et 1905 une série d’expériences sur cette ques- tion. Ces expériences, qui ont confirmé nos précédentes conclu- sions, ont été réalisées de la manière suivante : Une pièce de notre laboratoire de l’hôpital Saô-Sebastiaô a ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 105 été installée de façon à pouvoir faire l’office à la fois de labo- ratoire et de chambre à coucher. Ses ouvertures ont été closes avec du tulle à moustiquaire, et Rentrée pourvue d’un tambour, de telle sorte que les moustiques qu’on y renfermait ne pou- vaient s’échapper. L’un de nous s’est astreint à habiter cette pièce pendant la journée et la nuit, afin d’observer les Stegomyia fasciata qui, soit isolément, soit par séries, y ont été introduits au cours des saisons chaudes de 1904 et 1905, dans un but expérimental. Les moustiques successivement mis en expérience, se sont trouvés dans des conditions pareilles à celles qu’ils rencontrent dans les chambres à coucher des habitations particulières. Ils avaient, toutefois, une plus grande facilité de piquer au cours de la journée, attendu que l’observateur ne s’absentait de la chambre à expérience qu’aux heures des repas, tandis que, dans une maison, les chambres à coucher sont d’ordinaires vides de leurs habitants, pendant la plus grande partie de la journée. 7 expériences ont été faites, dont 5 avec des séries de 6 ou 8 moustiques et 2 avec des moustiques isolés. 5 de ces expé- riences ont été interrompues par la mort accidentelle des mous- tiques avant le 16e jour, une au 18e jour et une au 28° jour. Nous rapporterons en détail les deux dernières comme étant les plus complètes. Expérience I Un lot de 8 Stegomyia fasciata femelles, nées et élevées au laboratoire, sont mises en liberté dans la chambre à expérience, 24 heures après leur passage à l’état parfait. Pendant ces 24 heures elles sont restées enfermées en compagnie de mâles et ont été vraisemblablement fécondées. 1er jour : piqûres nombreuses entre 9 heures du matin et 5 heures du soir. 2e jour : piqûres (1 ou 2 seulement) entre 3 et 6 heures du matin, à l’obscu- rité. Piqûres nombreuses de 10 à 11 heures du matin. 3e jour : piqûres entre 1 et 5 heures du matin. 4e jour : piqûres entre 9 et 10 heures du matin. Piqûres entre 4 et 5 heures du soir. 5e jour : piqûres à 5 heures du soir. Piqûres à 10 heures et 1/2 du soir. 6e jour : piqûres entre minuit et 5 heures du matin. Une piqûre à 3 heures du soir. 7e jour : piqûres à 5 heures 1/2 du soir. Piqûres à 10 heures du soir. 8e jour : piqûres à 2 heures du matin, à l’obscurité. 9« et 10e jour : pendant ces 2 jours, on a laissé les moustiques seuls dans la chambre à expérience. 106 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR lie jour : piqûres entre 6 heures et 6 heures 1/2 du soir. Piqûres entre 10 et 11 heures du soir. 12e jour : pas de piqûres. 13e jour : piqûres entre 10 et 11 heures du soir. 14e jour : piqûres entre 4 et 5 heures du matin. 15e jour : pas de piqûres. 16e jour : piqûres dans la nuit, entre 1 et 6 heures du matin. Il paraît ne subsister que 2 moustiques du lot mis en expérience. 17e jour : piqûres à 9 heures 1/2 du soir. 18e jour : on a vu ce jour-là un seul moustique voler dans la pièce sans essayer de piquer. Depuis ce moment, aucun des moustiques n’a été revu. Au cours de l expérience, on a constaté qu’un certain nombre de Stegomyia avaient pondu. La plupart des pontes ont eu lieu du 4e au Ie jour. Expérience II Un Stegomyia fasciata femelle a été laissé en liberté dans la chambre à expériences le lendemain de son passage à l’état parfait. En même temps, on a introduit dans la chambre 2 St. f. mâles. 1er jour : piqûres à 2 heures 1/2 du soir. 2e jour : piqûres le matin entre 4 et 6 heures. 3e jour : pas de piqûre. 4e jour : pas de piqûre. 5e jour : pas de piqûre. 6e jour : piqûre le matin entre 1 et 6 heures, à l’obscurité. Piqûre îe soir à 11 heures 1/2, à la lumière. 7e jour : pas de piqûre. 8e jour : pas de piqûre. 9e jour : pas de piqûre. 10e jour : piqûres Je matin entre 1 et 2 heures, à l’obscurité. Ile jour : pas de piqûre. 12e jour : piqûre dans la nuit entre 2 et 5 heures du matin, à l’obscurité. 13e jour : pas de piqûre. 14e jour : piqûre le matin, entre 4 et 6 heures. 15e jour : pas de piqûre. 16e jour : piqûre entre 5 et 6 heures du malin. 17e jour : piqûre à 1 heure du matin. 18e jour : piqûre entre minuit et 6 heures du matin. 19e jour : pas de piqûre. 20e jour : pas de piqûre. 21e jour : pas de piqûre. 22e jour : piqûre à 11 heures du soir, à la lumière. 23e jour : pas de piqûre. 24e jour : piqûre à 10 heures du soir, à la lumière. 25e jour : pas de piqûre. 26e jour : pas de piqûre. 107 ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 27e jour : piqûre dans la nuit, entre minuit et 6 heures du matin. 28e jour : pas de piqûre. Le moustique a été vu le 28e jour pour la dernière lois. Au cours de U expérience, ce Stegomyia a pondu plusieurs fois. Deux de ces pontes ont pu être recueillies : l’une a eu lieu du 6e au 8e jour; l'autre du 13e au 16e jour. Chacune comprenait de 25 à 30 œufs seulement. Les cinq autres expériences nous ont donné des résultats analogues à ceux que nous venons d’exposer, au point de vue des moments des piqûres. Elles nous ont manifestement démontré que le Stegomyia f. dans les conditions normales, c'est-à-dire en liberté, cesse de piquer l’homme dans le cours de la journée, après les 6 ou 8 premiers jours de son existence à l’état parfait. Cependant, après le 8e jour, on le voit encore quelquefois piquer vers 6 heures du soir, alors que la nuit n’est pas encore établie. Aucun des moustiques mis en expérience n’a manifesté le désir de piquer, entre 7 heures du matin et 3 heures 1/2 du soir, à partir du 8e jour de son existence à l’état parfait. Il ne faudrait pas conclure de là, croyons-nous, qu’en aucune circonstance le Stegomyia âgé de plus de 8 jours n’est capable de piquer dans la journée. Nous avons constaté en effet que, si 1 on isolait dans un tube de verre au 15e ou au 20e jour un des Stegomyia en expérience, il acceptait de piquer à toute heure après un jeûne suffisamment prolongé, et si la température est suffisamment élevée. Il peut, semble-t-il donc, se rencontrer des circonstances où le moustique abandonné à lui-même se conduise comme lorsqu'il y est forcé par le jeûne en captivité. Ce que 1 on peut affirmer, c'est que le fait n’a pas lieu dans les conditions ordi- naires. Nous avons répété la même expérience avec une autre espèce, le Culex fatigans. Ce moustique pique normalement pendant la nuit et, contrairement au St. à aucune période de son existence il ne paraît empressé à piquer dans la journée à l’état de liberté. Or, si I on capture une femelle de cette espèce qui a jusque-là vécu à l’état libre, et piqué exclusive- ment pendant la nuit, on peut, après l’avoir soumise au jeûne, la déterminer à piquer de jour. Pour obtenir que soit les Culex fatigans , soit les St. f. âgés de 1 à 2 semaines, piquent dans la journée, il semble indispensable, non seulement de les sou- 108 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR mettre à un jeûne préalable, mais aussi de les maintenir au contact de la peau par contrainte. A plusieurs reprises, en effet, nous avons capturé des moustiques de ces deux espèces, qui avaient vécu libres un certain temps dans la chambre à expé- riences. Ils ont été soumis au jeûne pendant 48 heures, puis relâchés dans la pièce au matin. Les uns et les autres, que Ton pouvait croire affames, ont attendu le retour de la nuit pour piquer; or ils n auraient pas manqué de piquer dans la journée si, gardés dans les tuhes, ils avaient été maintenus un moment appliqués sur la peau humaine. La grande activité diurne que manifestent les St. f. pendant les premiers jours de leur existence nous avait fait penser qu’à cette première période delà vie aérienne, ils étaient peu disposés a piquer de nuit. L’expérience nous a montré qu’il n’en était rien : les St. f., mis en liberté dès leur arrivée à l’état ailé, piquent le jour et la nuit presque indifféremment. A la vérité, ils sont plus actifs dans la journée, surtout si la température dépasse 25°, mais, dans toutes les expériences, quand un certain nombre de ces moustiques neufs ont été lâchés en liberté dans le laboratoire dès le matin et ont la faculté de piquer dans la journée, une partie d’entre eux ont piqué également au cours de la première nuit. Donc, si le St. f. femelle cesse au bout de quelques jours d’existence d’attaquer l’homme dans la journée, ce n’est point que ses mœurs subissent une transformation complète : il ne passe pas de l’état d’insecte diurne à l’état d’insecte nocturne. 11 possédait 1 instinct de la piqûre nocturne dès son arrivée à l’état parfait. On peut encore s’en rendre compte par l’expérience sui- vante : dans une chambre d’élevage maintenue à la tempé- rature de 25° à 28°, on place un lot de larves de St. f, et on les laisse se transformer en insectes parfaits. Dans la nuit qui suit cette transformation, à une heure quelconque et à l’obscurité, un observateur est introduit dans la pièce et y demeure en repos. Au bout de quelques minutes les jeunes femelles quittent les murailles où elles se tenaient immobiles et commencent à bourdonner autour de lui; il suffît que l’expé- rience soit prolongée une demi-heure pour que la majorité d’entre elles aient piqué. ETUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 109 Les expériences que nous rapportons nous ont permis de noter les heures de jour et de nuit où le St. /'. déploie la plus grande activité : Pendant les 4 ou 5 premiers jours, l'activité diurne est surtout manifeste de 9 heures du matin à 3 heures du soir. Elle est exagérée par la chaleur solaire et la tension de vapeur d'eau atmosphérique. Elle s’atténue ou disparaît après la pre- mière ponte. L’activité nocturne persiste pendant toute la durée de l'exis- tence, en général avec une intensité moindre que pendant le jour, mais également influencée par le degré de température. Elle se manifeste de préférence à la chute du jour, entre 5 et 7 heures du soir, dans la soirée entre 9 et 10 heures, le matin entre 1 et 2 heures et, moins fréquemment, au lever du soleil. Il résulte deces observations que la fréquentation d’un foyer de fièvre jaune est inoffensive entre 7 heures du matin et 5 h. 1/2 du soir ou, en d’autres termes, que la contagion ne se produit habituellement qu’entre 5 h. 1/2 du soir et 7 heures du matin. Nous avons insisté ailleurs sur l'importance de cette donnée au point de vue de la prophylaxie, il était indispensable de la préciser expérimentalement. Ainsi que nous l'avons noté plus haut, nos expériences ont été souvent écourtées par la disparition successive des mous- tiques en observation. Parmi les causes de mortalité des St. f. vivant à l’état de liberté, il faut citer en premier lieu la ponte. Il n'est pas de règle que l'individu meure après une première ponte. Après la troisième et la quatrième, le phénomène est très commun. Nous avons possédé une seule femelle qui a fourni 7 pontes successives. Si l’on considère qu'un St. f. femelle vivant dans une chambre à coucher habitée, où il peut fréquem- ment pratiquer la succion du sang, fournit en moyenne une ponte dans un espace de 5 a 6 jours, on voit que la durée de son existence sera limitée d’ordinaire à 15 ou 20 jours. Elle pourra, pour certains individus, être prolongée jusqu'à 30 jours, très rarement cette limite sera dépassée encore. Ici, l’expérience 5e piqûre le 24 — — 3e ponte le 27 - 6e piqûre le 27 — — 0e ponte le 29 7e piqûre le 1er mars. — l e ponte, le 3 mais. La mort est survenue après cette dernière ponte; l insecte a vécu 39 jours. Dans les expériences, chaque fois qu une ponte avait eu lieu, on mettait journellement le moustique pendant 20 minutes en contact avec la peau du bras d’un sujet, jusqu a ce qu il se fût décidé à pratiquer une nouvelle piqûre. Après cette piqûre effectuée, il était laissé en repos jusqu'après une nouvelle ponte. Il s’ensuit qu’entre deux pontes, le St. f. n avait piqué qu une seule fois. 11 n’en est pas toujours ainsi à 1 état de liberté : nous avons observé que la femelle libre, après une ponte, pique souvent chaque nuit entre cetfe ponte et la suivante, et peut même piquer plusieurs fois dans une seule nuit. Le fait n est pas sans importance au point de vue du nombre de victimes que peut faire un seul St. f. infecte de vous amanl. Parmi les femelles qui ont effectué une première ponte, il en est qui survivent longtemps sans pondre à nouveau, bien qu’elles continuent à pratiquer la succion du sang. Liiez celles-ci, sans doute, la provision spermatique est épuisée. Elles ne sont que plus dangereuses au point de vue de la transmission de la fièvre jaune, ayant des chances de plus longue vie. La première ponte d'un St. f. compte en général un nombre d’œufs considérable, de 70 à 95, quelquefois moins et rarement davantage. Les suivantes sont moins importantes ÉTUDES SUll LA FIÈVRE JAUNE Hl et, dans nos expériences, n’ont pas dépassé un maximum de 30 œufs. Gœldi a exprimé l'opinion que chaque femelle St. /*. est capable de produire un maximum de 80 à MO œufs. Ce maximum constituerait une ponte complète, après laquelle l’insecte meurt fatalement. Pour ce naturaliste, suivant que la femelle a absorbé, ou non, la quantité de sang nécessaire, la ponte s’effectue en un seul temps ou bien par fractions. En ce dernier cas, le moustique, après une première ponte partielle, pique à nouveau un certain nombre de lois, pour amener à maturation le restant de ses œufs et terminer sa ponte en plusieurs temps. Nous ne partageons pas entièrement cette manière d’interpréter les. faits. Nos recherches nous ont montre que, si le nombre des œufs qu’une femelle peut procréer n est pas illimité, du moins il varie dans des limites assez étendues. C’est ainsi qu’un St. f. nous a donné, en 4 pontes, un total de 144 œufs U Expérience. — Une femelle Si. /. arrivée à 1 état partait le II février 1004 et accouplée le même jour, a été isolée dans un tube à élevage. Re piqûre le 13 février; Re ponte de 71 œufs le 16 février; 2e piqûre le 17 février; 2e ponte de 34 œufs le 22 février; 3e piqûre le 25 février; 3e ponte de 17 œufs le 1er mars; 4e piqûre le 2 mars ; 4e ponte de 22 œufs le 5 mars. Le moustique a piqué une oe fois, le 7 mars. Il est mort aussitôt après la piqûre. On ne saurait donc affirmer qu'un St. /'., qui meurt après avoir pondu un certain nombre d’œufs, 80 par exemple, a succombé parce qu’il avait épuisé le stock des œufs qu il était capable de produire. S il en était ainsi, la mort devrait toujours suivre de près une lre ponte de ce chiffre, et elle ne devrait pas accompagner des pontes d’un petit nombre d’œufs. Or, d’une part, nous avons pu conserver vivants pendant plusieurs mois des St. f. qui avaient pondu de 70 à 05 œufs. D’autre part, nous avons vu des St. /., après une l10 ponte d’une trentaine d’œufs seulement, refuser toute nourriture et mourir 1 . Gœldi, Os Mosquilos no Para, l’ara, 1 90.» . 1 18 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR au J ) o U 1 de quelques jours ou même de quelques heures. Il y a plus : si Ton admettait comme règle que la mort suit la ponte, chez les moustiques, parce qu'ils ont émis la totalité des œufs qui leur étaient dévolus congénitalement, les ovaires, chez les espèces qui ne donnent jamais qu’une seule ponte, devraient cesser de fonctionner après cette ponte. Or nous avons constaté qu il n’en est pas toujours ainsi. Parmi les espèces incapables de fournir plus d une ponte, nous avons étudié sous ce rapport l’espèce Culex confirmatus , tant à l’état sauvage qu’à l’état de captivité. Contrairement à ce qui se passe pour le St. f., chez cette espèce, la femelle ne donne jamais qu’une seule ponte et, quel que soit le nombre des œufs émis, meurt après cette ponte, soit immédiatement, soit dans les 5 jours qui suivent : Expérience. — 10 C. confirmatus femelles, élevées au laboratoire et fécondées, ont été isolées en tubes à élevage, le 25 janvier 1905. Toutes ont piqué sur l’homme le même jour. N° 1 a pondu, le 29 janvier, 82 œufs, elle est morte le 31 janvier, sans avoir consenti à piquer à nouveau. No 2 a pondu, dans le 28 janvier, 82 œufs. Elle a piqué de nouveau le 1er février au matin. Morte le 2 février, 30 heures après la piqûre. No 3 a pondu 27 œufs le 29 janvier. Est morte en pondant sans avoir achevé sa ponte; elle avait encore une soixantaine d’œufs murs dans l’abdomen. No 4 a pondu, le 29 janvier, 89 œufs. Morte le D1' Février sans avoir consenti à piquer de nouveau. N° 5 a pondu, le 29 janvier, 48 œufs. Morte le 1er février sans avoir con- senti à piquer de nouveau. No 0 a pondu, le 29 janvier. 97 œufs. Morte le 30 janvier sans avoir con- senti à piquer de nouveau. No 7 a pondu, le 28 janvier, 93 œufs. A piqué de nouveau le 29 janvier au matin. Morte dans la nuit du 31 janvier au lei‘ février. No 8 a pondu, le 30 janvier, 55 œufs. Morte le 31 janvier sans avoir voulu piquer à nouveau. No 9 a pondu, le 30 janvier. 73 œufs. Morte le même jour. No 10 a pondu, le 2 mars, 11 œufs. Morte le même jour sans avoir ter- miné sa ponte: l’adomen contenait encore un certain nombre d’œufs mûrs. L’expérience répétée avec des C. confirmatus capturés dans la campagne nous a fourni des résultats semblables. Voici donc une espèce où la femelle ne fournit jamais qu’une seule ponte et ne survit jamais plus de 4 à 5 jours à sa ponte. On a vu par les chiffres ci-dessus que cette ponte comporte ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 1 19 normalement de 80 à 90 œufs. Si la mort marquait, comme le prétend Gœldi pour le St. /., le terme du pouvoir ovogénétique, l'ovaire, dans cette espèce, devrait rester inerte après la ponte. Or, chaque fois que la femelle survit quelques jours à cet acte et. qu’il est possible de la faire piquer à nouveau, sous l’influence de cette nouvelle ingestion de sang les fonctions de 1 ovaire se réveillent et une nouvelle série d'œufs se développent. Tel a été le cas pour les numéros 2 et 7 de 1 expérience relatée ci-dessus. Le premier, après avoir pondu 82 œufs le 28 janvier, a refusé de piquer pendant les 3 jours suivants. On a réussi à le faire piquer le 1er février, et il est mort 36 heures plus tard. Nousavons examiné ses organes et constaté l’existence d’environ 30 œufs en voie de développement. Le second moustique, au lendemain d une ponte de 93 œufs, a consenti à piquer. Il est mort 48 à 50 heures après cette piqûre. Ses ovaires nous ont montré plus de 60 œufs en voie de développement et déjà proches de la maturité. Il se passe donc, chez cette espèce, le même phénomène que pour le St , c’est-à-dire qu’au lendemain d’une ponte normale il suffît d’un nouveau repas de sang pour que les organes maternels recommencent à fonctionner; et 1 on peut être certain que de nouvelles pontes auraient lieu, si la mort ne survenait avant la maturation des œufs. Nous ne pouvons, par suite, accepter 1 opinion que la mort, qui frappe si fréquemment les femelles des culicides après leur première ponte, soit due à ce qu elles ont épuisé leur fonction maternelle et expulsé la totalité des ceufs que leur orga- nisme était capable de produire. A notre point de vue, la ponte détermine chez le moustique un affaiblissement de l organisme, dont il a peine à se relever. Chez certaines espèces le retour à la santé est possible, encore que peu constant; chez d’autres, l'organisme n’arrive pas à récupérer les forces nécessaires à la continuation de T existence, et la mort devient une règle. Ce n’est point là la mort naturelle, au sens que l’insecte, ayant épuisé les facultés de ses organes, n’aurait plus de raison de subsister. Nous ajouterons, en ce qui concerne la mortalité après la ponte chez le St. f.. que la saison nous a paru exercer une influence. C’est ainsique, durant les périodes chaudes de l’été, 120 ANNALES DE L1NSTITÜT PASTEUR à Rio-de-Janeiro, la proportion des femelles qui mouraient après une seule ponte s'est montrée sensiblement moins élevée que dans les périodes fraîches. S’il était établi qu’il constitue une règle générale, ce fait viendrait encore à l’appui de notre manière devoir. 3° Elevage du Stegomyia fasciata en France. On sait que la fièvre jaune, apportée de foyers endémiques par des navires, a occasionné en France même, à Marseille et à Saint-Nazaire notamment, de petites épidémies qui se sont localisées parmi le personnel soit des navires infectés, soit des navires voisins et, qui ont atteint, parfois, des individus ayant eu contact avec ces bâtiments. Aucun doute ne saurait sub- sister aujourd’hui, que les contaminations amarilles qui ont eu lieu dans les ports français, ont été dues à la présence de moustiques infectés, apportés des régions tropicales à bord des navires. Nous nous sommes préoccupés de déterminer comment se comporte, en France, le Stegomyia fasciata et quelles y sont les conditions de sa multiplication. A cet effet, nous avons rapporté de Rio-de- Janeiro, en mai 1904, un certain nombre de ces moustiques et nous en avons fait l’élevage du mois de mai au mois de novembre de la même année. Nous avons procédé de là manière suivante : 20 St. f. mâles et 20 St. f. femelles ont été isolés dans des tubes à élevage immédiatement après leur métamorphose, le 15 février, veille du départ de Rio. Pendant le voyage, ils ont été alimentés avec delà pâte de glucose. A l’arrivée, le 5 mai, il restait 17 femelles et 9 mâles vivants, 3 femelles et II mâles étaient morts au cours de la traversée. Nous avons réuni, dans un bocal à élevage, les St. f. des deux sexes et nous les avons placés dans une pièce dont la tem- pérature était maintenue entre 20° et 25°, pendant la journée, et entre 18° et 23° pendant la nuit. Cette température a été obtenue grâce au chauffage de la pièce, pendant le jour, jusqu’à la fin de mai. A partir de ce moment les St. f. ont vécu à la tempé- rature atmosphérique naturelle, qui*s’est maintenue, pendant les mois de juin, juillet, août et septembre, entre 18° et 27°. ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE I2t Parmi les femelles fécondées du 6 au 9 mai on en a isolé 3, qu'on a fait piquer sur l’homme le 9 mai. N° 1 a pondu le 12 mai 73 œuls éclos le 21 mai; N° 2 a pondu le 13 mai 70 œufs éclos le 23 mai ; N° 3 a pondu le 13 mai 34 œufs éclos le 22 mai ; N° 4 a pondu le 14 mai 81 œuls éclos le 30 juin; N° 5 a pondu le 13 mai 19 œufs éclos le 26 mai. L’éclosion a été complète pour une partie des pontes seule- ment, celles des n°s 1, 2 et 3. Les autres n’ont fourni que 30 0/0 environ de larves. Cependant, tous les œufs étaient fertiles, car parmi les œufs non éclos aux dates indiquées, un grand nombre ont donné des larves à des intervalles éloignés, dans le courant du mois de juin. On retrouve le même phénomène de retard et d’irrégularité, dans l’éclosion du St. /*., dans les régions où cette espèce pullule dans la nature, lorsque la tem- pérature s’abaisse en certaines saisons. Quelques larves, provenant de la ponte du n° i, se sont métamorphosées en insectes parfaits le 7 juin, 17 jours après l’éclosion. Pour d’autres, la métamorphose a été retardée; cer- taines ne sont arrivées à l’état parfait qu’au bout de 33 jours Une femelle arrivée le 7 juin à l’état adulte, et, fécondée du 7 au 9 juin, a piqué sur l’homme le 16 juin. Elle a pondu le 13 juin 67 œufs. Une partie de ces œufs ont éclos le 19 juin, d’autres ont éclos successivement du 20 au 30 juin, environ un tiers ne sont jamais parvenus à l’éclosion. Parmi les femelles de cette seconde génération qui ont at- teint l’état adulte au 8 juillet, soit 19 jours après l’éclosion, un certain nombre ont été fécondées et ont donné des pontes. Une d’elles, qui a piqué sur l’homme le 10 juillet, a pondu 88 œufs le 13 juillet. Les œufs ont éclos presque en totalité le 17 j uillet. A ce moment, la température ambiante était en moyenne de 26° pendant le jour et de 24° pendant la nuit. Nous avons obtenu une quatrième génération en août el une cinquième en septembre. Les larves de la cinquième génération sont demeurées jus- qu’au milieu d’octobre sans fournir d’insectes parfaits. Ceux, en petit nombre, qui sont issus des larves à cette époque, conservés 1-- ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUll ia à la température atmosphérique. ont vécu jusqu’au 10 novembre, alimentes avec du glucose. Une femelle, qui a consenti à piquer, a donné une ponte de 60 œufs qui n’ont pas éclos. Tous les individus adultes provenant de pontes diverses, qui avaient vécu jusqu en novembre, sont morts dans les premiers jours de ce mois. 4 De cette expérience, prolongée durant les six mois de saison chaude sous notre climat, il résulte que la température atmos- phérique de juin à septembre permet au St. f. de se multiplier, à la condition de résider dans l'intérieur des maisons. Les cuisines surtout lui offrent un habitat favorable. ïlest plus que douteux que la multiplication, à l’état libre, puisse avoir lieu hors des mois de juillet et août, dont les minima nocturnes s’abaissent rarement au-dessous de 20°. En effet par des températures inférieures, le St. f. devient paresseux et surtout perd son ardeur à piquer, qui est la condition de sa multiplication. Ces notions sont de la plus grande importance au point de vue de la protection sanitaire des ports. Elles doivent servir de base aux mesures prophylactiques qu’il convient d’appliquer, suivant la saison, lorsqu’un navire arrive au port après avoir présente, au cours delà traversée, des cas de fièvre jaune parmi son perso nneh 11 CONSERVATION DES ÉCHANTILLONS DE MOUSTIQUES L importance prise par les moustiques dans la pathologie exotique, comme véhicules de maladies, et l’intérêt qui s’attache à la conservation des échantillons au point de vue de la déter- mination des espèces, nous ont conduits à rechercher un moyen de conservation autre que le piquage à l’épingle sur carton ou l’immersion dans les liquides conservateurs. Ces deux procédés d usage courant offrent, en effet, de graves défauts : le premier, ceux de détériorer le corps de l’insecte en le traversant avec une épingle et de le laisser exposé ensuite aux poussières et aux moisissures de l’air; le second facilite le détachement dés membres et entraîne la disparition des couleurs de la cuirasse écailleuse. Nous nous sommes arrêtés à un procédé qui consiste a ETUDES SUR LA FIEVRE JAUNE 123 enfermer l’insecte dans une cellule de verre où il est fixe dans une position naturelle, par collage de ses pattes au baume de Canada. Nous croyons utile d’en donner ici la description, en vue de faciliter leur tâche aux collectionneurs : On commence par asphyxier le moustique, placé dans un tube bien sec, au moyen d’une goutte d’éther versée a 1 orifice du tube. Dès que l’insecte tombe anesthésié, on lui fait prendre dans le tube tenu horizontalement, au moyen de quelques secousses, la position naturelle de repos, les jambes bien éten- dues. On attend ensuite que l’asphyxie ait amené la mort dans cette position, ce qui demande quelques instants. Quand on a la certitude que le moustique est bien mort, on le fait glisser doucement hors du tube et tomber sur une lame de verre porte-objet, en ayant soin qu’il conserve la position naturelle où il est immobilisé. Au besoin, on rectifie cette posi- tion à l'aide d’une aiguille montée. Le moustique étant bien en place sur la lame de verre dans la position où il doit être conservé, on procède au collage. A cet effet, on doit se munir de deux aiguilles montées, fines, et avoir à sa portée du baume de Canada moyennement tluide, a un éiat tel qu’il file facilement. On charge de baume la pointe dune aiguille tenue de la main gauche. Sur cette petite provision on prélève avec la pointe de l’autre aiguille une très fine gouttelette qu’on dépose, à côté du tarse d’une des pattes de 1 insecte, sui le verre. On fait ensuite passer la pointe de la même aiguille par-dessus le tarse de la patte et on lui fait toucher le verre du côté opposé, afin d’y coller le fil de baume entraîné par le mouvement de F aiguille. Celle-ci est ramenée au contact de la gouttelette déposée près du tarse. et on la fait repasser ainsi un certain nombre de fois au-dessus de la patte, en touchant alternativement le verre de chaque côté et en évitant , avec grand soin, de heurter cette patte pour ne pas la coller a 1 aiguille et déplacer le moustique. A chaque passage au-dessus de la patte, le fil de baume, qui suit le mouvement de l’aiguille, s’applique sur le tarse et le lie au verre de chaque côté. L’ensemble des anses formées par les fils ténus de baume qui passent sur la patte se fondent en un cordon qui, une fois sec, la maintient solide- ment attachée au verre. On recommence la même opération pour chacune des pattes, après quoi, le moustique se trouve ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR fixé et prêt à être enfermé dans la cellule de verre. Avant de Fen recouvrir, il est bon de le laisser se dessécher pendant «quelques heures, soit sous une cloche où Ton a placé du chlorure de calcium, soit simplement dans une boîte, à l’abri des pous- sières, si le temps est très sec. Nous avons parfois exposé le moustique ainsi préparé aux vapeurs de formol pour empêcher le développement ultérieur de moisissures. Cette précaution est inutile, si Ton opère par un temps sec. 1! ne reste plus qu’à recouvrir l’insecte d’une cellule de verre. On confectionne cette cellule en collant au baume, sur îa lame, un anneau de verre de 4 à 6 millimètres de hauteur et d'un diamènre variable suivant l’espace qu’occupe le moustique étalé. Sur cet anneau on fixe, également au baume, une lamelle couvre-objet du même diamètre, ronde et forte. La prépararation, une fois sèche, peut se transporter dans les boîtes à préparations ordinaires, sans aucun risque de dété- rioration. Les moustiques, bien montés par ce procédé, conser- vent tous leurs caractères, il est facile de les étudier sur toutes leurs faces, soit à la loupe, soit au microscope avec des objec- tifs a long foyer. Le microscope binoculaire est particulièrement commode pour cette étude. Nous avons constaté que les Stegomyia fasciata , montés de cette manière depuis deux années, présentaient toujours avec la même netteté les zébrures qui les caractérisent. La seule diffé- rence qu’ils manifestent avec des individus à l’état frais, c'est que les parties argentées ont légèrement pâli. Avec un peu d’habitude, le montage d’un moustique au baume de Canada n’exige pas plus de 10 minutes. ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE I2o 111 fièvre jaune infantile et formes frustes de fièvre jaune Si l’on s’en rapporte aux historiens les plus autorisés de la fièvre jaune, on peut penser que cette maladie est exceptionnelle dans l’enfance. Corre 1 dit qu’elle est rare dans l’enfance et dans la vieillesse. Béranger Féraud 2, après avoir constaté que des opinions très diverses ont été émises sur ce sujet, conclut de l’examen des statistiques que « les enfants sont sensiblement moins exposés que les adultes à la fièvre jaune et que chez eux la maladie est plus bénigne ». La Roche 5 établit que l’immunité relative de 1 enfance et de la vieillesse, ressort de la plupart des écrits se rapportant aux épidémies amarilles des Antilles et de l’Amérique centrale. Les médecins brésiliens tels que Rego de Lavradio, qui ont observé les premières épidémies signalées à Rio-de-Janeiro de 1850 à 1868, ont relaté que la maladie frappait de préférence les adultes; et J. M. Teixeira fait remarquer que, si ces médecins ne se sont pas étendus sur les caractères de la fièvre jaune chez l’enfant, c’est que l’enfance était généralement épargnée. Bien que la plupart des auteurs soient arrivés h cette conclu- sion que l’enfance est moins apte que l'àge adulte à contracter la maladie, nous voyons que certains d’entre eux ont signalé des épidermes où elle frappait les enfants. Byan dit qu a Antigua, en 1793, les enfants étaient attaqués aussi bien que les adultes. Le même fait est signalé par Clark à la Dominique en 1793, par Fullok à la Jamaïque en 1819, par Catel à la Marti- nique en 1838, par Cbapuit pour la même région en 1852, par Arnold à Antigua en 1853. A la Nouvelle-Orléans, en 1853, la mortalité des enfants fut aussi très élevée. Enfin. .1. M. Teixeira affirme que la mortalité parla fièvre jaune chez les enfants, qui était très faible à Rio-de-Janeiro lors des épidémies de 1850 à 1873, s’est beaucoup élevée a partir de cette époque. Ses recherches mettent en évidence que, dans la période de 1868 à. 1876. la moyenne des décès d enfants au- dessous de 7 ans n’est que de 17 pour 1.000 décès, tandis que, pour la période de 1882 à 1894, elle atteint 42 pour 1.000. 1. Corre, Traité des fièvres des pays chauds., 2. Bérenger Feraüd, Traité de la fièvre jaune. 3. La Roche, Yellon fever, 1855. 126 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Notons que tous ces auteurs ont en vue l’enfance en général, et n’ont point recherché si les choses se passaient identiquement de la naissance à la quinziéme année. En présence de résultats et d’affirmations contradictoires émanant le plus souvent d’excellents observateurs, nous avons recherché les raisons de ces divergences et abordé l’étude de la morbidité et de la mortalité infantiles, dans les épidémies de fièvre jaune. Un premier point, établi tant par les observations anciennes que par nos recherches personnelles, c’est qu’àaucune période de l’existence, l’organisme humain n’est réfractaire à la fièvre jaune : 1° La fréquence de l’avortement avec expulsion du fœtus mort, chez les femmes atteintes de fièvre jaune dans le cours de la grossesse, tend à montrer que la mère peut transmettre la maladie au fœtus, comme cela se passe dans beaucoup de maladies infectieuses. Elle peut la transmettre également à l’enfant à terme et celui-ci venir au monde ayant déjà la fièvre jaune : tel est le cas, enregistré pendant l’épidémie de Barcelone en 1821, d’un enfant qui présenta des vomissements noirs 28 heures après la naissance et succomba au bout de 32 heures; tel est encore le cas, relevé à Rio-de- Janeiro par J. M. Teixeira, d’un enfant qui mourut dans la première journée, étant né d’une mère ‘atteinte de fièvre jaune avant l’accouchement. 2° La fièvre jaune peut atteindre l’enfant dans les premiers mois de la vie et le l> Seidl, à Rio-de-Janeiro, en a constaté divers cas dans sa clientèle, au cours des épidémies les plus récentes. 3° R est facile de retrouver des observations de fièvre jaune chez des' enfants au-dessus de l’âge d’un an. Ces cas infantiles se manifestent dans la plupart des épidémies. Nous avons eu l’oc- casion d’en voir un assez grand nombre, pendant notre séjour à Rio-de-Janeiro. 4° L’âge adulte semble particulièrement favorable à la fièvre jaune. Ce n’est là qu’une apparence, résultant de ce que les étrangers, qui fournissent aux épidémies le plus grand nombre de victimes, sont généralement adultes quand ils arrivent dans le foyer. Quoiqu’il en soit, c’est à cet âge qu’on observe le plus de cas. ETUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 127 o° Enfin, si les adultes constituent la majorité des malades, il n’est point rare de voir des amarilliques ayant dépassé la cinquantaine. Nous avons pu relever des cas chez des vieillards de 70, 73, 77 et 78 ans. Puisque l’homme est, à tout âge, sensible à la fièvre jaune, on doit se demander pour quels motifs tous les âges ne sont pas également frappés au cours d’une épidémie. Si nous considérons un foyer endémique tel que Rio-de- Janeiro, par exemple, nous voyons qu’il faut tout d’abord, au point de vue de la sensibilité à la maladie, diviser la population en deux catégories : d une part, la population native, composée des individus nés et élevés à Rio de Janeiro où iis ont continué d’habiter; d’autre part. la population étrangère, composée de tous les éléments étrangers ou nationaux nés en dehors de Rio, soit dans l’intérieur du Brésil, soit dans un autre pays, qui sont venus s’établir dans le capitale brésilienne d’une façon tempo raire ou définitive. La fièvre jaune se conporte très différemment vis-à-vis de chacune de ces deux catégories. Parmi la population étrangère, il est très peu d’individus, quels quesoientleur sexe ou leur âge, chez lesquels on ne puisse relever une atteinte de fièvre jaune légère ou grave, survenue le plus souvent au cours de la première année de leur séjour à Rio, d’ autres fois, pendant la seconde ou la troisième, bien plus rarement après un délai dépassant quatre années. Le nombre des étrangers résidant d’une manière continue dans la ville de Rio, qui échappent complètement à la fièvre jaune au cours d’un séjour prolongé, est extrêmement restreint . Les sujets adultes formant la grande majorité de cette caté- gorie, il est tout naturel qu’ils fournissent le plus grand nombre des cas. Si l’on tient compte de la proportion des enfants, on constate* que non seulement la mortalité chez eux est moindre que chez les adultes, mais encore que cette mortalité, parmi les enfants étrangers, est beaucoup moins considérable pour ceux âgés de moins de o ans que pour ceux de 8 à 16 ans. Bien que Ton puisse observer des cas mortels dès la première enfance, c’est là une rare exception; il ressort de nos recherches que la proportion des cas mortels infantiles est à peu près en raison 128 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR directe de l’âge des enfants, entre la première et la seizième année. On voit souvent la fièvre jaune attaquer tous les membres d’une famille récemment installée dans la ville, frapper sévère- ment les adultes ou même les adolescents et déterminer, chez les jeunes enfants, des atteintes si légères qu’on hésite à attri- buer ces malaises éphémères a la même maladie. Parmi les nombreuses observations de ce genre que nous avons recueillies, nous pouvons citer celle d’une famille portu- gaise : Trois mois après leur arrivée à Rio, la mère et les 4 enfants âgés F un de 2 ans, un autre de 5, un autre de 8 et le 4e de 9, sont entrés à Thôpital avec la fièvre jaune. La mère a éprouvé une atteinte relativement bénigne dont elle a guéri. L’aîné des enfants a présenté une forme grave avec délire, hémorrhagies, vomissements noirs. 11 a succombé au bout de 13 jours. Chez le cadet la maladie a duré 8 jours. Elle s’est accompagnée d’hémorrhagies et de vomissements noirs ; néanmoins il a guéri après une convalescence assez longue. Les deux plus jeunes enfants de 2 et 5 ans ont pré- senté une forme extrêmement bénigne dont ils ont guéri très rapidement. On peut relever des exemples analogues dans toutes les épidémies de Rio-de-Janeiro. On s’explique par suite que les statistiques de mortalité enregistrent, parmi la catégorie étran- gère, presque exclusivement des décès d’adultes. * Si nous examinons maintenant ce qui se passe chez la popu- lation native, nous verrons qu’il n’en est plus de même. Dans cette catégorie, les cas de maladie, parmi les adultes, constituent une exception, on peut dire une rareté. Cependant il est peu de familles qui n’aient , vu, à un moment, la fièvre jaune frapper quelqu’un de leurs membres. Mais, fait remarquable, c'est presque toujours sur des adolescents ou sur des enfants déjà âgés de plusieurs armées, qu’on a diagnostiqué une atteinte plus ou moins grave. On signale bien rarement des cas chez de très jeunes enfants, et les adultes sont, d’une manière générale, très manifestement à l’abri. 11 faut ajouter que, parmi les ado- lescents qui sont victimes de la fièvre jaune, un assez grand nombre ont vécu dès le bas âge hors de la ville de Rio, au moins pendant la saison annuelle de l’épidémie. C’est en effet ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 129 une pratique courante, chezles familles fortunées de cette ville, de n y séjourner, la femme et les enfants tout au moins, que pendant la période hivernale et de passer à la campagne les premiers mois de l’année, qui sont à la fois des mois de chaleur et d’épidémie dans la capitale. En résumé, on constate pour la catégorie étrangère une sen- sibilité à la fièvre jaune égale à tous les âges, avec une morta- lité très faible chez les enfants jeunes, plus marquée chez les adolescents et très forte chez les adultes. Pour la catégorie native, au contraire, la sensibilité apparaît pour ainsi dire nulle chez les adultes, tout en restant faible chez les adolescents et très faible, au moins en apparence, chez les enfants jeunes. La mortalité, presque insignifiante chez ces derniers, est plus grande chez les adolescents. Chez les adultes les cas sont extrêmement rares, mais ont un caractère de gravité générale- ment plus accusé que chez les jeunes sujets et sont plus fré- quemment suivis de mort. Dans la statistique des décès d’une épidémie, on voit que les adultes natifs figurent en nombre insignifiant par rapport aux adultes étrangers, tandis que les enfants natifs forment plus de la moitié du contingent des décès infantiles. Le fait frappant qui se dégage de cette comparaison, c’est qu’à partir de l’adolescence les résidents natifs sont, d’une manière presque absolue, à l’abri de la fièvre jaune, tandis que les résidents étrangers y sont exposés dès leur arrivée, quel que soit leur âge. Presque tous les auteurs qui ont parlé de la fièvre jaune chez les enfants ont en vue la période des 10 ou 15 premières années de l’existence. Seul, J. M. Teixeira a établi une distinc- tion entre les enfants âgés de moins d’une année et ceux âgés de 1 à 7 ans et au-dessus. Cette distinction est du plus haut intérêt, dans la recherche des causes qui mettent la popula- tion native adulte à l’abri de la maladie. Les statistiques des épidémies qui se sont succédées à Rio, depuis 1850, sont tout à fait incomplètes en ce qui touche la morbidité; nous ne pouvons donc en extraire que les chiffres de mortalité pour la période delà première enfance. Encore ces chiffres ne se retrouvent-ils pas pour les épidémies de 1850 à 1807 eUpour celles de 1877 à 18§1. Le tableau suivant indique 9 130 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR la mortalité des enfants au-dessus de 1 an, pour les années où la stat ist ique a enregistré T âge auquel se sont produits les décès 1 . Mortalité par fièvre jaune chez les enfants au-dessous d'un an à Rio-de-J aneiro . Années. 1868.. ... . 1869 1870 1871 1872 1873 1874- 1875 1876 1882.. 1883 1884 1885.. ...... . . 1886 1887 1888.. 1889 1890 1891 1892 1893 1894 1895 1896 1897 1898 1899 1900 1901 1902 1903 1904 nfants Total des décès de fièvre •dessous amarille > 1 an. à tous les âges. 0 3 0 272 2. 1.018 0 8 0 102 9 3.467 1 829 1 1.292 2 3.317 0 89 2 1.356 4 579 5 374 14 1 015 0 -00 0 529 19 1.454 1 719 7 4.456 20 4.312 0 825 0 4.852 1 818 4 2.929 1 159 0 1.078 0 731 0' 344 0 299 0 984 0 584 0 48 38 . 942 Voici donc une série de 32 épidémies qui ont fourni un total de 38,942 décès et où I on a enregistré en tout 93 décès d’enfants au-dessous d’un an, soit I décès d enfant sur 418 décès de tout âge. Même si l’on admet que les notifica- tions des décès infantiles par fièvre jaune n aient pas été faites d’une façon rigoureuse et qu’un certain nombre aient échappé à la statistique, on ne peut s’empêcher d’être surpris de leur faible proportion. En prenant, par exemple, l’épidémie où 1 Nous devons à l’obligeance du Dr Bulhoès de Carvalho, chef du service de la statistique sanitaire à Rio-de-Janeiro, les documents qui nous ont permis a éta- blir nos tableaux de mortalité infantile,, 131 ETUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE Fou a relevé le plus grand nombre de ces décès, celle de 1892, on trouve 1 décès infantile sur 215. Les statistiques ne disent pas si ces décès ont porté sur la population étrangère ou sur la population native, mais il est facile de se rendre compte qu’ils ont frappé presque exclusi- vement des jeunes enfants de cette dernière catégorie. En effet,, il est exceptionnel que les familles étrangères qui viennent résider à Rio comptent, parmi leurs membres, des enfants a\ ant moins d un an au moment de leur arrivée* Pour ceux qui naissent à Rio de parents étrangers, ils doivent tout natu- rellement être comptes dans la population native. 1) autre part les statistiques de mortalité par fièvre jaune des enfants de tout âge montrent que, pour les épidémies où la nationalité a été enregistrée, la majorité des jeunes victimes sont d origine bré- silienne. Cette etude statistique met en relief la différence que pré- sente la mortalité chez les enfants en bas âge, avec la morta- lité à un âge plus avancé. De la 2e à la 7e année, la mortalité est encore très faible, beaucoup plus marquée toutefois que dans le cours de la pre- mière. R ressort des statistiques de J. M. Teixeira1 que les épidémies survenues à Rio-de-Janeiro. de 1868 a 1876 et de 1882 à 1894, soit une série de 22 années, ont causé 30.728 décès au total, parmi lesquels 110 décès d enfants au-dessous d un an et 1,193 décès d’enfants âgés de 1 à 7 ans. C'est-à-dire que, pour cette série épidémique, on a relevé 1 décès d'enfant de chacune des 6 années allant de la lre à la 7e sur 154 décès, et, seule- ment 1 décès d’enfant au-dessous d'un an, sur 279 décès. Ces tableaux statistiques montrent que la mortalité, si faible dans la première année, s’élève à partir de ce moment, tout en res- tant sensiblement la même pour chacune des années de la 2° jusqu a la 7e, et qu’elle continue de s accroître après la 7e année. Notons encore, à propos de la mortalité chez les enfants, qu’à partir de l’àge d’un an on diagnostique une notable proportion d’atteintes de fièvre jaune non suivies de mort. Au contraire, il semble qu’au cours de la première année les cas mortels seuls ont été diagnostiqués. 1. Le tableau des statistiques de J. M. Teixeira diffère un peu du tableau delà page 130, lequel a été puisé aux sources officielles. 432 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Il n est pas douteux que les enfants en bas âge fournissent un très petit nombre de victimes aux épidémies de fièvre jaune. Les chiffres statistiques de la mortalité infantile par cette maladie le manifestent. Mais si l’on supposait que ces chiffres sont entachés d’erreur et que nombre de petits enfants peuvent mourir de fièvre jaune sans que leur cas soit diagnostiqué, nous pouvons encore, pour confirmer ce fait, invoquer la com- paraison de la mortalité totale annuelle de toutes causes, des enfants au-dessous d’un an, au nombre total des décès de fièvre jaune. Le tableau suivant qui embrasse les 15 dernières années, montre que la mortalité générale infantile n’est pas influencée par les épidémies amarilles. Tableau comparatif des décès occasionnés à Rio-de- Janeiro de 1890 à 1904, par la fièvre jaune , chez les enfants au-dessous d’un an , par rapport à la mortalité totale du même âge et à la totalité des décès par fièvre jaune. Années. Mortalité par fièvre jaune enregistrée par la statistique des enfants au-dessous de 1 an. Mortalité totale des enfants au-dessous de 1 an Mortalité totale à tous les âges par fièvre jaune 1890 1 2.350 719 1891 .... 7 3.522 4.436 1892 20 2.782 4.312 1893 0 2.439 825 1894 0 2.654 4.852 1895 1 2.884 818 1896 4 3.064 2.929 1897 1 2.920 159 1898 0 2.804 1.078 1899 0 2.981 731 1900 0 2.400 344 1901 ........ 0 2.638 299 1902 0 2.806 984 1903. 0 2.790 584 1904 0 3.365 48 34 42.399 23.138 On peut remarquer dans ce tableau que les années 1891 et 1904, qui ont fourni les plus hauts contingents de décès d’en- fants, coïncident, la première avec une très forte épidémie de fièvre jaune ayant déterminé 4,456 décès, la seconde avec une épidémie extraordinairement faible ayant déterminé 48 décès seulement. Cet accroissement de décès infantiles en 1891 et 1904 n’est pas le fait de la fièvre jaune. Nous en trouvons l’explication / ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE m dans les épidémies de variole qui ont marqué ces deux années. Elles ont occasionné 3.944 décès en 1891 et 3.566 en 1904, contre une moyenne de 600 décès pour les autres années. Le large tribut payé par l'enfance à la variole, justifie b accroisse- ment de décès si considérable pour ces deux années. D’une façon générale, ce tableau témoigne nettement qu'il n'y a pas de relation entre le chiffre de la mortalité de cet âge et l’impor- tance des épidémies de lièvre jaune. De ce que la fièvre jaune détermine un nombre insignifiant de décès dans la première enfance, doit-on conclure, avec la plupart des auteurs, qu'à cette période de T existence l’espèce humaine est moins exposée à la contracter, qu'il y ait pour l'enfant jeune une immunité qui se perd progressivement à mesure qu'il s'achemine vers l’àge adulte? S'il en était ainsi on devrait admettre que, pour la catégorie native, l'immunité généralement solide au cours de la première année de la vie, s'affaiblit pendant la seconde enfance qui fournit un certain nombre de cas et de décès, pour redevenir solide à l'àge adulte. Au contraire, dans la catégorie étrangère, l’immunité, com- parable à ce qu elle est pour la catégorie native pendant la première et seconde enfance, deviendrait nulle chez les adoles- cents et les adultes. Une telle conception est inconciliable avec notre connaissance moderne de la fièvre jaune et de son méca- nisme. Jusqu'à la fin du siècle dernier, on a, dans le cours des épidémies, compté comme cas de fièvre jaune, ceux-là seuls où le malade présentait l'ensemble des symptômes caractéris- tiques permettant d’établir le diagnostic clinique. A la vérité, dans maintes circonstances, les médecins enregistraient des cas abortifs où les symptômes principaux, tels que l’albuminurie, les vomissements, faisaient défaut. Souvent on observait que dans une famille, à côté d’un membre atteint de fièvre jaune typique, d’autres accusaient une indisposition d’allure suspecte; mais, ce n’est qu’avec timidité et avec beaucoup de réserves, qu'en osait attribuer ces indispositions à la même cause. Le critérium faisait défaut. A partir du moment où l’on a saisi l'agent de la maladie etoù l'on a pu, avec cet agent, la reproduire d'une manière expérimen- ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 134 taie, on a constaté que les cas expérimentaux étaient loin de réunir toujours l'ensemble de symptômes et les conditions de gravité nécessaires, pour établir cliniquement le diagnostic. C’est ainsi que, parmi les sujets qui se sont prêtés à nos expériences, nous avons déterminé, au moyen, soit des piqûres de Stegomyia infectés, soit des injections de sérum virulent, tantôt des cas graves, tantôt des cas moyens, mais encore typiques, tantôt enfin des cas légers ne présentant, à l’examen clinique, aucun symp- tôme caractéristique qui eût permis d’asseoir le diagnostic. Ce diagnostic ne pouvait être affirmé que parce que la maladie était déterminée par une inoculation expérimentale. Entre les mains de Reed,Carrol et Agramonte, de Quitteras, de Ribas, A. Barreto, de Barros et Rodrignez, l’expérimenta- tion a produit des cas semblables en une proportion inattendue, si bien que des médecins sceptiques ont cru pouvoir affirmer que les piqûres de Stegomyia , infectés sur des amarilliques, provoquaient une indisposition passagère absolument étrangère à la fièvre jaune. Nous avons voulu avoir la preuve que ces cas légers ne se présentaient pas exclusivement à la suite d’inoculations expéri- mentales, qu'ils se rencontraient dans les conditions naturelles. A cet effet, nous avons choisi un certain nombre de cas douteux parmi ceux qui étaient soumis à notre examen à Rio-de- Janeiro. Ces malades, nouveaux arrivés au Brésil, avaient présenté une atteinte fébrile légère simulant un embarras gastrique. L’atteinte ne s’était accompagnée ni de rachialgie, ni de céphalée caractéristiques; elle n’avait été suivie ni d’albuminurie, ni de vomissembnts noirs, ni d’hémorrhagie, ni d’ictère. Les m blecins qui nous adressaient ces malades étaient convaincus qu’il s’agissait d’une affection sans gravité, grippe ou embarras gastrique, entièrement étrangère à la fièvre jaune. Cependant, en raison de leur habitation dans un foyer amaril et de l’absence de toute suspicion de paludisme chez eux, nous avons cru devoir rapporter à la fièvre jaune la maladie bénigne et éphémère qui avait frappé ces sujets. Quelques jours après la disparition de l’accès fébrile, en vue de confirmer notre diagnostic, nous les avons soumis à la piqûre d’un certain nombre de Stegomyia infectés. Dans les 4 cas où l’expérience a été faite, ces piqûres n’ont amené aucun résultat. ÉTUDES SUR LA FIEVRE JAUNE 535 Il est donc certain que chacun de ces malades était immunisé par une atteinte antérieure; c’est-à-dire que l’accès fébrile que nous avions observé, constituait un cas de fièvre jaune bénigne. Nous donnons ci-après les observations résumées de ces 4 cas. Observation. R, y., âgé de 23 ans, arrivé d’Espagne au Brésil depuis 3 mois, na jamais été malade dans cet intervalle. Il ressent au 5 mars un malaise Général et de la rachialgie. Au 6 mars, la langue est saburrale, l’épigastre est légèrement sensible à la pression, la température est très peu au-dessus de la normale. Il n’y a pas de douleurs et peu de faiblesse généiale. La fièvre, très peu élevée, a persisté jusqu’au Tl mars. A aucun moment il n y a eu d’albumine dans les urines ni d’ictère. Le malade a guéri très rapidement après la chute de la température. On avait diagnostiqué un embarras gastrique fébrile. Ce sujet a été piqué 4 jours après la guérison, par 5 Stegomyia fasciata infectés sur un malade de fièvre jaune le 17 lévrier. Il n a manifesté aucune réaction à la suite ’de ces piqûres. Observation. M. F., arrivé au Brésil depuis 3 mois, n’a jamais été malade dans cet intervalle. Le 5 mars 1905 il a éprouvé dans la matinée des maux de tête et un peu de malaise. Le soir,' la température s’est élevée et l’on constate un peu de bronchite. Au G mars, il présente des symptômes d embarras gasti ique, les maux de tête persistent, ainsi que l’engouement des bronches, il toussr expectore peu. La fièvre est tombée le 7 mars, et en même temps tous 1rs symptômes se sont amendés. Il n’a présenté, a aucun moment, d albumine dans les urines. Son cas a été considéré comme grippe. A partir du 10 mai^ la santé est redevenue normale. 136 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR On a lait piquer ce malade, après la guérison, par 6 Stegomyia-fasciata infectes le 17 février sur un malade atteint de fièvre jaune. Aucune réaction n’a suivi les piqûres. Observation. L C., âgé de 24 ans, arrivé au Brésil depuis 2 mois, a ressenti le 4 mars 1906, a midi, un frisson suivi le soir de céphalalgie et de fièvre. La langue est saburrale, avec les bords rouges. Pas d’albumine dans les urines dînant tout le cours de la maladie. La fièvre et la faiblesse ont persisté jusqu au 8 mars, avec un état général très satisfaisant. Il peut se lever dès le 8 mars. Pas d ictère. Convalescence rapide. Il avait été envoyé à l’hôpital avec le diagnostic : Embarras gastrique fébrile. Ce sujet a été piqué, cinq jours après la guérison par 8 Stegomya fasciata infectés sur un malade de fièvre jaune au 2e jour, le 16 février. H n’a présenté aucune réaction à la suite de ces piqûres. Observation. M. B., âgé de 23 ans, arrivé au Brésil depuis 1 an, n’a jamais été malade depuis cet intervalle. En revenant de son travail, le 9 février 4905, à ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 137 5 heures du soir, il éprouve une sensation de malaise., céphalalgie, rachialgie légère et lassitude générale. La fièvre se manifeste dans la nuit et dure jusqu’au 12 février avec de légères rémissions matinales. L’état général est assez bon, il n’éprouve ni douleurs de tête ni douleurs lombaires pendant les journées du 10 et du 11 février. La langue est légèrement saburrale. Aucune trace d’albumine dans les urines. L’estomac est un peu sensible à la pression. Il paraît revenu à la santé à partir du U février. Le diagnostic de grippe a été porté par le médecin traitant. 8 jours après la guérison, on fait piquer ce sujet par 6 St. f. infectés depuis 23 jours sur un malade de fièvre jaune. Les piqûres n’ont été suivies d’aucune réaction. On ne saurait nier aujourd’hui, le fait étant basé sur des expériences, que les de cas fièvre jaune qui échappent à la statis- tique d’une épidémie, en raison de la difficulté du diagnostic, sont infiniment plus nombreux qu'on aurait pu le supposer jadis. L observation nous a montré que ces cas légers sont assez fréquents à l'âge adulte, mais qu’ils le sont bien davantage encore dans les premières années de l’existence. On peut presque dire que leur nombre, parmi la population infantile exposée à une épidémie, croît en raison inverse de l’âge des sujets. Et 1 on ne saurait être surpris, désormais, de constater que la mortalité, dans le jeune âge, soit proportionnellement moins élevée pour les adolescents que pour les adultes et pour les enfants que pour les adolescents. Les résultats expérimentaux que nous venons d’indiquer et les considérations qui précèdent, nous conduisent naturelle- ment à cette conclusion que si, dans le premier âge, la rnorta- 438 ANNALES BE L’INSTITUT PASTEUR lité amarille est extrêmement réduite, cela tient non à un degré particulier d’immunité chez les enfants, mais à des moyens de défense, chez l’organisme jeune, qui vont s’affai- blissant jusqu’à l’âge adulte; que la proportion des cas de fièvre jaune parmi les enfants au-dessous d’un an, loin d’être inférieure à celle observée chez ceux plus âgés ou chez les adultes de la catégorie étrangère, est aussi considérable, sinon davantage; que la rareté apparente des cas de la première enfance, résulte de ce que ces cas sont presque toujours trop bénins pour être diagnostiqués et, par conséquent, échappent en majorité à l’observation médicale la plus attentive. Ce fait important a été dès longtemps soupçonné par quelques rares observateurs, entre autre Quitteras1; les notions expérimen- tales acquises dans ces dernières années étaient nécessaires pour Tétablir. Les données de la clinique sur la fièvre jaune des enfants à la mamelle sont trop vagues pour en tirer d’importants ensei- gnements au point de vue qui nous occupe. La description des formes de la maladie dans l’enfance, faite par J. M. Teixeira et les autres auteurs, s’applique surtout à des cas observés au-dessus de l’âge d’un an. Cependant, il est un fait constaté par divers cliniciens et en particulier par le Dr Carlos Seidl, directeur de l’hôpital de la fièvre jaune à Rio-de-Janeiro : c’est que, lorsqu’on s’aperçoit qu’un petit enfant est atteint de fièvre jaune, presque toujours il est à la période du vomissement noir et que la mort suit de très près la constatation de son état mor- bide. Faut-il en conclure que la maladie, chez lui, ne comprend qu’une période, la dernière, qiéelle commence avec les hémor- rhagies du tube digestif suivies au bout de quelques heures par le vomissement noir, précurseur presque immédiat de la mort? Nous ne le croyons pas. Nous savons qu’à un âge plus avancé, les hémorrhagies et les vomissements noirs surviennent chez le malade vers 'le 4e jour généralement, jamais au début de la maladie; qu’ils constituent un symptôme tardif de la plus haute gravité et caractérisent une période de la fièvre amarille à laquelle n’arrivent jamais les cas légers. 11 nous paraît 1. Guittkras, La fiebre amarilla considerata coma infermedad de la iti fan- cia. Cronica medico-q u i ru rgica de la Habana, 1894. ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE •139 rationnel M. G. D., Portugais, âgé de 40 ans, était à Rio-de^îanéirô depuis 10 mois, quand, le 25 janvier 1005, à 9 heures du .sôir, il est pris d’un violent frisson. Il se couche, mais les violentes 10 446 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR douleurs qu il éprouve toute la nuit dans la tête et dans les muscles de la masse lombaire l'ont empêché de dormir. Il a été en proie, d’ailleurs, à une forte fièvre. Comme il habite dans une cité où se sont déjà produits de nombreux cas de fièvre jaune, les médecins de la surveillance sanitaire l’envoient dès le 26 à l’hôpital. A son arrivée, il accuse encore des douleurs dans la tête, la masse lombaire et les membres inférieurs. Les conjonctives sont rouges, le regard brillant, la face et la partie supérieure de la paroi thoracique sont hyperhémiées. La langue, saburrale. est rouge à la pointe et sur les bords. Le pouls est petit et lent, quoi- que la température soit au-dessus de 38°. L’urine ne contient pas d’albumine. 27. Les douleurs de tête continuent, mais sont plus faibles. Le pouls est à 60. Il n’y a pas d’albumine dans les urines, mais on y constate la présence d urâtes. 28. L’état général est bon. L’urine contient des traces d’albu- mine. A partir de ce jour, la température qui n’a été vraiment élevée qu’un jour, reste à la normale et le malade sort de l'hôpital le 31. u II y revient le 8 février. — Depuis la veille au soir il a été repris des mêmes symptômes qui avaient entraîné sa première ETUDES SUR LA FIEVRE JAUNE 147 entrée : frissons, céphalalgie, rachialgie et Fièvre. Le 9, il a quelques vomissements. La langue est saburrale, rouge à la pointe et sur les bords. Urine trouble, contenant de l'albumine. Délire pendant la nuit. 10. Le malade a émis 960 grammes d’urine albumineuse. A passé une mauvaise nuit avec agitation et subdélire. Il a eu des vomissements noirs. Il se plaint de douleurs de tète violentes, la région abdo- minale est très sensible à la pression. IL 300 grammes d urine albumineuse. Délire pendant la nuit, vomissements noirs abondants. 12. 43 grammes d urine en 24 heures. Vomissements noirs qui se répètent à chaque instant. Le délire continue. Il meurt à 7 heures du soir. V CONCLUSIONS 1° Le S tegomyici fasciata femelle, dès les premiers jours de son existence à 1 état partait, est capable de piquer l homme de jour et de nuit. Au bout de très peu de temps, particulièrement après avoir fourni une première ponte, ce moustique cesse de piquer dans la journée. Il en résulte que, dans les circon- stances normales, la transmission de la fièvre jaune n’a pas lieu de jour, tout au moins entre 7 heures du matin et 3 heures I du soir ; 2°L ingestion de sang vivant est indispensable au Stegomyia fasciata pour le développement de ses œufs. Il obéit en cela à une loi qui parait générale chez tous les culicides pourvus dune trompe, et qui s est vérifiée pour toutes les espèces que nous avons soumises a 1 expérimentation. Peu après sa sortie des | vaisseaux, le sang perd la propriété, ingéré par l’insecte, de favoriser la ponte ; 3° Chez la plupart des espèces de moustiques, la femelle meurt après lacté de la ponte et ne peut, par suite, effectuer qu une seule ponte. Le St. f. échappe à cette règle d une façon générale. Dans cette espèce, la femelle est susceptible de fournir | jusqu à 7 pontes successives après un seul accouplement, à la condition d ingérer à nouveau du sang après chaque ponte. IL * 148 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ressort de nos expériences qu’à l’état libre, les femelles St. /. peuvent fournir 2 ou 3 pontes en moyenne ; C’est à cette particularité biologique que l’espèce Stégomyia fciscicita doit de pouvoir servir de véhicule à la fièvre jaune. 4° Il est facile de conserver vivants et de faire l’élevage, en France, du St. f. Pendant la saison d’été, la température de l’intérieur des habitations convient à ce moustiqne et il peut s’y multiplier à l’état libre, bien que d’une façon moins active que sous les climats tropicaux. Ce fait doit entrer en ligne de compte dans l’établissement des mesures de prophylaxie vis- à-vis des navires, suspects de fièvre jaune, arrivant dans nos ports au cours de l’été ; 5° L'espèce humaine est, dès le premier âge, sensible a la fièvre amarille. Cette maladie évolue chez le tout jeune entant d’une façon discrète et ne peut être diagnostiquée, à coup sûr, que dans les cas fort rares où elle aboutit au vomissement noir. La mortalité amarille chez les enfants, presque nulle dans la première année de l’existence, demeure très faible jusqu’à l’adolescence. Les cas frustes de fièvre jaune qui peuvent s’observer chez des sujets de tout âge, constituent la règle chez les enfants; fi° L’atteinte fruste de fièvre jaune infantile confère l'immu- nité. La durée et la solidité de cette immunité varient avec les individus, elle peut être entretenue par des récidives; 7° Les récidives de la fièvre jaune sont probablement plus fréquentes qu’on ne peut le constater. Beaucoup échappent à l’observation en raison de leur caractère de bénignité. Dans des cas exceptionnels, la fièvre jaune peut récidiver sous une forme grave ; 8° La rechute est rare. Quand elle se manifeste, c’est en général avec un caractère de haute gravité. De l’anti-endotoxine typhique ET des anti-endotoxines, en général. Par le Dr BESREDKA •> (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) Dans une note antérieure S en énumérant les propriétés de l’endotoxine typhique soluble, nous avons souligné son carac- tère spécifique; cette spécificité ressortait, entre autres, du fait que le poison en question ne se laissait neutraliser que par un sérum préparé que nous avons désigné sous le nom d’anti- endotoxique. Or, comme jusqu’à ces temps derniers on ne parlait d’anti endotoxines que pour nier leur existence, et on allait même jusqu’à nier la possibilité d’en jamais préparer, nous avons cru utile de décrire quelques-unes des propriétés de notre anti- endotoxine typhique, afin de lui permettre de prendre rang parmi les anticorps dûment reconnus. Rappelons que dans la définition même de l’endotoxine entre la négation de l’existence d’anticorps. Il est, en effet, convenu de distinguer les toxines, à proprement parler, des endotoxines, d'après les deux caractères suivants : premièrement, les toxines, dit-on, sont sécrétées par des microbes vivants sans que leur intégrité en soit compromise, tandis que les endotoxines étant intimement liées aux corps de microbes, leur mise en liberté n’est possible que lors de la désagrégation des microbes. Deuxièmement, les toxines peuvent donner naissance aux anti- corps, alors que les endotoxines, quel qu’en soit le mode d’injec- tion, en sont tout à fait incapables : injectées à des animaux, elles ne font apparaître dans le sérum que des bactériolysines. Cette distinction a été surtout très nettement mise en relief par l’assistant de R. Pfeiffer, Wolff 2 dont les idées à ce sujet 1. Ces Annales , juillet 1905. 2. Centralbl. f. Bakter., I. Origin., t. XXXVIT, 190i, p. 591, oie. 450 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ont d’autant plus de poids que c’est à son maître que revient le mérite d'avoir le premier introduit la notion des endotoxines •en bactériologie *. •> C'est à l'impossibilité d’obtenir des anti endotoxines que Wolff attribue la faillite des sérums dits bactéricides dans la thérapeutique humaine. Ceux qui incriminent l’absence de pro- priétés antitoxiques font, d’après Wolff, fausse route, « l’insuf- fisance des sérums étant due à l’incapacité de l’organisme de fabriquer des anticorps contre les endotoxines », et il ajoute que (( jusqu'à présent tous les efforts pour obtenir des anti- endotoxines n’ont abouti à rien et il y a tout lieu de croire qu’il en sera de même dans l'avenir » 8. Or, les anti-endotoxines existent, et comme nous l’avons montré dans notre note de juillet dernier, pour en préparer le procédé le plus sûr et le plus expéditif consiste à immuniser avec des cultures entières par la voie veineuse. & -i . - * * * Le cheval « Lange » qui a servi à l’immunisation, avait reçu, en injections intraveineuses, d’abord des cultures chauffées à 60°, puis des cultures vivantes de b. typhiques sur gélose. Les injections étaient faites tous les 15 jours. Le cheval réagissait fortement (40°-41°) à chaque injection, et cela quelle que fût la dose de virus injecté. Pour ménager notre animal qui était plutôt vieux, nous lui injections peu de microbes à la fois : depuis deux ans qu’il est en expérience, il n’a jamais reçu plus, de deux cultures sur gélose en une seule fois. Après 6 mois d’immunisation, on a pu constater que son sérum possédait, en plus des propriétés connues, communes à tous les sérums antimicrobiens, encore celle de neutraliser l’endotoxine, solide ou liquide. Nous entendons par endotoxine solide les corps de bacilles, recueillis après 16-20 heures de culture sur gélose, tués et des- séchés dans le vide. Cette endotoxine, délayée dans 1 c. c. d’eau physiologique, tue un cobaye de 300-350 grammes à la dose moyenne de 0^,01. 1. Voir les travaux de Pfeiffer et de ses élèves in Zeitschr. f. Ilygiene , 1892- 1896. 2. Lor. rit. ANTI-ENDOTOXINES m En partant de ces bacilles secs on peut préparer, par un procédé déjà décrit et que nous avons perfectionné depuis, une endotoxine liquide qui produit les mômes lésions que le produit originaire et qui, en plus, a Davantage d’être plus pure et plus active, à volume égal. L'endotoxine solide qui délayée dans 1 c. c. d’eau physiolo1 gique, tue en injection intrapéritonéale, à la dose de 0gry0t,' devient inoffensive en présence de 1 c. c. de sérum normal de cheval; parfois, on arrive à neutraliser deux doses mortelles,' mais jamais plus. Or si, au lieu de sérum normal, on ajoute du sérum de « Lange » à l’endotoxine solide, on peut injecter de celle-ci impunément 5, 10 et jusqu’à 12 doses mortelles, à la condition d’ajouter 0gr,0o, 0gr,i, 0gr,2 de sérum préparé, sec. Dans ces expériences de neutralisation, on arrive bientôt à une dose maxima d’endotoxine, que l’on ne franchit pas : nous pensons que cela tient surtout à ce que l’on injecte inévitable- ment, en môme temps que Fendotoxine contenue dans les corps de microbes, aussi une énorme quantité de substances étran- gères contre lesquelles les leucocytes du péritoine ne peuvent rien. Nous le pensons d’autant plus volontiers que dans le, c^s d’endotoxine liquide, comme nous allons le voir, la neutrali- sation par le même sérum de « Lange » peut être poussée plus loin. 1 !.. | Ce n’est pas seulement au contact que se. manifeste l’action spécifique du sérum. On peut injecter à un cobaye 0gr,05-0gr,l de sérum préparé sous la peau avec la certitude que le lendemain l’animal survivra à une inoculation d’une dose sûrement mortelle d’endotoxine dans le péritoine. Il n’est pas môme besoin d’attendre 24 heures : l'expérience réussit aussi bien si l’on in jecte le sérum sous la peau 1 heure seulement avant l’endotoxine, laquelle est, naturellement injectée dans le péritoine. Dans plusieurs cas nous avons réussi à préserver le cobaye, môme en injectant simultanément le sérum sous la -peau et l’endotoxine dans le péritoine; nous devons toutefois remar- quer que cela ne réussit pas à tout coup. Lorsque, au lieu d’injecter le sérum « Lange », sous la peau, 152 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR on l’introduit dans le péritoine, on peut intervenir avec succès- meme plus tard. Ainsi, après avoir introduit dans le péritoine à une série de cobayes une dose sûrement mortelle d endo- toxine, nous leur injectâmes dans, le péritoine du sérum spéci- fique après des intervalles de temps variables (après 15', 30', 1 h., 2h.,3h.). Ces expériences ont montré que 1 heure après- l’injection d’endotoxine, et parfois même 2 heures après, on peut sauver l’animal; dans ce dernier cas il faut injecter plus- de sérum (0^r,2). La dose d’endotoxine est choisie de façon à tuer le témoin en 12-18 heures. Le sérum normal injecté dans les mêmes conditions ne pré- serve pas l’animal. , En présence des propriétés, préventives, neutralisantes et, jusqu’à un certain degré curatives, quele sérum préparé « Lange » exerce vis-à-vis de l’endotoxine solide, on est donc tout autorise à, qualifier ce dernier d’anti-endotoxique. * * Les résultats sont à peu près les mêmes lorsque, au lieu d'employer des corps de bacilles chauffés et desséchés, on opère sur V endotoxine soluble extraite de ces corps. Le sérum normal de cheval, à la dose de 1 c. c., est capable de neutraliser une dose mortelle, très rarement, deux doses d’endotoxine liquide. Avec le sérum de « Lange », on arrive facilement à neutraliser 10-20 doses mortelles et plus.. L’endo- toxine que nous préparons maintenant et sur laquelle nous reviendrons prochainement, tue un cobaye de 300 grammes environ, à la dose de 1/8 c. c. Or, avec 0gr,2 de sérum sec de « Lange » on arrive à neutraliser jusqu’à 4 c. c. de cette endo- toxine, c’est-à-dire 32 doses mortelles. Bien qu’il nous ait été impossible de dépasser cette dose, nous ne pensons pas que l’on, soit arrivé là à la dose limite de neutralisation, comme le cas s’est présenté pour l'endotoxine solide. Tout ce qu’on peut conclure de cette expérience, c’est que nous sommes à la limite d’action de notre échantillon de sérum; a priori , rien ne paraît s’opposer à ce que, en poussant l’immunisation plus activement et en purifiant l’endotoxine davantage, on n’arrive à une neutralisation, plus parfaite. Gomme il fallait s’y attendre d’après les expériences faites- ANTI-ENDOTOXINES 153' avec l'endotoxine solide, le sérum de « Lange » agit sur l’endotoxine soluble aussi dans le cas où il n’y a pas de contact, - les deux liquides étant injectés séparément. * * * Notre cheval ayant été immunisé uniquement avec des corps* de bacilles, il est tout naturel que son sérum soit doué de propriétés protectrices vis-à-vis de l'infection typhique. Que l'on injecte à l'animal 0gr,05 de sérum sous la peau la veille ou qu'on l'injecte seulement 2 heures avant les microbes, on est sûr de le préserver contre une péritonite typhique* qui enlève le témoin en 12-16 heures. L’issue est, par contre, à peu près fatale lorsqu’on injecte simultanément le sérum sous la peau et les- bacilles typhiques* vivants dans le péritoine. On réussit, il est vrai, à saüver le cobaye à la condition d’injecter le sérum aussi dans le péritoine. Dans ce cas on peut intervenir avec succès 1 heure et même 2 heures après l’infec- tion; passé ce délai on ne parvient qu’à retarder la mort de quelques heures, * * En terminant, nous voudrions dire quelques mots d'expé- riences déjà anciennes sur la peste que nous n’avons pas- publiées et qui se rattachent à la question d’anti-endotoxines. Ce même « Lange » dont il vient d’être question, a été destiné tout d abord à la préparation du sérum antipesteux. Dès* que nous fumes en possession de l’endotoxine pesteuse soluble 4, nous nous sommes demandé si en injectant celle-ci dans les veines d'un cheval, il ne serait pas possible d’obtenir un sérum plus actif que celui que l’on possède aujourd’hui. Après trois mois d’immunisation, nous essayâmes le sérum, à la fois vis-à-vis de l’endotoxine pesteuse solide (culture* sur gélose, émulsionnées dans l'eau physiologique, chauffées à 60° (1 heure) et desséchées) et vis-à-vis de l’endotoxine pesteuse liquide. Nous avons eu la joie de constater que nos prévisions se* sont réalisées et que, en effet, le sérum ainsi obtenu neutralisait des doses multiples d endotoxine pesteuse, aussi bien solide 1. Ces Annales , juillet 490o. 454 ANNALES DE L INSTITUT PASTEUR que liquide. Mais, lorsque pour faire une expérience de contrôle, nous primes le sérum antipesteux préparé par M. Dujardin- Beaumetz, nous ne fûmes pas peu surpris de constater que Ce dernier, quoique préparé uniquement par injection des cultures sur gélose, se montra aussi anti-endotoxique, si ce n’est môme plus que le nôtre. Ces expériences sur la peste que nous avons alors jugé inutile de poursuivre, nous sont revenues à l’esprit lorsque plus tard chez le même che val, nous vîmes apparaître l’anti-endotoxine typhique à la suite d’injection de bacilles typhiques dans les veines. * En présence de ces faits, nous ne pouvons pas nous empêcher de faire un rapprochement entre ces deux anti-endotoxines et leur mode de préparation1, et de nous demander si nous ne sommes pas là en présence d’ün procédé général de préparation de sérums anti-endotoxiques vis-à-vis des microbes àendotoxine, tels que le coli-bacille, le bacille de la dysentérie, le vibrion cholérique, le bacille pyocyanique et quelques autres. Si, d’une part, Ton pense que nombre de toxines décrites par les auteurs comme telles (typhiques, pesteuses et autres) rappellent à s’v méprendre les substances que l’on peut extraire des corps de bacilles morts et sont, par conséquent, selon toute probabilité, de simples endotoxines; si, d’autre part, il est vrai qu’un sérum peut devenir aussi anti-endotoxique, sinon plus, à la suite d’injection intraveineuse des corps de microbes qu’à la suite de celle d’endotoxines solubles, il faudra nécessairement arriver à cette conclusion que pour les microbes à endotoxine, (bac. d’Eberth, colibacille, bac. de la peste, vibr. cholérique, bac. de la dysentérie, bac. pyocyanique), l’introduction des corps de microbes, directement, dans la circulation générale est de V)us les modes d’immunisation celui qui est appelé à donner les sérums les plus actifs. 1. Rappelons que le sérum antipesteux de l’Institut Pasteur est préparé par injection des cultures sur gélose dans les veines de cheval. La culture des lier APPLIQUÉE A L’ANALYSE DES EAUX Le rapport aérobie-anaérobie critérium du contage. Par Alfred GUÎLLEMAIID I. — L’analyse bactériologique quantitative, telle qu’on l'effectue actuellement, se limite à la numération des colonies microbiennes qui se développent en présence de l’air et princi- palement sur une plaque de gélatine. La recherche des germes qui végètent à l’abri de l’oxygène est presque complètement négligée, et, dans les tableaux que font paraître régulièrement les laboratoires d’hygiène, on ne fait aucune mention de ces espèces. Cette lacune regrettable tient à l’absence d’une méthode pratique de culture des microbes anaérobies : la technique usitée en bactériologie pure est, d’une manière générale, beau- coup trop compliquée pour être utilisée par l’analyste qui doit préparer un nombre important de dosages dans un très court délai. Cette considération m’a incité à simplifier quelques-unes des méthodes les plus couramment employées : en modifiant légèrement les procédés décrits par M. le Dr Roux, je suis arrivé à combiner un dispositif qui permet de cultiver les anaérobies avec une grande facilité, tout en n’exigeant qu’un matériel très ■sommaire. Comme récipient de culture, j’ai écarté le tube de Yignal, qui est trop encombrant à cause de sa longueur et le tube de Yeillon, parce que les colonies sont disséminées dans une épais- seur considérable de substratum qui rend leur observation difficile. Je m’en suis tenu à la pipette de Pasteur, un peu plus grande que celle journellement employée dans les laboratoires, soit 0m,25 de longueur (4 dans le tube d’un mètre). Je la confectionne (par économie), avec le verre dit extra-mince, ayant un diamètre de 8 millimètres, mesuré au pied à coulisse. Cette pipette possède une contenance de 9 à 10 c. c., soit le volume des milieux de culture conservés dans les tubes à essais à la hauteur de trois travers de doigt. Elle est effilée à sa ANNALES DE L INSTITUT PASTEUR *56 partie inférieure et étranglée à sa partie supérieure de façon à pouvoir loger un tampon d’ouate. C’est par cette extrémité qu’on la rattache à l’appareil à hydrogène. Celui-ci est établi pour servir à deux usages : 4° chasser l’air de la pipette et de la culture pour le remplacer par l’hydrogène; 2° aspirer cette culture dans la pipette de Pasteur à l’abri de l’oxygène. Dans ce but, j’ai fait communiquer le flacon de lavage du gaz L avec un flacon de niveau N, par un tube de caoutchouc raccordé à la tubulure inférieure de chacun des flacons. Par un mouvement d’abaissement du niveau, on comprend qu après avoir inter- rompu le courant du gaz, on pourra produire une dépression dans la pipette et y faire refluer le contenu du tube à essais. L’ordre des opérations se fait donc ainsi : 4° Liquéfier le milieu de culture. Ensemencer à la tempé- rature de 38-40° (pour la gélose) avec beau à essayer et diluée dans la proportion voulue ; 2° Flamber la pipette. La rattacher à l’appareil à hydrogène et faire passer un courant rapide de gaz; 3° Fermer la pince P. Placer la pipette dans le tube de culture mis en réserve dans le bain-marie B à 38-40° et la caler avec un peu d’ouate. Ouvrir doucement la pince P. de façon à faire passer un courant continu d’hydrogène, en évitant toutefois des bulles de gaz trop fortes ; 6° Après quelques minutes de barbottage, fermer le robinet Rt du gazogène, ouvrir le robinet R, du flacon de niveau et, lorsque la culture a rempli la pipette, fermer l’étranglement avec une CULTURE DES MICROBES ANAÉROBIES 157 petite flamme. Fermer pareillement Teffilure inferieure et laisser refroidir dans une éprouvette remplie d’eau froide. Mettre à T étuve à 37°. Je dois faire aussi quelques remarques sur la préparation de la gélose nutritive. Je considère comme un mauvais procédé la clarification des milieux aux moyen du blanc d’œuf. L’albumine, en effet, se dissouttoujoursunpeu,à la faveur del’alealinitédes préparations, en formant des alcali-albumines. Or, j’ai pu me convaincre, par des expériences répétées, que ce produit est la cause principale de cette mousse persistante qui se manifeste quand on opère le vide ou qu’on fait barbotter un gaz dans sa solution. De plus sous l’influence de l’acidité qui se développe ultérieurement dans les cultures, l’albumine dissoute se coagule, le milieu s’opacifie, et l’observation des colonies ne se fait plus que péniblement. On pourra préparer la gélose en employant la méthode habituelle modifiée ainsi : Porter à l’ébullition et cuire ensuite pendant 10 minutes le mélange suivant : Eau 1,000 grammes. Viande hachée. . . . . oOO — Peptone 10 — Sel 5 — Exprimer. Filtrer à chaud. Laisser refroidir 12 heures. Filtrer à froid : la solution doit être limpide et acide. Compléter à un litre s’il y a lieu. Ajouter un fragment de papier de tournesol rouge, puis de la soude à 36° B., goutte à goutte, jusqu’au bleuissement du tournesol. Ajouter alors 10 grammes de gélose. Faire fondre à la chaleur, puis porter à 115-120° à l’autoclave. On doit avoir un abondant précipité de phosphate terreux qui, en se déposant, clarifie parfaitement la solution. Filtrer, distribuer en tubes, stériliser à température plus basse que précédem ment, etc. Cette gélose à 1 0/0, ainsi préparée, est presque aussi transparente que la gélatine dans les pipettes de 8 mm. de diamètre. Elle me sert également à confectionner les plaques de Pétri, nécessaires à la numération des microbes aérobies. * * * IL — Dans la pratique des analyses, je prépare donc 2 essais : 158 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’un, en milieu anaérobie avec la pipette de Pasteur, T autre en milieu aérobie avec la plaque de Pétri. Ces deux cultures sont mises ensemble en observation à la température de 37-38°. Je préfère cette température à celle de 22° usitée avec la gélatine, d’abord parce qu’on obtient des résultats parfaitement suffisants en 2 ou 3 jours au lieu de 15, ensuite le nombre des colonies qui se développent ainsi représente, d’une manière plus parfaite, la teneur en bactéries susceptibles de proliférer dans l'organisme vivant et qui sont, pour l’hygiéniste, beaucoup plus intéressantes à dénombrer que les schizophytes vulgaires qui périssent ou ne peuvent se multiplier à la température du corps humain. Pour avoir une idée de la répartition des espèces microbiennes dans une eau, il faudrait pouvoir séparer et ranger les micro- germes en trois classes : aérobies, facultatifs et anaérobies. Bien que cela ne soit pas complètement impossible, l’importance du travail, la mise en œuvre d’un matériel considérable, obligent dans la pratique à renoncer à ce dessein. En effet, il est indis- pensable, pour spécifier un germe, de l’ensemencer dans un milieu de culture différent de celui où il a végété. Or, on compte une moyenne de 100 ou 200 colonies réparties entre les 10 plaques et les 10 pipettes que comportent une analyse. Si donc on emploie, pour chacun de ces repiquages, 2 tubes de gélose afin d’avoir un résultat certain, cela fait un total de 200 ou 400 cultures partie aérobies, partie anaérobies, qu'il faut surveiller avec soin. Je n’insiste pas sur la possibilité d’un pareil travail qui dans les laboratoires d'hygiène doit se répéter journellement avec plusieurs échantillons d’eau. On est donc obligé de s’en tenir à la notion du milieu, à la place de la notion individuelle : je veux dire qu'on classera les résultats de l’analyse en deux groupes : d’une part, les germes se développant a l’abri de l’air, comprenant les anaérobies vrais et les microbes facultatifs ; d'autre part, les germes se multipliant au contact de l’oxygène, réunissant les aérobies stricts avec les facultatifs notés en premier lieu. Mais cette classification ne sera pas inutile, car, en comparant les résultats de chacune de ces numérations on obtiendra un élément nouveau, un rapport, propre h dégager les conclusions de l’analyse. Pour établir ce rapport il sera avantageux de ramener à 1 ,000 le chiffre d'un des CULTURE DES MICROBES ANAEROBIES 159 dosages, celui effectué en milieu aérobie, par exemple, et de calculer le chiffre proportionnel qui correspond à lautre essai. G est de cette façon que j’ai obtenu le tableau suivant, en expérimentant avec quelques eaux de la région parisienne. i . Nature de l’eau. Vanne. Fontaine publique IIIe arrond Marne. Eau filtrée alimentation banl. est. Marne (rivière) à Nogent Seine à Ivry. Seine au Point-du-Jour Eau d’égout à Gennevillers Terre de jardin (100 gr. dans 1 litre eau stérile) Matière fécale (1 ose dans 20 c. c. eau stérile) Nombre de colonies se développant à 37°. En milieu aérobie. En milieu anaérobie. Rapport. par c. c. 92 par c. c. 7 1000/76 23 8 1000/347 S. 500 730 1000/86 6.001) 1.800 1000/300 56 . 000 5.600 1000/100 10.850.000 5.650.000 1000/520 par gr. 2.400.000 par gr. 1.400.000 1000/580 par ose. 4.000.000 par ôse. 7.000.000 1000/1750 Ce tableau, que je n’ai dressé qu’à titre de simple indication, ofire quelques exemples de F utilisation du rapport aérobie- anaérobie pour expliquer les variations qui se manifestent dans la composition bactérienne d'une eau et déterminer, de ce fait, la solution du problème. Ce qui frappe tout d’abord, c’est la forte proportion, la prépondérance même des microbes anaérobies, dans la flore intestinale : toute eau contaminée par les microgermes des résidus de la vie n’échappera pas à ce témoignage indubitable, qu elle soit polluée directement, comme le sewage d’une ville, ou indirectement comme peut l'être une rivière recevant les apports des pluies après leur ruissellement sur des sols souillés de détritus. C’est cette contamination que I on constate dans la Seine, d abord avant l’entrée du fleuve dans Paris, puis à la sortie, où la teneur en anaérobies passe de 1,800 à 5.600. Quant à la forte proportion de microbes aérobies dont cette rivière s’est enrichie pendant la traversée de la ville (56,000, chiffre se rapprochant des analyses officielles), elle provient très probablement de la multiplication de ces germes pendant leur parcours jusqu’au fleuve : la numération brute et le rapport des dosages démontrent donc dans ce cas une auto-infection.- ■ J60 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR j Je vais maintenant choisir l'exemple contraire. La composition moyenne de la Vanne, ainsi que le tableau l'indique, estlasuivante t aérobies 92, anaérobies7. En comparant à ces nombres les résultats d'un autre dosage dans lequel j’avais trouvé : aérobies 111, anaérobies 15, il est hors de doute que ce dernier prélèvement était plus contaminé que le premier. Cepen- dant, ces chiffres à première vue n’indiquent pas un contage excessif, puisqu'on trouve comme différence 111 — 92= 19 aéro- bies et 15 - 7 = 8 anaérobies. Mais si l’on consulte les rapports 1,000/76 et 1 ,000/136, on voit que l'accroissement n’est pas dû ;à une auto-infection, mais à une souillure venue de l'extérieur (fait important dans une eau d’alimentation), car, même en •admettant que le chiffre d’anaérobies représente seulement des microbes , facultatifs qui aurait pu se multiplier dans les réser- voirs d’emmagasinage ou dans les conduites de distribution, il n’y a aucune raison pour que les germes aérobies ne se soient pas développés dans les mêmes proportions. Je termine ces citations en exposant les conclusions relatives à l’épuration delà Marne. Cette épuration semble avoir amélioré considérablement l’eau de cette rivière, puisque, partant de 730 anaérobies on n’en trouve plus que 8 après la filtration, soit sensiblement la teneur de l’eau de la Vanne (7). D’après ces résultats on peut mettre en comparaison l’eau de la Marne filtrée avec l’eau de source. Mais si l’on veut savoir sur quels germes l’épuration biologique a exercé son influence, alors les rapports 1,000/86 d’une part et 1,000/347 d autre part, montrent que les anaérobies ont disparu beaucoup moins vite que les aérobies, puisqu’ils demeurent proportionnellement quatre fois plus nom- breux dans l’eau épurée (347/86). Et dès lors, il est tout indiqué de chercher à améliorer le travail de F épuration en portant l’attention sur la teneur en anaérobies. En résumé, de toutes ces considérations, il résulte que l’appréciation de la contamination d’une eau, 1 évaluation de la .densité delà pollution, si je puis m’exprimer ainsi, sontl'apanage -de la numération simple ; mais le rapport aérobie- anaérobie permet seul de déceler le sens -du contage.. 1 Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire. 20me ANNÉE MARS 1906 No 3 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE Par MM. E. MARCHOUX et P.-L. SIMQND Quatrième Mémoire de la Mission française à Rio-de-Janeiro. 1 ENDÉMICITÉ AMARILLE Les localités où la lièvre jaune se manifeste constituent tantôt un foyer accidentel, tantôt un foyer endémique. Récem- ment encore, il était très difficile, au moins pour certaines régions du globe, de déterminer si la maladie y sévissait à l’état endémique. Nous possédons aujourd’hui des données scientifiques qui permettent d’établir cette distinction d une façon plus précise. Nous savons que l’endémicité amarille nécessite, pour s’établir, des conditions de température et d’humidité permettant au Stegomyia fasciata de se reproduire d’une manière plus ou moins active pendant toutes les saisons de l’année. La fièvre jaune, introduite une fois dans une ville qui possède ces con- ditions climatiques favorables, pourra s’v installer à demeure, produisant chaque année, pendant la période où le Stegomyia pullule davantage, un nombre plus ou moins grand de cas; elle régnera à l’état endémique. C’est le cas de Rio-de-Janeiro et 11 16 2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de beaucoup de ports de l’océan Atlantique, de la côte améri- caine située entre les tropiques. Si, au contraire, la fièvre jaune est apportée dans une région où le Stegomyia fasciata disparaît pendant une longue période de P année, par suite de conditions climatiques défavorables, elle formera la un foyer accidentel qui s eteint avec la dispa- rition des Stegomyia et ne peut se rallumer, les années suivantes, sans une nouvelle importation de cas de maladie \enus d un autre foyer. C’est ainsi que Buenos- Ayres et Lisbonne, où une saison fraîche assez prolongée fait disparaître d’une manière à peu près complète le Stegomyia pendant une partie de l’année, ont constitué, à diverses époques, des foyers accidentels. Il en est de même pour New- York et, d’autres . ports des Etats-Unis. Là, l’espèce Stegomyia fasciata , incapable de traverser l’hiver, périt totalement à latin de la saison chaude. Si elle reparaît à de nouvelles saisons estivales, ce n’est pas, comme à Buenos- Ayres et en d’autres régions à hiver doux, parce que quelques individus échappent à la destruction par le froid. Ce n est pas non plus parce que* dans le voisinage existent des contrées, plus clémentes à ces moustiques, où ils se conservent durant toute l’année et d’où ils reviennent, au moment favorable, vers les centres populeux dont le climat ne leur convient que pendant une saison. Le Stegomyia ne se retrouve à New- York qu à la condition d’y être réimporté, et cette importation se fait géné- ralement par les navires venus des Antilles. De telles localités ne peuvent former que des foyers accidentels de fievre jaunt. La difficulté principale que l’on a éprouvée jusqu’à présent pour établir qu’en certaines villes la fièvre jaune constitue une endémie et n’a pas besoin de réimportations annuelles poui s y manifester épidémiquement, résulte de ce que les apparitions ne sont pas, dans tous les foyers endémiques, annuelles et régulières comme à Rio-de-Janeiro par exemple. Il peut s’écouler parfois, entre deux épidémies, une ou plusieurs années au cours des- quelles on n'enregistre aucun cas. C’est ce que I on a pu obser- ver à Santos, à Bahia, à Pernambouc, etc. On pourrait penser que de tels foyers sont accidentels, s il n’était de toute évidence que la fièvre jaune y renaît sur place, sans être apportée de l’extérieur à chaque lois quelle se manifeste. ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 163 Pour se rendre compte de la manière dont se constitue et se perpétue un foyer endémique, if faut se reporter à ce que nous avons dit, touchant la sensibilité à la maladie de la population d'une localité amarille. Considérons donc une ville jusque-là entièrement indemne de fièvre jaune, mais possédant parmi ses moustiques le Stegomÿia fasciata et pourvue d’un climat qui permet à cette espèce de s’y reproduire en toute saison. Si un malade amaril lique est introduit dans cette ville ou si un Stegomÿia infecté y est apporté, par un navire par exemple, une épidémie pourra s’y développer. Elle n’y manquera pas, pour peu que l’importation de l’être porteur de virus, homme ou moustique, coïncide avec 1 époque de 1 année où les Stegomÿia pullulent avec plus de facilité. Cette première épidémie, rencontrant une population dont aucun élément ne possède l’immunité, la touchera tout entière, causant des décès» en grand nombre et déterminant en outre une grande majorité d atteintes moyennes ou légères. Très peu d’individus, quel que soit leur âge, éviteront l’inocula- tion amarille et, lorsque l’épidémie aura cessé, il restera dans cette localité une population à peu près entièrement vaccinée. Pour entretenir des moustiques infectieux dans la suite, il reste le petit nombre des habitants qui ont exceptionnellement échappé, durant 1 épidémie, aux piqûres virulentes et qui pour- ront fournir plus tard ces cas isolés, dits sporadiques, qui forment le trait d union d une épidémie à T autre. Mais cet élément ne suffirait pas longtemps à entretenir le virus dans la localité, si un contingent neuf n’était fourni continuellement par les naissances. C’est grâce à cet apport constant de sujets nouveau-nés, que peut se poursuivre d’une façon indéfinie la culture du virus, par passage alternatif du sujet humain au moustique. Ce contingent infantile, sans cesse renouvelé, est l 'élément principal qui crée et conserve l’endémie. ' , Il suffit de rappeler ce que nous avons dit de l’allure géné- ralement bénigne de la maladie chez le jeune enfant pour comprendre que des années peuvent s’écouler, après une tpidemie meurtrière, sans qu on note des cas nouveaux, ceux-ci n étant presque jamais diagnostiqués. Et si, par exception, il se présente quelques cas graves isolés parmi les rares adultes ou 164 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR adolescents qui, épargnés antérieurement, sont demeurés sensibles au virus, leur nombre en est trop restreint pour retenir Fattention. En de tels foyers, l’opinion publique, souvent d’accord avec l’opinion médicale, méconnaît très ordinairement l’existence endémique de la fièvre jay ne. Pour le démontrer, il suffit de regarder ce qui se passe lorsque intervient un nouveau facteur, l’étranger. C’est lui, sujet adulte non immunisé, qui, en pénétrant dans ce foyer où elle ne peut plus trouver d aliments dans la population native adulte, va permettre à la fièvre jaune de se manifester à nouveau épidémiquement avec les symptômes classiques et la sévérité qu’elle affecte vis-à-vis des adultes. Nous croyons qu’il est facile de constater, dans la plupait des foyers endémiques, l’existence de cas sporadiques infantiles qui perpétuent l’endémicité. La Guadeloupe, notamment, nous paraît susceptible de fournir une remarquable confirmation des résultats auxquels nous a conduits l’étude des foyers endémiques du Brésil. Il existe, en certaines localités de la Guadeloupe et d autres Antilles, une maladie des enfants et des adolescents, caractérisée, dans les cas graves, par le vomissement noir. Parmi les auteuis qui l’ont observée, la plupart, comme Dutrouleau, Guesde, Yiala, se refusent à l’identifier avec la fièvre jaune pour les raisons suivantes : 1° l’absence d’épidémies véritables ; 2° absence de cas chez les adultes; 3° mortalité peu élevée; 4° possibilité des récidives. Or, tous ces caractères sont précisément ceux de la fièvre jaune infantile dans les foyers endémiques. Les localités presque exclusivement peuplées de natifs noirs ou mulâtres, où les cas ont été signalés, ne renferment que des habitants vaccinés. Gomment donc la maladie pourrait-elle s’y manifester épidémiquement chez les adultes ? En ce qui concerne les récidives, nous savons qu elles existent, bien qu’en petite proportion, pour la fièvre jaune. Si. les habitants les considèrent comme très fréquentes, il y a ^eu de tenir compte de ce que, saut le cas où le vomissement noir se manifeste, le diagnostic est extrêmement difficile à établir. On peut, par suite, être induit en erreur et considérer comme une récidive une affection de nature différente. ÉTUDES SUR LA FIEVRE JAUNE 165 D'ailleurs, les conditions des récidives de la fièvre jaune sont encore mal connues ; il est possible qu elles soient plus com- munes chez les enfants qu’on ne le suppose, au moins dans certaines régions. D’après les observations publiées par Yiala, la fièvre à vomissements noirs des enfants à la Guadeloupe ne nous parait différer en rien des cas de fièvre jaune que nous avons observés sur des enfants brésiliens 1 . Nous espérons que des études nouvelles, basées sur les acquisitions récentes concernant l’épidémiologie amarille, ne tarderont pas à élucider complètement la nature de la maladie à vomissements noirs des enfants de la Guadeloupe. Dans les foyers endémiques, nous l’avons dit, c’est la popu- lation étrangère qui fait, pour ainsi dire exclusivement, les frais des poussées épidémiques. Que cette population flottante soit accrue d’une façon inusitée par des circonstances telles que les grands travaux des villes et des ports, et l’on voit éclater des épidémies meurtrières formidables, comme celle observée à Santos à l’occasion de la construction du port. Nous ne saurions ici nous étendre sur toutes les circonstances favorisantes qui concourent à ces retours épidémiques, espacés par des périodes irrégulières d’accalmie. Signalons seulement que l’une des plus importantes est la coïncidence d’une tempé- rature spécialement avantageuse à la multiplication du Steyo- myia fasciata , avec les arrivages d’immigrants et l’augmenta- tion, quelle qu’en soit la cause, de la population flottante. On peut donc poser en fait qu’une cité où les étrangère adultes forment la grande majorité des victimes de la fièvre jaune, est un foyer endémique dont les habitants permanents sont très généralement immunisés grâce à l’endémicité, chez eux, de la maladie. Une autre déduction particulièrement impor- tante pour nos colonies d’Afrique peut être tirée de la con- naissance du mécanisme de l’endémicité amarille : Si, dans un foyer en état d’épidémie, une catégorie d’individus appartenant à la population étrangère demeurent indemnes, il est certain que la localité d’où cette catégorie est originaire constitue un loyer endémique. C’est ainsi qu’a Rio-de-Janeiro, les Brésiliens L Viala, La Fièvre à vomissement noir chez les enfant s à la Guadeloupe. Annales (V Hygiène et de Médecine coloniale, 1905, p. 67. 166 ANNALES DE ï /INSTITUT PASTEUR originaires de Para, de Santos et de la plupart des ports situés au nord de Rio, traversent impunément, en général, les épi- démies les plus meurtrières. Au contraire, les Brésiliens pro- venant des villes de l'intérieur et des ports du sud sont lour- dement frappés au cours des mêmes épidémies, et cela quelles que soient leur race et leur couleur. C'est que le climat et la dis- tribution des Stegomyia ne permettent pas à la fièvre jaune de former, en ces dernières localités, des foyers endémiques. Elle y constitue un foyer accidentel lorsque, par une saison estivale exceptionnellement chaude, les Stegomyia pullulent, si des cas étrangers y sont importés. Elle sévit alors sur tous les éléments de la population, puis s’éteint au retour de Thiver. L’histoire des épidémies de la côte d’Afrique, le fait que les noirs adultes de certains points de cette côte sont réfractaires à la fièvre jaune, manifestent qu’il existe dans ces régions des foyers endémiques permanents. La maladie y sévit assurément de la façon fruste que nous avons indiquée. Elle frappe dans les villages noirs à peu près exclusivement la population infan- tile, attendu que le reste de la population a été immunisé dans les mêmes conditions, c’est-à-dire dès l’enfance. Les cas infan- tiles se reproduisant à des intervalles peu éloignés suffisent pour entretenir d’une année à l’autre des Stegomyia virulents. Si une épidémie vient à éclater dans un centre habité par des Européens, les noirs qui s’y trouvent en contact avec eux, ori- ginaires de villages où ils ont acquis l’immunité, ne paient aucun tribut à la maladie. La constatation de ce fait a créé la légende de l’immunité naturelle de la race noire. Cette question longuement discutée a donné lieu, de la part des auteurs, aux affirmations les plus contradictoires, toutes basées d’ailleurs sur des observations exactes. Les uns ont vu, comme Daniell en 1826 à Savannah, comme Blair à la Guyane anglaise, des milliers de nègres arri- vant de la côte d’Afrique traverser des épidémies sévères sans fournir une seule victime ; ceux-ci concluent à une immunité absolue de la race. D’autres ont vu à la Nouvelle-Orléans, à fa Guyane, à la Martinique, au Sénégal, des épidémies décimer les noirs dans une proportion voisine de celle fournie par les blancs. D’autres, considérant T ensemble des observations conte- nues dans la littérature, admettent avec Bérenger Férand que le 167 ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE noir, sans être complètement réfractaire à la fièvre jaune, est cinquante à cent fois moins sensible que le blanc. On peut actuellement se rendre compte de la raison des contradictions relevées dans les observations de nos devanciers : le noir ori- ginaire d’un foyer endémique est immunisé, tandis que celui qui est né et a vécu dans une région indemne de fièvre jaune demeure sensible. Transportés dans un foyer en période d’épi- démie, le premier se montre réfractaire, tandis que le second contracte la maladie. Qu’il y ait une différence dans la facilité plus ou moins grande avec laquelle la maladie atteint le noir ou le blanc, c est un point à éclaircir. On sait que l’Européen des pays du nord, Suédois, Norvégien, Russe, est .. « % '••■ ■ V* /.-. . •. o e \ ' .Jtv » v s *% dp- «; ; f;; ® . •*■ V«> " ..> *W- •***'■' !*. ’ •>•• «vfp t • - . «s» r -<* «>«* ' - -» '3*’ ' • l+y&f K.:-' c c- ) £>e‘v £> Xv C.# * V*«» • X V - ; »**£• «• . (L-v • *« <• « %t ÿS® ^ ««â&N* Je®* >«>«?*.% è H* vfV* dSr* * «* \ Fig. 2 Annales de l’Institut Pasteur Vol. XX. Planche V] ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE PLANCHE VIII 177 Fig. i (Zeiss, oc. 2, obj. DD). Une portion du chorion interglandulaire de l’estomac. — L'épithélium de revêtement est desquamé. Les capillaires super- ficiels sont dilates et gorgés de sang. Au bas de la figure, un de ces capillaires est rompu et on voit des traces d'hémorragie dans le tissu conjonctif voisin. C'est à la rupture de ces capillaires dans la cavité stomacale qu’il faut attribuer les hémorragies si fréquentes à cet endroit dans la 2e période de la maladie, comme en témoignent les vomissements noirs. Fig. 2 (Zeiss, oc. 2, obj. 1/12). Coupe d’un point du chorion interglandulaire de l’esto- mac. — Un capillaire rompu a donné naissance à une forte hémorragie qui a pénétré le tissu conjonctif. Celui-ci, distendu par l’épanchement, vient faire hernie dans la cavité stomacale entre les cellules de revêtement. 178 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEL! 1! ' • ;• 'I ' PLANCHE IX Fig. 1 (Zeiss, oc. 2, obj. DD). Coupe de deux villosités de T intestin yrple >, — La lésion principale de l’intestin est le soulèvement de. l'épithélium par une sorte d’œdème. Cette chute épithéliale peut-être constatée déjà quelques instants après la mort. Quelques çeilules con- tiennent des granules de graisse, mais cette dégénérescence est rare et peu marquée. Les capillaires superficiels dunhorion sont quelquefois rompus, comme on le voit au has gt à droite de la figure. Les glandes sont normales. v ? Fig. 2 (Zeiss, oc. 2. obj. ÀA). ‘ \ ; '■:î' (tU . — Coupe d'un lobule hépatique. — Faite dans un foie prove- nant d’un sujet mort tardivement, au .14® jour de la maladie. Cette coupe montre que la dégénérescence graisseuse est limitée à la partie moyenne du lobule. C’est là un cas particulier, très différent de celui représenté dans la figure 2 de la planche 10, qui donne l’aspect ordinaire du foie des jauneux. nnales de l'Institut Pasteur. Vol. XX. Planche IX. TATON. CkA V. I M P. — PA PIS Fig. 2 Annales de l'institut Pasteur. Vol. XX. Planche X 179 ÉTUDES [SUR LA FIÈVRE JAUNE PLANCHE X Fig. i (Zeiss, oc. 2. obj. 1/12). Coupe de foie. — Ce foie provient d un sujet qui est mort au commencement alu 14e jour. La dégénérescence graisseuse n existe pas seule. Le sang a envahi tout le lobule, baignant les débris de noyaux et les fragments de protoplasma qui résul- tent de la destruction des eèllules. ; . ! ! / - , Fig. 2 (Zeiss, oc. 2, obj. DD). Coupe de foie. — Cette coupe a été pratiquée dans le foie d un sujet mort au b® jour de la maladie. On voit que les cellules sont chargées de granulations graisseuses à un point tel que cette production pathologique tes distend. Les capillaires sanguin^. à peine marqués, sont vides de sang. Cette coupe donriy Faspect du tissu hépatique daos la très grande majorité des cas de fièvre jaune. - 180 ANNALES DE L’INSTITUT PASTElJll PLANCHE XI en g Fig. 1 (Zeiss, oc. 2, obj. 1; 12). Pancréas. — Le pancréas est très atteint par la dégéné rescence graisseuse. Certaines cellules sont comme bouirées de granules qui en masquent toute la texture. Les éléments cellulaires sont gonflés au point d'effacer presque toujours la lumière du canal. Les cellules centro-aeineuses et basales sont peu différenciables. Les cellules des cordons de Langerhans sont aussi atteintes que les cellules sécrétantes. Fig. 2 (Zeiss, oc. 2, obj. 1/12). Un confluent veineux du pancréas. — Les capillaires sont énéral vides de sang, sauf les capillaires périartériels qui sont gorgés. Aux confluents veineux il y a, au contraire, une accumulation de sang considérable. Le gonflement des cellules semble avoir exprimé les capillaires. ■ Annales de l'Institut Pasteur, Vol. XX. Planche XI Fig. 2 181 N ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE PLANCHE XII Fig. 1 Zeiss, oc. 2, obj. 1/12). # • . i : . Tissu nerveux dans le pancréas avec deux cellules gan- glionnaires et filets nerveux. — Ces cellules contiennent de nombreuses granulations teintées en noir par l’acide osmique. La plupart se dissolvent dans le xylol chaud et sont attribuables à une dégénérescence graisseuse du protoplasma de la cellule nerveuse. Fig. 2 (Zeiss, oc. 4, obj. 1 12). Un canal extérieur du pancréas. — Le canal contient quel- ques globules i rouges et il paraît se faire entre les cellules épithéliales une exsudation sanguine. 1 82 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR PLANCHE XIII Fig. 1 (Zeiss. oc. 2, obj. I)D). Rate. — La rate est gorgée de sang. , C'est à ce phénomène de congestion passive qu’il faut attribuer la petite augmentation de volume qu’on constate généralement pour cet. organe. Les glomérules sont réduits de volume et semblent dissociés. Fig. 2 (Zeiss, oc. 2, obj. 1/12). Rate (Coloration par le bleu de Unna). — A ce grossisse- ment les cellules endothéliales présentent une dégénérescence très particulière de leur protoplasma, qui prend un aspect monili- forme et qui finit par se transformer en gouttelettes de, graisse. Cet état du protoplasma des cellules endothéliales, si évident ici, permet de supposer qu’il est dû à un processus général, moins visible dans les autres organes. Ainsi s’expliquerait la tendance aux hémorragies qu’entraîne l’infection amarillique. Annales de l'Institut Pasteur Vol. XX. Planche XIII. •% (£ « *« «pC % •» * % \» \ S « ». A * * ja ^ e ®i «x a*« c •»„ n $8 * ^ * _ • % •** O k / . ® ** « « » a % » ® a « «(► _» ® « a s®. « «,1* « • *8 »& * tfe>* ©* ûÔ u* «, « c Fig. i Fig. i 'ATON. CMV. IMP. PA PIS - Annales de l'Institut Pasteur. Vol. XX. Planche XIV. TAXON, üBA V. IMV. — PAHl* ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE . PLANCHE XIV 183 Fig. 1 (Zciss, oc. 2, obj. 1)D). Loupe de rein. — Dans certains cas, la dégénérescence graisseuse de l’épithélium rénal est peu considérable. Dans la coupe ci-jointe* on ne voit que quelques cellules parsemées de gouttelettes de graisse . Leglomerule en renferme aussi quelques- uns. Fig. «iss, oc. 2, obj. DD). Loupe de rein . — Dans d’autres cas, en particulier ceux flans lesquels la maladie s’est terminée par de l’anurie, on observe au contraire une dégénération en graisse très intense des cellules épithéliales. Les canalicules sont souvent obturés par des cylindres formés de cellules desquamées et de globules extravases plus ou moins bien conservés. 184 ANNALES DE] L1NST1TUT PASTEUR PLANCHE XY Fig. 1 (Zeiss, oc. 2, obj. DD). Capsule surrénale , couche corticale. — Les capsules sur- rénales sont profondément atteintes par la dégénérescence graisseuse, ainsi que l’a signalé déjà " Aüstregèsilo. Cette dégénérescence est surtout marquée dans la zone fasciculée qui quelquefois est beaucoup plus atteinte que dans le cas présent. Les gouttelettes de graisse y sont rassemblées au point déformer de grosses masses. Elles sont au contraire très fines dans la région glomérulaire. Fig. 2 (Zeiss, oc. 2, obj. DD). Capsule surrénale , région médullaire. — La dégénéres- cence graisseuse, moins marquée dans cette région, s’y présente sous la forme de fines granulations. La veine centrale est gorgée de sang. Vnnales de l'Institut Pasteur Vol. XX. Planche XV. Hig i Fig. 2 TATON. GRAV. l.nP. — PAU* Annales de l lnstitut Pasteur. Vol. XX. Planche XVI. !* , TATON. CRAV. IMP. PAH! ETUDES SUR LA FIEVRE JAUNE [PLANCHE XVI 185 Fig. 1 (Zriss, oe. 2, obj. 1/12). '• ' t j e t j •'« ’ . i .' . \ # f . . ; •. \ Coupe d’up ganglion lymphatique. — On y voit de gros macrophages bourrés de granulations graisseuses, dues soit à une dégénérescence propre, soit plutôt à de la phagocytose et au transport’ ‘des granulations graisseuses, prisés dans lés . u oh i ,v; 1 1 . i,- ■ .;! , i .. . . Ah \r. Uon organes, jusque dans le tissu lymphatique. ,v Dans la 2e période de la fièvre jaune et même à la fin de la tre, les leucocytes contiennent presque tous des granulations graisseuses. i ■ : . v .i . \ . .\ . Fig-' 2-(ZciVs, oe. % obj. 1/12): ! " i. i ' ! i . ; ; » • . y f. * ■ • - i » / > i : * . • i S 9 Coupe du muscle pectoral. — Les muscles sont en général normaux. Cependant, comme dans le cas particulier, on peut observer quelquefois des traces de dégénérescence dans certaines fibres musculaires. i i 1 86 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEÜR PLANCHE XY1I Fig • 1 (Zeiss, oc. 2, obj. DD). Coupe de ta prostate. ~ Le tissu épithélial est desquamé. La plupart des cellules portent des traces de dégénérescence graisseuse. Ces cavités glandulaires ne renferment que des amas informes de cellules. Il ne s’agit pas, en ce cas, d’accident post-mortem , car l’autopsie a été faite très peu de temps après l'a mort. , .. / ' 4 1 Fig. 2 fZeiss, oc. 2, obj. DD). Coupe d'un repli de V épithélium urétral. — Les cellules bordantes de F épithélium portent des traces très apparentes de dégénérescence graisseuse . Annales de l'Institut Pasteur. Vol. XX. Planche XVII. Fig. \ Fig. 2 TATON, Cl — m.»r Annales de l'Institut Pasteur. »»TON. CRA V. | MP. — PARIS Vol. XX. Planche XVIII. ETUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 187 PLANCHE XVIIÏ Fig. 1 (Zeiss, oc. 2, obj.DD). Coupe du testicule. —L’épithélium des canaux spermatiques est desquamé et les cellules dégénérées. Cette coupe a été faite au voisinage de Fépididyme. Fig. 2 (Zeiss, oc. 2, obj. DD). Un canal spermatique. — On y voit les traces de la dégé- nérescence graisseuse qui porte sur toutes les cellules épithé- liales et qui; constitue un phénomène très général dans là; fièvre jaune. v-r::.-;*;' b ... vn ) . , 188 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR PLANCHE XIX Fig. 1 (Zciss, oc. 2, obj. DD). Glande thyroïde. — La dégénérescence graisseuse atteint les cellules épithéliales d une façon parfois encore pkis mar- quée que dans le cas présent. Fig. 2 (Zeiss, oc. 2. obj. DD). Hypophyse. — Les vaisseaux sont gorgés de. sang. Il est très difficile de différencier deux catégories de cellules. Toutes sont frappées de dégénérescence graisseuse. ; Dans la substance blanche, on n’observe que des hémorra- gies punctiformes. Annales de l'Institut Pasteur. Vol. XX. Planche Fig. 2. Annales de l'Institut Pasteur. Vol. XX. Planche XX. Fig i . ! -• J 1 ■ tt’ï®*' cr^iMZ e-r •;. >* - *■ Fig. 2 188 ÉTUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE PLANCHE XX Fig. l(Zeiss, oc. 2. obj. \/{2). Fibres musculaires cardiaques . — Dans la majorité des cas, les fibres musculaires du cœur sont peu atteintes par la dégéné- rescence graisseuse, qui est à peine marquée par quelques traînées de granules graisseux le long de certaines fibrilles. Ces traînées, qui, d’ailleurs, se trouvent à l'état normal, sont cependant plus marquées dans la lièvre jaune. Fig.2(Zeiss, oc, 2, obj. 1/12). Muscle cardiaque . — Quelquefois, au contraire, la dégéné- rescence graisseuse imprime fortement sa marque. Mais elle est toujours limitée à certaines fibres, à côté desquelles on en voit d’autres qui sont à peu près parfaitement saines. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR <190 PLANCHE XXI Fig. 1 (Zeiss, oc. 2,obj.l/2). 9] Paroi de la crosse de F aorte. — il y a dans la tunique interne de l’aorte une accumulation énorme de granules grais- seux qui paraissent plutôt provenir d’une dégénérescence des cellules de la couche muqueuse. Il y a en outre des cellules migratrices 5 chargées de graisse jusqu’au milieu des libres élastiques. Fig. 2 (Zeiss, oc. 2, obj. DD). Poumon. — Ce poumon a été recueilli peu de temps après la mort. L’épithélium bronchique est légèrement atteint de dégénérescence graisseuse. Dans les parois alvéolaires, on voit des cellules chargées de granulations graisseuses. Ces cellules ne sont pas des cellules à poussière1 dont les granulations sont plus fines et moins arrondies. Ce sont peut-être des leucocytes mononucléaires. Les phénomènes de congestion et d’œdème pulmonaire qui ont été signalés dans la fièvre jaune ne s’observent que sur les cadavres dont 1 autopsie a été faite tardivement et sont proba- blement des phénomènes apparus post mortem. annales de l’Institut Pasteur. Vol. XX. Planche XXI. Fig- I Fig. 2 TATON. CRA V. IMP. PARIS Annales de 1 Institut Pasteur. Fig. i Fig. 2 Fig. 3 Fig. 4 Fig. 5 Fig. j 8 Fig. 19 Fig. rATON. CRAY. IMP. — PARÎS l ETUDES SUR LA FIÈVRE JAUNE 191 PLANCHE XXII (Zeiss, oc. 2, obj.1/12). ' Fig. 1 à 8. Cellules nerveuses de l écorce cérébrale. — La plus grande partie des granulations noires qu elles renferment se dissout dans le xylol chaud par immersion prolongée. Fig. 9. Cellule de Purkinje. --En général, ces cellules sont normales; quelquefois, mais très rarement, elles renferment un peu de graisse. Fig. 10-11-12. Cellules du bulbe. — Les granulations noires y sont plus nombreuses que dans les cellules du cerveau. Fig. 13 à 16. Cellules des cornes postérieures de la moelle. — Ces cellules contiennent quelquefois beaucoup plus de granulations noires que dans le cas présent. On peut en ren- contrer qui ne forment plus qu’une véritable tache, Fig. 17 à 19. Cellules des ganglions semi- lunaires. — La dégénérescence graisseuse y est moins marquée qu’ailleurs. | Les cellules migratrices les envahissent fréquemment. Les i nucléoles sont parfois sortis du noyau (fîg. 17). En dehors de ces lésions des cellules nerveuses, on trouve i encore en très grand nombre de petites hémorragies puncti- formes dans la substance blanche. ï , Iraf V - • * ' * ’ - ~ • ' Fig. 20. Canal de Cépendyme. — Les cellules épithéliales | sont fortement atteintes de dégénérescence graisseuse. En somme, la dégénérescence graisseuse n’épargne pas le tissu nerveux qui, au contraire, est fortement touché. 192 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR III CONDITIONS MÉTÉOROLOGIQUES COMPARÉES DE PETROPOLIS ET DE RIO-DE-JANEIRO HYGIÈNE URBAINE Nous avons déjà signalé l'immunité de la ville de Petropolis contre la fièvre jaune. Cette ville, voisine de Rio, qui n en est éloignée que de 40 kilomètres à vol d'oiseau, se trouve à une altitude de 800 mètres environ. Elle est bâtie dans une série d'étroits vallons, situés tous sensiblement à la même altitude. Au fond de presque tous coule une petite rivière dont les bords sont plantés d’arbres. Des sommets mamelonnés et boisés séparent des autres chaque vallon dans lequel il n y a qu’une rue. Les maisons, en général entourées de jardins, d’un côté sont adossées à la montagne et de l’autre s’ouvrent sur une chaussée qui court de chaque côté de la rivière. Toutes nos recherches pour trouver des Stegomyia, dans les limites de la ville, se sont montrées infructueuses. Cependant, le train qui chaque jour y transporte la population des commer- çants venant de Rio traverse une zone où existe le Stegomyia. Souvent, comme nous avons pu nous en assurer à maintes reprises, des exemplaires sont, apportés jusque sur la montagne. Que deviennent-ils à Petropolis et pourquoi n’y font-ils pas souche? Ce sont é\ddemment des conditions climatériques qui s’opposent à leur pullulation, ainsi que nous en avions émis l’opinion à la suite de nos observations sur les conditions d’existence de cet insecte. Pour établir cette conclusion sur des bases solides, nous avons fait, d’une façon régulière, des observations météorologiques soigneuses. Nous les résumons dans les courbes ci-dessous, qui donnent la moyenne mensuelle de la température. Pour permettre une comparaison, nous les avons accompagnées de courbes donnant les moyennes men- ; suelles à Rio. Ces dernières proviennent de Tobser\ratoire qui se trouve sur une colline élevée de 58 mètres au-dessus de la ville. Les observations faites à notre laboratoire de 1 hôpital Saô- Scbastiaô, qui est sensiblement au niveau du sol urbain, nous ont donné presque constamment un écart. Les minima et les 192 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 111 CONDITIONS MÉTÉOROLOGIQUES COMPARÉES DE PETROPOLIS ET DE RIO-DE- JANEIRO HYGIÈNE URBAINE Nous avons déjà signalé l'immunité de la ville de Petropolis contre la fièvre jaune. Cette ville., voisine de Rio, qui n en est éloignée que de 40 kilomètres à vol d’oiseau, se trouve à une altitude de 800 mètres environ. Elle est bâtie dans une série d étroits vallons, situés tous sensiblement à la même altitude. Au fond de presque tous coule une petite rivière dont les bords sont plantés d’arbres. Des sommets mamelonnés et boisés séparent des autres chaque vallon dans lequel il n’y a qu'une rue. Les maisons, en général entourées de jardins, d’un côté sont adossées à la montagne et de l'autre s’ouvrent sur une chaussée qui court de chaque côté de la rivière. Toutes nos recherches pour trouver des Stegomyid , dans les limites de la ville, se sont montrées infructueuses. Cependant, le train qui chaque jour y transporte la population des commer- çants venant de Rio traverse une zone où existe le Stegornyia. Souvent, comme nous avons pu nous en assurer à maintes reprises, des exemplaires sont apportés jusque sur la montagne. Que deviennent-ils à Petropolis et pourquoi n’y font-ils pas souche? Ce sont é\ridemment des conditions climatériques qui s’opposent à leur pullulation, ainsi que nous en avions émis l'opinion à la suite de nos observations sur les conditions d’existence de cet insecte. Pour établir cette conclusion sur des bases solides, nous avons fait, d une façon régulière, des observations météorologiques soigneuses. Nous les résumons dans les courbes ci-dessous, qui donnent la moyenne mensuelle de la température. Pour permettre une comparaison, nous les avons accompagnées de courbes donnant les moyennes men- suelles à Rio. Ces dernières proviennent de l’observatoire qui se trouve sur une colline élevée de 58 mètres au-dessus de la ville . Les observations faites à notre laboratoire de 1 hôpital Saô- Sebastiaô, qui est sensiblement au niveau du sol urbain, nous ont donné presque constamment un écart. Les minima et les .l lÙiuUtfÿ ET ENVIRONS RIO-de- JANEIRO fiicrssu v % -, ,0 ir6'1 lnha;nfi.*\ <. \ faiora/ctrff C ^ p £r \ 'ftieof v fit ;>i fa I { JfS&a/h, 'dm Cobra t g •POLIS Porf dr Ma.ua RIO-JANEIRO Candtd/i, \Cordëïro\ luapy 0(7(ajrtbi (Vllfob/ovaf ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR VOL. XX. — PL. XXIII. (Mém. Marchoux et Simono). ÉTUDE SUR FIÈVRE JAUNE 193 maxima sont supérieurs de 2° à ceux de l’observatoire. Cepen- dant, pour les jours de grande chaleur, les maxima concordent. Les maxima de Petropolis se sont trouvés quelquefois supé- neurs a ceux de Rio, mais ils durent 1res peu de temps. Le thermomètre s’élève rapidement vers 10 heures, atteint son maximum ,1e 2 à 4 heures. A ti heures, la température dépasse rarement 20°. Le thermomètre enregistreur, à partir de ce moment, décrit une courbe plus ou moins accentuée au-dessous de la ligne du 20e degré, qu elle n’atteint plus que le lendemain entre 9 et 10 heures. En somme, nos courbes moyennes indiquent un écart de 5» entre la température de Petropolis. et 1 e io. I) après les observations, les maxima, surtout dans les t :t m ANNALES UE L’INSTITUT PASTEUR iours chauds, diffèrent encore plus. On peut observer un écart de 6» et même de 8°, sauf en décembre où le thermomètre, même a Petropolis, peut rester supérieur à 20° la nuit, exceptions rares j| est vrai, et qu’on ne rencontre guère que deux ou trois fois tlans l’année. La pluie, très fréquente pendant l’été, contribue beaucoup a abaisser la température. Il tombe annuellement de 2 mètres à 2'”,S0 d’eau à Petropolis; on n’en note que I mètre à lm,50 a Rio. Dans une ville comme dans l’autre, la saison des pluies dure 6 mois, de novembre en mai. Mais l’atmosphère reste toute l’année, comme il est facile de le constater par les courbes d’humidité que nous avons données, plus humide à Petropolis, aussi bien à cause de sa situation au milieu d’une foret, qu a cause de son altitude. Les conditions de température à Petro- polis s’écartent donc sensiblement de celles qui sont favorables au développement du Stegomyia et nous sommes fondés a croire que ce sont elles qui s’opposent à la pullulation de cet insecte. Les Stegomyia qui montent avec le train ne pondent pas, parce que les températures basses les engourdissent et les empêchent de piquer. Ceux mêmes qui seraient infectés ne tardent pas sans doute à perdre, grâce aux températures noc- turnes, leur pouvoir infectant. Pour retrouver des conditions météorologiques produisant les mêmes effets dans les montagnes qui dominent la ville de Rio, il faut s’élever au moins jusqu’à l’hôtel de Paneiras, (465 mètres) et encore ne sont-elles réalisées en cet endroit que parce que l’arête très étroite où est construit l’établissement ne permet guère l’installation de maisons nombreuses et parce que la ventilation y est très grande. La partie habitée de la Tijuca, élevée seulement de 370 mètres au-dessus du niveau de la mer, est souvent visitée par la fièvre jaune. La station du Sylvestre, à 195 mètres, l’hôtel international à 170 mètres, (et non 400 comme l’indiquent Otto et Neumann dans leur mémoire) Santa Thérésa à 78 mètres, le morro da Providencia a 65 mètres, le morro do Castello à 56 mètres, le morro da Concei- çâo à 43 mètres, le morro da Gloria à 40 mètres, le morro de Sâo Bento à 32 mètres, sont encore bien plus exposés à la fièvre jaune. On peut même dire que ces régions élevées de la ville sont plus dangereuses que les autres. Il y a, à cette suscepti- ETUDE SUR LA FIÈVRE JAUNE 195 bilité plus grande, d importantes raisons. La première tient à la distribution d’eau. L’eau de Rio, très bien captée, arrive, sous une pression de près de 40 atmosphères, dans des bassins à ciel ouvert, situés en des points hauts de la ville, mais que leur altitude ne met point à l’abri des Stegomyia. La distribution de ces bassins se répand dans les divers quartiers de la ville par des tuyaux divergents, mais sans relations les uns avec les autres. La quantité d’eau qui arrive aux extrémités de ces tuyaux, et notamment dans les quartiers élevés de la ville, est donc extrêmement minime. Comme ordinairement la distribu- tion est intermittente, les tuyaux sont souvent vides à l’extrémité du réseau. Les habitants de ces quartiers sont donc réduits à aller prendre l’eau là où les robinets la donnent, et à la trans- porter chez eux, où ils la gardent en dépôt. Ces récipients obliga- toires forment autant de gîtes à larves. Si l’on songe que les habitants de ces quartiers sont des gens pauvres, obligés de laver eux-mêmes leur linge et souvent encore d’en laver pour d autres, on comprendra la nécessité pour eux d’avoir des depots d’eau autour de leurs maisons. Dans toute la ville, la dis- tribution est faite à deux échelons, c’est-à-dire que chaque maison est pourvue d’une ou plusieurs caisses à eau, d'où part la distribution intérieure. Les couvercles, insuffisamment e anches, de ces caisses à eau, laissent entrer les moustiques qui vont pondre à leur intérieur. Ils laissent aussi sortir ceux qui proviennent des larves, nées dans les bassins urbains et entraînées avec l’eau de conduite. Certaines industries consom- ment beaucoup plus d’eau que n’en contiennent leurs caisses toujours peu remplies. Les industriels sont dont obligés d avoir des récipients supplémentaires, qu’ils gardent pour les besoins éventuels. Les jeux d’eau qui ornent les jardins pu îcs et privés, les plantes parasites et particulièrement celles 'U genre bromelia, qui constituent autant de réceptacles poul- es eaux de pluie, les vases ornementaux qui décorent les aisons e certains quartiers, favorisent le développement ' u Stegomyia et la dispersion de la lièvre jaune. Enfin, et ceci notamment dans la partie commerçante de la ville qui en orme e centre, on trouve encore des maisons de 4 mètres J ,arg® et de d0. mètres de profondeur. Ces couloirs, mal 8 el peu ocla,rés, sont recherchés des moustiques qui y 1% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR vivent longtemps à l'abri des accidents auxquels les expose la vie à l’extérieur. Au moment où la ville de Rio se reconstruit et se transforme, nous croyons rendre quelque service a une population qui s’est montrée si accueillante pour nous, en signalant ces, défectuosités, qui nous paraissent faciles a taire disparaître. Couvrir les bassins, au moins de toiles métalliques ; refaire le réseau de distribution et mailler tous les tuyaux; donner l’eau au robinet sans relai et restreindre la consom- mation abusive par le compteur; avoir pour les jeux d eau une distribution d’eau de mer qui ne permettrait pas le déve- loppement du: Stegomyia : débarrasser les arbres des jardins des parasites du genre bromélia ; remplir de béton les vases ornementaux des maisons, telles sont les mesures qui nous paraissent nécessaires pour restreindre la pullulation des Stegomyia. Le. nombre des gîtes à larves diminuant, ceux qui resteraient seraient plus faciles à atteindre et a survei ei. En continuant pendant quelques années l’action des brigades de police sanitaires, on pourrait arriver à faire disparaître de Rio l’espèce, entière des Stegomyia fasciata, seul moyen certain à.rntre avis.d' 'éteindre la fièvre. jaune.. CONCLUSIONS GÉNÉRALES . , ■ .il , v ,1 ■ Arrivés au terme de l’exposé de nos recherches concernant la fièvre jauhe, nous croyons devoir résumer les résultats de ces recherches et rappeler dans ce dernier mémoire les princi- pales conclusions (dont la plupart déjà énoncées) auxquelles nous avons été amenés. • | : Transmission de la fièvre jaune. ■ Dive.RS. épidémiologistes, Finlay en particulier, ont dès long- temps affirmé ■ qu’un moustique, le Stegomyia fasciata , es l’agent ‘de transmission de la fièvre jaune. L’exactitude decette assertion, démontrée pour la première fois a Cuba par Reed, CarroFe.t'Agramonte, est. pleinement confirmée par nos expe- riences, sur l’tiornme. : c , • L a Si.ecmi.ii/ia fasciata est. capable d inoculer la fievre jaune par sa «jqûSI après .Vôtre lui-même, infecté aq préalable, H . ÉTUDE SUR LA FIEVRE JAUNE 197 contracte l'infection en piquant des malades aux Ie*, 2e et 3* jours de la maladie. Dans les meilleures conditions de température, un intervalle minimum de 12 jours est nécessaire, après qu'il a contracté l'infection, pour qu’il acquière le pouvoir infectant. La piqûre d'un Stegomyia fasciata infecté depuis ce laps de temps n'est pas dangereuse à tout coup. Nos observations nous font admettre, en tous cas, que des conditions spéciales de tem- pérature sont requises pour que cette piqûre soit suivie d'effet. ; ■! Dans certaines conditions, l'infection peut se transmettre du Stegomyia fasciata femelle à ses descendants par voie d hé- rédité. L'expérience qui nous a donné un résultat positif sur ce point s'appliquait à des moustiques issus à la première génération du parent infecté. D'après l'observâtion, cette trans- mission héréditaire ne dépasse pas la première génération. L'étude des circonstances dans lesquelles s'est présenté notre cas expérimental, conduit à penser que la transmission héréditaire ne peut avoir lieu que par des œufs pondus plus de 12 jours après la première ingestion de sang virulent. D'autre part, le moustique issu de ces œufs, ne possède le pouvoir infectant que postérieurement au 14e jour de son existence à l’état parfait. Les expériences en vue d'infecter des Stegomyia fasciata sur l’homme, au cours de la période d’incubation de la fièvre jaune, sont demeurées sans résultat. Dans un cas, les mous- tiques ont piqué l'individu 3 jours, et dans un autre cas, 6 heures avant l’apparition des premiers symptômes. Ces moustiques se sont montrés inoffensifs dans le cours de leur existence. On doit admettre, par suite, que le Stegomyia fasciata ne contracte pas l’infection en piquant un sujet humain en période d’incu- bation amarille. Ce fait présente une importance particulière au point de vue de la défense contre la fièvre jaune. La transmission expérimentale a été obtenue dans la plupart des cas en faisant piquer l'homme, à un moment de la journée, par le moustique infecté. On pourrait donc supposer que la transmission s'opère, dans la nature, à toute heure du jour ou de la nuit. Il n’en est pas ainsi pourtant : nos expériences 198 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nombreuses et nos observations à ce sujet concordent à démon- trer que la transmission naturelle a lieu de nuit, entre la chute et le lever du jour. Nous avons en effet constaté expérimentalement au’à la période de sa vie où il possède le pouvoir infectant, le Stegomyia fus data en liberté ne cherche pas à piquer l’homme entre 7 heures du matin et 5 h. 1/2 du soir. La transmission est donc nocturne. Par suite, dans un foyer amaril, les habitants peuvent, durant le jour, vaquer impunément à leurs affaires. C’est à partir du crépuscule qu’ils ont à se protéger contre les mous- tiques infectieux. Le Stegomyia fasciata est le moustique le plus répandu dans les foyers amarils, aussi a-t-il été accusé plus spécialement d’être l’agent de transmission. Nous avons recherché si d’autres espèces communes dans ces foyers, Culex fatigans , Culex con- firmatus , Culex tœniorhynchus , jouissent des mêmes proprié- tés amarillifères. L’expérience montre que ces culicides sont incapables de suppléer le Stegomyia fasciata , comme véhicules du virus amaril. Ces expériences sont d’accord avec l’observation : la fièvre jaune n’apparaît, chez l’homme, que dans les localités où le Stegomyia fasciata est présent. Les cas humains, importés en un lieu où ce moustique n’existe pas, ne donnent jamais nais- sance à des cas nouveaux, quelles que soient les autres espèces de culicides qui pullulent autour des malades. Il est probable que l’organisme du Stegomyia fasciata est le seul, parmi les espèces de moustiques existantes, qui consti- tue un milieu favorable à la culture du virus amaril. L’aptitude de l’organisme du moustique à la culture de ce virus ne suffirait pas à elle seule pour permettre la transmis- sion. Il faut encore que J la durée de la vie de l’insecte à l’état parfait soit assez longue pour que, 12 jours après l’absorption du virus (laps de temps minimum pour l’acquisition par le moustique du pouvoir infectant), il puisse piquer des individus sains. Cette condition n’est pas réalisée chez la plupart des espèces de culicides : les femelles pondent en général dans les 8 jours consécutifs à une première piqûre et meurent peu après leur ÉTUDE SUR SUR LA FIÈVRE JAUNE 199 ponte, incapables de piquer à nouveau. La femelle du Stego- myia fasciata , au contraire, est capable de survivre à sa pre- mière ponte et d'en fournir de nouvelles. Elle peut donner jusqu’à 7 pontes successives, d’après nos expériences. Dans l’intervalle qui s’écoule entre les pontes, elle pique l’homme un nombre variable de fois. La durée moyenne de son existence à l’état parfait, dans la nature, atteint 20 à 30 jours. Elle est donc capable, 12 jours après avoir piqué un malade, de trans- mettre l’infection à un grand nombre d’individus. La faculté que possède le Stegomyia fasciata femelle, d émettre successivement plusieurs pontes, est la condition grâce à laquelle cet insecte peut servir de véhicule à la fièvre jaune. Si ce moustique obéissait à la loi commune chez les culicides, qui fait que la femelle ne survit pas à sa première ponte, la fièvre jaune serait inconnue dans l’espèce humaine. L’ingestion de sang vivant est indispensable au moustique femelle pour le développement de ses œufs. Cette particularité explique l’acharnement du Stegomyia fasciata femelle à tour- menter l’homme de ses piqûres. La notion de la transmission amarille par le moustique ne paraît pas, au premier abord, incompatible avec les anciennes hypothèses sur la contagion par contact des malades, de leurs effets ou de leurs excrétions. Nos expériences, comme celles de la Commission Américaine, prouvent que ces contacts préten- dus dangereux sont absolument inoffensifs. Ni le fait de coucher dans le lit d’un malade, ni la manipulation de ce malade, de ses effets, de ses excrétions ou même du sang virulent retiré de ses veines, ni la manipulation du cadavre et des organes por- teurs de lésions caractéristiques, ne sont capables de détermi- ner la contagion. On a pu objecter que si les effets et les excrétions ne trans- mettaient pas directement la maladie à l’homme, les Stegomyia, fasciata pouvaient s’infecter par leur intermédiaire. Ces objec- tions tombent devant l’expérimentation. En effet, le Stegomyia, fasciata qu’on nourrit soit avec des vomissements noirs, soit avec des melœna, soit avec le sang provenant des hémorrhagies, soit avec la sueur des malades, demeure incapable de trans- mettre la fièvre jaune. Enfin les expériences suivantes démontrent que 1 e Stegomyia 200 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR faseicita 11e peut, dans la nature, s'infecter autrement qu’eu puisant, par sa piqûre, du sang virulent chez le malade humain : 1° Les St. f. sains, adultes, placés dans un bocal d’élevage qui a contenu des moustiques infectés ou conservés longtemps en compagnie de ces derniers, n’acquièrent jamais l’infection ; 2° Les St. f. sains, adultes, conservés dans un bocal d’éle- vage au contact de cadavres frais de moustiques infectés, n’ac- quièrent jamais l'infection; 3° Les larves de St. f. issues de parents sains, élevées dans une eau où l’on place de nombreux cadavres frais de St. f. infectés, donnent naissance à des insectes parfaits, qui ne se montrent infectieux à aucune période de leur existence. En nous basant sur nos expériences, que confirme entière- ment Fobservation épidémiologique, nous sommes en mesure d’affirmer que la transmission amariie s’effectue, dans la nature, exclusivement par l’intermédiaire du Stegomyia fasciata et que cet insecte n’a d’autre moyen de contracter l’infection que la piqûre du malade. S’il existe dans un foyer des Stegomyia fasciata infectieux n’ayant jamais ingéré de sang virulent, c’est dans le seul cas où l’infection leur a été héréditairement transmise par une mère ayant piqué un amarillique humain. La propagation de la fièvre jaune apparaît désormais liée à une cause unique, exactement définie, la piqûre du Stegomyia fasciata infecté. Elle obéit à un mécanisme très simple: inges- tion par le moustique du sang virulent puisé sur un malade humain, inoculation à l’homme sain, par le moustique, du virus qui s’est cultivé dans l’organisme de ce dernier, j lf. — Virus amaril. - • . . . F r.U La fièvre jaune est due à un virus vivant, qui, introduit dans les tissus du corps humain, s’y cultive et s’y multiplie. L’existence de ce virus chez le malade est mise en évidence par l’inoculation soit de son sang, soit du sérum frais, à un individu sain et non immunisé antérieurement. Cette inocula- tion, si le sang a été recueilli au 1er, 2e ou 3e jour de la mala- die, confère a coup sûr la fièvre jaune. ÉTUDE SUR LA FIÈVRE JAUNE 20 f D'après toutes nos expériences, le virus n'existe plus dans le sang au 4e jour de la maladie. Pour être suivie d effet, l'inoculation doit être pratiquée en injectant le sang ou le sérum dans les tissus. Appliqué à la surface du derme dépouillé par grattage de son épiderme, le sérum virulent demeure sans effet. Le microbe de la fièvre jaune est d une extrême petitesse. Dans le sérum non dilué, il traverse la bougie Chamberland F, mais non la bougie B. Les expériences de la 2e commission du Yellow fever Ins - titute montrent qu’én additionnant le sérum d’un égal volume d’eau, il peut même traverser cette dernière bougie. G est sans doute à cette ténuité qu'il doit d’être demeuré jusqu’ici invisible. Ce microbe est très fragile. 11 est détruit par un chauffage de a minutes à 35°. Le sérum qui le contient, conservé à l’air, a perdu sa virulence au bout de 48 heures entre 24° et 30°. Dans le sang défibriné, conservé à la même température à l’abri de lair, sous huile de vaseline, le virus est encore vivant après 3 jours. Au bout de 8 jours, il a perdu toute activité. Le virus amaril n’est pas cultivable dans les milieux et par les procédés connus. Le seul moyen de culture qui nous ait donné un résultat, a consisté à faire absorber à des Stegomgia fasciata sains les corps, triturés à l’état frais, d v Stegomgia, virulents. Encore n’avons-nous pu obtenir cette culture in vivo que pour un premier passage. Ce que nous connaissons des caractères du microbe amaril serait de nature à faire penser qu’il appartient à la famille des spirilles. On rencontre chez le Stegomyia fasciata divers parasites visibles, Nosema Stegomgiœ , grégarines, levûres, etc. Ces parasites n ont aucun rapport avec la fièvre jaune. 1JL — Immunité et épidémiologie . La période ordinaire d’incubation est de 4 à 6 jours. Cepen- dant. quelques cas expérimentaux et des faits d’observation prouvent que, parfois, elle peut être plus longue et atteindre jusqu’à 13 jours. 202 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Des injections préalables de sérum chauffé 5 minutes à 55 degrés ou de sang défibriné conservé 8 jours sous huile de vaseline, confèrent une immunité relative contre une inocula- tion virulente subséquente. Le sérum de malade au 8e jour jouit déjà de propriétés pré- ventives. Le sérum de convalescents possède non seulement des qua- lités préventives mais paraît avoir un certain pouvoir curatif. Une première atteinte confère l’immunité. Cette immunité, le plus souvent solide, peut, suivant les individus, s’atténuer après une durée variable et permettre les récidives. Les récidives sont en général bénignes. Elles peuvent néanmoins présenter quelquefois la même gravité qu’une pre- mière atteinte. Aucune race ne paraît jouir d’une immunité naturelle contre la fièvre jaune. La race noire, contrairement à une opinion très répandue, y est sensible comme la race blanche. Les différences de sensibilité qui peuvent être relevées parmi les individus de même race, ou de race différente ne paraissent tenir qu’à l’at- traction plus ou moins marquée qu’exerce, sur le Stegomyia fasciata , l’odeur de la peau de chaque individu. L’espèce humaine est, à tout âge, sensible à la fièvre jaune, loutefois, la maladie n’évolue pas d’une manière identique chez les enfants et chez les adultes. Chez l’enfant jeune, elle affecte d’ordinaire une forme si bénigne qu’elle passe presque toujours inaperçue. Elle n’est diagnostiquée que tardivement, dans les cas exceptionnels qui aboutissent au vomissement noir et à la mort. Les formes frustes sont la règle chez les enfants et l’excep- tion chez les adultes. Contrairement à une opinion accréditée, les enfants, dans les foyers endémiques de fièvre jaune, ont généralement éprouvé la maladie de très bonne heure sous une forme fruste. De ce que les natifs, dans un foyer endémique, ont été immu- nisés par une atteinte infantile, il résulte qu’à l’âge adulte très peu sont touchés pendant une épidémie. Au contraire, les étran- gers présents sont, quel que soit leur âge, victimes de la fièvre jaune. Ce sont eux qui alimentent les épidémies. Pendant les intervalles où elle ne sévit pas à l’état épidémi- I ÉTUDE SUR LA FIÈVRE JAUNE 203 que. la fièvre jaune est entretenue par les cas frustes infantiles, qui se succèdent sans causer de mortalité appréciable et sans être diagnostiqués. L’endémie amarille est établie, par ce mécanisme, dans les localités où le Stegomyia fasciata existe en permanence et où la fièvre jaune a été une fois introduite. Dans les régions où le climat ne permet pas au Stegomyia fasciata de subsister durant toute l’année, l’introduction de malades amarilliques, à l’époque où ce moustique pullule, déter- mine la formation d’un foyer accidentel. L’épidémie, en général intense parce qu’elle frappe une population non immunisée, s éteint d’elle-même et complètement, lorsque l’espèce Stego- myia fasciata disparaît. Elle ne se reproduit à une nouvelle époque favorable à la multiplication de ce moustique, que si des cas humains sont à nouveau importés. Si, dans une localité où existe en permanence le Stegomyia fasciata , la fièvre jaune apparaît sans être importée du dehors et si les natifs adultes sont épargnés, tandis que l’épidémie frappe les étrangers, on peut être certain que cette localité constitue un foyer endémique depuis longtemps en activité. La défense contre la fièvre jaune découle de la connaissance du mécanisme de sa transmission. Il est à considérer : 1° Que la fièvre jaune ne peut affecter un caractère conta- gieux que dans les localités et locaux où existe le Stegomyia fasciata ; 2° Que, dans les régions où cette espèce est absente, elle peut être accidentellement importée avec des malades, en par- ticulier par les navires; 3° Que ce moustique est susceptible, au cours d’une saison chaude, de vivre et multiplier sous d’autres climats que le sien, et cela, d’autant mieux que, grâce à ses habitudes domestiques, d peut temporairement se soustraire, dans les habitations, à l influence néfaste pour lui des abaissements nocturnes de température; Qu’a bord des navires, où il a un facile accès, grâce aux 204 ANNALES I)E L’INSTITUT PASTEUR installations éminemment défectueuses des cabines et postes de couchage, il peut sans difficulté subsister et multiplier pendant une longue traversée. : La prophylaxie diffère, suivant qu’il s’agit d’arrêter la fièvre jaune dans un foyer où elle est installée, ou de protéger un ter- ritoire indemne contre son introduction . Dans un foyer en activité, les mesures prophylactiques doi- vent être pratiquées avec une égale rigueur vis-à-vis du mous- tique et vis-à-vis du malade. : 4 En ce qui concerne le moustique, on doit poursuivre son extinction dans toute la région, par une série de moyens dirigés contre les larves. Cette destruction des larves dans tous les gîtes est d’autant plus importante que, parmi elles, il peut s’en trouver qui possèdent l’infection héréditaire. On doit pratiquer parallèlement la destruction des St. f. adultes, dans les habita- tions et les quartiers où des cas humains se sont manifestés. Enfin, on doit fermer l’accès des habitations aux moustiques par des installations appropriées, de manière à' mettre les habitants à l’abri de leurs piqûres, surtout pendant la nuit. En ce qui concerne les malades, on doit exercer une surveil lance telle que tous les cas, certains ou douteux, soient connus dès qu’ils se manifestent. Tout cas suspect, aussitôt signalé, doit être rigoureusement isolé, non des hommes, mais des moustiques. La protection d’une localité saine, mais où existe le Stego- myia fasciata , nécessite des mesures dirigées d’une part contre ces moustiques, d’autre part contre les arrivants. En tous les points de la localité et en tout temps, on doit poursuivre systématiquement la destruction de l’espèce St. f . La disparition et même simplement la raréfaction de ces mous- tiques constitue la sauvegarde véritable contre l’apparition de l’épidémie. ‘ Les étrangers, arrivant d’un foyer amaril, qu’ils soient ou non mis en quarantaine, doivent être l’objet d’une surveillance médicale journalière jusqu’au 13e jour qui suit leur départ du foyer. Au moindre symptôme fébrile constaté durant cette période, ils doivent être immédiatement placés dans un local où les St. f. ne puissent pas les atteindre. Les navires en provenance d’un foyer et indemnes de fièvre ETUDE SUR LA FIEVRE JAUNE 205 jaune doivent être Eobjet d un examen sévère au point de vue de la présence de St. f. abord. S’ils sont exempts de ces mous- tiques, aucun inconvénient ne peut résulter de leur communi- cation avec la terre, du débarquement de leurs passagers et du déchargement de leurs marchandises. S'il est reconnu qu'ils abritent des St. /*., on doit les tenir au large jusqu’à ce qu’une désinfection des cales, postes, cabines et autres locaux, au moyen de gaz asphyxiants, ait été effectuée, le personnel et les passagers étant débarqués avant cette opé- ration. ' ' Toutes les fois qu'un navire a eu, en cours de traversée, des cas suspects, il doit subir le même examen scrupuleux au point de vue de la présence de St. f. à bord. S’il est reconnu absolument exempt de ces moustiques, sa mise en libre prati- que ne présente pas de danger au point de vue du débarque- ment des marchandises. Les passagers ne peuvent être débar- qués que s’ils sont bien portants et à la condition d’être soumis à la surveillance médicale dont il a été question plus haut. Les mesures quarantenaires ne constituent nullement une garantie contre la fièvre jaune. Elles ont. entre autres défauts, celui très grave d’inspirer une sécurité trompeuse. « DE L’ACTION DU RADIUM SUD LE VIRUS RARIQUE Par J. DANYSZ Dans deux notes présentées à l’Académie des Sciences de Bologne, le 9 avril et le 28 mai 1905, MM. Tizzoni et Bon- giovanni annoncent qu’en faisant agir les rayons du radium sur du virus rabique in vitro , on le transforme en vaccin, et qu’en faisant agir les mêmes rayons sur l’œil ou sur un point quelconque du parcours du système nerveux central de lapins inoculés avec du virus rabique, on peut les guérir de la rage. Dans deux séries d’expériences exécutées avec le concours de M. Yiala, chargé de la préparation du virus rabique à l’Ins- titut Pasteur de Paris, il nous a été impassible de confirmer les faits annoncés par MM. Tizzoni et Bongiovanni, Les premières expériences ont été faites avec l’émulsion de moelle rabique qui sert ordinairement au traitement des malades. La moelle a été broyée avec 10 fois son volume d’eau physio- logique. Cette émulsion, exposée pendant 20 heures aux rayons de 20 milligrammes de bromure de radium pur, à travers un écran qui laisse passer les rayons p et y injectée à la dose de 1 c. c., a tué 2 lapins en même temps que les témoins. Trois autres lapins inoculés sous la dure-mère avec la même émulsion, mais non soumise à l’action du radium, ont été traités ensuite par des applications, sur l’œil ou sur le trou du trépan, de 20 milligrammes de radium pur à travers une mince lamelle de mica. Un lapin a été traité 1 heure après l’infection, le 2e, 22 heures, le 3e, 48 heures. La durée de la première applica- RADIUM SUR LE VIRUS RABIQUE 207 tion avait été de 6, 7 et 8 heures. Tous ces lapins avaient été traités ensuite, 2 heures chaque jour, pendant respectivement 6, 5 et 4 jours consécutifs. Ils ont succombé à la rage en même temps que les témoins. Dans la deuxième série d'expériences, nous avons employé une émulsion beaucoup plus étendue et filtrée à travers une toile. La moelle rabique a été broyée dans du bouillon de cul- ture ordinaire, dans la proportion de 2 0/0. Les résultats ont été sensiblement les mêmes, avec cette seule différence que les lapins injectés avec l’émulsion exposée aux rayons du radium pendant 20 heures sont morts de la rage beaucoup plus tard que les témoins. Un de ces lapins a succombé 15 jours, un autre 2 mois après l’injection. Il résulte de ces expériences et de nombreuses autres analogues que, si l’action bactéricide des rayons de Rœntgen et de Becquerel est incontestable, les difficultés que l’on éprouve quand on cherche à obtenir des produits homogènes ne per- mettent guère d’en faire un moyen pratique de stérilisation ou d’atténuation du virus. Quel que soit le dispositif que l’on adoptera, il sera toujours très difficile d’agir simultanément sur tous les microbes qui peuplent une culture, et on obtiendra le plus souvent des mélanges de microbes morts et vivants, plus ou moins atténués et virulents. C’est ainsi que Retins (C. R. de la Soc. de Biologie , 18 mars 1905) n’a obtenu ni destruction ni atténuation du virus rabique en l’exposant pendant 72 heures au rayonnement de 20 milligrammes de bromure de radium pur, tandis que nous avons pu obtenir une atténuation sensible du même virus en taisant agir, pendant 20 heures, la même capsule de radium sur une petite quantité (0,1 c. c.) d’une émulsion très étendue et filtrée. Quant au traitement des sujets atteints de rage, par l’appli- cation d’une ampoule de radium sur les yeux, il ne nous est guère possible de nous expliquer, pour le moment, les diffé- rences de résultats obtenus par MM. Tizzoni et Bongiovanni, et par nous. Ce traitement nous semble d’autant moins indiqué chez l’homme que nous ne sommes pas d’accord avec MM. Tizzoni 208 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR et Bongiovaoni au sujet de Faction du radium sur l’œil. Eu effet, nous avons pu confirmer les observations de M. A. Birch- Hirschfeld (Arch. f. Ophtalm ., t. LIX, p. 287-306) cju’en fai- sant agir une capsule de 20 milligrammes de bromure de radium pur, à travers un écran de mica, sur l’œil de lapin pendant quelques heures, on provoque des lésions très graves : ulcéra- tion des paupières, conjonctivite avec sécrétion muco-purulente, kératite interstiôieile, hyperhémie de l’iris et enfin atrophie du nerf optique. V" Vu l ■ ir;r l : ,• ■ 1 NOTE SUR UNE TOXINE PRODUITE PAR - -, - v v v. “ 1 . v 1 : • r * ^ * . / - 1 x * . . * , v. : . < r f/lspergillus fumigatus. ,v ‘U u l’Ail V .. ' ;■ • LE I)‘ E. BODIN ; : et : ; L. GAUTIEK Professeur ù l’École le médecine de. Rendes, i. , M r, Licencié ès sciences naturelles. - i Préparateur au lycée de Brest. il est généralement admis jusqu^ici qu’une différence essen- tielle existe entre les infections bactériennes et les mycoses, consistant en ce fait que les champignons qui causent ces dernières maladies ne produisent pas de substances agissant sur l’organisme comme les toxines des bactéries. Certains travaux établissent cependant la réalité de la sécré- tion de poisons plus ou moins actifs par les champignons parasites. MM. Charrin et Ostrowsky % M. Roger 2 *, M. Concetti ont découvert chez V Oïdium albicans du muguet des substances analogues aux toxines et dont lune est douée de toxicité pour les animaux, tandis que l’autre jouit de propriétés vaccinantes; M. Auclair 4 a pu extraire de YOospora bovis une substance qu il appelle éthéro-actinomycétine, en raison de son mode de préparation et qui occasionne des phénomènes inflammatoires, quand on l’injecte sous la peau du lapin; en étudiant la pella gre et les moisissures susceptibles d’intervenir dans la genèse de cette maladie, MM. Céni et Resta 6 ont démontré Fexistence 1. Gharrin et Ostrowski, l 'Oïdium albicans, agent pathogène général. Comptes rendus de V Acad, des sciences, 1896. ÜsTRowsKY, Recherches expérim. sur l'infection générale produite par le cham- pignon du muguet. Thèse de Paris , 1896. 2. Roger, Les infections non bactériennes; recherches sur roïdio-mycose Uni. gên. des sciences, 30 sept. 1896. Roger, Les maladies infectieuses. Paris, Masson, édit., 1902, t. W, p.-Sori h suiv. ; . , ; y Concetti, Archives des maladies des enfants , 1900. L Auclair, Recherches sur les poisons microbiens. Archives de méd. eæpé- rim., 1903, p. 725. ». G. Gémi et G. Besta, Ueber die toxine von Aspergil. furnig. und. A. llaves- "'iis und deren Beziehungen zur Pellagra. Centralbl. f. allg, Pathol, u. pathol. Anatomie, t. XIII, n° 23, 27 déc. 1902 . Analyse in Bull, de l’Institut Peut:, t. P1, p. .57. K y ’ I K,V ,Vie Pathogenen Eigenschaften des Aspergil. niger mit Bezug auf die Genèse .leUa^a- Ztegler s Beitr. z. path. Anat. u. z. aVg. Path. T. XXXVII, f. 3, ■’> p- >78. Analyse in Bull, de V Institut Pasteur. T. 111, p. 710. 210 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ; ' î • / * • dans les spbres de 1’ Aspergillus fumigatus et de Y Aspergil- lus flavescens , d’une toxine qu’ils ont préparée par extraction à l’aide de l’alcool et de l’éther et dont les effets, très intenses chez le chien et chez le lapin, se portent sur les systèmes ner- veux et musculaire. Ay^eY Aspergillus niger , les mêmes savants ont également obtenu des extraits assez toxiques. Ne sait-on pas aussi que M. Plato 1 et que M. M. Trutli2, ont constaté, après injection de liquide de culture de certains Trichopyton à des individus atteints de trichophyties profondes, des réactions analogues à celles que l’on observe après inocu- lation de tuberculine aux tuberculeux ou de malléine aux ani- maux morveux. L’importance de ces faits n’est pas douteuse pour quiconque a examiné attentivement, comme nous l’avons fait maintes fois, ce qui se passe au cours des mycoses internes expérimentales. Dans les inoculations des Aspergillus et des mucorinées patho- gènes notamment, où la mort, survenant souvent en quelques jours, est précédée de phénomènes convulsifs ou paralytiques, sans que l’on trouve de lésions capables d’expliquer ces, symp- tômes, il semble bien qu’il doive y avoir intervention de substances toxiques. Aussi, frappés du peu d’attention que les mycologues ont prêté aux recherches précédemment citées, avons-nous voulu reprendre le sujet en nous adressant d. abord à l’une des espèces les plus pathogènes, l’ A spergillus fumiga- tus. Pour ce champignon cependant, et en dehors des recherches de MM. Géni et Besta, la conclusion des principaux auteurs qui se sont occupés de l aspergillosè est très nette. Kottliar 3 la formule en disant que ce parasite « ne forme pas de toxines dans les milieux dans lesquels on le cultive ordinairement ». MM. Rénon 4 et Barthelat5 adoptent pleinement cette opinion; seul M. Lucet, 6 a note que l’injection de 2 c. c. de liquide de 1. A. Neisser, Les expériences de Plato sur la préparation et l'emploi de la Trichophyfme. Archiv. für Dermat. und Syph., vol. LX, fasc. 1, 1902. 2. M. Truffi, Glinica mèd. italian . , juin 1904, p, 377. 3. Kottliar, Contribution à l’étude de la pseudo-tuberculose aspergillaire. Ces Annales , 1894, p. 479. 4. Rénon, Etude sur V aspergillose chez les animaux et chez l’homme. Paris, Masson édit., 1897. 5. Barthelat, Les mucorinées pathogènes et les mueoro-my cases chez Vhomme et chez Us animaux. Paris. De Rudeval édit., 1903. G. Lucet, Etude expérimentale et clinique sur Y Aspergillus fumigatus y -Mec. de mèd. vétérin,, 1896, p. 575.' v TOXINE DE L’ÀSPERGILLUS FUMIGATUS 211 culture d ’ Aspergillus fumigatus sur milieu de Raulin déter- mine chez le lapin une élévation thermique de 1°,5 à 2°, durant plusieurs heures jmais, n ayant pas relevé d’autres symptômes, il ne se croit pas autorisé à conclure à l’existence d’une toxine active dans les cultures de cet Aspergillus. Or, dans ces cultures, nous avons réussi à déceler un poison auquel nous donnerons, sous certaines réserves, le nom de toxine de 1 Aspergillus f u m ig a t u s , poison très actif chez divers animaux, et qui porte son action sur le système nerveux * c est a une première etude de cette toxine que nous consacrons cette note. Il s agit d’abord de donner la preuve de l’existence d!un poison dans les cultures de Y Aspergillus fumigatus , et cela est aisé. . , Que I on fasse, dans un matras à fond plat, sur une solution de peptones à 1 0/0 et de glucose à 3 0/0, une culture A Aspergillus fumigatus qui sera maintenue à l’étuve à 30° jusqu’au 15e jour, puis que l’on inocule 5 à 6 c.c. du liquide pour 1,000 gr. d’animal sous la peau d’un lapin, après avoir filtré préalablement A, et voici ce que l’on observera. Pendant 13 à 20 minutes, l’animal ne parait nullement incommodé, mais au bout de ce temps, il devient inquiet, se tient immobile dans un coin et ne tarde pas à être pris d’un tremblement d’abord léger, puis qui s’accuse iapidement et qui s accompagne d’une grande fréquence de la respiration. Il n’y a pas cinq minutes que ces troubles ont débuté que 1 animal, de plus en plus anxieux, de plus en plus tremblant, s allonge sur le sol, les oreilles tombantes, comme si ses membres refusaient de le porter, r: : ; Puis tout à coup, de 2o à 43 minutes après l’injection, le lapin se îedresse, s élancé en avant ou, au contraire, présente un brusque mouvement de recul et subitement tombe sur le liane, en proie a un violent accès tétanique : le trismus est, intense, les 1. Au début de nos expériences et afin d’éliminer, sûrement les spores et les ué bris mycéliens qui pourraient être une cause d’erreur, nous, avons filtré les iquides à la bougie Garros stérilisée. Ultérieurement, quand nous avons acquis la notion de la rapidité très grande des accidents dus au poison, qui se produisent, avant qu’il puisse y avoir germination des spores' dans l’organisme, nous- nous sommes contentés de filtrer au papier qui retient moins de toxine que lçs bougies; o iservation.de quelques animaux ayant survécu bous a prouvé d’ailleurs que ce e iltration est suffisante pour empêcher le développement de l-’asporgillose 212 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR yeux saillants, Fopisthotonos ramène la tête en arrière, les pattes sont allongées et raides . Cet accès dure quelques secondes et fait place à des mouvements convulsifs, caractérisés par une agitation des membres de telle sorte que 1 animal, toujours couché sur le flanc, paraît battre du tambour avec ses pattes de devant, ou d’autres fois offre des mouvements plus rythmés, analogues à ceux du galop. Après quelques instants, survient un nouvel accès tétanique analogue au premier, avec opistho- tonos, emprosthotonos, où pleurosthotonos et suivi, comme la crise initiale, de mouvements convulsifs et ainsi de suite* Si l’on opère dans les conditions que nous avons indiquées, ces symptômes persistent et s’aggravent pendant 4 à 6 heures; ils aboutissent à un état comateux dans lequel l’animal insensible n’olfre plus qu’une sorte de trémulation des membres avec quelques contractions toniques et qui amène rapidement la mort. Au-dessous de la dose mortelle, 1 inoculation détermine encore des crises tétaniques et convulsives plus ou moins vio- lentes,,': qui durent 3 à 5 heures, puis qui s’espacent et, dispa- raissent complètement ; au bout de 18 à 20 heures, 1 animal semblé i revenu à son état normal. Le tableau est plus dramatique encore si l’on procède à l’inoculation par la voie veineuse ; les accidents sont alors immédiats ; le tremblement commence aussitôt que 1 injection est faite et, 3 ou 4 minutes après, l’animal tombe tétanise, offrant les mêmes symptômes que ceux que nous, venons de décrire pour l’inoculation sous-cutanee. Ces faits sont trop clairs et trop probants pour que nous insistions: ils nous permettent bien d’affirmer qu il existe, dans le liquide de culture de l’ Aspergillus fumigatus sur milieu peptonisé et glucosé,un poison agissant sur les centres nerveux du lapin et susceptible d’entraîner la mort en quelques heures quand on en injecte une certaine dose. j Cette constatation faite, il était intéressant de rechercher [ quelle est Faction de ce poison produit par 1 Aspergillus fumigatus sur diverses espèces animales, les unes sen- sibles aux spores de F Aspergillus , les autres douées d immu- nité naturelle vis-à-vis de ce champignon. Comme espèces sensibles, nous avons choisi, après le lapin, le cobaye et le TOXINE DE L’ASPERGILLUS FÜMIGATUS 213 pigeon dont on connaît la grande réceptivité à l’égard des spores de Y A spergil lus fümigatus ; pour les animaux réfrac- taires nous nous sommes adressés au chat qui, d’après Rénon, offre une immunité naturelle certaine et au chien, insensible aux inoculations de fortes doses de spores, comme Font montré Renon et Lucet. j Avec le cobaye, les résultats sont très analogues à ceux que l’on obtient chez le lapin, mais la sensibilité au poison est moins grande que chez ce dernier, car la dose mortelle pour un cobaye de 400 grammes est aussi élevée que pour un lapin de 1.800- 2.000 grammes, soit 10 c. c. du liquide préparé comme il a été dit au paragraphe précédent. L’inoculation peut être faite indifféremment dans la cavité péritonéale ou dans le tissu cellulaire sous-cutané. Après 15 à 20 minutes, on note le premier symptôme qui est, comme chez le lapin r un tremblement d’abord léger et dont l’intensité va en croissant rapidement. Au bout de 10 à 20 minutes, c’est-à-dire 30 à 40 minutes après l’injection, apparaissent les manifestations graves : tout à coup l’animal qui se tenait anxieux et tremblant dans un coin, roule sur le flanc, tétanisé comme le lapin. L’accès tonique dure quelques secondes et est suivi de mouve- ments convulsifs avec agitation désordonnée des pattes, l’animal restant sur le flanc jusqu’à une nouvelle crise tétanique ; ou, ce qui est assez fréquent, le cobaye se remet sur le ventre entre les contractures, mais il présente une paralysie complète ou presque complète des membres, particulièrement du train pos- térieur. En somme, manifestations tétaniques, convulsives, paralytiques, qui se succèdent avec quelques variantes selon les cas, qui aboutissent en 10 à 20 heures à la mort si la dose injectée est suffisante, ou qui, après 4 à 6 heures, s’amendent et disparaissent sans laisser de traces si la quantité de toxine est | plus faible. On obtient enfin exactement les mêmes phénomènes entraî- i nant la mort en 6à8 heures par l’injection intra-cérébrale, seu- lement et le fait doit être noté avec soin, il suffit d’une dose 10 fois plus faible (soit 1 c. c.) que celle qu’il faut inoculer par les voies péritonéale et sous-cutanée pour causer une intoxica- tion mortelle. '5 - Bien que les auteurs qui se sont occupés de Y A spergil lus 2W ANNALES DE L’ INSTITUT PASTEUR fumigatus ne fassent pas mention d’inoculations au rat blanc et à la souris et que nous n’ayons pas de renseignements sur leur réceptivité à l’égard, des spores du champignon, nous leur avons injécté la toxine et nous avons noté chez eux des symp- tômes qui sont très analogues à ceux que nous venons de décrire : tremblements, crises tétaniques, manifestations para- lytiques et convulsives. Toutefois leur sensibilité est inférieure h celle du cobaye, car à la dose mortelle pour ce dernier, la toxine détermine bien des symptômes tétaniques chez le rat blanc, mais elle ne le tue pas, et chez la souris de 15 gr., l e. c. de liquide de culture cause un tétanos et des convulsions très marqués sans entraîner la mort. Tout autres sont les résultats des inoculations au pigeon, dont la sensibilité aux spores de Y A spërgil lus fumigatus est cependant très grande : des pigeons de 320 à 330 grammes ont reçu, en injection sous-cutanée, 10 c. c. de liquide de culture très toxique pour les lapins et les cobayes et nous n’avons observé chez eux qu’un peu de tristesse, pendant 3/4 d’heure à 1 heure après l’inoculation, mais sans aucun autre symptôme ; mis ensuite en observation pendant un mois, ces ani- maux n’ont pas présenté de troubles morbides. L’un d’eux a reçu, en 22 jours et à 4 reprises, une dose de 10 e. c. de liquide toxique à chaque fois sans en être incommodé, et ce fait acquiert ici un intérêt très grand, car nous verrons que loin de déter- miner une accoutumance chez les animaux sur lesquels nous avons expérimenté, les injections répétées de toxine non mo- difiée occasionnent au contraire une hypersensibilité au poison . - . ;• ■ Après les belles expériences de MM. Roux et Borrel et de M. Behring, sur la persistance de la sensibilité des cellules nerveuses chez les animaux naturellement immuns contre les toxines diphtérique et tétanique et contre des poisons comme la morphine, il était important de rechercher comment les pigeons, insensibles à l'inoculation sous-cutanée de fortes doses de toxine de Y Aspergillus, supportent l’injection de cette toxine directement dans les centres nerveux. Nous avons donc inoculé dans le cerveau d’un pigeon de 320 gr. 1/2 c. c. d’un liquide de culture très toxique, comme l’a montré fessai préalable sur le cobaye .Or, ce pigeon n’a TOXINE DE L’ASPEHGILLUS PUMIGATUS 213 présenté d’autres symptômes qu'une certaine anxiété avec des battements d'ailes répétés pendant 1 heure environ ; au bout de 3 ou 4 heures, il a mangé comme un pigeon sain et, depuis, il s'est maintenu parfaitement normal. Sur ce point nous nous garderons de conclure avec une seule expérience dont les résultats n ont pas été très nets ; mais relativement à la résis- tance du pigeon à l’injection sous-cutanée de la toxine de Y Aspergillus fumigatus, nos inoculations ont été suffisamment répétées et précises pour que nous puissions affirmer que cet animal est naturellement réfractaire au poison préparé comme nous l'avons dit et employé à des doses qui sont six fois plus fortes que la dose mortelle pour le même poids de lapin. Ce fait d’un animal très sensible à un champignon patho- gène. alors qu'il offre une résistance remarquable aux poisons produits par ce champignon, constitue une exception trop étrange pour nous permettre, actuellement et sans nouvelles expériences, de formuler des conclusions définitives a ce sujet. Pour être moins extraordinaire, voici une autre particula- rité qui mérite aussi d’être notée avec soin : c’est que deux espèces animales, considérées comme réfractaires aux spores de Y Aspergillus fumigatus , le chat et le chien, sont sensibles à la toxine produite par le champignon, Chez le chat, la sensibilité à l’égard du poison est, il est vrai, assez faible, car il nous a fallu élever la dose du liquide toxique (dont 3 c. c. tuent 1 kil. de lapin) à 50 c. c. par 1.000 grammes de chat pour déterminer chez ce dernier des accidents graves. Vingt minutes après l’inoculation Je chat est pris d’anxiété, de tremblements auxquels ne tardent pas à s’ajouter des crises tétaniques violentes avec opisthotonos et raideur des pattes. Entre ces crises, le symptôme dominant est la paralysie fies membres. Après 2 à 3 heures et en dépit de la dose énorme injectée, nous avons vu ces troubles graves s’améliorer et dis- paraître complètement au bout de 12 heures. Pour le chien, il n’en esfplùs de même et, chez lui, malgré sa grande résistance aux spores du champignon, la dose mor- telle de toxine est la même que chez le lapin, soit 5 c. c. de filtrat d’une culture préparée comme il a- été dit par kilogramme ANNALES DK JU INST1TUT PASTEUR (l’animal. Si l’on procède, comme nous l’avons fait, par injec- tion {intra-veineuse, on sera frappé de; la soudaineté et de la vio- lence des accidents : lè tremblement apparaît sitôt que Topération est terminée et 2 ou 3 minutes ne se sont pas écoulées que le chien, étendu sur le flanc, présente un accès tétanique intense avec contractions toniques très marquées des membres et des muscles cervicaux. Ces crisès tétaniques së succèdent ensuite rapide- ment et, dans l’intervalle, lete membres sont agités d’une façon continuelle de convulsions d’une violence extrême; 1/2 heure après le début du tétanos, la température est déjà de 42°, 3 et ces symptômes persistent sans rémission pendant plusieurs heures, La mort survient après une période agonique (24heures) dans laquelle ranimaCdout à fait insensible ne respire plus que. faiblement et n’offre plus qu’une sorte w de trémulation des membres. . * . De tous les animaux sur lesquels nous avons expérimenté, le chien et le lapin sont donc incontestablement les plus sensibles à la toxine de Y Aspergillus. On peut se demander maintenant comment l’existence d’un poison causant des symptômes aussi graves chez le lapin, le cobaye, le chien, le chat, la souris; et le rat blanc, a pu échapper aux savants qui ont étudié Y Aspergillus fumigatus et qui tous ont cherché à déceler une substance toxique dans les cultures de ce champignon. Cela n’a rien de surprenant cependant, étant données les conditions, dans lesquelles là toxine apparaît dans les cultures et dont nous avons déterminé quelques-unes. Un fait important se dégage de l’étude que nous avons faite sur les cultures de l’ Aspergillus f umigcitùs? c’est que la produc- tion de la toxine par ce champignon exige la réunion dans le milieu nutritif d’un alinïent azoté et d’un hydrate de carbone. C’est vainement, en effet, que nous avons recherché, du 15e au 50e jour, des propriétés toxiques dans les cultures sur milieux simplement peptonisés, tandis-que dans les solutions de peptones additionnées de glucose par exemple, la formation de la toxine est assez rapide pour que l’on obtienne au 12e jour, à l’étuve à 30°, un liquide très actif suç les animaux sensibles. Un bouillon renfermant 4 0/0 de .peptones (Chassairig) et 3 0/0 de glucose pur nous a paru particulièrement favorable et : TOXINE DK L’ ASPERGILLUS FUMIGATUS 217'. c’est lui que nous avons utilisé dans la plupart de nos expé- riencèscq :>r-b ; . •< r b j. Si l’on substitue au glucose ' et dans les mêmes proportions le saccharose, le maltose, la dextrine, les résultats sont sensi- a i blement les mêmes , de telle sorte qu’il nous ...est impossible de préciser actuellement si l’un de ces corps est 'plus favorable que l’autre à la production delà toxine. c ; Tous ces hydrates de carbone sont consommés très active- ment dans les cultures de Y Aspergillus fumigatus , mais si l’on emploie le lactose pour lequel il n’en est plus de. même, la toxi- cité du liquide, aux doses que nous avons indiquées, est com- plètement nulle, nous l’avons constaté jusqu’au 35e jour du moins. V . /y. La qualité et la quantité de l’aliment azoté' jouent un rôle important ; c’est l’azote organique, particulièrement l’azote des peptones qui convient le mieux et il faut que la proportion de la matière azotée soit assez élevée pour que le poison se forme rapidement et abondamment. ) ; Avec le moût de bière, contenant du maltose et de la dex- trine, mais peu d’azote organique, comparativeibent aux solu- tions peptonisées à 1 0/0, la toxine n’apparaît que tardivemenl et en faible quantité, car avec du liquide de culture1 de 15 el 22 jours, à l’étuve à 30°, il est impossible de déterminer des accidents appréciables chez le cobaye, mêmea la dose de 20 c. c. pour un animal de 400-450 grammes ; au 30e jour seulement et à la dose de 15 c. c. pour un cobaye de 400 grammes, le filtrat de culture sur moût de bière occasionne des tremblements et une hyperexcitabilité qui persistent pendant 2; a 4 heures, puis qui disparaissent sans laisser de traces. y Dans leliquide de Raulin, milieu de choix: pour Y Aspergillus fumigatus d’après tous les auteurs, l’apparition de la toxine est également très tardive; jusqu’au 23e jour, dans les cultures à l’étuve à 30°, nous l’avons recherchée sans succès et ce n’est que vers le 30e jour que nous avons constaté sa présence; à cette date, elle est assez abondante, toutefois elle nous a paru, après essai sur le lapin et le cobaye, beaucoup moins active que .celle «les milieux peptonisés etglucosés. ’ Le moût de bière que nous avons employé titrait 3 0/0 de maltose et 3 0/0 d hydrates de carbone en plus exprimés de glucose. 218 'ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 11 est probable que le retard que Ton observe en ce cas dans la production du poison., provient de l’absence des peptones et aussi, ajouterons-nous, de l’acidité du milieu. L’addition de 1 0/0 de peptones au liquide de Raulin suffit, en effet, pour que, dès le 16e jour, le filtrat devienne toxique à ce point qu’il occasionne: à la dose habituelle les symptômes ordinaires et violents de l’intoxication. D’autre part, nous avons constaté avec le liquide de Raulin peptonisé ou non peptonisé, que l’apparition de la toxine se fait en même temps que celle de la réaction alcaline et cela ne nous semble pas une simple coïncidence, car nous l’avons noté aussi avec les autres milieux nutritifs. Sur bouillon contenant 1 0/0 de peptones (Chassaing) et 3 0/0 de glucose, qui est normalement un peu acide, le champignon augmente légèrement l’acidité dans les premiers jours, puis il neutralise le liquide et enfin il le rend alcalin ; or c’est précisément au moment où la réaction devient franchement alcaline que nous avons relevé l’apparition des propriétés toxiques. Indépendamment de ces conditions de milieu, nous avons remarqué que la production de la toxine semble plus active dans les vases à fond plat, permettant un facile accès de l’air et dans lesquels la culture s’étend à la surface d’une couche de liquide de 2 c. m. de hauteur environ. Quant aux températures qui conviennent le mieux, ce sont celles auquelles YÂspergillus fumigatus pousse vite et bien et qui sont comprises entre 30° et 37°. Relativement h l’âge des cultures, nous pouvons affirmer enfin, après de nombreuses expériences, que sur les liquides peptonisés à 1 0/0 et glucosés à 3 0/0, à l’étuve à 30°, la toxine existe déjà assez abondante au 12e jour, qu’au 18e ou 20e jour elle est mortelle pour le lapin à la dose de 5 c. c. pour 1000 grammes d’animal, et que son pouvoir nocif se maintient longtemps dans ces cultures, car nous l’avons trouvé aussi fort qu'au 20e jour au bout de 2 mois 1/2. Nous ne pouvons pas préciser davantage, pour le moment, en raison de la grande difficulté que Ton éprouve à faire, avec ces cultures de champignon, des expériences rigoureusement com- parables. TOXINE DE L ASPERGILLUS FUMIÜÀTUS 219 A quel groupe chimique appartient cette substance toxique produite par Y Aspergillus fumic/alus et s’agit-il ici dune véritable toxine ? Pour répondre à cette question, nous avons cherché quels sont les caractères principaux du poison et tout d’abord comment il se comporte quand on le soumet à l’action de la chaleur. Sous ce rapport, on peut dire que le poison est assez résis- tant aux températures élevées, car il ne nous a paru détruil qu’après passage à 120° pendant 30 minutes. Dans ces condi- tions, en effet,/ nous avons pu inoculer à un lapin de 2 kilogr, jusqu’à 90 c. c. de liquide toxique sans déterminer autre chose qu’un peu d’anxiété pendant 1 heure environ, tandis que 10 c. c. du même liquide, non chauffé, ont tué en 4 heures le témoin de poids égal. : ■ : Toutefois nous avons remarqué, en de nombreuses expé- riences, qu’au-dessus de 85° le chauffage prolongé pendant un temps suffisant altère singulièrement l’activité de la substance toxique. Ainsi, un liquide tuant le lapin à la dose de 5 c. c. par kilogramme, chauffé à 90° pendant 3/4 d’heure, puis inoculé à la dose mortelle, n’occasionne plus de tétanos aigu ni de convul- sions violentes ; on observe alors des tremblements, de l’anxiété, de la fréquence de la respiration, dé l hyperexcitabilité muscu- laire, de la raideur des pattes, puis après quelques heures ces accidents disparaissent et les animaux reprennent leur apparence normale. Soumis à l’ébullition pendant 5 à 10 minutes, le liquide de culture semble avoir conservé sa toxicité, mais', si l’ébullition est prolongée au delà de 20 minutes, on peut injecter jusqu’au double de la dose mortelle sans amener chez les animaux de crises tétaniques ou convulsives aiguës ; les symptômes sont en pareil cas très atténués et analogues à ceux que nous venons d’indiquer après inoculation du liquide chauffé 3/4 d’heure à 90°; leur durée n’est que de quelques heures et ensuite les animaux, que nous avons surveillés jusqu’au 15n jour après l’inoculation, ne présentent plus de troubles appréciables. Comme toutes les expériences avec les liquides chauffés à 90° et à 100°, dans les conditions que nous avons précisées, ont été faites sur des animaux qui ont tous survécu alors que les témoins sont morts en moins de 24 heures, nous pensons qu’il 220 ‘ k ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR s es t/iogÿq&ë ^admettre en ces cas une atténuation très notable du poison. Seulement il faut bien savoir que le temps de chauffe acquiert une très grande importance dans F altération de la substance toxique aux températures élevées. La dessiccation, comme la chaleur ,agit sur la toxine, l’expé- rience suivante en est la preuve: nous avons évapore à 37° 25 c. c. de liquide tuant le cobaye à la dose de lOc. c. et après 3 jours de ! dessiccation à cette température et à F abri de la lumière, le résidu, consistant en une substance brunâtre très hygrométrique^ est devenu complètement inactif. Nous ri avons que peu dè choses adiré de Faction de l’alcool et des précipités de phosphate de chaux sur les solutions de la toxine; en ces expériences délicates, nous nous sommes heurtés à des difficultés assez grandes et nos résultats ont été négatifs : toute tentatiVè d’isolement partiel ou de purification de la toxine par ces procédés a donc été infructueuse jusqu’ici. ; ; Un autre caractère qu’il est possible de préciser bien nette- ment est là diffüsibilité très grande du poison, qui passe aisément dans le liquide de culture et reste très peu adhérent aux cellules mycéliennes.1 ' - • Nous l’avons constaté en broyant au broyeur Borrel une culture à’ Aspergûlus fttmigatus préalablement lavée, puis en la laissant macérer 2Î heures dans l’eau, de façon à ce que les substances intracellulaires puissent passer des cellules dilacérees dans le liquide de macération. Ce liquide, inoculé aux animaux sensibles, est encore susceptible de causer, à hautes doses, des accidents passagers, mais dont l’intensité n’est nullement comparable a celle des symptômes que détermine le filtrat de culture. Quant à l’activité de la toxine de X Aspergillus fumigatus , elle paraîtra peut-être faible et il est certain que la quantité de 5 c. c. de filtrat de culture par kilogramme de lapin est assez élevée. Mais il faut songer que dans les liquides que nous avons employés, et qui ne sont peut-être pas les meilleurs au point de vue du rendement en toxine, celle-ci n existe qu en solution diluée. Si l’on évapore un liquide mortel pour le lapin à la dose de 5 c. c. par kilogramme, on obtient unrésidu qui, défalcation faite des éléments minéraux, pèse après dessiccation 08r,007 par c. c.. dont la toxine ne représente qu’une partie im- possible à déterminer, et cela suffit à montrer qu’il s’agit ic ■ ; - ; • ' v . • -••• ' - i ‘ - TOXINE DE L’ASPERGILLUS FUMIGATUS 2-21 d’un poison plus actif qu’on ne pourrait le penser tout d’abord. L’ensemble des caractères que nous venons de donner est-il suffisant rpour permettre de préciser nettement la nature du poison? nous ne le pensons pas, Nous croyons, cependant que l’on peut, provisoirement au moins, le désigner sous le nom le toxine en raison de son mode de préparation, de son activité et des effets qu’il produit sur les animaux. Nous savons bien que ce poison, quoique sensible à l’action prolongée de la chaleur, résiste au chauffage à une température plus élevée que la plu- part des toxines bactériennes et que ce fait est important. On n’oubliera pas, toutefois, qu’il existe des toxines produites par des bactéries chez lesquelles on retrouve une résistance analogue. Et même en admettant que la substance toxique que nous étudions s’éloigne; assez notablement des toxines bactériennes connues aujourd’hui, ne sommes nous pas encore trop incertains des limites exactes du groupe des toxines, pour dire que ce poison de Y A s'per g il lus fumigatus doit en être distrait. Sur un autre point nous resterons aussi dans le doute, sur celui de l’identité ou de la non-identité du poison que nous venons de trouver dans les cultures de F Aspergillus fumigatus et de celui que MM. Géni et Besta ont extrait des spores du même champignon. Les analogies entre les deux substances sont frappantes, notamment en ce qui concerne la résistance h la chaleur et les effets sur les animaux, mais il existe des diffé- rences très nettes dans le mode de préparation de la substance loxique et dans la sensibilité des espèces animales; ainsi, MM. Géni et Besta obtiennent leur toxine par action de l’alcool et de l’éther sur les spores et ont noté que le cobaye est assez réfractaire à ce poison, tandis que nous utilisons seulement le filtrat de culture et que nous avons constamment observé l'in- contestable sensibilité du cobaye à l’égard de ce liquide.Quoi qu’il en soit, on peut penser que c’est aux effets de ce poison que suc- combent certains animaux, dans les cas d’aspergillose expérimen- tale à évolution rapide et dans lesquels le mécanisme de la mort reste très obscur, malgré les hypothèses de Kottliar,; de Eucet etde Rénon. La découverte de la toxine de Y Aspergillus fumigatus vient donc éclairer d’un jour nouveau cette partie de l’histoire de la mycose, mais son intérêt n’est pas limité, ù:çe fait particulier, elle nous semble avoir une portée beaucoup plus 222 ; ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR grande en établissant 1 étroite analogie de mécanisme qui existe entré les mycoses internes et les maladies bactériennes. La toxine de YAspergillus fumigatus permet enfin de cher- cher dans une nouvelle voie rimmunisation des animaux contre une mycose interne et l’on sait que toutes les tentatives faites jusqu’ici à ce sujet, pour l’aspergillose comme pour les mucoro- mycoses, ont été complètement négatives. Nos essais de vaccination à l’aide de la toxine de YAsper- gillus fumigatus sont encore trop récents et trop peu avancés pour nous permettre des affirmations définitives, ils nous ont appris cependant quelques faits qui méritent dètre signalés. D’abord il est certain, et cela ne doit pas surprendre avec nos connaissances actuelles sur les toxines bactériennes, que l’injection répétée de faibles doses de toxine non modifiée ne conduit pas à la vaccination. Ainsi, en commençant par injecter au lapin 1/20 de la dose mortelle, ce qui n’occasionne que des troubles légers, et en faisant, à 8 jours d’intervalle, des injec- tions de toxine progressivement croissantes de 1/20 à chaque fois, on voit qu’à la 10e injection, qui correspond à la moitié delà dose mortelle, il se produit des symptômes d intoxication très intenses. Au cours de ces expériences, nous avons meme contasté qu’une première injection d’une dose faible de toxine, ne causant que des troubles légers et fugaces, détermine souvent une hypersensi- bilité très remarquable. C’est ainsi qu’un lapin de 1,800 grammes ayant reçu 2 c. c. de toxine sans éprouver autre chose qu’un tremblement passager, devint sensible à ce point que, 3 jours après, la dose mortelle de toxine s’abaissa chez lui de 3 c. c. par kilogramme à 1 c.c., 6. De tels faits n'ont-ils pas d’ailleurs leurs analogues dans la vaccination par certaines toxines bac- tériennes? Avec la ioxine modifiée par aldition de liqueur de Gram, nos premiers essais de vaccination ont échoué ; à l’aide de la toxine chauffée les résultats ont paru meilleurs, mais nos expériences, qui sont loin d’ètre terminées, ne nous autorisent pas encore à conclure; elles nous ont montré toutefois que les injec- tions répétées de toxine chauffée ne semblent pas développer de propriétés antitoxiquès dans les humeurs du lapin, ou du moins qu’elles n’y développent que des anticorps très peu actifs, TOXINE DE L’ASPERGILLUS FUMIGATUS 223 car le sérum s’est montré, dans ces conditions, incapable d'en- traver les effets de la dose mortelle de toxine, après mélange in vitro et à parties égales pendant i/2 heure. Nous avons cherché enfin si les injections répétées de toxine chez le pigeon, dont nous avons indiqué la résistance, ne sont pas susceptibles de lui conférer une certaine immunité contre L'inoculation des spores de l Aspergillus fumigatus. Un seul essai a été fait sur un animal avant reçu 30 c. c. de toxine active *} en o injections, espacées de 8 jours, mais ce pigeon, inoculé dans les veines avec la dose mortelle de spores ü’ Aspergillus fumigatus , a succombé à l'aspergillose dans les délais habituels. Il en a été de même chez le lapin traité préalablement par 6 in- jections de toxine chauffée et qui est mort avec les lésions ré- nales et hépatiques ordinaires, o jours après l’inoculation intra- veineuse de spores. Sur ces diverses tentatives d'immunisation, nous nous réser- vons du reste de revenir en un travail ultérieur, en raison de Ja difficulté et de la longueur des multiples expériences qu elles exigent. CONCLUSIONS I. — L Aspergillus fumigatus produit une substance toxique que 1 on peut rapprocher, sous certaines réserves, des toxines bactériennes et ce fait établit nettement l’étroite analogie qui existe, au point de vue de leur mécanisme, entre les mycoses internes et les maladies dues aux bactéries. II. — La formation de cette toxine dans les cultures de 1 Aspergillus fumigatus , exige la réunion, en ces milieux, d’un aliment azoté, surtout du type des peptones, et d’un hydrate de carbone consommé activement par la plante (glucose, saccharose, maltose, dextrine.) Il faut, en outre, que la réaction soit neutre ou alcaline. Dans un liquide peptonisé à 1 0 0, et glucosé à 3 0/0, la toxine apparaît, à l’étuve à 30°, vers le 12e jour et devient très active au 18* ou 20e jour. C’est une substance qui diffuse aisément des cellules du champignon dans le milieu de culture : sous l'influence de la chaleur, elle ne parait détruite qu après passage à 120° pendant 30 minutes, mais le chauffage suffisamment prolongé 1 altère et l’atténue très notablement à partir de 90°. IU- — Les effets de cette toxine portent sur les centres ner- 2M ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR veui et se traduisent plus ou moins rapidement, selon le mode 0) O O c C Î3 G > _|| a al G o* U JC Ci, t- gs 3 U -C n u x: 3 - s: n. SD «K O ND ^ 0 0 0 0 0 91 3 — 0 ‘0 0 : 0 0 0 - $32 . ; s ■«. j • i : ? 4 — .) 0 0 0 0 r ■ ■ • + . * i 0 ; ; : \ ! ■ ' • 1:80+' ; C: r; ; r : ; ; 223 4 — o < . 0 No r . 0 t 0 : ! ' î : 1:80 + 1 ■ 205 4 — 1 : 10? 1 : 50 0 1 : 100 + • 0 1 : 10 ? L 1 : 200 + i 27 ;; ’ 4 — S 1 : 10 H- 1 : 20 0 — 1 : 10 + 1 : 20 0 — : .. — . 1 : 200 + 1 : 300 ? 142 5 — 0 ’ > ■ ri .. 1 : 50 ? 1 : 50 ? . • ' * > r 0 ’ , 0 1 : 100 + 1 : 200 ? 101 6 — 0 1 : 10? t " -» ^ 1 : 50 ? o 0 1 :.2.00 1 : 500 ? 293 8 i - , 1 : 80 + i : 80 + 1 : 80 + 1 : 80 +. î . ■ . ; 1 : 10.00. + 87 : 8 — 1 : 10 0 T : 10? 1 : 50 ? 1 :io? ;+; ’ — ' 1 : 100 + 1 : 30Ô ? : • • " j ■ 292 : \ 10 "•+- .1 : 200 + 1 : 300 ? T: 100 + T : 200 ? : ; 1 : 100 + 1 : 200 ? T: 100+, i : 200 ? ' » ; < J- 1 : 1000 + 139 17 — 1 : 10 -h 0 1 : 50 ? 1:10 + — 1 : 200 + 280 38 — 1 : 10? 1 : 10 + 1 : 10 + t : 10 + — 1 : 100 + * Les animaux reçoivent 2 c. c. dans 10 c. c. eau salée). 1 d’une émulsion de culture typhique sur gélose (une culture Ces résultats prouvent que les agglutinines peuvent apparaître dans une proportion appréciable dans le sérum , sans qu elles existent simultanément dans les extraits d'organes. Ce fait est important, non seulement en ce qui concerne l’analogie qu’il permet d’établir entre les agglutinines et les précipitines, mais aussi au point de vue de la dissemblance qui existe, à ce point de vue, entre les principes agglutinants d une part, et les anticorps bactériolytiques d’autre part. On sait, en effet, que ces derniers sont fabriqués par certains organes hématopoïétiques, en particulier par la rate et la moelle osseuse, et qu'ils peuvent ORIGINE DES ANTICORPS 235 exister dans ces organes avant qu'ils fassent leur apparition dans le sang. Passe le 4e jour après l’injection de la culture, les aggluti- nines peuvent aussi faire leur apparition dans certains extraits d'organes, mais la teneur de ces extraits en substances agglutinantes est loin d'égaler celle du sérum. Ces substances augmentent dans les organes 10 jours après le début de l’im- munisation et se comportent comme les agglutinines du sang; mais dune façon constante, le titre agglutinât if de ce sang dépasse sensiblement celui des extraits d’ organes . La richesse des différents viscères en agglutinines est sensiblement la meme, sauf pour ce qui concerne la moelle osseuse, laquelle renferme parfois des quantités plus fortes d'agglutinine, que la rate et les glandes lymphatiques. Ces résultats, malgré leur concordance, ne sont pas aussi démonstratifs que ceux que nous avons obtenus au cours de nos expériences sur les précipitines. Bien qu’envisagées d’une façon générale, ces recherches semblent prouver que les agglutinines i se forment dans le système vasculaire et. non pas dans l'intimité ; des divers organes, il n'en est pas moins vrai qu’on ne saurait voir dans ces faits une preuve absolue en faveur de cette manière de voir. Il se peut fort bien, en effet, que ceux des organes qui fournissent tardivement un extrait agglutinant, aient renfermé, au commencement de la vaccination, des quantités appréciables d'agglutinine et qu’ils aient, dans la suite, livré cette agglutinine au sang. Mais l’existence d’un paraléllisme presque absolu entre la richesse de ce sang et des divers organes en principes agglutinants, constitue un fait qui plaide en faveur de l’origine hématique de ces agglutinines des organes. Loin d’avoir fabriqué les substances agglutinantes qu'ils contiennent, les ! divers organes peuvent tout simplement avoir emprunté au t sang ces substances, cela malgré la saignée à blanc des animaux en expérience. Afin de préciser si les divers organes des animaux qui ont reçu du sérum agglutinant dans leur circulation générale et qui ont été ensuite sacrifiés par saignée à blanc, renferment des agglutinines: nous avons réalisé une série d’expériences disposées de la façon suivante : les lapins reçoivent en injection intraveineuse une certaine quantité de sérum agglutinant, 236 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR provenant des chevaux et des lapins immunisés, et sont saignés à blanc quelque temps après l’opération. On apprécie la teneur en agglutinines des extraits faits avec les divers viscères, en procédant comme dans les expériences dont nous venons de faire l’exposé détaillé. T a b le au IX Lapins Saignés Glandes Rate. ) Moelle Rein. Sérum. ' injectés avec. après. lymphatiq. osseuse. 1) 15 c. c. agglutinine de lapin. 1 heure , 0 0 1 : 10 + 0 1 : 50 + (Val. 1:1000.) 2) 20 c. c. idem 1 jour 0 0 1:10 + 0 1 : 500 + 1 : 200 ? i (1 : 1000). 3) 20 c. c. idem 2 — 0 0 1:10 + 0 1 : 100 + } (1 : 1000). | 4) '0 c. c; aggl. chev. (1 : 10,000). 1 — - 0 ■ 0 ■ 1 : 100 ? 0 1:500 + ! 5) 10 c, c. idem . 2 1 : 50 ? 1:50? 1 : 50 ? — 1 : 500 + | ■■ 1 6) 20 c. c. idem. 3 — 1 : 50 + ,1 : 50 + 1 : 10 + 1:50 + 1 : 1000 + i | 7) 20 c. c. idem. 3 — 1 : 100 + ■ 1 ::50 + 1 : 100 + 1 : 100 + 1 : 1000 + 1 ! 8) 5 c. c. idem. 5 — 1 : 10 + 1:10 + 1:50 + 1 : 10 + 1 : 100 + 9) 10 c. c. idem. 5 — 1:10 + 1 : 1,0 + 1 : 100 + 1 : J 00 + 1 : 100 + 1 : 500 ? 10) 5 c. c. idem. 14 — 0 0 0 0 0 11) 10 c. c. idem. 14 — 0 0 0 0 0 12) 10 c. c. idem. 10 — 0 0. 0 0 1 : 10 + Ces résultats concordent avec les précédents, en ce sens que la teneur des organes en principes agglutinants correspond à celle du sang. Si la richesse du sérum en agglutinines atteint des valeurs voisines de i/1000, les organes contiennent des quantités appréciables d’agglutinine; par contre, lorsque la force agglutinante du sérum est inférieure à ce chiffre, un cer- tain nombre d’organes seulement fournissent des extraits capables d’agglomérer les bacilles typhiques (en particulier la moelle osseuse). La diminution du pouvoir agglutinatif du sang va de pair avec celle des extraits d’organes, et le 11* jour il ORIGINE DDS ANTICORPS 2 37 ri existe de principes agglutinants que dans la circulation géné- rale. Il est à remarquer que la disparition de ces principes du sang' coïncide avec l’apparition de précipitines capables de troubler le sérum qui a été injecté aux lapins en expérience. Il résulte donc de l’ensemble de ces recherches, que les quan- tités d’agglutinine que l’on décèle dans les divers organes des lapins qui ont reçu en injection intra-veineuse du sérum agglu- tinant, correspondent à la richesse de ces organes en liquide hématique, et que ces agglutinines des organes sont certaine- ment d’origine sanguine. Dans une nouvelle série d’expériences, nous avons recher- ché s’il y a une production locale d’ agglutinine , comme cela a été admis par v. Dungern, Kraus et Levaditi pour les précipi- tines. Ainsi, on sait que von Dungern, après avoir introduit dans la chambre antérieure de l'œil du lapin, du plasma de Maja , constate l’apparition de substances précipitantes à l’endroit même où l'injection a été faite. Nous avons procédé d’une façon analogue, et nous avons injecté, dans la même chambre antérieure, 0,5 c. c. d’une culture typhique préalablement tuée par la chaleur. Quelque temps après l’opération, nous avons énucléé l’œil et nous avons recherché les agglutinines soit dans le sérum, soit dans l'humeur aqueuse. Si l’énucléation de l’œil injecté est faite 2, 3 ou 4 jours après l’introduction de l’agglutinogène, cela n’empêche nulle- ment la formation des agglutinines, ni leur apparition dans le sérum, comme chez les animaux témoins. La même appari- tion des agglutinines dans le sang a lieu d’ailleurs quand on ne pratique pas l’extirpation de l'œil. Nous avons obtenu des résultats analogues, au cours des recherches que nous avons entreprises, en introduisant l’agglu- tinogène dans la cavité péritonéale. Ici aussi, les agglutinines ont apparu tout d’abord dans le sang, et plus tard, vers le 6° ou le 8e jour, nous avons décélé la présence de ces substances dans les organes. Rappelons que Deutsch est arrivé à des résul- tats qui se rapprochent sensiblement des nôtres, et admet comme nous d’ailleurs, que les agglutinines peuvent se former dans la circulation générale. Il est vrai que cet auteur soutient l'exis- tence. dans Ja rate, de certains principes pro-agglutinoïdes, des- tinés a se transformer en vraies agglutinines ; mais nous venons 238 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de voir que rien ne nous autorise à accepter cette hypothèse. Avec Jatta, Rath, nous admettons que l'organe splénique ne joue aucun rôle dans la formation des principes agglutinants. En effet, les lapins auxquels nous avons pratiqué la splénec- tomie 6 jours avant l'introduction de Uagglutinogène, de même que les animaux auxquels nous avons fait la même opération 24, 48 heures et 3 jours après Timmunisation, ont fourni des agglutinines tout comme les lapins témoins. Nous admettons donc que les agglutinines se fabriquent dans le système circulatoire. Afin de préciser lequel des élé- ments figurés qui circulent dans le sang intervient d'une façon active dans la formation de ces agglutinines, nous avons entre- pris les expériences suivantes : On injecte dans les veines des lapins une certaine quantité de culture typhique tuée par la chaleur et, peu de temps après Tinjection, on examine la teneur des globules sanguins en agglutinogène. Pour ce faire, on défibrine le sang, on lave les globules plusieurs fois et on les suspend dans une solution d'agglutinine; après macération, on isole les éléments figurés au moyen de la force centrifuge et on apprécie la teneur en agglutinine du liquide recueilli à la surface de ces éléments. Si les globules blancs ou les érythrocytes renferment réellement des quantités appréciables d' agglutinogène, on doit constater une diminution dans la force agglutinante de ce liquide, pour le motif que les agglutinines doivent être fixées par T agglutinogène contenu dans ces globules blancs ou ces érythrocytes. Or, l'expérience montre que, dans ces conditions, on ne remarque aucune perte d'agglutinine, ce qui prouve que les éléments figurés du sang ne contiennent pas d'agglutinogène. Une autre série de recherches, disposées d'une façon diffé- rente, ont conduit à des résultats qui se rapprochent de ceux que nous venons d’exposer. Nous avons introduit dans les veines des lapins des bacilles typhiques tués et, quelque temps après l’injection (16 heures et 24 heures), nous avons saigné partiel- lement les animaux et isolé par centrifugation les globules san- guins. Ces globules ont été lavés et injectés dans la cavité péritonéale des lapins neufs (à la dose de 5 c. c.), dans le but de provoquer une formation d’agglutinines, ce qui devait avoir Jieu, siles éléments figurés du sang renfermaient de l’agglutino- ORIGINE DES ANTICORPS 239 gène. L expérience a montré qu aucune production d aggluti- nine ne s'opère dans ces conditions. Il résulte de ces contatations que ni les globules blancs, ni les hématies ne fabriquent des agglutinines. Si Ton tient compte de ce fait, ainsi que de nos constatations tendant à prouver que ces agglutinines sont produites dans le système vasculaire, on est amené à conclure que très probablement ce sont les endothéliums vasculaires qui président à la formation des substances agglutinantes . Ce qui d'ailleurs prouve la non-participation des cellules sanguines à la genèse des agglutinines, c’est le fait que la sai- gnée répétée des animaux immunisés activement, ne détermine nullement un abaissement de la teneur du sérum en principes agglutinants. Or, °i les globules blancs ou rouges étaient réelle- ment une source d’agglutinines, ces saignées devraient être suivies d un affaiblissement du pouvoir agglomérant du sérum. * * * Conclusions. — Contrairement à ce qui se passe avec les anticorps bactéricides , lesquels naissent dans la rate, la moelle osseuse et les ganglions lymphatiques , la genèse des précipi- tines et des agglutinines s opère dans le système vasculaire. Il est impossible, à 1 heure actuelle, de préciser si ces précipitines et ces agglutinines apparaissent dans certains organes sous une forme primitive, analogue aux proferments. ^ SO CC t- 00 C5 240 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR BIBLIOGRAPHIE 1. Pfeiffer et Marx. — • Zeitschr. für Hyg 1*898. 2. Wassermann. — Berl. kl. Woch 1898, no 10. Levaditi. — Annales de V Institut Pasteur , 1904. Dungern. — Die Antikôrper , Fischer, Iena 1903. . Kraus et Levaditi. — G. R. de V Acad, des sciences , 5 . Brezina. — Wiener kl. Woch., 1905 . Jatta. — Zeitschrift f. Hyg. 1900, B. 33. . Van Emdem. — Zeitschr. für Hyg., B. 30. . Rath. — Centr. für Bakt., vol. 25. 10. L. Deutsch. — Annales de V Institut Pasteur 1899. > Le Gérant : G , IV, 1904. . Masson. Sceaux. — Imprimerie Gharaire. 20rae ANNÉE AVRIL 1906 N° 4 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Quatrième campagne en Algérie — 1905 Par MM. Edmond SERGENT et Étienne SERGENT PREMIÈRE PARTIE f Nous suivrons dans notre exposition le plan de notre rapport i de 1904 G ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES 1° Réservoir de virus. L index endémique du paludisme dans un pays déterminé peut être fourni par le pourcentage des grosses rates, et par le pourcentage des cas où les Hémamibes sont trouvées dans le sang périphérique chez les enfants indigènes. Pourcentage des grosses rates estivales . — A moins d’indi- cations cliniques contraires, on peut, dans la pratique algé- rienne, attribuer la cause de leur hypertrophie au paludisme. 1) Les grosses rates estivales ont un volume variable (rates accordéon), que nous sentons augmenter au cours de Tété, à mesure que s’affirment les symptômes cliniques du paludisme, et diminuer en hiver. Ces changements de volume si rapides ne seraient pas le fait de rates tuberculeuses ou syphilitiques, par exemple. Ainsi, dans certains villages kabyles où le paludisme est rare, mais où la syphilis est aussi commune qu’ailleurs, le pourcentage des grosses rates estivales est insignifiant. 2) La diminution parla quinine de ces grosses rates estivales, 1. Ann. Inst. Past t. XIX, mars 1905. 46 24 2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR si manifeste en particulier dans nos expériences de Montebello et d’Aïn-Tedeles S étant donné d’autre part le caractère stricte- ment spécifique de ce médicament, confirme le rôle étiologique du paludisme dans ces hypertrophies. Ainsi se trouve écartée, dans la grande majorité des cas, la possibilité du diagnostic de splénomégalie à corps de Leishman-Donovan. Si l’on compar l’index endémique par la recherche des grosses rates à l’index par la recherche des Hématozoaires, on constate que celle-ci, qui apporte en principe un témoignage irréfutable du danger d’infection qui existe en un lieu déterminé, à un moment donné, ne fournit pas toujours dans la pratique des renseignements adéquats à la réalité. La présence des Hématozoaires du palu- disme dans le sang périphérique est, en effet, soumise à de grandes fluctuations. L’index par la proportion des grosses rates, bien que pré- sentant le défaut d’être basé sur un signe médiat du paludisme, donne des résultats moins variables et trace un tableau fidèle de la gravité des anciennes infections. Technique de la iialpation des rates.— La sujet debout se penche en avant: les muscles abdominaux sont ainsi relâchés. Si, dans ces conditions, la rate n’est pas sentie, on fait coucher le sujet, les genoux pliés et la bouche ouverte, pour faciliter la palpation. Les tableaux suivants résument nos recherches d'index endémiques par les rates en 1905, opérées à Aïn-Tedeles , l'Habra, Arzew , Alontebello , Rébeval , Biskra , et aussi , sur une moins grande échelle , dans un certain nombre d'autres localités. 1. Voir, dans le numéro suivant, la 2e partie de ce mémoire. ÉTUDE DU PALUDISME 243 DU 1er JANVIER AU 1er AOUT 1905 * AGE NOMBRE NOMBRE Pourcentage de sujets examinés de grosses rates. des grosses rates De 0 à i an.., . 22 j 8 \ * 36.05 , ' ; De 1 à 2 ans 26 i 154 2 i 31 7.6 ! 21.18 De 2 à o ans 106 J 21 ) 19.9 ) De 5 à 10 ans 261 74 28.3 De 10 à 15 ans 170 49 28.8 Autres cillants de 0 à 15 ans. 123 59 39.7 Nombre global de 0 à 15 ans. 708 213 30.08 Plus de 15 ans 138 51 36.2 Total 846 264 31.2 DU 1er AOUT 1905 AU 1er JANVIER 1900 De 0 à 1 an 29 18 62 . 06 De 1 à 2 ans 42 / t 178 26 m 64.2 ' 63.58 De 2 à 5 ans. . 107 J 69 ; 64.5 De 5 à 10 ans 219 162 73.9 De 10 à 15 ans 117 49 41.8 Autres enfants de 0 à 15 ans. 245 127 51.8 Nombre global de 0 à 15 ans. 759 451 59.50 Plus de 15 ans 28 7 25.0 Total 787 458 58.1 Pourcentage des infections du sang périphérique. — Les tableaux suivants donnent les résultats de nos recherches •l’index endémiques par l’examen du sang, dans un certain nombre des localités indiquées plus haut, résultats comparés avec ceux que fournit l'examen des rates. Les tableaux exposent ces résultats suivant Page des sujets et suivant les saisons (saison moins fiévreuse, du 1er janvier au 1er août; saison plus fiévreuse, du 1er août au 1er janvier). 244 ANNALES UE L’INSTITUT PASTEUR Plus de 15 ans. ÉTUDE DU PALUDISME 245 1. Importance de V arrivée des fiévreux. — Dans le village en création de Mansouriah (Dt Constantine, littoral), a éclaté, en 1905, une épidémie de paludisme coïncidant exactement avec l’arrivée des premières personnes fiévreuses, apportant leur infection d’ailleurs. 2. Importance du voisinage des indigènes . — A Gué-de-Constantine (près d’Alger), deux fermes sont voisines d’un marais, important gîte à Anophé- fines. L’une d’elles, qui a des gourbis indigènes dans son voisinage, est fié- vreuse ; l’autre, qui est éloignée de ces indigènes de plus de 2 kilomètres, est indemne. 3. Recherche du réservoir de virus chez les animaux. — Trois Macacus imms du Mouzaïa, région très infectée, d’âges différents, n’ont rien présenté d’anormal dans leur sang. 4. Hémoglobinurie. — Elle est certainement moins rare qu’on ne le croit généralement : nous en relevons plusieurs cas mortels, chez des enfants, à Aïn-Touta; 4 cas dont 3 mortels chez des Européens observés par le Dr Fabre, à Aïn-Tedeles; 20 cas dont 15 mortels, en 1904, et 11 dont 7 mortels, en 1905, observés par le Dr Bories à Arzew. Dans tous ces cas, le rôle nuisible ou utile de la quinine n’est pas encore bien établi. 5. Corps en anneaux {ou pessaires) et en demi-lune. — Ces corps que nous avons signalés en 1905 i, se sont montrés encore fréquemment dans le sang de paludéens cachectiques. C. Nicolle et Comte ont attribué la formation de ces corps à un artifice de préparation, à un étalement trop énergique de la couche de sang1 2. Les expériences comparatives que nous avons faites à ce sujet, en étalant du sang mollement avec une feuille de papier, ou bien avec une lame de verre, ne nous permettent pas d’être du même avis 3 4. Nous avons trouvé mention, dans la littérature, de formes vues par certains auteurs S qui se rapportent sans doute aux corps en pessaires ou aux corps en demi-lune. Nous ajouterons que F. Mesnil a vu les mêmes corps en pessaires dans le sang d’une personne très anémique (1,300,000 globules rouges par millim. c.) non paludéenne. 6. Nous n’avons pas retrouvé en 1905 dans le sang de C... (cas d’Ouled- Rahmoun) le parasite nouveau observé en 1903 au cours d’une fièvre à intermittences. Son sang contenait en 1905 des corps en pessaires. 2° Gîtes a Anophélines. 1. Influence des pluies. — Le tableau suivant indique les hauteurs de pluies tombées de septembre en septembre, dans chaque « année agricole », depuis 1901-1902, à Alger. Hauteurs mensuelles en millimètres. 1. Ces Annales, t. XXI, mars 1903. 2. C. R. Soc. Biologie, t. LVIII, 6 mai 1905, p. 760. 3. C. R. Soc. Biologie, t. LVIII, 29 juillet 1905, p. 252. 4. Stephens et Christophers, Practical study of Malaria, p. 22. A. Nissle, Beobachtungen am Blut mit Trypanosomen geimpfter Tiere, Arch. f. Hyg., t. LUI, 1905, p. 181-204. 246 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Années. Oct. Nov. Déc. Janv. Fév . Mars . Avril. Mai. Juin. Juillet Août. Sept. Totaux. 1901-02. 167.3 71.1 90.4 18.4 43.9 70.0 53.5 40.8 0.8 14.5 15.8 32.0 618.5 1902-03. 101.1 61.3 169.3 26.3 13.9 43.1 40.2 10.7 50.3 13.7 0.4 4.9 535.2 1903-04. 89.0 158.8 125.5 282.2 86.2 105.7 94,4 1.3 5.2 Gouttes . 0.7 41.5 990.5 ; 1904-05. 33.5 61.2 103.3 125.1 89.3 69.5 41.4 111.0 19.1 0.6 4.7 19.2 677.9 On peut dire, d’une façon générale, que dans la région d’Alger le palu- disme a été moins violent en 1905 qu’en 1904, mais plus violent qu’en 1902 et qu’en 1903, fait intéressant à comparer avec les différences de chutes de pluie. Il faut remarquer que les pluies ont été très abondantes en mai 1905 : 111 millimètres au lieu de 40,8 en 1901-02, 10,7 en 1902-03, et 1,3 en 1903-04 Ces pluies printanières ont rempli un certain nombre de gîtes, comme le bas-fond du lac Halloula, qui étaient déjà secs, et les ont rendus à nouveau dangereux. 2. (rites à eau salee. — Dans l’eau du barrage d’Arzew, contenant 4er,184 pai litre de chlorure de sodium, des larves d A. maculipennis vivent en très grand nombre. 3. Paludisme des hauteurs. — L’épidémie de paludisme qui avait sévi jusqu’aux sommets des montagnes en 1904 avait paru mériter une recherche spéciale de l’étiologie anophélienne . Dans tous les cas dont nous nous sommes occupés, il nous a été facile de constater l’existence d’Anophélines à des altitudes élevées : A. maculipennis à 365 mètres sur les bords de la Mina (commune mixte de Tiaret). A. maculipennis à 1,246 mètres à la Maison forestière du lac du Mouzaïa; Pyretophorus myzomyi faciès dans le voisinage d’Hannnan-Rhigha. 4. Elévation delà nappe souterraine. — Ce phénomène, apparu en 1904 dans une partie de 1 Oranie, a provoqué, en particulier dans le village de léniia(près de Sidi-bel-Abbès), une violente épidémie convoyée parM. macu- lipennis. De grandes étendues de terres cultivées avaient été submergées et ti ansformées en marais. Cette importance, pour l’extension du paludisme, de 1 augmentation des gîtes démontre par elle-même l’importance de leur diminution comme mesure prophylactique. 5. Plantes d’eau favorisantes. — Nous avons remarqué que la pullulation des larves d’Ànophélines, gênée par la croissance abondante des Lemna à la sui face des eaux, est au contraire extrêmement facilitée par la présence de certaines autres plantes, en particulier par le Ceratophyllum demersum (canal de Montebello). 0. Longueur du vol. Les expériences de Montebello nous amènent à croire que la limite maxima du vol ne dépasse guère 1,500 mètres. Cette légion est très favorable à 1 observation, carie pays broussailleux fournit des abiis aux Moustiques, et les habitants peu nombreux sont tous agglomérés en un même point. Dans le domaine de 1 Habra, la ferme de Fornaka reçoit des Anophélines ÉTUDE DU PALUDISME 247 de l’oued Tin, situé à environ 1 kilomètre, dans un pays également brous- sailleux. A Arzew, les Anophélines sortant de l’oued Magoun s’avancent dans la ville à moins d’un kilomètre de leurs gîtes : la nombreuse population qu’ils peuvent piquer les dispense de s’éloigner davantage. 7. Durée de la vie. — Dans certaines localités (surtout dans la vallée du Chéliff et l’Oranie en général), où les gîtes n'ont existé qu’au printemps et se sont asséchés dès les premières chaleurs, on a capturé des Anophélines adultes, à l’intérieur des habitations, durant tout l’été. Un grand nombre de ces Insectes ont donc vécu au moins 6 mois, et il est très probable que beaucoup survivront jusqu’au printemps suivant. En décembre 1905, des Anophélines hiverneuses furent capturées dans la cave d’une maisonnette, près de Meka- lia, ainsi que dans la cave de la gare des Salines (Oranie) ; les gîtes printa- niers qui avaient donné naissance à ces Moustiques avaient disparu depuis 9 mois. 8. Enquête sur le nombre proportionnel des Anophélines et des Culieines capturés dans les habitations . — Cette enquête, inaugurée en 1905 en plusieurs points de l’Algérie, nous paraît fondée sur une notion inexacte : le nombre des Anophélines capturés dans un appartement ne renseigne aucunement sur le nombre réel des Anophélines qui en piquent les occupants, car parmi ces Moustiques, les espèces Anopheles algeriensis et Pyretophorus myzomyi fa- ciès sont de celles que l’on range parmi les espèces sauvages, qui ne han- tent les lieux habités que pour sucer le sang et s’enfuient aussitôt repues. D’autre part il suffit d’un récipient abandonné, d’une fosse d’aisances mal entretenue pour infester de Culex toute une maison. Le pourcentage des Anophélines n’a donc aucune signification. 9. Observations sur les Anophélines cV Algérie. — Dans F Algérie proprementdite, exclusion faite du Sahara, nous n’avons trouvé, depuis 6 ans, que 3 espèces : Anopheles maculipennis Meigen, Anopheles algeriensis Theobald, Pgretophorus myzo- niyi faciès. 248 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Ce dernier Anophéline est celui que nous avons désigné, dans nos travaux antérieurs, d'après la détermination de F. Y. Theobald, comme étant un Myzomyia , se rapprochant de M. hispaniola C A la suite de nouvelles recherches, le savant entomologiste du British Muséum classe cet Anophé- line dans le genre Pyretophorus, et le nom spécifique de myzomyifacies lui a été appliqué, pour rappeler ses traits de ressemblance avec les Myzomyia. Les caractères différentiels de Pyretophorus myzomyifacies sont, d’après Theobald : Thorax avec une ligne médiane et des lignes latérales foncées: les écailles ont une dimension uniforme, sont étroites-recourbées, pales. Les tarses de la paire postérieure ont un très petit anneau pâle apical. La pre- Pour les trois figures qui suivent: dans le haut./)n//)e de la femelle; au-dessous, aile; h droite, nervures transversales. mière cellule sous-marginale est plus longue et plus étroite que la seconde cellule postérieure, sa hase est plus rapprochée de la base de l’aile; la tige de la première sous-marginale mesure les 2/3 de la longueur de la cellule ; la tige de la seconde postérieure est plus longue que sa cellule. Le bord costal extérieur porte 6 lâches sombres; celle du milieu ne s’étend pas uni- formément sur la première nervure longitudinale. Nous avons recherché les sporozoïtes de X Haemamœba malariae dans les glandes salivaires des différents Mousti- ques d’Algérie. Le pourcentage des A. maculipennis (espèce domestique) trouvés infectés a été en 1904, pour T Algérie entière, de 5 0/0, en 1905 de 2 0/0 environ (sur 93 examinés). Deux Anopheles algeriensis (espèce sauvage) ont été trouvés infectés, Lun en Ivahylie (Mirabeau), l’autre dans T Atlas de Miliana (Adélia). Sur trois P yretophorus myzomyifacies (espèce sauvage), un a été trouvé infecté à Fortassa (Oranie). Distribution. — A. maculipennis , la plus répandue de ces trois espèces, se trouve dans les plaines et sur les montagnes, dans le Tell et dans le steppe. i. C. R. Soc. Biol., t. LV, 14 nov. 1903, et mémoires postérieurs. ETUDE DU PALUDISME 249 A. algériens is habite certains points du Tell montagneux, les collines du Sahel et les plaines du littoral. Pyretophorus myzomyi faciès se rencontre dans les vallées des régions accidentées des trois départements. Dans le Sahara de Berhérie. en dehors du Pyretophorus ehaudoyei Theobald Mono. Culieid.. t. 111. p. 1503». nous avons trouvé, à El-Outava. un Anophéline décrit par Theobald sous le nom de Pyretophorus seryentii n. sp. Theobald. Voici. d'après cet auteur, les caractères différentiels de ces deux espèces. P. sergentii Tlieob. : Palpes avec 3 anneaux pâles, apex blanc. Thorax gris ardoisé au milieu, avec 3 lignes sombres assez foncées, brun profond sur les côtés (sous certains éclairages, le thorax paraît brun sombre au T milieu, ocre terne sur chaque côté, puis brun sombre latéralement) : couvert d’éeailles pâles étroites recourbées, presque grises, plus larges surtout en avant, au milieu ; quelques taches d'un brun profond sur la partie grise du thorax; scutellum sombre en sa partie médiane. Pattes sans anneau. Les ailes ont le bord costal extérieur avec 5 grandes taches noires, à peu près égales, les 4 premières s’étendent uniformément sur la première longitudi- nale, la 5e tache (basalej seulement sur la costa. Écailles des nervures géné- lement sombres : une petite tache pâle âla base de chaque cellule en fourche, sur les nervures transversales, sur la branche inférieure de la cinquième lon- gitudinale. sur la tige de celle-ci. sur la sixième longitudinale; les apex de chaque nervure ont une tache blanche : la première sous-marginale est beau- coup plus longue et plus étroite que la seconde postérieure, sa base est plus près de la base de l'aile, sa tige mesure un peu plus de la moitié de la lon- gueur de la cellule : la tige de la seconde postérieure est légèrement plus longue que la cellule. P. ehaudoyei. Tlieob. : Thorax avec 2 lignes sombres médianes paral- lèles : écailles pâles étroites recourbées, qui sont quelque peu plus larges latéralement. 250 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tige de Ja seconde cellule postérieure aussi longue que la cellule; bases des cellules en fourche au même niveau; nervure transversale postérieure iiilllllllM .llliiltlffllIiillIllIl/illl/IJM . jllIllllJIfîïïTïïnïïïï i!775T>> a trois lois sa propre longueur de la transversale moyenne. Bord costal extérieur de 1 aile avec cinq taches noires, qui sont petites, les quatre pre- mières s étendant également sur la première longitudinale. ÉTUDES PROPHYLACTIQUES DIFFICULTÉS DE LA PROPHYLAXIE DU PALUDISME Comme les années précédentes, les difficultés que nous avons rencontrées ont pour cause : 1° Les rechutes des anciens infectés, qui très souvent se soignent mal; 2° La nature des gîtes, a) parfois très étendus, b) créés par T agriculture, c) souvent très petits, mais alors méconnus ou méprisés; 3U Le misonéisme et Papathie des intéressés. Il faut craindre surtout les personnes qui ne veulent pas admettre la possibilité d une prophylaxie rationnelle, qui prédisent l’insuccès des mesures qu’elles sont chargées de prendre; 4° Nous insistons à nouveau sur le danger présenté au point de vue de l’éducation du public par des essais de prophylaxie incomplets ou mal faits, qui donnent forcément de mauvais résultats et discréditent à tort une méthode; 5° La conduite d’une campagne antipaludique doit être entourée de soins minutieux, il faut donc surtout s’abstenir do généraliser rapidement les mesures nouvelles et d’en ordonner 1 application sur une vaste échelle par des circulaires qui peuvent être mal comprises. ÉTUDE DU PALUDISME 251 PROCÉDÉS DE LA PROPHYLAXIE 1° Eloignement du réservoir de virus et des gîtes. Le danger du rapprochement du réservoir de virus, signalé plus haut, confirme l’importance de son éloignement. Il faut remarquer que les nomades appliquent instinctivement ce principe, quand ils fuient les oasis fiévreuses à la saison des Moustiques, et évitent avec soin dans leurs migrations de sta- tionner près de certains points d’eau dont ils connaissent l'insalubrité. 2° Quinine préventive . Cette méthode constitue le procédé de choix pour la prophylaxie des indigènes (expériences d’Aïn-Tedeles,de Monte- hello en 1905). Une question embarrassante est celle de l’administration de la quinine aux enfants. A partir de 4 ans environ, un enfant peut avaler des comprimés de quinine comme ceux de l’État italien, qui sont enrobés de sucre et dosés à vingt centigrammes. Dans nos expériences, les enfants au-dessus de cet âge ont toujours préféré ces comprimés aux autres modes d’administration (poudre dans du papier à cigarette). Au-dessous de 4 ans, les enfants prennent assez volontiers l’euquinine. Malheureusement son prix est élevé et se trouve encore majoré par la nécessité de la donner à doses plus fortes que les sels ordinaires. Les chocolatines au tannate de quinine, que nous avons reçues du Pr Celli, de Rome, sont fort bien acceptées des jeunes enfants; pour ce produit encore se pose la question du prix de revient. M. Y von a bien voulu nous préparer de la quinine dont l’amertume est en grande partie masquée : il imprègne le médicament d’une couche légère d’un corps gras qui le pro- tège pendant son court séjour- dans la bouche et prévient sa dissolution dans la salive. « Pour enrober les particules de quinine, on peut se servir soit d’un corps gras tel que huile fixe non susceptible de rancir, soit de vaseline liquide» On dissout dans l’éther la substance choisie, et par trituration on imbibe 252 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR avec cette solution le sel de quinine : on fait une pâte bien homogène que l’on aromatise avec de l’essence de menthe ou de citron, on fait évaporer l’éther à air libre, puis on termine la dessiccation à l’étuve. « La proportion d’huile de vaseline ou de corps gras peut être de 15 à 200/0. On emploie soit le sulfate basique de quinine, soit la quinine précipitée. Dans ce dernier cas, le mélange est plus riche en quinine (75 à 80 0/0) que le sulfate basique de quinine (74 0/0). « On administre le médicament simplement en suspension dans l’eau ou un véhicule quelconque, dont on absorbe ensuite quelques gorgées pour entraîner les dernières parcelles de substance; on absorbe ensuite une petite quantité de jus de citron. Pour les enfants, on choisit le lait comme véhicule1. » Cette préparation n’est toutefois pas absolument dépourvue d’amertume et n’est pas acceptée par tous les enfants. Nous avons eu l’idée de mettre la quinine en suspension dans l’huile d’olive, si appréciée des indigènes, qui la font entrer pour une large part dans leur régime alimentaire. Le goût des différents sels est absolument masqué par cet artifice. Nous pensons que la quininisation du réservoir de virus, constitué par les jeunes enfants indigènes, pourra se faire facilement par l’administration de cette suspension de quinine dans l’huile d’olive. La petite cuiller mesurant 30 centigrammes de quinine, dont ont été munis à notre demande un grand nombre des flacons ou des boîtes de quinine fournis par 1 Hôpital de Mus- tapha, permettra aux particuliers de doser la quinine qu’ils feront prendre à leurs enfants dans une cuillerée à café d’huile. 3° Mesures antilarvaires. Les grandes mesures (dessèchement et drainage du sol par des canaux) servent les intérêts de l’agriculture en même temps qu’elles diminuent les gîtes à Anophélines. Un emploi total des eaux d irrigation, en portant au maximum F utilisation des terrains cultivables, est aussi une garantie de salubrité, car il implique l’absence d’eaux stagnantes. Il faut réserver la question du danger des barrages-réservoirs. Les petites mesures (faucardement, pétrolage) sont absolu- ment nécessaires pour assurer l’efficacité des grandes mesures, elles en sont le complément indispensable et doivent être répétées fréquemment. Nous avons vérifié encore en 1905 la 1. Bull, delà Soc. de thérapeutique, 4e série, t. X, 24 mai 1905, p. 225. ÉTUDE DU PALUDISME 25 3 justesse de notre formule : un canal de drainage mal entretenu équivaut à un marais ; son seul avantage est d avoir transformé un gîte à Moustiques inaccessible en un gîte accessible. Lorsque nous avons étudié la défense antipaludique d’une oasis, on avait émis l’objection que le pétrolage des palmeraies pouvait avoir un mauvais effet sur la végétabilité des Dattiers. M. le Pr Berthault, de l’école de Grignon, a bien voulu procéder aux expériences suivantes : Guichet s ou vrard par une polie à un boitant (modèle adopte par b P.L.M.j Système àpruittoline : ta moitié infldu cadre peut s cleuer dans de* rainure*, derrière la partie supérieure . (Mod'r du B- G. et du réseau de l'Etat ■) Cadre s' ouvrant tout entier à deux ballants .( îdpdète de \E- A., Idcfne de Biskra .J Bas de porte Panneau, plein ' A S ^ ri V Planchette d glissière , munie d'un bourrelet pour le bas des portes . (Gcus de Tapa . B ~G ) Trois types de fenêtres grillagées, et un « bas de porte » à planchette mobile. A la fin du mois de juin 1905, 3 lots de Palmiers ont été mis en expé- rience à Grignon : Un premier dans un petit bassin, pétrolé tous les 8 jours; Un second dans un bassin voisin, non pétrolé ; Un troisième en terre, entre les deux bassins, avec arrosage dans les conditions ordinaires. Les 3 lots de Palmiers ont très bien poussé. Le pétrole, aux doses employées, ne semble les avoir incommodés en aucune façon. 254 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 4° Défense mécanique. Notre campagne de 1905 nous a suggéré les observations suivantes : 1) Jusqu’en 1905 nous avions préconisé l’emploi des toiles métalliques dont l’ouverture de maille mesure 1mm, 5. D’après des expériences de laboratoire et des essais pratiqués dans plusieurs gares du Bône-Guelma, nous estimons qu’il suffit d’un vide intérieur démaillé de 2 millimètres pour empêcher l’entrée des Aaophélines algériens. Il est bon aussi d’adopter un fil d’une certaine grosseur, pour assurer la solidité Moustiquaire portative démontable que nous employons. de la toile. Une toile assez bonne est celle que l’on désigne dans la plupart des manufactures sous le no 12, fil 14, ou fil 12, ou fil P. 2) 11 est nécessaire de donner une certaine épaisseur aux cadres de bois des grillages (0,075 sur 0,034) pour qu’ils résistent aux effets du travail du bo-is, et aussi du jeu des ressorts qui ferment -violemment les portes. 3) L’Ouest-Algérien (Oranie) a remplacé les lattes de bois cache-arêtes, qui couvrent les bords des grillages, par des feuillards métalliques qui ont 1 avantage d’être beaucoup plus solides. Nous donnons dans les schémas ci-dessus les types de guichets ou lucarnes de fenêtres grillagées qui nous ont paru les meilleurs : on peut aussi prévoir l’établissement aux fenêtres de grillages sans guichet, dans des construc- tions à volet intérieur. ÉTUDE DU PALUDISME 255 M. le chef de section Grévin, du JBône-Guelma, a placé sur le bas du portant des cadres-portes grillagés une planchette à glissières munie d’un bourrelet en crin végétal, pouvant se déplacer librement de bas en haut, de façon à obturer constamment, dans toutes les positions de la porte, l’es- pace libre déterminé par l’inégalité du seuil. 4) La plupart des moustiquaires individuelles portatives du com- meice piésentent les défauts suivants ! monture métallique compliquée et fragile, empêchant, par son mode de fixation au lit, de rentrer les bords de la moustiquaire sous le matelas de tous les côtés, sans aucune solution de continuité; proximité dangereuse du tulle de la partie inférieure du corps du dormeur. La monture dont nous nous servons se compose de deux arceaux de bois ou de métal, semblables, se plaçant l’un au pied, l’autre à la tète du lit; chaque arceau se démonte en 3 parties pour la commodité du transport et est maintenu en place par des prolongements des montants, coudés horizon- talement à angle droit, et qui s’engagent sous le matelas. La pièce de tulle, de 3m, 50 sur 5 mètres au moins, est jetée sur ces deux arceaux, et bordée v tout autour sous le matelas. La respiration et les mouvements du dormeur s’effectuent à l’aise sous cette moustiquaire. Sur nos indications, M. Roussel a établi un modèle de moustiquaire qui nous donne satisfaction. MODES D EVALUATION DES RÉSULTATS DE LA PROPHYLAXIE Nous insistons à nouveau sur l’inexactitude inévitable des statistiques officielles du paludisme en Algérie. Nous avons cons- taté une fois de plus en 1905 qu’un interrogatoire spécial et un examen particulier (rate, sang) de chacun des sujets sont néces- saires autant pour déceler des cas de paludisme insoupçonnés que pour rapporter à leur véritable cause des cas de fièvre indûment attribués au paludisme. Nous mesurons le paludisme et les résultats de l’antipalu- disme grâce à la détermination des index endémiques (par l’examen des rates, par l’examen des sangs), grâce aussi à l’évaluation du nombre des Anophélines (larves, adultes). (A suivre.) TRYPANOSOMIASE DES CH DE UNI Par le 1K J.-J. VASSAL Médecin-major des Troupes Coloniales. Travail de l’Institut Pasteur de Nhatrang.) Une épizootie de chevaux dans ie voisinage de l’Institut Pasteur, à Nhatrang (Annam), m’a fourni les éléments de cette étude. 11 n’était peut-être pas sans importance de fixer quelques points intéressants d’une trypanosomiase qui, dans notre colo- nie d’Indo-Chine, ravage bien des territoires. Elle a déjà fait l’objet de plusieurs travaux, notamment de la part de Carougeau 1 et Blin 2. On lui a donné alors le nom de burra. J’ai refait l’étude expérimentale complète de cette alfection. J’ on comparerai les résultats à ceux qui ont été obtenus récem- ment à Maurice, aux Philippines, à Java et dans l’Inde anglaise. A ce point de vue, j’espère que ma contribution à l’étude des trypanosomiases ne sera pas inutile. Les épizooties à trypanosomes sont périodiques sur les che- vaux dans la province annamite de Khanh-Hoa. Le docteur Yersin en a signalé à différentes reprises, qui ressemblaient aux épizooties similaires de l’Inde. En 1902, un vétérinaire de l’Institut Pasteur de Nhatrang, AL Carougeau, trouve le « Surra » parmi les chevaux fournisseurs de sérum antipesteux. La mala- die était mortelle pour les chevaux seulement. Les symptômes dominants étaient la fièvre, les œdèmes sous-cutanés et une anémie profonde. Sa durée était d’un mois environ et se ter- minait par la mort. Le foyer épizootique que j’ai découvert, en décembre 1904, était limité au chef-lieu de la province, à Khanh-Hoa, encore appelé parles Européens « Citadelle ». Le début est très diffi- cile à préciser. Déjà en octobre, on entendait parler vaguement 1. Carougeau, Bull, èconom. de V Indo-Chine, 1902, p. 282, et Bull. Soc. centr. mêd. vêt., 30 juin 1901, p. 295. — Revue gén. mèd. vêt ., 1903, I, p. 685. 2. Blin, Revue gén. mèd. vêt., 1903, I, p. 213. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 257 de chevaux malades. Les cas ne semblent pas avoir été nom- breux. D après mes renseignements particuliers, 25 à 30 che- vaux seulement auraient succombé. C’est le 16 décembre que j’ai constaté le 1er cas chez l’An- namite Nam, qui avait déjà perdu 3 animaux dans la même écurie. Peu après, je trouvai dans une autre écurie, chez l’Anna- mite Lo-van-Buoi, 3 juments contaminées. Là encore, il y av ait eu, en octobre et novembre, 3 morts. Ce nouveau foyer se trouvait à plus d’un kilomètre du premier. Il n y eut pas de propagation au dehors. Sans doute, des cas isoles se produisirent au delà de Khanh-Hoa, mais ils se ratta- chent directement à ceux du foyer. A Ninh-Hoa, en effet, une jument mourut. Elle provenait de l’écurie contaminée de Nam et n avait été envoyée à Ninh-Hoa que parce qu’elle était malade. Un charpentier indigène, travaillant à Cam-Raigne, chez MM. de Barthélémy et de Pourtalès, a bien perdu un cheval dont le sang renfermait des trypanosomes, mais il venait de faire précisément un long séjour à la « Citadelle ». La circulation des chevaux est restée très active pendant toute la durée de l’épizootie. Le transport du paddy se fait dans le pays à dos de juments; on les rencontre sur les routes par troupeaux de 15, 20 et davantage. Quoi qu’il en soit, l’épizootie ne s’étendit pas. Les mouches piquantes sont rares sur les routes. On n’a des chances d’en trouver, en assez grand nom- bre, que dans la forêt. Peut-être est-ce là une raison à consi- dérer. Les chevaux malades furent laissés au milieu des bestiaux de toute sorte, buffles, bœufs, cochons, chèvres. Des chiens habitant constamment dans les étables contaminées et repus de la curée des cadavres n’ont pas été infectés. Aucun cheval atteint n’a résisté. La mort est survenue entre 30 et 40 jours. La durée de l’épizootie n’a pas dépassé 5 mois. Extension géographique. La périodicité des épizooties de chevaux dans la région de Khanh-Hoa et de Nhatrang est indubitable. J ai observé une épizootie en novembre 1904. Une deuxième vient de débuter en octobre 1905. Le 18, 2 juments faisant partie 17 258 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de la réserve que 1 Institut entretient à Suoi-Giao, à 16 kilo- mètres de Nhatrang et 6 de la « Citadelle », ont succombé à la trypanosomiase. Trois autres bêtes ont été prises quelque temps après et n ont pas manqué de mourir à leur tour. 239 TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM Dans la province même de Khanh-Hoa, il existe encore d’autres foyers. De juin à octobre 1905, on a observé, entre Thac-Tan et M’Drac, une épizootie qui a enlevé environ 200 che- \aux. Un colon européen m a dit en avoir perdu, seulement pour sa part, 18 en quelques jours. Dans ce pays Moi, les échangés se font à de très grandes distances, et l’on n’emploie guère que le cheval comme bête de somme. C est ainsi qu’il est très surmené pendant une bonne partie de l’année. Parmi les principaux symptômes, on a relevé de la fièvre avec parfois des frissons, une grande faiblesse des jambes et surtout des reins qui donne un aspect déséquilibré à la démarche du malade, des œdèmes aux membres et à l’abdomen, de la dyspnée à la dernière période. Il est de notoriété publique que les mouches, piquantes sont surtout nombreuses clans la forêt, précisément aux périodes épizootiques. D’après les Annamites et les Mois de cette région, tous les 2 ou 3 ans le fléau reparaît. Les chevaux furent toujours atteints, à l’exclusion des autres animaux. Quand on fera une enquête systématique sur l’extension des trypanosomiases en Indo-Chine, on ne manquera pas d’être frappé des résultats. Il ressort déjà des quelques documents incoordonnés que nous possédons, que les trypanosomiases se rencontrent aisément aux points les plus opposés de notre colonie. On connaît déjà quelques foyers de trypanosomiases. En Annam même, Vinb est à signaler. Des jumenteries importantes, appartenant à des colons européens, ont été décimées, à plu- sieurs reprises, par des épizooties que le docteur Yersin a étu- diées et qui ne sont autres que des trypanosomiases. Montel 1 a signalé le Surra à Hatien (Gocbincbine), sur la frontière du Cambodge. En 1905, le docteur Brau, de l’Institut Pasteur de Saigon, en découvrit de nouveaux cas à Saigon nu me. M. le vétérinaire Chaptal 2 vient d etudier une épizootie au 1. Monter, Annales d'inyg. et de mèd. coloniales, 1904, t. VII, p. 219. Kermo- uant. Bullet. Acad. Mèd. Séance du 3 novembre 1903, p. 202. (;HATLS R„aPP°? au lieutenant-gouverneur de la Cochinchine, 8 août 11 OS bulletin de la Chambre d’ Agriculture, n° 8, aoûl 1905. 260 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cap Saint- Jacques (Cochinchine), sur les mulets et les chevaux. Le Haut-Tonkin est contaminé par le voisinage du Yunnan. L.-F. Blanchard1 a reconnu des trypanosomiases sur les chevaux tonkinois. Le Laos est chaque année, presque invariablement, éprouvé par une grande mortalité sur les chevaux. Récemment, les districts de Yientiane, de Muong-Sieng, de Luang-Prabang, de Muong-Sau, ont été visités par l’épizootie, qui s’est étendue aux provinces siamoises. Les particularités que j en ai pu recueillir me permettent de dire qu’il ne peut s’agir d autre chose que d’une trypanosomiase. Les habitants ont depuis longtemps remarqué que les taons sont toujours très nombreux aux époques les plus meurtrières de la contagion. Le docteur Yersin 2 3 pense que le Laos constitue un foyer redoutable d affec- tions épizootiques. Il existerait actuellement au Tonkin une trypanosomiase qui a été signalée par M. le vétérinaire en chef Lepinte. Dans la province de Ninh-Binh, à Yen-Lay, M. Bodin vient d’en observer plusieurs cas dans l’écurie d’un planteur *. Symptomatologie. Nous ne décrirons que les manifestations de la maladie spontanée chez le cheval. Au reste, nous ne l’avons pas obser- vée sur d’autres espèces animales, sauf chez un veau. Pour un certain nombre d’entre elles, dont la réceptivité sera étudiée, le tableau clinique trouvera sa place toutes les fois qu’il y aura des particularités intéressantes. 1. L.-F. Blanchard, in Mollereau, Bull. Soc. centr. méd. vêt., 30 déc. 1888, p. 694. _ 2. Yersin, Bull, économ. de l'Indo-Chine, n° 27, mars 1904, et Ann. Inst. Pasteur , 1904. 3. Bodin, Bulletin Economique, n° 46, octobre 1905. Durant son séjour à Hanoï en 1904, M. le Dr Séguin a eu l’occasion d’observer plusieurs épizooties chevalines dues aux trypanosomes. Un foyer situé au delà de Viétri a causé la mort de tous les chevaux (30 environ). Une jument du haras d’Hanoï, n’ayant eu aucune communication avec le foyer précédent, s’est mon- trée infectée. Le cobaye et le rat étaient sensibles au trypanosome de cette jument (le rat a succombé en 1 mois environ). Enfin, le D1' Séguin a eu connaissance d’une 3e épizootie chevaline du côté de Bac-Kan; dans ce dernier cas, le dia- gnostic n’a pas été vérifié p&r l’examen microscopique. ( Renseignements fournis var le D r Séguin à M. Mesnil). TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANN AM 261 C’est sans doute chez le cheval que les symptômes sont le plus accusés. Nous les avons observés sur plus de 15 sujets. La période d’incubation ne pourra être déterminée exacte- ment que lorsqu’on saura reproduire la maladie par l’intermé- diaire des ectoparasites. Dans une écurie contaminée, on trouve le trypanosome chez des chevaux que rien ne permettait de soupçonner. 11 y a donc une période latente, où les hématozoaires circulent déjà dans le sang. Cependant l’animal a toutes les apparences de la vigueur et de la santé. Il mange de bon appétit et travaille comme d’habitude. Il a déjà de la fièvre. Combien dure cette période latente? De 8 à 10 jours proba- blement. Cela varie avec la résistance de la bête et les modes d’infection, qui peuvent être plus ou moins sévères. Puis la maladie se déclare. Elle n’éclate nettement qu’à l’occasion du travail. L’allure est modifiée ; le cheval le plus vigoureux a de la peine à quitter l’écurie. L’amaigrissement commence, pour ne s’arrêter qu’à la mort. Enfin, vers le 10e, le 15e jour de l’infection déclarée, les œdèmes envahissent les quatre membres. A la partie médiane du ventre, un large bourrelet se dessine. Les muqueuses se décolorent, l’œil est larmoyant, le poil se pique. Les fonctions digestives se conservent intactes et la diar- rhée n’est jamais observée. Maintenant la marche est chancelante, le cheval parait comme disloqué. Chez certains sujets, le train postérieur est parésié, ainsi qu’on le remarque dans le Mal de Caderas. Le cheval, harassé, d’habitus lamentable, finit par se coucher.. 11 paraît incapable d’aller plus loin : il mourrait de faim si on ne mettait 1a, nourriture à sa portée. 11 se relève parfois quelques instants, mais il tombe bientôt. Un symptôme d’un pronostic fatal se montre alors. Il indique que la dernière période commence. C’est une dyspnée, plus ou moins intense, en relation avec l’hvdropéricardite. La mort est souvent précédée d’une agonie de plusieurs heu- res. La fièvre débute, nous l’avons vu, à la période latente. La température monte brusquement à 39°, 5, 40°. Elle revêt dans la suite le type rémittent avec des poussées qui durent 4 à 5 jours. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR L hyperthermie est presque de règle à l’approche de la mort, surtout quand il y a une phase agonique. Les hématozoaires se montrent dans le sang suivant cer- taines règles qu on peut résumer ainsi. Leur première appari- tion précède, en général de quelques heures, le premier accès de fièvre. Il se fait une multiplication qui atteint son maximum avec la plus haute température de l’accès. Le parallélisme est réel entre la courbe thermique et celle des trypanosomes dans le sang. A chaque accès correspond une nouvelle invasion para- sitaire. Les hématozoaires disparaissent parfois au cours de la maladie pour reparaître plus tard. Chez d’autres sujets, les trypanosomes ne quittent jamais le sang. La disparition la plus fréquente est celle qui précède la mort. On chercherait vaine- ment le parasite chez beaucoup de chevaux, 3 et 4 jours avant la mort. A l’autopsie, le trypanosome fait alors complètement défaut et le sang peut ne pas être infectant. Je n ai jamais observe d ophtalmies ni d’affections cutanées. L évolution de la maladie naturelle semble être rapide. Je n ai noté 40 jours (incubation non comprise) que chez un seul cheval. Généralement il faut compter de 30 à 40 jours. Cette duiee est réduite pour des sujets surmenés ou qui continuent à travailler. La maladie se termine toujours par la mort. Il est possible que la trypanosomiase revête en Annam un caractère un peu spécial. En effet, nous avous affaire ici à la petite race de chevaux indigènes, dont on ne saurait comparer la solidité et la résistance aux races de l'Inde et de l’Europe. Pour compléter cette description, nous citerons l’observation de deux chevaux atteints de la maladie expérimentale. Observation I. Un cheval, de race annamite, âgé, de taille très pelite, est inoculé sous la peau, avec du sang de civette Paradoæurus, le 4 janvier 1905. La température, normale pendant 7 jours, atteint brusquement, le soir du 8e jour, 39», 7. En même temps, les hématozoaires, qui s’étaient montrés entre le 6e et le 7e jour, deviennent très nombreux. L’animal accuse, dès le 11, un amaigrissement précoce. Son allure est misérable. Immobile dans sa stalle, il reste le cou allongé, et semble inquiet et harassé. Il si nom lit comme d habitude. Entre le 16 et le 18, les trypanosomes sonl absents; une défervescence se produit parallèlement. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 263 Notre cheval se couche alors et ne se relèvera, à de courts intervalles, que pour retomber bientôt. Le train postérieur est parésie. 11 y a de l’œdème au ventre et aux membres, mais à un faible degré. A partir du 18, ascension thermique qui ne s’arrêtera que la veille de la mort, tandis que les trypanosomes subissent une augmentation progressive. Le cheval meurt en 17 jours, dans un état très avancé de cachexie et de maigreur. On ne relève sur la peau ni aux yeux aucune lésion. Les constatations nécropsiques peuvent se résumer ainsi : rate hypertro- phiée, diffluente; myocardite et péricardite; épanchements dans le péritoine et dans les plèvres; sang clair et lavé; état embryonnaire de la moelle des os. Observation 2. (Voir courbe no 1, p. 264.) Un jeune poulain, dont le sang, examiné à plusieurs reprises, n’est pas suspect, est mis en expérience, le 3 octobre 1905. Il pèse 110 kilos. A cette date, on lui inocule, sous la peau, du sang de cobaye de 6« passage, C’est dans le but de voir si, en passant par des séries d’animaux moins sensibles, le virus a subi une atténuation. Le 10, les premiers hématozoaires se laissent observer dans les prépara- tions. Mais déjà le 5 et le 9, 2 rats furent injectés, chaque fois avec du sang du cheval. L’expérience du 5 fut négative. Celle du 9 donna un résultat. Le sang du cheval n’était donc pas infectant le 2e jour; il l’était devenu à la date du 9. Notre poulain a réagi à la trypanosomiase d’une façon un peu spéciale. L’évolution a été, semble-t-il, plus longue. Le dénouement ne s’est produit que le 45e jour. A la vérité, j’ai noté 40 jours pour un cheval ayant l’affection spontanée. Les hématozoaires ont été constamment rares ou ont fait défaut, sauf les 19e, 20e et 21e jours de la maladie, puis le 30 octobre, enfin du 4 au 10 novembre. Ils avaient disparu au moment de la mort et même les quelques jours auparavant. Les courbes des hématozoaires et des températures vont presque cons- tamment de pair. Le premier accès de fièvre s’observe avec les premiers parasites. 11 s’agit d’une fièvre rémittente avec poussées dépassant le plus souvent 40°. La diminution de poids de l’animal suivit une progression décroissante très remarquable par sa régularité. En 45 jours, la perte totale fut de 40 kilos : soit 36 0/0. L’amaigrissement devint considérable. Les œdèmes furent au maximum entre le 22 et le 28 octobre. A cette période, les jambes étaient enflées et le ventre présentait, sur la ligne médiane, un bourrelet énorme. Mais ils diminuèrent dans la suite. Le 30, on ne pouvait déjà plus retrouver l’œdème abdominal. Le 1er novembre, l’allure de l’animal devient titubante. 11 chancelle et tombe quand on le pousse. Le 11, sa faiblesse est telle qu’il reste couché. Vient-on à le relever, il fait quelques pas et s’affale par terre. Il n’y a pas de paralysie. 264 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR « » '3J O sd o ,-Q Sh d3 O O Notre poulain est pris d’une dyspnée marquée, qui ira en progressant jusqu’à la mort. Du 11 au 17, terme fatal, il ne se relève plus. Il mange l’herbe qui est à por- tée de sa bouche. Les flancs battent précipitamment. La mort a été précédée d’un long coma de 24 heures. L’aspect du ca- davre indique de suite le degré ultime du dépérissement et de la maigreur. Le tissu cellulaire est infiltré dans la portion seulement qui correspond au décubitus des der- niers jours. Des épanche- ments abondants se remarquent dans les séreuses, sauf aux plèvres. Le péricarde est largement dis- tendu par une grande quantité de liquide. Suffusions sanguines et pété- chies sur le myo- carde. Les lésions de l’appareil cardiaque étaient capables à elles seules d’ame- ner la mort. On comprend que des morts subites soient observées au cours d’épizooties, quand TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANN AM 265 un animal est. soumis à une épreuve pénible, ou quand l'inondation péricar- dique prédomine. La moelle des os revêt le type embryonnaire, notamment celle du fémur et du tibia des membres postérieurs. Agent pathogène. L’agent spécifique de l’épizootie des chevaux que nous avons observée en Annam, est un trypanosome. Dans le sang du cheval, il se rencontre en grand nombre, surtout à l’acmé de la maladie. A la fin de la maladie et au moment de la mort, il peut avoir totalement disparu. Chez les animaux de laboratoire et chez le chien, il est plutôt nombreux, quand on le recherche au dernier terme de la maladie. Morphologiquement, ce trypanosome a la plus grande ana- logie avec celui du Surra ( Tryp . Evcuisi). Il mesure en moyenne 28 à 30 p-. Il n’est pas rare de le voir atteindre chez le cheval, le bœuf et le cobaye, 30 et 35 y.. Nous avons trouvé des formes notablement plus petites chez le chien et chez le buffle. Ce dernier animal avait, au début de la maladie, présenté des formes habituelles. Ce n’est que plus tard, lorsque les hémato- zoaires tendaient à disparaître, qu’elles prenaient des dimensions moindres. Lapartie post-centrosomique est effilée. Elle est sujette à des variations de longueur assez appréciables (de 3 à 5 y). La mobilité entre lame et lamelle est moindre que celle du Tryp. Lewis i. Il ne quitte point brusquement le champ du micros- cope. La multiplication a lieu par bipartition. Des cultures en milieu gélose-sang de cheval ne m’ont pas donné de résultats appréciables. J’ai inoculé le produit de quel- ques tubes, où il y avait un commencement de prolifération, au cobaye et au rat. Ces animaux n’ont pas été infectés. Ce trypanosome se colore facilement par toutes les méthodes usuelles. La coloration de Laveran donne des différenciations très nettes. Avec les procédés de Leishman et de Giemsa, les préparations sont également excellentes. Étude expérimentale. J’ai infecté les animaux de laboratoire : rats, cobayes, lapins* 266 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Bats. — Le rat sur lequel j’ai expérimenté est un Mus rattus , du poids moyen de 25 à 30 grammes. Des rats inoculés dans le péritoine avec du sang de cheval contractent une maladie mortelle entre 8 et 9 jours. Les trypa- nosomes apparaissent 2 jours après l’inoculation et restent très nombreux jusqu’à la mort. Des résultats superposables ont été obtenus sur un lot de rats ayant reçu sous la peau du sang de cerf Axis (8 et 9 jours). Avec du sang de blaireau ( Helictis personatus ), la durée de la maladie a été de 6, 7 et 10 jours. Au premier passage de rat à rat, j’ai obtenu la mort entre 8 et 12 jours; aux 3e et 4e passages, entre 8 et 9 jours. On peut en tirer cette conclusion que, quel que soit le mode d’inocu- lation et l’origine des virus, les rats réagissent à peu près dans des conditions identiques ou comparables. La mort arrive entre les limites de 6 et 12 jours. En expérimentant à la Réunion, avec le Surra de Maurice, que j étais allé chercher dans le pays même, j’ai noté pour des rats gris (Mus decumanus ) une durée un peu supérieure : entre 8 et 13 jours. De plus, tous ces rats avaient été inoculés dans le péritoine. Cobayes. - Du sang de cheval trypanosomié, pris au cours de la maladie naturelle (respectivement 4 jours et 27 jours avant la mort), inoculé sous la peau du cobaye, lui donne une maladie mortelle en 36 et 43 jours. Les trypanosomes appa- raissentdans le sang du 8e au 10e jour. Ils atteignent leur multipli- cation maxima quelques jours avant la mort (16 jours et 8 jours). A ce moment, on pouvait compter 1 parasite pour 2 hématies. Un cobaye inoculé dans le péritoine, avec du sang de cheval également, prit une maladie mortelle en 18 jours. Les trypanosomes apparurent dans le liquide péritonéal le 4e jour et dans la circulation périphérique le 5e. Ils restèrent presque constamment nombreux dans le sang, sauf pendant les derniers jours, où ils devinrent assez rares. Un autre cobaye, traité dans les mêmes conditions, ne mourut qu au bout de 60 jours. Les trypanosomes disparaissaient du sang par périodes. Les lésions étaient plus accusées chez le 1er cobaye; mais tandis que sa rate pesait Ur,80, celle du second atteignait le poids de 4 grammes. 267 TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM Infectés avec du virus provenant du lapin, les cobayes sont morts en 19, 20 et 67 jours; avec du virus provenant d’un rat, en 49 jours. De cobaye à cobaye, le premier passage a donné 40, 42, 47 jours ; le deuxième passage, 24 et 70 jours; le troisième, 37. Les symptômes sont peu marqués. Cependant P émaciation et la perte de poids sont à considérer. On peut noter parfois de l’oedème des bourses ou de la vulve. Une ascension thermique notable se remarque vers le 6e et le 7e jour, avec l’apparition des parasites dans le sang. Les exacerbations de la température vont de pair avec la multiplication des parasites. Au terme final, ceux-ci sont parfois en nombre considérable. Ce n’est pas, chez le cobaye, une règle absolue. D’autres fois au contraire, le flagellé se fait très rare ou disparaît de la circulation périphérique. De sorte que, chez un animal dont le poids diminue, le pronostic est aussi grave, qu’il y ait prolifération exagérée du parasite ou disparition complète. Dans ce dernier cas, nous nous sommes assuré, à différentes reprises, que le sang, même à hautes doses, n était plus infectant alors. La virulence de notre trypanosome ne semble pas sujette à des modifications bien notables, pour le cobaye lui-même. Les séries des passages nous fournissent encore aujourd hui des chiffres comparables à ceux du début. Nous étudierons plus loin l’action de ces virus de passage sur les autres animaux. Avec le Surra de Maurice, nos cobayes avaient une survie notablement plus longue. Laveran et Mesnil 1 indiquent, comme durée moyenne de la maladie chez le cobaye, 80 jours, avec un minimum de 30 jours. Notre trypanosome serait donc plus virulent que celui du Surra de Maurice, pour le cobaye tout au moins. Lapins. — Les lapins se sont montres très sensibles. La période d’incubation a duré 4, 3 et 6 jours pour des animaux •contaminés par la voie péritonéale et de 6 à 8 jours pour ceux qui ont été éprouvés par la voie sous-cutanée. Les courbes de températures semblent irrégulières, les trypanosomes appa raissent pendant quelques jours dans les préparations en nombre 1. Laveran et Mesnil, Trypanosomes et Trypanosomiases. Masson, Paris, 1904. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 2H8 élevé, puis font défaut momentanément. On les retrouve d’ha- bitude au moment de la mort. Nos lapins subissaient une grande perte de poids et des œdèmes finissaient par envahir les organes génitaux. Un lapin lut éprouvé par inoculation sous-cutanée de 1 c. c. ue liquide cephalo-rachidien, provenant d un cheval ayant la maladie naturelle. Il prit la trypanosomiase, qui évolua en 21 jours, y compris une incubation de 9 jours. Pour un poids total de 1,730 grammes, la rate pesait Courbe n° 2. — Macacus rhésus. 2gr,40. Des hématozoaires étaient nombreux et très mobiles dans le cœur. Le sang avait les caractères du sang lavé. Les expériences que j’ai faites à la Réunion avec le virus de Maurice ont donné sur le lapin des résultats tout à fait compa- rables. Singes. — Nos expériences portent sur 3 singes Macaques, dont l’espèce est répandue en Annarn. Un macaque (. Macacus rhésus) mâle reçut sous la peau du sang du cœur d’un rat, riche en trypanosomes. Les examens du sang furent journaliers. C’estle 4e jour que les trypanosomes apparurent. Ils atteignirent la multiplica tion maxima les 6e et 7e jours, le 10e ils avaient disparu défi nitivement. La maladie se termina par la mort au bout de 38 jours. Dès TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 269 la 2e semaine, notre macaque montrait les signes d’une anémie très grave. Il était abattu, presque continuellement immobile. La diarrhée survint, les extrémités furent œdéma- tiées, ainsi que les paupières. Il mourut dans un état de maigreur vraiment extraordinaire. La courbe de température de notre singe a présenté des variations brusques dont les amplitudes furent de 6°. Il n’était pas rare de noter 36° et 33°, 3, le matin, et 41°, 41°, 3 le soir. Nous avons répété P expérience sur 2 autres singes macaques quelques mois plus tard, en nous servant d’un virus de 6e passage, provenant du cobaye. C’étaient des sujets jeunes, du poids de 720 et 800 grammes. Nos 2 macaques se compor- tèrenttous deux d’une façon identique. La terminaison fut très rapide : 14 jours pour le singe de 800 grammes; 34 pour l’autre. Ils avaient perdu respectivement 170 et 130 grammes. Leurs rates pesaient 9 grammes et 6^,20. Cinq jours après l’inoculation, les trypanosomes étaient nombreux dans le sang. Ils augmentèrent encore de nombre et se maintinrent à un taux élevé jusqu’à la veille de la mort. L’amaigrissement des cadavres était très prononcé. (Voir la courbe n° 2.) Chat. — Un chat indigène adulte a reçu sous la peau, le 26 décembre 1904, du sang de rat mort de trypanosomiase. Il a pris une maladie mortelle, qui a évolué en 24 jours. La période d’incubation a été inférieure à 3 jours. Les héma- tozoaires pullulaient le 3 janvier suivant, ils se sont, maintenus très nombreux jusqu’à la fin. A noter de l’amaigrissement et une grande perte de poids. Il n’y eut pas d’ophtalmies ni de mani- festations cutanées. Un autre chat indigène est resté 8 jours en contact immédiat avec le malade. Il n’a pas été contaminé. Dans les expériences de L. Panisset1, qui opérait avec le Surra de Maurice, le chat succombait en une moyenne de 21 jours. Cerf. — Le cerf sur lequel j’ai expérimenté, un jeune mâle Axis âgé de 8 mois, s’est montré très sensible à la trypa- nosomiase des chevaux de Nhatrang. (Voir courbe n° 3). 1. Lucien Panisset, C. H. Soc. Biologie, t. LVIII, 7 janvier 4 905, p. 15-16. 270 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Il reçut sous la peau une goutte de sang dilué d’une civette Paradoxurus , morte de trypanosomiase en 19 jours. La courbe de températurepassebrusquement le 6 janvier 1905, (l’inoculation date du 2 janvier) à 40°. Les trypanosomes sont encore rares. La bête devient inquiète et prend un air abattu le 9. Le dépérissement est très notable le 16. Les poils se hérissent, les yeux sont larmoyants, l’anémie progresse rapi- \Janv, 1905 2 3 If- S € 7 Ô 9 10 11 12 15 IA 15 16 17 18 1. 9 zo Zl 22 23 24 25 I 39° JÔ° 37° 36° U -f g a Sï" 4 r ■h / — -1 f Y i W T — — 1 v V 1 r 7 r V \ 1 T — Lu f U - t V h ■ Y i/ r - £L 1 kç -L U N J- A » T A «V 1 * * Q $ i r~i 4 4 f i » t ■> t* t » »■ f •t 4 ru Wl ’JIÊMI 4 r*t*f t-X. If [♦ 1 UC. Lil XJ,: i Courbe n° 3. — Cerf axis. dement. Après une agonie de quelques heures, notre cerf est dans le coma, la terminaison fatale se produit le 25 janvier. Les trypanosomes n’ont été Irès nombreux que les derniers jours, quoiqu’on ait pu les retrouver constamment. L’autopsie est aussitôt pratiquée. 11 n’y a pas d’œdèmes, pas d’éruptions ni d’ophtalmie. Le cadavre est très émacié. Le sang est fluide et décoloré. Le péricarde est plein de liquide citrin, clair. Le trajet des coronaires est souligné de chaque côté de pétéchies étendues. Les reins présentent des hémor- ragies de surface. La vessie est surdistendue par 2 litres environ d’une urine claire, où l’on décèle de l’alhumine. Elle est marquée, sur sa face postérieure, de taches hémorragiques. Dans le péri- toine, où l’on rencontre de nombreuses fîlaires, il y a un gros TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANN AM 271 épanchement. Des œdèmes gélatineux se remarquent sur les épiploons. La rate est hypertrophiée, non ramollie. Le foie est violacé et gros. Les méninges sont congestionnées. 11 n'y a rien aux poumons ni dans les plèvres. La moelle des os est ramollie et rougeâtre. En Indo-Chine, avec le cerf Axis, on trouve encore le cerf d'Aristote ( Cervus aristotelis Cuv.), le cerf-cochon ( C . porci- nus Zim.), le cerf d’Eld (C. eldi Guth.). Je n'ai pu expérimenter que sur l’espèce Axis. S il est démontré qu’elles se comportent toutes comme l’Axis, il n’y a pas de raison d’incriminer ce gros gibier dans la propagation des trypanosomiases. Les cerfs, tout au moins, ne joueraient pas en Indo-Chine, le rôle que leur a attribué Bruce 1 en Afrique, pour le Nagana. Périodiquement, les indigènes signalent des crevaisons insolites en masse sur les cerfs. Le docteur Yersin lui-même, dans un de ses premiers voyages au plateau du Lang-Bian, a rencontré, dans la forêt, un grand nombre de cadavres de ces Ongulés. Le docteur Yersin, n’ayant pas vu à ce moment de peste bovine dans la région, incline à penser qu’il s’agissait plutôt d’une épizootie à trypanosomes. Pour ma part, j’ai recherché dans le sang des cerfs, pris dans la brousse ou tués à la chasse, l'existence des trypano- somes. Mes investigations ont porté sur une dizaine de Cervidés et sur 11 Tragulus kanchil (Raffl.). Je n'ai pas rencontré de ces hématozoaires. Chiens. — La maladie naturelle du chien n’a pas été observée dans la région : non seulement il n’y eut pas d'épizootie canine simultanée, comme cela eut lieu à Maurice, mais encore les chiens, en contact dans les écuries avec les chevaux malades, restèrent indemnes. J’ai constaté que les chiens eurent maintes fois leur part des cadavres de chevaux sans en être incommodés. D’ailleurs les dangers d’une contamination par le cadavre de cheval est sans doute nulle : nous y revien- drons plus loin. i. David Bruce. Preliminary Report on the Tsetse Fit/ disease or Nagdna in Zululand, Ubombo, Zulularid, décembre 189b. — Further Report, n te. Ubuinbo,. 29 mai 1896; Londres, 1897. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 272 Observation I. Chien indigène, depetite taille, du poids de 3 kilos 200. Le 31 décembre 1904, une goulte de sang de lapin, riche en trypanosomes, est diluée dans de l’eau physiologique et inoculée sous la peau du chien. Le 3 janvier, c’est-à-dire 4 jours après, on rencontre de très rares héma- tozoaires dans une préparation de sang. Le 7e jour, les hématozoaires sont devenus nombreux. Une différence morphologique se remarque entre eux. Tandis que la plupart ont conservé les grandes dimensions de 30 g et au delà, que nous sommes habitué à rencontrer chez le cheval, d’autres sont nota- blement plus petits. Ils se colorent aussi moins énergiquement. Dans les mêmes préparations, les bipartitions sont très nombreuses. Il y eut cinq accès de fièvre (entre 39», 5 et 40°) qui coïncidèrent avec les périodes de multiplication du parasite. Le 19, le chien est très anémié. Pas d’œdèmes ni d’enflures. La faiblesse est si grande que la bête ne peut se tenir que couchée. Aucune trace de paralysie. Dyspnée. Les yeux et la peau restèrent sains. Le 21, la mort se produit. La durée de la maladie a donc été de 21 jours. La perte totale de poids fut de 600 grammes. La rate très grosse, diffluente, pesait 28 grammes 40. Lésions de péricardite avec liquide abon- dant et pétéchies sur les trajets des coronaires. Le sang est clair et comme lavé. Au moment de la mort, les trypanosomes sont nombreux. Ils sont encore mobiles à l’autopsie. Observation IL Un chien indigène, mâle, du poids de 3 kilos 730, reçoit sous la peau du sang du cœur pris sur le chien précédent. Mais ce matériel, mis d’abord en pipette scellée, avait été gardé 24 heures avant d’être employé. Dans ces conditions, l’incubation fut particulièrement longue. Ce n’est que le 18° jour que la poussée thermique eut lieu et le 20° seulement qu'on aperçut les premiers trypanosomes. J’aurais été tenté d’invoquer une contamination accidentelle si, au cours d’expériences datant de plus d’un an, je n’avais pu me convaincre que cette chance n existait pas. J’ai déjà relevé d’ailleurs, chez le buffle, animal moins sensible il est vrai, une incubation de 16 jours U Dès lors la maladie se comporte exactement comme celle qui fait l'objet de l’observation 1. Un accès de fièvre se prolonge entre le 20e et le 27e jour, et se répète encore trois fois. Il s’accompagne d’une pullulation des parasites. N’était sa maigreur, le chien ne semble pas se ressentir beaucoup de son mal. L’appétit est conservé jusqu au bout. Il y voit bien. Tous les mouvements sont conser- vés. La peau et les muqueuses sont exemptes de tares. Les trypanosomes ont donc été vus pour la première fois, le 20e jour; ils sont restés 8 jours apparents. Nouvelle apparition momentanée; puis les derniers jours, envahissement complet du sang. 1. Les I)rs Edm. et Et. Sergent ont observé pour « la maladie du Debab » des j > e i iodes d incubations de 18 et 31 jours. C’était, il est vrai, après piqûres de mouches. Annales deV Institut Pasteur. N° 1, 25 janvier 1905, tome XVIII, p. 34-35. 273 TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANN AM La mort arrive le 24e jour après la première constatation des trypanosomes dans le sang et 44 après la piqûre. Le sang est décoloré et fluide. La rate hypertrophiée, noirâtre, pèse 27 grammes ; le chien est réduit à 3 kilos. Il y a du liquide dans le péricarde et dans le péritoine. Observation III. Un chien indigène, mâle, de petite taille, est contaminé le 2 janvier 1903, par injection sous-cutanée de quatre gouttes de sang de civette Paradoxurus. Il montre des trypanosomes dans la circulation périphérique le 7. Ceux-ci, encore rares jusqu’au 15, deviennent ensuite très nombreux. Puis, pendant 3 jours, du 22 au 25, ils disparaissent. Mais à la période ultime de la maladie, c est un accroissement continuel des parasites. Il se produit une agonie de quelques heures. Après 6 heures de coma, la mort survient le 29 janvier. La durée de la maladie a donc été de 27 jours. Les lésions trouvées à l’autopsie sont celles que nous avons déjà signalées. Cependant ici le cœur semblait normal et il n y avait de liquide ni dans le péricarde ni dans le péritoine. La rate pesait 90 grammes. Le poids total du chien n’atteignait nas 6 kilos. J ai expérimente sur d autres chiens. Nous les retrouverons plus loin aux expériences de transmission par les ectoparasites, tels que puces, poux, mouches. En Annam, l’infection spontanée du chien ne semble donc pas la règle. Il y aurait intérêt à voir si, dans les autres parties de 1 Ïndo-Chine, il en est de même. Les chiens de race euro- péenne, importes de France, ont la réputation de ne pas résister au climat. D’ailleurs, Blin1 dit avoir observé au Tonkin des cas sur le chien français, a Les chiens de chasse d’importation européenne succombent fréquemment, au Tonkin, à une anémie pernicieuse qu’ils paraissent contracter dans la brousse. « Dans un chenil où avait déjà succombé un sujet, j’ai examine, dit Blin, deux malades dont 1 un, en agonie, présen- tait de la buphtalmie, de la kératite ulcéreuse, et de l’oedème des membres postérieurs; l'autre, à une période moins avancée de la maladie, était considérablement amaigri, la respiration était anxieuse, avec souffle labial, le coeur était affolé, les membres postérieurs très œdématiés. Ces deux animaux étaient couverts de tiques, leur sang était très riche en trypanosomes. » Blin ajoute qu’il a constaté également la trypanosomiase sur un chien de race annamite, qui aurait guéri. 1. Blin, Bulletin Économique de V Indo-Chine, 1902, p. 585. 18 274 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR A Maurice, Deixonne 1 est d’accord avec la Commission offi- cielle de l’épizootie, pour signaler de nombreux cas sur les chiens. Dans l’Inde, Lingard2 et d’autres savants nous apprennent que les épizooties de Surra n’épargnent pas les chiens. Petits Carnassiers. — J’ai pu essayer la virulence du trypanosome des chevaux de Nha-Trang sur un certain nombre de petits carnassiers que Ton rencontre dans le pays. Ils se tiennent pour la plupart dans la forêt, mais ils se rapprochent volontiers aussi des habitations, où ils s’attaquent aux oiseaux de basse-cour. Ce sont des civettes Paradoxurus et des blaireaux Helictis nierrei et H. personatus (J. GeofL). Trois de ces civettes ont été infectées par piqûre sous-cutanée de sang de rat, où les trypanosomes étaient nombreux et mobiles. Deux civettes sont mortes en 19 jours, la troisième en 6 jours 1/2 seulement. Dès le 5e jour les trypanosomes sont nombreux dans le sang. Ils se maintiennent ainsi jusqu à la mort. A l’autopsie, on note des épanchements péritonéal et péricardique et l’hypertrophie de la rate. Les blaireaux ont montré une sensibilité spéciale. Je les ai tués en 6, 7et8jours,en expérimentant sur trois sujets. L’und’eux a été inoculé à l’extrémité de la queue avec du sang de cheval ayant la maladie naturelle, l’autre a été contaminé par scarifications de la queue frottées avec une faible quantité de sang de lapin; le troisième, enfin, a reçu à la queue également, une goutte de sang de rat diluée. Les hématozoaires sont visibles le 3e jour dans les préparations de sang périphé- rique. La rate avait pris des proportions considérables dans un seul cas. Comme caractère commun, à signaler l’extrême abon- dance de parasites, les dernières heures de la maladie et à l’autopsie. J ai réussi (observation des Bovidés n° 5) à infecter une 1. Deixonne, cité par Laveran et Mesnil, op. c/t., p. 245. — II, Lorans, Annual report on the medical and Health department for 1 903^ Port-Louis, Mauritius. 2. Lingard, op. cit.— Steel J. H., Report on his investigation into an obscure and fatal disease araong transport mules in British Burma, 1885. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 275 gemsse, en la contaminant avec du sang- provenant d’un Helictis personatus . Les petits carnassiers, tels que les blaireaux, semblent appelés à jouer un rôle dans la propagation des épizooties locales à trypanosomes. Ils constituent, en tout, cas, un milieu de choix pour la multiplication du parasite et sont peut-être capables de renforcer des races indifférentes ou atténuées de trypanosomes. Bovidés. — Les expériences ont porté sur six bovidés. Dans un cas j ai observé la maladie spontanée chez un veau indigène. Ce n était pas au cours même de la maladie épizootique des chevaux. Observation I. — J ai d abord essayé d infecter un jeune veau dn poids de 80 kilos avec un virus provenant directement d’un cheval ayant la maladie naturelle. L animal a pris une affection mortelle en 4 mois Les trypanosomes se montrèrent dans le sang circulant le 8e jour, se maintinrent visibles pendant 4 jours, puis disparurent définitivement. Les principaux symptômes à noter chez le veau sont une forte hémolyse de l’amaigrissement ; les variations de poids ont été les suivantes : 1er jour 30e jour 80 kilos 74 69 66 66 Après 3 mois Il ny eut ni ophtalmie ni dermatoses d’aucune sorte. La courbe des températures s’élève avec l’envahissement du san- parles trypanosomes, puis elle redevient normale avant que ceux-ci aient disparu. Des paroxysmes fébriles survinrent encore le 3e septénaire et le 5e. A la dernière période de la maladie, la bête montra de l’œdème sous le ventre Un long coma précéda la mort. A l’autopsie, la rate est hypertrophiée et ramollie, le sang ne se pré- sente pas comme chez la plupart des animaux trypanosomiés. Il n’est ni aqueux ni décoloré. Le péricarde et les plèvres sont remplis de liquide Observation IL - Une génisse du poids de 63 kilos est laissée dans la meme loge que le veau précédent. La cohabitation et le contact sont aussi étroits que possible pendant 52 jours. L’examen journalier du san- s’est montre négatif. Les températures sont normales et le poids ne varie'point Le 28 février 1905, notre génisse est inoculée sous la peau avec du virus pris à l’autopsie d’une vache ayant des trypanosomes dans le sans du cœur (obs. 4). La première apparition des trypanosomes a lieu le septième jour. La génisse ne semble nullementmalade et ne perd pas son embonpoint. Cepen- dant elle finit par mourir le 16 juin. Des symptômes très nets de peste 276 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR bovine s’étaient déclarés. L’autopsie confirma en effet cette contamination accidentelle. Du sang du cœur est inoculé à 1 chien et à 2 lapins. On ne réussit pas à voir de trypanosomes mobiles dans ce sang. Le chien et 1 des lapins restent indemnes tandis que le 2e lapin prend une trypanosomiase mortelle en 30 jours. On peut donc en conclure que le sang du bœuf est infectieux, mais à un faible degré, 108 jours après l’inoculation. Observation III. — Un bœuf très âgé, dans un état de cachexie avancée, nst éprouvé avec du virus pris chez une civette Paradoxurus, morte de try- panosomiase. Cet animal ne pèse que 172 kilos. Les trypanosomes se montrent le 6e jour et persistent 3 jours encore. La réaction fébrile est cette fois plus sérieuse 5 elle dure 13 jours. La cachexie fait des piogiès extraordi- naires. Elle amène un dénouement fatal en trois mois et demi. Le poids de notre bœuf a diminué de 33 kilos en 50 jours. Observation IV. — Une vache indigène d’âge avancé est choisie pour son extrême maigreur et son habitus misérable. La trypanosomiase a îevêtuchez elle un caractère spécial de gravité et la marche a été des plus rapides. Elle fut contaminée par piqûre sous-cutanée avec du sang d’un cerf Axis pris immédiatement après la mort. / Le nombre des hématies, qui était au début de 6,650,000, tomba à 3,410,000. Elle eut des hématozoaires dans son sang le 6e jour, en très faible quantité d’ailleurs. Ils augmentèrent progressivement de nombre, puis disparurent le lie jour. Nouvelle apparition les 16, 17 et 18e jours contre toutes les règles observées chez les autres bovidés. Au surplus, les 2 derniers jours, les trypanosomes revinrent et la mort survint le 34e jour seulement en pleine pullulation de parasites. Il n’estpas étonnant que les hématozoaiies aient eu une telle prise sur un organisme aussi débilité. En 39 jours notre vache perdit en poids 64 kilos, soit 38,8 0/0 du poids total. A l’autopsie, on trouve des trypanosomes en très grand nombre dans le sang, qui est aqueux et lavé. Il y a des œdèmes gélatineux le long des épi- ploons, du liquide dans le péritoine et dans le péricarde. La rate est à peu près normale comme volume, mais elle porte à sa surface de fines hémor- ragies. . Observation Y. — Une génisse de race indigène reçoit le 29 février du virus provenant d’un blaireau Hclictis personatus mort en 8 jours de trypa- nosomiase. L’analyse du sang montre des trypanosomes le 6e jour et pendant 4 autres jours consécutifs. Les variations de poids sont peu marquées. Rien dans les allures de la bête n’indique qu’elle soit malade. Cependant, le 7 septembre, 7 mois après 1 inoculation, elle meuit. A l’autopsie on ne trouve pas d’hématozoaires dans le sang. La rate était à peu près normale. Les séreuses étaient abondamment envahies par du liquide. Deux cobayes furent injectés sans résultat. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 277 On ne peut qu’attribuer à la trypanosomiase cette mort. Le virus prove- nant du blaireau H. personatus est donc capable de tuer le bœuf indigène d’Annam. Observation VI. — La 6e observation se rapporte a un veau très vigoureux, de souche annamite, qui reçoit sous la peau du sang virulent de cerf Axis, où les trypanosomes abondent. Il pèse 108 kilos. Son sang compte 8,210,000 hématies par mm. c.. La période d’incubation est de 5 jours. Les hématozoaires restent 4 jours dans la circulation périphérique et disparaissent définitivement. Pendant cette période, le poids de l’animal subit une baisse qui s’accentue les jours sui- vants et finit par atteindre, en 13 jours, 14 kilos. 11 fallut 3 mois pour que le poids et l’habitus redevinssent normaux. Dès lors notre veau semble en excellente santé. En novembre 1905, il est encore vivant et son sang ne se montre plus infectant. Nous savons pour la peste bovine, la lièvre du Texas, etc., que des immunités très différentes se remarquent suivant les origines. Il en est de même pour les trypanosomiases. Pratiquement, la trypanosomiase des chevaux de Nha-Trang n’attaque pas d’une façon marquée les bovidés de la région. Ils accusent cependant une certaine sensibilité que les laits expé- rimentaux ont nettement révélée. Des animaux cachectiques, surmenés, hors d’âge ou souffrant déjà d’autres endémies, peuvent sans doute succomber sponta- nément. Les nécropsies accompagnées de recherches micros- copiques sont rares en dehors des zones où s’exerce la surveil- lance d’un laboratoire. D’ailleurs l’agent spécifique peut avoir disparu à ce moment. J’incline d’autant plus à soutenir cette hypothèse, que je l’ai déjà vue se réaliser tout au moins dans le cas suivant. Le 16 sep- tembre 1904, un jeune veau du poids de 75 kilos, provenant des environs de Nha-Trang, est mis en expérience dans nos étables de Nha-Trang, pour servir à la peste bovine. L’examen préalable du sang révèle la présence de trypanosomes. Ils sont très rares, mobiles et d’une longueur totale de 30 [a. Je les rencontre encore le jour suivant avec les mêmes carac- tères. Ils se colorent facilement au Romanowski et par la méthode de Laveran. Leur structure ne présente rien d’anormal ni de particulier. En comparant les préparations colorées faites à cette époque-là avec celles obtenues plus tard avec le sang de cheval infecté, il n’est pas possible d’établir de différences. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 278 Bien que les examens de sang- aient été continués journel- lement, les trypanosomes ne reparurent plus. L’animal mourut le il novembre, sans qu’on ait pu pousser plus loin les recherches. Le sang n’était pas infectant pour le cobaye et le lapin à cette époque. Cela suffit évidemment pour affirmer l’existence, chez les bovidés de cette région de l’Annam, d'une trypanosomiase spon- tanée, identique très probablement à celle qui tue les chevaux. Elle ne détermine pas d’épizootie bovine, mais elle cause sans doute quelques victimes parmi les sujets en état de moindre résistance. Le diagnostic de ces cas sporadiques présente une grande difficulté. Pendant le cours de la maladie, si les symptômes attirent suffisamment l’attention, on songera peut-être à l’examen his tologique du sang. Mais ce procédé sera le plus souvent négatif. On devra le compléter par la méthode des animaux d’épreuve. On aura recours à des cobayes ou à des rats, auxquels on injec- tera dans le péritoine 5 c. c. de sang suspect. Apres la mort, il est plus malaise encore d’établir un diag- nostic. L anatomo-pathologie n est pas caractéristique. Dans toute maladie d’épuisement, on retrouvera les lésions de la trypanosomiase. Et comme, la plupart du temps, l’agent spéci- fique aura depuis longtemps disparu, il ne restera qu’à se rabattre sur des inoculations aux animaux d’épreuve. Or, nous avons vu, dans l'observation précédente, que cette dernière ressource peut échouer. En conséquence, il est permis de supposer que ces cas de trypanosomiase sur les bovidés doivent passer inaperçus. Celui que je signale aujourd’hui est, à ma connaissance, le premier, pour l’Indo-Chine. Tandis que le Surra de Maurice 1 a été très meurtrier pour les bovidés, le Surra de l’Inde se montra au contraire bénin pour ces ruminants. 1. A. Laveran, Acad. mèd. 28 octobre 1902. Edington, Rapport au Gouverneur de Maurice sur la maladie du bétail a Maurice. Le Réduit, Maurice, 8, 14 et 18 août 1902. L. R. commission nommée parle gouverneur de l'ile Maurice pour l’étude de la maladie sur le bétail. Journal officiel de la Réunion, 21 et 26 novembre 1902. Vassal J. -J., Rapport sur le Surra de Maurice, au gouverneur de la Réunion. Journal officiel de la Réunion , 17 avril 1903, pp. 215-220. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 279 A Maurice, en 4 mois, de juillet à octobre 1902, les statis- tiques officielles accusent une mortalité de 1,882 solipèdes et de 1,681 bovidés. J'ai pu m assurer moi-même, sur place, que les bœufs mauriciens (qui sont d'ailleurs presque tous originaires de Madagascar) présentaient une grande sensibilité au Surra. Dans une propriété où toutes les écuries et étables ont été contami- nées en même temps, j’ai constaté que 51 mules étaient mortes sur 55 et 172 bœufs sur 312. Mais l’évolution de la maladie n’était pas terminée chez ces bœufs. Leur état cachectique les condamnait fatalement à la mort. J’appris en effet plus tard que les survivants ne dépassaient pas 50 U A Maurice, comme en Annam,les œdèmes sont plutôt l’exception chez les bovidés. Les phénomènes sont peu apparents. L’anémie progressive fait son œuvre sans fracas. Dans la maladie spontanée de Maurice, les bovidés mouraient en six mois généralement. En Annam, aussi bien que dans l'Inde, les trypanosomiases sont d’origine ancienne. Il s’est créé des races de bovidés qui ont acquis à la longue une immunité réelle. Buffles. — En raison du prix élevé de ces animaux, je n’ai expérimenté que sur un seul sujet, jeune, ayant de 18 à 20 mois et pesant 165 kilos. Le 7 janvier 1905, notre buffle reçoit dans l’épaisseur du mufle quelques gouttes de sang de cobaye, très riche en trypanosomes. Le 20, les hématozoaires n’ont pas apparu dans le sang. Celui-ci ne se montre pas infectant pour 2 cobayes et 2 rats, à de hautes doses. On peut donc en conclure que la période d’incubation a été supérieure à 15 jours chez notre buffle. Cependant, à l’analyse du sang, pratiquée régulièrement 2 fois par jour, les trypanosomes se montrèrent pour la lre fois le 16e jour, très rares d’ail- leurs. On les vit encore le lendemain. Dès lors, ils disparaissent de la circu- lation périphérique jusqu'au 5 février. Ils sont nombreux tout d'un coup le 5, très nombreux le lendemain, et ne reparaissent plus du 8 au 20. Alors, pendant 24 heures, les préparations en décèlent une certaine quantité. Ce n’est ensuite que le 10 mars qu’ils sont retrouvés. Il n’y a aucun chan- gement notable dans l’habitus de notre buffle. Le 24 février, son poids a augmenté : 169 kilos au lieu des 165 du début. La stabulation est toutefois 1. Les documentsles plus récents publiés sur l’épizootie de Maurice démontrent que la sensibilité des bovidés était tout au moins comparable à celle des chevaux et des mules. En 1903, 2,251 bovidés moururent et 9G5 solipèdes ; en 1901, 260 bovidés et 823 solipèdes. Annual report on the medical and Health department for 1904, Port-Louis, 29 juin 1905. 280 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR plutôt contraire à la nature indépendante' des buffles, que les Annamites laissent toujours libres, sauf pendant la nuit. Nouvelle réapparition d’hématozoaires le 4 mai, c’est-à-dire 4 mois après l’inoculation initiale. Le 24 juin, une saignée est pratiquée à la jugulaire du buffle. Quatre rats et un cobaye sont vainement injectés. Le sang du buffle n’est donc plus infectant 5 mois 1/2 après le début de la maladie. Le 5 octobre, 2 rats sont encore inoculés avec du sang de notre buffle. Il se montre complète- ment avirulent. La trypanosomiase de Nha-Trang laisse le buffle immun. Mais cet animal peut être un élément d’infection dangereux, d’autant que rien ne trahit extérieurement qu’il est porteur de virus. Dans l’Inde et à Java, les buffles seraient notablement plus sensibles au Surra. Aux Philippines, J. -J. Curry a observé des cas spontanés sur le buffle Kérabau. Lingard a tué deux buffles en 51 et 125 jours. Penning a observé à Samarang etàRembang des épizooties, la mort était la terminaison la plus habituelle1. Animaux réfractaires. — Une tortue de terre ( Testudo elon- gata Blyth.) a reçu du sang de rat, où les trypanosomes sont nombreux et très mobiles, le 18 janvier 1905. Elle est encore vivante le 7 décembre. Son sang, examiné à différentes reprises, ne s’est jamais montré parasité. Un paon indigène, pris à Dong-Tram, à 20 kilomètres de Nha- Trang, a été vainement injecté avec du sang très virulent de civette Paradoxurus. A chaque examen, ce paon montra dans son sang des Haltéridiums. C’est probablement la première fois que l’on signale la présence d’Haltéridiums dans le sang du paon. Ces hématozoaires offraient à considérer des particularités intéressantes, sur lesquelles je n’ai pas à insister ici, parce 1. L. A. Penning, Veeartsenijk. Bladenv. Nederl. Indie, t. XII et XIII, 1899-1900. Schat, Archives de l' industrie sucrière , Java, 1902. W. E. Musgrave et N. E. Wiliamson, Biolog. laboratory, 1903. W. E. Musgrave et M. T. Clegg, Trypanosoma and trypanosomiasis wifh spécial reference to Surra in the Philippine islands. Départ, of the interior Biological laboratory. N° 5, Manda, 1903. Lingard, Premier rapport, 1894, Bombay. — Report on Surra , 1899, Bombay — Report on horse Surra, Bombay, 1903. — Summary of further report on Surra, Bombay, 1904. — Idem , 1905. — Annual report of the impérial bacterio- logist for the official year, 1890-4 896 . — Report on Surra in equines buffaloles and canines, Bombay, 1899. ’ TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE I/ANNAM 281 qu’elles ne semblent pas avoir de rapport avec nos trypano- somes. Deux tourterelles ( Turtur humilis Bp.) se sont également montrées réfractaires. Elles reçurent sous la peau et dans les muscles du sang de lapin, très riche en parasites. Il en fut de même de deux pigeons domestiques et de deux Lingard et Penning avaient déjà démontré que les oiseaux étaient réfractaires au Surra. Anatomie pathologique. Les altérations du sang se rencontrent chez presque tous les animaux sur lesquels nous avons expérimenté. Le nombre des hématies diminue considérablement. C’est chez le cheval que l’hémolyse atteint son plus haut degré d’in- tensité. J’ai vu le taux des hématies baisser de plus d’un tiers. Le sang paraît alors lavé, aqueux. L’hémoglobine diminue dans les mêmes proportions que les érythrocytes. Notre trypanosomiase amenait invariablement chez le cheval, et souvent aussi chez les autres animaux, une altération impor- tante de la moelle des os, sur laquelle les auteurs qui se sont occupés du Surra semblent n’avoir pas insisté. La moelle des os est rougeâtre, riche en mégaloblastes. Elle revêt le type embryonnaire avec une grande netteté. De fines hémorragies la parcourent souvent. Ces constatations ont été faites au cours de nombreuses autopsies. Je vais en résumer les points les plus saillants. Cheval. — Extérieurement, on ne remarque que des œdèmes des membres postérieurs et en même temps du ventre. A l’ouverture de l’abdomen, il s’écoule une quantité de liquide, qui varie de 500 grammes à 3 et 4 litres. Les plèvres et le péricarde sont le siège (chez deux sujets seulement) d’un épanchement. Le cœur est pâle et mou. Le long des coronaires, les pétéchies sont constantes. Dans un cas j’ai relevé une broncho-pneumonie. La rate est grosse et ramollie. Sur le colon, les taches hémorragiques ne sont pas rares. Les méninges accusent généralement une vive congestion. 282 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUil Chez les Bovidés , le sang est moins fluide et moins décoloré que chez le cheval. La rate n’est pas toujours hypertrophiée. Les pétéchies des coronaires font défaut. Quant à la dégénérescence embryonnaire de la moelle des os, on peut parfois la constater avec les mêmes caractères que nous avons déjà signalés. Les séreuses contiennent un épanchement plus ou moins abondant. Les lésions des chiens morts de trypanosomiase sont impor- tantes. La splénomégalie est très marquée. Pour un chien de 4k?.800, la rate pesait 28&r,40. — 5 kilogr. — 27 grammes. — 7 — — 90 — Les tares ophtalmiques, si fréquentes chez le chien nagané, m’ont pas été observées ici. Les épanchements des séreuses sont communs. Le foie est souvent hypertrophié. Le sang est aqueux et lavé. Les blaireaux , les civettes et les singes montraient une hypertrophie de la rate et parfois des quantités plus ou moins grandes de liquide dans les séreuses. Les particularités nécropsiques du chat se rapprochaient de celles du chien. Chez des cobayes du poids de 250 à 300 grammes, la rate atteignait le poids de 3§r,70, 2§r,40, 4 grammes. Chez le lapin , où l’évolution est plus rapide, la rate a pesé lgr,80 et 2*r,40. Trypanosomes et Sangsues. J'ai recherché ce que devenaient les trypanosomes dans le sang ingéré par les sangsues. Voici les expériences qui s’y rapportent. Le 19 décembre 1904, cinq sangsues sont gorgées sur plusieurs chevaux ayant un grand nombre d’hématozoaires circulants. 9 jours plus tard, le 28 décembre, l’une de ces sangsues est sacrifiée et les autres dégorgent naturellement leur sang. Le tout est dilué dans du sérum physiologique. Les trypanosomes ont perdu toute mobilité dans le liquide, mais on les colore encore très bien par les procédés habituels. Quatre rats sont inoculés sous la peau et quatre autres dans le péritoine. Aucun ne s’est montré infecté. Plus tard, ils ont été éprouvés par un autre virus, qui les a tués dans les limites ordinaires. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 283 Des rats inoculés sous la peau avec du sang de sangsues gorgées 43 jours auparavant sur des chevaux ayant de nombreux trypanosomes dans le sang périphérique, n’ont pas été infectés. Nous avons recommencé l’expérience avec du sang extrait de la sangsue après 24 heures, d’abord sur un cobaye, puis sur 4 rats. On distinguait sur les préparations colorées les trypanosomes dans le sang de la sangsue. Ils n’étaient pas mobiles. Tous ces animaux résistèrent parfaitement. L Helictis personatus J . Geof. étant très sensible à la trypanosomiase, je 1 ai choisi pour lui injecter sous la peau Oc. c. 50 de sang retiré de la sangsue 24 heures après la succion. Plusieurs procédés peuvent être employés pour faire dégorger une sangsue, mais il est plus simple de retirer par ponc- tion capillaire le sang dont on a besoin. C’est ainsi que nous avons opéré dans cette expérience. Le blaireau ne fut nullement contaminé. Nous avons alors été amenés à poursuivre de nouvelles expériences pour déterminer quelles étaient les modifications immédiates subies par les trypanosomes dans le sang ingéré par les sangsues. Une sangsue est gorgée de sang sur un chien, qui a de très nombreux hématozoaires circulants. Immédiatement après, les estomacs sont ponctionnés avec une pipette. L’examen du prélèvement est fait entre lame et lamelle. Les hématozoaires se montrent nombreux et mobiles. Si on poursuit l’examen, on voit qu’au bout de 3 heures, il reste à peine 4 ou 5 spécimens vivants. Une heure plus tard, tout mouvement est arrêté. Mais si on mélange intimement du sang des estomacs de la sangsue avec du sérum normal de bœuf, les mouve- ments des trypanosomes ne se ralentissent nullement. On peut 24 heures plus tard distinguer des formes vivantes et mobiles. Notre sangsue fut ponctionnée d’heure en heure. A la 4e heure, on ne voit pas de mouvement dans la nouvelle prise. Une faible quantité de sérum normal de bœuf remet en mouvement un trypanosome tous les 10 champs environ. Il en est de même la 5e et la 6e heure. Mais au bout de 7 heures, le sérum est impuissant, toutes les formes sont bien mortes. Deux rats inoculés avec du sang de sangsue, qui vient d’être détachée du chien, ont pris une maladie mortelle en 7 et 8 jours. Deux autres rats, qui n’ont reçu du même sang de sangsue que 4 heures après, n’ont pas été infectés. Comment périssent les trypanosomes dans le sang ingéré par la sangsue ? Le changement de plasticité qui intervient est plutôt défavorable aux mouvements et par conséquent à la vita- lité de nos Flagellés. Mais il semble bien qu’il y ait un autre élément. Les anticoagulines, sécrétées par les estomacs, ne ren- ferment-elles point une substance toxique pour les trypanosomes ? Jusqu ici nous n’avons pas réussi à prouver expérimentale- 284 ANNALES DE L’JNSTITUT PASTEUll ment cette hypothèse. Du sang- trypanosome, ayant séjourné dans les estomacs de la sangsue, a été injecté, après dilution, dans les veines et sous la peau d’animaux malades sans influencer le cours de la maladie. « / La diminution du taux parasitaire après quelques injections nous semble une indication à continuer les recherches dans ce sens. En tous cas les sangsues ne jouent aucun rôle dans la propa- gation de l’épizootie. De plus, ce serait un moyen illusoire de conservation du virus, comme cela a pu, au contraire, être réalisé pour la peste bovine et la vaccine. Recherches sur les modes de propagation par les Insectes. 1. Puces et Poux. — Les auteurs américains1, qui ont étudié le Surra aux Philippines , ont réussi à transmettre la maladie d un animal à un autre par l’intermédiaire des puces. J’ai tenté de répéter l’expérience sur le chien de la manière suivante : Le 30 janvier 1905, une chienne annamite, déjà couverte de puces ( Cte - nocephalus serraticeps), en reçoit dans plusieurs endroits de sa fourrure, quarante nouvelles. Celles-ci proviennent d’un chien mort de trypanosomiase, dont le sang est toujours resté très riche en parasites. Rien n’est plus aisé que de faire passer les puces d’un chien à un autre. A peine mises en contact avec les poils, elles s’y enfoncent et ne songent plus à en sortir. Du 30 janvier au 4 mars, notre chienne est spécialement isolée et sur- veillée. L’examen du sang est pratiqué chaque jour et les températures rec- tales relevées régulièrement. Il ne se produisit rien d’anormal. Le 5 mars 4905, plus d’une centaine de puces et autant de poux ( Hæma - topinus piliferus Burm.) d’un chien mort de ^trypanosomiase sont distribués dans la toison du même chien. A aucun moment, on ne put relever d'indice d’infection quelconque. Cependant, à la longue, cette chienne mourut, sans doute des rigueurs d’une captivité prolongée. On ne constata point de lésion se rapportant à une try- panosomiase. Deux lapins, inoculés avec le sang du cœur, restèrent sains. 2. Tiques. — Une tique (. Rhipicephalus annulatus Say), gonflée d’œufs, est prise, le 25 janvier 1905, sur un cerf Axis, qui vient de succomber à la trypanosomiase. Trois jours plus 1. W. E. Musgrave and M. T. Clegg, Trypanosoma and trypanosomiasis. wilh spécial reference to Surra in the Philippine islands. Départ, of the Interior. Bureau of (jovern. Biolog. lahorat. 1903, N° 5. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 285 tard, la ponte se produit et, 54 jours après, 1 éclosion (6 mars). Le 15 mars, les jeunes tiques sont toutes placées sur un lapin, qui resta toujours indemne. Des tiques de chien (. fxocles reduvius Linné) ont passé d'un chien annamite malade à un autre sain, sans déterminer le moindre phénomène pathologique. 3. Mouches piquantes l. — Les mouches piquantes sont très rares à Nhatrang même et dans les environs immédiats. Cela tient à la nature du pays, à la constitution géologique du sol et au voisinage immédiat delà mer. Dans une région sablonneuse, toujours ventilée et sèche, où les espaces incultes sont recou- verts seulement de taillis pauvres et clairsemés, il ne se trouve aucune condition favorable au développement des mouches. A Khanh-Hoa, où l’épizootie a été observée sur les chevaux, il est également difficile de trouver des mouches dangereuses : là, c’est la rizière qui domine et la rizière ne convient nulle- ment aux mouches. Ce n’est qu’exceptionnellement que l’on trouve quelques spécimens à Nhatrang et à Khanh-Hoa. J'ai capturé dans nos étables de l’Institut de Nhatrang, en novembre 1904, au moment de l’épizootie par conséquent, un Tabanus striatus Fabr. Sur les chevaux malades de Khanh-Hoa, j’ai cherché à me procurer des mouches piquantes. J’ai pris moi-même une mouche, qui est aussi un tabanide ( Chrysops ), le 17 décembre 1904. Un nouvel exemplaire fut trouvé à Nhatrang, dans le laboratoire, le 8 février 1905. Les Hippobosques ne sont pas très communs sur nos bœufs d’Annam. On peut cependant en capturer parfois. Si on ajoute à cela deux Stomoxes ( Stomoxys calcitrans West.), la liste des mouches piquantes de Nhatrang est close. Aussi, n avons- nous jamais constaté la moindre contagion accidentelle parmi nos animaux d’expérience. Au Khanh-Hoa, les épizooties ne prennent pas une grande extension. Les chevaux ne semblent pas atteints parce qu ils habitent la même écurie, mais parce qu ils sont soumis, au dehors, aux mêmes travaux, aux mêmes déplacements longs 1. Je dois la détermination de ces mouches à M. D. W. Coquillett, du labora- toire de M. Howard à Washington, par 1 intermédiaire de M. Laveran, et à M. E. E. Austen, du British Muséum de Londres. 286 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR et pénibles. Les mouches piquantes ne se trouvent pas, en effet, dans les écuries, mais dans les forêts et les clairières. Or, nous, avons vu que les chevaux malades appartenaient à cette caté- gorie de bêtes de bat, qui transportent le paddy dans tous les coins delà province. Le troupeau de Suoi-Giao ne s'éloigne pas beaucoup, mais il va paître dans les forêts voisines, où Ton trouve, à la vérité, des mouches en assez grand nombre, à l'époque des pluies. Quand il s'est agi d’avoir une certaine quantité de mouches- pour essayer des expériences de transmission, j’ai tout d'abord * éprouvé un grand embarras. J ai enfin réussi à trouver un endroit favorable dans la région, sur la route de Nhatrang à Ninh-Hoa, à 12 kilomètres seulement du chef-lieu. C'est proche d'un « tram », appelé Hoah-Khat, où la forêt prend une cer- taine importance. Des ruisseaux passent nombreux à travers les futàies et débordent largement à la saison pluvieuse. Sur la route même, les mouches sont rares. Mais, dès qu'on s’en- fonce dans la brousse, ces Diptères s'élancent sur les chevaux et les piquent avidement. C’est dans l’intervalle de pluies, copieuses qu’ils sont le plus nombreux. Dans la matinée et le soir au crépuscule, leur activité semble plus grande et leur morsure plus acharnée. Nous y avons relevé les différentes espèces suivantes : 1° Des Hippobosques (Hippobosca equina Linné); 2° Des Hœmatopata meteorica Corti; 3° Des Tabanus volumineux (d’après Austen, espèce voi- sine de T. univentris Walk.); 4° Des Hœmatopota , espèce voisine de H. cilipes Bigot (d’après E. E. Austen); 5° Des Tabciîudés, d’une autre espèce, comparable comme taille et aspect morphologique à la précédente, mais avec des. ailes ayant des taches noir fuligineux sur fond brunâtre; 6° Chrysops longicornis Macq. (d’après D. W. Coquillett) ou G. dispar Eabr. (d’après E.-E. Austen). Ce Chrysops a déjà été rencontré à l'état isolé, à Nhatrang et à Khanh-Hoa. Voici la proportion de ces différentes mouches, au moment où nous avons opéré dans la forêt, en octobre, novembre et décembre 1905 : TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 287- Hippobosca equina 1 0/0 Tabanus voisine de univentris 2 — Hœmatopota meteorica 40 — Hœmatopota voisin de cilipes 30 — — fuligineuse et brune .. .... 10 — Chrysops 17 — Au cours d'un voyage au Lang-Bian, nous avons capturé un grand nombre de mouches, où les espèces précédentes étaient représentées, mais dans d’autres proportions. J'ai procédé à des expériences dans le but d’élucider la question de transmission de notre Trypanosomiase d’Annam par les mouches. Le tableau de la page suivante en donne un aperçu général et les résume. Peut-on tirer* de l’ensemble de ces expériences des conclu- sions intéressant Pétiologie de notre trypanosomiase? Les mou- ches piquantes ( Hœmatopota meteorica , //. voisine de cilipes, Chrysops , Hœmatopota fuligineuse) ne semblent pas aptes à propager la trypanosomiase des chevaux d’Annam, qu’elles aient piqué un animal infecté, soit immédiatement avant, soit à des intervalles variant entre quelques heures et 1,2 et 3 jours. Mais cela n’exclut pas l’hypothèse quelles jouent le rôle de second hôte. Le rôle des Stomoxes et sans doute aussi des autres espèces de Taons de l’Indo-Chine devra aussi être étudié. Schat1, à Java, incrimine le Stomoxys calcitrans. Cette espèce existe, nous l’avons vu. en Annam. Rogers2 a fait voir que, dans l’Inde anglaise, les Tabanides étaient capables d’in- fecter le chien et le lapin, lorsqu’ils avaient piqué depuis peu de temps un animal atteint de Surra. Dans l’épizootie de Mau- rice, Daruty de Grandpré 3 assigne à un Stomoxe (Stomoxys niyra) une place prépondérante. La multiplicité des agents de transmission du Surra élargit le problème de son étiologie, tout en le rendant moins aisé. D un autre côté, il ressort de l’étude que nous avons faite de la Trypanosomiase d’Annam, que le véritable agent de propa- 1. Schat, Mémoire de 1902. Java, op. cit. 2. Rogers, Proc. of. the R. Soc. 4 mai 1901. — British med. Journ. N° 2291. 3. Voir Rôle des Protozoaires dans les maladies des animaux. Rapport présenté par MM. Laveran et Vallée. VIIIe Congrès de méd. vétér. Budapest , 1905. 288 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Expériences sur les Mouches. Numéros de la série. Date. Nombre de mouches. Espèce de mouches. Intervalles entre les piqûres. Animal fournissant le virus Animal piqué. Résultats 1 ... 22/10 1905 1 Hippohosca equina. Nul. Cheval. Cobaye . Nég. 1 Hœmatapot a meteorica. — — — — 1 Hœmatapotav oisine de cilipes. — — Chien. — 2 — — — 2 cob. — II.. 1/11 15 — Variable h Cobayes . Cobayes — 15 Hœmatapota meteorica. — — — — III . 3/11 2 — Nul. — Rats. — 2 Hœmatapota voisine de cilipes . — — — — 1 — Nul et 3 h. — Cheval . — IV.. 19/11 5 — Nul. — 5 rats. — 1 H. fulig. et brune. — — — — 1 Hœmatapota voisine de cilipes. 24 heures. — — — 1 — — — 4 lapins. — 1 — 48 heures. — 1 lapin. — 1 — 3 jours. — 1 — — -, V .. 25/11 2 H. fulig. et brune. Nul. Chien. Rats. — 2 Chrysops. — — — — 5 Hœmatapota voisine de cilipes. — — — — 1 — 24 heures. — 2 lapins. — 1 — 48 — — 2 — — 1 — 58 — — 1 cheval. — VI.. 8/12 1 Chrysops. Nul. Chien. Chien. 1 — 3 jours. — 1 lapin. 1 1 2 — Nul. 2 rats. — 1. Les mouches restent pendant 6 heures dans une cage avec des cobayes infectés. Au bout de ce temps, on remplace les cobayes malades par des animaux neufs. Quelques mouches sont encore vivantes après 24 heures. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 289 gation est peu abondant, quoique assez répandu en lndo-Chine. Son existence est éphémère et correspond, pour notre région, à la période initiale des pluies. Bien que les expériences sur les puces, les poux et les tiques ne comportent pas, dans notre travail, un grand déve- loppement, il est permis cependant de supposer que ce ne sont pas les causes ordinaires de contagion. Les contacts entre nos animaux, que nous avons ménagés, ou qui se sont produits parlois au cours de la maladie naturelle ou expérimentale, n ont jamais été suivis d’infection. Cela donne à cette manière de voir une sanction nouvelle et l’appui de nombreux faits pro- bants. Diagnostic de la maladie et Prophylaxie. Il est tout d abord une notion sur laquelle je désire appeler 1 attention et qui a bien son importance pour le diagnostic de la maladie et pour sa prophylaxie. Chez les chevaux ayant la maladie spontanée, le sang peut devenir avirulent par suite de la disparition des trypanosomes. Ce phénomène #s observe dans les 4 à 5 jours qui précèdent la mort. Le diagnostic devient ainsi à peu près impossible, si les commémoratifs manquent. Les préparations histologiques de sang ne renferment aucun hématozoaire. L’épreuve des ani- maux sensibles vient elle-même à échouer. Chez les bovidés, cela est vrai pendant la plus grande partie de 1 affection et bien avant la période finale. Nous en avons déjà cité des exemples au cours de ce travail. Les observations suivantes sur le cheval méritent une mention particulière. Observation I. — Le premier cheval de l’épizootie de Khanh-Hoa n’avait, le 16 décembre 1904, que de très rares hématozoaires dans le sang. Avec beaucoup de difficultés, on n’en découvrait qu’un par 3 ou 4 préparations. Aussi, quand 1 animal mourut, le 20 décembre suivant, toutes les inocula- tions échouèrent, soit 2 rats et 2 cobayes. On ne devra donc jamais conclure d’après les résultats d’une seule autopsie. En l’espèce, une telle conduite eut sans doute égaré les recherches, et la véritable nature de la maladie serait restée méconnue. Observation II. — Un cheval de race annamite reçut sous la peau 1 c. c. de sang du cœur d’un cheval ayant succombé à l’aflection spontanée. Il n’y «ut aucun commencement d'infection. 19 290 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR •Observation III. — Un lot de rats est injecté sous la peau, dans les mêmes conditions, avec du sang d’une jument qui vient de succomber. Au cours de la maladie, les trypanosomes furent très nombreux. Quoi qu’il en soit, aucun des rats ne fut contaminé. Sur le. même animal, du liquide céphalo-rachidien (où l’on ne retrouve d’ailleurs pas d’hématozoaires) donne une maladie mortelle au lapin. Cet animal fut injecté dans le péritoine avec 1 c.c. de matériel. L’incubation semble n'avoir pas été inférieure à 8 jours. La mort survint le 24e jour. L’injection péritonéale est sans contredit plus efficace, mais cela tend aussi à faire admettre que le liquide céphalo-rachidien est parfois virulent, quand le sang ne l’est plus. Dans d autres cas, nos prélèvements de liquide céphalo-rachidien et de sang après la mort se montrèrent également avirulents. De l’absence de trypanosomes à T autopsie, on n’a donc pas le droit de rejeter l’idée de trypanosomiase. Les inoculations aux animaux sensibles pourront même ne point trancher la question. D’un autre côté, il est plutôt rassurant de constater qu’un cheval à trypanosomes n’est pas toujours dangereux après sa mort. C’est pourquoi les chiens se livrent impunément à la curée des cadavres et que l’épizootie a peu de tendance à se propager dans l’Annam méridional. La thérapeutique n’ayant pas encore fait ses preuves contre le Surra, et contre toutes les Trypanosomiases en général, il y a lieu de recourir à des mesures exceptionnelles de prévention. Il serait, avant tout, de la plus haute importance, de bien con- naître les foyers d’endémie trypanosomiasique. Nous n’avons jusqu’ici que des données incomplètes. Un services des épizooties est organisé en Indo-Chine depuis plusieurs années. Mais le nombre des vétérinaires est encore bien restreint. Des terri- toires immenses, où cependant le bétail ést éprouvé, ne sont l’objet d’aucune surveillance effective. On devrait se livrer à des recherches systématiques pro- vince par province, sans attendre les brusques avertissements des épizooties. L’inoculation de sang d’animaux insensibles comme les bovidés, à des animaux sensibles (rats, souris, cobayes, chiens, etc.) permettrait de déceler les trypanosomiases latentes et de tracer Taire exacte de leur distribution géogra- 4. L’arrêté portant organisation d’un service vétérinaire et des épizooties est du 43 novembre 1901. Un nouvel arrêté du 17 novembre 1903 groupe les provinces du Tonkin en différents secteurs vétérinaires. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 291 phique. Une telle méthode suppose un outillage spécial, quoi- que peu compliqué, et le contrôle d’un laboratoire. C’est en procédant ainsi qu’on arrivera à quelques éclaircissements non seulement sur les trypanosomiases, mais sur d’autres maladies du bétail, la Piroplasmose bovine en premier lieu. Par analogie avec les faits avancés aux Philippines par Jobli ng et Woolley 1 , il est permis de supposer que le Piro- plasmose n’est pas absente en Indo-Chine. Aux Philippines, c^tte affection n’a été révélée que lorsque des animaux neufs et sensibles venant d’Europe ou d’Amérique eurent reçu du sang d’animaux indigènes. Ces derniers sont immuns. Leur parasitisme latent n’apparaît même pas à l’épreuve, cependant si révélatrice, de la Peste bovine. Il faut de toute nécessité le passage par un organisme neuf pour que l’agent spécifique ( Piroplasma bigeminum ) se montre. Il y aurait grand intérêt à poursuivre des travaux dans ce sens en Indo-Chine. La fièvre du Texas est une menace redou- table, parce qu’elle complique nombre d'autres endémies et surtout parce qu’elle atteindrait les animaux des races supé- rieures d’Europe, qu’on serait tenté d’introduire. Dans le cou- rant de ces enquêtes, il est à supposer que d’autres affections seraient découvertes. Les Trypanosomiases, selon toute vraisemblance et d’après les travaux récents, sont propagés par des mouches piquantes, contre lesquelles nous sommes impuissants. On pourrait, dans une certaine mesure, protéger par des toiles métalliques les écuries et les étables, mais cela deviendrait illusoire par la négligence du personnel indigène. Tout au plus pourrait-on ainsi mettre à 1 abri, pendantla période dangereuse, les animaux reproducteurs et les bêtes de prix. Les Annamites de Cochin- chine entretiennent la nuit dans les parcs à buffles des brasiers aux fumées épaisses. Ce serait une mesure à préconiser dans les pays contaminés. Les bovidés constituent une source importante de virus où les insectes piqueurs s’approvisionnent. Il est probable que les trypanosomes se conservent ainsi dans le sang des bœufs ou des buffles et que l’épizootie se répand chez le cheval, quand il 1. W. Jobling et G. Woolley, Texas fever in lhe Philippines Islands and the Far East. Journal of tropical medicine, vol. Vil, n° 20, 15 octobre 1904. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 292 se trouve des mouches pour transporter le virus. Eviter de parquer les bœufs près des écuries de chevaux diminuerait peut-être les chances de contagion. Quand un cheval est atteint, il faut se hâter de l’abattre. 11 n'y a d’ailleurs aucun moyen de l’empêcher de succomber. Il est plus embarrassant d’édicter des mesures contre les bœufs et les buffles. Les étables, où le « Surra » a été reconnu à coup sûr, c’est-à-dire par l’examen bactériologique, devraient être impitoyablement condamnées. Au début d’une épizootie, l’abatage est le seul remède de quelque efficacité. La prophylaxie la plus élémentaire commande de suppri- mer ainsi au plus tôt une source de virus. 11 est évident que les prescriptions sont tout à fait différentes, suivant qu’on a affaire à un pays envahi pour la première fois ou à un autre qui subit une récidive périodique. Le régime à instituer dans l’Annam méridional, par exemple, ne compor- terait pas de sanctions trop radicales. Y a-t-il quelque région de l’Indo-Chine encore indemne de « Surra »? On ne pourrait le soutenir. Tout porte au contraire à croire que ces affections sont répandues à peu près également partout et que c’est simplement par suite d’observations plus suivies qu elles paraissent dominer dans certains points. S’il était cependant établi que des régions indemnes existent encore, ce serait là qu’il faudrait faire de préférence l’élevage du cheval. En résumé, pas plus la législation actuelle que la science ne permettent de combattre le « Surra » et de s’opposer à sa pro- pagation. Nous pouvons néanmoins espérer être mieux armés dans l’avenir. Quand le « Surra » entrera dans le cadre des maladies curables, la prophylaxie en sera renouvelée et com- plètement modifiée, puisque le traitement des animaux consti- tuera la meilleure sauvegarde pour limiter les pertes et arrêter la marche du fléau. Conclusions. Quelle place assigner à la Trypanosomiase de Nhatrang? Est-elle marquée de traits assez originaux pour en faire une entité morbide, ou faut-il la confondre avec le Surra, tout en TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 293 faisant quelques réserves et en indiquant ce qui lui revient en propre? C’est à coup sur avec le Surra que les rapprochements s im- posent. Mais le cadre de cette affection manque déjà de précision. D’après Hare, Mac Neal etNovy1, le Surra des Philippines différerait de celui de l’Inde, Ces auteurs basent leur opinion sur les caractères des cultures. Le Surra de Maurice ne pouvait manquer d’avoir les plus grandes analogies avec celui de l’Inde, si l’on tient compte de son mode d’introduction dans cette île. J’ai relaté2, d’après les documents puisés sur place, les origines de l’épizootie. Maurice s’approvisionne de bœufs à Madagascar. En juillet et octobre 1901, on dérogea à cette habitude et deux bateaux, le Naseri et le Clyde , portèrent, l’un 15 animaux, l’autre 250 provenant de l’Inde. C’est à Mauricia-Bellevue que le stock du Naseri fut vendu, tandis que celui du Clyde fut réparti sur plusieurs propriétés, Palma notamment. Or, l’épi- zootie débuta par les troupeaux de Mauricia et de Palma. Déjà, en novembre 1901, 18 bœufs sur 50 avaient succombé. Depuis lors, Laveran et Mesnil, en employant la méthode expé- rimentale, ont mis en évidence cette identité 3. Notre Trypanosomiase diffère des Surra de l’Inde et de Maurice et de Java même, par la réceptivité et la sensibilité moins grande des bovidés etbutfalidés. Elle semble au contraire être plus virulente pour tous les autres animaux. La multiplicité des épizooties à Surra est véritablement con- sidérable, tant en Asie qu’en Afrique. 11 est encore malaisé de s’y reconnaître. Toutefois, les progrès qui viennent d’être réalisés ces dernières années font augurer d’une solution pro- chaine. C’est ainsi, par exemple, que la Mbori, considérée d’abord comme une entité morbide distincte, a pu être identifiée au Surra4. Les critères, dont nous disposons aujourd’hui pour établir 1. Novy, W. J. Mc. Ne vl, Ch. B. Hare, Journal of the Amer. med. Assoc., 28 mai 1904. 2. Vassal, Journal officiel de l'île de la Réunion. 17 avril 1903 3. A. Laveran et F. Mesnil, C. R. Acad. Sciences, t. CXL, 27 mars 1903, p. 831. 4. Vallée et Panisset, Avec observations de A. Laveran. C. R. Acad. Sciences, t. GXXXIX, 21 novembre 1904, pp. 901-904. — A. Laveran, Ibid., t. CXLI, 1905. 294 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR des classifications, sont en effet de trois ordres. La morphologie et la biologie des trypanosomes tout d’abord. Viennent ensuite l’étude de la virulence et de la maladie expérimentale. Enfin, une troisième méthode, qui est celle que Laveran et Mesnil ont préconisée, et qui repose sur la sensibilité à une nouvelle trypanosomiase d’un animal ayant déjà acquis une immunité solide vis a vis d’une autre trypanosomiase. Le microscope n’est souvent pas d’un grand secours. Si l’on peut ainsi différencier à première vue les T. lewisi , T. dimor- phon , T. equinum , T . theileri , il est presque impossible de se prononcer entre le Nagana et le Surra. La virulence et l’action pathogène sur les animaux ne don- nent pas beaucoup de précision. Cependant, de l’ensemble des faits, on peut, sinon conclure d’une manière ferme, tout au moins asseoir le diagnostic sur des bases très solides. Theiler rapporte que, dans l’Afrique du Sud, où le Surra était inconnu, des chameaux nouvellement importés furent trouvés parasités par un trypanosome qu’on ne réussit pas tout d’abord à déterminer. Morphologiquement, il n’était pas possible de décider si l’on avait affaire au Surra ou au Nagana. Plus tard, l’évolution delà maladie fut trouvée comparable au tableau clinique de la Mbori. C’est ce diagnostic qui fut porté1. Dans le Cameroun, Hans Ziemann pense que Je Surra, ou une maladie de ce type, existe à côté du Nagana1. Pour une même espèce animale, la virulence d’un trypano- some ne devient fixe qu’après un certain nombre de passages. Laveran et Mesnil en avaient donné de nombreux exemples dans leur traité classique 3 quand Schilling 4 et enfin Koch 5 et Martini 6 ont encore illustré cette manière de voir. Il importe de rapporter les trypanosomes à une origine connue, et de suivre leur « généalogie », si on veut avoir des résultats com- parables. Koch et Martini ont, de plus, fait remarquer qu’une même L Theiler, Bulletin de l'Institut Pasteur , t. IIP, 30 août 1905, p. 664. 2. Hans Ziemann, Centralbl. f. Bakter . , /., Orig t. XXXVIII, 11 mars 1905, p. 307, 314. 3. Laveran et Mesnil, Trypanosomes et Trypanosomiases. Masson, Paris, 1904. 4. Schilling, Arbeit. aus dem Kaiserl. Gesundheitsamte, t. XXI, 1904. 5. R. Koch, Deutsche mediz. Woche, 17 novembre 1904, p. 1705-1711. 6. E. Martini, Zeitschr. f. Hyg ., t. l., 1905. 295 TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM trypanosomiase revêtait des virulences si variables que la forme atténuée ne vaccinait point contre la forme exaltée. De nou- velles classifications ont donc été proposées, qui abaissent les barrières séparant la plupart d’entre elles. Quoi qu’il en soit, la méthode de Laveran et Mesnil reste inattaquable U Elle a permis d’établir que la Dourine devait être séparée du Nagana (Nocard), et du Gaderas (Lignières), le Nagana du Caderas (Laveran et Mesnil), le Surra de Maurice du Nagana et du Caderas (Laveran et Mesnil, V allée et Carré). Ce sera le meilleur guide pour classer les Trypanosomiases tant que nous ne connaîtrons pas le cycle de développement complet des trypanosomes, toutes leur phases d évolution, leurs caractères de cultures, et leur mode de transmission. La trypanosomiase des chevaux de Nhatrang sera donc ainsi comparée avec celles que nous connaissons déjà. xN ayant pas à notre disposition en Annam, ces différents virus, nous n’avons pas pu achever cette partie de notre travail. Mais les expériences, qui se poursuivent à l’Institut Pasteur de Paris avec le virus que nous avons envoyé, permettront d’être bientôt fixé là-dessus 2. Alors seront élucidés les principaux éléments d une ques- tion qui intéresse à un si haut point l’avenir de l’agriculture dans notre colonie d’Indo-Chine. 1. A. Laveran et Mesnil, C. R. Acad. Sciences, t. GXL, 27 mars 1905, p. 831. 2. Voir le mémoire suivant. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES sur la trypanosomiase des chevaux de l'Aunam. Comparaison avec le Surra . Par MM. A. LAVERAN et F. MESNIL L'individualité d une trypanosomiase ne peut, dans beaucoup* de cas, être établie que par une comparaison avec d'autres dûment cataloguées. La méthode de choix consiste, comme nous 1 avons déjà montré à diverses reprises, à inoculer le nouveau virus à des animaux guéris d'une infection par un virus déjà connu, et ayant l'immunité pour ce virus. M. le docteur Vassal a bien voulu, pour ce qui concerne la trypanosomiase des chevaux de 1 Annam, nous charger de cette étude qu il ne pouvait entre- pi endre lui-même àNha-Trang. M. Vernet, de Suoi-Giao, nous a apporté à 1 Institut Pasteur, en mars 1905, un lapin infecté1. C'est en partant de ce virus que nous avons exécuté un. certain nombre d expériences avec des chèvres, permettant une comparaison du virus annamite avec le Surra authentique. M. \assal, n ayant pas eu l'occasion d’expérimenter avec les. chèvres, nos constatations auront en plus l'avantage de com- pléter à cet egard son très intéressant travail. Nous y joignons quelques observations sur la morphologie du trypanosome dans le sang des petits Rongeurs, et sur l'évolution de la maladie chez la souris (sur laquelle M. Vassal n'a pas non plus expérimenté), le rat, le cobaye et le chien. Morphologie. Le trypanosome de Nha-Trang ressemble beaucoup à celui du Surra, Trypan. Evansi. Nous avons mesuré un certain, nombre de trypanosomes du sang de souris et de rats infectés, en ayant soin de nous adresser à des individus ne montrant aucune trace de division. On sait que les Trypan . Evansi ont la 1. M. Vernet a pu mener à bien la mission dont il s’était chargé, en inoculant,, a son passage à Suez, un lapin neuf avec son dernier cobaye vivant qui a succombé le lendemain. C’est ce lapin acheté à Suez qui nous a été remis à Paris, ous adressons ici à M. Vernet tous nos remerciements pour sa complaisance. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 297 particularité de s'étirer en longueur au cours de la division. Voici les chiffres obtenus, tant chez le rat que chez la souris : Longueur moyenne 26 g. Largeur 1 g. 5 à 2 jjl. Ces dimensions sont à peine supérieures à celles que nous avons trouvées pour le Trypan. Eva?isi' . Action pathogène sur divers mammifères. Souris. — La durée de l'infection varie assez notablement. C'est ainsi que, sur 6 souris inoculées sous la peau avec le sang du lapin que nous avait apporté M. Vernet, 5 ont succombé en 6 à 7 jours, alors que la sixième mourait en 14 jours seulement. Après un passage par souris ou par rat, la durée a encore varié entre 8 et 14 jours. Le chiffre moyen est 8 jours 1/2. Un virus de passage par cobaye a tué la souris en 7-8 jours. Enfin, des virus de passage par souris ont tué les souris inoculées sous la peau en 3 jours 1/2 à 7 jours 1/2 (moyenne 6 jours). De 2 de ces dernières souris, l’une, inoculée sous la peau, succom- bait en 5 jours 1/2, l'autre, inoculée dans le péritoine, en 3 jours 1/2. L’incubation varie de 3 à 5 jours; les trypanosomes vont constamment en augmentant jusqu’à la mort. A l autopsie, hypertrophie notable de la rate qui, en général, pèse 1 gramme chez une souris de 20 grammes. Rats. — L évolution est la même que chez la souris, peut- être plus régulière. La mort est survenue au bout de 8 à 11 jours (moyenne 9 jours). Poids de la rate: 2 grammes à 2 gr. 50 pour un animal de 150 grammes (exceptionnellement, 4 grammes chez un rat de 167 grammes). Cobayes. — Suivant notre habitude, nous conservons le virus de Nha-Trang sur cobayes. Nous avons ainsi eu l’occasion d inlecter une vingtaine de cobayes; ils ont succombé en un temps variable de 21 à 97 jours (chiffre moyen : 50). Les chiffres les plus élevés sont ceux du quatrième passage; aux passages suivants, les chiffres se sont abaissés au-dessous de la moyenne. L’évolution est la même que pour le Nagana et le Surra : poussées de trypanosomes qui durent quelques jours et qui sont 1. Laveran et Mesnil, Trypanosomes et Trypanosomiases , p. 239. -298 ANNALES DE L INSTITUT PASTEUR séparées par des périodes où Texamen microscopique du sang est négatif. Le poids de la rate a varié de 0 gr. 60 à 2 grammes pour un poids moyen du cobaye de 300 grammes. Exceptionnellement, un cobaye de 420 grammes, qui est mort au bout de 37 jours, avait une rate du poids de 8 grammes. Lapin. — M. Vernet inocule à Suez le 20 mai 1905, un lapin, en prenant le virus sur un cobaye infecté à Nha-Trang. Le lapin est mort le 12 juin. L’examen microscopique du sang a été constamment négatif, sauf le 1er juin, où nous avons vu des trypanosomes très rares. Poids du lapin : 800 grammes; rate : 2 grammes. Chiens. — Nous avons infecté en tout 5 chiens, 2 avec du sang de cobaye, les 3 autres avec une dose assez forte (20 à 25 c. c.) de sang de caprin (v. infra ) dans le but de rechercher si ces animaux étaient eux-mêmes infectés. La durée de la maladie a été de 50 et 26 jours (infection sur cobaye), de 16, 39 et 10 1 jours (infection sur chèvre). Dans tous les cas, l’infection a été très prononcée; les trypanosomes, après une incubation variable, étaient présents dans le sang la plupart du temps, souvent en assez grand nombre. Chez les 3 chiens qui ont résisté plus de 20 jours, l’animal, au bout d’un certain temps, a montré de la faiblesse générale, de l’abattement, et une anémie plus ou moins intense. Ces symptômes ont été surtout accentués chez le chien qui est mort en 50 jours; chez lui, de plus, les yeux se sont pris successivement; la cornée s’est opacifiée et l’animal est devenu aveugle. A l’autopsie, en dehors de l’hypertrophie de la rate, on ne note guère que la présence d'un peu de sérosité rougeâtre dans la plèvre et dans le péricarde. Le poids de la rate est assez variable. Voici les chiffres : Durée de la malaiie. Poids du chien. Poids de lu rate. 50 jours 5 k. 500 170 grammes. 16 — 6 k. 100 67 — 26 — 15 k. 500 270 — 39 — 17 kilos 255 — 10 — 6 k. 500 51 — Dans ce cas, l’autopsie a prouvé que l’animal était atteint de néphrite interstitielle chronique qui a certainement hâté la mort. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANN AM 299 EXPÉRIENCES SUR LES CAPRINS Nous donnons ci-dessous les observations de 3 caprins ; les 2 premiers avaient l'immunité pour le Surra de Maurice, le 3e était un animal neuf. Observation 1 Un bouc qui est guéri d’une infection par le trypanosome de la Mbori et qui a acquis l’immunité pour cette maladie 1 , est inoculé le 14 juin 1903 avec du sang dilué d’un cobaye infecté de Surra de Maurice. Le 30 juin on inocule, sur le bouc. 1 chien et 2 souris. Le chien reçoit 20 c. c. de sang dans le péritoine, les souris reçoivent chacune 0 c. c., 50 de sang. Ces animaux ne s’infectent pas. Le chien a été suivi jusqu’au 23 sep- tembre 1903. Le 30 juillet 1905, le bouc va très bien, il pèse 38 kilogrammes ; il est inoculé sous la peau avec le Surra de Nha-Trang (sang dilué de cobaye). La température du bouc n’a pas été prise à la suite de cette inoculation. Un chien inoculé le 15 août avec 20 c. c. du sang du bouc (dans le péri- oine) est pris le 23 août et meurt de trypanosomiase le 1er septembre. Deux souris inoculées le 3 septembre avec 1/2 c. c. du sang du bouc chaque (péritoine) sont prises en 5 jours et meurent en 7 et 9 jours. L’examen histologique du sang du bouc fait le 2 septembre ne révèle pas l’existence de trypanosomes. Deux souris inoculées le 18 septembre ne s’infectent pas. Le bouc maigrit ; le 23 septembre, il pèse 38 kilogrammes et, le 5 octobre, 36k?, 500. Un chien inoculé le 28 septembre avec 20 c. c. du sang du bouc (péritoine) est pris le 6 octobre et meurt le 13 octobre, mais la mort paraît avoir été un peu hâtée par un essai de traitement. Le 14 octobre, le bouc a des mouvements convulsifs, il maigrit et s’af- faiblit. L’examen histologique du sang, fait le 15 octobre, est négatif. On inocule, le 15 octobre, un chien et un rat ; le chien reçoit 20 c.c. de sang dans le péritoine, le rat reçoit, également dans le péritoine. 1 c. c. 1/2 de sang. Le chien inoculé le 15 octobre a le 27 octobre des trypanosomes rares, il meurt de trypanosomiase le 23 novembre ; rate énorme pesant 255 grammes ; le poids du chien est de 17 kilogrammes. Le rat ne s’est pas infecté. Le bouc est trouvé mort le 18 octobre au soir; la mort a été rapide; le bouc vu quelques heures avant n’avait pas paru plus malade. Le bouc ne pèse plus que 30 kilogrammes. Il n’y a pas d’œdèmes, pas d’epanchements dans les séreuses. Les ganglions inguinaux sont un peu hypertrophiés. La rate ne pèse que 75 grammes. L’examen des viscères abdominaux et thoraciques ne révèle rien d'anormal. 1. La première partie de l'observation de ce bouc, a été publiée par l'un de nous. (A. Laverax.) De l’identité du Surra et de la Mbori. Acad, des Sciences, 26 décembre 1905. 300 ANNALLS DE L’INSTITUT PASTEUR L’examen des centres cérébro-spinaux n’a pas été fait. Rien d’anormal du côté des yeux. Observation II. Une chèvre neuve du poids de 28kg, 500 est inoculée le 17 avril 1905 (sous la peau de l'oreille) avec le trypanosome du Surra de Maurice. La chèvre a deux poussées fébriles, du 21 au 25 avril et du 30 avril au 9 mai. Le 25 avril l'examen histologique du sang révèle l’existence de trypanosomes très rares. De nouveaux examens faits les 28 avril, 16 et 30 mai sont négatifs. Le 10 mai la chèvre pèse 28 kilogrammes et, le 27 mai, 26 kilogrammes. Le 31 mai, 2 souris sont inoculées ; elles reçoivent chacune, dans le péritoine, 1/2 c. c. du sang de la chèvre. Les souris sont prises au bout de 5 jours et meurent en 8 et 9 jours. La chèvre qui a eu encore, du 14 au 19 mai, une petite poussée fébrile est apyrétique à partir du 20 mai. La température maxima observée au moment des poussées fébriles a été de 40°, 8. Le 1er juillet le poids est de 26 kilo- grammes, le 18 juillet de 28 kilogrammes et le 17 août de 31 kilogrammes. Après une courte période d’amaigrissement la chèvre engraisse donc. Le 16 juillet, 2 souris sont inoculées, chacune d’elles reçoit dans le péritoine 1/2 c. c. du sang de la chèvre. Les souris ne s’infectent pas. Le 2 août, un chien est inoculé, on injecte dans le péritoine 20 c. c. du sang de la chèvre. Le chien ne s’infecte pas. Le 2 septembre, la chèvre est réinoculée sous la peau de l’oreille avec le trypanosome du Surra de Maurice. Le 23 septembre, la chèvre pèse 36 kilogrammes et le 5 octobre, 37 kilo- grammes. Le 6 octobre, un chien est inoculé (péritoine) avec 20 c. c. du sang de la chèvre; le chien ne s’infecte pas (le chien a été suivi jusqu’au mois de février 1906). Le 6 novembre, la chèvre est inoculée sous la peau de l’oreille avec le trypanosome du Surra de Nha-Trang. Il n’y a pas de poussée fébrile; du 6 au 30 novembre la température ne dépasse pas 39», 3. L’examen histo- logique du sang fait le 17 octobre est négatif. Le 22 novembre, un chien reçoit dans le péritoine 20 c. c. du sang de la chèvre, ce chien s’infecte rapidement et meurt le 2 décembre de trypano- somiase. 3 décembre, La chèvre va bien, elle pèse 39 kilogrammes, elle a donc continué à augmenter de poids. Le 7 décembre, on inocule un chien qui reçoit 20 c. c. du sang de la chèvre, et 4 souris qui reçoivent chacune 1/4 de c. c. de sang. Ces animaux ne s'infectent pas. A la date du 15 février 1906 le chien se porte bien, l’examen de son sang a toujours été négatif. Le 26 janvier 1906, la chèvre est réinoculée avec le sang dilué d’un cobaye fortement infecté de Surra de Nha-Trang. La chèvre pèse 39 kg, 500. Le 9 février, le poids est le même, la chèvre se porte bien. 10 février. On inocule sur la chèvre un chien qui reçoit dans le péritoine 20 c. c. de sang, et 4 souris qui reçoivent chacune 1/4 de c. c. de sang. Ces animaux ne se sont pas infectes. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 301 16 février. La chèvre pèse 36kg, 500. Observation III. Le 17 novembre 1903, une chèvre neuve du poids de 35 kilogrammes est inoculée sous la peau de l'oreille avec le trypanosome du Surra de Nha-Trang (sang dilué d’un cobaye ayant des trypanosomes très nombreux). Du 20 novembre au 2 décembre la chèvre a une fièvre continue, la température se maintient à 40° ou au-dessus; les maxima sont 41° et 41 o, 4. L’examen his- tologique du sang, fait les 22, 24, 30 novembre et 3 décembre, est toujours négatif au point de vue de l’existence des trypanosomes. 30 novembre. La chèvre est malade, affaiblie, amaigrie; elle mange très peu, reste presque toujours couchée. On inocule 2 souris et 1 rat. Les souris reçoivent chacune 1/2 c. c. de sang dans le péritoine, le rat reçoit 2 c. c. Les souris meurent respectivement en 6 et 9 jours ; le rat meurt en 11 jours. Ces animaux ont tous des trypanosomes très nombreux dans le sang au moment de la mort. 5 décembre. La chèvre va mieux. Apyrexie. L’appétit est revenu, la faiblesse est moins grande. Poids : 30 kilogrammes. Du 15 au 19 décembre, légère poussée fébrile, 1a. température monte à 40°, 1 le 15 et le 16. L’examen histologique du sang, fait le 18 décembre, est négatif. La chèvre maigrit; le 21 décembre, le poids est de 27 kg, 500. 29 décembre. On inocule 1 chien et 4 souris, le chien et les souris s’infec- tent rapidement, les souris meurent en 6 jours, le chien est mort aussi en 6 jours, mais une bataille avec un autre chien a hâté la mort. Du 20 décembre au 23 janvier 4906, la température se maintient entre 39 et 39o,5. L’animal continue à maigrir; le 4 janvier, il pèse 26 kilo- grammes; le 18 janvier, 25 kg, 500; le 26 janvier, 22 kilogrammes Du 24 au 30 janvier, nouvelle poussée fébrile, la température s’élève le 26 janvier à 40°, 9. La chèvre est maigre, affaiblie; l’appétit est diminué. Pas d’œdèmes. Yeux normaux. L’examen histologique du sang, fait le 27 janvier, est négatif. Le 27 janvier, on inocule 4 souris qui reçoivent chacune dans le péritoine 1/4 de c. c. de sang. Les 4 souris s’infectent et meurent respectivement en 11, 12, 14 et 16 jours. 9 février. La chèvre est très malade. L’affaiblissement général augmente beaucoup. L’animal est couché sur le côté et ne peut plus se relever. La température s’abaisse à 38°, 4 le 9 février, à 38» le 10 et le 11. Pas d’œdèmes, yeux normaux. La chèvre, très amaigrie, ne pèse plus que 22 kilogrammes. La chèvre meurt le 11 février à 10 heures du matin. Autopsie faite aussitôt après la mort. Rien d’anormal du côté du cœur ni des poumons. Pas d’épanchement dans le péritoine. Ganglions mésentériques un peu augmentés de volume avec œdème péri- ganglionnaire. Des trypanosomes ont été cherchés vainement dans la sérosité de l’œdème et dans les frottis faits avec les ganglions. • La rate est petite, elle pèse 45 grammes. 30 2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les reins sont congestionnés. D’après les résultats des inoculations faites le 27 janvier à 4 souris, les trypanosomes étaient très rares dans le sang à ce moment et on pouvait espérer que l'infection était en voie de décroissance. La mort n’a pas tardé cependant à se produire. L’examen histologique du sang de la chèvre fait à diverses reprises n’a jamais révélé l’existence des trypanosomes. Comparaison avec le Serra. Si Ton se reporte aux faits ocnsignés par M. Vassal dans- son mémoire et à ceux qui sont exposés dans les pages qui pré- cèdent, on voit que, tant au point de vue de la morphologie du trypanosome, qu'à celui de l'évolution de la maladie naturelle des Equidés et de la maladie expérimentale des divers Mam- mifères, la trypanosomiase de Nha-Trang ne présente aucune différence essentielle avec le Surra. Comme lui, elle est vraisem- blablement propagée par les Tabanides.bien que les expériences de Vassal aient échoué. De plus, il convient de remarquer que, géographiquement, l’épizootie de l'Annam se rattache à celle de l'Inde par les zones endémiques du Laos, du Tonkin, du Aàinnan et de la Birmanie. C’est donc surtout au Surra qu'il fallait penser. Que peut-on conclure, à cet égard, de nos expériences qui ont porté sur les caprins? Les résultats présentent quelques discordances. Le bouc, vacciné contre le Surra, a succombé à l'inoculation du virus de Nha-Trang; la chèvre, également vaccinée contre le Surra, ne contracte qu'une infection légère, qui ne dure pas un mois, à la suite de son inoculation par le virus de Nha-Trang. Cette der- nière observation est en faveur de l’identité avec le Surra, alors que la première paraît plaider en sens inverse. Nous croyons qu'il s'agit en réalité d'un virus assez voisin de celui du Surra, d'une variété ou d'une race spéciale, et non d'une entité morbide distincte, comme Test par exemple le Nagana. Il convient de remarquer en effet que la chèvre, inoculée directement avec le virus de Nha-Trang, a succombé en moins de 3 mois à une maladie d'allure particulièrement sévère : fortes poussées fébriles; amaigrissement continu de T animal, qui a atteint des proportions considérables; grande faiblesse. Le virus en question est donc très pathogène pour les caprins ; et, par suite, il n'y a pas trop lieu de s’étonner de le voir infecter le TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE L’ANNAM 303 bouc guéri du Surra de Maurice : l'infection n'a d'ailleurs pas< été particulièrement intense, puisque, déjà après 50 jours, le sang n’était plus infectant pour les souris et rats. Nous pouvons apporter, en faveur de notre manière de voir, des faits d'un autre ordre. Nous avons essayé le sérum de la chèvre de l’observation II (ayant l’immunité à la fois pour le Surra de Maurice et la trypanosomiase de Nha-Trang) sur les trypanosomes de Maurice, de Nha-Trang et du Nagana. A la dose de 1/2 et de 1 c. c., en mélange avec le trypanosome, le sérum a protégé les souris contre le trypanosome du Surra de Maurice. Aux doses de 1/10 à 1 c. c., il a allongé de 24-48 heures l’incubation des souris inoculées avec le trypanosome de Nha- Trang, et il a retardé la mort de 8 jours, 6 jours et 3 jours, aux' doses respectives de 1/2, 1/4 et 1/10 c. c. Sur le trypanosome du Nagana, le même sérum s’est montré dépourvu de toute action. Réciproquement, le sérum d’une chèvre guérie de Nagana et qui, en mélange avec le trypanosome du Nagana, à la dose de 1/10 c. c., protégeait les souris, n’avait, même à la dose de 1 c. c., aucune action sur le virus de Nha-Trang. Ces faits corroborent les précédents et permettent de conclure que les affinités de la trypanosomiase étudiée par M. Vassal sont du coté du Surra. DES ENDOTOXINES SOLUBLES TYPHIQUE, PESTEUSE ET DYSENTÉRIQUE Par le I> BESREDKA (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff. ) L’année dernière nous avons décrit un procédé de prépara- tion des endotoxines typhique et pesteuse à l’état liquide; depuis nous y avons apporte certaines modifications. Le nouveau pro- cédé a l’ avantage de donner un rendement notablement supé- rieur, il ne nécessite aucun outillage spécial, il est rapide et s’applique, à peu de choses près, aux trois endotoxines à la fois : typhique, pesteuse et dysentérique. * Technique. — Des cultures sur gélose, jeunes (âgées de 16-18 heures pour le bac. typhique et celui de la dysenterie, âgées de 48 heures pour le bac. de la peste), sont délayées dans l’eau physiologique à 0,75 0/0, chauffées à 60° pendant 1 heure, puis desséchées dans le vide. Un poids déterminé (1 gramme) de microbes secs est mélangé avec du chlorure de sodium sec (0-r,30-0-r,45), puis trituré dans un mortier en agathe jusqu’à ce que bon obtienne une poudre impalpable; cette operation demande 1 heure environ. Sans se démunir du pilon, on verse dans le mortier, goutte à goutte, 1 à 2c. c. d’eau distillée. Celle-ci dissout rapidement le sel, et la pâte microbienne se trouve de ce fait imbibée d’une solution très concentrée de chlorure de sodium. Il s’ensuit une agglut mation de la majeure partie des microbes : lorsqu on transvase l’émulsion dans un tube à essai et que l’on rajoute ensuite de beau pour ramener la concentration à celle d’eau physiologique, on constate que, au lieu de former une émulsion homogène, les microbes tendent à s'entasser au fond du tube. Après avoir agité le mélange plusieurs fois, on le laisse se dépo- ser jusqu’au lendemain. La technique à suivre varie ensuite un peu, suivant que l’on ENDOTOXINES SOLUBLES 305 a affaire à des bac. typhiques ou bien à des bac. de la peste et de la dysenterie. Dans le premier cas, on porte le tube au bain-marie à 60-62° pendant 2 heures. Sortis de là, les bacilles sont fortement agglu- tinés, et il suffit de les laisser 10-12 heures au repos pourvoir se former, au-dessus du dépôt de microbes, une couche de liquide ne contenant plus de bacilles en suspension; ce liquide, à la fois transparent et fortement opalescent, renferme de l'endotoxine typhique en solution. Lorsqu'on opère sur des bacilles de la peste ou de la dysen- terie, il faut éviter d’achever l’agglutination par un chauffage prolongé au bain-marie, leurs endotoxines n’étant pas indiffé- rentes à la chaleur. Dans ce cas, la couche liquide, séparée du dépôt occupant le fond du tube, est centrifugée jusqu’à ce qu'elle ne contienne plus de bacilles en suspension: c’est dans ce liquide que Ton va trouver les endotoxines en question. * * * Endotoxine pesteuse. — Légèrement opalescent aussitôt après la préparation, ce liquide se clarifie assez vite à la glacière ; il devient limpide comme de l’eau, en laissant déposer un pré- cipité blanc, composé de débris amorphes de microbes. A la glacière, en tubes scellés et à l’abri de la lumière, l’endotoxine pesteuse se conserve très longtemps; même après des mois, on lui retrouve toutes les propriétés qu’elle avait le jour de sa préparation. Par contre, sous l’influence de la chaleur, elle change du tout au tout; ce changement est commandé par ce fait que l’endotoxine pesteuse est coagulée par la chaleur. Portée à 100° pendant une 1/2 heure, elle donne lieu à de gros flocons blancs, assez abondants, ayant l’aspect de l’albu- mine d’œuf cuit. La coagulation est déjà à peu près complète après 1 heure à 80° : le coagulum est pourtant moins volumi- neux dans ce cas qu’à 100°. A 70° (1 heure) l'endotoxine est très opaque; à 65° (1 heure) elle commence à se troubler un peu. Le pouvoir toxique, qui se met à baisser sensiblement avec l’apparition des premiers signes de la coagulation, disparaît entièrement lorsque celle-ci est avancée. 20 306 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Si l’on part de 0gr,40 de bacilles secs, de 0gr,15 NaCl et de 20 c. c. H2Q, on obtient, par le procédé indiqué plus haut, une endotoxine qui tue, en injection sous-cutanée, une souris de 15 grammes, à la dose de 1 /50-1/80 c. c., en moins de 24 heures. Avec une dose un peu plus forte (1/20-1/10 c. c.), on tue en 4-5 heures. Les injections intrapéritonéales sont encore plus sévères : la dose sûrement mortelle, en 10-12 heures, pour une souris de 17-18 grammes, est de 1/160 c. c. Le rat hlanc (50 grammes) succombe à la dose de 1/8 c. c. injecté* sous la peau, ou à 1/25 c. c. dans le péritoine. Cette endotoxine pesteuse si meurtrière pour la souris, à l’état normal, ne la tue plus, comme nous venons de le dire, dès qu elle subit un commencement de coagulation. Non seulement en la chauffant à 100°, on la dépouille de toute sa toxicité, mais déjà à 70° (1 heure) elle est tellement modifiée que l’on peut en injecter impunément à une souris 1 c. c., soit 50 à 80 doses mortelles, sous la peau, sans même la rendre malade. L’atténuation commence à 65°, mais à cette température elle est encore incomplète. Le chauffage à 70° et au-delà semble détruire l’endotoxine, car les souris injectées avec de l’endotoxine coagulée, n ac- quièrent de ce fait aucune sorte d’immunité. Non chauffée, l’endotoxine pesteuse, tout comme les corps de bacilles, peut donner l’immunité vis-à-vis du virus ; mais elle ne paraît pas, du moins dans les conditions où nous nous sommes placés, conférer l’immunité vis-à-vis de l’endotoxine elle-même; ainsi, dans nos expériences, les souris qui avaient reçu sous la peau, une première fois, une dose d’endotoxine inférieure à la dose mortelle, succombaient 8 jours après, à la dose mortelle, tout comme les témoins. Ilne paraît donc pas y avoir, au moins chez les souris, d’im- munité active vis-à-vis de l’endotoxine. Et pourtant l’endotoxine pesteuse se laisse très facilement neutraliser par le sérum de cheval immunisé par la voie vei- neuse, avec les cultures sur gélose. Ainsi, une souris qui reçoit, après une 1/2 heure de contact, un mélange de 0,25 c. c. de sérum anti-endotoxique et de 50 doses mortelles d’endotoxine, a la survie assurée ENDOTOXINES SOLUBLES .307 Ce fait prouve, entre autres, que, contrairement à l’opinion surtout répandue parmi les auteurs allemands, il est possible, avec un sérum approprié, de dépasser le chiffre fatidique de 4 doses mortelles d’endotoxine authentique, et il y a tout lieu d espérer qu à la suite d injections des cultures sur gélose dans les veines, on va pouvoir obtenir des sérums capables de neu- traliser avec la même facilite toutes les endotoxines : typhique, cholérique, dysentérique, pyocyanique, etc. * * * L endotoxine typhique. — Se présente sous forme d’un liquide fortement opalescent ; laissée à la glacière ou à la tem- pérature de laboratoire, elle fait souvent apparaître un nuage simulant des microbes en suspension. A l’examen microscopique, on voit une masse pulvérulente, prenant mal les couleurs et rappelant les précipités sériques. Après chauffage à 100°, l’endo- toxine redevient complètement transparente ; il en est de même après un chauffage prolongé (1-2 b.) à 60°. Faisons remarquer, en passant, que le séjour au bain-marie, loin d’atténuer sa toxicité, semble, au contraire, lui en redonner, ce qui est évidemment dû à la dissolution du nuage. L’endotoxine typhique se comporte donc vis-à-vis de la chaleur tout autrement que l’endotoxine pesteuse: tandis que cette dernière devient trouble déjà à partir de 65°, l’endotoxine typhique devient d autant plus transparente qu elle est soumise à une température plus elevee : après une demi-heure de séjour à 1 autoclave à 127°, elle atteint le maximum de limpidité. Elle est toxique pour le cheval, le lapin, le cobaye, le rat et la souris; très active en injections intrapéritonéale ou intra- veineuse, 1 endotoxine typhique l’est beaucoup moins en injection sous-cutanée. En partant de 1 gramme de bacilles secs, ()gr,30 NaCl et de 30 c. c. H20, on obtient un liquide dont la toxicité pour un cobaye de 230 grammes, varie, suivant les préparations, de 1/8 à 1/4 c. c. Avec 1 c. c. de ce même liquide, injecté dans le péritoine, on tue le cobaye en 3 heures. Le lapin de 1800 grammes meurt d’une dose de 1-1,3 c. c., injectée dans le péritoine ou dans les veines. Pour tuer un rat de 30 grammes, il faut 1 8 c. c. dans le 308 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR péritoine, c est-à-dire presque autant que pour un cobaye de 250 grammes. La souris, si sensible à l'action des autres endotoxines, supporte mieux l’endotoxine typhique, puisque la dose mortelle est d'environ 0.05 c. c. Contrairement à l’endotoxine pesteuse, celle qui est extraite de bacilles typhique, est thermostabile; on peut la chauffer pendant plus d’une heure à 100° ou à 120°, ou même pendant une demi-heure à 127°, sans lui enlever sa toxicité. L’endotoxine typhique n’est rendu inactive que par le sérum anti-endotoxique 1 . * * * L endotoxine dysentérique. — Préparée par le même pro- cédé (0^r,4 Shiga -j- 0,15 NaCl -f- 20 c. c. H2Ü) que les deux pré- cédentes, elle s’en distingue surtout par l’énergie de son action. Par son aspect extérieur, elle se rapproche de l’endotoxine typhique; comme cette dernière, elle est très opalescente en couche mince; en couche plus épaisse, elle est franchement trouble, et la centrifugation même prolongée ne parvient pas à la clarifier. Ce trouble n’est pas dû aux microbes; au micros- cope, on voit un semis très fin de points faisant penser à des détritus de microbes. Au point de vue de la résistance à la chaleur, l’endotoxine dysentérique occupe le milieu entre les deux précédentes : une demi-heure de chauffage à 75°-77° ne suffit pas pour la rendre inoffensive ; mais lorsqu’elle est chauffée 1 heure à 78,5°. ou bien à 80° pendant une demi-heure, on peut en injecter dans le péritoine de souris jusqu’à 400 doses mortelles sans la tuer. Non chauffée, cette endotoxine est très meurtrière pour le lapin, le rat et la souris; c’est la plus active de toutes les endo- toxines que nous ayons eues en main. Un lapin de 1,800 grammes succombe en 2-3 jours à l’injection intraveineuse de 1/80 c. c. Avec 1/20 c. c., on le tue en 24 heures. La mort est précédée de symptômes carac- téristiques, signalés lors de l’injection des cultures filtrées de bac. de la dysenterie en bouillon. Le rat blanc (50 grammes) succombe à l’injection intrapéritonéale de 1/200 c. c. en 4-5 jours; avec 1/80 c. c., on le tue en 2 jours. L Voir ces Annales, février 1906. ENDOTOXINES SOLUBLES 309 Mais l’animal de choix pour l’endotoxine dysentérique est, sans contredit, la souris blanche. Déjà très sensible aux injections sous-cutanées (1 640 c.c.), elle le devient notablement plus, lorsqu'il s’agit d’injections intrapéritonéales. Pour déter- miner la dose minima mortelle, nous avons dû descendre jusqu’à 0,0006 et même 0,0003 c. c La mort survient, en général, après 48 heures; quelquefois l’agonie est très longue; d'autres fois, au contraire, la mort est subite : il suffit parfois de prendre à la main une souris d'apparence encore vigoureuse, de la retourner sur le dos, pour la voir aussitôt prise de raideur généralisée et succomber quelques instants après. L'action de l’endotoxine peut être retardée, mais jamais annihilée par l’addition de sérum normal de cheval, même ajouté en quantité considérable. Par contre, avec du sérum antidysentérique (celui de MM. Yaillard et Dopter), employé à des doses plus faibles, on neutralise jusqu’à 150 doses mortelles “ . Voici une de ces expériences de neutralisation, choisie parmi beaucoup d’autres. Une souris n° 1 reçoit dans le péritoine 1/4 c. c. de mélange composé de : 1 c. c. d’endotoxine diluée d’eau physiologique au 1/20 + 2 c. c. de sérum normal. Une souris no 2 reçoit dans le péritoine 4 /4 c. c. de mélange composé de : 1/4 c. c. d’endotoxine diluée d’eau physiologique à moitié -+- 1/4 de sérum anti dysentérique dilué d’eau physiologique à moitié. En d’autres termes : La souris no 1 reçoit : 1/240 c. c. d’endotoxine (soit 10 doses mortelles) 4- 1/6 c. c. de sérum normal. La souris nc>2 reçoit : 1/16 c. c. d’endotoxine (soit 150 doses mortelles) + 1/16 c. c. de. sérum spécifique. La souris n« 1 est trouvée morte le 3e jour; la souris no 2 survit. * * *■ En résumé : Les trois endotoxines peuvent être obtenues, sous une forme très active, en triturant un mélange sec de bacilles et de sel marin puis en y ajoutant de l’eau. Toutes les trois sont toxiques, surtout en injection intra- péritonéale. 1. Nous taisons nos dilutions de façon à n’introduire jamais plus de 1/4 c. c- de liquide dans le péritoine de souris. 2. Nous devons faire remarquer que les chevaux, fournisseurs de sérum, de MM. Vaillard et Dopter, reçoivent entre autres, des bac. dysentériques vivants dans les veines, ce qui suffit, d’après nous, pour conférer à ce sérum des pro- priétés anti-endotoxiques. 310 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR A is-à-vis de la souris blanche, la moins toxique de toutes est celle extraite de bac. d’Eberth; elle tue, dans le péritoine, à la dose moyenne de 0,05 c. c. Vient ensuite l’endotoxine pesteuse qui tue à 0,006 c. c. L’endotoxine dysentérique, qui est la plus active des trois, tue à la dose 0,0006-0,0003 c. c. Les endotoxines en question, qui sont probablement identiques aux cultures filtrées des bacilles vivants en bouillon, dépassent, en toxicité, toutes les toxines décrites jusqu aujourd’hui. Toutes les trois sont neutralisées par les sérums correspon- dants, obtenus pai injection intraveineuse de microbes vivants. Chaque endotoxine a sa température de destruction propre : pour l'endotoxine pesteuse, elle est à 70°; elle est à 80° pour l’endotoxine dysentérique; elle est au delà de 127° pour l’en- dotoxine typhique. Ces points de destruction sont caractéris- tiques pour les endotoxines; ils peuvent aider à établir l’identité de celles-ci au même titre que les points d ébullition ou les points de fusion le font pour les substances chimiques. ★ * * Quel rôle ces endotoxines solubles sont-elles appelées à jouer? Le plus important serait celui de servir à la préparation d anti-endotoxines, si I on ne possédait pas, comme nous l’avons montré antérieurement, un moyen plus expéditif dans l’moculation des microbes vivants dans la circulation générale . Ces endotoxines peuvent cependant être utilisées, dans le but d immunisation; mais il faudra dans ce cas renoncer à la voie sous-cutanée, si favorable pourtant pour les toxines diphtérique ou tétanique. Ces substances dont, par définition, la nature endotoxique est indiscutable, peuvent être appelées à jouer le rôle d’endo- toxines-étalons : chaque fois qu’il s’agira d’établir l’identité d une nouvelle toxine, typhique, pesteuse ou dysentérique, on n’aura qu’à se reporter aux caractères des endotoxines- t talons, pour savoir si 1 on a affaire à une endotoxine ou à un autre genre de toxine. Enfin, un des services et non des moindres que sont appelées a rendre ces endotoxines, est de pouvoir servir, concurrement les vii us vivants, à doser les sérums anti-endotoxiques. SUR UNE SPIRILLOSE D’UN CHÉIEOFTËRE ( l/espertilio Kuhli) Par MM. C. NICOLLE et C. COMTE Directeur de l’Institut Pasteur de Tunis. Ghe£ de laboratoire. Avec la Planche XXIV. Les infections sanguines à spirilles actuellement connues sont en nombre restreint, 5 ou 6 tout au plus. Encore ne pos- sédons-nous de notions précises que sur quelques-unes : la ou les spirilloses humaines (fièvre récurrente, tick-fever), la spi rillose des oiseaux (oies, canards, poules) et celle des ruminants (bœuf, mouton). La présence de spirilles a ete signalée egale- ment dans le sang des chevaux de l’Afrique du Sud et de deux rongeurs de l’Inde (Mus decumanus et bandicoot ), mais les symptômes et l’évolution des maladies qu’ils causent sont encore inconnus. L’infection spirillaire nouvelle que nous décrivons aujour- d’hui a été rencontrée par nous chez un chéiroptère très com- mun en Tunisie : Vespertilio Kuhli. L’étude que nous en présentons est incomplète. La fragilité du virus et surtout l’extrême difficulté qu’offre la conservation de chauves-souris vivantes à l’état de captivité ne nous ont pas permis d aborder plusieurs points qu il eût été intéressant d établir. Le mode de transmission de la maladie spontanée, en particulier, nous échappe encore complètement. Des divers parasites cutanés que l’on rencontre à la surface du corps des chauves-souris, nous ne saurions dire lequel doit être incrimine. Il y aura là pour nous ou pour d autres une etude à reprendre dans 1 avenir. Nous avons observé pour la première lois cette intection chez une chauve-souris de 15 jours à 3 semaines, capturée le 15 juin 1905, à Tunis (bâtiments de la gare du Sud), et inoculée ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sans résultat les 16 et 24 juin avec le sang de deux Vespertilio adultes atteints de trypanosomiase U L examen du sang de ces deux animaux n’avait révélé la présence d aucun spirille. 11 est permis cependant de supposer que chez 1 une de ces chauves-souris, des spirilles sans doute peu nombreux existaient et qu’ils ont échappé à notre attention dirigée uniquement vers la recherche des trypanosomes. Le piemier cas examiné par nous serait donc vraisemblablement un cas d infection expérimentale et non de spirillose spontanée. Le 30 juin, le sang de la petite chauve-souris, examiné pour la première fois depuis la seconde inoculation, montre l’absence de trypanosomes déjà constatée lors des examens antérieurs; par contre, il est facile de reconnaître, sur les préparations non colorées, la présence de spirilles bien mobiles et en nombre assez restreint. Sur les préparations colorées, les spirilles sont encore plus facilement reconnaissables. Le lendemain, ces microbes sont plus nombreux; nous en comptons 3 à 4 par champ. Le même jour, désireux de conserver le virus, nous sacrifions 1 animal infecté pour pratiquer avec son sang (recueilli dans le cœur aussitôt après la mort) l’étude expé- rimentale de la maladie. L autopsie de la chauve-souris montre comme unique lésion une hypertrophie légère de la rate; les frottis pratiqués avec cet organe et avec la pulpe du foie permettent d’y déceler la pré- sence de spirilles moins nombreux que dans le sana périphé- rique. Nous avons un peu plus tard observé un second cas de spi- rillose, celui-là spontané, chez un individu de la même espèce, âgé de quelques semaines et capturé au même endroit. Cette chau\ e-souris est morte après 48 heures de captivité, probable- ment des suites d’un traumatisme exercé sur elle au moment de la capture. Les spirilles étaient rares dans le sang lors des deux examens que nous avons pratiqués à 24 heures d’inter- valle. Nous n avons pas fait usage de ce second virus pour nos expériences. Celles-ci ont été pratiquées avec le sang de la pre- mière chauve-souris que nous désignerons sous le nom de chauve-souris A. rHrm ü.ur^Uai^ em‘I0n Vespertilio Kuhh adultes capturés à Tunis présentent trvmnnsni vf/f J* a ’• ! noilJ^r® assez restreint, l'une ou l'autre des deux formes de ’’ Rentes par MM. Sergent, quelquefois même les deux. SPIRILLOSE D’UN CHÉIROPTÈRE 31 a ÉTUDE DE L INFECTION SPIRILLAIRE EXPÉRIMENTALE DE Vespertilio Kuhli. Nous avons pu facilement réaliser l'infection expérimentale de la chauve-souris avec notre virus. Il nous a même été pos- sible de pratiquer sur cet animal 4 passages (ou plutôt 5, puisque la spirillose de la chauve-souris A était très probablement d’ori- gine expérimentale). Nous ne donnerons que l’observation des chauves-souris ino- culées et restées vivantes pendant au moins une dizaine de jours ; leur nombre est minime à côté de celui des chauves-souris qui sont mortes avant qu’aucune constatation intéressante ait pu être pratiquée sur elles. PREMIER PASSAGE Deux chauves-souris de 20 à 25 jours ont été inoculées dans la cavité péritonéale le 1er juillet, avec une goutte de sang car- diaque recueilli aussitôt après la mort sur la chauve-souris A. Ce sang contenait, avons-nous dit, 3 ou 4 spirilles par champ. Chauve-souris 1. — Les spirilles sont apparus dans le sang périphérique après 48 heures; on en compte alors un par champ. Le lendemain, leur nombre s’est sensiblement accru. Le 6 juillet (5e jour), il y en a environ 50 par champ; souvent les spirilles se réunissent en amas de 3, 4 individus, les formes de division sont fréquentes. L’aspect de la préparation rappelle celui que présente le sang des malades atteints de fièvre récurrente la veille ou l’avant-veille de la crise. Le 8 juillet (7e jour), l’état général de l'animal est mauvais; son sang a pris l’aspect d’un liquide rose et transparent, les spirilles y sont en nombre moindre que lors du précédent examen. Le soir même, l’animal meurt. A l’autopsie, sang cardiaque très pâle (4 à 5 spirilles par champ) ; spirilles rares dans la rate. En résumé : spirillose à marche aigue , mortelle. Le sang de cette chauve-souris recueilli avant la mort a été inoculé aux chauves-souris 3, 4, 5: une goutte prélevée aussitôt après la mort aux chauve- souris 6 et 7. Tous ces animaux ont contracté la spirillose (voir plus bas leurs observations). Chauve-souris 2. — Jusqu’à la 48e heure, examen du sang négatif. Le 3^ jour, un spirille par champ. Le 4e jour, spirilles encore rares; le 6e jour, 4 à 5 par champ ; 7e jour, même résultat ; 8« jour, spirilles très nombreux (40 par champ) ; 9e jour, même résultat ; dOe jour, plus rares; d ie jour, un seul dans une préparation; 12e jour, spirilles rares; 13e jour, nombreux; 15e jour, deux spirilles en moyenne par champ; 19e, 20f et 25e jour, absence de spirilles. L’animal meurt deux jours plus tard. Rien de spécial à l’au- topsie. 314 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR En résumé : infection spirillaire aiguë, crise au 8 * jour de la maladie (10e de l’inoculation), seconde infection d'une durée de 5 jours environ , guérison. Ont été inoculées avec le sang de cette chauve-souris, prélevé à diverses périodes de la maladie, les chauve-souris 8, 9 et 10 ; toutes trois ont con- tracté la spirillose. DEUXIÈME PASSAGE Chauve-souris 3 (adulte). — Inoculée dans le péritoine avec e sang de la chauve-souris 1. Ce sang contient 4 à 5 spirilles par champ. Examens du sang les 3e et 4e jour, négatifs; le 5e jour, 3 à 4 spirilles par 'champ ; le 10e jour, spirilles très abondants; le 13e jour, spirilles abondants; le 17e jour, spirilles plus rares. La chauve-souris meurt ce jour même. En résumé : infection spirillaire aiguë, crise. Chauve-souris 4 (âgée d’un mois, inoculée le même jour, dans le péri- toine, avec le même virus. Examen du sang le 3e jour, négatif; le 4e jour, 1 spirille par champ ; le 5e jour, spirilles encore rares; le 40e jour, spirilles abondants (on inocule avec son sang recueilli ce jour la chauve-souris 41). L’animal meurt le len- demain. En résumé : infection spirillaire aiguë , peut être mortelle, la mort étant survenue au moment où les spirilles étaient les plus nombreux dans le sang. Chauve-souris 5 (âgée d’un mois), inoculée dans les mêmes conditions. Afin de conserver cet animal plus longtemps vivant que les autres, le traumatisme occasionné par la prise du sang pouvant être cause de la mort, on évite de pratiquer sur lui des examens avant le 43e jour. Ce jour, 1 spirille par champ ; 2 jours après ; spirilles très nombreux et mort de l’animal. Par comparaison avec les observations des autres chauves-souris inoculées, il est probable que cet animal est mort au cours d’une rechute. Chauve-souris 6 (âgée d’un mois), inoculée dans le péritoine avec une goutte de sang cardiaque recueilli à l’autopsie de la chauve-souris 4. Examen du sang après 48 heures, néant; le 8e jour, spirilles rares; le 14e jour, néant ; le 48e jour, rares ; morte le lendemain. Probablement infection aiguë, crise et rechute. Chauve-souris 7 (âgée d’un mois), inoculée dans des conditions iden- tiques. Examen du sang après 48 heures, néant: le 8e jour, spirilles rares; le 44e jour, 6 à 7 par champ: morte 2 jours après. Infection aiguë, peut-être mortelle. Chauve-souris 8 (âgée d’un mois), reçoit dans le péritoine une goutte de sang, prélevée sur la chauve-souris 2, au 5e jour après son inoculation <4 à 5 spirilles par champ). Examen du sang: les 4er, 2e, 3e, 4e jours, néant; le 40e jour, spirilles rares; mort le 43e jour. Infection aiguë. Chauve-souris 9 (un mois), inoculée dans le péritoine avec une goutte SPIRILLOSE D'UN CHÉIROPTÈRE 315 de sang prélevée sur la chauve-souris 2, au Ie jour après son inoculation. (4 à 5 spirilles par champ). Examen dusang, les 1er. 2e, 3e jours, néant ; le 5e jour, spirilles rares ; le 8e jour, nombreux : le 10e jour, pas de spirilles ; le même jour, mort. Infec- tion aiguë , crise. Chauve-souris 10 (1 mois), inoculée dans le péritoine avec une goutte de sang, prélevée sur la chauve-souris 2. au 10e jour de son inoculation et pendant la crise (spirilles rares). Examen du sang les 5e et 10e jours, spirilles rares aces deux dates; les 16e, 17e, 20e, 24e et 26e jours, le sang examiné ne présente pas de spirilles. En résumé : Infection aiguë , crise, guérison sans rechute. Cette chauve-souris soumise ultérieurement à une nouvelle inoculation de virus a résisté (voir plus bas). TROISIÈME PASSAGE Chauve-souris 11 (adulte), reçoit dans le péritoine une goutte de sang, prélevée sur la chauve-souris 4, au 10e jour de son inoculation (spirilles nombreux). Examen du sang au 10e jour, spirilles abondants ; le 12e jour, rares ; le 13e jour, absents : le 15e jour, spirilles nombreux; le même jour l’animal meurt. En résumé : infection aiguë , crise , rechute, celle-ci peut-être mortelle. QUATRIÈME PASSAGE Chauve-souris 12 (âgée d’un mois et demi), inoculée dans le péritoine avec une goutte de sang prélevée sur la chauve-souris 1 1 au 12e jour de son inoculation (spirilles rares). Examen du sang : au 5e jour, néant: le 7e jour, quelques spirilles; l’ani- mal meurt le lendemain. En même temps que la chauve-souris 12, deux autres chauves-souris jeunes avaient été inoculées de même façon, toutes deux sont mortes au 4e jour de l’inoculation sans avoir présenté de spirilles dans le sang; il en a été de même d’une chauve-souris inoculée avec le sang de la chauve-souris 12, recueilli après la mort. Par suite de ces circonstances, le virus s’est trouvé perdu et nos expériences ont pris fin. IMMUNITÉ NATURELLK DE LA SOURIS BLANCHE ET L)U MACACIS SINENSIS VIS-A-VIS DU SPIRILLE DE LA CHAUVE-SOURIS La nécessité où nous nous sommes trouvés de ménager notre virus pour ne le perdre que le plus tard possible ne nous a pas permis de tenter l’inoculation de nombreux animaux d’espèces différentes. Nous nous sommes bornés à injecter quelques gouttes de sang à. 2 singes et à 2 souris blanches. Souris blanches. Le 1er juillet, les deux souris reçoivent chacune dans le péritoine une goutte de sang, prélevée aussitôt après la mort sur la chauve- souris A (spirilles nombreux). Leur sang, examiné les 2e, 4e, 6e, 8“ et 316 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 10e jours après l'inoculation, n’a montré aucun spirille. Ces deux animaux étaient encore vivants quatre mois après l’expérience. Macaques. Un bonnet chinois est inoculé dans le péritoine le même jour que les deux souris avec le même virus (spirilles nombreux). Cette inocu- lation n’a été suivie d’aucun symptôme, pas d’élévation de température, absence de spirilles dans le sang (examens répétés toutes les 48 heures du 2e au 16e jour). Un autre bonnet chinois, inoculé de même manière avec une goutte de sang prélevée sur la chauve-souris, du 3 au 10e jour de son infection (nom- breux spirilles), est demeuré également indemne; les examens du sang pratiqués jusqu’au 17e jour n’ont donné qu’un résultat négatif. Il eût été intéressant de rechercher la sensibilité des divers chéiroptères de Tunisie vis-à-vis des spirilles du Vespertilio. La perte de notre virus ne nous a pas permis de le faire. IMMUNITÉ DU VESPERTILIO CONSÉCUTIVE A UNE PREMIÈRE INFECTION Nous avons pu constater par une expérience unique, mais sullisante, qu’une première atteinte de spirillose confère au Ves- pertiho une immunité solide vis-à-vis d’une seconde inoculation du même virus. Cette constatation n’a pu être effectuée que grâce à la vitalité exceptionnelle d’un de nos animaux d’expé- rience que nous avons conservé vivant en captivité pendant une cinquantaine de (jours. Chauve-souris 10 (âgée d’un mois). Cette chauve-souris, dont l’observa- tion a été donnée en partie plus haut, avait reçu une première inoculation du virus de la chauve-souris 2 (sang prélevé pendant la crise et présentant de rares spirilles). Cette inoculation fut suivie d’une infection spirillaire constatée par deux examens du sang (5e, 10e jour). Le 16e jour, un nouvel examen montre la disparition des spirilles; même résultat les 17e. 20e. 24e et 26e jours. Ce dernier jour, la chauve-souris 10 reçoit dans le péritoine une goutte de sang, recueillie au moment de la mort sur la chauve-souris 12 (spirilles rares). Les examens du sang, pratiqués les 4e, 5e, 7e, 8e, 10e, lie et 13e jours après cette nouvelle inoculation, n’ont permis d’y déceler la présence d’au- cun spirille. Une objection peut être faite à cette expérience, l’absence de témoins. Nous en avions inoculé un, il est mort au 4e jour de l’inoculation, c’est- à-dire avant la date à laquelle se montrent les premiers spirilles, lorsque le virus est pauvre en microbes. (Voir les observations des chauves-souris 8, 9 et 12 inoculées dans ces conditions.) Dans toutes nos expériences, l’inoculation d’une trace de sang, si pauvre qu il fût en spirilles, a eu pour conséquence l’infection des chauves-souris inoculées. Pour ôter à notre dernière expérience la portée que nous lui don- nons, il faudrait admettre que pour la première fois le sang inoculé et con- tenant des spirilles n’aurait pas été virulent. SPIRILLOSE D’UN CHÉIROPTÈRE 317 Il est plus conforme aux faits de conclure qu’une première atteinte de spirillose avait donné l’immunité à cette chauve-souris. MORPHOLOGIE DU SPIRILLE DE LA CHAUVE-SOURIS Le spirille de Vespertilio Kuhli est identique, au point de vue morphologique, aux autres spirilles des infections san- guines antérieurement décrits. Sa longueur varie de 12 à 18 p., sa largeur ne dépasse pas 1/4 dep.. Les extrémités en sont très effilées. 11 se teinte bien par toutes les méthodes de coloration des hématozoaires (Laveran, Leishman, Giemsa, etc.) et plus simplement par la thionine phéniquée 1 . Son mode de multiplication, très facile à suivre sur les pré- parations. est la division transversale; les deux individus nés de cette division restent quelque temps bout à bout. Les mouve- ments sont de trois ordres : mouvements de déplacement, mou- vement de contraction du corps, mouvement vibratoire. On ne trouve aucune trace de l’existence d'une membrane ondulante et les plus forts grossissements ne montrent aucun détail de structure dans le corps du spirille. Il s’agit donc bien d’une bactérie et non d’un stade particulier d’un protozoaire (trypanosome ou autre). Les animaux inoculés avec notre virus n’ont d’ailleurs jamais présenté ultérieurement de trypano- somes dans le sang. CONCLUSIONS De nos expériences et de nos constatations, nous nous croyons autorisés à tirer les conclusions suivantes : 1° 11 existe chez le Vespertilio Kuhli une infection san- guine spontanée, dont l’agent pathogène est un spirille morpho- logiquement identique h ceux déjà décrits dans les spirilloses de l’homme, des ruminants, des oiseaux, etc.; 2° La spirillose de la chauve-souris peut être reproduite expérimentalement par l’inoculation intra-péritonéale de sang virulent de l'animal malade à un animal sain. Cette inoculation donne toujours un résultat positif, quelle que soit l’époque à laquelle le sang est recueilli, période d’état, de début, crise, rechute, pourvu que le sang contienne des spi- rilles. La virulence ne se perd pas et ne paraît pas non plus manifestement s’accroître par les passages. 1. Los hématies du Vespertilio Kuhli mesurent de 5 jj. 5 à 7 [a de diamètre ; en moyenne, 6 \i. 318 ANNALES 1)E L’INSTITUT PASTEUR 3° L'évolution de l’infection spontanée ne nous est pas connue ; 4° Dans l'infection expérimentale, l’apparition des spirilles dans le sang de l'animal inoculé se produit après une incuba- tion d’autant plus courte que le virus est plus riche en spirilles : 48 heures quand ceux-ci sont nombreux; 3, 4, 5 jours lors- qu'ils, sont rares ; 5° L’évolution de l’infection expérimentale est difficile à établir, en raison de la mortalité fatale et souvent précoce des chauve-souris conservées en captivité 1 . Lorsque ces animaux meurent au milieu de la période d’infection, il est presque impos- sible de déterminer si la mort a été le résultat de la maladie ou si elle n’est pas seulemenl la conséquence de la captivité. Il semble cependant que cette cause ne soit pas la seule à incriminer et que l’infection spirillaire puisse déterminer, par elle-même dans certains cas, la mortalité des chauves-souris ino- culées (les chauves-souris 1, 4, 11 sont mortes au moment où les spirilles étaient extrêmement nombreux dans le sang, et chez la chauve-souris 1, on notait un état très particulier de ce liquide). Une autre cause, à laquelle on peut attribuer la mort de certains de ces animaux, est la répétition des prises de sang, par suite du traumatisme que cette petite opération occasionne et des infections qui peuvent en être la conséquence. Si la mortalité nous paraît relever dans certains cas de l’in- fection spirillaire même, ces cas sont l’exception. En général, la spirillose de la chauve-souris se termine par la guérison. Celle-ci est précédée d’une crise véritable; en 1 ou 2 jours, le nombre des spirilles, qui s’est progressivement élevé jusqu’à un chiffre considérable, tombe à quelques unités (voir les observa- tions 2, 3, 3, 6, 9, 10, 11). La crise peut être suivie d’une guérison définitive (observa- tion 10); dans d’autres cas, on observe, après un intervalle très court (2 jours environ), pendant lequel les spirilles peuvent ne 1. La symptomologie nous échappe entièrement. Le plus souvent, les chauve- souris ne présentent aucun trouble apparent antérieur à ceux qui précèdent immédiatement la mort et qui paraissent relever de la captivité. Nous n’avons lait aucune observation thermique. La mort est annoncée dans tous les cas par la multiplication dans le sang d’un diplocoque normal qui y devient déplus en plus abondant; cette infection secondaire se rencontre aussi bien chez les chauves- souris non inoculées que chez celles qui ont subi une inoculation ou un trauma- tisme quelconque. SPIRILOSE D’UN CHÉIROPTÈRE 319 pas disparaître entièrement, une nouvelle infection sanguine de durée moindre que la première (observations 2, 5, 6. il). Cette rechute , qui paraît être de règle, n’est pas sans analogie avec celle que l’on rencontre si souvent dans la spirillose humaine; l’infection de la chauve-souris serait donc, elle aussi, une fièvre récurrente ; 6° Une première atteinte de la maladie expérimentale rend la chauve-souris réfractaire à une seconde inoculation du virus (observation 10). Il est intéressant de noter en terminant que. sur le petit nombre d’infections sanguines à spirilles actuellement connues, trois ont été rencontrées en Tunisie : la fièvre récurrente de l’homme, la spirillose aviaire et l'infection que nous venons de décrire. CONSERVATION DES CHAUVES-SOURIS EN CAPTIVITÉ Ce qui fait la difficulté des expériences sur les chauves-souris, c’est la mor- talité fatale et rapide de ces animaux en captivité. Les naturalistes qui signalent ce fait n’indiquent aucun moyen pour l’éviter. Nous croyons avoir été les premiers à réaliser des expériences d’une certaine durée sur un chéiroptère. Aussi, quoique aucun de nos animaux n'ait échappé finalement à la loi commune, croyons-nous utile de donner ici quelques brèves indica- tions sur la méthode que nous avons employée. Elle nous a permis de con- server un bon nombre de chauves-souris vivantes pendant une vingtaine de jours et quelques-unes pendant un temps plus long (40 et même 50 jours dans les cas les plus favorables). Deux causes amènent rapidement la mort de la chauve-souris conservée en captivité pendant la période non hivernale : l’inanition et le froid. L’ina- nition est le danger le plus grand. La chauve-souris ne s'alimente pas d’elle- même en captivité; elle se laisse littéralement mourir de faim. Pour conserver les chauves-souris vivantes, il faut donc les gaver. La chauve-souris adulte se prête mal au gavage; il est rare qu’elle accepte d’emblée la nourriture qu’on lui présente ; le plus souvent il faut la gaver de force. L’aliment qui tout d’abord semble le mieux lui convenir est la mouche. Une chauve-souris adulte, d’une espèce aussi petite que Vespertilio Kuhli , exige, pour arriver à satiété, une centaine de mouches par jour. Nous avons dû bientôt renoncer à ce mode d’alimentation qui immobilisait un employé de l’Institut Pasteur pour le gavage de quelques chauves-souris, et nous avons eu recours exclusivement au lait. La chauve-souris adulte accepte assez diffi- cilement cet aliment: il en est cependant qui le prennent d’emblée ; en ayant soin de choisir comme animaux d’expérience, ainsi que nous l’avons presque toujours fait, des chauves-souris de 15 à 20 jours, n’ayant pas quitté encore 320 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR leur mère, on obtient des résultats plus favorables1. Le lait est distribué à la pipette en 3 ou 4 séances par jour. Le froid, autre facteur de mort, est évité facilement en maintenant les chauves-souris dans une pièce où la température ne descend pas au-dessous de 25°. PRISE DE SANG CHEZ LA CHAUVE-SOURIS Le lieu d’élection pour le prélèvement du sang est une veine, relativement importante, qui se détache du membre postérieur et que l’on aperçoit facile- ment par transparence sur la membrane qui réunit ce membre à la queue de l’animal. Il suffit d'inciser ce vaisseau avec une pointe coupante pour obtenir 1 ou 2 gouttes de sang; plusieurs prélèvements peuvent être répétés au même point sans inconvénient. 1. Il est, d’autre part, indispensable pour les expériences sur la transmission de maladies infectieuses (spirillose, trypanosomiase, etc.) d’opérer exclusivement sur des animaux très jeunes, qui n’ont pu acquérir une immunité par suite d’une première atteinte de la maladie. 2, Les chauves-souris très jeunes sont extrêmement sensibles au refroidisse- ment de la nuit, même en été et dans les pays chauds. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire. Vol. XX. PL XXIV ( Mém. Nicolle et Comte Annales de l’Institut Pasteur. V. Roussel, lith. lmp .L .Lafontaine, Pari. ANNÉE MAI 1906 N° 5 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Contribution à l'étude de la dysenterie bacillaire ou épidémique. LE SÉRUM ANTIDYSEHTÉRIOUE Par MM. L. VA1LLARD, Médecin inspecteur de l’armée. ET CH. DOPTER Médecin-major de 2P classe Professeur agrégé du Val-de-Grâce Le terme dysenterie englobe des infections de nature diffé- rente que les recherches étiologiques ont permis de dissocier avec certitude. Deux formes principales, distinctes par leur cause et aussi leurs lésions, sont particulièrement bien connues aujourd hui. I, une est produite par un protozoaire, 1 ’Amœba dysenteriœ ou Entamœba histolytica de Schaudinn. Celte dysenterie dite amibienne,. est presque spéciale aux pays chauds et y donne lieu a 1 abcès du foie; nous ne la viserons pas ici L’autre, la dysenterie dite bacillaire , est due à un microbe particulier dont la spécificité n’est plus à établir. L’inoculation sous-cutanée de ce bacille au lapin, au chien, au porcelet déterminé une dysenterie typique et mortelle. Chez ces animaux’ comme chez 1 homme, l’infection se localise sur la muqueuse intestinale et les ganglions correspondants. La toxine propre à ce microbe produit les mêmes effets locaux et généraux que lé virus lui-même. Injectée sous la peau, elle manifeste une affinité élective pour la muqueuse de l’intestin, surtout celle du côlon et provoque dans ce tissu les lésions caractéristiques de la dysenterie bacillaire. Le poison exerce en outre sur le système 322 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nerveux une action constante qui se traduit par des paralysies et l’hypothermie terminales1. Cette dysenterie est commune à toute la zone d,es pays tempérés et paraît y régner seule, sauf peut-être à leur limite méridionale ; jusqu’ici on n’en connaît guère d’autre en France, dans le centre et le nord de 1 Europe. Mais elle se rencontre aussi dans les régions chaudes ou tropicales, concurremment avec la forme amibienne, et en certains points comme aux Indes anglaises », aux Philippines 3, semble même plus fréquente que cette dernière. Son domaine est donc presque universel. Jamais cette dysenterie ne détermine l’abcès du foie propre- ment dit. Affection essentiellement estivale, elle se manifeste par épidémies plus ou moins extensives, d’où le nom de dysen- terie épidémique qui lui. est aussi donné ; elle est facilement transmissible, parfois très contagieuse. Sa léthalité, variable suivant les temps et les lieux, est souvent grande. Au Japon, d après Shiga, la mortalité moyenne a été de 21.2 0 0 pour la période comprise de 1878 à 1900. A Moscou, elle oscille chez l’adulte de 12 à 17 0 0 (Rosentlial). En Westphalie rhénane, elle serait environ de 11 0 0 (Kruse). Depuis 1870, l’Allemagne a subi plusieurs épidémies massives dont le passage s’est traduit par 1,000 décès dans le Wurtem- berg au cours de l’année 1877, 8,000 deces environ dans le royaume de Prusse en 1873 et 6,000 en 1880 (Lüdke). La mor- talité dysentérique de la population civile en France n’est pas connue, mais il demeure notoire que les épidémies sont fre- quentes en diverses régions de notre pays, notamment dans l’Ouest, et s’y marquent souvent par une gravité excessive : pendant l’été de 1899, la mortalité en Bretagne a varié de 20 a 30 0/0 (Netter). Enfin l’histoire des guerres anciennes ou récentes a montré quel fléau constitue la dysenterie pour les armées et combien sont grandes les pertes quelle leur inflige. Aussi conçoit-on que, dès l’origine de nos connaissances sur la nature microbienne d’une maladie souvent si redoutable, les efforts se soient orientés vers la recherche d un traitement 1 . Vaillard et Dopter, La dys. épidémique, Ann. de V Inst. Pasteur, juillet 1903, 2. Léonard Rogers, Journal of tropical med ., février 1903. 3. Strong et Musgrave, Report of the etiol. of the dys. of Manila, Washing- ton, 1903. LE SERUM ANTIDYSENTÉRIQUE spécifique par le sérum des animaux i virus. 323 immunisés contre son 11 Sliiga 1 , le premier, dès 1898, commence à immuniser de grands animaux (chèvre, âne, cheval) au moyen des cultures mortes, puis vivantes du bacille qu’il avait décrit dans la dysenterie épidémique du Japon. Le sérum obtenu prévient et guérit l’infection expérimentale. Injecté 24 heures avant le virus, il préserve la souris et le cobaye contre une dose cinq fois mortelle introduite dans le péritoine. Intervenant de 5 à lo heures après 1 infection par la dose mortelle, ce sérum assure la survie des cobayes traités, tandis que les témoins meurent en 7 jours ; mais s’il est retardé jusqu’à la 20e heure, tous les animaux succombent. Nanti de ces résultats, Shiiya applique le sérum à l’homme. 298 dysentériques sont exclusi- vement traités par le sérum à la dose de 20 à 50 c. c. ; 31 suc- combent, soit 10,8 0/0. Or, 2,599 dysentériques soumis aux médications usuelles avaient donné 957 morts, soit 35,4 0/0. La mortalité était donc diminuée de plus des deux tiers . Shiga résume à peu près ainsi les effets du sérum : diminution immé- diate et rapidement progressive du nombre des selles et du sang qu’elles contiennent, apaisement brusque de tous les symptômes douloureux, cessation de la fièvre, amélioration de l'état général, rapidité de la guérison. Apres avon isole le bacille de la dysenterie allemande. Kruse 2 poursuit à son tour la recherche d’un sérum spécifique : « non pas, dit-il, un sérum antitoxique , car le bacille dysen- térique ne produit pas de toxine particulièrement active et 1 e\ olution clinique de la maladie ne donne guère 1 impression dune intoxication; mais un sérum uniquement bactéricide , capable d’empêcher la reproduction rapide du microbe et de juguler l’infection ». Il immunise divers animaux, mouton, chèvre, àne, cheval, au moyen de cultures vivantes et obtient ainsi, surtout chez les équidés, un sérum préventif et curatif contre l’infection expérimentale du cobaye. Kruse applique ci* 1. Suiga, Etudes sur Ja dys. épidémique au Japon, Deutsch. med. Woch , 1901. 2. Kruse, Die Blutserumtherapie bei der Dysent. Deutsch. med. Woch., 190H. 324 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sérum à la dysenterie de l’homme : cent cas traités donnent 8 décès, soit 8 0/0, tandis que la mortalité habituelle des épi- démies en Westphalie est de 10 à 110/0. L’écart est évidem- ment minime; aussi, pour mettre en relief la valeur du sérum, l’auteur s’attache-t-il à faire ressortir son action bienfaisante sur les symptômes douloureux, l’amendement rapide des trou- bles intestinaux et l’évolution en quelque sorte abortive delà ma- ladie. La sérothérapie, dit-il en concluant, possède une influence évidente, surtout dans les cas récents : la gravité de la maladie est atténuée, sa durée et sa convalescence sont diminuées, la mortalité devient plus faible. Ces résultats ne sont évidemment pas décisifs, mais Kruse injectait au début de faibles doses de sérum et n'a pas tardé à reconnaître que des doses plus élevées guérissaient mieux U Shiga et Kruse immunisaient les animaux par l’inoculation sous-cutanée de cultures. Leur sérum possédait certainement des propriétés hntimicrobiennes , mais son efficacité, si réelle qu’elle fût, restait encore insuffisante, car la dysenterie ne se réduit pas à l’infection intestinale ; elle est aussi une maladie d’intoxication. On sait, en effet, que la toxine extraite des corps microbiens détermine chez le lapin une maladie exactement semblable à celle que provoque le virus vivant ; celui-ci agit donc par l'intermédiaire du poison sécrété au foyer de la cul- ture et l’intoxication joue un rôle dans la pathogénie des lésions et des symptômes de la dysenterie. Dès lors ne ressort- il pas que, pour répondre aux indications d’un traitement rationnel, le sérum spécifique doit posséder aussi la propriété antitoxique ? L’obtention de cette propriété devenait un pro- grès nécessaire. Il avait paru établi que le bacille dysentérique ne produit pas de toxine soluble à la manière des bacilles diphtérique et tétanique, du moins ne se trouvait-elle pas dans les milieux liquides au moment où la culture du microbe s’achève. Ainsi on peut injecter au lapin 50 c. c. du filtrat sur porcelaine de cultures en bouillon peptone âgées de 5 jours, sans déterminer d’autre effet qu’un amaigrissement passager. Le seul poison connu était celui qu’abandonnent les microbes tués lorsqu’on 1. Kruse traita ultérieurement 80 malades dans sa clientèle privée avec une mortalité de 5 0/0. Cité par Lüdke in Cent. f. Bakt., 1905-1906. LE SÉRUM ANTIDYSENTÉRIQUE 325 les soumet à la macération, c'est-à-dire, suivant le terme usité, X endotoxine dysentérique, laquelle tue le lapin à des fractions de centimètre cube. Cependant Todd1, puis Rosentbal 2 constatèrent que, par la filtration des cultures prolongées pendant un mois en milieu très alcalin (Todd) ou trois semaines dans un bouillon Martin faiblement alcalin (Rosentbal), on obtenait une toxine dont Oc. c. 1 suflit à tuer un lapin adulte. L'un et l’autre ont pensé que ce poison représentait la toxine soluble excrétée par le bacille au cours de son développement. Un doute est permis à ce sujet. La végétation du microbe est rapide et courte dans le bouillon; elle se termine du 4e au 5e jour et, à ce moment, la toxine n’existe pas d’une manière appréciable. Si elle apparaît par la suite, en proportion d’autant plus marquée que l’attente se prolonge, c’est que, par le fait de la macération et de Xau- tolyse> les cellules microbiennes abandonnent au liquide le poi- son retenu à leur intérieur. XJ endotoxine a été simplement mise en liberté. Les deux poisons présentent d’ailleurs des propriétés absolument identiques. Quoi qu’il soit de cette question secondaire, on pouvait donc trouver dans les cultures prolongées une toxine très active. Todd l’injecte au cheval, à l’exclusion des cultures, et recueille un sérum nettement antitoxique ; il n’est pas fait mention de l’application de ce sérum à l’homme. Rosentbal3, à Moscou, procède de même chez le chien : le sérum de cet animal n’est pas seulement antitoxique, il préserve aussi contre la dose mortelle de virus vivant. Dès lors, Rosentbal immunise systé- matiquement des chevaux par l’inoculation de toxine et de bacilles vivants, suivant une technique que Gabritchewsky 4 a fait connaître, et prépare ainsi un sérum antimicrobien et anti- toxique dont l’emploi chez l’homme a été l’objet d’un compte rendu détaillé. Tous les dysentériques entrés à l’hôpitai Alt. Catharinen (Moscou), de juin à octobre 1903, furent, à l’exception de 10 trop légèrement atteints, soumis au traitement par le sérum ; Todd, Sur une antitoxine dysentérique., British med. Journal , 1903. 2. Rosenthal, La toxine dysent. obtenue par la voie ordinaire, Deutsch. med. Woch., 1904. 3. Rosentiial, Congrès des Sociétés savantes, Moscou, 1903. — Sur un nouveau sérum antidysentérique, Son emploi dans la dysent., Deutsch. med. Woch., 1904. 4. Gabritchewsky, Congrès des Sociétés savantes, Moscou, 1903. 326 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR la plupart présentaient plus de 30 selles par jour, ce que l’au- t.eur considère comme un indice de réelle gravité. La dose moyenne de sérum a été de 20 a 40 c. c., mais dans les cas graves elle s est élevée jusqu'à 140 c. c. ; on lui adjoignait par- fois la teinture de valériane et la caféine. 137 malades ainsi traités ont donné 7 décès, soit 4,3 0/0. Au même moment la mortalité dans les autres hôpitaux se cliifiiait par 10 ou 11,7 0/0, et d’après la statistique officielle de Moscou, la lethalité moyenne de la dysenterie chez l'adulte au cours des 10 années précédentes avait varié de 12,2 à 17,5 0/0. Les décès ont porté sur des malades injectés tardi- vement (fin de la première ou de la deuxième semaine); à 1 autopsie de ces sujets la muqueuse du gros intestin et d'une paitie de 1 iléon était le siège, d’une « infiltration diphtérique beneialisée )K ^es effets du sérum se sont montrés particuliè- rement frappants au début de la maladie. Presque toujoursMa dysenterie est alors jugulée en un ou deux jours : les éprei rites ( t les coliques s apaisent dans les 18 ou 20 heures qui suivent injection, le sang’ et le ténesme disparaissent en même temps qiu les selles diminuent rapidement de fréquence et la guéri- son est complète. En résumé, dit Rosenthal, le sérum abaisse a mortalité de plus de moitié, abrège d’un tiers la durée de la ma adie, piévient le passagr à l’état chronique et les rechutes. Le seium de Rosenthal a été souvent utilisé pendant la bueire russo-japonaise. Korentchewsky 1 résume ainsi ses observations sur 70 cas de dysenteries* traités à l’hôpital de îarbin. Dans les formes de gravité moyenne (30 selles par joui ), 20 c. c. suffisent pour faire disparaître les troubles intes- tinaux en 24 heures. Les cas graves (plusieurs selles par heure) exigent ^es (l°ses plus élevées, 40 à 60 c. c. ; chez les malades 6 cette catégorie, tous les symptômes sont amendés dès le en cmain de 1 injection, ou bien après 2 à 3 jours. Les formes extrêmement graves obéissent moins bien à l'action du sérum; poui etie utile, il faut injecter d’emblée 100 c. c. et, au besoin, repétei 1 injection. Le sérum apparaît à l’auteur comme un moyen tiès efficace, qui abrège notablement la durée de la 1. Korentchewsky, Contribution à l’étude de la dys. en Mandchourie, Roussky Vratch, novembre 1904. Analysé in Bullet. de t'Inst. Pasteur, février 190a. LE SÉRUM ANTIDYSENTÉLUQUÈ 327 maladie et fait disparaître les phénomènes douloureux à la manière des narcotiques. Barikin 1 a traité 59 dysentériques dans un train sanitaire de Mandchourie; un seul a succombé, encore s'agissait-il d’un malade presque mourant. L’etfet du sérum se traduisait, dès les premières 24 heures, par la chute critique du nombre des selles, la disparition du sang, des crampes et des douleurs ; parfois, écrit l'auteur, a l'amélioration obtenue approchait du merveilleux ». Les doses employées ont varié de 20 à 59 c. c. Nombre d autres médecins russes auraient employé le sérum avec autant de succès dans les hôpitaux de Mandchourie. Enfin, pour ne rien omettre des documents publiés à ce sujet. Lüdke 2 a traité 17 malades par le sérum de Kruse pen- dant U épidémie de Barmen. 11 s'agissait de dysenteries légères ou moyennes (de 7 à 30 selles par jour). Dans 12 cas la guéri- son fut rapide; dans les 5 autres, les résultats ont été modestes ou nuis. Mais l’auteur constate, après l'injection, une diminution immédiate de la fréquence des selles, la disparition des coliques, du ténesme et du sang; les glaires persistent pendant plusieurs jours et quelquefois des semaines. L’examen des graphiques produits donne l’impression que le sérum employé était peu actif. III Dès l’année 1903 nous avons poursuivi l'immunisation de plusieurs chevaux à l’Institut Pasteur et notre mémoire sur la Dysenterie épidémique, publié à cette époque, mentionnait déjà la valeur de leur sérum pour la prévention et le traitement de la dysenterie expérimentale du lapin. Depuis lors ce sérum a acquis plus d’activité et son application à l’homme a fourni des résultats qui méritent considération. Venant après les travaux résumés ci-dessus, l’exposé de nos recherches ne saurait pré- tendre à un intérêt de nouveauté; il n’a d'autre but que d'apporter une contribution à l’étude d’une question essentiellement pra- tique et toujours d’actualité. 1. Barikin, I)u traitement de la dyg. par le sérum spécifique, Roussky Vratch, 1905. 2. Ludkk, Recherches sur la dysent bacillaire, Cenlr. fur Bakt 1905 et 1906. 328 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Immunisai ion des chevaux. — Les chevaux sont immunises par 1 inoculation hebdomadaire de doses alternées et progressi- veinent croissantes de bacilles vivants et de toxine: au début les inoculations sont faites sous la peau, puis exclusivement dans les veines. Les cultures et la toxine ont toujours été fournies par un meme bacille dysentérique provenant du laboratoire de Kruse: ce microbe, très pathogène pour le lapin, conserve depuis long- temps un degré de virulence sensiblement égal et donne, en milieu approprie, une toxine très active. La toxine est obtenue Par filtration sur porcelaine d’une culture en bouillon Martin maintenue pendant 20 jours à la température de 37° : 0,25 c. c. de ce filtrat, introduit par voie veineuse, tue en 12 ou 16 heures un lapin de 2 kilogrammes. bm îaison de la grande sensibilité du cheval à l’action du bau'Ile dysentérique et de sa toxine, les premières inoculations doivent être faites à doses faibles, 1 c, c. tout au plus; encore determment-elles une vive réaction qui se traduit par un frisson violent, une élévation thermique pouvant dépasser 40° et des symptômes généraux accusés. Nous avons vu un cheval robuste succomber en 4 jours, avec une paraplégie complète, après 1 ’ino- « ulation sous-cutanée de 2 c. c. de culture en bouillon. La pro- gression des doses doit être lente et très ménagée, car l’accou- tumance n est, pour ainsi dire, jamais acquise et chaque inoculation nouvelle provoque une ascension de la température (39 ,5-49 -40°, 5) qui persiste pendant 24 ou 48 heures, s accom- pagnant d abattement, parfois même d’une parésie transitoire du ti ain postérieur. Il n’est point rare de voir survenir une période d amaigrissement progressif, avec inappétence, qui conduirait à des accidents plus sérieux si les inoculations n’étaient momen- tanément suspendues. Afin d’augmenter la quantité des bacilles injectes sans accroître celle du liquide qui les contient, il est avantageux de remplacer rapidement les cultures en bouillon par les cultures de 48 heures sur gélose. Cette émulsion de bacilles détermine facilement des abcès sous-cutanés, aussi doit- on recourir alors aux injections intraveineuses. L’intro- duction directe des corps microbiens dans la circulation géné- rale est d’ailleurs, ainsi que l’a montré Besredka *, le procédé 1. Uesredka, De 1 anti-endotoxine typhique et des anti-endotoxines en général. Ann. Inst. Pasteur, lévrier 1900. LE SÉRUM ANTIDYSENTÉRIQUE 329 d immunisation qui donne les sérums les plus actifs avec les microbes à endotoxine. Les accidents ne manquent pas au cours de cette vaccina- tion et, dès qu’elle est interrompue, l'activité du sérum ne tarde pas à fléchir d’une manière très accusée; aussi, en dehors des repos commandés par les incidents intercurrents, convient-il de ne pas suspendre pendant plus de 15 à 20 jours le régime régu- lier des inoculations. Propriétés du sérum. — Le sérum de ces chevaux possède des propriétés préventives et curatives qui se manifestent éga- lement bien contre le bacille dysentérique et sa toxine. Le lapin est l’animal de choix pour les vérifier : l’inoculation sous-cuta- née des cultures détermine chez lui, en 3, 4 ou 5 jours, une maladie mortelle dont les lésions reproduisent assez fidèlement celles de la dysenterie humaine; l’injection de la toxine peut, suivant la dose et la voie de pénétration, produire soit la mort en quelques heures, soit une maladie de courte durée (3 ou 4 jours), exactement semblable à celle que provoque le virus vivant. Le cobaye utilisé par Shiga et Kruse dans leurs essais se montre au contraire assez résistant à l’action du bacille injecté ailleurs que dans le péritoine et presque réfractaire à la toxine. a) Effets préventifs. — Des lapins du poids de lks,800 à 2k£,400 reçoivent sous la peau 0,5 c. c. à 0,25 c. c. de sérum spécifique; soit au même moment, soit plusieurs heures ou même 2 jours après, on leur inocule, en un point différent, dans le tissu sous-cutané, une dose de culture sûrement mortelle en 4 jours (4 c. c. d’une culture en bouillon de 24 heures). Tous ces animaux résistent tandis que les témoins meurent du troi- sième au quatrième jour. Les lapins qui ont reçu le sérum présentent, au point infecté, un œdème d’étendue variable et riche en polynucléaires conte- nant à leur intérieur une grande quantité de microbes. Chez les témoins, l’œdème est peu marqué, presque pauvre en leuco- cytes, et la phagocytose y fait à peu près complètement défaut. La comparaison des deux états indique le mécanisme de la pré- servation. Les résultats sont identiques avec la toxine, mais alors la dose de sérum doit être augmentée (1 c. c.). La toxine em- 330 ANNALES DE L’ilNSTITUT PASTEUlt ployée tue en 12 ou 16 heures un lapin cle 2 kilogrammes, lorsqu’elle est injectée dans le sang à la dose de 0,25 c. c. ; introduite sous la peau à la dose de 1 c. c., elle produit la mort en 3 ou 4 jours. Un mélange à parties égales de cette toxine et de sérum est absolument inolïensif, qu’on l’injecte sous la peau ou dans la circulation générale. Les lapins qui reçoivent d’abord du sérum, puis 24 heures après la dose mortelle de toxine, n’accusent aucun état mor- bide; les témoins meurent du troisième au quatrième jour. L’immunité conférée ainsi contre le virus ou la toxine per- siste pendant 8 a 10 jours; passé ce délai, elle s’elface rapide- ment. Il résulte donc nettement de ces faits que le .sérum spéci- fique est à la fois antimicrobien ou phagocytaire et antitoxique. b) Effets curatifs. — Intervenant 24 heures après infection par une quantité de virus sûrement mortelle en 4 jours (4 c. c. dune culture en bouillon de 24 heures), le sérum assure la guérison a la dose de 1 à 2 c. c. : tous les témoins meurent du 3e au h? jour; tous les lapins traités résistent après avoir présenté un léger état morbide. Si l application du sérum est retardée jusqu à la 48e heure qui suit 1 infection, la survie devient alors très aléatoire; cer- tains animaux guérissent, la plupart finissent par succomber. Mais on augmente la proportion des guérisons en injectant le sérum dans les veines : 2 fois sur 4 la survie est ainsi obtenue, Avec la toxine, la marge laissée à l’action curatrice du sérum devient moindre. La survie n’est pas certaine lorsque le sérum est injecté 24 heures après la dose mortelle : sur 10 animaux traités. 5 résistent, 5 succombent. Après 48 heures, tous les lapins meurent. Il n’en est pas moins remarquable de constater que, même 24 heures après l’introduction de la toxine sous la peau, le sérum est encore souvent capable de sauver les animaux. Par suite de sa rapide évolution, la dysenterie expérimen- tale du lapin ne laisse que des délais assez restreints au pouvoir curatif du sérum. Cependant, pour une maladie qui tue en 3 ou 4 jours, ce délai est encore de 24 heures après l’infection Lac i lia ire et peut aller parfois jusquà 48 heures. La dysenterie LE SÉRUM ANTIDYSENTÉRIQUE 331 de l’homme n’offre heureusement pas une allure aussi préci- pitée et, de ce fait, la limite d’action du sérum va se trouver singulièrement élargie, comme l’expérience le démontre. IV TRAITEMENT DE LA DYSENTERIE DE L HOMME Les résultats constatés chez l’animal et 1 innocuité certaine du sérum devaient naturellement conduire à son emploi chez l’homme. Toutes les" dysenteries observées n’ont pas été indistincte- ment soumises à ce traitement. 11 nous a paru inutile del appli- quer à ces formes légères qui guérissent rapidement par les médications usuelles et quelques soins hygiéniques. Seules ont été retenues pour cette épreuve les atteintes vraiment sérieuses, où l’intensité des troubles intestinaux dénotait une infection de réelle importance, grave- le plus souvent. 96 adultes ainsi choisis ont été traités par le sérum, a l’exclusion de tout autre moyen thérapeutique: un seul a succombé. Il n’y a rien à déduire de cet unique décès, car ce n’est pas sur un si petit nombre de faits que s’établirait l’intluence de la sérothérapie sur la mortalité dysentérique L. Mais la valeur curative du sérum ressort avec une entière évidence lorsque l’on considère ses effets sur l’évolution et les svmptômes de la maladie. Ces 96 cas étaient de gravité inégale. La mesure en a été fournie non par l’élévation thermique, car la dysenterie est peu ou point fébrile, mais par le nombre des selles quoti- diennes, la violence des symptômes douloureux et les signes d’intoxication. La fréquence des déjections muco-sanglantes est, en elfet, presque toujours en rapport avec la d illusion et l’intensité des lésions du gros intestin. Chaque exonération étant douloureuse par elle-même et suivie , 8 et même a 13 0/0; cette proportion est de beaucoup dépassée dans mainies épidémies delà population civile. 332 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nombre s élève a 80, 130, 200 et même plus en 24 heures, constitue un des tourments les plus cruels pour les malades et une cause certaine d épuisement nerveux. De même l’acuité et la répétition des coliques abdominales se proportionnent très généralement a l’étendue et à la gravité des altérations de la muqueuse: le retour de ces tranchées si douloureuses est par- lois à ce point subintrant qu’il ne laisse pour ainsi dire aucun répit au dysentérique. Enfin l’envahissement copieux de l’intes- tin par le bacille pathogène donne lieu à de 1 intoxication qui se traduit par les signes suivants : vomissements, hoquet, hypothermie, pâleur plombée de la face, faiblesse du pouls, anéantissement des forces, amaigrissement rapide, etc. Tous < es troubles réunis concourent à faire de la dysenterie une affection particulièrement impressionnante dans sa phase aiguë, et celle-ci, pour les cas traités par les moyens usuels, peut durer de 6 à 20 jours, parfois plus encore et aboutir aussi a une phase chronique. En tenant compte de ces éléments d’appréciation, les malades se répartissaient ainsi : * Nombre. Décès. Cas moyens : de 15 à 30 selles par jour 50 0 Cas sévères : de 30 à 80 selles par jour 18 0 Cas graves : de 80 à 150 selles par jour 24 0 Cas extrêmement graves : de 150 à 288 selles par jour. 4 1 Les cas choisis pour le traitement par le sérum représen- tent donc des dysenteries très accusées, sévères ou graves dans près de la ..moitié des faits, parfois même d’une telle gravité qu un pronostic fatal devait être porté. Le sérum était injecté sous la peau du flanc, à doses variant de 20 a 100 c. c., et plus ou moins réitérées suivant les indica- tions. Son action s’est montrée rapide et toujours identique : sauf dans les cas les plus graves dont il sera parlé, les symptômes douloureux s’apaisent ou disparaissent dans les 24 heures qui suivent l’injection; les selles diminuent considérablement de fréquence, cessent d’être sanglantes et ne tardent pas à perdre le caractère glaireux en même temps qu’elles deviennent rares: enfin 1 état général s améliore de la manière la plus heureuse. Le soulagement est si prompt et si accusé que les malades témoins, c’est-à-dire soumis à la thérapeutique usuelle, récla- 333 LE SÉRUM ANTID YSENTÉR [QUE ment cette médication qu’on ne leur applique pas et dont ils apprécient les bienfaits par F exemple du voisin. Le récit détaillé des observations cliniques serait superflu. Pour donner une idée exacte des effets du sérum, il suffira de produire les graphiques représentant la courbe des selles quoti- diennes, c’est-à-dire l’évolution même de la maladie; encore est-il inutile de les reproduire tous, car tous se ressemblent et par quelques-uns on peut jug-er des autres. Dysenteries moyennes. — Dans les cas moyens , qui sont aussi les plus communs, le nombre des selles au début du traitement a varié de 15 à 30. Lorsque le sérum est injecté dans les 5 premiers jours de F affection, une dose de 20 c. e. suffit habituellement pour déterminer la sédation immédiate de tous les symptômes et la guérison en 2 ou 3 jours. Fig'. 1 et 2. Fig. 1. — Dysenterie moyenne, Fig. 2. —Dysenterie moyenne, 4e jour; 20 c. c. sérum. 3e jour; 20 c. c. sérum. La détente n’est pas toujours aussi brusque ni aussi pro- fonde lorsque la dysenterie remonte à une date plus ancienne, 8 à 15 jours. L’amendement est sans doute immédiat et très sensible, le sang1 n’est plus exsudé, mais des coliques persistent encore et les selles, si diminué qu’en soit le nombre, gardent quelque fréquence (de 8 à 15 dans les 24 heures qui suivent). 334 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Alors il a semblé utile 4e recourir à une nouvelle injection de sérum le lendemain, parfois même le surlendemain. Dans ces conditions tous les troubles intestinaux s’effacent rapidement et la guérison s’établit en. 3, 4, 5 jours au plus. Fig. 3 et 4. JoUJ'S 13 ZO 21 U 23 U 25 26 27 26 U Z! 9.0 18 1 16 % IA •§ « S» i0 8 TV> | 6 é Z l ■N. TV» ■g _2>_ 1 JM ’ Ni § $ S U $ ■ ‘V. S 1 .C ) $ i _s_ 'O ai Ak •S JL c ... ^ .'O \ «0 J- \ N À / TV, 1 S V) ? ü_ 1 'NJ 1 1 ’AS *VJ 1 • Fig. 3. — Dysenterie moyenne, \ 0e jour ; Fig. 4. — Dysenterie moyenne, 19e jour : 2 injections do sérum. 3 injections de sérum. Dysenteries sévères et graves. — L’action du sérum apparaît plus saisissante encore dans les formes sévères ou graves. Le nombre des selles quotidiennes varie de 30 à 80 pour les cas sévères, de 80 à 150 pour les cas graves; et aux troubles intestinaux s’ajoutent le plus souvent des signes d’intoxica- tion (hypothermie, faiblesse du pouls, hoquet, vomissements, anéantissement des forces, pâleur plombée) qui imposent en général un pronostic peu favorable. Dans les cas traités de bonne heure, il a suffi parfois de 20 ou mieux de 30 c. c. de sérum pour enrayer aussitôt l’évolution de la maladie et conduire à la guérison en 3 ou 4 jours. Fig. 5, 6, 7. Le plus souvent cependant une seule injection ne coupe pas court à la maladie et il devient nécessaire ou prudent de la réitérer le lendemain. Fig. 8, 9, 10, 11,12, 13,14. Quelquefois aussi, en raison de la gravité initiale des cas et LE SÉRUM ANTIDYSENTÉRIQUE 335 de l’accentuation des symptômes toxiques, il était expédient de recourir à une troisième et même à une quatrième injection. ig. 5 - Dysenterie sé- vère, 3e jour; 30 c. c sérum. Fig. 6. — Dysenterie sé- vère, 4e jour; 30 c. c. sérum. Fig. 7. — Dysenterie sévère, 4e jour; 30 c. c. sérum. jusqu’à ce que le nombre des selles se réduisît presque à la normale; cette pratique nous a toujours servi et la guérison a pu s’établir rapidement. Fig1. 15 à 21. Ces faits, où Ton voit des dysenteries d’une gravité évidente subir une défervescence réellement critique de tous les symp- tômes et s’achever en 4 ou 5 jours, ne sont-ils pas une claire démonstration de l’efficacité du sérum ? 336 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Cas extrêmement graves. — Les faits qui suivent montre- ront de quelle ressource peut être le sérum dans les circons- tances les plus périlleuses. Fig. 8. — Dysenterie sé- Fig. 9. — Dysenterie grave, vère, 4e jour ; 2 injec- 4e jour; 2 injections de tions de sérum. sérum. Chez les quatre malades de ce groupe, le nombre des selles muco-sanglantes se chiffrait, au moment où le sérum est intervenu, de 20o à 288 par 24 heures. Les coliques, quasi continues, traduisaient par leur violence l’intensité et l’étendue des lésions intestinales. L’état général, l’hypothermie, l’anéan- tissement des forces se présentaient avec un caractère si mena- 337 . LE SÉRUM ANTIDYSENTÉRIQUE / cant qu’un pronostic fatal à bref délai s’imposait. Pour parer à de tels dangers, le sérum a été administré à doses massives et copieusement renouvelées. De ces 4 malades, 3 ont guéri assez rapidement au prix de nombreuses injections; un seul a sucçombé. Fig. 22 h 23, pages 343-345. Dans le cas terminé par la mort, l’amélioration consécu- tive aux premières injections permettait d’augurer une autre 338 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR issue ; la chute rapide et progressive du nombre des selles, la disparition des coliques et l’amendement de l’état général lais- Joill'S 1 Z 3 U 5 6 1 s 9 10 11 t 9 t iîO N $ t i 1Q A i ■IaU 0 -44/ 1 ; 110 100 90 8o CO 60 cd AJ- 50 CD $ MO £ 30 ZO 10 1 1 • 1 J I • !*> H' ; & £ « » £ A ** if » Ho S *TO 'N 1 T ■ N) 1 *S \ ^ “55- \T £ i Civ M' S •'S LU -*3“ ^ 1 £ * * V £ A \ «T $ $ $ NJ Cj g S i '•■s 1 i A •K> 1 .1 •■S 1 «H V* ..2L. i U à. Fig. 13. — Dysenterie grave, 5e jour: 2 injections de sérum. JÔLU'S 3 M 5 6 7 8 9 10 U UH) 130 1Z0 1 110 1 1 loo 90 86 Ü) 4! 1» CO 6o & AJ (b $0 js r<3 s M 30 ZO 10 1 1 1 s \ 1 ï t' T N t <0 T $ ?; ■ ty § "t A N <0l 1 3 * -S J tv" N "^3 CO ,v CO sÿ ) -y- i § A 1 \ ,Sf> \ tf- V Sm / / / ! \j t S K) 1 a . Fig. 14. — Dysenterie grave, 3e jour ; 2 injections de sérum. saient croire à l’arrêt probable du processus infectieux, d’où la diminution sensible du sérum au 8e et au 9e jour de la maladie. Mais une reprise s’est produite dont l’évolution n’a pu être 339 LE SÉRUM ANTIDYSENTÉRIQUE conjurée; se serait-elle manifestée si les doses massives de sérum avaient été plus longtemps maintenues? L efficacité du sérum se traduit donc par les faits suivants : 1 0 Action presque immédiate sur tous les symptômes locaux et généraux de la dysenterie. — D’une manière constante. Peu d heures après Linjection du sérum, les malades éprouvent un réel sentiment à’ euphorie : les douleurs abdominales, le ténesme et les épreintes s'apaisent déjà, puis, sauf pour les cas les plus graves, disparaissent presque toujours dans les 24 heures qui suivent. Parallèlement, les troubles intestinaux subissent une modification remarquable. Les déjections cessent d ctn sanglantes. Leur nombre, si élevé soit-il au début du traitement, fléchit d'une manière brusque, profonde, et, par une détente rapide que les courbes que nous donnons inscrivenl Jours 7 Ô 9 iO il 1k t3 U m 90 80 7o c* 60 & 50 À M) £ i i CO g - •O u A) -ÎW-- co * — ^ ï* g. . «l ï 4 w 1 A s 4 •1 $ < 1 ^ 3* 20 iO i JS -iO 1 g? j cS 4- % ? Q 4 J i V K $ i - c «6- £ 1 JSL. i * y * CS> £ K» 1 y. s* Fig. lo. — Dysenterie grave, 7e jour; o injections de sérum. 340 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR d'une manière saisissante, s’abaisse bientôt à quelques unités. Le plus souvent aussi, 48 heures après la première injection, les selles deviennent moins glaireuses, prennent le caractère fécaloïde et ne tardent pas à se réduire à une évacuation quoti- dienne d’apparence normale-. LE SÉRUM ANT1 DYSENTÉRIQUE 341 L'état général et les symptômes d’intoxication ne sont pas moins vite influencés. Le vomissement et le hoquet, s'ils existent, s'arrêtent rapidement; l’algidité centrale ou le refroidissement des extrémités, très communs dans les dysenteries sévères et graves, font place à une température normale en même temps que le pouls se relève ; la face perd son teint plombé et son Jours 3 4 5 6 7 8 9 IM 130 m lie 100 90 80 £ £ ^ 70 <0 60 ^ 50 «à ^ JH 30 U 10 1 , s .'S S. £ s N N N îs\ R . i < 1 i s ■8 'NJ N* A S « dit ~r •> \ Jo Çÿ 0 1 e y N -s ^ - S * 1 X 'O 3 / Af § 'S * 1 •vj 1 i i •*8 i JL 1 ‘ N) *! A Fig. 2U. — Dysenterie grave, 0e jour; 4 injcc- Fig. 19. — Dysenterie grave, tiens de sérum. 3e jour; 4 injections de sérum. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 342 aspect grippé ; à la faiblesse générale et à l’anéantissement des forces succède une sensation de bien-être que les malades opposent en termes saisissants à l’état antérieur ; l’appétit renaît et réclame aussitôt de la nourriture. La détente est plus lente à se produire dans les cas très graves; elle ne se manifeste guère qu’ après 48 heures, mais, une fois commencée, s'achève en quelques jours. 2° Rapidité de la guérison. — La guérison delà dysenterie Iraitée par les méthodes usuelles nécessite de 10 à 15 jours pour les cas moyens, de 20 à 30 jours ou plus encore pour les formes graves; la convalescence est, en outre, souvent longue Jours 1 Z 3 s 6 7 8 9 to // (Z 13 U -ts 16 17 1S 19 ZO Zî ne m i i i ilü i j_ 100 So 80 & * 60 * 50 JL $ ko § 30 Zo io y i l 1 I 1 1 \ 1 1 4 S y s S K' i * T ÎV 1 • i \ “0 i i i 4 « i 1 / $ y / § y / ■" .i ✓ Ê S & / h 1 > N» 1 1 K) 1 1 K/ i K* 1 .-J K» 1 00e- sérum d N» «! $ *! § 4 a Fig. 21 . — Dysenterie grave, 13e jour; 4 injections de sérum. LE SÉRUM AN Tf DYSENTÉRIQUE 343 et difficile. Or, chez tous les sujets soumis au sérum, la guérison est survenue dans un laps de temps qui n’excède guère 2 à 3 jours pour les cas moyens, 3 à 4 jours pour les cas sévères, et 4 à 6 jours dans les cas graves. Sur 4 malades considérés comme voués à une mort prochaine, 3 ont guéri après 8, 11 et 20 jours; le quatrième a succombé au treizième jour. La durée de l’affection se trouve donc très réduite. Dans maints cas pris au début la dysenterie est réellement jugulée. D’autre part, la convalescence est rendue plus courte et plus JOUTÔ 16 17 18 19 zo ZI £Z Z3 ZA 75 26 uo m çn.n 7P JLZCt 1ÎIO ZCUT yen vat ne irrr ici?, 'TXJZ- -xnf "zou _d£ JA 1 LUI Jûi zrs, yssi ’riZ* J 180 160 ' m ^ m «0 100 A ^ 8o g ^ 60 IfO zo i X és il V KJ « $ '-M NO - r?- y V Z' ■ M 1 * vo sr . ^ per 'O s J' V, _v^ SJ & è ' ^ <3 s '-a \ K > % \ ? V à — ^ r ü 'O â $ / 4 $ 1 $ s f * , 1 s; * l 1 1 a J S •J -J * 1 * a! * 1 -■a J $ 1 •*a ! a: Kig.2 i. — Dysenterie extrêmement grave, 6e jour; G injections cle sérum. Fig'. 23. — Dysenterie extrêmement grave, 15e jour; 8 injections de sérum, ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 344 facile. Dès que les troubles intestinaux ont pris fin, beaucoup de malades rentrent, pour ainsi dire, de plain-pied dans l’état normal et supportent impatiemment le régime prudent qu’on leur impose: chez la plupart des autres, le rétablissement défi- nitif est complet en 8 ou 10 jours. Dans les formes les plus graves, la convalescence peut se prolonger pendant plus d’un mois. Les rechutes sont rares. Nous en avons observé deux Jours X 3 u s 6 7 d 9 10 11 n 13 Ur U 16 17 18 19 ZO ZI zz m 26C m w m 180 160 m ^ m ^ 100 % -S » N* S ^ So 2/0 20 1 / 1 V ^ M K#| ni Ja.' N 4- $ Ç dN slî -H? y « J? 4^- x r -A-i St à- h i JL ’S k> if & « -i $ ” N) -Jü 1 4 4L Vj •v ü JS & i- —ar, - > ■y Kt ‘N) V h Vj «0 J2- SJ —N £ | 1 y X Jfi ' — — ’S 4V $ 4 $ ~ °r *N § “S -JS- ** *v 4 1 i § 4 M . Si f -4- 4 _s_ y ' K) K) ■ V) i d Va 'S $ -S- a1 N V S -S- i i- ■1 1 N ■a.. 1 ig Jo Aj N». f S -*C- -i .d A 4. i *s ? ' -4- ’ § \ & g 1 tx iJ : . * § fc -5* 4 l -8- T* ü — S- - VJ ! / 1 4 ^ * 'b o *1 X s i jj i ^ j, y «i VSI 4 % >4 v i üj ^ * J % i S. •3 i si ^ i ^ s si t .M Ni d I «L ïi d E*rv 24, — Dysenterie extrêmement grave, 3e jour; 16 injections de sérum. LE SERUM ANTIDYSENTÉRTQUE 345 exemples : l’un à la troisième semaine, l’autre au dixième jour après la dernière injection de sérum, c’est-à-dire au moment où l’action de celui-ci est épuisée. L’expérimentation montre, en effet, que chez le lapin la propriété préservatrice du sérum ne persiste guère au delà de 8 à 10 jours. Mais ces rechutes ont été immédiatement enrayées par une seule dose de sérum. Fig. 26. Plusieurs circonstances intentionnelles ou fortuites onl Fig. 2.j. — Dysenterie extrêmement grave, 4e jour; ttinjectionsdesérum. Mort. permis de comparer sur le même sujet la valeur des médications traditionnelles et celles du sérum spécifique. 11 s'agissait de dysentériques soumis depuis 6, 8 et 10 jours déjà au traitement par les purgatifs (calomel ou sulfate de soude), par les lavages intestinaux au permanganate dépotasse ou à l’eau chaude. La maladie n’était pas amen- dée; les coliques, le ténesme et les épreintes avaient per- sisté au même degré, les selles conservaient leur fréquence et leur caractère muco-san- glant. Le sérum est injecté et aussitôt le tableau change : détente brusque et guérison en 2 ou 3 jours. Le contraste a été frappant. On conçoit sans peine que le sérum agisse mieux et plus vite que tous les moyens médica menteux . Geux-c i n 'on I rien de spécifique; ils ne peu- vent atteindre le bacille dans l’épaisseur des tissus et n’exercent aucun effet sur ses sécrétions. Le sérum, au 346 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR contraire, immunise l'organisme contre l’agent pathogène et ses produits toxiques; par son action phagocytaire il arrête la pul- lulation du bacille dans 1 intestin et son antitoxine annihile le poison circulant. Les effets du sérum se manifesteront d’autant plus rapides et décisifs que 1 administration en sera plus rapprochée du début de la maladie, c est-à-dire lorsque la culture du bacille est restreinte a un segment limité du colon et l'intoxication encore nulle; 1 infection peut être alors immédiatement enrayée. De la, 1 indication d intervenir le plus rapidement possible après l’apparition des symptômes initiaux. Les faits établissent cepen- Jours 8 9 10 U 17L 13 \l lâ' Î6 17 18 19 ZO ZI n U £5 Z6 *7 Zl Z9 30 90 80 70 60 âti JL / ^ /fO -§ 30 P ds ZO S £ v lo 8 6 U Z 1 4- 1 h N ri t À- i" s — y s 1 ts — y>- N4 -4g- * *0 >■3 •s y js $ *K S5 — & i Ni y> A) J T S ‘Ni **v à KJ ir ■7*r Kl > g A- & -1- ■i Si S; 4* “5" ■«r § S — t N. â SSL «L 1 -£ï- vo _l| \ 3 i miWmm i i Vj S $ i Ki . 1 vi : *8 1 V 5 J 10 ? sérum 1 N* u 1 v, : 'N Fig. 26. — Dysenterie grave , 8e jour : 3 injections de sérum. Reprise de dysenterie, 2 injections de sérum. :ut LE SERUM ANTIDYSENTÉRIQUE dant que son efficacité n'est guère moindre aux périodes plus avancées de la maladie. C’est qu’il n’en est pas de la dysenterie comme des infections essentiellement toxiques (diphtérie, tétanos) ou rapidement septicémiques (peste), dans lesquelles d’étroites limites sont imposées à la sérothérapie. En matière de dysenterie, le champ laissé à l'action utile du sérum se montre assez large parce que l’infection demeure localisée au gros intestin ou à l'un de ses segments et que, d'autre part, l'intoxi- cation ne crée pas souvent des dangers immédiats. Nous avons vu des sujets, traités au 8e, 10e, 16e jour de leur affection, éprou- ver le soulagement habituel de tous les symptômes et guérir encore très rapidement. Les formes prolongées ou chroniques ne bénéficient pas moins de la sérothérapie si nous en jugeons par le fait, unique il est vrai, d’une dysenterie qui, après avoir résisté pendant 5 mois aux moyens médicamenteux, a été rapidement guérie par trois injections de sérum. Mode d'emploi du sérum. — Le sérum se donne en injec- tions sous-cutanées et les doses doivent varier avec la gravité des cas 1 . 20 c. c. dans les formes moyennes , 30 c. c. dans les formes sévères suffiront souvent, au début de la maladie, pour assurer la détente immédiate et une guérison rapide. Si après 24 heures écoulées les coliques persistent et si les selles, bien que très diminuées, restent encore fréquentes, la nécessité s’impose de renouveler l’injection. Quelquefois même une troisième injection en moindre quantité deviendra utile pour précipiter la guérison. Dans les dysenteries graves il faut in j ecter d’emblée 40 à 60c . c . et réitérer cette dose le lendemain ; si les troubles intestinaux ne sont pas alors suffisamment apaisés, l'emploi du sérum do il être continué à doses décroissantes jusqu’à ce que le nombre des selles s’abaisse à quelques unités. Dans les formes les plus graves , le traitement a débuté par des doses massives, 80, 90 et 100 c. c. répartis en deux injec- tions au cours de la journée: des succès particulièrement heu- reux justifient cette pratique et il serait peut-être imprudent de confier la guérison à des doses moindres. En raison de la vio- 1. Ainsi qu’il a été dit plus haut, nous ne l'avons pas appliqué aux formes légères de la maladie. 348 -ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR lence des accidents, les injections ont dû être maintenues à doses élevées, puis progressivement décroissantes pendant 6, 8 et même 17 jours consécutifs, nécessitant ainsi 240, 380 et même 1,080 c. c. de sérum. La guérison a pu être obtenue à ce prix dans un temps relativement court. Il est toujours pru- dent de ne point réduire trop brusquement la dose du sérum tant que le nombre des selles se maintient au-dessus de 20 ou 30 par 24 heures. Avec des sérums plus actifs, on pourra sans doute diminuer notablement les doses indiquées. Les accidents sériques ont été peu nombreux (13 cas) et sans importance; ils ne diffèrent en rien de ceux que l'on observe avec les autres sérums thérapeutiques (urticaire, érythème, arthralgies). La forme la plus commune (10 cas) consistait en un érythème de très courte durée (48 heures), se limitant au pour four de l’injection. Egale activité du sérum contre les différents types du bacille dysentérique. — Des différences biologiques d’ordre secondaire ont permis de distinguer, mais non de séparer radi- calement, deux types principaux de bac. dysentérique : le type Shiga-Kruse et le type Flexner. L un et l’autre peuvent donner lieu à des dysenteries cliniquement semblables et pareillement graves; l’un et l’autre peuvent se rencontrer au même lieu, dans la même épidémie, mais chez des groupes distincts1. Or, bien que les cultures du type Shiga-Kruse aient seules servi à 1 immunisation des chevaux, toutes les dysenteries, qu’elles fussent produites par le bacille de Shiga-Kruse ou celui de Flexner, ont été influencées d’une manière également favorable parle traitement spécifique2. Pour l’application de la sérothérapie, il n’y a donc pas lieu de se préoccuper du type bacillaire en cause; l'essentiel est de savoir que la dysenterie est de nature bacillaire. De V emploi du sérum dans certaines diarrhées de 1 enfance. — Toutes les infections dues au bacille dysentérique ne se traduisent point par les symptômes de la dysenterie aiguë 1. Dopter, La dys. bacillaire, Bulletin de V Institut Pasteur, janvier 1906. 2. L'un de nous a démontré par des recherches sur la sensibilisatrice que le sérum des dysentériques était également sensibilisateur pour les bacilles du type Shiga-Kruse ou Flexner, ce qui lève tous les doutes sur leur étroite parenté. (Doptér, A nnales de l' Institut Pasteur , 1905.) LE SÉRUM ANTIDYSENTÉRIQUE 349 (selles muco-sanglantes , ténesme, épreintes). Chez l’adulte, maintes diarrhées qui s'observent dans les milieux et aux périodes où règne la dysenterie épidémique ne sont que des formes légères et imparfaites de cette maladie. Les sujets qui en sont atteints peuvent, en effet, transmettre des dysenteries tvpiques; leur sang agglutine le bacille et contient la sensibili- satrice, en (in le bacille pathogène se trouve dans les selles. Les travaux publiés au cours de ces dernières années aux États-Unis, en Allemagne et en Angleterre ‘, ont établi que cer- taines diarrhées des nourrissons et des enfants, épidémiques ou sporadiques, surtout communes en été, sont également produites par un bacille dysentérique qui appartient tantôt au type Shiga- Kruse, tantôt au type Flexner. Ces diarrhées souvent graves, contagieuses, facilement expansives dans les services d enfants, sont justiciables de la sérothérapie. Escherich les traite avec succès par le sérum antidysentérique. En France, l’étude étiologique des diarrhées de l'enfance ne semble guère avoir été orientée dans ce sens ; il est cependant légitime de croire que les faits observés ailleurs doivent égale- ment s’y produire et, s’il en est ainsi, le traitement employé par Escherich leur sera avantageusement applicable. Le sérum antidysentérique pourrait donc constituer aussi une précieuse ressource dans certaines circonstances delà pathologie infantile. De remploi du sérum pour la prévention de la dysenterie . Le sérum qui guérit la dysenterie peut aussi en empêcher le développement. Kruse 2 l’a déjà utilisé dans les conditions où son emploi pro- phylactique semble le plus rationnel, c’est-à-dire pour prévenir 1 extension de la maladie dans les lamilles atteintes. Sui 10 sujets injectés, un seul a contracté la dysenterie trois jours après l'administration de 2 c. c. de sérum; 1 auteur reconnaît que cette dose a été insuffisante et conseille de la porter à b c. c. Pour Lüdke 3, l’application prophylactique du sérum ne serait guère indiquée en raison de la courte durée de I immunisation; 11 a vu, en effet, la dysenterie survenir 2 à 4 semaines après 1. Voir Bulletin de l'Institut Pasteur 1904, page ICI. 2. Kruse, loco cit. o. Ludke, Centr. f. Bakler, 1905-1906. 6 50 ANNALES DE L’ INSTITUT PASTEUR injection. Un tel lait n’a rien d’imprévu, car on sait depuis longtemps que la préservation conférée par les sérums est éminemment temporaire et n'excède pas 15 à 20 jours Chez les lapins traités préventivement par le sérum antidysentérique, i immunité s elface rapidement après 8 à 10 jours. Mais la seule question qui importe au point de vue pro- phylactique est de savoir si le sérum antidysentérique est en état de préserver efficacement pendant un laps de temps suffi- sant pour légitimer son emploi. De cela on ne saurait douter apres 1 expérimentation chez le lapin; le sérum qui protège animal pendant 8 a 10 jours protégera aussi bien l’homme pendant a même période s’il est injecté à dose convenable, et meme plus longtemps si la dose est renouvelée en temps opportun. r ür il est des circonstances nombreuses où son emploi sera non seulement utile, mais nécessaire. L’histoire de la dysen- lene rurale montre avec quelle facilité et quelle fréquence cette maladie se propage successivement aux occupants d’une maison ou elle a pénétré, surtout aux enfants. Des familles entières sont ainsi décimées, parfois tous les enfants succom- bent; les épidémies de Bretagne sont fertiles en incidents de ce genre. La gravité de la maladie chez les enfants elles sujets débiles justifie donc une mesure qui a si bien fait ses preuves poui la diphtérie, c est-à-dire l’injection préventive du sérum. ix c. e. nous semblent des doses suffisantes à une préser- vation minimale de 8 à 10 jours; la durée de l’immunité pourra ( ailleurs être prolongée par une nouvelle injection si les cir- constances 1 exigent. Ainsi seront facilement évitées ces épi- démies de maison si communes et parfois si meurtrières. Jn a songé, comme pour la fièvre typhoïde, le choléra et la j>e-ste, a produire une vaccination active par l’inoculation de bacilles dysentériques tués. Après de nombreuses recherches suc les animaux, Shiga ' appliqua à l’homme le procédé suivant : injection simultanée d ’immun-sérum et d’une demi-ose d’une culture de 24 heures (agar) tuée par la chaleur; 3 à 4 jours ïérnm n mjef10n d°S6 d°uble de culture> sans ',n, ' dns J® sar'8' des su.i8ts ams* inoculés, il constatait encoie apres 20 a 30 jours l’existence d’anticorps. De 1898 à 1. Shiga, Deutsch. rned. Woch 1903, page 127. LE SÉRUM ANTIDYSENTERIQUE 351 1900, Shiga a pratiqué cette vaccination sur 10,000 Japonais. Nombre d’entre eux contractèrent la dysenterie dans un délai assez court, mais une dysenterie bénigne, car leur mortalité tomba aux environs de zéro, tandis que celle des non-vaccinés variait de 30 à 40 0/0. L’influence de cette immunisation active a donc été minime sur la morbidité, mais très réelle sur la mortalité. A l’instar de ce qui se produit pour la fièvre typhoïde, la vaccination obtenue est de courte durée et ne persiste pas au delà de quelques semaines; aussi l’auteur conclut-il de ce premier essai que, dans la pratique, le sérum peut suffire à la prophylaxie de la dysenterie. Se fondant au contraire sur les résultats actuels de la vac- cination contre la fièvre typhoïde, Liidke estime que la même pratique devra être étendue à la dysenterie, non sans faire ressortir toutefois l’inconvénient des inoculations de cultures mortes ou vivantes, en raison de la réaction locale et générale qu’elles provoquent. Il entrevoit même la nécessité d’y recourir dans les circonstances où les mesures d’hygiène ne peuvent être réalisées (troupes en campagne), pour les médecins et les infirmiers en temps d’épidémie. La question mérite, en effet, d’être étudiée à ce point de vue, mais si une solution intervient, elle restera toujours d’une application restreinte et l’emploi du sérum suffira au surplus des indications prophylactiques. Conclusions . — Ne retenant que les faits personnellement observés, nous croyons pouvoir déduire des développements qui précèdent les conclusions suivantes : Le sérum des chevaux immunisés contre le bacille dysenté- rique possède des propriétés antimicrobiennes et antitoxiques qui se vérifient sur l’animal et trouvent une application ration- nelle en médecine humaine. Ce sérum, inoffensif pour l’homme, même à doses massives et répétées, constitue l’agent spécifique du traitement de la dysenterie bacillaire ; il est sans ellet sur les autres formes de dysenterie. Injecté à doses qui doivent varier avec la gravité des cas, il enraye à la fois l’infection et l’intoxication, produit la sédation presque immédiate de tous les troubles intestinaux et assure une guérison rapide. Ses effets sont d’autant plus prompts et décisifs qu'il inter- 3o2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR \ icnl plus près du début de la dysenterie; celle-ci peut être alors radicalement enrayée dans son évolution. Ce sérum s’est montré encore très efficace dans les dysen- teries aiguës traitées tardivement (16° jour); il soulage tou- jours les malades, met fin aux progrès de l’infection et, s’il en est temps encore, précipite la guérison. Les dysenteries à forme prolongée ou chronique restent justiciables de son action. * i Sans doute, comme tous les autres sérums thérapeutiques, le sci uni antidysentérique connaîtra les insuccès: il ne guérit pas toujours. Mais nous avons la certitude que son emploi épar- gnera bien des souffrances aux malades atteints de dysenterie et permettra 1 économie de quelques vies humaines. Encore faudra-t-il l’appliquer à bon escient, c’est-à-dire uniquement aux cas qui relevent de sa spécificité. Dans nos pays tempérés et en temps d’épidémie, aucune difficulté réelle n’existe à ce sujet, car la dysenterie bacillaire est la seule forme que l’on observe; elle y affecte une allure liés saisonnière, se limite habituellement aux mois chauds de l’année et se manifeste rarement à l’état aigu en dehors de ci'tto période. Le diagnostic clinique est d’ailleurs aisé et la séro-réaction pourra le confirmer dans les circonstances dou- teuses, comme celles que créent des incidents pathologiques d’ordre divers siégeant dans le colon ou le rectum». Mais dans les régions chaudes les dysenteries amibienne et bacillaire coexistent avec un degré de fréquence inégal; il sera dès lors indiqué d’établir la nature exacte de l’affection avant de recourir au sérum, puisque ce dernier n’exerce aucune action sur la maladie amibienne. La constatation des amibes pathogènes dans les déjections, le séro-diagnostic pour la disent! iic bacillaire et, si besoin en est, la recherche directe du bacille spécifique dans les selles au moyen de la culture permettront d’assurer le diagnostic. I. Ce serait perdre un temps précieux <|ue d'attendre pour chaque cas la con- tinuation bactériologique Su diagnostic avant de recourir au sérum ; mieux vaudra I mj celer inutilement que de ne pas l’employer au moment le plus opportun. * Lc bacille dysentérique est exclusivement agglutiné par le' sang des sujets atteints de dysenterie bacillaire; lapropriété agglutinante apparaften général dans le sang vers la fin du t'i septénaire de la maladie. et mécanisme de l’infection tuberculeuse Par MM. A. CALMETTE et G. GUÉRIN Directeur de l’Institut Pasteur de Lille Médecin-vétérinaire, Chef de laboratoire à 1 ' Institut Pasteur de Lille Deuxième Mémoire. Les expériences relatées dans notre précédent mémoire 1 ont montré que les chèvres adultes, auxquelles nous faisions ingérer à l’aide de la sonde œsophagienne, en quatre repas successifs, 0gl’, 20 d’une culture fraîche de bacilles tuberculeux d’origine bovine, finement triturée et diluée dans une petite quantité d’eau stérile, prennent sûrement la tuberculose, et qu’au lieu de manifester des lésions ganglionnaires mésenté- riques, telles qu’on les observe chez les animaux jeunes, on constate toujours l’apparition rapide de lésions tuberculeuses pulmonaires. L’hypothèse admise par Von Behring que la tuberculose de l’adulte résulte de l’évolution tardive d’une infection intestinale contractée dans le jeune âge se trouvait infirmée par ces faits. 11 nous a paru nécessaire de répéter, avec des bovidés adultes , les mêmes essais d'infection par le tube digestif, et de rechercher à partir de quel moment apparaissent les lésions pulmonaires après un seul repas infectant effectué dans des conditions nettement déterminées. , * , Nous avons pu nous assurer, à maintes reprises, que l’in- fection tuberculeuse par le tube digestif n’est que très excep- tionnellement réalisée lorsqu'on fait ingérer aux animaux, soit des amas de bacilles tels qu’ils sont fournis par les milieux do culture, soit des fragments d’organes tuberculeux. Les essais 1. Ces Annales, octobre 190ü, 23 3o4 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR négatifs relatés par plusieurs expérimentateurs sont incontes- tablement dus à ce mode opératoire défectueux. Nous avons pu. nous convaincre d'autre part que, chez les bovins, l ingestion spontanée d’un liquide infectant, pris dans un seau par exemple, constitue un mauvais moyen de contami- nation. La plus grande partie du liquide ainsi absorbé tombe dans le rumen, vaste réservoir inerte dans lequel les matières séjournent pendant un temps souvent fort long, et subissent les effets de sucs digestifs et de fermentations microbiennes dont le rôle paraît être défavorable à la conservation de la vita- lité des bacilles tuberculeux. Nous utilisons toujours, dans nos expériences, des bacilles bovins provenant de cultures récentes sur pommes de terre glycérinées. Ces bacilles sont très finement triturés au mortier d’agate, de manière à fournir une émulsion homogène qu’un repos prolongé ne parvient pas à éclaircir. Le liquide virulent est porté directement, à l’aide d’une sonde flexible, dans l’œsophage. Il est nécessaire que ce liquide s’écoule lentement par la lumière de la sonde. Nous avons fait construire, pour cet usage spécial, un vase cylindrique en cuivre étamé. stérilisable, d’une capacité totale de deux litres, divisé en deux compartiments distincts par une cloison médiane. Dans l’un des compartiments on verse l’émulsion virulente diluée dans un litre d’eau stérile; l’autre est rempli d’eau pure. A la partie inférieure de l’appa- reil se trouve un robinet à trois voies monté sur une tubulure facile à greffer sur le pavillon de la sonde. Le robinet à trois voies permet de faire passer dans la sonde d’abord le repas infectant, et ensuite l’eau pure qui est destinée à entraîner les traces de virus restées sur les parois intérieures de la sonde. Les deux compartiments se vident avec une lenteur suffisante, en une minute et demie. Nous attachons une grande importance à éviter que l’extré- mité de la sonde franchisse l’orifice du cardia et que le liquide virulent soit porté dans la masse alimentaire du rumen. Nous arrêtons la sonde a environ lu à 20 centimètres de cet orifice. En tenant compte de la taille des animaux, on arrive, avec un peu d’habitude, à satisfaire facilement à cette prescription . Lorsqu’on opère ainsi, le liquide, lentement déversé à la MÉCANISME DE L’INFECTION TUBERCULEUSE 355 partie inférieure de l’œsophage, échappe aux contractions péristaltiques de cet organe, suit en grande partie la gouttière œsophagienne, puis tombe directement dans le feuillet et de là dans la caillette. Cette technique opératoire est utilisée depuis fort longtemps dans la pratique vétérinaire pour l'administration, chez les bovins, des médicaments actifs sous un faible volume. On objectera peut-être que, si nous la jugeons nécessaire pour réaliser l'infection tuberculeuse expérimentale parle tube digestif, cette infection ne devrait jamais pouvoir s’effectuer spontanément. Or. les considérations que nous venons d’exposer permettent au contraire de mieux comprendre ce qui se passe : le petit bol salivaire qui, chez les bovins, succède aux lèclie- ments, évite le rumen et glisse par la gouttière œsophagienne jusqu’au troisième et au quatrième estomac. C'est presque sûre- ment de cette manière que s’accomplit le mécanisme de l’infection par cohabitation dans les étables. Les expériences que nous nous proposons de relater dans ce mémoire ont porté sur quatre vaches de race flamande, portant les nos 33, 34. 35 et 36, âgées de 3 ans-, 5 ans, 4 ans et 7 ans. Quinze jours après une injection négative de tuberculine ces animaux font, le même jour, un seul repas infectant consti- tué respectivement par 0gr,10, (Ur,25, (Ur,50 et I gramme de bacilles bovins préparés comme nous l’avons dit ci-dessus. Nous avons ainsi employé pour chaque animal une dose croissante de virus, afin de déterminer, entre les limites de ces doses, celles que nous devrons considérer comme sûrement infectantes. Pendant les vingt-neuf jours qui ont suivi, aucun trouble apparent n'a été constaté dans la santé de ces animaux. Leur température prise matin et soir s’est constamment maintenue normale. Le trentième jour, les quatre vaches reçoivent une injection de (Ur,4Ü de tuberculine. Elles réagissent toutes violemment de 2°, 4, I o,9, 2°, 3 et 2°. 3. Nous décidons d’abattre le lendemain la vache n° 36 qui a fait le repas infectant le plus copieux (t gramme de bacilles). 356 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les autres seront successivement abattues à des intervalles de 15 jours, suivant leur numérotage descendant. I. — Vache n o 36. Autopsiée immédiatement après l’abatage, en présence de M. Charlet, vétérinaire-inspecteur de l’abattoir de Lille. La masse intestinale est enlevée avec soin et placée sur une table. Les ganglions mésentériques, dégagés de leur enveloppe graisseuse, paraissent tous normaux. Incisés transversalement, aucun d’entre eux ne présente de lésions tuberculeuses visibles. L’intestin, le foie, la rate et les estomacs sont absolument sains. Il en est de même des ganglions sous-lombaires et des ganglions annexes des organes abdominaux. Les poumons ne portent aucun tubercule. Seul le ganglion bronchique gauche est volumineux, mais à la coupe on n’y trouve pas de tubercules apparents. Les ganglions trachéaux, rétro-pharyngiens et sous-glossiens • semblent indemnes. Des fragments de ganglions mésentériques, du ganglion bronchique gauche et d’un ganglion rétro-pharyngien sont recueillis séparément, avec des bistouris et des pinces stériles, et portés aussitôt au laboratoire. Six cobayes sont inoculés sous la peau de la cuisse droite avec une fine émulsion des ganglions mésentériques, six cobayes avec le ganglion bron- chique gauche et six cobayes avec le ganglion rétro-pharyngien. 30 jours après, les six cobayes inoculés avec les ganglions mésentériques portent chacun un abcès tuberculeux dans le pus duquel on trouve des bacilles en abondance. 45 jours après, quatre cobayes de la seconde série (ganglion bronchique gauche) et deux de la troisième (ganglion rétro-pharyngien) sont nettement tuberculeux. Les autres restent indemnes. L'examen microscopique direct des coupes de chacun de ces groupes ganglionnaires a été complètement négatif : les bacilles tuberculeux n’ont pu y être décelés après colo- ration. Voici donc une vache sûrement tuberculeuse, infectée par le tube digestif, ayant nettement réagi à la tuberculine le trentième jour après l’infection, et à l’autopsie de laquelle aucune lésion microscopique n’a pu être décelée. Sans l’ino- culation expérimentale des ganglions aux cobayes, les lésions de justification de la réaction à la tuberculine eussent passé inaperçues. Chez cet animal, les organes lymphoïdes, bien que d’appa- rence normale, retiennent encore les bacilles, mais l’exode de ceux-ci vers le filtre pulmonaire par le canal thoracique s’est déjà effectué puisque le ganglion bronchique gauche et les rétro- pharyngiens se montrent infectés. MÉCANISME DE LMNFECTION TUBERCULEUSE 357 II. — Vache 35. Abattue 45 jours après le repas infectant de 08r,50 de bacilles bovins, et autopsiée aussitôt en présence de MM. Chariot et Bernard, vétérinaires. Tous les ganglions de la cavité abdominale sont farcis, dans leur zone corticale, de granulations grises et plus volumineux qu’à l'état normal, mais ils ne renferment aucun tubercule constitué. Il en est de même des ganglions médiastinaux, des bronchiques et rétro-pharyngiens. Il n’y a pas de lésions tuberculeuses visibles dans les poumons. Le même jour on procède aux inoculations expérimentales suivantes : Série I. — Deux cobayes reçoivent sous la peau une émulsion de frag- ments prélevés à la surface du sommet du poumon droit. Série II. — Deux cobayes sont inoculés avec des fragments de la base du poumon gauche. Série III. — Quatre cobayes avec des fragments de rate. Série IV. — Deux cobayes avec le ganglion bronchique gauche. Série V. — Deux cobayes avec un ganglion du médiastin postérieur. Série VI. — Deux cobayes avec un ganglion rétro-pharyngien. Série VII. — Deux cobayes avec des fragments de ganglions mésen- tériques. 30 jours après, les cobayes des séries I et VII présentent des lésions tuberculeuses avec abcès locaux dont le pus renferme des bacilles. Les autres restent indemnes. L’examen des coupes des ganglions montre la couche corticale de ces organes bourrée de leucocytes polynucléaires, mais sans bacilles tuberculeux colorables. Cette vache a donc été abattue en pleine période de réaction défensive ganglionnaire, au moment où les ganglions se débarrassaient des bacilles qu’ils avaient retenus ; mais quelques-uns de ceux-ci, déversés dans la grande circulation lymphatique et charriés par le sang du cœur droit jusqu au poumon, y ont été retenus. Si nous avions attendu davantage, il est certain que nous eussions vu apparaître des lésions de tuberculose au sommet du poumon droit, puisque l’inoculation de Iragmentsde cet organe a rendu les cobayes tuberculeux. III. — Vache n o 34. Abattue 60 jours après le repas infectant de 0gr,25 de bacilles bovins, et autopsiée en présence de MM. Charlet et Bernard, vétérinaires. Les ganglions mésentériques sont mous et de volume normal. Quelques- uns seulement présentent dans leur couche corticale un petit nombre de granulations grises semblables à celles que nous signalions très abondantes flans la précédente autopsie. Les ganglions sous-lombaires, sus-hépatiques, médiastinaux et bron- chiques paraissent absolument sains. 358 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le ganglion rétro-pharyngien gauche est un peu gros, dur, bosselé et fibreux, mais il ne montre aucune lésion sur la coupe. Pas de tubercules pulmonaires visibles. Le même jour on procède aux inoculations suivantes : Série I. — Deux cobayes avec émulsion de ganglions médiastinaux postérieurs. Série II. — Deux cobayes avec émulsion de ganglions bronchiques gauches. Série III. — Deux cobayes avec émulsion de ganglions du rein gauche. Série IV. — Deux cobayes avec émulsion de ganglions rétro-pharyngiens gauches. Série V. — Deux cobayes avec émulsion de ganglions mésentériques (intestin grêle). Série VI. — Deux cobayes avec émulsion de ganglions mésentériques (côlon) . 30 jours après, les cobayes des séries IV. V et VI sont tous tuberculeux. Les autres sont restés bien portants. Cette vache était donc encore au stade d'infection gan- glionnaire comme celle que nous avions sacrifiée 30 jours après un repas de I gramme (n° 36). IV. — Vache no 33. Abattue 75 jours après l’unique repas infectant de 0or,10de bacilles bovins. Tuberculinée une seconde fois la veille de sa mort, elle a réagi de 2o,5. Autopsiée en présence de MM. Charlet et Bernard, vétérinaires. Les ganglions mésentériques sont un peu augmentés de volume et présentent sur la coupe beaucoup de granulations grises semblables à celles qui ont été signalées chez la vache no 35. On y voit, en outre, quelques rares tubercules constitués, encore très petits, qui, écrasés entre deux lames et colorés, renferment des bacilles. On retrouve quelques petites granulations jaunes, tuberculeuses, dans les ganglions du foie, de la rate, des reins, du médiastin postérieur, et dans les ganglions bronchiques. Par contre, il n’en existe pas dans les ganglions sous-lombaires, préscapulaires, trachéaux, rétro-pharyngiens, pharyngiens et sous-glossiens. L’examen des coupes de ces ganglions montre seulement, dans la zone corticale, des amas de leucocytes en train de constituer les granulations grises, mais pas de bacilles. Le foie, la rate et les reins sont indemnes, On trouve dans les deux poumons une vingtaine de tubercules de grosseurs diverses. Près de la moitié atteignent le volume d’un pois et sont déjà ramollis au centre, sans traces de calcification, l.es autres sont plus petits; quelques-uns sont encore translucides. Des fragments de ce tissu pulmonaire tuberculeux, inoculés à deux cobayes, produisent, quinze jours après, ( liez ces derniers, des abcès tuberculeux au pointd’inoculation. Quatre autres cobayes, inoculés avec des MÉCANISME DE L’INFECTION TUBERCULEUSE 359 fragments de ganglions rétro-pharyngien et préscapulaire, restent bien portants. Nous constatons donc que cette vache, qui n’a fait qu’un seul repas infectant avec 0gr,10 de bacilles, présente déjà, 75 jours après, un commencement de tuberculisation pulmo- naire. Chez elle la réaction ganglionnaire d'infection paraît avoir été plus intense que chez les animaux précédents qui avaient ingéré pourtant une plus grande quantité de bacilles. Ce fait s'explique aisément en raison de son plus jeune âge : elle n’avait que 3 ans, alors que les 3 autres étaient plus âgées. Il confirme ce que nous avons déjà précédemment démontré à propos de nos expériences sur les chèvres, à savoir que plus les animaux sont jeunes , plus la défense ganglionnaire est active et efficace vis-à-vis de V infection tuberculeuse . « * * Ainsi, sur quatre vaches adultes qui ont ingéré chacune un seul repas infectant avec des quantités croissantes de bacilles provenant de la même culture d’origine bovine, nous voyons que, déjà 29 jours après le repas infectant , toutes réagissent à la tuberculine. L’une d’elles, la plus âgée (7 ans), qui a fait le repas le plus copieux, est sacrifiée le 30e jour. Elle ne présente encore aucune lésion, ni ganglionnaire ni pulmonaire ; mais ses gan- glions mésentériques, bronchiques et rétro-pharyngiens ren- ferment cependant des bacilles dont l’inoculation au cobaye seule a révélé la présence. La seconde, âgée de 4 ans, sacrifiée le 45e jour, ne porte pas de lésions ganglionnaires ni pulmonaires visibles. Cependant, par l’inoculation au cobaye, on trouve que le sommet de son poumon droit renferme déjà des bacilles tuberculeux, et que presque tous ses groupes ganglionnaires s’en sont débarrassés, sauf le groupe mésentérique. La 3e, âgée de 5 ans, sacrifiée le 60e jour, est encore en pleine réaction défensive ganglionnaire; ses ganglions rétro- pharyngiens sont infectés, sans présenter cependant aucun tubercule. La 4e, âgée de 3 ans, sacrifiée le 75e jour, bien ingéré seulement 0gr,10 de bacilles, porte des lésions qu’ayant ganglion- 360 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR liai res nettement tuberculeuses et ses deux poumons sont déjà le siège de tubercules en voie de caséification. * * Les faits relatés dans notre précédent mémoire et ceux que nous venons d'exposer attestent avec évidence l'origine intes- tinale extrêmement fréquente, sinon exclusive, de la tubercu- lose pulmonaire. Dans une note à la société de Biologie (1er avril 1905), Vallée, d’Alfort, pensait déjà pouvoir conclure d’expériences très intéressantes réalisées par lui, que « la prédominance des lésions pulmonaires chez un sujet porteur d'altérations, même très discrètes, de 1 appareil digestif, n'autorise point à admettre que 1 infection n'a pas été contractée par les voies digestives ». Un peu plus tard le même savant affirmait, en meme temps que nous, au Congrès international de la tuber- culose 1 , que la pénétration des bacilles tuberculeux, au niveau d<* 1 intestin, peut s effectuer sans qu’il se produise de lésions appréciables de la muqueuse intestinale ou des ganglions mésentériques, et que, des divers modes d infection, l'ingestion est celui qui réalise le plus souvent et le plus vite la tubercu- lisation des ganglions annexes du poumon et celle du poumon lui- même. Si ] on veut bien se rappeler, d’autre part, l'insuccès du très grand nombre de tentatives qui ont été faites pour pioduire. chez les animaux, l’infection directe du poumon, soit en leur faisant inhaler des poussières tuberculeuses, soit en introduisant directement des cultures virulentes dans la trachée, on admettra avec nous que celles de ces tentatives — très rares d ailleurs qui ont réussi . s’expliquent aisément parce fait que les germes virulents, déposés dans les premières voies respiratoires ou expulsés des bronches avec les cellules à poussières, ont pu être charriés jusque dans le tube digestif d\ec un bol salivaire. La tuberculisation des poumons, consi- dei ée dans ces cas comme primitive , était en réalité secondaire , bien qu on ne relevât dans l'intestin ou dans ses annexes aucune trace du passage des bacilles. L exactitude de cette interprétation apparaît d autant plus 1. Ces Annales, octobre 190o MÉCANISME DE L’INFECTION TUBERCULEUSE 361 certaine qu'il est extrêmement difficile — peut-être impossible — de faire pénétrer directement, non seulement des microbes, mais des poussières quelconques jusque dans les alvéoles pulmonaires des animaux sains, alors même qu'on les obligea respirer dans une atmosphère saturée de ces poussières. Les expériences de Vansteenberghe et Grysez à propos de l'origine intestinale de Tanthracose pulmonaire 1 ne laissent aucun doute à ce sujet. 11 est évident, d’autre part, qu'en dehors de cas tout à fait exceptionnels de pénétration du bacille tuberculeux par la voie sanguine, l'infection naturelle s’effectue normalement par le système lymphatique. Or, à la surface de l’intestin grêle, les vaisseaux chylifères absorbent avec la plus grande facilité les particules graisseuses en même temps qu'un grand nombre de microbes. On sait que ces derniers se rencontrent en abondance dans la lymphe du canal thoracique et jusque dans le sang, pendant la digestion. Les ganglions mésentériques en retiennent le plus grand nombre et les cellules phagocytaires se chargent de les faire rapidement disparaître. Mais s’il s’agit de bacilles tuberculeux, dont fa résistance à l’action digestive des phagocytes est très considérable, les ganglions les retiennent beaucoup plus long- temps et deviennent le siège de lésions réactionnelles de défense qui se manifestent par la tuméfaction de ces glandes, par l’afflux, dans leur zone corticale filtrante, d’amas souvent énormes de leucocytes polynucléaires et de lymphocytes, et plus tard par la formation de granulations grises, puis de tubercules, lorsque la réaction défensive est vaincue. Fort heureusement, dans le plus grand nombre des cas, l’infection reste longtemps confinée dans la barrière ganglion- naire et les microbes sont peu à peu détruits. C’esl ce qui res- sort avec évidence des multiples observations de guérison des scrofules et des adénopathies mésentériques ou autres. Julius Bar tel prétend même qu'avant d’être complètement détruits, les bacilles enfermés longtemps dans les ganglions perdent peu à peu leur virulence2. Nous pensons en tout cas, d’après nos expériences sur les 1. Ce.s Annales, décembre 1905. 2. lî autel, Wiener Klin. Woch, 1904, n° 15; 1905, nos 34 cl 41. 362 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ( lièvres et sur les bovidés jeunes ou adultes (et aussi d’après un grand nombre d expériences sur les cobayes faites par l’un de nous en collaboration avec M. Breton), que la réaction gan- glionnaire défensive est beaucoup plus active et plus efficace dans le jeune âge que dans 1 âge adulte. L’explication que nous oui O mes. antilarv. incompl. x • — r Est-Algérieu. .ne Gare d’Aniokran. . . Défense mécanique cd 0 sur 4 3 sur 3 — de T ak ri et s... complète, 2 sur 0 2 sur 2 — de Thiers mesures antilarvaires 0 sur 8 incomplètes. ' 368 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tableau des résultats de la prophylaxie (Suite). CAS CAS de lrc inv. chez de rechutes ch. les COMPAGNIES PROCÉDÉS les indemnes. anciens infectés de chemins de fer. de prophylaxie Ay. séj. Ay. séj. Ay. séj. Ay. séj. pi. de de 8 j. pl. de de 8 j. 3 mois. à 3 m. 3 mois à 3 mois. Est-Algérien (Suite.) Gare d’Aïn-Mlila . . . Défense mécanique 0 sur 9 Maisonnette du complète, Kroubs mesures antilarvaires 0 sur 5 1 sur 1 incomplètes. O Mais. d'Oned-Smar . Défense mécanique X ci o 1 sur 2 2 sur 2 Gare de l’Alma .... incomplète, o a 4 sur 4 7 sur 7 — de Mirabeau.. mes u re Sc ant i 1 arvai res Të 0 sur 4 6 sur 7 Mais. 16 (Mirabeau). incomplètes. x B, 6 sui1 6 Gare de Dra-el-Mi- zan. 0 sur 2 6 sur 9 — d’Ouled - Rah- .O CD 5(1 dont ) 0 sur 4 10 s. 24 0 sur 4 moun Ü s. 16 — d’Aïn-Touta . . O x îl- 0 sur 2 3 sur 3 fl fl. Maisonnette 2 (Sila). Déf. méc. incomplète. E ° 2 sur 2 Maisonn. 3 (Sigus). o - 0 sur 1 4 sur 5 Mais, de l’embran- o t cbement Altairac. 1 sur 6 Gare d’Oulcd-Rah- Mesures antilarvaires Z | moun (les non- incomplètes. tcS grillagés) et ^ 3 sur 4 5| Ouest-Algérien. x z GaredeSidi-Madani. Défense mécanique 3 £ 0 sur 3 4 sur 5 3 sur 5 — de Camp -des- complète, Chênes mesures ant i larvaires 1- £ S o 0 sur 4 0 sur 3 7 sur 1 1 — de Mouzaïa-les- incomplètes. o . Mines ....... 2 sur 4 0 sur 1 4 sur 4 Maisonnette du k. 2 Défense mécanique ~ X et . — (Senia) incomplète . Se - 0 sur 4 Maison, du kil. 5,6. r~ _ 0 sur 5 Gare de Magenta. . . Zt rs: 0 sur 3 2 sur 3 Mais, du kil. 1 10,5. * 7" Z 2( idout.) i sur 2 SZ ZZ s. 4 — — 92,3. x ZK 0 sur 5 3o, t . — i x 0 sur 1 5 sur 5 Maison, de Barselo. 3 sur 5 Gare des Trembles. O 0 sur 2 4 sur 4 Maison, de la gare de Saint Lucien . . .fl 0 sur 3 Gare de Rio-Salado. zi, 6 sur 6 Maisonnette de Mis- a serghin 1 0 sur 4 Gare de Lounnel. . . 0 sur 4 — de Brédéa .... 3 sur 3 6 sur 8 ÉTUDE DU PALUDISME 369 . .■» Oued-Zergua et à Pont-de-Trajan (défenses mécaniques et me- sures antilarvaires surveillées par un chef de district très consciencieux) on a réellement transformé d’anciens séjours malsains. Par contre, partout où nous avons constaté de nou- velles infections, nous avons remarqué en même temps des défectuosités des défenses mécanique ou antilarvaire, et des négligences répétées de la part des personnes défendues. Les seuls vrais témoins que nous possédions montrent un effet favorable des mesures prises, bien que celles-ci fussent imparfaites : Ouest-algérien ( réseau de l’Oranie). / Gares ou maisonnettes protégées, o cas de lrc invasion Dans la même région \ chez 29 indemnes, la même année. . . . ) Gares ou maisonnettes témoins, 9 cas de lre invasion chez ( 13 témoins. 20 PARTICULIERS 1° Mines d’Aïn-Arko; 2° Ferme de Tekteka; 3° Domaine de l’Habra. I. — Ain-Arko. Les mines de calamine d’Aïn-Arko, dans la région de l’Oued-Zenati, occupent un grand nombre d’ouvriers, italiens pour la plupart, qui sont fort "exposés en ce pays classique du paludisme. Le propriétaire de la mine, M. de Redon de Colombier, avait déjà tenté la protection antipaludique des mineurs, logés dans des habitations confortables, lorsque nous nous sommes mis en rapport avec lui, dans le but d’étudier l’étiologie et la prophylaxie des fièvres dans ce cantonnement isolé. Notre étude a été facilitée par la grande obligeance de M. de Redon et des ingénieurs de la mine. Gîtes à Anophélines. — Constitués par un marais qu’alimente l’eau d’une source assez abondante, non captée, située à environ 1 kilomètre des habi- tations. Dans ce marais sans écoulement pullulaient, le 10 août 1905, des larves d ’ Anopheles maculipennis. Réservoir de virus. — Le principal est formé par des indigènes campés avec leurs familles sous des tentes, aux environs de la mine. L’index endé- mique fourni par la palpation des rates donne la proportion de 19 grosses rates chez 22 enfants indigènes examinés. Mesures prises. — M. de Redon avait prescrit l’exécution d’excellentes mesures antilarvaires, de défense mécanique et de quininisation, qui, malheureusement, ici comme ailleurs, ont été incomplètes, par suite de l’indifférence des mineurs. Nous avons communiqué à M. de Redon les réflexions que notre visite nous a suggérées, avec l’indication des travaux 24 370 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR qui nous semblent utiles. Nous ajouterons de suite que le dessèchement du marais et le captage de la source, étudiés déjà, parait-il, par le service des Ponts et chaussées, s’imposent comme procédé radical. IL — Tekteka. La ferme importante de Tekteka est située au milieu d’un vignoble sur la route de Koléa à Marengo, dans la plaine de la Mitidja, au pied des col- lines du Sahel. Plusieurs familles européennes vivent groupées dans cette ferme. Gîtes à Anophélines.— Les Anopheles maculipennis sortent de l’eau d'un barrage de 600 mètres de surface environ, construit à une centaine de mètres des habitations. Ils viennent aussi d’un ancien fossé de drainage creusé à 800 mètres dans la plaine, où l’eau de pluie séjourne plus ou moins long- temps suivant les années, et aussi peut-être des flaques d’eau du lit de l’Oued-Chiffa, à 900 mètres au Sud. Réservoir de virus. — On peut indiquer les Européens anciens infectés, nombreux dans cette ferme, et les indigènes embauchés comme ouvriers agricoles, dont un grand nombre sont de ces émigrants kabyles pouvant apporter les Hématozoaires des régions voisines insalubres. Mesures indiquées. — Nous avons indiqué sur place au propriétaire, M. Debono, les pétrolages qu’il serait bon d’effectuer et la technique à suivre dans l’administration de la quinine. III. — Habra. Le domaine de l’Habra comprend 20,000 hectares de terres marécageuses dans la plaine de la Macta, non loin de son embouchure (Oranie). Il compte plusieurs agglomérations, où voisinent de nombreuses familles d’ouvriers espagnols et indigènes. Gîtes à Anophélines. — La plus importante de ces agglomérations, Ferme-Blanche, avait pour gîtes 2 mares produites par les travaux de rem- blayage d’une route, et les petits canaux d’irrigation à faible courant qui circulent sous les ombrages touffus de la propriété. Les agglomérations du Paddock et de la Planète reçoivent leurs Anophé- lines très probablement des bords de l’Oued-Habra qui coule à quelques cen- taines de mètres. Debrousseville est infesté par les Moustiques nés dans l’eau d’une exca- vation remplie de Roseaux, dans les canaux mal entretenus de l’emprise du chemin de fer de l’État, et peut-être aussi parfoi s dans des mares printa- nières. . « La ferme de Fornaka, sur les premières pentes des collines sahéliennes, peu habitée en temps ordinaire, présente une grande animation au moment des vendanges. Les nombreux vendangeurs, parmi lesquels se trouvent tou- jours d’anciens infectés, campent en plein air, aux mois d’août et de sep- tembre autour de la ferme, et sont harcelés par des myriades d ’Anopheles maculipennis. Ceux-ci viennent, par étapes dans les broussailles, du lit de l’Oued-Tin, qui serpente à 1 kilomètre au sud. ÉTUDE DU PALUDISME 371 Réservoir de virus. — Le tableau ci-dessous donne les pourcentages de grosses rates à différentes époques. Ferme-Blanche. Enfants Enfants européens indigènes. Paddock . Enfants espagnols et indigènes. La Planète. Enfants indigènes Juin 1905 Août Octobre . . 7 sur 15 24 sur 33 33 sur 45 9 sur 19 6 sur 12 3 sur 5 2G sur 37 9 sur 12 17 sur 20 Mesures prises. — M. le gouverneur du Crédit Foncier de France et M. Berthaull, chef de division des domaines au Crédit Foncier, ont décidé d’entreprendre vigoureusement la lutte antipaludique à l’Habra. L'année 1903 s’est passée en premières études et en tâtonnements; en 1906, la cam- pagne commenccia, dès le printemps, parla délensc mécanique des ouvriers relevant directement du domaine, par les mesures antilarvaires telles que le comblement des mares (déjà commencé), le cimentage des rigoles d’arrosage, les pétrolages, et enfin par la quininisation régulière des familles. 3° COMMUNES ET ÉTAT I. Expériences directes. — II. Observations épidémiologiques et prophylactiques. — III. Observations épidémiologiques. EXPÉRIENCES DIRECTES 1° Montebello; 2° Camp Hallou/a; 3° Douars d’ Aïn-T e de les . I. — Montebello. Petit village d'Européens (surtout espagnols et alsaciens) et d’indigènes, dans la Mitidja, resserré entre le lac Halloula et les collines du Sahel qui le séparent de la mer. Gîtes à Anophélines. — Au printemps, mares inaccessibles dans toute la cuvette du lac jusqu’aux portes du village, et canal (S. 11) d’écoulement de la fontaine de Sidi-Rached. mares autour de cette fontaine. Pendant tout l’été, la plupart des mares de la cuvette ont séché. Les gîtes les plus dangereux sont alors : les mares et le canal de la fontaine, les canaux de dessèchement S. 1 et 3. et le début du canal principal. Ces canaux, de pente très faible, sont encombrés d’herbes vivaces qui arrêtent le cours de l'eau et favorisent la pullulation des larves. Espèces. Anopheles maculipennis et Anopheles algeriensis. Réservoir de virus. — Beaucoup d’Européens sont d’anciens infectés. Un grand nombre d’indigènes fréquentent le village 372 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR et habitent dans le voisinage avec leurs familles, sous les gourbis. De plus, en septembre 1905, plusieurs familles de Guebli (émigrants du Sud), employées à l’entretien de la route, ont campé près du village ; elles provenaient de localités fiévreuses et étaient infectées. En juillet 1905, sur 115 indigènes, enfants et adultes, 53 avaient des groses rates. Î Mesures antilarvaires. Défense mécanique. Quininisation préventive. Mesures antilarvaires . — A partir du 1er mai jusque fin octobre 1905, les faucardements et pétrolages ont été pratiqués, par le chef de chantier Venturi, d’après les indications minu- tieuses que nous lui donnions sur place et laissions par écrit à chaque visite bimensuelle. Les faucardements ont été prescrits à des dates variables, suivant l’état de la végétation : c’est au mois de mai qu’ils ont été le plus considérables. Le faucard coupait les Roseaux, les Joncs et les grandes herbes; les plantes immergées étaient arrachées à la main. A plusieurs reprises, les boues envasant le fond du canal et entravant le cours de l’eau ont dû être rejetées sur les berges. Les barrages d’herbes sèches pratiqués sur les' canaux par les faucheurs de « paille de marais » pour servir de passerelles étaient enlevés tous les 5 jours. Les pétrolages ont été exécutés tous les 15 jours à des doses variables suivant la rapidité du courant, la saison et l’abondance des larves, ÉTUDE DU PALUDISME 373 Les pétrolages ont porté sur la surface d'eau représentée par tous les gîtes signalés plus haut : canal S. 11 (1 kilomètre de longueur sur 80 centimètres environ de largeur), canal S. 1 (1,200 mètres de longueur sur 2 à 3 mètres de largeur), canal S. 3 (20 mètres de longueur sur 1 mètre de largeur), canal prin- cipal (200 mètres sur 5 mètres en moyenne). La zone pétrolée mesurait 1,500 mètres de rayon autour du village. Les mares occasionnées par le mauvais écoulement de la fontaine Sidi-Rached ont été supprimées par des bloquages, et par la réparation des réservoirs. Les trous d’eau, les crevasses remplies d’eau des berges craquelées au soleil, les « trous de sabots » ont été comblés avec soin. Un cyclone ayant amené de violentes pluies au mois de juin, une partie déjà sèche de la cuvette du lac fut inondée de N 0 EJ nouveau, formant une zone dangereuse, inaccessible, fort vaste, au moment des premières pontes des Moustiques. Cet accident rendit plus difficile la campagne antilarvaire ultérieure. Défense mécanique . — Les grillages ont été placés aux ouvertures des logements de 17 familles. En 1904, 6 familles 374 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR avaient refusé ces grillages; en 1905, nous ne trouvâmes aucune opposition. Au contraire^ l'opinion des habitants de Montebello était devenue tout à fait favorable à l'idée des grillages, et des personnes récalcitrantes en 1904 en arrivaient à demander avec insistance, en 1905, des grillages supplé- mentaires. Les familles de colons ont toujours entretenu avec soin leurs grillages. Un certain nombre de cadres grillagés ont été enlevés en hiver pour être reposés au printemps. Quininisation. — De la quinine fut constamment tenue à la disposition des colons de Montebello, à qui le traitement pré- ventif journalier à petites doses fut instamment recommandé, à maintes reprises. Nous prîmes un soin particulier de la quininisation des Canal près de Montebello. Au niveau du spectateur : surface de l’eau couverte d’herbes, larves très nom- breuses. Plus loin, surface de l’eau libérée par les faucardements et pétrolée régu- lièrement : 0 larve. indigènes, ne pouvant pas améliorer leur état sanitaire par la défense mécanique impossible dans leurs gourbis indigènes et voulant surtout atténuer le considérable réservoir de virus qu'ils constituent. ETUDE DU PALUDISME 375 A cet elfet, un étudiant en médecine, M. Moussa Kassem, Clierif, fut chargé de distribuer quotidiennement de la quinine à la population indigène à la dose de 30 centigrammes de bichlorhydrate de quinine pour un adulte et de 15 centigrammes Canal à Montebello. Au premier plan, partie faucardée et pétrolée. Plus loin, le même canal, non faucardé et rempli de roseaux. pour les enfants, en poudre dans du papier à cigarettes. Furent quininisés les indigènes les plus proches du village, dans un rayon d’un kilomètre, qui constituent une partie importante du réservoir de virus. La distribution journalière, à une centaine de personnes, commença à la fin de juin et se termina a la fin d’octobre. Elle ne fut pas aussi intensive qu’on aurait pu le souhaiter. Certains individus refusèrent de se soumettre à la quininisation ; il fut impossible défaire ingérer de la quinine à de très jeunes enfanta. Résultats. — Dans la zone pétrolée, les larves trouvées à chaque visite bimensuelle étaient en petil nombre et toujours 376 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR jeunes. Une seule nymphe fut trouvée, une fois, dans un recoin oublié par le pétroleur. Nous nous servions, comme témoins, du canal principal dans sa partie non désinfectée (à partir de la borne hectométrique 2) : la grande abondance des larves que nous y pêchions à chaque visite bimensuelle formait un contraste saisissant avec la rareté des larves des gîtes traités. Le nombre des Anophélines adultes capturés dans le village (écuries, étables) était extraordinairement plus faible en 1905 qu’en 1903 et 1904. Vingt-six Européens indemnes ont passé l’été à Montebello ; une seule de ces personnes a présenté, quelques jours après son arrivée, des accès de paludisme. Elle venait d’une autre localité du Sahel (Fouka). L’origine du cas est, par conséquent, douteuse. On peut signaler qu’en 1905, dans la ferme de Tekteka, située sur la même route que Montebello, à une distance d’en- viron 25 kilomètres, également sur le revers sud du Sahel, sur 9 personnes indemnes, 8 s’infectèrent. Enfin, les cas de rechutes furent en 1906, à Montebello, au nombre de 11 chez 44 Européens, anciens infectés. Les résultats obtenus par la quininisation des indigènes sont indiqués par le tableau suivant : Enfants indigènes examinés avant et après la campagne . Au printemps. En automne. Quininisés à l Montebello. / Témoins à l Montebello.. ( Témoins à l Marengo ( Sur 24 examinés, 15 grosses rates. Sur 28 examinés, 9 grosses rates . Sur 32 examinés, 10 grosses rates. Sur 24, 14 grosses rates, dont 8 diminuées, 2 augmentées. Sur 28, 13 grosses rates, dont 1 diminuée, 2 augmentées. Sur 32, 22 grosses rates. Adultes indigènes examinés avant et après la campagne. Quininisés à i Sur 41 examinés, 20 grosses Sur 41, 10 grosses rates, dont Montebello. ( rates. 5 diminuées, 2 augmentées. Témoins à l Sur 33 examinés, 7 grosses Sur 33, 11 grosses rates, dont Montebello.. ( rates. 1 diminuée, 3 augmentées. Il convient de comparer les deux familles indigènes des Brazzi et des Chibani. La première, se quininisant très régulièrement, comptait en juillet 6 grosses rates sur 7 personnes; mais en octobre, sur ÉTUDE DU PALUDISME 377 7, 4 seulement avaient encore une grosse rate, dans chaque cas fortement diminuée. Au contraire, les Chibani refusent de se laisser traiter; au lieu de 4 grosses rates sur 7 examinées en juillet, nous relevons 5 grosses rates sur 7 en octobre, toutes sensiblement augmentées. *♦ 4» • ++♦ •* .• ( ^ /joule de Mareivjo à Col™ =1 • 1 ♦ N jvfontebéuo * * * i Kilométré Montebello. — Quininisation des indigènes. Ronds noirs : quininisés. Croix témoins non quininisés. II. — Camp Halloula. Chantier des Ponts et chaussées établi seulement en été et occupant 50 à 60 ouvriers européens et surtout indigènes à l’entretien du canal principal de dessèchement du lac Halloula. Les baraquements ou les gourbis où logent les ouvriers s’élèvent sur le flanc sud du Sahel, à 5 kilo- mètres à l’est du village de Montebello. Gîtes à Anophélines. — Ils se trouvent tous dans le canal principal qui longe le pied du Sahel, à quelques centaines de mètres de distance du campement. Canal à pente très faible, dont le fond et les bords sont encombrés de plantes immergées et de roseaux qui favorisent la stagnation de l’eau. Uspèce An. maculipenn. Réservoir de virus. — La plupart des ouvriers travaillant au camp sont d’anciens infectés, surtout les Kabyles et les Marocains, qui ont traversé des régions insalubres. Un douar, distant de quelques douzaines de mètres, peut contribuer à fournir le virus. MESURES PRISES Mesures antilarvaires. \ Quininisation. Mesures antilarvaires. — La surface de l'eau du canal fut régulièrement faucardée et pétrolée du 1er mai à fin octobre, 378 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dans les mêmes conditions que les gîtes du village de Monte- bello, sur une longueur de 2,600 mètres et une largeur moyenne de 3 mètres. La zone pétrolée mesurait de la sorte 1,500 mètres de rayon autour du camp. Défense mécanique. — Comme première mesure, nous avions prëconisë le déplacement du camp, et son transport à quelques centaines de mètres plus haut, dans les collines, pour Camp Halloula. — En noir : partie du canal faucardée et pétrolée. T’éloigner des gîtes. Cette mesure put être effectuée en temps utile. Nous avions demandé que le service compétent examinât la possibilité de construire pour les ouvriers des baraquements en planches et grillagés. Cette installation fut opérée dans l'été 1905, mais à une époque très avancée de la saison fiévreuse. Du reste, presque tous les ouvriers ont préféré coucher au dehors, les baraques non planchéiées étant infectées de Puces. Quininisation. — Trente centigrammes de bichlorhydrate de quinine durent être distribués chaque matin à chaque ouvrier par le surveillant. Un certain nombre des ouvriers acceptèrent la médication, mais l’administration de la quinine ne put pas être aussi régulière que nous l'aurions désiré. Certains indi- gènes menacèrent d’abandonner leur travail si on les obligeait à prendre la quinine tous les jours. Comme les ouvriers manquaient, qu'il était difficile de s’en procurer, étant donné la réputation d’insalubrité du camp Halloula, pour garder les ouvriers, on négligea la cure préventive. Les carnets de quini- nisation sur qui nous comptions pour vérifier la cure préventive n ont pas été tenus très régulièrement et n’ont pas été d’une grande utilité. Résultats. — Le nombre des larves d’ Anonheles fut cons- ETUDE DU PALUDISME 379 tamment très faible ou nul dans la partie laucardée et pétrolée du canal, alors qu'il n'a pas cesse d’être considérable, parfois incommensurable, dans les parties « témoins » du même canal, en amont et en aval. Les adultes furent très rares au camp, on n en vit qu en mai, ce qui coïncida avec le retard apporté par les ouvriers a l’exécution des pétrolages prescrits. Sur huit Européens indemnes ayant passé l’été au camp, un seul présenta des symptômes de paludisme de première inva- sion, constatés à l’hôpital de Ivoléa par M. le médecin-major Folly. Sur 19 Européens anciens infectés, 5 présentèrent des rechutes nécessitant leur transport à l’hôpital . Les résultats furent difficiles à constater chez les indigènes. Sur 83 indigènes ayant passé au camp, cet été, de 8 jours à plus de 3 mois, il n’y eut qu'un cas de rechute nécessitant l’envoi du malade à l’hôpital. D'autres cas de rechute se sont produits, mais très légers, et passant inaperçus. En somme, l’état sanitaire du camp Halloula a été bien meilleur en 1903 que dans les années précédentes. L’expérience n’est toutefois pas aussi concluante qu’elle méritait de l’être, car, malgré nos demandes réitérées, nous n'avons pas pu obtenir l’indication d’un chantier insalubre, qui nous aurait servi de « témoin )) et aurait ainsi fourni une hase solide à l'évaluation de nos résultats. III. — Ain-Tedeles. Douars (gourbis et tentes) disséminés sur un plateau sablonneux parsemé de dépressions sans écoulement. Gîtes à Anophélines . — Mares et marais épars, presque tous secs à la fin de l’été. La plupart des gîtes sont purement printaniers. Ces eaux stagnantes sont plus abondantes depuis 3 à 6 ans. Les douars en sont très rapprochés. Nous avons parfois trouvé des quantités d’adultes dans des recoins de gourbis. Espèce : Anophèles maculipennis. Réservoir de virus. — L’index endémique atteint presque 100 0/0. Mesures prises. — Le paludisme intense de certains douars 380 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de la commune d’Aïn-Tedeles a donné l'idée de les choisir comme lieu d’expérience de la prophylaxie rationnelle, telle qu’on peut l’instituer en pays indigène. La défense mécanique était extrêmement difficile dans les gourbis et sous les tentes. Les grandes mesures antilarvaires comportent dans cette région le creusement d'un canal de dessèchement, qui n’est pas encore achevé et qui n’a produit aucun effet jusqu'ici sur les gîtes à Anophélines. Nous avons donc voulu expérimenter dans les douars la quininisation intensive des indigènes. Un étudiant en médecine indigène, M. Meridi ben M’rad fut chargé de distribuer journel- lement de la quinine en poudre dans du papier à cigarettes à Douars quininisés et douars témoins de la commune d’Aïn-Tedeles. 140 personnes environ, appartenant aux familles les plus éprouvées, de façon à rendre la démonstration plus frappante (douars Ouled-Mohammed et voisins). Les doses étaient de 30 centigrammes pro die pour un adulte, moindres pour les enfants. Un nombre à peu près égal d’indigènes, appartenant à des douars voisins non quininisés, servaient de témoins. Le pourcentage des grosses rates chez les traités et les témoins était, au printemps, de presque 100 0/0 (recherches portant sur plus de 300 personnes). Nous avons surveillé la campagne par plusieurs visites au .ÉTUDE DU PALUDISME 381 cours de l’été et par la détermination méthodique des index endémiques au printemps et en automne. Du printemps à l’automne, les rates sont : D’hypertroph. Restées HYPERTROPHIÉES ' redevenues normales. non hy. ertroah . Diminuées. Restées de même gross. Augmentées Chez 46 traités 6 fois. 3 27 5 5 Chez 59 témoins . . . 0 3 6 9 41 Ce qui revient à dire que, chez les enfants traités, la rate n’a pas changé de volume dans 17,4 0/0 des cas, a diminué dans 71,8 0/0 des cas (dans 13 0/0 desquels elle est revenue à la normale) et augmenté dans 10,8 0/0 des cas. Chez les enfants témoins, elle n’a pas changé de volume dans 20,4 0/0 des cas, a diminué dans 10.1 0/0 des cas (sans jamais revenir à la normale) et a augmenté dans 69.5 0/0 des cas. Il y a eu, de plus, deux morts parmi les enfants témoins. Bien entendu, les témoins pouvaient, tout comme par le passé, demander de la quinine aux consultations gratuites de M. le Dr Fabre, médecin de colonisation, que nous sommes heureux de remercier pour toutes les facilités qu’il nous a obli- geamment données. II. — OBSERVATIONS ÉPIDÉMIOLOGIQUES ET PROPHYLACTIQUES I. — Biskra-Cora. La petite oasis de Cora, isolée dans la plaine stérile, à plusieurs kilo- mètres au sud de Biskra, est moins arrosée que la grande oasis du vieux Biskra, et jusqu’ici, était plus saine. Gîtes à Anophélines. — En 1905 un gîte est apparu, véritable marais formé par la stagnation sans écoulement de l’eau d’une fontaine. Espèce : Anopheles maculipennis . Réservoir du virus. — Avec la formation de ce nouveau gîte anormal a coïncidé, au début de l’été 1905, l’explosion d’une violente épidémie de palu- disme. La proportion des grosses rates chez les enfants, qui était en 1904 de 2 sur 20, et au mois de mai 1905 (avant l’épidémie), de 0 sur 28, a atteint, en septembre 1905, après l’épidémie, le chiffre de 10 sur 18. Mesures prises. — La cause de l’insalubrité récente de l’oasis de Cora était manifestement due à la formation du marais en contrebas de la fon- taine. Nous l’avons signalée à la municipalité de Biskra; la huitaine a été 382 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR déplacée et aménagée à quelques mètres plus haut, de telle sorte que son eau trouve une pente suffisante pour aller arroser les Palmiers, au lieu de s’accumuler dans un bas-fond. L’ancien gîte est complètement à sec. Ainsi, plus de gîtes, et davantage d’eau pour les cultures : double profit pour les habitants. IL — Rébeval. Village européen, villages indigènes dans la basse vallée du Sebaou, à la limite de la grande Kabylie. Gîtes à Anophélines . — Flaques d’eau et anses des bras morts de Y oued Sebaou (lit sablonneux) à quelques dizaines de mètres des maisons du village européen. Sources indigènes, fossés et mares des ravins dans les montagnes. Espèces : Anopheles maculipennis , Ptjretophorus myz'omyifacies? Anopheles algériens is. Réservoir de virus. — Village européen : anciens infectés européens, journaliers indigènes (dont un certain nombre habitent constamment avec leurs familles). Villa ges indigènes : anciens infectés. Le paludisme endémique est relativement faible dans la région de Rébeval. Au printemps de 1905, nous avons trouvé, dans les douars qui devaient être soumis à la prophylaxie antipaludique, une proportion de 40 grosses rates chez 271 examinés, soit 14,7 0/0, chiffre très bas en comparaison de ceux des localités où nous avons opéré, comme Montebello et Aïn-Tedeles. Mesures prises. — La campagne à Rébeval a été conduite par M. le Lù Gros, médecin de colonisation, avec qui nous nous étions entendus au sujet du plan à suivre. M. le Dr Gros a pratiqué la quininisation par l’administration hebdoma- daire de 1 gramme de quinine pour un adulte (doses moindres pour les enfants). Le tableau suivant donne les résultats évalués, grâce à la comparaison des index endémiques de printemps et d’automne. RESULTATS Index des rates Index des rates au printemps, en automne, Mesures prises chez les mêmes sujets. Village de Rébeval. Quininisation incomplète, pétrolages tardifs. 8 sur 49 8 sur 49 Kefel Aoghab 'Quininisation incomplète. 8 sur 29 la sur 29 Ouled ben Chaban. Pétrolages tard i “s. 1 sur 49 1 sur 49 Total 17 sur 127 24 sur 127 Ben N’choud Témoins. 1 sur 8 1 sur 8 Ouled Keddach Témoins. 1 sur 4 2 sur 4 Cherarda Témoins. 0 sur 21 0 sur 21 Total 2 sur 38 3 sur 33 III. — Mondovi. Village européen dans la plaine de la Seybouse, ÉTUDE DU PALUDISME 383 Gîtes à Anophélines. — Le plus important est le canal d'irrigation , dit de la Seybouse, d’une largeur moyenne de 1 m. 50 à 2 mètres au niveau de l’eau-, longeant immédiatement un côté du village sur environ 500 mètres. Eaux stagnantes (dans les fossés de la route et dans les prairies) prove- nant des fuites du canal. Moins dangereux, en raison de la distance, sont les bords caillouteux de la Seybouse et les mares qui l’avoisinent (à quelques centaines de mètres à l’est) et le ravin broussailleux de l’oued Guérig (au sud). Espèce : An. macu- lipennis. Réservoir de virus. — Anciens infectés européens (nombreux dans le village) ; Indigènes vivant avec leurs familles à l’intérieur et autour du vil- lage. Mesures prises. — La seule mesure prophylactique prise a été le pétro- lage des gîtes signalés plus haut, pétrolage commencé d’ailleurs trop tardi- vement, le 23 juin. Nos constatations nous permettent d’affirmer que les pétrolages, du mois de septembre au moins, n’ont pas été effectués de façon satisfaisante. Les dépenses engagées pour les mesures antilarvaires à Mondovi ont donc été à peu près inutiles, car une campagne antipaludique, pour être efficace, doit être extrêmement minutieuse. III. — Observations épidémiologiques. 384 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEIJIl w O CC HH O > ce H 75 « C5 75 U 2 HH J ■W Œ O, O 2 < 75 U H O CO . B o C T o g d ffl S CO O O ci m o -1 3 A.B O C/D 3 3 G — 3 X 3 t/2 r* 2 3 ^ G ■3 -©.X O 0 a t cr^ 3 3 cd ce S- 2 cd P C G'I o K v0) G\1 r— < ce Xx^ G - £ G 33 O 1-1 co H f— h nj fitfiS r~ 3 G G 33 £2 © 55 O £ O 3 ■ O C/2 . . nj œ G f—h o P H- H> N 02 02 02 -02 © • CO cd io ® B t/2 O CO G X5 'co 3 fl » .3 -K G 2 d os * œ œ 3 .X 02 -h P -02 co -- © CO 11 co 3 G 02 - -02 t o -© 3 © 02 dC 3, b cd 3 co ^ -. . © © CO -02 CO rj-j G3 td ■h 3 u fl ‘ — i ' — i c/2 3 .cd cd 3h-g O X o .. 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O ^ /-S H ^ .n'» O) P -CD P ce o _? “ © r-1 Ci ci 3' ^ i -3 _3 -p ^ © fl.' 3 g kT „r 3 ,-— i g ° 1 1 •p £ 3 3 3 sj CO © co co O © die N - CO " ^3 O ™ o 2 -A 3 co © 3 © g <« ce p . „ © p m -* r5 3 -S ^ dc^ ce ^ cd o 'O ^ CJ2 ■> ■+-1 pH| P Lh 0 cd G X CO 3 rG 00 cd © © in G 3 ra 3 » O •G £ “-3 3-© a B-D ® ' a g o = "^ êagarl^^^gl CO "3 © — N o -G 3 _3 3 3 bc r 3 « ço o ^ Z< ^13^03 N2©C03,©3- 3 G2 3 5 -*t fl 3 X 35 P O -gp © X 2 ©V fl.H © ,y © J CO I >G© M 3 G S © p* co 53 Ü .—I co P - 3 ^ 3 G £ 3 ? **+ O ^ ^ P 5° çj .2 ,^s| c ^ "C P o O "C -C ^ &H ^ r-H O O ^ — ri en 3 ^ g O © H-J '© c 3 •• cd 3 33 © £^ o ce Q ce .«c 3 3 g 3 d ÿ "b^ > ^ C0 -^s© s M 3 3 g £ P to s 7d -HJ . o o ce P 1 '■d cd O P G ’3 o.ïï X P) © ^ 5 te g w ce cd cd 3 g -3 3 co ©53 3 3 CO 3 P © -3 £.P O ^ 3J ux!a3 3 co dg © © <© - “■ ^ ®b5 ° S — X & «2 gjS r-i —< i î î_. ce >— .kh 5 o *ho <72j te ^ w ce -hj h^ ce P 2 P Cd O ^ © fl 6 g o ü ■p 3 3 G l'âë- ~ © co "J — , 22 3 p ^ cd'd J » G as xë © © +-1 .© © p bo ci © ^ en - 3 p .5 P ce o O r^J ce ^ P fl- o en en -g G ci ■fl fl © G ci rH CO 3 © 3 P -© P en © © P P-i © ci en 3 P ci ; ce CD ce P cd ce r3 g 3 "© g 3 ci P1 „ -fl b0 /-.'i P G" Ss £ ^ ^3 3^ 3 co O cd bcX cd ^ _ ^ fl fl .03 © O a ac c࣠s c/j 3^ 3 § si dC^ P © P «2 PS 05 S o 3 ■Kl -l-s © GS. 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ETUDE DU PALUDISME 387 o > a a c n ■a rf. CD a y >— 4 l-l ■a 33 a o a a so x c ' S "3 O 3* x- g .ri ®.2o ■— *X ^ 3 fl.? c §! cd -o J- a a p •x -ri o . a ï «Z a -x o - T< 'fl o p o-fl o ° 2 Oh -55 O x a fl i J '= .2 -ri .5 M -fl Ci G a - £ „ .O 3 O 0 . -1 W P 5 ^3 cd_ O O T3.Ï x r • -* ►> 3 .r; ce -X o — s a ^3 :£ o -w 72 îà 3.x O 'fl fl Au X X fl "fl •X - P 03 3 ■ 03 03 X fcc o fl .2 ? a - -a ^ p H X fl 03 GS'~ G fis -X = H a x o: a fc P > fl • i—i A*— l O _ O co •jp, 02 cd S q.. , in O ^ -5 =5 ^ -«v X B -fl fl -x ‘G -fl 2 G — *« "x _fl s x-fl - — a _ g x a fc '.' x fl .x — X Q fl. 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Charles NICOLLE Directeur de l’Institut Pasteur de Tunis. Avec la planche XXV Premier mémoire. La lèpre est une des maladies spéciales à l’homme les plus anciennement connues. Son étude expérimentale est cependant à peine ébauchée. Nous ne savons, en effet, ni cultiver le bacille lépreux, ni reproduire expérimentalement la maladie chez les animaux. Chez l’homme même, l’inoculabilité de la lèpre, bien qu’évidente, n’a jamais été parfaitement démontrée. Or, la cul- ture de l’agent pathogène et la reproduction expérimentale des lésions sont les deux conditions les plus indispensables de la connaissance d’une maladie infectieuse. Nous trouvant dans un pays où la lèpre, sans être commune ni même fréquente, existe cependant à l’état endémique, nous avons cherché, dans la mesure de nos moyens, à combler ces lacunes. Les faits que nous rapportons dans ce 1er mémoire ne donnent pas la solution définitive du problème. Nos recherches sur la culture du bacille lépreux ne nous ont fourni que des résultats absolument insuffisants, du même ordre et moins bril- lants que ceux publiés récemment ici par M. E. Weil1. Nos expériences sur les singes inférieurs n’ont pas déterminé chez ces animaux la reproduction d une maladie comparable dans son évolution à la lèpre humaine. Nous estimons, cependant, qu’avant de pousser plus loin nos recherches, il n’est pas inutile de rapporter les premiers résultats auxquels nous sommes parvenus. La réceptivité que nous avons constatée chez les singes infé- rieurs vis-à-vis de la lèpre rappelle celle que présentent ces mêmes animaux vis-à-vis de la syphilis. Il y a donc lieu d’espérer que pour la première de ces maladies, ainsi que MM. Metchnikoff et Roux l’ont démontré pour la seconde, l’expérimentation sur les singes anthropoïdes donnera des résultats supérieurs à Ces Annales , 25 décembre 1905 (p. 793 et suiv.). 390 -/ . — ■ -"K ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ceux que nous avons obtenus. Nous ne désespérons pas, d'autre part, d arriver, meme chez les singes inférieurs, à de meilleurs Résultats et nous indiquerons plus loin quel peut être le moyen de. les obtenir. J * * * La Tunisie présente actuellement deux foyers endémiques i e èpre, en dehors desquels il semble n’exister que do rares cas aberrants ; le premier foyer est la ville de Tunis même, le second I de de Djerba. A Tunis, c’est exclusivement, semble-t-il, la colonie maltaise qui est atteinte; les lépreux de cette nationalité ont les uns 1 apporté leur maladie de Malte, les autres l’ont contractée à Tunis même. Nous avons pu étudier de près trois lépreux appartenant à cette catégorie : deux hommes et une femme. Nous estimons que le nombre total des Maltais de Tunis atteints de lèpre ne doit guère dépasser une demi-douzaine. L’ile de Djerba constitue un centre plus important, que nous nous proposons d’étudier sur place par la suite. Nous avons pu examiner à Tunis 5 lépreux provenant de ce centre (4 indi- gènes musulmans et 1 israélite). 2 Maltais de Tunis et 1 indigène de Djerba nous ont fourni le matériel utilisé dans les expériences que nous allons rap- porter. r * $ 1° LA LÈPRE EXPÉRIMENTALE CHEZ LES SINGES INFÉRIEURS Nous nous sommes adressé de préférence pour nos expé- riences à une espèce de singes pour laquelle nous avons une piedilection particulière, car elle nous a permis antérieurement de reproduire chez elle deux maladies infectieuses regardées jusque-la comme spéciales a 1 homme i le chancre mou et la syphilis \ Nous avons, de plus, fait usage de singes appartenant à une espèce voisine. L incubation des accidents observés chez les animaux à la 1. Société de Biologie, 7 octobre, et Presse médicale , 4 novembre 1899 ; ces Annales, septembre 1903. 391 RECHERCHES SUR EA LÈPRE suite de l'inoculation de produits lépreux est, comme nous le verrons, très longue. Nous nous bornerons donc à donner ici les observations d’une première série comprenant 6 singes inoculés avant les vacances dernières ; nous ne détaillerons que les deux premières, ce sont les plus caractéristiques. Les con- clusions auxquelles nous ont amené les résultats de nos expé- riences seront exposées à la suite de ces obser\ alions. Observation I. Bonnet chinois femelle, adulte, entre al Institut Pasteui en avril 1903. PREMIÈRE INOCULATION Le malade qui a fourni les produits utilisés pour l’inoculation est un individu de nationalité maltaise, né à Tunis où il a toujours habité, atteint depuis 4 ans de lèpre tuberculeuse généralisée et dont je dois la connaissance à mon confrère M. Hayat. Le 28 novembre 1904, je prélève sur ce malade un fragment de tissu lépreux au niveau de l’avant-bras gauche. De ce fragment, je lais deux parts : l’une, fixée et incluse dans la paraffine, m’a permis ultérieurement de con- trôler par un examen microscopique le diagnostic porté; 1 autre a été utilisée comme matériel pour les inoculations. Quelques minutes seulement après la biopsie, j’inocule au singe le produit du broyage de ce Iragment en plu- sieurs points : , lo Sur la peau de la région temporo-frontale des deux côlés après scari- fication préalable ; 2° Sur la muqueuse conjonctivale de l’œil droit par Iriction, sans éiosion préalable ; 3° Sur les muqueuses nasales gauche et droite (cette dernièie piéalable- ment excoriée) ; 4° Au devant de l’oreille gauche, sous la peau; 5° Dans l’épaisseur du pavillon de l’oreille gauche. En ce deiniei point, la résistance des tissus m’a semblé telle que j ai eu I impression de navoii rien inoculé. Le contact des produits infectieux avec les régions supeificielles siu les- quelles ils ont été déposés a été maintenu par immobilisation de 1 animal pendant 3 heures. Le 3 décembre , toute trace d’inoculation est disparue. Le 21 décembre , la température extérieure s’est abaissée et le singe pré- sente un léger coryza. Son mucus nasal examine montre des microorga- nismes nombreux, que l’on reconnaît appartenir à deux espèces au moins . un coccobaeille assez analogue au pneumocoque et un pseudodiphtérique; aucun microbe offrant la réaction d’Ehrlich. Le 29 janvier 1905 (62 * jour de V inoculation), le singe, qui n’avait pré- 392 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sente jusque-là aucun symptôme local ou général, montre au niveau de la région preauriculau-e gauche une légère saillie; la palpation permet de constater au meme point l’existence d’un petit nodule sous-cutané, dur, irrégulier, indolore. ’ Deux jours après, la lésion est manifeste; la peau devient adhérente discrète°mt ^ °CaUse et présente à ce niveau une teinte rouge sombre Le 4 février, on remarque en arrière du léprôme préauriculaire devenu p us vo umineux deux petits nodules indurés et rouges siégeant au niveau de a partie moyenne du pavillon; à la palpation, on sent un cordon dur qui reumtjes deux éléments. Ces lésions ont exactement pour siège le trajet de I aiguille qui a servi à l’inoculation. Le 8 février, les 3 léprômes ont encore augmenté. Je présente le singe à la Société des Sciences médicales de Tunis. Le lendemain, les lésions sont photographiées et dessinées. (Voir la planche ci-jointe.) Le 11 février , 13e jour de son apparition, le nodule préauriculaire paraît stationnaire ; il présente alors le volume d’une noisette ; les léprômes du pavillon de l’oreille ont légèrement augmenté. Ce même jour, je me décide à pratiquer 1 ablation de la moitié du nodule préauriculaire pour en faire examen histologique et, d’autre part, pour tenter des passages sur l’animal lui-même et sur un autre singe. L examen microscopique de la pièce, après coloration par l’hématéine et la méthode d’Ehrlich, montre l’existence dans l’hypoderme de plusieurs petits nodules constitués par une accumulation de lymphocytes et de leuco- cytes mononucléaires. Pas de cellules géantes, aucune trace de caséification, les vaisseaux ne paraissent pas participer au processus inflammatoire. Les bacilles lépreux sont en nombre assez restreint, ils siègent unique- ment ou presque uniquement dans des cellules. Celles-ci ont le caractère des leucocytes mononucléaires ordinaires, de dimensions parfois un peu plus considérables que la normale. Elles contien- nent un, deux ou plusieurs bacilles lépreux; la cellule la plus parasitée que j’aie rencontré sur mes coupes en présentait une douzaine. Nulle part, on ne trouve comme chez l’homme de ces cellules lépreuses volumineuses remplies d’un nombre prodigieux de bactéries. L’absence de ces cellules constitue la seule différence sensible entre la structure des léprômes de notre sin^e et celle des léprômes humains. Le bacille lépreux se présente avec ses caractères ordinaires : il est géné- îalement assez court, plus court que le bacille tuberculeux; le plus grand nombre des individus est coloré fortement par la méthode d’Ehrlich ; quelques-uns présentent cet aspect granuleux si connu chez le bacille tuber- culeux des tissus et aussi chez le bacille lépreux de l’homme. Les réinoculations ont été pratiquées sous la peau de l’animal aux points suivants : lobule de l’oreille droite (3 inoculations par piqûre) ; région malaire à égale distance du tragus et de la commissure externe de l’œil droit. Les suites opératoires ont été des plus bénignes; la réunion de la plaie s’est faite par première intention. RECHERCHES SUR LA LÈPRE 393 Le 21 février , il ne persiste qu’une cicatrice adhérente aux téguments profonds. Le nodule lui-même, au lieu de diminuer, a doublé de volume; sa forme est devenue irrégulière, il offre un prolongement qui contourne l’extré- mité inférieure du pavillon. Le 24 février , même état. Le 9 mars, les nodules préauriculaire et auriculaires ont légèrement diminué de volume. Le 14 mars , la régression s’est très fortement accentuée. Le noyau préau- riculaire semble comme rétracté autour de la cicatrice. Le 18 mars, la régression est extrême. Les nodules auriculaires ne sont plus qu’à peine perceptibles. Le 31 mars, on peut considérer les accidents consécutifs à la première inoculation comme guéris. En résumé, le nodule préauriculaire a eu 62 jours d’incubation et 56 jours de durée; les nodules auriculaires apparus 6 jours plus tard ont duré 37 jours. AUTO-INOCULATION Le 11 février , 13e jour de son apparition, un fragment de la partie excisée du léprôme préauriculaire a été inoculé au singe lui-même, après broyage, en deux points: lobule de l’oreille droite, région malaire du même côté. En cette dernière région, aucun phénomène n’a été ultérieurement constaté. Le lobule droit a présenté, par contre, une induration discrète qui a eu son début le 27 février (16e jour) et s’est terminée vers le 17 avril , après une durée de 60 jours environ. DEUXIÈME INOCULATION Le même malade qui nous avait fourni le matériel utilisé pour la lre inoculation a été mis à contribution pour une seconde. Il est à noter que ce lépreux, soumis au traitement par l’huile de Chaul- moogra depuis le mois de décembre, a vu ses lésions s’arrêter, 'puis progressivement et régulièrement rétrocéder jusqu’à guérison presque complète (celle-ci observée après un an environ). Cette amélioration des lésions a joué certainement un rôle dans les résultats obtenus par les ino- culationsdes produits au singe dont nous donnons l’observation et aux autres singes dont les observations suivent. Le 18 mars , ablation d’un léprôme siégeant au niveau du bord libre de la paupière inférieure gauche de notre malade. Le produit du broyage dans l’eau physiologique stérile de ce léprôme est inoculé, deux heures après l’ablation, sous la peau de la région médio-frontale du singe. Six jours plus tard, 24 mars , la région inoculée a repris son aspect normal. Le 31 mars (13 * jour de cette seconde inoculation ), la partie médiane du front montre une légère saillie. Cette saillie s’accroît lentement et progres- sivement les jours suivants. Le 8 avril, le nodule médio-frontal est des plus manifestes; il se 394 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR présente sous forme d’une proéminence arrondie offrant un centimètre et demi de diamètre à sa base et une hauteur d’un demi-centimètre environ ; à la palpation, on sent qu’il est constitué par un tissu dur, élastique. Pas de changement de coloration de la peau; celle-ci est mobile sur la tumeur; pas de douleur à la pression. Même aspect, et accroissement lent jusqu’au 15 mai. Le 2 mai , une nouvelle inoculation est pratiquée sur le même singe avec un produit provenant d’un autre malade lépreux (voir plus bas, 3e inocula- tion). Le 15 mai. la tumeur frontale, qui n’a pas cessé de grossir et qui offre une saillie de plus en plus prononcée, paraît plus molle; à la palpation, il semble qu’on perçoit une fluctuation légère. Cette mollesse s’accuse les jours suivants. Le 26 mai , une ponction est pratiquée au centre du nodule; elle permet de recueillir 2 centimètres cubes d'un liquide clair, visqueux, tenant en suspension des grumeaux qui s’écrasent facilement et quelques grains d’une consistance plus dure. I/examen microscopique montre que ce produit est constitué par des globules blancs polynucléaires et par des bacilles qui présentent la réaction d’Ehrlich; ces bacilles sont isolés ou réunis en amas de petites dimensions ; la plupart d’entre eux sont dégénérés, granuleux; on n’en trouve aucun dans l’intérieur des globules blancs. Pas de microbes associés. La ponction a été suivie d’une diminution rapide de l’élément. Le 10 juin , le nodule fait encore une saillie bien visible, mais son volume est réduit à celui d’une noisette ; la palpation, il est dur, élastique, irrégulier. Le 30 juin, la régression est extrême. Le 7 juillet , on peut considérer la lésion frontale comme guérie totale- ment. En résumé , révolution de cette lésion peut être ainsi décrite : Début 13 jours après la seconde inoculation, dimension maxima et fluctuation au 45e jour de son apparition, ponction le 56 * jour, régression consécutive et guérison totale vers le 98e jour. TROISIÈME INOCULATION Le matériel utilisé pour cette nouvelle inoculation a été prélevé sur un second lépreux appartenant comme le premier à la population maltaise de Tunis où il est né et où il a toujours vécu. Le malade, dont nous devons la connaissance à M. le docteur Triolo, était atteint de lèpre généralisée ayant débuté chez lui depuis un an. Il a été soumis au traitement par l’huile de Chaulmoogra à partir du milieu d’avril 1905 et s’est rapidement amélioré, sans guérir cependant. Le 2 mai nous réinoculons le singe avec le produit de broyage dans l’eau physiologique d’un petit léprôme du cou prélevé quelques minutes aupara- vant sur le malade. La nouvelle inoculation est pratiquée sous la peau au niveau de l’angle RECHERCHES SUR LA LÈPRE 395 externe de ] œil gauche ; de plus l’aiguille souillée parle produit virulent est enfoncée dans l’épaisseur du pavillon de l’oreille gauche. Le 8 mai (6 * jour delà nouvelle inoculation ), les téguments de l’angle externe de l’œil offrent une légère induration à la palpation. Déjà, deux jours auparavant, la région semblait légèrement œdématiée, mais cet œdème avait été mis sur le compte du traumatisme opératoire. Celle nouvelle lésion subit, les jours suivants, un accroissement lent, progressif et régulier. Le 5 juin, son volume est suffisant pour qu'elle fasse une saillie appré- ciable à la vue. Le 10 juin, elle atteint ses dimensions maxiina; sa forme est irrégulière, allongée; la palpation montre un tissu élastique, non fluctuant, indolore. La régression se dessine les jours suivants; le 10 juillet la lésion peut être considérée comme guérie. En résumé , la troisième inoculation du produit lépreux au singe a été suivie de V apparition rapide , presque immédiate , d'un nodule sous-cutané ayant atteint son maximum vers le 33e jour et qui a guéri le 03e jour environ. 11 n’a rien été observé du côté du pavillon de l’oreille. PHÉNOMÈNES ULTÉRIEURS Un mois et demi après la disparition des dernières lésions lépreuses, le singe a présenté des symptômes nerveux graves, assez rapidement mortels, qui ne nous paraissent en rien relever des inoculations auxquelles il a été soumis. Cesphénomènes onl été les suivants :2 4 août, chute de poils dans les régions lombaire et sacrée, par plaques symétriques, boiterie unilatérale légère, l’animal fait des faux pas et redresse la jambe malhabile avec le pied de l’autre côté. 26 août, paraplégie incomplète, chute sur le côté. 31 août , paraplégie presque totale, le singe se traîne sur les membres antérieurs, réflexes rotuliens exagérés, sphincters normaux, sensibilité conservée. Peu à peu, les jours suivants, la paralysie s’est accentuée jusqu’à gagner les membres antérieurs. La mort est survenue par asphyxie bulbaire le 27 septembre. A l’autopsie, en dehors d’un amaigrissement extrême, on ne remarque aucune lésion viscérale. Rien aux divers points qui onl été le siège des inoculations et des nodules qui leur ont fait suite. La rate, la moelle épinière ne montrent aucun bacille lépreux. Celte paraplégie progressive nous paraît avoir été causée par une intoxication ou une infection alimentaire. Elle a été précédée d’une diarrhée de quelques jours el ultérieurement un autre singe de la même cage est mort après avoir présenté des symptômes analogues. Observation II. Macaque mâle, espèce indéterminée, jeune, entré à l'Institut Pasteur en mai 1904. 395 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR PREMIÈRE INOCULATION Le 28 novembre 1904, ce singe est inoculé avec le même produit que le bonnet chinois dont l’observation vient d’être rapportée, aux points suivants : 1° Région frontale, partie moyenne, par frottis après scarifications super- ficielles; 2° Muqueuse conjonctivale de l’œil droit, sans excoriation préalable; 3° Muqueuse nasale du côté gauche, après excoriation, et muqueuse nasale du côté gauche, sans excoriation ; 4° Région préauriculaire gauche (inoculation sous-cutanée); 5o Cavité péritonéale. Le 5 décembre , toute trace des inoculations est disparue. Le 21 décembre , coryza léger consécutif au froid ; le mucus nasal montre des bactéries de toutes formes appartenant sans doute à plusieurs espèces ; aucun microbe présentant la réaction d’Ehrlich. Le 29 janvier (62e jour), le singe, qui n’a montré depuis l’inoculation aucun symptôme, présente, comme le bonnet chinois de l’observation précé- dente et dans la même région (préauriculaire), un petit nodule sous-cutané irrégulier, dur, indolore. Les jours suivants, ce nodule augmente lentement et progressivement de volume; il reste sous-cutané. Le 6 février (8e jour de son apparition), il présente ses dimensions maxima et dessine une légère saillie au niveau de la région parotidienne. 11 n’offre cependant pas un volume égal à celui du nodule correspondant du bonnet chinois. Du 8 au 16 février , l’animal s’étant échappé dans les jardins voisins n’a pu être observé. Le 17 février , lorsque nous l’examinons à nouveau, le nodule est en voie de régression très manifeste. Le 27 février on peut considérer la lésion comme guérie. Au niveau des autres points inoculés, il ne s’est pas développé le moindre accident. En résumé , une inoculation de tissu lépreux , pratiquée sous la peau de la région préauriculaire , a déterminé chez ce singe, après une incubation de 6 % jours, V apparition d’un nodule sous-cutané qui a atteint rapide- ment ses dimensions maxima (8e jour) et guéri en 29 jours environ. DEUXIÈME INOCULATION Elle a été pratiquée en même temps que la seconde inoculation du pre- mier singe et avec le même produit. Le 18 mars 1903, le macaque reçoit donc sous la peau de l’angle externe de l’œil gauche une trace du produit de broyage du léprôme palpébral de notre premier malade. Le 24 mars, toute trace de l’inoculation est disparue. Le 8 avril, 21e jour de l’inoculation, on perçoit au niveau de l’angle externe de l’œil gauche une petite nodosité sous-cutanée, un peu adhérente aux plans profonds, allongée dans le sens transversal, dure, non doulou- reuse. Gette nodosité augmente de volume les jours suivants, RECHERCHES SUR LA LÈPRE 397 Le 17 avril , elle présente ses dimensions maxima; elle forme alors une légère saillie bien visible à l’œil nu. Le 23 avril , le volume paraît moindre. A partir de ce jour, la régression se fait lentement. Le 25 mai , la nodosité est totalement disparue. En résumé, la seconde inoculation, pratiquée au niveau de V angle externe de l’œil gauche, a détermine chez ce singe, après une incubation de 21 jours , ï apparition d’un petit nodule sous-cutané, lequel s’est accru jusqu'au 10e jour environ, pour se terminer après une durée de 47 jours. TROISIÈME INOCULATION Elle a été pratiquée avec le matériel utilisé pour la troisième inoculation du bonnet chinois et le même jour. Le 2 mai 1905, par conséquent, le macaque reçoit sous la peau de la région frontale et au milieu de celle-ci, un peu du produit de -broyage du léprôme du cou prélevé sur notre second malade. Le 4 mai, la région inoculée a repris ses caractères normaux. Le 8 mai, la palpation permet de déceler au point inoculé la présence d’un petit noyau sous-cutané, dur, indolore. Le nodule s’accroît progressi- vement les jours suivants. Il atteint vers le 20 mai ses dimensions maxima; il fait alors une légère saillie sous la peau ; mais cette saillie est loin d’offrir le même volume que celle que présente alors dans la même région le bonnet chinois. Le 5 juin, la régression du nodule frontal est manifeste, elle se poursuit régulièrement ensuite. Le 30 juin, toute trace du nodule est disparue. En résumé, cette troisième inoculation, pratiquée sous la peau de la région frontale, y a déterminé, après une incubation de 6 jours, l’appari- tion d’un nodule sous-cutané, lequel a atteint son volume le plus grand vers le 12e jour, pour disparaître totalement le 56e jour environ. QUATRIÈME INOCULATION Cette inoculation a été pratiquée le 15 novembre 1905. avec le produit île broyage d’un léprôme prélevé au niveau de l’avant-bras gauche sur un indigène lépreux, originaire de l’île de Djerba et atteint depuis plus d’un an de lèpre tuberculeuse généralisée. La présence de nombreux bacilles lépreux dans la lésion a été démontrée par l’examen microscopique. L’inoculation a été faite en deux points : sous la peau de la partie externe de la région sus-orbitaire gauche et dans l’épaisseur du pavillon de l’oreille du même côté, vers la partie médiane (en ce dernier point, je me suis con- tenté de passer l’aiguille souillée par le produit virulent, sans rien injecter du contenu de la seringue). Le 20 octobre, il ne reste pas de trace des inoculations. Le 30 novembre, après une incubation de 15 jours environ, un petit noyau sous-cutané se dessine, sensible à la palpation, et déjà visible à l’œil nu ; il 398 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR est de forme allongée el prolonge en quelque sorte en dehors le rebord orbi- taire. Ce nodule s'est accru sensiblement jusqu’à la date du 15 janvier, où il semble avoir atteint sa dimension la plus grande ; il est alors mobile, indo- lore. du calibre d’un petit porte-plume, sur une longueur de deux centimètres environ. Le 30 décembre, une nouvelle lésion est apparue au niveau du pavillon de l’oreille. Elle consiste en un petit cordon induré suivant exactement le trajet de l'aiguille et terminé à ses deux extrémités par une papule plus grosse, arrondie, rouge sombre, bien visible à l’œil nu. Le 4 janvier, cette nouvelle lésion a augmenté légèrement de volume. Le 18 janvier, régression manifeste des lésions du pavillon de l’oreille; le nodule de l’angle externe de l’œil est stationnaire. Le 1er février, les petits nodules du pavillon sont presque totalement disparus ; le nodule de l’angle externe de l’œil offre sensiblement les mêmes dimensions que lors du précèdent examen. Même état au 1er mars. Vers le 23 mars la régression commence. La guérison est totale le 1er mu}t En résumé, la quatrième inoculation . pratiquée quatre mois et demi après la guérison complète des lésions provoquées par V inoculât ion anté- rieure, a déterminé chez le singe V apparition, au bout de 15 jours , d'un noyau sous-cutané, siégeant à V angle externe de l’œil, et après un mois et demi environ, de petits nodules du pavillon de l’oreille. Ces dernières lésions ont guéri en 32 jours: le nodule de l’angle de l’œil s’est accru jus- qu’au 50e jour, est de même stationnaire pendant 60 jours, pour se ter- miner après une durée totale de 150 jours. Une cinquième inoculation , pratiquée le 19 avril sous la peau de la région préauriculaire droite du même singe, a déterminé une réaction locale rapide (2e jour). L’état général de l'animal s’est altéré vers la même époque et la mort est survenue le 9 mai sans autres symptômes qu’un amaigris- sement progressif et marqué. Pas de diarrhée, pas de phénomènes para- lytiques. A l’autopsie, les organes sont atrophiés, exsangues ; la rate est petite, les ganglions mésentériques un peu gros; pas de lésions intestinales. Observation III. Macaque mâle, de la même espèce que celui dont l’observa- tion précède, entré comme lui à l'Institut Pasteur en mai 1904. Ce singe a subi successivement deux inoculations qui toutes deux n ont déterminé 1. apparition d aucune lésion appréciable. PREMIÈRE INOCULATION Le 11 février 1905, avec le produit de broyage d’une partie du léprôme préauriculaire enlevé le même jour au singe de l’observation 1. L’inoculation a été faite dans le lobule de l’oreille droite et sous la peau de la région sus- orbitaire du côté droit. 399 RECHERCHES SUR LA LÈPRE DEUXIÈME INOCULATION Le 18 mars, avec le produit de broyage du léprôme palpébral de notre premier malade, en même temps que les deux singes des observations précé- dentes, qui tous deux ont réagi à l’inoculation de ce produit. Observation IV. Bonnet chinois femelle, jeune, entrée à l'Institut Pasteur le 12 février 1905. PREMIÈRE INOCULATION Le 2 mars 1905 un prélèvement est fait sur notre premier malade au niveau d’un léprôme étendu siégeant sur l’avant-bras gauche. Le fragment enlevé est broyé aussitôt dans l’eau physiologique et un examen microsco- pique rapide permet d’y reconnaître la présence de très nombreux bacilles lépreux. Le singe est inoculé quelques minutes après sous la peau, en quatre points : partie moyenne du front, pavillon de l’oreille droite, région préau- riculaire droite, deuxième phalange de l’annulaire de la main droite (face palmaire). La quantité de virus inoculée au niveau de la région frontale a été volon- tairement exagérée (2 à 3 c. c. de l’émulsion); elle a été assez forte au niveau du pavillon de l’oreille (1/2 c. c.); dans les autres points, elle n’a pas dépassé deux ou trois gouttes. Quelques jours plus tard, toute trace des inoculations est disparue aux deux derniers points; par contre, à la région frontale, il persiste une indu- ration allongée du calibre d’un petit porte-plume sur une longueur de un centimètre et demi. Ce noyau a persisté tans subir de modifications nettes jusqu’au 1er mai, date à laquelle il a commencé à se résorber. Il est demeuré pendant tout ce temps très dur, de plus en plus dur même, indolore et légèrement adhérent aux parties profondes. Vers le 5 juin , la résorption est totale; la lésion peut être considérée comme guérie. Au niveau du pavillon de l’oreille, une induration légère a également persisté depuis le premier jour de l'inoculation; vers le 18 mars, cette indu- ration présente un plus grand développement cl dessine une légère saillie du côté de la face interne de l’organe. Le 31 mars , le nouveau nodule offre les dimensions d’un petit pois; il reste ensuite stationnaire, en devenant de plus en plus dur toutefois, jusqu’au 1er mai, date à laquelle il commence à régresser pour disparaître seulement dans le cours du mois de juin. Du côté de l’annulaire de la main droite, les lésions ont été très discrètes. Mous avons noté seulement une petite induration remarquée pour la pre- mière fois au début de mai, n’ayant guère augmenté de volume ensuite et disparue au milieu de juin. La région préauriculaire n’a réagi (pie très tardivement à rinoculation. Jusqu'au 5 juin, on ne remarque rien; à cette date, apparition d’un petit 400 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR noyau gros comme un très petit pois, sous-cutané, dur, mobile, indolore. L’incubation de cette lésion a été de 94 jours. Le nodule a acquis son plus grand volume vers le 13 juin; il offre alors des dimensions doubles de celles remarquées lors du premier examen. Le 7 juillet , toute trace de la lésion est disparue. En résumé, les résultats fournis par cette première série d'inoculations sont difficilement appréciables par suite de la persistance des lésions consécutives aux inoculations elles-mêmes . Cette persistance tient sans nul doute à l’importance des doses inoculées. Au niveau de l’annulaire de la main droite, la bénignité des lésions rend, d’autre part, leur interprétation difficile. Un seul fait nous paraît devoir être retenu , V apparition dans la région préauriculaire droite , après une incubation de 94 jours, d'un petit nodule sous-cutané qui a guéri après une durée de 32 jours environ. DEUXIÈME INOCULATION Avec le produit du broyage dans l’eau physiologique de 2 très petits léprômes enlevés au cou de notre second malade (lésions pauvres en bacilles lépreux), on réinocule le singe en deux points: région préauriculaire gauche, pavillon de l’oreille du même côté. Les inoculations n'ont donné aucun résultat. Le singe est mort le 10 août, de diarrhée. L’autopsie ne montre aucune lésion viscérale, l’examen des régions ino- culées est négatif. Observation V. Bonnet chinois mâle, jeune, entré à l'Institut Pasteur le 12 février 1905. PREMIÈRE INOCULATION Elle a été pratiquée le même jour (2 mars), et avec le même matériel que les inoculations du singe IV. Les régions inoculées sont : la partie moyenne du front, le pavillon de l’oreille droite, l’annulaire de la main gauche, la cavité péritonéale. La quantité de virus inoculée à la région frontale, sans être aussi consi- dérable que la dose injectée au singe IV, atteignait 1 c. c. environ. Elle a déterminé l’apparition immédiate d’un noyau induré sous-cutané de la gros- seur d’un pois qui n’a pas augmenté par la suite et est disparu le 18 mars (16e jour). Ultérieurement, il ne s’est développé aucun nodule dans la région. Une très légère induration est apparue au niveau du pavillon de l’oreille vers le 24 mars , elle est restée toujours discrète, a paru disparaître 2 ou 3 fois, puis est disparue définitivement vers le 20 juin; aucune lésion ne s’est montrée à l’annulaire droit. En résumé, résultat à peu près nul , sauf V apparition du petit noyau RECHERCHES SUR LA LÈPRE 40i auriculaire au 22“ jour de l inoculation ; ce noyau ayant eu une durée de près de 90 jours. DEUXIÈME INOCULATION Elle a. été pratiquée le 4 mai , avec le même matériel que les inoculations du singe IV (nodule du cou du 2e malade, très pauvre en bacilles lépreux). Elle a eu lieu en 2 points: région préauriculaire gauche, pavillon de l’oreille du même côté. Le résultat a été nul. Ce singe est mort le 17 novembre d une infection intestinale accompagnée d’ictère, d’amaigrissement et de phénomènes paralytiques analogues à ceux piésentés par le singe I. L évolution en a été seulement un peu plus rapide (2 à 17 novembre) ; à 1 autopsie : ictère généralisé, quelques ulcéra- tions intestinales, rien aux points inoculés. Observation VI. Bonnet chinois femelle, âgée, entrée à l’Institut Pasteur le 19 février 1905. INOCULATION UNIQUE Le 8 mai 1905, ce singe est inoculé avec le produit de broyage du léprôme cervical de notre second malade, en même temps que les singes I et II. L’inoculation a été faite en 2 points : sous la peau de la région préau- riculaire gauche ; dans le lobe frontal de l’hémisphère droit, après trépana- tion. A la suite de ces inoculations, l’animal n’a présenté aucun symptôme. Il est mort le 25 septembre d’une infection intestinale. A l’autopsie, on trouve une rate et un foie normaux. Rien au niveau de la région préauricu- laire droite. Le lobe frontal présente au point inoculé une petite zone rougeâtre de 3 millimètres environ de diamètre; au microscope on reconnaît la présence de pigment sanguin, mais on ne trouve aucun microbe se colorant par la méthode d’Ehrlich. * * * Il nous paraît légitime de tirer de ces observations quelques conclusions : 1° La première est que certains singes inférieurs , en par- ticulier le bonnet chinois (macacus sinicus), offrent vis-à-vis de r inoculation des produits lépreux une sensibilité manifeste . Sans doute, les accidents reproduits chez eux sont fugaces ; il n’en est pas moins certain qu’ils sont réels. Leur évolution clinique le prouve; l’examen histologique pratiqué sur le léprôme préauriculaire de notre premier singe, en montrant la 26 402 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR présence de bacilles lépreux jeunes dans l’intérieur de gros leucocytes mononucléaires, ne peut laisser à ce sujet aucun doute ; 2° La lèpre expérimentale des singes inférieurs est remar- quable par sa longue incubation. Si nous ne considérons chez nos animaux d’expérience que les résultats donnés par une première inoculation, nous relevons une incubation de 62 jours pour le léprôme préauriculaire et de 68 jours pour les deux petits léprômes du pavillon de l’oreille du premier singe, de 62 jours également pour le nodule préauriculaire du second, de 94 jours pour le seul accident indiscutable présenté par le singe IV. Chez le cinquième singe, une lésion des plus discrètes serait apparue dès le 22e jour; 3° Le seul mode d'inoculation qui nous ait donné jusqu à présent des résultats positifs est V inoculation sous-cutanée . Le dépôt des produits virulents à la surface de la peau préala- blement scarifiée, des muqueuses conjonctivales et nasales excoriées ou non, l injection intra-péritonéale, l’inoculation dans le cerveau même ne nous ont fourni que des résultats négatifs ; 4° Une autre conclusion, et des plus intéressantes, découle de l’observation des résultats obtenus par les inoculations successives. C’est la réceptivité de plus en plus grande que présentent les singes déjà inoculés avec des produits lépreux. Cette réceptivité se traduit par la diminution de la période d’incubation et par une durée plus longue des lésions. Il nous suffira pour le démontrer de résumer brièvement l’observation des deux premiers singes : SINGE I. — 1° Inoculation. — Incubation : 62 et 68 jours; durée des lésions : 56 et 37 jours. 2° Inoculation, pratiquée 23 jours avant la disparition com- plète des premiers accidents. Incubation: 13 jours; durée du léprôme : 101 jours; cette lésion, il est vrai, a eu une évolution anormale puisque, seule des accidents observés chez nos singes, elle s’est terminée par suppuration, à la façon d’un abcès froid1; 3° Inoculation, pratiquée au 32e jour de l’apparition du second 1. Cette terminaison est sans doute la conséquence du siège de la lésion, les singes ne cessant de tenir leur front accolé et de le frotter contre les parois grillagées de leurs cages. RECHERCHES SUR LA LÈPRE 403 léprôme du singe et 69 jours avant sa guérison définitive. Incubation : 6 jours; durée des lésions : 63 jours. Il est à noter que le produit utilisé pour cette troisième inoculation était pauvre en bacilles lépreux et provenait d’un malade soumis depuis quelques mois au traitement par l’huile de Chaulmoogra et déjà très amélioré. SINGE II. — 1° Inoculation. Incubation : 62 jours; durée des lésions : 29 jours ; 2° Inoculation, pratiquée 19 jours après la guérison des pre- miers accidents. Incubation : 21 jours ; durée des lésions : 47 jours ; 3° Inoculation, pratiquée 13 jours avant la guérison des accidents consécutifs à la seconde inoculation. Incubation : 6 jours; durée : 56 jours (mêmes remarques que pour la 3e inoculation du 1er singe); 4° Inoculation, pratiquée quatre mois et demi après la gué- rison des accidents consécutifs à la troisième inoculation. Incubation: 15 jours; durée des lésions : 150 jours. Si des résultats analogues n’ont pas été observés chez les singes 1\ et Y inoculés à 2 reprises, la cause en est sans doute la pauvreté en bacilles lépreux du produit inoculé et l’amélio- ration très nette du malade par le traitement. L observation du deuxième singe nous montre de plus que 1 augmentation de la sensibilité par une inoculation préalable est encore manifeste 6 mois 1/2 après la guérison des lésions. Il y a dans cette sensibilisation vis-à -vis des bacilles lépreux, déterminée par une première inoculation de produits virulents, quelque chose d’analogue à la sensibilité des animaux tubercu- leux ou tuberculisés vis-à-vis de l’inoculation de tuberculine ou de produits tuberculeux. M. Babès a d’ailleurs montré que les malades atteints de lèpre réagissent d’une façon spécifique à 1 inoculation d’un extrait glyceriné de produits lépreux. Ces faits sont également à rapprocher des phénomènes d’intoxica- tion serique, et d’une manière générale de tous les phénomènes d anaphylaxie. La sensibilisation expérimentale des singes infé- rieurs aux produits lépreux permettra peut-être, par le moyen d inoculations répétées, de créer chez ces animaux un état de réceptivité satisfaisant vis-à-vis de la lèpre et de déterminer 404 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR chez eux une maladie plus voisine de celle de l’homme que les accidents passagers que nous avons obtenus. Il est possible que l’homme ne contracte, lui aussi, d’une façon définitive la lèpre qu’après une série d’atteintes succes- sives et fugaces, laissant à leur suite une réceptivité de plus en plus grande. Cette hypothèse concorderait assez bien avec ce que nous savons de la faible contagiosité de la maladie ; 5° Une autre conclusion ressort de nos expériences : la nécessité pour obtenir des résultats positifs sur les singes infé- rieurs d’utiliser des produits riches en bacilles et provenant de malades non traités. Les lésions les plus caractéristiques ont été obtenues avec des produits semblables ; toutes les fois au contraire que nous avons utilisé des léprômes en voie de guérison preleves sur des malades soumis à l’huile de Chàulmoogra et améliorés, nos résultats ont été médiocres ou nuis. Nous ne pouvions nous attacher les malades qui ont servi à nos inoculations sans les soigner en même temps; notre pre- mière série d’expériences a donc pris fin par leur guérison pres- que complète ou leur très grande amélioration. La pauvreté en bacilles lépreux des lésions expérimentales des singes et leur grande bénignité expliquent aisément pour- quoi l’inoculation du léprôme de notre premier animal lui- même et au singe n° III n’a donné que des résultats insignifiants ou nuis. Il n’y a donc pas lieu de penser qu’on puisse, à moins d'an perfectionnement très grand de la technique, réaliser des pas- sages de singe à singe ; 6° Est-il besoin d’ajouter que nos expériences ruinent défi- nitivement la théorie suivant laquelle le bacille de la lèpre ne serait qu’une modalité du bacille tuberculeux ? Cette théorie émise par Danielsen était récemment encore défendue par M. Thiroux L On sait la sensibilité du singe à l’inoculation des produits tuberculeux; aucun de nos animaux, après avoir réagi cepen- dant a la suite de nos inoculations, n’a présente des lésions tuberculeuses. 1. Quelques tentatives d’inoculation de la lèpre, Annales d’hygiène et de médecine coloniales (janvier-mars 1905, page 148). RECHERCHES SUR LA LÈPRE -405 Il serait exagéré de tirer d’autres conclusions d’expériences qui n apportent en somme qu’une contribution à la solution du problème de la reproduction expérimentale de la lèpre et non cette solution elle-même \ Les faits nouveaux et indiscutables qui découlent de nos expériences sont : la sensibilité relative de certains singes inférieurs à V inoculation de produits lépreux , et l augmenta- tion de cette sensibilité par la répétition des inoculations virulentes. II0 ESSAIS DE CULTURE DU BACILLE LÉPREUX L’article publié ici même par M. Weil rend presque inutile le chapitre par lequel nous désirions terminer ce premier mémoire. Commelui, nous avons tenté sans succès la culture du bacille de la lèpre sur une infinité de milieux, à toutes les tem- pératures, en présence de l’air ou en son absence, in vivo comme in vitro. Comme lui, cependant, bien que plus rarement, nous avons observé parfois un commencement de culture. Ce résultat a été obtenu, dans nos expériences, sur des milieux de compo- sition très différente : sangcoagulé de lapin, agar à la peptone de cerveau, agar au jaune d’œuf, mais toujours dans Veau de conden- sation des tubes et seulement lorsque T ensemencement avait été abondant. Les cultures dans l’œuf que nous avions tentées, de même queM. Weil, ne nous ont fourni aucun résultat; nous nons proposons de recommencer nos essais sur ce milieu qui, d’après les expériences de cet auteur, serait le plus favorable. Les quelques fois où nous avons observé un développement indiscutable des bacilles lépreux, ce développement s est fait manifestement aux dépens des fragments du léprôme ense- mencés. Dans notre cas le plus net (eau de condensation d un tube de sang coagulé de lapin), la multiplication des microbes s’est produite vers le 10e jour pour s’arrêter au bout d un mois. Jamais les repiquages ne nous ont donné le moindre résultat. Nos observations confirment donc pleinement celles de M. Weil. Nous croyons, comme cet auteur, qu’il est nécessaire, 1. Un autre fait semble ressortir encore de nos expériences, c’est, que la sensibilité des singes inférieurs vis-à-vis des produits lépreux estd autant plus marquée que l’animal est plus âgé. 406 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR même pour obtenir des résultats aussi incomplets, d’utiliser exclusivement des léprômes jeunes, riches en bacilles parfai- tement vivants et très bien colorables, recueillis sur des malades non traités. Nous avons montré plus haut qu’une sem- blable condition paraissait indispensable pour la réussite des inoculations expérimentales chez le singe. BACILLUS PUTRIFICUS Par le Dr BIENSTOCK, de Mulhouse (Alsace) Mes publications sur le Putrificus (1), parues en 1899 et 1900, ont été suivies dans ces six dernières années par un certain nombre de travaux, qui se réfèrent plus ou moins à mes recherches, les contrôlent, les complètent, mais les con- tredisent aussi en partie. Les résultats que j'avais obtenus à cette époque se résument ainsi : I. J’ai trouvé dans de la boue, de la terre de jardin, dans de la sanie provenant de cadavres, un anaérobie strict, formant sa spore en baguette de tambour. Ce microbe, appelé par moi B. putrificus , cultivé et décrit par moi en 1884, mais pas en culture pure, décompose l'albumine, dans des conditions anaérobies en donnant naissance aux produits caractéristiques de la putréfaction, tels que le ILS, peptone, leucine, tyrosine, acides gras et acides aromatiques, amines, acide paraoxyphényl- propionique. A Pair, le Putrificus est associé à des aérobies, dont les uns ne favorisent que son développement, tandis que les autres prennent part au dédoublement de l’albumine, dissoute par l’anaérobie. Ces faits n’ont été contredits par personne, et lissier (2) a montré dans un travail important sur la! putréfaction de la viande de boucherie que, pendant que des bactéries aérobies et anaérobies variées vont et viennent, apparaissent et disparaissent au cours de la putréfaction, le Putrificus est toujours présent. Pas de putréfaction sans Putrificus . Il faut donc considérer ce bacille comme le facteur le plus important de la putré- faction. Le ferment par l’intermédiaire duquel il agit est une diastase trypsique isolée par Achalme (3) et par Lissier. II. L % Putrificus ne détruit que les protéines et ne s’attaque pas aux matières hydrocarbonées. Ce point donna lieu à des controverses. Achalme rangeait ce bacille au nombre des microbes qui donnent naissance, par la fermentation des hydrates de carbone, à la formation d’acides 408 ANNALES 1)E L’INSTITUT PASTEUR volatils, consistant en un mélange d'acide acétique et d’acide butyrique. Tissier le contredit. En dernier lieu, cette question fut examinée par RodeJla (4) qui arriva à la même conclusion que moi : le Putri ficus n altère pas le sucre, et les acides gras qui se forment ne proviennent pas des substances hydrocar- bonées, mais des protéines détruites. III* • Le Putrificus n est pas pathogène pour les animaux de laboratoire. Tissier, Schattenfroh (5) et Grassberger sont du même avis. D’après Passini (6), cette qualité du Putrificus facilite les études sur son agglutination Passini a trouvé que le Putrificus immunscrum agglutinait ce microbe à la dose de 1/20,000. De plus, il a réussi à démontrer l’existence de relations très étroites entre le Putrificus et le bacille du phlegmon gazeux de Fraenkel, mais seulement dans la forme mobile et sporulée de ce dernier. L immunserum du Putrificus agglutinait le bacille de Fraenkel et vice versa. Par contre, Rodella (7) croit que le Putrificus est patho- gène. Il 1 a trouvé dans un abcès gazeux, et il a tué des lapins en leur injectant de grandes doses (3 c. c.) de Putrificus. Rodella voit aussi dans le Putrificus la cause de la carie den- taire. Il a rencontre cet anaerobie dans des dents cariées, il l’a isole, et il est arrive à obtenir avec lui le ramollissement putride complet de dents décalcifiées. IY. Si le Putrificus se trouve in vitro avec les microbes obligés de 1 intestin ( B . coli ou B . lactis aérogènes), ses fonctions chimiques s arrêtent, tandis que ses fonctions végé- tatives restent intactes. Il se manifeste une force antagoniste, qui amène un ralentissement et souvent un arrêt complet de la putréfaction, mais qui ne gêne pas le développement du bacille. Si 1 on ajoute à la culture mixte du Putrificus et du colibacille des substances hydrocarbonées, saccharifiées, comme il s’en Douve constamment dans l’intestin, le développement de 1 anaerobie cesse complètement. Ces phénomènes me portèrent à voir dans la prolifération intestinale luxuriante du colibacille, encore inexpliquée aujour- d hui, une protection naturelle de l’organisme contre le déve- loppement illimité des microorganismes anaérobies de la putré- faction et de leurs toxines dangereuses. BACILLUS PUTRIFICUS 409 Mon opinion ne fut acceptée qu’en partie par Tissier et par Passini (8). Ces derniers croient que l’arrêt de l’action du Putri- ficus n’est produit que par les acides provenant de la fermenta- tion des sucres causée par le colibacille, et que l’on ne peut parler que dans ce sens d’un antagonisme entre le colibacille et le Putri ficus. Mais mon hypothèse a trouvé tout récemment un fort appui en les très remarquables recherches de Conradi (9). Cet auteur a établi que tous les microbes produisent par autolyse des autotoxines, substances entravant leur propre développement et arrêtant leur propre culture à un certain point de sa croissance; — que les fèces humaines contiennent de ces substances, qui, même diluées à 1/4.000, empêchent encore le développement des B. typhi , paratyphi , coli , lactis aerogenes, — que ces substances {hemmungsstoff e) proviennent presque exclusivement de la flore des bactéries obligées de l’intestin, c’est-à-dire du colibacille ; — que celui-ci enfin, fraîche- ment isolé des selles et cultivé dans du bouillon, arrête la vie du Putri ficus, même à une dilution de 1/10.000, surpassant ainsi la valeur antiseptique de l’acide phénique. De toutes les cultures de B. coli , nombreuses et diverses, examinées par Conradi, pas une n’a fait exception, toutes ont arrêté la culture du Putri ficus. Et Conradi conclut : « La force antiputride du colibacille, l’antagonisme entre la flore bactérienne des albu- mines et des matières hydrocarbonées, repose en première ligne sur l’efficacité élective antiseptique des autotoxines bacté- riennes. L’organisme possède ainsi, dans ces substances restric- tives des bactéries obligées de l’intestin, une défense naturelle qui règle les processus de la décomposition intestinale, agit contre la putréfaction et empêche l’auto-intoxication de l’organisme. » Ces conclusions de Conradi, auxquelles il est arrivé par une autre voie, sont donc absolument identiques aux miennes. Y. C’est par ces qualités antagonistes du colibacille que je m’expliquai le fait étrange de n’avoir jamais pu trouver le Putrificus dans les fèces des gens bien portants. Comme il n’est pas douteux que ce microbe anaérobie ne soit introduit dans le canal intestinal, j’ai cru pouvoir admettre qu’il y périt au cours de son passage. J’appuyai cette hypothèse sur des 410 ANNALES DE L1NSTITUT PASTEUR expériences d ingestion de spores du Putrificus faites sur des animaux et aussi sur^des essais réalisés sur moi-même. Il faut que j ajoute que pendant mes recherches sur le Putrificus , poursuivies pendant de longues années, Toccasion d ingérer involontairement de ce bacille ne m a pas fait défaut; cepen- dant, je ne 1 ai jamais trouvé dans mes fèces, malgré un contrôle continuel. Rodella non plus ne mentionne jamais avoir rencontré le Putrificus dans ses nombreux travaux sur les anaérobies des fèces, et Salus (10) aussi me donne raison sur ce point. L’opinion de Passini est la suivante : « On rencontre rare- ment le Putrificus chez les animaux élevés au sein, plus sou- vent chez ceux eleves au biberon; par contre on le trouve régu- lièrement chez les adultes. » Passini prétend l’avoir trouvé dans 70 0/0 des tubes infectés avec des selles. Mais ce savant n’indique pas combien de selles de différentes personnes il a utilisées pour ses recherches. Et il me semble que ce point a son importance. Mes observations de 1899-1900 ne s’appuyant que sur un nombre relativement restreint d’examens de fèces de différentes personnes, il me parut nécessaire de reprendre mes essais sur une plus vaste échelle. J’ai donc encore vérifié ce point dans le cours des dernières années. J’ai recherché le Putrificus dans 100 selles de 100 différentes personnes; 50 d’entre elles étaient des patients delà clinique chirurgicale de l’hôpital de Mulhouse, nullement malades des ntestins, appartenant à la classe ouvrière et mangeant la même nourriture que celle de l’hôpital. Les 50 autres personnes étaient d’âge, de condition différents et suivaient des régimes alimentaires variés. Je n’y ai jamais trouvé le, Putrificus, mais, dans un certain nombre de cas, un autre anaérobie que l’on peut facilement confondre avec le Putrificus. J ai employé pour mes recherches la méthode utilisée par Passini (pasteurisation, etc.), puis une autre méthode plus simple et plus sûre, parce que l’on peut travailler avec de grandes quantités de fèces, et que par là l’on peut écarter le? sources d erreurs qui résulteraient d’une distribution inégale du Putri- ficus dans les selles. Pour cette méthode j’usais de liquides albumineux naturels : du liquide d’ascite et de l’urine provenant d’une BACILLUS PUTRIFIGUS 411 néphrite syphilitique, et extraordinairement riche en albumine. Avant d’entrer dans les détails, je voudrais ajouter quelques mots sur les rapports existant entre le Putri ficus et ces albu- mines naturelles. Dans tous les travaux précédents, tant les miens que les autres, il n'a toujours été question que de l'ac- tion du Putri ficus sur de l’albumine stérilisée par la cuisson. Le liquide d'ascite frais et stérile, de jnème que l’urine albumineuse fraîche et stérilisée par filtration, est inattaqua- . ble pour le Putrificus , soit dans le vide, soit dans une atmo- sphère d'hydrogène. On peut admettre que ce sont des alexines contenues dans ces liquides qui en sont la cause. Pour examiner comment ces liquides se comportent contre une attaque en masse du Putrificus , je procédai de la manière suivante: •* J’ensemençai le Putrificus en piqûre profonde dans un tube de gélose avant refroidissement complet. Après le refroidisse- ment, en chauffant le tube, je chassai la colonne de gélose infec- tée, dans un ballon contenant un litre du liquide albumineux, et je le mis à l’étuve. La culture du Putrificus s’est faite dans la gélose, reposant sur le fond du liquide limpide comme dans une culture ordinaire, c’est-à-dire : elle s’arrêtait à quelque distance de la surface de la gélose et persévérait dans cet état pendant un temps illimité sans altérer le liquide, lequel restait stérile. Quand je faisais cette expérience avec du liquide d’ascite vieux de quelques semaines, le Putrificus sortaitde la gélose et péné- trait dans le liquide environnant. La multiplication du bacille dans le liquide se produisait d’abord avec quelque peine. Pen- dant quelques jours on ne voit que fort peu de bacilles ou baguettes de tambour, pas plus de 2 à 4 par champ microscopique, mais néanmoins il se manifeste déjà à ce moment un changement chimique du liquide, tandis qu’à la même période initiale du développement du Putrificus , l’albu- mine cuite et infectée ne montre encore aucun signe d’altéra- tion. Déjà au moment où apparaissent les premiers bâtonnets, le liquide, jusqu’alors clair et limpide, devient tout à coup trouble, nébuleux^ et il se produit en abondance de l'hydrogène. Le nombre des bacilles n’augmente qu’après quelques jours, 4 12 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR mais alors de façon beaucoup plus intense que dans l’albumine cuite. Au bout de peu de temps on ne voit plus que des baguettes de tambour et seulement cette forme de sporulation, tandis que dans l’albumine cuite le Putrificus montre assez souvent à côté des bâtonnets en baguettes de tambour une sporulation en forme de clostridium. Les produits terminaux de la putréfaction des albumines naturelles sont les mêmes que ceux de l’albumine cuite. Je n’y ai jamais trouvé d’indol. Lorsqu’on ajoute du Putrificus à une culture jeune d’un microbe aérobie quelconque, ou encore lorsqu’on abandonne à l’infection naturelle par les bactéries de l’air un liquide auquel on a ajouté du Putrificus , les mêmes phénomènes se manifestent. Au commencement on voit seulement quelques rares exem- plaires du Putrificus , mais déjà suivis du changement chimique antérieurement décrit; plus tard le bacille pullule de belle façon, les autres microbes disparaissent non seulement sous le mi- croscope, mais dans la plupart des cas effectivement. La culture mixte et impure se changeait donc souvent, parla puissance du Putrificus lui-même, en une culture pure de ce dernier, ce qui n’arrive jamais avec l’albumine cuite. La grande différence qui existe entre la putréfaction causée par le Putrificus et celle qui n’est pas produite par ce bacille, bien qu’on la lui attribue ordinairement, est très évidente avec l’urine albumineuse. Si l’on expose de l’urine albumineuse à l’infection naturelle de l’air, sa teneur en albumine ne diminue pas, même après des jours et des mois à l’étuve, bien que son altération se manifeste par une odeur très mauvaise. Si l’on ensemence l’urine par le Putrificus , après quelques jours déjà, elle ne contient plus d’albumine coagulable par la chaleur. D’après ces essais préliminaires, qui me montraient que l’albumine naturelle est le milieu nutritif électif pour le Putrificus , j’étais porté à conclure que si les fèces contien- nent ce microbe, le liquide d’ascite infecté avec elles fournira nécessairement au développement prépondérant du Putrificus. Je procédai de la manière suivante : de grandes quantités de fèces, prises à différentes places, furent triturées avec le liquide d’ascite, et le tout fut mis à l’étuve. Chaque jour, je recherchais au microscope les bâtonnets en baguettes de tam- BACILLUS PUTIUFICUS 413 bour. Si eeux-ci n’apparaissaient pas après une quinzaine de jours, j’ensemençai avec le Putrificus : dans tous les cas sa croissance fut si abondante qu’il prédominait sur tous les autres microbes. Sur les 100 selles examinées ainsi, 20 environ montrèrent après 5 à 15 jours des bacilles en baguettes de tambour; dans quelques cas ils étaient en culture pure. Dans d’autres cas, il fallait — après pasteurisation — faire des ensemencements en gélose profonde ou sur plaques anaérobies, pour isoler le microbe, que je supposais devoir être le Putrificus , mais qui ne l’était pas. Morphologiquement, il lui ressemblait complètement. Même grandeur et même mobilité, même aspect cultural, même spo- rulation en baguettes de tambour, même coloration positive par- la méthode de Gram, même cils embroussaillés, même action putréfiante sur les protéines, mêmes produits descission, même préférence pour les albumines naturelles et même prédomi- nance sur les autres microbes. Et pourtant, il y avait une différence essentielle entre les deux bacilles. Si l’on infecte du lait avec le Putrificus , il se montre dès le lendemain un changement putride, accusé par une décoloration et de la puanteur; après peu de temps, la putréfaction du lait est complète avec formation de mercaptan, d’alcools, de phé- nols, d’amines, de peptones, de leucine, de tyrosine, d’acides lactique, succinique, butyrique, valérianique, paraoxyphényl- propionique. Si l’on ensemence le lait avec le microbe ressemblant au Putrificus , et aue j’appellerai par aputri ficus , il se forme en quelques heures un coagulum très dur dans toute la masse, et il se sépare une quantité minime d’un sérum acide, limpide comme de l’eau, sans qu’il s’ensuive aucun autre changement. Si j’injectais le lait par les deux anaérobies en même temps, le Par aputri fi eus dominait sur le Putrificus. Le lait se cogulait sans putréfaction. Le Putrificus est sans action sur le glucose et le lactose. Le P ar aputri ficus attaque ces sucres, en acidifiant les milieux qui en contiennent, avec formation d’acides acétique, lactique, buty- rique, d’acide carbonique et d’hydrogène, * 414 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Il existe donc entre les deux bacilles, absolument identiques morphologiquement, cette différence que tandis que lun n'est qu'un destructeur de l'albumine, l’autre ne détruit pas seule- ment les albumines, mais brûle et dédouble aussi les substances hydrocarbonées. Dans un milieu mixte, contenant à la fois du sucre et de l'albumine et injecté avec le Putrificus , l'albumine se putréfie; injecté avec le Paraputrificus , l'attaque du sucre se fait d'abord, et celle de l'albumine ne commence qu'après l’adjonc- tion de carbonate de chaux. Dans un milieu albumineux sucré, infecté avec les deux bacilles, le Paraputrificus se comporte envers le Putrificus de la même manière que celle que j’ai décrite pour le coliba- cille, Tissier pour le Bifidus , Passini pour le B. butyricus. ü arrête l’action et le développement du Putrificus. Je n’ai donc pas trouvé le Putrificus dans les fèces, mais le Paraputrificus , et pas dans tous les cas examinés, mais dans un nombre relativement restreint de ceux-ci; de sorte que je ne crois pas à son existence régulière dans les selles. Je suis conduit à supposer que le bacille décrit par Passini comme étant le Putrificus trouvé dans les fèces est le Parapu- trificus. Les recherches de Passini ont été faites à l’Institut bactériologique de Vienne, en suivant les travaux de Schatten- froh sur les B. butyriques. Ce savant classe les B. butyriques mobiles de la manière suivante : B. butyrique mobile, amylobacter ; n'attaque que les hydro- carbonés, laisse intacte l’albumine : 'B, du charbon symptomatique et B. du phlegmon gazeux; attaquent régulièrement les bydrocarbonés, mais rarement les albumines ; B. de l'œdème malin; attaque les hydrocarbonés et souvent aussi l’albumine; B. putrificus Bienstock ; attaque régulièrement les hydro- carbonés et l’albumine. Cette dernière remarque ne s'applique pas au Putrificus , mais à l’anaérobie que je nomm z Paraputrificus . Si l'on veut faire entrer le Putrificus dans le système des B. butyriques de Schattenfroh, il ne faut pas le mettre en quatrième place, laquelle est prise par le Paraputrificus , mais en cinquième et BACILLUS PUTRIF1CUS 415 dernière place, comme détruisant exclusivement l’albumine. Je ne veux pas oublier de mentionner que le Paraputrificus ressemble, par son action mixte, au B. perfringens et au B. bifermentans de Tissier, mais il s’en difïerentie complète- ment par ses caractères morphologiques. Si l’on veut attribuer au Paraputrificus un rôle physiolo- gique dans l’intestin, on peut admettre qu’il agira plutôt comme antagoniste de la putréfaction, à cause de l'action de ce microbe sur les matières hydrocarbonées. Il faudrait donc le considérer comme un des microbes utiles à l’organisme. LITTERATURE J. Bienstock. — Ces Annales , 1899 et 1900. Arch. /. Hygiene, XXXYI et XXXIX. (1899, 1900). 2. Tissier. — Ces Annales , 1902 et 1903. 3. Achalme. — Ces Annales, 1902. 4. Rodella. — Ces Annales , 1903. 5. Sghattenfroh et Grassberger. — Arch. f. Hygiene, XXXVII et XLVII. 6. Passini. — Münchener Medicinische Wochenschrift, 1904, No 29. 7. Rodella. — Arch. f. Hygiene, 1905, LIII. 8. Passini. — Zeitschrift f. Hygiene ,1905, XIX. 9. Conradi. — Und Karpjuwest, Münchener Medicinische Wochen - schift , 1905, n°r 45 et 46. 10. Salus. — Zur Biologie der Faülniss, München, 1904. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Chnraire. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Vol. XX. PI. XXV ( Mnu . C. N CLICHÉ BŒUF. PHOTOCOLL. LECERF FILS, ROUEN Lèpre expérimentale du Singe 20“ue ANN EK JUIN 1906 N° 6 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES PAR LES “COULEURS DE BENZIDI N E ” PREMIÈRE PARTIE — ÉTUDE CHIMIQUE Par MM. M. NICOLLE et F. MESNIL Chefs de laboratoire à Tlnslitut Pasteur. Elirlich et Shiga 1 ont fait connaître, il y a deux ans, un médicament coloré, le Trypanroth, susceptible d’influencer favorablement les affections à trypanosomes et en particulier le Mal de caderas expérimental. Après nous être rendu compte de 1 action, si curieuse, de ce médicament, nous avons eu la pensée de soumettre à une étude systématique la série de matières colorantes à laquelle il appartient, c’est-à-dire la série des couleurs dites de benzidine. Rappelons que celles-ci (Griess- Bottiger) sont constituées, dans leur forme la plus simple (disazoïques), par une molécule d’une base diazotée (benzidine ou homologue) — sorte de noyau — unie soit à deux molécules i identiques ou non) d’un phénol ou d’une amine aromatique, soit à une molécule d un phénol et à une molécule d’une amine aromatique — chaînes latérales du disazoïque, si l'on veut. Il existe donc des dérivés symétriques et des dérivés asymé- triques. Certaines couleurs de benzidine, qui contiennent une ou deux molécules d’amine, peuvent, après avoir été diazo- tées, eng’endrer à leur tour, par copulation avec les phénols et les amines, des composés trisazoïques et tétrakisazoïques. Comme on le voit, la famille dont fait partie le Trypanroth comprend, en dehors de centaines de corps déjà connus et uti- lises en teinture, un nombre illimité 6 e représentants pos- sibles. Il importait donc de s’orienter au plus vite, sous peine 1. Berliner klin. Wochenschrift , 28 mars et 1 avril 1904. 418 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR d'être bientôt arrêté par la complexité du sujet. Nous avons été assez heureux pour y réussir et pour apercevoir, dès le début de nos recherches, deux des principales conditions que devaient remplir les corps actifs : nature naplitalénique des chaînes latérales et présence, dans ces chaînes, d’au moins un Nil2, avec au moins deux S03H. Notre plan était alors tout tracé. Commencer par les couleurs disazoïques symétriques; étudier d’abord les chaînes henzéniques (vraisemblablement inactives), puis les chaînes naplitaléniques supposées sans action, et enfin les chaînes naphtaléniques préjugées actives. Examiner ensuite, tour à tour, les couleurs symétriques conte- nant (( deux mauvaises chaînes », « deux bonnes chaînes », ou une bonne et une mauvaise chaîne. Expérimenter, en termi- nant. les dérivés trisazoïques et tétrakisazoïques. Parallèlement à cette revue des chaînes latérales, il était indispensable d’en passer une autre, destinée à nous fixer sur la valeur des noyaux (hases diazotées). Tel a été notre plan théorique. Pratiquement, il s’est trouvé subordonné à la division des couleurs en existantes et non existantes dans l'industrie. Pour obtenir les premières, nous nous sommes adressés aux principaux Etablissements français et étrangers. Les Maisons françaises et plusieurs Maisons étrangères nous ont exprimé leur vif regret de ne pouvoir nous fournir les dérivés que nous désirions, ceux-ci n’étant point du ressort de leur fabrication. Les autres Établissements étran- gers ont répondu très gracieusement à notre appel; aussi sommes-nous heureux d’adresser ici nos sincères remercie- ments aux Fabriques suivantes : Badische Anilin und Soda- fabrik (Ludwigshafen) ; Basler Chemische Fabrik (Bl.,Bàlej ; Durand Huguenin (Bàle) ; K aile und C° (K.,Biehricli-a-Rhein) ; Kinzlberger und C° (Prague) ; Farbwerk Mühlheim , vorm. Leonhardt und C° (L.,Mühlheim-a-Main) ; Levinstein limited Crumpsall Yale Chemical Works (Lev.,Blackley près Man- chester) ; K. Œhler (O.,0ffcnhach-a-Main) ; Farbwerke vorm . Meister , Lucius und Brüning (M.,Hochst-a-Main); qui nous ont offert un grand nombre d’échantillons, en nous indiquant la constitution chimique correspondante. B nous faut encore remercier, d’une façon toute spéciale, la Manufacture Lyon- naise de Matières Colorantes ( MLy . — Concessionnaire des TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 419 brevets de la Maison L. Cassella et (F de Francfort), qui a mis à notre disposition une collection très complète de matières colorantes; malheureusement, il lui a été impossible de nous communiquer la formule de la plupart de ces com- posés. Quant a ce qui concerne les dérivés non existants dans 1 industrie, Y Actiengésellschaft fur Anilmfabrikation (A., Berlin) a bien voulu nous en fabriquer quelques-uns et la Geseil- schaft fur Chemische Industrie (Ba.,Bàle) un plus grand nombie, ces deux Maisons nous ont également envoyé divers coloiants tout prépares (avec les formules); nous tenons à leur lappelei combien nous avons ete sensibles à leur obligeance. Enfin, après nous avoir permis de puiser largement dans ses produits commerciaux et ses couleurs de collection, les Farbenfabriken vorm . F . Bayer und C° (By., Elberfeld) ont consenti à entreprendre, avec nous, des recherches systématiques sur la « Chromothérapie » des Affections à try- panosomes. Nous n’oublierons pas l’accueil cordial que nous avons reçu l’an dernier à Elberfeld, l’intérêt porté à nos recherches parle professeur Dreser et 1 empressement mis par le chimiste, bien connu, des k arbenfabnken. le docteur Heymann, a élaboier avec nous un plan d études. Nous prions la Direction des Farbenfabriken d'accepter ici le témoignage de notre reconnaissance et nous considérons comme un agréable devoir d associer le nom du docteur Heymann aux nôtres, dès les pre- mières lignes de ce travail. TRAITEMENT DU NAGANA EXPÉRIMENTAL DES SOURIS Nous avons pris, pour point de départ de nos recherches, le traitement du Nagana expérimental des souris. Le choix de ( elle infection, comme test-objet, a été dicté par les raisons sui\ antes. La maladie évolué avec une telle régularité que Ton peut apprécier même une suivie de moins de 24 heures, impu- table a la médication. D’autre part, le Nagana représente peut- etre la plus sévère des affections h trypanosomes, a coup sur une des plus importantes. Enfin, le Trypanroth, si efficace dans le Mal de caderas expérimental des souris, l’est manifestement moins dans le Nagana, comme l’ont reconnu Ehrlich et Sliiga d abord, puis divers auteurs, ainsi eue nous-mêmes. Chacune 420 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de nos souris, pesant généralement 15 à 20 grammes, recevait ( une fois pour toutes) sous la peau du dos, de quelques heures à un jour et demi après l'apparition des trypanosomes dans le sang, 1 c. c. d’une solution aqueuse à I 0/0 de la couleur employée. Lorsque la couleur se montrait toxique à cette dose, on recommençait le traitement avec 1/2 ou 1/4 de centi- gramme. Ceci dit, nous allons faire connaître les résultats de nos études, en nous référant au plan esquissé tout à 1 heure. L’action thérapeutique maxima , exprimée en jours de retard sur les témoins , sera seule mentionnée et nous servira de guide dans nos comparaisons. Il ne sera point question , pour le moment, du traitement des rechutes. Enfin, nous indique- rons, à l’aide des abréviations usitées plus haut (en carac- tères gras), les noms des Maisons auxquelles nous devons cha- cun des dérivés appartenant aux groupes actifs; toutefois, lors- qu’il s’agira d’un même corps, fourni gracieusement par diverses Maisons, nous nous abstiendrons, naturellement, de citer la Fabrique d’où provient l’échantillon le plus efficace; aussi bien, les différences observées en pareille matière ont- elles été rarement considérables. RECHERCHES AVEC LES DISAZOIQUES SYMETRIQUES ÉTUDE DES CHAINES LATÉRALES Ch aines benzéniqu es . Lorsqu’une base diazotée (du groupe de la benzidine) se trouve copulée avec un phénol ou une amine benzéniques, la couleur résultante ne manifeste aucune activité. Ainsi, le phé- nol, le phénétol, l’acide salicylique, la m.phénylène-diamine, la m.toluylène-diamine monosulfo... , unis à la benzidine (par abréviation, B.) ou à ses homologues [o.dianisidine (D.), o.tolidine (T.)... p .diamidodiphénylurée , p .diamidostilbène disulfo...] engendrent des composés dénués de toute efficacité, alors même que le diazo employé fait partie des meilleures bases. Notons que la plupart de ces composés inefficaces ne teintent pas les animaux en expérience. « Mauvaises chaînes » naphtaléniques . Ce sont celles qui ne contiennent pas le groupe NH2 ou qui, le contenant, n’offrent pas, d’autre part, au moins deux SCUH TRAITEMENT UES TRYPANOSOMIASES 4-21 les couleurs correspondantes teintent , ou non , /es souris. Les « mauvaises chaînes » naphtaléniques sont représentées (entre autres) par les trois classes suivantes de corps. 1° N ap ht ois et leurs dérivés sulfonés, dioxynaphtalènes et leurs dérivés sulfonés , c’est-à-dire : [3 naphtol ; [3 naphtol monosulfo 2.6 (acideS de Schâffer. — Remarque générale : les dérivés sulfonés sont couramment désignés par le nom de l'acide correspondant, mais figurent, en realite, dans la molécule colo- rante, sous la forme de sel alcalin, habituellement de sel sodique)... (3 naphtol disulfo 2.3.6 (ac. R)... (3 naphtol trisulfo 2.3.6.8.. . a naphtol s monosulfo 1.4 (ac.de Néville et Winther), l.o (ac. de Clève)... dioxynaphtalènes monosulfo 1.8.4 (ac. S), 2.5.7.. . dioxynaphtalène disulfo 1.8. 3. 6 (ac. chromotropique)..., combinés à diverses bases : B., D., T., éthoxybenzidine, dichlo- robenzidine... m.azoxytoluidine, p.diamidostilbène disulfo... Comme exemple de chaîne naphtalénique ne contenant pas le groupe NH2, citons encore le chloroxynaphtalène disulfo 1.8. 3. 6, seul composé de sa famille que nous ayons étudié (avec T.). R est intéressant de rapprocher ce dérivé, ainsi que l’acide chromotropique, inactifs l’un et l’autre, de deux compo- sés amidés, « également 1.8. 3. 6 », lac. H et la naphtylène-dia- mine disulfo 1.8. 3. 6, actifs l’un et l’autre bien qu’à un degré très différent. Dioxynaphtalène di- Chloroxynaphtalène di- Amidonaphtol disulfo sulfo 1.8. 3. 6. (Ac. chromotropique.) sulfo 1.8. 3. 6. 1 8 3. G (Ac. H.) 2° Naphtylamines et leurs dérivés monosul jones , c est- à-dire : anaphtylamine, a naphtylamines monosulfo 1 .4 (ac. naph- tionique), 1.5 (ac.L), 1.6... S naplitylamine et sa glycine, (3 naph- tylamine phénylée, (3 naphtylamines monosulfo 2.7 (ac. A ou F), 2.5 (ac. D ou T), 2.6 (ac. de Bronner), ac. de Bronner éthylé... combinées à : B., D., T., éthoxybenzidine, benzidinc o.di- suffo... benzidine sulfone o. disulfo... p.diamidodiphénylurée, m.azoxyaniline, diamidostilbène disulfo... 3° Arnidonaphtols monosuif onés. — Nous en avons étudié ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 422 un certain nombre : 1.5.7, 2.3.6, 2.5.7 (ac. J), 1.8.6, 1.8.4 (ca. S), 2.8.6 (ac. G ou y), le dérivé phénylé de Tac. G... combi- nésàB., I)., T.. éthoxybenzidine,benzidineo. disulfo,... m.azoxy- aniline ; les couleurs ainsi constituées sont régulièrement inac- tives. L’acide G, comme tous les amidonaphtols et leurs dérivés, peut se copuler aux diazos non seulement en milieu alcalin, mais encore en milieu acide (cf. plus loin be qui concerne Tac. H); dans le premier cas, l’azogroupe s’insère en posi- tion 7, dans le second en position 1; dans les deux cas, les produits obtenus ne jouissent d’aucun pouvoir thérapeutique. « Bonnes chaînes » naphtaléniques . Nous les avons rencontrées, avec une fréquence variable, soit parmi les naphtylamines , amidonaphtols et naphtylène- diammes disulfonés , soit parmi les naphtylamines trisulfo- nées. Les colorants , engendrés par l’union de ces corps avec les bases benzidiniques, teintent presque toujours les animaux, toujours lorsqu ils sont actifs. 1° a Naphtylamines disulfo. — Beaucoup se sont montrées inefficaces : a naphtylamines disulfo 1.3,6 ouac. a d’Alén (avec la B. et la T., By.), 1.4.6 ou ac. I de Dabi (avec la B. et la D., By.], 1.4.8 ou ac. o ou S de Schollkopf (avec la B., la D. et la T., By.), 1.6.8 (avec la B., la D. et la T., By.)...; d’autres très peu actives : a naphtylamines disulfo 1.3.7 ou ac. fi d’Alén (12 heures de retard avec la B., rien avec la D., By.), 1.3.8 ou ac. s (24 heures avec la B.. By.), 1.4.7 ou ac. 111 de Dabi (24 heures avec la B., rien avec la D. et la T., By.)- Une seule a manifesté un pouvoir thérapeutique moyen, l’a naph- tylamine disulfo 1.5.7 (14 jours 1/2 avec la B., rien avec la D., By.). Les a naphtylamines disulfo représentent les moins efficaces des « bonnes chaînes » ; la meilleure d’entre elles est évidemment le type 1.5.7 (avec la B.). 2° fi Naphtylamines disulfo. — La fi naphtylamine disulfo 2.6.8 ou ac. G. ou y n’a donné qu’un retard de 24 heures (avec la T., By.), mais il s’agissait d’une couleur assez peu soluble; la p naphtylamine disulfo 2.3.7 ou ac. o a donné 36 heures avec la B. et rien avec la D. et la T. (By.); la p naphtylamine disulfo 2.5.7 a donné 5 jours avec la B. (By.), 12 heures avec la dichlorobenzidine (Ba.), rien avec la D. et la T. (By.). On TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 423 voit que les p naphtylamines disulfo se présentent mieux que les a naphtylamines correspondantes. Le type 2 .3.0 ou ae. R va nous en fournir un exemple meilleur encore. C'est la « chaîne latérale » du Trypanroth d’Ehrlich et Sbiga. Nous avons pu l’étudier copulée avec .9 bases diazotées diverses et voici les résultats de cette étude : Benzkline (M.): 0 (comme l’ont fait remarquer Elirlieh et Siiiga, la couleur en question est assez peu so- luble; suffisamment toutefois, d’après nous, pour manifester un pouvoir curatif net si elle en possédait). Benzidine o.monosulfo (Ehrlich, M.) : oc (dans une seule expérience, il est vrai). Benzidine o. disulfo (Ba.) : 1 jour. Benzidine m.monosulfo (Ba.) : 0. Benzidine m. disulfo (Ba. ) : 0. Diehlorobenzidine (A., Ba., L ., Lev.. O.) : 4 jours. Tolidine (A.. By., L.) : 8 jours. Benzidine sulfone (Ba.) : 0. Benzidine sulfone o. disulfo (Ba.) : 0. 2 molécules d’acide B -j- 1 mol. de La supériorité de l'acide R sur ses congénères n’est donc pas à discuter; mais, comme toutes les « bonnes chaînes », il se trouve influencé, dans son activité, par la nature de la base à laquelle on Punit. Inefficace avec la B., les B. m.sulfo et disulfo, les B. sulfone et sulfone o. disulfo, il demeure médiocre avec la B. o. disulfo, s’améliore avec la diehlorobenzidine, encore plus avec la T., pour devenir bon avec la B. o.monoiulfo. 3° Amidonaphtols disulfo. — L’amidonapbtol disulfo 2. 8. 3. 6 ou ac. 2Rn’a rien donné (avec la B., A.); Pamidonu*ph- tol disulfo l.o. 2. 7 a donné 24 heures de retard avec la B., rien avec la D. et T. (By.); l’amidonaphtol disulfo 2. 3. b. 8 a donné 24 heures (avec la B., A.); 1 amidonaphtol disulfo 1.8.2 4 ou ac. S S a donné 3 jours (avec la D., A., Lev.); 1 amidona- phtol disulfo 2.o. 1.7 a donné o jours avec la B. (Ba., By.), 3 jours 1/2 avec la m.azoxyaniline (Ba.), 3 jours 1/2 avec la D. (By.) et 24 heures avec la T. (By.); 1 amidonaphtol disulfo 1.8. 4. 6 ou ac. K a donné 5 jours 1/2 avec la B. (By., K ) et 18 jours avec la T. (By.). Mais le meilleur de tous les amido- naphtols disulfo est, sans contredit, le type 1.8. 3. b ou acide H. Nous avons été assez heureux (grâce, surtout, à l’obligeance des Farbenf abriken) pour pouvoir expérimenter 1 action des dérivés que cet acide forme avec 24 bases diasotées differentes (en réa- lité 27 ; nous parlerons, plus loin, des 3 dernières). 424 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nos expériences peuvent se résumer ainsi : M. o P + o d O g G\| D. (A., By., Lev., M., MLy., 0.) : 14 jours. D. o.dichloro (By.) : 10 j. T. (By., Lev., MLy.) T. o.nitro (By.) : 2 OO. jours, T. m.disulfo (By.) T. o.dichloro (By.’ 0. 0. 0. B. (Bl., By., Lev MLy., 0.) : 7 j. 1/2. B. o.nitro (By.) : 2 j. 1/2. B. o.dinitro (By.) : 12 h. B. o.sulfo(By.) :24heures. B. o.disulfo (By.) : 3G h. B. m.disulfo (By.) : 12 h. B. o.dichloro (By.) .* OO. B. o.dibromo (By.) : 0. B. o.tétrabromo (By.) : 0. B. sulfone o.disulfo (By.) P • Di ami dod iphénylamine (By.) : 5 jours. p.Diamidodiphény lamine m.sulfo (By.) : 6 jours, p.Diamidodiphcnylurce (By.) : 18 jours. p.Diamidodiphényltbiourée (By.) : 8 jours. m.Diamidodiphénylurée (By.) : 12 heures. m.Azoxyaniline (By.) : 12 heures. p.Diamidostilbène m.disulfo (By.) : 12' heures. p.Diamidophénylglycoléther (By.) : 11 jours. La natuie des diazos auxquels ort combine l’amidonaphtol disulfo 1.8. 3. 6 offre donc une grande importance. Si nous envi- sageons d abord la triade classique : B., D., T., nous voyons que 1 activité des composés, engendrés par leur union avec l ac. H, croît de la B. a la T. Examinons, maintenant, Tinfluence de drveises substitutions dans la molécule de benzidine; nous trou- verons que I on augmente considérablement l’efficacité des cou- leurs par l’introduction de deux atomes de Cl, — qu’on la diminue beaucoup par celle d’un groupe o.nitro, de 2 groupes o.rytro, d un groupe o.sulfo, de 2 groupes o.sulfo, de 2 groupes m.sulfo, et qu on la réduit à zéro quand il s'agit de 2 groupes o.bromo et, ci fortiori, de 4 (dans ce dernier cas, les animaux ne sont même plus teintés; exemple unique, observé par nous, chez les dérivés de lac. II). 11 est curieux de voir quel effet, diamétralement opposé, produisent les deux halogènes Cl et Br. La D. o dichlorée tombe au-dessous de la D. : la T. perd énor- mément quand on la transforme en T. o.nitro et n’engendre plus que des corps inactifs lorsqu’elle passe à l’état de T. o.dichloro ou m.disulfo. La benzidine sulfone o.disulfo ne vaut rien; la m.azoxyaniline et le p.diamidostilbène m.disulfo constituent des noyaux très médiocres: la p.dia- midodiphényl a m i n e et son dérivé m.sulfo valent beaucoup mieux; enfin, le p.diamidophénylgjycoléther les dépasse notablement. La p.diamidodipbénylurée (sur laquelle nous TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 425 reviendrons) représente un diazo des plus intéressants : la subs- titution de CS à CO (c’est-à-dire de S à O), qui en fait la p.dia- midodiphénylthiourée, abaisse fortement son activité; quant à la m.diamidodiphénylurée, elle se montre quasi inefficace. Les amidonaphtols disulfo peuvent s’unir aux diazos non seulement en milieu alcalin (comme dans les couleurs étudiées jusqu’ici), mais encore en milieu acide. Le mode d’insertion de Tazogroupe se trouve alors complètement interverti. Pre- nons par exemple l’ac. H, sur lequel Tazogroupe s'insère en position 7 (c’est-à-dire en ortlio, par rapport à lauxo- chrome OH), quand la copulation est réalisée en milieu alcalin. Si nous opérons en milieu acide, le cliromophore N = N va venir se fixer en 2 (c’est-à-dire en ortlio par rapport à Tauxo- chrome NH~). Dans le premier cas, Tamidonapbtol disulfo 1.8. 3. 6 (( regarde » donc la base diazotée par son noyau a napbtol, dans le second, par son noyau a naphtylamine. Que va-t-il en résulter, au point de vue des propriétés thérapeutiques? Pour nous en faire une idée, nous avons comparé, entre eux, les deux composés suivants. Dichlorobenzidine -f- ac. H cop. en milieu alcalin (By.). Dichlorobenzidine -f- ac. H cop. en milieu acide (By.). N H* CH GH N Hi o Dichlorobenzidine -f- ac H. (Copulation en milieu alcalin.) Ch r;H£ ni H* OH o Dichlorobenzidine -f- ac. H {Copulation en milieu acide.) Le premier donne des solutions d’un bleu violet foncé, opaques même à la lumière; il colore fortement les animaux et peut les guérir à la suite d’une seule injection. Le second donne des solutions d un violet rose, transparentes à la lumière; 1 teinte faiblement les souris et n’a jamais déterminé de survie 426 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ■excédant 5 jours. Inutile d’insister sur la conclusion qu’impose le parallèle précédent. Grâce à ce fait que les bases henzidi niques diazotées ne fixent que successivement les deux chaînes latérales qu’on se propose de leur souder, avec un intervalle (nous allions dire une incubation) parfois notable, il est facile de produire, dans nom- bre de cas, des dérivés asymétriques ( ubi infra) ; on sait tout le parti que T industrie a tiré de cette curieuse propriété, aux allures quasi vitales. Parmi ces dérivés, les plus intéressants peut-être sont ceux que fournissent les copulations successives, en milieu acide et alcalin, d’un même amidonaphtol. Nous avons pu étudier, à ce point de vue, 5 couleurs, dans chacune des- quelles une molécule de diazo avait été unie d’une part à une molécule d’ac. H copulée « acidiquement », d’autre parta une molécule d’ac. H copulée « basiquement » ; les résultats obtenus, mis en parallèle avec ceux que fournit l ac. II combiné « basi- quement-basiquement » aux mêmes noyaux, ne permettent, comme on va le voir, aucune conclusion nette. Nous attribuons ce fait à la difficulté d’obtenir, dans la plupart des cas, des déri- vés « ac.-alc. » exempts d’un excès du composé « ac.-ac. » ou du composé « ale. -aie. ». Ac. H. alcalin-alcalin. Ac. H. acide-alcalin. Benzidine (By.) 7 jours 1 / 2. Dianisidine (By.).. Î4 jours. Tolidine (By) CO p.Diamidodiphénylamine (By.). ... 5 jours. p.Diamidostilbène m.disulfo (By.). J/2 jour. 6 jours. 6 jours. CO 8 jours. 1 jour. Revenons à l ac. II copulé en milieu alcalin et étudions maintenant 1 ' influence des substitutions opérées dans le groupe Nil- en remplaçant, par exemple, un II soit par le groupe CHUCÜOH (pour obtenir la glycine de l ac. H), soit par le groupe GOGH3 (pour engendrer un dérivé acétylé). La glycine de V ac. Il a été expérimentée en combinaison avec 4 bases et voici ce que nous avons constaté : Benzidine (By.) : 8 jours. 2 mol. de glycine \ Dianisidine (By.) : 2 jours 1/2. de i’ac. Il -J- 1 mol. de i Tolidine (By.) : 3 jours. p.Diamidodiphénylamine (By.) : 7 jours 1/2. La glycine paraît donc supérieure à l’ac. H. vis-à-vis de la TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 427 p.diamidodiphénylamine et égalé vis-à-vis de la B.; elle lui reste certainement très inférieure en ce qui concerne la D. et la T. Le dérivé acétylé de l ac. H n’a manifesté aucun pouvoir thé- rapeutique ni avec la D., ni avec la dichlorobenzidine (Ba.). 4° Naph tylène- dia m ines disulfo. — La naphtylène-diamine disulfo 1.8. 3. 6 s'est montrée inefficace avec la B.; elle a donné 12 heures de retard avec la D. et 24 avec la T. La naphtylène- diamine disulfo 2. 7. 3. 6 a permis des survies illimitées avec la B. 5° Naphtylamines trisulfo. — Ainsi qu’on va le voir, celles que nous avons étudiées jusqu’ici n’ont pas donné de résultats très brillants. Les a naphtylamines trisulfo 1.4. 6. 8 et 1.3. 3.7 n'agissent pas (avec la B., By.); l’a naphtylamine trisulfo 1.3. 6. 8 n’agit pas avec la B. et donne un jour de retard avec la dichlorobenzidine (By., B a.). La p naphtylamine trisulfo 2. 3. 6. 8 n’agit pas (avecla B. et laT., By.); la |ü naphtylamine trisulfo 2. 4. 6. 8 donne 12 heures de retard avec la T. (By.); la fi naphtylamine trisulfo 2. 3. 6. 7 n’agit pas avec la T. et la D. et donne 2 jours de retard avec la B. (By.). Il semble donc que si la présence de 2 sulfogroupes constitue pour les chaînes laté- rales un facteur d efficacité indispensable, l’addition d’un troi- sième groupe SQ3H offre plus d’inconvénients que d’avantages. Conditions d’activité des chaînes latérales. Les recherches précédentes peuvent se résumer ainsi : il existe des familles de corps dont tous les représentants consti- tuent de « mauvaises chaînes » ; ce sont, d’une part, les noyaux benzéniques, d’autre part, les noyaux naphtaléniques qui ne pos- sèdent point de groupe NH2 ou qui, en possédant, n’offrent pas, au moins, 2 groupes S03H : ces mauvaises chaînes, copulées avec réimporte quelles hases (y compris les meilleures), engendrent toujours des colorants inactifs. 11 existe, d’autre part, des familles de corps dont certains représentants constituent des « chaînes parfaites », tandis que d’autres offrent une efficacité plus oumoins réduite, etque le reste demeure sansvaleuraucune(naph- tylamines,amidonaphtols et naphtylène-diamines disulfo ; naplitv- laminestrisulfo) A quoi peut-onattribuerlesdifïerencesobservées 423 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dans ce dernier cas? Il faut, évidemment, faire la part delà base associée et nous montrerons plus loin la haute importance de ce facteur. Mais il faut aussi, pour commencer, faire la part des chaînes elles-mêmes, d’autant que certaines semblent dénuées d activité avec toutes les hases possibles (du moins est-il permis de le supposer, quand on constate l’absence de pouvoir théra- peutique avec les trois termes du groupe B., D., T., dont les deux extrêmes peuvent être si différemment influencés par les chaînes qu'on leur combine — ubi infra). Faire la part des chaînes, c’est rechercher dans leur struc- ture, par la méthode comparative, les raisons de leur effica- cité, nulle, faible ou marquée. On conçoit immédiatement l’extrême complexité d’un tel problème. Pour en aborder l’étude avec quelque chance de succès, ne faudrait-il pas, en effet, pos- séder tout d’abord des centaines de disazoïques symétriques, dont la préparation à l’état pur, toujours très minutieuse et par- fois très difficile, représenterait un labeur gigantesque et en partie stérile (car nous ne connaissons point encore le mode de formation de nombre des composants nécessaires à la synthèse de ces dérivés). Nous nous estimons heureux, pour le moment, du matériel que nous devons à l'obligeance de l’Industrie des matières colorantes et notamment des F arbenf abriken : il est assez varié et a coûté déjà beaucoup de travail et desoins. Grâce à lui , nous avons pu faire quelques observations intéressantes et ces observations conduiront sans difficulté,, pensons-nous, à l’établissement de lois partielles , le jour où notre collection aura grandi. Notre méthode comparative est basée sur le raisonnement suivant : Puisque les conditions indispensables pour la réalisa- tion d’une « bonne chaîne » peuvent se réduire à la présence de deux groupes SOIT et d'un groupe NH2 (dans un noyau naphtalénique), les dérivés les plus simples, susceptibles de satisfaire à ces conditions, c’est-à-dire les naphtylamines disulfo , doivent être pris comme point de départ. On commen- cera par établir une série de familles d’après la position des 2 sulfogroupes fondamentaux. Puis, dans chaque famille, on tâchera de faire, successivement, la part : du groupe NH2 fon- damental ("parallèle des a et p naphtylamines disulfo à groupes S O 3 1 1 identiques); d’un groupe S03II surajouté (passage aux TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 429 naphtylamines trrsulfo) ; d’un groupe NH2 surajouté (passage aux naphtylène-diamines disulfo); enfin, d’un groupe OH sura- jouté (passage aux ainidonaphtols disulto). Cette méthode est simple et logique; sans nous demander, quant à présent, quelles peuvent en être les limites, nous allons indiquer les résultats que nous lui devons. Sulfogroupes fondamentaux 5. 7. — Ils réalisent certaine- ment une position favorable, puisque l’a naphtylamine 1.5.7 constitue la meilleure chaîne de sa famille et que la fi naplity- lamine 2.5.7 possède une certaine activité; dans l’un et l’autre cas, bette activité ne se manifeste d’ailleurs qu’avec la B., (on en verra plus loin la raison). so3h nh! nhs nh! «naphtylamine disulfo i-3.6- « naphtylamine trisulfo 1.3.6 8. Naphtylène diamine disulfo 1-8.3 6 1 p naphtylamine trisulfo 2. 3 6. 7. Naphtylène-diamine disulfo 2 7 3 6. Sulfogroupes fondamentaux 3. 6. — On peut dire que l’a naphtylamine 1.3.6 est virtuellement active, tandis que la fi naphtylamine 2.3.6 l’est réellement. La première devient plus ou moins efficace par substitution des groupes S03H, NH2 et OH à l’atome H n° 8 de la molécule; la seconde semble, au contraire, perdre son efficacité dans les mêmes conditions, tandis qu’elle devient active {en combinaison avec la /i.), lors- que les substitutions intéressent l’atome H n° 7. Quelques m ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR détails ne seront pas superflus. L'a naphtylarnine 1.3.6 (inef- ficace par elle-même), transformée en a naphtylarnine trisulfo 1.3. 6. 8 (cette transformation et toutes celles dont il sera question par la suite ne représentent, bien entendu, que des transformations théoriques , inspirées par la comparaison des dive rses chaînes qui possèdent les mêmes groupes fondamen- taux). manifeste un léger pouvoir curatif, tout au moins avec la dichlorobenzidine; transformée en naphtylène-diamine disulfo 1.3. 6. 8, elle montre encore cette faible propriété (avec la D. et la T.) ; enfin, transformée en amidonaphtol disulfo 1.3.6. 8 (acide H), elle devient active au plus haut point. Mais elle le devient d’autant plus que l influence du groupe surajouté OH se fait sentir plus complètement . Ce qui le prouve bien, c’est la différence de pouvoir thérapeutique, offerte par la cou leur : « dichlorobenzidine -f-ae. H », selon que la copulation a été pratiquée en milieu alcalin ou en milieu acide. Dans le premier cas, le « noyau a naphtylarnine » de la chaîne latérale tourne le dos au diazo (qu'on nous permette cette image tri- viale) et l’effet curatif peut être maximum : dans le second, il regarde au contraire le diazo, comme dans l a naphtylarnine trisulfo 1.3. 6. 8, et la supériorité sur cette dernière (qui se confond, évidemment ici. avec la supériorité du substituant OH sur le substituant SQ311) n'est plus que de 4 jours de survie. La p naphtylarnine 2.3.6 ('efficace par elle-même), trans- formée en p naphtylarnine trisulfo 2. 3.6.8, baisse énormé- ment d’activité (1/2 jour de survie avec la T., au lieu de 8 jours) : transformée en amidonaphtol disulfo 2. 8. 3. 6. nous ne pouvons savoir, d'après nos expériences, si elle fléchit (avec la B., la p naphtylarnine disulfo 2.3.6 = O — avec la même B., 1 amidonaphtol disulfo 2. 8. 3. 6 = O pareillement), mais, en tout cas, elle ne gagne point. Elle paraît donc, comme nous le disions, se comporter à l'inverse de l'a naphtylarnine disulfo 1.3.6 (dont elle ne diffère que par la situation du groupe Nil2 et, corrélativement, par le point d’insertion de l’azogToupe), quand l’H n° 8 de la chaîne vient à être substi- tué. Lorsque la substitution a lieu en 7, il en va autrement, ajoutions-nous; en effet, la p naphtylarnine disulfo 2.3.6, transformée en p naphtylarnine trisulfo 2. 3. 6. 7, augmente d activité avec la B. (tandis qu elle devient inefficace avec la TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 431 T.; on en verra plus loin la raison)., et, transformée en naplity- lène-diamine disulfo 2. 7. 3. R, elle acquiert des propriétés thé- rapeutiques très marquées (tout au moins avec la B.). Sulfogroupes fondamentaux G. 8. — Ils représentent, sûrement, une mauvaise position, car W naphty lamine disulfo 1.6.8 se montre inefficace et le demeure quand on la trans- forme en a naphtylamine trisulfo 1.4. G. 8 — et la p naphtyla- mine disulfo 2. G. 8, très médiocre, ne gagne rien à devenir la p naphtylamine trisulfo 2. 4. G. 8, oul'amidonaphtol disulfo 2. 3. G. 8 et perd son peu d’activité en passant à l'état de p naphtyla- mine trisulfo 2. 3.6. 8. Sulfogroupes fondamentaux 3.7. — Ils sont peut-être un peu supérieurs aux précédents, car si P a naphtylamine disulfo 1.3.7, très médiocre, devient inefficace quand on la trans- forme en a naphtylamine trisulfo 1.3. 5. 7 (on voit du même coup que l’a naphtylamine disulfo 1.3.7, que nous savons active, perd complètement ses propriétés thérapeutiques en subissant la transformation en a naphtylamine trisulfo 1.3.5. 7) — par contre, la p naphtylamine disulfo 2.3.7, médiocre, gagne un peu en passant à l’état de p naphtylamine trisulfo 2. 3. G. 7 (mais, seulement, pour ce qui concerne sa combinaison avec la B.. — voir, toujours, infra). N H2 S0?H MH* 0 8 «A /VA AA | j Af] sÿu\/\/ SOH . S"'-HVV • so!h so-’hI a y SG’H v. naphtylamine disulfo 1.4. G v. naphtylamine trisulfo 1.4. G. 8. Amidonaphtol disulfo 1.84 G Sulfogroupe fondamental 4. G. (étudié, seulement, dans l a naphtylamine disulfo 1.4. G). — L’a naphtylamine disulfo 1.4. G, pratiquement inefficace, est cependant virtuellement active. Si elle ne paraît pas le devenir par transformation en naphtylamine trisulfo 1.4. G. 8, elle le devient, très forte- ment, par transformation en amidonaphtol disulfo 1 .8.4.6 (acide K ) . Il nous a été impossible d’appliquer notre méthode compa- rative aux groupes 4. 8 (sans' action, dans l a naphtylamine 432 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR disulfo 1.4.8), 3.8 (très médiocre, dans I’« naphtylamine disulfo 1.3.8), 4./ (très médiocre aussi, dans l’a naphtylamine disulfo 1.4.7) ^.... et 2.7 (très médiocre dans l’amidonaphtol disulfo 1 .5.2.7) , 2.4 (actif, avec la D., dans l’amidonaphtol disulfo 1. 8.2.4), 1.7 (actif, avec plusieurs bases, dans l’amidonaphtol disulfo 2. 5. 1.7). ^ Si 1 on a bien suivi notre exposé, malheureusement un peu aride, on pensera sans doute, avec nous, qu’il sera aisé, à un moment donné, d’établir ce que nous nommions des lois par- tielles. De nouvelles couleurs en nombre relativement modéré, mais convenablement choisies, le permettraient peut être assez rapidement. Four 1 instant, nous conclurons que les meilleures chaînes latérales sont celles qui contiennent — sous certaines condi- tions, dont les unes dépendent de la chaîne elle-même et les autres des bases associées — les sulfogroupes 5.7, 4.(1 et surtout 3.(1 (l’acide R, l’acide H et la naphtylène-diamine i îsullo 2. 7. 3. 6 ne sont-elles point incontestablement jusqu’ici nos meilleures chaînes?). ÉTUDE DES BASES DIAZOTÉES Le titre de notre travail indique implicitement que, seule, a amille de la benzidine (et homologues) est capable de four- nir de « bonnes bases ». Les diazos benzéniques ou naphtalé- mques ne sauraient convenir, en effet, même copulés avec les « meilleures chaînes » '. 11 est aisé de le prouver par des exemples typiques. Prenons d’abord les monamines betué- nujues. Une molécule d’aniline diazotée, unie à une molécule d acide K (K.), correspond pratiquement à la moitié de la cou- leur active : « B -fac.K »(K.). Pareillement, et sous une forme volontairement triviale, nous dirons que si l’on coupe en deux 1 molécule de la couleur : « T + ac. H » , et si l’on ferme ensuite c lacune des solutions de continuité avec un atome d’H, on obtiendra 2 molécules de la demi-couleur : « Toluidine diazo- tee -|- ac. 11 » (By). Or, les « demi-couleurs » « B -f-ac. K » et « T-f- ac. Il », administrées aux souris, les teintent très vivement il est vrai, mais d’une façon passagère et ne produisent aucun eliet thérapeutique, même en réitérant les injections. Si donc L La primuline diazotée non plus. TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 433 de tels dérivés, nés, pour ainsi dire, de la division symétrique de corps très actifs, demeurent absolument inefficaces, il n y a certainement rien à attendre de tous les azoïques dont la base est fournie par une monamine benzénique. Rien, non plus, de ceux où le « noyau » est représenté par une diamine benzé- nique, ainsi que le prouve Tabsence.de tout pouvoir curatif du •composé : « toluylène-aiamine monosulfo 2,6.4 -J- 2 molécules •d’ac. H » (By). Rien, encore, des couleurs obtenues en copu- larit les bases naphtaléniques avec les meilleures chaînes, comme dans le colorant inefficace : « naphtylène-diamine disulfo 1.1). 3. i —J— 2 molécules d ac. H b (By). t ' o. Toluidine. Toluylène-diamine monosulfo 2. 6. 4 Naphtylène-diamine 1.5. 3. 7. Il faut donc recourir, de toute nécessité, aux bases benzi- diniques , c’est-à-dire aux diamine s aro matiq ues dans lesquelles les deux hexagones (qui forment le squelette du composé) sont situés bout à bout (et non accolés latéralement, comme c’est le cas pour les bases naphtaléniques). Cette union bouta bout peut se faire soit directement (benzidine et ses dérivés mono-, bi-, poly-substitués), soit par l’intermédiaire d’un groupe (ou d’un atome) bivalent, de nature très variable (p.diamidodiphényla- mine, p.diamidodiphénylurée, p.diamidostilbène, p.diamido- phénylglycoléther, m.azoxyaniline. ..). Dans l’un et l’autre cas, les couleurs engendrées par la combinaison de ces bases avec les phénols ou amines aromatiques jouissent très souvent de la propriété substantive (c’est-à-dire du pouvoir de teindre le coton sans mordant; dans î’un et l’autre cas, les couleurs engendrées par la combinaison de ces bases avec de bonnes chaînes jouissent très souvent de la faculté de détruire les trypanosomes in vivo. Cette faculté, qui obéit donc à des lois , plus étroites que la faculté substantive,, s’est rarement montrée absente dans, nos expériences, rqais, par contre, elle s’est 28 434 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR manifestée à des degrés très inégaux. Est-il possible d’en déterminer les raisons? > La chimie nous apprend qu une des conditions essentielles de la substantivité réside en la position occupée par les deux groupes amidogènes diazotables. Si ces groupes sont situés en para, vis-à-vis de la liaison benzénique, les colorants formés ont les plus grandes chances de teindre directement les fibres végétales; si ces groupes sont situés en méta, les chances diminuent énormément; enfin, s’ils sont situés en ortho, elles disparaissent à l’ordinaire. Les différences observées par nous,, au point de vue curatif, entre la p.diamidodiphénylurée et la m.diamidodyphénylurée sont absolument de même ordre. On nous fera sans doute remarquer le danger qu’il y aurait à trop généraliser, car la m.azoxy aniline, combinée à l’amidonaphtol disulfo 2. 5. 1. 7, n’a pas donné de trop mauvais résultats. Nous répondrons que, d’après les données classiques, cette base, quoique ayant ses amidogroupes en m., fournit — sans doute à cause de sa structure très spéciale — des dérivés parfaitement substantifs. Envisageons, à présent, en elles-mêmes, les deux classes de « noyaux » benzidiniques , indiquées tout à l’heure. Benzidine o nitro (NOS), 9Uif0 (SO^H) Benzidine o diméthylée (tolidine), diméthoxyiée (dianisidine), dinitro, disulfo, dichloro, dibromo. Benzidine m sulfo Benzidine sulfone o disulfo . D’une façon générale, la benzidine représente une bonne base. Qu’adviendra-t-il, si l’on remplace un ou plusieurs de ses TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 435 atomes d’H par des atomes ou des groupes monovalents? L’ef- fet produit dépend, à la fois, de la position et de la nature des éléments substituants . La chimie enseigne que les subtitutions en ortho, vis-à-vis de la liaison benzénique, dimi- nuent ou suppriment la faculté de teindre directement le coton; exception faite pour le cas des groupes bivalents qui rem- placent, en même temps (en ortho), un H de chacun des hexa- gones, par exemple le groupe sulfone (SO5). Nos expériences ont toujours montré que les substitutions en ortho (par rapport à la liaison), y compris le cas de la benzidine-sulfone, engen- draient des bases très mauvaises, voire inefficaces. Voilà pour la position des groupes substituants; quelle est maintenant l’influence de leur nature? Les groupes CE3 et ÜCH3, que nous rencontrons (deux fois substituants en ortho) dans la tolidine et la dianisidine, ont une action généralement favorable. Nous reviendrons, plus loin, sur la triade B., D.. T., couramment employée par l’industrie des couleurs directes; disons, dès à présent, que la D. offre constamment des propriétés intermé- diaires a celles de la B. et de la T. L influence des groupes o.nîtro et o.dinitro paraît mauvaise, — celle des groupes o.di- sulfo (et, bien entendu, m.sulfo et m.disulfo) également — celle du groupe o.sulfo varie selon Les chaînes associées — celle du groupe o.dichloro suivant les bases (ce groupe manifeste un véritable antagonisme vis-à-vis des groupes OCH3 [D.] et surtout CH3 [T.]), — enfin celle du groupe o.dibromo semble déplorable (inutile de parler du groupe o.tétrabromo). m. Azoxyanillno phény. p. Diamidolglycoléther. 436 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Quant aux bases dans lesquelles les deux hexagones sont réunis par un groupe bivalent , elles paraissent, autant qu on en peut juger d’après nos recherches, inferieures aux bases ben- zidiniques proprement dites. La meilleure semble être la diami- dodiphénylurée ; puis, viennent le diamidophénylglycoléther et la diamidodiphénylamine (dont un seul sulfogroupe en méta ne modifie point les propriétés d’une façon appréciable) ; quant au diamidostilbène m.disulfo, il se montre franchement mauvais (peut-être, en partie, à cause de la position de ses deux groupes S°3H). / M\ De même qu’il existe de bonnes et de mauvaises chaînes, il existe donc de bonnes et de mauvaises basea. Ces dernières, combinées aux meilleures chaînes, ne donnent jamais naissance qu’à des dérivés inactifs; nous pensons toutefois que le nombre des mauvaises bases doit être relativement restreint. De même que la valeur d’une « bonne chaîne » dépend de la constitution chimique de celle-ci et de la nature des diazos avec lesquels on la combine, de même encore 1 efficacité d une a bonne base » se trouve liée et à la structure de cette base et à celle des chaînes qu’on lui adjoint. L influence des bases sur les chaînes a été étudiée en détail dans ce chapitre ; l’influence inverse peut-elle être élucidée à son tour? Maigre le nombre relativement limité de nos expériences, nous avons réussi à dépister Yune , au moins, des lois partielles qui régissent des rapports si obscurs en apparence. Cette loi concerne l’influence des sulfogroupes 6 et 7 des chaînes , sur la valeur comparée des bases qui forment : la triade classique (. B ., D ., T.)9 — le couple B. et m.azoxy aniline, et le couple B. et dichlorobenzi- dine. Nous ne serions pas étonnés que notre loi concernât, d’une façon générale, tous les « substituants » en 6 et 7, mais les éléments nous ont manqué jusqu’ici pour étudier cette ques- tion. Triade B ., D., T. — Toutes les fois que la-chaîne (plus ou moins active) possède un groupe SQ3H en position 6, le pouvoir thérapeutique de la couleur engendrée croît delà B. vers la T. Exemples : la 6 naphtylamine disulfo 2.3.6; les amidonaphtols disulfo 1.8.4. 6 et 1.8. 3. 6 (lorsque l’on remplace l’acide H par sa glycine, ce qui détruit l’intégrité du groupe NH2, la loi s’mter- TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 437 vertit, est-ce là un fait général?) ; la naphtylène-diamine 1.8. 3. 6. Toutes les fois que la chaîne (plus ou moins active) possède un groupe S03H en position 7, le pouvoir thérapeutique de la couleur croît de la T. vers la B. Exemples : les a naphtvlamines disulfo 1.3.7, 1.4.7 et 1.5.7; les p naphtylamines disulfo 2.3.7, 2.5.7; les amidonaphtols disulfo 1.5. 2. 7 et 2. 5. 1.7. Enfin, lorsqu’il y a présence simultanée d un groupe S03H en 7 et d’un S03H en 6, c'est l’influence du premier qui semble prépondérante. Exemple : la p naphtylamine trisulfo 2. 3. 6. 7. Couple B. et m. azoxy aniline . — Avec Tamidonaphtol disulfo 1.8. 3. 6, la B. l’emporte sur la m.azoxvaniline ; avec Tamidonaphtol disulfo 2. 5. 1.7, c'est le contraire. Couple B. et dichl orobenzidine . — Avec la naphtylamine disulfo 2.5.7, la B. l’emporte sur la dichlorobenzidine ; avec la p naphtylamine disulfo 2.3.6, la p naphtylamine trisulfo 1.3. 6. 8 et Tamidonaphtol disulfo 1.8. 3. 6, c’est le contraire. Il est difficile de ne voir, dans ce qui précède, qu'un pur effet du hasard. Si donc, ainsi que nous l’admettons, cette loi doit être considérée comme l’expression de la vérité, on peut dire qu elle prouve, par réciprocité et du même coup : l’exacti- tude des formules attribuées par les chimistes aux dérivés naph- taléniques en question, la pureté des colorants qu on nous a gracieusement offerts, la valeur du Nagana choisi comme test- objet et la nécessité d’avoir été très minutieux dans l’expéri- mentation. L’influence des chaînes sur les bases se manifeste également dans 1 activité, si différente, des deux couleurs « B. o.sulfo -j- ac. R » et «B. o.sulfo -f- ae. H », qui possèdent les deux mêmes sulfogroupes. On pressent toute une « hiérarchie » de lois, mais de nombreux matériaux d’étude seraient indispensables pour les établir. Concluons que, s’il existe, incontestablement, de bonnes chaînes et de bonnes bases, il ne suffit point d associer n im- porte quelle bonne chaîne à n’importe quelle bonne base pour voir naître, ipso facto , une bonne couleur. Il faut, avant tout, tenir compte de l’influence mutuelle des deux composants. Grâce aux observations que nous avons relatées ici, on pourra déjà s’orienter un peu dans le dédale des formules et 1 on ne sera point tenté, par exemple, de réaliser la combinaison d’une 438 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR « bonne chaîne » à sulfo-groupe en 7, avec la « bonne base » îolidine. PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES DES COULEURS ACTIVES Changeons, maintenant, de point de vue et, prenant les cou- leurs actives toutes formées , comparons-les, entre elles et avec les disazoiques symétriques inefficaces, sous le rapport de leurs propr iétés générales. Couleur des solutions. On admet que la couleur des dérivés de la benzidine est surtout liée à la masse et à la structure intime de leurs chaînes latérales. Masse. — Les légères copules benzéniques donnent, ordi- nairement, des jaunes, des orangés, des bruns; les arbores- cences complexes des polyazoïques ( ubi infra) engendrent d habitude des bruns, des verts, des « noirs » ; les noyaux naphtaléniques, intermédiaires, comme importance, aux deux types précédents, fournissent des rouges (et roses) ainsi que des bleus (et violets — nous laissons de côté, volontairement, ce qui concerne les nuances). Structure intime. — Dans les chaînes isomères, la position des groupes NH2, SG ‘H, OH, commande la variété des tons. Comme nos bonnes chaînes appartiennent toutes aux noyaux naphtaléniques, d en résulte , forcément , que les couleurs actives correspondantes ne sauraient être que des rouges et des bleus. De fait, les dérivés des naphtylamines di et trisulfo et ceux desnaphtylène-diamines disulfo sont rouges, — ceux des amidonaphtols disulfo bleus (on n oberve que de rares bruns et orangés dans les deux groupes). Il en részdte, par contre , qu il existe beaucoup de rouges et de bleus inefficaces; ainsi, la naphtol monosulfo 1.4 (mauvaise chaîne) produit des bleus avec la D. et Féthoxybenzidine, l’amidonaphtol monosulfo 1.3.7 (m. c.) des violets avec la triade B., D., T., Fa naphtyla- minc monosulfo 1.4 (m. c.) des rouges avec ces mêmes bases, etc... Les lois qui régissent la couleur des dérivés de la benzidine apparaissent donc comme moins étroites que celles d où dépend le pouvoir thérapeutique de ces dérivés. La nature TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 439 des bases diazotées ri est pas toujours négligeable, en matière de couleur; ainsi l’acide H, qui fournit des bleus avec la triade B., D., T., donne un beau rose carmin avec la m.azoxyaniline. Enfin, les rapports qui unissent les chaînes et les bases ont également leur importance, mais cette question sort trop de notre sujet pour que nous y insistions. Pouvoir colorant « in vivo )) . (Ou résistance de la couleur à l’action destructive de l’organisme.) Nous avons vu qu’il fait le plus souvent défaut avec les chaînes benzéniques et, dans un certain nombre de cas, avec les mam vaises chaînes naphtaléniques . Comme mauvaises chaînes naphtar léniques, susceptibles de colorer les animaux, nous pouvons citer l’a naphtylamine monosulfo 1. 6 (avec la D. et la T.), le p naphtol trisulfo 2. 3. 6. 8 (avec la dichlorobenzidine), le dioxynaphtalène disulfo 1.8. 3. 6 (avec la B., la D. et la T. ), l’amidonaphtol mono- sulfo 1.8.4 (avec la D. etlaT.). Quantaux chaînes qui appar- tiennent aux « bons groupes », elles jouissent toutes du pouvoir tinctorial, au moins avec certaines bases, et leurs dérivés actifs colorent toujours les souris, ainsi que nous le savons déjà. En résumé, les lois de la teinture in vivo se présentent comme moins étroites, elles aussi, que celles d’où dépend la propriété curative. Mais ces lois, qui visent les chaînes latérales, ne sont point seules à considérer. Les bases ont également leur impor- tance, qu’il s’agisse de dérivés efficaces ou non ; ainsi, l’amido- naphtol monosulfo 2.8.6 (inactif) colore les animaux avec la B. o. disulfo et pas avec la B. ni l’éthoxybenzidine, l’acide H (actif) les colore avec un très grand nombre de bases, mais pas avec la B.tétrabromée. Il convient, enfin, de tenir compte de l’influence des chaînes sur les bases ; la loi des sulfogroupes 6 et 7 paraît applicable ici, même avec les composés inactifs. La teinture in vivo ne nous intéresse point uniquement par son intensité , mais encore et surtout par sa durée. Inu- tile de revenir sur l’action fugace des « demi-couleurs p ; faisons simplement remarquer qu’avec nos bons dérivés de la benzidine les sujets demeurent teintés pendant longtemps et ne se décolorent que peu à peu, ce qui favorise, on le conçoit, l’action thérapeutique. . . 440 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Substantivité. i (Ou pouvoir de teindre ie coton non mordancé.) Les auteurs ne s’entendent guère sur la cause de ce curieux pouvoir (rarement observé en dehors des dérivés de la benzi- dine). Les uns le rattachent uniquement à l’état physique (col- loïdal) des couleurs. Les autres en cherchent l’explication dans la seule structure de ces mêmes couleurs et surtout dans celle de leurs bases diazotées (Wahl a fait voir qu il fallait également tenir compte, à titre accessoire il est vrai, de la composition des chaînes latérales). Nous avouons ne pas comprendre pourquoi on s’efforce ainsi d’opposer, entre elles, les propriétés physiques et chimiques, au lieu de tenter de dépister les rapports qui les unissent certainement. En tout cas, on ne saurait nier que la substantivité marche habituellement de pair avec diverses particularités constitutives des diazos. Nous avons déjà étudié ces particularités et notre étude a montré que bien des bases, susceptibles de fournir d’ex- cellentes couleurs directes, n’engendraient, avec les meilleures chaînes, que des dérivés inefficaces ou tout au moins de médiocre valeur curative. Rappelons que si l’influence de la position du groupe NH2 semble la même sur le pouvoir substantif et sur le pouvoir thérapeutique, l’influence de la position des groupes substituants, dans la B., se révèle au contraire plus grande sur le pouvoir thérapeutique que sur le pouvoir substantif, et celle de la nature de ces groupes encore plus considérable. Enfin, t’influence de la configuration générale des bases à hexagones séparés doit affecter, elle aussi, le pouvoir thérapeutique plus que le pouvoir substantif. Les lois qui régissent le premier sont donc plus strictes que celles qui commandent le second (comme pour ce qui concerne la couleur et le pouvoir colorant in vivo). Pratiquement parlant , les dérivés non substantifs se sont toujours montrés inefficaces et les dérivés modérément sub- stantifs n’ont jamais manifesté une activité marquée. Seule, la famille des dérivés bien substantifs a fourni de bons médicaments colorés; mais, répétons-le, elle en a fourni de médiocres et un très grand nombre de nuis, même avec les meilleures chaînes. f. : . ' . ' . V ; ' ; f | ; , ' ' ' . . I Transparence des solutions. L’étude, si simple, de la transparence des solutions permet TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 441- de relier, dans une certaine mesure, l’état physique et la com- position chimique des couleurs et de mettre ces deux éléments, réunis, en parallèle avec le pouvoir thérapeutique. Voici, à cet- égard, ce que l’expérience nous a montré. Les couleurs trans- parentes au jour (en solution à 1 0/0) sont généralement inac- tives; mais les couleurs transparentes à la lumière peuvent se montrer très bonnes. Toutefois, c’est parmi les couleurs opaques (en solution) que se rencontre la majorité des bons médicaments. Inutile d’ajouter que, par contre, une foule dérouleurs opaques ne jouissent d’aucune vertu curative. Les chaînes, qui fournis- sent la presque totalité des solutions transparentes, sont les naphtylamines disulfo et trisulfo (joignons-y. également, la naphtylène-diamine disulfo 1.8. 3. 6). Les bases ont, naturel- lement, leur influence sur l’aspect des colorants dissous et cette influence devient frappante lorsqu’elle s’exerce vis-à-vis de chaînes qui engendrent presque constamment des couleurs opaques (e. s.); ainsi, l’acide H, combiné à la diamidodiphé- nylurée, fournit un dérivé transparent à la lumière, alors qu avec la majorité des autres bases il donne naissance à des composés opaques. Toxicité. Les disazoïques symétriques sont ordinairement inoffensifs,, à la dose de 1 centigramme, pour une souris de 15 à 20 grammes, ce qui représente une bien faible toxicité et, partant, un grand avantage au point de vue thérapeutique. Mais il en est. et des meilleurs, qui doivent être administrés à dose plus faible . D une façon générale, les amidonaphtols disulfo se montrent moins dangereux que les naphtylamines (di et trisulfo) et naphtylène- diamines (disulfo), ce qui tient, évidemment, à l’introduction du groupe OH dans la molécule. Objectivement, cette différence se traduit par ce fait que les « bleus » sont plus faciles à manier que les « rouges » . Les bases diazotées ont un certain rôle dans la toxicité, même en matière de couleurs inactives: ainsi, le. dérivé acétylé de l’acide H, inoffensif avec la I).. ne 1 est plus avec la dichlorobenzidine. Enfin, il y a lieu, naturellement, de, tenir compte de l’influence des chaînes sur les bases ; cette influence paraît régie, ici encore, par la loi des sulfogroupes 6 et 7, même quand il s’agit de dérivés inefficaces. > 442 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Il n’existe aucun rapport entre la toxicité et le pouvoir cura- tif; ainsi l’a naphtylamine disulfo 1.4.8 se montre toxique et sans valeur avec la T., l’a naphtylamine trisulfo 1.4. 6. 8, toxique et sans valeur avec la B..., alors que nous savons la majorité des couleurs actives bien supportées. ' Voici, à titre de document, la dose thérapeutique de nos meilleures couleurs (pour des souris de 20 gr.). o.Dichlorobenzidine -|- acide H (alcalin) 1 centigramme. o. Tolidine -{- acide H (aie.) 1 — p. Diamidodiphénylurée -J- ac. H (aie.) 1 — o.Tolidine + acide H (acide-alc.) 1 — o.Dianisidine -f- acide H (aie.). 1 — o.Tolidine + acide K (aie.) 1 — Benzidine + naphtylène-diamine disulfo 2. 7. 3. 6. 0.75 — Benzidine o.sulfo -j- ac. R (Trypanroth) 0.50 — B -j- a naphtylamine disulfo 1.5.7 0.50 — (iV. B. — Aie. = copulé en milieu alcalin; ac. = cop. en milieu acide. L’atoxyl, dont nous parlerons ultérieurement, s’administre aux mêmes doses que le Trypanroth.) Le médicament coloré « par excellence » serait celui chez lequel le rapport de la dose toxique à la dose thérapeutique montrerait aussi éloigné que possible de l’unité. Nous verrons tout à l’heure que ce sont les colorants bleus qui s’éloi- gnent le moins de cet idéal. Conclusion. Les dérivés actifs se présentent sous l’aspect de solutions bleues ou rouges, transparentes ou non à la lumière, colorant les animaux de façon durable, complètement inoffensives à dose thérapeutique et souvent à une dose supérieure — solutions jouissant, par ailleurs, du pouvoir de teindre directement les fibres végétales. Le premier groupe de propriétés est surtout lié à la structure des chaînes latérales; la dernière propriété, au contraire, dépend principalement de la configuration des bases diazotées. Nous pensons avoir établi nettement, au cours de cette étude, que la faculté curative est régie, à la fois, par l’un et l’autre de ces facteurs morphologiques . Entre nos « bonnes couleurs » (lorsque nous employons cette expression abréviative, nous n’oublions pas qu’Ehrlich, TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 443 en découvrant le Trypanroth, a été l’initiateur de toute cette étude) et les agents employés jusqu'ici pour le traitement des trypanosomiases (couleurs de la série du tryphénylméthane [Wendelstadt etMlîe Fellmer], sérums normaux [Laveran, Lave- ran et Mesnil], dérivés arsenicaux [Laveran et Mesnil, Thomas]), le parallèle chimique paraît des plus ardus. Nous croyons cepen- dant qu’il y a quelque intérêt à le tenter. Il est permis de penser que Pauxochrome NH2 représente l’élément essentiel des chaînes latérales; toute cette architecture complexe des « bonnes couleurs » n’aurait alors comme effet que de mettre NH2 dans les meilleures conditions possibles pour manifester son activité. L’un des H de Pauxochrome peut être substitué, dans certains cas (glycine de l’acide H), sans que cette activité disparaisse (il est vrai qu elle fléchit avec deux hases sur trois). Or, les colorants qui ont donné des résultats positifs à Wendelstadt et Mlle Fellmer (violet de méthyle BB. bleu patenté YN, vert lumière, vert malachite et vert brillant) contiennent, chacun, deux groupes NH2 (le violet dé méthyle en possède même un troisième). Ces deux groupes sont totale- ment substitués, il est vrai, mais cela ne saurait empêcher de les comparer avec nos groupes NH2 ou NH (CH2COOH). Quant à ce qui concerne les sérums normaux, ne renferment-ils pas des groupes NH2, supportés par des architectures autrement complexes que celles des matières colorantes? Nous ne voudrions point que l’on considérât notre « théorie de l’amidogène » autrement que nous ne la considérons nous- mêmes, c’est-à-dire comme une pure « suggestion d’ensemble ». Cette suggestion trouve un nouvel appui dans les propriétés thérapeutiques d’un corps bien curieux, V oxychlorure de ruthénium ammoniacal , découvert jadis par Jolly. Peu après sa découverte, l’un de nous en fit l’étude (avec Cantacuzène) au point de vue de ses propriétés tinctoriales et, lui reconnaissant tous les caractères des couleurs basiques, émitl’idéeque (d’am- moniaque » devait, être contenue, au sein de la molécule d’oxy- chlorure de ruthénium, sous la forme de groupes NH2. Or, voici que le composé de Jolly, inoculé aux souris naganées à la dose de 5 décimilligrammes, a pu retarder leur mort de ù jours ; c’est peu au point de vue pratique, c’est beaucoup, pensons-nous, au point de vue théorique. 444 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Passons aux composés arsenicaux. Si l’atoxyl, ou anilide métaarsénique C6H5A7/ (AsO2), appartient au même type struc- tural que les médicaments étudiés jusqu’ici, l’acide arsénieux s’en écarte incontestablement. Toutefois, il est légitime de faire valoir ici les analogies, bien connues, qui existent entre les métalloïdes As et N (N représentant, en dernière analyse, le centre d’énergie de NH2). Cette manière de voir n’a point seu- lement un intérêt théorique ; elle suggère aussi des recherches nouvelles avec Ph et Sb, qu’il faudrait offrir à l’économie sous leur forme la plus active (surtout pour Ph) et la moins toxique (surtout pour Sb). Revenons aux 6 médicaments colorés que l’expérience nous a révélés comme les meilleurs et indiquons, en terminant, quelle est leur valeur respective. Les 3 suivants : o.Dichlorobenzidine -|- ac. H (aie.). o.Tolidine -f- ac. H (aie.). o. Tolidine -f- ac. H (ac.-alc.). permettent , dans nombre de cas, de faire disparaître définiti- vement les trypanosomes, àla suite d’une seule injection de la dose curative. Ce résultat est obtenu moins souventavec le dérivé: Benzidine -j- napbtylène-diamine disulfo 2. 7. 3. 6. et exceptionnellement avec le : Trypanroth (l’atoxyl ne se comporte pas beaucoup mieux). Quant à la couleur : p. Diamidodiphénylurée -|- ac. H (aie.). elle est incapable de guérir les souris en une seule séance, mais elle a certainement mieux raison des rechutes que les 6 com- posés qui précèdent. RECHERCHES AVEC LES DISAZOIQUES ASYMÉTRIQUES Ils ne se montrent jamais actifs, bien entendu, quand ils contiennent deux mauvaises chaînes. Lorsqu’une des chaînes est bonne et l’autre mauvaise, l’efficacité peut encore faire défaut. Par contre, dans le cas où les deux chaînes ont de la valeur, le pouvoir curatif apparaît constamment, semble-t-il. RECHERCHES AVEC LES TRISAZQIQUES Tous les dérivés de cette famille, , même ceux qui renfer- TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 445 ment une bonne chaîne, sont absolument dénués de valeur thérapeutique. On ne saurait s’en étonner, si l’on songe que l’élément actif — souvent paralysé déjà, comme on vient de le voir, dans le cas des disazoïques asymétriques munis d'une bonne et d’une mauvaise chaînes — se trouve comme perdu, ici, au sein d’une molécule volumineuse où prédominent les grou- pements inefficaces. Nous avons pu étudier, grâce à l’obligeance de la Manu- facture Lyonnaise de Matières colorantes, un grand nombre d’azoïques complexes ( polyazoïques ), dont la constitution n’a pu, malheureusement, nous être communiquée dans la majorité des cas; aucune de ces couleurs n’a manifesté la moindre pro- priété curative, TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES EXPÉRIMENTALES AUTRES QUE LE NAGANA Nous ferons connaître brièvement, pour terminer la partie chimique de notre travail, le résultat des essais thérapeutiques portant sur le Mal de caderas, le Surra et la Trypanosomiase humaine. MAL DE CADERAS Yoici la liste des 13 couleurs étudiées à ce point de vue, avec l’activité maxima correspondante, exprimée, comme pour le Nagana, en jours de retard sur les témoins (souris) : oc Naphtylamine disulfo 1.5.7 + Benzidine • • • • 1° jours P Naphtylamine disulfo 2.3.6 (ac. R) + B. (d’après Ehrlich et Shiga) ... 2 jours _ _ — R. o.monosulfo (Trypanroth).. . . oc — Dichlorobenzidine 2 jours Amidonaphtol disulfo 4. 8. 3. 6 (ac. H) + B, (aie. -aie.) 13 jours D — 43 jours j 00 — — T. (ac.-alc.) 00 — Dichlorobenzidine (aie. -aie.) °° — — Dichlorobenzidine (ac.-ac.) 5 j. 1/2 — p. Diamidodiphénylurée (alc.-ale. ). 14 jours Amidonaphtol disulfo 1.8. 4. 6 (ac. K) + T 1 j°urs Naphtylène-diamine disulfo 2.7.3. 6. + B Il ressort des lignes précédentes que, parmi ces 13 couleurs, il en est 5 qui l’emportent manifestement sur les autres. Quelle est, maintenant, leur valeur respective? Les deux suivantes : ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 446 Dichlorobenzidine -f ac. H (aie. -aie.). Benzidine o.monosulfo -f ac. R (Trypanroth). permettent, dans bien des cas, de débarrasser définitivement l'organisme des trypanosomes, après une seule intervention, tandis que ce résultat ne s’obtient qu’exceptionnellement avec les 3 autres. Il est vrai que cette infériorité se trouve compen- sée, jusqu’à un certain point, pour le dérivé « naphtylène-dia- mine disulfo 2. 7. 3. 6 -|- B. », par sa valeur incontestable lors du traitement des rechutes. Il ressort, également, de ce qui précède, que V ordre d’ acti- vité de nos médicaments colorés cesse d'être le même quand on passe du traitement du Nagana à celui du Mal du cade- ras. Il est facile de voir que les changements observés doivent être mis , principalement , sur le compte des diazos. En effet, alors que certaines bases — dichlorobenzidine, dianisidine, p.diami- dodiphénylurée — semblent convenir aussi bien dans le cas du Nagana que dans celui du Mal de caderas, la B. o.monosulfo parait supérieure dans le Mal de caderas et la T. l’est certai- nement dans le Nagana. Quant à la B., elle ne se montre réel- lement meilleure, dans le Mal de caderas, qu’avec l’ac. H., ce qui prouve que l’influence des « chaînes latérales » ne doit jamais être perdue de vue. SURRA (VIRUS INDIEN) Nous n avons cru devoir expérimenter ici que les 6 dérivés qui, s’étant montrés les meilleurs dans le traitement du Nagana, avaient également donné de bons résultats dans celui du Mal de caderas. Voici comment ils se sont comportés : £ Naphtylamine disulfo 2.3.6 (ac. R) -f- B. o.monosulfo (Trypanroth). o© Amidonaphthol disulfo 1. 8.3.6 (ac. H) -f- T. (alc.-alc.j. o© (?) — — — T. (ac.-alc.).. oo(?) — — — Dichlorobenzidine(alc.*alc.) oo — — — p.Diamidodiphénylurée.. . . 20 jours Naphtylène-diamine disulfo 2. 7. 3. 6 -f- B 28 jours Les deux seules couleurs, susceptibles de guérir les ani- maux (souris) en une seule séance, sont donc les suivantes : Dichlorobenzidine -f- ac, H (aie. -aie.). Benzidine o.monosulfo -{- ac. R (Trypanroth). comme pour le Mal de caderas; mais, ici, les différences d’ac_ TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 447 tivité entre la première et la seconde se montrent bien plus accentuées (au bénéfice de « dichlorobenzidine -j- ac. H »). Nous ajouterons que l’atoxyl paraît venir immédiatement après le Trvpanroth. Rappelons, en passant, que le sérum humain peut guérir exceptionnellement les souris atteintes de Nagana , Mal de caderas et Surra. Si nous comparons , maintenant, le Nagana , le Mal de ca- deras et le Surra , en nous plaçant au point de vue de V in- fluence des diazos , nous voyons que la dichlorobenzidine et la p.diamidodiphénylurée (avec des valeurs très inégales) con- viennent pareillement aux 3 trypanosomiases, — que la B. semble supérieure pour les deux premières — que la B. o.monosulfo paraît meilleure pour le Mal de caderas que pour le Surra et pour le Surra que pour lo Nagana, — et que la T. se montre certainement «moins bonne pour le Mal de caderas et le Surra que pour le Nagana. La conclusion pratique est que le dérivé « dichlorobenzi- dine -f- ac. H » constitue , à l’heure actuelle, le médicament de choix dans le traitement de la triade : Nagana, Mal de cade- ras et Surra. TRYPANOSOMIASE HUMAINE Nos recherches, entreprises avec les 7 couleurs mention- nées plus loin, ne sont pas encore assez avancées pour autori- ser des conclusions définitives ; elles donnent déjà, cependant, une idée suffisante de l’activité comparée de ces dérivés. Le Trypan. gambiense , employé par nous, provenait du liquide céphalo-rachidien d’un malade (Européen) soigné à THôpital Pasteur1. Actuellement, ce virus détermine, chez les rats (de moins de 100 gr.) et les singes ( Macacus sp. variœ ), une affection lente, sûrement mortelle en 1 à 2 mois; les parasites sont presque toujours présents dans la circulation. Chez le rat, traité à la dernière période de la maladie, quand le sang offre de très nombreux trypanosomes, on ne réussit à faire disparaître ceux-ci que pendant un temps fort court. Si l’on 1. Voir L. Martin et J. Girard. Bull, méd., 29 avril 1905. A Laveran, Bull. Acad. Med., 25 avril 1905 et C. R. Acad. Sciences, t. CXLII, 14 mai 1906. 448 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR :veut apprécier exactement l’influence thérapeutique des cou- leurs en question, il est donc nécessaire d’intervenir dès le début des accidents. C’est ainsi que nous avons opéré chez le rat et le singe ; l’organisme est alors débarrassé des parasites durant une assez longue période et l’on peut classer les dérivés employés d’après l’étendue de cette période. Les chiffres obtenus méritent toute confiance, parce que, pour chaque couleur, ils sont de même ordre chez le rat et le singe, et de même ordre, également, lors de la première et de la seconde rechute. Voici ces chiffres ( maxima ) : a Naphtylamine disulfo 1.5.7 -f- B.. 5 jours P Naphtylamine disulfo 2.3.6 (ac. R) -J- B. o.monosulfo (Trypanroth). j- Amidonaphtol disulfo 1.8. 3. 6 (ac. H) + T. (ac.-alc.).. 10 jours — — — Dichlorobenzidine. 22 jours — — p.Diamidodiphénylurée 30 jours — — — p.Diamidophénylglycoléther.. . 26 jours J^aphtylène-diamine disulfo 2. 7. 3. 6 -f B 8 jours C’est la p. diamidodiphénylurée qui reste ici la meilleure base (l’atoxyl se comporte à peu près comme la couleur « p. diamidodiphénylurée -j- ac. H »). Puis, viennent : le p. diamido- phénylglycol éther, la dichlorobenzidine et, en arrière, la B. o.monosulfo (sous forme de Trypanroth), — puis la T., — enfin, la B. (dans le dérivé naphtylène-diamine disulfo 2. 7. 3. 6 + B., dont l’arsénite de soude partage le degré d’activité, et dans l’a naphtylamine disulfo 1. 5. 7). Nous en avons fini avec la partie chimique de notre tra- vail. Dans Impartie expérimentale , qui ne tardera pas à paraî- tre, nous suivrons de près l’influence de nos médicaments colorés sur les diverses trypanosomiases, nous montrerons les avantages et inconvénients respectifs des meilleurs d’entre eux et cette étude nous conduira à des indications thérapeu- tiques, dont nous espérons que la médecine humaine et la médecine vétérinaire pourront tirer profit. AUX ESPÈCES OVINE ET CAPRINE Par le JP Ed. DÜJAUDIN-BEAUMETZ La péripneumonie ou pleuropneumonie du gros bétail a toujours été considérée comme une maladie contagieuse exclu- sivement inoculable aux bovidés et l’impossibilité de la trans- mettre a d autres especes animales permettait même de con- firmer le diagnostic de cette épizootie bovine. En effet, 1 inoculation experimentale de la sérosité puisée dans le poumon hépatisé a toujours été négative chez les ani- maux autres que les bovidés. «Des chèvres, des moutons, des chiens, des porcs, des oi- seaux de basse-cour, l'homme lui-même, dit Willems qui le premier fit, dès 1850, cette expérience, ont subi cette inocula- tion sans en avoir ressenti les moindres suites, pas même celle d’une piqûre anatomique1. » Lorsque plus tard les expérimentateurs eurent à leur dispo- sition une lymphe virulente et pure recueillie dans l’œdème sous-cutané du veau d’après la méthode préconisée par Pasteur * des injections massives furent maintes fois pratiquées sous la peau, dans les plèvres et le péritoine d’animaux divers, et tou- jours sans succès. Le mouton et la chèvre sont demeurés réfrac- taires à ces inoculations2. Quant aux épidémies de péripneumonie signalées chez la chèvre par Spinola, Koppitz, Férir et Lefebvre et observées chez le chameau par Yedernikoff, il n’y faut voir que des épi- zooties à formes pulmonaires n’ayant qu’une analogie lointaine 1 Docteur L. Willems, Cinquante années cV inoculation préventive de Ici péripneumonie contagieuse des bovidés (1850-1900)* Bruxelles, 1900. Pa^e 21. 2. Dans 1 édition française des Archives des Sciences biologiques de l'Institut Impérial de Saint-Pétersbourg (1901) où se trouve un travail de MM. Tarta- kowsky et Dchounkowsky sur la péripneumonie des boeufs, il est fait mention de sérosité recueillie chez des «agneaux » et d’inoculations faites à ces animaux- or, dans le texte original russe, il n’est pas question d’ovins et le mot russe signifiant « veau » a été traduit par erreur par le mot « agneau ». Gomme l’édi- tion française est consultée le plus souvent, nous tenons à faire cette rectifica- 450 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR avec la péripneumonie bovine; d’ailleurs aucune inoculation de contrôle à des bovidés n’a permis de conclure k l’identité de ces affections. En 1898, un notable progrès était réalisé dans la question delà péripneumonie. La découverte de l’agent pathogène et de sa culture laite par MM. Nocard et Roux1 en collaboration avec MM. Borrel, Salimbeni et Dujardin-Beaumetz rendait facile, j grâce à l’emploi de milieux nutritifs artificiels et à la méthode d’isolement du virus par la filtration, le diagnostic et l’étude de cette maladie bovine en supprimant toute inoculation de contrôle. On sait combien sont étroites les conditions de sa culture. Si 1 usage de la peptone préparée avec des estomacs de porcs d’après le procédé de L. Martin donne de bons résultats et évite 1 inconstance des peptones commerciales, le rôle du sérum sanguin et de la sérine en particulier est prépondérant et sa présence est indispensable pour le développement de ce microor- ganisme. Les premières cultures retirées des sacs de collodion ou de roseau qui avaient séjourné dans la cavité péritonéale de lapins et qui contenaient par suite de la sérosité de cet animal, s étaient d abord montrées virulentes chez les bovins inoculés; mais, après plusieurs passages en sacs, une atténuation sensible du virus avait été constatée. Lest pourquoi dans les cultures « in vitro» nous avons toujours employé le sérum de bœuf. Le virus péripneumonique, dans ces conditions, a conservé sa virulence après un nombre considérable de réensemencements dans ce milieu liquide et ce sont ces cultures qui, dans la pratique vétérinaire, servent actuellement aux inoculations faitea au toupillon d’après la méthode willemsienne pour la prévention de la péripneumonie. L injection de telles cultures en bouillon-sérum-bœuf à d autres animaux que les bovidés n’a abouti à aucun résultat positif ; il y a donclà concordance absolue entre les résultats de ! 1 inoculation de la culture et ceux de l’inoculation de la sérosité elle-même. 1. Nocard et Roux, Le microbe delà péripneumonie. Aimâtes de V Institut Pas- leur, 1898. Dujardin-Beaumetz, Le microbe de la péripnèumonie et sa culture. Thèse de Paris , 1900. PÉRIPNEUMONIE DES BOVIDÉS 4SI * Mais nous avons pensé qu’en expérimentant sur des ruminants voisins des bovidés et en utilisant dans les milieux de culture le sérum de ces animaux, il nous serait possible de vaincre la résistance de ces espèces jusque-là réfractaires. Devant d’abord nous adresser à la race ovine, nous avons préparé un bouillon alcalin à parties égales de peptone de panses de porcs et de macération de viande de mouton chauffée à 80° 1 . Ce milieu, additionné de sérum de mouton dans la pro- portion de 10 0/0, est stérilisé par filtration sur porcelaine. Le microbe d’ailleurs y végète abondamment. D’autre part, le virus dont nous avons fait usage était d’ori- gine sûre; il provenait d’un cas typique de péripneumonie et les cultures qui en sont-issues sont utilisées pour les inoculations willemsiennes et ont été employées à cette époque dans les Pyrénées par MM. Constant et L. Mesnard pour vacciner les troupeaux de cette région. * ■Sfr vf? Le premier mouton inoculé reçoit le io février 1904, sous la peau du flanc gauche, une dose massive (100 c. c.) d’une culture en bouillon-sérum-mouton. Le soir même, la tempéra- ture s’élève à41°7, et dès le lendemain, un œdème dur et bien 1. La question de la température à laquelle doit être portée la macération de viande n’est pas a négliger. En effet, dans les bouillons-sérum composés de macérations chauffées seulement à 65° et même à 70°, le microbe de la péripneu- monie s’y développe lentement et mal. Cette particularité, peu sensible si l’on se sert de viande de bœuf, est remarquable si on fait usage de viande de cheval. Si cette dernière macération est portée à une température inférieure à 60°, on n’ob- serve aucune culture même après un séjour prolongé à l’étuve. Si le milieu a été chauffé à 75°, le développement se fait avec un retard de plusieurs jours et reste maigre, alors que dans les bouillons chauffés à 80° la culture est rapide et abondante. Le suc musculaire contient donc des substances albuminoïdes détruites par la chaleur et qui entravent la culture de la péripneumonie. L’hémoglobine ne peut être mise en cause puisque, dans les bouillons additionnés de sang de cheval hémo- lvsé, la culture s’est faite parfaitement. Il en est de même pour les alevines, car le sérum qu’on ajoutait au bouillon n’avait subi aucun chauffage. Comme il nous était impossible de constater à l’aide du microscope la culture de ce microorganisme si ténu dans ces milieux peu chauffés qui se troublent (naturellement à l’étuve, nous avons eu recours au procédé décrit par M. Marino. Ces Annales , 1905, p. 816.) Après avoir versé à la surface du bouillon à étudier quelques gouttes soit de olution alcoolique de Bleu Marino, soit de celle de Giemsa légèrement étendue d’eau, l’apparition de l’anneau d’éosine nous a permis d’une façon élégante de nous renseigner sur l’existence et selon la rapidité de la réaction, sur la richesse de la culture. 452 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR limité occupe la région abdominale; peu à peu, il envahit la paroi costale et gagne successivement Faisselle et le poitrail. Cet engorgement extrêmement douloureux est en tous points com- parable à la tuméfaction qu’on observe chez le bœuf inoculé eu région défendue. La sérosité limpide qu’on recueille par ponction, est ensemencée sur milieux-sérum et donne des cul- tures abondantes du microbe péripneumonique. N° 1. — Mouton inoculé avec 100 c. c. de culture en bouilion-séruni-mouton. L’animal est triste, refuse toute nourriture et reste isolé dans un coin de son box. La courbe thermique qui s’était maintenue aux environs de 41°, 5, et avait atteint 42° commence à baisser vers le 23. En même temps, l’engorgement tend à diminuer. Le 27, on remarque une boiterie accentuée de la patte antérieure droite; l’articulation du genou est gonflée, chaude et sensible. Sa circonférence mesure 12 cent. 1/2 alors que celle de l’articulation de la patte opposée n’est que do 11 cent. 1/2. L’ensèmencement du liquide synovial donne des colonies caractéristiques de péripneumonie. L’arthrite persiste encore une dizaine de jours et le 5 mars n’y a plus trace d’œdème; une desquamation de l’épiderme se produit dans la région de la tuméfaction disparue. Ce mouton qui, au début de l’expérience, pesait 25 kilogr., a maigri dans de notables proportions (4 kilogr. 1/2) et ce n’est PÉRIPNEUMONIE DES BOVIDÉS 453 que plusieurs semaines après, qu'il a repris son poids initial. Nous venions donc d'assister à une véritable atteinte de péripneumonie avec engorgement caractéristique et accom- pagnée d’arthrite comme on l’observe couramment chez le veau. Mais un seul point différait de la péripneumonie bovine expérimentale, c’était l'absence de l'incubation quelquefois si longue et qui ne fait jamais défaut chez les bovidés. La dose massive de culture injectée dans ce cas pouvait expliquer cette évolution péripneumonique d'emblée. Aussi, dans l’expérience suivante, nous avons limité la dose injectée à 10 c. c. Un mouton de 26 kilogr. est inoculé le 7 mars 1904 au niveau de l'hypocondre gauche avec 10 c. c. de culture en bouillon- sérum-mouton. Le liquide injecté est résorbé le jour même; i cependant dès le lendemain l’œdème commence à apparaître pour s’accroître peu à peu et envahir le thorax et le poitrail. Cet engorgement tendu et douloureux gagne les aisselles et entrave ainsi la marche de l’animal qui reste étendu sur sa ! litière. f T" mm 8 9 iO 11 12 13 U 16 17 18 19 20 21 22 23 2U Z5 26 Âo° 39° 33° H —3 fr *> t- V y /\ T xr"W 7/ nr V K, —i -y S N| tVJ ~ • N v i r v A H «ï V, -J -V -A 'I* A A y J 5— • ; -r S l/ VI / -S? fs ¥ îv 'O V > •a TC; ■ ■X. Jo »N -S- -Q — -fc- y rO y N -ç- N'o rts S TC- ■y -â- V y fVj 'O VJ -3- ■r; No . •N» -5" R, . S- -y- N s .±L X° 2. — Mouton inoculé avec 10 c. c. rtc culture en bouillon-séruin-moufQ'U, En 48 heures, la température atteint 41°, 9 et redescend len- tement chaque jour. , Une prise de sérosité limpide et ambrée est faite dans la tuméfaction et ensemencée. Les cultures sont pures et caracté- ristiques. 454 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Mais la sérosité continue à s’écouler par l’orifice de la ponction; la température s’élève de nouveau et la bête affaiblie, cachectique, ne pesant plus que 17 kilogr., succombe le 26 mars. A l’autopsie, on constate une infiltration œdémateuse de la paroi thoracique et abdominale dont le tissu cellulaire est gorgé de sérosité. Rien à noter du côté des organes abdomi- naux. Les poumons sont sains. La sérosité examinée au microscope contient quelques chaî- nettes de streptocoques et les cultures donnent des colonies de streptocoque et de péripneumonie 1 . Enfin, dans un tube de gélose-sérum ensemencé avec le sang du cœur, se montrent deux colonies ayant tous les caractères des cultures de péripneumonie. Pour vérifier l’authenticité de cette origine sanguine, une dose de 1 c. c. de cette culture en bouillon-sérum-mouton, est injectée le 11 mai 1904 à une brebis. Aucune réaction locale n’apparaît dans les jours qui suivent et ce n’est que le 16, c’est-à-dire après une véritable incubation de 5 jours, que l’on peut remarquer une légère adhérence de la peau au point d’inoculation. Le 17 , ce placard œdémateux est de la dimension de la main; il est douloureux; la brebis se défend quand on palpe cette région. La tuméfaction s’étend pour envahir l’abdomen, le thorax et le poitrail. Le bourrelet d’œdème qui occupe la région axillaire rend la marche extrêmement pénible. La bête reste couchée; l’appétit est presque nul. La température, qui s’est élevée graduellement jusqu’à40°, 6, s’y maintient pendant 6 jours. Puis la courbe thermique s’abaisse peu à peu; l’engorgement diminue et tout a disparu le 30 mai. La perte de poids a été de 5 kilogr. et l’animal reste efflanqué pendant plusieurs semaines. Voilà donc trois ruminants d’espèce réfractaire à la péripneu- monie qui ont présenté, après inoculation de virus bovin cultivé en bouillon-sérum-mouton, un œdème envahissant et doulou- 1. Dans ce cas, la mort de l’animal est donc due à une infection secondaire streptococcique dont la porte d’entrée était l'orifice de la ponction pratiquée dans l’œdème péripneumonique et duquel la sérosité n’avait pas cessé de s’écouler. PÉRIPNEUMONIE DES BOVIDÉS 455 V 3 — Brebis inoculée avec 1 c. c. de culture en bouillon-sérum-inouton prove- nant du sang' du cœur du mouton précèdent. roux, analogue à l’engorgement péripneumonique des bovidés. Il restait à savoir si le microorganisme provenant de ces moutons et isolé de la sérosité de l’œdème, du liquide synovial et même du sang du cœur était bien le microbe de la péripneu- monie. Il en avait tous les caractères : passage a travers la _ bougie Berkefeld, développement en bouillon-serum, colonies en forme de clou sur gélose imbibée de sérum. Mais ce n’était pas encore une preuve suffisante et l’inocu- lation decontrôle aux bovidés s’imposait. La sérosité recueillie sur la brebis 3 fut donc ensemencée (‘n bouillon-sérum-bœuf et après réensemencements successifs dans ce milieu, la culture fut inoculée àla dose de 2 c. c. aune vache, sous la peau de l’épaule h Après une incubation de douze jours, l’œdème apparaissait; l’engorgement devint considérable et l’animal succombait. L’autopsie révéla des lésions extrêmement etendues et exclusi- vement sous-cutanées. Un centimètre cube de la sérosité puisee dans 1 œdème de cette vache fut injecté à une brebis, qui d ailleurs ne présenta aucune réaction locale à la suite de cette inoculation. Cet Toutes les inoculations sur les bovins ont été laites à 1 Ecole <1 Alfort par MM. Vallée et II. Carré qui ont eu l’obligeance de prendre en détail les observa- lions des animaux en expérience et auxquels nous adressons tous nos remercie- ments, 456 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIl animal se comportait donc envers cette sérosité comme tous les représentants de l’espèce ovine vis-à-vis du virus péripneu- monique recueilli directement chez le bœuf. Le résultat positif obtenu chez la vache et T insuccès qui suivit chez la brebis l'injection de la sérosité bovine confir- maient la parfaite légitimité du virus péripneumonique dont nous avions fait usage au cours de ces expériences sur les ovins. Il avait donc suffi d'une simple modification du milieu de culture en substituant un sérum à un autre pour provoquer chez une race réfractaire un œdème péripneumonique expérimental. * * * Le sérum d’autres espèces animales jouissait-il de propriétés identiques? Dans l’impossibilité de passer en revue le sérum d animaux aussi nombreux que variés, nous avons porté notre choix sur le sérum de cheval. La facilité de se le procurer dans les laboratoires en rendait l’emploi commode. Le cheval, d’autre part, est complètement réfractaire à la péripneumonie, même quand on a pris soin d’utiliser pour l’inoculation à cet animal une culture à base de sérum équin. Or les cultures faites dans ce nouveau milieu, injectées aux ovins, ont donné les mêmes résultats qu’avec les cultures en bouillon-sérum-mouton, comme on peut s en rendre compte dans l'observation qui suit : Une brebis reçoit le 9 mars 1905, sous la peau du ventre, 5 c. c. d’une culture de péripneumonie en bouillon-sérum- c lie val. Après une très courte incubation de deux jours, apparaît au point d’inoculation un placard adhérent au plan muscu- laire sous-jacent. La tuméfaction augmente d’étendue et envahit l’abdomen, la poitrine et les aisselles. Cet œdème en cuirasse est dur et sensible. L'anorexie est complète. La température reste élevée. Le 22, la bête est couchée et il lui est impossible de se relever. Dès qu on cesse de la maintenir dans la station debout, la brebis s’effondre. Les deux pattes antérieures sont à demi lléchies. L articulation des deux genoux est chaude, gonflée, douloureuse. i PÉRIPNEUMONIE DES BOVIDÉS 457 N° 4. — Brebis inoculée avec u c. c, de culture en bouillon-sérum-chèyal. Le liquide synovial ensemencé donne des colonies nom- breuses de péripneumonie. L'animal très amaigri reste dans le décubitus latéral et après une agonie de plusieurs jours meurt le 30 mars. A part l'infiltrai ion du tissu cellulaire au niveau de la région sternale, dont la sérosité abondante a donné des cultures pures, on ne constate à Pautopsie aucune lésion viscérale. Les poumons sont indemnes. Le sang du cœur est stérile. La brebis témoin qui avait reçu une dose identique, mais (I une culture en bouillon sérum-bœuf, n'a présenté qu'une légère adhérence de la peau au niveau de l'injection. Cette, réaction locale, qui n'a pas dépassé la dimension d’une pièce de 2 francs, n a été accompagnée d'aucune élévation thermique. * * * Les expériences que nous avons faites sur les chèvres ont donné des résultats absolument semblables à ceux que nous avions observés chez les moutons. Que l’on fasse usage pour les inoculations de cultures en bouillon à base de sérum de chèvre, de mouton ou de cheval, l'engorgement péripneumo- nique est toujours la règle 1 . Nous citerons par exemple l'ob- servation suivante : 1. Chez le mouton, les cultures en sérum de chèvre provoquent de même l’œdème péripneumonique. 458 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Cinq centimètres cubes d’une culture en bouillon-sérum- cheval sont injectés le 9 mars 1905, sous la peau du flanc d’une chèvre. Dès le 11, apparition de l'œdème. D’abord de la dimen- sion de la main, il s’étend progressivement. L’abdomen, le thorax et le poitrail sont envahis. N° 5. — Chèvre inoculée avec 5 c. c, de culture en bouillon-sérum-choval, L'engorgement, bien limité, est tendu, chaud et douloureux à la palpation. L’œdème ne commence à rétrograder que le 21, en même temps que s’abaisse la température. 11 n’y a plus trace d’œdème le 27. L’animal est dans un état de maigreur accentué ; la cachexie augmente et la chèvre meurt un mois plus tard.] La chèvre témoin, qui avait reçu une dose égale en bouil- lon-sérum-bœuf, a présenté un placard de la dimension de la main qui a persisté pendant 5 jours. Cette tuméfaction ne peut être comparée à une évolution péripneumonique véritable; mais il semble que la chèvre jouisse d’une sensibilité spéciale vis-à-vis des cultures du virus péri- pneumonique et que sa résistance soit plus facile à vaincre que celle du mouton. * * Chez la brebis laitière, l’injection dans la mamelle de cul- tures de péripneumonie n’a provoqué qu’une légère mammite 459 PÉRIPNEUMONIE DES BOVIDÉS sans réaction thermique ni œdème périphérique 1 . Le lait ou plutôt le liquide puriforme recueilli dans le trayon contenait le virus péripneumonique qui s’y est conservé à 1 état pur pen- dant cinq mois, comme on peut le voir dans l’observation suivante : Le 16 février 1904, une brebis qui avait mis bas trois jours auparavant, reçoit dans le trayon gauche 1 c. c. de culture de péripneumonie en bouillon-sérum-mouton. L injection est faite au moyen d’une pipette mousse pour éviter toute excoriation. Dans les jours qui suivent, la sécrétion des deux mamelles diminue et la traite ne permet de recueillir que quelques cen- timètres cubes de lait. Le 20, après avoir préalablement nettoyé le trayon à l’alcool et à l’éther, on introduit une pipette mousse dans le conduit excréteur du mamelon et le lait ainsi puisé est ense- mencé dans les milieux-sérum. Les cultures sont abondantes et pures. Le lait n’est pas modifié et les glandes mammaires sont semblables dans leur volume et leur consistance. Le 27, la mamelle gauche est sensiblement plus volumi- neuse que la mamelle droite. Cependant on ne remarque aucun œdème périphérique. Le lait est profondément altéré; il est grumeleux, puriforme, sa réaction est légèrement alcaline au papier tournesol. Les cultures sont riches et ne contiennent aucun microbe étranger. Le lait de la mamelle témoin est normal. Les prises de lait sont faites régulièrement tous les 15 jours et contiennent toujours le virus péripneumonique à l’état de pureté. Le 16 août, c’est-à-dire cinq mois après l inoculation, la mamelle gauche est encore hypertrophiée. A cette époque, on trouve dans le lait examiné au microscope quelques staphylo- coques,mais la filtration des bouillons où s’est faite une culture mixte permet d’isoler le microbe de la péripneumonie. A la suite de cette infection secondaire bénigne, la main- mite a disparu et il a été impossible de retrouver le virus péri- pneumonique qui y avait séjourné si longtemps. 1.- Chez la vache laitière, M. Nocard avait, par ce procédé, conservé le virus péripneumonique pendant plus de deux mois. Mais la vache avait pré- senté un œdème périphérique considérable, et pendant 8 jours l’animal avait été en danger. 460 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Pendant ces cinq mois, la brebis a été dans un état de santé pai fait. Cette mammite n’a jamais été accompagnée de poussée fébrile et le poids de T’ animal n a pas fléchi. Cette brebis, ainsi d ailleurs que tous les ovins et caprins qui n avaient eu, après inoculation de sérosité bovine ou de cul- tures en bouillon-sérum-bœuf, que des réactions nulles ou insi- gnifiantes, ont été éprouvés avec des doses massives de cul- tures en milieux à base de sérum de mouton ou de cheval et pas un n a présenté d’œdème alors que chez les animaux témoins I engorgement était considérable. Us avaient donc acquis une immunité solide. * * * Devant ces résultats probants et indéniables de transmission de la péripneumonie au mouton et à la chèvre, nous nous croyons autoriser à penser que ces animaux ne sont pas les seuls ruminants dont on pourra vaincre la résistance naturelle envers la péripneumonie des bovidés. En s adressant aux races les plus voisines des bovins comme par exemple les antilopes et même à des espèces plus éloignées comme les cervidés et peut-être les camélidés, et en employant dans les milieux de culture dont on fera usage pour les inocu- lations le sérum de T espèce animale sur laquelle on a l’inten- tion d opérer, nous sommes persuadés que les expérimentateurs mieux placés que nous pour se procurer ces divers ruminants parviendront à donner à ces animaux jusque-là réfractaires un œdème péripneumonique identique à celui que nous avons obtenu chez les ovins et les caprins. * * & Après les constatations que nous venions de faire sur l’in- fluence importante de la nature des sérums contenus dans les milieux de culture sur la production de la péripneumonie chez la chèvre et le mouton, il s’agissait de savoir ce qu’il advien- drait chez les bovidés inoculés en région défendue avec ces cultures. La sérosité, qui provenait d’une vache ayant succombé en juillet 1904 à un engorgement péripneumonique expérimental et conservée au frigorifique, fut ensemencée dans les milieux 461 PÉRIPNEUMONIE DES BOVIDÉS suivants : A. Bouillon-sérum-bœuf. — B. Bouillon-sérum-mou- ton. — C. Bouillon-sérum- cheval. Plusieurs réensemencements successifs furent faits pour éliminer toute trace de la sérosité primitive; puis, le 28 décem- bre 1904, 3 vaches furent inoculées en arrière de l’épaule avec 2 c. c. de ces différentes cultures. Voici quel fut le résultat de l’expérience : A — La vache qui avait reçu la culture en bouillon-sérum- bœuf, présenta après 10 jours d’incubation un engorgement envahissant à la suite duquel elle mourait le 22 janvier. B. — Celle inoculée avec la culture en bouillon-sérum-mou- ton fut prise d’un œdème péripneuinonique typique et succom- bait le 15 janvier. C. — Enfin la dernière vache, à laquelle on avait injecté la culture en bouillon-sérum-cheval, n’eut aucune réaction locale au point d’inoculation. Cette expérience démontrait d’abord que la culture en sérum de mouton était aussi virulente chez les bovidés que la sérosité bovine elle- même. Quant au troisième animal qui n’avait présenté aucune lésion apparente après inoculation de culture en bouillon-sérum-che- \ al, on ne pouvait se baser sur ce résultat négatif pour affirmer que cette culture était avirulente, car il arrive parfois que des bovins demeurent réfractaires à une injection de péripneumonie virulente. Cependant, chez une vache inoculée plus tard en mars 1905, et cette fois avec 5 c. c. de culture en bouillon-sérum-cheval, on n a noté qu un œdème de la grosseur d’un œuf de pigeon. Au mois d’août 1905, 6 bovins de races diverses (bretonne, normande, nivernaise et limousine) reçurent en région défendue 1, 2 et 5 c. c. de cultures dans le même bouillon à base de sérum de cheval et ne présentèrent durant tout le temps qu'ils ont été en observation aucune réaction apparente. Dans la suite, tous ces bovins ont été éprouvés avec des cultures virulentes en bouillon-sérum-bœuf et n’eurent après ces injections sévères que des lésions milles ou insignifiantes. Mais ces expériences sur les bovins ne sont à l’heure actuelle que des expériences de laboratoire, et c’est seulement quand on auia répété ces inoculations sur un plus grand nombre d’ani- 462 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR maux que l’on pourra porter un jugement sur l’innocuité et P efficacité de ces injections clans la prévention de la péripneu- monie. Cependant, dés a présent, ces résultats sont encourageants, car ils laissent entrevoir l’espoir d’une méthode de vaccination basée sur un procédé tout à fait particulier, puisqu’il suffirait d’apporter une simple modification du milieu de culture pour con- férer l’immunité aux ruminants les plus sensibles au virus péri- pneumonique, les bovidés. Mais de telles recherches ne doivent être entreprises que sur une espèce animale déterminée et dans le cas en question sur les bovins exclusivement, car les résultats seront variables selon l’espèce sur laquelle on opéré et suivant la natuie du liquide employé pour l’injection, comme le montre le tableau ci-joint où sont résumées nos expériences ace sujet. 1 NATURE du liquide inoculé. RÉACTION chez le bœuf. RÉACTION chez le mouton et chez la chèvre. Sérosité bovine. Engorgement caractéristique accompagné souvent d’ar- thrite chez le veau. Rien. Culture en bouillon- sérum -bœuf. id. Induration à peine per- ceptible et passagère. Culture en bouillon- slrum -mouton. id. 1 OEdème envahissant ac- compagné quelquefois d’arthrite. Culture en bouillon- séruin -cheval. Lésion nulle ou insigni- fiante. id. * * * L’influence du sérum contenu dans les cultures n’est donc pas douteuse dans la production de l'œdème péripneumonique expérimental. Au début, notre idée directrice avait été d accou- tumer in vitro le virus péripneumonique aux humeurs de 1 orga- nisme de l’animal dont on voulait vaincre la résistance natu relie. Et. en effet, les premières expériences concluantes sur la transmission de la péripneumonie aux ovins par suite de l'emploi de sérum de mouton dans les milieux nutritifs sein blaient confirmer nos prévisions. Mais les résultats obtenus i PERIPNEUMONIE DES BOVIDES 463 ultérieurement avec le sérum de cheval sur l'espèce bovine réduisaient à néant notre hypothèse primitive. Pour expliquer cette action, il est certain qu'il suffirait d’in- voquer la présence dans le sérum de cheval de substances tan- tôt favorisantes. tantôt, empêchantes selonl’espèce animale envi- sagée, mais à notre avis ce ne sont que des dénominations peu faites pour satisfaire l'esprit. Ce que nous pouvons affirmer, c’est qu’il ne s’agit pas là d’atténuation du virus péripneumonique, puisque, cultivé dans le même bouillon à hase de sérum de che- val, il est à la fois hypervirulent pour une espèce naturellement réfractaire comme le mouton et avirulent pour des ruminants éminemment et exclusivement sensibles à la péripneumonie. De plus, ce même virus, réensemencé dans un milieu conte- nant du sérum de bœuf, reprend tous ses caractères primitifs en laissant indemnes les ruminants réfractaires et provoquant au contraire un œdème mortel chez les bovidés. On ne peut non plus mettre en cause la vitalité du microbe, car la richesse des cultures est égale dans ces différents milieux et souvent le développement est plus abondant dans le bouillon- sérum-cheval. Quant au mécanisme de l'immunité, l'étude, qui n’en doit être entreprise que sur les bovidés, sera complexe et difficile par suite de l’incubation si variable et quelquefois si longue de la péripneumonie expérimentale et aussi à cause de l’impossibilité de suivre dans l’organisme le sort de ce microorganisme dont la ténuité est telle que le microscope est impuissant à déceler sa présence dans la sérosité. Ces recherches nous indiquent, d’autre part, combien la moindre modification apportée à un milieu peut fausser le résultat d’une expérience. En supposant, par exemple, que le sérum de lapin ait joui de propriétés identiques à celles que possède le sérum de cheval, la découverte de l’agent pathogène de la péripneumonie aurait été, dès le principe, définitivement entravée. En effet, le liquide puisé dans les sacs de collodion après leur séjour dans la cavité péritonéale du lapin contenait de la sérositédece rongeur. Or, ce liquide légèrement opalescent, dans lequel le microscope ne parvenait pas à définir de forme bactérienne et dont l’ensemencement dans les milieux usuels demeurait stérile, n’aurait occasionné aucun trouble aux bovidés 464 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR inoculés, d'où la conclusion évidente que ce liquide ne contenait pas le virus spécifique de la péripneumonie, bien que sa présence y fut des plus réelles. Il ne faudrait donc pas attribuer à Tinoculation positive de contrôle l’importance qui lui a été toujours attachée. Il n’est pas impossible qu’avec les agents pathogènes dont la culture nous est encore inconnue et dont les conditions de développement seront certainement des plus étroites, on observe comme avec la péripneumonie des insuccès à la suite d’injections expéri- mentales. Mais l’immunité conférée par ces inoculations néga- tives vis-à-vis d’un virus d’origine directe pourra lever tous les doutes et affirmer la spécificité de l'agent pathogène dont on poursuit la recherche. % % * Avant de terminer, nous voudrions parler des propriétés du sérum d’un cheval auquel nous avons injecté des doses massives de cultures de péripneumonie. On savait déjà que le sérum d’une vache qui avait reçu près de 5 litres de cultures virulentes, était doué d’un pouvoir pré- ventif certain mais que son action curative était médiocre 1 . De plus, ce sérum bovin n’était pas agglutinant et le microbe de la péripneumonie se développait aussi bien dans le bouillon additionné de ce sérum antipéripneumonique que dans les milieux contenant du sérum normal. Il en est de même du sérum de moutons hyperimmunisés avec lequel nous ne sommes jamais parvenus à agglutiner les cultures de péripneumonie. Ayant constaté l’influence indubitable du sérum équin sur le virus péripneumonique nous nous sommes adressés au cheval pour l’obtention possible d’un sérum antipéripneu- monique. Pendant plus de quatre mois et chaque semaine, un cheval reçut en injections sous-cutanées, à la dose de 1,500 c. c. des cultures virulentes de péripneumonie faites, bien entendu, dans du bouillon-sérum-cheval pour éviter les précipitines qui auraient été la cause d’erreur dans nos expériences ultérieures. Ces injections massives n’ont d’ailleurs provoqué chez le cheval aucun symptôme morbide ni réaction thermique. 1. Xocard, Roux et Dujardin-Beaumetz, Études sur la péripneumonie (2e noie). Bullet. de la Soc. ceutr. de mèd. vétérinaire , 1899, page 442. PERIPNEUMONIE DES BOVIDES U>5 L’œdème indolore résultant de la masse liquide injectée se résolvait en quelques jours. Disons de suite que ce sérum injecté à doses répétées de 250 c. c. n'a pas réussi à enrayer chez un bœuf un engorge- ment péripnêumoniquè et que E animal, malgré cette inter- vention sérothérapique a succombé. 11 ne faut donc pas compter sur l'emploi de ce sérum pour la guérison de la péripneumonie bovine. Cependant ce sérum équin jouit de propriétés agglutinantes manifestes. Quand on l’ajoute à des cultures jeunes en bouillon, dans la proportion de 1 50, l’agglutination se fait parfaitement et le milieu se clarifie en quelques heures. Avec les dilutions plus étendues au 1 -00e Par exemple, il n'y a pas de clarifi- cation et on ne note dans le milieu qu’un trouble plus accentué que dans les tubes témoins. Cette opacité est due à la formation de grumeaux microbiens qui interceptent les rayons lumineux. Si la proportion de sérum est suffisante pour que l’agglu- tination soit complète, il est facile de recueillir au fond du tube un culot visqueux qui représente la masse microbienne de la culture. C’est ainsi que 100 c. c. de culture en bouillon- sérum ont donné, après agglutination, un précipité qui, lavé à l’eau distillée et séché, pesait près de 15 milligrammes. L'agglu- tination est accélérée si les tubes sont mis au bain-marie à 15° et si on a le soin d'agiter le mélange pour activer l'agglo- mération microbienne. Ensemencé dans un bouillon additionné de sérum agglu- tinant, le microbe de la péripneumonie se développe mal et sous forme d amas qui se rassemblent dans la partie inférieure des tubes. Enfin le filtrat de cultures de péripneumonie est précipité par ce sérum équin. Nous avons aussi recherché si ce sérum agglutinant et précipitant donnerait une réaction quelconque en présence de sérum de bovins ayant eu une atteinte antérieure de péripneu- monie. Quatre échantillons de sérums à examiner et ne portant comme indication qu'un numéro d’ordre nous avaient été remis par M. Vallée. Ces sérums préalablement filtrés sur porcelaine furent mélangés à parties égales avec notre sérum équin. 30 466 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Après une heure de séjour au bain-marie à 45°, les nos 1 et 2 étaient franchement opalins surtout si l’on prenait le soin de les regarder devant une source lumineuse dans une chambre obscure. Les nos 3 et 4, dans les mêmes conditions, étaient à peine opalescents. Pour assurer notre diagnostic nous avons, avec Laide de M. Mouton, examiné ces échantillons à Lultra-microscope Placés sous la lamelle de mica et observés avec un grossisse- ment de 180 diamètres environ (16.0 Apochr. Zeiss. — Ocul. Compens. 12) ces sérums, nous offrent l'aspect suivant : Échantillons 1 et 2. — Particules peu nombreuses, très brillantes. Échantillons 3 et 4. — Très nombreuses et très fines par- ticules répandues uniformément dans les préparations. Nul doute qu’il n'y ait eu précipitation dans les échantillons I et 2. Or nos prévisions étaient exactes car les deux bovins dont provenaient ces sérums avaient présenté quatre mois auparavant des engorgements péripneumoniques peu étendus, alors que les nos 3 et 4 avaient été recueillis chez des animaux neufs. « Nous pensons donc que ce séro-diagnostic, bien qu’il soit d’une exécution délicate et qu’il doive toujours être fait com- parativement avec des sérums témoins, peut cependant servir à confirmer le diagnostic clinique de cette maladie qui, dans certains cas chroniques, présente souvent de réelles difficultés. II permettra de dépister la péripneumonie chez les animaux porteurs de lésions latentes qui sont les propagateurs de cette épizootie. SUR LIS RELATIONS DIS SENSIBILISATRI AVEC L’ALEXINE Par lf.s Drs J. BORDET et Frederick P. GAY (Travail de l’Institut Pasteur de Bruxelles.) Les expérimentateurs qui ont étudié l'hémolyse professen des idées fort divergentes au sujet des relations qui s'établis- sent entre le globule sensible et les substances actives, sensi- bilisatrice (ambocepteur) et alexine (complément). Il est bien connu , d'abord que les globules fixent la sensibilisatrice (Ehrlich et Morgenroth),- ensuite que les globules ainsi modifiés ont acquis le pouvoir, qu'ils ne possédaient pas auparavant, d'absorber l'alexine avec une énergie telle qu'ils peuvent en dépouiller complètement le liquide ambiant (Bordet). 11 résulte immédiatement de ces données que la sensibilisatrice jolie véri- tablement un rôle d'intermédiaire assurant l’union de l'élé- ment sensible avec la matière toxique pour cet élément, c'est- à-dire avec l’alexine. Qu'il existe dans le globule une matière spéciale, peu con- nue du reste, qui s’empare de la sensibilisatrice et forme avec elle un complexe, tout le monde évidemment l'admet. L’expé- rience en effet le démontre. Elle ne démontre d’ailleurs rien de plus : la réaction n’est guère connue dans son intimité. Il est superflu d’ajouter que l’on ne gagne rien à habiller le fait avec des mots. Dire que le globule reçoit et garde la sen- sibilisatrice parce qu’il possède un récepteur, ou que la sensi- bilisatrice se combine à ce dernier parce qu’elle possède un groupement cytophile combinable, c'est se donner à peu de frais l’illusion d’en savoir davantage. Bornons-nous donc à énoncer qu’il se forme un complexe. Mais pourquoi ce complexe (sensibilisatrice-globule) est-il apte à fixer l’alexine? A quel constituant du complexe faut-il attribuer l’affinité pour cette matière? Ce n’est pas au globule considéré isolément ; en effet des globules normaux, non sen- 468 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sibilisés, ne se chargent pas de cette substance active. Est-ce à la sensibilisatrice? Ou bien le complexe, dès sa formation, manifeste-t-il pour l’alexine une avidité que ne montrent iso- lément ni Lun ni l’autre des éléments qui le composent? Ces deux hypothèses ont été formulées. La première (la sensibilisatrice se combine à l’alexine) a été émise par Ehrlich et Morgenroth. Pour ces savants, la molécule de la sensibilisa- trice possède, à côté du groupement atomique qui se soude au récepteur cellulaire (groupement cytophile), un second grou- pement (complémentopliile) très distinct du premier et qui s’unit à l’alexine. Cette conception, d'après laquelle la sensibi- lisatrice fonctionne très exactement comme un trait d’union s’attachant par un bout au globule et par l’autre à l’alexine ‘, suggère immédiatement deux remarques : D’abord le globule ne participe pas directement à l’absorp- tion de l’alexine : il n’intervient que pour saisir la sensibilisa- trice ; son rôle est alors terminé ; c’est cette dernière substance qui entre en jeu désormais, grâce à ses affinités propres, pour accaparer l’alexine. Ensuite, la thèse d’Ehrlich et Morgenroth se concilie fort bien avec l'idée que l'absorption de l’alexine serait vraiment une réaction purement chimique ; elle fait intervenir en effet des affinités manifestées par des atomes ou groupements d’atomes, le complexe récepteur — sensibilisatrice — alexine pouvant dès lors être considéré comme une vaste molécule unique dont le noyau est la sensibilisatrice, dont les chaînes latérales sont le récepteur et l’alexine. Celle-ci s'incorpore donc dans un composé chimique nou- veau et défini, son absorption ne saurait être comparée ni aux phénomènes de collage (par exemple à la fixation d’une toxine sur un précipité), ni à de nombreuses actions de teinture où les molécules du corps teint attirent celles de la couleur sans qu’on puisse invoquer la mise en œuvre d’affinités atomiques, — les molécules associées gardant leur individualité et pou- vant être séparées à nouveau par des moyens purement phy siques, — ni aux faits si fréquents d^ précipitation, agglutina- tion ou coagulation mutuelle de substances colloïdales, ni en 1. C’est, on le sait, conformément à cette idée que Erhlich et Morgenroth donnent à la sensibilisatrice le nom suggestif d’ambocepteur. RELATIONS DES SENSIBILISATRICES AVEC L’ALEXINE 469 général à ces phénomènes si variés et si multiples qui dépen- dent de l’adhésion moléculaire. Suivant une seconde tentative d'explication, proposée il y a quelques années par l’un des auteurs du présent article, la sensibilisatrice ne se combine point, par elle-même, avec l'alexine. Mais; en s'unissant au globule, elle forme un com- plexe qui présente cette propriété nouvelle de pouvoir s’atta- cher l’alexine, et de l’enlever ainsi du liquide ambiant; en d’autres termes, ni la matière propre au globule, ni la sensibi- lisatrice ne manifestent, à l’état isolé, pour l’alexine, d’affinité perceptible ; celle-ci ne devient évidente que lorsque la matière propre au globule s’est modüiee (sensibilisée) par son union avec la sensibilisatrice, s’est transformée ainsi en un complexe auquel l’alexine adhère avec facidité . Dans cette hypothèse, il n’est donc plus question d un groupe complémentophile propre à la sensibilisatrice et chargé d’opérer la capture de l’alexine sans participation du globule; celui-ci intervient directement dans la fixation, puisqu’il fournit en partie tout au moins les éléments constitutifs du complexe absorbant 1 . 11 faut remarquer immédiatement que cette seconde manière de voir, d’après laquelle la sensibilisatrice ne posséderait pas de groupe complémentophile, est beaucoup moins compatible que celle d’Ehrlich et Morgenrotb avec l’idée que la fixation de 1. A vrai dire, Ehrlich et Morgenroth ont modifié dans la suite leur théorie primitive, au moins pour ce qui concerne certaines sensibilisatrices ou alevines et certains globules. Ils admettent que, dans certains cas, la sensibilisatrice ne manifeste d'affinité pour l'alexine que quand elle s’est au préalable combinée au globule. Il devient difficile, on doit le reconnaître, de discuter et de juger une théorie sujette d’une année à l’autre à de pareilles modifications. Dire en effet que la sensibilisatrice ne se combine à l’alexine qu après s être unie déjà a i globu'e, c’est adopter à une nuance près la conception de Bordet, d’après laquelle ni l’un ni l’autre des constituants du complexe ne possède isolé- ment la faculté fixatrice ; c’est t énoncer à l’idée tant défendue au début, si nette- ment schématisée et qui était essentielle dans la thèse, à savoir que, même en l’absence de globules, l’alexine est néanmoins unie à la sensibilisatrice. Dans ces conditions, l’intervention du globule étant reconnue nécessaire, les fieux théories (celle de E et M, celle de B) ne se distinguent plus que par des subtilités. Il est juste d’ajouter immédiatement que si, comme nous venons de le rap- peler, Ehrlich et Morgenroth admettent dans certains cas que la sensibilisatrice ne prend l’alexine qu’après s’être unie préalablement au globule, dans d autres cas., ils formulent l’opinion opposée, à savoir que le fait d’être au préalable com- binée à l’alexine augmente, chez la sensibilisatrice l’affinité pour le globule sensible. 470 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 1 alexine représente une réaction chimique vraie, c'est-à-dire implique la production d’un composé nouveau bien défini. A moins de supposer en effet que T adjonction de la sensi- bilisatrice au récepteur du globule soit en réalité plus qu’une simple soudure, à moins d’imaginer que cette union modifie profondément les molécules intéressées en y créant des dispo- sitions atomiques nouvelles, on ne voit pas bien comment cette combinaison pourrait donner naissance à des groupements atomiques avides d alexine, et dont on ne trouvait point de trace dans chacun des deux corps qui participent à la réaction. Mais cette seconde conception s’harmonise au contraire très facilement avec l’idée que l’alexine est entraînée et absor- bée grâce à l’intervention, non pas d’affinités chimiques véri- tables, mais de l’adhésion moléculaire. ■ 11 suffît en effet de supposer que la matière propre au glo- bule qui s unit à la sensibilisatrice, est par le fait même modi- fiée dans ses propriétés d’adhésion, que le complexe formé est capable de se coller à l’alexine et de s’en emparer, à la façon dont le fluorure calcique (ou d’aulres précipités chimiquement inertes) très divisé, à 1 état de suspension fine (si fine qu’elle peut revêtir 1 aspect colloïdal) enlève le fibrinogène d’un plasma auquel on le mélange. Ne voyons-nous pas, s’il faut chercher des exemples, sinon entièrement identifiables, au moins analogues, un changement dans 1 adhesion moléculaire des microbes intervenir à titre essentiel dans l’agglutination microbienne? N’est-ce pas un changement dans leur adhésion moléculaire qui force les microbes traités par l’agglutinine à s’agglomérer sous l’action du sel marin, lequel ne floculc pas des bactéries normales? Envisagée sous cet aspect, la question de la fixation de l’alexine est d’un intérêt plus réel et plus général qu’il ne paraît de prime abord. Quand on cherche à comprendre, en s aidant de comparaisons et de rapprochements avec des faits plus simples et plus abordables, les réactions délicates qui s effectuent dans les liquides de l’organisme, est-ce toujours, comme Ehrlich et Morgenroth ont tendance à le faire, dans le cadre de la chimie proprement dite, où les réactions s’opèrent suivant des proportions strictement définies, donnent naissance à des composés de constitution invariable, justiciable d’une RELATIONS DES SENSIBILISATRICES ? AVEC L’ALEXINE 471 formule, et jamais dans la catégorie de ces phénomènes de contact ou d’adhésion moléculaire, floculation, coagulation, émulsion, teinture, collage, etc., qu’il faut chercher des exemples et d’instructives analogies ? Lorsqu’on cherche à démontrer expérimentalement la pro- position principale d’Ehrlich et Morgenroth, à savoir que, meme en l’absence de globules, la sensibilisatrice peut se combiner a l’alexine, on obtient des résultats négatifs ; dans ces conditions, l’alexine reste entièrement libre, ainsi que le montrent des expériences antérieures auxquelles nous renvoyons le lecteur • Cherchant à établir le bien-fondé de leur assertion, Ehrhc i et Sachs 2 ont beaucoup insisté sur la prétendue déviation u complément que mettraient en évidence les expériences bien connues de Neisser et Wechsberg sur l’influence antibacterio- lytique d’un excès de sensibilisatrice en présence d’une quan- tité relativement faible cT alexine. Mais cette déviation du complément (due d’apres ces auteurs à ce que l’excès de sensibilisatrice, resté libre dans le liquide, et que refusent les microbes déjà saturés de cette sub- stance, accaparerait pour son propre compte une portion de l’alexine et empêcherait ainsi cette fraction de se porter sur les microbes pour les bactériolyser) n’a jamais été convenablement prouvée ; l’interprétation du phénomène de N et W est entiè- rement remise en question à l’heure actuelle, divers savants proposant en effet des explications nouvelles et qui ne ressem- blent nullement à celle qu’Ehrlich et son école ont défendue (Gay s, Moreschi *, Buxton 5). . . L’étude du venin des serpents semblait avoir fourni à Ivves et Sachs 11 la confirmation de cette thèse de la déviation du complément, mais Hideyo Noguchi 1 a montré ensuite que les phénomènes observés s’expliquaient tout auticment. 11 n’y a donc aucune raison valable d’admettre, comme le font Ehrlich et Morgenroth conformément à leur théorie, que ù 1. Bordet, Los Sérums cytolytiques. Annales Pasteur, 1901, p. 30/. 2. Berliner klin. Wochenschr., 1902, n» 21. 3. Annales Pasteur , octobre 1903. 4. Berliner klin. Wochenschr . , 1900, p. 100. 3. Journ. med. Research., vol. Xlll, 1903, p. *31. 0. Berliner klin. Wochenschr., 1903, nos 2-4. 7. Journal of experimental medicine, vol. VII, apnl 1903. 472 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR lorsqu une alexine donnée se montre impuissante à détruire un globule impressionné par une sensibilisatrice déterminée, la raison de cette inaptitude gît en ce que cette alexine ne se combine pas à cette sensibilisatrice. Telle alexine ne doit pas son énergie ou son inactivité à ce fait qu elle s’adapte ou ne s adapte pas à l’hypothétique groupement complémentophile do la sensibilisatrice mise en jeu. Les désignations de « pas- sende » « nicht passende Complemente » ne correspondent à rien de réel. En efïet, à quelle alexine une sensibilisatrice de cheval aurait-elle en bonne logique le plus de chances d’être combi- nable ? Evidemment à l’alexine de même espèce, à l’alexine de cheval. Or, le sérum de cheval contient une sensibilisatrice impi essionnant les globules de cobaye, qui cependant ne détruit guère ces hématies en présence d’alexine de cheval, mais qui les hémolyse en présence d’alexine de cobaye. Admettra-t-on que cette sensibilisatrice se combine mieux a cette seconde alexine qu’à la première? N’est-il pas plus lationnel d admettre simplement que les deux alexines sont absorbables par les globules sensibilisés, mais que celle du cheval est par elle-même peu toxique, peu apte à opérer l’hémolyse 1 ? Autre exemple : le sérum de lapin neuf contient une sensi- bilisatrice active à 1 égard du globule de chèvre. Mais cette matière provoque beaucoup mieux l’hémolyse si on l’associe à 1 alexine de cobaye (laquelle employée seule est inactive, le sérum de cobaye manquant de sensibilisatrice) que si on l’ad- ditionne d alexine de même espèce (lapin) 2. Le qui intervient en réalité, ce que Ehrlich et Morgenroth négligent, c est 1 aptitude propre de chaque alexine à détruire 1. Dans cet ordre d idées, on démontrera plus loin que l'alexine de cheval es! iorl bien absorbée par les globules sensibilisés de boeuf, qu’elle ne détruit pas. — Des faits analogues ont été signalés encore par Muir ( Proceedings of the royal ÎIHT^^ V01' P* 19°4^ Ct par GaT ^Gentralbl. f. Bakt.,\. XXXIX, p. 172, 2. Expérience : On verse dans quatre tubes J c. c. d’émulsion de globules de cbevre à 10 0/0 dans la solution physiologique. On ajoute au tube a 0,4 c. c. de sérum de lapin frais, au tube b 0,2 c. c. de sérum frais de cobaye, au tube c 0,2 <•. c. de sérum de lapin et 0,1 c. c. de sérum de cobaye, au tube d 0,4 c. c. de sérum de lapin et 0,1 c. c. de sérum de cobaye. Résultat : Au bout d’une demi- heure en d, d’une heure en c, hémolyse complète. Trace d’hémolyse en a pas d hémolyse en b, au bout d’une heure. RELATIONS DES SETSIBILISATRICES AVEC L’ALEXINE 473 le globule en expérience, c'est le pouvoir toxique qu’elle pos- sède par elle-même pour tel ou tel élément. Que la valeur liémo ou bactériolytique des alexines varie d’une espèce animale à l’autre, rien de plus admissible, les alexines d’espèces diffé- rentes n’étant pas entièrement identiques. Il est cependant une expérience, relatée par Ebrlich et Sachs *, qui, si l’interprétation qu’en donnent ces auteurs était exacte, démontrerait d’une façon tout à fait certaine et indis- cutable le fait que l’alexine s unit réellement à la sensibi- lisatrice. Bien plus, il semble même, dans l'exemple en question, que la sensibilisatrice ne se soude au globule qu’après avoir fixé préalablement l’alexine. L’union de la sensibilisatrice avec T alexine serait dans ce cas une condition tellement indispen- sable à l’hémolyse, que la destruction de l'alexine amènerait une véritable paralysie de la sensibilisatrice elle-même, dont les affinités pour le globule seraient désormais anéanties ou tout au moins fort déprimées; en d’autres termes, le groupement cytophile n’est capable d’entrer en réaction avec le globule que si l’affinité du groupement complémentophile pour l’alexine est satisfaite. Reste a savoir, bien entendu, siEhrlich et Sachs ne se sont pas complètement mépris sur le sens de leur expérience. C’est ce que nous allons examiner. La sensibilisatrice qu’ils étudient est du sérum normal (chauffé à 56°) de bœuf, les globules pro- venant du cobaye, et l’alexine du cheval. Le présent article pourrait donc s’intituler : Les propriétés du sérum de bœuf et leur signification pour l’hémolyse. * * # Rappelons tout d’abord les faits observés par Ehrlich et Sac lis. Le sérum de bœuf, chauffé au préalable à 56°, ne détruit naturellement pas les globules de cobaye, puisque le chauffage 1 a privé de son alexine. D’autre part, le sérum frais (alexine) de cheval ne manifeste qu’un pouvoir hémolysant très faible à 1 egard de ces mêmes globules. Mais le sérum chauffé de bœuf se comporte comme s’il sensibilisait les globules à l’action de 1 alexine de cheval, laquelle, employée seule, se montre fort 1. Berliner klinische Wochenschrift . 1902, n° 21. 4*4 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR peu active. Eu effet (expérience I) on observe une hémolyse intense quand on prépare un mélange, en proportions conve- nables % de globules de cobaye, de sérum (préalablement chauffé) de bœuf et de sérum frais de cheval. Jusqu’ici, rien de surprenant. Mais, dans une seconde expérience, mettons des globules en contact avec le sérum de bœuf; au bout d’un cer- tain temps, centrifugeons, décantons le liquide surnageant pour en séparer les globules. Ceux-ci, additionnés ensuite de sérum de cheval, ne s’y détruisent pas. Tout sev sse donc (et telle est l’opinion d'Ehrlich et Sachs) comme s’ils n’avaient pas absorbé la sensibilisatrice du sérum de bœuf, malgré leur con- tact préalable avec ce sérum. Cette conclusion parait nettement corroborée par le fait que le liquide surnageant dont il vient d’être question (sérum de bœuf 56° qui a été au contact avec les globules, dont on le sépare par centrifugation et décanta- tion), se comporte comme si les globules n’en avaient soustrait aucun principe actif. En effet, si on ajoute ultérieurement à ce liquide surnageant du sérum frais de cheval, puis des globules nouveaux, ceux-ci s’hémolysent. Au surplus, des globules de cobaye traités par du sérum de bœuf, et qui restent intacts si on les transporte (après élimination de l’excès de sérum de bœuf) dans de l’alexine de cheval, ne se distinguent pas de glo- bules neufs de cobaye, c’est-à-dire qui n’auraient pas subi de contact préalable avec le sérum de bœuf: en effet, ils se détrui- sent très bien quand on les introduit dans le mélange sérum de bœuf 56° -f- alexine de cheval . L’interprétation d’Ehrlich et Sachs est, comme nous 1 avons brièvement rappelé plus haut, la suivante : La sensibilisatrice de bœuf se fixe très bien sur les globules lorsque son affinité pour l’alexine (de cheval) est satisfaite, en d’autres termes quand son groupement eomplémentophile est saturé. C’est pourquoi les globules de cobaye s’hémolysent dans le mélange des deux sérums. Mais si la sensibilisatrice n’est pas au préalable com- binée à l’alexine, elle ne montre pour les globules qu’une affi- nité nulle ou très faible. C’est pourquoi ceux-ci restent intacts quand on les traite non pas simultanément, mais successive- ment, d’abord par le sérum de bœufbb0, puis par l’alexine de 1. Par exemple: 1 c.c. d’émulsion de sang de cobaye à 5°/0 dans la solution physiologique, 0,5 c.c. de sérum de bœuf 56°, 0,5 c.c. de sérum frais de cheval. RELATIONS DES SENSIBILISATRICES AVEC L’ALEXINE 475 cheval. Si l'idée est exacte, il faut admettre (et telle est la con- clusion d’Ehrlich et Sachs) que la saturation du groupe complé- inentophile par l’alexine augmente l’énergie chimique du groupe cytophile, c’est-à-dire accroît l’affinité de ce dernier pour le globule. En théorie, on ne voit pas clairement comment une semblable répercussion pourrait s’opérer, étant donné que les deux grou- pements sont, d’après la théorie d’Ehrlich, distincts et indépen- dants l’un de l’autre. Mais il convient de rester dans le domaine des faits expérimentaux. A vrai dire, ceux que nous venons de rappeler sont les seuls qu’Ehrlich et Sachs aient mis en évi- dence ; comme nous allons le voir, il eût été préférable que ces savants, avant d interpréter, eussent poussé leurs investiga- tions plus loin et recueilli des faits plus nombreux. Il est notamment un fait qui paraît avoir échappé à ces auteurs et qui pourtant est remarquable et doit certes entrer en ligne de compte dans toute tentative d explication correcte. Le sérum de bœuf chauffé à 56° n’agglutine que faiblement les globules de cobaye. Le sérum de cheval frais les agglutine, mais seulement avec une re marquable lenteur et à dose assez forte; il peut s’écouler des heures avant que les globules for- ment des amas d’un certain volume. Au contraire, le mélange des deux sérums agglutine rapidement, en quelques minutes, les globules qui bientôt forment de véritables blocs adhérant volontiers à la paroi de verre. Citons à ce propos une expé- rience dans laquelle interviennent du sérum frais de cheval (alexine), du sérum de bœuf préalablement chauffé à 5fi° et une émulsion à 5 0 0 dans la solution physiologique, de sang de cobaye (préalablement lavé à la solution physiologique pour éliminer le sérum); on prépare les mélanges suivants : 1. Emulsion de globules 1 c.c. ; sérum de bœuf 5fi° : 0,5. c.c. 2. Emulsion de globules 1 c.c. ; sérum de cheval 0,5 c.c. 3. Emulsion de globules I c.c.; 0,5 c.c. d’un mélange à parties égales de sérum de bœuf 56° et de sérum de cheval. Au bout de quelques minutes, une agglutination extrême- ment intense apparaît dans le mélange 3; un peu plus tard l’hémolyse y débute et peut ensuite devenir complète; les mélanges 1 et 2 non seulement ne s’hémolysent pas, mais ne I 476 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR manifestent qu’une agglutination des globules très lente et jamais comparable à celle du mélange 3. On peut réaliser l’expérience, avec une légère variante, en préparant encore des mélanges identiques à I et à 2, où les globules ne s'agglutinent pas. Mais si l’un des mélanges est ajouté à l’autre, si les sérums de bœuf et de cheval se trouvent ainsi réunis, très rapidement ces globules s’agglutinent puis perdent leur hémoglobine1. Ajoutons immédiatement que si 1 on mélange à du sérum de bœuf 36°, non plus du sérum frais de cheval, mais du sérum de cheval qui a été chauffé au préa labié à 56°, la mixture obtenue non seulement est inactive au point de vue hémolytique, ce qui est tout naturel, mais ne mani- feste point le pouvoir agglutinant intense dont il vient d’être question. Il semble donc que ce dernier soit lié à la présence d’alexine active. Cette constatation est assez singulière. Si on tentait de l’expli- quer d’après l’idée d’Ehrlich et Sachs, on devrait admettre que, comme la sensibilisatrice elle-même, l’agglutinine ne s’unit au globule qu’à la condition de s’être au préalable com- binée à l’alexine. Une conclusion semblable est étrange, car jamais aucun fait n’a invité à croire que les agglutinines ont besoin, pour agir, de s unir à l’alexine. La théorie d’Ehrlich et Sachs, relative au mode d’action du mélange des sérums de bœuf et de cheval, nous paraît donc, dès à présent, suspecte. 11 convient, par conséquent, de serrer de plus près l’argumentation dont ces auteurs se sont servis pour l’édifier. Suivons, point par point, leur raisonnement : 1° Pour démontrer qu’en l’absence de sérum de cheval, la sensibilisatrice du sérum de bœuf 56° ne se combine pas aux globules de cobaye, ces savants se fondent sur le fait que les hématies, traitées tout d’abord par le sérum de bœuf dont l’excès est ensuite éliminé par centrifugation, restent intactes quand on les plonge ultérieurement dans l’alexine de cheval. Ce raisonnement ne serait valable que si l’alexine de cheval était capable d'hémolyser à coup sûr, sans exception, les glo- bules sensibilisés qu’on lui présente. Or, tel n’est pas le cas. L’alexine de cheval ajustement ceci de remarquable qu’elle ne 1. L’agglutination s’opère fort bien à la température ordinaire, mais l’hémolyse est favorisée par le séjour à l’étuve à 37°. RELATIONS DES SENSIBILISATRICES AVEC L’ALEXINE 477 ressemble pas aux alexines de la plupart des autres animaux. MM. Ehrlich et Morgenroth ont eux-mêmes constaté 1 que des globules de bœuf, sensibilisés par du sérum (chauffé à 56°) de lapin immunisé contre le sang de bœuf, restent intacts dans l’alexine de cheval, tandis qu’ils se détruisent sous l’influence de doses minimes d'alexine de lapin ou de cobaye. Ils ont expliqué ce fait en disant que l’alexine de cheval ne « complète » pas la sensibilisatrice de lapin active sur Ehématie de bœuf, c'est-à-dire qu’elle ne se combine pas au groupe complémen- tophile de cette sensibilisatrice, ce qui revient à dire qu’elle n’est pas absorbée par les globules sensibilisés. Soit dit en passant, cette opinion est d’ailleurs erronée; il est facile de démontrer, on le verra plus loin, que l’alexine se fixe sur ces hématies, mais qu’elle est néanmoins, même à haute dose, incapable de les détruire2. Rien ne nous contraint donc à accepter que si les globules de cobaye traités au préalable par du sérum de bœuf restent intacts ensuite dans l’alexine de cheval, cela tient à ce que ces globules n’ont pas été sensibilisés. En effet, même lorsqu’ils le sont incontestablement, ils résistent à cette alexine. Des globules de cobaye, dûment sensibilisés (par du sérum, chauffé à 56°, de lapin immunisé contre le sang de cobaye) et qui s’hémolysent sous l’influence de traces de sérum frais de lapin ou même de cobaye, restent intacts dans des doses moyennes et ne s’hémo- lysent qu’avec une paresse remarquable dans des doses très fortes d’alexine de cheval. Au surplus, il est facile de démontrer qu’il existe dans le sérum de bœuf 56° une sensibilisatrice capable d’impressionner les globules de cobaye, médiocrement puissante il est vrai, mais qui obéit à la loi générale en ce sens qu’elle se fixe sur les globules même en l’absence d’alexine. L’introduction de quelques dixièmes de c. c. de sérum de bœuf 56° dans un mélange d’alexine de cobaye (0,3 c. c.) avec des globules de cobaye (1 c. c. d’émulsion à 5 0/0 de sane dans la solution physiologique) provoque en effet l’hémolyse. Mais J. Ueber Hæmolysine, VI Mittheilung, Berl. Klin. Wochenschr. 1901, nos2! et 22. 2. Nous ne voyons pas d’inconvénient à ce que l’on énonce ce l'ait en disant, suivant le langage d’Ehrlich, que l’alexine de cheval n’a pas de groupement toxophore ou que le groupement semblable qu’elle possède est insuffisamment actif. 478 ANNALES DE T /INSTITUT PASTEUR celle-ci ne s’observe pas si dans l’expérience on fait intervenir, au lieu de sérum de bœuf 56° normal, du sérum de bœuf 36° qui a été au préalable traité par une quantité suffisante de globules lavés de cobaye (lesquels fixent la sensibilisatrice) et en a été séparé ensuite par centrifugalion. 2° Ehrlich et Sachs admettent que dans leur expérience fondamentale (hémolyse des globules de cobaye dans le mélange de sérum de cheval frais et de sérum de bœuf 36°) c’est unique- ment le sérum de bœuf qui intervient à titre de sérum sensibi- lisateur. Rien ne le démontre : en effet, le sérum de cheval contient également une sensibilisatrice (plus active même en général que celle du bœuf) capable d’impressionner les globules de cobaye. En effet, un mélange de sérum de cheval (0,3 c. c. par exemple) et de globules de cobaye (1 c. c. d’émulsion à 5 0/0) présente l’hémolyse si on l’additionne d’alexine de cobaye (0,3 c. c.). 11 n’y a pas lieu de s’étonner de ce qu’employé seul (sans le concours de l’alexine de cobaye) le sérum frais de cheval n’hémolyse pas les globules de cobaye, bien qu’il pos- sède à la fois une sensibilisatrice et de l’alexine; nous venons de voir en effet que l’alexine de cheval ne détruit pas ces hématies, même lorsqu'elles sont dûment sensibilisées. Notons en passant que la sensibilisatrice de cheval est remarquablement thermolabile; le sérum de cheval chauffe à 36° a perdu presque entièrement son pouvoir sensibilisateur. 3° Pour Ehrlich et Sachs, c’est, uniquement en sensibilisant les globules que le sérum de bœuf intervient dans leur expé- rience fondamentale. En réalité, son rôle n’est-il pas plus complexe? Est-ce même comme sensibilisateur qu’il agit principalement? A côté de la sensibilisatrice proprement dite, ne contiendrait-il pas une autre substance qui lui serait très particulière, dont l’influence serait essentielle et qui différerait beaucoup de celles qu’on a jusqu’à présent décelées dans les sérums? Cette hypothèse ne s’est pas présentée à l’esprit d’Ehrlich et Sachs, qui n’attribuent au sérum de bœuf d’autre caractère que celui de posséder une sensibilisatrice. Pour élucider la question, il faut évidemment s’arranger de manière à mettre complètement hors de cause le pouvoir sensibilisateur que le sérum de bœuf peut manifester. Il faut, en d’autres termes, imaginer une expérience telle, que RELATIONS DES SENSIBILISATRICES AVEC L’ALEXINE 179 cette sensibilisatrice non seulement soit dispensée d’entrer en jeu, mais même soit empêchée d'intervenir. Il faut non seule- ment qu elle ne doive plus, mais même qu elle ne puisse plus participer à la réaction. Si, dans detelles conditions, le sérum de bœuf ob°, en presence d alexine de cheval, provoque encore 1 hémolyse de globules qu’il ne sensibilise sûrement point, il faudra bien admettre alors que ce sérum de bœuf contient autre chose qu'une sensibilisatrice, qu’il possède réellement une substance insoupçonnée jusqu’ici, et dont le rôle dans l'expérience est capital. Or, il est facile de réaliser ce desideratum. Il suffit de sou- mettre, à l’action du mélange sérum de bœuf -J- sérum frais de cheval, non plus des globules de cobaye, mais des globules de bœuf traités au préalable par une sensibilisatrice active (par exemple du sérum, chauffé à 56°, de lapin immunisé contre les globules de bœuf) dont l’excès est enlevé ensuite par lavage à la solution physiologique. Il est clair que dans ces conditions le sérum de bœuf 56° n’est plus iequis d operer la sensibilisation des globules, puisque celle-ci est déjà obtenue. Il est clair, en outre, qu’il ne saurait d’ailleurs la réaliser : personne, en effet, n’imaginera que le sérum de bœuf soit capable de sensibiliser des globules de bœuf, et qui plus est, provenant du même animal. Prenons donc des globules de bœuf sensibilisés par du sérum, chauffé à 56°, de lapin immunisé contre le sang de bœuf (sérum lapin antibœuf). Si nous les additionnons de sérum alexique de cheval, l’hémolyse, on le sait, n’âpparaît pas, et Ton ne constate pas non plus d’agglutination T Mais additionnons-les à la fois de sérum frais de cheval et de sérum de bœuf b6°. On trouve alors qu au bout de quelques minutes, les globules s’agglutinent tnergiqucment, cette agglomération est suivie d’une hémolyse dont la marche est un peu lente et pénible, mais qui néan- moins est des plus manifestes. \ oici le détail de l’expérience : on sensibilise du sang de bœuf (préalablement lavé à la solution physiologique de NaCI H ramené à son volume primitif) par trois volumes de sérum LU faut remarquer que te traitement préalable des globules par le sérum apm antibœuf, qui les sensibilise, ne les agglutine presque pas. Bien que forte- ment sensibilisateur, ce sérum n’agglutine que faiblement les globules, qui par agnation, se dissocient ensuite complètement. 480 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR lapin antibœuf 56°. Deux ou trois heures après, on enlève l'excès de sensibilisatrice par addition d'un grand volume de 1 solution physiologique, centrifugation et décantation du liquide surnageant. Au sédiment de globules on ajoute de la solution physiologique de manière à obtenir une émulsion contenant 20 0/0 de sang-. On introduit dans des tubes les liquides suivants : 1° Sérum frais de cheval, 0,3 c. c. ; 2° Sérum de bœuf 56°, 0,3 c. c.; 3° Sérum frais de cheval, 0,3 c. c.: sérum de bœuf 36°, 0,3 c. c. On ajoute alors aux 3 tubes 0,5 c. c. d'émulsion de globules de bœuf sensibilisés. Résultat : pas d’agglutination ni d’hémo- lyse, même le jour suivant, dans les mélanges 1 et 2. Aggluti- nation rapide et intense dans le tube 3, suivie d’hémolyse. Voilà un résultat assez inattendu et même paradoxal, incon- ciliable, semble-t-il, avec les notions courantes relatives aux propriétés des sérums. Que les globules sensibilisés de bœuf restent intacts en présence d’alexine de cheval, on se l’explique aisément, on peut concevoir en effet que certaines espèces animales possèdent une alexine peu puissante, assez impropre à l’hémolyse. Mais qu’il suffise, pour provoquer la destruction des globules, d’ajouter à ce mélange le sérum précisément qui semble devoir être le plus inerte, c’est-à-dire le sérum d’espèce animale identique à celle qui a fourni les globules en expé- rience, sérum qui en outre a été chauffé à 56° et a été privé ainsi de son alexine, cela paraît bizarre. Fait aussi surprenant, l’agglutination observée nécessite le concours des deux sérums, qui, isolément, n'agglomèrent pas les hématies! On saisit immédiatement l’analogie entre cette expérience et celle d Ehrlich et Sachs : les globules de cobaye qui restent intacts soit dans le sérum de bœuf 56°, soit dans l’alexine de cheval, se détruisent dans le mélange des deux sérums. Dans l’exemple ci-dessus, les globules de bœuf sensibilisés se com- portent de la même façon. Au point de vue de l’agglutination, il y a encore similitude complète. Il est donc très probable que les deux expériences sont justiciables d’une interprétation com- mune. Et il est dès à présent certain que celle d 'Ehrlich et Sachs doit être abandonnée. RELATIONS DES SENSIBILISATRICES AVEC L’ALEXINE 481 On ne supposera pas, en effet, que le sérum de bœuf ren- ferme un ambocepteur capable de s’attacher, d’une part au glo- bule de même espèce (de bœuf) de l’autre à l’alexine (complé- ment) de cheval, mais qui a besoin, pour se souder à l'hématie, d’avoir tout d’abord fixé le complément. Cette hypothèse invrai- semblable s'élimine d’ailleurs immédiatement en présence des résultats expérimentaux que donne l’analyse intime du phéno- mène. Pour élucider celui-ci, il convient de disséquer l’expé- rience ci-dessus relatée, en considérant successivement les j différents facteurs qui y participent. a) Tout d’abord, est-il nécessaire, pour obtenir l’aggluti- nation et l’hémolyse des globules de bœuf en présence de sérum J de cheval et de sérum de bœuf 56°, que ces hématies aient été sensibilisées? Versons dans un tube 0,3 c. c. de chaque sérum et ajoutons 0,5 c. c. d’une émulsion à 20 0/0 de globules qui j n’ont pas subi le contact préalable du sérum lapin antibœuf. Le résultat est négatif, les globules ne présentent aucun change- ment. L'expérience montre donc que pour être agglutinés et détruits, les globules doivent avoir été sensibilisés, et que l’am- j bocepteur nécessaire, actif sur le globule de bœuf, n’ existe pas (contrairement à ce qu’exigerait l’idée d'Ehrlichet Sachs) dans le sérum de bœuf. L’expérience montre aussi d'ailleurs que le sérum de cheval n’est pas non plus nettement sensibilisateur pour 1 hématie de bœuf. b) La présence d’alexine dans le mélange est naturelle- ment nécessaire à l’hémolyse; mais est-elle également indis- pensable à l’agglutination? A 0,5 c. c. d’émulsion de globules sensibilisés, ajoutons 0,3 c. c. de sérum de bœuf 50° et 0,3 c. c. de sérum de cheval qui cette fois a été chauffé à 56°. Pas d hémolyse ni d’agglutination. L’expérience répond donc affir- mativement. c) Le sérum de cheval se borne-t-il h apporter de l’alexine, ou fournit-il en outre le principe qui préside à l’agglutination? S’il n’intervient que par son alexine, il est clair qu’on pourra le remplacer, avec le même résultat, par une alexine différente, par exemple par du sérum frais de lapin neuf. Tel est réelle- ment le cas, ainsi que le montre l’expérience : versons dans deux tubes 0,5 c. c. d’émulsion de globules sensibilisés; ajou- tons au premier 0,2 c. c. d'alexine de lapin ; au second, 0.2c. c. 51 - 482 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR adTtt0n? ‘T d'ab0rd due pentrainement du o de de bœuf par les globules s’opère lorsque ceux-ci sont -.odd.es par la fixation de la sensibilisatrice et de l’alexine Si cette proposition est vraie, on doit prévoir que des globules sensibilises et traités par l’alexine, mais qu’on a soin de lav ensuite soigneusement à la solution physiologique pour les debarrasser de l’excès de ces substances actives, et qu’on intro- duit ensmte dans le sérum de bœuf 36», absorberont le colloïde- en d au res termes, la fixation de ce dernier n’exige pas la pré- sence d’un excès d’alexine libre. 1 P L agglomération des globules étant un symptôme très Idîi1 S a)"Tnant 1en‘raînement f" C°]l0ïde’ les lobules sensi- •nt ln i’ aVeS enSU'te’ devront «'agglutiner énergique- .ent lorsqu on les transporte dans le sérum de bœuf bihis nehsèqdetde-1 e?érielT °Xige qUe ]CS ^l0bules sansi- tniists ne se détruisent pas lors du contact avec l’alexine- ' A. TCHITCHKINE (Travail du laboratoire de M. MetchnikofT.) Le présent travail, qui peut être envisagé comme la suite de nos recherches sur le bacille d’Eberth 4, avait primitivement pour but de savoir si le sang d animaux ayant ingéré du strep- tocoque ou des produits streptococciques, exerce quelque action vis-à-vis delà streptocolysine. Dès les premiers essais d’administration du streptocoque aux lapins, nous avons rencontré un obstacle qui nous a obligé de devier de la voie que nous nous étions primitivement tracée. Cet obstacle consistait en ceci que presque aucun lapin ne sur- vivait après l’ingestion des streptocoques et que presque tous mourraient quelques jours après, présentant les symptômes de la septicémie streptococcique. Il était par conséquent nécessaire, avant tout, d’éclaircir le mécanisme de cette infection, c’est-à-dire de déterminer dans quelle partie du tube digestif, à commencer par la cavité buc- cale, et par quel processus, a lieu l’infection par le strepto- coque vivant; ensuite, comme nos expériences portaient aussi sur l’ingestion des cultures chauffées et de la streptocolysine, dt^ regarder comment les lapins se comportent envers ces produits. Commençons par l’exposé de nos expériences sur l’ingestion aux animaux du streptocoque vivant. Le streptocoque dont nous nous sommes servi avait autre- fois passé par le lapin. Au moment où nous commencions nos expériences il était assez affaibli pour ne tuer, à aucune dose, le lapin par injection sous-cutanée. Après avoir été inoculé suc- cessivement dans les veines de deux lapins, ce streptocoque faisait I. De l'influence etc l'ingestion des bactéries et des produits bactériens sur les ropriétés dusérum sanguin. Annales de V Institut Pasteur. T. XVIII, p. r>70, 1004 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR bOO périr les lapins qui ingéraient 6 à 7 c. c. d’une émulsion préparée en délayant une boîte entière de culture dans 20 c . c . deliquide phy- siologique. Quelques lapins furent ainsi tués par ingestion et le streptocoque acquit bientôt une virulence si grande, qu’une dose infiniment petite amenait la mort des lapins qui la rece- vaient sous la peau. Nous en faisions des cultures sur gélose dans les boîtes de Roux. Une heure avant l'ensemencement, la surface de la gélose était humectée avec une petite quantité de sérum de cheval préala- blement chauffé à 56° pendant une demi-heure. Nous employions d’ordinaire des cultures de 24 heures, chaque boîte étant à peu près équivalente à 20/ïultures dans des tubes à essai. La couche de streptocoque était délayée ensuite avec de Peau distillée et le microbe dilué était donné aux lapins. Si, pendant plusieurs heures avant l’ingestion, on a mis les animaux au régime de la nourriture sèche, ils boivent très volontiers l’émulsion qu’on leur présente. Nous la donnions d’ordinaire directement par l’embout delà seringue, en introdui- sant l’instrument avec précaution dans la bouche. On peut ainsi faire ingérer exactement la quantité voulue de liquide, et de plus, l’opération s’exécute dans des conditions d’une par faite propreté. Après avoir essayé plusieurs doses assez fortes, nous don- nions ensuite, dans la grande majorité des cas, soit 1/12, 1/8, 1/4, 1/2, jusqu’à 1 c. c. d’une seule culture en tube. Dans les ingestions réitérées, nous augmentions d’ordinaire peu à peu la dose, sans pouvoir dépasser une culture, sauf de rares exceptions. Ces ingestions étaient espacées à peu près à une semaine d’intervalle. Le résultat de ces ingestions, faites à 88 lapins, fut le suivant : 49 lap. sont morts ap. 1 16 — — 2 12 — _3 4 — __4 5 — — 5 1 — — 6 l — — 7 88~ ingestion, dont 42 du strept. et 7 de causes étrangères. ingestions — lo — 4 — — 8 _4 — — 3 — 1 — — o — 0 — — 0 — 1 — — 1 — 0 74 14 Si nous exprimons ces résultats sous une autre forme, nous trouvons que, sur un total de 88 lapins, il en meurt : ACTION DU STREPTOCOQUE ET DE SA LYSINE 501 48 0/0 17 0/0 9 0/0 3 0/0 0 0/0 1 0/0 16 0/0 En calculant sur la quantité totale des ingestions (171) et des morts causées par l’infection streptococcique (74), nous trouvons que la mort se produit dans 43 cas sur 100 (43 0/0). La mort survient d’ordinaire de 1 à 6 jours après l’ingestion, mais ce sont là les termes extrêmes ; dans la majeure partie des cas, elle a lieu 2 ou 3 jours après. L’autopsie révèle les phénomènes caractéristiques de la sep- ticémie streptococcique : présence fréquente du sang aux ori- fices externes des narines, suffusions sanguines sous-cutanées, épanchements sanguinolents dans les cavités, hypertrophie prononcée de la rate, gonflement intense des plaques de Peyer, hémolyse du sang du cœur. Dans les cas où l'autopsie est pra- tiquée immédiatement après la mort de l’animal, il arrive par- fois qu’on ne trouve pas d’hémolyse. Le sang contient toujours des streptocoques. Nous voyons donc que, en faisant ingérer directement de petites doses du streptocoque aux lapins, la moitié environ meurt après la première ingestion. Si l’on donne de très petites doses (1/12, 1/8, 1/4 d’une culture), on réussit quelquefois à répéter l’ingestion. Mais la dose d’une culture entière est presque toujours mortelle. Pour résoudre la question de savoir si l’infection a lieu dans les parties initiales du tuhe digestif (bouche, pharynx, œso phage) ou dans l’estomac etl intestin, chez une seconde série de lapins nous avons introduit le streptocoque dans Pestomac, au moyen d’une sonde molle et élastique. Pour rendre l’expérience plus probante, — et aussi d’après des considérations d’un autre ordre en rapport avec notre but primitif, — nous introduisions parla sonde des doses beaucoup plus considérables, à savoir, de 1 à 60 cultures en une seule fois. Le résultat des expériences, faites sur 55 lapins, fut le sui- vant : après 1 ingestion . i — 2 ingestions. Morts \ — 3 — du streptocoque, j — 4 — Morts de causes étrangères o02 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR lap. ay. reçu 1 ingest., 11 sont m. du strep., 4 de causes étr 6 — Sur lo — 16 — 9 — — — 6 — _ angeres. 55 33 0 1 0 0 0 2 7F a ont survécu. O 0 — 1 — 1 — 0 — 0 — 10 En exprimant ces résultats sous une autre forme, nous trou- vons sur un total de 55 lapins traités : Morts du streptocoque. / après 1 ingestion . — 2 ingestions — 3 — — 7 — . ’ — 8 Morts de causes étrangères Ont survécu 20 0/0 11 0/0 9 0/0 9 0/0 5 1/2 0/0 5 1/2 0/0 22 0/0 18 0/0 Si nous cherchons le rapport du nombre total des morts cau- sées par le streptocoque (33) avec le nombre total des inges- tions séparées (164), nous trouvons que le pourcentage de la mortalité, par introduction au moyen de la sonde, est eVal à 20 0/0. 6 En comparant maintenant les résultats obtenus avec l’inges- tion directe à ceux qu on obtient avec l’introduction par la sonde, nous voyons que dans ce second cas, malgré la grande différence des doses, la mortalité par infection streptococcique a diminué de plus de deux fois. Or, ce seul fait montre déjà que les points préférés de l’infection doivent se trouver entre la bouche et 1 estomac. Nous devons remarquer ensuite qu’il est excessivement difficile de retirer la sonde, après l’introduction des microbes, sans qu’elle ne souille pas son chemin. Si propre- ment que soit faite cette opération, même en lavant la sonde, après 1 introduction des cultures, avec de l’eau stérilisée ou de la solution physiologique, on peut toujours soupçonner que son extrémité sera contaminée. Avec une certaine habitude, nous pouvions prédire, presque à coup sûr, la mort de tel ou tel lapin, parce que 1 opération n’avait pas eu lieu avec la perfec- tion voulue. En revanche, si l’opération s’était bien passée, l’animal survivait presque toujours. C’est cette difficulté d’éviter les régurgitations et les souil- lures qui explique probablement ce pourcentage de mortalité 503 ACTION DU STREPTOCOQUE ET DE SA LYSINE qu'on constate dans l'introduction- du streptocoque par la sonde. Quant au processus de pénétration des microbes dans les tissus et les sucs de l'organisme-, deux voies sont possibles, et il est probable qu elles sont utilisées toutes les deux. Etant donnée la sensibilité du lapin envers le streptocoque, il suffit déjà de lésions minimes de la muqueuse de la bouche, du ; pharynx ou de l'oesophage, pour que le microbe pénètre dans la circulation générale et cause la mort de T animal. En outre dé ces lésions de la muqueuse, le streptocoque peut encore utiliser comme voies de pénétration les ouvertures natu- relles de la cavité bucco-pharyngienne, et en premier lieu les amygdales. Ces dernières sont peu développées chez le lapin. Quant à la possibilité de pénétration du streptocoque à tra- • vers la muqueuse de l’intestin, il faut ici distinguer aussi 2 cas : la possibilité du passage par les lésions microscopiques qui peu- vent se trouver sur la muqueuse, et le passage à travers la muqueuse intacte. Etant donné que, dans le grand nombre d’ingestions du streptocoque que rïous avons rapportées, le nombre des animaux infectés est inférieur à la moitié, nous pouvons supposer, avec une forte probabilité, que la muqueuse intacte de l’intestin est impénétrable pour le streptocoque. Quant à la pénétration par les lésions, quoiqu’elle soit très difficile et presque impossible à prouver, on peut l’admettre a 'priori. En tout cas, le streptocoque introduit ne périt pas dans l’es- tomac, mais pénètre aussi dans l’intestin. Nous en donnons comme preuve tant les nombreux ensemencements’ du contenu intestinal que l’examen microscopique des coupes de l’intestin avec son contenu. Disons à ce propos que sur ces coupes d’intestin de différents animaux, intestins prélevés à des moments différents après l’intro- duction du streptocoque, nous n’avons jamais réussi à observer le streptocoque dans les parois intestinales, bien qu’il se trouve parfois en très grande quantité sur la surface de l’épithélium. Passons maintenant à l’ingestion des cultures chauffées du streptocoque. Ici nous n’avons pas employé la sonde, mais nous faisions ingérer le microbe directement de la seringue. ■ En même temps que nous étudiions l’effet de 1 ingestion des 504 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUH cultures chauffées du streptocoque sur les lapins, nous avions ujours en vue notre hut, primitif, à savoir, l’influence de l’in- gestion sur les propriétés du sang. Nous voulions également rechercher si les animaux acqucr, .aient ainsi 1 immunité. Nous avons donc décidé de commencer s expériences par l’ingestion de cultures chauffées d’abord à ™ >» vivant "1-°^ Ia mênle (IUC cIans le cas du streptocoque fift0 , emu S10n streptococcique chauffée pendant 1 heure à doses! eT/o ZSr " d6S interVal,eS dC 2 ' 7 aUX , Sur 7 lapins (ire série) qui subirent cette opération 6 à 8 cn^nt" SPU m°UrUt d’Une CaUSC t:tran§ère’ 'e® 6 autres survé- curent ayant supporté les ingestions sans aucun inconvénient. les .T k S,'IllV'0US aV°HS fait ‘^érer à ces mêmes '«Pins cultures chauffées à 58» ou 50»; les intervalles entre les m- p , *°oS ^ .jlent , e 7 a 10 jours. Les doses ingérées variaient Z l 6t f ,CuItures’ Tous 'es lapins ont supporté sans dom- mage o ou 7 de ces ingestions. lèrentV10 T** (2’ ^ ^ cceteris paribus, ava- ent aussi des cultures chauffées à 58» et 80», 4 seulement de lr'v-e!'"; 4 sont morts d CO G D a ° : Des reins, i G ' > TION c; "TEL, <=5 A i jours. 0 0 0 0 + A 7 jours. 0 0 0 0 0 ; A 10 jours. 0 0 0 0 0 Ph 7 jours. 0 O 0 Pli 3 jours. 0 0 0 Ph 3 jours. 0 0 0 Ph 8 jours. + + + + Ph 9 jours. + + + 0 0 Remarques. Expériences A. — 2 souris, sur 3, n’ont donc pas montré de parasites, alors que la proportion des guérisons chez les « sujets-mères » (sujets traités par A), est seulement de 1/3. l,e expérience Ph. — Les « sujets-mères » avaient été traités à forte dose; néanmoins, chez 3 sur 4 de ces animaux gardés comme témoins, il y a eu rechute : les parasites ont reparu dans le sang après 11, 12 et 14 jours (la 4 e souris a succombé en 18 jours 1/2; elle n’avait pas encore rechuté au bout de 17 jours). 2e expérience Ph. — Les « sujets-mères » avaient reçu, ici, une dose plus faible que dans la première expérience (exactement 1 centigramme pour 20 grammes). Les rechutes, chez 3 animaux, gardés comme témoins, ont eu lieu après 1, 8 et 9 jours; un 4e animal n’a pas rechuté (fait unique dans 1 histoire de Ph.). Par conséquent, on peut dire que les deux « sujets- mères», sacrifiés après 8 et 9 jours, avaient virtuellement rechuté, bien que 1 examen microscopique n’ait montré aucun trypanosome dans le sang. Quelles conclusions est-on autorisé à tirer des recherches précédentes? Tout d'abord, l’expérience démontre que la pro- portion de souris en instance de rechute apparaît moins consi- dérable qu’on ne l’eût pensé a priori. Par contre, ainsi qu'il était possible de le prévoir, plus on se rapproche du moment des rechutes et plus on a de chances de rencontrer le sang- et les organes infectants; la comparaison des deux séries Ph le prouve surabondamment. Nous devons, en passant, attirer 1 attention sur la première souris A, dont l’en'céphale seul a ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR transmis le Nagana; s'il est téméraire d’affirmer qu'un animal aurait guéri, du fait que ses organes ne se sont pas montrés infectieux, ne l’est-il pas davantage de formuler une telle opinion, après inoculation exclusive du sang, comme on le fait souvent? Demandons-nous maintenant la raison de tant d’inoculations négatives. On ne saurait incriminer l’injection simultanée du virus et de la couleur (contenue dans les humeurs et les cellules), comme le prouvent à la fois T existence d’une minorité de résultats positifs et l’expérience directe suivante : On administre lcgr,2 de A à 2 souris de 17 grammes. On sacrifie celles-ci au bout de 5 et 9 jours ; on injecte, à des sujets neufs, leur sang et la pulpe de leurs viscères, additionnés (avant le broyage pour les organes) d’une trace de sang virulent. Les animaux inoculés contractent le Nagana typique des souris de passage (incubation : 2-3 jours, évolution normale). 11 faut donc s'adresser aux modifications quantitatives ou qualitatives subies par les trypanosomes. Il est évident que le faible nombre des germes doit être pour beaucoup dans les résultats obtenus ; et, si l’on compare entre elles les deux séries Pb , on acquiert la conviction que l’innocuité du sang et des organes, contractée dans la première de ces séries, tient manifestement à ce que les animaux se trouvaient encore loin de l'époque de la rechute. D’autre part, les parasites demeurés dans l’orga- nisme y sont certainement exposés à diverses influences nui- sibles. On conçoit donc que leur état physiologique puisse s’en ressentir; la maladie à laquelle ils donneront naissance reflétera alors cet état physiologique anormal. C’est ainsi que le sang de la première souris de la 2e série Pb (sacrihée après 8 jours), * inoculé à un animal neuf, lui a communiqué le Nagana (en moins de 5 jours) et que ce Nagana n’a déterminé la mort qu’après 16 jours 1/2. Une telle survie n’est jamais observée avec le virus de passage. Comment évoluent les rechutes ? Tantôt les animaux se comportent tout à fait comme des souris neuves, inoculées pour la première fois: tantôt, ils « traînent », plus ou moins long temps, avec de très nombreux trypanosomes dans le sang. Qu arrive-t-il quand on traite les rechutes ? 11 convient de distinguer 2 cas, suivant que le sujet a reçu l’une des 5 cou- leurs : Cl, A, A', a et T — ou bien la couleur Ph. Le tableau TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 527 Les témoins meurent en 4 jours 1/2. — Abukviatiôns : f\ Trypan. rares: nr, non rares; an, assez nombreux; n , nombreux; tn, très nombreux; +, mort de l’animal. Les IchilTres de la 2° ligne consacrée à chaque animal indiquent en cgr la dose de médicament inoculée. — Nota. Dans cette expérience, a s’est montré inférieur h ce qu’il est en général. 528 ANNALES DE L’JNSTITUT PASTEUR ci-joint, concernant une expérience comparative, où l’atoxyl ubi infra) figure à côté des couleurs Cl, A (A' donne les mêmes (résultats que A), a, T et Pli, souligne nettement cette distinction. 1er cas. — 11 ne faut guère compter sauver les animaux avec les couleurs Cl, A, A7, a et T. Lors de la première rechute, on arrive d'ordinaire à faire disparaître les parasites pour un temps donne; toutefois, certains sujets sont déjà devenus très sensibles à la couleur et périssent intoxiqués, en quelques heures ou en quelques jours (sans trypanosomes, dans ce der- nier cas). Lors de la seconde rechute, la sensibilité à la couleur se manifeste bien plus fréquemment; en outre, on commence à rencontrer des souris trop débiles pour supporter un nouveau traitement. La proportion d’animaux arrivant à la 3e rechute (et, a fortiori , à la 4e et à la 5e) est donc, fatalement, des plus limitée. Ajoutons que, dans un groupe de cas de moins en moins exceptionnels à mesure que s’accumulent les rechutes (très rarement dès la première rechute), la couleur se montre totalement inactive vis-à-vis des trypanosomes. Faisons remar- quer, en terminant, qu’aucune couleur, y compris T, ne permet d’obtenir, dans le traitement du Nagana, ces longs intervalles de rétrocession des parasites, observés dans le Caderas par Ehr- licb et Shiga et nous-mêmes après l’administration de T, et pouvant aller jusqu’à 60 jours. 2e cas. — Fait curieux, le dérivé Ph, quasi insuffisant à faire disparaître les agents infectieux en une seule séance, y parvient au contraire très souvent, après la lre et même la 3e rechute, sous la condition que les souris ne soient pas deve- nues hypersensibles à son égard. Cette propriété, si intéressante, de Ph, nous a suggéré l’idée de tenter, grâce à cette couleur, le traitement préventif des rechutes. 7 jours après la première administration de Ph (1 centigramme), on injectait aux animaux, débarrassés tempo- rairement de leurs trypanosomes, une dose inférieure à la dose thérapeutique (1/2 à 2/3 de centigramme) : la guérison définitive a pu être obtenue, par ce moyen, avec 3 souris sur 4. Nous nous sommes demandé si les doses de : Cl, A, A', a et T, administrées aux animaux lors de l’intervention initiale, ne pourraient point être abaissées, afin d’éviter l’hypersensibilité qui se manifeste déjà à la première rechute. L’expérience a 529 TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES prouvé qu’il était malheureusement impossible de s’engager dans cette voie, et un simple coup d’œil jeté sur le tableau suivant suffira à démontrer qu’on doit « frapper fort » dès le début, si l’on veut obtenir un pourcentage convenable de guérisons. COULEUR employée. POIDS des animaux. DOSE injectée. RÉSULTAT OBTENU A 18 1/10 cgr. Retard 12 heures. A 21 1/4 cgr. Retaid de 2 jours (pas de disp, des tryp.). A 17 1/2 cgr. Disp, des tryp. en 24 h. Rechute apr. 5 jours. A 15 1 cgr. Disp, des tryp. en 24 h. Rechute apr. 11 jours. Cl 14 0°sr,3 Disp.' des tryp. en 48 h. Rechute apr. 5 jours. Cl 19 0ce>’,5 Disp, des tryp. en 3 j. Rechute apr. 4 jours. Cl 13 0psr,5 Disp, des tryp. en 24 h. Rechute apr. 14 jours. Cl 16 0csr,7 Disp, des tryp. en 24 heures. Pas de rechute Pour montrer combien la question des doses est importante, ajoutons que, chez ies souris traitées avec Ph, l’intervalle entre l’administration de la couleur et la rechute est descendu de 12 jours à 8 jours, en diminuant la dose de t/10 seulement. C’est là un fait important, si l’on considère que dans le cas d’une pleine dose, on peut intervenir à nouveau d’une façon e icace, tandis que, dans celui d’une dose trop faible, on est empêché parce que l’animal est encore trop sensible à la couleur au moment où il faudrait répéter l’injection de celle-ci. Nos études sur le traitement du Nagana expérimental des souris par les « couleurs de benzidine » nous amènent à conclure que le dérivé Cl (Bayer) représente le meilleur médicament que l’on puisse opposer aujourd’hui à cette infec- tion constamment et rapidement mortelle. Les statistiques seraient encore plus favorables, pensons-nous, si Cl ne possé- dait point la fâcheuse propriété de déterminer souvent des eschares au niveau de la zone d’application. Ces eschares surviennent très fréquemment et arrivent parfois à dénuder la majeure partie du dos des sujets. Malgré cela, beaucoup d’entre eux résistent à cette complication thérapeutique. Empressons- nous d’ajouter — au point de vue de l’emploi de Cl chez les 34 530 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR grands animaux — que, dès qu’on s’adresse à des espèces moins petites, se prêtant aux injections intra musculaires, l’incon- vénient en question disparaît totalement. C’est ainsi que Ton peut introduire, dans chacune des masses musculaires de la fesse dun cobaye (de 500 grammes), 10 centigrammes de Cl (soit 10 c. c. de solution à 1 0/0) sans le moindre inconvénient; le cobaye n’accuse, d’autre part, qu’une perte de poids insigni- fiante et transitoire. Lorsque, chez les grands animaux, le traitement par Cl n’aura pas réussi à faire disparaître définitivement les trypa- nosomes, il sera indiqué, croyons-nous, de réitérer la médi- cation en s’adressant à Ph {Bayer). Nous pensons également que Ton peut fonder des espérances légitimes sur la thérapeu- tique en deux temps, avec la seule couleur Ph ( ubi supra : traitement préventif des rechutes). TRAITEMENT PAR LES ARSENICAUX Nous allons, maintenant, rapporter brièvement un certain nombre d’expériences personnelles entreprises par 6 dérivés arsenicaux différents (solutions aqueuses, administrées par la voie hypodermique). Ces expériences nous ont semblé intéres- santes à faire connaître, au double point de vue de la compa- raison des dérivés de l’arsenic entre eux et avec les « couleurs de benzidine ». TRAITEMENT PRÉVENTIF 11 n’a été mis en œuvre qu’avec Yatoxyl , lequel représente le plus efficace des composés arsenicaux vis-à-vis des diverses trypanosomiases étudiées, par nous, à ce point de vue. Dans le tableau ci-joint, l’atoxyl a été injecté à la dose de 5 milligrammes pour des souris de 20 grammes. 531 TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES POIDS des animaux. MOMENT de l’intervention RÉSULTATS OBTENUS 15s*', 5 24 heures av, l’infection. Lestryp. ont apparu comme chez le témoin. L animal a reçu une nouvelle dose d atoxyl (■* cgr.)au moment où ils étaient devenus très nombreux; lestryp. ont disparu et n ont pas reparu. 17 gr. 23 heures av. l’infection. Les tryp. ont apparu avec 2 jours de retard sur le témoin. 21 gr. 16 heures av. l’infection. Les tryp. n ont pas apparu. 18 gr. 15 gr. 10 gr. Lors de l’infection. Incubation prolongée (9 jours), puis signes ordinaires et mort. Les tryp. n ont pas apparu. Incubation prolongée (10 jours au lieu de 2). 17 gr. 24 heures apr. l’infection. L’animal meurt en 5 jours, sans tryn (intoxication). 15 gr. 3 jours après l’infection (expérience faite à tilre comparatif). (Tryp non rares au moment de l’interven- tion). Les parasites disparaissent et reparaissent après 6 jours. Le pouvoir préventif de l’atoxyl ressort nettement des recherches qui viennent d’être résumées. Ces recherches démontrent egalement que la période d’intervention efficace ai an in ection, est plus brève ici qu’avec les couleurs. TRAITEMENT CURATIF Il a été étudié avec les t> dérivés suivants : Arsénite de soude. yONa. As. ^—ONa. Employé sous la forme suivante OH. Anhydride arsénieux. Carbonate de soude. . Eau distillée 1 gramme. 1 gramme. 2,000 gramme / 532 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR — 1/2 décimilligramme d’ anhydride arsénieux ne déter- mine qu’une simple diminution du nombre des parasites; 1 décimilligramme les fait disparaître, mais tue la moitié des animaux par intoxication rapide. . y- ^ G 2 I J o lODURE DE TETRAÉTHYLAMMONIUM. I— As. (Solution aqueuse.) ^C2IP. (Echantillon dû à Uôhligeance de M. le Dp Chassevant.) — 2 milligrammes demeurent inefficaces ; 5 milligrammes tuent rapidement. Atoxyl ou anilide métaarsénique. C6H!jN. <^\gQ2 ( Solution aqueuse .) — 4-6 milligrammes représentent la dose thérapeutique (toujours pour des souris de 15-20 grammes); il convient de ne pas trop la dépasser. Parmi les 6 dérivés arsenicaux qui précèdent, 4 seulement se sont donc montrés actifs; le tableau ci-joint permettra d ap- précier leur valeur relative. TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 533 DÉRIVÉ EMPLOYÉ (et dose pour des souris de 20 grammes). NOMBRE de souris traitées NOMBPE de guérisons. NOMBRE DE JOURS compris entre le traitement et la rechute. CHIFFRES extrêmes observés CHIFFRES moyens. Atoxyl (4-6 mgr.). 8 2 6-23 jours. 12 jours. Arrhénal (10 mgr.). 1 0 5 jours. 5 jours. Arsénite de Na (1 décimgr. d’anhydride arsénieux.) 2 0' 1-4 jours. 3 jours. Arséniate de Na (1 décimgr. 5 d’anhydride arsénique.) 2 0 1-2 jours. 1 j. 1/2. Le meilleur des 4 arsenicaux actifs est donc Fatoxyl ; c'est aussi le seul qui rentre dans notre « théorie de l'amidogène ». (Voir la première partie de ce travail.) L’arséniate de soude se montre peu efficace; on voit que son efficacité augmente par substitution de CH3 à OH ( arrhé - nol ) et disparaît par substitution d’un second CH* à l’un des ONa {cacodylate de soude) . L’arsénite de soude apparaît supérieur à l’arséniate (suppres- sion de l’atome d’O, uni exclusivement à l’atome d’As). L’iodure de tetraéthylammonium ne vaut rien (multiplicité des radicaux alcooliques unis à As). Le nombre des dérivés arsenicaux, étudiés par nous, était beaucoup trop faible pour nous permettre de rechercher les lois qui président à l’efficacité de certains d’entre eux. Aussi nous sommes-nous contentés de noter, en passant, les quelques remarques que nous avait suggérées la comparaison de leur formule chimique avec la présence, le degré ou l’absence d’activité, observés chez les animaux naganés. Pour terminer ce qui à trait à Yatoxyl , nous dirons que, chez les souris qui présentent des trypanosomes excessivement nom- breux, ce médicament ne saurait donner de bons résultats (contrairement à l’opinion de Thomas); tantôt les animaux succombent avant que le médicament ait produit son effet; tantôt les trypanosomes sont détruits, mais l’animal meurt intoxiqué. 534 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR TRAITEMENT DU MAL DE CADERAS EXPÉRIMENTAL DES SOURIS Nous n avons rien à dire au sujet du traitement préventif du Mal de caderas, réalisé par Ehrlich et Shiga'avec le Trypan- roth. 1 Nos recherches sur le traitement curatif en une seule séance se trouvent résumées dans le tableau suivant. COULEUR employée. NOMBRE de souris traitées. i GlftiSONS NOMBRE compris entre et la CHIFFRES EXTRÊMES observés. DE JOURS le traitement rechute. CHIFFRES MOYENS (en nombres ronds) OBSERVATIONS Cl 4 2 8-1 1 jours. 10 jours. h' - - T 14 6 10-40 jours. 19 jours. 2 guérisons douleuses (souris tuées acciden- tellement, 2 mois après le traitement). A 15 1 7-12 jours. 8 jours. Guérison douteuse (ani- mal mort, sans tryp., 45 j. ap. le traitement.) A' 6 1 8-11 jours. 10 jours. Guérison douteuse (sa- crifiée, mourante, 24 j. apr. le traitement ; sang, rate et encé- phale non infectants). a 5 1 12-16 jours. 14 jours. Guérison douteuse (sou- ris morte 30 j. ap. le trait., sans trypanos.).. ■ Pii 4 0 9-13 jours. 10 jours. Le résultat de ces 49 expériences confirme ce que nous avancions dans la partie chimique de notre travail : les meilleures couleurs sont, incontestablement, Cl et T; puis A, A' et a; quant a Ph, il ne vaut rien. Sauf en ce qui con- cerne Cl (et Ph), V ordre d'activité n’est donc plus le même que pour le Nagana ; nous nous permettons d’insister, à nouveau, sur ce fait intéressant. Les couleurs étudiées par nous font disparaître les paiasites tantôt pour toujours, le plus souvent pour un temps variable. Il était indiqué de rechercher, ainsi que nous l’avons TRAITEMENT DES TRYPANOSOMIASES 535' déjà fait à l’occasion du Nagana, si le sang et les viscères des sujets, sacrifiés durant cette période, se montreraient ou non infectants. Le tableau ci-joint répond à cette question. RÉSULTATS DE L’INOCULATION COULEUR employée. INTERVALLE DE TEMPS compris entre l’injection de la couleur et G ce 6 5 0) -•-J ai C-. cd G ço la mise à mort de l’animal. CO S d Q a 0) Q CO '1U1 représentent une seconde paire d’ailes non fonction- nelles. Ces dernières sont bien développées chez tous les autres 548 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR insectes doués de vol, sauf toutefois chez les mâles des Coche- nilles, qui se distinguent d’ailleurs des Diptères par la présence de deux filaments caudaux. Ainsi, tout insecte muni de deux ailes et dépourvu de filaments caudaux appartient, sans contre- dit, au groupe des Diptères. Il est bon d’ajouter que les ailes ont disparu chez plusieurs Diptères parasites, qui passent leur existence tout entière sur le corps de certains Vertébrés à sang chaud; exemple, le Mélophage du Mouton (flg. 16). 2° Les téguments . — La couche de chitine, dans les Diptères, est toujours mince et le plus souvent peu résistante, ce qui rend ces Insectes très fragiles quand ils ont subi la dessiccation. Avec les liqueurs conservatrices, on a moins à craindre cette fra- gilité, mais les poils et les écailles du revêtement chitineux se détachent ou s’altèrent, ce qui modifie beaucoup la coloration, même quand l’animal a été retiré du liquide et desséché. 3° Métamorphoses . — Les Diptères sont presque tous ovi- pares. De l’œuf (fig. 1, b) sort une larve ( a ) annelée et vermi- forme, toujours dépourvue de pattes, qui se déplace par des mouvements ondulatoires. Après un certain temps de vie active, le jeune animal se transforme et passe à l’état de nymphe le plus souvent immobile ; la nymphe prend le nom de pupe ( c ) quand elle est ovoïde et recouverte d’une couche chitineuse brunâtre. Sous les téguments nymphaux s’élabore l’ adulte (d), qui rejette sa prison de chitine pour prendre un définitif essor. Ainsi caractérisés par ces trois états successifs, dont celui de nymphe sans mouvement, les Diptères nous offrent un excellent type d’insectes à métamorphoses complètes. Il est bon d’observer, toutefois, que certains échappent à cette règle : les Moustiques, par exemple, qui restent mobiles durant leur période nymphale(fig. 4), et les Diptères pupipares (Hippobosque [fig. 15], Mélophage [fig. 16]), ainsi nommés parce qu’ils donnent naissance à des larves qui se transforment aussitôt en pupe. II CHS DIPTÈRES PIQUEURS ET SUCEURS DE SANG Les Diptères se divisent assez naturellement en deux grands groupes, les Némocères et les Brachycères, d’après la structure de leurs antennes. Dans le groupe des Némocères (fig. 2), les RÉCOLTE ET CONSERVATION DES DIPTÈRES 549 antennes sont grêles, formées d'au 'moins 6 articles, souvent allongées et plumeuses; dans les Brachycères (fig. 1, d), elles restent courtes et ne comptent le plus souvent que trois articles bien distincts. Fig. 2. — Un Moustique du paludisme, Y Anopheles maculipennis Meig., espèce européenne; femelle. D’après Théobald. A chacun de ces groupes appartiennent des formes vulné- rantes et d'autres, bien plus nombreuses, qui ne le sont pas. Dans chacun également, la faculté de piquer et de sucer appar- tient en propre aux femelles ; les mâles ne piquent pas et se contentent de humer les substances liquides. NEMOCÈRES PIQUEURS ET SUCEURS. — Les Némocères vulnérants sont tous de petite taille ; en dehors de quelques formes signalées plus loin, ils se rangent tous dans deux familles très distinctes : la famille des Culieidés et celle des Simuliidés ; l'une et l'autre remarquables par ce fait que leurs larves et leurs nymphes vivent et se développent dans l'eau. 1° Culieidés. — Les Culieidés sont vulgairement connus sous les noms de Cousins et de Moustiques (fi g. 2). Ils ont le 550 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR corps grêle, les pattes longues, de grandes antennes ornées de poils, une trompe fine et allongée. Cette dernière est relativement réduite chez le mâle, qui présente des antennes de 15 articles fortement plumeux et, sur les côtés de la trompe, deux grands palpes maxillaires ; dans la femelle, les antennes sont plus courtes et composées de 14 articles simplement pileux, les palpes ont des dimensions réduites et la trompe présente une longueur plus grande. Ces insectes se trouvent surtout au voisinage des eaux douces, en particulier des mares, des bassins, des canalisations à Fl&’ 3- ~ Larvc d Anopheles : a antennes, b palpes maxillaires, cl, e nageoires caudales, /' les deux orifices respiratoires ou stigmates. (Dans les larves de ^ulex, ces deux stigmates occupent le sommet d'un prolongement cylindrique latéralement situé.) D'après Théobald. 1ÆC0LTE ET CONSERVATION DES DIPTÈRES 531 ciel ouvert et des eaux stagnantes. Ils déposent leurs œufs à la surface, tantôt isolés, plus souvent réunis en petits radeaux. De l’œuf sort une larve (fîg. 3) allongée et très agile, qui pré- sente sur chaque segment des faisceaux de soies : ces larves ont une tête bien distincte munie de deux taches oculaires, un thorax de dimensions plus grandes et, sur l’avant-dernier seg- ment du corps, deux orifices respiratoires (f) qui affleurent sim- plement dans les Anopheles , tandis qu’ils se trouvent à F extré- mité d'un siphon plus ou moins saillant chez les autres Culicidés. De ce fait, il résulte que les larves <ï Anopheles se tiennent horizontalement près de la surface, et les larves de Culex la tête en bas, dans une position oblique ou verticale. Dans l'un et F autre cas, les orifices de la respiration restent en contact avec F air. Les nymphes (Fig. 4) des Culicidés vivent dans l’eau comme les larves; avec leur queue étroite et leur volumineux thorax non séparé de la tête, elles ressemblent quelque peu h Fig. 4. — Nymphe d’ Anopheles maculipennis Meig. Sur la partie dorsale du céphalothorax renflé, les deux tubes respiratoires dila- tés en trompes. D'après Théo- bald. des têtards. Ces nymphes respirent au moyen de tubes situes sur la partie dorsale de la région thoracique (fîg. 4) ; elles sont d ailleurs mobiles, ce qui est peu fréquent chez les Diptères, et, par des saccades assez brusques, peuvent descendre vers le fond. L’éclosion de l’adulte s’effectue à la surface. Les femelles des Culicidés sont pour la plupart vulnérantes, et s attaquent d ordinaire aux Vertébrés à sang chaud. C’est vers le soir et durant la nuit qu’elles se livrent a la recherche ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de leurs victimes, mais il est aussi des espèces qui piquent à toute heure. La lumière les attire dans les habitations, qu'ils désertent souvent pendant le jour. Au repos (fîg. o), ils se tiennent immo- biles dans les recoins ou sur les parois de teinte sombre; il est alors facile de les capturer. Fig. 5. — Culex et Anopheles au repos; à gauche un Culex avec l’abdomen un peu incliné vers le support et la trompe formant un angle avec l'axe du corps : dans Y Anopheles (à droite), l’abdomen se relève (parfois presque verticalement) et la trompe est dans le prolongement de l'axe du corps. D'après Théobald. 2° Sunuliidés (. Black- fl les et Buffalo-gnats des Anglais; Mouka-folu des Malgaches). — 'Tandis que la famille des Culi- cidés compte de nombreux genres et plus de 400 espèces, celle des Simuliidés se réduit au seul genre Simulium dont le nom- bre des types spécifiques connus ne dépasse guère 60. Au sur- plus, on peut trouver partout, et parfois en grande abondance, des représentants de ces deux familles. Les Simulies (fig. 6) atteignent au plus 4 millimètres de lon- gueur; leur corps est trapu, surtout dans la région du thorax, leurs antennes sont droites et courtes, leurs pattes peu allon- gées et leurs ailes fort larges ; leur appareil buccal proémine peu, étant plutôt fait pour mordre que pour piquer. Les mâles ne sont pas vulnérants, encore que leur appareil buccal diffère RÉCOLTE ET CONSERVATION DES DIPTÈRES 553 assez peu de celui des femelles; ils se distinguent de ces dernières par leurs yeux volumineux qui se touchent sur le vertex de la tête. Fig. 6. — Simulium invenus- ium Walk., des États-Unis. Femelle vue de côté. D’après. Riley. Fig. 7. — Un groupe de larves de Simulie fixées sur une pierre. Gross. 3/1. D’a- près Miall. Ces Insectes se trouvent surtout au voisinage des eaux courantes. C’est sur le bord de ces eaux que les femelles dépo- sent leurs œufs, et c’est sur es corps immergés que vivent et se développent les larves. Ces dernières sont à peu près cylin- driques, fixées sur leur support par une ventouse termi- nale et munies à l’autre bout d’un double éventail très mobile {fig\ 7). Après leur évolution, qui dure plus d’un mois, elles se filent un cocon à la même place, et, au sein de cette enve- loppe, se transforment en nymphe immobile. Au bout d’une semaine, l’enveloppe nymphale s’entr’ouvre et l’adulte monte à la surface, entraîné par une bulle d’air. Tandis que la plupart des Culicidés (mais non pas tous) tra- versentla mauvaise saison à l’état adulte, les Simuliidés hivernent h l’état larvaire. Ces moucherons s'attaquent à leurs victimes durant le jour; comme leur appareil buccal est court, ils recher- chentles parties dépourvues de poils et, chez l’Homme, mordent surtout les paupières et la cornée. 3° Autres Némocères vulnérants. — Les Ceratopogon (famille des Chironomidés) et plusieurs Psychodidés ne sont pas moins vulnérants que les Cousins, avec lesquels, d’ailleurs, ils ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR .).)4 présentent une certaine ressemblance. Ce sont de fort petits moucherons qui atteignent 2 ou 3 millimètres de longueur. Ils se trouvent au voisinage des eaux ou des lieux humides. BrACIIYCÈRES PIQUEURS ET SUCEURS. — Les Bra- chycères vuinérants sont, en général, de formes plus robustes et de dimensions plus grandes que les Némocères; ils ont pour représentants les Tabanidés, quelques Muscidés et les // ippoboscidés ou Pupipares. lu Tabamdés. — Les Tabanidés ou Taons forment une famille des plus riches où Lon compte de nombreux genres et près de 1,600 espèces: ils sont répandus partout, principalement au voisinage des lieux fréquentés par les grands Mammifères herbivores, sauvages ou domestiques. Ces mouches ne présentent jamais de dimensions très réduites; une des plus petites est notre Chrysops aveuglant {Chrysops cœcutiens.üg. 8) qui mesure environ 7 millimètres de longueur, et les plus grandes ne dépassent guère notre Taon du Bœuf (7 ab anus bovinus> fig. 9) qui peut atteindre près de 30 millimètres. Fig-. 8. — Chrysops cœcu- tiens L., petit Tabanide européen ; femelle. Fig. 9. — Tabanus bomnns L., Taon européen de grande taille ; femelle. Les 1 abanides sereconnaissentàleurs formes un peu lourdes, à leur corps sensiblement déprimé, à leur tête convexe en avant et un peu concave en arrière, à leurs yeux énormes qui montn ni des îeflets irises, a leurs ailes un peu écartées en arrière pendant le repos. IL {m < sentent souvent des taches ou des bandes sombres ( (fig. 8) sur ces dernières, et leur troisième article antennaire conserve à son extrémité libre les restes d'une segmentation. Leur trompe est de coutume dirigée vers le bas, recouverte en avant par les gros palpes maxillaires ; chez certaines Pangonici (fig. 10), elle devient fort longue et alors fait saillie en avant. Les yeux des mâles sont contigus sur le vertex comme dans les Simulies de même sexe; ceux des femelles sont séparés par une bande étroite, à bords presque parallèles. Fig. 10. — Pangonici crassipalpis Fig. 11. — Larve de Tabanus cordiger Macq., espèce de la Colonie du Cap. Mcig, un peu grossie. D’après Braucr. Les œufs sont déposés en masse sur les plantes ou dans les débris végétaux; ils donnent naissance à des larves longues et fusiformes, souvent ornées de verrues (fig. Il) en divers points de leurs anneaux. Ces larves carnivores ou omnivores vivent dans le sol, dans les détritus, ou dans beau ; elles se transforment en nymphes longuement ovoïdes et immobiles qui se tiennent dans les mêmes milieux. Les Tabanidés femelles poursuivent l’homme et les grands Mammifères durant la journée, surtout quand il fait très chaud. Les mâles se contentent de butiner sur les fleurs. 2° Muscidés. — Les Muscidés ou vraies Mouches forment une immense famille où, fort heureusement, les espèces vul- °'jb ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nérantes sont peu nombreuses. Ces dernières se limitent essen- tiellement aux Stomoxes ou Mouches charbonneuses -, aux Glos- sines ou tsé-tsé , et à quelques rares espèces réparties dans trois autres genres : Hœmatobia (fig. 1), avec 2 espèces euro- péennes, Beccarimyia avec une espèce trouvée à Massouah, Lyperosia avec une espèce répandue en Europe et dans l’Amé- nque du Nord, et une seconde signalée dans le pays des Somalis et à Ceylan. Tous ces Muscidés ressemblent beaucoup à notre Mouche domestique, mais certains sont un peu plus petits {Lypero- sia), d’autres légèrement plus grands ( Glossina ). Us se dis- tinguent par la présence d’une longue trompe vulnérante diri- gée suivant 1 axe du corps quand l’insecte est au repos, verti- calement quand il est en train de piquer. Les Stomoxes (fig. 12) sont répandus partout et représentés par peu d’espèces. Ils ressemblent à la Mouche commune par leur taille,1eur coloration et leur développement. Leurs larves et leuis pupes se trouvent dans le fumier, où ils déposent leurs Fig. 12. — Stomoxys «lu Natal, femelle au repos. Gross.3/l D’après Austen. fig. 13. — Glossina longipennis Corti, femelle au repos. Gross. 3/1. D’après Austen. œufs; les premières sont des asticots blanchâtres; les secondes occupent le centre d’un tonnelet brunâtre formé par la peau RÉCOLTE ET CONSERAATION DES DIPTÈRES Ü.J i durcie de la larve. Notre Stomoxys calcitrans pond dans le fumier de Cheval; aussi est-il commun au voisinage des écu- ries. Comme les autres Stomoxes, il s’attaque à l’Homme et aux Mammifères domestiques. 11 en est de même des Glossina ou tsé-tsé (fig. 13), dont on connaît 8 espèces localisées dans l’Afrique tropicale. Ces Mouches se distinguent des autres Mus- cidés : 1° par la position de leurs ailes qui, au lieu d’être écartées en arrière durant le repos, s’appliquent étroitement l une sur l’autre ; 2° par la propriété que possède la femelle de donner naissance à des larves qui ont achevé leur croissance. Ces dernières se transforment presque aussitôt en pupes brunâtres (fig. 14), qui présentent en arrière 2 saillies sépa- rées par une dépression assez profonde, ing. 14. - Pupe de Gios- La mouc}ie se localise en certains sine, avec les deux tu- . . . ^ hercules de l’extrémité points, au voisinage des cours d’eau ; D tapies A u st en 1 ° s s 9/L elle pique durant les heures chaudes du jour et, comme les femelles de Simulies, se gonfle tellement de sang qu’elle ne peut plus voler. Hippoboscidés . — Des Glossines nous passons naturellement Fig. 15. — Hippobosca equina L., un Pupipare européen; femelle. \ Fig. 10. — Le Mélophage du Mouton ( Melopha - (jus ovinus L.); un Pu- pipare européen dé- pourvu d’ai les; femelle. aux Hippoboscidés, appelés aussi Pupipcires h cause de la pro- ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 538 priété qu’ont les femelles de produire des larves qui se trans- forment en pupes au moment de la naissance. Les Hippoboscidés ont des formes lourdes, une tête peu épaisse et souvent rétractile contre le thorax, un abdomen où la segmentation s’atténue, des téguments élastiques, et de fortes griffes au bout des pattes, Ils volent peu et mal, et souvent même sont dépourvus d’ailes. Les Hippobosques (fîg. 15) attaquent les Chevaux, les Ruminants et les Chiens; les Ornithomyici vivent aux dépens des Oiseaux; les uns et les autres ressemblent à des Mouches déprimées et présentent encore des ailes qui, au repos, s’appliquent l’une sur l’autre comme celles des Glossines. Les Lipoptena vivent aux dépens des Cervidés, et perdent rapi- dement leurs ailes ; ils ne dépassent guère 3 millimètres (Europe, Amérique du Nord, Malacca). Les Mélophages sont représentés par une seule espèce, le Melophagus ovinus (fig. 16), qui est toujours aptère et se tient dans la toison des Moutons. III RÉCOLTE ET CONSERVATION A cause de leurs téguments fort minces, de leurs poils et de leurs Unes écailles, les Diptères sont d’une délicatesse et sou vent d’une fragilité extrêmes. Aussi leur récolte et leur conser vation exigent-elles des soins que, d’ordinaire, ne réclament pas les autres insectes. Capture. -- Le matériel nécessaire à la capture comprend des filets à papillon ordinaires, des tubes à bouchôn de liège , et un ou plusieurs flacons à cyanure. Ces derniers seront mé- diocrement volumineux et aplatis de façon à pouvoir facile- ment être mis en poche; les tubes auront des calibres variés, en rapport avec la taille des insectes. Les Diptères se capturent au vol ou durant le repos. Pour chasser les Diptères au vol , on se sert du blet à papillon. Le maniement de cet appareil réclame de l’habitude et certains coups de main qui, d’ailleurs, s’acquièrent très vite. RÉCOLTE ET CONSERVATION DES DIPTÈRES Les insectes étant au fond du filet, on les fait passer dans un tube ou dans un flacon de cyanure que I on ferme ensuite avec le bouchon. Quand ils sont au repos sur le feuillage, les Diptères se capturent également à l’aide du filet. Sur une surface plane et résistante, on peut les capturer directement avec le tube ou le flacon à cyanure, dont on applique l’orifice de manière à em- prisonner l’insecte. Si ce dernier reste immobile, on ‘le chasse dans l’intérieur du tube ou du flacon en glissant contre la vitre une feuille de papier, ou en insufflant de la fumée de tabac sous le bord légèrement relevé. Il convient de ne tuer les Diptères gu au moment de les pré- parer, cela est nécessaire pour qu’ils conservent toute leur souplesse. Doit-on rester longtemps en route, il faut dès lors conserver les Insectes vivants dans les tubes de chasse et ne les tuer au cyanure qu’arrivé à domicile. Est-on au contraire sur le lieu même où doit se faire la préparation, il y a lieu de se servir directement du flacon à cyanure. Dans les cas d'absolue nécessité , on peut chasser au loin avec ce dernier flacon, d’ailleurs occupé par des fragments de papier froissé qui s’oppo- sent au déplacement des cadavres. Mais ce procédé à des inconvénients, car un long séjour dans les flacons cyanurés altère tou- jours un peu les insectes. Matériel de préparation. — Le matériel nécessaire à la préparation des Diptères com- prendra les pièces suivantes : 1° Des pinces entomologigues (à bout recourbé) pour la fixation des épingles ordi- naires ; 2° Des pinces mordantes pour la fixat ion des fines épingles appelées micros; 3° Des épingles entomologigues ordi- naires (fig. 17, a), pour les grosses espèces; 4° Des micros ou épingles fines et courtes (fig. 17, c/, e),pour les petites espèces (épin- gles n° 20) ; e. Fig. 17. — Prépara- tion définitive d’un moustique : b dis- que de bristol (rem- playablepar un rec- tangle) ; d et e tête et pointe de la fine épingle ou micro qui traverse le tho- rax de l’insecte f ; a grosse épingle qu’on fixe au liège d’une boîte après l’avoir munie d’une étiquette c. D’après Théobald. 560 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 5° Des aiguilles à dissection; 6° Pour la fixation des petits Diptères, des boîtes à fond de liège , grandes comme un in-12, et peu profondes; 7° Pour les grosses espèces, des boîtes entomologiques ordi- naires : 8° Des fragments de tubes de verre (tubes barométriques) de divers calibres pour isoler ou emprisonner les insectes qu on ne pourrait fixer ; 9° Des flacons ou des tubes pour les animaux conservés en liquide : 10° Du bristol et une paire de ciseaux pour le découper; 11° Une provision d’ouate hydrophile ; 12° Quelques plaques de liège pour le piquage des insectes. Il faut rejeter les boîtes à fond de moelle, car les épinglés, d’ordinaire, y sont très vite oxydées. Préparation. — 11 suffit de 5 à 10 minutes pour tuer les insectes dans le flacon à cyanure ; sauf le cas d absolue néces- sité, les cadavres sont ensuite retirés du flacon et immédiate- ment préparés. Suivant l’habileté du chasseur, ou les conditions dans les- quelles il se trouve, la préparation pourra être plus ou moi ns parfaite. Il convient d’examiner ces divers cas, dans 1 ordre de leur perfection décroissante : lo Préparation définitive. — S’agit-il de Diptères gros ou médiocres, on les pique vers le milieu du thorax avec une epingle appropriée et on étale convenablement leurs ailes et leurs pattes. On fixe solidement l’épingle sur le fond d’une boîte ento- mologique, avec une étiquette où sont inscrits la date, le lieu de la capture et les autres observations utiles. S’agit-il au contraire de petits moucherons, tels que des Cu- licidés ou des Simulies, on commence (fig. 17) par découper un petit rectangle ou un disque de bristol (ô), dans lequel, avec une aiguille, on amorce une perforation quelque peu excen- trique i puis on enfonce une micro (d) dans le bristol au point où se trouve la perforation ebauchee. L insecte étant renverse sur une lame de liège, on le pique avec la micro munie de son bristol, la pointe (e) devant traverser le thorax de la face ven- trale au coté dorsal, et dépasser celui-ci d une faible longueur. 561 RÉCOLTE ET CONSERVATION DES DIPTÈRES Les ailes et les pattes étant arrangées ensuite avec l’aiguille à dissection, une épingle (à) est enfoncée dans le bristol derrière l’insecte, puis munie d’une étiquette (c) et implantée solidement sur le fond liégé d’une boîte. Cette méthode réclame quelque habileté, mais elle est , de beaucoup, préf erable a toutes les autres . Il sera toujours facile de l’employer avec les Mouches et les Tabanidés. 2 P? épuration plus rapide mais moins parfaite. — Piquer chaque insecte tel qu’il sort du flacon à cyanure, sur le dos du thoiax si c est possible^ sur le flanc ou de toute autre manière si 1 insecte, en raison de sa petite taille, ne se prête pas à la ma- nipulation precedente. Les insectes piques avec des éping’les entomologiques ordinaires sont rangés dans une boîte entomo- logique, ceux préparés aux micros sont fixés sur le fond de liège d une petite boîte. ( Toujours avec des étiquettes de capture.) 3° Conservation en tubes ou avec des couches d'ouate. — Est-il impossible de se livrer à l’une ou l’autre des préparations précédentes, on recourra aux tubes de verre. On ferme une extrémité de ces tubes avec un tampon serré d’ouate hydrophile, et 1 on fait tomber les insectes fraîchement tués sur ce coussinet de lermeture. Puis un autre tampon semblable est poussé jus- qu’au contact des cadavres, formant un second coussinet qui recevra un second lot1 2. Et ainsi de suite, les tampons divisant le tube en un certain nombre de compartiments oùles insectes sont bien protégés. Chaque lot doit être accompagné d’une étiquette. Cette méthode convient à toutes les espèces, grandes ou petites. Il s’en faut qu’elle offre les avantages des précédentes, surtout avec lesCulicidés; mais, faute de mieux, il est bon de l’employer, car elle est commode et rapide. Pour les grosses espèces, on peut se contenter de la méthode entomologique courante qui consiste à disposer dans une boite en bois (boîte à cigares, etc.) ou en carton 2 des couches succes- sives d ouates et d’insectes, ces derniers étant bien posés sur les couches d’ouate et éloignés les uns des autres. — Pour les 1. Il est préférable d’employer des tubes courts, ne recevant qu’un loi ou deux: on en retire plus aisément les insectes. 2. Les boites métalliques sont très mauvaises, car elles favorisent la putréfac- tion et le développement des moisissures. 36 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 562 petites espèces, et surtout pour celles à patteslongues.ce procédé est de beaucoup le plus défectueux; mais on peut alors mettre les insectes dans des papillotes préparées de la manière suivante : on découpe du papier en carrés, on replie chaque carré sur lui- même suivant une diagonale et au fond du triangle double ainsi formé on dispose avec soin un insecte; on transforme ensuite le triangle en enveloppe close en repliant marginalement ses deux bords latéraux. Il suffit d’empiler ces enveloppes dans une boîte, sans les serrer trop étroitement. Cette méthode est empruntée aux chasseurs de Papillons. Observation importante. — Pour les besoins de l’étude et pour faciliter les recherches relatives à la classification des Diptères, il conviendra de diviser en deux parts les insectes d’une même espèce : les uns seront préparés à sec suivant les méthodes pré- cédentes, les autres conservés dans Talcool à 90° ou dans une solution de formol à 4 0/0. Les larves et les nymphes doivent toujours être conservées dans l’un ou l autre de ces liquides U Conservation, expédition. — Les insectes conservés en milieu liquide abandonnent assez rapidement une certaine quantité d’eau qui altère plus ou moins l’élément conservateur; aussi convient-il de remplacer ce dernier après un ou deux jours, en ayant soin de ne pas mettre trop d’individus dans un même flacon. Il suffit ensuite de surveiller le bouchage, qui doit être hermétique. Les collections sèches réclament d’autres soins, car elles peuvent être envahies par les insectes destructeurs et par les moisissures. On préviendra ce double danger en plaçant les boîtes et les tubes dans un récipient clos richement pourvu de naphtaline. Que cette dernière soit en poudre ou en cristaux, il ne faut pas la placer dans les boîtes, où elle pourrait, au moindre mouvement, détériorer les insectes. L expédition des tubes ou des flacons qui renferment des insectes en milieu humide ne réclame pas d’autres soins qu’un emballage bien fait. Pour les collections sèches, ce dernier réclame des soins spéciaux, les boîtes devant être bien séparées 1. On conserve aussi dans ces liquides les autres Articulés vulnérants : Ixodes ou tiques, Puces, Poux, Punaises. 563 RÉCOLTE ET CONSERVATION DES DIPTÈRES A ota. — Le laboratoire d'entomologie du Muséum, le laboratoire colonial du même établissement, et l’Institut Pasteur de Paris conservent un matériel type et pour la capture et la conservation des Diptères. (Trypanosoma rotatorium ) Par le Br G. BOUET Médecin- major des troupes coloniales. Avec la planche XXVI. (Travail du laboratoire de M. Mesnil.) En 1842, Grluge a découvert chez les grenouilles un trypano- some; Mayer le revit l’année suivante et, la même annee, Gruby créa pour lui le nom de genre Trypanosoma: son nom spéci- fique est Trypanosoma rotatorium (Mayer 1843). Il a été, depuis, revu par un grand nombre d auteurs; mais c est Zie- inann qui le premier, en 1898, a pu en colorer le centrosome et le noyau, à l’aide d’une modification de la méthode de Roma- nowsky. En 1901, Laveran et Mesnil reprennent ces études et arrivent à le colorer nettement et a mettre en évidence tous les détails de sa structure h Désirant essayer de cultiver ce Flagellé, nous avons été amené à le rechercher chez les grenouilles (Rana esculenta ), et voici ce que nous avons constaté. Sur un lot de 20 grenouilles, apportées en mai 1905, nous en trouvons 6 d’infectees, soit line proportion de 30 0/0. 11 est possible cependant que quelques-unes de nos grenouilles aient renfermé des parasites qui ont échappé a notre examen. En général, en effet, le nombre des trypanosomes est très faible et souvent à l’état frais, entre lame et lamelle, on n en trou\e qu’un ou deux dans toute la préparation. Du reste, il nous est arrivé, dans le lot de grenouilles non parasitées, que nous avions séparé des grenouilles atteintes, de trouver des parasites chez l’une d’elles à un examen ultérieur. 11 est probable qu’au premier examen ils étaient passés inaperçus, car il est difficile d’admettre la contamination en aquarium. L Pour la bibliographie, voir Laveran et Mesnil, Trypanosomes et Trypano- somiases, Paris 1904, p. 365 et suivantes. TRYPANOSOME DE LA GRENOUILLE 565 En octobre 1905, un lot de 25 grenouilles ne nous a donné qu’un très petit nombre de Batraciens parasités : 3 seulement en effet furent trouvés porteurs de T. rotatorium. 11 semble donc qu’à Paris tout au moins, les parasites se rencontrent moins fréquemment en hiver, ce qui est en contradiction avec l’opinion de Koninsky 1 . Dans les deux lots, nous avons rencontré des grenouilles triparasitées par : a) Hœmogregarina ranarum (Ray Lankes- ter 1882); b) une filaire ;c) Trypanosoma rotatorium ; — d’au- tres n'avaient que deux parasites : ou hémogrégarine et trypa- nosome, ou trypanosome et filaire; d’autres enfin un seul, soit trypanosome, soit hémogrégarine, soit filaire. Un petit nombre de crapauds ont été également l’objet de notre examen : 1° Bufo calarnita ; 2° Pelobates fuscus ; 3° Bufovul- garis. Aucun ne renfermait de parasites. Morphologie du « Trypanosoma rotatorium » chez la Grenouille. Les formes du parasite que nous avons rencontrées sont celles décrites par Laveran et Mesnil ( loco cxtato ); en particulier les formes trapues (fig. 1, 1) et minces, (fig. I, 2) toutes deux pouvant être du type pectine. Les premières, cependant, ont été plus fréquentes. On sait que Chalachnikov, collaborateur de Danilewsky, a voulu faire une classification de ces diverses formes, et il en a reconnu jusqu’à 5. Etant donné le pléomorphisme de ce trypanosome, il est possible que toutes les transitions entre la forme trapue et la forme mince puissent être rencontrées. Nous devons dire cependant qu’en général, nous n’avons vu, chez un même batra- cien. que l’une ou l’autre. Pour les cultures, nous avons ensemencé les deux formes et les résultats ont été identiques. 11 nous paraît nécessaire, pour établir la comparaison entre laforme du trypanosome dans le sang etles formes qu’on obtient en culture, de rappeler rapidement ici les caractères principaux du parasite dans le sang de la grenouille. A l’état frais, entre lame et lamelle, c’est une masse proto- plasmique dont les mouvements sont de deux sortes : mouve- 1. Koninsky, Biolog. Centra/bl., t. XXI, 1901, p. 40 36G ‘ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ments du flagelle d’une part et mouvements amiboïdes d’autre part. Les mouvements amiboïdes seuls permettent le déplacement Fig. I. — 1, 2. Trypanosoma rotatorium dans le sang de la grenouille ; — •>-(», Le meme dans les cultures. — Grossissement 1,600 D. environ. total du corps de 1 animal, déplacement du reste très lent et de peu d etendue. Quand 1 animal met son flagelle en mouvement, le corps reste en général immobile ou tourne sur lui-même. Les ondulations du flagelle sont de durée inégale avec des inter- valles de repos. Le noyau et le centrosome se distinguent très difficilement à l’état frais. La coloration du T. rotatorium se fait facilement sur lame de sang étalée, et la méthode que nous avons employée est celle de Giemsa. La fixation obtenue à 1 aide de l’alcool absolu pendant 10 minutes, on fait agir pendant 1/4 d’heure à 1/2 heure la solution dans les proportions suivantes : Eaü* - 10 c. c. Solution de Giemsa c (. Le mélange doit être fait extemporanément au moment de s en servir. C est, du reste, la même formule que nous employons pour tous les trypanosomes. Les lames sont placées dans une boîte de Laveran-Mesnil, le frottis en dessous, de façon à éviter TRYPANOSOME DE LA GRENOUILLE 567 le dépôt de précipités qui se forment toujours un peu. Nous nous servons ou non de P essence de girofle, selon que la prépara- tion a été plus ou moins surcolorée. Nous avons employé également, mais principalement poul- ies cultures, la fixation aux vapeurs d’acide osmique. Nous y reviendrons plus tard. Lamembrane ondulante se colore en lilas, et son bord épaissi se détache très nettement. Son extrémité libre se termine par un flagelle de même nature cytologique . L’autre extrémité (extrémité postérieure) vient aboutir à un centrosome situé ou non au milieu d’une vacuole à contours assez nettement définis. Ce centrosome, dans les formes minces, est assez près du noyau, mais toujours vers l’extrémité postérieure du corps de l’animal, le flagelle représentant l’extrémité antérieure. Dans les formes trapues, au contraire, le centrosome est situé indistinctement près du noyau, soit à droite, soit à gauche, et plus rarement dans la partie pos- térieure; nous ne l’avons jamais vu dans la partie antérieure. . Le centrosome se colore comme la membrane et le flagelle, mais plus fortement. Le noyau ne présente aucune particularité de coloration. Il est coloré en rouge foncé par le Giemsa. Le protoplasme se colore en bleu foncé et on distingue très facile- ment, dans les bonnes préparations, les plissements du corps. Nous n’avons pas rencontré, dans le protoplasme, de granu- lations rondes ne se colorant pas, comme en ont vu Laveran et Mesnil. Nous verrons plus loin qu’on retrouve de ces grains dans certaines formes culturales. Nous n’avons pas vu de formes de multiplication de T. rota torium dans le sang ni de très jeunes parasites. Le phénomène de l'agglutination des parasites dans le sang, par l’addition de sérum de grenouilles ayant eu l’infection try- panosomique, nous semble difficile à réaliser. Le nombre des trypanosomes est toujours très restreint d’une part et, d'autre part, ces parasites sont si lents dans leurs mouvements qu’il semble difficile qu’ils puissent facilement s’agglutiner. Nous n’avons pu l’essayer, n’ayant pas rencontré de grenouilles très infectées. 568 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Cultures Nous venions de commencer nos essais de culture, quand nous parvint le mémoire de Lewis et Williams 1 . Ces auteurs se sont servis de gélose nutritive, à l’eau de con- densation de laquelle ils ajoutaient 2-3 gouttes de sang de gre~ nouille ou de crapaud. Avec le sang de 2 grenouilles infectées de trypanosomes, Lewis et Williams ont obtenu au bout de 15 jours des Flagellés, jamais abondants, dont les plus gros avaient 18 p. sur 2 g, un long flagelle s insérant à un centrosome situé à l’extrémité antérieure et un rudiment de membrane ondulante. Un seul réensemence- ment a réussi. Les auteurs ne donnent pas d’autres détails et ne figurent pas leurs formes de culture. La difficulté, d’une part de se procurer une quantité de sang suffisante avec des Batraciens, d’autre part, la possibilité, comme cela est arrive aux auteurs américains, d’ensemencer, avec le sang, des trypanosomes qui s’y trouvaient contenus et de voir dans un tube qu on croyait stérile se développer des cultures, nous ont fait rejeter cette méthode. Nous étions d’ail- leurs satisfait du milieu ordinaire de Novy et Mac Neal qui nous a donné d’excellents résultats. Rappelons la formule du milieu de Novy et Mac Neal 1 , auquel nous n avons pas apporté de modifications essentielles. Extiait de 125 gr. de bœuf dans 1 Gau distillée 1,000 grammes. Gélose _ 20 Peptone. 20 Sel marin.. g Sol. normale de Na2Co3 10 c.c. * A 1 volume du milieu gèlosé, on ajoute 2 volumes de sang défibriné de lapin.. Le milieu gélosé a été au préalable stérilisé et réparti dans des tubes. Nous avons essaye quelques cultures avec un milieu dans lequel nous ajoutions une proportion différente soit de sang, soit de liqueur alcaline. G est ainsi que nous avons employé un mélange dont les 1. J. Lewis et H. V. Williams (Univ. de Buffalo). The results of attempt to cul- tivate trypanosomes from frogs, Soc. for experim. Biol. a. Med., séance du 15fév. 1905, in American Medicine, t. IX, 25 mars, p. 491. TRYPANOSOME DE LA GRENOUILLE 569 proportions étaient de 1 de gélose pour 1 de sang. Nous avons constaté qu’avec la formule de Novy et Mac Neal. nous obtenions d excellents résultats. Les cultures poussaient plus rapidement et plus abondamment. Avec la 2e formule, nous n avions que des cultures maigres, sans vitalité, où rapidement les trypanosomes disparaissent après avoir présenté de nombreuses granulations dans le protoplasme. La solution normale de carbonate de soude est de 53 grammes pour 1,000 grammes d’eau distillée. Nous avons essayé une solution renfermant 106 grammes de sel pour 1,000 grammes. L adjonction de cette solution deux fois plus alcaline ne donne egalement que de mauvaises cultures, pous- sant beaucoup plus lentement et mourant en quelques jours. L addition du sang défibriné de lapin se fait à la température de 50°. La gélose, liquéfiée à sa température de fusion, est mise a refroidir jusqu à ce qu’on ait obtenu cette température. Les tubes remplis de 2 p. de sang pour 1 de gélose sont inclines et laisses un jour a la température du laboratoire, puis mis 24 heures à 1 etuve à 3 7°. On peut alors les redresser et les conserver au laboratoire jusqu’au moment de s’en servir. L ensemencement se fait avec du sang’ de grenouille infec- tée. Les auteurs américains avaient insisté sur la difficulté de prélever ce sang aseptiquement, Cette difficulté semble facile- ment résolue en opérant comme il suit. Nous passons au fer rougi 1 abdomen de la grenouille fixée sur une planchette de liège et, après avoir écarté la peau et coupé aux ciseaux fins les plans musculaires et le sternum, nous dégageons le cœur que nous brûlons légèrement au fer. Une pipette fine stérili- sée est alors introduite dans le cœur et on prélève ainsi la quantité de sang que l’on désire pour 1 ensemencement. Pour les premières cultures, nous avons ensemencé une assez grande quantité de sang, soit de 10 à 20 gouttes par tube, le nombre des trypanosomes y étant toujours faible. Ce n est que pour les passages, alors que les trypanosomes étaient nombreux dans les cultures, que nous nous sommes servis de l’œse. 1 . W AKt) J. Mac Neal, The life history of •Journal of inf. diseuses, nov. 1904. / rypanosoma 570 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Gomme pour les autres trypanosomes, c'est dans le liquide de condensation que nous ensemençons. Au début de nos recherches, nous mettions les cultures à U étuve à 22°, mais nous nous sommes aperçu qu’elles n’y poussaient pas d’une façon plus rapide qu’à la température du laboratoire. C’est en somme la température que le trypanosome rencontre dans le sang de la grenouille. Un séjour de 50 heures à l’étuve à 37° a fortement altéré un tube de culture; la plupart des trypanosomes sont tués, et ceux qui sont encore vivants n’ont plus que des mouvements du flagelle. Au bout de 24 heures, la culture examinée était encore parfaitement vivante. Soumis à une température de 55°, les trypanosomes sont tués en moins d’un quart d’heure. Un tube de culture mis à la glacière ou dans la glace fon- dante a encore des trypanosomes vivants au bout de 8 jours. Mais il semble qu’il n’y a plus multiplication ; la culture s’ar- rête. Avec le milieu à 1 de gélose pour 2 de sang (Novy), nous avons obtenu des premières cultures au bout de 4 à 5 jours. Au contraire avec 1 de gélose et 1 de sang, les cul- tures ont été beaucoup plus lentes ; elles n’ont poussé qu’en 16 à 20 jours. Comme on le voit, ce dernier milieu convenait peu aux trypanosomes qui s’y habituent difficilement et y meurent assez rapidement. Enfin un certain nombre de cultures sont restées stériles, quelques-unes ont été contaminées par un petit coccus à mobilité brownienne très nette. Nous avons dit plus haut que les deux formes, trapue et mince, nous ont donné des cultures positives. La plupart des grenouilles dont nous avons ensemencé le sang renfermaient, en dehors des T. rotatorium , d’autres parasites (filaires,hémogrégarines) . Une grenouille ne renfermant que des Tryp. nous a donné des résultats positifs. Enfin nous avons ensemencé du sang de grenouille ne ren- fermant que des hémogrégarines sans obtenir de résultats. Au moment où nous écrivons ce mémoire, nous avons réa- lisé 10 passages successifs par réensemencement, soit avec l’œse, soit avec 5 à 6 gouttes de culture prélevées à la pi- pette. Dans les tubes de réensemencement, les trypanosomes appa- TRYPANOSOME DE LA GRENOUILLE 571 raissent au bout de temps très variables, depuis 3 jours jusqu’à et même 34 jours. Le temps moyen a été de 6 à 10 jours avec le milieu type Novy. C’est du 18e au 25e jour que les trypanosomes sont les plus nombreux dans les cultures. Cette abondance persiste dans certaines cultures de 30 à 40 jours. Dans les cultures jeunes, les jeunes trypanosomes peuvent s agglutiner (11g. II, 19), mais c’est surtout vers la fin du premier mois que l’on observe, entre lame et lamelle, l’auto agglutina- tion, toujours partielle du reste. C’est à ce moment que I on peut observer un grand nombre de formes présentant des gra- nulations très réfringentes, ne se colorant pas par le Griemsa. . Dans des cultures déjà vieilles (au 95e jour pour 1 une), nous avons observe des colonies en dehors, de l’eau de condensa- tion. Ces colonies très petites, de la dimension d’une tête d’épingle, réunies en amas, étaient situées sur la gélose à environ 1 centimètre du culot. Leur aspect nacré, opalescent, était de tous points semblable à celui des colonies qu il nous a été donné d’observer avec une race de trypanosomes d’Oiseaux provenant de cultures de Novy et Mac Neal et envoyée par M. Novy à M. Mesnil. Mac Neal (/.c.) a déjà noté que des Tr. lewisi cultivés de tube en tube depuis plus d’une année, donnent des colonies sur gélose, humides, proéminentes et d’url blanc luisant. Thiroux 1 a vu que T. duttoni des souris au Sénégal donne des colonies d’aspect semblable. Les nôtres étaient moins abondantes que celles du T. d’oiseau. Comme on le voit, la vitalité des cultures est très grande . Nous avons encore des trypanosomes vivants dans une 3e cul- ture au bout de 5 mois, mais c’est là un fait exceptionnel. Etat frais (fig . 11 du texte) . — Al’état frais , entre lame etlamelle , on rencontre de nombreuses formes de culture dont les plus com- munes se présentent sous l’aspect d’une masse fusiforme, trans- parente, à protoplasma finement granuleux, munie d’un flagelle extrêmement mobile (fig. II, 1-9). On distingue très difficile- ment le noyau et le centrosome. Il y a cependant toujours une masse de protoplasme plus clair, à grains plus condensés, à position variable. Il est difficile, à l’état frais, de distinguer une membrane ondulante. Le flagelle, toujours très long, 1. Thiroux. Annales de V Institut Pasteur. 1905. 572 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nettement apparent, est animé de mouvements incessants. Dès que le trypanosome se déplace (et il est très mobile), il se dirige le flagelle avant. Cet organe semble être pour lui un organe de tact, car dès qu’il a rencontré un obstacle, globule Fig. II.— Aspect des trypanosomes dans les cultures (état frais). G. , 1600 D. environ sanguin du milieu ou un autre trypanosome, il s’arrête avant de repartir, ou au contraire s’agglutine avec le trypanosome qu’il vient de rencontrer. C’est, en général, par l’extrémité antérieure que se fait cette agglutination presque toujours tem- poraire. En dehors de cette forme, de beaucoup la plus fréquente, on TRYPANOSOME DE LA GRENOUILLE 573 peut rencontrer, surtout dans les premiers passages culturaux, tous les intermédiaires entre letrypanosome trapu de la grenouille et la forme que nous venons de décrire. C’est ainsi qu’on trouve des trypanosomes à forme massive, trapue, animés de mouve- ments beaucoup plus lents, rappelant la forme sanguicole. Souvent aussi les trypanosomes affectent la forme vermicu- laire qui peut passer, surtout dans les vieilles cultures, à la forme en hochet (fig. II, 10) ou en haltère. Par transitions insensibles (fig. II, 11-13), nous arrivons (fig. II, 14-17) à des formes nettementrondes.il semble qu il y ait con- densation du protoplasme du corps du protozoaire et que des matériaux de réserve s’y accumulent sous forme de granulations rondes, très réfringentes, qui ne se colorent pas dans les pré- parations. Nous devons mentionner aussi le renflement du flagelle, assez fréquent et qui a déjà été observé avec d’autres trypanosomes en culture. La multiplication se fait par division longitudinale, et il est fréquent de rencontrer des trypanosomes munis de deux fla- gelles (division par 2) et qui ne sont plus accolés l’un à l’autre que par leur extrémité postérieure. Nous avons vu la séparation se faire sous nos yeux (fig. II, 18). Nous ne pensons pas, d’accord en cela avec Laveran et Mes- nil, Thiroux, Novy et Mac Neal, que la multiplication normale se fasse par étranglement de corps sphériques, après formation d’haltères, comme l’avait pensé Danilewsky L Cependant nous avons observé la présence de deux flagelles dans les formes rondes, avec 2 noyaux et 2 centrosomes. Les trypanosomes des colonies développées sur la gélose et non dans le culot, dont nous avons fait mention plus haut, offraient tous un aspect mûriforme. Le flagelle était très court, à peine mobile, et le protoplasme renfermait de petites sphères très réfringentes (voir fig. II, 20). Comme Prowazek1 2 et Thiroux 3, nous pensons que c’est peut- 1. Danilewskv, Nouvelles recherches sur les parasites du sanq des Oiseau.rAÙ hai*- kov, 1889. ’ 2. Prowazek, Arb. a.d. Kais. Gesundheitsamie , t. XX, f. 3, 1904, p. 440. 3 Ihiroux, Recherches morphologiques et expérimentales sur Trypanosoma paddœ. Annales Institut Pasteur, t. XX, fév. 1905. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ü 1 4 être là le début du développement d'une forme de résistance des organismes en culture. Ce serait le prélude d un enkyste- ment analogue à celui des amibes dont le kyste offre une résis- tance presque indéfinie. Les dimensions des trypanosomes en culture sont de beau- coup inférieures à celles du trypanosome normal delà grenouille. La comparaison des figures, 1-2 et 3-6 (v. page 565) en donnera une bonne idée. Voici celles que nous avons mesurées : Formes fusiformes, longueur : 25 jx (flagelle compris), lar- geur : 2 [x ; Formes rondes, diamètre : 5 [x. Préparations colorées. — - Après avoir essayé les diverses techniques proposées pour la coloration des cultures (fixation à l’alcool, puis méthode de Laveran ou de Giernsa), nous avons adopté la méthode suivante préconisée par Gray et Tulloch 1 pour les Flagellés du tube digestif des Glossina palpalis. On étale en couche mince le liquide de culture sur les lames que Ton expose avant dessiccation aux vapeurs d’acide osmique. On « rafraîchit » la préparation pendant 5 à 6 minutes à l’aide de sérum normal d’un animal quelconque, puis on lave à l’eau. C’est alors seulement que l’on colore au Giernsa, par exemple, pendant 3/4 d’heure ou i heure. Un passe ensuite à l’essence de girofle pendant une minute, pour éclaircir la préparation. C’est par cette méthode que nous avons obtenu les plus fines colorations qui nous ont permis de déceler la membrane ondu- lante de nos trypanosomes. La fixation par le Flemming nous a donné d’assez bons résultats. Le corps des trypanosomes est coloré en bleu, mais les nom- breuses granulations disséminées dans la masse restent incolo- rées. Certaines parties du protoplasme, plus condensées, sont en bleu plus foncé. Le noyau est lilas clair ou violet lilas, et le centrosome violet très foncé. Le noyau est situé, d’une façon générale, près de l'extrémité antérieure ducorps, surtout dans les formes Herpetopionas, mais il peut être central ou même postérieur (pl. xxvi, fig. 1). Le centrosome, parfois accolé au noyau et toujours très près de lui, est entre celui-ci et l’extrémité antérieure du corps. C’est I. Reports of the sleeping sickness commission, n° VI. TRYPANOSOME UE LA GRENOUILLE 575 du centrosome que part le flagelle . Comme on le voit, de laté- ral ou de postérieur chez les T. rotatorium du sang, le cen- trosome est devenu antérieur. Dans une première culture, il nous a été possible de suivre la migration du centrosome. La figure 1 delà planche xxvi nous montre le centrosome postérieur; dans les figurés 2, 3, 4 et 5 de la même culture, il est latéral ou nettement antérieur. Delà forme trypanosome, nous sommes passés à la forme Herpetomonas . Qu’est devenue la membrane ondulante dans cette migration centrosomique? A-t-elle, avec la forme Herpetomonas , définiti- vement disparu ? Nous ne le croyons pas et il suffit de jeter un coup d’œil sur notre planche (v. fîg. 6, 8, 10, 14, 27. 30) pour voir que presque tous nos trypanosomes possèdent une membrane ondulante dans les formes allongées, à centrosome antérieur (stade Herpetomonas) . Ces formes allongées, plus trapues, plus grandes aussi, sont pour nous des formes adultes et celles qui ne possèdent pas de membrane, toujours plus petites, piriformes ou fusiformes (v.fîg. 12, 13, 15. 16), sont des formes jeunes chez lesquelles la membrane ondulante n’est pas encore développée. Les formes rondes qui peuvent se rencontrer et dans les très jeunes pultures et dans les très vieilles, seraient, les unes de très jeunes trypanosomes en voie de développement, mais pouvant déjà se diviser (fig. 18 et 24), et les autres des formes d’involution devant plus tard aboutir à une morula et se trans- former en un kyste (fig. 28 et 29). C’est alors que disparaît, chez ces formes âgées, la membrane ondulante et que le flagelle entre en régression, comme si le Protozoaire s’acheminait vers l’état de vie latente où ces organes lui deviendront inutiles (fig. 33-43). La multiplication, nous l’avons vu plus haut, se fait par divi- sion longitudinale. Les préparations colorées permettent de déceler 2 noyaux, 2 centrosomes et 2 flagelles. La division du noyau semble précéder celle du centrosome (fig. 18 et 24). mais ce n’est pas une règle absolue. Agglutination dans les cultures. — Nous avons vu plus haut que l’on observe l’autoagglutination dans les cultures entre lame et lamelle. A l’état frais, cette autoagglutination se présente sous 576 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’aspect que nous avons figuré dans la figure II du texte (19). Gomme on le voit, c’est par le flagelle que se fait l’aggluti- nation, mais on peut rencontrer des trypanosomes agglutinés par leur extrémité postérieure. Nous avons essayé de voir si le sérum du sang d’une gre- nouille trypanosomée possédait des propriétés agglutinatives vis- à-vis des trypanosomes des cultures. Très nettement, ce sérum a présenté des propriétés agglutinatives, alors que le sérum d’une grenouille non trypanosomée n’agglutinait pas nos cultures. Egalement aussi, nous avons fait agir du sérum d’un animal nor- mal sans obtenir d’agglutination. Le sérum du sang d’une chèvre guérie de Nagana, était dépourvu de propriétés agglutinantes. Inoculations aux batraciens. — On peut admettre d’une façon générale que les grenouilles, apportées en été dans les labora- toires, sont parasitées par T. rotatorium dans une très large proportion (Laveran et Mesnil). Certaines chez lesquelles on ne peut trouver de trypanosomes, à l’examen microscopique, en renferment cependant (exp. de Lewis et Williams). Beaucoup aussi voient leurs parasites disparaître à un moment donné. Elles sont immunisées. Dans ces conditions, il devient difficile de reproduire expérimentalement, chez la grenouille, l’infection naturelle. 11 nous eût fallu élever ab ovo de jeunes têtards. Le temps nous a manqué. Malgré cela, nous avons expérimenté sur 6 grenouilles, chez lesquelles l’examen fréquent du sang ne nous avait jamais décelé la présence de T. rotatorium. Nous avons injecté, dans le péri- toine de ces 6 grenouilles, jusqu’à 1/2 c. c. de culture du 1er ou du 7e passage. Des essais de réinfection ont été faits et nous n’avons jamais obtenu de résultats positifs. La forme que revêt sans (foute dans le corps de l’hôte inter- médiaire (sangsue probablement) le T. rotatorium , s’éloigne- t-elle de notre trypanosome de culture ? Nous ne savons, toujours est-il que nos essais ont toujours été infructueux. Nous avons également inoculé, à des Bufo et à des Pelobates , des trypanosomes de nos cultures, sans obtenir plus de succès. Nous le regrettons. Nous eussions ainsi fermé le cycle que de plus heureux que nous ont obtenu avec d’autres trypanosomes de culture. TRYPANOSOME DE LA GRENOUILLE 577 EXPLICATION DE LA PLANCHE Tous les dessins de cette planche ont été faits d’après des préparations de Trypanosomes de cultures, colorées par la méthode à l'acide osmique sérum exposé ci-dessus. Les contours des figures ont été dessinés à la chambre claire de Dumaige, microscope Stiassnie, oculaire 6, objectif 1mm. hom. 1/15. Le grossissement figuré sur la planche est d’environ 1,800 diamètres. Pour les détails, voir le texte. RECHERCHES SUR LA TOXINE H L’ANTITOXINE CHOLlRIM Par MM. BR AU et DENIER (Travail du laboratoire de M. Roux.) Lorsqu’en 1896, parut sur la toxine et l’antitoxine choléri- ques, le mémoire de MM. Metchnikoff, Roux et Salimbeni, le monde scientifique se troux^ait divisé en deux partis. Les uns, à la suite de M. Pfeiffer2, considéraient cette toxine, comme un poison endocellulaire, dont la production est intimement liée à la destruction des vibrions. Ils basaient leur théorie sur ce fait que la toxicité paraît en relation directe avec Page des cultures car c’est dans les cultures anciennes qu’ils trouvaient le poison cholérique en plus grande abondance. MM. Behring et Ransom3,par contre, pensaient à une toxine soluble. D’autre part, MM. Metchnikoff, Roux et Salimbeni démontraient que Page des cultures n’est nullement le facteur indispensable de leur toxicité. Ils exposèrent en effet tout au long un procédé pour extraire de cultures jeunes un poison très actif. Le vibrion qui servit à leurs recherches leur fut envoyé par M. Pfeiffer lui-même comme cholérique. Pour lui conserver son pouvoir toxigène, ces expérimenta- teurs le cultivaient in vivo à l’abri des cellules de l’organisme : d’où la méthode des sacs de collodion introduits dans le péri- toine des cobayes. Le milieu de culture qui parut leur donner les meilleurs résultats est composé d’eau peptonée, additionnée de gélatine, à laquelle on ajoute du sérum en proportions déterminées. Les cultures faites en large surface et mince épaisseur donnent un poison très actif pour le cobaye, le lapin, la souris, le pigeon. Il résiste à la température de P ébullition, est très soluble dans Peau, précipitable par l’alcool fort et le sulfate 1. Annales de l'Institut Pasteur 1896, n° 5. 2. Zeitschrift fur Hygiene 1896. Vol. 11. 3. Deutsche medicin. Wochenschrift. 1895, n° 29. TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE d’ammoniaque. En présence de l’air et de la lumière, il perd beaucoup de son activité; le poison a servi à l’immunisation de différents animaux (cobaye, lapin, cheval). Chez ce dernier, notamment, la toxine cholérique injectée par la voie sous-cutanée d abord, dans les veines ensuite, donna un sérum spécifique dont 1 action fut très nette chez de jeunes lapins atteints d’un choléra expérimental. Le meme sérum appliqué dans les Indes à la thérapeutique humaine par le docteur Simond donna des résultats encoura- geants. En 1903, parut sur le vibrion de Nasik, isolé dans cette ville d un cas de choléra typique par le docteur Simond, un mémoire de M. Kraus1, dans lequel cet expérimentateur conteste à ce vibiion le titre de cholérique. Il n’est pas agglutiné par un sérum anticholérique : son sérum n’agglutine que peu ou point les vibrions cholériques. Les mélanges de sérum et de filtrats ne donnent pas lieu à la formation de précipité. Il donne en cul- ture liquide une hémolysine, sur laquelle T antihémolysine des sérums spécifiques demeure sans action. Enfin, dans ces condi- tions, il donne un poison soluble à effets rapides, ce qui pour M. Kraus n existe jamais dans les cultures de vibrions choléri- ques authentiques. Ce poison extrêmement actif, non seulement pour le lapin, par la voie veineuse, mais encore pour le cobaye, le chien, le pigeon, la souris, est détruit à la température de 58°, et serait épary conséquent très voisin des toxines diphtérique et tétanique. Cette toxine donne naissance à une antitoxine. Mais, et c est là la particularité de ce travail, le sérum de certains animaux (chèvre, lapin, cheval) contient normalement un anticorps qui ne manifeste son action antitoxique, qu’après un certain temps de contact in vitro avec la toxine La prépara tion rend simplement immédiate l’action de cette substance Enfin en 1905, le même expérimentateur, en collaboration avec M. PribranU, étudiant les six vibrions d’El Tor isolés par par M. Gotschlich, constatataient que ces vibrions, outre les propriétés des cholériques vrais (phénomène de Pfeiffer, agglu- tination), peuvent encore produire, en milieu liquide, une E Ceniralbl. f. Bakl. Vol. 34, n» 6. 2. Wien. klinisch. Wochenschrift. 1005, n« 30. 580 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR hémolysine et un poison soluble à action rapide tout à fait analogue à celui du Nasik. Le sérum normal du cheval, delà chèvre, du lapin, neutra- lise cette toxine à la condition toutefois que le contact in vitro se prolonge au moins une demi-heure. La neutralisation avec les sérums préparés est instantanée. Tels sont les principaux travaux qui depuis dix ans furent publiés sur la toxine cholérique. Dans ce mémoire, nous ne nous proposons pas de démon- trer la présence d’un poison soluble dans les cultures de vibrions cholériques en milieu liquide. Cette toxine, en effet, bien que contestée par beaucoup d’auteurs, a été bien mise en évidence dans les travaux de MM. Metchnikoff, Roux et Salimbeni. Nous voulons simplement déterminer d’une façon précise sa nature, ses caractères, les propriétés de son antitoxine, de façon à l’appliquer avec fruit, si possible à la sérothérapie humaine. I PRÉPARATION DE LA TOXINE Le 'vibrion employé dans toutes ces recherches a été isolé à Saigon, par nous-mêmes, des selles d’un cholérique dont l’affection, quoique bénigne, fut tout à fait caractéristique (cram- pes, vomissements, selles à grains riziformes, hypothermie, lipothimie). Tous ces symptômes s’amendèrent en quelques heures et le malade entra dans la période de congestion. 15 jours après, il quittait l’hôpital complètement rétabli. Le vibrion est classé dans notre collection sous la rubrique vibrion B. 1903. Au point de vue morphologique, il est court, trapu, courbé sur Tun de ses bords, d’une assez grande mobilité due à la présence d’un cil souvent bifurqué à l’une de ses extrémités. Il prend toutes les couleurs d’aniline et ne se colore pas par la méthode de Gram. 11 cultive dans les milieux ordinaires, coagule rapidement le lait, liquéfie la gélatine et le sérum coagulé. En eau peptonée, il donne la réaction indol nitreuse, et chez' le cobaye, activement ou passivement immunisé, le phénomène de Pfeiffer. Enfin par l’injection de 8 cultures de ce vibrion dans les veines d’un cheval, on obtient, en 2 mois, un sérum dontO&r, 0002 agglutine à la dilution de 1/10000 le vibrion de Kolle no 74. Actif chez le cobaye, même en injection sous-cutanée^ il provoque la TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE 581 péritonite expérimentale à la dose de 1/30 de culture de 24 heures sur gélose. L’injection veineuse chez le lapin et chez le chien donne lieu à des accidents extrêmement sévères. Par contre, son pouvoir pathogène pour le pigeon est peu marqué. Ensemence en milieu liquide, dans le bouillon Martin par exemple, fortement alcalimse, ce vibrion donne un liquide toxique pour le cobaye de 250 grammes à la dose de 2 c. c. Nous avons donc recherché quelles modifications nous apporteraient un accroissement de toxicité. Nous avons fait choix des milieux albumineux pour deux raisons. D abord nous nous sommes basés sur les propriétés protéolytiques de ce ^vibrion, et d’autre part sur ce fait que dans les pays chauds une attaque brusque de choléra est la complication fréquente de la dysenterie. Nous avons donc successivement ajouté au bouillon Martin le sérum de certains animaux dans les proportions suivantes : 25, 50 et 75 0/0. Ces modifications apportèrent une augmen- tation notable de la toxicité, rendue plus apparente encore par l’adjonction de sang défibriné. Après de nombreux essais, nous avons finalement adopté le milieu suivant : Sérum normal de cheval 00 c. c. Sang défibriné 10 Sur ce milieu, chauffé à 60° pendant 3 heures et qui, dans ces conditions, a pris l’aspect d’une gelée brun foncé, ce vibrion, après 24 heures d’étuve, donne une sorte de pellicule grisâtre et un commencement d’hémolyse. Le milieu, 36 heures après l’ensemencement, se divise en deux parties : une couche profonde qui comprend tous les éléments solides, et le sérum recouvert d’un voile plus ou moins épais. Dès le 3e jour, sous l’action de l’agitation journalière, cette division disparaît pour faire place à un liquide uniformément brun . Le 7e jour, ces cultures présentant à ce moment leur maximum de toxicité sont filtrées sur papier, puis sur bougie Chamberland T ou Berkefeld et donnent un liquide brun acajou. Les filtrats sont toutefois toxiques dès le 4e jour. Examinée 582 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR au microscope, 24 heures après son ensemencement, l’une de ces cultures ne présente que de rares éléments mobiles : 1 agglutination sous l’action du sérum normal de cheval est quasi complète. On ne trouve plus trace de vibrions mobiles à partir du 4e jour. Nous constatons également à T examen des lames colorées des modifications très importantes dans la morphologie de ce microbe. De très bonne heure en effet, apparaissent des formes filamenteuses, arrondies, en poire, qui augmentent rapidement, et dès le 4e jour, on n’aperçoit guère dans le champ du micros- cope que des éléments arrondis prenant très mal les matières colorantes. Une trace de cette culture, repiquée chaque jour sur gélose et sur bouillon, cesse de donner une nouvelle culture à partir du 4e jour, quelquefois même dès le 3e. En résumé, la production de cette toxine semble se faire en deux temps. Le 1er, qui va jusqu’au 3e jour, est caractérisé par un développement intensif de la culture. Le 2e, qui s’étend du 3e au 7e jour, est surtout une macération des vibrions dans le sérum. Quand on veut, par ce procédé, obtenir une toxine présen- tant son maximum d’activité, il paraît indispensable d’observer les prescriptions suivantes : 1° Le sérum entrant dans la composition de ce milieu doit être âgé d’au moins trois semaines. Il est presque impossible d’obtenir des cultures toxiques avec du sérum frais. Les mêmes remarques s’appliquent au sang défibriné. Enfin, comme nous l’indiquons plus haut, ce milieu doit être maintenu à la tempé- rature de 60° à 61° pendant 3 heures ; 2° La richesse d’une culture, et conséquemment sa toxicité sont en raison directe de l’abondance de l’ensemencement. Il faut en moyenne 2 tubes de gélose de 24 heures pour 50 c. c. du milieu de culture ; 3° Comme l’ont indiqué MM. Metchnikoff, Roux et Salim- beni dans leur mémoire, l’aération joue un grand rôle dans le développement de la toxicité. Aussi cultivons-nous comme eux en large surface et mince épaisseur. Pour augmenter encore cette aération les boîtes sont agitées chaque jour; L’étuve dont on fait usage doit avoir une température TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE 383 rigoureusement constante, et il n’est pas rare de voir des varia tions de 1° amener une déperdition notable de la toxicité. La température optima paraît être 39° ; 5° Le vibrion cholérique, pour rester toxigène, ne doit subir aucun passage chez les animaux. Diverses expériences nous ont permis de constater que cette propriété, sous l’action des passages, diminue avec une très grande rapidité; 6° Enfin la température optima pour la conservation du vibrion nous paraît être celle de la chambre. Si nous ne pou- vons dire que la température de la glacière lui soit nuisible, nous pouvons du moins affirmer qu’elle n’est d’aucune utilité. Il PROPRIÉTÉS DE LA TOXINE CHOLÉRIQUE Le liquide ainsi obtenu présente une coloration brune plus ou moins foncée, une réaction alcaline nette. Son principe actif est soluble dans l’eau, insoluble dans l’alcool fort et préci- pitable par le sulfate d’ammoniaque. Il dialyse à travers une membrane de collodion. D’autre part ces toxines simplement filtrées sur cette membrane conservent toute leur activité. Les agents physiques, air et lumière combinés, paraissent avoir sur ce produit une faible action. Action de la chaleur . — Portée à la température de l’ébul- lition, la toxine cholérique paraît peu modifiée sous faction de la chaleur et détermine, chez le cobaye, des accidents tout à fait identiques à ceux observés avant le chauffage. 11 faut au moins la soumettre à la température de 120° pendant 20 mi- nutes pour lui faire perdre ses propriétés toxiques. Par contre, injectée au lapin après un chauffage à 100°, cette toxine nous avait paru privée de tout pouvoir toxique pour cet animal. Nous pensions donc, en conformité d’ailleurs avec Y hypothèse émise en 1892 par M. Gamaleia, nous trouver en présence de deux toxines : l’une thermostabile, probable- ment l’endotoxine, l’autre thermolabile, vraisemblablement la toxine soluble. Le cobaye était très sensible à la première, et pour la seconde le lapin se trouvait être le réactif de choix. 584 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Toutefois, en présence de certains résultats contradictoires, nous refîmes l’expérience de la façon suivante : 16 lapins, autant que possible comparables entre eux, sont divisés en deux lots. Les uns reçoivent la toxine en bouillon Martin, les autres celle en sérum. Tous ces animaux reçoivent le poison dans la veine de l’oreille. Enfin dans chaque groupe. 4 sont inoculés avec la toxine chauffée, les autres servant de contrôle. Les résultats obtenus ont été les suivants : sur les 8 témoins, 5 sont morts en un laps de temps qui oscille entre quelques heures et 5 jours. Parmi les 8 lapins qui reçurent la toxine chauffée, 2 seu- lement succombèrent, mais l’un d’eux présenta une intoxica- tion extrêmement rapide qui Remporta en quelques heures. Si on considère d'autre part que la résistance individuelle du lapin à cette toxine est extrêmement variable, nous arrivons a cette conclusion que cet animal est vis-à-vis d’elle un réactif infidèle, et qu’il nous est impossible de déterminer avec lui, et d’une façon précise, l’action du chauffage sur cette toxine. Inoculations expérimentales. — Inoculée aux animaux, cette toxine manifeste brusquement ses effets sans période d’incubation. Chez le cobaye, dans le péritoine ou sous la peau, elle donne toute une série de symptômes sur lesquels nous passe- rons brièvement, leur description complète en ayant été faite dans le mémoire de MM. Metchnikoff, Roux et Salimbeni. Comme l’ont montré ces auteurs, l’animal en expérience devient triste, son poil se hérisse, le ventre se distend et devient douloureux àla pression, sa température rectale peut descen- dre à 26° et 25°. La nécropsie offre, suivant l’inoculation, un œdème sous-cutané ou un épanchement péritonéal abondant. Les organes abdominaux, et particulièrement les capsules surrénales, sont congestionnés. L’intestin, qui présente la teinte hortensia, contient souvent de la diarrhée. La dose minima mortelle pour un cobaye de poids moyen de 250 grammes est environ 1/2 c. c. Ce n’est qu’exceptionnelle- ment que ces toxines se montrent actives au 1/4 de c. c. Parla voie veineuse, la toxine cholérique détermine surtout de TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE 585 la dyspnée: dans ce cas, elle est active au 1/4 etau 1/10 de c. c. Quelques essais d inoculation de cette toxine directement dans Tintestin grêle sont demeurés sans résultats. Le lapin présente à la toxine cholérique une sensibilité très différente suivant le mode d’inoculation. Introduit par la voie péritonéale ou sous-cutanee, à haute dose toutefois, ce poison produit chez les animaux en expenence des symptômes sans précision. Généralement les animaux sont tristes, ne mangent pas et dans certains cas peuvent présenter de la diarrhée. Le signe le plus net est 1 émaciation et le lapin perd en quelques jours le 1 3 de son poids. La mort survient en 3 ou r jours ; la nécropsie ne révèle aucune lésion caractéristique. Lorsque la toxine est directement introduite dans la cir- culation, 1 évolution de la maladie est en général beaucoup plus rapide . Peu après 1 injection, l’animal devient inquiet, présente de la dyspnee, des coliques, une diarrhée souvent d’une extrême abondance, mais qui dans certains cas foudroyants peut man- quer complètement. Tous ces symptômes s’aggravent, et fina- lement 1 animal succombe en quelques heures. Comme nous 1 avons dit plus haut, la résistance individuelle du lapin est extrêmement variable et souvent l’animal se rétablit. Mais en général il ne mange pas, s’émacie et meurt, suivant le cas, de 2 à 8 jours après 1 injection. Quelquefois même, il résiste. Il n est pas rare alors d’observer, 2 à 3 semaines après l’expé- rience, 1 apparition de troubles nerveux caractérisés soit par de 1 hémiplégie, soit par de la paraplégie. La paralysie se géné- ralise avec une très grande rapidité et l’animal meurt en 24 heures. Chez les animaux qui succombent rapidement à l’intoxication, on observée une congestion intense des organes abdominaux et de 1 intestin : mais d’une façon générale l’autopsie ne présente rien de caractéristique. Contrairement aux faits observés chez le cobaye, l inocula- tion de cette toxine dans Tintestin grêle, à dose élevée (20 c.c). cause la mort de l’animal. Malheureusement, chez beaucoup d animaux qui succombent, l’exsudât péritonéal renferme sou- vent des microbes, qui vraisemblablement proviennent de Tintestin. 586 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Pour les lapins de lk«,500 à 2. kilogr, les dose mortelles par les différentes voies sont les suivantes : Sous la peau, il faut compter 15 à 20 c. c. La dose minima mortelle par la voie péritonéale est un peu moins élevée, 10 à 15 c. c. Enfin, parla voix veineuse, il suffit de 0,5. c. c. à 1,5 c. c. pour tuer en quel- ques heures les animaux de ce poids. Comme nous venons de le voir pour le lapin, et ainsi que nous le constaterons plus loin pour le cheval, la toxine cholé- rique, chez le chien, produit son maximum d’effet par la voie vei- neuse. Inoculée, même en grande quantité,, sous la peau ou dans le péritoine, elle détermine chez cet animal une hyperthermie passagère, qui ne dépasse guère 24 heures, Sous la peau par- ticulièrement, si la résorption n’est pas hâtée et facilitée par le massage, il se fait au point inoculé une tumeur fluctuante qui s’escharrifîe et se vide; finalement la plaie se cicatrise. Le poison cholérique introduit directement dans la circu- lation donne naissance à des accidents extrêmement rapides et tout à fait analogues à ceux observés dans l’injection veineuse de corps de microbes vivants. La mort est la règle et survient en 2 à 5 heures avec vomissements, hypothermie, lipothimie, diarrhée tantôt séreuse à grains riziformes, tantôt bilieuse. A l’autopsie on constate une congestion intense de tous les organes thoraciques et abdominaux. L’intestin, qui extérieurement pré- sente la teinte hortensia, possède une muqueuse extrêmement congestionnée et sanieuse sur la plus grande partie de son étendue. Il est rempli par un liquide séreux, ainsi que par des débris de muqueuse qui, versés dans un cristallisoir contenant de l’eau donnent tout à fait l’aspect de grains riziformes. La dose minima mortelle pour le chien de 5 à 6 kilogr. varie entre 5 et 10 c. c. L’inoculation de 30 c. c. de cette toxine dans la jugulaire d un cheval de poids moyen (300 à 400 kilogr.) est extrêmement sévère et détermine en général la mort en quelques heures. L’animal présente de la lipothimie, de la fréquence des batte- ments du cœur, de la dyspnée, des coliques et de l’hypothermie qui reste le plus souvent localisée aux membres. Et ce n’est qu’exceptionnellement au moment de la mort que la tempéra- ture rectale accuse un abaissement de 1°. Si la mort ne sur- vient pas rapidement, elle se produit alors en quelques jours. 5S7 TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE En ce cas, 5 à 6 heures après le début de lexpérience, la température monte à 40° ou plus et se maintient ainsi élevée, a\ec une rémission matinale toutefois, jusqu à la mort. On ne trouve à l’autopsie qu’un état plus ou moins congestif de tous les organes. Sous la peau, cette toxine ne produit des accidents* mortels qu’à des doses considérables (200 c. c.). La souns paraît peu sensible a cette toxine et en supporte sans accidents 1 c. c. soit par la voie sous-cutanée, soit par la voie péritonéale. III VACCINATION ANTICHOLÉRIQUE. IMMUNITÉ ACTIVE Les animaux sur lesquels ont ete entreprises ces expérien- ces sont le cobaye, le lapin, la chèvre, le cheval. L’immunisation du cobaye par la voie péritonéale paraît extrêmement difficile et nous a donne des résultats médiocres. En général, quelles que soient les précautions prises dans le cours de l’immunisation, dès que la quantité du poison, injec- tée en une seule fois, avoisine la dose mortelle, l’animal mai- grit, se cachectise et meurt. Souvent même, à de très petites doses, on le voit brusquement après l’injection présenter tous les symptômes ordinaires de 1 intoxication. Il semble en un mot que pour ces animaux il y ait sensibilisation et non vaccination. Cette difficulté d’immunisation s’accuse encore plus nette- ment dans les expériences suivantes : Des cobayes reçoivent en injection péritonéale une dose inférieure à la mortelle. Ils se rétablissent et reprennent leur poids. Huit jours après, en même temps qu’à plusieurs témoins, on leur injecte une dose sûrement mortelle de toxine cholérique, tous les animaux meurent ensemble. La même expérience sous une autre forme aboutit à la même conclusion. Des cobayes de 500 à 600 grammes ont reçu en 2 mois plus de la dose mortelle de toxine, soit 8 c. c. Huit jours après la dernière injection, qui avait ete de 3 c. c., ils reçoivent en injection péritonéale 7 c. c., ainsi d’ailleurs que plusieurs témoins. Ils meurent avant les animaux de contrôle. 588 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR En résumé, dans les conditions où nous nous sommes placés, pas de vaccination chez des animaux qui reçoivent un peu moins de la dose mortelle; pas davantage d’immunité chez des cobayes qui, en plusieurs injections, reçurent une quantité de toxine supérieure à la .dose mortelle. Les tentatives d’immunisation ont été faites chez le lapin successivement par la voie péritonéale, la voie sous-cutanée etla voie veineuse. Dans le péritoine le lapin supporte assez bien le poison cholérique et nons arrivons rapidement à injecter 10 c. c. à la fois. Nous n’avons d’ailleurs jamais dépassé cette dose. Toute inoculation s’accompagne toujours d’un amaigrissement passager. Nous avons ainsi injecté jusqu’à 150 c. c. de cette toxine au même animal. Néanmoins ces lapins ne résistent pas à une dose sûrement mortelle de toxine injectée parla voie veineuse. Même absence d’immunisation lorsque le poison se trouve introduit dans l’organisme par la voie sous-cutanée. L’opération comporte certains inconvénients dès qu’on arrive à l’injection de doses massives (20 c. c.). La résorption est lente, en peu de temps, tout le liquide non absorbé s’amoncelle au niveau des parties déclives et détermine l’irritation du tissu conjonctif. 11 se fait des indurations qui s’ulcèrent et se contaminent : finalement l’animal se eachectise et meurt. Leur contenu est stérile ou contient le coccobacille de la septicémie du lapin. Le résultat nous a paru tout à fait différent quand la toxine est injectée par la voie veineuse. On peut ainsi, en procédant avec précautions arriver à vacciner les lapins, La dose minima mortelle étant de 3 c. c. environ pour les animaux de 1,000 à 1,500 gr., on peut arriver à leur injecter 5 et 6 c. c. de cette toxine. Mais on ne peut jamais dépasser ces doses, et à 7 c. c. les animaux meurent absolument comme les témoins. Ainsi donc l’inoculation de cette toxine par la voie veineuse détermine chez les lapins traités une immunité active; mais cette immunité reste strictement limitée à l’injection de 2 doses mortelles. Cette quantité étant passée, les animaux vaccinés ne paraissent plus protégés. La chèvre supporte d’une façon parfaite l’inoculation sous- 589 TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE cutanée de cette toxine, et on arrive en très peu de temps h des injections de 100 c. c. à la fois. Les seuls symptômes consécutifs à l’inoculation sont une hyperthermie passagère et un œdème local dont l'importance semble s’accroître avec le nombre des injections. L’une de ces chèvres, qui avait reçu 600 c. c. par ce procédé, a été très malade à la suite d’une injection veineuse de 5 c. c. de cette toxine. Par la voie veineuse, les tentatives d’immunisation ont échoué et dans les deux essais les animaux sont morts après une injection de 4 et 5 c. c., la quantité totale du liquide ino- culé étant dans les 2 cas de 25 c. c. La toxine cholérique, sous la peau du cheval, produit des accidents comparables à ceux observés chez le lapin. Des 2 chevaux traités par ce procédé, l’un est mort avant d’avoir reçu 100 c. c. de cette toxine; l’autre présenta un tel amai- grissement que le traitement fut suspendu. Inoculé dans les veines au contraire, cette toxine détermine une immunité très nette chez l’animal en traitement. 11 est indispensable toutefois, pour obtenir une bonne vaccination, de procéder surtout au début avec des doses extrêmement faibles. D’autre part, comme nous l’avons signalé à propos du lapin, la quantité à inoculer à la fois ne peut jamais dépasser 2 doses mortelles. Les quelques tentatives pour enfreindre cette loi nous ont valu de gros amaigrissements, qui retardèrent les vac- cinations de plus d’un mois. Peu après l’inoculation, l’animal présente du tremblement, des coliques, de la diarrhée (ce dernier symptôme fait souvent défaut). En même temps la température monte à 40° et 40°, 5. Mais dans une vaccination bien conduite, cet hyperthermie est passagère et le soir même la température redevient presque nor- male. Il ne faut jamais injecter une quantité de toxine capable de causer de 1 hypothermie. Enfin, lorsque, après une injection, on constate un amaigrissement notable il vaut mieux suspendre tout traitement jusqu’au rétablissement complet de l’animal. 590 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR TY PROPRIÉTÉS DU SÉRUM ANTICHOLÉRIQUE Les sérums utilisés dans ces expériences ont été préparés par la voie sous-cutanée ou la voie veineuse chez le lapin, la chèvre, le cheval, de la façon suivante : Lapin A (voie veineuse) 70 c. c. Lapin B (voie sous-cutanée) 70 — Chèvre A (voie veineuse) 25 — Chèvre B (voie sous-cutanée) 600 — Cheval (voie veineuse) 550 — Mélangé à la dose minima mortelle de toxine, le sérum normal des animaux précités paraît avoir une action anti- toxique, mais cette propriété neutralisante est très limitée, et dès 2 doses mortelles, ces sérums ne présentent plus aucune activité . Les sérums préparés par la voie sous-cutanée chez la chèvre et chez le lapin ont un pouvoir antitoxique faible. Ce pouvoir augmente rapidement si le poison cholérique est injecté par la voie veineuse. Un cinquantième de centi-cube du sérum d’un cheval qui a reçu 1/2 litre de toxine dans la jugulaire neutralise, après 1/2 heure de contact in vitro, 2 doses mortelles de toxine. Toutefois, ce sérum ne paraît pas suivre la loi des multi- ples. Il faut, en effet, 1/20 de c. c. pour la neutralisation de 3 doses. 4 doses exigent 1 c. c. Enfin 2 c. c. de ce sérum sont nécessaires pour rendre 6 doses de cette toxine complètement inactives. Injecté préventivement sous la peau d’un cobaye, il protège contre l’intoxication expérimentale (voie péritonéale) pendant une dizaine de jours environ. Les animaux redeviennent ensuite aussi sensibles que leurs témoins. Dans l’injection simultanée du sérum et de la toxine, mais par des voies différentes (toxine peau, sérum péritoine), on peut encore intervenir avec succès 2 heures après l’inoculation du poison cholérique. Dans le cas contraire, les résultats obte- nus se sont montrés beaucoup moins favorables. Quelques tentatives d’intervention chez le cobaye par la voie veineuse sont demeurées sans résultats. Le traumatisme nécessité en effet par cette injection met cet animal dans un état de moindre TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE 591 résistance tel, que les résultats de T expérience sont tout à fait faussés. Outie sa propriété antitoxique, ce sérum est encore antimi- crobien. En injection sous-cutanée 16 heures avant l’expé- rience, il protège sûrement le cobaye à la dose de 1/30 de c. c. contre la péritonite vibrionienne. Il est également agglutinant. En effet, ce sérum agglutine à la dilution de 1/1500 non seulement le vibrion B 1903, notre producteur de toxine, mais encore le vibrion de Kolle n° 74. Enfin ce sérum est précipitant : mélangé aux filtrats, dans des proportions atténuées, il donne un trouble léger. Le sérum préparé avec des toxines chauffées à 100° pen- dant 20 minutes présente des propriétés en tous points compa- rables à celles du sérum précédent. Avant de terminer cette etude du sérum anticholérique, nous tenons à dire un mot d’un autre sérum préparé par la voie veineuse avec des corps de microbes vivants. Ce sérum, ainsi mis à notre disposition, a été préparé par M. Salimbeni. Non seulement il présente toutes les propriétés du sérum anti- toxique, mais encore, dans nos expériences de comparaison, il s’est montré plus actif. Ainsi donc, un sérum préparé avec des corps de microbes vivants, peut être antitoxique si ces microbes sont introduits par la « voie veineuse ». Un sérum ainsi préparé se montre même plus actif que les sérums antitoxiques. Nous nous trouvons là en présence d’un fait observé depuis longtemps a 1 Institut Pasteur dans la préparation du sérum antipesteux, et signalé depuis par M. Besredka dans ses études de 1 endotoxine typhique et de l’endotoxine pesteuse. conclusions : L Dans les milieux liquides en général, et tout particuliè- rement en milieu albumineux, un vibrion cholérique, s’il n’a fait aucun passage sur les animaux, donne une toxine soluble, à action rapide sans incubation ; 2 ’ La production de cette toxine semble liée à la macération des vibrions ; 3° Cette toxine se montre dans les veines: très active quand elle est injectée 592 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 4° L'injection sous-cutanée de cette toxine chez les animaux (chèvre, lapin, cobaye, cheval) leur donne difficilement une immunité active. Le sérum ainsi obtenu par ce procédé est faiblement anlitoxique ; 5° L’injection intraveineuse au contraire vaccine les ani- maux et fait apparaître dans leur sérum des propriétés anti- toxiques très manifestes ; 6° Les animaux qui reçoivent dans les veines des cultures vivantes fournissent un sérum plus actif que ceux traités avec les toxines solubles ; 7° Pour toutes ces raisons, il semble qu’il n’y avait pas lieu d’établir de distinction entre la toxine cholérique contenue dans les corps de microbes et celle obtenue dans les liquides de. culture. Nouvelles recherches sur la spirillose des poules Par MM. LEVADITI et MANOUELIAN Avec la planche XXVII (Travail du laboratoire de M. Metchnikofï. ) L emploi de la méthode d’imprégnation à l’argent associé à la pyridine, que nous avons récemment recommandée, pour la coloration sur coupes du Treponema pallidum', nous a permis d’étudier de nouveau, et à des points de vue divers, la septicémie que provoque chez les poules le Spirillum galli- narum découvert au Brésil par Marchoux et Salimbeni 2. Nous apportons ici les résultats de nos recherches concernant l’histo- logie pathologique de cette septicémie, le mécanisme de la crise qui préside à la disparition des spirilles à la fin de 1 infection, ainsi que la pénétration de ces spirilles dans les ovules des animaux infectés . Une partie de ces résultats ont ete déjà consignés dans une note présentée par nous à la Société de Biologie, séance du 20 janvier 1906. I HISTOLOGIE PATHOLOGIQUE Parmi les organes prélevés chez la poule à divers moments de 1 infection, seuls le foie et la rate ont présenté des altérations apparentes. Dans le foie, ces lésions consistent en une dégéné- rescence granulo-graisseuse des éléments glandulaires, d’autant plus marquée que la maladie est avancée, et en une infiltration par des cellules mononucléaires des régions qui entourent les vais- seaux. La rateoflre, en dehors d’une richesse inaccoutumée de la 1. c. R. de la Société de Biologie, vol . XL, pag, 134. . f' No?s ayons appliqué avec succès la même méthode à l’étude de la fièvre récurrente africaine (tick fever) chez les animaux d’expérience ( souris, singe)- e \ n us nous a été obligeamment envoyé par M. le professeur. Koch que nous =rha erusemcnt ici- «“"Cherches en cours seront publiées bientôt t^np^eLont les constatations récentes de Bertarclli (Rivista d'igiene, 1906) ayant trait au spirille d Obormeier. 38 594 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pulpe en macrophages plus ou moins vacuolisés, des foyers microscopique de nécrose, foyers constitués par un tissu d’aspect uniforme et hyalin. Les spirilles, dont le nombre varie suivant la période de l’infection, existent soit dans la lumière des vaisseaux sanguins, soit dans le parenchyme des divers viscères, répandus parmi les éléments cellulaires qui entrent dans la constitution de ce parenchyme. Les parasites intra-vasculaires plus ou moins longs, plus ou moins ondulés, sont pour la plupart libres et flottent au milieu des globules rouges et des leucocytes. Il n’est pas rare de rencontrer des spirilles dont les dimensions dépassent celles des microorganismes que l’on rencontre habituellement dans le sang, et qui sont emprisonnés dans une sorte de masse albu- mineuse coagulée, colorable d’une façon intense par les cou- leurs d’aniline. Cette disposition particulière des spirilles intra- vasculaires rappelle en tout point les constations analogues que nous avons faites lorsde l’étude de la répartition du Trepo- nema pallidum dans des syphilomes primaires de l’homme1. Vers la période finale de la septicémie brésilienne, les spirilles contenus dans les vaisseaux montrent une tendance à s’agglutiner; néammoins les amas formés par ces spirilles sont extrêmement petits et, en tout cas, sensiblement moins déve- loppés que les mêmes amas de spirilles rencontrés dans les préparations de sang obtenu par piqûre pendant la vie de l’animal. Ce fait confirme ce que l’un de nous a soutenu aupa- ravant2, à savoir que l’agglutination des spirilles que l’on constate dans le sang des poules, peu avant la crise, est un phénomène réalisé par les conditions spéciales où se trouve ce sang retiré de l’organisme, et qui ne correspondent guère à ce qui se passe dans les humeurs de l’animal en expérience. Les coupes de rate et surtout celles qui intéressent le foie montrent que les spirilles ne se cantonnent pas dans le système vasculaire, mais ils envahissent les tissus nobles, pour entrer en contact direct avec les éléments histologiques. Ainsi dans la rate on remarque que ces spirilles se répandent abondamment parmi les macrophages de la pulpe 1. C. R. de la Société de Biologie. Séance du 25 novembre. 1905, p. 529. 2. Levaditi, Gontrib. à l’étude de la spirillose des poules. Ces Annales, vol. XVIII, mars 1904. RECHERCHES SUR LA SP1RILL0SE DES POULES 395 splénique et qu ils s’accumulent également au niveau des foyers de nécrosé dont nous venons de parler. On saisit aisément les relations de causalité qui relient cette accumulation des parasites dans ces foyers nécrotiques et la genèse de ces altérations. Dans le foie, les spirilles sont sensiblement plus nombreux • on les voit se grouper contre la paroi des capillaires intralobu- aires, quitter ces capillaires et s’infiltrer entre les cellules hépa tiques. La figure 1 (PI. XXVII) montre d’une façon très nette cet envahissement des lobules et des trabécules hépatiques par les spirilles, ainsi que l’existence d'un contact intime entre les éléments glandulaires et le parasite de la septicémie brésilienne. Chaque cellule du foie est pour ainsi dire enclavée dans un reseau de spirilles, lesquels s’insinuent entre les minces espaces qui séparent les unités anatomiques. Malgré l’examen attentif de nos préparations, il nous a été impossible de nous convaincre de 1 existence des spirilles dans le protoplasma des éléments glandulaires. Il est vrai que ça et là on voit un spirille disparaître dans la profondeur du corps cellulaire, mais encore une fois le grand nombre des parasites d’une part, la petitesse relative des cellules hépatiques d’autre part, rendent presque impossible la précision des relations qui existent entre le corps cellulaire et les spirilles. 1 Rappelons enfin que certains vaisseaux hépatiques ont leur paroi infiltrée par de nombreux spirilles; ceux-ci suivent les tentes qui séparent les fibres musculaires et conjonctives de la paroi vasculaire, pour arriver au contact de l’endothélium. Cette isposition particulière des spirilles ressemble à celle que l’un ( e nous1 a décrite dans le foie des nouveaux-nés hérédo- syphilitiques. L’examen des autres organes (rein, poumon, moelle osseuse capsules surrénales, ovaire, testicule) nous a montré que les spirilles abondent exclusivement dans le système vasculaire et qu ils sont soit libres, soit légèrement agglutinés. Si l’on étudie la disposition et le nombre des spirilles con- tenus dans les divers organes des poules sacrifiées, à un moment ou le sang périphérique se montre encore dépourvu de para- sites (commencement du 2» jour par exemple), on remarque que les vaisseaux du foie et surtout ceux de la moelle osseuse 1. Levaditi, ces Annales, janvier 1906. 596 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR et de l’ovaire renferment des quantités appréciables de para sites. Plus encore, il nous a été donné de rencontrer des cas où, malgré la pauvreté en spirilles du sang circulant, le paren- chisme hépatique contenait de nombreux éléments spirilliens. Ce fait nous amène à penser qu’une multiplication active de ces microorganismes s’opère dans l’intimité même des organes glandulaires, multiplication qui surpasse celle qui a lieu dans le sang circulant, et qui doit fournir à ce sang une partie des para- sites qu’il renferme. Quant aux caractères morphologiques des spirilles rencontrés sur nos coupes, ils sont en général les mêmes que ceux que l’on a attribués à ces microorganismes d’après l’examen des frottis de sang. Pourtant, si on examine les spirilles qui sont en contact avec les éléments hépatiques par exemple, on remar- que que, de par la fréquence de leurs tours de spire, ainsi quo leur ténuité, ces spirilles se rapprochent beaucoup du Trepo- nema pallidum. Cette ressemblance entre les deux espèces de spirilles tels que nous les révèle la méthode à l’argent, est à ce point frappante que parfois, en examinant avec un grossisse- ment plus faible, il est impossible de distinguer une coupe de foie de poule infectée d’une coupe de foie de nouveau-né hérédo-syphilitique. La multiplication des spirilles contenus dans les gros vais- seaux ou existant dans les divers parenchymes s’opère par division transversale. Ce qui nous le fait croire, c’est d’une part l’existence fréquente d’éléments spirilliens disposés bout à bout et réunis parfois par un mince filament, et d’autre part l’absence de spirilles en forme de Y, pouvant indiquer une segmentation longitudinale de ces parasites. II MÉCANISME DE LA CRISE Nous n’insisterons pas ici sur les divers arguments tirés de l’étude expérimentale et histologique de la septicémie brési- lienne, qui ont amené l’un de nous à considérer la crise, ou plutôt la lysis qui met fin à cette septicémie, comme étant due à la destruction des spirilles par les macrophages de la rate et RECHERCHES SUR LA SPIRILLOSE DES POULES 597 du foie. Ces arguments, énoncés ailleurs \ sont, d’une part, la discordance que l'on relève entre les propriétés des humeurs des animaux en train d'effectuer leur crise et l’acte même de la disparition des spirilles, et, d’autre part, la présence d’une phagocytose intense de ces spirilles, s’opérant au sein du paren- chyme hépatique et surtout splénique. Nos recherches actuelles ont confirmé et complété ces données obtenues avec des méthodes relativement imparfaites. Nous avons constaté, chez la plupart de nos animaux, un englo- bement plus ou moins intense des spirilles par les macrophages du foie et de la rate, englobement qui s’effectue à chaque instant, au cours de la maladie, et qui s’exagère vers la période précritique. La phagocytose est réalisée dans la rate par de gros cléments mononucléaires sis en pleines lacunes spléni- ques; ces éléments phagocytent des spirilles entiers, lesquels sont très souvent contenus dans des vacuoles qui renferment également du pigment résultant de la destruction des hématies. Dans le foie (fig. 2), cette phagocytose est opérée par les cellules de Kupfer, dont le protoplasma peut contenir trois ou quatre filaments spirilliens à la fois. Cet acte phagocytaire se termine toujours par la transformation de spirilles en des corpuscules de forme irrégulière et qui retiennent fortement 1 argent et destinés à être définitivement digérés par le proto- plasma leucocytaire. Ces corpuscules proviennent très vraisem- blablement de spirilles dégénérés; ce qui nous le fait penser, c’est leur coexistence dans une même cellule, avec des fragments de spirilles enroulés sur eux-mêmes, disposés en forme d’anneau ou de boucle. Rappelons que malgré nos recherches réitérées, nous n’avons jamais rencontré soit dans les organes, soit dans les vaisseaux, des indices pouvant plaider en faveur d’une destruction extra-cellulaire des parasites de Marchoux et -Salimbeni. L examen histologique des organes provenant d’animaux ayant déjà effectué leur crise, montre l’absence d’éléments spirilliens et pourtant, dans une expérience, l’injection d’émul- sion de foie2 pratiquée chez un Padda a montré que cette glande peut encore renfermer du virus actif un jour après la L Levaoiti, ces Annales, mars 1904. 2. Ce foie a été prélevé sur une poule sacrifiée 24 heures après la crise. *>98 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR disparition des spirilles de la circulation générale (l’injection de sang a été inoffcnsive). Si la méthode des coupes ne nous a pas permis de déceler des spirilles dans ce foie, c’est qu’à ce moment le nombre des parasites ayant conservé leur intégrité devait être extrêmement minime, la grande majorité des spirilles ayant déjà été englobés et digérés par les phagocytes hépatiques et spléniques. III PÉNÉTRATION DES SPIRILLES DANS l’oVULE 11 était intéressant de rechercher si le Spinltum gallinarum est capable de pénétrer dans l’ovule des poules infectées, et cela a deux points de vue. Tout d’abord parce que les études récentes ont montré que l’hérédité syphilitique est due à l’enva- hissement de 1 organisme fœtal par le Treponema pallidum , microorganisme apparenté au spirille de la septicémie brési- lienne, et que, par conséquent, la transmission paternelle de la syphilis (loi de Colles) doit être assurée par la pénétration de ce tréponème dans 4 ovule maternel. Ensuite, parce que les î ecliei elles de lvoch ont prouve que le spirille delà fièvre récur- i ente afiicame (tick fever) est capable d’infecter les ovules de / Oi nithodoros moubata , acanen qui, par sa piqûre, transmet cette fièvre à 1 homme. Or, on pouvait se demander si cette infec- tion spirillienne de 1 ovule qui chez, l’ Ornithodoros ? préside à la transmission héréditaire de la spirillose, peut être réalisée chez les animaux supérieurs, tels que la poule, par exemple. Nos î echerches nous ont montré que si les vaisseaux et même les tissus de l’ovaire renferment des spirilles chez les poules sacrifiées en pleine évolution de la maladie, les follicules de Ci aff ne contiennent pas trace de ces microorganismes. Il n’en est pas de même des ovules ayant un diamètre de 2 à 3 millimètres et qui sont légèrement pédiculés. Dans deux cas (infection datant dr 3 et 4 jours), il nous a ete possible, en effet, de découvrir un assez grand nombre de spirilles dans ces ovules. Leur disposi- tion est la suivante : Si l’on examine une coupe diagonale d’un ovule infecté, on 1. R. Koch , Deustche mediz. Woch., 25 nov. 1905. RECHERCHES SUR LA SPIRILLOSE DES POULES 599 constate (fig. 3) que la paroi ovulaire constituée par plusieurs assises de cellules pourvues d’un noyau rond ou ovalaire n’offre aucune lésion apparente. Le contenu de l’ovule, manifestement granuleux, est, dans sa partie centrale, dépourvu d’éléments figurés; par contre, dans la zone rapprochée de la paroi, ce contenu est parsemé de cellules en assez grand nombre, cellules dont la nature leucocytaire ne laisse aucun doute. Il s'agit, en effet, soit de gros éléments à protoplasma granuleux ou légère- ment vasculaire, pourvus d’un seul noyau arrondi (macro- phages), soit de leucocytes polynucléaires possédant tous les attributs caractéristiques de cette espèce leucocytaire. Ces globules blancs flottent librement dans le contenu de l’ovule, sont, rarement il est vrai, mélangés à quelques globules rouges et semblent se cantonner dans la région immédiatement conti- güe à la paroi ovulaire. Les spirilles renfermés dans l’ovule sont en assez grand nombre. Tous libres, ils sont répandus dans la masse granu- leuse qui forme le contenu de cet ovule, et abondent surtout dans les régions pariétales, les plus riches en éléments cellu- laires. Ces spirilles semblent plus longs que d’habitude, plus minces et offrent une tendance à se grouper par faisceaux de deux ou plusieurs microorganismes. Ces constatations prouvent clone que le spirillum gallinarum peut, chez certains animaux sacrifiés en pleine évolution de la ma- ladie, pénétrer dans les ovules agant atteint un certain développement. Reste à préciser le mécanisme de cette pénétration. Il se peut que les spirilles aient traversé, grâce à leurs mou- vements propres, la paroi de l’ovule, cela d’autant plus que dans les cas examinés par nous, le tissu ovarien était très riche en éléments spirilliens. Mais, étant donné qu’il nous a été impossible de saisir la présence de spirilles dans les diverses couches de la paroi ovulaire, nous nous garderons de considérer comme démontré ce mécanisme de la pénétration des parasites dans l’ovule. Il est également possible que la présence d’éléments spirilliens dans le contenu ovulaire soit due à la rupture d’un vaisseau et à l'hémorrhagie qui a pu s’opérer, à un moment donné, dans la paroi de l’ovule. Néanmoins, l’absence de globules rouges répandus dans l’ovule, que nous avons enregistrée préci- sément dans le cas où les spirilles endo-ovulaires étaient les 600 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR plus nombreux, nous autorise à rejeter également cette dernière hypothèse. Nous sommes plutôt enclins à penser que les spirilles sont apportés dans l’ovule par les éléments leucocytaires que nous avons découverts dans le contenu ovulaire. En effet, toutes les lois qu il nous a été donné de déceler des spirilles dans les ovules, nous avons rencontré en même temps des leucocytes; plus encore, ces spirilles ont été toujours plus nombreux dans les régions ovulaires les plus riches en globules blancs. Il est donc fort probable que rensemencement d'e l’ovule soit l’œuvre de ces globules blancs, lesquels, en traversant la paroi ovulaire, peuvent frayer un chemin au spirille; certains leucocytes, ayant préalablement phagocyté des spirilles vivants, peuvent d’ailleurs apporter directement le germe spirillien dans l’ovule. Quoi qu il en soit, nos constatations prouvent que l’infection spirillienne del ovule peut s’opérer chez les animaux supérieurs, lait dontl importance au point de vue de la transmission héré- ditaire du 7 reponema pallidum chez l’homme est de premier ordre. Reste à savoir si les ovules, ainsi infectés par des spirilles, sont susceptibles d’être fécondés et de germer. Nous touchons la a la question del hérédité de la spirillose des poules, question déjà étudiée par 1 un de nous (Levaditi) et dont les détails seront publiés bientôt. Rappelons pour terminer que l’examen de plusieurs testicules de coqs sacrifiés en pleine infection spirillienne nous a montré l’absence de spirilles dans les cellules spermatiques. Conclusions. 1. La septicémie brésilienne n’est pas due à une prolifération exclusivement vasculaire de Spirillum gallinarum ; ce parasite envahit les divers tissus glandulaires et entre en contact intime avec les divers déments cellulaires. A l encontre du Trepomena pallidum, ce spirille ne semble pas pénétrer dans le protoplasma des cellules. 2. La crise qui met fin à l’infection spirilienne est due àla phago- cytose des spirilles par les macrophages de la rate et du foie. •3. Le spirille de Marchoux et Salimbcni est capable d’infecter / ovule des animaux en expérience. Par le D1' A. SCHMIDT, (de Moscou^ a Travail du laboratoire du professeur MetchnikofT. Bordet 1 a montré que le sérum d’un animal, auquel on injecte du sang' défibriné d un animal d’espèce différente, acquiert la propriété de détruire les g-lobules rouges de celui-ci. De même, en injectant à des animaux des émulsions de divers tis- sus, on a obtenu des sérums toxiques vis-à-vis des éléments employés. Le professeur MetchnikofT donne aux toxines de cette origine et possédant la propriété de tuer les cellules animales, le nom de cytotoxines. Dans un article bien connu 2, il indique un plan général pour leur étude et montre le rôle considérable qu elles sont appelées à jouer en pathologie et, peut-être, également en thérapeutique. On connaît les difficultésj particulières liées à l’obtention d’un sérum présentant des propriétés toxiques à l’égard des élé- ments cellulaires du système nerveux central. Ce qui distingue ce sérum, c’est que son action toxique ne se manifeste que lors- qu il est introduit dans la cavité crânienne (Delezenne 3). Intro- duit sous la peau ou dans le système circulatoire, il reste com- plètement inefficace. Nous avons voulu essayer d’obtenir un sérum qui serait toxique pour une autre partie du système nerveux : pour les fibres de myéline. Ce qui nous a suggéré l’idée de ces recher- cnes, ce sont les caractères bien tranchés de la myéline, carac- tères qui la différencient, tant au point de vue morphologique qu au point de vue chimique, de tous les autres éléments de l’organisme. Nos expériences nous ont fourni des résultats positifs. Comme animaux d’expérience, nous avons choisi les gre- nouilles; une émulsion de leurs nerfs sciatiques était introduite 1. Annales de l'Institut Pasteur , 1898, p. 688. 2. Archives russes de Pathologie , 1901, XI, 2. 3. Annales de V Institut Pasteur, 1900, n° 10. 602 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dans la cavité péritonéale de cobayes. Ce qui a guidé notre choix, c’est que, avec un peu d’habitude, il est facile d’avoir le nerf sciatique de cet animal depuis le point où il aboutit à la moelle épinière jusqu’à ses plus fines ramifications au genou. De plus, ces nerfs sont relativement gros. Enfin, ayant choisi comme sujet d’expérience la grenouille, nous pouvions intro- duire dans son organisme des doses relativement très considé- rables de sérum. Nous avons opéré sur 3 cobayes; 2 ont reçu 6 fois des émulsions du nerf sciatique ; le troisième 8 fois. Nous nous sommes servi, pour chaque injection* d’un nombre de grenouilles variant de 14 à 18, suivant leur taille. L’émulsion était obtenue en triturant, dans un mortier, des nerfs coupés en petits morceaux, et en ajoutant de la solution physiologique de chlorure de sodium de façon à obtenir 5 c. c. d'émulsion. Les injec- tions étaient faites à 7-9 jours d’intervalle. Le sang était pris le 7e ou le 8e jour après la dernière injection. L action du sérum des cobayes ainsi traités, se manifestait sur la grenouille par un trouble physiologique, altération des mouvements, et par une lésion anatomique : modifications subies parles nerfs. Généralement nous injections 1 à 2 c. c. de sérum à des grenouilles pesant de 18 à 25 grammes; l’injection avait lieu sous la peau de la cuisse ou du genou, et quelquefois dans l’épaisseur des muscles de la cuisse. Le résultat était le meme dans les deux cas. Nous devons faire remarquer que nos deux expériences ont porté sur deux espèces : la Rana temporaria et la Rana escu - lenta , car les deux espèces nous fournissaient les nerfs pour 1 émulsion. Les exemplaires de Rana temporaria ayant été con- servés dans des bocaux pendant tout un hiver étaient fortement épuisés et se sont montrés beaucoup plus sensibles à l’action du sérum. La dose d’un centimètre cube était presque toujours mortelle pour elles, tandis que pour Rana eseulenta , il fallait une dose double pour obtenir le même résultat. De même les altérations observées dans les mouvements étaient marquées chez les Rana temporaria d’une façon beaucoup plus nette, en raison des particularités de la constitution anatomique de cette espèce. 603 SÉRUM POUR LES NERFS PÉRIPHÉRIQUES Pour observer les phénomènes consécutifs à l’injection, nous faisions sortir les grenouilles des bocaux où elles se trou- vaient et nous les mettions sur une table ou par terre. Passons à la description des phénomènes observés. Une à 3 heures environ après l’injection du sérum préparé, on peut déjà constater une différence entre les mouvements de la gre- nouille soumise à l’expérience et ceux de l’animal de contrôle ayant reçu une dose égale, et même supérieure, du sérum de cobaye normal. Tandis que cette dernière grenouille ne se dis- tingrie en rien d’un animal normal, la première perd de sa vivacité, remue peu, reste au repos, contrairement à ce qui a lieu normalement pour ces animaux, que leurs mouvements emportent sans cesse au delà de l’espace qu’on leur assigne. Si l’on touche la grenouille soumise à l’expérience, dans le but de provoquer des mouvements, ses premiers sauts n offrent rien de particulier, mais bientôt une différence notable s’établit entre eux et les mouvements de la grenouille de contrôle. L animal se fatigne rapidement, les sauts deviennent d’une étendue tou- jours moindre, irrégnliers, ataxiques. Si on la laisse se reposer pendant quelque temps, elle recommence à sauter un peu mieux, quoique moins bien que la grenouille de contrôle. Un peu plus tard (2 à 6 heures après l’injection) ce phéno- mène devient encore plus marqué. Dès les premiers mouve- ments, 1 animal soumis à l’expérience se comporte maintenant différemment de 1 animal de contrôle. En sautant, il se soulève un peu au-dessus de la surface sur laquelle il se meut, les mouvements sont lents, gênés, irréguliers. Si on l’excite à se mouvoir après quelques mouvements, des phénomènes de para- lysie s observent : l’animal traîne l’une ou l’autre de ses pattes postérieures ou les deux à la fois. Après un temps de repos, les mouvements deviennent légèrement meilleurs. Les grenouilles restent dans cet état pendant des heures. Parmi celles que nous avons étudiées, un certain nombre sont mortes sans présenter d’autres phénomènes. Chez d’autres individus (chez Rana temporarici principale- ment), les phénomènes de paralysie allaient beaucoup plus loin. L animal perdait totalement l’usage, d’abord d’un de ses mem- bres postérieurs qu’il traînait comme un objet inerte, puis de 1 autre ; il ne pouvait guère se mouvoir alors qu’à l’aide dés €04 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pattes antérieures, en traînant le tronc et les pattes postérieures qui suivaient le mouvement. Ensuite, les mouvements des mem- bres antérieurs deviennent, à leur tour, plus lents; ils sont, eux aussi, frappés de paralysie, et bientôt la mort survient. Les phénomènes observés ressemblent de près à ceux qui, dans la pathologie humaine, portent le nom de paralysie de Landry, La plupart des grenouilles sont mortes 12 à 48 heures après 1 injection; 2 seulement ont vécu pendant 3 jours. Seize grenouilles ont ainsi reçu du sérum de cobayes préparés. Tous les animaux offraient, après l'injection, des altérations de la fonction locomotrice; les phénomènes étaient plus ou moins marques suivant la, dose employée. Il faut faire remarquer encore que chez les uns c’étaient les phénomènes d’ataxie qui étaient le plus prononcés, chez les autres des phénomènes de paralysie. Celles à qui on injectait .une dose non mortelle ( 1/2 gramme pour la Ranci teniporaria , 1 gramme pour la Rana esculenta ) ne présentaient jamais une paralysie complète, mais seulement un affaiblissement des mouvements, affaiblisse- ment qui, d’ailleurs, disparaissait au bout de quelque temps sans laisser aucune trace. Des grenouilles de contrôle auxquelles on injectait des doses égalés, et même supérieures, du sérum pris à des cobayes nor- maux, aucune n’est morte. Pour vérifier si nos grenouilles ne mouraient pas d’une infection, nous avons pris sur plusieurs d’entre elles, et d’une façon aseptique, du sang du cœur, et nous l’avons transporté dans des milieux de culture. Les résultats étaient toujours néga- tifs, aucun développement n’avait lieu. Le sérum obtenu par nous présentait encore une autre pro- priété mélangé à l’émulsion des nerfs de grenouille, il produi- sait une agglutination, visible aussi bien dans des tubes à essai que sous le microscope. Nous avons examiné les nerfs périphériques des membres antérieurs et postérieurs chez les grenouilles mortes à la suite de 1 injection du sérum des cobayes préparés. Dans quelques cas, nous avons également examiné les nerfs du tronc. Nous nous sommes servi surtout de l’acide osmique à 1/2 à t 0/0 (méthode de Marquis) et, pour l’étude du cylindraxe et des noyaux de la gaine de Scliwann, du bleu de méthylène (méîbode - 605 SÉRUM POUR LES NERFS PÉRIPHÉRIQUES de Rossolimo et Mouravieff1) et de Phématoxyline. Nous avons fait aussi des coupes longitudinales et transversales dans toute l'étendue de la cuisse elle-même, à l’effet de voir la réac- tion qui se manifesterait après l’injection dans les vaisseaux, réaction qui, on le voit, est toujours très marquée à la suite d’injection d’autres cytotoxines (Nefediefï2, Pironet3, Armand Delisle 4). Nous avons également examiné le cerveau et la moelle épi- nière, pour étudier l’état des cellules nerveuses à la suite de nos expériences. Voici les résultats des études faites sous le microscope : Les grenouilles qui n’ont pas vécu plus de 24 heures après l’injec- tion présentent uniquement une liypérémie des vaisseaux dans le voisinage des faisceaux nerveux. L’hypérémie des petits vais- seaux est très nette, elle s accompagne de diapedèse des leuco- cytes , quelquefois on la constate même a l’œil nu; dans d autres cas, il faut avoir recours au microscope. La gaine de myéline n’offre aucune modification, ou bien des modifications insigni- fiantes. Chez les animaux ayant vécu 1 jour et demi, 2 jours et plus, on constate toujours, à côté de l’hypérémie, des altéra- tions de la gaine de myéline, altérations d’autant plus marquées que la durée de la vie se prolonge davantage. On peut suivre tous les changements produits dans la gaine de myéline, depuis sa fragmentation en gros segments, séparés par de petits inter- valles, jusqu’au degré extrême d’altération où la gaine de myé- line tout entière se divise en une sérié de petites granulations avec, entre elles, des intervalles considérables ne se colorant pas par l’acide osmique. Les altérations subies par la gaine de myéline, après l’injection du sérum, sont plus importantes que celles constatées par nous chez les grenouilles à la suite d’une section complète des nerfs, 3 ou 4 jours après l’opération. A côte des alterations de la gaine de myéline, nous avons vu éga- lement la multiplication des noyaux de la gaine de Schwann et la fragmentation en segments du cylindraxe. Ces modifications avaient lieu non seulement dans les nerfs L Neurolog. Ceniralblalt, 1897, 16. 2. Annales de l'Inst. Pasteur, 1901. 3. Archives des sciences biologiques , 1903. 4. C. R. des séances de ia Soc . de Biologie , 1904. Séance du 10 décembre. 606 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sciatiques — ceux qui nousservaientpour l’émulsion — mais égale- ment dans les nerfs des membres antérieurs et dans ceux du tronc. L’étude du cerveau et de la moelle épinière n’a montré aucune altération des cellules nerveuses. Il faut noter qu’en dehors de ses propriétés neurotoxiques, notre sérum présentait à un haut degré des propriétés hémoly- tiques vis-à-vis des hématies de la grenouille. Pour nous assurer que les phénomènes décrits plus haut ne sont pas le résultat des propriétés hémolitiques de notre sérum, nous avons, en injec- tant du sang défibriné de grenouille à des cobayes, obtenu un sérum fortement hémolytique, et nous Pavons essayé. Jamais nous n’avons observé de phénomènes semblables à ceux qui sui- vent l’injection du sérum neurotoxique. En injectant en même quantité un sérum ayant un pouvoir hémolytique égal à celui du sérum neurotoxique, ou même un pouvoir supérieur, nous n’avons pu obtenir aucun phénomène morbide, exactement comme si nous avions injecté du sérum de cobaye normal. Le sérum hémolytique, aussi bien fort que faible, ne produisait aucune action sur les nerfs. Les phénomènes décrits plus haut ne peuvent donc aucune- ment être attribués aux propriétés hémolytiques si faibles que présente le sérum obtenu par nous. Après avoir injecté dans la cavité péritonéale des cobayes l’émulsion des nerfs périphériques, nous avons voulu suivre le sort ultérieur de cette émulsion. La myéline, avec sa réaction «y ' caractéristique sous l’influence de l’acide osmique, était très commode pour cette étude. Quelques heures après l’injection, nous avons pu voir dans l’exsudât péritonéal un grand nombre de leucocytes ayant englobé de petites particules de myéline; cependant, ces parti- cules se trouvaient aussi en grand nombre, libres dans le liquide péritonéal. Vingt-quatre heures après, ces particules libres étaient déjà peu nombreuses ; la plupart ont été englobées par les leucocytes. Nous examinions ensuite la rate et le foie des cobayes étu- diés, ainsi que le caillot de sang qui restait après l’obtention du sérum. Les méthodes employées étaient principalement celles de Marquis et B. 1 1. Neurolog. Gentralbl 1898, p! 476. SERUM POUR LES NERFS PÉRIPHÉRIQUES 607 Les coupes du foie et de la rate, comme celles du caillot san- guin, nous ont montre des leucocytes ayant englobé un grand nombre de particules de myeline. L est dans le caillot sanguin que le phénomène est le plus net, car les globules blancs en constituent presque uniquement la couche superficielle. Nous n avons jamais pu constater de particules de myéline dans d’autres éléments, pas plus que nous n’avons pu les voir à l’état libre dans les organes (foie et rate). Elles se trouvaient toujours à l’intérieur des leucocytes. 11 était difficile de déterminer plus exactement la nature de ces derniers, cai ils étaient, le plus souvent, entièrement bourrés de granulations de myéline colorées en noir par l’acide osmique. Ces observations montrent une fois de plus que les leucocytes sont bien le laboratoire mystérieux dans lequel s’élaborent, par des processus compliques, les substances qui donnent au sérum de l’animal préparé ses propriétés nouvelles. Les conclusions que nous pouvons formuler à la suite de notre travail sont les suivantes : 1. L introduction répetee de 1 émulsion des nerfs périphéri- ques de la grenouille dans la cavité péritonéale des cobayes fait naître, dans le sérum de ces derniers, des substances exerçant une action destructive sur les nerfs périphériques de la gre- nouille. 2. Cette action se manifeste, après l’injection, sous la peau de la grenouille, du sérum des cobayes préparés, par des modifi- cations aussi bien physiologiques — troubles de locomotion, qu anatomiques — altérations très marquées de la gaine de myéline, multiplication des noyaux de la gaine de Schwann, fragmentation du cylindraxe en segments. 3. Le sérum étudié présente, en plus de ces propriétés, celle de fournir la reaction de l’agglutination lorsqu’on le mélange à 1 émulsion des nerfs périphériques de la grenouille. 4. A côté de ses propriétés neurotoxiques, ce sérum possède un faible pouvoir hémolytique. Un sérum hémolytique, de même force ou même de force supérieure à celui obtenu par nous, ne provoque aucun phénomène pathologique lorsqu’il est injecté sous la peau à la même dose. 5. Quelque temps après l’injection de l’émulsion des nerfs périphériques dans la cavité péritonéale du cobaye, on ne trouve 608 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR plus de particules de myéline à l’état libre : elles sont toutes englobées par les leucocytes. En terminant mon travail, je crois remplir un devoir agréa- ble en exprimant ma profonde reconnaissance au professeur E. Metchnikoff qui a bien voulu m’autoriser à travailler dans son service et pour ses conseils. J’adresse également mes remerciements au docteur A. Bes- redka pour les conseils et les indications qu’il m’a donnés au cours de mon travail. Le Gérant : G. Massox, Sceaux. — Imprimerie Charaire. Anna Le s de I5 institut Pasteur. VoL'XE PI XXVI. rMem.Bouet) i\v U7 Boaet ,del. V. Rousse ], Jith. Imp. .L. Lafontaine, faris. Annales de l lnstitut Pasteur. Vol. XX. Planche XXVII. Mém. Levaditi et Manouelian. Taton. grav. i«p Fig. III Ch. Constantin, hel. 20™ ANNÉE AOUT 1906 N« 8 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Origine intestinale de la tuberculose pulmonaire ET Mécanisas de 1 infection tuberculeuse TROISIÈME MEMOIRE A. GALMETTE Directeur de l’Institut Pasteur de Lille PAR ET G. GUÉRIN „ Médecin - vétérinaire, Lhef de laboratoire à l’Institut Pasteur de Lille. La localisation si fréquente de l’infection tuberculeuse aux poumons et la rareté des lésions intestinales chez les phtisiques paraissent a priori, difficilement conciliables avec les conclusions que nous avons formulées dans nos précédents mémoires au sujet de l’origine intestinale de la tuberculose pulmonaire et des adénopathies trachéo-bronchiques dites U est donc de la plus haute importance d’établir le rôle exact des poussières sèches ou humides souillées de bacilles, et vérifier si celles-ci sont normalement susceptibles de pénétrer avec 1 air inspiré jusque dans les alvéoles et d’y provoquer des lésions spécifiques. ' 1 q (ies et sorti TPTnCeS bie" C°nnUeS de Corm’ celles de Cadéac et surtout celles entreprises par Nocard et Rossignol à Pouillv- te-b ort, sous les auspices de la Société de Médecine vétérinaire pratique, en 1900, semblent avoir établi que l’appareil respi- ratoire constitue la voie la plus ordinaire et la plus efficace de infection tuberculeuse et que les résultats sont à peu près les 1. Ces Annales, octobre 1905 et mai 1906. 39 610 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR mêmes quand les matières tuberculeuses sont inhalées à Fêtât de poussières sèches impalpables ou à l’état de fines particules liquides tenant des bacilles en suspension, comme c’est le cas lorsque l’animal tuberculeux tousse ou s’ébroue au voisinage d’animaux sains U Plus récemment encore Lubarsch % sans nier d’une manière absolue l’origine digestive, indique que les bacilles tuberculeux sont apportés par l’air jusque dans les bronches de petit calibre. De là, les lésions gagnent les alvéoles ou s’étendent au tissu péribronchique ; puis les germes infectent le système lympha- tique et les ganglions, d’où ils partiraient après un temps variable pour se diffuser dans F économie par la voie sanguine. La plupart des anatomo-pathologistes avec Rindfleisch, Charcot , Cornil et Ranvier , appuient cette manière de voir : ils admettent que les nodules péribronchiques, si souvent observés au niveau de l’éperon que forment les bronches lorsqu’elles se divisent en bronches lobulaires, représentent la manifestation initiale de là tuberculose du poumon. Or, les faits que nous avons expérimentalement constatés contredisent formellement cette interprétation. Alors même que l’infection tuberculeuse pulmonaire est réalisée, soit chez la chèvre, soit chez les bovins jeunes ou adultes, parl’ingestion à la sonde d’un unique repas infectant de bacilles tuberculeux d’origine bovine (en prenant les précautions les plus rigou- reuses pour éviter la contamination des premières voies respiratoires), nous voyons dans tous les cas apparaître en même temps, après 30 à 45 jours, des tubercules périphériques sous-pleuraux, surtout localisés aux sommets et au bord antérieur des deux poumons, et des tubercules péribronchiques autour des dernières ramifications des bronchioles lobulaires. Les granulations tuberculeuses ne se développent jamais primitivement dans les alvéoles : tantôt elles font saillie à l’intérieur de celles-ci ou à l’intérieur des bronchioles et finissent par les remplir ; tantôt elles distendent les parois alvéolaires et se montrent enserrées de tous côtés par les fibres élastiques des cloisons. Mais on les voit toujours se constituer à l’intérieur des vaisseaux capillaires qu’elles ne tardent pas à 1. Bulletin de la Société de méedcine vétérinaire pratique , 1901. *2. Fortschritt der médicin, 10 juin 1904. TUBERCULOSE PULMONAIRE Gll oblitérer complètement par suite de l'accumulation des cellules lymphatiques polynucléaires qui viennent se grouper autour de la cellule géante en formation. Il apparaît donc évident que le processus tuberculeux débute dans les capillaires du poumon et, de préférence, dans leurs ramifications les plus fines qui rampent dans le tisse conjonctif très dense de la surface pleurale ou des bronches lobulaires. La tubeiculisation intra-alveolaire ou intrabron- chique ne s’établit que secondairement par suite de la procidence des tubercules dans les alvéoles ou dans les bronches. * * * En sacrifiant, comme nous 1 avons fait, des animaux infectés par les voies digestives, à des époques variables, mais toujours peu éloignées d’un unique repas infectant administré à la sonde, il est facile de suivre, pour ainsi dire pas à pas, la progression des bacilles depuis l’intestin jusqu’aux poumons ou jusqu’aux ganglions trachéo-bronchiques, et d’assister à tous les stades d évolution des lésions tuberculeuses. On constate ainsi que, dès la vingt-quatrième heure, chez les adultes, et seulement vers le cinquième jour chez les jeunes à la mamelle, on trouve des bacilles dans les poumons. Chez les adultes comme chez les jeunes, le passage des bacilles à travers l’épithélium intestinal s’effectue, sans produire la moindre lésion, par les espaces intercellulaires. Aussitôt qu’ils ont pénétré dans les canaux chylifères, les bacilles, libres jusque-là, deviennent la proie des leucocytes et ceux-ci les véhiculent désormais à travers les ganglions qui les retiennent plus ou moins longtemps. Chez les animaux très jeunes, ils s accumulent dans la couche corticale des ganglions et, lorsque le repas infectant a été copieux, ils ne tardent pas à y produire des lésions tuberculeuses. Lorsqu’au contraire l’animal n’a ingéré qu’une petite quantité de bacilles, les ganglions les retiennent, augmentent de volume, en laissent échapper quelques-uns ( toujours inclus dans des leucocytes) par leurs canaux efférents vers le canal thoracique, puis finissent par s affaisser. Mais, pendant plusieurs mois, bien qu’on n’y trouve plus de bacilles colorables sur les coupes, l’inoculation 612 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de ces ganglions au cobaye montre qu’ils en recèlent encore un certain nombre. Si la quantité de bacilles absorbés par l’intestin a été assez considérable, on voit bientôt apparaître dans toute Détendue des deux poumons, mais surtout aux sommets, sur le bord antérieur et sur la face pleurale de ces organes, des petits tubercules translucides ressemblant exactement aux tubercules morveux récents du cheval. Lorsque le jeune bovin a fait un unique repas infectant, il réagit toujours à la tuberculine du vingt- cinquième au trentième jour. Les lésions tuberculeuses sont alors constituées; mais, le plus souvent, elles évoluent lentement vers la guérison et, après 3 ou 4 mois, la réaction à la tuberculine ne se produit plus. Les poumons de l’animal sacrifié à ce moment laissent apercevoir de petites cicatrices fibreuses sous-pleurales : 1 ino- culation de ce tissu cicatriciel au cobaye ne donne plus la tuber- culose. Il arrive fréquemment, et surtout chez les animaux jeunes, que les lésions pulmonaires sont milles ou très discrètes et que l’infection ne se manifeste que par l’engorgement ou la tuber- culisation des ganglions trachéo-bronchiques et médiastinaux. Lorsque l’unique repas infectant a été peu copieux, ces lésions ont une grande tendance à guérir. Par contre, si l’in- gestion de bacilles virulents a été renouvelée une ou plusieurs fois à de courts intervalles (15 à 30 jours), la tuberculisation et la caséification des ganglions tracheo-bronchiques et celle des poumons se poursuivent très vite. Nous avons toujours constaté que, plus les animaux (bovins ou caprins) sont jeunes, mieux la rétention des bacilles et des leucocytes qui les ont englobes s effectue dans les ganglions. Ceux-ci augmentent alors de volume en proportion de 1 inten- sité de l’infection. Chez les animaux adultes, au contraire, la réaction gan- glionnaire, surtout mésentérique, est nulle (bien que ces gan- glions, inoculés aux cobayes, leur donnent la tuberculose), et les lésions pulmonaires s’établissent presque immédiatement. Nous avons déjà explique que, suivant nous, ces différences tiennent à la texture histologique des tissus. Tandis que les ganglions lymphatiques des animaux à la mamelle montrent TUBERCULOSE PULMONAIRE 613 leurs follicules et leurs cordons folliculaires étroitement tassés les uns contre les autres et ne laissent aucun vide dans les intervalles des vaisseaux sanguins, les ganglions des adultes sont criblés de vacuoles séparées par des cloisons fibreuses et de larges canaux dans lesquels les leucocytes circulent avec la plus grande aisance. Or, si l’on prend soin d’examiner au microscope, en chambre humide, ce qu’il advient des leucocytes polynucléaires qui englobent des bacilles tuberculeux, dans un exsudât péritonéal par exemple, il est facile de constater que celles de ces cellules microphages qui sont bourrées de bacilles perdent très vite leur mobilité, alors que les leucocytes qui ne renferment qu’un o u deux bacilles conservent longtemps leurs mouvements ami- boïdes. Le même fait s’observe dans l’exsudât péritonéal des cobayes inoculés avec des bacilles tués par le chauffage à 100°. Ce phénomène nous apprend pourquoi les leucocytes qui ont englobé beaucoup de bacilles ont une si grande tendance à s’arrêter plutôt dans les capillaires si ténus du poumon et dans ceux qui rampent à travers le tissu conjonctif extrêmement serré des membranes séreuses. Lorsqu’un de ces leucocytes, bourré de microbes, perd sa mobilité, il encombre toute la lumière d’un vaisseau à la manière d’un corps étranger toxique , donc irritant pour la paroi endothéliale qui réagit en provoquant son englobement. par une des cellules de cette paroi vasculaire (cellules endothéliales macrophages). Et la lésion tuberculeuse initiale (cellule géante) se constitue. Lorsqu’au contraire le leucocyte n a englobé qu’un ou deux bacilles, il garde pendant longtemps la faculté de se mouvoir et de traverser par diapédèse les parois des vaisseaux capillaires. Il pénètre alors dans les vaisseaux lymphatiques du poumon qui le charrient jusqu’aux ganglions trachéo-bronchiques ou médiastinaux, lesquels le retiendront parfois assez longtemps pour qu’il meure à son tour et y crée une lésion tuberculeuse ; ou bien ils l’emporteront dans le torrent lymphatique et le ramèneront au canal thoracique, puis dans la petite circulation veineuse jusqu’au cœur droit, d’où il sera de nouveau projeté vers le poumon . Tous les faits expérimentaux que nous avons observés et 614 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR les constatations histologiques que nous avons effectuées nous obligent à comprendre ainsi le mécanisme de l’infection tuber culeuse, lorsque celle-ci résulte de V ingestion de bacilles tuberculeux virulents. Nous verrons, dans un prochain mémoire, qu’ils nous ont conduits tout naturellement à étudier et à comprendre de la même manière le mécanisme de la défense normale* et de la vaccination contre la tuberculose. * * * Mais nous devons tout d’abord rechercher pourquoi, contrai- rement à nous, certains expérimentateurs ont cru réaliser plus aisément 1 infection des grands animaux (bovins) par les voies respiratoires que par les voies digestives. Les expériences instituées à ce sujet en 1900 à Pouilly-le- T ort par Nocard et Rossignol méritent particulièrement de fixer notre attention. Dans leur mémoire publié par la Société de médecine vété- rinaire pratique, ces savants déclarent avoir presque constam- ment échoué dans leurs essais de contamination des bovidés par les voies digestives. La cause de ces insuccès réside mani- festement dans le mode opératoire qu’ils avaient adopté. Nous avons établi en effet 1 que le procédé qui consiste à faire ingérer aux animaux d’expérience des produits provenant d’organes tuberculeux grossièrement divisés au hachoir, était des plus défectueux. Par contre, si on leur fait ingérer, au moyen d une sonde œsophagienne, une quantité minime de bacilles virulents (0 gr. 10, pesés à l’état frais) 2 soigneusement tri- turés au mortier d’agate et finement émulsionnés dans un flacon avec des billes de cristal, on obtient constamment un résultat positif. Cette condition est d’ailleurs réalisée dans la contagion naturelle, car les bacilles tuberculeux contenus dans le lait et ceux rejetés avec les mucosités pulmonaires, ou pendant les efforts de toux, sont dans un état parfait de division qui rend leur absorption absolument efficace. Nocard et Rossignol ayant obligé des animaux à respirer, à 1. Ces Annales, mai, 1906. p. 354. 2. Le chiffre de O®1', 10 correspond, d’après nos expériences, à la quantité de bacilles que renferment, en moyenne, dix litres de lait provenant d’une vache atteinte de mammite tuberculeuse. TUBERCULOSE PULMONAIRE 615 Laide d'un dispositif spécial, dans une atmosphère chargée de bacilles tuberculeux desséchés ou en suspension dans de l’eau pulvérisée, réussirent toujours à produire d’emblée des lésions pulmonaires. Les autopsies faites 32 et 55 jours après le début de l’expérience, montrèrent de petits tubercules disséminés sous la plèvre dans le tissu conjonctif interstitiel et les auteurs en concluent que les bacilles avaient pénétré à travers les parois alvéolaires. Un doute s’éveilla cependant dans leur esprit, car, contrai- rement à leurs prévisions, l'inoculation directe, dans la trachée, d'une grande quantité de bacilles finement émulsionnés, fut impuissante à reproduire la granulie pulmonaire constatée dans les expériences précédentes. Ils attribuèrent ce fait à ce que les bacilles émulsionnés ne peuvent arriver jusqu’aux alvéoles parce qu’ils sont ramenés avec les mucosités des grosses bron- ches et rejetés au dehors. Nos expériences précédentes nous ayant con vaincus que, dans la série d'essais de contamination par les voies respiratoires réalisés par Nocard et Rossignol , les animaux s’étaient infectés non point en respirant les poussières sèches ou humides, mais en les avalant , nous avons jugé indispensable de rechercher si nous pourrions obtenir les mêmes lésions en faisant ingérer à des bovins de même âge et de même race des bacilles tubercu- leux virulents, et en évitant, par l’emploi de la sonde œsopha- gienne, toute infection possible du pharynx. Voici le relevé de nos observations : Exp. — Six génisses de race bretonne âgées de 8 à 10 mois, provenant, comme celles utilisées par Noecird et Rossignol en 1900, de chez 31. Guil- loury {de Redon) font à la sonde, 4 jours après une injection négative de tuberculine, un repas infectant de 0 gr. 25 de bacilles tuberculeux bovins de virulence moyenne (de même origine que ceux qui nous ont servi dans nos études antérieures). Nous décidons que 4 de ces génisses seulement seront soumises tous les 6 jours à l’épreuve de la tuberculine (nos 43, 44, 43 et 46), comme les vaches 5, 6, 7 et 8 de l’expérience de Pouilly-le-Fort. Les deux autres (47 et 48) ne seront soumises à cette épreuve qu’après 30 jours. Pendant le mois qui suivit, la température de ces animaux, prise matin et soir, s’est toujours maintenue dans la normale; leur santé s’est montrée parfaite. A aucun moment les 4 génisses tuberculinées tous les 6 jours n’on manifesté la plus petite réaction. Cependant les nos 47 et 48, tuberculinés seulement le 30e jour, ont réagi nettement à l’épreuve : 1° 3, 1« 5. 61(> ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR L accoutumance à la tuberculine semble donc avoir masqué, pour les autres, la réaction que nous avons constatée au 30e jour chez' ces deux génisses. L abattage des animaux portant les numéros impairs 43, 45 et 47, est résolu pour le lendemain. Les constatations faites au cours de ces autopsies ont été exactement semblables sur les trois cadavres ; aussi, pour éviter des redites, ne donne- rons-nous que le résumé des observations faites sur un seul animal, le no 47. Autopsie faite en présence de MM. Charlet et Bernard , vétérinaires. Cadavre en médiocre état d’embonpoint. A l’ouverture de la cavité abdo- minale, il s’écoule une petite quantité de sérosité citrine. Les ganglions mésentériques ont sensiblement leur volume normal. Sur la coupe, ils sont souples au toucher et ne laissent voir aucune trace de lésion tuberculeuse constituée , cependant la zone corticale est infiltrée d’un grand nombre de fines granulations grises. Les organes de la cavité abdominale ainsi que leurs ganglions annexés paraissent sains. Les ganglions médiastinaux et bronchiques ont conservé leur volume normal. Souples sur la coupe, ils ne présentent aucune lésion tuberculeuse. Dans la zone corticale cependant, on trouve un certain nombre de granula- tions grises. Les deux poumons sont parsemés de tubercules très fins dont les plus gros ont la dimension de la tète d’une petite épingle. Ils sont complètement translucides et ne présentent aucune trace d’inflammation à leur périphérie. Ils sont situés dans la plèvre, à la périphérie des lobules, dans le tissu con- jonctif interstitiel. Les ganglions rétro-pharyngiens paraissent indemnes. Une dizaine des petits tubercules sous-pleuraux et périlobulaires, sont excisés avec des ciseaux bouillis, finement triturés dans un peu d’eau stérile et inoculés dans le péritoine de 4 cobayes. Des fragments de ganglions bronchiques sont triturés et inoculés sous la peau de la cuisse de 4 autres cobayes. 45 jours après, les 4 premiers cobayes sont amaigris ; on en sacrifie 2 qui présentent de petits foyers tuberculeux de l’épiploon, avec bacilles colora- bles. Les 4 autres* inoculés avec les fragments de ganglion bronchique sont nettement tuberculeux. Après 30 jours, comme dans les expériences d'inhalation de A ocard et Rossignol , les poumons de nos animaux infectés par les voies digestives étaient donc déjà parsemés de tubercules provenant de V arrivée en masse d’un excès de bacilles que la barrière ganglionnaire avait été impuissante à retenir. La moindre étendue de leurs lésions résulte, d’une part, de ce que notre bacille bovin est moins virulent que celui qu'uti- TUBERCULOSE PULMONAIRE G17 lisait Nocard (nous en avons eu la preuve en le comparant ce ce dernier d apres une semence de la même origine qu’à bien voulu nous remettre Vallée , d’ Al fort.) D'autre part, de ce que, pendant et après les cinq minutes que dura, pour chaque animal, dans les expériences de Nocard et Rossignol , Finhalation des poussières sèches ou humides, la déglutition répétée d'un grand nombre de petits bols salivaires successifs a dû entraîner peu à peu toutes les particules virulentes déposées dans les fosses nasales et sur le pharynx. Or, nous avons appris à con- naître Pextrême efficacité de l'infection par ces petits bols sali- vaires. mêlés de virus, qui évitent le rumen et suivent directement la gouttière sœophagienne pour se rendre dans les troisième et quatrième estomacs. L'autopsie ultérieure des trois dernières génisses n'a fait qu affermir nos conclusions dans le même sens. Pour ces trois animaux, le programme qui avait été arrêté au début de 1 expérience continua à être suivi : Ëxp. — Les nos 44 et 46 ont reçu tous les 6 jours une injection de tuber- culine et le no 48 fut laissé au repos. Leur état général demeura excellent. Notons pourtant que le no 44 réagit violemment à la tuberculine le 46e jour (lo,8): le no 46 réagit seulement le 52e jour (lo52). Aux inoculations suivantes, l’accoutumance se manifeste de nouveau, car les 2 génisses ne réagissent plus. Le no 48 qui avait réagi de lo,5 le 30e jour et qui avait été laissé au repos, réagit de nouveau de 1°, 5 la veille de l’abattage décidé pour le 60e jour. Cette génisse est autopsiée en présence de M. Charlet, vétérinaire de l’abattoir. Les ganglions mésentériques ont sensiblement leur volume normal ; ils sont souples, mais à la coupe 011 trouve leur zone corticale farcie de granu- lations grises, avec quelques petits tubercules caséifiés. Les ganglions bronchiques et médiastinaux sont doublés de volume et bourrés de granulations tuberculeuses jaunes, saillantes sur la coupe et déjà caséifiées pour la plupart. Fait surprenant, les deux poumons sont absolument indemnes. On n’y retrouve plus trace des tubercules translucides qui existaient chez les trois bêtes précédentes abattues après 30 jours. Même absence complète de lésions pulmonaires chez les génisses nos 44 et 46 qui présentent, comme le no 48 des tubercules caséifiés en très grand nombre dans les gangliops mésentériques et surtout dans les ganglions bronchiques. Il est donc évident que les trois animaux dont il s’agit ont 618 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR guéri leurs lésions pulmonaires entre le 30e et le 60e jour après Tunique repas infectant. Il ne faudrait pas en conclure qu’ils eussent sûrement guéri un peu plus tard leurs tubercules ganglionnaires, ceux-ci étant à caséifiés, mais le seul fait qu’ils ont pu se débarrasser, si parfaitement et si vite, d’un nombre probablement considérable de tubercules pulmonaires translucides, est extrêmement important à constater. Il nous montre que les lésions tuberculeuses du poumon , consé- cutives à r ingestion d'un unique repas infectant de bacilles bovins , sont susceptibles de guérir avec une extrême facilité. De nombreuses expériences effectuées dans d’autres buts nous ont prouvé qu’il s’agissait là d’une loi générale ; que les animaux infectés une seule fois par les voies digestives avec une dose modérée de bacilles virulents guérissent et cessent toujours de réagir à la tuberculine après environ trois mois; tandis qu’au contraire les animaux auxquels on fait absorber deux ou plusieurs repas infectants consécutifs, à quelques jours ou quelques semaines d’intervalle, ne guérissent jamais. Une seule infection est donc curable et plusieurs infections répétées ne le sont plus. Cette constatation est extrêmement importante. Nous aurons bientôt l’occasion de revenir sur les conséquences qui en découlent au point de vue de l’immunité antituberculeuse. * Nous avons vu plus haut que Nocard et Rossignol essayèrent vainement de provoquer la formation de lésions tubercu- leuses pulmonaires par l’inoculation directe de bacilles viru- lents dans la trachée. « C’est, disent-ils, que le virus n’arrive pas au contact des alvéoles pulmonaires : il ne dépasse pas les fines bronches et est rejeté au dehors par les mucosités bron- chiques. » Nous avons pu nous convaincre, en effet, qu’il est extrême- ment difficile de faire pénétrer directement par les voies respi- ratoires jusqu’au poumon, soit des poussières inertes, soit des microbes. Avec les poussières inertes, lorsque la muqueuse trachéale est indemne, on n’y parvient presque jamais ; elles réussissent à peine à atteindre les ramifications des grosses TUBERCULOSE PULMONAIRE 619 bronches; les cellules epitheliales les arrêtent au passage et les rejettent vers le pharynx. Avec les bacilles tuberculeux réduits en poussières sèches, il en est de même. En collaboration avec Van sîeenbergh e , dont on connaît les travaux sur 1 anthracose expérimentale1, nous avons réalisé P expérience que voici : Eæp. Deux cobayes adultes ont été placés dans une cloche de verre à 1 intérieur de laquelle on produisait pendant 20 minutes, à l’aide d’une souffleiie, un violent courant d’air entraînant une grande quantité de bacilles tuberculeux d origine bovine, fraîchement desséchés et finement pulvérisés . Aussitôt après, dans la cloche même, les animaux ont été tués par le chloroforme et inondés d’un liquide antiseptique. On les autopsie immédiatement et on recueille séparément, dans des vases stéiiles, poui les triturer et les inoculer tout de suite à d’autres cobayes, la trachée , Y œsophage , les lobes antérieurs et les lobes postérieurs des deux poumons. Deux cobayes témoins reçoivent le même jour dans le péritoine une 1 c j-, ê i e émulsion des mêmes bacilles secs qui ont servi à l’expérience. Ils meuient apiès 32 et 41 jours, avec des lésions de tuberculose généralisée. Les deux cobayes inoculés avec l’oesophage succombent l’un le 45e jour, l’autre le 67e jour, tuberculeux. Des deux cobayes inoculés avec la trachée, l’un meurt le 39e jour, mais on ne lui tiouve aucune lésion tuberculeuse. Le second est sacrifié 4 mois apiès. Il piésentait dans la rate et dans les poumons quelques tubercules assez peu développés pour n avoir pas provoqué d’amaigrissement. Des quatie cobayes inoculés avec les différentes portions des poumons, deux ont été sacrifiés au bout d’un mois : ils étaient absolument sains. Un troisième meurt 63 jours après l’inoculation (émulsion des lobes antérieurs) avec des lésions tuberculeuses typiques. Le quatiième, sacrifié après 4 mois n’a pas maigri ; on lui trouve cepen- dant quelques tubercules rares, mais caséifiés, dans la rate, dans les gan- glions et dans les poumons. Par conséquent, maigre les conditions tout à fait exception- nelles dans lesquelles nos cobayes ont été places en vue de réa- liser 1 infection directe de leurs poumons par les poussières sèches extrêmement riches en bacilles, un très petit nombre de ceux-ci seulement a pu pénétrer jusqu'aux ramifications bron- chiques et même jusque dans la trachée. Rien ne prouve que ces bacilles eussent produit chez ces animaux des lésions tuberculeuses et qu ils n’eûssent point été expulsés avec les L Ces Annales , décembre 1905 520 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cellules à poussières et les mucosités bronchiques. Mais tout porte à penser que les bacilles déjà abondamment ingérés et tapissant l’œsophage n’eûssent pas tardé à transporter les germes infectants jusqu'aux poumons par les voies digestives. Chez les grands animaux, on constate de même qu’il est presque impossible, soit par inhalation, soit par insufflation intratrachéale, de faire pénétrer des poussières au delà des premières ramifications bronchiques. C’est ce qui explique l’insuccès d’un si grand nombre de tentatives effectuées en vue d’infecter directement le poumon par la trachée. On ne peut réaliser avec certitude l’infection parenchyma teuse primitive du poumon qu’en inondant cet organe avec une grande quantité de liquide tenant en suspension des bacilles finement émulsionnés. Nous rappelant les expériences de G. Colin , relatives à la rapidité d’absorption des liquides par les voies respiratoires, (absorption tellement intense que ce savant a pu verser jusqu’à 25 litres d’eau en 6 heures dans la trachée d’un cheval sans que cet animal en parût très incommodé), nous avons voulu taire l’essai que voici : Exp. — Une vache de trois ans, indemne de tuberculose, reçoit dans la trachée, au moyen d’une sonde flexible poussée avec précautions jusqu’à la bifurcation des bronches, — par conséquent dans une zone non excitable au point de vue du réflexe de la toux, — 40 centigrammes de bacilles bovins, pesés à l’état frais, finement émulsionnés dans deux litres d’eau stérile. Le liquide est versé très lentement par la lumière de la sonde. A la fin de l’opération, la respiration s’accélère et un accès de suffocation 'se produit, mais la bête, soutenue des deux côtés, reste debout sur le sol et aucun effort de toux ne se manifeste. Quelques heures après, tout est rentré dans l’ordre. Quatre jours plus tard, la respiration s’accélère légèrement (24 a la minute) et l’animal fait entendre de temps en temps une quinte de toux. La température s’élève et atteint le soir 39°, 4, mais l’état général se main- tient assez satisfaisant. A partir du 43e jour, les mucosités recueillies dans le pharynx, au moyen d’une éponge fixée à l’extrémité d’un fil de fer, con- tiennent des bacilles en abondance. On constate qu’après chaque quinte l’animal déglutit les produits de son expectoration. Le 25e jour, l’appétit devient capricieux et la fièvre continue. Craignant que la déglutition des mucosités virulentes ne vienne modifier l’aspect des lésions pulmonaires primitives que nous cherchions à produire, nous décidons l’abattage le 28e jour. Autopsie immédiatement après la mort, en présence de MM. Cbarlet et pernard, vétérinaires. TUBERCULOSE PULMONAIRE 621 La masse intestinale est soigneusement enlevée et placée sur une table. Les ganglions mésentériques sont augmentés de volume, mais mous. Sur la coupe, la plupart d’entre eux montrent leur zone corticale farcie de granula- tions grises, sans tubercules constitués. Les ganglions annexes du foie, de la rate et des reins présentent les mêmes altérations. La muqueuse intestinale .et tous les viscères de la cavité abdominale ne portent aucune lésion. Les poumons sont retirés de la cavité thoracique. La pulpe des doigts promenée à leur surface ne décèle la présence d’aucun tubercule siégeant à la périphérie de ces organes sous la plèvre, mais leur surface présente l’as- pect d’une véritable mosaïque constituée par des foyers d’hépatisation cor- respondant à des lésions de broncho-pneumonie lobulaire qui ressemblent à celles que l’on rencontre dans la pasteurellose chronique ou dans la broncho- pneumonie vermineuse. Les ganglions médiastinaux, bronchiques et rétro-pharvngiens ont leur zone corticale farcie de granulations grises sans tubercules caséifiés. L’examen histologique du poumon permet de constater l’existence dans les alvéoles d’un très grand nombre de tubercules à divers stades, depuis la granulation jusqu’au tubercule caséifié. Les parois alvéolaires participent ici directement à la formation des tubercules jeunes, ce que nous n’avons jamais constaté dans les lésions pulmonaires des animaux infectés par le tube digestif, non plus que dans celles des bovidés trouvés tuberculeux aux abattoirs, ni dans celles des pièces anatomiques provenant de sujets tuber- culeux humains, en dehors des cas où il existe des cavernes . Aussitôt après l’autopsie, nous avions inocule 4 cobayes avec des fragments de ganglions mésentériques, 2 avec les gan- glions du médiastin, 2 avec les bronchiques et 2 avec les rétro- pharyngiens. 35 jours après, tous ces cobayes, porteurs d’adé nites spécifiques, furent sacrifiés et trouvés tuberculeux. L’infection des divers groupes ganglionnaires s’est donc effectuée, chez la vache dont il s’agit, postérieurement à celle du poumon et elle paraît bien évidemment résulter de l’absorp- tion intestinale des nombreux bacilles qui ont été ingérés avec les mucosités d’expectoration. Cette expérience montre que la tuberculisation directe du poumon peut s’obtenir dans les conditions tout à fait excep- tionnelles dans lesquelles nous nous sommes placés, et qui ne se rencontrent jamais en pratique. Les tubercules se constituent alors primitivement aux dépens des parois alvéolaires, grâce à l’énorme diapédèse de leucocytes qui s’effectue au travers de celles-ci pendant l’absorption du liquide qui vient accidentel- lement les inonder; mais les lésions initiales observées restent très différentes de celles que l’on constate le plus ordinaire- 6:22 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nient dans la tuberculose pulmonaire, chez l'homme et chez les animaux. * ik- CONCLUSIONS 11 est inutile, croyons-nous, d’insister davantage sur la dis- cussion des faits experimentaux qui ont servi jusqu à ce jour à étayer la doctrine de la contagion tuberculeuse par les voies respiratoires. En dehors de ceux que nous avons rapportés ci- dessus, aucun ne permet d’écarter l’objection que les bacilles ont été absorbés presque sûrement par le tube digestif et ne sont parvenus que secondairement aux poumons. La preuve nous paraît donc évidente que, dans l’immense majorité des cas, hormis ceux oh Von peut invoquer V apport direct des bacilles sur une lésion préexistante du larynx ou de la trachée , les localisations pulmonaires ou pleurales de la tuberculose résultent de l’arrêt, dans les capillaires du poumon ou des plèvres, de leucocytes microphages immobilisés par les sécré- tions toxiques des bacilles qu’ils ont englobés. On peut en dire autant, sans aucun doute, de toutes les loca- lisations osseuses, articulaires, méningées, etc. U Les tuberculoses ganglionnaires elles-mêmes, telles l’adéno- pathie trachéo-bronchique (ainsi que Vallée, d’Alforl , l’a démontré pour les veaux, et nous-mêmes avec Deléarde pour les veaux et pour les jeunes enfants), sont d’origine intestinale. Leur fréquence chez les jeunes sujets s’explique aisément par les caractères histologiques spéciaux que présentent leurs organes lymphatiques. Deux conclusions d ordre pratique se dégagent de ces don- nées nouvelles : La première est qu’en évitant soigneusement, pendant toute la vie, 1 introduction de germes tuberculeux dans le tube digestif, on doit pouvoir réduire considérablement, sinon sup- primer en totalité, les causes d’infection. Or, il est plus aisé de se prémunir contre l’ingestion d’aliments contaminés par des bacilles d’origine bovine ou humaine, qu’il n’est facile d’éviter l’inhalation de poussières infectantes. 1. Nous avons eu l’occasion d observer chez deux jeunes chevreaux, infectés par les voies digestives, une tuberculose articulaire du rjenou et une tuberculose de l’iris. TUBERCULOSE PULMONAIRE 623 Hàtons-nous donc de prohiber rigoureusement la vente et d’empêcher la consommation du lait (ou de ses dérives) prove- nant de vaches tuberculeuses. Tâchons aussi et surtout, d'éviter que la bouche ou les mains puissent être directement ou indirectement souillées de produits ou de crachats tuberculeux d'origine humaine, et les deux principales sources de contagion tuberculeuse pour 1 homme ne tarderont certainement point à être taries. La seconde conclusion est qu’un animal auquel on fait ingé- rer, en un unique repas infectant, une petite quantité de bacilles tubeiculeux virulents, finement divisés, contracte sui ement la tuber culose soit pulmonaire, soit exclusivement ganglionnane, soit pulmonaire et ganglionnaire en même temps, réagit à la tuberculine pendant 1 h 2 mois, quelquefois davantage et peut guérir. Il cesse de reagir à la tuberculine lorsque ses lésions sont complètement cicatrisées. Nous établirons, par la suite, que les animaux ainsi guéris ne sont plus susceptibles, — au moins pendant un certain temps — d’être réinfectés, alors même qu’on leur fait ingérer des quantités beaucoup plus considérables de bacilles virulents. Us sont donc vaccinés. Par contre, les animaux que l’on soumet à deux ou plusieurs réinfections successives par le tube digestif, répétées à courts intervalles, ne guéi isseul jamais j leurs lésions s’aggravent et évoluent rapidement vers la caséification. Ces faits nous expliquent pourquoi les bovidés tués dans les abattoirs, et les hommes morts accidentellement, pré- sentent si souvent, a 1 autopsie, des lésions tuberculeuses par- faitement guéries. Ces bovidés et ces hommes ont dû s'infecter de tuberculose assez rarement au cours de leur existence pour avoir eu le temps de guérir leurs premières lésions et de se vacciner. Un grand nombre d autres bovidés et d autres hommes, au contraire, sont devenus et sont restés tuberculeux , parce qu’ils ont subi une série de réinfections successives avant de pouvoir guérir les lésions produites parleur première atteinte. De tout ce qui précède, il résulte que nous sommes naturel- lement conduits à orienter nos recherches vers l’obtention de 1 immunité vaccinale contre la tuberculose en introduisant dans I 624 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR le système lymphatique de l’organisme, par les voies normales d’infection, c’est-à-dire par le tube digestif , des bacilles tubercu- leux atténues, modifiés ou privés de virulence. Nos études, déjà assez avancées dans cette voie, feront l’objet d’un prochain mémoire. ÉTUDES SUR LA Pau M. NICOLLE BU COBAYE Sommaire: Données techniques, concernant la culture et le dosage du virus morveux Remarques sur 1 appareil génital du cobaye mâle. morve,UMeCtec.COmPa'ée’ P°U1' ‘6 C°baye adultc- de deux échantillons de tnoculations intrapéritonéales, avec les échantillons M et C chez le cobaye femelle adulte. ’ 1C Inoculations répétées de virus M chez le cobaye adulte - Immunisation par le virus II, contre les virus M et C. immunisation, .Infection des jeunes cobayes, par les virus M et C. — Immunité consé cutive, observée dans certains cas. immunité consc néakmdesivtusn îpff ^Kadulte’ c,onü*e inoculation intrapérito- substances diveiNPs R’t ’ leaisee Par 1 injection intraabdominale de substances dneises, d humeurs normales ou de microbes étrangers. xpenences diverses — sur le cobaye adulte — avec les bacilles morveux tues de plusieurs façons (virus M). oacines moi veux Expériences diverses - sur le cobaye adulte - avec les bacilles morveux tues par l’alcool-éther (virus M). 01 veux Nat’m'èTT’ faitf SU1’ 16 C°^ye mftle adulte’ avec la malléine. «atuie de la virulence morveuse (chez le cobaye) Propriétés du sérum des cobayes infectés ou immunisés. a 01 ve experimentale et maladies « spontanées » des cobayes. i n,ect'on- intoxication, hypersensibilité et immunité morveuses chez le cobaye (Remarques générales). les cobayes.Ce" ~~ Expél'ienCes diverses’ fait^ sur des animaux autres que Les recherches qui suivent ont été entreprises non seulement pour trouver des moyens d’immuniser les cobayes, mais encore pour élucider beaucoup de points demeurés obscurs dans I histoire de la morve. Elles ont été rendues très difficiles - surtout en ce qui concerne les expériences de vaccination — à la lois par la nature môme du sujet et par la fréquence exces- sive des épidémies, chez les animaux mis à notre disposition. Les cultures qui nous ont servi presque exclusivement provenaient, l’une d’un cheval morveux autopsié à Constanti- nople en 1900, l’autre du Service de la malléine de l’Institut 40 626 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Pasteur. La première semence, qui n’a jamais passé par le cobaye, a été conservée depuis 5 ans dans des conditions sur lesquelles nous reviendrons. La seconde nous a été donnée, au début de 1902, par le regretté Dr Momont; elle représentait un virus entretenu, pendant des années, par inoculations successives dans le péritoine des cobayes mâles. Cette semence, qui n’a plus fait de passages entre nos mains, forme aujourd’hui deux races différentes, dont l une a conservé sa virulence initiale et dont l’autre a baissé notablement d’activité (nous indiquerons plus loin comment et pourquoi). Avant d’entrer dans le plein du sujet, nous devons faire connaître quelques données techniques, susceptibles d’intéresser ceux mêmes qui s’occupent de microbes autres que le bacille morveux. DONNÉES TECHNIQUES, CONCERNANT LA CULTURE ET LE DOSAGE DU VIRUS MORVEUX. Nous n’avions guère besoin, pour nos recherches, que de cultures sur milieu solide, mais encore fallait-il en trouver un qui donnât, rapidement , des récoltes abondantes de corps bacillaires , ne contenant que leur humidité normale et faciles à prélever sans entamer le support nutritif. Nous y sommes arrivés en employant de la gélose ainsi préparée (pour 2 litres). On fait macérer, pendant une nuit, d’une part 500 grammes de viande hachée dans un litre d’eau, d’autre part hOO grammes de pommes de terre, coupées en gros morceaux, dans un second litre. On mêle les deux macérés, on ajoute 30 grammes de peptone Chapoteaut, 10 grammes de sel, 20 grammes de glycérine et 60 grammes de gélose. Le reste de la préparation n’offre rien de spécial. Notre milieu, alcalinisé bien entendu, possède deux des qualités requises : il est exces- sivement favorable au développement du bacille morveux, à cause de la présence de la glycérine et surtout du suc de pom- mes de terre, dont Babès a jadis indiqué les avantages — et il présente une grande consistance, due à sa haute teneur en agar. Il ne lui manque plus que d’être débarrassé de son eau de condensation, ce à quoi on arrive aisément en plaçant les tubes qui le contiennent, avant de les capuclionner, d’abord a MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE C27 1 etuve, puis à la température ordinaire. 11 va sans dire qu’il ne faut pas exagérer la dessiccation . Le milieu, ainsi obtenu, donne des récoltes très abondantes. 1 on ensemense, largement, un des tubes dans lesquels on a incline (de manière à obtenir une surface libre correspondant grosso modo à 15 cm»), on peut recueillir, après une nuit de culture a 38°-39° et selon l’échantillon ensemencé. 4's‘'.3 à 5««' 7 de corps microbiens (moyenne de nombreuses pesées) Notre agar convient non seulement au bacille de la morve, mais encore a la presque totalité des germes susceptibles de pousser sur la gelose ordinaire; ils forment des dépôts infiniment plus riches que sur cette dernière, mais ils g périssent aussi plus ) «paiement ce dont nous verrons plus tard les conséquences Nous indiquerons maintenant comment on peut se procure,' de grande masses de corps bacillaires ne possédant, eux aussi que leur teneur propre en eau. La technique que nous avons suivie, s appliquant utilement à d’autres microbes, on nous permettra d entrer dans quelques détails. Le principe est tou- jours le meme : ensemencer largement et avec des germes dénués d humidité d’emprunt, la gélose glycérinée à la pomme de terre, dépourvue d’eau de condensation. Comme vases de culture, nous avons eu recours à de grandes boîtes de Pétri (surface : (oO cm* environ) que l’on prépare de la façon suivante. Sur le fond du couvercle, on colle, avec de la gélatine, une rondelle de papier Chardin et on fait sécher à l’étuve. Puis on adapte le couvercle à la boîte. On enveloppe celle-ci de papier i tre et on la stérilisé au four Pasteur, en ayant soin de ne jias carboniser les rondelles qui sont destinées, on l’a deviné, à absorber 1 eau de condensation de la gélose. D’autre part, on effile, a une extrémité, un certain nombre d’agitateurs, en arrondissant ensuite cette extrémité que l’on coiife de ouale Chacun des pinceaux ainsi obtenus, stérilisé au four, servira à 1 ensemencement d’une boite. La semence sera fournie par des cultures do 24 heures en tubes, à raison d’un tube par boite. , pose, voici comment on opère. On porte à l’autoclave un ou plusieurs flacons, contenant une provision de notre a-ar • lorsque celui-ci est fondu, on le coule dans une série de boites’ en hauteur suçante (1 cm environ), faute de quoi les récoltes seraient trop maigres. On aurait tort, en effet, des’imaginer que, 628 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pour 20 à 24 heures de culture, il est possible de se contenter d’une mince lame de milieu solide. La presque totalité du déve- loppement microbien s’accomplit très vite, grâce à la qualité de la gélose, à la vaste aération de sa surface libre et à la richesse de Tensemencement. Il faut donc une épaisseur assez grande de substances nutritives pour obtenir des dépôts convenables. Les boîtes remplies, on les abandonne au repos, pendant un temps variable selon la température extérieure (2 à 4 heures). L’agar fait prise et son eau de condensation se trouve absorbée et retenue par le papier Chardin ; il ne reste plus qu’à ense- mencer régulièrement et largement sa surface à l’aide des pinceaux de ouate, manœuvre qui n’entraîne aucune érosion du milieu, étant donnée la consistance de celui-ci. Enfin,' on porte à l’étuve et, moins de 24 heures après, on peut recueillir, selon l’échantillon ensemencé, 0«r,9 à 1^,20 de corps microbiens (moyenne de nombreuses pesees). La recolle est plus abon- dante, à surface égale, que dans les tubes, parce que l’épaisseur moyenne d’une gélose inclinée n’atteint jamais 1 cm. Si l’on a manipulé avec tant soit peu de soin, il est rare de rencontrer des impuretés, car le bacille de la morve, étalé abondamment sur un milieu favorable et maintenu à 38°-39°, en présence d’un excès d’air, ne permet guère le développement simultané des germes qui auraient pu s’introduire aux diverses étapes de l’opération. Par contre, il serait aussi imprudent que superflu de vouloir conserver les cultures plus de 24 heures. En effet, dans ces conditions, la couche microbienne se trouve facilement envahie par les bactéries de l’air et notamment par un staphylocoque blanc, identique au coccus butyrique de la peau décrit par Sabouraud. Il faut en conclure que, lorsque le bacille de la morve a dépassé son maximum de croissance, il n’a plus les moyens de se défendre contre l’intrusion des organismes étrangers, qui se mettent à végéter alors à ses dépens. Avec des microbes plus vivaces, ou bien mieux protégés par la forte alcalinité de leurs dépôts ou la nature de leurs produits d’échange (b. charbonneux, pneumobacille, staphylocoque, b. pyocyanique, b. eoli , etc.), Userait, ala rigueur, inutile de prendi e des précautions pour éviter une contamination simultanée ou ultérieure des boîtes. Inversement, des germes moins robustes, MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 029 ou non réfractaires à une « surculture » (b. typhique, b. de Shiga, etc.), exigent plus de soins que celui de la morve. A fortiori , quand il s’agit du gonocoque, du pneumocoque, etc., il devient indispensable d’opérer avec la plus grande rigueur, d’autant que la nécessité de préparer, dans le vase de culture lui-même, le milieu de choix pour la vie de ces organismes (gélose-ascite, gélose sanglante,) vient encore compliquer les manipulations. Revenons à la récolte des bacilles morveux, développés en boîtes. Cette récolte se pratique aisément, en raclant la surface fertile avec de petites lames de carton souple. On les choisit rectangulaires (lcra,5 sur 4cm environ), on les stérilise par la chaleur sèche, on les monte extemporanément sur une pince à forcipressure flambée et, avec un de leurs petits côtés, on gratte doucement la gélose en ayant soin de ne pas l’entamer, ce qui n’offre aucune difficulté, vu la consistance du milieu. Il nous reste à faire connaître la façon de doser exactement les microbes destinés à être inoculés. L'unité de bacilles vivants (exempts d’eau de condensation), que nous avons choisie, est le centigramme . Pour peser aseptiquement cette quantité de germes, on place, sur l’un des plateaux d’une balance, un des petits cartons stériles dont il vient d’être question et l’on tare. Sur le carton, on dépose, avec un fil- spatule en platine, les corps microbiens provenant d’une culture récente (24 heures à 38°-39°), jusqu’à concurrence du poids voulu. Le même fil-spatule permet de prélever ensuite intégralement le dépôt bactérien pesé et de le délayer dans de l’eau physiologique. On aura soin, bien entendu, de faire l’émulsion aussi homogène que possible; inutile d insister là- dessus, ni surlamanière d’obtenir des dilutions, le cas échéant. Mentionnons, simplement, qu’avant d’inoculer un ou plusieurs centimètres cubes d’une émulsion quelconque, qu’elle réponde à 1 centigramme ou à l’un de ses sous-multiples, nous passons toujours la totalité de cette émulsion sur papier filtre, afin d’arrêter les grumeaux qui auraient pu demeurer en suspen- sion. Ajoutons enfin que, par abréviation, nous désignerons couramment, dans notre travail, les doses de 1/10 de cgr., 1/100 de cgr., 1/1000 de. cgr., de la façon suivante : 101, 10-2, 10 3 030 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR REMARQUES SUR L'APPAREIL GÉNITAL DU COBAYE MALE. Il est impossible de se rendre un compte exact de la loca- lisation initiale et du mode de développement des lésions classiques chez le cobaye mâle, inoculé dans le péritoine, si 1 on ignore certaines particularités concernant la disposition de 1 appareil génital. Ces particularités semblent avoir totale- ment échoppé aux auteurs qui ont écrit sur la morve expérimen- tale. Comme on lésait, le testicule du cobaye adulte passe, avec la plus grande facilité, de l’abdomen dans le scrotum et vice versa . Dans V abdomen, il se trouve situé entre le psoas et l’intestin. Son extrémité supérieure est coiffée d’un corps adipeux trian- gulaire, dont le sommet effilé se perd sous la zone correspon- dante du mesotestis , — son extrémité inférieure s’unit à Tépididyme — - son bord interne demeure libre — sur son bord externe s’attache le mesotestis. L’épididyme, conique et à pointe dirigée vers le bas, donne insertion, près de celle-ci, au canal déférent et, au niveau même de celle-ci, au musculus testas , cône de fibres striées qui va s épanouir, d’autre part, au pourtour de l’anneau inguinal. Le péritoine tapisse le muscle testiculaire, 1 epididyme, le testicule et le corps adipeux, puis forme le mesotestis dont nous avons déjà parlé, lequel se pro- longe jusqu’aux vaisseaux du rein, d’abord large, pour se prêter aux mouvements latéraux de la glande génitale, ensuite de plus en plus aminci, pour leur imposer une limite: l’insertion pariétale du mesotestis s’étend verticalement sur le psoas, au dehors de l’uretère. Lorsque le testicule descend, il refoule peu à peu en doigt de gant le musculus testis, et celui-ci, au lieu de former comme * tout à l’heure, au-dessous de lui, un entonnoir renversé dont la tension bride son mouvement ascensionnel, le coiffe main- tenant de plus en plus, à la manière d’un sac contractile, finit par en épouser exactement la forme et en limite par là même, la course inférieure. La glande génitale, lorsqu’elle plonge en plein scrotum, se trouve donc logée dans une cavité séreuse, simple dépendance du péritoine, à laquelle nous donnerons MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 631 exclusivement le nom de vaginale. Cette cavité comprend deux feuillets : l’un viscéral, tapissant l’épididyme et le testicule et l’autre, pariétal, tapissant la face interne du muscle testicu- laire. Quand la glande génitale remonte dans l’abdomen, la cavité vaginale disparaît progressivement, à mesure que ce muscle se retourne et que sa face interne se transforme en la surface externe du cône creux décrit tout à l’heure. 'Le musculus testis isole donc la vaginale, cavité de nature essentiellement temporaire, d’une autre séreuse, absolument permanente et sans rapport avec le péritoine, que nous nom- merons séreuse scrotale. Celle-ci, simple bourse sous-cutanée (au moins au point de vue qui nous occupe), est revêtue d’un double feuillet : mobile, qui correspond à la face externe (ou inférieure, selon les circonstances) du muscle testiculaire — et immobile, qui s’applique à l’intérieur des téguments du scrotum. Il s’ensuit que chaque testicule, au bas de sa course, se trouve entouré de deux séreuses concentriques, que sépare le musculus testis. Ce point important paraît avoir été à peu près complètement méconnu; il n’est même pas spécifié assez nette- ment, pensons-nous, par Livon, auquel nous avons emprunté beaucoup des détails qui précédent (article Cobaye du Diction- naire de Physiologie). Le muscle testiculaire sert à refouler la glande génitale dans la cavité du péritoine. Il peut aussi l’attirer de haut en bas jusqu’à l’anneau, quand elle se trouve dans le ventre ; la pression abdominale fait alors le reste. Toutefois, il est probable que, bien souvent, cette pression détermine à elle seule la sortie du testicule. Chez le jeune cobaye, c’est, au plus tôt, le 34e jour de l’exis- tence que les glandes mâles franchissent l’anneau inguinal, pour apparaître de chaque côté de la base de la verge. La descente se continue ensuite et est terminée, en général, du 37e au 47e jour (Livon). VIRULENCE COMPARÉE, POUR LE COBAYE ADULTE, DE DEUX ÉCHANTILLONS DE MORVE, M ET C. Comme nous le disions en commençant, l’échantillon de 632 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR bacilles morveux du Service de la malléine forme aujourd’hui deux races différentes. Nous avons conservé intacte la virulence de la première (culture m) en repiquant celle-ci, toutes les 6 semaines environ, dans la gélose au b oui lion- Mar tin, droite . Après 48 heures d’étuve et autant de séjour à la température ordinaire, les tubes étaient scellés et gardés à la glacière jusqu’au prochain repiquage. Au contraire, la seconde race (culture M) a été obtenue en cultivant constamment le bacille du Service de la malléine sur notre gélose à la pomme de terre et en gardant les tubes à la température ordinaire , après une mise à l’étuve de 24 heures, lors de chacun des réensemencements. Ces réense- mencements ont été fréquents, mais sans périodicité déter- minée. La race M a baissé de plus en plus, comme nous le montrerons tout à l’heure, et ce fléchissement doit être attribué a 3 facteurs principaux : la température, la nature du milieu employé et le développement des germes au large contact de 1 air. L observation suivante montre bien que le premier de ces facteurs n aurait pu, à lui seul, déterminer une pareille chute de virulence. Le même bacille (du Service de la malléine) a été lepiqué, depuis 8 ans, par notre collègue Binot, dans la gélose- Martin, droite et conservé exclusivement à la température du laboratoire. Son activité a beaucoup diminué, il est vrai, mais pas autant que celle de notre échantillon M. Or, ce dernier ne mène la vie saprophytique que depuis un temps moitié moindre, mais il croît, en surface, aux dépens d’un milieu plus favorable au développement des germes que la gélose-Martin, mais plus favorable aussi à leur mort prématurée — fait constant pour tous les microbes que nous y avons cultivés. Jusqu’où ira l’affaiblissement de M? Il est difficile de le prévoir, mais nos observations, continuées pendant 4 années, nous portent à admettre que, tout en progressant fatalement, il suivra un cours de plus en plus lent. Ajoutons que cet affai- blissement s’est accompagné d’une diminution dans l’abondance des cultures et d’une augmentation dans leur fragilité. On a nettement 1 impression que, devenu très peu virulent, l’échan-' tillon M serait d’une conservation très ardue. Le bacille de Constantinople (culture C) a été traité comme la cultureM et sa virulence n’a pas changé depuis 5 ans. 633 MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE Qu on nous permette d indiquer ici un excellent moyen de conserver, pendant longtemps , 1 activité du microbe de la morve, moyen imaginé par le regretté Adil-bey et susceptible de rendre des services dans 1 etude de nombreuses bactéries. On étend du sérum normal de cheval de trois parties d’eau distillée (afin de le rendre incoagulable par la chaleur) et on stérilise à l’autoclave. Dans ce milieu, on délayé des bacilles morveux, provenant de tubes de gélose, de façon à avoir une émulsion épaisse, que l’on garde, à la glacière, en ampoules scellées. Après un an, on peut obtenir, sans difficulté, des cultures-filles aussi actives que la culture-mère. Nous étudierons maintenant la virulence comparée, pour le cobaye adulte , des échantillons M et C, en faisant varier les doses èt les modes d inoculation. Toutefois, 1 infection intrapé- ritonéale du cobaye femelle, à cause de son intérêt spécial, sera décrite séparément dans un chapitre uTérieur. ÉTUDE DE L’ÉCHANTILLON M. Inoculations dans le péritoine du cobaye mâle. La dose limite active est tombée, progressivement, de 10 5 à 10 3; mais, toutes les fois que l’inoculation a été suivie d infection, la terminaison mortelle n’a jamais fait défaut (l unique exception observée sera mentionnée plus tard — cobaye P). ÉTUDE DES DOSES INFÉRIEURES A IG'2. Au début de nos expériences, 105 n’était pas constamment efficace, tandis que 10'4 tuait en 11-2L jours (chiffres extrêmes observés). Puis, KL4 a cessé de donner régulièrement la morve et se montre aujourd’hui inoffensif. 10~3 faisait d’abord périr les cobayes en 6-53 jours (chiffres extrêmes); maintenant, il ne faut pas compter sur des résultats constants et, dans les cas positifs, la maladie revêt toujours une marche lente. ÉTUDE DE LA DOSE 10 2 . hile tuait, dans le principe, en 6-38 jours (c. e.). Actuelle- ment, les sujets succombent en 10-42 jours (rarement plus). Nous allons ensemble animaux inoculés avec 1 O*2 , 634 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR depuis le commencement de nos recherches (plusieurs centaines de sujets), comme source d'une description anatomo-clinique de la morve génitale du cobaye mâle. Grâce à la chute pro- gressive de virulence de l'échantillon M, la dose 10'2 nous a révélé successivement tous les aspects possibles de cette morve génitale. Aspects des plus variés, comme on va le voir, et que nous ramènerons à deux formes principales : forme scrotale et forme ectopique. Forme scrotale. Malgré notre désir de ne pas compliquer la partie descrip- tive de ce travail, il nous faut distinguer, dans la forme scrotale, un type aigu et un type subaigu. Le premier semble résumer, pour les auteurs, toute l’histoire de la morve génitale du cobaye mâle, car c’est réellement le seul qu’ils aient décrit. En voici les traits essentiels, tels que nous les avons observés. Le 2e ou le 3e jour après l’inoculation, on note que les testicules, « paresseux », demeurent en perma- nence dans le scrotum; et bientôt on voit s’œdématier la peau des bourses et de la racine de la verge. La constatation de ces signes, et même du premier, uniquement, suffît à imposer le diagnostic, quand on a l’habitude de manier le bacille mor- veux. Une fois pris, les testicules ne tardent pas à être le siège d une crépitation amidonnienne, lorsqu'on les refoule vers le ventre. Puis, ils se fixent dans le scrotum, dont les téguments continuent à s’épaissir, et il faut un effort de plus en plus grand pour les libérer. Finalement, après un ou deux jours, parfois davantage, la fixation est devenue définitive. A partir de ce moment, les bourses se tuméfient à vue d’œil, tandis que la peau prend, tour à tour, une teinte rose, rouge et violacée. Quand la mort ne vient point interrompre l’évolution des phé- nomènes, apparaissent communément, sur le scrotum chaud, tendu, luisant, coloré, tantôt une ou plusieurs pustules plates et argentées, de dimensions variables — tantôt une ou plusieurs taches livides, premiers termes d’uue escharification plus ou moins étendue. Pustules et eschares aboutissent à des pertes de substance, à travers lesquelles on aperçoit T exsudât contenu dans les bourses. A cette période, le développement des par- ties malades, toujours considérable, peut avoir acquis, de l’un MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 635 ou des deux côtés, des proportions vraiment excessives (volume d’un œuf de pigeon ou même de poule). La mort ne tarde point à survenir. Le second type (subaigu) débute comme le précédent, mais, une fois que les testicules ont commencé à se fixer, les tégu- ments reprennent vite leurs caractères normaux. On voit alors le scrotum se tuméfier peu à peu, d’abord dur, puis mou et lluctuant; et la mort des animaux — constante — survient avant, pendant ou après l’ouverture de Pune ou des deux collec- tions génitales. Cette auverture peut s'annoncer par une vive réaction inflammatoire du côté des parties molles; mais, le plus souvent, la peau s’amincit simplement en un point (rarement en deux), devient livide, puis noirâtre, et cède. L’orifice ainsi créé donne issue à une sorte de bourbillon caséeux, tantôt éva- cué en bloc, tantôt comme émulsionné dans un pus épais. Il s établit ensuite une suppuration de durée relativement courte. Si le sujet continue à résister, ce qui n’est pas fréquent, cette suppuration se tarit en effet peu à peu, la cavité scrotale bour- geonne et l’ulcère cutané se rétrécit. Enfin, dans les cas, exceptionnels, où la survie se prolonge encore davantage, la cicatrisation peut être complète (même des deux côtés). Les cobayes succombent alors par intoxication , sans qu’on retrouve, à 1 autopsie, la moindre trace de lésions morveuses, génitales ou autres. Au type subaigu s’adjoignent, assez souvent, des phénomènes de farein (également subaigu) : pustules ou eschares scrotales, curables, ne coïncidant plus ici, comme dans les cas aigus, avec la « maturité » des altérations péri- testiculaires — abcès, ostéopériostites, etc... ( ubi infra). Tels sont les deux aspects cliniques que peut revêtir la forme scrotale, selon la rapidité de son allure. Avant de passer a 1 etude des lésions correspondantes, nous mentionnerons encore les quelques détails suivants. Lorsque les accidents suivent une marche aiguë, les deux testicules se prennent très vite, en même temps, et leurs transformations évoluent paral- lèlement, ou peu s’en faut. Quand, au contraire, les symptômes locaux progressent avec une lenteur relative, les glandes mâles peuvent n être atteintes que l’une après l’autre et le premier testicule touché ne se fixer dans les bourses qu’au bout d une semaine, et plus. Enfin, chez certains animaux, les accidents 636 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR affectent d un côté le type aigu et de l’autre le type subaigu; tandis que, chez quelques-uns, on rencontre d’un côté la forme scrotale lente et de l’autre une des variétés de la forme ectopique. \ oici maintenant la suite des lésions que nous avons obser- vées dans le type aigu , en sacrifiant un grand nombre de cobayes aux divers stades de la maladie. On se convaincra sans peine qu ici encore l’observation de nos devanciers n’avait pas été poussée très loin. Le virus se localise tout cV abord sur la séreuse qui revêt le musculus testis , d’où la « paresse » de la glande génitale, observée comme premier symptôme de l’infec- tion et liée, inconstestablement, à la paralysie, plus ou moins complète, de ce muscle. On sait que celui-ci possède deux laces, qui, toutes deux, changent de sens lorsqu’il se retourne; pour éviter des confusions, nous les appellerons face péritonéale et face scrotale. C'est, sur la première, et le plus souvent à sa partie interne, que commencent les lésions, sous l’aspect d’exsudats jaunâtres, assez régulièrement arrondis, qui acquièrent les dimensions tantôt d'une fine, tantôt d'une grosse tête d’épingle. Il s’agit de véritables granulations, mais plates et molles, entourées d'une aréole congestive; nombre d’entre elles sont déjà réunies en amas, à une époque où le seul signe clinique consiste encore dans la <> paresse » du testicule. Ulté- rieurement, la fusion des granulations s’accentue, en même temps que de nouveaux exsudats apparaissent sur le musculus testis et sur la glande génitale elle-même. La séreuse qui sup- porte ces lésions se congestionne de plus en plus et se recouvre d’un granité hémorragique. A ce moment, les téguments sont déjà œdématiés. Survient ensuite la phase de crépitation amidon- nienne, symptomatique des premières adhérences unissantles deux feuillets de la vaginale (le mot vaginale étant pris, bien entendu, dans le sens exclusif que nous avons indiqué). Les altérations de ces deux feuillets s’accusent de plus en plus et, lorsqu’on détache le testicule de son enveloppe musculaire, on détermine la rupture d’une infinité de néo-vaisseaux, d’où la production d’un piqueté saignant. La face scrotale du musculus testis , sans rien offrir encore de bien anormal, commence à s'accoler, mollement, par sa séreuse, à la séreuse qui tapisse l’intérieur des bourses. Puis, on voit Tune et l’autre membrane se con- MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 637 gestionner vivement et se parsemer de fines pétéchies. Enfin, les granulations typiques y font leur apparition. Le muscle tes- ticulaire se trouve détruit peu à peu; la glande génitale adhère, d'une façon de plus en plus intime, aux téguments du scrotum et finit par s y fixer tout à fait. La réaction inflammatoire continue à s’accentuer et voici ce que révèle alors l’autopsie. Les parois des bourses apparaissent épaissies et lardacées, et leur face interne, ainsi que la face externe du testicule, sont réunies par un exsudât fibrino-purulent, d'aspect parfois hémor- ragique. On aperçoit les corps adipeux transformés en une gelée transparente, par résorption de la graisse et infiltration œdé- mateuse (œdème collatéral). Quant à l’alhuginée, plus ou moins sclérosée, elle enveloppe un parenchyme glandulaire exempt de lésions morveuses. Nous n’insisterons point sur les ulcéra- tions, mentionnées plus haut, qui peuvent mettre à nu une partie de l’exsudât contenu dans les bourses. Mais nous ajouterons qu’en dehors des altérations génitales il est commun de rencon- trer une éruption de granulations dans la rate, plus rare d’en observer au niveau du foie. Nous mentionnerons, enfin, l’exis- tence possible de nodules spécifiques, jaunâtres, sur les vési- cules séminales, qui se trouvent parfois adhérer ainsi entre elles, ou au corps adipeux soit correspondant, soit opposé. Dans le type subaigu , les lésions initiales sont essentielle- ment les mêmes, mais, une fois les testicules immobilisés dans le scrotum, elles perdent beaucoup de leur acuité. Les glandes mâles, intimement soudées à leur enveloppe musculaire, se fixent alors, par l’intermédiaire de celle-ci, à la partie posté- rieure et interne de la séreuse serotale , dans toute leur hau- teur et sur une étendue variable. Cette union se fait de plus en plus solide, en même temps que l’albuginée s’épaissit et que le parenchyme génital disparaît parallèlement. Puis, vient la fonte du musculus testis et l’inflammation progressive de la cavité des bourses, laquelle se remplit peu à peu d’un exsudât caséo-purulent. Cet exsudât distend le scrotum en avant et en dehors, refoulant en sens opposé le testicule, qui s’aplatit peu à peu et se réduit à une mince lamelle de tissu mou et gri- sâtre, insérée au milieu du disque fibreux que représente alors 1 albuginée. Lorsque la collection atteint un volume notable, les restes de la glande mâle sont repoussés de bas en haut, de telle 638 x\NNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sorte que, dans le petit nodule scléreux et homogène, bientôt confondu avec les parois de T abcès scrotal, et par lequel les corps adipeux atrophiés s’insèrent à ces parois, il devient impossible, à un moment donné, de reconnaître le moindre vestige du testicule et de son enveloppe. Le testicule disparaît donc par le mécanisme que nous venons d’indiquer, sans avoir jamais olïert de lésions morveuses. Inutile de revenir sur l’ou- verture des collections, caractéristiques du type subaigu; dans les cas, exceptionnels, où cette ouverture est suivie de guéri- son (locale), rien ne subsiste plus de la glande, ni de la cavité qui la logeait. Les granulations spléniques sont assez peu com- munes dans le type subaigu ; on les rencontre, ou bien chez les animaux qui succombent de bonne heure, ou bien chez ceux dont les abcès scrotaux s’évacuent après une poussée inflamma- toire du côté des téguments. Forme ectopique. Si 1 existence de cette forme n a même pas été soupçonnée, semble-t-il, jusqu ici, cela tient à ce que les auteurs, dans leurs travaux sur le bacille morveux, n’ont serré de près ni l’étude de la virulence ni celle des doses. La forme ectopique peut revêtir des aspects très variés, non seulement suivant les animaux, mais encore, sur le même sujet, d’un testicule à l’autre. Nous décrirons d’abord les prin- cipaux de ces aspects, envisagés en eux-mêmes , puis nous dirons quelques mots de la façon dout ils se combinent clini- quement. La maladie débuté par les phénomènes habituels (paresse du testicule, œdème des parties molles, crépitation amidonnienne), mais ceux-ci restent toujours peu accentués et ne tardent pas à rétrocéder. Puis, apparaît le signe pathognomonique de la forme ectopique: la persistance du testicule dans l’abdomen. Corrélativement, on sent se développer, au niveau de l’anneau inguinal, un petit nodule dur, plus ou moins régulièrement arrondi, qui répond à tout ou partie du musculus testis. Au-des- sus de lui, en effet, la palpation reconnaît, sans difficulté, la glande génitale que les lésions de son muscle maintiennent immobilisée. 639 MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE Un peu d habitude et aussi, bien entendu, la notion exacte de la topographie des alterations morveuses (fournie par l’ana- tomi e pathologique) , permettent de suivre ai vivo Révolution delà forme ectopique dans ses deux variantes : régressive et pro- gressive. La première offre une marche très simple. Après que le nodule inguinal a acquis lé volume d un pois, rarement plus, il se résorbe peu à peu, demeurant induré jusqu’à la fin. Le testicule reprend ensuite sa mobilité, mais sa course se trouve toujours limitée et son parenchyme apparaît souvent atrophié et mollasse. Dans le second type, le nodule continue à croître et s’accuse bientôt à la simple inspection de l’aine. 11 descend peu à peu au sein delà cavité scrotale, simulant, pour l’observateur non prévenu, la glande génitale elle-même, qui n’a pas bougé (et pouvait le faire de moins en moins). Suivant le degré de résis tance des sujets, la mort peut survenir à tous les stades delà croissance (et de la migration corrélative) du nodule venu de 1 abdomen. Continuons à décrire ces stades en eux-mêmes . Assez souvent, le développement ne dépasse guère celui d’une ave- line ; la tumeur peut alors se fixer aux parties voisines, se ramollir et s évacuer, soit au niveau de la racine de la verge, soit à l’intérieur du fourreau. La majeure partie de la cavité des bourses demeure libre, comme le montre l’exploration digitale ( type inguinal) . Ailleurs ( type scrotal secondaire ), la collection morveuse augmente progressivement de volume, distend le scrotum et finit par lui adhérer. A ce moment, les symptômes simulent tout à fait ceux de la forme scrotale subaiguë, d’autant mieux qu’il ne faut plus compter sur la pal- pation pour retrouver le testicule. L’empâtement de la zone inguinale et l’atrophie, alors parfois très accentuée, de la glande, expliquent le caractère confus des renseignements tirés de 1 examen physique. Du reste, arrivée à cette période, la forme ectopique offre localement les mêmes modes de terminaison que la forme scrotale subaiguë. Elle s’accompagne, plus fréquem- ment encore, de « métastases » farcineuses. Résumons, brièvement, les principales combinaisons observées par nous dans la forme ectopique: type scrotal secondaire, bilatéral (les collections s’ouvrent ou non,dcl’unou 040 ANNALES 1)E L’INSTITUT PASTEUR des deux côtés; la guérison locale est possible, même pour les deux collections, mais demeure exceptionnelle) — type scrotal secondaire d'un côté et type inguinal de l’autre (évolution variée des collections, ici encore) — type inguinal bilatéral (ouverture ou non, etc.) — type scrotal secondaire ou type inguinal d’un côté, et, de l’autre, type régressif, ou type éphé- mère (ubi infra ), ou même absence de lésions(les typesregressif et éphémère sont toujours unilatéraux) — enfin, forme scrotale aiguë ou subaiguë d’un côté, et, de l’autre, type régressif, type inguinal, ou type scrotal secondaire (combinaison déjà indiquée antérieurement) . Après avoir sacrifié une série d’animaux, atteints de morve génitale ectopique, nous sommes arrivé à établir, exactement, la filiation des lésions. Celles-ci débutent toujours par la face peritoneale du museulus testis / puis, les phénomènes réac- tionnels se circonscrivent rapidement et l’on rencontre au niveau du muscle un nodule blanchâtre, de plus en plus ferme, offrant quelquefois déjà un point caséeux à son centre. Dans le type régressif, le nodule, limité au voisinage de l’épididyme, n’atteint qu’un faible volume et rétrocède ensuite, comme l’indique la clinique ; il en résulte un raccourcissement, plus ou moins marqué, du cône musculaire et une diminution propor- tionnelle dans l’étendue des mouvements du testicule. Il n’est pas rare que la glande mâle présente un certain degré d’atro phie, à la suite de ces lésions, d’allure cependant bénigne. Dans le type progressif, le nodule morveux continue à croître et aboutit à la formation d’une poche fîbro-caséeuse ou fîbro- purulente, qui se substitue, en général, complètement au muscle testiculaire. Cette poche, appendue à la glande mâle, offre ordinairement, au début, un aspect piriforme, à grosse extré- mité dirigée en bas. Puis, lorsque son développement se pour- suit, elle prend l’apparence sphérique, distend progressivement le scrotum et finit par adhérer, d’une façon plus ou moins complète, à la séreuse qui tapisse l’intérieur des bourses. Inutile d’insister sur l’ouverture possible des collections, au niveau de l’aine ou du scrotum. Ce qu’il importe de savoir, c’est que la croissance de ces abcès s’accompagne presque fatalement de l’atrophie du testicule. Dans le cas d’atrophie totale, le diagnostic, même post mortem , n’est plus possible, pour qui n’a 041 morve EXPÉRIMENTALE du cobaye point suivi l’évolution des lésions, entre le type scrotal secon- daire et la forme scrotale subaiguë. Il arrive parfois que le pédicule, qui relie la poche fibro-caséeuse ou fibro-purulente à la glande mâle, se rompe à une période précoce de l’affection. On retrouve alors, à l’autopsie, d’une part l’abcès des bourses^ qui peut avoir atteint un volume notable, d’autre part le testi- cule, demeuré libre et tout à fait sam dans l’abdomen. De tels faits schématisent admirablement le mécanisme intime de la forme ectopique. Pour terminer ce qui a trait à l’anatomie pathologique de cette forme, notons la rareté des granulations splemques, etla présence, plusieurs fois constatée, d’abcès mor- veux, voisins des testicules, et pouvant souder ceux-ci entre eux. Nous devons nous contenter de signaler l’existence d’une forme incomplètement ectopique , dans laquelle la glande mâle, a cheval sur l’anneau inguinal, demeure plus ou moins engainee par son sac contractile, qui lui adhère sur une étendue proportionnelle. Cette forme passe progressivement à la forme ectopique pure, dont elle partage les variétés évolutives. Quant à la forme éphémère (mentionnée plus haut), elle débuté de la façon habituelle, puis tout rentre bientôt dans ordre et, si l’on sacrifie les animaux après quelque temps, aucun vestige ne subsiste de cette infection superficielle. Telles sont les apparences très variées que nous avons pu o server, depuis 4 ans, en inoculant, par la voie abdominale, a ose 10 de bacilles morveux d’énergie décroissante. Au début de nos recherches, cette dose n’a jamais engendré la forme ectopique; le plus souvent, on avait affaire à la forme scrotale aiguë. Puis la forme scrotale subaiguë a fini par l’em- porter sur la précédente, en même temps qu’apparaissaient es cas ectopiques. Aujourd’hui, ces derniers prédominent, la forme scrotale subaiguë n’est pas encore rare, mais la forme scrota e aiguë est devenue exceptionnelle et ne se rencontre guere que chez des sujets débilités. On avait deviné, sans peine, es rapports qui unissent tous ces types anatomo-cliniques à activité du virus et 1 on se doute bien que de tels rapports ne peuvent jamais offrir une rigueur mathématique, puisque la réceptivité individuelle ne perd jamais ses droits. H 9 642 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ÉTUDES DES DOSES SUPÉRIEURES A 10"2 Dans le principe, 10'1 tuait en 3-7 jours (c. e.). Actuellement, la mort survient en 5-27 jours (c. e.) ; la forme scrotale subaiguë prédomine, l’aiguë n’est pas rare, les cas ectopiques se montrent encore assez fréquents. Avec 1/2 centigramme, de tels cas con- stituent, même aujourd hui, une véritable exception et la forme scrotale aiguë est plus souvent observé que la subaiguë. Avec 1 centigramme, cette dernière ne se manifestait jamais autre- fois ; elle est encore assez rare maintenant, et l’inoculation détermine, dans la règle, soit l’apparition d’accidents scrotaux aigus, soit celle d’une péritonite suraiguë, mortelle en 12 à 24 heures. Les symptômes de la péritonite suraiguë, d’allure très vio- lente, n’offrent rien de bien caractéristique (tristesse, anorexie, poil piqué, ballonnement, douleur abdominale, hypothermie...) A l’autopsie, les lésions varient un peu, selon que le ventre contient, ou non, du liquide. Dans ce dernier cas , le péritoine montre une apparence poisseuse et les viscères, vivement con- gestionnés, sont revêtus, ça et là, de fausses membranes, ordi- nairement minces. Les frottis, obtenus en passant une lame à la surface des organes abdominaux, indiquent l’existence de leucocytes (surtout polynucléaires) et de bacilles morveux (en nombre variable, les uns intra, les autres extracellulaires). Dans le premier cas , même congestion viscérale ; fausses membranes plus développées, soit fixes, soit flottantes dans l’épanchement; et présence d’un liquide, abondant ou non, de consistance habituellement gommeuse, de couleur rosée ou rouge sale, d’aspect presque clair ou plus ou moins trouble. Les préparations, laites avec ce liquide, donnent sensiblement les mêmes résultats que les frottis de tout à l’heure. Lorsque la forme scrotale aiguë évolue très rapidement, les lésions peuvent rappeler, à la fois, celles qui viennent d’être décrites et celles qui caractérisent cette forme (mais avec une extension plus grande des nodules morveux). On rencontre, alors — à côté de la congestion viscérale, des fausses membranes et de l’épanchement abdominal, — un semis de granulations jaunes et molles, siégeant non seulement sur la vaginale, mais encore en divers points du péritoine, et, notam- MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 043 ment, sur la face externe de la rate, qui peut montrer un début d’adhérence avec la paroi. Inoculations dans la plèvre (cobayes mâles et femelles). , Les doses de 10'5’ 10'4’ iO-3’ 10-2 se sont constamment mon- trées inactives, I ' , qui tuait jadis à coup sur, n’est suivi d’effet, aujouid hui, qu exceptionnellement. Entre 1(H et \/2 centi- gramme, les résultats ont toujours varié; tantôt, l’inoculation est supportée sans dommage; tantôt, les animaux périssent en quelques jours ou en quelques semaines, par intoxication, avec disparition totale des germes injectés; rarement, on arrive au développement de lésions morveuses. En administrant 1 centi- gramme, nous avons toujours tué les sujets (à l’exception d’un seul, dans ces derniers temps), mais de façon différente. Les uns [pleurésie morveuse suraiguë) succombent en 24-36 heures avec un épanchement bilatéral, d’ordinaire gommeux et abon- dant, plus ou moins trouble, d’un rouge foncé ou non, conte- nant des leucocytes (surtout polynucléaires), des hématies, mais non constamment des bacilles. Dans les cas négatifs, nous avons pu observer souvent la stérilité absolue du liquide pleural et du reste de l’organisme. D’autres meurent, très vite de morve granulique, avec un semis de tubercules gris et jaunes sur les poumons, le foie, la rate, rarement ailleurs. Certains sont enlevés par un empoisonnement lent. Enlin, un dernier groupe contracte le farcin subaigu, soit local, soit a métasta- ique », soit mixte. Dans le premier cas, on voit apparaître, sur le cote du thorax, un ou deux abcès correspondant au point de 1 inoculation virulente. Ces collections, de même que les abcès abdominaux des femelles infectées par la voie péritonéale fJl mfra)> doivent évidemment leur origine au développement < e germes déposés là pendant l’injection, ou bien ayant reflué, ultérieurement, hors de la cavité pleurale. Les manifestations pai lesquelles peut se traduire le farcin « métastatique » sont des plus variées. Nous allons les énumérer, brièvement, une fois pour toutes. Pustules. — Fréquentes et siégeant dans les différents points , CW'PS’ ave(î prédilection pour le scrotum et, à un moindre dilculté0Ur *randeS lèVreS’ E1IeS Surissent sans aucune 644 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Abcès. — Fréquents également; plus ou moins volumineux; à localisation fort variable (dos, nuque, région fessière, front, etc.). L'ouverture et la cicatrisation consécutive ont lieu, ou non, avant la mort des animaux. (Les collections splanch- niques se voient rarement, en dehors de l'infection intrapéri- tonéale du cobaye femelle.) • Engorgemerits massifs des membres. — Très étendus ; disparaissent par résorption lente, ou bien se circonscrivent et aboutissent à des nodules fibro-purulents. Non exceptionnels. Ostéopémostites — Ordinairement localisées à la partie inférieure des os de l'avant-bras et de la jambe et compro- mettant rarement les mouvements de l’articulation sous-jacente. Assez fréquentes aux doigts et aux orteils ; rencontrées, quel- quefois aussi, au niveau de l'un des ischions. Aux membres, la guérison est de règle et, s’il se forme des tumeurs fîbro-puru- 1 entes, on les voit rarement s’abcéder, à cause de leur très lente évolution. Aux doigts et aux orteils, la chute des articles atteints a été souvent notée. Enfin, à l'ischion, la suppuration se montre abondante et de longue durée. Les ostéopériostites, assez com- munes chez les cobayes adultes, le sont encore bien plus chez les jeunes sujets ( ubi infra). Orchite. — Les lésions génitales, non rares, offrent d'habi- tude un siège unilatéral; nous y reviendrons plus tard, dans un autre travail. Paraplégie. — Elle n'est pas exceptionnelle. Début rapide, paralysie complète des membres inférieurs, incontinence des réservoirs, telle est sa symptomatologie essentielle. Nous ferons remarquer — une fois pour toutes également — que, dans les cas où les inoculations morveuses sont suivies d'accidents infectieux ou toxiques à forme lente, les animaux contractent assez fréquemment des maladies intercurrentes , qui les enlèvent presque toujours (notamment la pseudo-tuberculose et la a maladie du nez des cobayes »). Inoculations sous la peau (de l'abdomen, cobayes m. et f.). r m Jadis, 10-2 déterminait l’apparition d'un abcès, parfois accom- pagné de signes farcineux et souvent suivi de mort, en 26-31 jours (c. e.); 101 tuait constamment en 2 à 3 semaines. Aujourd’hui, avec ces deux doses, tout se borne à un nodule MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 645 sous-cutané éphémère, sans purulence; il s'y joint, ou non, une émaciation momentanée. 1 centigramme engendre, actuelle- ment, une suppuration locale, avec retentissement ganglion- naireplus ou moins marqué. Cette suppuration guérit d'habitude facilement et l’animal peut survivre dans bien des cas; sinon, il périt à la suite de complications métastatiques. Inoculations dans les muscles (de la fesse, cobayes m. et f.). Actuellement, 10~2 est supporté sans réaction aucune. 101 produit un empâtement transitoire, accompagné, ou non. d’un petit abcès superficiel, vite termine, et l’animal maigrit modérément. En injectant 1 centigramme, on obtient des résul- tats variables : tantôt, un empâtement transitoire, etc., comme tout à l’heure ; tantôt, une vaste suppuration des masses muscu- laires, amenant rapidement la mort avec généralisation du virus (granulations dans la rate et le foie); tantôt enfin, une collection locale à évolution assez lente, compliquée de lésions génitales (cobaye mâle) et autres « métastases »; l’animal succombe alors en quelques semaines. ÉTUDE DE L’ÉCHANTILLON C Inoculations dans le péritoine du cobaye mâle. La dose de 10-8 n’a jamais infecté les animaux; 10'7 tue en 20-27 jours, avec la forme scrotale subaiguë (le virus C paraît incapable d’engendrer la forme ectopique, chez V adulte ); KL6 détermine ordinairement la production de la forme scrotale aiguë et les sujets succombent en 9-39 jours (c. e.); KL5 la déter- mine presque toujours (mort en 6-52 jours — c. e.) ; KL4 tue les cobayes en 5-28 jours (c. e.); 10~3 à peu près de même; 10‘2 également; on obtient régulièrement, avec ces 3 doses, l’apparition de la forme scrotale aiguë, et la mort se montre d’autant plus rapide, d’une façon générale, que l’on a introduit plus de germes dans le péritoine; les lésions spléniques sont constantes. Enfin, après injection de KL1 (presque toujours) et de 1 centigramme (constamment), on voit les animaux périr, en 12-24 heures, de péritonite suraiguë, avec le tableau anato- mique décrit à propos du virus M. 646 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Inoculations dans la plèvre (cobayes m. et f.). La close sûrement mortelle est ici de ÎO1, mais on fait sou vent périr les animaux avec 10 2 et, quelquefois, avec 10'3. Inoculations sous la peau (de l’abdomen, cobayes m. et f.). Les résultats obtenus demeurent inconstants avec KL5 et 10'4. Certains sujets résistent, tandis que d’autres n’offrent qu’un nodule sous-cutané transitoire, disparaissant par résorption ou après évacuation d’une ou deux gouttes de pus, et que d’autres, enfin, contractent un abcès étendu, très souvent accompagné de « métastases » et ordinairement suivi de mort. Avec 10'3, cette terminaison devient la règle. Avec lO'2, aucun animal ne survit, et voici ce que 1 on observe : les abcès morveux, de grosseur variable (ils oscillent entre le volume d’une noisette et celui d’un œuf de poule), affectent une allure plus ou moins rapide; ils s ouvrent par une vaste eschare, ou par amincissement progressif des téguments ; dans ce dernier cas, la multiplicité des orifices est plus commune que dans le premier. La guérison locale ne constitue pas une exception. Le retentissement ganglionnaire, habituel, porte sur les glandes inguinales, plus rarement sur les glandes axillaires, il se montre d intensité variable et les glandes suppurent quelquefois. Les « cordes farcineuses », allant de 1 abcès aux ganglions de 1 aine, sont peu fréquentes et toujours transitoires. Les « métastases » surviennent très souvent. La survie est de 20 à 45 jours (c. e.). Enfin, à l’autopsie des animaux morts en peu de temps, la rate, et éventuellement le foie, contiennent des granulations. 13 à 25 jours, avec abcès local et marquée du virus. L inoculation de 10 1 tue en généralisation plus ou moins Inoculations dans les muscles (de la fesse, cobayes m. t f.). 10"2 et 10-1 ne déterminent qu’un empâtement transitoire, avec ou sans apparition d’un petit abcès superficiel : il se produit souvent un peu d’émaciation. Avec 1 centigramme, on observe, au contraire, la fonte rapide des tissus infectés; la peau s’es- charilîe sur une grande étendue et, lors de la chute de la plaque nécrosée, on aperçoit un bourbillon caséiforme baignant dans le pus et laissant a sa place, lorsqu’on l’enlève, une vaste cavité anfractueuse. La mort arrive en 1 à 2 semaines. MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 647 INOCULATIONS INTRAPÉRITONÉALES, AVEC LES ÉCHAN- TILLONS M ET C, CHEZ LE COBAYE FEMELLE ADULTE Nous recommandons, à ceux qui voudraient répéter nos expériences, d 'éliminer — plus encore ici que pour les autres modes d’inoculation — les vieilles femelles , d’ordinaire peu résistantes, et surtout les femelles pleines , hypersensibles (prin- cipalement à l’infection intra-abdominale). EXPOSÉ DES FAITS Expériences avec le virus M. — Les doses de UH , 10~4 , 10 3 , 10~2, 10-1 n’ont jamais produit d’accidents (tout au plus un peu d’émaciation transitoire avec 10'1). Entre 101 et 1/2 centigramme, les résultats varient, comme pour l’inoculation intrapleurale pratiquée chez les animaux des deux sexes. Certains sujets résistent, après avoir quelquefois offert un petit nodule , suppuré ou non, au niveau de la piqûre de l’aiguille; d’autres succombent, en quelques jours ou quel- ques semaines, à un véritable empoisonnement, car on ne retrouve aucune trace des germes inoeulés, ni dans l’abdomen ni ailleurs; rarement, on assiste à l’apparition & accidents farcineux , lesquels se localisent volontiers aux cavités splanchniques : poches fibro-caséeuses ou fibro-purulentes, siégeant dans l’épiploon, le mésentère, les ligaments séreux du foie et de la rate, les ganglions bronchiques, etc... Certaines des poches péritonéales peuvent adhérer à la paroi abdominale, certaines sont entourées de granulations morveuses satellites. Avec 1 centigramme (dose sûrement mortelle jadis), les résultats se montrent différents aujourd’hui selon les animaux; un petit nombre supporte l’inoculation, le reste meurt : tantôt, de péritonite suraiguë (inutile de décrire à nouveau ses carac- tères), en 24-36 heures; tantôt, d’intoxication rapide ou lente; ailleurs, de farcin subaigu, local, « métastatique », ou mixte. Le farcin « métastatique » peut être interne ou externe; le farcin local se traduit par la formation d’un abcès de la paroi, compa rable à l’abcès thoracique des sujets inoculés dans la plèvre. Nous ferons remarquer, en y insistant tout particulièrement , que cet abcès de la paroi abdominale, assez fréquent chez la 648 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR femelle a la suite de l’injection de 1 centigramme dans le péri- toine, n a jamais été observé chez le mâle, infecté de la mênr façon. De même, pour les petits nodules dont nous parlions plus haut (inoculation de 101 à 1/2 centigramme). C’est là un point important et sur lequel nous reviendrons plus tard. Expériences avec le virus C. — La dose de KH ne produit aucun effet. 1 (H tue en 11-29 jours (c. e.), avec ou sans nodule pariétal, mais avec lésions farcineuses constantes (péritonéales, principalement). KH amène la mort en 10-16 jours (c. e.); on observe les mêmes phénomènes que dans le cas précédent, et il s y ajoute, d ordinaire, une éruption granulique sur la rate, le foie, le péritoine. 101 provoque habituellement l’apparition d’une péritonite suraiguë, 1 centigramme toujours. EXEMPLES D’INOCULATIONS INTRAPÉRITONÉALES, CHEZ LE MALE ET LA FEMELLE, AVEC LES MÊMES DOSES d’üNE MÊME ÉMULSION. Comme on le voit, il existe une différence énorme entre la sensibilité des cobayes mâles et celle des cobayes femelles, vis-à-vis de l’inoculation intrapéritonéale du virus morveux. Avant de rechercher le motif d’une telle différence, il nous a paru intéressant de rapporter quelques expériences, choisies Parmi un très grand nombre, et dans lesquelles la même dose de la même dilution a été injectée, parallèlement, à des animaux des deux sexes. On inocule, en même temps, 2 cobayes femelles, pesant 565 et 610 grammes et 5 cobayes mâles, de 525 grammes chacun. Tous les animaux reçoivent 0- (virus M) dans le péritoine. Les femelles résistent; les mâles succombent , respectivement 13 jours \ /2 et 31 jours 1/2, avec les lésions classiques. 0n ln°cule> en même temps, 2 femelles (500 et 510 grammes) et 2 mâles (505 et 525 grammes). Chaque animal reçoit 10-2 (virus M); les femelles résis- tent; les mâles meurent (18 jours 1/2 et 6 jours 1/2), avec les lésions clas- siques. On inocule, en même temps, une femelle (500 grammes) et un mâle (08O grammes), avec 10-' (virus M.) La femelle résiste; le mâle succombe en 26 jours 1/2 (lésions classiques). On inocule, en même temps, une femelle (540 grammes) et un mâle (500 grammes), avec 1/2 centigramme (virus M). La femelle résiste (éma- ciation et retour à la santé) ; le mâle périt en 4 jours 1/2 (lésions classiques). On inocule, en même temps, 2 femelles (600 et 790 grammes) et 2 mâles MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 64 9 (605 et 770 grammes), avec un centigramme (virus M). Les femelles résistent (émaciation et retour à la santé); les mâles succombent (10 et 12 jours, lésions classiques). Des expériences identiques ont été faites avec le virus C. Les doses comprises entre KL7 et 10'4 (inclusivement) se sont toujours montrées inoffensives pour les femelles, comme nous Pavons dit plus haut. Inutile, d'ailleurs , de multiplier les exemples, chacun pouvant vérifier aisément P exactitude d’un fait aussi général que celui qui nous occupe. RAISON DES DIFFÉRENCES ORSERVÉES A LA SUITE DES INOCULATIONS INTRAPÉRITONÉALES CHEZ LE MALE ET LA FEMELLE A priori , il apparaît que ces différences doivent tenir simple- ment à ce que la séreuse, qui revêt la face péritonéale du musculus testis , offre, vis-à-vis du virus morveux, une bien plus grande sensibilité que le reste de la séreuse abdominale, celle-ci jouissant du pouvoir d’annihiler complètement et rapi- dement des doses parfois très élevées de virus, celle-là se mon- trant incapable d’avoir raison de quelques unités. Si c est la, vraiment, la seule raison des phénomènes observés, il suffira de châtrer le cobaye mâle, pour lui conférer la faculter de résister à toute dose de virus supportée par la femelle. L’expérience prouve qu'il en est ainsi. Rien de plus facile que d’enlever le testicule et de détruire son muscle du même coup, par la voie scrotale. Nous recommanderons seule- ment de pratiquer une ablation bien complète — de ne pas faire de ligatures — et d’attendre quelque temps avant l’inocu- lation d épreuve. En effet, des restes, même minimes, des tissus « hypersensibles » ; une irritation, aseptique cependant, déterminée et entretenue parle fil à ligature; une infection trop précoce, surprenant les moignons en voie de cicatrisation, suffiront à permettre l’éclosion de lésions morveuses. On voit se former alors une induration bilatérale, limitée à la région des anneaux et pouvant atteindre le volume d un gros pois. Lorsque la vie vient à se prolonger, la tumeur se ramollit et a même le temps de s ouvrir au dehors. Le peu d’animaux, observés par nous, ont tous succombé; mais nous estimons que la guérison n est nullement impossible, nous basant sur la première de deux 050 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR expériences relatées plus loin, lesquelles concernent la castra- tion pratiquée chez le cobaye déjà infecté. Une dernière précaution à prendre, si l’on veut réussir, consiste à ne châtrer que des animaux bien robustes; les sujets un peu faibles supportent mal l’opération et meurent cachectiques, après un temps parfois assez long1, sans lésion aucune. Ceci dit, voici, à titre d’exemples, deux expériences qui prouveront que, chez le mâle, la cavité générale du péritoine n’est réellement pas plus sensible au bacille de la morve que chez la femelle. On inocule, simultanément, 10-1 (virus M) dans le péritoine d’une femelle (580 gr.), d’un mâle (570 gr.), et d’un mâle châtré depuis 35 jours (640 gi\). Le ?ndle meurt en 18 jours 1/2, avec les lés. cl. ; la femelle résiste (et reçoit ensuite, impunément, 3 inoculations de 10-1 dans le péritoine); le mâle châtré résiste également (sacrifié après 100 jours — poids 750 grammes — il ne montre aucune lésion). On inocule, simultanément, 1/2 centigramme (virus M) dans le péritoine d’une femelle (750 gr.), d’un mâle (710 gr.), et d’un mâle châtré depuis 71 jours (530 gr.), Le mâle meurt en 7 jours 1/2, avec les lés. cl. ; la femelle résisté (émaciation modérée); le mâle châtré résiste également (après avoir maigri un peu, il augmente progressivement de poids et, au bout d'un an, pèse 1,130 gr . — une pareille hypersarcie est de règle chez tous les animaux châtrés). Ces expériences prouvent également que la cavité des bourses n’offre pas une sensibilité supérieure à celle du péritoine mâle et femelle (exception faite, naturellement, pour la zone vulné- rable du péritoine mâle). L’étude anatomo-clinique nous avait déjà conduit à cette conclusion, en nous montrant que, dans la forme scrotale, la séreuse des bourses ne se prend que secon- dairement et que, dans la forme ectopique, elle peut demeurer indéfiniment saine. Toutefois, si on accumule, à son niveau, une grande quantité de germes, il n’est pas étonnant que l’on réussisse à déterminer une réaction inflammatoire. Celle-ci se limite d’ailleurs rapidement et aboutit à la production des lésions bénignes. En voici un exemple. (A). On inocule, dans chacune des séreuses scrotales d’un cobaye mâle (620 gr.), 1/2 centigramme (virus M) : empâtement des bourses, avec rougeur de la peau; puis, rétrocession des phénomènes inflammatoires, qui aboutis- sent à la lormation de deux nodules cutanéo-sous cutanés, auxquels adhère 1 extrémité inférieure des testicules. Ces nodules se ramollissent, puis §’ou- MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 651 vrent successivement, le gauche d’abord. La suppuration dure assez longtemps. Le testicule droit finit par se libérer, l’autre demeure fixé dans le scrotum* mais sain. Emaciation marquée, tardive, suivie de retour à la normale et d’augmentation de poids. Après 116 jours, 670 grammes (+ 50); l’animal va très bien; à droite, la cavité scrotale et le testicule ont repris leurs carac- tères physiologiques; à gauche, la cavité scrotale a disparu en partie et le testicule adhère à ses parois. On injecte, sous la peau de l’abdomen, I centi- gramme de bacilles morveuxtués par T alcool-éther (virus M — en abrégé* 1 centigr Mas) : réaction normale. Après 25 jours, on inocule 101 (virus C) sous la peau : petit nodule suppuré, rapidement guéri. (Un témoin meurt en 20 jours.) L’animal est encore en observation. Cet exemple montre, une fois de plus, que les lésions du cobaye mâle ne peuvent être reproduites que si Ton s’attaque directement à la séreuse qui revêt la face péritonéale du muscle testiculaire; il montre anssi que nous avions raison de considé- rer la cavité scrotale, à notre point de vue , comme une simple bourse séreuse sous-cutanée. Mais comment expliquer cette curieuse vulnérabilité de la partie du péritoine qui tapisse le musculus testis? On est porté à incriminer tout d’abord Linfluence des mouvements, si fréquents, de ce muscle, constituant, pour la séreuse qui le recouvre, une source de tiraillements et de frottements répélés, très propre à créer là un lieu de moindre résistance. Qui ne sent, cependant, ce qu une telle explication offre d’insuffisant? Nous apprend-elle pourquoi cette vulnérabilité se manifeste électivement vis-à-vis des bacilles morveux (et d’un très petit nombre d’autres germes), si electivement même qu elle peut être mise en évidence par injection intra-péritonéale de bacilles morts ( ubi infra )? Avant de terminer ce chapitre, nous signalerons 3 expé- riences que pourront faire ceux qui voudront aller plus loin que nous dans 1 analyse des localisations initiales delà morve chez le cobaye mâle. Ces expériences consisteront, après laparotomie, à détacher simplement les testicules de leurs muscles, en les laissant dans l’abdomen — à les détacher, puis à les enlever ou à les détacher, les conserver et détruire le musculus tes- tas; on laissera passer un certain temps, puis on inoculera le virus dans le péritoine des animaux soumis à ces 3 ordres de mutilations. Nous mentionnerons aussi l’intérêt qu’il y aurait à étudier la chirurgie de la morve expérimentale , notamment sur le 652 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cobaye male, en infectant, par exemple, celui-ci avec des doses diverses de virus et en enlevant les testicules à des intervalles variés. Voici deux expériences entreprises dans cet ordre d’idées. (B) . Un cobaye mâle, de 670 grammes, reçoit 10-2 (virus M) dans le péri- toine (un témoin meurt en 25 jours, avec les lés. cl.). Le lendemain, aucun signe anormal du côté des bourses. On enlève les testicules, par la voie scro- tale, en dilacérant les muscles testiculaires; un examen attentif ne montre aucune altération des parties extirpées. A la suite de l’opération, empâtement des bourses et un peu de suppuration bilatérale, venant des moignons (ouver- ture au dehors et guérison). Emaciation maxima : — 130. Après 91 jours, l’animal pèse 710 grammes (+ 30). On injecte, sous la peau de l’abdomen, 1 centigramme Mae : empâtement local assez marqué, qui diminue de volume et s’indure, puis se ramollit au centre; mais le pus se résorbe. Nous en con- cluons à la guérison de l’animal, hypothèse rendue déjà quasi certaine de par la clinique. Après 20 jours, nous l’éprouvons sous la peau (côté droit de l’abdomen) avec !0-5 (virus C). Abcès local qui guérit; tuméfaction des gan- glions inguinaux droits, puis gauches. Ensuite, phénomènes de farcin subaigu : tuméfaction des’ganglions axillaires droits; abcès du dos, qui s’ouvre et guérit; ulcérations scrotales bilatérales, qui guérissent aussi. La santé, d’abord conservée, s’altère de plus en plus et de nouveaux phénomènes apparaissent : abcès de la nuque, demeurant stationnaire; ouverture des ganglions inguinaux gauches, puis droits ; collections au niveau des poignets droit, puis gauche. Enfin, l’animal est pris de paraplégie, avec incontinence des réservoirs et on le sacrifie après 77 jours; à l’autopsie, éruption granu- leuse sur la rate. (Le témoin, qui avait reçu également, sous la peau, 10-5 de virus C, était mort en 14 jours 1/2, avec abcès local, « orchite » gauche et granulations spléniques). On peut voir que l’ablation des testi_ cules, pratiquée le lendemain de l’inoculation, a exercé, sur la marche de l’infection, une action des plus favorables, la guérison consécutive ne fai- sant aucun doute pour nous. Mais celte infection curable n’a laissé à sa suite qu’une résistance limitée vis-à-vis du virus C. (C) . Un cobaye mâle (625 gr.) reçoit 10-2 (virus M) dans le péritoine, en même temps que le précédent (môme témoin aussi). Le surlendemain, bourses encore normales ; on enlève les testicules, qui paraissent sains. Empâtement consécutif du scrotum, suivi de suppuration du moignon gau- che. Guérison sans émaciation. Après 78 jours, on inocule 10-1 (virus C) sous la peau (côté gauche de l’abdomen). Abcès local qui guérit; ulcération scro- tale à gauche, qui guérit aussi; tuméfaction des ganglions inguinaux gau- ches. Emaciation moyenne ( — 80), suivie de retour à la normale, puis d’augmentation continue de poids. — Après 54 jours, 800 grammes; on injecte, sous la peau, 5 centigrammes de malléine sèche (malléine brute, précipitée par l’alcool, puis séchée dans le vide ; 5 centigr. = 2 c. c., 75 de mall. brute), dissoute dans un peu d’eau : le cobaye ne montre pas plus de réaction locale qu’un témoin neuf, de même poids (le lendemain, œdème MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 653 modéré, mou, allongé, avec teinte rosée de la peau ; le surlendemain, cet œdème durcit et commence à diminuer de volume ; après 4 jours, tout est fini); mais on voit bientôt survenir des phénomènes de larcin subaigu: ouverture des ganglions inguinaux gauches, qui étaient demeurés un peu tuméfiés; apparition d’un ganglion axillaire gauche, qui atteint le volume d'un œuf de pigeon et suppure ; abcès de la nuque ; émaciation rapide, sur- tout dans les derniers jours de la vie. Mort en 56 jours 1/2; à l’autopsie, aucune lésion viscérale. (Le témoin, qui avait reçu également, sous la peau, 10-i de virus C, était mort en 17 jours 4/2, avec abcès local ; abcès de la patte antérieure gauche, compliqué de tuméfaction des ganglions axil- laires correspondants; et éruption granuleuse sur le foie et la rate.) Celte observation montre que l’ablation des testicules, pratiquée le surlendemain de l’inoculation, peut encore être suivie de guérison (tout au moins la clini- gue î end 1 hypothèse de la guérison plus que probable, dans le cas qui nous occupe). La résistance, offerte ensuite par l’animal vis-à-vis du virus C, nous semble très remarquable. Il est même permis de supposer que le cobaye aurait pu arriver à se débarrasser complètement des germes morveux sans l’injection de malléine qui, en réveillant l’activité du foyer ganglionnaire de l’aine gauche, a permis le développement des « métastases » consécutives et, partant, la mort du sujet. Ces deux expériences établissent, à n’en pas douter, Y in- fluence thérapeutique de la castration , pratiquée, même 2 jours, après l’inoculation intrapéritonéale. Il serait également indiqué d’enlever les ganglions morveux , consécutifs aux abcès sous-cutanés guéris, ganglions dans les- quels le virus semble d’ordinaire se cantonner exclusivement. Etc., etc., la morve constituant, par la variété de ses localisa- tions, un excellent test-objet pour la chirurgie expérimentale des maladies infectieuses. INOCULATIONS RÉPÉTÉES DE VIRUS M CHEZ LE CORAYE ADULTE. — IMMUNISATION, PAR LE VIRUS M, CONTRE LES VIRUS M ET C Ayant déterminé, avec précision, aux diverses étapes de sa baisse de virulence, l’activité des diverses doses du virus M, administré par diverses voies, nous avons été amené, corréla- tivement, à étudier l’effet des réinoculations de ce virus, pratiquées soit avec des doses toujours inoffensives, soit avec des doses croissantes. Ces réinoculations avaient, naturelle- ment, pour objet, d’immuniser les cobayes contre l’échantillon M et, si possible, contre l’échantillon C. Une grande quantité 654 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR d animaux ont été traités par les injections vaccinantes , mais quelques-uns seulement ont pu être soumis aux injections d épreuve, l’immense majorité ayant péri, au cours de l’immu- nisation, par suite surtout de maladies intercurrentes, qui éclataient, fréquemment, sous forme épidémique (pseudo- tuberculose et « maladie du nez des cobayes», principalement — ubi infra). L’expérience nous a montré, il est vrai, que, durant le traitement par les microbes vivants ou morts — et cela malgré toutes les précautions désirables et une pratique de plus en plus grande du sujet — il fallait s’attendre à perdre un certain nombre d’animaux d’infection ou d’intoxication mor- veuses, aiguë ou chronique, comme aussi d’infections étran- gères. Mais le nombre des pertes ne devrait guère, d’après nos estimations, excéder, tout bien compris, 30 0/0 environ des sujets en expérience. Or, avec les épidémies auxquelles ceux-ci ont été fréquemment en butte, épidémies frappant indistincte- ment tous les cobayes, les neufs comme les traités et, parmi les traités, les plus forts comme les moins robustes, nous pouvons affirmer que la mortalité a sûrement atteint 95 0/0 des animaux que nous cherchions à vacciner par différents moyens. Si, à ces conditions défavorables de travail, on joint l’in- contestable difficulté d’obtenir la résistance au virus morveux, on ne s’étonnera point de la quantité limitée d’observations positives rapportées par nous. INOCULATIONS RÉPÉTÉES DE VIRUS M Par la voie sous-cutanée , il est aisé d’injecter, à plusieurs reprises, KL2, sans courir aucun risque; mais KL1 peut déter- miner une certaine hypersensibilité , se traduisant par l’appari- tion de nodules locaux, qui font défaut ou se montrent bien moins marqués chez les témoins. Nous avons même vu ces nodules aboutir exceptionnellement à une suppuration minime et sans gravité (observation D). Dans les muscles , KL2, et même KL1, sont parfaitement supportés, mais l’inoculation réitérée de 1/2 centigramme expose à une émaciation prolongée, susceptible d’amener la mort par cachexie, avec ou sans infection surajoutée (« maladie 655 MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE du nez ))5 ordinairement). Quand on passe à 1 centigranijne, il faut se méfier de lapparition du farcin subaigu à la 2e ou 3e inoculation. Il est vrai cjue ce farcin a toujours revêtu un caractère curable, dans les cas où nous l’avons observé, témoin les 2 observations suivantes : (D). Un cobaye mâle (626 gr.) reçoit 6 fois 10-2, puis 3 fois KH, sous la peau (intervalles : 9-39 jours) : aucun effet, ou émaciation (généralement modelée). A la suite de la dernière inoculation, on observe une minime suppuration, rapidement guérie. 18 jours après, 860 grammes ( -f- 235) ; on injecte 1 centigramme dans les muscles : injection bien supportée. 8 jours apiès, encoie 1 centigramme ; tuméfaction transitoire des ganglions ingui- naux gauches , le testicule droit se prend ensuite, mais redevient vite mobile. 67 jours après, 910 grammes ( + 50); on injecte 1 centigramme Mae sous la peau : abcès, que Ton ponctionne ; élimination d’un bourbillon et cicatri- sation en peu de temps (absence de germes, dans l’abcès, démontrée par l’examen microscopique, la culture et l’inoculation). 22 jours après, 960 grammes ( + 30) ; seconde injection de 1 centigramme Mas : nouvel abcès, à guérison rapide ; émaciation moyenne (maximum — 90). Après 31 jours, 930 grammes ( — 30); on injecte encore 1 centigramme Mae sous la peau : réaction plus violente que dans les 2 cas précédents : eschare ; ulcération; suppuration, qui élimine le bourbillon; cicatrisation sans encom- bre, mais émaciation marquée (maximum — 140). Après 108 jours, 920 grammes (— 10); encore 1 centigramme Mae sous la peau : empâte- ment marqué, qui rétrocède en majeure partie et aboutit à un abcès limité; ' Peu d’émaciation (maximum — 30). Après 41 jours, 990 grammes (+ 70) ; encoie 1 centigramme Mae sous la peau: empâtement moyen, devenant fluctuant en un point; il sort un peu de pus, par un orifice excessivement petit (correspondant à la piqûre de l’aiguille) et, ensuite, line assez grande quantité, par un second orifice, voisin du premier et plus grand ; émaciation moyenne ( — 60). Après 44 jours, 920 grammes ( — 70); 6e injection de 1 centigramme Mae sous la peau : réaction moyenne ; augmente régulière- ment de poids ; après 43 jours, 102 grammes (4- 100) : on le saigne à blanc, pour étudier les propriétés de son sérum ( ubi infra) ; l’autopsie ne montre aucune lésion morveuse. (E). Un cobaye mâle (700 gr.) reçoit 9 fois 10'2 dans les muscles (inter- valles : 7-27 jours) : aucun effet, ou émaciation moyenne. On injecte, ensuite, une fois 10-i, puis 3 fois 1 centigramme (intervalles : 6-29 jours) : les 3 dernières inoculations amènent une émaciation marquée et la dernière des phénomènes de farcin subaigu : énorme masse ganglionnaire dans laine gauche — puis, tuméfaction des ganglions inguinaux droits — puis, abcès de la patte antérieure gauche — ensuite, engorgement des glandes de 1 aisselle gauche. Tous ces accidents guérissent peu à peu, par résolution (à la suite d oscillations, pour ce qui concerne les ganglions inguinaux droits), linalement, un petit abcès, survenu au poignet droit, s’ouvre et se cicatrice îapidement. La guérison est totale après 110 jours. A ce moment* l’animal 656 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pèse 4,020 grammes (+ 320) et offre une excellente santé. 117 jours après la dernière inoculation de 1 centigramme, on injecte 1 centigramme Mae sous la peau : empâtement moyen, de consistance moyenne, qui s’allonge d abord, puis durcit et se résorbe, après s’être temporairement ramolli au centre. Emaciation moyenne (maximum — 70). Après 27 jours, on saigne 1 animal, pour étudier les propriétés de son sérum (ubi infra). Cette saignée entiaîne une perte de poids marquée ( — 190), suivie d’un retour à la nor- male. 155 jours après l’injection de 1 centigramme Mae (127 jours après la saignée), on inocule 10-2 (virus C) sous la peau : abcès à marche aiguë, sans retentissement ganglionnaire; guérison complète au bout d’un mois (un témoin de 1,000 grammes meurt en 23 jours : abcès local, tuméfaction des ganglions inguinaux correspondants, « orchite métastatique » bilatérale, pustules à la face. A 1 autopsie : granulations spléniques, pus dans les gan- glions de Taîne, lésions génitales appartenant à la forme scrotale aiguë). On saigne alors 1 animal à blanc, pour étudier les propriétés de son sérum ( ubi infra). L autopsie ne révèle aucune lésion morveuse. L inoculation répétée de 10‘2, dans la jolèvre^ se montre presque toujours inoffensive. Certains sujets, cependant, la supportent mal et peuvent même offrir des accidents curables, tel le cobaye dont voici l’observation très résumée : Un cobaye mâle (715 gr.) reçoit 2 fois 10-2, dans' la plèvre, à 9 jours d intei valle). La seconde inoculation provoque une émaciation très forte et durable. 6 mois après cette seconde inoculation, on réinjecte 10-2 : émacia- tion mai quée; le testicule gauche se prend , puis redevient mobile ; la santé générale se rétablit sans encombre. L’autopsie, pratiquée plus tard, l’animal ayant succombé à la « maladie du nez », a démontré Y absence de lésions morveuses et la guérison complète des accidents du testicule gauche. On peut aussi noter de l’ hypersensibilité , quand on passe à 10 U comme dans le cas suivant (très résumé également. Nous avons limité, le plus possible, le nombre des observations rapportées dans ce travail et nous les avons souvent réduites à leurs traits essentiels, afin de ne pas surcharger le texte) : Un cobaye femelle (550 gr.) reçoit 2.10-1 dans la plèvre, puis 6 fois 10-2 (intervalles : 10-35 jours). 10 jours après la dernière inoculation, on injecte 10-i : Y animal meurt dans la nuit. A l’autopsie : épanchement pleural bilatéral, abondant, gommeux, rougeâtre, pauvre en leucocytes et en microbes: rien ailleurs (un témoin, inoculé dans la plèvre avec 10-i a parfaitement résisté). Cette observation constitue un schéma parfait de V hyper sensibilité au virus de la morve . Voici, en effet, un animal qui résisté d’abord à 2.10-1 et qui, après 6 injections de 10-2, ne pouvant plus supporter 10-i, périt en quelques heures - alors que l’infection par 10~i constitue une exception et suit toujours une marche lente. MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE (ÎS7 3Iais J hypersensibilito n est nullement de règle dans ces conditions (témoin, l’observation N) et, quand elle se produit, tout peut se borner à l’apparition d’accidents curables (exemple, le cobaye I). rPk co^a/les femelles peuvent être soumis impunément, a itude, à des inoculations intrapéritonéales réitérées de 10 2. Cependant les cas de mort, par cachexie, ne constituent pas une rarete. En voici un exemple : Un cobaye femelle (650 gr.) reçoit 10-2 dans le péritoine : émaciation transitoire. Apres 15 jours, on réinocule 10-2 ; émaciation forte et durable. Apres 141 jours, nouvelle injection de 10-2; mort en 27 jours 1/2, sans aucune lésion morveuse. Les injections répétées de KH demeurent habituellement moffensives, mais, avec 1/2 centigramme, il faut aller pru- emment, caries animaux maigrissent beaucoup. IMMUNISATION, PAR LE VIRUS M, CONTRE LE VIRUS M Les observations qui suivent, bien peu nombreuses mal- heureusement et trop « dépareillées » — on sait pourquoi, — démontreront, cependant, la possibilité dé immuniser le cobaye , par les bacilles morveux vivants , contre ces mêmes bacilles vivants ; la vaccination, vis-à-vis du mode d’infection homo- logue ou non, a été realisee, au moyen d’inoculations sous la peau, dans les muscles... à close inoffensive (au moins au début). Nous y joindrons 1 histoire de deux cobayes mâles, immunisés, contre 1 injection intrapéritonéale de virus (dose sûrement mortelle), par l’injection intrapéritonéale, unique ou 2 fois répétée, d une close limite ; et celle de 2 autres mâles, immu- nisés, contre le même mode d’infection, par l’inoculation sous- cutanée d’une dose parfaitement active (abcès et guérison). Le poids des témoins — soit dit une fois pour toutes — a toujours été égal ou supérieur à celui des sujets que l’on éprouvait. Vaccination , par la voie intrapéritonéale , contre l’infection intrapéritonéale chez le cobaye mâle. Au début de nos recherches, alors que KH représentait la dose limite infectante, nous avons fait un certain nombre d expériences, destinées à savoir si l’on ne pourrait point 638 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR immuniser les cobayes mâles, en leur administrant une pareille dose à 2 ou plusieurs reprises. Il est apparu que cette méthode demeurait généralement inefficace. On voyait, par exemple, des sujets qui, apres avoir résisté à 6 ou 7 injections virulentes successives, succombaient, respectivement, à la 7e ou à la 8e. Toutefois, 2 de nos animaux ont pu acquérir ainsi une immu- nité par faite > quoad vitam , bien que variable , de l’un à l’autre cas, quoad lœsionem. Voici leurs observations résumées : (F) . Un cobaye mâle (633 gr.) reçoit, sans dommage, 40-5 dans le péri- toine. 10 jouis après, on recommence ; forme ectopique (type scrotal), suppu- ration, ouverture et guérison. 440 jours après, on inocule KL2 : forme ecto- pique (type régressif) à droite, rien â gauche (un témoin meurt en 18 jours 1 /2). 27 jours après, on inocule KM : forme ectopique bilatérale (type régressif à droite; à gauche, type scrotal suivi d’ouverture et de guérison). L’animal est égaré pendant les vacances (un témoin meurt en 3 jours 4/2). (G) . Un cobaye mâle (650 gr.) reçoit, sans dommage, 10-5 dans le péri- toine. 10 jours après, on recommence : même résultat, 36 jours après, on inocule 40-4 : aucun effet (un témoin meurt en 21 jours 4 fl). 14 jours après, on réinocule 10-4 : aucun effet (un témoin meurt en 14 jours 1/2). 11 jours après, on injecte KM : 1 animal meurt, en quelques jours, de pasteurellose (contaminé, sans doute, par des lapins atteints de la « maladie du nez »). A l’autopsie : broncho-pneumonie à pasteurella: pour toute lésion morveuse, deux fines granulations sur le musculus testis droit. Le premier cobaye, s’étant trouvé évidemment vacciné dans une certaine mesure par l’injection initiale de KL5, a contracté, lors de la réinoculation de cette dose, une affection curable, qui l’a presque complèlement immunisé vis-à-vis de I0'2. KL2 l’a rendu moins complètement réfractaire à KL1. Il convient de faire remarquer, dès maintenant, que la résistance (plus ou moins notable) à l’épreuve intrapéritonéale, que l’on peut observer à la suite d accidents génitaux curables, s’explique, vraisemblable- ment, en partie, par une simple diminution de la surface séreuse hypersensible. Quant à l’immunité du second cobaye, elle s’est montrée totale , à deux reprises, vis-à-vis de KL4 (nous aurons à nous demander, plus tard, jusqu’à quel point des immunités, ainsi obtenues, doivent être considérées comme de nature locale). 10'3, inoculé ensuite, n’avait déterminé, au moment de la mort, qu’une lésion unilatérale fort légère ; nous ne craignons point d’affirmer que cette lésion aurait aisément guéri ; car, lors- MORVE EXPÉRIMENTALE I)U COBAYE 659 qu’on voit V un des testicules se prendre, chez un sujet presque complètement vaccine, ce testicule redevient toujours mobile dans un bref délai. Nous en avons déjà cité deux exemples; nous allons en retrouver d’autres. Vaccination , par la voie intrapleurale , contre II infection intrapéritonéale chez le cobaye nulle. En voici un exemple : (H). Un cobaye mâle (695 gr.) reçoit, sans dommage, 6 injections de 10-2 dans la plèvre droite (intervalles : 6-33 jours). 8 jours après la dernière, le poids étant de 770 grammes (+ 75), on inocule 10-2 dans le péritoine : aucun effet (un témoin meurt en 20 jours). L’ immunité est donc certaine . mais elle ne suffit pas à défendre l’animal, 20 jours plus tard, contre l’ino- culation sous-cutanée de virus C (1(H). Voici, brièvement, ce qui fut observé, à la suite de cette inoculation : abcès local qui guérit ; tuméfaction des ganglions inguinaux du même côté (droit) ; eschare scrotale droite, curable ; infiltrations massives des membres (œdèmes, puis abcès); paraplégie et incontinence des réservoirs, Le cobaye a été sacrifié après 29 jours. Vaccination, par la voie intrapleurale , contre /’ infection intrapleurale . Le cas suivant nous paraît des plus typiques : (I). Un cobaye mâle (590 gr.) reçoit, sans dommage, 10-2 dans la plèvre (droite — les inoculations intrapleurales ont toujours été faites de ce côté), tandis qu’un témoin mâle, inoculé dans le péritoine, meurt en 11 jours 1/2. 9 jours après, on lui injecte KH (un témoin mâle, inoculé dans le péritoine, meurt en 27 jours 1/2) : émaciation transitoire ; le testicule gauche se prend et redevient mobile . 50 jours après, seconde inoculation de KH : émaciation transitoire. 12 jours après, 2.10-1 : aucun effet. 4 jours après, 5.10-1 (un témoin mâle, inoculé dans le péritoine, meurt en 19 jours) : induration de la paroi thoracique au niveau de l’injection. 8 jours après, 1 centigramme : émacia- tion modérée. 25 jours après, 1 centigramme encore : aucun effet ; l’indura- tion thoracique guérit peu à peu. 24 jours après, on saigne à blanc l’animal, pour étudier les propriétés de son sérum {ubi infra) ; V autopsie ne montre aucune lésion morveuse. Vaccination , par la voie intramusculaire , contre /'infection intrapéritonéale chez le cobaye mâle. L’observation que nous allons rapporter doit être considérée comme parfaitement démonstrative, puisque les accidents, observés du côté du testicule droit, ont facilement guéri d’eux- mêmes. 660 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR (J). Un cobaye mâle (620 gr.) reçoit 5 fois 10-2, puis 2 fois 10-1 et une fois 1 centigramme, dans les muscles fessiers (intervalles : 10-81 jours). Ces injections sont suivies d’effets variables, selon les cas : absence de réaction générale, émaciation modérée, forte émaciation. 18 jours après la dernière inoculation, le poids étant de 700 grammes (+ 80). on injecte KM dans le péritoine (un témoin meurt en 51 jours). Le testicule droit se prend et -redevient mobile. L’animal est ensuite soumis à une série d’injections sous- cutanées de bacilles tués par l’alcool-éther. (Celles-ci n’ont pu exercer d’effet curatif, la seule lésion consécutive à l’épreuve ayant déjà guéri d’elle-même, comme dans les cas, déjà cités, où les sujets n’ont reçu aucune injection ultérieure de bacilles morts). 22 jours après l’épreuve, on injecte donc 1 cen- tigramme Mae : induration locale, eschare, ulcération, guérison. 21 jours après, nouvelle injection de 1 centigramme Mae : abcès, qui s’évacue par un petit pertuis, émaciation guérison. 64 jours après, troisième injection de 1 centi- gramme Mae : empâtement, qui se limite et ne suppure qu’en un point; émaciation. Survient la « maladie du nez », qui enlève l’animal, 41 jours après la dernière injection de bacilles morts. A l’autopsie, aucune lésion morveuse. Vaccination , par la voie sous-cutanée , contre l’ infection sous-cutanée. Son existence est démontrée par l’histoire du cobaye suivant : • (K). Un cobaye mâle (640 gr.) reçoit, 8 fois de suite, 10-2 sous la peau (intervalles : 9-65 joui’s) : aucun effet ou émaciation légère. Puis, il reçoit 4 fois 10-J- (intervalles : 6-15 jours); 2 fois seulement, on constate une émaciation marquée, mais l’animal offre une légère hypersensibilité locale, se traduisant par l’apparition de nodules, qui manquent ou demeurent à peine appréciables chez les témoins (que l’on a eu soin de faire chaque fois). 30 jours après la dernière inoculation, on injecte 1 centigramme (dose qui déterminait toujours un abcès et le plus souvent la mort, à cette époque) : aucun effet. Une seconde inoculation de 1 centigramme a été également bien supportée , mais l’animal a contracté ensuite « la maladie du nez », qui Ta enlevé. A l'autopsie , aucune lésion morveuse. Vaccination , par la voie sous-cutanée , contre V infection intrapéritonéale chez le cobaye mâle. Les expériences que nous allons résumer ont été faites, au début de nos recherches, alors que la dose de 1(U2, introduite dans le tissu cellulaire, déterminait constamment la production de lésions locales. Ces lésions, le plus souvent suivies de mort, guérissaient cependant exceptionnellement et pouvaient alors laisser, après elles, une immunité incontestable. En voici la preuve : MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 661 (L) . Un cobaye male (615 gr.) reçoit ICM sous la peau : abcès, qui guérit par ouverture au dehors. 83 jours après, on injecte KM clans le péritoine (un témoin meurt en 11 jours) : lésions ectopiques bilatérales; résorption à gauche et ouverture, suivie de guérison, à droite. L’animal est égaré pendant les vacances. (M) . Un cobaye mâle (485 gr.) reçoit 10-2 sous la peau : abcès, qui guérit par ouverture au dehors. 67 jours après, on injecte 10-3 dans le péritoine (un témoin meurt en 6 jours 1/2) : aucun effet. 12 jours après, on injecte 10-2 (nn témoin meurt en 8 jours 1/2) : forme ectopique régressive bila- térale. L’animal ayant été sacrifié plus tard, l’autopsie confirme la guérison complète des lésions génitales et montre l'absence de toute lésion morveuse dans l’organisme. IMMUNISATION, PAR LE VIRUS M, CONTRE LE VIRUS C. Les observations suivantes, dont nous regrettons le faible nombre, en établiront nettement la réalité. Elles se rapportent, ici encore, à des sujets vaccinés de diverses façons et éprouvés par diverses voies. Vaccination , par la voie intrapleurale , contre V infection intrapéritonéale chez le cobaye mâle. Le cas que nous allons rapporter est des plus instructifs. (N) . Un cobaye mâle (765 gr.) reçoit 3 fois KM, puis 3 fois KH (virus M) dans la plèvre droite (intervalles : 6-29 jours) : émaciation modérée, à la suite des deux dernières injections. 12 jours après la dernière, le poids de 860 grammes ( + 95), on inocule 10-6 (virus C) dans le péritoine : aucun effet. 17 jours après, on inocule 10-5 (toujours virus C) : aucun effet (un témoin meurt en 11 jours 1/2). 6 jours après, on inocule 10 4 (toujours virus C) : forme scrotale subaiguë, des deux côtés ; pas d émaciation. Après 49 jours, on sacrifie l’animal; l’autopsie révèle les lésions habituelles en pareil cas. L’immunité, incomplète vis-à-vis de KM, s’est, donc montrée absolue vis-à-vis de KL6 et 1 0 5, ce qui représente déjà un degré très marqué de résistance. Vaccination par la voie intrapéritonéale , contre h infection intrapéritonéale chez le cobaye femelle. En voici un exemple : (O) . Un cobaye femelle (770 gr.) reçoit 10-2 (virus M) dans le péritoine : accouchement prématuré et longue émaciation. 166 jours après, on réino- cule 10 ; puis, encore 4 fois cette même dose (intervalles : 12-37 jours) : ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 662 émaciation plus ou moins marquée, selon les cas. 20 jours après la dernière inoculation, on injecte 10l (toujours virus M) : émaciation moyenne. 14 jours après, on inocule 10-3 (virus G) dans le péritoine (un témoin femelle meurt en 19 jours) : nodule profond de la paroi abdominale au niveau du trajet de l’aiguille; ce nodule atteint le volume d’une noisette, puis rétrocédé sans laisser de traces. Emaciation, ne dépassant point — 90 grammes. 41 jours après l’épreuve, on injecte 1 centigramme Mae sous la peau : empâtement marqué, eschare, ulcération, issue cl’un bourbillon (dont la nature aseptique est démontrée par l’examen microscopique, la culture et l’inoculation) ; suppuration et guérison; émaciation maxima — 40 grammes. 26 jours après, le poids étant de 820( + 50), 011 réinjecte 1 cen- tigramme Mae sous la peau : empâtement moyen, petite eschare, ulcération, guérison rapide, mais émaciation forte (maximum — 260 gr.). 157 jours après, le poids étant de 810 ( — 10), on pratique une 3e injection de 1 centigramme Mae sous la peau : réaction normale, émaciation marquée (maximum — 130). 39 jours après, l’animal pèse 800 grammes ( — 10); on le saigne à blanc (voir plus loin, les propriétés de son sérum). L’autopsie ne révèle aucune lésion morveuse ; pour toute anomalie, signalons l’existence d’une mince bride fibreuse, rattachant l’intestin à la paroi abdominale et consécutive, évidemment, aux lésions, guéries, de cette même paroi. Nous reviendrons sur l’observation qui vient d’être rapportée, à propos de l’étude des immunités «locales». Vaccination , par la voie intrapéritonéale , contre V infection sous-cutanée. Mentionnons d’abord l’histoire du seul cobaye mâle, inoculé dans le péritoine avec le virus M, et ayant guéri, après une atteinte génitale bénigne. Cette atteinte lui a permis de supporter ultérieurement l’injection sous-cutanée du virus C. (P). Un cobaye, mâle (480 gr.) reçoit IO-4 (virus M) dans le péritoine, au moment où cette dose n’infectait plus qu’à titre exceptionnel : dévelop- pement lent de deux nodules indurés, au niveau des anneaux. Puis, appari- tion d’un ganglion dans l’aine gauche. Peu d’émaciation (— 40 gr.). Après 50 jours, les accidents locaux étant en voie de rétrocession avancée et le poids étant monté à 540 grammes (+ 60), on injecte 1 centigramme Mas sous la peau : eschare, ulcération, suppuration ; guérison sans perte de poids. Le ganglion demeure stationnaire, mais le nodule inguinal gauche augmente de volume. Après 48 jours, 550 grammes (+ 10); on réinjecte 1 centi- gramme Mas : abcès à évolution lente, qui s’ouvre par un petit pertuis; pas d émaciation. On voit ensuite les tumeurs des anneaux s’atrophier peu à peu et celle atrophie, qui se continue régulièrement après l’injection du virus, aboutit à une disparition complète. Après 12 jours, 600 grammes (+ 50) ; on inocule, sous la peau, 10-2 (virus C) : abcès local qui guérit, peu d’émaciation (maximum — 70 gr.); tandis qu’un témoin meurt en 24 jours 1/2. Après 81 jours, 740 grammes (+ 140); on injecte 1 centigramme Mas, MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 063 sous la peau du côté gauche de l’abdomen, au voisinage du ganglion ingui- nal, qui n a^ ait jamais disparu totalement : empâtement marqué, englobant ce ganglion, fluctuation en un point limité, à la partie supérieure de l’indu ration (la ponction révèle la présence d’un peu de pus aseptique). Le tout guérit, laissant une masse ganglionnaire assez volumineuse, qui s’abcède et se cicatrice rapidement. Puis, un ganglion apparaît dans l’aine droite et se résorbe en moins de deux semaines. Pendant tout ce temps, émaciation forte (maximum — 250 gr.). L’animal revient ensuite à la santé et le ganglion inguinal disparaît définitivement. Après 235 jours, 710 ( 30) ; on injecte 1 centigramme Mae : réaction normale. 55 jours après, on saigne l’animal à blanc, pour étudier les propriétés de son sérum ( ubi infra). A l’autopsie : testicule gauche très atrophié, testicule droit réduit à un nodule du volume d’une lentille, appendu au canal déférent et flottant dans l’abdomen; cavités scrotales normales. Nous citerons, comme autre exemple, le second des cobayes châtrés après infection, dont le cas a été discuté plus haut (observation C). Vaccination, par la voie intramusculaire et par la voie scrotale (séreuses des bourses ), contre V infection sous-cutanée. L’observation des cobayes E et A ( ubi supra) en démontre bien la possibilité. Vaccination , par la voie intrapéritonéale , puis par la voie intramusculaire , contre V infection sous-cutanée . Le cas suivant est intéressant à plusieurs points de vue. (0)- Un cobaj e femelle ( / 50 gr.) reçoit 3 injections de 1/2 centigramme (vii us M) dans le péritoine (intervalles : 31-36 jours) : forte émaciation, après chaque injection. On inocule ensuite, dans les muscles, une fois 1 cen- tigramme, puis 8 fois 1/2 centigramme (intervalles ; 8-26 jours) : forte émaciation, encore, à la suite des inoculations. 32 jours après la dernière, l’animal pèse 950 grammes (+ 200) ; on injecte 1 centigramme Mae sous la peau: réaction normale. 22 jours après, 970 grammes (4-20); on inocule 10'2 (virus C) sous fa peau : nodule local , atteignant les dimensions d’une noisette, puis se résorbant rapidement ; émaciation maxima — 90 (un témoin femelle meurt en 40 jours: abcès local; ganglions inguinaux corres- pondants; corde farcineuse réunissant l’abcès aux ganglions ; périostite de l’avant-bras droit ; à l’autopsie, granulations spléniques). Après 45 jours, le poids étant monté à 1,000 grammes (4- 30), on injecté, sous la peau, 1 cen- tigramme Mae : empâtement marqué, sur lequel apparaît bientôt une eschare humide. Puis, la réaction locale prend une allure absolument inusitée; l’œdème mollasse, sous-jacent aux téguments macérés, n’offre pas de crépi- tation, mais la ponction en extrait un liquide rougeâtre, clair, rempli de 664 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pseudo-pneumocoques. L’état général devient rapidement mauvais et l’animal succombe en 5 jours 1/2, dans le coma, après avoir présenté une dyspnée intense. A l’autopsie : broncho-pneumonie (îlots de splénisation) avec pseudo-pneumocoques; foie totalement gras, aucune lésion morveuse. Vaccination , par la voie sous-cutanée , contre l'infection sous-cutanée . En voici un exemple parfait. (R). Un cobaye mâle (640 gr.) reçoit, sous la peau du côté droit de l’ab- domen, 1 centigramme (virus M) : abcès local qui s’ouvre et guérit, tumé- faction des ganglions inguinaux correspondants qui rétrocède peu à peu. émaciation assez forte au début (maximun — 120) suivie de retour à la nor- male et d’augmentation de poids. Après 60 jours, celui-ci ayant atteint 760 grammes ( + 120), on injecte, sous la peau, 1 centigramme Mae : réac- tion normale. Après 26 jours, 780 (+ 20); on inocule, sous la peau, 10~2 (virus C) : petit nodule, qui se résorbe bientôt (un témoin meurt en 43 jours). Après 31 jours, le poids étant de 860 grammes (+ 30), on inocule, sous la peau, 1 centigramme Mae : réaction normale. L’animal est encore en observation. Les observations, rapportées dans ce chapitre, prouvent clairement, malgré leur petit nombre, que Ton peut vacciner le cobaye contre l’injection intrapleurale du virus M (par le virus M inoculé dans la plèvre) — contre l’injection sous -cutanée du v. M (par le v. M inoculé sous la peau) — contre l’injection intra-péritonéale du v. M (cobaye mâle — par le v. M inoculé dans le péritoine; la plèvre; les muscles; le tissu cellulaire); contre l’injection sous-cutané du v. C (par le v. M inoculé sous la peau; dans les muscles; dans les séreuses scrotales; dans le péritoine; dans le péritoine, puis dans les muscles) — contre 1 injection intra péritonéale du v. C (cobaye mâle — par le v. M inoculé dans la plèvre ; cobaye femelle — par le v. M inoculé dans le péritoine). (. A suivre.) Etudes sur les trypanosomiases de Serbérie en 1905 Par les Drs Edmond SERGENT et Étienne SERGENT Exclusion faite de la dourine, qui se caractérise net- tement par son mode de contagion, les trypanosomiases des animaux domestiques de Berbérie connues jusqu'ici consistent, d'une part, en cas isolés ou épizooties limitées, observés chez les Chevaux par des vétérinaires militaires, sans que l’on en connaisse l’exacte importance et la répartition, le réservoir de virus et le mode de propagation, d’autre part en une maladie bien définie des Dromadaires dont nous avons déterminé la grande fréquence, la conservation chez ces animaux eux-mêmes et la transmission par des Tabanides (. Atylotus nemoralise t Aty- lotus tomentosus surtout). Il importe donc d’établir les rapports que peuvent présenter entre elles ces trypanosomiases, et, dans ce but, de leur appliquer les mêmes méthodes d’investigation. Nous nous proposons de donner ici, après une très succincte indication de l’historique, le résultat de nos recherches pour- suivies en 1905 : I. — Enquête sur la distribution géographique des trypano- somiases. II. — Etude expérimentale des virus. III. — Expériences relatives aux modes d’infection. HISTORIQUE En 1892, Chauvrat 1 constata la présence, dans le sang d’un Cheval de Barika (Sud-Constantinois) d’un Trypanosome qui paraît ne pas avoir été celui de la dourine. (Les preuves décisives manquent). En 1903, Szewzyck 2 observe chez des Chevaux de spahis campés dans la vallée de laZousfana (Sud-Oranais) une maladie due à un Trypanosome reconnu par Schneider, sur les lames de sang envoyées par Szewzyck, comme différent de celui delà dourine. 1. Publié seulement en 1890. Rec. med. vétérinaire, 8° série, 1. III, n° 11, 15 juin 1896. p. 344 . 2. Bull. Soc. centr. méd. vétérin., 8e série, t. X, 30 avril 1903, p. 220. ANNALES ÜE L’INSTITUT PASTEUR En 1903 aussi1, et dans la même vallée de la Zousfana, Rennes trouve la même maladie et le même Trypanosome éga- lement chez des Chevaux de spahis. Rennes fait l’étude expéri- mentale de ce virus. Au mois d octobre de cette même année 1903, nous obser- vons la trypanosomiase des Dromadaires 2 appelée el debab pai es indigènes, nous faisons l’étude expérimentale du virus, nous établissons la distribution géographique et le mode de propagation de l’enzootie. Enfin, J. Roger et Greffulhe 3 ont trouvé chez quatre Chevaux u 2e chasseurs d’Afrique à Méchéria (Oranie) un trypanosome dont ils ont fait l’étude expérimentale. Bien entendu, nous mettons à part la dourine et son Trypa- nosome, vu par Rouget en 1894 à Constantine <, et dont le rôle a été définitivement démontré par Schneider et Buffard \ ENQUÊTE SUR LA DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES TRYPANOSOMIASES Étant donné l’existence certaine en Algérie de deux trypa- nosomiases di fi ér entes de la dourine, l’une observée chez les Dromadaires, l’autre chez les Chevaux, il importait d’essayer < établir leurs rapports réciproques, et, le cas échéant, leur identité. Nous avons, pour remplir ce programme, trois- méthodes qui se complètent les unes les autres. ^ 1° Faire une enquête auprès des indigènes pour constater 1 état de leurs connaissances à ce sujet. 2° Chercher au microscope le pourcentage des bêtes atteintes dans un certain nombre de localités bien choisies. °m ^a*re au laboratoire l’épreuve de Laveran et Mesnil, qui consiste à rechercher si un animal immunisé contre une race de Trypanosome est devenu réfractaire, ou est resté sensible à 1 inoculation d’une autre race, avec contre-épreuve. Nous dirons de suite que ces dernières expériences, qui 1. /bid 30 sept. 1903, p. 424; 30 avril 1904, p. 248 ; 9 février 1905, p. 95. Init. ifjanv. 1905 p.J“Vier 19°4, P- 12°:4jllin 1904’P' Mt- Annales *: %n. fnu. Past t S! r™1903’ p- 390 ; 20 mai 190S’ P- 826- î0IÏ!munnic’ à y Acad de mécL, 25 juillet., 19 sepL, 3 oct., 21 nov. 1899 ianv p. 220 VCh' Paraslto1-’ L In> 1900, p. 124. Réc. méd. vétérin., 1900, p. 81, p. 157, TRYPANOSOMIASES DE BERBÉRIE 667 demandent une longue préparation, ne sont pas encore achevées. De concert avec M. Rennes, nous devons rechercher si le virus du clebab (races de Constantine et d’Oran) infecte des animaux immunisés contre le mal de la Zousfana, et les expériences com- plémentaires sont en cours d’exécution. 1. Enquête orale. Nous avions pu voir, au cours de notre étude du debab constantinois, en 1904, que les indigènes de Berbérie avaient fait des observations remarquables sur laclinique decette maladie et sur son étiologie. Nous étions donc fondés à tenir un grand compte de leurs renseignements, tout au moins pour en tirer des hypothèses à vérifier. Le seul danger résulte de la grande courtoisie des indigènes, qui les pousse à abonder dans le sens qu’ils croient agréable à leur interlocuteur : la maïeutique socra- tique la plus sévère est de rigueur. A. Tous les indigènes de Berbérie connaissent el debab ma- ladie des Dromadaires due à la piqûre des Taons. Dans les tribus nomades, à Chameaux par conséquent, qui passent du Tell au Sahara selon les saisons, on connaît aussi une maladie des Chevaux due aux Taons, mais cette maladie des Chevaux est inconnue des indigènes que nous avons interrogés, qui habitent dans la partie septentrionale du Tëll où les Chameaux ne vont plus à l’heure actuelle. A noter que cette région septen- trionale est pourtant aussi riche en Taons que le reste du Tell. B. Département de Constantine. — Dans le Hodna existe une maladie des Chevaux qui serait due à la piqûre de Mouches piquantes diurnes (Taons? *). Cette maladie est appelée tmerdjin (de merdja , prairie, l’Insecte foisonnant dans les pays maréca- geux). Le caïd Boudiaf nous raconte que les Insectes s’infectent en suçant du venin de Serpent. Cette idée, répandue en Ber- bérie, commenousl’avons signalé dans notre précédent mémoire, est précieuse en ce sens qu’elle indique que les indigènes se sont aperçus que l’Insecte n’est qu’un porte-mrus. Le Cheval atteint est dit merdjen. Le tmerdjin se contracterait au printemps, à l’époque des Mouches piquantes, et les Chevaux malades ne pas- seraient pas l’hiver suivant. « Merdjen et poitrinaires, disent 1. Renseignements des très obligeants caïds Boudiaf Mokhtar et Boudiaf Seddik, de Msila. 608 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR TRYPANOSOMIASES DE BERBÉRIE 669 les Arabes, ne guérissent jamais. » La maladie se trahit par la démarche : les symptômes n’apparaissent qu’aux premiers froids, l’animal traîne les pieds au lieu de les soulever. Pas d’inappé- tence, pas d’amaigrissement, la vigueur est conservée. ‘ Pas de lésions génitales, pas de contagion directe, ce qui différencie nettement cette épizootie de la dourine. Le tmerdjin est rare, surtout les années de sécheresse. Il se passe plusieurs années sans que l’on voie du tmerdjin dans un pays. G. Département d’Alger. — L’agha de Djelfa nous confirme l’existence et la rareté d’une maladie des Chevaux due aux Taons. D. Département d’ Or an. - Notre enquête a été conduite sur- tout à Tiaret, centre important d’échanges où nous avons pu examiner des animaux venant de toute POranie et de tout le Sud-Algérien. Les renseignements très nets et concordants des indigènes, en particulier ceux du caïd Zoubir Ould Gadi, nous ont confirmé l’existence dans l’Oranie de la même maladie des Chevaux. Seulement, ainsi que nous en avait prévenus le caïd Boudiaf Mokhtar, de Msila, le tmerdjin est appelé taher dans POranie (de tahara , circoncire, parce que les Chevaux marchent comme des enfants de 7 ou 8 ans, que l’on vient de circoncire, c’est-à-dire avec difficulté). Le Cheval malade est dit metiour. L’infection est due à la piqûre des Taons *, exactement comme pour le debab des Dro- madaires. L’infection se prend dans le Tell. La maladie se tra- duit par de l’inappétence, de la fatigue, de l’amaigrissement; la tête est toujours penchée; pas de chûte du train postérieur; le poil se hérisse, tombe par places, il y a des œdèmes. La maladie est toujours mortelle pour les Chevaux, elle ne dure que quelques mois, bien plus brève que le debab des Dromadaires. Enfin elle est très rare. Un caïd de 49 ans n’en a vu qu’un seul cas, chez une jument. 2. Enquête par V examen microscopiqtie du sang. Dromadaires. — Cette enquête nous a rapidement montré que la trypanosomiase des dromadaires est aussi répandue 1. Outre le mot debab, les Oranais emploient les mots lassek et medrar pour désigner les Taons. Un Dromadaire malade est dit medboub , comme à Constan- tine, et aussi mamoum. 670 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dans le reste de l’Algérie que dans le département de Gonstan- tine, où nous Payions étudiée en détail en 1904. Le fait est d’ailleurs conforme aux dires des indigènes. A Msila, 41 Dromadaires provenant du Hodna, de Djelfa, Bou-Saada (Sud-Algérois) nous ont montré deux infections par les Trypanosomes, et cinq par les Filaires que nous avons décrites *. A Tiaret et Trézel, 29 Dromadaires provenant du Sud- Oranais et du Sud-Algérois nous ont montré trois cas de trypa- nosomiase (deux originaires de Géryville, 1 de Tiaret). La proportion des Dromadaires infectés par les trypano- somes est donc à peu près la même dans le Sud-Algérois et dans le Sud-Oranais que dans le Sud-Constantinois : à un examen rapide au microscope, un Dromadaire sur dix est démontré malade, c’est-à-dire à peu près condamné. Chevaux. — Le tableau suivant donne les résultats de nos examens de sang, pratiqués en août et septembre 1905, exacte- ment dans les mêmes conditions et de la même façon que les examens de sang des Chameaux. 1. C. R. Soc. Biol., t. LV11I, 8 avril 1905, p. 672. TRYPANOSOMIASES DE BERBÉRIE 071 Ce Me. CheA'aux . Anes. Mulets. Trypanosomes Filaires. ( Ammi-Moussa 10 1 i Zémora 4 s 18 .. ■5: O'' 15 . H; — ^ V — 12 9 6 .. -J . infecté naturellement ° ' CS V'rUS pr0Venant d un Dromadaire- tion et tue 2 Rats en 31 et en 23 jours; le sang de ce Mouton n a pas montré de parasites à l’examen microscopique. Debab constantinozs 1 . — Ce virus, isolé en octobre 1903. a été conservé 1 an environ par passages de Rat à Rat, puis a été inocule a une Chèvre chez laquelle il se retrouvait 10 mois après. durée de T infection r r 3 Je 5 6 PciSSOUJ 7 8 es 9 10 JJ J Z J3 & 15 J 6 J7 À 13 . N 15 . Le v k n , $ — fcj — \ ce s .. «c * £■ ■d — V / \ 6 ,. h- ■ f- 3 .. J _J ... ,7“’ — cassages par Rats blancs d'un virus provenant d’une Chtvre inoculée dis mois auparavant avec un virus ayant déjà liasse pendant un an par Rats blancs. ( Origines Dromadaire. ) l'tndanl un Le tableau suivant indique la durée d’infection dans les passages I. Le Trypanosome de la race debab constantinois mesurait, en 1903 19 de longueur dans le sang de Dromadaire. Conservé depuis cette époque narli ttïo! par animaux de laboratoire, en avril 1906, 25 p. 5 dans le sangP de Hat blanc ' S * , n lf !S',Ù en août 1905’ chez un Cheval atteint de laher mesure <‘n avril 1906, 24 dans le sang de Rot blanc. «««, mesure. 676 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR successifs par Rats, dont le premier a reçu du sang- de la Chèvre en septembre 1905 : on voit que le virus ayant passé par la •Chèvre avait perdu un peu de sa virulence pour les Rats, mais qu’il la récupère assez vite. 2 Moutons, inoculés le 4 mars 1905, sont encore infectés le 24 mars 1906. 2 Chèvres, inoculées le 28 novembre 1904, sont encore infectées le 25 septembre 1905. Souris blanches. — Au début de nos recherches sur le débet b. notre virus tuait les Souris en 12 jours en moyenne, En décembre 1094, c’est-à-dire après plus de 2 ans de passages par Rats, 5 Souris blanches, inoculées avec du sang de Rats, ne montrèrent qu’une faible infection et survécurent. Nous véri- fiâmes leur guérison et leur immunité 1 an après : — Une lre Souris, inoculée le 16 décembre 1904, ayant sur- vécu, est sacrifiée le 16 décembre 1905; son sang, la pulpe des organes, le cerveau, du suc musculaire sont inoculés à 3 Rats blancs encore indemnes en avril 1906. — ■ Une 2e Souris, inoculée le 2 décembre 1904, ayant sur- vécu, est sacrifiée le 2 janvier 1906 ; son sang, ses organes, etc., inoculés à un Rat ne l'infectent pas. Les Souris avaient donc guéri . — Une Souris, inoculée le 2 décembre 1904, ayant survécu, est réinoculée le 11 janvier 1906; comme elle paraît souffrir d’une autre affection, elle est sacrifiée le 19 janvier, et son sang, qui ne montre aucun Trypanosome, est inoculé, dans le péri- toine, à un Rat qui s infecte et meurt en 18 jours. — 2 autres Souris, inoculées respectivement le 16 et le 22 décembre 1904, ayant survécu, sont .réinoculées le 22 décembre 1905 : elles meurent en 61 et 54 jours. Les Souris témoins meurent en 18, 18, 13, 13, 13, 11. 10, 8, 7, 7, 7 jours. 1 autre Souris blanche témoin, inoculée le Il janvier 1906, présente une faible infection et paraît guérie ; réinoculée le 4 février, elle ne montre aucun Trypanosome dans son sang. Enfin réinoculée une 2e fois le 25 février, elle s'infecte et meurt le 16 mars (64 jours après la lre inoculation, 19 après la dernière), après avoir montré dans son sang, pen- dant 8 jours environ, une énorme quantité de Trypanosomes, tous agglutinés, par amas de 25 à 30, les extrémités postérieures au centre, et les flagelles à la périphérie. TRYPANOSOMIASES DE BERBER1E (>77 En résumé, les 2 Souris guéries depuis un an ont montré une résistance au virus bien plus grande que celle de 1 1 témoins sur 1 2. La 12e Souris neuve na succombé qu après une 3e inoculation, après avoir fortement et longtemps agglutiné les Trypanosomes. Influence des rayons X. Expériences faites en février-mars 1905 1 . Les Rats, infectés par le nagana, soumis à Faction des rayons X % après avoir reçu ou non des injections de fluorescéine, n'ont pas montré de phénomènes méritant d'attirer beaucoup l’attention. Une légère et passagère diminution du nombre des Trypanosomes du sang’ périphérique suivaient, à quelques heures de distance, la radiothérapie appliquée au moment de l'acmé de la courbe d’infection. Au contraire, le môme traitement, appliqué pendant l’incubation, c’est-à-dire dans les jours qui séparent celui de l’inoculation du moment ou les premiers Trypanosomes appa- raissent dans le sang périphérique, a régulièrement amené une mort plus prompte que chez les témoins. 111. EXPÉRIENCES RELATIVES AUX MODES D INFECTION Ces expériences ont porté sur 4 virus : 1 . Nagana, origine Laveran et Mesnil. 2. Mal de la Zousfana, origine Rennes. 3. Dourine, origine Rouget 1904 3, et Dourine, origine Schneider, 1899-1900 *. 4. Debab constant inois. 1. G. J. Salomonsèn et G. Dreyer ( C . R. Acacl. Se.. 13 juin 1904, p. 1343) virent que Trypanosoma brucei dans du sang- de Souris soumis in vitra au\ émanations de bromure de radium pur meurent en 2 ou 3 heures, tandis que les témoins mouraient 5 à 8 heures plus tard. A. Laveran et F. Mesnil ( Trypanosomes et Trypanosomiases , 1904, p. 74) ont opéré avec le T. lewisi qui a l’avantage de rester vivant plusieurs jours en goutte pendante à la température du laboratoire. Ils ont vu qu’il perd sa mobilité en 12 heures environ, quand il est soumis à l'action du bromure de radium. G. Mense (Arch. f. Sch. u. Tropenkrankheiten, t. IX, f. 7, juillet 1905, p. 306) conseille d’expérimenter les rayons de Rœntgen dans la thérapeutique des trypa- nosomiases, mais par suite d’un simple raisonnement théorique. R. Ross (Brit. med. journ., 7 avril 1906, p. 708) déclare n avoir constaté aucun changement dans des préparations de sang frais à Trypanosomes mobiles sou- mises d’une 1/2 heure à 1 heure à différents rayons, 2. Dans le laboratoire do M. le D1' Sabouraud, que nous remercions de sa grande obligeance. 3. C. R. Soc. Biologie , t. LVI, 7 mai 1904, p. 744. 4. Ce virus, entretenu un certain temps par Nocard, a etc donna par lui a Mme Rabinowitsch qui l’a rendu virulent pour le Rat et la Souris, et l’a envoyé a son tour à M. Mesnil. 678 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Elles comprennent : 1» Dos expériences de transmission par la piqûre des aons, avec les 3 premiers virus, à rapprocher des expériences faites en 1904 avec le debab (loc. cil.); P f. l]'1 CSsa! de transmission du debab par des Tiques- 3 Des expenences d’infection par instillations sur muqueuse saine (avec les deux races de dourine et avec le debab). 1 ’ Expériences de transmission par la piqûre des Taons. s„IMe a hi6n V°U|U nOUS déterminer ainsi qu’il BerbéWe aba" * ^ n°US aV°"S recueillis jUSfm « ce jour en iJnfTr nem°ralis Me‘g°n, Atylotus tomentosus Macquart, ■ tylotus bifarms Low, Tabanus ater Rossi, Tabanus autumnalis L labanus sp >. Silvms appendiculalus Macquart, Chrysops perspi- cillarts Low Haematopota italica Meigen, Pangonia sp. ? De plus 1 Asilide la plus commune en Berbérie, et dont l’ap- ZZT" aV6C k diSparit‘0n deS Taons' esf nn Mochterus Nous avons trouvé une fois sur un Atylotus nemoralis une • \e hexapode rouge d’Hydrachnide, ressemblant beaucoup à relies que nous avons déjà rencontrées en Algérie sur des Le tableau suivant donne les résultats des expériences de fi ansmission des virus par piqûres de Taons, chez des Rats blancs. Les seuls cas positifs sont ceux où nous indiquons la duree de 1 incubation. H La technique pour les piqûres était celle que nous avons déjà employée en 1904 pour le debab (loc. cil.). J Pour les inoculations de tube digestif de Taons, nous fai- sions une émulsion dans de l’eau citratée et nous injections dans le péritoine. Jamais nous n’avons vu de Trypanosomes vivants dans intestin d un Taon, 24 heures après la piqûre. J- c- Ii- Soc. Biol., t. LVI, 23 janv. 1904, p. 100. TRYPANOSOMIASES DE BERBÉRIE 679 Nagana. Zousfana. Dourine. Piqûres ou inoculations. Espèce de Taon, Nombre Nombre Nombre de Incubation. de Incubation. de Incubation. Taoas. Taons. Taons. Atylotus nemoralis. 6 O O — 4 Q O — 4 8 jours. 3 — 3 7 jours. 2 2 jours. Piqûres successives immédiates. — 1 1 1 Atylotus tomentosus. 4 8 jours. 2 14 jours. Atylotus bifarius. 1 Tabanus sp. ? 1 seule piqûre. 1 : 6 jours. 5 jours. 6 jours. Piqûre ap. une 1/21). Atylotus nemoralis. 1 Piqûre Atylotus nemoralis. 2) après 2 h . Atylotus bifarius. 1 f Atylotus nemoralis. 1 1 Piqûre après 24 h. — 10 j 2 Atylotus tomentosus. 10 1 1 Tabanus ater. 1 — 1 Tabanus sp. ? 1 l Piqûre après 48 h. Atylotus nemoralis. 1 Atylotus nemoralis. O Q .> 1 Inoculation — 2 ï intrapéritonéale 1 de tubes digestifs de Taons — 11) ) Atylotus tomentosus. ( 24 heures 5) Q • ) après la siireiun. Atylotus bifarius. 1 l 1 l (Tabanus sp. ? 1 1 Haematopota italica. 1 Inoculation intrapéritonéale Atylotus tomentosus. 1 • de tubes digestifs de Taons 4 j. après la succion. Atylotus nemoralis. Atylotus bifarius. * 1 4 1 ) i 680 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR La lecture de ce tableau montre que les Taons les plus communs en Algérie peuvent transmettre : le nagana, le mal de a musfana, la dourine, par des piqûres se succédant immé- diatement sur un animal ayant beaucoup de Trypanosomes dans le sang1 et sur un cinimal sain. Il suffit parfois d’une seule piqûre pour que l’inoculation se asse ( Tabanus sp. ? et nagana, 2 cas). Nous avions vu le même iâit en 1904 avec le debcib. Nous n avons pas pu reproduire, en 1905, avec les 3 virus expérimentés, l’expérience réussie en 1904, avec le debab. i infection communiquée à un animal sain par des Taons ayant suce du sang infecté 24 heures environ auparavant. 2. — Expérience de transmission par Tiques. Li 18 juillet 1905, plusieurs grosses Tiques sont prélevées sur des Dromadaires très infectés estivant dans les environs de Ndi-Jvliahta (Tell Constantinois). Ces Tiques pondent au bout ‘ e 8 a lu jours. Les œufs éclosent vers le commencement du mois de septembre. Le 9 septembre, plusieurs centaines de larves provenant de ces pontes sont introduites dans un bocal bien fermé, avec deux jeunes Souris blanches à peau line. Les jours suivants, on constate la présence de ces larves au milieu des poils des Souris. L’une de celles-ci meurt accidentellement 6 , septembre, indemne, la rate petite. L’autre n’a rien pré- sente encore au mois de mars 1906. Dans cette expérience, instituée dans les meilleures condi- tions possibles, des Tiques filles de Tiques vivant sur des animaux très infectés n'ont donc pas transmis la trypano- miase. 3. Expériences de transmission par V instillation de sang infecte sur des muqueuses saines. Dans ces expériences, faites avec M. F. Mesnil, nous lais- sons tomber quelques gouttes d’une suspension épaisse de trypanosomes dans l’eau citratée sur les muqueuses génitales et les muqueuses oculaires, sans toucher celles-ci avec la pipette. Les mêmes suspensions furent inoculées à des Lapins témoins sous la peau, chaque fois avec un résultat positif. TRYPANOSOMIASES DE BERBÉRIE <>81 Instillations. Résultats. Dourine ' Rouget : sur 6 essais 2 résultats positifs. 1 mâle. 12 mars 1904. 18 mars 1904. Lésions extérieures au bout de six mois. Résiste 8 mois 1/2. 1 mâle. 26 nov. 1904. 2 mars 1905. 13 mars. 0 ; 1 mâle 12 janvier 1905. 24 février. 5 mars. 0 1 femelle. 26 nov. 1904. 2 mars 1 905. 13 mars. 0 1 femelle. 12 janvier 1905. 24 février. Lésions extérieures au bout d’un mois. Mort avec des Trypanosomes ^dans le sang, le 7 mars 1905. 1 femelle. 13 mars. 0 Dourine Schneider: 1 sur 2 essais 1 mâle. 28 février 1905. Lésions extérieures au bout d’un mois. Mort avec des Try- panosomes dans le sang, le 28 juillet. z résultats positifs. 1 I 1 femelle. m y 28 février 1905. Lésions extérieures au bout d’un mois. Mort avec des Try- panosomes dans le sang, le 25 mars. Debab constantinois : sur 6 essais 0 résultat positif. 1 femelle. mars 1904. 0 1 1 mâle. 8 déc. 1904. 28 février 1905. 10 mars. 0 ' 1 mâle. id. 0 1 1 femelle. id. 0 [ J femelle. id. 0 1 femelle. id . 0 Ces expériences montrent l’impossibilité pour un Trypano- some. convoyé ordinairement par des Taons, de traverser des muqueuses saines, comme le fait le Trypanosome de la dourine, pourtant peu différent au point de vue de la morphologie et delà mobilité. Ces expériences et d’autres qui peuvent être instituées, du même genre, peuvent donc servir à différencier l’une de l’autre les 2 trypanosomiases de Berbérie : la dourine et le debab. De 1 action du radium sur le virus rabique Réponse à nos contradicteurs. Par LE Pn0rBSSEÜ'‘ Guido TIZZONI et le Dr Alessandro BONGIOVANNI Immédiatement après l’apparition de nos premières commu- nications sur ce sujet, ‘ , un grand nombre d’observateurs interesses par la nouveauté à l’importance de la question, et appartenant la plupart à des instituts antirabiques, s’empressè- i ont de contrôler nos recherches ; mais les résultats qu’ils obtin- rent furent absolument opposés à ceux que nous avions annon- C^S • En effet, l’action du radium fut toujours nulle, aussi bien m vitro que chez l’animal; ce ne fut qu’exceptionnellement que 1 on constata un retard, parfois assez long, dans la mort les animaux ainsi opérés (Calabrese, Novi, Danysz * Véritablement, .1 aurait été opportun et prudent d’attendre pour faire ce contrôle, que l’on connût mieux les particularités de nos recherches, telles qu elles seront amplement exposées dans le mémoire complet; et cela était d’autant plus nécessaire que, dans ces études, le déterminisme expérimental est beaucoup plus rigoureux que dans d’autres du même genre, étant données la constance de 1 infection et la précision du moyen physique qu on emploie; c est pourquoi la moindre dérogation aux con- ditions voulues conduit inexorablement à des insuccès, comme nous avons avons pu le constater nous-mêmes plusieurs fois. Que nos recherches aient une base indiscutable et que les i esultats obtenus ne soient pas de purs accidents, ou des I' CatStfon? p^enUva..™^ TccaPLlU^ie" ^d' e.n.eJI' aninmIc- 17 aprile 1905; . Accad. delle sciense di Bologna, seduta La cura délia rabbia coi raggi del radio oa r • • R' \Ccad • delle. sciense di Bologna, seduta 28*mag|i0Gl965ÎmqaZ101ie preventiva* venti va.01— ^Rendicon ^i^del I^R^a cc * F???* ^ ~ 3° Gomunica2^ne pre- t » • ^ ,naicontl ciel,aJ{-4ccaddeiLîncei,vo\X]YSer 5* RJ ™t;iivabbia da ™'us - ivint- bre 1905). ' d delle sclenze di Bologna, seduta 26 novem- an no x<^n(''n*T> Su"’azionc do1 radio sul virus rabbico, (Ri forma rnedica, nf ri .f/f ’ ***»“ di *>%»«• sed«‘a 26 novembre 1905. Pasteur, n«3, niars j90s “ lai SUI> le vlrus rabique, Annales de l'Institut 683 ACTION DU RADIUM SUR LE VIRUS RABIQUE exceptions, c’est ce que prouvent clairement les faits suivants. Et tout d'abord, le nombre des animaux sauvés de l’infection est très important, puisque nous pouvons compter jusqu'à 30 lapins qui ont survécu, et dont un grand nombre se trouvent en expérience depuis 1 an environ. De ces ‘lapins, 17 furent inoculés avec le virus soumis in vitro h. l’action du radium, 14 furent traités parla méthode simultanée et 19 par la méthode curative; de ces derniers, 7 avaient été précédemment infectés avec du virus de rue. On doit remarquer, en outre, la constance absolue des résultats obtenus, spécialement quand on fit usage du virus fixe, a tel point que, dans les mêmes conditions d expérience, on put toujours reproduire les mêmes effets. Pour le virus de rue seulement, il n’est pas possible d’adop- tei une îegle constante, mais il faut établir, pour chaque cas, les conditions d’expérience, à cause des différences très grandes dans la force et dans les diverses particularités des virus de provenance différente. Enfin on doit remarquer la mort échelonnée des animaux opérés en séries, laquelle est en étroit rapport avec la durée de l’application du radium, et ii ne faut point non plus oublier cette circonstance que, dans nos recherches nombreuses, tous les animaux de contrôle moururent dans le temps voulu, sans aucune exception. Etant donnes ces faits, et mettant a part les cas, où. le pouvoir du radium était insuffisant (Danysz), il est facile de supposer que la différence dans les résultats obtenus tient principalement aux conditions différentes dans lesquelles se sont placés les autres expérimentateurs. A cet égard, il suffit parfois de lire le récit des expériences pour comprendre où se trouve l’erreur de méthode. Ainsi, lorsque le tube contenant le radium était simplement maintenu, au moyen d’un support, devant l’œil, à la distance d un demi-centimètre de celui-ci; pis encore, quand le même tube, au moyen d’une petite bande de caoutchouc, était direc- tement appliqué sur les paupières, qui ne tardent pas à se gan- grener, tandis que la cornée se montre fortement opaque, la faute expérimentale est évidente (Calabrese). Il devient, au contraire, plus difficile de signaler l’erreur ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 684 dans les travaux où l’on ne dit rien, ou presque rien, de la méthode qui a été employée, et où Ton se borne presque à la simple énumération des résultats négatifs obtenus. Dans ces cas, comme il n'est pas possible d’établir un juge- ment certain, nous devons nous contenter d’émettre de simples hypothèses ; hypothèses qui ont d’ailleurs leur fondement aussi bien dans quelques faits publiés récemment par nous 1 , que dans des observations qui trouveront leur place dans le mémoire complet, et dont nous croyons utile de donner ici un aperçu anticipé. En recourant à l’action du radium sur le virus rabique, on doit toujours se souvenir de ce que nous avons démontré récemment, à savoir que la décomposition , in vitro, du virus est exclusivement déterminée par les émanations , tandis que chez l’ani- mal ce sont les radiations seules qui exercent une influence sur Ici maladie. Le dispositif des recherches doit donc être tel qu’il permette d utiliser le mieux possible les émanations, dans les expériences in vitro , et de concentrer sur l’œil, dans les expériences sur les animaux, toutes ou presque toutes les radiations qui provien- nent de la superficie radiante. Or, suivant ce concept, et tenant compte comme il convient que les émanations ont un pouvoir minime de pénétration, nous adoptons, dans les expériences in vitro , un dispositif qui permet de donner à l’émulsion de système nerveux rabique soumis à l’action du radium, une épaisseur de 1 à 2 millimètres à peine et une surface d’extension aussi grande que possible; d'autre part, nous avons soin d éviter le plus possible une dispersion, dans le milieu ambiant, des émanations qui se dégagent de l’appareil contenant le radium. Enfin, toujours à cause du faible pouvoir de pénétration des émanations, nous cherchons à subdiviser le plus qu’il est pos- sible la pulpe du système nerveux, afin d'éviter les inconvé- nients que nous avons récemment rencontrés 2 et qui se produisent toutes les fois qu’on expose àl’action du radium de petits morceaux de cerveau au lieu d'une fine émulsion; et même, pour plus de sûreté, nous avons eu la précaution, dans nos dernières obser- L Intorno al meceanismo del radio su! virus rabido. R. Accacl dette science di Bologna , sodutal0 aprile 1900. 2. Intorno al meceanismo del radio sut virus rabidoT ravail déjà cité. ACTION DU RADIUM SUR LE VIRUS RADIQUE 685 valions, de filtrer l’émulsion à travers du papier à filtre a lai *ges pores. En opérant ainsi, nous 'parvenons constamment à tuer ou à atténuer le virus rabique fixe soumis à V action du radium et de manière que V inoculation de la pulpe , chez le lapin , est absolument inoffensive. Avec des expériences en séries, exécutées avec un échan- tillon de 2 centigrammes de radium à 100.000 U. R., nous avons aussi établi que, dans les conditions où nous sommes placés, il suffit de 2 heures d’action du radium pour neutraliser complè- tement le virus rabique, quand l’inoculation est pratiquée dans la chambre antérieure de l’œil, tandis qu’il faut 6 à 9 heures si l’épreuve est faite sous la dure-mère. Nous devons d’ailleurs avouer que, après nos dernières recherches, qui ont démontré que la destruction du virus rabique in vitro a lieu exclusivement par l’action des émana lions, nous nous proposons de recourir, dans l’avenir, à une disposition meilleure encore que celle que nous avons employée jusqu’à présent, et qui nous permettra d’expérimenter sur une masse plus grande de système nerveux rabique et d’obtenir un contact plus intime entre cette masse et les émanations. Or, comment les autres observateurs ont-ils rempli cette pre- mière et si essentielle condition? Dans les cas où le radium contenu dans un tube fermé à la lampe était mis simplement en contact avec les petits tubes con- tenant l’émulsion du virus (Calabrese), il est certain que cette condition a été complètement négligée, parce que, de cette manière, les émanations étaient entièrement exclues ; dans d au- tres, au contraire, nous ne pouvons pas juger dune manière précise, mais il y a tout lieu de supposer qu’une partie de la pulpe du système nerveux a échappé à 1 action des émanations, soit par suite de la présence de quelques particules de matière cérébrale, soit à cause de la trop grande hauteur de la colonne liquide soumise à l’action du radium, soit encore a raison d une trop petite superficie de contact, soit enfin par suite d une excessive dispersion des émanations dans le milieu ambiant. Et nous sommes d’autant plus autorisés a le penser que beaucoup croient, avec Danysz, et comme nous le pensions, nous aussi, avant les derniers résultats, que les effets du 686 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR c nun m vitro, de meme que ceux qu’on observe chez l’animal, étaient détermines parles radiations et non parles émanations- « est pourquoi, dans les recherches faites m vitro, on a tenu lé p us grand compte des premières, en négligeant entièrement, ou a peu près les secondes. Au contraire, on sait que les radiations n’agissent nullement sur le virus contenu dans la matière morte; en conséquence, si 1 on dispose 1 expérience comme il a été fait dans nos dernières lec erc es1, de manière à exclure absolument toutes les éma- nations, en laissant inaltérées les radiations, le radium n’exerce plus aucune action, m vitro , sur le virus rabique. Du reste, le docteur Rehns \ bien qu’avec une méthode dif- erenle, était arrivé, lui aussi, à cette même conclusion, à la suite d expériences exécutées à l’Institut Pasteur, en collabora- mn avec . îala, qui prit part aussi aux recherches faites ensuite par M. Danysz. D’autre part, on ne comprend pas que ce dernier, après avoir vu mourir des animaux avec un retard considérable. allant jusqu a 2 mois, sur les lapins de contrôle, ait préféré s 1 n est nullement opportun de se trop éloigner de ce qui se pra- tique ordinairement, en injectant, sous la dure-mère, d’exces- sives quantités d’émulsion rabique (1 c. c.), car celles-ci, à leur our, peuvent compliquer l’expérience par des faits d’intoxica- ion, en diminuant la résistance organique de l’animal (Danysz). Quant aux recherches sur l’animal, à la première condition mentionnée, de faire converger sur l’œil le plus grand nombre possible de radiations, nous devons en ajouter une autre, à savoir que, pour le bon succès de l’expérience, l’injection de j C’ C; d e™ulsion nerveuse à 1-2 0/0, doit être faite sous la < ure mere, dans le sens le plus strict du mot. En effet, il résulte de nos recherches encore inédites que. ns ces conditions d’expérimentation, l’issue favorable est 2 t w'T'T'”™ deJ radi0SUl Virus rabido- Travail cité. ■ 18 mars 1905. S '"elques effets du radium, C. B. de la Soc. de Biologie, ACTION DU RADIUM SUR LE VIRUS RABIQUE <>87 constante, au contraire , lorsqu'on pratique avec le virus une injec- tion intracérébrale , les animaux soumis au même traitement que les précédents meurent en même temps que les animaux de contrôle. Et cela se comprend facilement, si l’on songe à ce qui a été rappelé un peu plus haut, à savoir que les radiations agissent exclusivement par l’intermédiaire de la matière vivante, c’est- à-dire comme phénomène strictement vital, tandis qu’elles n'ont aucune action sur la pulpe de système nerveux dans laquelle le virus se trouve mêlé à la matière morte. D apres ces faits, il est facile de comprendre que le virus contenu dans le foyer nécrotique du cerveau, déterminé par la piqûre de l’aiguille et par la compression qu’exerce la matière injectée, soit soustrait complètement à l’influence des rayons du radium, et constitue un foyer infectieux qui arrive facilement à \ amcre les résistances opposées par le tissu environnant. C est poui cette raison que, dans nos expériences, nous cherchons à pratiquer l’injection subdurale le plus exactement possible, en pénétrant, avec l’aiguille, sous la dure-mère, d’une manière presque horizontale et en évitant toute espèce de lésion de l’écorce cérébrale sous-jacente. On ne comprendrait pas, d’ailleurs, pourquoi, dans les expé- riences avec le radium, on s’éloignerait de ce qui se pratique ordinairement, ainsi que des conditions normales, en compli- quantl inoculation du virus de lésions traumatiques du cerveau, lésions qui peuvent influer grandement sur les résultats de l’expérimentation. Or, nous ne savons pas si les expérimentateurs qui nous contredisent se sont rigoureusement conformés à cette manière de faire, en tout cas, nous avons cru de notre devoir d appeler leur attention sur ce point. Arrivons maintenant a la dernière partie, concernant les lésions qui peuvent être déterminées dans l’œil par le radium. Nous avons affirmé, à ce propos que, dans nos expériences, il y a eu absence complète de toute lésion, aussi bien de l’œil que des parties environnantes, et cela, nous pouvons le confir- mer aujourd’hui encore pour l’échantillon de 2 ctgr. de radium, auquel se rapportent exclusivement ces recherches et, qui, sui- vant le certificat annexé et portant la signature de Danne. a la 088 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 1 .g 0~' valeur de 100,000 U. R. par centigramme. Gela également clans le cas où le radium fut appliqué sur l’œil pendant une durée totale de 74 heures, réparties en 12 séances . Au contraire, avec l'emploi d’un échantillon plus fort (1 dcg. de radium pur à 500,000 U. R. par centigramme.), nous avons observé, nous aussi, même après 6 heures d'application, la chute des cils, la détermination d’une blépharite ulcéreuse, accompagnée de conjonctivite muco-purulente et suivie de symblépharon par- tiel, mais sans que celui-ci intéresse aucunement la cornée et l'œil. Nous devons d’ailleurs faire observer, à ce propos, que nos idées touchant l'influence que le pouvoir de l’échantillon peut exercer sur la maladie se sont considérablement modifiées, nos dernières recherches nous ayant démontré que, du moins dans certaines limites, l'efficacité , sur la rage , d’échantillons de radium de diverse puissance n’est pas en rapport direct avec la différence de leurs propriétés physiques ; de sorte que les effets des échantillons plus actifs sont un peu plus rapides que ceux des échantillons plus faibles, mais dans une proportion immensément plus petite que ce qu’on observe pour la différence de leur force radio-active. Ce fait étant établi, — et nous avons cherché aussi à en don- ner une explication plausible, — nous croyons que, chez l’homme, si l'on veut éviter les lésions des paupières, dont il a été parlé plus haut, on peut très bien appliquer un échantillon qui n’ait pas une puissance excessive, en compensant par la durée de l’application 1 insuffisance dans la force radio- active. Nous tenons, en outre, à déclarer que, pour le moment, nous nous occupons exclusivement de la question scientifique, qui a, par elle-même, une très grande importance et qui pré- sente encore de nombreuses inconnues à résoudre; les appli- cations pratiques viendront plus tard, et nous ne négligerons point, en temps voulu, de voir si, et en quelle mesure, les pos- tulata de la science sont applicables à l'homme. En attendant, nous pensons que si, avec le radium, on par- vient aujourd'hui à guérir le lapin de la rage, il n'y a aucune raison pour que, dans les mêmes conditions , on ne puisse pas espérer d’obtenir aussi les mêmes effets chez l'homme. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire. 20™e ANNÉE SEPTEMBRE 1906 No 9 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR SENSIBILITE DES RUMINANTS ET DES SINGES AU TRYPANOSOME DE LA DOURINE Par MM. F. MESNIL et J. ROUGET Chef de laboratoire à l’Iustitut Pasteur. Médecin-major de t1'0 classe « Les Ruminants de toute espèce paraissent absolument réfractaires à la Dourine; il en est de même pour les macaques. » C’est à ces deux lignes, écrites par Nocard en 1901 ‘, que se réduisent, croyons-nous, nos connaissances sur le sujet que nous désirons traiter ici2. Nocard opérait avec un virus qui lui avait été envoyé d'Algérie par Schneider et Buffard et qui était assez peu virulent : nous savons par exemple qu'il n’infectait qu exceptionnellement les rats et les souris. Le virus que l’un de nous avait entre les mains en 1894 3, et surtout celui qu il s était procuré en 1903 % étaient beaucoup plus actifs; ce dernier tuait, régulièrement et assez vite, les rats et les souris, plus lentement les cobayes. Cette différence de virulence a même amené une discussion sur le point de savoir si les Trypano- somes expérimentés par Rouget étaient bien ceux de Ja Dourine. La question nous parait définitivement tranchée à l'heure actuelle par l'affirmative; Schneider et Buffard le reconnaissent eux- mêmes ;j. 1. Nocard, G. R. Soc. Bioloyie, 4 mai 1SQ1, p. 464. 2. Dans un mémoire récent, Thomas et Breinl (. Liverpool School of trop- Med., mem. XV f) iont connaître qu’ils n’ont pas réussi à infecter une chèvrn avec un virus de Dourine dont ils n’indiquent pas l'or igine. 3. Rouget, Ann. Inst. Pasteur , t. X, 1.396, p. 716. 4. Rouget, C. R. Soc. Bioloyie , t. LVI, 7 mai 1904, p. 744, et Laveran et Mesnil, Trypanosomes et Trypanosomiases, Paris, 1904, p. 291. 5: Schneider et Buffard, Ann. Inst. Pasteur, t. XIX, nov. 1905. 44 •390 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Rappelons que, en dehors de la preuve tirée du diagnostic de la maladie chez les chevaux, Rahinowitsch et Kempner 1 ont apporté un fait particulièrement probant : partant du Trypano- some de Schneider et Buffard, ils ont réussi, après passages par rats hlancs, à infecter ces Rongeurs; le Trypanosome est devenu également pathogène pour le cohaye. Mme Rahinowitsch- Kempner nous a aimablement envoyé un cobaye infecté et nous avons constaté que le Trypanosome en question tue régulièrement la souris, qui succombe en 4 à 12 jours (moyenne 6 jours). Avec le Trypanosome de la même origine (Schneider-Buf- fard), Lignières 2 est arrivé de son côté à tuer assez régulière- ment les rats en 5 à 6 jours. Nous aurons Toccasion, au cours de ce mémoire, de citer de nouveaux faits, particulièrement probants, en faveur de Tunicité des Trypanosomes des chevaux reconnus atteints de Dourine. Les exemples de variations de virulence pour une même espèce de Trypanosomes ne sont d’ailleurs plus rares et les travaux de ces dernières années en ont apporté des exemples typiques. Mais ces variations, en ce qui regarde le Trypanosome de la Dourine, nous engageaientà reprendre, avec un virus fort , les expériences de Nocard sur les Ruminants et les Singes. En dehors de leur intérêt propre, les résultats ont une importance particulière pour la comparaison de la Dourine avec les autres trypanosomiases et surtout celles découvertes en Algérie ces dernières années. Leurs agents infectent les Ruminants et les Singes et on a tout naturellement vu là une différence tranchée avec le Trypanosome de la Dourine. Les faits que nous allons ^exposer vont prouver que cette différence n’existe pas. Singes. Le 28 février 1905, un gros Macacus cynomolgas du poids de 2 kg. 570 est inoculé sous la peau du ventre avec 1 c. c. de .sang dilué de souris à Trypanosomes assez rares (virus Rou- 1. Rabinowitsch et Kempner, Gentralbl. f. Bakier, I, Origin., t. XXXIV, 1903. -2. Lignières, Rapport présenté au congrès de Méd. vétér., Budapest, 1905. TRYPANOSOME DE LA DOURINE 091 Macacus cynoinolgus inoculé le 28 février 1905 692 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR get 1904). Les Trypanosomes apparaissent le 7 mars dans le sang1. Le tableau ci-joint donne à la fois la marche de la tem- pérature et celle de l’infection pendant les 3 premiers mois de la maladie. L’infection a procédé par poussées successives et a été assez intense. Pour la plupart des poussées, il v a des rapports très nets avec les élévations thermiques. Depuis le 15 mai, les Trypanosomes n’ont été revus qu’une fois, le 3 juin. Dans le courant de juin, le poids, qui précé- demment avait un peu baissé, était revenu au chiffre initial. Le singe paraissait guéri ; en juillet, il a baissé de poids et il a succombé le 23 juillet 1905, certainement à une affection diffé- rente. L’examen du sang, pratiqué presque journellement, était constamment négatif et un cobaye, inoculé la veille de la mort du singe, avec 2, 5 c. c. de son sang, ne s’est pas infecté. Nous croyons donc pouvoir affirmer que notre macaque, qui a passé par une infection sévère, était guéri au moment de sa mort. Caprins. I. Chèvre inoculée avec le virus de Rouget. Une chèvre du poids de 34 kilos est inoculée le 1er janvier 1905 sous la peau de l’oreille avec 1 c.c.de sang dilué de souris (virus Rouget 1904). Le 8 janvier, on découvre de rares Try- panosomes à l’examen microscopique. Les jours suivants jus- qu au 16 inclus, l’examen est négatif. Il est interrompu jusqu’au 13 février. En revanche, il est journalier du 13 février au 10 mars : il est positif les 14 et 17 février (vu i seul trypano- some), le 18 février (trypanosomes rar’es), négatif les autres jours. Depuis lors, l’examen microscopique est abandonné (v. infra les inoculations aux animaux). La chèvre a donc contracte une infection assez légère, mais relativement intense si on la compare à ce qui est la règle pour le Nagana, le Surra, etc., où Uexamen microscopique peut être complètement négatif. Les élévations thermiques (v. le tracé ci-joint) ont toujours été peu marquées les premiers mois. La chèvre maigrit : elle pèse 28 kilos le 3 mars, 29 le 20 mars, 25 kg. 5001e KLmai. En dehors de l’extrême maigreur, aucun symptôme externe. A partir du mois de mai, le poids se TRYPANOSOME DE LA DOURINE 603 Chèvre jnoculée le 1er. janvier 1905. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 094 relève rapidement : il est de 31 kilos le 16 juin, de 39,500 le 5 septembre, idem le 4 décembre, de 40 le 14 décembre. La chèvre a ensuite maigri. (Y. infra.) Animaux inoculés avec le sang de la chèvre. 19 janvier 4905. — 1 souris avec 1/2 c. c. dans le péritoine : meurt infectée e i 11 jours. 6 février 1905. — 1 souris avec 1/2 c. c. dans le péritoine: meurt infectée en 12 jours 1/2, incubation 6 jours. I souris avec 1/2 c. c. dans le péritoine : meurt infectée en 20 jours 1/2 ; inculation 6 jours également. 9 mars 1905. 1 souris avec 1/3 c. c. dans le péritoine : meurt en 62 jours 1/2 (incubation, 6 jours; trypanosomes présents durant une quinzaine de jours,, rien pendant 22 jours, puis de nouveaux trypanosomes les 15 jours qui précèdent la mort). 31 mars 1905* 1 souris avec 1/2 c. c. dans le péritoine : meurt en 17 jours (incubation 6 jours). II mai 1905. — 1 souris avec 1/2 c. c. dans le péritoine: meurt en 18 jours (incubation 7 jours). 1 souris avec 1/2 c. c. dans le péritoine : meurt en 20 jours (incubation 7 jours). 29 juin 1905. — 1 rat reçoit 5 c. c. dans le péritoine : ne s’infecte pas. 20 août 1905. — 1 chien reçoit 20 c. c. dans le péritoine; n’a rien le 5 octobre. A cetle date, est réinoculé avec 20 c. c. : Trypanosomes vus pour la R-e fois le 21 octobre; sont présents d’une façon intermittente en octobre et novembre; l’examen du sang est négatif du 15 décembre au 26 janvier; ce jour-là, les trypanosomes sont non rares; du 26 janvier à la mort (nuit du 16-17 avril 1906), l’examen est négatif sauf une fois. Borgne le 18 novembre, le chien devient aveugle vers le 15 décembre K [Le 5 octobre 1905, la chèvre regardée par erreur comme guérie (v. supra) reçoit sous la peau de l'oreille 1 c. c. sang dilué souris de passage.] 6 novembre 1905 — 1 chien reçoit 20 c. c. dans le péritoine. Incubation 10 jours; trypanosomes présents du 16 novembre au 4 décembre, absents du 7 décembre au 23 janvier; non rares le 26 janvier. Le chien meurt le 28 jan- vier 1906 sans avoir montré de phénomènes morbides oculaires. 27 janvier 1906. — Chien F reçoit 20 c. c. dans le péritoine : les trypano- somes sont. vus pour la pe fois le 24 mars; meurt aveugle le 12 avril. Chien P reçoit 10 c. c. dans le péritoine; les trypanosomes sont vus pour 4a Pe fois le 20 mars ; sacrifié mourant le 20 avril. (Le 7 mars 1900, la chèvre, encore regardée, à tort, comme guérie, reçoit 1 c. c. sang dilué souris de passage, très riche en trypanosomes.) 12 avril 1906. — 1 chien reçoit 25 c. c. dans le péritoine : trypanosomes vus pour la pe fois le 29 avril; meurt aveugle le 4 juillet. 1. L’étude de ces yeux et de ceux des autres chiens dourinés fera l’objet d’un travail spécial de M. le docteur Morax. TRYPANOSOME DE LA DOURINE 695 La chèvre continue donc à rester infectée. Vers le milieu de 1905, après 6 mois d’infection assez intense, elle a paru guérir (trypanosomes extrêmement rares dans le sang, état général excellent), mais les inoculations aux chiens ont prouvé que cette guérison n’était qu’apparente. A remarquer que les chiens inoculés le 27 janvier 1900 ont montré une incubation de près- de 2 mois. Dans le courant de juin 1906, la chèvre est devenue assez: rapidement aveugle. Depuis quelques mois, son état général est d’ailleurs moins bon. A partir de janvier 1906, elle maigrit de- nouveau. De 40 kilos, en décembre 1905, son poids est tombé à 34 kg. 500 le 30 janvier; à 28,500, le 16 juin; il était le 19 juillet de 31 kg. 500; il est de 34 kg. 500 le 4 septembre. La maladie évolue donc lentement (il y a 19 mois que la chèvre est inoculée) vers une issue qui sera probablement fatale, et, comme c’est parfois le cas dans la Dourine des Equidés, il y a eu des périodes de mieux simulant la guérison. Les animaux inoculés avec le sang de la chèvre ont révélé quelques faits intéressants. Nous avons vu une souris mourir en 62 jours 1/2, après avoir montré une période de pseudo-gué- rison. Quatre chiens sur 5 sont devenus aveugles. IL Bouc inoculé avec le virus de MmQ Rabinowitsck. Le 27 mai 1905, un jeune chevreau mâle de 2-3 mois reçoit sous la peau de l’oreille 1 c.c. sang dilué de cobaye. 11 n y a pas de réaction thermique. La température reste entre 39 et 40 a de rares exceptions près : elle atteint 40 le 19 juin, 40,4 le 14 juillet, 40 les 11, 15 et 16 août; elle oscille autour de 40 du 23 au 29 août; elle est comprise entre 39,5 et 40 tout le mois de- septembre. L’infection est extrêmement peu intense, à tel point que nous avons cru un moment que le bouc s’était montré réfractaire. Voici les résultats des inoculations aux animaux : 21 juin 1905. — 1 souris reçoit 1/2 c. c. sang dans le péritoine : ne s in- fecte pas. juillet 1905. — 1 cobaye reçoit 5 c. c. dans le péritoine: n’était pas infecté le 2 août; à cette date, a été réinoculé, trop hâtivement, avec du sang, à Trypan et s’est infecté. 090 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 6 oclubre 1903' ~ 1 cobaye reçoit 5 c. c. dans le péritoine : s’infecte et meurt en plus de 4 mois. (Le 6 octobre, le bouc, qu’on supposait ne pas s’étre infecté, est réinoculé sous la peau de 1 oreille avec 1 c. c. sang dilué de souris de passage.) Oilo te 1905. 1 cobaye reçoit 8 c. c. dans le péritoine, s’infecte et meurt en 27 jours. . ï; 19 décembre 1903 et 1er man - A chacune de ces dates, 1 cobaye leçon 8 c. c. dans le péritoine; aucun ne s’infecte. Le bouc, supposé guéri (la non-infection des animaux precedents le prouve), est réinoculé le Ie'' mars 1906 avec du sang de souris do passage (toujours virus Raîjnowitsch.) i „ 24 .T?’ ?.CObayes reç;oiïent chacun 8 c. c. de sang; aucun ne s’infecte. Le -o an il , 1 chien reçoit 15 c. c. ; il reste indemne. Le bouc a donc acquis l’iminunite. Il est alors inoculé le 2o mai avec du sang- d’une souris de passage du virus Rouget. Le 8 juin , 2 souris et un chien sont inoculés avec le sang du bouc. Chaque souris reçoit 1/2 e. c. dans le péritoine; l’une meurt 19 jours plus tard sans avoir montre de Trypan. L’autre souris et le chien, qui a reçu 20 c. c., vivent encore (4 septembre) et n’ont jamais présenté de Trypan. Nous pouvons donc conclure que le bouc, à la suite de sa legere infection par le Trypan. de Mme Rabinowitsch (origine Schneider-Rulïard), a acquis V immunité à la fois pour ce Trypan. cl pour celui de Rouget. Cette expérience vient donc corroborer la thèse que nous avons toujours soutenue au sujet de l’unicité des parasites trouvés chez les chevaux avant les symptômes de laDourme. ' L’évolution de l’infection chez le bouc a été assez diffé- rente de ce qu elle est chez la chèvre. Cela tient-il à une différence de race des virus ou bien à des questions de sensi- bilité individuelle de caprins? 11 faudrait opérer sur un plus grand nombre d’animaux pour répondre à cette question. Malgré sa très légère infection, le bouc a été sérieusement aiieeté. En effet, il a longtemps conservé la taille qu’il avait au momentde l’inoculation; son poids n’était encore, en mai 1906 que de 19 kilos; il était, en juillet -1906, de 22 kilos. Ses progénileurs atteignaient l’un et l’autre de 38 à 40 kilos '. ' yift.pUnc jeune clieèreUe, son* du boue en question, a été inoeulée un neu nlus a i qqel",, le S juillet IMS, avec le trypan. du Nagana (voir Laveiun et Mesnit- t. h. Acad Sciences. îü juin 1906, chèvre N); elle aussi n’a plus montré ba, F roissement normal de poids ni de taille montic 1 ac- TRYPANOSOME DE LA DOURINE 097 Bovidés M. Vallée, professeur à F École vétérinaire d’Alfort, connais- sant nos résultats avec la chèvre (v. supra), a bien voulu nous proposer d’inoculer à Àtfort une vache bretonne. Voici l'obser- vation intéressante qui nous a été remise par notre excellent collègue, que nous sommes heureux de remercier ici : « Le 25 juin 1905, l'inoculation est faite avec le virus Rou- get. Le 1er juillet au soir, ascension brusque de la température qui, de 38°, 4 moyenne, monte à 39°, 7, pour gagner 40°, 2 le 2 juillet et redevenir normale le 3. Le 1er juillet, parasites facilement visibles dans le sang. « Épreuves du sang chez le chien : positives les 1er août et 20 septembre: négative, à 150 c. c., le 1er décembre. Réinoculée le 6 janvier 1906 avec le même virus, la vache se montre immu- nisée, car 100 c. c. de son sang, partagés entre 2 chiens le 10 février, les laisse indemnes. Le 10 février, la vache doit être abattue pour obstruction intestinale. » L'infection ici est encore d’un type particulier. Il y a la poussée thermique caractéristique de la réaction des Ruminants à plusieurs trypanosomiases. L'infection, au début, est au moins aussi intense que celle de la chèvre dourinée ; mais elle est de courte durée; il y a guérison et immunité comme pour le bouc infecté avec le virus de Mme Rabinowitsch. & TTC L’ensemble des faits exposés prouve d’une façon manifeste que le virus de la Dourine peut infecter les Ruminants et les Singes, comme c’est généralement le cas pour les autres Trypan. pathogènes de Mammifères. Une différence ne peut donc être établie, de ce chef, entre la Dourine et les trypanosomiases d’Algérie. Nous n’en restons pas moins persuadés, eu égard surtout à l’étiologie1, qu'il s'agit d’entités morbides distinctes. La Dourine est, en l’état actuel de nos connaissances, la seule maladie transmissible directe- ment par le contact du parasite avec les muqueuses. 1. Voir in Edm. et Ex. Sergent (cos Annales, août 1906, p. 680) los expériences comparatives entreprises à ce sujet. ETUDES SUR LA MORVE EIPÉRffliTALE I COBAYE Pau M. NICOLLE (Suite.) INFECTION DES JEUNES COBAYES PAR LES VIRUS M ET C — IMMUNITÉ CONSÉCUTIVE, OBSERVÉE DANS CER- TAINS CAS. Nous avons inoculé, avec nos deux échantillons de b. mor- veux, un grand nombre de cobayes, mâles et femelles, âgés de 2 semaines à 2 mois et ces inoculations nous ont révélé divers détails nouveaux qui méritent d’être rapportés. INFECTION PAR LE VIRUS M Voie intrapéritonéale . — Les femelles jeunes supportent, comme les femelles adultes, de fortes doses de virus : constam- ment 10_1 et souvent 1/2 centigramme. Les mâles contractent toujours la forme ectopique (qu'il s'agisse de 102, KL1 et même 1/2 centigramme), jusqu’aux environs du 2e mois, où commence a apparaître la forme scrotale. Cette forme ectopique guérit dans la moitié des cas environ, si l’on a inoculé KL2 ou KL1; elle se traduit alors, d’un coté par le type inguinal, de l’autre par le type régressif où, plus souvent, par le type éphémère. (Ic i se place une remarque d’ordre général. Chez les mâles adultes, comme chez les mâles jeunes, il n’existe aucun rapport entre le coté du scrotum où prédominent les lésions génitales et le côté de 1 abdomen où a été poussée l’injection.) Dans les cas mor- tels, la maladie dure généralement plus longtemps que chez les adultes témoins; on observe alors d’ordinaire l’éclosion d’acci- dents farcineux, et, avant tout, d ’ostéopériostites. Voici, pour fixer les idées, le résumé d’une expérience comparative, faite sur 2 mâles (jeune et adulte) et 2 femelles (j. et a.). MORVE EXPÉRIMENTALE 1)U COBAYE 0)99* Dose inoculée : 1(H dans le péritoine. Mâle de 230 grammes : formé ectopique (inguinale d’un côté, éphémère de l’autre), guérison. Male de 580 grammes : forme scrotale subaiguë bilatérale, mort en 26 jours 1/2. Femelle de 230 grammes : pas d’infection. Femelle de 540 grammes : pas d infection. INFECTION PAR LE VIRUS C Voie intrapéritonéale . — Les femelles jeunes sont certain nement moins sensibles que les adultes. Les mâles offrent tou- jours, ici encore, la forme ectopique, jusqu’aux environs du 2e mois; avec 10-2 on n’observe jamais de guérisons, avec 10'3 certains animaux survivent, avec 10 4 et KL5 le nombre des terminaisons favorables s'accroît. Citons, à titre d’exemple, l’expérience comparative suivante, qu’il sera intéressant de rapprocher de l’expérience ci-dessus , concernant le virus M. Dose inoculée : 10-3 dans le péritoine. Mâle de 180 grammes : forme ectopique (inguinale d’un côté, régressive' de l’autre), guérison. Mâle de 500 grammes : forme scrotale aiguë bilatérale, mort en 24 jours. Femelle de 170 grammes : pas d infect ion. Femelle de 530 grammes : morte en 25 jours avec « farcin péritonéal ». Voies sous-cutanée et intramusculaire. — Pas de diffé- rences appréciables entre les cobayes jeunes et les adultes. Fréquence remarquable des ostéopériostites (ainsi quaprès les inoculations intraabdominales) . SENSIBILITÉ COMPARÉE DES JEUNES SUJETS ET DES ADULTES Les expériences qui précèdent montrent que les mâles jeunes, - inoculés dans le péritoine, ne succombent pas toujours avec le virus C et guérissent souvent avec le virus M. A quelles causes doit-on attribuer cette bénignité éventuelle, que nous n’avons jamais rencontrée chez le mâle adulte? Faut-il en faire la conséquence de X ectopie , imposée, aux jeunes cobayes, psfr la disposition de leur appareil génital et tendant à circonscrire les lésions dès le début? Evidemment non, puisque l’ectopie n’empêche point la majorité des jeunes- 700 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR animaux de succomber- et que, chez l’adulte, elle est toujours suivie de mort. Il est d’ailleurs, facile de vider la question, chez l’adulte, en déterminant d’abord Y ectopie forcée des testicules, puis en infectant les animaux. Pour cela, il suffit d’injecter de la paraffine dans les bourses, de manière à remplir complète- ment les cavités scrotales. Les injections aseptiques de paraffine sont parfois suivies d’une nécrose, uni ou bilatérale, des tégu- ments, due sans doute à la cornpression excessive subie par eeuxed .^lai^nombre de sujets y échappent; si, à ces cobayes, ono administre, par la voie abdominale, 10*2 de virus M (dose minima sûrement mortelle), ils succombent dans les mêmes delais que les témoins. L abcès du muscle testiculaire offre, selon les cas, un volume plus ou moins grand; ne pouvant envahir le scrotum, il se développe dans la fosse iliaque. L ectopie étant mise hors de cause, on doit penser, avant tout, à une moindre vulnérabilité de la vaginale musculaire , nettement démontrée par la fréquence des types régressif et éphémère unilatéraux . Ce facteur, très important, peut s’exa- gerer, dans certains cas exceptionnels, au point d’aboutir à une immunité locale bilatérale , comme il ressort des deux obser- vations suivantes : (S) Un cobaye mâle (230 gr.) reçoit 10-5 (virus C) dans le péritoine. On assiste, bientôt, au développement d’une tumeur intra-abdominale, laquelle atteint les dimensions d une petite noix et se résorbe ensuite peu à peu. ^ général demeure bon et l’animal augmente régulièrement de poids. Purs, Survient la â maladie du nez », qui l'enlève 101 jours âpres l’infection. A t autopsie : nodule fîbro'-caséeux, du volume d’un pois, dans l’épaisseur du mésentère, appareil génital indemne; granulations spléniques récentes. (T) Un cobaye male (240 gr.) reçoit 10-4 (virus C) dans le péritoine : aucun effet. Après 97 Jours, la guérison étant toujours apparente et le poids ayant atteint 390 gr. (+130), on injecte 1 centigramme Mae sous la peau : rëuéWdii normale; mais émaciation assez rapide et apparition d’une ostéo- périoMite île* l’ischion droit (cultures et inoculations positives, avec le pus), qui dure J.nsqu: et la fin de la vie. Puis, ostéopériostites curables des avant- bras. Mort en 77 jours; à l’autopsie: appareil génital indemne , pas de lésions morveuses autres que celle de l’ischion. • » i o x;i - 1 Cc.ç deux animaux , bien qu’ayant dépassé le premier mois, se sont donc comportés comme des femelles ; l’un a été atteint de farcin péritonéal, l’autre n’a présenté aucune localisation abdominale visible. MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 701 Il est donc certain que la moindre vulnérabilité de la séreuse musculaire, susceptible de limiter, plus sûrement encore que l’ectopie. elle-même, l’importance des lésions, représente un élément très efficace de bénignité. Mais ce facteur, à lui seul, ne saurait rendre compte de la guérison des sujets, puisqu e lésio?is égales les adultes (inoculés avec 10 2 de virus M, par exemple) succombent toujours. On doit admettre, en conséquence, que les jeunes animaux sont réellement plus résistants à la morve que les adultes. Cette conclusion se trouve corroborée par le résultat des inoculations intrapéritonéales comparées de virus C chez les femelles (jeunes et adultes). Par contre, elle n’aurait pu être établie par les expériences d’infection, à l’aide du même virus, sous la peau ou dans les muscles des cobayes (jeunes et adultes) des deux sexes, ni par les expériences d’infection intrapéritonéale comparée de virus M chez les femelles (jeunes et adultes); le mode d’inoculation dans le pre- mier cas, la faible activité des germes dans le second, ne per- mettant pas de mettre en évidence la sensibilité différente que manifestent les animaux selon leur âge. Ces faits prouvent, une fois de plus, combien est complexe le problème de l’infection morveuse. IMMUNITÉ DES JEUNES CODATES GUÉDIS Les observations qui suivent démontreront que les jeunes cobayes peuvent résister à la dose 10~2 de virus C inoculée sous la peau, après avoir supporté, sans grand dommage, les doses : 10'2 de virus M dans le péritoine, 10~3 de virus C dans le péri- toine également, 10 4 de virus C sous la peau. Immunité , conférée par le virus J/, vis-à-vis du virus C. En voici un exemple net : (U) Un cobaye male (230 gr.) reçoit 10-2 (virus M) dans le péritoine : à droite, forme éphémère; à gauche, forme ectopique inguinale (ouverture et cicatrisation); pas d’émaciation. Après 132 jours, le poids ayant atteint 450 grammes (4- 200), on injecte, sous la peau, 1 centigramme Mae : réaction normale. 20 jours après, 660 (+ 210); on inocule 10"2 (virus C), sous la peau : nodule local, du volume d’un pois, ouvert et rapidement cicatrisé; pasd’émaciation(un témoin, de650 grammes, meurt en 24joursl/2 ; abcès local ; ostéites, suppurées des deux avant-bras et non suppurée de la jambe gauche; « orchite métastatique » bilatérale; éruption de granulations 702 ANNALES DE T/INSTITUT PASTEUR dans la rate). Après 43 jours, 790 (-}- 120); on injecte 1 centigramme Mae sous la peau : réaction normale. L’animal est encore en observation. Immunité , conférée par le virus C. vis-à-vis du virus C. Les deux observations suivantes sont très démonstratives, malgré l’absence de témoin dans la première. (V) Un cobaye femelle (145 gr.) reçoit 10-3 (virus C) dans le péritoine : deux petits nodules éphémères de la paroi, au niveau du point de pénétra- tion de l’aiguille. Après 66 jours, l’animal pèse 290 gr. (-f- 145); on inocule 10-2 (virus C) sous la peau : petit abcès, qui s’ouvre et guérit rapidement, {Un témoin n’a pas été fait, par erreur.) L’animal est encore en observation. (X) Un cobaye femelle (140 gr.) reçoit 10--* (virus G) sous la peau : deux petits nodules du volume d’un pois, disparaissant par résorption. Après 46 jours, le poids étant de 260 gr. (+ 120), on injecte, sous la peau, 1 centi- gramme Mae : réaction normale. Après 26 jours, 300 (+ 40), on inocule, sous la peau, 10-2 (virus C) : deux petits nodules éphémères (un témoin meurt en 37 jours). L’animal est encore en observation. IMMUNISATION DU COBAYE MALE ADULTE, CONTRE L’INOCULATION INTRAPÉRITONÉALE DES VIRUS M ET C, RÉALISÉE PAR L’INJECTION 1NTRAABDOMI- NALE DE SUBSTANCES DIVERSES, D’HUMEURS NOR- MALES, OU DE MICROBES ÉTRANGERS. Panisset a fait voir qu’en inoculant, dans le péritoine du cobaye mâle, un mélange de bacilles morveux et de staphylo- coques, on arrivait à prévenir l’infection, sans créer toutefois d’immunité consécutive. 2 races de b. de la morve et 3 races de staph. se sont prêtées à cette expérience; un 4e échantillon de staph. ne jouissait d’aucun pouvoir antagoniste. Mêmes résultats, siles microcoques sont injectés 24 heures avantle virus morveux. Résultats inconstants, quand on les remplace par l’eau physiologique, le bouillon glycériné, ou les sérums chauffés de cheval et de bœuf. Les expériences suivantes ont été faites bien avant l’appa- rition du travail précédent. INJECTION INTRAPÉRITONÉALE DE SUBSTANCES DIVERSES Eau physiologique. Elle a toujours paru sans effet, tout au moins vis-à-vis du virus C. Exemple : MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 703 Un cobaye m ile reçoit, dans le péritoine, 10 c. c. d’eau physiologique. Le lendemain, on injecte, par la même voie, 10-6 (virus C). Mort dans les délais habituels, avec les lés. cl. Bouillon frais. Il peut manifester, au contraire, une certaine influence, comme on va le voir. Un cobaye mâle reçoit, dans le péritoine, 10 c. c. de bouillon frais et, le lendemain, 10-6 (virus C) : forme scrotale subaiguë bilatérale, ouverture, guérison. 71 jours après, on sacrifie l’animal : testicules atrophiés, entourés d’une enveloppe scléreuse; cavités scrotales disparues presque complètement. Pilocarpine. (Chlorhydrate.) On injectait 1/8 de milligramme dans le péritoine, et, le lendemain, l’animal était soumis à l’épreuve infectante. Avec le virus C (KL6), l’effet préventif a toujours été nul; avec le virus M (1 02), tantôt les cobayes ont montré la même sensibilité que les témoins, tantôt ils ont contracté la forme ectopique (mortelle), ce qui tend à indiquer une légère augmentation de résistance. INJECTION INTRAPÉRITONÉALE I)E SÉRUM DE CHEVAL (Chauffé 1/2 heure à 5o°.) On administrait aux animaux, par la voie abdominale, 5 c. c. de sérum et, le lendemain, par la même voie, 102 (virus M) ou 10 (virus C). Avec le virus M, les résultats ont été des plus variables : forme scrotale (aiguë ou subaiguë), forme ectopique, absence d’infection. Avec le virus C, on n’a observé queles deux alter- natives extrêmes : forme scrotale aiguë ou résistance com- plète. Dans ce dernier cas, aucune immunité n’a pu être décelée ultérieurement chez les sujets qui avaient échappé à la morve. Exemple : Un cobaye mâle (540 grammes) reçoit 5 c. c. de sérum dans le péritoine et, le lendemain, KM (virus C) par la même voie : aucun rfj'et, (un témoin meurt en 9 j. 1/2). Après 24 jours, on réinocule 10-6 ; mort en 38 jours, avec les lés. cl. INJECTION INTRAPÉRITONÉALE DE BACTÉRIES ÉTRANGÈRES Nous n’avons étudié que le B. subtilis , traité par le cbloro 704 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR forme (qui ne tue pas les spores) et administre à doses énormes . Son action immunisante ne saurait faire de doute. Un cobaye male (540 grammes) reçoit, dans le péritoine, 1 gramme de B. subtilis , traité par le chloroforme : émaciation peu marquée. 8 jours après, on injecte, par la même voie, 10-2 (virus M) : le testicule droit se prend seul, puis l’animal contracte la maladie du nez, et on le sacrifie, 8 jours après l’inoculation d’épreuve. A l’autopsie, comme unique lésion morveuse, on note l’adhérence du testicule gauche, au musculus testis , en un seul point ; à ce niveau, petit exsudât , qui aurait certainement guéri sans encombre, comme le prouvent plusieurs cas analogues déjà relatés au cours de ce travail. (Z.) Un cobaye mâle (680 grammes) reçoit, dans le péritoine, 1 gramme de B. subtilis , traité par le chloroforme : émaciation marquée. Après 90 jours , on injecte, par la même voie, 10 2 (virus M), qui tue un témoin en 29 jours. Forme ectopique bilatérale, type régressif. Après 25 jours, le poids étant de 620 grammes (+ 50), on injecte 1 centigramme Mae sous la peau : empâtement, qui durcit et devient fluctuant en un point; évacuation d’un bourbillon minime et d’un peu de pus, par un petit pertuis ; guérison rapide (par conséquent : réaction modérée). Après 14 jours, 650 grammes (+ 80); on injecte, à nouveau, 1 centigramme Mae : empâtement qui durcit, puis se ramollit au centre, mais se résorbe finalement assez vile; on considère donc V animal comme guéri . 27 jours après la seconde injection de Mae, on inocule 10-5 (virus G), sous la peau du côté droit de l’abdomen. (Un témoin meurt en 38 j. 1/2, avec abcès local à marche aiguë, ulcération scrotale droite et éruption granuleuse au niveau de la rate) : abcès à évolu- tion lente, accompagné de tuméfaction des ganglions inguinaux droits; le tout guérit sans émaciation. Après 40 jours, 760 grammes (+ 50); on injecte 1 centigramme Mae sous la peau : réaction violente, puis émaciation et farcin subaigu. Celui-ci se traduit par les accidents suivants : tuméfaction des glandes de l’aine droite, suivie de suppuration; abcès du poignet droit, qui se résorbe ; enfin, abcès de la paroi abdominale. On sacrifie l’animal après 83 jours; à l’autopsie, comme lésions morveuses, on ne note que la suppu- ration, presque guérie, des ganglions. Dans ce dernier cas, l’immunité vis-à-vis du virus M, com- plète c/uoad vitam , s’est montrée très marquée quoad lœsionem. La résistance ultérieure vis-à-vis du virus G n’a guère été moins forte, croyons-nous; il paraît, en effet, hors de doute que ranimai aurait guéri sans encombre, s’il n’avait reçu préma- turément 1 centigramme Mas sous la peau. Les expériences qui précèdent, rapprochées des expériences d’immunisation intrapéritonéale contre l’infection par la même voie (comparable à la vaccination intrapleurale, vis-à-vis de l’inoculation homologue), nous amènent à poser un problème MORVE EXPÉRIMENTALE DU GORAYE 705 délicat, celui des immunités locales. Il est généralement admis, en pareille matière, que l’eau physiologique, le bouillon, voire les sérums normaux, n’agissent qu’en provoquant un afflux leucocytaire dans la séreuse qui les reçoit. Faut-il encore accepter ce mécanisme banal pour les bactéries étrangères et même pour le bacille morveux? Nous considérons une pareille manière de voir comme tout au moins excessive dans ce dernier cas et nous pensons qu elle peut l’être également dans, le cas des bactéries étrangères. Nous démontrerons plus tard, en effet, que certains microbes confèrent au cobaye une résistance générale indéniable vis-à-vis de la morve; si le B. subtilis et le staphylocoque possédaient une telle propriété (ce qui n’a rien d’invraisemblable), il serait difficile de ne pas. tenir compte de cet élément spécifique (au sens chimique et non biologique du mot) pour expliquer l’immunité locale. Enfin, il est permis de se demander, théoriquement , si cet élément fait défaut dans le cas des sérums (que nous savons contenir tant d’« anticorps normaux ») et même dans celui des liquides indifférents (bouillon, eau physiologique). Ces derniers no déterminent-ils pas de la cytolyse, et ne libèrent-ils pas, par ce mécanisme, des substances intracellulaires dont Faction pourrait parfaitement être analogue à celle des sérums ? Les recherches, entreprises avec le sérum de cheval et suivies de succès dans certains cas, auraient pu suggérer l’idée que la vulnérabilité de la vaginale musculaire reconnaît tout simplement pour cause une défense phagocytaire insuffisante, liée elle-même au facteur mécanique dont nous avons parlé. Mais on n explique toujours pas ainsi pourquoi cette vulnérabi- lité se manifeste électivement vis-à-vis du B. de la morve. D’ailleurs, l’action du sérum de cheval n’est pas aussi simple qu’on serait tenté de le supposer a priori; le chapitre suivant va nous le démontrer. EXPÉRIENCES DIVERSES — SUR LE COBAYE ADULTE — AVEC LES BACILLES MORVEUX TUÉS DE PLUSIEURS FAÇONS (VIRUS M). On distingue généralement, aujourd’hui, deux sortes de poisons bactériens : les « toxines solubles » et les « endotoxi- 45 706 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nés ». Admettant provisoirement cette distinction, nous dirons que le bacille de la morve, étudié en prenant le cobaye comme animal réactif , ne parait donner naissance qu’à une « endo- toxine ». Celle-ci se rencontre, sous forme très diluée, dans la malléine et, sous forme plus ou moins concentrée, dans les corps microbiens traités de diverses façons. Avec ces corps microbiens* dont nous allons nous occuper tout d’abord, on peut préparer une gamme de produits d’activité décroissante ; il suffit, pour cela, de faire agir, sur les bacilles vivants : la cha- leur,les alcalis, les acides, l’alcool-éther, l’acétone, lechloroforme, le formol, le tannin, etc... Nous ne parlerons, dans ce travail, que des bacilles soumis à l’action de la chaleur, de l’alcool-éther, du chloroforme et de l’ammoniaque. Voici quelques chiffres qui établiront leur toxicité respective : Dose mortelle, dans le péritoine, des germes traités par : La chaleur au moins 5 centigrammes. L’alcool-éther — 10 — Le chloroforme — 10 — L’ammoniaque — 75 — (Evaluation en microbes humides.) MICROBES CHAUFFÉS Nous les avons employés moins souvent que les microbes traités par l’alcool-éther (lesquels feront l’objet d’un chapitre spécial, à cause du grand nombre d’expériences entreprises avec eux) ou le chloroforme, parce que leur activité, plus grande que celle des deux autres, ne convenait point au genre de recherches que nous avions en vue. Toutefois, nous trouvons dans les résultats de leur administration par la voie abdominale des points intéressants à rapporter. La dose mortelle minima , pour ce mode d’intoxication, n’a jamais été inférieure à 5 centigrammes; mais il faut bien savoir que, vis-à-vis des bacilles chauffés (comme vis-à-vis des bacil- les tués par d’autres moyens), les animaux manifestent de très grandes différences de sensibilité individuelle ; c’est ainsi que nous avons vu un cobaye résister à l'injection intrapéritonéale de 8 centigrammes, mais cette observation est demeurée isolée. Il ne semble point ^que le degré de température , auquel on porte les émulsions pour les stériliser, joue un rôle appréciable, MORVE EXPÉRIMENTALE DU CORAYE 707 au moins entre 55° et 100°; l’activité des germes tués à 55°, 60°, 70°.. . 100° nous a toujours paru, en effet, identique — autant qu on peut en juger, étant donnée la susceptibilité variable des sujets. D une façon générale, les résultats obtenus dépendent de la dose employée; ces résultats sont les mêmes pour les deux sexes, quand la mort survient rapidement; ils diffèrent, dans le cas Contran e, par 1 absence constante de lésions génitales cbez les femelles. Les faibles doses (entre KH et un centigramme) ne déter- minent point de phénomènes généraux, où entraînent une éma- ciation habituellement modérée et transitoire. Les doses moyennes (entre 1 et 5 centigrammes) font presque toujours maigrir les animaux; cette perte de poids dure parfois très longtemps et les sujets contractent souvent une affection inter- currente, fatale dans la majorité des cas (la pseudo-tuberculose et la « maladie du nez des cobayes » constituent les plus fréquentes de ces complications). Les fortes doses (entre 5 et 8 centigrammes) amènent le plus ordinairement la mort : tantôt en 12-36 heures, tantôt en quelques jours, tantôt à la longue (avec ou sans maladie surajoutée). Les cas à terminaison rapide reproduisent exactement le tableau clinique et anatomo-pathologique de la péritonite morveuse suraiguë, avec cette seule différence qu’on ne retrouve, dans la cavité abdominale (remplie ou non d’un exsudât), aucune forme microbienne visible. Le mécanisme intime est évidemment le même avec les germes, soit vivants, soit morts, injectes à dose massive : empoisonnement violent, local et général, par les produits toxiques qu’abandonnent un grand nombre de bacilles brutalement décoagulés. Au cours des intoxications non mortelles ou lentement mortelles , on observe fréquemment, s’il s’agit de sujets mâles, 1 apparition d’ accidents génitaux très bénins; il faut en connaître 1 existence possible et les rechercher avec soin, sans quoi ils passeraient presque toujours inaperçus. Ce sont : l’in- duration superficielle de la glande mâle (surtout au niveau de 1 épididyme), la production d’un frottement très net quand on cherche à la refouler en haut, la limitation de sa course ascen- sionnelle, parfois même sa fixation dans le scrotum. Ces acci- 706 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dents restent le plus souvent unilatéraux. A Tautopsie des ani- maux atteints (sacrifiés des temps variés après l'injection), on rencontre des lésions rappelant tout à fait le début de celles que déterminent les microbes vivants. La séreuse, qui revêt la face péritonéale du muscle testiculaire, est le siège d’une con- gestion hémorragique plus ou moins intense, ordinairement localisée à sa partie interne. Sur ce fond enflammé, apparaissent des exsudats jaunâtres et mous, d’abord peu adhérents, puis fixes. L’examen histologique y montre surtout des mononu- cléaires et ne permet d’y rencontrer aucun germe visible. Ces exsudats augmentent propressivement de consistance et finissent par se scléroser. A leur période aiguë, ils offrent l’apparence de petites granulations, arrondies ou elliptiques, entourées d’une aréole congestive, granulations dont le diamètre oscille entre celui d’une tête d’épingle et celui d’un grain de mil. Tantôt les lésions demeurent isolées, tantôt elles se réunissent, formant des tramées ou des plaques d’étendue variable; dans le premier cas, il peut être impossible de les reconnaître clini- quement. Le testicule, et surtout l’épididyme, se prennent fré- quemment à leur tour et adhèrent au musculus testis par une surface plus ou moins grande. Après injection de très faibles doses de microbes chauffés, les altérations, discrètes, ne dépassent jamais la vaginale (vraie); mais, après injection de quantités plus considérables, on les rencontre souvent aussi à la surface de la raie, moins ordinaire- ment au niveau du foie ou de l’épiploon. Ce sont encore des exsudats, d’abord mous, puis fermes, se transformant finalement en taches laiteuses et pouvant provoquer l’accolement de la rate aux parties voisines. Nous retrouvons donc ici, mutatis mutandis , l’équivalent de ce qui se passe lors de l’inoculation des microbes vivants; on se souvient que les faibles doses épuisent leur action sur la vaginale, tandis que les doses plus fortes la débordent et envahissent la séreuse péritonéale, de préférence celle qui enve- loppe la capsule splénique (ubi supra). MICROBES TRAITÉS PAR LE CHLOROFORME (VAPEURS) Nous nous sommes servi tantôt de microbes humides, tan- tôt (et le plus souvent) de microbes desséchés dans le vide MORVE EXPÉRIMENTALE DU CORAYE 709 sulfurique; ces derniers représentant, en poids, le 1/3 environ des autres. Le chauffage, jusqu’à 100°, ne semble ni diminuer ni augmenter la toxicité des germes tués par le chloroforme. Injections intrapéritonéales . La dose minima mortelle correspond, avons-nous dit, à 10 centigrammes (microbes humides). Inutile d'insister, de nouveau, sur les différences de réceptivité individuelle des animaux, ni sur la variété des accidents observés suivant la quantité administrée; sous ce rapport, les bacilles traités par le chloroforme se comportent — à dose double — comme les bacilles chauffés. Les lésions testiculaires sont exactement pareilles , et, fait curieux, on les exagère considéra- blement, d’ordinaire, en injectant , soit en même temps que les microbes, soit la veille, 5 à 10 c. c. de sérum de cheval (chauffé 1/2 heure à 55°). Si Ton introduit, par exemple, dans le péritoine (avec le sérum ou après celui-ci), 2 à 3 centigrammes de germes secs, la majorité des sujets ne contractera point de péritonite suraiguë et l’on verra souvent survenir, au niveau de l’un ou des deux testicules, des symptômes tout à fait caractéristiques. Ces signes se manifestent parfois dès le 2e jour ; ailleurs ils ‘se montrent moins précoces, voire tardifs (10e- 12e jour). Ils s’annoncent par la« crépitation amidonnienne », bien connue, puis évoluent différemment selon les cas ; tantôt, tout rentre bientôt dans l’ordre; tantôt la course ascensionnelle du testicule demeure limitée; tantôt enfin, il y a immobilisation de l’organe dans le scrotum, àl’anneauou dans l’abdomen. Lesdeux derniers types d’accidents guérissent fréquemment, mais il est rare que la glande mâle récupère toute l’amplitude de ses mouvements. A l’autopsie des animaux (morts plus ou moins lentement ou sacrifiés), on retrouve les lésions vaginales décrites à propos des microbes chauffés, mais ces lésions apparaissent d’ordinaire plus accusées et comme étendue et comme intensité. L’épidi- dyme et la glande mâle adhèrent habituellement au musculus testis sur une étendue variable. Si l’adhérence est devenue totale, on s’explique immédiatement le séjour forcé du testicule dans le scrotum, et si elle est restée partielle, la limitation de ses 710 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR mouvements. Enfin, si les lésions, localisées au muscle testjcu- laire, y revêtent une grande intensité, on n'aura aucun mal à comprendre l’arrêt de la glande mâle à l’anneau ou dans* 1 abdomen. L injection combinée de bacilles morts (les microbes chaufïés ou tués par T alcool-éther, se comportent comme les germes traités par le chloroforme, mais ont été employés moins souvent) et de sérum de cheval reproduit donc, selon les cas, une forme scrofule ou une forme ectopique de la morve gemtale. Dans la forme scrotale, les adhérences (en général faciles a détacher lors de 1 autopsie et même in vivo ) peuvent disparaître plus ou moins complètement; elles peuvent aussi persister et amener l’atrophie du testicule (exceptionnellement sa nécrose). Dans la forme ectopique, les altérations du musculus testis aboutissent rarement à une restauration intégrale; le cône de fibres striées partiellement fibrosé subit, de ce fait, un raccourcissement variable et 1 étendue des mouvements de la glande mâle s’en trouve proportionnellement diminuée. L injection combinée de bacilles morts et de sérum pro- voque, au delà de la vaginale, une réaction plus ou moins intense du péritoine; cette réaction se traduit par la formation d’exsudats sur les vésicules séminales, la rate, le foie, l’épiploon. Les injections intrapéritonéales répétées (sans sérum) sont suivies d’effets différents selon la dose employée, l’intervalle qui sépare ces injections et le degré d’aptitude des animaux à s’ « hypersensibiliser ». Les doses faibles et espacées ne déter- minent généralement point d accidents ; toutefois, il ne faut pas s etonner de rencontrer, çà et là, des sujets dont la suscepti- bilité vis-à-vis de l’intoxication s’est considérablement accrue. A plus forte raison, lorsqu'on administre des doses plus fortes et rapprochées; les symptômes observés se montrent alors très graves et les cobayes succombentle plus souvent. Selon les cas, la mort survient rapidement, comme dans l’observation suivante, ou après un temps variable. Un cobaye mule (685 grammes) reçoit, dans le péritoine, 2 fois 3 centi- grammes de bacilles (secs) tués par le chloroforme (émaciation moyenne, à la suite de chaque injection). 7 jours après la dernière injection, on admi- nistre encore 3 centigrammes par la même voie ; l’animal tombe malade piesque immédiatement et meurt dans la nuit. A l’autopsie ; épanchement rouge, .visqueux; leucocytes nombreux (polynucléaires principalement); pas de formes microbiennes visibles. MORVE EXPERIMENTALE DU COBAYE 711 Les animaux devenus hypersensibles se trouvent, bien entendu, prédisposés, ipso facto,' aux diverses complications dont nous avons déjà parlé plusieurs fois. Chez les cobayes mâles , qui ont supporté sans dommage les injections intra-abdominales répétées de germes tués par le chloroforme, l’autopsie révèle l’existence d’une péritonite fibreuse accompagnée, comme on pouvait le prévoir, d’alté- rations de vaginales (souvent très nettes, déjà, intra vitam). Il s’ensuit que la surface séreuse vulnérable a diminué plus ou moins d étendue, par inflammation chronique, et que, d’autre part, des adhérences, dues à la même cause, la séparent plus ou moins complètement du reste de la cavité abdominale. Pour ces deux raisons, les animaux se comportent comme des femelles, lors de l’épreuve virulente et l’observateur non prévenu pren- drait fatalement, pendant la vie, cette immunité anatomique , due à la « féminisation » de leur péritoine, pour une immunité physiologique , consécutive à l’injection du virus mort. Injections sous-cutanées . On peut faire, avec les bacilles tués par le chloroforme, exactement les mêmes expériences qu’avec les bacilles tués par l’alcool-éther (voir : Chapitre suivant), à condition d’employer des doses équivalentes. Injections intramusculaires (muscles de la fesse). 3 à 5 centigrammes (bacilles secs) sont toujours bien sup- portés; on n’observe, localement, qu’un empâtement modéré et transitoire. 3 à 5 centigrammes, dans chaque fesse , engendrent une tuméfaction plus marquée et plus durable; les animaux maigrissent constamment. 10 centigrammes, injectés d'un seul côté , déterminent l’apparition d’un gonflement très accentué, avec réaction violente au niveau des téguments. Les accidents rétrocèdent parfois , lentement, ce qui n’empêche pas les cobayes de succomber souvent par cachexie; pendant la résorption des produits inflammatoires on note, dans certains cas. l’existence d’une fracture « spontanée » du fémur, laquelle guérit par un cal volumineux quand la survie de l’animal le permet (les bacilles morts montrent donc, comme les bacilles vivants, une affinité curieuse pour le tissu osseux). Mais , dé ordinaire J, es accidents 712 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUU ne rétrocèdent point et aboutissent à la mortification des parties atteintes, il se forme, rapidement, une eschare superficielle étendue, à la chute de laquelle on aperçoit un bloc nécrosé, •contenu dans une cavité anfractueuse et suppurante; après éli- mination du tissu musculaire mortifié, la cicatrisation s’opère peu à peu. Les sujets maigrissent beaucoup et meurent très fréquemment à la longue. Enfin, si l’on introduit 10 centi- grammes dans chaque fesse, les cobayes succombent en peu de jours, avant la production des phénomènes nécrotiques. Les injections intramusculaires répétées n’occasionnent aucun accident, si l’on ne dépasse pas 3 centigrammes de chaque côté et si 1 on espace convenablement les séances. Autrement, on peut créer une prédisposition locale aux in fect ions (presque toujours staphylococciques). Comme nous avons toujours procédé avec le plus grand soin et injecté des émulsions rigoureusement stériles , nous sommes convaincu que les germes, rencontrés dans les abcès (rares d’ailleurs) auxquels nous faisons allusion, s’étaient trouvés transportés, par la voie sanguine, au sein des tissus enflammés. Nous n avons jamais pu, jusqu’ici, vacciner les animaux à 1 aide des injections, longtemps répétées, de microbes tués par îe chloroforme; il est vrai que, sauf deux, tous nos sujets ont succombé en route, le plus souvent à la suite des maladies intercurrentes dont nous avons déjà parlé. Il semble moins difficile de conférer une résistance solide aux cobayes, quand on emploie les exsudais péritonéaux , consécutifs à l’adminis- tration des bacilles chloroformés. Ces exsudais, introduits dans le péritoine, en plusieurs séances et avec précaution, peuvent donner a excellents résultats. Nous n’aborderons point aujour- d bui leur etude; contentons-noùs de citer l observation sui- vante (très résumée), à l’appui de ce que nous venons d’en dire. Un cobaye mâle (.520 grammes) reçoit G injections intrapéritonéales d exsudats.27 jours aprèsla dernière, on injecte, sous la peau, 1 centigramme Ms : réaction normale. 30 jours après, on inocule 10 2 (virus G) sous la peau : petit nodule, du volume d’un pois, suppurant un peu, puis résorbé îapidement (un témoin meurt en 30 jours : abcès local, ganglions inguinaux droits atteignant, au moment delà mort, le volume d’un œuf de pigeon; ■« orchite » bilatérale). 71 jours après, on injecte sous la peau 1 centi- gramme Mots : réaction normale. MORVE EXPERIMENTALE DU COBAYE 713 MICROBES TRAITÉS PAR U AMMONIAQUE Nous serons très brefs à leur égard. La dose minima mor- telle, observée lors des injections intrapéritonéales, correspond, avons-nous dit, à 75 centigrammes (microbes humides). L’injection de 10 centigrammes (germes secs = environ 30 cen- tigrammes de germes humides) dans chaque fesse, ne détermine qu’un empâtement moyen et une légère émaciation, tous les deux transitoires. La répétition de cette dose, par contre, n’est point toujours bien supportée et l’animal peut mourir, en quelques jours, dès la seconde séance; à cet égard, il faut se méfier des sujets chez lesquels la tuméfaction locale disparaît très vite. Nous avons cependant réussi à réitérer 7 fois les injections chez deux cobayes (ce qui fait, en tout, 4^r,2 de bacilles humides), sans que ces animaux aient jamais offert de troubles dans leur santé générale; éprouvés ensuite, sous la peau, avec les microbes tués par F alcool-éther, ils ont réagi comme les sujets neufs; inoculés finalement sous la peau, avec le virus vivant, tous deux ont succombé. Un troisième cobaye, traité de même, est mort d’un abcès de la fesse droite (compa- rable à ceux dont nous avons parlé à propos des bacilles chlo- roformés) lors de la 7e injection. Les germes, tués par l’ammo- niaque, prédisposent non seulement aux infections locales, mais encore aux infections générales ( ubi infra — mal. du nez des cobayes). EXPÉRIENCES DIVERSES — SUR LE COBAYE ADULTE — AVEC LES BACILLES MORVEUX TUÉS PAR L’ALCOOL-ÉTHER (VIRUS M) (Nous continuerons à désigner ceux-ci à l’aide du symbole Mae). PRÉPARATION Des cultures de 24 heures, en grandes boîtes de Pétri, sont raclées, comme il a été indiqué au début de ce travail, et on collecte les corps microbiens au fond d’un verre flambé de dimensions suffisantes. Supposons que l’on ait obtenu 10 centi- grammes de ces corps microbiens ; on les émulsionne avec soin dans un peu d’alcool absolu, de façon à produire une suspension homogène; puis, on continue à ajouter, lentement, 714 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de l’alcool absolu, jusqu’à concurrence de 100 grammes (en tout). On verse ensuite 100 grammes d’éther, on mêle intime- mentÿ et on transporte, le mélange dans un flacon stérile, que l’on bouche bien. On abandonne, pendant 4 jours, à la tempé- rature ordinaire, en agitant de temps à autre. Puis, on decante et on sèche le dépôt dans le vide sulfurique. On le récolte finalement et on le garde en tubes scellés. Les bacilles secs, exclusivement employés dans nos expé- riences , représentent, en poids, environ 1/5 des bacilles humides originels. Il convient de les émulsionner soigneusement avant 1 usage (comme pour les microbes tués par le chloroforme). L’alcool-éther tue très vite le virus morveux et c’est uni- quement par excès de précaution que nous le laissons agir 4 jours. INJECTION DE Mas, AU COBAYE NORMAL, PAR DIVERSES VOIES Injections intrapéritonéales . La dose mortelle minima équivaut, rappelons-le, à 10 centi- grammes (germes humides). Inutile de revenir sur les différences de sensibilité individuelle des animaux — sur la diversité des accidents obtenus, suivant les doses administrées — ni sur la production facile des lésions vaginales, exagérées lors d’injection préalable ou concomitante de sérum équin. Tout en faisant la part de la réceptivité très variable des sujets, vis-à-vis des bacilles soumis à l’action de T alcool-éther, nous avons acquis la certitude que le chauffage à 100° augmente la toxicité des émulsions . Par contre, le liquide de Gram ne la diminue point. Injections intramusculaires ( muscles de la fesse). Il faut administrer de fortes doses pour amener la mort des animaux et encore celle-ci peut-elle ne survenir qu’à la longue. Localement, quand les cobayes ne sont pas enlevés trop rapi- dement, on observe l’apparition d’une vaste eschare, recouvrant une perte de substance par laquelle s’évacue le tissu muscu- laire mortifié. Il s’établit ensuite une suppuration qui n’a le temps de se tarir que dans les cas à marche lente. M011YE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 715 Injections sous-cutanées . Nous décrirons, avec quelques détails, les phénomènes con- sécutifs à l’injection de 1 cgr. Mae (bacilles secs), afin que l’on puisse bien les comparer à ceux obtenus chez les sujets « hypersensibilités » par les bacilles vivants ou morts. Si donc on injecte 1 cgr. Mas sous la peau (de l’abdomen), on verra bientôt se développer un œdème peu douloureux, mou et irrégulièrement arrondi, auquel succède, le lendemain, un empâtement de consistance élastique et de forme oblongue. Le surlendemain, la tumeur est encore plus allongée et plus dure. Les jours suivants, elle rétrocède peu à peu, de façon que tout soit terminé en une huitaine, quelquefois moins, rarement davantage. Telle est, schématiquement , l’évolution des accidents locaux, auxquels les téguments demeurent étrangers ; l’état général n’est point touché, tout au plus observe-t-on une éma- ciation modérée. Nous devons faire remarquer qu'il est indispensable de porter les bacilles morts dans le tissu cellulaire exclusive- ment et non dans le derme. Si, en effet, une quantité, même minime, de l’émulsion vient à décoller celui-ci, on verra appa- raître, au point correspondant de la peau, une tache livide, bientôt remplacée par une eschare superficielle. L’eschare, en tombant, met à nu une érosion, également superficielle, d’où suinte un peu de sérosité, qui se concrète en une croùtelle de teinte foncée. Le tout guérit très rapidement. Il ne faudrait pas confondre ces accidents bénins , si faciles à éviter , avec V escha- rification massive et obligée , qui caractérise les phénomènes de réaction violente ( ubi infra). Cette escharification massive est toujours suivie de l’élimination d’un bourbillon et de l’éta- blissement d’une suppuration plus ou moins abondante ; rien de tel ici. Du reste, que l’on vienne à réinjecter, avec soin, 1 cgr. Mae sous la peau d’un animal qui a présenté, antérieu- rement, les lésions superficielles dont nous parlons, il réagira comme un sujet neuf, ce qui exclut absolument l’hypothèse d’une hypersensibilité individuelle. L’injection de 1/2 cgr. ne donne lieu qu’à une tuméfaction minime et transitoire; par contre, avec des doses supérieures à 2 cgr., on peut obtenir la réaction violente ( ubi infra) chez le cobaye neuf. 716 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR INJECTION DE Mae SOUS LA PEAU DU COB. HYPERSENSIBIL1SÉ PAR LES BACILLES VIVANTS La dose convenable, pour obtenir, dans ce cas, une réac- tion caractéristique , est celle de 1 cgr. Selon les circonstances, cette reaction affecte 3 formes principales, que nous dénom- merons : type violent, type moyen et type modéré, — en faisant observer qu’entre ces 3 types, forcément artificiels, ■existent tous les intermédiaires. Voici comment évolue la réaction violente. Le lendemain de 1 injection, Tempâtement se montre habituellement plus marqué et toujours plus douloureux que chez le cobaye neuf. Le surlendemain, il s’accompagne d’un œdème déclive, en même temps qu’une tache livide, plus ou moins large, apparaît sur les téguments. Cette tache se transforme rapidement [en une eschare noire et sèche, qu’entoure une auréole inflamma- toire (chez les animaux à peau non pigmentée, bien entendu) et que soulève une sérosité rougeâtre. En détachant l’eschare, on met à nu une ulcération à bords arrondis ou elliptiques (dia- mètre oscillant entre celui d’une pièce de fl fr. 50 et celui d’une pièce de 1 franc) et taillés à pic; au fond de cette perte de substance, s’aperçoit un bourbillon jaune brun sale, que la pression peut faire sortir, mais qui s’éliminera assez vite de lui-même. Lorsqu’on l’enlève, on constate qu’il était situé dans une cavité à parois saignantes, baignées par un pus liquide et roussâtre; ces parois ne tardent pas alors à bourgeonner, le pus prend un aspect normal et la cicatrisation s’opère bientôt. Lorsqu’on le laisse en place, c’est cette même réaction suppu- rative qui en détermine l’expulsion. Dans les deux cas, la base indurée, sur laquelle reposait l’ulcération, se résorbe au fur et à mesure que les accidents s’amendent. Ceux-ci ne s’accom- pagnent jamais de retentissement ganglionnaire (à moins que 1 on n ait affaire au réveil d’une adémite morveuse voisine) ; — par contre, ils s’accompagnent habituellement d’une émaciation plus ou moins marquée. La réaction moyenne s’annonce par une tuméfaction d’étendue variable, qui s’allonge d’abord, puis se limite. On voit alors, plus ou moins rapidement, son centre se ramollir, pendant que sa périphérie s’indure. L’élimination des parties MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 717 malades s’opère avec une acuité différente suivant les cas. Voici les deux types extrêmes observés : tantôt apparaît une eschare (plus petite que celle de tout à Fheure) et cette eschare laisse à sa place une ulcération, dont les dimensions vont de celles^ d’une pièce de 0 fr. 20 à celles d’une pièce de 0 fr. 50 — tantôt les téguments rougissent, puis s’amincissent et cèdent en un point, le diamètre de l’orifice ainsi créé ne dépassant point, celui d’une petite lentille. Dans le premier cas, on voit sortir un bourbillon intact ou émulsionné parle pus; dans le second, le pus ne contient généralement point de particules mortifiées reconnaissables. Si, au moment où l’empâtement sous-cutané vient de se ramollir, on ponctionne aseptiquement la zone fluctuante, après cautérisation de la peau, il est facile de constater (par l’examen microcospique, les cultures et les inoculations) que, quel que soit C état antérieur de V animal inoculé , bourbillon et pus sont toujours dénués de germes. Les parties malades éliminées, la cicatrisation se produit sans retard; inutile de rappeler comment. La réaction moyenne n’entraîne jamais, cela va sans dire, de retentissement cran- glionnaire (sauf dans le cas indiqué plus haut), mais elle provoque presque toujours de l’amaigrissement. Dans la réaction modérée , les phénomènes débutent ordi- nairement comme chez le cobaye neuf; mais, sur un point de l’induration localisée, qui succède à l'empâtement initial, se manifeste un ramollissement très limité , suivi de la formation d’un orifice minuscule, par lequel s’écoule le pus. Chez certains sujets, celui-ci est évacué, simplement, à travers le trou de l’aiguille (de la seringue) qui se rouvre pour lui laisser passage, sous forme d’un fin pertuis rapidement clos dans la suite. Enfin, la transition entre la réaction modérée et celle des animaux sains est fournie par les cas où la zone fluctuante se résorbe sans s’ouvrir et, comme terme limité, par ceux où l’induration ne sa ramollit jamais, mais rétrocède avec une extrême lenteur. Nous étudierons, maintenant, la façon dont se comportent, vis-à-vis de l’injection sous-cutanée de 1 cgr. Mae, les cobayes qui ont reçu la dose sûrement mortelle de bacilles morveux — et les cobayes guéris : d’une infection ordinaire, d’une infection survenue en cours de vaccination (par le virus vivant) et d’une 718 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR infection depieuve (animaux immunisés). L’hypersensibilité, observée dans ces circonstances, peut se traduire par les quatre phénomènes suivants, que Ton rencontre, selon les cas, isolés ou diversement associés : réaction locale — réaction à distance (exagération de lésions déjà constituées ou « réveil » de lésions latentes, suivis, éventuellement, de « métastases » plus ou moins nombreuses) réaction générale — développement ou « réveil » d’une autre infection. Cob. infectés avec la dose sûrement mortelle de virus. Prenons, comme exemple, les mâles inoculés, par la voie abdominale, avec 10 2 de virus M. Rien de plus variable que 1 époque à laquelle débute rhvpersensibilité locale; nous ne l’avons jamais notée avant le 17e jour, mais nous Pavons vue faire encore défaut le 22e. Elle semble s’établir très rapidement. car c est toujours ou bien la réaction normale ou bien la réac- tion violente que nous avons rencontrées, sans aucun intermé- diaire entre ces deux types opposés. L’hypersensibilité est essen- tiellement indépendante de l’étendue des lésions génitales, car elle peut se manifester chez des cobayes ne présentant qu’un seul testicule atteint — indépendante, aussi, de leur acuité indépendante, enfin, de l’état général du sujet, puisqu’on l’observe chez des cobayes qui sont demeurés en bonne santé et ont même gagné du poids. Chez les mâles infectés, dans le péritoine, avec d’autres doses de virus M ou avec des doses variées de virus C, nous avons fait des constatations identiques; une seule fois, la réaction a été moyenne (animal inoculé avec 10~6 de virus C et éprouvé le 2-i jour.) Chez les mâles et femelles, qui avaient reçu les bacilles morveux par d’autres voies, mêmes constatations encore ; mais, ici, nous ne nous sommes point livré à des recherches systématiques. L injection des microbes morts a-t-elle une influence sur la marche des accidents? Il est bien difficile de le savoir, puisque ces accidents amènent fatalement la mort et que d’autre part, selon la résistance individuelle, la survie offre d’assez grandes variations chez les animaux qui ont reçu une mêmedose devirus. Iles terminaisons rapides, suivant, à bref délai, l’administration des germes traités par l’acool-éther, pourraient, seules, être MORVE EXPERIMENTALE DU COBAYE 719 mises sur le compte de celle-ci; ces terminaisons sont demeu- rées exceptionnelles. Nous avons donc eu l’impression que l’évo- lution de la maladie n’avait pas été notablement hâtée dans la grande majorité des cas. Cobayes guéris. Ils ont été éprouvés, par l'injection sous-cutanée de Mae, lorsque leur poids était redevenu normal et même, le plus sou- vent, quand il avait augmenté. Cob. guéris d'une infection ordinaire. Les uns ont présenté d’emblée une réaction normale et l’ex- périence a confirmé, dans ce cas, le diagnostic clinique (exemple : les animaux A, B, R, X, éprouvés de 46 à i 16 jours après l’infection). Chez d autres , la réaction, d’abord pathologique, est deve- nue ensuite normale, lors d’une seconde injection. Lorsque les sujets n’étaient pas tout à fait guéris, la première administra- tion de bacilles morts a parfois provoqué une réaction à distance (exemple : l’animal P, infecté avec le virus M). Enfin, chez un troisième groupe de cobayes, cliniquement guéris et ayant engraissé , l'injection de Mae, unique ou redoublée, a déterminé le réveil de lésions latentes, réveil qui s’est traduit par l’apparition de phénomènes morveux soit dans la sphère inoculée, soit au loin. En pareil cas, il peut arriver que- la réaction locale fasse défaut ou que la seconde réaction, à laquelle succèdent les accidents mortels, soit moins violente que la première. Voici, choisis parmi un certain nombre, trois exemples de ces pseudo-guérisons , que l’injection de Mas a transformées en maladies à terminaison fatale. Un cobaye femelle (500 gr.) reçoit 1/2 cgr. (virus M) dans le péritoine : émaciation et guérison. Après 23 jours, on injecte 1 cgr. Mae sous la peau : réac- tion normale, suivie de l’apparition d’une tumeur abdominale, qui atteint le volume d’un œuf de pigeon. Emaciation modérée (maximum-90) ; mort en 37 jours. A l’autopsie, pour toute lésion morveuse, on rencontre une poche fibro-caséeuse au niveau de l’utérus. Un cobaye mfile (760 gr.) reçoit 40-3 (virus G) sous la peau : abcès local et guérison. Après 30 jours, on injecte 4 cgr. Mas sous la peau : réaction moyenne. Après 22 jours, on recommence : réaction moyenne, suivie d' « or- chite » bilatérale, du type ectopique inguinal; l’abcès inguinal droit s’évacue par le fourreau. Mort en 26 jours 1/2. 720 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Un cobaye mâle (770 gr.) reçoit 10-2 (virus M) dans le péritoine : à droite, forme régressive; à gauche, forme inguinale, qui guérit après évacuation. Après 100 jours, on injecte 1 cgr. Mas sous la peau : réaction violente (pus stérile à l’examen microscopique, à la culture et à l’inoculation). Après 20 jours, on recommence : réaction moyenne , mais émaciation et mort en 33 jours. A l’autopsie : lésions génitales guéries, mais granulations spléni- ques récentes. Les trois animaux, dont nous venons de rapporter l’obser- vation résumée, auraient fini, sans doute, par guérir, s’ils n’avaient été soumis à l’influence des bacilles morts, dont il a fallu d’ailleurs réitérer l’administration, dans les deux derniers cas, pour t'éveiller le virus. Nous rappellerons encore l’histoire, très curieuse à tous égards, du cobaye T; on aura été certainement frappé de ce fait que la première « métastase », survenue au niveau de l’is- chion après injection de Mas, en a engendré d’autres, à son tour, au niveau du périoste des os des avant-bras. Coô. guéris dune infection survenue en cours de vaccination. Certains ont montré, localement, une réaction normale, (exemple : le cobaye E, éprouvé 117 jours après l’inoculation infectante). D'autres , à la suite de la guérison de leurs accidents, ont réagi anormalement et l’hypersensibilité, déter- minée par les microbes vivants, n’a cessé de succéder ultérieu- rement à chaque injection de microbes morts. Exemple : le cobaye D. Cet animal, éprouvé 67 jours après l’inoculation infectante, a moyennement réagi; les 5 injections suivantes de Mas (pratiquées à des intervalles de 22-108 jours) ont constam- ment engendré une réaction anormale (1 fois violente, 1 fois modérée, 3 fois moyenne). Et cependantle sujet était bien guéri, puisque le « virus n’est pas sorti » ; puisque le poids a augmenté progressivement, au point d’atteindre 1 020 grammes; et qu’enfîn l’autopsie n’a permis de rencontrer aucune lésion morveuse. Cob. guéris d’une infection d’épreuve. Les uns ont réagi normalement (exemple : le cobaye U, à deux reprises). Chez d autres, la réaction d’abord pathologique, est devenue ensuite normale (à la 2e injection chez le cob. Z — à la 3e, chez le cob. O — par exemple). D’autres , enfin, ont été enlevés par une infection étrangère , surtout la « maladie du 721 MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE nez des cobayes » ( ubi infra), au cours d'une première réac- tion, anormale, (exemple : le cob. Q), ou au cours d une réac- tion ultérieure, également anormale (la 3e chez le cob. T). Un mot seulement, au sujet des animaux éprouvés avant la guérison complète de V infection d'épreuve. On se rappelle l'histoire du cob. Z, guéri cliniquement et mourant, cependant, de farcin subaigu, en 40 jours, après avoir offert, une réaction violente loco lœso. Et, aussi, l'histoire diamétralement opposée du cob P, porteur d'un reste d'adénite inguinale, au moment de l’épreuve; le ganglion malade a suppuré, puis disparu; une glande, survenue entre temps, s'est résorbée assez rapidement ; enfin, la santé s étant, rétablie, le sujet a réagi normalement à 1 cgr. Mas (235 jours, il est vrai, après l’épreuve virulente). Un mot enfin, concernant les cobayes éprouvés au cours d'une vaccination non suivie d'accidents infectieux. Ils peu- vent réagir normalement (exemple : le cob. Q), ou anormale- ment, comme le suivant. Un cobaye mâle (540 gr.) reçoit, dans les muscles, 10-6 (virus M); émacia- tion modérée. Après 30 jours, on recommence : même résultat. Après 21 jours, on injecte sous la peau 1 cgr, Mae : réaction moyenne. Il est temps de conclure et, pour l’instant, nos conclusions seront d'ordre exclusivement pratique. Voici un cobaye, sain d aspect, lequel a été soumis, sans inconvénients visibles, à des injections répétées de microbes vivants, ou bien semble guéri d’une infection morveuse (infection ordinaire, inf. d’épreuve...). Nous lui injectons, sous la peau, 1 cgr. Mas; de deux choses lune : la réaction locale sera normale ou non; que penser dans chaque cas? La réaction normale constitue une très forte présomption en faveur de l'absence de germes vivants; toute- fois, il faut donner à ceux-ci le temps nécessaire pour se mani- fester, s ils n’ont point encore totalement disparu ou, mieux encore, réitérer l’administration de 1 cgr. Mas. La réaction anor- male na aucune valeur; si le virus ne se montre point après une première injection de Mas, on la recommencera; s’il n’appa- raît pas davantage après la seconde, nous n’hésiterions guère, pour notre part, à affirmer la guérison; s’il continue- à ne passe révéler après la 3e ( a fortiori la 4°, la 5e...), qui pourrait con- server des doutes sur cette guérison? La réaction anormale indique donc uniquement que l’organisme s’est trouvé aux 46 722 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR prises, à un moment donné, avec le bacille morveux vivant (ou même, verrons-nous plus tard, avec le b. morveux mort — ou encore avec d’autres germes); ce moment peut être passé ou non; dans le second cas, le virus tardera rarement à « sortir » et cette « sortie » constitue le seul signe d’une infection actuelle. La réaction générale ne semble point, comme nous l’avons déjà indiqué brièvement, affecter de rapports réguliers (direct ou inverse) avec laréaction locale ; sa valeur diagnostique ( quoacl infect ionem ) est encore moins grande, si possible, que celle de cette dernière. Les conclusions précédentes n’auraient sans doute pas été très bien accueillies lors des hécatombes en masse qui ont marqué les débuts de la malléinisation. Aujourd’hui, on ne condamne plus impitoyablement à mort tous les chevaux cou- pables d’avoir réagi, car on a fini par s’apercevoir que beaucoup d’entre eux guérissaient assez rapidement, sans présenter de signes clinigues . On n a jamais eu l’idée qu’une fraction plus ou moins grande de ceux-ci pouvait être déjà guerie avant l’injection de malléine. INJECTIONS DE Mae DANS LE PÉRITOINE DU COBAYE HYPERSENSIB1L1SÉ PAR LES BACILLES VIVANTS. Il n’est pas étonnant qu’un centigramme de Mae (et parfois moins) suffise pour tuer, de péritonite suraiguë, les animaux hypersensibles. Voici un exemple, pris au hasard, qui va le démontrer. Un cobaye femelle (240 grammes) reçoit, sous la peau, 10-* (virus C) : abcès local, qui guérit aisément; peu d’émaciation (maximum — 20). Après 56 jours, le poids étant monté à 310 grammes (+ 70), on injecte, dans le péritoine, 1 centigramme Mas : mort en 12 heures. A l’autopsie : épanche- ment abdominal peu abondant, sans formes microbiennes visibles, mais avec un certain nombre de leucocytes (surtout polynucléaires)* INJECTIONS RÉPÉTÉES DE Mas, AU COBAYE NORMAL, PAR DIVERSES VOIES. Injections intrapéri to néa l es . Les bacilles tués par l’alcool-éther se comportent, d’une façon générale, comme les bacilles tués par le chloroforme. MORVE EXPERIMENTALE DU CORAYE 723 Nous avons pu répéter, un grand nombre de fois, l’injection de 1/2 centigramme, mais il faut savoir qu’un tel traitement amène la « féminisation » du péritoine mâle, ainsi que le prouve bien le cas suivant. Un cobaye mâle (630 grammes) reçoit 11 injections de 1/2 centigramme Mas dans le péritoine (intervalles : 8-30 jours) : émaciation 3 fois seulement. 18 jours après la dernière séance, on porte la dose à 3 centigrammes (un témoin meurt, en 1 jour 1/2, de péritonite toxique ) .'émaciation, puis retour à la normale et augmentation de poids. Après 28 jours, 780 grammes; on inocule 10-3 (virus C) dans le péritoine (un témoin meurt en 18 jours) : apparition, en pleine paroi abdominale, d’une tumeur qui atteint le volume d’un œuf de pigeon; puis, « maladie du nez » et mort en 37 jours. A l’au- topsie : péritonite chronique généralisée et vaginalite fibreuse bilatérale; dans la paroi, poche remplie de pus; pas cV autre tésion morveuse. Il est tout naturel que ce cobaye n’ait pas offert de lésions génitales ; ilsemblera également naturel, si l’on y réfléchit unpeu, qu’ilaitrésistéàl’injection de 3 centigrammes Mae. Cette fausse immunité antitoxique (physiologiquement parlant), observée à la place de l'hypersensibilité qu’on était en droit de redouter, s’explique sans peine par la résorption, forcément très lente, des bacilles morts administrés. Comme la fausse immunité antimicrobienne (relative), notée dans le même cas, elle résulte fatalement de la « féminisation » du péritoine. Les injections répétées (au moins 7 fois) de 1 centigramme sont ordinairement bien tolérées, quand on procède avec ména- gement (elles amènent, cela va sans dire, la « féminisation » chez le mâle) ; mais la mort, par péritonite toxique, s’observe parfois; elle survient, d’ordinaire, lorsqu’on veut aller trop vite. Les épanchements abdominaux, liés à cette péritonite (comme ceux déterminés, dans les mêmes conditions, par les bacilles chloroformés), offrent une toxicité plus ou moins marquée pour les sujets sains. Les injections intrapéritonéales répétées de 1 centigramme, même très bien tolérées, engendrent de l’hypersensibilité vis-à-vis de l’injection sous-cutanée de la même dose. En voici la preuve. Un cobaye femelle (680 grammes) reçoit, 7 fois, 1 centigramme Mae dans le péritoine; 14 jours après la dernière injection, le poids étant de 740 gram- mes, on introduit 1 centigramme Mas, sous la peau : réaction violente (réaction normale chez un témoin). 17 jours après, on recommonce : réaction violente encore (réaction normale chez un second témoin). 724 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Injections sous-cutanées. La dose de 1/2 centigramme a été administrée,- 9 fois, à un cobaye; lors de la 7e et de la 9e injection, nous avons noté la formation d’un petit abcès local, aseptique, indice d’une hyper- sensibilité moyenne. L'intolérance peut se manifester plus violem- ment lorsque Ton passe, chez un sujet traité, de 1/2 à 1 centi- gramme (exemple : l’observation AA). La dose de 1 centigramme, répétée, cesse d'être bien sup- portée vers la 6e-7e séance, en général ; on voit alors apparaître une réaction plus ou moins marquée, qui se reproduit, dans la règle, lors des injections ultérieures. Injections intramusculaires . On peut introduire, au moins 11 fois de suite, 1/2 centi- gramme dans les muscles, sans inconvénient (exemple : l’ani- mal Z). De même, pour 1 centigramme; mais, quand on arrive à 2 centigrammes (un, de chaque côté), les trois complications suivantes sont à craindre : émaciation forte, maladies intercur- rentes, abcès local (habituellement staphylococique — comme avec les b. chloroformés). IMMUNISATION, CONTRE LE VIRUS M, PAR Mas. Elle paraît très difficile à réaliser, d’autant que les maladies intercurrentes, dont nous venons de parler, enlèvent la majeure partie des animaux^ avant le moment où ils seraient vraisembla- blement aptes à supporter l’épreuve virulente. Elles peuvent aussi les enlever après cette épreuve (suivie de succès) ou après 1 injection consecutive de Mas (suivie elle-même d une réaction normale), comme dans les deux observations* que voici. (Z) Un cobaye mâle (580 grammes) reçoit, II fois, 1/2 centigramme Mae dans les muscles (intervalles : 6-38 jours) : aucun effet, ou émaciation plus ou moins toi te selon les cas. 12 jours après la dernière injection, on administre 1 centigramme Mae dans le péritoine : émaciation transitoire. L’absence d hypersensibilité fait espérer que 1 animal résistera à l’épreuve virulente, pratiquée par la voie abdominale. 24 jours après, le poids étant monté à 700 grammes, on procède à cette épreuve (10-2 virus M. — Un témoin meurt en 10 jours 1/2) : forme ectopique inguinale, bilatérale : ouverture et guérison. Puis, « maladie du nez » et mort en 70 jours. À l’autopsie, lésions génitales guéries ; rien ailleurs. (A A) Un cobaye mâle (610 grammes) reçoit, 5 fois, 1/2 centigramme MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 725 Mas sous la peau (intervalles : 9-33 jours) : pas d’effet. On administre, ensuite, par 2 fois, 1 centigramme (intervalles : 4-91 jours): réaction vio- lente la première fois, moyenne la seconde. On injecte, enfin, 3 fois, 1 centi- gramme dans les muscles (intervalles: 17-55 jours): pas d’effet, mais «mala- die du nez », heureusement curable, ou du moins le paraissant (voir plus loin). Après 147 jours, on introduit 1 centigramme Mas dans les muscles : pas d’effet. Après 33 jours, on injecte 1 centigramme sous la peau : réaction normale. Après 25 jours, le poids ayant atteint 790 grammes, on inocule 10 (virus M) dans le péritoine : forme ectopique régressive, des deux côtés; émaciation modérée (—80) (un témoin meurt 36 jours 1/2; forme scrotale subaiguë, bilatérale). Après 53 jours, le poids étant de 820 ( + 30), on injecte 1 centigramme Mas sous la peau : réaction normale ; puis, à un moment donné, émaciation, dyspnée et mort en 36 jours 1/2. A l’autopsie, lésions génitales complètement guéries; muscles testiculaires raccourcis, surtout à droite où le testicule est un peu atrophié. Poumon gauche adhérent à la paroi et offrant un foyer de carnification. Foie gras. Le poumon donne des cultures pures de pseudo-pneumocoque. L'histoire de ces cobayes démontre, malgré tout, qu’il est possible d’obtenir, en s’adressant aux microbes tués parl’alcool- éther, une immunité indéniable vis-à-vis des germes vivants. EXPÉRIENCES, FAITES SUR LE COBAYE MALE ADULTE, AVEC LA MALLÉINE Nous ne mentionnerons ici que les effets observés, soit à la suite des injections intrapéritonéales , soit à la suite de X inges- tion de la malléine brute. INJECTIONS INTRAPÉRITONÉALES La plupart des animaux supportent, sans dommage, la dose de 1 c. c. (diluée convenablement, pour éviter les inconvénients dus à la présence de glycérine); on peut même, d’ordinaire, recommencer impunément l’injection, une ou plusieurs fois, si l’on prend soin de bien surveiller le poids et l’état général des sujets. Mais, lorsque l’on arrive à la première ou à la seconde dose de 2 c. c., la mort paraît fatale. Elle se produit, tantôt après un temps variable, tantôt très rapidement. Dans ce der- nier cas, c’est encore sous les apparences de la péritonite suraiguë que se manifeste l’hypersensibilité. Les cobayes morveux , auxquels nous avons administré 1 c. c. de malléine, par la voie abdominale, ont tous succombé en 1-2 jours. Rappelons aussi, incidemment, l’histoire, relatée 72G ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR plus haut, cl un animal rendu très résistant à la morve (observa- tion C) et chez lequel l’injection sous-cutanée de 5 grammes de malléine sèche a certainement entravé la guérison des acci- dents. INGESTION Les expériences qui suivent datent du début de nos recher- ches. Nous avons fait ingérer, chaque jour, aux cobayes, 1 c. c. de malléine brute, incorporée à du son. Sur 8 sujets ainsi traités, 1 un est mort ën 9 jours, les autres n’ont présenté aucun trou- ble. L usage de la malléine a été continué, ou non, après l’ino- culation d’épreuve. Les résultats de celle-ci, — quant à l’immu- nité — se sont montrés négatifs dans 4 cas ; le 5e animal a résisté 160 jours, alors que son témoin succombait en 27; les deux derniers, dont voici l’observation, ont acquis une immu- nité indéniable. Un cobaye mâle (570 gr.) est éprouvé, après avoir ingéré 1 c.c. de mal- léine 12 jours de suite, par inoculation intrapéritonéale de 10-2 (virus M) et on continue 1 ingestion pendant 27 jours (au moment où l’on cesse l’usage e a malléine, 1 abcès scrotal droit s’est déjà ouvert) : forme scrotale bila- terale, subaiguë, guérissant par évacuation au dehors (un témoin meurt en 37 jours 1/2). Après 121 jours, on inocule KR-i : tuméfaction et induration au niveau des glandes génitales, se terminant par résolution et atrophie testiculaire (un témoin meurt en 30 jours). Après 74 jours, nouvelle inocula- tion de 10-i : tuméfaction transitoire au niveau du testicule droit, accom- pagnée d’une légère émaciation (un témoin meurt en 25 jours). Après 16 jours, on injecte 2,10-* : tuméfaction transitoire, au niveau des glandes m îles, peu d’amaigrissement (un témoin meurt en 17 jours). Après 22 jours, on inocule 1/2 cgr. : l’animal périt en 1 jour 1/2, avec les signes et lésions de la péritonite suraiguë (un témoin meurt en 15 jours). A l’autopsie : testicules très atrophiés, fixés, parleur enveloppe sclérosée, aux parois scrotales ; aucune trace de morve génitale. L’épanchement péritonéal ne montre pas de bacilles morveux visibles au microscope, mais il infecte un cobaye, auquel on en inocule 1/2 c. c. ; , Les accidents curables, observes à la suite de l’inoculation d épreuve, témoignent d’une résistance évidente, conférée par la malléine (administrée avant et après l’épreuve). Ces accidents, en renforçant l’immunité initiale, ont permis de pratiquer trois inoculations successives, très bien supportées toutes les trois (d faut faire jouer un certain rôle protecteur, ici encore, à la diminution delà surface séreuse électivement vulnérable). Mais, 727 MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE au moment de la 4e réinfection, l’animal était devenu incontes- tablement hypersensible. Un cobaye mâle (570 gr.) est éprouvé, après avoir ingéré 1 e. c. de mal- léine 53 jours de suite, par inoculation de 10-3 (virus M) dans le péritoine (un témoin meurt en 34 jours) : aucun effet. Après 6 jours, on réinjecte 10-3 : tuméfaction et induration transitoires au niveau des testicules, gué- rison. Après 6 jours, on inocule 10-2 : mêmes phénomènes (un témoin meurt en 40 jours). 73 jours après, on passe à 10-i (un témoin meurt en 10 jours) r tuméfaction et induration au niveau des testicules, guérison à gauche, per- sistance d’un nodule dur à droite. Mort en 114 jours 1/2. A 1 autopsie : testicules fixés aux parois scrotales, le droit atrophié, le gauche refoulé par un petit nodule fibro-caséeux. Dans ce cas, l’immunité, lors de l’épreuve, s’est montrée totale, ce qui tient à la durée plus longue du traitement et, certainement aussi, à la quantité plus faible de virus inoculée. Les fortes doses quotidiennes de malléine (4 c. c.) sont très mal supportées. \J ingestion journalière de levure de bière , (10 gr. par jour) n est pas non plus inoffensive ; dans les cas où elle ne détermine aucun accident, son rôle immunisant demeure nul. (La malléine, employée par nous, était celle de 1 Institut Pasteur, préparée avec le virus de passage.) NATURE DE LA VIRULENCE MORVEUSE (CHEZ LE COBAYE) Nous avons défini jadis ailleurs ( Eléments de Microbiologie générale , 1901), d’après le D1' Roux, la virulence : « l’aptitude des microbes à se développer dans le corps des animaux et a y sécréter des substances toxiques ». Dans quelle mesure cette définition, — qui ramène la virulence à deux termes : adapta- tion parasitaire et pouvoir toxigène — est-elle encore valable aujourd’hui? Dans quelle mesure, modifiée s il le faut, s’applique- t-elle au bacille morveux ? On doit admettre que 1 adaptation parasitaire, ou végétabihté in vivo , se résout elle-même en deux propriétés secondaires : faculté d’utiliser (de plus en plus parfaitement, à mesure que croît l’activité microbienne) les aliments que fournissent, aux germes pathogènes , les humeurs et cellules de 1 organisme inlecte 728 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR résistance (de plus en plus marquée) aux influences des- tructives de 1 économie. Le parallèle expérimental que nous avons établi entre les échantillons M et G ne saurait laisser de doute sur la plus grande végétabilité in vivo du second de ces échantillons, c’est-à-dire du plus virulent. L’étude delà végéta- bilité in vitro des deux mêmes virus fournit de son côté des résultats tout à fait superposables; le virus M donnant, après ensemencement à surface et à épaisseur égales — des récoltes moins abondantes d’un quart que le virus G (moyenne de nombreuses pesées, pratiquées sur des cultures en masse) et périssant beaucoup plus vite que lui. Autant qu’il est permis de comparer l’existence d’une bactérie in vitro à son existence ni vivo , on peut en conclure que la moindre végétabilité de M dans 1 organisme du cobaye ressortit plus encore à une moindre résistance qu’à une faculté de nutrition moins développée. On a beaucoup discuté et l’on discute encore pour savoir si le pouvoir toxigène des microbes constitue une propriété active ou passive; c’est-à-dire si les toxines sont sécrétées par les germes pendant leur vie, ou bien mises en liberté après leur moit, en vertu d une autolyse plus ou moins complète du corps cellulaire ; ou, pour parler autrement, si les pathogènes mani- festent leur activité grâce à des « toxines solubles » ou bien à des « endotoxines ». Nous n’aborderons point ici cette question délicate et mal posée, peut-être, sous la forme spécieuse d’une alternative. Rappelons simplement que les bacilles morveux, inocules au cobaye, semblent n’agir sur lui qu’au moyen d’une « endotoxine ». La toxicité de ces bacilles offre-t-elle quelque i apport avec leur virulence? Aucun; le virus G, infiniment plus actif que le virus M, se montre au contraire un peu moins toxi- que (autant qu on peut en juger, en tenant compte de la récep- ti\ ité si \ariable des animaux vis-à-vis des germes morts). Tiois autres échantillons, étudiés également avec beaucoup de soin, et intermédiaires, comme activité, entre C et M, ont mani- festé un pouvoir toxique très voisin de celui de ces deux races. Nous conclurons donc que les différences de virulence , observées riiez les bacilles morveux , peuvent être considérées comme lices exclusivement a des différences corrélatives de végétabilité in vivo, tant que l’on n’aura pas établi que ces bacilles, jouissent du pouvoir de sécréter (au sein de l’organisme du MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 729 cobaye et proportionnellement à leur activité) des produits solu- bles susceptibles d’intervenir directement dans le mécanisme de l’infection. Nous n’avons envisagé dans ce chapitre que les modifica- tions quantitatives de V adaptation parasitaire , puisqu’il s’agit toujours de la même espèce animale; nous parlerons, plus tard, des modifications qualitatives , dont la notion vient encore com pliquer ce problème déjà si difficile. PROPRIÉTÉS DU SÉRUM DES COBAYES INFECTÉS OU IMMUNISES In vitro , le pouvoir agglutinant a été étudié avec des émulsions chauffées (cultures de 24 heures sur notre gélose, délayées au 100e dans l’eau physiologique et portées 1/2 heure à 60°). Les tubes, contenant les mélanges, en diverses propor- tions, de sérum et de microbes morts, passaient toujours la nuit à 37°. Pour la recherche du pouvoir précipitant , on s’est adressé, d’une part, à des extraits microbiens (1 gr. de microbes et 40 gr. d’eaü physiologique) filtrés et complètement clairs et, d’autre part, à une solution de « malléine précipitée », ainsi préparée : « 80 c. c. de malléine brute sont étendus de 2 volumes d’eau et le mélange traité par 7 volumes d’alcool absolu; on décante, on lave le dépôt à l’éther et on le sèche dans le vide sulfurique; la totalité de la poudre obtenue de cette façon est enfin reprise par 25 c. c. d’eau. » Ici encore, les tubes demeu- raient une nuit à l’étuve. Le sérum des cobayes normaux a toujours paru inactif, à 101, sur les extraits microbiens et la solution de malléine; à ce titre, il agglutine ordinairement les germes chauffés, mais avant d’arriver à 2.10 2, il cesse déjà de les inlluencer d’une façon appréciable. Le pouvoir agglutinant et le pouvoir précipitant du sérum, chez les cobayes infectés (même chez ceux qui résistent depuis longtemps à la morve), surpasse de bien peu celui du sérum des animaux neufs. Le sérum des sujets immunisés et guéris de V infection d'épreuve (par exemple, des cobayes E, I, O, P) a offert un pou- voir agglutinant plus ou moins élevé selon les cas; les types 730 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR extrêmes ont été fournis par l’animal E (limite de l’agglutina- tion = 10'3) et l’animal P (limite — 2.1 0'2). Chez le sujet D — qui avait continué à réagir indéfiniment aux bacilles morts, après la guérison du farcin survenu pendant le cours de son immu- nisation — la limite a atteint 10~2. Le pouvoir coagulant, vis-à-vis des extraits microbiens, s’est montré sans rapports avec la faculté agglutinante, comme il fallait s’y attendre; la limite d’activité a été de 2.102 avec les sérums E, O et P et de 101 avec le sérum I; le sérum D préci- pitait à peine à 10~l. — - Le pouvoir coagulant, vis-à-vis de la malléine, assez marqué à JO"1 avec le sérum O, l’était beaucoup moins avec les sérums E etl; c’est tout juste s’il pouvait être observé avec le sérum P et le sérum D. Nous avons vu, plus haut, que les cobayes supportaient généralement très mal des quantités relativement modérées de malléine brute (2 c. c.), injectées dans le péritoine. Si l’on s’adresse à des doses très faibles, il devient possible, par contre, d’en répéter quotidiennement l’administration. Voici quelles étaient les propriétés (in vitro) du sérum de deux sujets, qui avaient reçu, respectivement, de cette façon, des volumes glo- baux de 2,3 c. c. et 3,4 c. c. de malléine et qui ont été sai- gnés 7 jours après la dernière séance. Ces sérums aggluti- naient encore à 2.1 02 (limite extrême); ils précipitaient assez fortement la malléine à 10"1, niais ne déterminaient, à ce titre, qu’un trouble presque imperceptible dans les extraits micro- biens. In vivo> le pouvoir thérapeutique des sérums a été recherché soit par l’injection préventive, soit par la méthode des mélanges. Plusieurs centimètres cubes, administrés la veille de l’infection, n’ont jamais paru modifier le cours de celle-ci, quels que fussent la dose de sérum et le mode d’inoculation. En mêlant le sérum avec des dilutions variées des virus M et C et en injectant le tout, immédiatement ou après plusieurs heures de contact, par une voie ou une autre, les résultats n’ont pas été meilleurs qu’avec le sérum normal de cobaye (nous y reviendrons dans, un travail ultérieur). (A suivre.) LE MICROBE DE LA COQUELUCHE Par les Drs J. BORDET et O. GENGOU Avec, la planche XXVIII . (Travail de l’Institut Pasteur de Bruxelles.) La bactériologie de la coqueluche a fait l’objet, depuis plus de vingt ans, d’un nombre considérable de travaux. Beaucoup de microbes ont été isolés de l’expectoration et décrits comme représentant le véritable agent étiologique de cette maladie ; nous pensons toutefois qu’aucun des microorganismes cultivés par nos prédécesseurs n’est identique à celui que nous avons obtenu et qui, ainsi qu’il résulte d’arguments particulièrement probants, doit être considéré comme étant réellement le para- site cherché. Les insuccès subis par les bactériologistes — insuccès que nous-mêmes, d’ailleurs, avons longtemps éprouvés depuis six ans que nous étudions la coqueluche — s’expliquent aisément par certaines circonstances qu’il convient de mentionner briè- vement. Chacun le sait, quelles que soient l’attention et la patience consacrées à l’exécution de la technique de l’isolement des microbes, le succès des tentatives exige que l'agent patho- gène encore inconnu que l’on cherche (au moins lorsqu’il se cultive péniblement et qu’il ne manifeste pour les animaux qu’une virulence faible ou nulle) se trouve dans le produit mor- bide en nombre suffisant, ne soit pas en quelque sorte perdu au milieu d’innombrables bactéries banales. Or, ces conditions d’abondance et de pureté relative du germe spécifique ne sont dans un bon nombre, sans doute même dans la très grande majorité des cas, convenablement réalisées qu’au début de la coqueluche. Bien plus, même à cette période, il faut utiliser exclusivement, si possible, la partie de l’expectoration prove- nant de la région qui est le siège de la pullulation microbienne, et qui, venant de la profondeur des bronches, est éliminée par une quinte. Cet exsudât, au moment où la toux devient carac- téristique, est blanc, épais, très riche en leucocytes; il contient en quantité considérable le microbe de la coqueluche qui, dans les cas favorables, s’y présente en culture presque pure. L’en- 732 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR fant fournit en même temps une sécrétion plus transparente, muqueuse et filante, beaucoup moins riche en cellules, où le microbe spécifique est plus rare, qui se peuple facilement d'es- peces microbiennes nombreuses et variées, et doit, en consé- quence, être evitee dans les recherches. Si les jours suivants on continue à recueillir et à examiner l’expectoration, on cons- tate que dans l’exsudât leucocytaire, d’aspect semblable à ce ui qu on avait pu se procurer antérieurement^ le microbe spécifique devient plus rare, plus clairsemé; la phagocytose s o serve plus souvent. Bien que les quintes de toux continuent a être nombreuses et caractéristiques, la culture du microbe semble être plus discrète; sans doute persiste-t-il longtemps dans le tissu bronchial; ce qui est certain, c’est que la quantité qui s en élimine par l’exsudât baisse très visiblement. Ce der- nier, désormais, se prête moins bien à la culture, et, ce qui est plus important encore, les préparations microscopiques qu’il fournit sont moins démonstratives; l’observateur qui les aurait sous les yeux sans avoir vu les échantillons plus favorables antérieurement recueillis, ne ressentirait plus d’impression nette quant à l’authenticité du microbe et à la réalité de son rôle; elles cessent d’être convaincantes et perdent d’autant plus leui signification quà ce moment, dans beaucoup de cas, des microbes étrangers se mélangent au germe spécifique. La brièveté relative de la période vraiment favorable à la déter- mination précise du microbe coquelucheux, ainsi qu’à l’obten- tion de cultures, la répartition fort inégale du microbe dans 1 expectoration, et, d autre part, la difficulté qu’on éprouve à obtenir des jeunes malades, au moment voulu, la sécrétion qu on désire étudier, — toutes ces circonstances contribuent à compromettre 1 investigation. Celle-ci est laborieuse même lorsqu il s agit de cas de coqueluche pure, elle est presque impraticable lorsque la maladie est compliquée de rhumes non spécifiques, bronchite, bronchopneumonie, etc. , lorsqu’il y a con- tamination par des germes divers d’affections respiratoires, si répandus dans les milieux hospitaliers ; la sécrétion fournie par fies enfants vivant dans leur famille offre à cet égard, cela va fie soi, beaucoup plus fie garanties que les produits recueillis dans les hôpitaux. Les conditions utiles a la réussite des recherches, ainsi que MICROBE DE LA COQUELUCHE 733 les causes d'erreur capables de dërouter l’observateur, appa- raîtront plus clairement, si nous faisons un bref récit de nos tentatives : nous aurons de la sorte l’occasion de signaler cer- tains microorganismes, d’ailleurs non spécifiques, que nous avons fréquemment rencontrés, qu’on risque de confondre avec le vrai microbe, et sur lesquels plusieurs bactériologistes ont appelé l’attention. Nos premières recherches surla coqueluche datent de l’année 1900. A cette époque, l'enfant B..., âgée de 5 mois, fut (à la suite d’un contact avec des enfants qui com- mençaient à tousser et chez lesquels le diagnostic de coquelu- che fut ultérieurement posé), atteinte d’une coqueluche typique. Sa santé jusqu’alors avait été parfaite; elle n’avait notamment jamais souffert d’affection quelconque, même légère, des voies respiratoires. L’un de nous, qui l’observait assidûment, put recueillir, lors de la première crise de toux caractéristique, un lambeau blanchâtre d’exsudat non mélangé de salive, et que la quinte projeta. L’examen au microscope, après coloration par le bleu phéniqué de Kuhne, montra que cet exsudât, fort riche en leucocytes, contenait en quantité énorme une petite bactérie ayant la forme ovoïde, parfois un peu plus allongée, par- fois plus courte au point de ressembler à un microcoque, mais en général assez constante d’aspect, colorée en bleu très pâle, le contour et surtout les extrémités se teignant toutefois avec plus d’intensité que le centre, disséminée sans ordre entre tes cellules, quelquefois phagocytée. Les individus dont la longueur dépassait la moyenne présentaient souvent, vers le centre, un point bleu révélant l’apparition d’un cloisonnement; la grande- majorité des microbes étaient isolés, quelques-uns placés deux par deux bout à bout. Le Gram était négatif. La pullulation était d’une telle abondance et d’une pureté si parfaite qu’on ne pouvait se refuser à admettre une relation de causalité directe (chez cette enfant dont les bronches étaient atteintes pour la première fois) entre cette infection et l’apparition de la coque- luche. Mais le microbe se montra rebelle à toutes les tentatives que 1 on fît pour le cultiver. Ensemencé sur des milieux divers, et notamment sur de la gélose-ascite (le liquide d’ascite ayant été mélangé en partie égale à de la gélose préalablem ent, fon- due), ou sur de la gélose arrosée de sang humain ou de sang de lapin, 1 exsudât ne fournit que de rares colonies de micro- 734 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR coques sans importance ; cependant, ces milieux se prêtaient fort bien à la culture de microbes délicats ; en particulier, cette gélose au sang, ensemencée de crachats de malades atteints de grippe, pei mettait d obtenir facilement le microbe delTnfluenza. L'expectoration recueillie les jours suivants fit voir que la pullulation du microbe diminuait progressivement; en résumé, ce cas si favorable à l’observation microscopique ne put être utilisé fructueusement pour la culture. Au cours des années suivantes, nous fîmes, à Bruxelles, 1 inventaire bactériologique d’un grand nombre de crachats coquelucheux, la plupart recueillis dans les hôpitaux, en em- ployant de préférence un milieu de culture que nous avons trouvé très propice à l’obtention des microbes délicats, et fort utile notamment pour les recherches sur la flore des voies res- piratoires1. Ces crachats, dont presque tous provenaient de malades observes non pas a la période initiale, mais en pleine évolution de coqueluche, présentaient en général une flore microbienne riche et variée. Nous nous attachions beaucoup, cela va sans dire, à y rechercher des formes bactériennes identiques à celles qui avaient été vues, si abondantes et à l’état pur, dans le cas de 1900 signalé ci-dessus. On trouvait, à vrai dire, plus ou moins nombreux, de petits microbes ovoïdes, faiblement teints, bien comparables à ces dernières. Mais ce qui très souvent prédominait, c’était des bactéries paraissant plus petites encore, un peu mieux colo- rables, isolées ou en paquets, parfois un peu plus longues ou même filamenteuses. Ce petit microbe, que presque tous les cas nous fournissaient en abondance, prospérait fort bien sur notre milieu; souvent même, c’était lui qui donnait le plus 1. En voici la préparation : A 200 c. c. d’eau glyeérinée à 4 0/0, on ajoute 100 grammes de pommes de terre coupées en tranches. On cuit à l’autoclave, on sépai e le liquide et on obtient ainsi un extrait glyceriné et concentré de pommes de terre. On prend 50 c. c. de cet extrait, en y ajoutant 150 c. c. de solution physiologique de Na Cl (à 0,6 0/0) et 5 grammes de gélose. On fait fondre à I autoclave , le liquide encore chaud est réparti dans des tubes à réactifs, à raison de 2-3 c. c. par tube. On stérilise. On recueille stérilement du sang, que l’on défibriné, de lapin, ou (ce qui est préférable pour les premières cultures) d’homme! A chaque tube contenant le culot de gélose (préalablement fondue), on ajoute partie égale de sang. On agite, et on laisse refroidir les tubes inclinés. Ce mi- lieu permet la culture de microbes délicats, méningocoque, gonocoque, inlluenza, et, comme il sera dit plus loin, bacille de la coqueluche. Ne contenant pas de peptone, il est peu favorable à la culture de certains saprophytes de la putré- faction. MICROBE DE LA COQUELUCHE 735 grand nombre des colonies obtenues. Ces colonies étaient bleuâtres ou grisâtres, un peu plus élevées au centre, tou- jours un peu diaphanes, notamment vers les bords, presque transparentes dans les cultures jeunes, où elles apparaissaient comme de petites gouttes de rosée. Au microscope, on trouvait un microbe très petit, ne prenant pas le Gram, généralement mince et court, au point de n’apparaître que comme un poin- tillé, manifestant parfois, dans certaines cultures, une tendance marquée au pléomorphisme, certains individus étant plus gros, renflés, d’autres offrant même des formes d évolution bizarres et contournées, faiblement et inégalement colorées. Inculti vable sur gélose ou bouillon ordinaires, ce microbe ne pous- sait bien qu’en présence d’hémoglobine. Il fut facile d’établir que nous étions en présence du microbe, identique ou très ana- logue à celui trouvé par Pfeiffer dans l’influenza, que d’autres bactériologistes signalaient dans la coqueluche, et même consi- déraient comme le microbe spécifique — opinion d’abord com- préhensible, tant la présence de ce microorganisme était fré- quente. C’est alors que paraissaient ou venaient d’être publiés notamment les travaux de Krause et Jochmann1, qui firent de ce microbe une description très exacte, mentionnant la nécessité de l’hémoglobine, et correspondant absolument avec celle que nous-mêmes aurions pu faire d’après nos prépara- tions et nos cultures. Comme ces auteurs, nous trouvâmes ce microbe en quantité énorme, à l’état presque pur (il y avait aussi quelques rares pneumocoques), dans le pus des petites bronches, à l’autopsie d’un enfant mort de bronchopneumonie consécutive à la coqueluche. De telles constatations semblaient évidemment fort significatives. Pour résoudre le problème, il fallait comparer minutieuse- ment dans sa morphologie ce microbe tel qu’il apparaissait dans les cultures ou les nouveaux échantillons d’expectoration, avec celui que nous avions trouvé dans le premier exsudât obtenu en 1900, lequel renfermait, incontestablement semblait- il, le véritable parasite. Or, cette comparaison ne dissipait point l’incertitude. Ce parasite appartenait bien, comme le microbe (pareil à l’influenza) actuellement cultivé, au groupe des bactéries de petite taille et aussi de faible colorabililé. Mais 1. Zeitschrift fiir Hygiene , 1901, Bd 30. 736 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’identité d’aspect n’était pas complète. Les microbes de l’ex- sudât de 1900, considéré comme typique, étaient de forme plus régulièrement ovoïdale; ils étaient aussi, en règle générale, un peu plus grands, et le caractère d’avoir le centre à peine coloré était chez eux plus net et plus constant. Mais ne pou- vait-on pas accepter, à ce propos, cette notion assez ration- nelle qu’un microbe déterminé peut fort bien ne pas présenter un aspect complètement identique dans les milieux artificiels de culture et dans le produit pathologique? A la rigueur, les deux microbes pouvaient être identifiables, et, dès lors, on pou- vait accepter 1 opinion favorable au rôle étiologique de ce microbe pareil à celui de l’influenza, et défendue par les bacté- riologistes dont il a été question plus haut. Trois objections graves pourtant restaient sans réfutation. D'abord, l’exsudât typique de 1900 n’avait pas cultivé sur de la gélose au sang, où le microbe - influenza aurait, c’était cer- tain, facilement prospéré. Ensuite, malgré des tentatives réité- rées, jamais nous ne pouvions mettre en évidence, dans le sérum d enfants convalescents de coqueluche, de propriétés particulières à l’égard de ce dernier microbe. Les autres bac- tériologistes ont dû obtenir, en l étudiant à cet égard, les mêmes résultats négatifs, car il n’est pas fait mention, dans les tra- vaux de Spengler, Jochmann et Krause, etc., de propriétés spécifiques du sérum d’enfants guéris. Enfin, nous consta- tâmes, conformément d’ailleurs aux données de certains de nos prédécesseurs, notamment d’Elmassian, que ce microbe non seulement se présentait dans la coqueluche, mais encore se rencontrait tout à fait communément au cours d’affections res- piratoires les plus diverses, aussi bien chez l’adulte que chez Tenfaut, grippes, bronchites, bronchopneumonies survenant à titre de complications à la suite de maladies diverses, et même, à l’état parfois presque pur, dans de simples coryzas. Bref, ce microbe, si semblable à celui décrit par Pfeiffer comme provoquant l’influenza, n’est pas l’agent de la coque- luche. Nous pûmes isoler cette année le microbe spécifique, ayant eu à notre disposition des cas éminemment favorables, l’un d’eux, celui qui nous fournit la première culture, méritant d’être mentionné avec quelques détails : il s’agit d’un enfant de deux mois, allaite, d une santé florissante, contaminé par un MICROBE DE LA COQUELUCHE l O enfant voisin, dont la coqueluche (affection très répandue actuelle- ment à Bruxelles), non encore manifeste à ce moment, n’avait pas été reconnue d’emblée mais devint bientôt caractéristique L’enfant se mit à tousser, les premières quintes typiques sur- vinrent; l’une d’elles projeta un fragment d’exsudat assez consistant, blanc, extrêmement riche en leucocytes, et renfer- mant en quantité prodigieuse 1 le microorganisme identique à celui rencontré plusieurs années auparavant, dans des condi- tions de pureté et d abondance fort analogues. Cet exsudât délayé à des degrés divers dans la solution physiologique fut ensemencé sur notre milieu. Or, la surface' des tubes qui avaient été ensemencés d’exsudat peu dilué, où le microbe spécifique était si nombreux qu’en cultivant il aurait dû four- nir une couche continue, ne présenta, au bout de deux jours que quelques rares colonies d’impuretés (quelques coccus sali- vaires). Mais le fil de platine, promené sur la partie de la surface qui paraissait stérile, ramena en quantité très faible le microbe cherché. La multiplication s’était faite, mais trop penihlement pour donner naissance à des colonies visibles2. Le germe, reporté sur un second milieu, y prospéra beaucoup mieux, donnant une traînée blanche, et désormais la culture fut luxuriante. Morphologiquement, l’identité entre le microbe de la culture et celui présent dans l’exsudât fut non pas approchée et satisfaisante, mais aussi complète et absolue que possible Les dessins ci-annexés seront, à cet égard, plus démonstratifs qu une description détaillée 3. La comparaison, en culture, de ce parasile avec le microbe- 1,n'uenza lmmtre que ces deux espèces sont essentiellement differentes. Sur le milieu au sang, le microbe de la coqueluche pousse beaucoup plus péniblement lors de la première culture, mais vegete au contraire plus abondamment lorsqu’il est mAtif8 i°(UrS suivants- la quantité de microbes diminua progressivomenl Les lions ‘ PCndant envirou 3 semaines, l’enfant guérit sans complka mèLmrnfr 0n I’"t con,slatei' 'Iue quelques individus microbiens peuvent “r^'diS^rÆ;^ 2 ou a -- ■ ^ ^ d'eau qihéniquée à S 0/0 O^miré'i1'0" l 0l"pl,ite’ Pu's 1 0,1 ajoute SOU grammes au bleu do méthylène phén" ,ù!f ord'inaire.’' ^ °“ ““"j C° ',,0U ®8t 738 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR acclimaté. 11 se développe un peu plus lentement. Sa culture est plus blanche, plus épaisse, n’a pas cet aspect bleuâtre et diaphane du mierobe-influenza. Il ne manifeste nullement, pour ce qui concerne la présence d’hémoglobine, la même exigence que ce dernier; en effet, réensemencé sur gélose- ascite bien incolore, il y donne bientôt une couche blanche, d’aspect gras et humide, assez opaque, devenant, après 2 à 3 jours, à peu près aussi épaisse que l’est une culture de bacille typhique sur gélose ordinaire1. Il a beaucoup moins de tendance au pléomorphisme et à l’involution ; à vrai dire, cul- tivé pendant de nombreuses générations sur notre milieu au sang, il devient plus petit, mais reprend aisément sa forme primitive, si on lui fait subir un passage dans un milieu liquide et qu’on le reporte ensuite sur le milieu solide. Absolument incultivable sur les milieux usuels stérilisés à l’autoclave, gélose, gélatine, bouillon ordinaire2, il se développe bien, en affectant des formes plus inconstantes, souvent plus grandes ■et plus gonflées, dans des milieux liquides, tels que le bouillon glycériné à 1 0/0 additionné de partie égale de sang ou de sérum limpide de lapin. Il est probable (nos recherches à ce sujet sont en cours), que ce microbe sécrète des substances produisant non pas une intoxication générale, mais des effets locaux, c’est-à-dire exer- çant une action irritante et même nécrotisante. Injecté sous la peau ou dans le péritoine du cobaye, il n’amène la mort qu’à haute dose. Mais si l’on injecte dans l’œil du lapin un peu d’exsudat coquelucheux contenant le microbe en abondance et à l’état pur, on ne constate qu’un développement très limité, presque nul; l’humeur aqueuse reste limpide, mais la cornée s’opacifie rapidement, devient blanche, en même temps que surviennent un larmoiement intense et une congestion conjonc- tivale excessive. L’injection d’un peu de culture pure produit les mêmes lésions, dont la gravité surprend en raison de ce 1. Cette épreuve a été faite quand le microbe était déjà accoutumé à la culture in vitro; il n’est nullement certain que, provenant de l’exsudât, il pousserait d’emblée sur la gélose-ascite. 2. Ce fait permet d’écarter entièrement divers microbes, poussant facilement sur les milieux ordinaires, qui ont été signalés par certains observateurs (Afanas- siew, Czaplewski et Henzel, Vincenzi, Manicatide, Leuriaux, etc.) et qu’on ne trouve du reste pas dans les crachats coquelucheux bien purs. Il est donc inutile de les considérer en détail. MICROBE DE LA COQUELUCHE 739 fait que la multiplication reste presque négligeable. Si de pareilles influences s’exercent aussi dans les bronches des malades, on conçoit l’apparition des quintes et leur persistance même lorsque la pullulation microbienne diminue. L’authenticité de ce microbe comme agent causal de la coqueluche résulte certes pour une bonne part des circonstances qui ont présidé à son obtention, — prolifération excessive à l’état pur de ce germe à la période initiale de l’affection, chez des enlants tout jeunes, malades pour la première fois, qui, offraient donc des garanties exceptionnelles, — mais l’argu- ment principal nous paraît être celui que fournit l’étude des propriétés spécifiques du sérum. Le sérum d’individus n’ayant pas eu la coqueluche (ou 1 ayant eue a une époque très recu- lée), même à forte dose, n’agglutine nullement le microbe. Le sérum des enfants récemment guéris de cette maladie possède un pouvoir agglutinant dont l’énergie est modérée, mais qui est constant et manifeste. Ce qui, d’autre part, est tout à fait remarquable, c est 1 intensité dans ce sérum du pouvoir sensi- bilisateur. Pour le mettre en évidence, nous avons employé notre méthode déjà ancienne, basée sur la fixation de l’alexine. On sait en quoi consiste cette méthode, qu’en 1901 1 nous avons fait connaître et employée pour la démonstration de sensibilisatrices dans beaucoup d’immunsérums, qui a été uti- lisée ensuite par de nombreux expérimentateurs, MM. Lesourd, Lambotte, MUe Fassin, M. Cohen, et récemment par MM. Was- sermann et Bruck2. L’un de nous avait établi, en 1900 8 que les sensibilisatrices spécifiques, actives soit contre des microbes, soit contre des globules, confèrent à l’élément qu’elles impres- sionnent Je pouvoir, qu’il ne possédait pas auparavant, d’absor- ber 1 alexine avec une grande énergie. Si donc on prépare, en proportions convenables, un mélange d’alexine (sérum frais d animal neuf), de l’elément considéré et de la sensibilisatrice appropriée (immunsérum chauffé au préalable à 56°), l’alexine au bout d un certain temps de contact disparaît entièrement du 1. Bordet et Gengou, Sur l'existence de sensibilisatrices dans la plupart des sérums antimicrobiens. Ces Annales. Voir aussi C. R. 1903 : Les Sensibilisatrices actives à l’égard des bacilles tuberculeux. 2 L historique publié par MM. Wassermann et Bruck relativement à notre 1 e’ 0n^ m*se à profit, est remarquablement sommaire. ( Deutsche med Wochenschrift, 1906.) 3. Ces Annales, Bordet, Les Sérums hémolytiques.. . etc. 740 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR liquide ambiant. Il en résulte que si Ton introduit ensuite dans le mélange des globules sensibilisés (globules qui ont été mêlés à du sérum hémolytique approprié, chauffé au préalable à 56, et qui, on le sait, sont désormais susceptibles de sTiémolyser rapidement dès qu’on les met en présence d’alexine), ceux-ci ne présentent aucune trace d’hémolyse. Bien entendu, divers mélanges-témoins (dont on trouvera la liste dans nos mémoires antérieurs consacrés à cette question) apportent le contrôle indispensable ; l’un d’eux notamment montre que les globules, ajoutés en dernier lieu, s’hémolysent à bref délai, si dans le mélange primitif l’alexine et l’élément considéré sont en pré- sence non de sérum actif vis-à-vis de ce dernier, mais de sérum (chauffé à 56°) normal, non sensibilisateur. Appliquée au microbe ci-dessus décrit et au sérum d’enfants récemment guéris de coqueluche, la méthode est extrêmement démonstrative. Notre première expérience porta sur le sérum de trois enfants, guéris depuis 15 jours à un mois, et Ton uti- lisa comme témoins le sérum de trois personnes normales. Chauffés à 56°, ces sérums furent respectivement mélangés, à doses variant de 0,1 à 0,3 c. c., à 0,05 ou à 0,1 c.c. de sérum neuf frais (alexine) d’homme ou de cobaye 1 et à 0,2 c. c. d’émulsion de microbe coquelucbeux (culture sur milieu solide délayée dans la solution physiologique de NaCl). Quatre heures plus tard, les mélanges ayant séjourné à la température du laboratoire, on ajouta à tous les tubes un peu de sang de chèvre fortement sensibilisé (par deux volumes de sérum de lapin immunisé contre le sang de chèvre). L’hémolyse se fit en quelques minutes dans les tubes contenant les sérums de per- sonnes normales, les globules furent encore intacts les jours suivants dans ceux qui renfermaient le sérum coquelucheux. La propriété sensibilisatrice de ce dernier s’exerce donc avec une grande énergie, même à doses minimes (0,1 c. c.). Il est superflu de dire qu’en l’absence de microbes coquelucheux, le sérum des enfants guéris laisse l’alexine parfaitement libre; il va de soi que l’expérience comporte les divers témoins néces- saires. 1. L’expérience réussitfort bien avec ces deux espèces d’alexine, mais l’alexine de cobaye est en général plus favorable à l’hémolyse et est donc particulière- ment recommandable, MICROBE DE LA COQUELUCHE 741 Quant au microbe si semblable à celui décrit dans l’influenza, il se comporte en présence de sérum coquelucheux comme en présence de sérum normal. Vis-à-vis de lui, ces deux sérums ne se distinguent pas. L’ex- périence, par conséquent, non seulement montre que ce dernier microbe n’a rien de commun avec la coqueluche, mais encore peut être utilisée pour différencier les deux espèces bacté- riennes L Les essais ultérieurs confirmèrent ces résultats. C’est ainsi que nous éprouvâmes les sérums de deux enfants ayant exacte- ment le même âge (4 ans) et tous deux convalescents, l'un de coqueluche, l'autre (qui n’avait jamais été atteint de cette der- nière affection) de bronchopneumonie consécutive à la rougeole. Résultat : le premier sérum (0,2 c. c.) sensibilisa le microbe coquelucheux et provoqua l’absorption d’alexine (de cobaye) au point que les globules sensibilisés, ultérieurement introduits, restèrent plusieurs jours intacts; l’hémolyse se fit en cinq minutes dans l’autre mélange, semblablement constitué, sauf qu’il contenait, au lieu de sérum de coquelucheux, celui du second enfant. Les données relatives à 1 étiologie de la coqueluche nous paraissant bien établies, nous espérons pouvoir faire connaître prochainement les résultats de tentatives de sérothérapie ou d’immunisation active. Signalons à ce propos que l’injection à l’homme d’un centimètre cube de culture liquide tuée par le chauffage à 62° ne provoque aucun symptôme fâcheux2. 1. Il faut noter en outre que le microbe-intluenza possède par lui-même, sans le secours de sensibilisatrice, la propriété d’absorber dans une certaine mesure l’alexine. Le microbe de la coqueluche, au contraire, nous l’avons dit, n’acquiert ce pouvoir que sous l’action du sérum d'enfant guéri. 2. Le chauffage à 55 suffit pour tuer le microbe. EXPLICATION DE LA PLANCHE XXVIII Deux préparations, l’une, fig. 1, de microbe coquelucheux en culturelle 24 heures sur milieu solide au sang; l’autre, fig, 2, de l’exsudât du début de la maladie, où ce microbe végète à l’état pur. Microscope Leitz. Obj. Immersion homog. 1/12 ocul. V. Grossissement : 1300. Coloration au bleu de toluidine phéniqué. CONTRIBUTION A L’ETUDE DE L'ÊPITHÉLIOMA CONTAGIEUX DES OISEAUX Par le D «• Et. BURNET Avec la Planche XXIX et partie supérieure de la Planche XXX. (Travail du laboratoire de M. Borrel.) L’épithélioma contagieux des oiseaux sollicite depuis long- temps l’attention des pathologistes et des bactériologistes. Mala- die contagieuse, elle présente avec les maladies éruptives de 1 homme et des animaux, surtout avec la variole, des analogies qui lui ont fait donner le nom de variole aviaire; on croyait même au moyen âge que les épidémies de variole humaine avaient pour origine des épidémies de varioles sur les oiseaux. Maladie à localisations épithéliales, elle détermine des prolifé- rations cellulaires plus massives que les pustules varioliques ou vaccinales, de véritables tumeurs malpighiennes que l’on regarde comme un type intermédiaire entre une simple réaction épithé- liale et une tumeur épithéliomateuse. De plus, les cellules malades renferment des inclusions , analogues a celles que Pon observe dans la plupart des maladies éruptives et dans certaines tumeurs cancéreuses, que l’on a crues et que nombre d’auteurs croient encore de nature parasitaire, mais dont l’interprétation doit être dominée par ce fait capital : le virus, inconnu,' de la maladie peut passer à travers les bougies-filtres Berkefeld. C’est une excellente maladie d’étude, et par le nombre des questions qu’elle soulève, et par les facilités qu’elle présente pour les recherches expérimentales au laboratoire. Presque tous les auteurs qui se sont occupés des maladies éruptives et épithéliales ont cherché des points de comparaison dans l’étude de l’épithélioma contagieux des oiseaux. Pour l’his- torique, il suffit de marquer les étapes principales. Rivolta, le premier, en 1865, décrit les inclusions cellulaires, pareilles à celles que Virchow avait déjà étudiées dans le molluscum con - îagiosum de 1 homme, en 1865, et les interprète comme des ÉPITHÉLIOMA CONTAGIEUX DES OISEAUX 743: grégarines. Bollinger, dans un mémoire de 1873, insiste sur l’aspect anatomique des lésions et les classe auprès des tumeurs épithéliomateuses. Marx et Sticker, en 1902, montrent que le liquide provenant du broyage d'une tumeur de poule dans l’eau physiologique, filtré sur bougie Berkefeld, est virulent. Julius- berg (1904-1905) vérifie le fait pour les tumeurs du pigeon et pour le molluscum humain. Borrel (décembre 1904) observe, sur frottis, des amas granuleux décomposés en une multitude de microcoques, et émet l’hypothèse de la nature bactérienne des inclusions intracellulaires. Pour démontrer la vérité de cette hypothèse, il faudrait cul- tiver le virus sous la forme de ces microcoques : nous n’y avons pas encore réussi. Nous avons cherché à en mesurer la vraisemblance, en reprenant d’une part l’étude physiologique et microbiologique du virus, d’autre part l’étude morphologique de l’inclusion cellulaire : le rapprochement de ces deux ordres de faits conduit à l’idée d’un virus intracellulaire de nature bac- térienne. Ce ne sont ici que les premiers résultats d’une étude que nous espérons compléter. Maladie naturelle et maladie expérimentale. Dans la nature, l'affection sévit, souvent par épidémies, sur les oiseaux de basse-cour : poules, pigeons, oies, dindons. Presque toujours sur les parties non emplumées de la tète, crête, orifice de l’oreille, coins du bec, narines, surtout paupières,, apparaissent une ou plusieurs petites tumeurs, d’abord fines- comme une tête d’épingle, rondes et lisses. Elles grossissent,, atteignent les dimensions d’un grain de chènevis, d’un pois, et même d’une noisette ; la surface se couvre de croûtes jaunâtres, brunâtres, souvent sanguinolentes, envahies par des infections- banales. Au bout de 3 à 4 semaines, les tumeurs se flétrissent, se dessèchent, tombent par squames, s'effacent finalement sans- laisser de cicatrice; l’oiseau peut guérir. Quand l’éruption est plus étendue, couvrant même les régions emplumées, 1 oiseau maigrit et succombe fréquemment aux infections secondaires- de la peau plus peut-être qu'à la maladie spécifique. On a observé de la fièvre, de l’inappétence. L’oiseau peut succomber à des- maladies intercurrentes, diphtérie aviaire ou pasteurellose, qui. frappent un organisme affaibli. 744 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR a maladie peut s’étendre à la conjonctive, à la nictitante, a a coi née, a la muqueuse interne du bec, du nez, de la langue, de la bouche, de la glotte. Dans la bouche, les infections secon- < aires transforment les tumeurs proprement dites en masses pseudo-membraneuses qui empêchent l’oiseau de manger et d avaler. Les auteurs ne signalent aucune lésion des organes internes, oollinger parle seulement d’un état d’anémie prononcée. L ensemencement du sang du cœur ne donne aucune cul- ture. Sur les coupes, on ne voit pas de bactéries ni d’autres parasites à l'intérieur des tumeurs, ni dans les cellules ni entre es cellules. Cependant, l’observation des épidémies de basse- cour prouve qu’il s’agit d’une maladie infectieuse. L<\s oiseaux qui ont guéri ne prennent plus la maladie. Pour 1 étude de la maladie expérimentale, nous avons pris comme sujet le pigeon. Le virus provenait d’un pigeon saisi à aiis, aux Halles centrales. Pour infecter un pigeon sain, il suffit de scarifier ou d’excorier légèrement les régions sensibles et de les frotter soit directement avec une tumeur excisée, soit avec des squames détachées par grattage, soit avec le suc de ces produits plus ou moins grossièrement broyés dans un peu d’eau. Les tumeurs apparaissent après 4 ou 5 jours d’incubation. Au cours d’un nombre considérable de passages, pendant plus d une année, le virus n’a pas paru s’affaiblir ni se renforcer. Si 1 on veut obtenir des lésions très étendues et préparer d’abondantes récoltés de virus, on plume la poitrine depuis la crête du bréchet jusqu’aux ailes, depuis la gorge jusqu’au cloaque, et l’on frotte toute cette surface avec une dilution du virus. Au point d’implantation de chaque plume se développe une tumeur. La plume ne repousse pas; elle reste à l’état embryonnaire, mais les cellules épithéliales qui en constituent le germe se multiplient et se gonflent, et forment un bulbe qui atteint en 45-20 jours la grosseur d’un giain de riz. Parfois la plume pousse à contre-sens, et décrit un trajet obli- que, de quelques millimètres, dans l’épiderme et le derme. Parfois, elle pen o la tumeur, sur le sommet de laquelle apparaissent quelques barbes. I oui îécolter la plus grande quantité possible de virus, on attache l’oiseau SU1 ,m Poteau» on décolle et on rabat la peau des flancs, on énuclée facile- ment et, si 1 on veut, stérilement — les bulbes infectés. On peut gratter ensuite les squames de la face externe. Squames et bulbes seront conservés pai les divers moyens que nous indiquerons : dessication lente ou rapide, suspension aqueuse ou glycérinée. Pour obtenir une suspension homogène et fjne, on broiera, par écrasement entre fortes lames de verres, — quel que ÉPITHÉLIOMA CONTAGIEUX DES OISEAUX 745 soit le dispositif imaginé, — les bulbes énucléés. Ils sont réduits en une boue fine qui se répartit bien dans l’eau. Avec la pointe d'un scalpel chargée de virus, on peut déter- miner sur la peau une pustule allongée, semblable à celles que Ton obtient avec la vaccine sur les flancs de la génisse. Comme l’ont vérifié plusieurs expérimentateurs et contrairement à l’opi- nion de Lœwenthal, on obtient des pustules cornéennes ana- logues aux pustules vaccinales de Guarnieri. La pustule ne devient pas toujours visible macroscopiquement. Nous avons vu, sur des cornées parfaitement limpides pendant la vie, l’opa- cité apparaître un instant après que l’oiseau avait été sacrifié. La constatation, au microscope, des inclusions spécifiques démontre la réalité des pustules cornéennes. D’après ces inoculations, le mode d’infection naturelle le plus vraisemblable serait le simple contact. Parle frottement, parle becquetage, les croûtes, qui sont très virulentes, transmettraient le virus. On détermine une vaste éruption chez un pigeon plumé en le frottant directement avec un pigeon malade. Plusieurs fois, j’ai fait cohabiter, même dans une cage exiguë, un pigeon neuf plumé, c’est-à-dire offrant la plus vaste surface sensible, et un pigeon couvert de tumeurs; le pigeon neuf prend tout au plus une ou deux pustules. De même, j’ai fait cohabiter un pigeon neuf, intact, avec un pigeon porteur de fortes lésions des pau- pières, des coins du bec et de la muqueuse buccale ; les oiseaux se sont touchés et becquetés ; l’oiseau sain n’a pris la maladie ni sur la tête ni sur le corps, même après plusieurs semaines de cohabitation. Le contact est un mode possible de propagation; ce n’est très probablement pas le mode naturel de contagion. Or, la seule inoculation expérimentale qui reproduise exac- tement le tableau de la maladie naturelle est l’inoculation intra- veineuse. Après 5 jours d’incubation, les tumeurs apparaissent toujours aux points d’élection : muqueuse buccale, langue, pau- pières, coins du bec. Le virus doit se fixer et cultiver sur les points où l’épiderme est excorié. Si l’on arrache une plume, sur ce point naîtra une tumeur. Si on plume l’animal, il sera cou- vert de tumeurs. Du virus dans la circulation, un point sensible : telles sont les deux conditions, dont il est facile d’étudier les rapports : Le même jour sont inoculés dans la veine 8 pigeons, dont 4 ont été plumés 746 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR respectivement 4, 3, 2 et 1 jours avant l’inoculation; 1 est plumé le jour même; les 3 derniers sont plumés 1, 2 et 3 jours après l’inoculation. Chez les 4 premiers, l’éruption est d’autant plus forte que l’oiseau a été plumé à une date plus rapprochée du jour de l'inoculation. Pour les 3 derniers, l’in- tensité de la maladie décroît à mesure qu’augmente l’intervalle entre l’inocu- lation et l’arrachement des plumes. La présence du virus dans le sang et les organes internes est certaine : Un pigeon est saigné 5 heures après l’inoculation intraveineuse; le [sang est aussitôt centrifugé en tube paraffiné. L’inoculation du plasma et l’inocu- lation du dépôt globulaire donnent des tumeurs. Le sang pris dans le cœur ou la carotide de pigeons inoculés dans la veine est encore virulent 10 et 15 jours après l’inoculation, lorsque l’oiseau est en pleine maladie. Le foie et la rate, frottés sur un pigeon neuf, donnent également des tumeurs. Le sang et surtout le foie sont généralement virulents, chez des pigeons infectés par large friction sur la peau , 10, 15 et 20 jours après l’apparition des tumeurs. Dans les larges inoculations expérimentales par frictions sur la peau, les points d’élection ne deviennent pas le siège de tumeurs, comme dans la maladie naturelle. Il est infiniment probable que, dans la nature, le virus pénètre en petite quan- tité dans la circulation et va se fixer aux points d’élection. Nous avons reproduit ces conditions par V ingestion de virus. Un pigeon intact est nourri pendant plusieurs jours avec du blé arrosé d une dilution de virus et mélangé de petits corps durs, sable, verre broyé fin. 3 semaines après apparaît sur une paupière une lésion typique; il en vient ensuite sur la muqueuse buccale. Leur spécificité est prouvée par 1 examen histologique. L’oiseau est sacrifié 41 jours après le premier repas, 17 jours après l’apparition de la lésion de la paupière. Le sang du cœur et le foie ont donné sur un autre pigeon de très nombreuses tumeurs. A l’autopsie, on trouve sur l’œsophage, à 1 centimètre 1/2 au-dessus de 1 entrée du gésier, une petite lésion spécifique, d’autant plus intéressante à noter que tous les auteurs disent n’avoir jamais observé de lésions internes dans la maladie naturelle. Un autre pigeon a été infecté par ingestion. Les tumeurs ont apparu seulement sur la muqueuse buccale. Elles ont grossi rapidement. Peut-être en est-il résulté l’immunité des autres régions telles que les paupières. La maladie naturelle peut donc être reproduite par ingestion de grains imprégnés de virus. La présence de corps durs, comme ceux que l'on trouve toujours dans le gésier des oiseaux, 747 ÉPITHÉLIOMA CONTAGIEUX JDKS OISEAUX comme les grains de blé eux-mêmes, doit être favorisante, sinon necessaire. Pendant plus d un mois, nous avons donné à boire a un pigeon de 1 eau chaque jour renouvelée et additionnée de virus frais; 1 oiseau buvait en trempant son bec; aucune tumeur n’est venue. Même après scarification artificielle de la langue et des coins du bec, il n’v a eu aucune lésion à observer. Ces expériences rendent inutiles l’hypothèse d’un bote intermédiaire, mouches, poux et autres parasites (hypothèse do Mégnin et de Manganazzi). Sanfelice pense que le virus peut penetrer par la peau intacte; rien ne le prouve. De nouvelles expériences sont necessaires pour déterminer le mode d infection dans la nature. Jusqu ici, c est seulement par ingestion que I on a pu le reproduire. Etude du virus. Résistance. Filtration. Le virus existe dans 1 épiderme en quantité extraordinaire. Une suspension légère, à peine opalescente, donne encore la maladie après qu’on l’a diluée 2,000 fois. En suspension dans 1 eau physiologique ou dans l’eau du robinet, au bain-marie, dans des ampoules scellées, à 60°, le virus du broyage fin est tué au bout de 8 minutes, alors que le virus des bulbes et squames est encore vivant après 1 h. 1/2. A 56°, le virus du broyage fin ne résiste pas plus d’une 1/2 h. A 1 étuve à 37°, en suspension dans l’eau, nous l avons trouvé inactif après 8 jours, actif après 3 jours; après 30 jours à 22°, actif; après 6 jours à 25°, actif. Mais un fragment de bulbe enfonce dans de la gelose a encore donné la maladie après 14 jours à 38°. Le virus que Marx et Sticker ont trouvé actif après 3 heures à 60° ne pouvait être broyé très fin. Les mêmes auteurs ont trouvé actif, après 1 heure à 100°, des tumeurs dessechees et renfermées dans des ampoules privées d aii. Des squames exposées à la lumière derrière une vitre, dans une boîte Pétri, étaient encore virulentes après 2 mois. Selon Reischauer, le virus résiste à la chaleur sèche, 15-30 minutes à 80° ; à la chaleur humide, 5 minutes à 100o (même remarque que ci-dessus). Il résiste à 2-3 heures d insolation, et, selon Lœwenthal, auxémations du radium pendant 5 h. 1/2. Une émulsion de croûtes dans de l’eau phéniquée à 1 0/0 était virulente après 1 heure 1/2; avec de l’eau phéniquée à 2 et 2 1/2 0/0, elle ne l’était plus (Marx et Sticker). Le virus est tué en 5 minutes par la potasse à 1 0/0, l'acide acétique à 1 0/0, l’acide phénique à 1 0/0, le sublimé ù 1 0/00' (Reischauer). 748 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR La dessiccation est un bon moyen de conservation. Il faut encore distinguer entre le broyage fin et les fragments de tissu, entre la dessiccation lente à Pair ou brusque sous la cloche avec acide sulfurique. Du broyage fin est étalé sur lames de verre, et desséché lentement à l’air; les lames sont gardées à l’armoire, enveloppées dans du papier. Virulence conservée après 1, 1 1/2, 3 1/2, 7 mois, 10 mois, 13 mois, 15 mois. Des squames desséchées dans le vide sur S04H2 étaient virulentes après 12 mois. Le virus se conserve dans les conditions naturelles, comme le prouve le fait rapporté par Bollinger : après une épidémie, on désinfecta le poulailler, et on se débarrassa des poules; il n’y vn eut pas pendant l’hiver. Au printemps suivant, de nouvelles poules furent installées dans un poulailler neuf construit à distance du premier : la maladie reparut. Une suspension de virus dans de l’eau ordinaire, conservée dans une glacière où la température ne descend pas au-dessous de 6°, est encore virulente après 60 jours. L action de la glycérine est particulièrement intéressante à fixer pour un virus que beaucoup d’analogies rapprochent du virus vaccinal. Une suspension de broyage fin est additionnée d’un égal volume de glycé- rine pure à3Ôo. Après 60 jours, il pousse très peu d’impuretés sur une plaque de gélose ensemencée avec une anse, et, sur une série de tubes de bouillon, il y en a qui restent stériles; la plupart cependant donnent une culture tar- dive. La dilution glycérinée s’est montrée active après 120 jours. Il est à peine besoin de rapprocher de ces faits ceux que l’on a signalés pour le virus vaccinal et le virus rabique. Il s’agit en somme d'un virus résistant; résistant comme des spores bactériennes, dit Reischauer : mais on a vu que ses données comportent une cause d’erreur. Ces faits ne sont pas en faveur d'un virus animal à classer dans les Protozoaires. Filtration. — On connaît la première expérience de Marx et Sticker : le filtrat, sur bougie Berkefeld, de virus de poule broyé dans un mortier et dilué dans de l’eau physiologique a repro- duitla maladie avec une incubationun peu prolongée (8-10 jours). Juliusberg a répété l’expérience avec le virus du pigeon : l’incu- bation a été de 14 jours, soit trois fois le temps normal. Le ÉPITHÉLIOMA CONTAGIEUX DES OISEAUX 749 virus de la poule ne passe pas sur la bougie Chamberland F (Marx et Sticker), tandis que le virus du molluscum humain passerait (Juliusberg). La filtration n’est pas une opération simple. On ne se con- tente plus de savoir qu’un virus traverse la bougie Berkefeld; les bougies Berkefeld ne sont pas toutes identiques. On exige des données précises sur la nature de la bougie, le mode de stérilisation, la durée de la filtration, les conditions de tempé- rature et de pression, la présence d'un microbe test *. Nous avons employé : 1° des bougies Berkefeld; 2° des bougies Chamber- land F; 3o une série de bougies en porcelaine, construites spécialement pour expériences de laboratoire et mises obligeamment à notre disposition par M. Chamberland, plus perméables que la bougie F, et graduées d’après leur débit en eau dans des conditions déterminées. Ces trois espèces de filtres forment une échelle de perméabilité qui permet des expériences comparatives et en quelque sorte des mesures qu’une filtration uniforme ne peut fournir. Borrel a employé le premier une échelle semblable dans ses expériences sur la filtration du virus claveleux, Sur la bougie de porcelaine, la filtration a été faite extemporanément, sous pression exercée au moyen d’une poire de caoutchouc. Avec les bougies Berkefeld, la filtration était faite par aspiration (l’aiguille du manomètre marquant 60-65). Les premières expériences, destinées à fournir du virus pur, ont été faites sans test ; nous avons employé ensuite, comme test, soit un bacille fluorescent, soit un vibrion cholérique, soit le choléra des poules, soit un mélange de ces deux dernières bactéries (cultures de 24 heures, en bouillon). Les résultats étaient les mômes avec l’eau du robinet et l’eau physiologique. Le virus était une suspension très diluée de broyage aussi fin que possible. Les filtrats étaient inoculés à la même dose, soit 1 c.c, sur les deux flancs d’un pigeon. La bougie Chamberland F n’a laissé passer ni le virus ni les tests. Bougies Berkefeld . — Les premières filtrations, destinées à fournir du virus pur, ont été faites sans test. En général, les filtrats, abandonnés à eux-mêmes, se troublaient à la longue, on y trouvait des cocci et des bacilles indéterminés ; 2 bougies ont laissé passer le virus en quantité notable, car le filtrat, conservé à 22°, était encore actif après un mois. Sur une même bougie est filtré du virus préalablement filtré sur papier; après chaque filtration, la bougie a été usée, ce (|ui 1. La question a été bien exposée par Remlinger dans un travail récent, Bull, de l’Institut Pasteur, t. IV, p. 137. 750 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR réalise trois degrés de perméabilité. 3 filtrations : dans aucune, le virus n’a passé. Même expérience avec une bougie neuve : 4 filtrations après grattage. La même quantité de liquide passait de plus en plus vite. Les 4 filtrats ont été inactifs. Bougies neuves, stérilisées à l’autoclave 8 jours avant la filtration : Bougies. 1 2 3 4 Après nouvelle j 1 stérilisation. \ 2 De nouveau ( 1 (dilution à39°.) j 2 De nouveau j 3 (dilution à 0°.) ( 4 Durée de Virus épith. la filtration. — 2' — 2' — 1 1/2 — 3' + 4 4 Vibrion chol. Ch. poules. Les bougies Chctinbevlctud spociules designées par des lettres, formaient, d après leur débit en eau dans des conditions égales, l’échelle suivante : A m z — e — B 525 525 525 500 475 Exp. 1. — Sur bougies Pas de test. G F Y — H X 475 475 475 450 450 Avec pression. G 4 G — K _ D - G - K 425 300 125 Sans pression (durée 10') + Sous pression a passé un bacille fin qui n’a pas passé sans pression. Exp. II. — Répétition de la précédente; Exp. III-V. mêmes résultats. D — H 4 (très pauvre.) A 4- B + G — B 4- G — G 4- F + D A — E 4- E H + F + Partout a passé un coccobacille cilié. ' Exp. VI. A Virus épith 4 Fluoresc. Vibrion chol. Chol. des poules D 4 4- G G H 4 4* ÉPITHÉLIOMA CONTAGIEUX DES OISEAUX A I) E G G H Exp. VII. — Bougies non régénérées. Virus épith. Fluoresc. Vibrion chol. Chol. des poules. + -f- (très pauvre.) _i_ + id. + + + + A G G Exp. VIII. — Bougies régénérées sèches. Virus épith. Fluoresc. Vibrion chol. Chol. des poules. - + + (très pauvre.) + 751 Exp. IX. — Bougies stéril. à l’autoclave humides. Virus épith. Fluoresc. Vibrion chol. ■ Chol. des poules. G + - G -f — Mêmes bougies sèches, stérilisées au four. G + G _ Mêmes bougies, stérilisées à l'autoclave. G + + G — — Exp. X. — Bougies sèches. Sans pression. Durée 40'. Virus épith. Fluoresc. Vibrion chol. Chol. des poules E - + F — + H - + Exp. XI. — Bougies neuves. Autoclave 2 jours avant. Virus épith. M + X + Y + Z + Dilution portée à 39°. Z + M + Dilution à 0° Z — M — X — Y — Fluoresc. Vibrion chol. + + + + Chol. des poules + Exp. XII. — Filtration extemporanée. Autoclave 8 jours avant. Virus épith. Fluoresc D B G E Vibrion chol. + + + Chol. des poules + + + Ces faits sont intéressants dans leurs irrégularités mêmes. Le virus est bien un virus filtrant, mais il s’en faut qu’il filtre 752 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR toujours, dans les conditions moyennes admises pour ces expé riences. 11 se comporte à peu près comme le virus claveleux dans les expériences de Borrel. Les bougies cotées 475 mar- quent la limite de la filtrabilité constante ; ces bougies sont plus perméables que les Berkefeld. Elles sont aussi de structure plus homogène. 11 est vraisemblable qu'une bougie Berkefeld peut être décomposée par l’imagination en plusieurs surfaces filtrantes d inégalé porosité; il suffît d’un pertuis en un point pour faire croire à une bougie très poreuse ou à un microbe très facile à filtrer. Seules les bougies de porcelaine offrent des garanties d uniformité. Cependant les résultats donnés par une même bougie sontloin d’être constants, ce qui doit tenir aux conditions dans lesquelles se présente le virus. Dans les filtrations sans test surajouté, le test s’introduisait de lui-même avecl eau du robinet. Très souvent il poussait dans le filtrat des cocci, des bactéries ciliées ou non ciliées, plus trapues que les vibrions des eaux signalés par Borrel dans ses filtrats de virus claveleux. Le virus de Tépithélioma contagieux n’est pas nécessaire- ment d une finesse extrême : il est exceptionnel qu’il filtre sans que filtrent en même temps le vibrion cholérique, qui est mobile, ou la bactérie du choiera des poules, qui est immobile. Il n y a aucune raison qui oblige à admettre un « microbe invisible ». Il peut être au moins de 1 ordre de grandeur du miciobe de la péripneumonie. Il est très probablement immo- bile . il filtre avec moins de fréquence et d’abondance que le vibrion cholérique. La filtration a paru empêchée à basse tempei atui e (Exp. xi) : cette action empêchante peut s exercer soit sur le microbe lui-même, soit sur les vibrions ciliés, qui, dans d autres expériences, ont paru activer le passage, comme par une action d’entraînement. 11 doit exister une cause principale qui rend la filtration difficile. Nos dilutions, très étendues d eau, n’étaient certes pas de consistance albumineuse. Le virus est retenu, soit parce que, maigre la finesse du broyage, il adhère à des particules de tissu plus grosses et capable de colmater plus vite les bougies, soit parce que les unités microbiennes s'accolent et s’agglutinent giàce à quelque substance zoogléique qui favorise 1 adhérence ou empêche la dissociation. ÉPITHÉLIOMÀ CONTAGIEUX DES OISEAUX 753 Les inclusions cellulaires depuis si longtemps décrites comme parasites, et spécialement comme des coccidies, ne passent évidemmentpas à travers les filtres. Les partisans delà théorie coccidienne durent se rabattre sur l’hypothèse de formes parasi- taires — stades du cycle évolutif d’un protozoaire — assez petites pour être filtrables. L’exemple du Micromonas mesnili de Borrel, les formes de culture du Tnjpanosoma lewisi (Novy et Mac Neal) montrent qu’il y a des protozoaires qui filtrent et sont même plus petits que nombre de bactéries qui traversent la bougie Berkefeld. Mais de telles formes n’ont pu être mises en évi- dence, jusqu’ici, dans l’épithélioma contagieux des oiseaux. La filtration ne prouve pas encore l’existence d un virus bactérien analogue à celui de la péripneumonie. Elle rend très improbable la théorie coccidienne. Immunité. Lœwenthal a observé des pigeons doués de l’immunité naturelle : nous n’en avons pas rencontré. Mais tous les pigeons ne sont pas également sensibles. Certains sont plus facilement et plus solidement immunisés : tels des pigeons à grosses narines et à grosses paupières bosselées que nous avons eus entre les mains. Les pigeons qui ont guéri de la maladie spontanée ou expé- rimentale possèdent une immunité très forte, mais, selon Lœventhal, de courte durée : après deux mois ils redeviendraient sensibles. Jamais nous n’avons observé une aussi prompte cessation de 1 immunité. Nombre de pigeons guéris depuis 4 et o mois se sont montrés insensibles à la réinoculation. L’immunité comporte des degrés. Après une éruption très étendue, elle est forte et de longue durée. Ap rès des accidents circonscrits et bénins, elle est partielle et peut être plus brève : la réinoculation produit alors une maladie bénigne et de durée abrégée. Chez un oiseau partiellement immunisé, on voit, toutes choses égales, guérir en 3 jours une éruption qui, chez le témoin, dure trois ou quatre semaines. La sensibilité peut être revenue après 1 mois 1/2. Il est facile de déterminer le début de l’immunité, en réino- culant des pigeons à intervalles variables. La première inocu- 48 754 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR lation doit être la même pour tous : on la réalise en pratiquant sur la peau une strie d’inoculation de longueur donnée. Pigeon 1 réinoculé après 5 — 2 — — 8 — 3 — — 12 — 4 — — 14 — 5 — — 20 jours. Eruption équivalente à celle des témoins. — L’évolution de la maladie est déià abrégée ; la surface de réinoculation présente un aspect plus inflamma- toire. — Début d’éruption, guérison en 5-6 jours. — Légère tuméfaction de la racine des plumes; pas d’éruption vraie. — La maladie avorte. Lœwenthal, ayant inoculé des pigeons « sur la poitrine », puis excisé après des temps variables les tumeurs produites et fait la réinoculation sur les paupières, observe que cette réino- culation est toujours positive, même après un délai tel que les tumeurs de la poitrine se sont complètement exfoliées. Ce n’est pas, dit-il, Tindice d’une immunité seulement locale ; mais la maladie provoquée sur la peau de la poitrine ne sufüt pas à assurer l’immunité. D’après nos expériences, ces faits ne sont vraisemblables qu’après une inoculation très circonscrite de la poitrine. D’autre part, ajoute le même auteur, apres inocula- tion, puis guérison des paupières de l'un des yeux, la paupière de l’autre côté a l’immunité. Nous le croyons d’autant plus que l’inoculation cornéenne conférait à nos pigeons l’immunité de toute la surface cutanée, même lorsqu’elle n’avait pas produit de pustule visible à l’œil nu. Plusieurs pigeons inoculés sur la cornée ont eu l’immunité complète après 17 et 19 jours. Le virus tué parla chaleur n’immunise pas, qu’il soit donné sur la peau ou dans les veines, et si abondantes que soient les inoculations. Seul le virus vivant confère l’immutiité. Le sérum de pigeon guéri et le sérum de poule hyper- immunisée paraissent posséder un très faible pouvoir préventif, mais aucune action bactéricide. Plusieurs poules ont reçu, de 8 en 8 jours, sous la peau des flancs, des doses de 10 ou 20 c. c. d’une suspension assez dense de virus finement broyé. Elles ont été saignées dans la carotide 1 mois 1/2 après la première injection. Une dilution de virus est additionnée d’un égal volume de sérum de pigeon et de sérum de poule immunisés, chauffé et non chauffé ; laissé en 755 ÉPITHÉLIOMA CONTAGIEUX DES OISEAUX contact 1 jour et 3 jours. Le mélange a donné une éruption équivalente à celle des témoins. On inocule à des pigeons neufs, dans la veine, à 3 reprises, à la dose de 1 c. c., a intervalles de 4 jours, du sérum de pigeon et de poule immunises. Inoculation virulente, sur la peau, 9 jours après la première inoculation de sérum. La maladie débute avec un retard de 3 ou 4 jours et paraît d’abord atténuée ; puis elle reprend un développement normal. 2 pigeons reçoivent dans la veine 2 c. c. de sérum d’une poule fortement immunisée. Inoculation virulente sur la peau 1 heure et 24 heures après. La maladie est sensiblement moindre que chez un témoin. Ces résultats rappellent les propriétés préventives et curatives très peu prononcées que possède, selon Béclère, Chambon et Ménard, le sérum des veaux vaccinés en pleine éruption et des veaux guéris. L immunité dans l’épithélioma contagieux des pigeons rappelle de très près l’immunité vaccinale; elle ne définit pas davantage la nature du virus. Histologie. Inclusions intracellulaires . Les coupes ont été préparées comparativement avec plusieurs techniques : sublimé; hématéine éosine; formol-acide picrique; imprégnation à l’argent selon le procédé Bertarelli-Levaditi ; surtout avec la technique de Borrel : fixation au Flemming- chlorure de platine, coloration au rouge de Magenta [et picro- indigo-carmin. Avec ces diverses fixations, les inclusions cellu- laires, qui sont le gros point à discuter, se présentent avec la même forme. Soit une coupe pratiquée dans une lésion adulte prise sur une région non pourvue de plumes. (PI. xxix, fig. A) On observe : 1° un épaississement de l’épiderme par multiplication des cellules; il se forme des bourgeons épithéliaux qui s’enfoncent dans 1 épaisseur du tissu conjonctif ; 2° un accroissement de volume des cellules ; le diamètre va croissant avec la maturité de la lésion; il devient triple et quadruple de ce qu’il est à 1 état normal; 3° il y a vacuolisation et dégénérescence des cellules; elles s’appauvrissent en protoplasma, elles apparaissent comme des sacs vides où sont logés l’inclusion et le noyau. Les ponts intercellulaires ont disparu. Le noyau subsiste plus longtemps. Il peut disparaître finalement, et il n’y a plus de cellule. Il y a donc un type de cellule épithéliomateuse ; il est caractérisé par le volume, la vacuolisation, et surtout par 756 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’inclusion, sphérique ou ovalaire, brunâtre surtout après fixation au Flemming. Très réfringente et granuleuse quand on examine à l'état frais quelques cellules écrasées entre lame et lamelle, elle est, après fixation et coloration, massive et opaque. Sur les coupes, les cellules qui forment la couche la plus superficielle de l’épiderme ne montrent plus qu’un contour épaissi, enveloppant la substance de l’inclusion. Outre le noyau et l’inclusion, il y a lieu de signaler, dans la cellule épithéliomateuse, des granulations qui prennent la même coloration que le noyau et sur laquelle nous aurons à revenir. Des granulations homologues ont été décrites par Borrel sur des coupes de lésions vaccinales colorées par la même technique. Dans les régions à plumes, la plume participe à la maladie; elle apparaît sur la coupe comme un tube plein formé de cylindres concentriques correspondants aux diverses assises cellulaires. Toutes ces cellules ont l'aspect spécifique et renferment des inclusions. (pi. xxx, fig. C.) En général on n’observe pas, au centre des pustules cutanées, la fonte cellulaire massive qui caractérise les pustules varioliques. Cependant, dans la tumeur de la paupière d'un pigeon infecté par ingestion, la dégénérescence vacuolaire, au centre de quelques bourgeons, a fait disparaître des groupes de cellules : on voit des lacunes soit complètement vides, soit remplies d'une masse uniformément granuleuse, striée de traits qui représentent des restes de membranes cellu- laires ou de la fibrine. Le tissu conjonctif sous-jacent est le siège d’une réaction inflammatoire moins marquée chez le pigeon que chez la poule inoculée avec le virus du pigeon ; plus marquée, chez le pigeon, dans le cas d’éruption bénigne, atténuée ou abortive, que dans le cas d’éruption intense et de longue durée. On ne voit jamais d’inclusion dans aucune cellule conjonctive. Michaelis a signalé des débris de leur substance dans les vaisseaux sanguins et dans le tissu cellulaire sous-cutané, au moment de la guérison; ce serait un processus de résorption. Les pustules cornéennes offrent de belles cellules carac- téristiques. L’inclusion y est plus claire, moins chargé de graisse; l’aspect mûriforme est plus net. Dans les lésions ÉPITHÉL10MA CONTAGIEUX DES OISEAUX 757 déjà avancées, inclusion et noyau sont comme rompus, disloqués, pulvérisés, et leurs débris accumulés au hasard remplissent la cellule. L'image n’éveille l’idée d’aucune forme organisée. (PL xxix, fîg. 6.) Partout où se trouvent les inclusions, il y a du virus. L’hypothèse de la nature parasitaire des inclusions est très antérieure à l’hypothèse de leur nature coccidienne. Virchow l’a émise dès 1865 à propos du molluscum humain. 11 croit qu’il y a dans les inclusions autre chose que de la graisse ; il sait qu’elles sont virulentes; il se demande si ce sont des parasites, mais il n’y voit aucun indice d’un développement vital. Elles sont virulentes; mais n’inocule-t-on pas autre chose en même temps qu’elles ? Tout pesé, il croit qu’elles sont le « support » du contage. Il n’y a pas lieu, ajoute-t-il, d’incriminer une substance intercellulaire, comme on pourrait le faire dans le cas où la lésion donne un suc laiteux; ici, la lésion est sèche. Enfin, il n’y a guère lieu de penser que la cellule épidermique par elle-même soit l’agent de la maladie : desséchée, atrophiée, sans noyau, c’est plutôt une cellule cadavérique. Il est intéressant d’étudier, avec cette idée que le virus est attaché à l’inclusion, des coupes en série, prélevées de jour en jour sur une lésion épidermique. Alors que l’incubation de la maladie en tant qu’éruption macroscopique est de 4 ou 5 jours, dès le premier jour on observe des phénomènes où la substance de l’inclusion paraît jouer un rôle actif. Dès le premier jour, au-dessus du derme épaissi et infiltré, parmi les cellules de l’épiderme éraillé par l’inoculation, on voit de petites boules qui ont exactement l’aspect, de la substance des inclusions, et qu’on ne trouve sur un aucun point d’épiderme non inoculé. Elles essaiment et fusent latéralement le long des cellules de la couche cornée, qui paraissent occupées déjà par de minuscules inclusions. Puis elles pénètrent dans la profondeur, les leucocytes appelés par l’inflammation aidant sans doute à leur transport ; on en voit dans des cellules de la couche de Malpighi. Dès le troisième jour, la pustule est indiquée : multiplication et gonflement des cellules avec inclusions. Tout se passe comme s’il y avait, sous la forme d'inclusions, culture sus et intraépidermique du virus. Ce qu’il y -a de remarquable, c’est que cette substance d’inclusions 758 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR s accroît et se répand avant l’organisation de la pustule propre- ment dite; elle paraît être plutôt une cause qu’un effet, et elle est spécifique de la maladie. Le problème principal qui se pose est donc bien celui de la nature de ces inclusions et de leur rapport avec le virus inconnu. 11 est d’un intérêt général, puisqu il y a des inclusions analogues dans tout un groupe de maladies à virus inconnu : variole, vaccine, clavelée, scarlatine, i ougeole, peste bovine, peste aviaire, fièvre aphteuse, rage (corps de Negi i), maladie de Darier, et nombre de tumeurs cancéreuses. Trois hypothèses sont possibles : les inclusions sont les parasites ; elles sont des produits de sécrétion ou de dégéné- rescence cellulaire formés sous l’action du virus inconnu ; 1 inclusion renferme, enveloppé dans une substance de sécrétion ou de désintégration cellulaire, un microbe dont la femme s accorde avec les faits acquis sur l’abondance et la fil- trabilité du virus. Cette dernière hypothèse est à peu près celle que Yolpino a émise pour la rage : le corps de Negri aurait la valeur d’un involucre renfermant les granulations basophiles qui sont les parasites. A 1 état frais, on ne voit que des amas granuleux réfringents, sans mobilité. L’examen sur coupes a l’inconvénient de porter sur des corps modifiés par la fixation; l’application de réactifs variés a donné cependant des renseignements utiles. Michaelis insiste sur une double réaction obtenue après fixation par la lormaline : 1» réaction de la graisse : les inclusions se colorent en rouge par le « Scharlach R », en noir par l’acide osmique; 2» réaction de mordan- çage : les coupes sont traitées par le bichromate de potasse, par l’acétate de cuivre, par l’hématoxyline; différenciation avec ferricyanure de K additionné de carbonate de lithine; dans la couche de Malpighi, seules les inci usions apparaissent colorées en bleu noir. Elles prennent indifféremment les colorants basiques et acides et ne prennent pas le Gram; l’iode leur donne une teinte jaunâtre qui n’a rien de typique; pas de métachromasie avec les couleurs appropriées. Michaelis conclut que les inclusions sont de nature mixte; elles renfer- ment de la graisse et des albuminoïdes ; traitées 24 heures par l’alcool, elles ne donnent plus la réaction de la graisse. Sur coupes à la paraffine, elles ne donnent que la réaction de mordançage, laquelle n’est jamais donnée par un tissu sain. Sur la nature parasitaire, Michaelis ne se prononce pas. Il 759 ÉPITHÉLIOMA CONTAGIEUX DES OISEAUX remarque que des parasistes végétaux authentiques, comme l’actinomyces, prennent la réaction de la graisse. Apolant confirme la coloration par le « Scharlach R »et l’acide osmique. Il note qu au début les inclusions ne renferment pas encore de graisse Puis la gi aisse apparaît dans les petites sphérules dont la fusion produit l’inclusion adulte. L inclusion est un produit de dégénération cellulaire, mais il y en a 2 espèces, qui correspondent : 1 une à la dégénération du noyau et du nucléole, l’autre à une dégénération du protoplasma. Apolanta employéune modification de la coloration de Pappenheim-Unna, au vert de méthyle- pyronine. lia employé aussi la fixation Hermann suivie de l’action de l’acide pyrogallique. Les deux espèces de corps signalées par Apolant se retrouvent parmi les ti op nombreuses formes étudiées par Reischauer, qui n’a pas simplifié la question. Il 1 a compliquée avec le dessein de trouver des formes assez fines pour traverser les filtres : il les trouve dans le tissu con jonctif, dans le tissu cartilagineux de la paupière, dans les vaisseaux, dans la lymphe. Il incline à admettre de petites formes coccidiennes ; ses figures n’entraînent pas la comiction. Il note ajuste titre une différence de taille considérable entre les inclusions vaccinales dans la cornée et les inclusions dans l’épithélioma des oiseaux. L énormité de ces dernières lui paraît être une objection à l'hypo- thèse d’une simple dégénérescence, surtout dans la maladie du pigeon. Pour, éviter les altérations produites par les fixateurs, il faut avoir recours aux préparations de cellules isolées, telles que Porrel en a fait pour la clavelee, et telle qu Ewing les a obtenues, pour la vaccine, avec la cornée du lapin et du rat. Les cellules sont décalquées par simple impression de la lame de verre sur la cornée malade ( Klaatschprœparate ou préparations par impression). Avec la cornée de nos pigeons, on réussit très difficilement ces préparations; on n obtient sur une lame que de rares cellules intactes. Les résultats ne sont pas meilleurs lorsqu on prend, au lieu de la cornée, la surface d’excision, d’une humeur enlevée avec un très bon rasoir. Le sont les frottis qui, de beaucoup, nous ont donné les meilleures cellules isolées. On sait qu Ewing renonce à interpréter comme des parasites les inclu- sions des cellules vaccinales. Ces formes ramassées, entourées d’une zone claire, qu on observe sur les coupes, sont des produits de fixation. Sur cellules isolées, fixées à 1 alcool absolu et colorées par le procédé de Romanowsky, les inclusions apparaissent comme des formations réticulées, chargées de matière chromatique, en rapport manifeste avec le noyau au début de leur évolution. Le protoplasma delà cellule est souvent parsemé de lins granules. Ewing interprète les inclusions à la lumière des idées de R. Ilertwig sur les chromidies ; il admet une diffusion de protéides nucléaires le long des travées chromatiques du protoplasma; il y aurait en jeu des phénomène- nucléaires et des phénomènes cytoplasmiques. En tenant compte des diffé- rences de technique, c est à la théorie d’Apolant que celle d Ewing ressemble 760 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR le plus. Ewing ne croit d’ailleurs pas avoir résolu le problème; les belles figures qu'il a obtenues ne l’autorisent pas à exclure un agent microbien — bactérie ou protozoaire — qui serait pris dans les mailles de l’inclusion comme dans un filet. Dans les cellules de l épithélioma contagieux, colorées par le liquide de Giemsa, le noyau paraît intact. Pas d’inclusion mas- sive. Au lieu de l’inclusion épaisse des cellules sur coupes, une région de coloration plus rose ou plus violacée, semée de gra nulations de diverses tailles, bien distinctes, assemblées en un essaim à contour irrégulier, indéfini. Ces figures rappellent certaines figures d’Ewing, moins les filaments du réticulum. Elles représentent des chromidies. Rien qui parle en faveur d’une bactérie ou d’un protozoaire. Borrel a eu l'idée de traiter ces frottis par la méthode de Lôffler (fuchsine phéniquée après mordançage par une encre au tannin). Les préparations obtenues sont des plus intéres- santes : « Ces préparations montrent des amas granuleux qui se décomposent en une quantité d’éléments très ténus, micrococ- ciques, isolés, en diplocoques, en chaînettes, en staphylocoques. On voit autour de chaque élément, très coloré et très bien défini, une sorte d’enveloppe muqueuse. La ressemblance avec des éléments microbiens est frappante; leur aspect très régulier et les dimensions très égales des corpuscules ne sont pas en faveur d’un précipité quelconque. Ces corpuscules dérivent-ils des inclusions intracellulaires? Il est difficile de le savoir. » Si I on compare des frottis obtenus avec une même tumeur et colorés les uns au Giemsa, les autres au Loffler, il est manifeste que les inclusions et les amas micrococciques appar- tiennent aux mêmes cellules. Ces faits imposent l'hypothèse de microbes petits, non colo- rés par le Giemsa et les teintures ordinaires, colorés par la méthode de Loffler, intracellulaires, non ciliés, non mobiles; beaucoup plus ténus que les streptocoques ou staphylocoques de la peau. Si Ton tient compte du grossissement apparent que leur donnent le mordançage et la fuchsine, on peut dire qu’ils sont à peu près de l’ordre de grandeur des microbes de la péri- pneumonie. Ils sont plus petits que nombre de bactéries qui ont traversé les bougies dans nos expériences de filtration. On n’en trouve pas dans les leucocytes. ÉPITHÉLTOMA CONTAGIEUX DES OISEAUX 761 On ne peut s’empêcher d’établir un rapport entre la capsule légère qui entoure les grains et la matière grasse qui imprègne les inclusions. A l’hypothèse d’un microcoque s’ajoute celle d’une zooglée à laquelle serait dû l’aspect de l'inclusion sur les coupes. Au lieu de microcoques, il y aurait lieu de parler d’ascocoques. Frottis d’une tumeur. A droite, bactéries banales; staphylocoque, diplocoques , à gauche, éléments des amas granuleux décrits par Borrel. Coloration par la méthode de Lôffler. Grossissement : environ 3,000. Le nombre énorme de ces microcoques s’accorde avec l’abondance extraordinaire du virus. Leur immobilité, la gaine qui les enveloppe expliquent qu ils filtrent avec quelque diffi- culté . Le contenu bactérien des inclusions rend compte de la résistance du virus. On s’explique que la résistance du microbe dans des squames où il n’est pas dissocié soit beaucoup plus grande que celle des unités isolées par un broyage aussi parfait que possible. En somme, les formes que l’on observe à 1 intérieur des cellules malades se ramènent à trois types: noyau, chromidic et inclusion ; les trois types sont visibles dans les cellules des coupes bxées auFlemming, et colorées par le rouge de Magenta 762 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR et le picro-indigo-carmin : le noyau, plus ou moins intact; - nucléaires! maSS1Ve; ~et des granulations chromatiques extra- Dans les cellules isolées colorées au Giemsa on ne voit que le noyau et 1 amas des granulations chromatiques extïa- nucleaires ; inclusion n’est pas visible ; dans les cellules isolées traitées par le procédé de Loffler, on voit le noyau et les amas ÎtZS °" 116 V0U P" 168 granUlati°nS chromatiques Tous les procédés permettent la coloration du noyau- le Giemsa ne colore pas l’inclusion, et les microcoques ne se colorent que par la méthode de Loffler. s. Ton rapproclie ces observations de celles des auteurs qui érnnt' U 16 ^ -1! ®n°menes cytologiques dans les maladies ptives et epitheliales, on se rend compte qu’il n’existe “."rrs,1,:1 * '** . «„,« Pour le noyau, il n’y a pas matière à contestation, es corps chromatiques extranucléaires correspondent aux formations intracellulaires jadis signalées, dans la vaccine, dans a variole, dans le Molluscum contagiosum, comme des para- m es (corps de Guarmeri), comme des leucocytes (Metch- nikoff Salmon). Borrel avait accepté provisoirement cette ypothese. Mais il ne fait plus doute aujourd’hui, surtout apres le travail d Ewing, que ces corps chromatiques sont des c romidies. Leur nature parasitaire n’était déjà plus admise ( ans e cancer alors qu’on l’acceptait encore dans la vaccine. orrel montrait, dans son mémoire de 19 )1, que les prétendus parasites de Sawtchenko étaient dus à une évolution spéciale e a spliere attractive de la cellule cancéreuse, et il établis- sai es rapports qui existent entre 1 idiosome du spermatocyte, , C,°rpS .T'1,611"1 de Fovule (cllez les cobayes) et l’archoplasme de la cellule cancéreuse. Ce sont les mêmes granulations chromatiques qui ont été interprétées comme des chromidies, < ans le cancer, par R. Hertwig; la même interprétation a été «tendue a la vaccine par Ewing. Au fond, c’est la même qu avait donnée Borrel. Il y avait en plus un rapprochement avec les phénomènes décrits par R. Hertwig chez Actinosphae- num eichhorna. F ÉPITHÉLIOMA CONTAGIEUX DES OISEAUX 763 Dans le cancer, dans la vaccine, les chromidies sont les seules formes extranucléaires nettement visibles. Les inclusions massives sont, propres à l’épithélioma conta- gieux des oiseaux et au molluscum humain. Comme telles, elles n’ont pas été vues dans le cancer et la vaccine. Il n’était pos- sible de les interpréter qu’en utilisant une technique capable de dissocier les amas qui restent compacts sur les coupes fixées, et une coloration plus énergiques que les colorants usuels. C’est ce qu’a réalisé Borrel en faisant des frottis et en tirant parti de la méthode de Loffler. Borrel a signalé et représenté, dans des coupes de pustules vaccinales, autour des noyaux, « une substance granuleuse colorée en rose pâle » (Flemming: rouge de Magenta-picro- indigo-carmin), qui serait l’homologue de l’inclusion épithélio- mateuse (v. Épithélioses infectieuses et Épithéliomas , p. 105; planche II, fig. 1, cellules marquées a, a). Les cellules vacci- nales renfermeraient donc aussi les trois formes : noyau, chro- midies, inclusion parasitaire. Mais sur frottis traités par le Loffler on n’a pu mettre en évidence des amas de microcoques distincts. Tous les faits s’accordent, à condition que l’on sache dis- tinguer ces trois types de corps intracellulaires, et qu’on ne prétende pas les retrouver uniformément, avec la même netteté ou le même développement, dans toutes les maladies éruptives et épithéliales. L’épithélioma contagieux des oiseaux est parmi ces affections celle où l’on voit le plus distinctement les trois formes : nucléaire, chromidiale et parasitaire. La nature bactérienne des inclusions n’est encore qu'une hypothèse. Mais il semble qu’on n’ait pas le droit de n’en pas tenir compte pour des expériences nouvelles.il faut, d’une part, chercher de nouvelles réactions histochimiques pour définir la nature des inclusions; d’autre part, essayer de cultiver les microcoques. Seule la culture peut prouver la vérité de cette hypothèse si intéressante pour l'étude des maladies à localisa- tion épithéliale : le virus de l’épithelioma contagieux des oiseaux est une bactérie filtrante que I on trouve en amas dans les cellules malades. 764 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR TRAVAUX CITÉS * IL Apolant. — Beitrag zur Histologie der Geflügelpocke, Virchow’s Arc hiv, t. CLXXIV, p. 86, 1903. Bollinger. — Ueber Epithelioma eontagiosum beim Haushuhn und die sogenannten Pocken des Gefliigels. Virchow’ s Archiv, t. LVIII,p. 349, 1873. A. Borrel. — Les Théories parasitaires du cancer, Ann. Inst. Pasteur. t. XV, p. 49, février 1901. — Sur une évolution spéciale delà sphère attrac- tive dans la cellule cancéreuse. C. R. Soc. Biologie , 31 mars 1900. — Expériences sur la filtration du virus claveleux. C. R. Soc. Biologie , 18 janvier 1902. — Épithélioses infectieuses et épithéliomas. Ann. Inst. Pasteur , t. XVII. février 1903. — Sur les inclusions de l’Epithelioma conta- giosum des oiseaux. C. R. Soc. Biologie , 24 décembre 1904. J. Ewing. — The structure of vaccine bodies in isolated cells. Journ. of medical Research , t. XIII, p. 233, 1905. R. B. Greenough. — On the nature of the cell inclusions of cancer. Jour, of med. Research, t. XIII, p. 2, janvier 1905. R. Goldsmidt. — Die Chromidien der Protozoen. Archiv. /'. Protis- tenkunde, t. V, 1904. — Der Chromidialapparat lebhaft funktionierender Gewebszellen. Zool. Jahrb. f. Anat., t. XXI, 1904. B. Hertwig. — Ueber physiologische Régénération bei Actinosphaerium Eichhornii, nebst Bemerkungen zur Ætiologie der Geschwülste. Festchr. z. 7011 Geburtstag von E. Haeckel, Iéna, 1904. M. Juliusberg. — Ueber das Epithelioma eontagiosum von Taube und Huhn. Deutsche mediz. Wochenschrift, 20 oct. 1904. — Zur Kenntniss des virus des Molluscum eontagiosum des Menschen. Deutsche mediz. Woch., 5 octobre 1905. W. Lôwenthal. — Untersuchungen über die sog. Taubenpocke (Epith. eontagiosum). Deutsche med. Woch., 1906, no 17. F. -B. Mallory. — Scarletfever ; Protozoonlike bodies found in four cases. Journ. of med. Research, t. X, p. 483, 1904. E. Marx et A. Sticker. — Untersuchungen über das Epithelioma conta- giosum des Gefliigels. Deutsche med. Woch., 1902, no 50, et 1903, n« 5. F. Mesnil. — Chromidies et questions connexes, Bulletin Inst. Pasteur, t. III, p. 314, 1905. L. Michaelis. — Mikroskopische Untersuchungen über die Taubenpocke. Zeitschr. f. Krebsforschung, t. ï, p. 105. S, Prowazek. — Ueber den Erreger der Kohlhernie, Plasmodiophora- rassicae, und die Einschlüsse in den Carcinomzellen. Arb. aus d. kaiserl. Gesundheikamte , t. XXII, p. 396, 1905. Reischauer. — Ueber die Pocken der Vôgel, ihre Beziehungen zudenechten Pocken und ihren Erreger. Centralbl. f. Bakter., I, Orig., t. XL, f. 3, 4 et 5, 1906. Virchow. — Ueber Molluscum Contagiosum. Virchow’s Archiv, t. XXXIII, p. 144, 1865. EPITHEL10MA CONTAGIEUX DES OISEAUX 765 EXPLICATION DES PLANCHES XXIX et XXX Fig. A. — Lésion épidermique; bourgeons épithéliaux; inclusions. Fixation, Flemming. Color. : rouge de Magenta et picro-indigo-carmin. Faible grossisse- ment. Fig. B. — Même lésion. Pointe d’un bourgeon épithélial. Fort grossissement. n, noyau; ïncl., Inclusion; chr., grains chromidiaux. Fig. G. — Même technique. Bulbe plumeux infecté. Au centre, la papille conjonctive. Fig. 6. — Coupe d’une pustule de la cornée,. 17 jours après l’inoculation, Même technique. Stiassnie, oc. 6., objectif immersion 1/18. Incl., inclusions, n, noyaux disloqués, pulvérisés, donnant déjà des formations analogues aux corps de Calkins dans la vaccine; V, vacuole. Fig. 7, — Cellules normales d’une portion saine de la même cornée. Fig. 1-2-3. — Cellules isolées, sur frottis obtenu avec une tumeur de 8 jours 13 jours après l’inoculation. Stiassnie, oc. 6, immersion 1/18. n, noyau ; Chr. chromidies ; h, hématies. Fig. 4. — Frottis fait avec la même tumeur. Même grossissement. Coloration par la méthode de Lôftler. n, noyaux. Autour des noyaux, amas micrococciques. Fig. 5. — Même préparation ; m, les mêmes microcoques ; m. microbes colorés en même temps, staphylocoques vulgaires, diplocoques... etc. DES RELATIONS DE LA FIÈVRE TROPICALE avec la quarte et la tierce D’APRÈS DES OBSERVATIONS PRISES AU SÉNÉGAL Par le Di* THIROUX MÉDECIN-MAJOR DE lre CLASSE DES TROUPES COLONIALES (Travail du laboratoire bactériologique de Saint-Louis, Sénégal.) L’examen des formes d’hématozoaires trouvés chez les enfants infectés, pendant les différentes saisons au cours des- quelles ont ete détermines les index paludéens des diverses localités du Sénégal, remet en question le fait suivant, déjà entrevu par Marchoux1 en 1897 : à savoir qu’au Sénégal les paludéens sont plutôt porteurs de la petite forme d’hématozoaire dite tropicale (ring-form), pendant la saison pluvieuse et chaude appelée hivernage , et qu’ils hébergent plus souvent les grandes formes de tierce ou de quarte pendant la saison sèche et fraîche. D’après nos propres observations, sur 131 préparations de sang d’enfants indigènes, renfermant des hématozoaires et recueillies pendant la saison chaude (août et septembre), 2 seu- lement montrent des parasites de tierce, toutes les autres ne contiennent que des parasites de fièvre tropicale. Il y a donc seulement 1,5 0/0 de grandes formes chez les paludéens à cette époque de l’année. Aux mois de novembre et décembre, .dans les mêmes loca- lités, sur 34 enfants infectés, on observe 25 tropicales, 4 tierces et 5 quartes, soit 26,4 0/0 de grandes formes. Aux mois de mars et avril, à la fin de la saison fraîche et sèche et au moment des plus basses eaux, on retrouve toujours dans les mêmes régions, sur 78 infectés, 50 tropicales, 3 tierces et 25 quartes, soit 35,8 0/0 de grandes formes. 1. Marchoux, Le Paludisme au Sénégal, Ann. de l’Institut Pasteur , 1897, p. 659. RELATIONS DE LA FIÈVRE TROPICALE 767 11 est difficile d admettre, ainsi que Font déjà fait remarquer les partisans de Funité de Fhématozoaire, qu’il y a un palu- disme d’été et un paludisme d’hiver, dus à des hématozoaires d’espèces absolument différentes et, tout en nous ramenant à 1 unité du parasite, toujours défendue par notre maître Laveran, 768 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ces faits nous conduisent à des considérations fort intéres- santes. D’après nos observations, la fréquence des parasites de grande taille pendant la saison fraîche est d’autant plus mar- quée que l’abaissement de la température est plus intense et de plus longue durée ; c’est ainsi que le pourcentage de ces formes atteint son maximum à la fin de la bonne saison, dans les localités rafraîchies parla brise marine, comme Saint-Louis et Rufisque; qu’il est moins fort, à la même époque, à latitude d/i £?tl2 xûoxrcf. - hemalo x o aires à. jomzc LrojJzcozLe , Fig. 2. à peu près égale, pour des villes de l’intérieur à tempéra- ture plus uniformément élevée, comme Thiès et Rayes; et qu’il s’abaisse aussi avec la latitude en même temps que les saisons deviennent plus uniformément chaudes pour les localités plus méridionales, comme Kaolak et Bignona. (V. carte du Sénégal ci-jointe.) Gomme tant d’autres facteurs auxquels on attribuait autre- fois un rôle important dans la propagation du paludisme, la température n’agit, à vrai dire, qu’indirectement, et c’est encore YAnopheles , dont la pullulation, réglée par la chaleur et l'humi- dité, va probablement nous donner la clé des phénomènes observés. Nous voyons, en effet, qu’il y a correspondance entre la courbe de pullulation des Culicides et celle des formes tro- picales, et que la courbe des grandes formes, au contraire, est diamétralement opposée aux deux premières. RELATIONS DE LA FJÈVRE TROPICALE SAISON FRAICHE (mars, avril). 'SOUIJOJ 1 sapuBjg sap o/o G6 '> 66 37.5 35.7 50 41.4 38 4 )) J GO 30 0/0 *0 L — ^ CO « CO 1 * * • * « ^ cr^ co 20 Gsi r? GM L ‘ajJBnO ^ ^ ^5 50 ^ * 30 Ol 0/0 « « ^ GO CO ^ ** « • • « 3.8 •8DJ9IJ, rn : : — | ~ ® » Gl » jco 0/0 Gl OC 50 ” £! o o go — o ^ ^ O ;njn en aibjiduax | ^ ^ 05 sjooo G'i | o — — "«h Im •SPÎ09JUI sue g 9p snossap-ns seuaSjpui stuejug O CO G1 o/o OÏOSOOcOOOOOOOOOOO'OOOOOO « o •aqjBnO « 0/0 O O O O O O O O O O O O O * ' *• O O O < j - ■, — ^ oo ~ Gl -g ■90J91X ^ ^ ^ ^ Gl 0/0 2 z i 2 ^ 1 — ’ ’ o o o o o o -g< o < — > t — i r~' f— 5 (— , — , oooooooooooSè '. 2o22222 i ' 30 OC ejBOidojx -1 13 ^ o C 1' ^ rrf iO ;* O CB O O I' » Gl •sppajui sue g ap snossap-ne sauaSipui s'tuEjug -.-tl — i ^ O O O l'. «}( ^ iQ [>. .JO C5 05 O 30 05 l'. « CO LOCALITÉS Saint-Louis (île).. Guetn’Dar Sor Dagana ' Podor Kaedi Matain Bakel Ivayes Médine Louga Djeol Yan-Yan Tivaouane Thiès Pout Rufisque Kaolak Biçnona Sedhiou. ......... Ziguinchior Foundiougnu. .... 'total 1 IV ' • 769 49 Sont marquées tierces ou quartes toutes les préparations renfermant des grands parasites; un grand nombre d’entre elles contiennent en outre des formes tropicales. 770 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR La courbe schématique (fig. 768) représente assez exactement ce qui se passe. Quand on observe ce qui a lieu au Sénégal au point de vue des Anopheles , on ne tarde pas à s’apercevoir que ces Culicides n’hivernent pas, comme dans les régions tempérées. On peut trou- ver en toute saison des gîtes à Anopheles ; nous en avons observé à Sor, faubourg de Saint-Louis, très paludéen, aux mois de mars et d’avril; à la vérité, les insectes adultes sont très rares à cette époque et ils ne s’éloignent guère des gîtes où ils sont nés; leur reproduction, sans être arrêtée, est très ralentie. Les larves pêchées à Sor en avril ont mis de quelques jours à un mois à se transformer en insectes parfaits. Cependant, même à cette époque de l’année, révolution chez eux d ’Hæmamœha malariœ est possible, favorisée qu’elle est par de fréquents relèvements de température, pendant une période de vents d’est, par exemple. Certains faits d’observation prouvent d’ailleurs que si l’on ne contracte pas le paludisme pendant la bonne saison dans la ville de Saint-Louis, le voisinage des gîtes à Anopheles de Sor, en pleine saison fraîche, est dangereux. Nous avons de ce fait un exemple frappant, chez l’enfant d’un fonctionnaire arrivant de France, qui, malgré les avis donnés, est allé passer quelques jours à Sor au mois de février et y a contracté des accès palu- déens . A côté de l’enclos d’un petit jardin entourant la maison, où habitait la famille dont il est question, se trouvaient deux gîtes à Anopheles , constitués par des trous creusés dans le sable, et destinés à collecter une petite quantité d’eau dans la nappe sou- terraine pour l’arrosage des jardins. Les petits puisards de ce genre, très nombreux à Sor, constituaient au mois d’avril, c’est- à-dire à la fin de la saison fraîche, des gîtes à Anopheles dans la proportion de 30 0/0. Cependant, ainsi que nous l’avons déjà dit plus haut, les insectes adultes sont très rares en cette saison et les cas de première infection ne doivent pas être très communs. Ces faits étant établis, nous allons essayer d’interpréter les résultats que nous donne le tableau comparatif des diverses formes de H. malariœ observées au cours des différentes saisons. 771 RELATIONS UE LA FIÈVRE TROPICALE Metchnikoff a dit dans une note manuscrite, reproduite par Laveran 1 au Congrès de Budapest de 1894 : « La rapidité de la reproduction, qui peut varier dans la même espèce, explique la différence dans les formes de rosaces qu’on a observées dans les fièvres tierces, quartes et perni- cieuses. Lorsque le parasite se reproduit avec une grande activité, la segmentation s’accomplit avant qu’il ait atteint son stade adulte. « Il peut se faire alors qu’un parasite tout jeune, encore dépourvu de pigment, se divise en un certain nombre de petits segments. Dans ces conditions de pullulation rapide, la maladie a un caractère très aigu et revêt souvent ta forme pernicieuse. Lorsque la production se ralentit, le parasite a le temps néces- saire pour se développer plus complètement. Ici encore, sui- vant que la segmentation est plus ou moins active, le microbe provoque une tierce ou une quarte. » Nous adapterons simplement l’idée émise par Metchnikoff aux faits démontrés depuis sur la propagation de l’hématozoaire par les moustiques et nous y introduirons une interprétation nouvelle, tirée de nos observations personnelles, au . sujet de la reproduction des petites formes dans la circulation périphérique. Pendant la saison chaude, il est évident que H. malariœ suit un cycle bien différent de celui quelle parcourt pendant la saison fraîche. Sa fréquente rénovation, conséquence de la reproduction sexuée qui s’opère chez 1 ’Ampheles, lui donne une activité beaucoup plus grande. D’autre part, le paludéen, étant soumis à des réinoculations très fréquentes, au moment où les moustiques pullulent et dans des régions où l’index atteint quelquefois 80 0/0, l’hématozoaire subit chez lui une rénovation presque continuelle, et l’on ne retrouve pas de formes vieilles dans son organisme. Chez H. malariœ, à cet état de vie très active, d’après nos observations, les petites formes se reproduisent par simple division en deux ou plus rarement en trois, et on trouve des préparations dans lesquelles la moitié au moins des parasites étant, en voie de bipartition, on peut observer tous les stades de ce mode de multiplication. * Laveran, Exi'ste-t-il une variété d’hématozoaire particuli mtertropical ? Arch . de Parasitologie, t. I, n« 1, p. 44, 1898. au paludisme 772 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Dans ces conditions de suractivité, de même que cela se voit chez les bactéries qui donnent dans les cultures des formes d’autant plus courtes qu’elles sont plus fréquemment réense- mencées, le parasite du paludisme se divise très rapidement, il n’a pas le temps de grandir, de fabriquer du pigment ni de former des rosaces, la multiplication est constante. Il s’ensuit que la fièvre est continue ou quotidienne. Nous avons vu, dans nos préparations, de petits parasites à tous les stades de multiplication parbi ou tri-partition, et nous pensons que c’est le mode de division le plus fréquent dans la forme tropicale de la fièvre paludéenne. Nous sommes, sur ce point, d’accord avec Silberstein 1 qui a signalé le même fait dans les Indes néerlandaises, et si cet auteur arrive, par ailleurs, à des conclusions qu’on peut rappro- cher de celles de Billet2 au point de vue des rapports du petit parasite de la fièvre quotidienne avec le parasite de la tierce, nous arrivons au Sénégal à des conclusions analogues au point de vue des rapports des petites formes tropicales de H . malariæ avec les formes quartes et tierces de ce parasite. On nous objectera que, dans certains cas d’accès pernicieux, on a retrouvé dans les vaisseaux du cerveau et dans la rate, en très grande quantité, de petites rosaces appartenant à des para- sites tropicaux. Nous-mêmes avons vu une fois à Tamatave une de ces petites rosaces dans le sang périphérique d’un paludéen, ce qui est une extrême rareté; ces rosaces, lorsqu’on les observe dans les organes splanchniques et le cerveau, constituent un mode de reproduction encore plus intense que le précédent; il n’est pas incompatible avec lui, mais on peut penser qu’il n’est pas le plus habituel. D’autre part, il a été bien observé qu’un certain nombre de lièvres tropicales, qui guérissaient soit spontanément, soit sous l’influence de la quinine, évoluaient même pendant la mauvaise saison vers le type tierce ou le type quarte. Les partisans de la pluralité des espèces d’hématozoaires du paludisme ont invo- qué des infections multiples, les unicistes, la réaction indivi- i • 1. Silberstein, Beobachtungen uber die Entstchung von jungen Malaria para- siten ans àlteren, Centralbl. /'. Bakter, 1 Origin., t. XXXVI. n° 2, 28 juin, 1903. 2. Billet, Examen de quarante-trois ans de. paludisme provenant de régions tropicales, G. R. Soc. Biologie, t. LIX. 25 nov. 1005, p. 539. 773 RELATIONS DE LA FIÈVRE TROPICALE duelle due a la résistance conférée par la quinine ou par un abaissement de température. Lorsqu on se rend compte du mode d’action de la quinine, qui agit non comme médicament curatif vis-à-vis de l'accès déjà existant, mais plutôt comme préventif vis-à-vis de Faccès à. venir ; qui empêche, en somme, Dévolution et la reproduction des héma- tozoaires de nouvelle formation, on comprend que le médica- ment peut, tout en gênant le développement du parasite existant, empêcher les infections successives, et la rénovation d’/f. mala- rüe par 1 appoint de formes jeunes et actives, venant de suhir la génération sexuée. L’évolution naturelle de la fièvre tropicale ou de Festivo-au- tomnale vers le type tierce ou quarte a été fréquemment observée chez des malades rapatriés1 et même en dehors de faction de la quinine, le fait s’explique par la suppression des réinfections successives et par le passagede l’hématozoaire, ne se reproduisant plus que par schizogonie, à une vie moins active. Notre manière de voir n est pas non plus contraire à certains faits observés par Marchoux2 . Il se peut que chez l’adulte indi- gène ou chez le mulâtre, ainsi que fa signalé notre savant cama- rade, on i encontre, par suite d une plus grande résistance, des formes de tierce et de quarte pendant la mauvaise saison (alors que nous avons vu que chez les enfants indigènes c’est au con- traire tout à fait l’exception.) Nous pensons qu’il se produirait là quelque chose d analogue à ce qu’on observe dans la fièvre du Texas, les animaux guéris une première fois ne contractant pas de nouvelle infection, mais restant infectés, puisqu’une atteinte de peste bovine fait reparaître dans le sang périphérique Piro- plasrna bigeminum , ainsi que font démontré Nicolle et Adil-Bey \ Chez des indigènes adultes, immunisés partiellement par des années d’une jeunesse constamment infectée, l’hématozoaire se réinoculerait plus difficilement. Chez de tels paludéens (paludéens latents), les parasites vieil- liraient sans suhir la rénovation due à des réinoculations posi- tives fréquentes et prendraient la forme tierce ou quarte. L’infec- tion latente pourrait réapparaître, avec hématozoaires dans le 1. Lave r an, loc. cit. 2. Marchoux, loc. cit. isqq' Nlo0LLE ET Adil~Bey> luttes sur la peste bovine, Ann. de V Institut Pasteur < 774 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sang' périphérique, à la faveur d’une affection intercurrente ou d’un état de moindre résistance. Dans les région s intertropicales, dans lesquelles la température est telle que les Anopheles existent en abondance toute l’année1, on n’observe, à de rares exceptions près, constituées la plupart du temps par des malades soumis à la quinine, que des parasites petits, en forme de bague à chaton. Dans les colonies, comme le Sénégal, où il existe une saison fraîche, les Anopheles disparaissent complètement de certaines régions pendant cette saison; ils se cantonnent dans les endroits qui restent marécageux et ne cessent jamais de s’y reproduire, quoique d’une façon plus lente. Dans ces colonies, à saison fraîche bien tranchée, l’hématozoaire ne se reproduit plus que par schizogonie pendant toute la durée de l’absence des moustiques et, selon qu’il a été plus ou moins rénové pendant la saison chaude, il perd plus ou moins vite de snn activité. Tout comme les bac- téries, dans les vieilles cultures, non réensemencées, il se divise moins rapidement (tout les deux ou trois jours seulement) et ses formes deviennent plus grandes. On pourrait aussi comparer les différentes formes d’héma- tozoaires aux spores des moisissures, ces dernières en effet, nous le savons, donnent naissance à deux éléments de repro- duction différents : les premiers sont peu résistants, mais d’une très grande activité, ce sont les spores aériennes ou éléments de dissémination, représentés par les formes tropicales AH. mala- riæ. Les seconds sont constitués par les endospores; ils sont des- tinés à perpétuer la race au travers des vicissitudes d’une saison défavorable; ce sont les formes de résistance, analogues aux formes tierce ou quarte à grands éléments et à vie ralentie du parasite du paludisme. L’explication qui fait intervenir le facteur moustique nous semble préférable à celle qui ne tient compte que de la soi-disant résistance conférée à l’organisme par la quinine et la fraîcheur; le refroidissement de la température constituant plutôt, d’ail- leurs, un facteur d’affaiblissement chez les indigènes qui disent fort justement : « Lorsque les feuilles du baobab poussent, (saison des pluies), c’est la mauvaise saison pour les blancs, et lorsqu elles tombent (saison sèche et fraîche), c’est la mau- vaise saison pour les noirs. » RELATIONS DE LA FIÈVRE TROPICALE 775 Si les formes tierces et quartes de l’hématozoaire du palu- disme ne sont que des formes vieillies de la forme tropicale, les fièvres de première invasion doivent être toujours caractérisées par de petits parasites. Sans être aussi absolu, Laveran 1 semble pourtant confirmer cette donnée : « J’ai constaté moi-même, dit- il, en Algérie que les petites formes de Fhématozoaire dominent souvent dans les fièvres de première invasion. Les observations faites par MM. Duggan et Marchoux montrent qu’à Sierra-Leoné et au Sénégal, cette prédominance des petites formés dans les fièvres de première invasion est encore plus marquée qu’en Algérie. » Billet '2 qui fait rentrer la tropicale dans le cadre des tierces, avec 2 formes : une primaire, correspondant à la tro- picale, et une secondaire, tierce vraie, estime que la première est caractéristique d’une infection qui ne date pas de plus de 5 à 6 mois, tandis que la seconde caractérise une invasion datant de plusieurs mois ou de plusieurs années. Il nous reste à expliquer comment se fait le passage du para- site caractérisé par des petites formes au parasite à grandes formes. Alors que les observations de Billet et de Silberstein portent sur les parasites de tierce, les nôtres portent presque exclusivement surdes parasites de quarte, car d’après le résultat de nos recherches, qui concordent d’ailleurs avec celles de Dut- ton et Todd 3 en Gambie anglaise, la grande forme de H. mala- nœ, qui domine en saison fraîche au Sénégal, est la variété quar- tanæ. D’après ce que nous avons vu dans nos préparations, pen- dant la saison des pluies, on n’observe que des petites formes, en anneau à petit karyosome et à contour linéaire. Ces petites formes comme les suivantes ont souvent deux et quelquefois trois karyosomes; nous pensons qu’elles se divisent par simple bipartition dans la circulation périphérique sans y former de rosaces. Nous n’avons pas remarqué dans les globules rouges ainsi parasités de granulations spéciales. 1. Laveran, loc. cit., p. 50. 2. Billet, loc. cit. 3. Dutton et Todd, in Report of the malaria expédition to the Gambia, 1002, p. 12, insistent sur le fort pourcentage des formes quartes qu’ils ont observées (31 , 8 0/0 des cas) et sur la petite quantité des tierces qu’ils n’ont rencontrées que dans 3, 3 0/0 des préparations. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Pendant la saison fraîche, et principalement à la fin mars et avril, on trouve dans les préparations trois sortes de parasites : 1° Les formes tropicales à petit karyosome et à contour linéaire ; 2° Des formes un peu plus grosses, mais ne dépassant jamais le quart ou le tiers du globule, à karyosome un peu plus volu- mineux et dont l’anneau est renforcé par une légère bande de protoplasma bleu en un point diamétralement opposé au karyo- some. Ces formes peuvent, comme les précédentes, subir la division par bipartition. 4 De plus on remarque que certaines d’entre elles, mais rare- ment celles qui sont en voie de division, occasionnent dans Phématie-bôte une contraction et des modifications protoplas- miques, se manifestant par une diminution de volume, par une coloration plus intense par l’éosine et par la présence de grosses granulations rougeâtres, peu nombreuses, dans le globule rouge. Ces parasites correspondent au parasite de la tierce maligne des auteurs étrangers, et les granulations aux granu- lations deMaurer ou de Stephens et Christophers. Cette forme, avec son protoplasme plus développé, constitue certainement le trait d union entre la forme tropicale et les formes suivantes, et nous pensons que les parasites qui provoquent dans la cellule-bote la formation des granulations de Maurer et qu’on observe très rarement en voie de division sont des éléments dont la faculté de reproduction par schizogonie est épuisée et qui évoluent vers des formes sexuées que nous allons retrouver ; 3° Nous observons encore, dans les mêmes préparations, ces corps sphériques plus ou moins pigmentés sur lesquels on a beaucoup discuté et qu’on considère actuellement comme des gamètes, et de fait, dans nos préparations, on peut très bien distinguer des corps sphériques, à noyau diffus, granuleux, occupant presque toute l’étendue du parasite, coloré en rose. Ces corps sphériques mâles ou microgamétocytes ressemblent beaucoup, par l’aspect et la coloration, aux croissants mâles de la fièvre tropicale. D’autres corps sphériques ont un noyau plus ou moins volumineux, un protoplasme qui se colore en bleu intense et qui renferme souvent des granulations pigmen- mentaires ; ils représentent des macrogamètes. RELATIONS DE LA FIÈVRE TROPICALE 777 A côté de ces macrogamètes nous retrouvons, semblant en dériver, des formes dans lesquelles le noyau est, en voie de segmentation, des rosaces plus ou moins pigmentées à 6, 8 ou 10 mérozoïtes, des parasites de quarte, très peu pigmentés à pigment fin ou à gros pigment, enfin des rosaces caractéris- tiques de quarte. La transition se ferait donc par division du macrogamète (forme corps sphérique) de tropicale ou tierce maligne. Or, si la transformation d’une forme en une autre à’ H. malariœ n’a pas encore été décrite, Pittaluga, après Grassi, a signalé, dans une quotidienne, la régression de macrogamètes semi-lunaires, aboutissant à la formation des sporozoïtes schizogoniques. Le macrogamète, ne pouvant remplir son rôle sexuel, s’enkyste et donne naissance, dans la majorité des cas que nous avons observés, à un schizonte à 6, 8, 10 mérozoïtes attei- gnant ordinairement la grosseur d’un globule, quelquefois un peu plus petit, mais en tout cas beaucoup plus volumineux que le petit schizonte que l’on rencontre dans les vaisseaux du cer- veau et dans la rate, dans les accès pernicieux. Ce gros schizonte forme la transition entre la quarte et la tropicale ; il donne naissance à des parasites de quarte, qui peuvent être peu ou finement pigmentés dans les premières générations, mais qui ne tardent pas à présenter les caractères classiques du parasite quarte. Avant la découverte du rôle sexuel dévolu aux croissants et aux corps ovales ou sphériques, Laveran 1 avait prévu ce rôle de forme de résistance particulier à ces éléments, en les consi- dérant comme des coccidies enkystées, susceptibles d’un déve- loppement ultérieur. Nous n’avons vu, au cours de nos observations, que relative- ment peu de formes en croissant (7 fois sur 78 préparations) et peu de formes de tierce (3,8 0/0). Nous pensons néanmoins que ces dernières peuvent dériver des formes tropicales par un processus analogue à celui que nous avons décrit à propos des formes quartes, car nous avons trouvé dans certaines préparations, exceptionnellement il est 1. Laveran, De la nature des corps en croissant du sang paludéen, Soc. Biol., 26 nov. 1892. 778 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR vrai, des schizontes à 12 et 14, et même à plus de 15 mérozoïtes, qui peuvent être rapprochés des schizontes de tierce. En terminant cette étude, nous tenons une fois de plus k témoigner toute notre gratitude à notre vénéré maître le profes- seur Laveran, qui, de loin comme de près, a bien voulu s'inté- resser à nos travaux et guider nos recherches. Contribution i l'étude des eorps intra-épithéliaux DE GUARNIERI Par H. ALDERSHOFF et G. M. BROERS Avec la partie inférieure de la Planche XXX. (Travail du laboratoire bactériologique de l’hôpital militaire à Utrecht.) Un nombre respectable de microorganismes, bactéries et protozoaires, ont été regardés comme les facteurs étiologiques de la variole et de la vaccine. Sanfelice et Malato ont encore défendu récemment l’étiologie bactérienne, ainsi que de Waele et Sugg. Parmi ceux qui ont défendu, dans les derniers temps, le rôle des protozoaires nous citerons von Wasielewski, Bosc, Councilman et Calkins, Siegel, Prowazek. Depuis les inocula- tions du pus variolique et du vaccin dans la cornée du lapin par Guarnieri en 1892, et sa description des inclusions intra-épithé- liales, ces corpuscules de Guarnieri forment le centre de toutes les recherches étiologiques concernant la variole et la vaccine Depuis cette découverte de Garnieri, le nombre toujours croissant des expérimentateurs qui ont rencontré ces corpuscules et dans l’épithélium de la cornée et dans les pustules de la variole et de la vaccine, a été cause que personne ne doute de leur présence constante dans ces affections. Doit-on considérer ces inclusions comme les produits spécifiques du virus de la variole et de la vaccine? Presque tous les auteurs qui ont écrit à ce sujet sont con- vaincus qu’aucune autre substance ne produit, dans la cornée du lapin, des corpuscules tout à fait identiques avec les corps vaccinaux. Certains auteurs partagent une autre opinion : ainsi Sikorsky, qui aurait obtenu ces corps en inoculant la toxine diphtérique; les inclusions intracellulaires ressembleraient com- plètement aux corpuscules typiques de la vaccine. Dans le but de nous former une opinion personnelle sur la spécificité des corpuscules de Guarnieri, nous avons entrepris des inoculations avec diverses substances. Les matériaux en expérience furent introduits dans une poche sous-épithéliale dans les cornées de lapins au moyen d’une aiguille en platine. Un très 780 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR grand nombre d inoculations de vaccin actif ont toujours donné des résultats positifs et nous ont constamment fourni les inclu- sions caractéristiques; enrevanche, les résultats furent constam- ment négatifs pour les inoculations de sérum de lapin normal, de \accin devenu inactif par une température de 60° C., de toxine diphtérique et du contenu des vésico-pustules des vari- celles. Les inoculations de sérum de lapin et celles faites avec le vaccin chauffé à 60° ne montraient presque plus de trace de blessure après 48 heures ; la guérison se fit quasi sans réac- tion. Le contenu des pustules des varicelles produisit une forte réaction; après 48 heures il y eut déjà formation d’un abcès ; il n y eut pas de prolifération épithéliale, mais au contraire une dissociation d epithelium avec infiltration leucocytaire forte- ment prononcée. Les inoculations de la toxine diphtérique ne donnèrent non plus de prolifération d’épithélium, processus si prononcé avec les inoculations du vaccin; les cellules ont évidemment fort souffert par la toxine diphtérique. Les noyaux ont l’air d’avoir perdu leur tension ; ils sont comme ratatinés.; souvent ils sont placés contre la membrane cellulaire et laissent une vacuole dans le protoplasme. Une seule fois nous avons observé que des parties du noyau étaient séparées de la masse principale ; un examen superficiel pouvait faire croire à des corpuscules de Garnieri, mais en y regardant mieux, on voit que leur aspect est tout autre ; jamais nous n’avons observé après 1 inoculation de toxine diphtérique des inclusions sem- blables, sous tous les rapports, aux corpuscules de Guarnieri. Nos observations nous conduisent dans les rangs de ceux qui considèrent les corpuscules vaccinaux comme ayant une valeur spécifique pour la variole et la vaccine ; nous pensons avec Jurgensen que ces éléments peuvent être d’un grand secours dans les cas douteux, pour établir ou non la diagnose delà variole. Bans ce but on introduira un peu de la substance des pustules douteuses dans une pochette de l’épithélium de la cornée d’un lapin; après 20 heures on raclera avec une petite cuillère tranchante une portion de 1 épithélium, on l’étendra avec un peu d’eau sur un porte-objet ; on séchera rapidement à l’air et on fixera dans l’alcool pour procéder à la coloration suivant Mann ou suivant Giemsa. On trouvera ainsi aisément les inclusions cellulaires. Nous avons obtenu encore de très beaux résultats DES CORPS INTRA-ÉPITHÉLIAUX DE GUARNIERI 781 par la fixation rapide dans l’alcool des parties épithétiales obte- nues avec la cuillère, suivie d’inclusion dans la paraffine et de coupes au microtome ; la coloration peut ainsi se faire de diffé- rentes manières ; l’hématoxyline au fer de Heidenhain donne lentement de belles images ; la méthode de Giemsa fournit des résultats plus rapides. > II Les préparations des cornées inoculées avec du vaccin sont dune telle simplicité, dit M. Borrel, qu’il est étonnant qu’on ne soit pas d’accord depuis longtemps sur la nature des inclu- sions intra-épithéliales; et malgré cela le désaccord règne. On a émis quatre opinions différentes : 1° Les corpuscules de Guarnieri sont les microorganismes qui occasionnent la variole et la vaccine. Cette opinion compte le plus grand nombre de défenseurs : Guarnieri, von Wasielewski, Bosc, Councilman, Calkins, etc. Calkins a déjà établi un cycle de développement complet du Cytovyctes variolœ et vaccina ?, nom que porte ce corps, regardé comme parasite depuis Guan- nieri ; là où il existe encore une lacune, des formes hypothétiques servent à la combler ; 2° Ces inclusions sont des produits du noyau ; des nucléoles expulsés, des centrosomes, des grains à chromatine. Babes, Prowazek adhèrent à cette conception; \ 3° Les corpuscules vaccinaux proviennent du cytoplasme; l’idée appartient à Hückel; i 4° Les inclusions intracellulaires sont des produits venant des leucocytes; Salmon et Borrel ont spécialement défendu cette opinion. Hückel et Prowazek ont fait des expériences dans le but de réfuter cette dernière assertion. Hückel essaya, au moyen d’instillations d’encre de Chine, de marquer les leucocytes ou de les paralyser par des instillations de quinine. Prowazek fit encore à la cornée des blessures autres que l’inoculation, dans le but d’y attirer les leucocytes et de les éloigner de l’endroit inoculé. Leurs résultats ne furent pas concluants. Nous avons cru pouvoir élucider la question de savoir si les leucocytes jouent un rôle dans la genèse des corpuscules vacci- naux en procédant comme suit. Après avoir tué un lapin, on inocule rapidement le vaccin dans des pochettes très superfi- 782 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cielles de l’épithélium de la cornée. Grâce à une certaine habitude acquise, cette opération était terminée en quelques minutes. Les cornées furent rapidement séparées du restant de l’œil, à une distance convenable du limbe; la cornée ne conte- nait donc aucun vaisseau. Ces cornées passèrent immédiatement dans un milieu de 37° C. Au début nous les portions dans du sérum normal de lapin ; bien que nous ayons ainsi obtenu quelques résultats, le développement des bactéries gênait fortement. Nos tentatives faites dans le but de nettoyer la cornée des bactéries sans affecter l’epithélium et le vaccin échouèrent ; nous fîmes usage ensuite d’un milieu moins favorable au développement des bactéries, l’eau physiologique. Il ne nous donna aucune préparation utilisable. Une chambre humide dans laquelle nous plaçâmes les cornées fournit de meilleurs résultats. De la ouate humide recouvrit le fond d’un petit baquet en verre; les cornées furent suspendues au-dessus au moyen d’un peu de gaze ; un couvercle, fermant bien, recou- vrit le tout, qui fut placé dans une étude à 37° C. Après des laps de temps différents, les cornées furent fixées au sublimé, dur- cies dans 1 alcool, incluses dans la paraffine; les coupes furent colorées par l’hématoxyline au fer, ou suivant Mann ou Giemsa. Déjà après 20 heures les plaies cornéennes se sont remplies de cellules d’épithélium de nouvelle formation; mais, à ce stade, nous ne sommes pas parvenus à découvrir des inclusions typi- ques. Quelques heures plus tard ces inclusions étaient pré- sentes et cela sans le moindre doute ; on les observait le mieux après 48 heures. Nous avons alors rencontré dans les cellules épithéliales de la cornée un bon nombre d’inclusions totalement libres, semblables sous tous les rapports aux corpuscules vaccinaux tels qu’on les rencontre après l’inoculation ordinaire dans la cornée du lapin. Ils étaient placés comme d’habitude, entourés d’un espaee elair, souvent dans une excavation du noyau. Les noyaux des cellules epithéliales ne présentaient que de faibles modifications; G.; fixation par le sublimé; coloration suivant Mann. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charairp. Annales de l’Institut Pasteur VoLxx.pi.xxvm ( Mém . B or det et G en^ou ) V. Roussel, Rth. Imp. L . Lafontaine , Pans Annales de l'Institut Pasteur. . Vol. XX. PI XXIX. (Mém.B'urTi.er I ÿjçmf- Mi '■.'-'Mu.vA * .1 ••••; »m . ['V»'V.jnjjuiJvV • • . . XJ** ' . • *n ^tjbjb *»> '•[»»> fa,») jj^'V : C,û i’-.v wytàÿiiïh tâQMïiMz iilWW. « •* J 1 •»/r o// />J y i *W< »/>/>>/ 1 > *»#/ r “nt4** /*k/i **■ Constantin, del- V. Roussel ,lith ■ lmp .L.Zafontaine, Paris . Annales de l’Institut Pasteur { Voi.xx.pim. ( Mem.BTxriiet. ) * w&Ur , ïïéiâtP V-: M "* V . - « \ • f.j K"\ H ■/ '‘.'ü -Jf, ,-Æ’S > <*) A-S -, • •• ■• v<‘ 'Ss ■'"V* ,*'?»'• • V.M n » • r-v • •' ’•:* a! 4 £J- ■ ■ ■WàmfÿB ,> u • v. : a &S» \vv C OTislantm, ciel. Imp . L .Laforxt aine , Paris . V Roussel flith. 20™ ANNÉE OCTOBRE 1906 N° 10 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Études expérimentales sur la syphilis Par El. METCHNIKOFF et Em. ROUX CINQUIÈME MÉMOIRE 1 LE VIRUS DE RHESUS Dès ie début de nos travaux, nous avons recherché s’il était possible d'atténuer le virus syphilitique. Il était tout naturel de se demander si le passage de ce virus par l’organisme des singes inférieurs ne modifiait pas sa virulence en l’atténuant. Notre première expérience, avec un virus passé par Je bonnet chinois (. Mac . sinicus) nous a confirmé dans cette supposition. Nous en avons parlé dans notre deuxième mémoire, publié dans ces Annales Par contre, le virus ayant passé par l’organisme du macaque javanais (; mac . cynomolgus) s’est montré tout aussi virulent pour le chimpanzé que le virus originel de l’homme, ainsi que nous 1 avons relaté dans notre rapport au Congrès international de Berlin en 1904. Nous avons alors émis la supposition que peut-être le rhésus {Mac. Rhésus) atténuerait-il plus facilement le virus de la syphilis. Nous nous étions basés sur le fait que cette espèce était moins sensible à l’action de ce virus que les macaques à longue queue. Ainsi, sur dix rhésus, quatre seulement ont contracté l’acci- dent primaire après une période d’incubation de 17 à 24 jours 50 786 ANNALES DE L INSTITUT PASTEUR (17, 21, 23, 24). Cette proportion est beaucoup plus faible que celle observée chez les macaques bonnets chinois et javanais. Sur ces dix rhésus, deux ont été inoculés, non pas avec du virus humain, comme les 8 autres, mais avec le produit de l’accident primaire d’un macaque cynomolgue. Ils ont présenté quelques lésions à peiné visibles et presque aussitôt guéries. Ce résultat prouve donc la résistance du rhésus au virus syphilitique. Dans ces conditions, nous avons été très contents de pouvoir expérimenter le virus de passage du rhésus qui nous a été offert obligeamment par MM. Finger et Lan ds Le hier de Vienne. Ge.é savants, après avoir établi une série de faits importants au sujet de la'syphilis expérimentale, ont voulu se rendre compte de la virulence du virus, ayant subi plusieurs passages par l’organisme de l’hamadrias et du rhésus. Mais, n ayant pas a leur disposition de singes anthropoïdes, ils nous ont envoyé, des singes, atteints d’accident primaire. M. Landsteiner nous amena deux rhésus dont un, du 8e passage, présentait des lésions bien marquées, tandis que l’autre, celui du 9e passage, avait à peine quelques vestiges d’un accident primaire. Avec les produits de ces deux macaques nous avons inocule un chimpanzé aux deux arcades sourcilières. Après 24 jours d’incubation, il présenta aux points d’inoculation, des chancres tout à fait typiques, suivis d’hypertrophie des ganglions rétro- maxillaires. Trente-huit jours après le début de l’accident primaire, apparurent, sur la tête et le dos, des lésions arrondies etcircinees, en parlic recouvertes de croûtes sèches qui laissaient suinter une sérosité sanguinolente. Le virus de ces lésions a été inocule à un macaque javanais et a donne lieu, au bout de 3 semaines, à un accident primaire des plus caractéristiques. Le virus du rhésus s’est donc montré, après 8 passages, assez virulent pour provoquer, chez un chimpanzé, des accidents primaires et même des accidents secondaires de syphilis. On aurait pu penser que l’espoir d obtenir une atténuation du virus syphilitique par l'intermédiaire de cette espèce de macaques avait été déçu. Et cependant, d autres faits sont venus plaider dans le sens contraire. IJn autre rhésus, inoculé à Vienne par M. Landstetner avec ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA SYPHILIS 787 du \ îrus du 8 pus.s3.g6,' s est montre indemne. cg qui q inter- rompu lasérie. ■ . • Dans le but d’entretenir un virus d’un si grand intérêt, nous avons inoculé un rhésus avec des produits d’un chancre du chimpanzé que nous avons déjà mentionné. Le macaque n’a montré aucune lésion et nous étions menacés de perdre défi- nitivement le virus à Vienne et à Paris. Pour obvier à- cet inconvénient, nous avons inoculé un grand rhésus avec du virus du même chimpanzé, prélevé deux mois après le début de l'accident primaire. Cette , fois le résultat a été positif, car 19 jours ajirès 1 inoculation, le rhésus fut pris d’un accident primaire absolu- ment typique et très largement développé aux deux arcades sourcilières. Ce macaque nous procura ainsi le virus du 9e- pas-' sage, renforcé par 1 organisme du chimpanzé. A partir de ce moment nous avons réussi à entretenir une série ininterrompu de passages par le rhésus. Actuellement nous sommes à notre passage. Les inoculations réussissent à coup sur et sont suivies d’un accident primaire de plus en plus accusé. La peau',' inoculée au scarificateur, s’enflamme et prend un aspect rapne* lant l’érisypèle. 11 est remarquable que la période d’incubation s’est raccour- cie au fur et à mesure des passages. De 19 jours qu’elle était au début, elle est tombée à 7 jours seulement. Voici les chif- fres indiquant cette évolution : 19. 16, 17. 19. ]7. h 13 g g 7, 7. ' ’ Ce virus, donnant la syphilis avec une période d’incubation aussi courte, présente un grand avantage pour l’élude expéri- mentale de la syphilis, car il permet d’obtenir des résultats en 8 jours, au heu d’attendre comme d’habitude, 3 à 4 semaines. Un aufie point important, concernant ce virus du rhésus est sa virulence pour les autres singes. Inoculé à des macaques javanais ( Mac. cynomolgus ), il leur donne des lésions très légères et de courte durée. * ^insi dans un cas, 1 accident primaire s'est manifesté après 12 jours d’incubation pour guérir peu de jours après. - ^iez un autre macaque, l’accident était tellement léger que 1 on pouvait même émettre des doutes sur sa nature. 788 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Mais ce qui est encore plus remarquable, c’est Tinocuité absolu du virus de rhésus pour le chimpanzé. Tandis que le virus du 8e passage par rhésus a, ainsi que nous l’avons dit plus haut, provoqué chez cet anthropoïde des lésions très développées et absolument typiques, après le IIe passage, il s’est montré incapable de contaminer le chim- panzé. Un chimpanzé, largement inoculé aux deux arcades sour- cilières avec du raclage de chancre du rhésus du 11e passage, a vécu 3 mois 1/2 sans présenter la moindre lésion syphilitique. Un rhésus, inoculé avec le même virus, a présenté au bout de 19 jours, un accident primaire très fort. Un grand chimpanzé inoculé avec du virus de rhésus du 6e passage n’a eu aucune manifestation syphilitique pendant les 17 jours qu’il a vécu après le début de l’expérience. Un troisième chimpanzé qui a reçu une très grande quantité de virus du 17e passage, est resté absolument indemne pendant 31 jours. L’ensemble des faits que nous venons de résumer ne laisse donc aucun doute sur la grande plasticité du virus syphili- tique. Adapté à une espèce de macaques, il s’est fortement atténué vis-à-vis d’une autre espèce du même genre et il est devenu complètement inoffensif pour le chimpanzé, cet animal le plus sensible à la syphilis. L’étude microscopique des lésions provoquées par le virus de rhésus a confirmé leur nature syphilitique. M. Levaditi, qui a fait l’examen du chancre du premier chim- panzé sensible, comme nous l’avons vu, au virus du 8e pas- sage, a constaté sur des coupes le caractère macrophagique de cette lésion, ainsi que sa richesse en spirochètes de Schaudinn. Sur des coupes des lésions papuleuses du dos, il lui a été impos- sible de trouver ce microbe. Mais il l’a rencontré, bien qu’en petite quantité dans le chancre du rhésus du 15e passage. Nous n’avons pas inoculé le virus du rhésus à l’homme. Mais son innocuité pour le chimpanzé à partir du 11e passago, fait prévoir qu’il doit être inoffensif aussi pour l’espèce humaine. Si, un jour, il était question d’un virus atténué, pouvant ser- vir de vaccin pour l’homme, le virus de rhésus ne devrait être 789 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA SYPHILIS employé qu après quelques passages seulement par cette espèce de macaques. Pour empêcher son atténuation définitive, il y aurait lieu d'intercaler entre plusieurs passages par le rhésus, des inoculations aux chimpanzés. Dans tous les cas, nous entretenons de ce virus et nous en continuerons l'étude. Nos tentatives pour obtenir un virus atténué par passage sur des singes plathyriniens, n'ont pas abouti. Les atèles et le ouistiti, inoculés avec des virus de diverses origines, se sont montrés réfractaires. II VIRUS ATTÉNUÉ TROUVÉ CHEZ UN ÊTRE HUMAIN Les faits que nous venons de communiquer ne sont pas les seuls capables de prouver l’atténuation du virus syphilitique. En voici d'autres, plaidant dans le même sens. Il y a environ un an, un de nos aides-préparateurs, M. L... qui nous secondait avec beaucoup de zele dans nos recherches experimentales sur la syphilis, fut surpris, pendant les vacances, de constater sur sa lèvre inférieure une petite ulcération ronde! Après avoir persisté pendant quelques jours, cette ulcération dis- parut sans provoquer la moindre hypertrophie ganglionnaire, ni aucun autre symptôme suspect. Mais quelque temps après le retour de M.L... à Paris, une ulcération tout à fait semblable réapparut au même endroit. Examinée par M. le Dr Salmon et par nous- mêmes, elle ne nous parut ressembler en rien à une lésion syphilitique, de sorte que nous n y attachâmes pas d'importance. Mais comme M.L..., indemne jusqu'alors de la syphilis, mani- festait une grande inquiétude au sujet de cette ulcération, nous pensâmes que le meilleur moyen de le rassurer était de faire un diagnostic aussi précis que possible. Dans ce but nous ino- culâmes avec le raclage de la lésion un macaque javanais, aux arcades sourcilières. L'absence totale d'adénopathie ainsi que de tout autre signe de la syphilis chez M. L..., nous fit presque oublier l'incident, lorsque, 35 jours après l’inoculation, le macaque manifesta aux deux arcades sourcilières des lésions étendues. Il arrive assez souvent que l'accident primaire chez les 790 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR macaques se développe d’une façon si peu caractéristique, que Fon hésite à le prendre pour tel. Tout autre était le cas qui nous intéresse. Les chancres des deux arcades sourcilières présem taient l'aspect absolument typique chez les macaques. ’ ' Rien que l’aspect macroscopique des lésions dénonçait déjà la nature syphilitique de l’accident. Pour plus de sûreté, on fit des frottis sur lesquels on constata de nombreux spirilles de ScUaüdinn. Mis en émoi par cette découverte, notre aide-préparateur consulta M. le professeur Fournier afin de savoir s’il était néces- saire d’instituer un traitement spécifique. Après l’examen le plus minutieux, l’éminent syphiligraphe, sans la moindre hési Tation, se prononça dans un sens négatif. Il ne trouva absolu- ment rien justifiant le diagnostic de syphilis et déconseilla tout traitement. Seulement, en présence du résultat de l’expérience sur le macaque, il trouva utile de soumettre M. L.. . à une obser- vation prolongée. Eh bien, pendant cette surveillance de plus de 6 mois, notre aide-préparateur ne présenta aucune lésion tant soit peu suspecte. Nous nous sommes donc trouvés en présence d’une obser- vation très intéressante : ulcère de la lèvre, sans adénopathie, non syphilitique au point de vue clinique, et cependant don- nant, par inoculation, un accident primaire typique. Avions-nous affaire à un virus syphilitique atténué ou bien à une affection encore inconnue, capable de simuler la syphilis expérimentale? . Hâtons-nous de dire que toute supposition d’une syphilis antérieure chez M. L... doit être absolument écartée. Homme digne de toute confiance, il nous assura, de la façon la plus for- melle, ne jamais avoir eu cette maladie. Son désespoir à la vue des chancres des macaques ne fit que renforcer notre conviction. Dans le but de nous éclairer sur la nature du virus, nous l’avons inoculé à toute une série de singes, appartenant à 5 espèces, parmi lesquels 3 chimpanzés. Les 17 singes : maca- ques javanais, maïmons (M. nemestrinus) , rhésus, cercocebus, -chimpanzés, eurent des lésions primaires très grandes et abso- lument typiques. Aucun des 3 chimpanzés n’a manifesté d’accidents secon- ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA SYPHILIS 79! daires, malgré que 2 d’entre eux aient vécu plus de 2 mois après le début du chancre. Ce fait doit être interprété dans le sens de l’atténuation du virus de M. L... La période d’incubation de l’accident primaire devient de plus en plus courte dans les passages successifs par macaque, sans atteindre toutefois la brièveté observée avec le virus du rhésus. La lre inoculation à un macaque javanais du virus de l’ulcère de la lèvre de M. L... fut suivie d’un chancre après 35 jours; dans les passages consécutifs, le chancre apparut au bout de 22, 19, et même de 14 jours. Les données que nous venons de résumer ne laissent aucun doute sur le fait que l’homme peut être atteint de lésions syphi-r tiques atténuées. Dans l’intention d’établir si le virus de cette affection est capable de vacciner contre le virus de la vraie syphilis humaine non atténuée, nous avons soumis quelques-uns de nos singes à des inoculations d’épreuve. Deux macaques javanais, un cer- cocebus et un maïmon, avant été d’abord inoculés avec succès par le virus de M. L...,'ont été réinoculés deux mois et demi et trois mois plus tard avec du virus de chancre syphilitique d’homme. Un javanais et un maïmon, inoculés au même endroit que la première fois (arcades sourcilières), se montrèrent réfrac- taires. Un cercocebus, inoculé trois mois après avoir reçu le virus L..., avec du virus du chancre syphilitique de la verge d’un homme, a résisté aussi sans le moindre accident. La première inoculation avait été faite aux arcades sourci- lières et la deuxième à la verge. Les macaques, témoins des trois singes que nous venons de mentionner, furent pris, après la période d’incubation réglementaire, de chancres syphilitiques indubitables. Quant au quatrième de nos singes éprouvés, un macaque javanais, inoculé d’abord aux arcades sourcilières avec du virus L.. , il manifesta un chancre nettement développé après l’inoculation d’épreuve. Celle-ci a été pratiquée à la verge deux mois et demi après la première, à un moment où les arcades sourcilières étaient encore envahies par des chancres fortement développés à la suite de l’inoculalion du virus L. Malgré cette constatation, le résultat, obtenu sur les trois autres singes, ne laisse point de doute sur le pouvoir vaccinal du virus atténué de la lésion de M. L... 792 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 11 ne peut y avoir qu’une seule interprétation quant à l'origine de cette lésion. M. L... qui allait tous les jours examiner les singes syphili- tiques, a dû inconsciemment s’inoculer le virus simien à la lèvre. Ce virus, déjà atténué, n’a produit chez un homme sain qu une lésion insignifiante, non accompagnée d’adénopathie et non suivie d’accident secondaire. Pour les singes, au contraire, ce même virus s’est montré très virulent, car il provoquait dans tous les cas des chancres étendus. Ce fait constitue une nouvelle preuve de l’origine simienne du virus L... M. L... était-il vacciné contre ce virus humain? Ce que nous savons sur la syphilis expérimentale permet de le supposer. Cependant M. L... ne jugea pas à propos de tenter l’épreuve et de se laisser inoculer avec du virus humain. Ce refus nous a paru une nouvelle preuve que M. L... n’avait pas été atteint antérieurement de syphilis humaine. 11 est permis de supposer que le virus L..., qui provoque chez 1 homme des lésions si faibles, est capable, contrairement à ce que nous avons conclu pour le virus du rhésus, de servir de vaccin contre la syphilis. Dans tous les cas, les faits établis dans ce chapitre démon- trent que les personnes qui manient beaucoup de syphilis expé- i i mentale, ne sont pas des sujets de choix pour les expériences sur l’efficacité des mesures prophylactiques contre la syphilis. En elïet, elles peuvent s’inoculer, à leur insu, le virus des singes en manipulant ces animaux, toujours agités et difficiles à domp- ter, et contracter peut-être, sans s’en douter, l’inocuité contre la syphilis. III effet sur l’organisme humain du virus atténué par les singes ' Les données, réunies dans les deux chapitres précédents, ne laissent pas de doute sur la possibilité d’atténuer le virus syphi- litique; malgré cela nous croyons utile de communiquer quel- ques autres faits qui renforcent cette conclusion. Il y a environ un an, le 30 août 1905, nous avons inoculé à ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA SYPHILIS 793 une personne âgée de 79 ans, compatriote de Pun de nous, du virus de passage de singe. L’inoculation a été pratiquée à l’avant- bras avec un vaccino-style, à l’instar d’une vaccination jenne- rienne. Voici l’histoire du virus que nous avons employé : Retiré d’un chancre syphilitique de la verge humaine, à la fin de 1904, le virus a été inoculé à 2 papions ( Cynocephalus Sphinx). L’accident primaire de ces singes a servi à faire 2 pas- sages par des chimpanzés et 2 autres passages par des bonnets chinois {Mac. sinicus). C’est le virus d’un de ces derniers qui a servi pour notre expérience. Le virus employé a donc subi 5 passages par l’organisme simien. Ce même virus a été inoculé le même jour aux deux arcades sourcilières d’un chimpanzé et d’un macaque bonnet chinois (Mac. sinicus). Tandis que le chimpanzé, après une période de 23 jours, contracta un accident primaire typique, accompagné d’une forte adenopathie régionale des deux côtés de la tête et que Je maca- que présenta; après 31 jours, un petit chancre au point d’inocu- lation, la personne inoculée ne manifesta que des lésions tout à fait insignifiantes. Il se développa en deux points, sur trois inoculés, deux petites papules proéminentes de couleur rose brunâtre. Apparues 12 jours après l’inoculation, ces papules ne s’étaient jamais ulcérées ni recouvertes de croûtes. L’inflammation, faible dès son début, se calma après peu de jours, mais la disparation des papules ne se fît que plusieurs semaines plus tard. Pendant tout le temps que dura l’observation, c’est-à-dire environ un an, il ne se manifesta pas la moindre adénopathie, ni de la région voisine du point inoculé, ni à aucun autre endroit du corps. Il ne se développa non plus aucune lésion attribuable à la syphilis, sauf les deux papules décrites. Puisque la personne, qui a voulu se soumettre à l’expérimen- tation, affirme n’avoir jamais eu la syphilis et que l’on n’a relevé chez elle aucune trace de cette affection, on peut join- dre son observation aux autres pour démontrer l’atténuation, vis-à-vis de l’homme, du virus de la syphilis par passages sur des singes inférieurs. Les lésions, incomparablement plus faibles chez la personne inoculée que chez le chimpanzé, indiquent que les singes anthro- 7,94 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR poides sont plus sensibles au virus des macaques que l'espèce humaine. Ceci n’a rien d étonnant, car l’homme est plus distant des macaques que le chimpanzé. Nous croyons que les faits que nous avons réunis fournissent des éléments d’une méthode de vaccination contre la syphilis. Jusqu à présent, il a été impossible d’obtenir une vaccina- tion à 1 aide du virus syphilitique tué ou modifié par des agents physiques ou chimiques : nous avons donc été forcés d’essayer les vaccins vivants. Or, comme il est bien démontré que les singes inférieurs atténuent le virus syphilitique, on envisage la possibilité d’employer le virus atténué dans un but de prophy- laxie. Il faudrait d’abord établir quel nombre de passages est nécessaire pour fournir le meilleur vaccin. Dans le cas où le virus serait trop affaibli, on le renforcerait en l’inoculant à un chim- panzé. Seulement, il 11e faudrait pas atténuer le virus au point de le rendre inefficace pour les anthropoïdes, ainsi que cela est arrivé pour le virus de rhésus. On pourrait objecter contre cette méthode, que la plupart des singes en captivité deviennent tuberculeux. Gela est vrai lorsque la tuberculose existe chez les personnes qui soignent ces animaux, ou que Ton les nourrit de lait non bouilli, ou lorsqu’on introduit dans la cage des singes déjà tuberculeux. Nous avons éliminé ces causes de contamination et les singes tuberculeux ont été très rares dans notre singerie, malgré le grand nombre d’animaux qui y ont séjourné pendant long- temps. Du reste, il serait facile,, à l’aide de la tuberculine, de s assurer de la santé des singes fournisseurs du vaccin . Bien entendu il ne viendra à l’idée de personne de proposer comme mesure générale la vaccination anti-syphilitique, dont on ne connait pas encore l’effet à longue échéance. Mais il est une catégorie de personnes qui pourraient en tirer bénéfice: ce sont les prostituées, au début de leur carrière. En se faisànt vacciner, elles ne risqueraient rien, car à bien peu d exceptions près, elles prennent la terrible maladie. L’inocula- tion préventive se ferait de préférence aux bras, ce qui permet- trait d’éviter les contagions pendant Dévolution du vaccin. Autant qu’il est permis d’en juger à l’heure actuelle, les virus atténués ne provoquent pas d’accidents secondaires. Les vaccinations anti-syphilitiques pourraient aussi être ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA SYPHILIS 795 utilisées dans la lutte contre la syphilis extra génitale, si répan- due encore dans certains pays, comme la Russie, où les enfants contractent la maladie auprès de leurs parents ou en jouant avec d'autres enfants déjà contaminés. ’ ‘ -- <: , IV - , PROPHYLAXIE DE LA SYPHILIS A L AIDE DE POMMADE A BASE DE MERCURE v Bien que le principe de l'atténuation du virus de la syphilis soit acquis, il reste néanmoins encore beaucoup à faire avant qu’une vaccination anti-syphilitique soit pratique. Ceci est une des raisons pour lesquelles nous avons recherché une méthode de prophylaxie facile et sans danger. Dans deux publications faites depuis un an1, M. le Dr Roux et moi, nous avons communiqué des données, desquelles il résulte que l’application des pommades à base de mercure, faite un certain temps après Y inoculation du virus, empêche toute éclosion de la syphilis, sans produire la moindre action vacci nale. A propos de notre communication à l'Académie de Mé de- cine, M. Hallopeau nous a objecté que, dans les expé- riences de M. Neisser , l’application de la pommade au calomel à ses singes était restée quelquefois sans effet. Or, d’après la communication de ce célèbre vénérologiste allemand au Congrès de Dermatologie de Berne, en septembre dernier, la pommade employée par lui ne contenait que 10 0/0 de calomel, au lieu de 25 0/0 à 33 0/0, comme celle dont nous nous servons dans nos expériences. Il n’y a donc aucune contradiction entre nos résultats, et ceux du professeur Neisser. Il est même inutile d’insister sur la différence dans la méthode d’inoculation, que Ton supposait être plus profonde dans les expériences du savant de Breslau que dans les nôtres. Pour ce qui nous concerne, nous introduisions le virus syphilitique non seulement à la surface du derme, mais aussi dans sa profondeur, par le procédé de Finger et Land- steiner. Dans tous les eas, nos inoculations étaient incomparable- ment plus violentes, plus profondes et plus nombreuses que 1. Annales de l'Institut Pasteur , IOO.j, p. 683. — Bulletin de V Académie de Médecine, 8 mai 1906. 796 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR celles que subit l’homme dans lés conditions ordinaires où il contracte la syphilis. Nous pensons donc quil est inutile de iaire des inoculations plus profondes qus celles que nous avons pratiquées. De nouvelles expériences faites par nous ne servent qu’à confirmer nos résultats antérieurs. Dans le but d’établir si les pommades, contenant moins de calomel que celles que nous avons employées autrefois, étaient tout aussi efficaces, nous avons inoculé cinq papions ( Cynoce - phcilus sphinx ) aux arcades sourcilières avec du virus de chan- cre syphilitique d’homme. Une heure après, deux de ces singes ont été frictionnés, aux parties inoculées, avec une pommade contenant 0,1 de colomel et 0,9 de lanoline et deux autres papions avec de la pommade avec un cinquième de calomel. Le cinquième papion était gardé comme témoin. \ Des quatre singes traités, un mourut avant la fin de l’expé- cience, tandis que les trois autres furent pris, après la fin de la période d incubation réglementaire, de chancres syphilitiques incontestables. Notamment deux de ces papions accusèrent des lésions très développées. Cette expérience nous montre que, pour être efficace, la pommade doit contenir au moins un quart de calomel. Nous pensons qu il vaut encore mieux employer la pommade au tiers, ainsi que nous 1 avons fait dans la plupart de nos expé- riences. D un côté, il résulte des faits, que nous venons de com- muniquer, que l’effet de la pommade est dû au calomel et non à la lanoline, puisque les pommades, qui contiennent cette der- nière en plus grande quantité n’accusent aucune action préven- tive. Nous n’aurions jamais insisté sur ce fait si l’on n’avait pas prétendu que c est la lanoline et non le calomel qui agit dans la pommade. Dans une autre expérience, trois macaques javanais ont été inocules aux arcades sourcilières avec du virus de chancre induré, provenant de deux hommes syphilitiques. Deux de ces animaux ont été traités, une heure après l’inoculation, avec delà pommade au calomel au tiers, en appliquant simplement la pommade aux endroits inocules. Tandis que le troisième macaque, non traité, montrait après 2S jours d’inoculation, un 797 ETUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA SYPHILIS accident primaire très développé, les deux premiers ont été gardés en observation pendant plusieurs mois sans présenter la moindre lésion. Les expériences sur 1 action préventive chez les singes, des pommades à base de mercure, sont assez nombreuses et suffi- samment concluantes pour qu’on puisse baser sur elles une prophylaxie de la syphilis. Nous les avons étendues à l’homme sur les instances réitérées deM. Maisonneuve , étudiant de méde- cine en train de passer ses examens de doctorat. Nous nous sommes décidés à pratiquer sur lui l’inoculation du virus syphilitique, suivie de friction avec la pommade au calomel au quart. Cette expenence a ete communiquée par M. Roux et moi à l’Académie de médecine de Paris et relatée avec plus de details dans la thèse deM. Maisonneuve* . Nous ne la mentionnons que pour dire qu’elle a confirmé les résultats obtenus sur des singes, car M. Maisonneuve a été préservé par la pommade contre le virus, prélevé sur deux chancres syphilitiques et inoculé à la verge avec le scarificateur en 6 endroits. Dans cette expérience, le virus a été introduit en quantité certainement beaucoup plus grande et d une façon plus violen(e que dans les cas de contamination naturelle. Les membres du jury de la thèse de M. Maisonneuve ont contesté 1 importance de son expérience, insistant sur ce fait qu’elle était unique. Ils n’ont pas tenu compte de ce qu’elle est venue s’ajouter à toute une série d’expériences sur les animaux qui, à elles seules, étaient suffisantes pour justifier l’emploi prophylac- tique des pommades à hase de mercure. M. le professeur Gau- cher a cité, pendant la soutenance de la thèse, un cas de sa clien- tèle dans lequel la pommade au calomel n’aurait pas empêché 1 éclosion de la syphilis. Seulement, il n’a donné aucun rensei- gnement sur ce cas et il ne nous a pas été possible d’en obtenir d’autres. Il n’est donc pas possible de le discuter. Par contre, nous avons trouvé dans la littérature un autre exemple, relaté par le docteur Crépet d’une façon très précise, dans lequel la pommade au calomel a exercé son action préventive. Il s agit d’un homme qui a été pris de soupçons au sujet de 1. Expérimentation sur la prophylaxie de la syphilis. Paris, Steinheil, 1906.. 798 ANNALES I)Ë LTNSTITUT PASTEUR L la santé d'une femme, aussitôt après, avoir eu dés rapports avec elle. Sorti sous quelque prétexte avec promesse de. retour, il ramena le médecin qui constata chez la jeune femme 1$ syphi- lis secondaire floride avec des plaques muqueuses à la vulve et et dans la bouche. Le docteur Crépet fît, une heure et demie après la possibilité du contage, une friction de dix minutes sur les organes génitaux de l'homme avec une pommade au précipité jaune à 1/30. v . v j ' Il pratiqua de même des frictions sur les lèvres, le fit se gar- gariser et brosser les dents à la liqueur Van Swieten. Les petites érosions légères de la bouche furent cautérisées au nitrate d’argent. A partir du lendemain, le docteur fit faire pendant six semaines des frictions quotidiennes sur le gland et le prépuce avec de l’onguent napolitain. En plus, M. Crépet ordonna le traitement mercuriel interne avec du protoiodure de mercure. : L’observation, prolongée pendant trois mois, « n’a révélé aucune manifestation syphilitique muqueuse, cutanée ou gan- glionnaire » chez le sujet en question. . ; • Le cas date du mois de mai dernier. Nous pensons que si M. le docteur Crépet avait connu l’expérience de M. Maison- neuve, qui n’a été publiée qu’en mai, il aurait simplitié le traite- ment préventif que lui-même, du reste, trouve « exagéré ». D’un autre côté , il est à signaler que la pommade employée par lui, contenant beaucoup moins de mercure que la nôtre, il était tout naturel d’en faire un usage plus prolongé. Tout récemment nous avons eu connaissance d'un deuxième cas d’emploi préventif de pommade à hase de mercure, que nous devons à l’obligeance de M. le docteur Picquet, de Sens. Au début du mois de juin dernier, un jeune homme de ses amis intimes lui confia son inquiétude. Il avait passé la nuit chez une femme, et le matin, au réveil, il avait constaté une érosion sur la verge. Il s’en plaignit à la femme qui lui dit : « Moi aussi j’ai des boutons aux parties géni- tales et mal à la gorge. » Elle ignorait la nature de son mal. Ce même matin, vers 8 h. 1/2, le docteur Picquet a constaté, chez son jeune ami l’existence d’une petite érosion, donnant f’impression d’une petite vésicule d’herpès rompue, érosion siégeant au niveau du sillon balano-préputial. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA SYPHILIS 799 • Le même jour, avant midi, le jeune homme fait examiner sa compagne de la nuit precedente etM. Picquet trouve : à la vulve des plaques muqueuses typiques, dans la gorge d’autres plaques muqueuses, des adénopathies multiples, signes d’une syphilis évidente et éminemment contagieuse A 4 heures de l’après-midi, sur les conseils de M. Picquet. le jeune homme se frictionne la verge avec la pommade au calomel au quart, achetée sur ordonnance dans une pharmacie. La verge reste 48 heures enduite de pommade. Le jeune homme est resté absolument indemne de toute affection syphilitique. M. le docteur Picquet , qui le connaît depuis longtemps d’une façon très intime, assure que son ami n’a jamais eu ni la syphilis acquise, ni la syphilis héréditaire. Cette expérience, d’après M. Picquet , peut être comparée à à une expérience de laboratoire. Il est très probable que, sans application préventive de la pommade, la plaie de la verge (érosion d’herpès dans le cas actuel) aurait pu servir de porte d’entrée au virus syphilitique. En dehors des considérations scientifiques, on a déclaré que l’emploi préventif des pommades à base de mercure était immo- ral, comme capable d'augmenter le nombre des rapports extra- conjugaux. Mais, puisque tous les moyens de prophylaxie morale n'ont pas empêché la grande extension de la syphilis et la contamination de tant d’innocents, ce qui est immoral c’est de restreindre les moyens de lutte contre ce fléau. De même que le médecin n’hésite pas à traiter un syphilitique ayant con- tracté la maladie après un rapport extraconjugal et ne le laisse pas devenir tertiaire à titre d’épouvantail, pour servir de leçon morale, de même l’hygiéniste fait son possible pour empêcher le mal par tous les moyens que lui fournit la science. Pour résumer, nous pouvons conclure que l’étude expéri- mentale de la syphilis a démontré l’atténuation du virus de la syphilis par l’organisme des singes inférieurs, et qu’elle permet d’espérer dans l’avenir une vaccination contre cette maladie; dès à présent elle a prouvé que l'emploi de pommades à hase de mercure est un moyen de prophylaxie antisyphilitique. Note additionnelle. Après avoir rédigé les lignes précédentes, nous avons pris connaissance de deux articles tout récents, dans lesquels il est question 800 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de la pommade au calomel. Dans l’un d’eux, M. Lévy-Bing (Ann. des malad. vénériennes , septembre 4906, p. 119) communique le cas d’insuccès auquel avait fait allusion M. Gaucher lors de la soutenance de la thèse de M. Mai- sonneuve. Dans un autre article, M. Gaucher (Ibid., octobre 1906, p. 220) raconte l’histoire d’un médecin qui contracta la syphilis malgré les frictions préventives avec la pommade au calomel au tiers. Les données, commu- niquées au sujet de ces deux exemples, sont trop incomplètes pour être discutées d’une façon précise. Ainsi, dans le second cas, il est question de trois rapports sexuels dans l’espace de deux semaines, suivis de l’emploi de la pommade. L’accident primaire a débuté 27 jours après le premier de ces contacts. Or, l’incubation de la syphilis étant quelquefois beaucoup plus longue (nous l’avons vue dans nos expériences aller jusqu’à 56 jours), il est impossible d’établir si l’infection ne date pas de rapports plus éloignés que ceux qui ont été suivis de l’emploi de la pommade. Dans tous les cas, des observations, même faites d’une façon complète, ne peuvent nullement infirmer les résultats des expériences dont les condi- tions sont précisées d’une façon incomparablement supérieure. L’opinion de M. Gaucher qu’il n’y a que les cas « positifs » qui comptent dans une recherche scientifique, ne peut être acceptée. Autrement, il faudrait admettre que les vaccinations antirabiques ou autres sont inefficaces, car il existe aussi des cas où, malgré elles, la maladie peut éclater. On peut en dire autant pour la prophylaxie des fièvres palustres, avec la quinine, la sérothérapie préventive de la diphtérie, etc. Quant à l’exemple, cité par M. Lévy-Bing , d’une personne ayant pris la syphilis secondaire, malgré l’emploi préventif du sublimé, nous pouvons nous abstenir de le discuter, d’autant plus qu’il s’agit d’un antiseptique dont l’emploi s’est montré aussi inefficace dans nos expériences, et que nous n’avons jamais recommandé. ETUDES SUR LA MORVE EXPÉRIMENTALE DO COBAYE Par Maurice NICOLLE (Fin.) MORVE EXPÉRIMENTALE ET MALADIES « SPONTANÉES DES COBAYES Nous ne parlerons guère ici que de la pseudo-tuberculose et de la « maladie du nez » des cobayes , affections dont nous avons déjà fait mention à plusieurs reprises. PSEUDO-TUBERCULOSE Elle a sévi, avec une fréquence excessive, pendant plus de deux ans chez les animaux qui nous servaient pour nos recherches et celles-ci s’en sont gravement ressenties. Elle apparaît encore, de temps en temps, sous forme sporadique. Nous ne rappellerons point les caractères, bien connus, du microbe de Malassez et Vignal. Mentionnons, simplement, quelques détails morphologiques, susceptibles de rendre son diagnostic très facile. Le bacille de la pseudo-tuberculose offre, dans les cultures et les produits pathologiques, un pléomor- phisme aujourd’hui classique, mais dont les éléments n’ont peut-être pas été suffisamment caractérisés. On sait, il est vrai, que la majorité des germes, trapus et disposés en diplo , affec- tent la forme d’une ellipse à petit bout dirigé vers le point de jonction des deux bactéries associées; on a moins insisté sur ce fait qu’un certain nombre d’autres germes, plus trapus encore, ont des extrémités presque carrées ; enfin, tout en indiquant la fréquence assez grande des vacuoles chez les microbes de M et F, on n’a pas dit que ces vacuoles leur imprimaient souvent une physionomie typique. Lorsque l'on teinte les cultures ou produits pathologiques par des solutions qui ne surcolorent pas , on aperçoit, en effet, çà et là, plus ou moins abondants selon 51 802 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR les cas, des groupes de deux bactéries semblant dessiner, par leur réunion, un minuscule nœud de ruban. Cette apparence , absolument pathognomonique , résulte de la présence d’une vacuole demeurée invisible, à la périphérie de chacun des individus. Mentionnons encore la croissance rapide des cultures, leur richesse et leur aspect argenté sur notre gélose à la pomme de terre ; lors des ensemencements en strie, le dépôt bactérien présente, de plus, une périphérie festonnée assez caractéristique. La pseudo-tuberculose reconnaît presque toujours, selon nous, une origine digestive. Elle peut affecter les quatre formes suivantes, dont les deux premières ne paraissent pas avoir été décrites jusqu’ici. Forme latente. — Dans ce type clinique, impossible à soupçonner en dehors des épidémies, les animaux succombent rapidement, sans que l’on relève d’altérations spéciales lors de l’autopsie; mais les viscères abdominaux (foie, rate) fournissent des cultures positives. Forme biliaire. — Ici, le virus se cantonne dans les grosses voies biliaires et notamment dans la vésicule. Celle-ci, parfois distendue, offre une apparence bosselée; sa surface est semée de taches laiteuses plus ou moins confluentes et ses parois con- tiennent des tubercules, ordinairement petits et en voie de sclé- rose. La bile est souvent remplacée par un magma tantôt cail- lebotté, tantôt caséopurulent. Forme ganglionnaire (mésentérique). — Deux ou trois des glandes du mésentère se prennent et se tuméfient assez fré- quemment, au point de devenir perceptibles in vivo à une période précoce de la maladie. On ne rencontre pas d’autres lésions. Forme classique. — Nodules de dimensions variées dans les viscères abdominaux, rarement dans les poumons. Adénopathie mésentérique, concomitante, dans un certain nombre de cas; adénopathies bronchique et médias tïhe peu communes; adéno- pathie cervicale exceptionnelle. Lorsque, chez un cobaye inoculé de morve , la pseudo-tubercu- lose (préexistante ou consécutive) se traduit uniquement par des granulations abdominales et — comme cela arrive souvent — par des granulations spléniques seules, l’observateur non pré- MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 80» venu commettra fatalement une erreur de diagnostic, s’il ne pense pas a faire des cultures. L’observateur averti ne com- inettra pomt cette erreur et pourra même reconnaître, sans trop de mal, la coexistence, non rare, des deux infections, avec Srr S|Pr°P?KlanS '• Pare"cl>yme splénique. Pour une ! /P BÛ CaS’J k beS°gne des chercl*eurs, nous dirons que les nodules pseudo-tuberculeux se distinguent par leur volume généralement assez grand, leur couleur blanc sale, leur urface bombee quand ils siègent sous les séreuses et leur con- tenu uniformément caséeux. Au contraire, les nodules morveux se montrent habituellement plus petits, offrent un ton jaunâtre ou jaune rose demeurent aplatis lorsqu’ils occupent une situa- tion superficielle et apparaissent caséo-purulents à la coupe ™iatrn'eAPartiCUlarité n'6St fad,e à apPrt:der 1™ sur granulations d un certain volume). Nous devons maintenant indiquer, d’après nos observations, | façon dont la pseudo-tuberculose et la morve s’influencent 1 une! autre. Voici comment cette action mutuelle s’est pré- sentee a noua. En temps d’épidémie pseudo-tuberculeuse, on peut diviser les animaux en deux groupes : les malades et les suspects. Pour les premiers , le diagnostic est certain quand il existe des ganglions mésentériques, appréciables à la palpation, cenÎn ’i r'TUX’ f,athoSnomoniques. Il est quasi ta n, s il s agit de cobayes maigres à « ventre mou et à Jan,e/Ic coutoau ». que ces signes se manifestent . _ ,, annee 1 es sujets ou après quelques jours d’observa- mn; autopsie ne tarde d’ailleurs pas à montrer, dans l’immense majonte des cas, que l’on ne s’était point trompé. Les animaux -ja malades ont ete, bien entendu, exclus de nos recherches Nous avons voulu voir, cependant, comment ils supporteraient les inoculations morveuses. Ils ont paru les supporter ordinaire- ment plus mal que les cobayes neufs, ce qui n’a rien d’étonnant: mais ce qui nous a surpris, ça a été de constater que, dans cér- ames con itions expérimentales, la pseudo-tuberculose spontanée peut vacciner contre la morve. Exemple, le cas suivant. Un cobaye mâle («50 grammes), offrant des paquets (Je ganglions cervi- caux pseudo-tuberculeux, reçoit 10-* (virus G) dans ie péritoine. (Un “°‘n |',ie'U' <în f° ■iours> aveo les lésions classiques) : aucun effet. On fle anlmal’ dont l’état général n’est pas mauvais, après 50 jours. A 804 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’autopsie : ganglions cervicaux fibro-pui'ulents (culture positive) ; pseudo- tuberculose très marquée du foie et de la rate (culture positive); apparei génital indemne. D'après quelques auteurs, les animaux pseudo-tuberculeux sont hypersensibles à la tuberculine; nous en avons vu réagir a la malléine et surtout aux bacilles morveux morts. Occupons-nous, à présent, de la seconde catégorie de sujets, les suspects , dont on est parfois obligé de se servir quand même, pour ne point interrompre complètement ses études. Parmi eux, la plus grande partie sont déjà porteurs de lésions minimes ou bien hébergent les bacilles pathogènes dans leur tube digestif. On conçoit que, chez ce dernier groupe de cobayes, les germes doivent souvent franchir les « barrières épithéliales » et ne sont alors détruits à temps que si l’organisme jouit de sa résis- tance normale. La majorité de nos animaux sains d apparence se trouvait donc soit en état d 'infection latente , soit en état d’infection virtuelle . Comment les uns et les autres ont-ils sup- porté les injections de bacilles morveux, vivants ou morts? L'administration d'une dose mortelle de virus a déterminé habituellement chez eux le développement ou le réveil de la pseudo-tuberculose à un moment variable de 1 infection mor- veuse. La pseudo-tuberculose s’est manifestée, selon les cas, sous une des quatre formes que nous avons décrites dans la maladie naturelle ; la première de ces formes permet de saisir sur le viflenvahissement récent des viscères abdominaux parles bacilles de M et F, provenant du tube digestif. L’injection de microbes morts, sous la peau des suspects, a été suivie, dans un certain nombre de cas, de pseudo-tuberculose avec ou sans réaction anormale loco lœso ; l’injection intrapéritoneale égale- ment, mais avec ce dernier mode d intoxication, on réussit pai- fois à « faire sortir » bien plus rapidement le virus héberge par l’appareil gastro-intestinal ou contenu dans de minimes lésions anciennes. Exemple : les deux observations que nous allons résumer. Deux cobayes mâles, de 625 et 650 grammes, reçoivent chacun, dans le péritoine, 3 centigrammes de bacilles morveux tués par le chloroforme (bacilles secs) : le premier résiste, le second meurt, en 1 jour 4/2, de périto- nite aiguë. Dans l’épanchement abdominal, on rencontre de nombreux microbes de M et F, qui poussent sur les divers milieux. MORVE EXPÉRIMENTALE DU CORAYE 805 Trois cobayes mâles, de 520 grammes, reçoivent chacun, dans le péritoine, 1/2 centigramme de bacilles morveux tués par Talcool-éther (bacilles secs) ; les deux premiers résistent, le troisième meurt en 8 jours. A l’autopsie, on trouve, dans la rate, deux granulations anciennes et, sur le péritoine, un semis de petits exsudats récents, du volume moyen d’une tête d’épingle, de couleur jaunâtre et de consistance ferme. Ces exsudats contiennent des bacilles de M et V, aisément cultivables. Lorsque Ton entreprend des expériences de vaccination avec un lot de sujets suspects, il arrive, bien entendu, que le plus grand nombre de ceux-ci succombent, plus ou moins vite* à la pseudo-tuberculose. Enfin, toutes les fois qu’une épidémie éclate, il faut s’attendre à perdre la majorité des animaux qui se trouvent déjà en cours d'immunisation et, a fortiori , encours d'épreuve, si l’on ne dispose pas de moyens sérieux d’isole- ment. Dans ces conditions, mieux vaudrait infiniment aban- donner le travail commencé. MALADIE DU NEZ DES COBAYES Elle existe, depuis 3 ans, à l’état permanent, offrant, de temps en temps, des recrudescences épidémiques. Si nous avons eu l’occasion, trop fréquente, de l'observer au point de vue clinique, on conçoit que nous ne nous soyons pas soucié d'en faire une étude bactériologique serrée. Le docteur Girard, qui connaissait déjà parfaitement l’affection, a bien voulu se charger de ce soin; malheureusement les circonstances ne lui ont point permis de terminer ses recherches. 11 nous a gracieu- sement transmis les résultats principaux obtenus par lui et c’est surtout avec ceux-ci que nous allons essayer de donner une idée générale de la maladie « spontanée » et de son agent pathogène. Après quoi, nous ferons connaître l’influence mutuelle de cette affection et de la morve expérimentale. Maladie du nez et son microbe. Les formes cliniques de la maladie du nez peuvent se ranger sous deux chefs différents, suivant que le signe patho- gnomonique, le jetage , se manifeste ou fait défaut. Formes nasales. — Elles débutent par de l’humidité des narines, à laquelle fait suite un jetage d’abord séreux puis séro- purulent, qui se concrète en couches épaisses, obstruant plus 806 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ou moins l’entrée du nez. Dès les premiers stades de l’infection, le mucus nasal contient en abondance le germe spécifique, que Ton identifiera facilement par l’examen microscopique et les cul- tures.Les animaux atteints ne tardent pas amaigrir et à présenter, dans bien des cas, une dyspnée accentuée. Ces phénomènes sont succeptibles de s’amender pro tempore et même de guérir, souvent en apparence seulement, après des alternatives de mieux et de plus mal. Puis on voit, d’ordinaire, la cachexie s’installer définitivement à un moment donné et enlever les sujets au bout d’un temps variable (de 6 semaines à 2 mois, parfois davantage). La fin peut être hâtée par l’exacerbation des troubles respiratoires ou par l’éclosion à’ accidents péritonéaux suraigus. A Tautopsie, on peut ne rencontrer aucune lésion spéciale. Il est rare, cependant, que la dégénérescence graisseuse du foie fasse totalement défaut (dans les cas extrêmes, l’organe est converti en un bloc adipeux, jaune, grisâtre). Le sang fournit, presque toujours, des cultures positives: à son défaut, la rate et surtout le poumon se montreront très fertiles. A côté de ce premier type anatomique, caractéristique de la forme nasale pure, nous devons en citer d’autres, qui répondent à la forme nasale compliquée. Le plus fréquent se traduit, comme la clinique permettait de le deviner, par de la broncho-pneumonie . Inutile de décrire ses diverses variétés; disons seulement que, lors des pseudo-guérisons, le bloc pulmonaire splénisé, adhérant à la plèvre, peut se carnifier progressivement, sans cesser de contenir les germes pathogènes. Après la broncho- pneumonie vient la péritonite , exprimée par un épanchement jaune verdâtre, contenant des flocons fibrineux en suspension et accompagnés de fausses membranes épaisses, qui recouvrent les viscères abdominaux — le tout riche en germes, visibles au microscope et aisément cultivables. A la péritonite, s’adjoint constamment la tuméfaction des ganglions inguinaux, souvent noyés dans une zone œdémateuse. Enfin, la pleuropéricardite constitue la complication la moins communément observée de la forme nasale. Formes extranasales. — Plus rares et affectant une allure très rapide; tantôt, on a affaire aune septicémie , tantôt aune bronchopneumonie , ailleurs à une péritonite. Cette dernière peut MORVE EXPERIMENTALE DU COBAYE 807 se déclarer après la mise-bas et enlève alors les cobayes femelles en 3-4 jours; les autres se voient à peu près exclusivement au plus fort des poussées épidémiques. Microbe de la maladie du nez . — L'examen microscopique permet de le mettre facilement en évidence dans le mucus infecté, le suc bronchopneumonique et les exsudats des séreuses : ailleurs, la culture, toujours indiquée, deviendra indispensable pour établir le diagnostic. Nous recommandons de faire les cultures proprement dites dans le bouillon-ascite et les isolements sur la gélose-ascite. Voici, d’après le docteur Girard, les caractères essentiels du microbe de la maladie du nez. Ce microbe, qui habite cer- tainement, en dehors des épidémies, les voies respiratoires et digestives des sujets normaux, offre les plus grandes analogies avec le pneumocoque; aussi rappellerons-nous le pseudo-pneumo- coque de la maladie du nez. « Il se présente habituellement sous l’aspect d’éléments lancéolés, le plus souvent réunis par deux, mais la disposition en chaînettes est commune dans les milieux liquides. Les organismes possèdent une belle capsule, facile à colorer; ils prennent le Gram. « Les cultures, maigres en bouillon ordinaire, se montrent plus abondantes en bouillon glucosé (lequel devient acide) et en bouillon-sérum (ou ascite). Elles sont également riches dans le bouillon au sang; celui-ci prend une teinte d’abord chocolat, puis d’un vert fluorescent. Sur gélose, petites colonies en gouttes de rosée; sur gélose-sérum (ou ascite) et gélose sanglante, développement plus abondant. La virulence , très fragile , disparaît moins vite quand on emploie les milieux ascite ou les milieux au sang et que l’on garde les cultures à la glacière. « Le microbe se montre pathogène pour le cobaye, ainsi qne cela était à prévoir. L’inoculation sur la pituitaire, incer- taine avec les cultures, réussit mieux avec les produits patho- logiques (par exemple le pus péritonéal); elle reproduit alors la maladie naturelle, compliquée ou non de localisations extra- nàsales et les animaux succombent après un temps varié. L’ino- culation intra-abdominale amène rapidement la mort par péri- tonite aiguë. L’inoculation sous la paeu du ventre provoque 808 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’apparition d’un empâtement énorme d’abord mou, puis plus ferme; à l’autopsie des sujets (qui meurent constamment, avec les virus tant soit peu actifs), on rencontre, loco lœso , un dépôt de fausses membranes épaisses, jaune verdâtre, stratifiées et se détachant par larges lambeaux. » (Girard.) Influence mutuelle de la maladie du nez et de la morve. Nous étudierons l’influence mutuelle de la maladie du nez (spontanée, bien entendu) et de la morve, en temps d’épidémie et en dehors des épidémies. Il faut savoir que la contagiosité , xcessivement marquée dans le premier cas, devient très faible dans le second. On ne s’en étonnera nullement si on se rappelle combien est fragile la virulence du ps. pn. En temps d’épidémie. — Il convient de distinguer, ici encore, les malades et les suspects. Chez les animaux malades, l’injection du virus morveux ne saurait avoir, cela va sans dire, que des inconvénients; et cependant, la maladie du nez confère parfois aux cobayes un certain degré de résistance vis-à-vis de la morve. On s’en aperçoit quand on inocule les sujets sous la peau, par exemple avec 10~2 de virus C; ces sujets n’offrent, pour toute lésion locale, qu’un petit abcès arrivant péniblement à suppura- tion au moment de la mort (la comparaison, entre eux et les témoins, est tout à fait frappante). Les animaux malades peu- vent réagir à l’injection sous-cutanée de bacilles morts. En voici la preuve. Un cobaye mâle (450 grammes), atteint de mal du nez, reçoit, sous la peau i centigramme Mae : réaction violente, sans apparition de germes dans le pus; mort en 12 jours. A l’autopsie, comme lésion unique, dégénérescence graisseuse du foie. Le sang donne des cultures positives. Chez les animaux suspects, l’administration de germes morveux vivants provoque, très souvent, l’apparition de la maladie du nez. L’administration de germes tués par le chloro- forme, T alcool-éther ou l’ammoniaque peut aussi « faire sortir », plus ou moins vite, le pseudo-pneumocoque hors des lésions latentes qu’il a déterminées — ou bien hors des surfaces mu- queuses où il vit en saprophyte, comme dans les exemples suivants : On injecte, dans le péritoine d’un cobaye mâle (710 grammes), 3 centi- MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 809 grammes de b. morveux tués par le chloroforme (b. secs): l’animal meurt en 2 .jours avec une péritonite à ps. pneumocoques. On injecte, dans les muscles de chaque fesse d’un cobaye male (720 grammes), 4 centigrammes de b. morveux tués par le chloroforme (b. secs) : l’animal meurt en 2 jours 1/2, avec une péritonite à ps. pn. On injecte, dans le péritoine d’un cobaye mâle (630 grammes), 40 centi- grammes de b. morveux tués par l’ammoniaque (b. humides) : le surlende- main, jetage ; puis émaciation et mort de péritonite en 8 jours (ps.-pn. dans les lésions). Enfin, lors des épidémies, on se doute du succès qui peut suivre les tentatives de vaccination et du sort réservé aux ani- maux déjà en expérience. En dehors DES épidémies. — On observe, de temps en temps des cas sporadiques parmi les animaux neufs. Le ps.-pn. doit donc se rencontrer, chez un certain nombre d’entre eux, à Eétat saprophytique ou dans les lésions latentes ; et l’on s’ex- plique alors très bien sa dissémination fréquente au milieu des sujets en expérience et l’infection facile de n importe lequel de ceux-ci, lors des diverses circonstances que nous allons exa- miner. C’est-à-dire : Dans l’infection morveuse. — La maladie du nez y apparaît à chaque instant; on ne la prendra pas pour la morve nasale, absolument inconnue chez le cobaye. Dans l’intoxication morveuse. — Même chez les sujets qui ont reçu des bacilles morts très peu toxiques et à faible dose; témoin le cobaye dont voici l’observation (réduite aux traits essentiels) : Un cobaye mâle (690 grammes) reçoit, dans le péritoine, 4 centigrammes de b. morveux tués par l’ammoniaque (b. secs) : émaciation légère et transitoire; le 4® jour jetage, puis cachexie et mort en six semaines. Chez les animaux immunisés par les b. vivants et éprouvés par les b. vivants. — La maladie du nez vient parfois compliquer l’épreuve (exemple : l’animal K.) Chez les animaux immunisés par les b. vivants et éprouves par Mae. — Nous savons que cette épreuve peut « faire sortir » le vit us morveux, quand il existe au sein de lésions latentes. Elle peut, faire sortir, pareillement, le ps.-pn., contenu dans de sembla- bles lésions, ou venant des muqueuses saines. La a sortie » a parfois lieu après une seule injection de Mae, comme chez le cobaye femelle Q. Dans ce cas, très curieux, le virus, en même 810 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR temps qu il déterminait une bronchopneumonie bilatérale, « s est porté » au niveau du point où avaient été introduits les b. morveux morts et a modifié complètement les allures de la i eaction locale. Ailleurs, la « sortie » n’a lieu qu’après plusieurs injections de Mae (animal F). Chez les animaux qui ont reçu à plusieurs reprises des b. morveux morts (b. tués par le chloroforme ou l’alcool-éther). — En voici 4 exemples, choisis au hasard parmi un nombre, malheureuse- ment très grand, d’observations de même espèce. Un cobaye mille (500 grammes) reçoit, dans le péritoine, 3 centigram- mes de b. morveux tués par le chloroforme (b. secs) : émaciation moyenne. Après 9 jours, on recommence : mort, en 2 jours, de péritonite à ps.-pn. Un cobaye mâle ( 700 grammes) reçoit, dans le péritoine, 3 centigram- mes de b. moryeux tués par le chloroforme (b. secs) : émaciation moyenne. Après 16 jours, on recommence: émaciation moyenne. Après 30 jours, on recommence encore : mort, en 1 jour 1/2, de péritonite à ps.-pn. Un cobaye femelle (615 grammes) reçoit, 5 fois, 1/2 centigramme Mae dans le péritoine (intervalles 9-25 jours) : rien ou émaciation faible. 4 jours après la dernière injection, on administre encore 1/2 centigramme Mae dans le péritoine: mort, en 2 jours 1/2, de péritonite à ps.-pn. Un cobaye femelle (910 grammes) reçoit, 4 fois, 1/2 centigramme Mae, dans le péritoine (intervalles 11-108 jours): émaciation marquée la première fois, modérée ou nulle ensuite. 16 jours après la dernière injection, on administre encore 1/2 centigramme dans le péritoine : mort, en 2 jours 1/2, de péritonite à ps.-pn. Comme observations appartenant à d’autres catégories , bornons- nous à rappeler celle de l’animal AA, guéri, en apparence, de la maladie du nez qui était venue compliquer la vaccination par les bacilles morveux morts, guéri de l’épreuve virulente (virus morveux vivant) et succombant au réveil d’une bronchopneu- monie ancienne, après injection sous-cutanée de Mae — celle de 1 animal Z, immunisé, lui aussi, par les b. morveux morts et périssant de la maladie du nez au moment où il venait de résister à l’épreuve virulente — enfin, celle du premier des deux cobayes, traités préventivement par le B. subtilis , mourant de la maladie du nez au cours d’une épreuve virulente, dont l’unique lésion résultante aurait aisément guéri. Il va sans dire que, parmi les sujets inoculés, qui contrac tent une infection à ps.-pn. en dehors des épidémies , certains seraient aussi bien devenus malades sans l’injection préalable de germes morveux (vivants ou morts). Mais ils représentent la 811 MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE minorité, comme nous avons pu le constater par l’observation comparée et systématique de sujets inoculés et de sujets neufs témoins, et par l’analyse clinique de chaque cas de maladie du nez, pris en particulier. Pratiquement, le résultat demeure d’ail- leurs le même et la présence du ps.-pn. a constitué, pour nos recherches, un obstacle dont il est difficile d’imaginer l in- fluence néfaste. Avant de terminer ce chapitre, nous devons rappeler 1 apparition possible d abcès de la fesse {de nature ordinairement staphylococcique) chez les animaux inoculés dans les muscles avec les bacilles morveux morts ; nous avons dit, plus haut, pourquoi nous étions dispose a admettre l’origine hématogène de ces abcès. Nous devons aussi mentionner brièvement la maladie du nez des lapins (pasteurellose), parfois transmise aux cobayes. Tandis que le cobaye sain paraît rarement susceptible de s’in- fecter au contact des lapins malades, le cobaye qui a reçu des germes morveux (vivants ou morts) se montre moins résistant (exemple, 1 animal G). La maladie du nez des lapins peut venir egalement compliquer la maladie du nez des cobayes, auxquels cas on rencontre les deux microbes pathogènes associés dans les produits pathologiques. (Pour ce qui concerne la maladie du nez des lapins, nous renvoyons aux recherches de Haaland et Yourewitch, et de Bridré). INFECTION, INTOXICATION, HYPERSENSIBILITÉ ET IM- MUNITÉ MORVEUSES CHEZ LE COBAYE (REMARQUES GÉNÉRALES) Dans les différents chapitres de ce travail, nous avons discuté, au fur et à mesure, les groupes de faits qui s’y trou- vaient rapportés. Il convient, maintenant, d’examiner d’un peu plus haut l’histoire de la morve expérimentale du cobaye, en rapprochant les unes des autres les données partielles déjà acquises. INFECTION Lorsqu’on inocule le virus morveux aux cobayes, les résultats obtenus dépendent, bien entendu, de 3 facteurs : le 812 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR microbe et Y animal en jeu d’une part, le mode d'infection de l’autre. Étudions, brièvement, le rôle de chacun de ces facteurs. Microbe. — L’influence qu’il exerce sur l’économie varie selon sa virulence et selon la dose administrée. Il ne sera pas inutile de rechercher les rapports exacts qui unissent ces deux éléments d activité. Nous avons montré, précédemment, que la virulence du bacille de la morve (vis-à-vis du cobaye) devait être considérée comme l’expression d’une double propriété : V adapta- tion parasitaire , de nature physiologique et essentiellement modifiable, et la toxicité , de nature chimique, absolument fixe pour chaque échantillon envisagé et variant très peu, semble-t-il, d’un échantillon à un autre. Il semblerait alors presque banal d en inférer que la dose constitue la « mesure naturelle » de la virulence et qu’étant donnés deux races d’activité inégale ou deux spécimens inégalement actifs d’une race quelconque, il suffira de forcer les doses du moins infectant pour ob.tenir les mêmes effets qu’avec l’autre. En réalité, les choses ne sont pas aussi simples. On se souvient que nous nous sommes toujours servi, pour les inoculations, de cultures de 24 heures, sur gelose (à la pomme de terre). Si nous cherchons à nous repré- senter comment est constituée une de ces cultures, nous trou- verons qu elle se compose (sans aucun doute, mais en proportion variable suivant les cas) de germes vivants et de germes déjà morts, et, parmiles vivants, d’individus vigoureux et d’individus affaiblis à des degrés divers. Les bacilles vigoureux sont inconstestablement plus nombreux dans les échantillons très virulents que dans les échantillons relativement peu infectieux; mais il est impossible de dire si la virulence individuelle des germes l’emporte chez les premiers. Ce point n’a d’ailleurs ici qu’un intérêt secondaire. Que se passe-il, quand on cherche à remplacer une quantité déterminée de virus très actif par une quantité supérieure de virus faible? On administre aux animaux, à côté de la propor- tion suffisante d’unités vivaces, un nombre plus ou moins consi- dérable de bactéries mortes ou peu résistantes. Ces dernières ne se comportent point comme un « lest » indifférent; elles favorisent certainement l’infection, en apparence par leur seule toxicité, en réalité — croyons-nous — par un mécanisme plus complexe. (Voirie chapitre : Hypersensibilité.) MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 813 On peut démontrer schématiquement cette influence favori- sante, en exagérant la masse de germes morts associés aux mi- crobes vivants. Exemple, l'expérience suivante : On prend 3 cobayes mâles de même poids (500 grammes) et ces cobayes reçoivent dans le péritoine : le premier 2 centigrammes de b. morveux tués par le chloroforme (b. secs), le second ÎO2 (virus M), et le troisième 2 centigrammes de b. morveux tués parle chloroforme (secs) -f 10-2 (virus M). Le premier guérit, après avoir légèrement maigri ; le second meurt en 30 jours, avec la forme scrotale subaigüe; le troisième succombe en 3 jours , avec des lésions mixtes de péritonite aiguë et de forme scrotale aiguë au début. La compensation, que Ton réalise en élevant la dose du virus le moins fort, résulte donc et de la quantité plus grande des bactéries vivaces et de la quantité plus grande des autres; aussi conçoit-on qu’il doive exister un optimum, en deçà duquel l’in- fection demeure impossible etau delà duquel l’intoxication joue un rôle exagéré. Animal. — Bornons-nous à rappeler l’influence de l’âge, du sexe (envisagé au point de vue général, comme dans le cas des femelles pleines) et des maladies déjà existantes lors de l’inocu- lation. Toutes ces influences s’expriment par des différences indi- viduelles de résistance. Et cette résistance, antagoniste des deux termes de l’activité microbienne, se montre formée, elle aussi, d’un double élément : le pouvoir antimicrobien et le pouvoir anti- toxique. Mode d’inoculation. — Revenons, pour la dernière fois et en peu de mots, sur les injections intrapéritonéales , chez le mâle et la femelle. Chez le mâle , nous avons pu, grâce à l’affaiblissement pro- gressif de l’échantillon M, obtenir toute une gamme d’effets variés, allant de l’absence d’infection à la péritonite suraiguë, en passant par les formes éphémères, ectopiques et scrotales, les deux premières inconnues (chez le mâle adulte) dans l’histoire du virus G, trop actif pour les provoquer. L 'absence d'infection , observée avec la dose 10 8 de la race C et jadis avec la dose 10'6 de la race M, peut être attribuée, sans erreur appréciable, au trop faible nombre de germes inoculés ; l’absence d'infection, observée aujourd’hui avec la dose 10_4dela race M, reconnaît à la fois comme cause le nombre trop faible de germes vivaces et le nombre trop faible de germes morts ou peu 814 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR résistants, c’est-à-dirc favorisants. Faisons maintenant croître peu a peu, la proportion de ces derniers, en forçant les doses globales de 1 une ou l’autre race, et nous verrons le rôle de intoxication devenir de plus en plus marqué. Il se montre prépondérant dans les inoculations massives { péritonite mraiaaè consecutive à 1 inoculation de d centigramme de virus C et souvent de virus M), où les différences de virulence tendent à s effacer, par suite de l’insuffisante résistance antüoxique de organisme. Quant à la résistance antimicrobienne, envisagée i epms les formes les plus sévères jusqu’aux moins brutales de la morve du cobaye mâle, elle offre de grandes variétés selon les sujets et cela nous explique l’étendue et l’évolution très inégalés des lésions chez les animaux qui ont reçu la meme quantité d’un même virus. Comme termes extrêmes — a la suite, par exemple, de l’injection de 10'2 (virus M) — citons les cobayes morts guéris (périssant d’intoxication) et ceux qui ont présenté, au contraire, des poussées aiguës ou subaigues, locales ou à distance. Il va sans dire que le pouvoir antimicrobien ne constitue pas pour nous un élément immuable; il subit à dater de l'infection, des vicissitudes diverses, que traduit le cours même de la maladie. Chez la femelle, les différences individuelles de Insensibilité aux microbes sont encore plus faciles à apprécier que chez le mâ e, même et. surtout avec les doses notables de virus, parce qu’il n’existe pas ici de surface séreuse hypervulnérable.’ Fn outre, les variations de la résistance antitoxique apparaissent aussi plus nettement. Les cobayes mâles, qui ont reçu I centi- gramme de virus M dans l’abdomen, peuvent bien mourir, selon les circonstances, de péritonite suraiguë ou de morve scrotale aigue, ce qui indique, pour le second cas, une résistance supérieure à « l’endotoxine » spécifique. Mais le sort des terne 11 es, inoculées parallèlement, se montre infiniment plus varie, les animaux survivant quelquefois et succombant, le reste du temps : de péritonite suraiguë, d'intoxication rapide, d’in- toxication lente, de farcin local ou général. Ce que nous tradui- rons très schématiquement ainsi : pouvoir antimicrobien et pouvoir antitoxique très marqués; pouvoir antimicrobien très marqué; pouvoir antitoxique nul; pouvoir antimicrobien très marqué: pouvoir antitoxique faible ; pouvoir antimicrobien très marqué: MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 815 pouvoir antitoxique net; pouvoir antimicrobien peu marqué; pouvoir antitoxique plus ou moins accentué. Avant de terminer ce qui a trait aux inoculations intrapé- ritonéales, insistons sur un ordre de faits curieux, signalé briè- vement en deux endroits de notre travail. Il s’agit de l’absence constante , chez le male neuf, du farcin de la paroi abdominale, assez fréquent, au contraire, chez la femelle — et de l’appari- tion possible de cette lésion, chez le mâle préalablement « fémi- nisé )) par les injections intra-abdominales répétées de bacilles morts. Cette relation inverse entre les manifestations génitales et la croissance d’unités microbiennes, éventuellement présentes en un point éloigné, ne peut s’expliquer que par l’influence vaccinante du premier de ces facteurs. Exemple très suggestif de « médication dérivative » et plus particulièrement « d’abcès de fixation » naturels , homologues et préventifs. Nous n’avons rien à dire de spécial au sujet des inoculations intrapleurales (dans les deux sexes), comparables aux inocula- tions intrapéritonéales chez la femelle. Les inoculations sous- cutanées , moins sévères que ces dernières, accusent bien, sur- tout avec le virus M, les différences de sensibilité individuelle ; les inoculations intramusculaires également. Rappelons enfin que la dose sûrement mortelle peut descendre, aujourd’hui, à 1 centi- gramme et au-dessous avec le virus M, pour tous les modes d’infection, sauf le mode intra-abdominal (cob. mâle) où elle se maintient encore à 10~2. Au contraire, avec le virus C, plus actif, l’influence des voies employées se révèle par des chiffres très divers : 1 centigramme (voie intramusculaire), 10'1 (v. intrapleurale), 10~2 (v. sous-cutanée), i0~3 (v. intrapérito- néale-femelle) et 10~7 (v. intrapéritonéale-mâle). Ces chiffres se rapportent, on s’en souvient, à la dose limite inférieure, obser- vée dans nos expériences. En résumé, le procédé d’inoculation de beaucoup le plus sensible demeure toujours l’inoculation intrapéritonéale chez le cobaye mâle. Les autres modes tendent de plus en plus à s’équi- valoir, lorsque la virulence baisse et qu’il faut forcer de plus en plus les doses, c’est à dire lorsque l’on tombe , progressivement, de T infection dans V intoxication. INTOXICATION Les expériences faites avec les bacilles morts nous ont 816 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR montré que, suivant la façon dont on tue les germes, leur toxi- cité se trouve plus ou moins profondément atteinte. Les deux termes extrêmes, cités dans ce travail, sont représentés par les germes soumis àl’actionde l’ammoniaque et les germes chauffés. Ajoutons qu’il est possible d’obtenir des produits encore moins toxiques que les premiers (nous le prouverons dans un travail ultérieur) et qu’inversement, dans une culture de 24 heures, les bacilles morts de leur « mort naturelle » et les bacilles affaiblis, destinés à être rapidement détruits par l’organisme, dépassent certainement les seconds comme activité. Il est aisé de prouver ce dernier point; 1 centigramme de virus C, inoculé dans le péritoine, tue facilement le cobaye en une nuit et on ne retrouve plus d’habitude, à l’autopsie, qu’une faible portion des germes introduits. La multiplication momentanée de ceux-ci peut être négligée sans grande erreur, croyons-nous; on voit qu’il suffit donc de 1 centigramme de « toxine vivante » (et parfois moins) pour déterminer les mêmes effets que 5 centigrammes par exemple de « toxine morte », administrée sous la forme de microbes chauffés. Comme nos recherches ont établi que les effets de la « toxine morte » sont absolument identiques à ceux de la « toxine vivante » (injections dans les séreuses, sous la peau, dans les muscles), et qu’introduite dans le péritoine du mâle, la première va se localiser exactement au même endroit que la seconde, nous sommes amené à conclure que l’histoire de la morve expéri- mentale du cobaye n’est, , au fond , que l’histoire de « l’endotoxine » morveuse , fournie, in vivo , parles germes inoculés, en proportion de leur végétabilité. HYPERSENSIBILITÉ L’hypersensibilité au virus morveux vivant ou mort, engen- drée par ce même virus ou par d’autres — ainsi que l’bypers. aux seconds engendrée par le premier — se révèlent sous l’aspect d’une série de faits, d’allure à la fois complexe et mystérieuse. Quand on se propose de déterminer les rapports qui les unissent et, a fortiori, lorsqu’on veut tenter de pénétrer tantsoitpeu leur nature intime, il convient de procéder avec ordre et avec un certain ordre. C’est pourquoi, parmi les modalités si variées de l’hypers., nous étudierons celle qui, produite par l’injection des germes 817 MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE morveux morts, s exerce vis-à-vis de ces mêmes germes (morts) * puis, nous aborderons successivement des cas de plus en plus difficiles, dont l’explication (au moins relative) demeurerait absolument impossible sans le secours de données préalable- ment acquises. 1. Hypersensibilité vis-à-vis des germes morveux morts, engendrée par les germes morveux morts. C’est, évidemment, le cas le plus simple de tous, puisque la végétabilité (in vivo ) des microbes se trouvant éliminée, on est ramené à un problème purement toxicologique; c’est, en même temps, le cas le plus généra/ , puisque la toxicité du bacille mor- veux représente, comme nous le savons, celui des deux facteurs de la virulence qui n’est susceptible d’aucune variation appré- ciable dans un même échantillon (et qui semble varier bien peu d’un échantillon à l’autre). L hypers, peut se traduire par deux phénomènes primaires , d’ordre exclusivement toxique : la réaction locale et la réaction générale (anormales, bien entendu) — et par un phénomène secon- daire, d’ordre infectieux : le réveil ou le développement d’une maladie étrangère (le développement se manifestant, selon les cas, localement ou à distance). Causes apparentes de l’hypersensibilité . Nous suivons, encore ici, la méthode, peut-être un peu didactique, mais très sûre, que nous avons déjà employée à propos de 1 etude de 1 infection et qui consiste à interroger tour à tour 1 animal, le microbe et le mode* d injection des germes. Animal. — La prédisposition individuelle joue un rôle prépondé- rant en matière d'hypers, et ce rôle se manifeste d’autant plus nettement que l’on administre des doses plus faibles et à des intervalles plus éloignés. Nous n’avons pas encore d’idée arrêtée touchant 1 influence de l’âge des animaux; nous retrou- verons bientôt celle de l’état antérieur. Microbe. — On sait que les germes morts varient de toxicité, suivant les manipulations auxquelles ils ont été soumis. Chaque sorte de germes morts (et la malléine, elle aussi) peut hypers, les cobayes vis-à-vis d elle-même; les microbes tués par le chloroforme hypers, pour les microbes tués par Falcool-étlier et vice versa; mais les ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 3518 bacilles tués par T ammoniaque n’ont jamais hypers, vis-à-vis de JVIas. On se trouve donc, dans certains cas,' en présence d’une véritable spécificité , comparable à celle que quelques auteurs ont observée avec d’autres germes traités de diverses façons. A dose égale , l’hypers. survient d’autant plus facilement que les microbes en jeu sont plus toxiques; à toxicité égale, qu’ils sont plus nombreux; à close et toxicité égales, que l’on rapproche davan- tage les injections. Si donc, employant à dose relativement forte des germes très actifs et les administrant à intervalles très courts, on vient encore par surplus à augmenter brutale- ment les doses (tout en les maintenant au-dessous du minimen toxique), il ne faudra pas s’étonner de voir bientôt éclater les accidents caractéristiques. 'Mais de telles imprudences ne sont pas toujours indispensables à la production de l’hypers., car certains sujets, très prédisposés, en montrent déjà tous les signes après une seule injection de bacilles morts. Mode d injec- tion. — L’hypers. s’observe avec tous les modes possibles, d’autant plus grave dans ses conséquences que le mode est lui-même plus sévère. Elle s’observe également quand on passe cl’un mode à Vautre (par exemple, de la voie intrapéritonéale à la voie sous-cutanée). Les diverses causes de T hypers, devront être constamment présentes à l’esprit lorsque l’on se proposera d’entreprendre et de poursuivre Fimmunisation des animaux. Cause réelle de V hyper sensibilité . Les causes apparentes de l’hypers., ainsi présentées didac- tiquement, offrent entre elles des relations simples et d’allure logique qui satisfont incontestablement l’esprit et le détourne- raient volontiers des recherches ultérieures. Pour aller pkts loin, il convient, selon nous, d’envisager le problème bien en face, sous une forme aussi frappante et aussi concrète que possible; cherchons donc à nous représenter l’animal hypers. « par excellence ». C’est évidemment celui qui, traité exclusi- vement avec des doses très modérées (voire très faibles) de microbes morts, à intervalles convenables, va offrir les phéno- mènes typiques, après l’administration d’une quantité de germes tout à fait inoffensive chez un sujet sain, alors que son parfait MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 819 état général et l'augmentation, parfois notable, de son poids le feraient certainement passer, aux yeux d’un observateur non prévenu, pour le contraire du noli tangere qu’il est en réalité. De même que, chez un animal vacciné, rien ne trahit au dehors l’augmentation de la résistance, de même, chez un animal devenu hypervulnérable, rien ne permet non plus de soupçon- ner le singulier fléchissement de cette même résistance. Chez l’un et Vautre , les 'produits injectés ont depuis longtemps disparu de l’organisme ; mais , chez Vun et Vautre , ils y ont laissé des traces de leur passage sous la forme de « quelque chose ». Ce «"quelque chose » ne peut être, évidemment, qu’une propriété ou une substance. Entre ces deux hypothèses, nous choisissons la seconde sans aucune hésitation, bien que, jusqu’ici, nous n’ayons jamais pu (sauf dans une seule expérience -- ubi infra) démontrer l’exis- - tance de la substance, ou des substances, en question (nous emploierons indifféremment le singulier et le pluriel, ne voulant point préjuger aujourd’hui de la nature de cette ou de ces sub- stances). Voici les motifs qui dictent notre choix. D’abord, la comparaison, impossible à éluder, entre Y hyper résistance et l’ hyper vulnérabilité , qui s’éloignent pareillement de la résistance normale , comme deux phénomènes symétriques par rapport à un zéro initial. Pour ce qui concerne la morve, ce parallélisme n’est-il pas souligné par le fait que les substances antimicro- biennes sont aussi impossibles à déceler que les substances qui président à l’hypers.? Mais donnons des preuves plus tangibles. Lorsque Arthus eut fait connaître ses remarquables expériences sur l’anaphylaxie des lapins traités par le sérum équin, nous avions déjà nos idées actuelles touchant la cause réelle de l’hypers.; aussi avons-nous répété immédiatement ces expé- riences, avec l’espoir de trouver ici la substance vainement cher- chée ailleurs. Nos études ont été rendues très difficiles, par suite d’épidémies incessantes de « maladie du nez » chez les lapins anaphylactisés. Nous les avons recommencées à plusieurs reprises et nous avons fini par les abandonner « provisoirement » , en attendant de meilleures conditions de travail. Pendant ce « provisoire » (de 1903 à 1906), l’idée d’un anticorps causal est venue à l’esprit de v. Pirquet et Schick, mais ces auteurs n’ont pu asseoir leur hypothèse sur des faits matériels. Or, s’il nous a fallu arrêter nos expériences avant d’avoir 820 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR poussé bien loin Uétude des lois qui régissent le phénomène d’Arthus , certaines de ces expériences n’en ont pas moins démontré très nettement que Y anaphylaxie constitue une propriété transmissible par le sérum, c’est-à-dire liée à l’existence d’une subs- tance spécifique. Nous prenions, par exemple 3 lapins, le premier neuf, le second ayant reçu la veille du sérum de lapin neuf, le 3e ayant reçu la veille la même dose de sérum de lapin ana- phylaetisé; à chacun de ces lapins on injectait, sous la peau, 1-2 c. c. de sérum normal de cheval : le premier offrait incons- tamment un œdème insignifiant et fugace ; le second réagissait rarement davantage (et la différence demeurait alors bien faible); le 3e, après deux heures déjà, présentait un œdème marqué (parfois très marqué) avec teinte rosée (ou rose vif) et chaleur des téguments, et cet œdème durait au moins 24 heures. Notre collègue, leDr Delezenne, se rappelle certainement avoir assisté à ces expériences en 1903 ; il doit se rappeler, à plus forte raison, avoir injecté, lui-même, sur notre demande, 1/2 c. c. de sérum équin, dans chaque hémisphère cérébral, chez 3 lapins, Tun normal... ut supra; les deux premiers n’en ont nullement souf- fert, le dernier n'a pas tardé à montrer des phénomènes nerveux réactionnels qui l’ont enlevé durant la nuit suivante et, le len- demain, l’autopsie n’a révélé aucune lésion spéciale des centres encéphaliques. Les expériences de Bail et de Wassermann etBruck, sur Yhypers. tuberculeuse , nous semblent, elles aussi, tout à fait en faveur de l’idée d’un anticorps causal. Quels sont donc la nature et le mode d’action de ces substances, auxquelles nous n’hésitons pas à attribuer les phénomènes d’hypers., observés dans diverses circonstances, naturelles ou expérimentales? Cette question sera abordée plus tard et ailleurs; nous n’y ferons plus, par consé- quent, aucune allusion au cours de ce travail. Effets cle Y hypersensibilité. Réaction locale. — Voyons d’abord ce qui survient, à la suite des injections sous-cutanées (Mas, par exemple), chez les sujets hypers, soit par la voie hypodermique, soit par une autre. Nous rencontrons ici toute une gamme de lésions des plus instruc- tives, lesquelles sont, en partant de la réaction normale : la réaction prolongée, — la réaction prolongée, avec ramollissement MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 821 partiel (de l'empâtement local) suivi de résorption, — la réaction prolongée avec ramollissement partiel suivi de suppuration, — la réaction aiguë, avec suppuration pure et simple, — la réaction aiguë, avec escharification cutanéo-sous-cutanée et suppuration plus ou moins marquée, — la réaction suraiguë, avec eschari- fication cutanéo-sous-cutanée et suppuration uniquement élimi- natrice. C’est-à-dire que nous nous trouvons en présence d’une série de phénomènes qui traduisent une vitesse de réaction crois- sante de l’organisme vis-à-vis des germes morts; le résultat obtenu est le même que si l’on avait multiplié les doses de ceux-ci, de telle sorte que Ton pourrait mesurer pratiquement Thypers. par le nombre des doses virtuelles surajoutées. Passons, maintenant, aux injections intrapéritonéales; ici, c’est tantôt le tableau de la péritonite suraiguë , débutant parfois très peu d’heures après l’introduction des microbes morts; tantôt celui de l’intoxi- cation plus ou moins lente et souvent mortelle, sans qu’on puisse, comme lors des injections sous-cutanées, analyser les termes intermédiaires. Les injections intramusculaires sont encore moins instructives; rappelons, en passant, le mauvais pronostic qui s’attache à une résorption trop rapide de la tuméfaction fessière (ubi supra — microbes tués par l’ammoniaque). Réaction générale. — Elle revêt l’apparence d’une intoxication générale injustifiée, de même que la réaction locale représente une intoxication locale hors de proportion avec la dose introduite. Son intensité dépend, avant tout, de Ja voie employée, puis du nombre et de la toxicité des germes morts. Moins le mode d’injection sera sévère, et plus on verra se relâcher les liens qui unissaientla réaction générale à la réaction locale. Nous savons bien que,lorsdes injections sous-cutanées, les deux phénomènes ont perdu toute connexion forcée. Développement ou réveil d’une infection étrangère. — Nous entrons ici dans le domaine des phénomènes secondaires de l’ hypers., phénomènes dont nous chercherons bientôt l’explication. 2. Hypersensibilité vis-à-vis des germes morveux morts, engendrée par les germes morveux vivants. Ce second type d’hypers, estdéjà plus complexe que le pre- mier, à la lumière duquel nous pensons cependant le faire com- 822 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR prendre cl une façon satisfaisante. Nous avons passé en revue tous les aspects qu’il peut présenter, dans le chapitre : « Injec- tion de Mas sous la peau des cobayes hypers, par les microbes vivants » ; inutile d'y revenir. Causes de f hyper sensibilité . Nous allons démontrer que les causes apparentes (et, par- tant, la cause réelle) sont les mêmes cjue pour l’hypers. due aux germes morts. Quand il s'agit d’animaux qui ont reçu les bacilles vivants a dose inoffensive, il est permis de négliger, théoriquement, le développement, bien limité, de ces microbes et de les assimiler au virus mort. Comme, d’autre part, de tels bacilles offrent leur toxicité maxima (ubi supra) , on conçoit que, pour déterminer l'hypers., il en faille bien moins que dans le cas de germes tués in vitro. — Quand il s’agit d’ani- maux guéris de l’infection morveuse, la végétabilité du virus a joué son rôle, lequel consiste simplement à multiplier Je stock « d’endotoxine ». Nous n’avons, cela va sans dire, aucun moyen d’évaluer ce dernier, mais, qualitativement, le phéno- mène se comprend aussi bien que lorsqu’on a affaire à des doses moffensives de bactéries vivantes ou à des bactéries mortes. — Enfin, quand il s agit d animaux infectés, la végétabilité con- tinue son œuvre après l’injection des microbes morts. Effets de V hypersensibilité. Dans ce dernier cas, la réaction locale s’est toujours montrée anormale (et presque toujours violente) ; il ne pouvait en aller difïéremment. Dans les deux cas précédents, l’hypers. avait parfois disparu au moment où on éprouvait le sujet; ou bien, dis- paraissait après la première (ou la seconde) injection; ou bien encore, continuait à se manifester indéfiniment (l’hypers. due aux germes morts s étant d’abord greffée sur l’hypers. due aux germes vivants, puis s’y étant substituée sans transition appré- ciable), tout cela cadre admirablement avec l’idée d’anticorps. Nous savons que certains sujets, cliniquement guéris de la morve, recèlent des bacilles spécifiques en quelque coin de leur organisme et que ces bacilles a sortent » après une première, tout 823: MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE au plus une seconde injection de virus mort. Comment expliquer ce réveil des lésions morveuses latentes , éventuellement suivi de « métastases »? Pour tâcher d’y arriver, examinons d’abord un cas plus simple (ressortissant au premier type d’hypers.), celui des cobayes chez lesquels on introduit deux fois Mae sous- la peau, la seconde fois avant que les phénomènes locaux, consécutifs à Pinjection précédente (pratiquée loin de là), aient complètement rétrocédé. Le nodule induré, qui représente le- dernier vestige de cette injection, devient alors le siège d’une- réaction à distance , d’intensité variable, mais que nous avons toujours vue se terminer par résorption. Ce nodule, ce (( gros tubercule morveux artificiel », pourrait-on dire, contenait donc un excès d’anticorps spécifiques, et ces anticorps ont reagi au passage des substances bacillaires venues du point de la seconde injection. (Les substances bacillaires en question n’ont aucun caractère mystérieux ; elles constituent une malléine véritable , fabriquée, loco lœso , par décoagulation des corps micro- biens introduits sous la peau — nul doute, à nos yeux, que l’expérience ne réussisse aussi bien en s adressant directe- ment à la malléine pour la seconde injection.) — Envisageons, maintenant, le cas d’animaux guéris d’un abcès d inoculation virulente, mais encore porteurs d’un petit ganglion inguinal, qui s’enflamme et peut suppurer après administration, à distance, de bactéries mortes (pu de malléine). Ce ganglion ne diffère de notre (( tubercule morveux artificiel » de tout a 1 heure que par la présence éventuelle de quelques microbes vivants, il c ontient donc un excès d’anticorps, susceptible de déterminer, comme tout à l’heure, une réaction plus ou moins forte; pourquoi cette réaction est-elle suivie de multiplication du virus intragan- glionnaire, voire de généralisation? On répondra, sans doute, que : « réaction intoxication » et que : « intoxication paralysie des défenses de l’organisme ». Cette explication , d ordre general , ne tient aucun compte d’autres mécanismes favorisants possibles, de nature spécifique ; nous y reviendrons bientôt. Citons, enfin, (bien qu’il ne rentre pas dans ce chapitre), un troisième cas, fort intéressant lui aussi, et ne différant du premier qu en ce qu’on inocule des microbes vivants sous la peau des cobayes incomplètement guéris d’une injection antécédente de microbes morts; ici encore, le « tubercule morveux artificiel » s enflamme 824 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR très nettement (puis se résorbe.) Le virus « vivant » n’a agi dans ce cas que par les germes déjà morts qu’il contenait, détruits trèS affaiWis’ que r°rganisme a rapidement Ce qui précédé explique facilement la « sortie » du virus observee chez les animaux pseudo-guéris. Mais pourquoi cette « sortie » succède-t-elle parfois à une réaction locale tout à tait normale ? Evidemment parce que, dans ces cas, la différence numérique entre les anticorps en circulation et ceux contenus dans les lésions latentes atteint le maximum. Faut-il croire que cette différence s’intervertit complètement chez les cobayes infectes, ou la maladie ne semble point modifiée dans son cours, bien qu une réaction locale très marquée soit de règle? Rien ne justifie une telle hypothèse, tandis que tout porte à admettre que la quantité de « malléine (on sait comment nous entendons ici ce mot) », arrivant aux lésions, demeure ici tout à tait négligeable par rapport à celle qu’elles contenaient déjà. Passons au réveil et au développement des infections étrangères. souvent observés après injection de bacilles morts, chez les sujets hypers, par les bacilles vivants. On considérera, probablement, le réveil fréquent des infections étrangères comme une preuve de plus en faveur du rôle exclusif de 1 intoxication dans le réveil de l’infection homologue, et comme une preuve de moins, par conséquent, en faveur du rôle de mécanismes spécifiques; nous n’aborderons point, aujour- < lui, la question de savoir en quoi peuvent consister de tels mécanismes, mais la possibilité d’actions spécifiques (au sens cknmque et non biologique du mot, ainsi que nous avons cou- tume de l’entendre), nous paraît résulter, au contraire, de examen raisonné des faits dont nous nous occupons. Ne savons-nous pas que le bacille de Malassez et Vignal peut vacciner contre la morve et fournir (d’après Cagnetto) une « pseudo-tuberculine » susceptible de provoquer la réaction " sPeclfi(lue » chez les chevaux morveux ; n’avons-nous pas vu egalement que le pseudo-pneumocoque confère aux cobayes une résistance incontestable vis-à-vis de la morve? Ces deux germes contiennent donc ou bien certaines substances identiques a celles que contient le bacille morveux (mais ils les contiennent alors en moindre proportion), ou bien des substances chimi- MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 825 quement très voisines. Et, justement, ce sont ces deux germes qui « sortent » au cours de l'hypers. morveuse! Quant au développement de Ici pseudo-tuberculose et de la maladie du nez dans les mêmes circonstances, il ressortit évidemment aux actions favorisantes dont nous venons de poser le problème pathogénique; mais ces actions s'exercent ici sur les germes qui franchissent, à chaque moment, les barrières épithéliales. 3. Hypersensibilité vis-à-vis des germes morveux vivants, engendrée par les germes morveux vivants. Il s’agit, on ne l’a pas oublié, des animaux traités par le virus vivant à dose inoffensive et manifestant, à un moment donné, de l'hypers. sous des formes variées. Les causes de cette hypers, sont les mêmes que dans le type 2. Quant aux effets , leur physionomie va nous éclairer de suite sur leur nature. Voyons d’abord ce qui concerne la réaction locale. Si l’on répète les inoculations sous-cutanées de bacilles morveux, on peut noter 1 apparition de petits nodules transitoires, inconnus chez les témoins neufs, voire de petits abcès fugaces. Ces phénomènes ne sont point difficiles à comprendre. Nous savons que les germes vivants, administrés à dose inoffensive, se comportent, pratiquement, comme les germes morts; en présence des nodules dont nous venons de parler, qui pourrait dire si les microbes injectés étaient, ou non, en vie? Nous connaissons, d’autre part, l’influence favorisante de l’hypers. sur l’infection; comment s’étonner alors de l’apparition possible de petits abcès, après inoculation d’un nombre de bactéries indifférent pour un sujet normal? Quand on répète les injections intrapleu- rales (et, sans doute aussi, intrapéritonéales), l'hypers. peut se traduire par des accidents suraigus, dont le caractère essentiel- lement toxique ne saurait faire aucun doute; qui pourrait encore reconnaître ici, cliniquement et anatomiquement, la nature, vivante ou non, du virus introduit dans la séreuse? Passons à la réaction générale. Elle ne se révèle point toujours par des phénomènes aussi brutaux que ceux dont nous venons de parler; loin de là, car les intoxications moins rapides (et même lentes) répondent à la majorité des cas d’hypers, mor- telle ; dans ces cas, les germes ont constamment disparu bien avant la terminaison fatale. 826 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nous venons de voir que, chez les animaux hypers., le virus, introduit à dose inoffensive, pouvait se développer in situ (abcès bénins ); on se souvient qu’il peut également, dans certains cas, déterminer des métastases (farcin curable). L’histoire de ces accidents est pleine d’intérêt, car elle nous montre tout d’abord ] hypers, intervenant pour transformer une dose non infectante en une dose plus ou moins fortement infectante, puis la résis- tance du sujet entrant secondairement en scène pour annihiler les conséquences de l’hypers.; comment ne pas sentir claire- ment, derrière ces péripéties, le jeu successif d’anticorps oppo- sés. (Cf. plus loin, chapitre Immunité.) (Inutile d’insister sur le réveil ou le développement d’infections étrangères , dans le type d’hypers, qui vient d’être étudié). ■L Hypersensibilité vis-à-vis des germes morveux vivants, engendrées par les germes morveux morts. Qu arrive-t-il, lorsque l’on inocule, à un sujet hypers, par les microbes morts, une dose inoffensive de microbes vivants? Nous ne trouvons, dans nos notes, aucune expérience répondant net- tement à cette question, mais il nous sera facile de combler ce vide ultérieurement. 5. Hypersensibilité vis-à-vis des germes morveux morts, engendrée par les germes étrangers vivants. Etant donnée la parenté chimique que nous avons admise entre le bacille morveux d’une part, le bacille de M. et Y. et le pseudo- pneumococjue de l’autre, les causes de cette hypers, sont certai- nement superposables aux causes qui régissent le second type d hypers, décrit plus haut. Quant au x effets, nous les avons indi- qués ailleurs avec détails. (Voir : maladies « spontanées » des cobayes) ; inutile d’y revenir. Borrel a démontré jadis que les cobayes tuberculeux sont hypers, vis-à-vis de la malléine, introduite dans le cerveau; nous avons constaté depuis qu’ils sont également hypers, aux bacilles morveux morts, introduits dans le tissu cellulaire. Répétant l’expérience de Borrel, avec des doses inoffensives de malléine et un sérum supposé « anaphylactisant », nous avons pu obtenir des résultats qui méritent d’être rapportés ici. MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 827 On prend 4 cobayes de même poids, deux tuberculeux (depuis 28 jours) et deux sains, et on les traite comme il suit : Cobaye 4, tuberculeux. — Reçoit, dans chaque hémisphère cérébral : 1(H c. c. de solution de « malléine précipitée » (solution indiquée à propos de l’animal C) -f- 1(H c. c. de sérum d'un lapin qui avait reçuy dans le péritoine, 147 c. c. de malléine (voir Y appendice qui termine ce travail). Cobaye 2, tuberculeux. — Reçoit, dans chaque hémisphère : 1(H c. c. de solution de malléine + KH c. c. de sérum normal de lapin. Cobaye 3, sain. — Traité comme 4. Cobaye 4, sain. — Traité comme 2. Le premier cobaye meurt dans la nuit (aucune lésion cérébrale à l’autop- sie) ; les autres demeurent en bonne santé. Cette expérience semble bien prouver que l’hypers. vis-à-vis des produits morveux se trouve liée à la présence d’anticorps; elle prouve, naturellement aussi, combien ces anticorps sont difficiles à mettre en évidence. 6. Hypersensibilité vis-à-vis des germes étrangers vivants, engendrée par les germes morveux morts. Elle est comparable au 4e type d’hypers, et peut s’observer à la suite d’uné seule injection de bacilles morveux morts. Rap- pelons quelques exemples : péritonite à microbe de Malassez et Yignal, après injection intrapéritonéale de germes morveux tués par le chloroforme ou F alcool-éther — périt, à ps. -pneumo- coque, après injection intrapéritonéale ou intramusculaire de germes morveux morts — développement de la pseudo-tubercu- lose ou de la maladie du nez, après injection de ces mêmes germes par une voie quelconque. Le mécanisme de ce 6e type d’hypers, se déduit, sans difficulté, des mécanismes déjà connus ; inutile d’insister. Inutile d’insister, non plus, sur deux autres types d’hypers. : hypers, vis-à-vis des germes morveux vivants engendrés par les germes étrangers vivants et vice versa. Nous conclurons, pour terminer ce chapitre, que, malgré ses apparences inextricables et ses multiples modalités, l liypers. se traduit toujours par deux phénomènes irréductibles : l’un primaire et constant , la réaction anormale vis-à-vis des produits bactériens (que ceux-ci se présentent sous la forme de liquides du type 828 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR malléine, de microbes morts ou de microbes vivants), l’autre secondaire et inconstant , le coup de fouet donné à l’ infection latente ou à l « infection virtuelle ». Nous considérons la première comme manifestant, à nos yeux, la présence d’anticorps particuliers et spécifiques et nous ne saurions concevoir le second comme vrai- ment indépendant d actions également spécifiques. Peu importe 1 espèce des germes vivants ou morts ainsi que leurs diverses combinaisons, pourvu qu’il existe entre eux une parenté chimique suffisante. IMMUNITÉ Nous avons prouvé, dans ce travail, qu’il était possible d’immuniser les cobayes contre la morve — ce qui constitue un fait important et absolument nouveau — et nous avons montré egalement que cette immunisation pouvait être obtenue de trois façons differentes : en réitérant les injections de microbes morts (à dose moffensive) ; en réitérant les injections de microbes vivants (à dose également inoffensive); enfin, en inoculant (une seule fois) les microbes vivants à dose infectante, de telle manière que la maladie guérisse sans encombre. Nous avons établi, parallèlement, que le premier moyen est le moins bon, que le troisième est le meilleur et que le second tient le milieu entre les deux autres (ce que l’on aurait prévu d’avance, puisque les germes vivants, administrés à dose inoffensive, participent des propriétés du virus vivant et de celles du virus mort). On aboutit donc à cette constatation inattendue, savoir que le vaccin le plus dangereux en apparence est encore le meilleur de tous. En effet, avec les bacilles morts, le traitement dure très longtemps et presque tous les animaux disparaissent au cours de l’immu- nisation, succombant, pour la plupart, à des infections étrangères ; avec les bacilles vivants, employés aux doses inoffensives, la statistique n est point aussi mauvaise, mais le «rendement» ne justifie toujours pas le mai que l’on s’est donné ; avec les bacilles vivants, administrés à dose infectante, on obtient, au contraire, à peu de frais et parfois rapidement, une parfaite immunité' Malheureusement, ce dernier procédé ne comporte, il est aisé de le comprendre, qu’une certitude fort relative, puisque Von joue exclusivement ici sur des sensibilités limites. r Gomment interpréter les différences de valeur de nos trois méthodes de vaccination? Fort simplement : par des différences MORVE EXPÉRIMENTALE DU CORAYE 829' dans le degré de l’hypersensibilité engendrée. Plus on injecte de masses bacillaires et plus on rend les animaux vulnérables ; or, quand on tente de substituer, en vertu d’une prudence très légitime, les germes morts aux germes vivants (ou les germes vivants à faible dose aux germes vivants à dose offensive), on se trouve dans la nécessité d’augmenter notablement ces masses bacillaires. Ceci nous amène à indiquer de quelle manière nous nous représentons les rapports qui unissent V hypers, à V immunité. Pour nous, toutes les fois que l’on « immunise » un cobaye contre la morve, il se forme, parallèlement, dans son organisme (bien qu’en proportions variables selon les cas), des substances anti- microbiennes et des substances présidant à V hypers. — ou, pour employer le langage des téléologues, de «bons » et de «mauvais » anticorps. Connaissant les conditions déterminantes de l’hypers, ( ubi sufra ), nous pourrons limiter la production de ces derniers ; il n’est point démontré, à l’heure actuelle, que nous soyons capables de l’empêcher, sans entraver, du même coup, la for- mation des autres. Si , à la suite de «l’immunisation », les « mauvais » anticorps prédominent , les cobayes, après avoir réagi anormalement à l’épreuve par les microbes morts (1 centigramme Mae sous la peau), ne résisteront pointa l’épreuve parles microbes vivants. (Il ne semble pas qu’ils meurent plus vite que les témoins et l’on ne saurait guère s’en étonner, car la gravité de l’infection morveuse suffit pour niveler, dès le début, toutes les différences préexistantes de sensibilité). Inutile d’attendre la fin de l’hypers. pour pratiquer l’épreuve virulente, les « bons » anticorps ayant disparu, bien entendu, avant les « mauvais ». Si, à la suite de « l’immunisation », les « bons » anticorps prédominent , ils demeureront seuls à un moment donné et alors les cobayes, après avoir réagi normalement à l’épreuve par les microbes morts, résisteront à l’épreuve parles microbes vivants. Il n’y a même pas besoin d’attendre la fin de l bypers., car les animaux, après avoir réagi anormalement à l’épreuve par les microbes morts, résisteront parfaitement à l’épreuve par les microbes vivants. 11 est à remarquer que, lors- de celle-ci, l’hypers. continuera parfois à se manifester par une évolution plus rapide des lésions initiales. On va nous demander, immédiate- 830 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ment, si, étant donnés deux cobayes « immunisés » tous les deux et hypers., nous pouvons distinguer celui où prédominent les « bons » anticorps de celui où prédominent les « mauvais ». Nous avouons être incapable d’un tel diagnostic, mais le fait que des sujets hypers, puissent résistera l’infection n’est point exceptionnel (nous en avons en ce moment, sous les yeux, des exemples qui seront publiés ultérieurement) et ne saurait s’ex- pliquer autrement que par une prédominance des substances antimicrobiennes sur les substances qui déterminent l’hypers. Ces deux ordres de substances sont donc parfaitement indépen- dantes les unes des autres et agissent aussi indépendamment. Et un animal hypers . peut être non seulement un anima Iguéri , mais encore un animal vacciné l En attendant que l’on ait des moyens de reconnaître si, •derrière l’hypers., se cache ou non un état réfractaire (nous tenterons d’y parvenir par des procédés scientifiques, mais l’étude serrée de chaque cas donne déjà les plus grandes probabilités, la pratique aidant ), nous conseillons d’attendre la fin de l’hypers. (injections de Mas) pour éprouver les cobayes supposés immuns. La vaccination contre la morve est donc assez difficile à obtenir — moins cependant avec les jeunes sujets qu’avec les adultes — et l’hyperimmunité n’a pu être poussée jusqu’ici au point d’engendrer des sérums doués d’une réelle activité. Nous ne reviendrons point sur les immunités locales et nous nous contenterons de rappeler les curieux effets de l’ingestion de malléine. Tout ce qui précède a ivoiiihY immunité antimicrobienne. V im- munité antitoxique ne parait pas d’une réalisation facile, mais nous ne possédons pas de documents assez précis pour en parler utilement. APPENDICE EXPÉRIENCES DIVERSES FAITES SUR DES ANIMAUX AUTRES QUE LES COBAYES Nous avons entrepris, soit depuis 4 ans, soit auparavant, un certain nombre de recherches sur la morve expérimentale de divers animaux; nous ne relaterons ici que les plus intéres- santes, afin de ne pas allonger démesurément ce travail. MORVE EXPÉRIMENTALE DU CORAYE 831 EXPÉRIENCES SCR LES LAPINS Notre désir était d’étudieê la morve du lapin, parallèlement à celle du cobaye, mais nous avons dû y renoncer assez vite, après plusieurs tentatives, devant la fréquence croissante des épidémies de « maladie du nez (des lapins) ». Voici, toutefois, quelques documents qui pourront être utiles aux chercheurs : ils ont trait à l’infection par le virus M (voie sanguine et voie abdominale), aux injections de malléine (dans les veines et dans le péritoine) et aux propriétés du sérum des sujets traités , à plu- sieurs reprises, par les microbes vivants ou la malléine. Injections intraveineuses de virus M. — KD3 a toujours été sup- porté sans dommage . 10 2 a déterminé parfois l'apparition de quel- ques pustules transitoires des oreilles et, dans la majorité des cas. la mort en 30-40 jours (intoxication-organisme stérile). 1 cen- tigramme (observation unique) a tué en 15 jours, par intoxica- tion; 5 centigrammes, en 12 à 26 heures, avec diarrhée profuse habituelle et précoce (fertilité inconstante du sang); 5 centi- grammes de virus C, au contraire, ont régulièrement fait périr les animaux dans la nuit (diarrhée inconstante), et le sang donnait d’abondantes colonies sur gélose. Nous n’aborderons point ici l’étude de la toxicité des bacilles morveux pour l’orga- nisme du lapin ; disons seulement qu’elle est très marquée. Un sujet, qui avait résisté à KD2 (toujours virus M), réino- culé 23 jours plus tard avec 1 centigramme, a succombé en 8 jours (organisme stérile) ; d’autres animaux, qui avaient également résisté à 1 0 2 , n’ont pu recevoir une seconde ou une troisième. injection de KL2. En 1891-1893, nous étions chargé d’entretenir la virulence du bacille de la morve, destiné à la préparation de la malléine, par des passages exclusifs dans les veines des lapins. Le virus, déjà adapté à cette espèce avant notre intervention, tuait rapidement les sujets inoculés (même avec de faibles doses) et le sang, ainsi que les viscères de ces sujets fournissaient des cultures abondantes et régulières sur les milieux ensemencés. Depuis un certain nombre d’années, le regretté Dr Momont, changeant d’animal de passage, s’était adressé (comme nous l’avons dit, au début de ce travail) à l’infection intrapéritonéale en série, chez les cobayes mâles. Il en est résulté une diminu- 832 ANNALES b E L’INSTITUT PASTEUR tion de virulence très notable vis-à-vis des lapins; et cette diminution a dû se produire assez vite, car les cultures de morve (de passage) que le docteur Mormont nous envoyait jadis à Constantinople étaient déjà fort peu actives pour ces animaux. A tel point que la première fois, ignorant le nouveau mode d entretien de la virulence employé à l lnstitut Pasteur, nous avions incriminé, à tort , la race de lapins inoculée. Les détails qui précèdent nous ont paru intéressants à rapporter, étant donné qu’on a rarement l’occasion de suivre les péripéties d’un même virus pendant tant d’années. Injections intrapéritonéales de virus M . — 1 centigramme est très bien toléré dans la majorité des cas; on peut même doubler la dose àla seconde inoculation et répéter, au moins deux fois, l’injection intra-abdominale de 2 centigrammes. En voici la preuve. Un lapin, de 2050 gr., reçoit 1 centigramme dans le péritoine: émaciation transitoire. Après 14 jours, on injecte 2 centigrammes : aucun effet. Après 19 jours, on recommence: émaciation transitoire. Après 18 jours, l’animal ayant repris son poids normal, on le saigne à blanc pour étudier les pro- priétés de son sérum. (Le sérum des lapins normaux agglutine encore notre émulsion [ubi- supra à KH, limite]; il ne coagule pas , à lQ-i, nos extraits microbiens ni notre solution de malléine.) Le sérum du lapin, dont nous venons de résumer l’observation, aggluti- nait très bien à 2-10-2 (limite 10-2 ); il précipitait les extraits microbiens au 25e (limite) et la solution de malléine à 10-* (moyennement); il n’a mon- tré aucune propriété vaccinante (injecté préventivement à forte dose ou mêlé au virus) vis-à-vis des cobayes. Pas plus que nos devanciers, nous n’avons observé déloca- lisations génitales, chez les lapins inoculés dans le péritoine. Injections intraveineuses de malléine (brute; diluée suffisam- ment pour éviter les inconvénients dus à la glycérine). — Les animaux en supportent, sans dommage, 2 c. c. Injections intrapéritonéales de malléine. — En procédant avec ménagement, on arrive à faire tolérer aux lapins des doses énormes de malléine (brute), sans même se donner la peine de l’étendre d’eau physiologique. Exemple, l’observation suivante : Un lapin, de 3040 grammes, reçoit dans le péritoine, U7 c. c .demal- léine; du 7. 5. 03 au 23. 3. 01. Cet animal arrive à supporter, sans autre conséquence qu’une émaciation modérée et transitoire, jusqu’à 15 c.c. de MORVE EXPÉRIMENTALE DU CORAYE 833 malléine brute administrés en une seulo i-me n ^ .après la dernière injection, pour étudier les n^e.sa^ne a«bIanc; 7 jours sérum rï agglutine pas plus que le sérum nnm/i °Pne GS d un troisième virus « inac- tué ces IC T™ 68 S°UnS ; rien ne dit W* n'aurait pas tue ces an maux dans le péritoine (à la manière du virus C) ■ cette restriction était utile à faire C) ’ par LT rdUer°nS d°nC qUe leS deux P^positions, émises pa Léo, ne sauraient être maintenues désormais. V,RULENCE C°MPARÉE DE 3 ™™s de BAc.LLE morveux pour le lapin, la souris et le cobaye Nous nous trouvons donc avoir étudié, au point de vue de de^Ms^Ï de°lïPrf°t p8'à’ViS de3 esPèces de rongeurs, le virus ses deux stades . « passage parles lapins »> et « passage par les 18927et ’ virus d’°rigine é<ïui ne directe (« second virus » B . et virus C). Bien que toutes nos études n’aient pas été ceSuTnous00 ^ "^T'08 de dosa§'e Prises (comme que nous employons depuis 4 ans), les résultats obtenus P"86" SUffiSamment nets P°ur mériter d’être mis en MORVE DE PASSAGE lapins).ÉChantm°n’ étUdié en.1891'92 (aU WOment dcs Passages par les Tiès virulent pour les lapins. Tiès virulent pour les souris. Tiès virulent pour les cobayes- 2e Echantillon (ayant passé, pendant plusieurs années nar les .- , eUeZtir ^ ^ A ce moment : 836 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Peu virulent pour les lapins. Avirulent pour les souris. Encore bien virulent pour les cobayes. (Un certain nombre d’expériences ont été faites, en 1902-1906, pour com- parer le virus M au virus m [de même origine, mais de virulence intacte ubi supra].) ■ i'- ' ’ , + MORVE VENANT DIRECTEMENT DU CHEVAL 1er Échantillon, isolé et étudié en 1891-92. Inoffensif pour les lapins. Très virulent pour les souris. Très virulent pour les cobayes. 2e Échantillon, isolé en -1900 (Constantinople). Virus C. Conserve de 1900 à 1906, de façon à maintenir sa virulence intacte. Moyennement virulent pour les lapins. Moyennement virulent pour les souris. Très virulent pour les cobayes. . (En dehors de ces deux virus , nous avons eu l’occasion d en inoculer mais non systématiquement - un grand nombre, de 1891 à 1906, soit à Paris, soit à Constantinople, aux cobayes, aux lapins et [plus rarement] aux souris.) Voici maintenant — au point de vue de la virulence de la morve pour les rongeurs —l’impression générale que nous avons retirée de l’ensemble de nos recherches, consignées ou non dans ce travail. Il semble que les bacilles morveux, venant du cheval, soient ordinairement actifs (±) vis-à-vis des cobayes; actifs (±) vis-à-vis des souris; peu ou point actifs vis-à-vis des lapins — qu’aprcs passages répétés par les cobayes (avec cul- ture entre chaque passage), ces mêmes bacilles n’augmentent point de virulence pour les cobayes (comparaison des résultats fournis par la culture m, en 1902-06, avec les résultats fournis par le virus de passage, en 1891-92); en diminuent pour les lapins et, plus encore, pour les souris — qu’après passages répétés par les lapins (avec culture entre chaque passage], ils deviennent plus actifs, en même temps, vis-à-vis des lapins, des cobayes et des souris — enfin, qu’après quelques passages par les souris (sans culture entre chaque passage), ils acquièrent une plus grande virulence pour les cobayes. A cette impression, que nous ont suggérée nos études, nous souhaitons que d’autres substituent la note précise des lois qui régissent, pour le bacille morveux, les modifications qualitatives de l’adaptation parasitaire. Aucun sujet de bactériologie générale ne MORVE EXPÉRIMENTALE I)U COBAYE 837 saurait être plus intéressant et. certainement aussi plus utile, EXPÉRIENCES SUR LES BOVIDÉS ET LA. CHÈVRE Divers auteurs (Prettner, Galtier et Nicolas...) ont traité les bovidés par des injections jcépétées^de virus morveux, sans que le sérum de ces animaux ait jamais acquis la moindre propriété thérapeutique. Nous avions fait jadis, de notre côté, le regretté Adil-bey et nous, une série d’expériences analogues, avec des résultats aussi peu satisfaisants. Un point à mentionner, c’est que si, dans ces expériences (inoculations intraveineuses), on ne va pas assez prudemment, un certain nombre de sujets périssent par intoxication. Le sérum d'une jeune chèvre , qui avait reçu la valeur glo- bale de 4 grammes Mae s’est montré dépourvu de toute efficacité. EXPÉRIENCES SUR LES POULES Le sérum d’une poule, qui avait reçu, en plusieurs fois, dans le péritoine, la somme totale de 36 géloses de virus M vivant (soit environ 1 gr. 62), n’a point manifesté non plus de pouvoir thérapeutique. Nous n’avons jamais pu (avec le Dr Morax). transmettre la morve aux poules (inoculations intraveineuses), même en leur faisant ingérer pro die , jusqu’à 38 jours de suite. 1 gr. 30 de phlorhydzine. Par contre, nous avons vu mourir d’intoxication des poules qui n’avaient reçu, en plusieurs séances, que des doses relativement faibles de bacilles morveux (une fois, 3 géloses seulement de virus M. soit environ 13 centigr. 3) par la voie abdominale. Pans, Avril 1906. ET DES LÉSIONS QU’ILS PROVOQUENT Par P.-F. ARMAND-DELILLE (Travail du laboratoire de M. Delezenne, à l’Institut Pasteur.) (Avec la pi. XXXI.) La découverte des sérums hémolytiques par Bordet, puis les beaux travaux de M. Metchnikoff sur le sérum spermotoxique ont, dans ces dernières années, particulièrement attiré l’atten- tion des biologistes, et orienté leurs recherches vers l’obtention d autres cytotoxines par la préparation d’animaux, au moyen d injections de pulpe de différents organes. C est M. Delezenne qui a réussi à obtenir le premier un sérum névrotoxique efficace : il en a indiqué un mode de pré- paration facile et dans une série d’expériences très complètes, étudié en détail le mode d’action chez l’animal injecté. • Lans un mémoire publié dans ces Annales1, cet auteur montrait, en effet, que par des injections répétées de substance cérébrale lavée et broyée, on peut obtenir un sérum qui, injecté directement dans les centres nerveux, provoque chez l’animal des symptômes convulsifs ou comateux suivis de mort dans 1 espace de quelques heures. Après une série d’essais, et par- tant de ce principe que l’on obtient d’autant plus facilement des cytotoxines pour une espèce donnée, qu’on s’adresse à une autre espèce plus éloignée dans la série animale, Delezenne produit, par 1 injection de cerveau de chien au canard, un sérum névrotoxique très actif pour le chien. Au cours de ses essais, il avait observé ce fait, que la préparation de certaines espèces animales est fort difficile, parce que l’injection sous-cutanée ou 'ntraperitoneale de substance nerveuse provoque chez elles de véritables phénomènes d’intoxication, suffisants pour amener la moit soit dès la première, soit après la seconde ou la troisième Delezenne> érums névrotoxiques, Annales de V Institut Pasteur , 1900» SÉRUMS NÉVROTOSÏQUES 339 injection; ainsi se comporte le lapin pour le cerveau de chien. C’est à cause de ces idiosyncrasies que MM. Enriquez et Sicard’, essayant d’obtenir un sérum névrotoxique du lapin au chien, n’avaient pu pousser leur préparation assez loin pour obtenir un sérum très actif. Ravenna 1 2 paraît s’être heurté à des difficultés du même genre. Au contraire Centanni 3 a obtenu un sérum névrotoxique chez une brebis ayant reçu pendant 7 mois des injections intrapéritonéales d’émulsion de cerveau de lapin. Ce sérum tuait le lapin en 48 heures, à la dose de 1/2 c. c. en injection intracérébrale, tandis qu’il était absolument inoffensif en injection intra-veineuse. Par contre, en répé- tant ces injections intra-veineuses, on pouvait provoquer la formation d’une antinévrotoxine. Parmi les travaux confïrmatifs de ceux de Delezenne, le plus intéressant est sans contredit celui de Pirone4; ce dernier a obtenu, avec du sérum de canards préparés par la méthode de Delezenne, des résultats absolument identiques. Il n’a fait, il est vrai, qu’un petit nombre d’expériences, mais dans toutes il a eu les phénomènes nerveux caractéristiques ; de plus, il a fait l’étude histologique du cerveau d’un chien injecté avec du sérum névrotoxique et mort 10 heures après l’injection : il a constaté dans ce cas une congestion vasculaire intense de l’encéphale, avec formation de manchons de leuco- cytes autour des vaisseaux sanguins, ainsi qu’une chromatolyse extrêmement marquée des cellules nerveuses, accompagnée de figures de neuronophagie. Chez les chiens qui avaient reçu du sérum d’animal neuf, au contraire, il n’y avait pas d’altératiorls appréciables, tout au plus pouvait-on constater une chromato lyse discrète de quelques cellules avec pénétration de cellules névrogliques dans certaines d’entre elles. Dans les recherches personnelles que nous avons entre- prises sur ce sujet, nous avons commencé par pratiquer des 1. Enriquez et A. Sicard, Sérums névrotoxiques. Soc. de Biol., 3 nov. 1900. 2. Ravenna, Osservationi intorno ai sieri eitotossici con spéciale riguardo a neurosiero. Riforma médica. Vol. II, 1902. 3. Centanni, Le neuro-sérum. Riforma médica. 7 nov. 1900. 4. Pirone, Des neurolysines. Archives russes des sciences biologiques. T. Xt Septembre 1903. 840 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR injections de substance cérébrale de chien chez diiférentes espè- ces animales. r Dans une première série d’expériences, nous avons préparé es oies et des canards en suivant la méthode indiquée par elezenne et obtenu des résultats absolument confirmatifs des TT- fn faiSant deS inJections intrapéritonéales d’émulsion e o a 0 grammes de substance nerveuse, à des intervalles de 10 jours, nous avons obtenu, après 4 ou 8 injections, chez des oies et des canards, des sérums névrotoxiques pour le chien en injection intracérébrale, à des doses d’environ 0,5 (un demi) c. c. par kilogramme d’animal. Au cours de ces expériences nous avons eu l’occasion de constater, comme tous les auteurs qui ont cherche a produire des cytotoxines, que différents indi- vidus de la même espèce réagissaient très inégalement; aux injections de matière nerveuse, fait qui est d’ailleurs à rappro- e ver de ce qu’on observe pour la préparation des sérums anti- oxiques et en particulier des observations faites chez le cheval» dans la préparation du sérum antidiphtérique. Chez certains de nos animaux, il nous a été impossible d’obtenir des propriétés nevrotoxiques réellement manifestes, même en dépassant sen- siblement les doses habituellement efficaces. Signalons à ce propos que dans une autre série d’expériences, portant sur des poules, nous n avons réussi dans aucun cas à provoquer dans eur sérum 1 apparition de névrotoxines nettement actives. , N°US !VOns cherche: ensuite s’ü était possible d’obtenir des sérums nevrotoxiques au moyen des mammifères, et nous avons successivement expérimenté la valeur du mouton, du l^pin et du cobaye. ,, Disons tout de suite que si ce dernier animal nous a donné xcellento résultats, il n’en a pas été de même des deux pre- miers : la trop grande -toxicité de la substance cérébrale du o lien, pour ces animaux a d’ailleurs été, vraisemblablement, la seule cause de nos insuccès. Chez 3 moutons, nous avons suc- cessivement pratiqué des injections sous-cutanées ou intra- peritoneales de substance nerveuse de chien. Bien que nous n ayons employé que des doses relativement faibles (15 à , Sramrnes de matière nerveuse dans 100 grammes d’eau pi ysio ogique pour un animal de plus de 30 kilogrammes) et u injections fussent espacées de 10 jours, la mort est SÉRUMS NÉVROTOXIQUES 841 survenue après la 2e ou la 3e injection, sans que nous ayons pu prélever de sérum pour en étudier les propriétés. Nous avons également pratiqué des injections de très faibles doses (1 gramme par kilogramme) de substance nerveuse à plusieurs séries de lapins, en espaçant les injections de 3 jours; nos animaux sont cependant morts après la 2e ou la 3e injection, sans que nous ayons pu examiner leur sérum. Cette sensibilité du lapin avait déjà été signalée, nous l’avons dit plus haut, par Enriquez et Sicard. Le cobaye, au contraire, nous a donné de fort bons résul- tats, avec une technique peu différente de celle que nous venons d’exposer. Certaines difficultés se seraient sans doute présentées pour ce dernier animal, si nous avions voulu procéder par injections à doses massives comme pour le canard et l’oie; aussi avons- nous essayé d’emblée la méthode des injections de petites doses fréquemment répétées, méthode qui avait donné de très bons résultats à MM. Demoor et van Lint, dans la préparation d’un sérum antithyroïdien U C’est à cette méthode que nous nous sommes définitivement arrêté pour l’obtention d’un sérum névrotoxique. : Yoici comment nous procédons : Un chien adulte, normal, est saigné à blanc par la carotide. Aussitôt après la mort, l’encéphale est prélevé aseptiquement par ouverture de la boîte crânienne et incision de la dure-mère. La substance cérébrale, le cervelet et le bulbe sont débar- rassés de leur pie-mère, coupés en morceaux, lavés à plusieurs reprises à l’eau salée physiologique stérile, pour entraîner le sang qui aurait pu rester, puis broyés avec les précautions d’asepsie nécessaires, dans un mortier stérilisé. On obtient ainsi, après 1/4 d’heure environ de trituration, une masse crémeuser grisâtre et homogène, celle-ci est alors étendue de cinq fois son poids d’eau salée physiologique stérile et passée sur une toile métallique fine préalablement flambée. L’émulsion ainsi obtenue est injectée à des cobayes, dans le péritoine, à raison de 6 c. c. par animal, ce qui correspond à 1 gramme de matière nerveuse. L’injection est répétée avec la 1. Demoor et van Lint, Le sérum antithyroïdien et son mode d’action. Mémoires Acad, royale mêd . de Belgique , 1903. 842 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR même technique tous les quatre jours environ, à cinq ou six reprises. ; Un certain nombre d’animaux mourant inévitablement au cours de la préparation, nous avons toujours opéré sur des sériés de 10 à 20 individus, de façon à en avoir, toujours plu- sieurs à notre disposition à la fin de l’immunisation. -r: Les animaux ainsi préparés sont saignés 6 à 7 jours après la dernière injection. La saignée se fait dans la carotide, par aspiration dans des tubes-pipettes stériles (chaque cobaye, si la saignée est faite complètement, peut donner par ce procédé 15 à 20 c. c. de sang au moins). Les tubes sont laissés 18 à 24 heures à la chambre noire, à une température moyenne de 15°, le sérum recueilli par décan- tation aseptique et centrifugé quelques minutes pour le débar- rasser des globules qui pourraient avoir été entraînés. 0n obtient environ 1 partie de sérum pour 2 de sang. L’injection doit être faite immédiatement ou dans les heures qui suivent, de façon qu’il n’y ait pas plus de 24 à 36 heures écoulées depuis la saignée. Pour les injections intracérébrales, nous avons suivi la technique indiquée par Delezenne; en voici l’exposé résumé : Sur un chien adulte de 4 à 8 kilos environ on fait, à 1 cen- timètre de la ligne médiane, une incision longitudinale (de 2 cen- timètres environ) dont le milieu coupe perpendiculairement la ligne biauriculaire antérieure et on trépane à l’aide du foret du Dl Roux, au point d’intersection des lignes de repère ci-dessus indiquées. Il est bien entendu que toute cette manipulation est faite avec les précautions d’asepsie les plus rigoureuses. L’aiguille de la seringue est alors enfoncée de le. 1/2 envi- ron au-dessous de la paroi crânienne, puis l’injection est poussée très lentement, à la vitesse de 1 centimètre cube par minute; lorsqu’elle est terminée, on attend une minute avant de retirer 1 aiguille, afin d’éviter le reflux du liquide, puis on rapproche les téguments et on referme l’incision à l’aide d’un point de suture. - L animal est alors détaché et mis en observation. Comme on peut le voir d’après les protocoles d’expériences, nous avons expérimenté avec des quantités de sérum variant de 0,3 à 1,2 SÉRUMS NÉVROTOXIQUES 843 par kilogramme d’animal et avons, avec presque tous les échan- tillons, obtenu une action névrotoxique caractérisée. L inconvénient de s'adresser à des animaux aussi petits que le cobaye, c’est que chaque individu ne fournit qu’une quantité relativement minime de sérum, 10 à 12 c. c. tout au plus; aussi, même en n’employant que des chiens de 4 à 6 kilos, ne peut-on que rarement inoculer plusieurs animaux avec un même échan- tillon de sérum. Pour obvier à cet inconvénient, nous avons essayé dans nos dernières séries d’expériences, de mélanger le sérum de plusieurs animaux afin d’avoir un sérum global, mais celui-ci s’est ordinai- rement montré plus faiblement toxique que nos échantillons individuels moyens. Qu’on emploie des échantillons individuels ou un sérum global, ils n’en possèdent pas moins, chez les animaux préparés comme nous l’avons dit, une substance particulière à action névrotoxique (sensibilisatrice névrotoxique), dont les propriétés sont semblables à celle de la substance spécifique des hémo- lysines acquises, en ce sens qu elle résiste au chauffage à 55° sans perdre son activité. Par contre, il semble qu’il ne se développe pas, en même temps que la neurolysine, une neuro- agglutinine, en ce sens que le sérum de cobaye préparé n’agglu- tine pas et ne précipite pas une émulsion de pulpe nerveuse diluée. Effets du sérum névrotoxique de cobaye pour le chien. Après l’injection intracérébrale, l’animal détaché de la gout- tière est laissé en liberté dans le laboratoire. 11 reste souvent normal pendant le premier quart d’heure, allant et venant, sans présenter aucun symptôme particulier ; mais au bout de 15 à 30 minutes, on voit apparaître une somno- lence progressive, l’animal se couche en rond ou reste assis sur le train de derrière, immobile, indifférent à tout ce qui se passe autour de lui, puis ses paupières s’alourdissentet se ferment, il laisse tomber la tête, la relevant de temps en temps, comme s’il luttait contre le sommeil, enfin il s’affaisse et tombe allongé sur le côté, dans un état de torpeur complète. 844 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Cette torpeur se prolonge jusqu’à ce qu’apparaissent, au bout d’un temps qui varie de 40 minutes à 3 heures, des crises convulsives extrêmement intenses. Brusquement, l’animal se raidit, les membres en extension, la tête et la queue relevées, les yeux se convulsent, les pupilles se dilatent et cessent de réagir à la lumière, la respiration s’ar- rête. Cotte première phase dure de 10 à 30 secondes, puis com- mencent des secousses cloniques des membres, des mouvements rythmés des muscles des mâchoires, s’accompagnant de con- tractions expiratoires qui produisent une sorte d’aboiement répété et régulier très particulier. Au bout de quelques minutes, les mouvements diminuent d’intensité, la contracture cesse, la résolution se fait, les pupilles reprennent leur dimension préa- lable, et l’animal retombe dans sa torpeur, les membres flasques ne réagissant à aucune excitation sensitive. Une nouvelle crise semblable à la première ne tarde pas à se montrer, à nouveau suivie de torpeur, et il se fait ainsi une série de crises séparées par des intervalles d’un coma de plus en plus profond, jusqu’à ce que survienne la mort, qui se fait par collapsus cardiaque, avec une hypothermie qui peut descendre à 28° centigrades. La mort survient en 1 heure à 24 heures après l’injection. Dans certains cas cependant, l’animal, après avoir présenté plusieurs attaques caractéristiques, sort peu à peu de sa torpeur, les crises cessent, et le retour à la normale se fait en 2 à L jours. Il semble que dans ces cas, l’intoxi- cation des centres nerveux n’ait pas été complète, permettant ainsi la restitutio ad integrum. On peut observer quelque variété dans le mode de réaction des animaux à la névrotoxine. Si les phénomènes que nous venons de décrire sont les plus fréquents, on peut cependant observer des animaux qui présentent brusquement et rapidement une crise convulsive, sans qu’on ait observé préalablement ni somnolence ni torpeur; d’autres au contraire ne présentent pas de crises, mais seulement une torpeur progressive aboutissant au coma et à la mort, sans qu’il se soit montré à aucun moment ni manifestation convulsive ni même aucune contracture. Tels sont les, symptômes que provoque un sérum névroto- xique suffisamment actif. Rappelons que nous avons fait, ainsi que Delezenne, des expériences de contrôle, et que l’injection 845 SÉRUMS NÉVROTOXIQUES de sérum de cobaye neuf, soit échantillon individuel, soit sérum mélangé, ne produit aucun symptôme, même si on élève la dose à 2 et même à 3 c. c, par kilo. Étude des lésions des centres nerveux chez les animaux tués par le sérum névrotoxique. Le but du présent travail étant principalement l’étude des lésions produites au niveau des contres nerveux par les sérums névrotoxiques, nous nous sommes appliqué à éviter, dans l’étude de celles-ci, toutes les causes qui pourraient donner lieu à des erreurs dans leur interprétation; aussi avons-nous toujours pratiqué l’autopsie immédiatement après la mort, et, après la constatation des lésions macroscopiques, immédiatement prélevé et fixé les pièces que nous destinions à l’examen histologique et cytologique, en prenant toujours les mêmes parties afin d’avoir des résultats comparables. Nous avons examiné, pour chacun des cas, la partie supé- rieure des circonvolutions motrices droite et gauche, c’est- à-dire la région du point d’inoculation à droite et la région symétrique de l’hémisphère gauche; le bulbe, et, dans certains cas, la partie supérieure de la moelle. Les pièces à inclure étaient coupées dans le tissu frais, elles avaient une surface ne dépassant pas 1 c. 1/2 carré sur une épaisseur d’environ 5 millimètres. Ces fragments étaient immé- diatement placés dans l’alcool à 96°. Après durcissement, ils étaient inclus à la paraffine de Dumaige à 48° et débités en coupes minces. Notre but étant surtout l’étude des lésions cellulaires, puis- que ce sont les seules qui soient nettement évidentes aussi bien que probantes, nous avons coloré les coupes par la méthode de Nissl. Nous n’avons pas étudié les neurofibrilles par la méthode de Cajal, parce que la publication de celle-ci est postérieure à nos premières expériences; mais nous avons fait un certain nombre de colorations par l’hématéïne- éosine pour l’étude de l’état des méninges et des éléments du sang. a) Altérations macroscopiques. — Dans tous les cas on observe une congestion extrêmement intense de toute la surface de la 846 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pie-mère, qui prend par places, ou même sur toute son étendue, un véritable aspect ecchymotique, à cause des nombreux raptus hémorragiques qui résultent de la dilatation extrême des vaisseaux. Ces raptus hémorragiques sont constants au niveau des lacs sous-arachnoïdiens de la face inférieure de 1 encéphale ; le bulbe et la protubérance baignent quelquefois dans une véritable nappe de sang; par contre, nous n'avons jamais observé d’hémorragie au point de pénétration de l'ai- guille, non plus que d'hémorragies intraventriculaires. En même temps que la congestion vasculaire, on constate un certain degre d œdème pie-merien, également vers la base, mais sans exsudation proprement dite de liquide céphalo- rachidien. Si on décortique les circonvolutions, on constate qu'elles sont elles-mêmes congestionnées, qu'elles ont la coloration rosée dite teinte hortensia, et qu’elles présentent parfois aussi de petites hémorragies punctiformes. Il faut avon soin de ne pas décortiquer les régions que l’on veut étudier histologiquement, afin d'éviter toute déchirure ou altération mécanique de l'écorce ; aussi toutes nos pièces ont- elles été prélevées avec la pie-mère qui les recouvre, et incluses avec elle, de cette façon les coupes intéressent en même temps les méninges et les centres nerveux sous-jacents, et permettent de se rendre compte de leurs dispositions et de leurs altérations respectives. b) Altérations microscopiques. — Sur des coupes examinées à un grossissement moyen, on constate que la topographie nor- male des centres nerveux n'est pas modifiée, mais qu'il existe de place en place de petites hémorragies interstitielles, au niveau desquelles se montrent une certaine quantité de leuco- cytes. Mais la lésion la plus marquée est l'état congestif, la dilatation extreme des vaisseaux, aussi hien dans leur trajet intra-meninge que dans leur trajet al intérieur du tissu nerveux. De plus, il existe une véritable infiltration des mailles de la pie-mère par de nombreux leucocytes; enfin on voit de place en place, parfois très abondantes et disposées en véritables nappes, des hémorragies intrapie-mériennes. A un plus fort grossissement, on constate que les leucocytes qui infiltrent la pie-mère, ainsi que la partie superficielle du tissu SÉRUMS NÉVROTOXIQUES 847 nerveux appartiennent presque tous au type polynucléaire, on trouve cependant de place en place des éléments mononucléaires, grands et moyens. Les altérations cellulaires portent sur toutes les cellules nerveuses de l’encéphale; il est facile de reconnaître par la méthode de Nissl des altérations extrêmement intenses de grandes cellules pyramidales des régions motrices; elles présentent toutes des lésions de chromatolyse, un certain nombre d’entre elles sont même en désintégration moléculaire plus ou moins complète. On peut constater aussi, autour de nombreux éléments, des cellules rondes, fortement colorées, qui empiètent sur leur surface, mais il n’y a pas à proprement parler beaucoup de figures de neuronophagie. C’est surtout au niveau des noyaux moteurs du bulbe que les lésions cellulaires sont faciles à constater; à ce niveau, les grandes cellules motrices de l’hypoglosse, de l’oculo-moteur externe, du facial présentent des altérations cbromatolytiques extrêmement marquées ; les grandes granulations cbromatophylc s qui donnent à la cellule son aspect tigré si caractéristique, ont fondu et sont presque complètement disparues, le protoplasma est coloré d’une manière diffuse en bleu très clair, ou présente, suivant l’expression consacrée, l’état poussiéreux. Enfin, un certain nombre d’entre elles présentent de la rupture de leurs prolongements dendritiques, elles sont en véritable état de désintégration moléculaire, le noyau, bien que peu excentré, présente un contour flou, tandis que le nucléole reste vivement colorable. Quelle est la signification et la valeur de ces lésions; ont- elles une véritable spécificité, sont-elles bien le fait de la névrotoxine développée dans le sérum des animaux préparés, c’est ce que nous ont permis d’élucider, croyons-nous, les expé- riences de contrôle que nous avons pratiquées à ce propos. Établissons tout d'abord un point important : Les sérums névrotoxiques que nous avons préparés n’étaient pas ou n’étaient que très faiblement hémolytiques : mis en contact avec des globules rouges de chien ils ne déterminaient, après un séjour de deux heures à l’étuve, aucune diffusion de Tbémoglobine. Ce n'est donc point à un poison hémolytique 848 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR surajouté que doivent être attribués les phénomènes observés. S’agit-il de lésions d’ordre mécanique ou d’une action propre au sérum neuf de cobaye? Non, évidemment. Point n’est besoin de signaler les injections intracérébrales d’eau salée physiologique faites, à titre de contrôle, par divers auteurs et que nous avons pratiquées nous-mêmes dans de nom- breux cas; même à de fortes doses, l’innocuité en est absolue. Mais si on injecte à un chien, par la méthode intracérébrale, et exactement dans les mêmes conditions, un sérum de cobaye neuf, on ne provoque, même à des doses de 2 et 3 c. c. par kilo, aucun symptôme indiquant soit que le système ner- veux, soit qu’aucun point de l’organisme de l’animal en expé- rience ait été lésé, ni superficiellement ni temporairement. On n’observe en effet dans les 24 heures qui suivent l’injection aucune torpeur, aucun phénomène d’excitation corticale ou bulbaire, l’animal va et vient, aboie, mange, répond aux caresses et ne paraît même pas incommodé par la petite opération qu’on vient de lui faire. Nous avons cependant voulu contrôler l’état anatomique des centres nerveux, afin d’avoir la certitude que c’est bien à la névrotoxine que doivent être rapportées les lésions cellulaires décrites ci-dessus. Dans ce bul, nous avons sacrifié un chien 24 heures après lui avoir injecté 1 c. c. et demi par kilo de sérum de cobaye neuf. Sur l’animal tué par l’injection intracardiaque de 1 c. c. de chloroforme, qui amène la mort immédiate, les méninges et l’encéphale n’étaient nullement congestionnés , leur coloration était normale, il n’existait naturellement, comme dans les autres cas, aucune trace de la trépanation et de injection, ce n’est que par un examen attentif qu’on pouvait retrouver la marque presque imperceptible du point de pénétration de l’aiguille. Sur des pièces fixées et examinées avec les mêmes techniques que celles provenant d’animaux tués par un sérum névrotoxique, on ne constate aucune lésion cellulaire, les cellules nerveuses, aussi bien les cellules pyramidales des circonvolutions grises que les cellules des noyaux moteurs du bulbe, ne présentent aucune altération chromatolytique ni modifications de leurs prolonge-» ments. Nous avons dit qu’il n’existe pas d’état congestif visible à l’œil nu, on ne le constate pas non plus au microscope, les vais- 849 SÉRUMS NÉVROTOXIQUES seaux ont leur calibre normal, les capillaires pie-mérièns ne sont nullement gorgés de sang; il faut noter toutefois l'existence de quelques leucocytes polynucléaires passés par diapédèse dans les aréoles pie-mériennes et les gaines périvasculaires. Cette réac- tion banale, et minime, qui peut être provoquée par la présence de n’importe quelle substance indifférente, montre au contraire, vu son peu d’intensité, qu’un sérum neuf (tout au moins en ce qui concerne le sérum de cobaye) est toléré d’une façon tout à fait remarquable par les centres nerveux du chien. Dans d’autres expériences, dont l’exposé détaillé et la discussion feront 1 objet d un prochain travail, nous avons fait au chien des injections intra-cérébrales d’autres sérums cyto- toxiques (sérum hémolytique, sérum hépatotoxique, etc.). Dans certaines conditions, et à des doses très peu supérieures à celles qui déterminent la mort pour les sérums névrotoxiques, nous avons également tué quelquefois nos animaux; cependant les lésions cellulaires (dans deux cas examinés histologique- ment) ont été presque nulles : il n’y avait pas d’altérations cliro- matolytiques nettement appréciables des cellules nerveuses; tout au moins, ne voyait-on aucune de ces grandes altérations que nous avons signalées plus haut et qui sont si intenses dans le bulbe et l’écorce. Si nous nous sommes adressé de préférence à la méthode deNissl dans ces investigations histologiques, c’est que c’est elle qui renseigne le mieux sur la constitution et la disposition des différentes parties du protoplasma. La méthode de Cajal pour les neurofibrilles donnerait peut-être des résultats intéressants, mais elle est encore d’application trop récente et ses résultats dans les processus pathologiques étaient encore trop incertains pour que nous pussions ici l’appliquer avec fruit. 1 Nous savons au contraire, d’après les résultats fournis parla méthode de Nissl dans l’étude des processus inflammatoires encéphalo-méningés qui touchent la cellule nerveuse, que la chro- matolyse indique une altération plus ou moins définitive, mais toujours incontestable de la cellule nerveuse, et que les modi- fications de la substance chromatophile sont la manifestation la plus caractéristique que nous possédions actuellement des alté- rations pathologiques de la cellule nerveuse, aussi bien dans le 850 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR rôle trophique du protoplasma que dans son rôle spécial d'or- gane nerveux. Or, que voyons-nous se produire dans ces cellules nerveuses sous l'influence de Timbibition de ces organites par un sérum vecteur de substances névrotoxiques. Non seulement il se pro- duit une rapide modification du protoplasma qui se traduit par la chromatolyse, mais il se produit même, pour certains élé- ments, une véritable neurolyse, absolument comparable à ce qui s'observe in vitro sur des hématies en présence d’un sérum hémolytique, ou encore à ce qui seproduit dans le foie d'animaux auxquels on a pratiqué une injection intrapéritonéale de sérum hépatotoxique. Quant aux phénomènes surajoutés à l'action neurolytique, c’est-à-dire la congestion intense des vaisseaux méningo-encépha- liques et l’abondante diapédèse polynucléaire et mononucléaire que nous avons signalée plus haut, nous pensons qu’ils s’expli- quent par la production du phénomène d’appel leucocytaire que produit l’introduction de toute substance, non pas indifférente, mais nocive, pour l'organisme. S'il s’agit d’un sérum neuf, l’appel leucocytaire et la diapé- dèse sont minimes, nous l’avons vu; au contraire, lorsque le sérum est chargé d’une névrotoxine, substance à action parti- culièrement énergique sur les cellules des centres nerveux, il est aisé de comprendre que l’appel leucocytaire, extrêmement puis- sant, détermine un hyperactivité circulatoire . et une dilatation vasculaire si intense qu’elle peut aboutir à la production de raptus hémorrhagiques dans les interstices du tissu sous-arach- noïdien. Conclusions. Des expériences et des faits ci-dessus exposés, nous nous croyons autorisés à conclure que les sérums névrotoxiques déterminent non seulement une intoxication des centres ner- veux se traduisant par des phénomènes convulsifs ou d’exci- tation et des phénomènes comateux ou de dépression, qui aboutissent le plus souvent à la mort, mais que ces sérums produisent aussi une caractéristique anatomique de cette intoxication, qui se traduit par une altération du protoplasma des cellules nerveuses, véritable neurolyse, dont la production. SÉRUMS NÉVROTOXIQUES 851 comparable à l’hémolyse produite par un hémo-sérum, montre bien qu il s est développé dans l’espèce étrangère, sous l’in- fluence des injections de substance nerveuse d’une espèce animale donnée, une véritable cytotoxine à action spécifique sur 1 élément employé c est-à-dire une névrotoxine. PROTOCOLE DES EXPÉRIENCES ET PIÈCES JUSTIFICATIVES. Expériences 1 et 2. Juin 1901.— 2 oies reçoivent 5 injections de 10 grammes, puis 15 gram- mes de substance nerveuse à 10 jours d’intervalle. Une seule survit et est saignée 8 jours après la dernière injection U juin 1901. — Chien n»l, 12kg, 500, reçoit os par kil0) sérumoje „„ , à 4 h. 10 du soir; normal après l’injection. Au bout d’un quart d’heure, première crise convulsive, puis coma, nou- velles crises convulsives toutes les 10 minutes, jusqu’à 10 heures du so r; puis coma profond; à minuit, temp. 29o,5. Mort dans la nuit Chien no 2, 15kg, 500, reçoit 0,6 par kilo ; normal après l’opération 1 heure après torpeur progressive, puis à 6 h. 30 première crise convulsive! puis coma; 6 h. 40, nouvelle crise convulsive, respiration stertoreuse; 6 h. 50, mort dans e coma. Expériences 3, 4, 5, 6, 7, 8. Janvier 1902. — 6 poules reçoivent 5 injections intrapéritonéales d’émulsion de 5 grammes de cerveau chien, puis 10 grammes, à 10 jours d’intervalle. Les animaux sont saignés 8 jours après la dernière, et leurs sérums injectés à des chiens, à la dose de 0,3 à 0,5 par kilo, ne provoquent que des phénomènes de somnolence légère, sans crises convulsives ; les animaux se remettent. Expériences 9, 10, 11, 12. Mars 1902. — 4 canards reçoivent 5 injections espacées de 10 jours d’émulsionde cerveau de chien correspondant à 5 grammes, puis 10 grammes, par injection. Le sérum, injecté à la dose de 0,5 par kilogramme, produit chez 3 chiens de la somnolence et des crises convulsives, mais les animaux se remettent; à la dose de 0,3 par kilo, le sérum ne provoque rien chez un 4e chien. Expéi i eue es portant sut le sérum de cobayes préparés . Expériences 13, 14, 15, 16. 10 décembre 1903. — 10 grammes de cerveau de chien saigné à blam lavé, broyé, sont émulsionnés dans 50 c. c. d’eau physiologique. 10 cobayes adultes, d’un poids de 350 à 500 grammes reçoivent chacun une injection intrapéritonéale de 5 ç. c. de cette émulsion. 852 ANNALES LE L’INSTITUT PASTEUR Même opération répétée les li, 17, 21, 24 et 29 décembre; après celle-ci. 3 animaux seulement sont survivants. 7 janvier 1904, 4 h. 10 soir. — Chien mâle, 6kg,450, reçoit une injection intracérébrale du sérum de cobaye (no 358) saigné le 6 janvier; injecté à la dose de 0,8 c. c. par kilo (huit-dixièmes de centimètre cube). Normal immédiatement après l'opération. 5 h. 25. — Torpeur progressive ; l’animal tombe sur le côté, les yeux demi-fermés, il ne peut se tenir debout quand on le relève. 6 heures. — Torpeur de plus en plus profonde. 6 h. 1/2. — Première grande crise convulsive; les crises se répètent à de courts intervalles dans la soirée. Le lendemain matin, l’animal est en état de coma profond; à 10 heures du matin, la température rectale est de 21° bien, que l’animal ait passé la nuit dans le laboratoire chauffé à 18°. A 10 h. 40, mort. Autopsie à 11 h. 45. Le cerveau est extrêmement congestionné, avec hémorragies capillaires sur la surface des hémisphères, surtout dans la zone motrice et à la surface du bulbe qui est entouré d’un véritable manchon de sang. Il n’existe aucune lésion traumatique au point d’injection ni dans les ventricules. Des fragments sont immédiatement prélevés et fixés pour l’exa- men histologique (voir pi. XIII). On y constate des lésions cellulaires de chromatolyse caractéristiques. 7 janvier. — Chien mâle, poids 7k?,780, reçoit en injection intracéré- brale du sérum de cobaye (no 382), à la dose de 0,4 c. c. par kilo. Normal immédiatement après l'opération. Normal pendant les heures qui suivent elle lendemain. 2 février, 3 heures. — Petit chien mâle adulte, poids 4kg,900, reçoit sérum cobaye injecté 6 fois (no 326) à la dose de 0,6 c. c. par kilo. Normal immédiatement après l’opération. 4 h. 30. — L’animal est somnolent, il gémit. 5 h. 15. — Crise convulsive généralisée, tonique puis clonique. Normal le lendemain; guérison. 2 février, 3 h. 1/2. — Chien adulte, poids 6ks,200, reçoit, à la dose de 0,6 par kilogramme, sérum cobaye (n« 365) injecté 5 fois. 5 heures. — Somnolence et torpeur marquée, Normal le lendemain; guérison. Expériences 17, 18, 19, 20, 21, 22. 11 février (2e série). — 20 cobayes reçoivent chacun en injection intra- péritonéale 5 c. c. d’émulsion de cerveau de chien diluée au 1/5 soit 1 c. c. par animal. Même opération les 15-18-22-25 février. 9 survivants le 29 février. 6 animaux sont saignés le 29. 1er mars, 3 h. 40. — Chien dogue, adulte, mâle, poids 9k?,850, reçoit SÉRUMS NÉVROTOXIQUES 853 en injection intracérébrale, à la dose de 0,6 c. c. par kilo, du sérum d’un des cobayes de la 2e série (n° 314). 4 heures. — L’animal présente un état de torpeur très marquée. 4 h. 20. — Quelques secousses convulsives des membres, mais torpeur profonde. 4 h. 30. Coma profond. Inspirations rares et espacées. Arrêt progressif 20. La pie-mère présente une vaso-dilatation extrême avec de très nom- breuses hémorragies interstitielles; abondante infiltration leucocytaire périvasculaire et corticale superficielle : les capillaires intracorticaux sont entourés de nombreux leucocytes polynucléaires. Les grandes cellules pyramidales de l’écorce présentent une chromatolyse très marquée, un certain nombre d’entre elles sont en véritable désintégra- tion moléculaire, beaucoup sont entourées ou pénétrées de noyaux névro- gliques. Les grandes cellules des noyaux moteurs du bulbe présentent une chro- matolyse complète, avec noyau trouble, tuméfié et excentré, pour quelques- unes, désintégration moléculaire complète. On voit aussi de nombreux polynucléaires dans la profondeur du bulbe, le long des vaisseaux ou dissé- minés. 838 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Chien de V Expérience no 22. interstftip'l^l? presente u”e vaso-dilatation extrême. Diapédèse leucocytaire du cortex Di pi;uvascu,aire abondante, ainsi que dans la partie superficielle lyse marniiêo S ecai^e’ enSp|gemenl leucocytaire des capillaires. Chromato- parfois f.v1.f,n|,''-,'r “ pouss|éi'êux des cellules pyramidales, noyau trouble et leucocytes 1 E,;CertaiIls points> nombreuses cellules névrogliques ou leucocytes mononucléaires autour des cellules. des iZr dU balbe’chl'omatolyse très nette, mais incomplète des cellules aes noyaux des nerfs moteurs. Chien de l’ Expérience de contrôle no 34 (sérum normal). mielmipé C nCi pi.asende aucune raso- dilatation ; on constate seulement SS«d« T? de Place e“ place dans le «ssu interstitiel, moteurs du l î 'T Pyl'am‘dales- intégrité absolue des cellules des noyaux l’asnect h i ”??’ les granulations chromatophyles sont extrêmement nettes, i aspect de la cellule est tout à fait normal. EXPLICATION DE LA PLANCHE XXXI F'g. 1. - Coupe transversale d’une circonvolution de la région motrice, i evetue de sa pie-mère congestionnée et infiltrée de leucocytes. On voit une artériole pénétrant dans le cortex et entourée de sa gaine périvasculaire. t b C,hle“ ayant reçu °’8 c- c- de sérum névrotoxique de cobaye par kilo moit en 17 heures (Expérience 13). Méthode de Nissl au bleu de toluidine. ’ /P !S: 8 e,l02 b’, — Cellules du noyau moteur du facial du même chien peuence 13)- Chromatolyse complète. Nissl. Bleu de toluidine l' ig. 3 - Cellules du noyau moteur du facial du chien de l’expérience 17 mort en 1 h. 5 minutes Nissl. Toluidine. Chromatolyse presque complète. ’ i h ë' ' ~ -T U e du noTau moteur du facial d’un chien ayant reçu i,o c. c. par kilo, de sérum de cobaye neuf. (Expérience 34.) Cellule absolument intacte, pas de chromatolyse. Nissl. Toluidine ( Grossissements : Fig. 1 : obj. : 3 ocul. 2 Stiassnie. immus. 1/15. Ocul. comp. 9 Stiassnie.) Fig. 2 à i Obj. RECHERCHES SUR LE mécanisme le la iesMion les celles nerveuses Par Y. MANOUÉLIAN (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff. ) (Avec la pi. XXXII.) M. Metchnikoff, dans une série de travaux, et récemment encore dans un ouvrage 1 , a développé ses idées sur le mécanisme de la vieillesse. Se basant sur ses propres recherches ainsi que sur les travaux publiés par différents observateurs, il a formulé sa façon de penser de la manière suivante. Dans la dégénérescence sénile on rencontre toujours le même tableau : atrophie des éléments nobles et spécifiques des tissus et leur remplacement par le tissu conjonctif hyper- trophié. Dans le cerveau, ce sont les cellules nerveuses, c'est-à-dire celles qui servent aux fonctions les plus élevées : intellectuelles, sensitives, commandant les mouvements, etc., qui disparaissent pour céder la place à des éléments inférieurs connus sous le nom de névroglie, sorte de tissu conjonctif des centres nerveux. Dans le foie, ce sont les cellules hépatiques, celles qui remplissent un rôle important dans la nutrition de l'organisme, qui s’effacent devant le tissu conjonctif. Dans les reins, c’est encore le même tissu qui envahit l’organe et étouffe es tubes indispensables pour nous débarrasser d’une quantité de substances nuisibles. Dans les ovaires, les ovules, éléments spécifiques qui servent à la propagation de l’espèce, sont de la même façon remplacés par le tissu conjonctif hypertrophié. En d’autres termes, la vieillesse se caractérise, d’après M. Metch- nikoff, par une lutte entre les éléments nobles et les éléments simples ou primitifs de l’organisme, lutte qui se termine à l’avantage de ces derniers. Leur victoire se manifeste par l’affaiblissement de l'intelligence, par des troubles de nutrition, par la difficulté de purifier le sang. 11 s’agit d’une vraie bataille livrée contre les éléments nobles de l’organisme par des celiules mobiles, capables de dévorer 1. Metchnikoff, Etude sur la nature humaine. Paris, 1903. 860 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR toutes sortes de corps solides, ce qui les a fait designer sous le nom de phagocytes. M. Metchnikoff divise les phagocytes en deux grandes categories. Les petits phagocytes mobiles ou les microphages, et les grands phagocytes, tantôt mobiles, tantôt fixes ; on les désigné sous le nom de macrophages. On peut dire, en general, que les microphages nous débar- rassent des microbes et les macrophages de tout tissu lésé. Dans la dégénérescence sénile il s'agit d’une intervention de macrophages. Ce sont ces éléments qui déterminent l’atrophie des reins des vieillards. Ils sont attirés en grande quantité dans ces organes, où ils s'accumulent autour des tubes rénaux qu’ils lont disparaître. Un processus analogue se produit dans les autres organes qui subissent la dégénérescence sénile. Ainsi, dans le cerveau des vieillards et des vieux animaux, on con- state qu un grand nombre de cellules nerveuses sont entourées et dévorées par les macrophages. L envahissement des tissus par les macrophages est un phenomene si general dans la vieillesse, qu’on est nécessaire- ment amerre à lui attribuer une grande importance. Pour déterminer d une façon plus précise le rôle de ces phagocytes, M. Metchnikoff a étudié le mécanisme du blanchiment des cheveux. Les cheveux colorés sont remplis de grains de pigment disséminés dans les deux couches qui constituent le cheveu. A un moment donné, les cellules de la moelle des cheveux commencent à s agiter; elles sortent de leur torpeur et se mettent à dévorer tout le pigment qui est à leur portée. Bourrées de grains colorés, ces cellules qui constituent une variété de macrophages deviennent mobiles, quittent le cheveu et transportent avec elles le pigment des cheveux qui se déco- lorent et blanchissent. Il a été depuis longtemps remarqué que la sénilité est très voisine de la maladie. La grande activité des macrophages pendant la vieillesse se rattache de très près aux phénomènes qui se passent dans certaines maladies chroniques. L’analogie delà dégénérescencesénile avec les maladies atro- phiques de nos organes importants, permet de supposer la simili- tude des causes qui provoquent ces deux séries de phénomènes. La sclérosé du cerveau, des reins et du foie a souvent pour origine DESTRUCTIONS DES CELLULES NERVEUSES 801 l’intoxication par des poisons, tels que l'alcool, le plomb, le mercure, etc. Ces maladies peuvent être provoquées aussi par des virus parmi lesquels celui de la syphilis joue un grand rôle. La grande importance de cette maladie vénérienne, comme cause du caractère douloureux et pathologique de la vieillesse, se manifeste surtout dans T artério -sclérose, maladie qui cause des lésions des éléments nobles de l'organisme. Edgren admet comme facteurs principaux de l'artério- sclérose. la syphilis et l’alcoolisme. D'après M. Metchnikoff, Tartério-sclérose aurait aussi pour cause l’empoisonnement par cette masse innombrable de microbes qui pullulent dans notre tube digestif. Parmi ces microbes, il en est qui sécrètent des substances nuisibles, ils sont surtout nombreux dans le gros intestin . Les mammifères ont acquis les avantages d'un gros intestin aux dépens de la longévité. Un grand nombre d’oiseaux à longue vie n’ont pas de cæcum, cette partie du tube digestif qui renferme le plus de microbes. L’étude comparative des faits confirme pleinement cette hypothèse, que la flore intestinale abondante, inutile pour la digestion, ne sert qu'à raccourcir l’existence, grâce aux poisons microbiens qui affaiblissent les éléments nobles. Pour rendre la vieillesse réellement physiologique et probablement aussi pour prolonger la vie humaine, il est nécessaire de parer aux inconvénients qui résultent du développement du gros intestin . Pour atteindre ce but, il faudrait renforcer la résistance des cellules nobles et transformer la flore intestinale sauvage de l’homme en une flore cultivée, et si certains microbes nuisibles de notre flore intestinale ne peuvent pas être éliminés, il y aurait lieu de chercher à les rendre inoffensifs à l'aide de sérums correspondants. * * & La théorie de M. Metchnikoff sur la phagocytose dans la sénilité a été combattue par quelques savants. D’abord, par un neuropathologiste distingué, le professeur Marinesco de Buca- rest Lqui, dans une communication à l'Académie des sciences, 1. G. Marinesco, Mécanisme de la sénilité et de la mort des cellules nerveuses. Académie des Sciences, 23 avril 1900. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 86-2 attirait l’attention sur les modifications des cellules nerveuses chez les sujets âges. Parmi ces lésions, M. Marinesco citait les différentes modifications de la substance chromophile, la présence du pigment en grande quantité à l’intérieur de la cellule diminuant sa capacité respiratoire et nutritive de cet organisme ; ensuite la diminution du volume du corps cellu- laire, aboutissant parfois à une atrophie et à la disparition d’un certain nombre de prolongements de la cellule nerveuse. Nulle part on ne voyait des cellules nerveuses dévorées par les phagocytes. M. Metchnikoff a examiné les préparations de M. Marinesco. Il s’agissait des coupes de moelle épinière de sujets très âgés où, en effet, la destruction des cellules ner- veuses par les phagocytes faisait complètement défaut, mais, dit M. Metchnikoff, ces préparations se rapportent aux cellules de la moelle épinière dont la dégénérescence sénile est beaucoup moindre que celle du cerveau. Même dans l’arrière-cerveau, la sénilité et, parallèlement avec elle, la phagocytose sont peu prononcées. Par contre, dans le cerveau des vieillards, ladestruc' tion des éléments nobles par les macrophages se voit avec la plus grande netteté. Chez les vieux animaux, ajoute M. Metch- nikoff, le même phénomène peut être facilement constaté. Après les critiques de M. Marinesco, MM. Carier *, Cerletti et Brunacci, 2 Esposito 3 ont nié la pénétration des phagocytes dans le corps de la cellule nerveuse. Plus récemment encore, dans un important travail, M. Marinesco1 a combattu de nou- veau la théorie de M. Metchnikoff. D’après le distingué profes- seur de Bucarest, la phagocytose joue un rôle beaucoup moins considérable qu’il ne l’avait pensé tout d’abord. Dans les états pathologiques les plus divers, de même que dans la vieillesse, la cellule nerveuse altérée peut disparaître complètement sans l’intervention des phagocytes. C’est ainsi qu’on peut voir, dans certaines affections chroniques delà substance grise antérieure, que les cellules nerveuses de la corne s’atrophient progressive- ment et finissent par disparaître sans qu’elles deviennent la 1- Carrier, Étude critique sur l’histol. norm. et pathol. de la cellule nerveuse. 7 'hèse de Lyon, juillet 1903. 2. Cerletti et Brunacci, Sulla corteccia cerebrale dei vechi. Rome, 1904. 3. Esposito, La neuronophagia. Manicomio Inter provinciale, V-E. 11 in Nocera /nf>jriore. 4. Marini sco. Etudes sur le mécanisme de la sénilité. Revue cjénërale des sciences. 30 décembre 1904. DESTRUCTIONS DES CELLULES NERVEUSES 863 proie des phagocytes. Elles disparaissent par une espèce de fonte, par histolyse : ce mode de disparition des cellules est fréquent. La cellule nerveuse peut disparaître également dans les glanglions spinaux, dans la rage, et dans les cellules grosses et moyennes de l’écorce cérébrale, par compression. Les cellules interstitielles, qui avoisinent les éléments nerveux, augmentent de volume, se multiplient, s’attaquent aux cellules nerveuses, pénètrent dans leur intérieur, et finissent par les détruire en les comprimant. Cette destruction ne se fait pas par phagocytose, car le protoplasma des éléments envahisseurs est incolore et ne contient rien qui permette de croire qu’il est le siège d’une digestion intracellulaire. Ces éléments envahisseurs sont de nature endothéliale, dans le cas des cellules qui tapis- sent la capsule des cellules nerveuses des ganglions spinaux. Quant aux cellules interstitielles qui accompagnent un grand nombre de cellules nerveuses dans le système nerveux central (les cellules satellites de Cajal), elles représentent des cellules névrogliques et non point des éléments mobiles émigrés des vaisseaux. Donc, les macrophages décrits par M. Metcli- nikoff ont une tout autre signification. * * * Comme on voit, les idées du professeur de Bucarest sont tout à fait différentes de celles de M. Metchnikoff. Quant à nous, désireux d’approfondir l’étude des phénomènes de l’atro- phie et de la disparition des cellules nerveuses, nous avons entrepris des recherches sur ce sujet. Nous espérons, grâce à l'obligeance de M. Metchnikoff, qui dispose d’un matériel impor- tant et grâce à l’aide de nos amis des hôpitaux, rassembler un nombre suffisant de pièces. Dans ce travail nous relaterons quelques faits démontrant d’une façon décisive, croyons-nous, l’existence de la phagocytose des cellules nerveuses de ganglions cérébro-spinaux dans la rage humaine. Mais avant d’aborder ce sujet, qu’il nous soit permis de pésenter quelques observations générales que nous jugeons utiles. Pour étudier une question aussi importante et aussi délicate que celle de la dégénérescence des cellules nerveuses dans la vieillesse et dans les états pathologiques, il est absolument 864 ANNALES DE L'iNSTITUT PASTEUR necessaire de recourir aux méthodes de fixation et de coloration les plus perfectionnées. Parmi ces méthodes, il en est une qui est employée, ajuste titre, parles neurologistes : c’est la méthode de Nissl. Cette méthode montre dans le protoplasma et dans les ori gines des prolongements protoplasmiques des cellules nerveuses, l’existence des corpuscules, de forme et de dimension variables, qui se colorent fortement par les couleurs basiques d’aniline, ce sont les corpuscules chromophiles de Nissl. En même temps, les noyaux des éléments nerveux et névrogliques se colorent bien par cette méthode. Mais si ce procédé, que la plupart des auteurs emploient tel que Nissl le conseille, montre d’une façon suffisante les cor puscules chromophiles, il fournit, d’autre part, une mauvaise fixation du protoplasma des cellules nerveuses. L’alcool à 96°, employé comme fixateur, fait rétracter considérablement les cellules nerveuses de façon à créer un vide entre elles et le tissu voisin. Pour obtenir de bonnes fixations du tissu nerveux, il faut s’adresser aux mélanges à l’alcool, au formol et au sublimé où l’action par trop énergique de ces réactifs est compensée par celle des substances qui, comme l’acide acétique, possèdent la propriété de gonfler le protoplasma. Ces mélanges fixateurs, dont on trouvera les formules dans les traités de technique, permettent aussi d’obtenir d’excellentes colorations du tissu nerveux. L’inclusion de ce même tissu, surtout l’inclusion à laparaffine, demande des soins particuliers ; il faut éviter un durcissement excessif des pièces qui peut donner lieu à des rétractions du protoplasma des cellules nerveuses. Si nous avons insisté quelque peu sur la technique de fixation et d’inclusion du tissu nerveux, c’est qu’il faut attribuer, croyons nous, à certains fixateurs et à certaines substances servant à l’inclusion des pièces, les rétractions du protoplasma des cellu les nerveuses décrites par les auteurs dans de nombreux cas. Sans mettre en doute l’existence des rétractions des cellules nerveuses en voie de dégénérescence, et à part les altérations post-mortem , nous croyons qu’il faut tenir compte des causes que nous venons de signaler. * Contrairement à ce que croit M. Marinesco, M. Metchnikoff DESTRUCTIONS DES CELLULES NERVEUSES 863 n a point méconnu le rôle des cellules névrotiques dans la desti uction des cellules nerveuses. Les cellules névrotiques entrent dans le groupe des grands phagocytes, les macrophag'es. Déjà en 1897 il disait 1 : « Quant aux cellules nerveuses, leur destruction par des leucocytes, dans des cas pathologiques, a été observée depuis longtemps. Plus récemment, on s’est demandé si c est toujours par ce moyen que s accomplit l’atrophie totale des éléments nerveux. Sous ce rapport, il faut signaler les ten- tatives pour démontrer le rôle phagocytaire des cellules de la neui oglie et il est très probable que ces éléments doivent être considérés comme des phagocytes nerveux, tout autant que le sarcoplama est le phagocyte des libres musculaires. » Dans le même article, un peu plus loin. M. Metchnikoff ajoutait : « Les maciophages peuvent être d origine diverse. Us peuvent être cons- titués par des leucocytes mononucléaires ou bien par des cellules endothéliales, conjonctives, névrogliques ou sarcoplasmiques. » Aussi, quand M. Metchmkofï parle des macrophages dévo- rant les cellules nerveuses, il faut comprendre qu’il s'agit des cellules névrogliques, éléments inférieurs qui attaquent les élé- ments nobles. Parmi ces éléments destructeurs, il faut faire entrer les macrophages mobiles. On constate, en effet, dans la vieillesse et dans certains états pathologiques, une abondance anormale de ces éléments dans les vaisseaux. Quant aux micro- phages, leur rôle dans la destruction de la cellule nerveuse est nul ou tout au plus insignifiant. Dans la vieillesse et dans un certain nombre d’états patho- logiques, M. Marinesco a constaté une prolifération des cellules névrogliques dans le cerveau. Ces cellules n’agiraient sur les cellules nerveuses que par compression. C est par ce mécanisme que les éléments nobles du cerveau seraient désorganisés, atro- phiés. On verrait le même tableau dans les ganglions spinaux, dans les cas de rage des rues. Pendant toutes les phases de leur envahissement progressif, les cellules satellites « dont l’énergie nutritive est considérable » feraient preuve d une sobriété remarquable ; elles ne s’empareraient d’aucun débris de la cel- lule nerveuse, leur victime. Or, nos recherches sur les ganglions cérébro-spinaux de l’homme, dans la rage, montrent d'une façon indiscutable qu’il 1. Metchnikoff, Année biologique, 1897, p. 253. 55 866 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUli y a phagocytose des cellules nerveuses de la part des macro- phages. C’est dans la rage qu’on voit le plus bel exemple de des- truction des cellules nerveuses par les macrophages. Les élé- ments nerveux des ganglions cérébro-spinaux qui, à l’état normal, sont entourés d’une capsule endothéliale, sont envahis dans cette maladie par des macrophages : leucocytes et cellules capsulaires. Ces éléments pénètrent progressivement, tantôt d’une façon circulaire, tantôt d’un seul côté, dans la cellule nerveuse, et finissent par la détruire complètement. De sorte qu’à la fin, la belle cellule ganglionnaire se trouve remplacée par un amas de macrophages. 11 est évident que la pénétration des macrophages doit être accompagnée d’une certaine com- pression. Cette destruction se fait-elle par compression comme le prétend M. Marinesco? Mais cette compression doit être insignifiante. En effet, sur des coupes provenant des pièces fraîches, convenablement fixées et inclues, on n’observe point de fortes rétractions des cellules nerveuses. On constate bien des vacuoles quelquefois considérables dans le protoplasma de ces cellules, mais ces lésions n’ont aucun rapport avec la com- pression; on les trouve dans des cellules nerveuses n’ayant subi aucune attaque de la part des macrophages. D’autre part, si l’on observe des déformations de la cellule au niveau du point de contact du macrophage, on observe les mêmes déformations sur sur des points où il n’existe point de ces éléments. 11 y a plus encore : lorsque les cellules nerveuses sont envahies d’un seul côté, on n’observe nullement des phénomènes de compression dans la partie du protoplasma de la cellule nerveuse située du côté opposé de la région envahie; souvent on constate même une légère rétraction du protoplasma encore intact, rétraction qui crée un vide entre la capsule endothéliale et cette région de la cellule. La destruction de la cellule nerveuse dans les gan- glions cérébro-spinaux dans la rage ne paraît pas être due à la compression. Quel est donc le processus de cette destruction? Si l’on trouvait dans l’intérieur des macrophages destructeurs des particules ayant appartenu à la cellule nerveuse, le pro- blème serait résolu. Or, voici ce que nous avons observé dans les ganglions céré- bro-spinaux, dans la rage humaine, chez deux sujets adultes. DESTRUCTIONS DES CELLULES NERVEUSES 867 La plupart des cellules nerveuses ganglionnaires présen- taient, dans l’intérieur de leur protoplasma, un grand nombre de granulations pigmentaires de couleur jaune brunâtre et noire, granulations groupées le plus souvent en amas compacts. Que devenaient ces granulations lors de la destruction et de la dispari- tion de la cellule nerveuse? Si, comme Taffîrme M. Marinesco, ces phénomènes n’étaient dus à la phagocytose de la part des éléments envahisseurs, mais purement et simplement la consé- quence d’une action mécanique de la part de ces éléments, on devrait trouver ces granulations répandues dans le tissu intersti- tiel ambiant et non point dans l’intérieur des éléments envahis- seurs. Or, c’est tout le contraire qui arrive. Ces granulations sont accaparées par ces cellules, véritables macrophages. On peut assister, dans nos coupes, à toutes les phases de cette pha- gocytose : les macrophages pénètrent dans la cellule nerveuse, s’attaquent au bloc pigmentaire, le dissocient et s’emparent des granulations. Il est des cas où Ton n’observe presque pas un seul grain en liberté; tout est phagocyté. Il est naturel de penser que, en même temps que les granulations, les autres parties composantes de la cellule nerveuse deviennent aussi la proie des phagocytes. Parmi les cellules nerveuses des ganglions cérébro-spinaux, il y en avait un certain nombre qui étaient complètement dépour vues de granulations pigmentaires. Dans ce cas, dans les macro- phages envahisseurs, on n’ohserve point la moindre granulation. Mais, d’après ce que nous venons de voir, il est logique de conclure qu il s agit, dans ce cas aussi, d’un phénomène de phagocytose. D autre part, comme, avec nos méthodes usuelles de technique, nous voyons les mêmes phénomènes de destruc- tion des cellules nerveuses, sans les granulations constatées chez l’homme, dans les ganglions cérébro-spinaux du chien, du lapin et de la chèvre, nous croyons être en droit de faire une généralisation, et de dire que Ta destruction et la disparition des cellules nerveuses dans les ganglions cérébro-spinaux, dans la rage, se fait par le mécanisme de la phagocytose. 868 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR EXPLICATION DE LA PLANCHE XXXII Toutes les figures de ces planches, excepté les figures 7 et 8, proviennent des cvaiWions spinaux d’un sujet mort de la rage ; fixation générale : alcool acétique au sublimé (mélange de Gilson). Coloration : Magenta et picro-indigo-carmin. Tous les dessins ont été faits à la chambre claire, avec 1 oculaire 3 et 1 objectif a immersion à 1/15° de Werick. , ^ pjo-, i. — Cellule nerveuse envahie, dans sa partie périphérique, pai des macrophages. On constate dans son intérieur un grand nombre de granulations Fig. 2. — L’envahissement des macrophages a fait des progrès, sans cependant qu’il y ait phagocytose des granulations. On voit des vacuoles dans le protoplasma de la cellule nerveuse. . . ~ ... Fi,v. 3. _ On voit, au centre de la cellule, un gros bloc pigmentaire. Déjà, quelques macrophages présentent des granulations dans leur intérieur. ppv g pa cellule nerveuse est complètement envahie par les macrophages La phagocytose des granulations est en train de s’achever. Fig g/ Cellule nerveuse entièrement détruite. Les granulations sont acca- parées presque en totalité par les phagocytes. 1 i v Fig. 7. _ Cellule nerveuse entièrement détruite. On n y trouve aucune granu- Fig^S et 9. Cellules nerveuses de ganglion spinal de chien mort de la rage de rue Dans ces deux cellules, on ne constate aucune granulation pigmentaire. Dans la figure 8, nous voyons une cellule incomplètement envahie par les macro- phages et présentant des vacuoles dans son protoplasma. La figure 8 nous montre une cellule entièrement détruite. Remarquer l’analogie frappante de cette figure avec la figure 7. avec la quarte et la tierce D’APRÈS DES OBSERVATIONS PRISES AU SÉNÉGAL Par le D' minoux MÉDECIN-MAJOR DE lre CLASSE DES TROUPES COLONIALES (Travail du laboratoire de bactériologie de Saint-Louis ) (Suite). Nous avons vu précédemment 1 que, chez les indigènes du Sénégal, les grandes formes du parasite du paludisme, et en particulier les formes quartes, très rares pendant la saison des pluies, dite hivernage, devenaient beaucoup plus communes pendant la saison fraîche, par suite de la régression des gamètes (corps sphériques) des formes tropicales. Avant les premières pluies, et déjà à une époque assez avancée de F été (jusqu’au 17 juillet, la première grande pluie datant du 18), les petites formes tropicales ont complètement disparu du sang des enfants indigènes au-dessous de 3 ans et l’on n’y observe plus que des quartes et quelques très rares tierces ; mais on commence à y rencontrer, en assez grande proportion, des croissants jusque-là très rares. LOCALITÉS DATE NOME RE des prépa- rations de sang paludéen. F ( TROPl Petite forme. >RMES Ol (ALE Cro'ssants. 3SERVÉES Quarte. Tierce. °/o °/o o/o °/o Saint-Louis (Sor) . 10 juillet 06. 5 1 20 3 60 1 20 » 17 juillet. 7 1 14.2 2 28,2 4 57, 1 )) 0 août. 13 10 76,9 » » 3 23 » )) Thiès. 3 août. 5 » » 4 80 1 20 )) » - Totaux. . . 30 11 36,6 7 29,9 11 36,6 1 3,3 1. Annales de VInst. Pasteur , t. XX. p. 766. 870 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Au commencement d’août, les quartes diminuent dans une notable proportion, et les croissants augmentent beaucoup de nombre, puisque à Thiès on en trouve, le 3 août, dans 4 pré- parations sur 5, et que ces 4 préparations ne renferment que cette forme d’hématozoaire. Puis les formes tropicales remplacent rapidement les dernières quartes et les croissants, et on les retrouve presque exclusivement depuis la mi-août jusqu’en novembre. Nous pensons que sous l’influence des premiers passages par les moustiques, plus nombreux et plus disséminés à la suite des premières pluies, les parasites qui sont restés longtemps sans passer par le stade sexué prennent aussitôt qu’ils sont réi- noculés, de préférence les formes propices à une rénovation dont le besoin se fait sentir chez eux ; c’est ce qui explique qu on rencontre une quantité relativement grande de croissants au début de l’hivernage, tandis que plus tard, sous l’influence des reinoculations multiples, le parasite, qui a déjà opéré plu- sieurs passages par voie sexuée, tend plutôt à se présenter sous la forme tropicale classique et que les croissants deviennent plus rares. Pendant cette même période, durant laquelle nous avons observé chez les enfants indigènes la transition entre les grandes et les petites formes de l’hématozoaire du paludisme, nous avons été appelé à soigner un certain nombre de paludéens, européens ou mulâtres, enfants ou adultes, et nous avons été frappé de ce que, alors que nous ne trouvions chez les indigènes que des formes quartes, nous rencontrions chez eux une grande quantité de formes tierces, classiques et très nettes, avec gra- nulations de Schüffner et grandes rosaces à 15-25 mérozoïtes ; et cela dans une proportion absolument inverse à celle qu’on observe chez les indigènes. C’est ainsi que, sur 12 préparations de sang paludéen, enfants et adultes (2 Européens et 10 mu- lâtres), on observe, en juillet et au commencement d’août, les proportions suivantes entre les différentes formes de l’héma- tozoaire. RELATIONS DE LA FIEVRE TROPICALE 871 NOMBRE DE PRÉPARATIONS de sang paludéen. TIERCES QUARTES TROPICALES 12 8 2 2 Pour cent. 66,6 16,6 16,6 La tierce semble donc être une forme plus spéciale aux Européens et aux mulâtres, ainsi qu'aux Marocains et pro- bablement aux Arabes, puisque, parmi les mulâtres examinés, se trouve un métis marocain, avec parasites de tierce. Les Hovas, à Madagascar, sont vraisemblablement dans le même cas; d'après les préparations que j’ai examinées à Madagascar, c’est la forme tierce qui, avec la tropicale, domine sur les plateaux. En somme, la forme tierce semble la plus fréquente chez toutes les races, sauf dans la race noire, chez laquelle on retrouve plutôt la forme quarte. Cette constatation correspond bien avec les relevés statis- tiques fournis par la clinique chez les Européens ; pour ne citer qu’un exemple, les observations de Théophanidès rapportées par Laveran 1 et faites d’après 2,474 cas de lièvre palustre, observés à Agrinion (Grèce), sur des Européens, démontrent que cet auteur n’a rencontré que 2,9 0/0 de quartes parmi les très nombreux cas de lièvre paludéenne qu’il a suivis. Le passage de la forme tropicale à la forme tierce, quoique déjà admis par Billet 2, et par de nombreux auteurs, est plus difficile à observer que le passage de la tropicale à la quarte, que l’on peut facilement suivre chez l’enfant indigène, qui n’est soumis à aucune médication, parce que les malades européens ou mulâtres prennent de la quinine et que, se mettant ainsi à l’abri 4e nouvelles infections, ils peuvent héberger de grands parasites, même en pleine mauvaise saison 3. Il faut d’ailleurs 1. Laveban, Traité du Paludisme. Paris, 1898, p. 8. 2. Billet, Examen de 43 cas de paludisme, provenant des régions tropicales. C. 11. Soc. Biologie. T. LIX, 25 nov. 1905, p. 539. 3. Nous pensons cependant que le passage de la lorinc tropicale à la forme tierce peut, dans certains cas, ainsi que cela a été déjà signalé par Marchoux (Paludisme au Sénégal. Ann. Inst. Pasteur, 1897, p. 659), s’opérer avec une grande rapidité; nous possédons l’observation d’un jeune mulâtre, chez lequel, comme 872 ANNALES DE L’INSTITUT FASTE U U reconnaître que la quinine est, chez eux, un besoin plus impé- rieux que chez les noirs ; alors que les enfants nègres, qui ont 76 » 70 53 » y> — 8 — 84 )) 78 » 73 51 38 11 — 10 — 85 » 79 )) 74 » » » — 14 — 85 9 80 7.5 74 5 3 40 i O io Dans chacun des essais 1 à 5, j'ai repris la partie qui n a pas servi aux dosages d’acidité et j’ai séparé Toléate de méthyle. Les expériences 1 et II mettent en évidence, avec une netteté absolue, les propriétés éthérifiantes du tissu pancréatique. Elles s’exercent même, fait assez inattendu, en présence des solutions alcooliques diluées; dans l’essai 5 de l’expérience 11 avec une solution à 8 p. 100, en poids, la proportion d acide ethérifïe atteint 40 p. 100. Il semble qu’il y ait une contradiction entre ces résultats et ceux que j’ai rappelés plus haut, de M. Bertlie- lot. Elle n’est qu’apparente; en réalité les uns et les autres se rapportent à des phénomènes qui ne sont pas comparables. On 1. Pour les essais 5 et 6 j'ai employé de l’eau distillée additionnée de 4 2000 d’aldéhyde formique. 912 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ne peut pas inférer, de ce qui se passe dans le cas de mélanges hétérogènes, comme ceux des expériences I et II où, si Lun des deux corps réagissants, l’alcool est en solution dans l’eau, l’autre, l’acide, n’y est pas. Les propriétés saponifiantes du tissu pancréatique sont depuis longtemps connues, aussi me bornerai-je, pour démon- trei qu il est capable de dédoubler les corps auxquels il a donné naissance, à rapporter deux essais; ils ont été effectués dans des conditions comparables à celles des essais 4 et 5 de l’expé- rience II. Expérience III. — J ai fait agir à 33° les mélanges suivants : Eau dist. formolée Oléaie Tissu à 1/2000. de méthyle. 1 35 50 2,5 2 70 50 . 2,5 et deux mélanges témoins faits dans les mêmes conditions, mais avec, des tissus chauffés dans l’eau à IKK Les nombres du tableau indiquent les pro- portions, pour 100, d’oléate saponifié. Essai 1 2 gr. 1 — 2 2 gr. 6 Si nous comparons, en tenant compte des quantités d’eau et d’alcool absorbées ou libérées par les deux phénomènes inverses, ce qu’est devenue au moment de l’équilibre la composition des deux couches juxtaposées qui constituent le mélange en réaction dans les essais 4 et 5 de l’expérience II et dans ceux de l’expérience III, nous voyons qu’elle est la même pour les essais contenant même quantité d’eau, que l’on soit parti du système Alcool -p Acide ou du système Eau + Ether. ACTIONS DIASTASIQUES REVERSIBLES 913 Acide libre clans 100 p. couche acide -j- ether Alcool en gr. p. 100 gr. d’eau ' couche eau alcool . Exp. II. Essai 4.... 45 7.0 — III. — 1. 45 7.0 Exp. II. Essai 5... 60 4.9 — III. — 2. ■ 60 CO 1 — * * * J’ai recherché comment se comporte la diastase pancréa- tique en présence d’acide oléique et de divers alcools corres- pondant aux premiers termes de la série grasse. J’ai toujours opéré sur des mélanges équimoléeulaires d’acide et d’alcool avec 1 gramme de tissu pour 20 grammes de mélange, à la température de 33». Les nombres inscrits dans les colonnes A et B indiquent les proportions pour 103 d’acide éthérifié après 1-8 heures et après 17 jours. Dans les essais témoins, l'éthérifi- cation n’a jamais atteint 10 0 0 de l’acide au bout de 17 jours A B ! Alcool méthylique . . 52 79 — éthylique ... 53 83 — propvliquc. . . 67 86 — isopropylique ... 53 74 — butylique normal . 70 86 — isobutvlique . 2 9 — butylique secondaire. 61 85 — butylique tertiaire . 4 4 — isoamylique inactif . 50 87 L’éthérification se fait bien, marche avec des vitesses com- parables et aboutit à des limites sensiblement les mêmes pour n-en\è™,“nLUiVVoàV,îli!hCiemeat ‘,Ue racide »'« 12 1 O 2 1 Acides lactiques. — Je n ai pas observé d éthérification diasta- sique appréciable en essayant , même à très faible dose, les acides lactiques droit, gauche et inactif par compensation : ce dernier (acide ordinaire, de fermentation) a seul été essayé à dose élevée, il exerce alors sur la diastase une action empochante et destructive. Expérience X. — J'ai fait agir à 33° chaque tique sur 10 c. c. d’un mélange comprenant : fois Ogiyt de tissu pancréa Acide oléique. . . Alcool amylique 100 grammes. 31 es divers essais ont reçu en outre : 920 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Acide lactique en grammes par li re. 1 0 2 O ° 8 L 48 Les proportions centennales d’acide éthérifié ont été : ; Témoin 1 2 3 4 Après 2 jours. . . . 7 70 47 » » - 6 10 86 . 68 12 10 . ' ',l JOut de 6 jours le tissu des divers essais a été repris, lavé à l’alcoo jusqu a ce que celui-ci n’entraîne plus d’acide et remis en essai dans les mêmes conditions que précédemment, mais sans addition d’acide lactique Tissu provenant de l’essai. Acide éthérifié p. o ’0 après 12 jours. 82 65 13 Dans les (issus où 1 activité diastasique avait été détruite pa le contact prolongé avec la solution d’acide lactique, je n’ai pa pu la faire réapparaître, malgré de nombreuses tentatives par de lavages à 1 eau ou à l’alcool légèrement alcalinisés. Acide oleique. L’acide oléique s’éthérilîe bien, ainsi que b montrent les expériences déjà citées. La réaction marche encor, s. le mélange d’acide et d’alcool se trouve dilué dans un, grande quantité d’un liquide indifférent. Eæpenence XI. ~ L’essai a été fait avec 1- gr. de tissu pour 20 er d’ur mélangé equimoléculaire d’acide et d’alcool, mais le mélange acde-alcool était dilue dans deux fois son volume de Xylol. Acide éthérifié p. o/0. j Témoin. Diast. Après 2 jours . . 0 33 — 3 jours. . . . 0 63 . ACTIONS DIASTASIQUES REVERSIBLES 921 Acide steariqm. — L’acide stéarique s’éthérifîe quoique un peu lentement. Gomme il est peu soluble dans T alcool amy- lique, on peut l’ajouter en grand excès, on le voit se dissoudre au fur et à mesure que R éthérification progresse. Le stéarate d’amyle est un corps neutre blanc, solide à la température, ordinaire, fusible à 21°. Il se dissout bien dans l’alcool chaud; mais, par refroidissement, il se sépare en grande partie sous forme de cristaux qui présentent au microscope l’aspect de petites tables carrées. 15&r,501 saponifiés ont donné 12sr,483 d’acide stéarique et 3gl‘,489 d’alcool amylique. J’ai essayé avec résultat négatif les acides benzoïque et sulfovinique. ■2k Je vais, pour terminer, préciser, en quelques points, les conditions dans lesquelles s’exerce ou se détruit la diastase éthérifiante du pancréas. Action de la température. Expérience XII. — J’ai fait agir pendant. 24 heures à diverses températures des mélanges comprenant : Acide oléique 10 Alcool méthylique y 14 Tissu 0,05 pour les témoins le tissu était traité comme dans le cas de Y Expérience II. - Diast. Témoin. A 18° 31 0 — 25 32 0 — 33 35 0 — 40 2i 1 La région des températures optimales est comprise entre 48 et 33°. Pour étudier l’action destructive des températures élevées, j’ai fait agir les tissus chauffés pendant 48 heures à 33° dans des milieux ayant la constitution de ceux de l'expérience IL Si le tissu est chauffé sous l’eau, une ébullition de quelques minutes détruit la diastase : 10 minutes est une limite qu on peut adopter et qui est plus que suffisante; j’ai trouvé plus commode, surtout quand j’avais affaire à de petites quantités de matière, ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR (Jâ2 d’opérer à l’autoclave et, dans ce cas, j’ai chauffé jusqu’à ce que le manomètre indiquât une température de 110°, pour être bien sûr (|ue toutes les portions de tissu seraient portées au moins à 100°. Si la poudre pancréatique est chauffée au bain-marie à 100° dans T alcool anylique, la destruction de la diastase est un peu moins rapide et il est nécessaire de chauffer pendant 30 minutes* Influence des quantités de diastase. — La quantité de tissu mise en œuvre influe sur la vitesse de l’éthérification, mais non pas sur les conditions de l’équilibre limite. Expérience XIII. — J’ai fait agir à 33o sur poids égaux d’un mélange équimoléculaire d’acide oléique et d’alcool m éthylique des quantités variables de tissu. TOIDS DE TISSU pour 100 gr. de mélange. ACIDE ÉTHÉRIFIÉ POUR 100 Après 1 jour. Après 3 jours. Après 20 jours. 1 8 56 84 2 12 66 82 5 27 66 84 10 43 74 . 85 — La diatase n entre pas en solution dans le milieu qui s’éthérifie. Expérience XIV. — Un essai a été mis en train à 33° avec 40 grammes d’un mélange équimoléculaire d’acide et d'alcool méthylique ; au bout de 48 heures, 40 p. 100 de l’acide étant éthérifié, j’ai réparé par filtration tout le liquide qui a été divisé en deux parties, l’une A est remise sur le tissu,, l’autre B est placée dans un tube à part, les deux sont remises côte à côte à l’étuve. PROPORTION D’ACIDE ÉTHÉRIFIÉ POUR lOoj depuis l'origine. A B 1 jour après remise à l’étuve 60 40 3 jours — — 78 40 8 - _ _ 83 40 i Le fait qu’une action diastasique s’exerce sans que le ferment ACTIONS DIASTASIQUES REVERSIBLES 923 enlre en solution est d observation banale. Il se produit avec toutes les diastases qui ne diffusent pas au travers des parois cellulaires, mais qu on peut taire agir en employant les cellules elles-mêmes tuées. Dans le cas particulier de la poudre pancréa- tique, 1 examen microscopique montre qu'elle contient, surtout si on a broyé l’organe préalablement haché avec du sable lin, une grande quantité de débris cellulaires et de cellules dila- cérees ; il est donc certain que la diastase éthérifiante n’est pas simplement séparée du milieu par une membrane imperméable, mais qu elle reste fixée sur l’élément cellulaire auquel appar- tient la propriété spécifique, bien que celui-ci ait été mis en liberté. M. Nicloux a constaté un fait du même ordre avec la lipase des graines de Ricin1. 1. Nicloux, Academie des Sciences , 3ü mai 1904. La spirillose des embryons de poulet dans ses rapports avec la Tréponémose héréditaire de l’homme PAR C. LEVA DIT! Bientôt après la découverte du Treponema pallidum (Schau- dinn et Hoffmann) dans les manifestations primaires et secon- daires de la syphilis acquise, les recherches de Buschke et Fischer et de Levaditi ont montré l’existence de ce parasite dans les altérations cutanées et viscérales de l’hérédo-syphilis. Grâce à 1 emploi delà méthode à l’argent combiné à l’acide pyro- gallique, méthode dérivée de celle de Bertarelli, Yolpino et Bovero, nous avons complété récemment ces premières recher- ches et, en collaboration avec Salmon et Sauvage, nous avons déterminé les rapports qui existent entre les tréponèmes, d’une part, et les lésions que 1 on constate chez les hérédo-syphiliti- ques, d autre part 1 . Nos constatations ont ainsi prouvé que la syphilis héréditaire est, en dernière analyse, une spirillose aiguë, ou relativement chronique des nouveau-nés issus de parents syphilitiques. En effet, si, par certains côtés, la tréponémose des rejetons hérédo-syphilitiques s’écarte sensiblement des spirilloses humaines et animales connues, par contre, nombreuses sont les ressemblances qu’une analyse attentive permet de révéler entre ces deux ordres de processus. Ces considérations montrent suffisamment l’intérêt des recherches ayant pour but 1 etude expérimentale de l’infection spirillienne des embryons. Ces recherches peuvent nous rensei- gner sur les conditions qui président à la transmission hérédi- taire des spirilloses et apporter quelques contributions au cha- pitre de la tératologie expérimentale: en outre, elles peuvent préciser davantage les rapports qui existent entre la tréponé- mose héréditaire de l’homme et ces spirilloses. En mai 1905, M. Borrel a, le premier, réussi à infecter les embryons de poulet avec le spirille découvert au Brésil par Mar- choux et Salimbeni. En introduisant dans l’œuf fécondé une E Voir ces Annales, janvier 1906, vol. XX, p. 41. SPIRILLOSE DES EMBRYONS DE POULET 925 certaine quantité de sang- de poule riche en spirilles, ce savant a obtenu des poussins présentant une septicémie spirillienne des plus accentuée. En poursuivant ces recherches, Borrel a vu qu’il est possible de transmettre la spirillose aux embryons de poulet, meme lorsqu'on pratique l'injection de virus dans l’œuf au début de l’incubation. Ayant eu l'occasion de répéter ces expériences, nous avons confirmé ces données et nous avons recueilli quelques faits nou- veaux qui complètent l’étude de la spirillose embryonnaire, telle qu’elle avait été commencée par Borrel. Ces faits font le sujet du présent mémoire divisé en deux parties : la première a trait à ï étude expérimentale et anatomo-pathologique de F infection spiril- lienne des embryons de poulet , la seconde concerne T hérédité dans la septicémie brésilienne. 1 SPIRILLOSE DES EMBRYONS DE POULET Le procédé que nous avons employé pour donner la spirillose aux em- bryons de poulet est le suivant : A l’aide d’une pipette effilée, on introduit quelques gouttes de sang contenant des spirilles dans le blanc d’un certain nombre d’œufs fécondés. La coque de ces œufs a été préalablement perforée sur 1 orifice (de préférence du côté opposé à la chambre d’air), au moyen d’une aiguille portée au rouge. Après l’injection, on laisse tomber une goutte de cire à cacheter et on place les œufs dans la couveuse l. Conformément aux constatations antérieures de Borrel, nous avons vu, dans une première série d’expériences, que les spirilles injectés dans V œuf ne restent vivants et ne se multiplient que lorsque cet œuf est fécondé et qu'il donne lieu à la formation d'un embryon . Tous les essais de culture des spirilles dans les œufs non fécondés sont, en effet, restés infructueux. Par contre, dès qu’il y a for- mation d’une ébauche d'aire vasculaire, on peut être certain que l’introduction du virus sera suivie d’une infection spirillienne de l’embryon et des vaisseaux qui entrent dans la constitution de cette aire. Ce fait est particulièrement intéressant. Il montre que l’albumine et le vitellus, tels qu'ils sont contenus dans l’œuf avant sa germination, constituent un mauvais élément nutri- tif pour les spirilles. Ceux-ci semblent ne pouvoir assimiler les matériaux de l’œuf que si l’embryon, par l’intermédiaire de ses 1. Nous nous sommes servi d'une couveuse appellée la Houdanaise, réglée au voisinage de 40°. 926 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cellules, a déjà fait subir certains changements à ces matériaux. La présence d’éléments cellulaires vivants est donc une condition indispensable pour la culture des microorganismes spirilles dans l’œuf. De plus, nous avons constaté que l’apparition de l'infection spirillienne chez l’embryon de poulet dépend du moment où l’on pratique 1 inoculation du virus. Elle manque toutes les fois que cette inoculation est faite un jour ou deux avant le commence- ment de l’incubation, et n’a lieu que rarement lorsqu’on injecte les œufs le premier ou le second jour de cette incubation. Ceci tient à deux causes : tout d’abord, à la dégénérescence et à la mort rapide des spirilles introduits dans l’œuf avant la segmen- tation, ce qui fait que la virulence de ces spirilles est fortement affaiblie ou complètement anéantie au moment où cette seg- mentation commence. Ensuite, à l’influence empêchante que toute injection faite dans 1 œul au début de l’incubation, exerce sur le développement ultérieur de l’embryon. Mais si l’on a soin d’inoculer le virus le 3e ou le 4e jour de l’incubation, on obtient facilement une spirillose des embryons de poulet. Cette spirillose, caractérisée par la présence de nom- breux parasites, non seulement dans les organes et le système vasculaire de l’embryon, mais aussi dans les vaisseaux ue la cir- culation vitelline et allantoïdale (aire vasculaire;, débute le pre- mier ou le second jour qui succède à l’inoculation. Elle dure 6, 7, 8 jours ou plus et est suivie de la mort de l’embryon dans l’œuf. En général, cette mort est d’autant plus précoce que l’in- jection de sang virulent a été faite plus près du début de l’incu- bation, ce qui revient à dire que la maladie évolue plus rapide- ment chez les embryons très jeunes. Ajoutons que, contrairement à ce que Ton constate cliez les poules adultes atteintes de la septicémie brésilienne, jamais la spirillose des embryons de poulet n est suivie d’une guérison précédée par la crise qui, chez les animaux adultes , préside à la disparition des spirilles de la circulation générale. % Sfr Nous avons essayé de préciser le sort des spirilles injectés dans les œufs fécondés et rechercher la voie suivie par ces spi- rilles pour pénétrer dans l’organisme des embryons de poulet. SPILULLOSE DES EMBRYONS DE POULET 927 Pour ce qui concerne le premier point, nous avons constaté que les parasites introduits dans P albumen ne tardent pas à s'immo- biliser et à montrer des signes de dégénérescence, se traduisant par la formation de granulations et par l’apparition de spirilles en grain de chapelet. Peu de temps après leur introduction dans le blanc d’œuf, un grand nombre clé ces spirilles s’enroulent sur eux-mêmes pour former des nœuds irréguliers, ou des boucles (PL XXXIII, fîg. 8, s")1; d’autres spirilles montrent des formes d’involution, se caractérisant par la présence de corpuscules métachromatiques en plein corps du parasite ( faux noyaux). Lorsque l’injection de sang riche en spirilles a été faite dans le vitellus, on constate que ces spirilles s’accolent aux grains vitellins, qu'ils entourent parfois complètement (PL XXXI11, fig. 8, s'). Ces changements morphologiques des parasites montrent qu’aucune culture des spirilles ne s'opère dans ces conditions et que la multiplication de ces spirilles ne s’effectue qu’au contact des cellules de l’embryon. Pour ce qui a trait à la voie suivie par les spirilles pour enva- hir l’organisme embryonnaire, nos recherches ont montré que cette voie est celle de la circulation de l’aire vasculaire. En effet, si l’on a soin d’ouvrir les œufs peu de temps après l’injection du virus, on remarque que le sang des vaisseaux formant le réseau du système ombilical est sensiblement plus riche en parasites que le liquide hématique puisé dans le cœur de l’embryon. Il s'ensuit que le foie de X embryon est X organe qui , par X inter- médiaire de celte circulation ombilicale , reçoit le premier les germes virulents. De fait, dans plus d’un cas, l’examen des frottis et des coupes (v. plus loin) nous a montré que la richesse en spirilles de la glande hépatique dépasse de beaucoup celle des autres viscères (poumon, rate, rein, etc.). De plus, toutes les fois que l’examen macroscopique des embryons nous a révélé la présence 1. Ces spirilles disposés en boucle ou formant des nœuds rappellent ceux que nous avons rencontrés sur les frottis de raie provenant de poules sacrifiées en pleine crise. (Voir ces Annales, vol. 18, mars 1904, p. 129.) Il s’agissait alors de parasites phagocytés par les macrophages de la rate et que l’écrasement mécanique de ces macrophages avait mis en liberté. L’existence déformés identiques dans le blanc ou le jaune d’œuf montre que cet enroulement des spirilles sur eux-mêmes, phénomène qui traduit un état de souffrance des parasites, peut s’opérer aussi en absence de tout élément cellulaire, hn tout cas, rien ne nous autorise à considérer ces formes particulières comme représentant un stade de repos, ainsi que le veut Prowazek {Arb. ans, déni Kaiser. Gesun- dheilsamte, vol. XXIII, 1906). 928 ANNALES DE L’INSTITCJT PASTEUR de lésions, ces lésions ont été plus étendues et plus graves dans le foie qu’ailleurs. * * * Les ait dations determinees par 1 infection spirillienne des embryons de poulet peuvent être réparties en deux catégories : celles que l’on constate chez les embryons sacrifiés en pleine septicémie spirillienne, ou ayant succombé depuis peu, et celles que Ton décèle chez les embryons morts dans l’œuf depuis un certain temps déjà et qui ont subi une macération plus ou moins intense ( embryons macérés). a) Les lésions constatées chez les embryons sacrifiés peu avant la mort, intéressent surtout le foie. Elles sont d’ordre inflammatoire, dégénératif ou hémorrhagique, comme il ressort des constatations suivantes : Expérience 5, embryon c. — L’injection a été pratiquée le 5e jour de 1 incubation ; l’œuf a été ouvert huit jours après l’inoculation. L’embryon est vivant et mesure environ 5 centimètres. Le foie est hypertrophié, de coulem jaune, il montre, sur la plus grande partie de sa surface, des plaques verdâtres, entourées d’une liséré hémorrhagique. L’examen histologique révèle la présence d’un large foyer de nécrose intéressant le bord libre du foie, foyer limité par une zone hémorrhagique assez accentuée. Le protoplasma des éléments hépatiques est en grande par- tie coagulé, le noyau est hyperchromatique, en état de picnose. Les cellules sont dissociées par des globules rouges dont le noyau est très avide de couleurs basiques (PL XXXiv, fig. 7). Expérience 9, embryon a. — L’injection a été faite dix jours après le début de l’incubation ; l’œuf a été ouvert six jours après l’infection. L’embryon vivant mesure environ 6 centimètres. Le foie est de couleur jaune \eidatie , il montre des loyers grisâtres de nécrose et des hémorrhagies punctiformes. L’examen histologique fait à l’aide de la méthode à l’argent, montre que les éléments hépatiques sont en grande partie atteints de dégénérescence giaisseuse, surtout ceux situés à la limite des foyers de nécrose. Ces foyers intéressent le bord libre de 1 organe; a leur niveau, on ne rencontre que des vestiges de cellules hépatiques, emprisonnées par une multitude de leucocytes mononucléaires et par quelques rares polynucléaires (PI. XXXIV, fig. 2). Les spirilles, en assez grand nombre, sont disposés entre les cellules du loie, isolés ou par faisceaux; ils sont plus rares au niveau des foyers de nécrose et d’inflammation dont nous venons de parler. La gravité des lésions hépatiques contraste avec la faible intensité des altérations constatées dans les autres organes (la rate, p. ex.). Les modifications du sang seules méritent d’être SPJRILLOSE DES EMBRYONS DE POULET 999 enregistrées, étant donnée l’analogie qu’elles offrent avec les lésions hématiques décrites chez certains hérédo-syphilitiques 11 8 agit de la persistance du caractère myéloïde ou plutôt embryonnaire des éléments figurés du sang, chez les embryons sacrifies un ou deux jours avant leur éclosion. Normalement, vers la fin de 1 incubation, le sang de ces embryons perd aspect myeloide qu il présentait auparavant, pour devenir ce qu il sera plus tard chez le petit poussin. Par contre, chez les embryons infectés par le spirille de Marchoux et Salimbeni on constate que les globules blancs et les hématies gardent rilus onglemps cet aspect myéloïde. On remarque, en effet, la pré- sence d un grand nombre de myélocytes granulés (PI. XXXIII. ig. a, m), de leucocytes mononucléaires vacuolisés, et de globules rouges à protoplasma basophile (e") et à noyau en division caryokinetique. De plus, il n’est pas rare de découvrir, dans le sang de ces embryons, des signes d’hémolyse, se traduisant par 1 existence de nombreuses hématies réduites à l’état ,1e stroma -(fig- a, e). Devant ces constatations, on est tenté de faire un rappro- chement entre les altérations hématiques provoquées par le Spinllum gallinarum chez les embryons de poulet, d’une part et les modifications sanguines que l’on a rencontrées chez les rejetons issus de parents syphilitiques, d’autre part. Sans entrer ici dans les détails de l’hématologie de l’hérédo-syphilis, -nous rappellerons seulement que, dans la tréponémose hérédi- taire de l’homme, le sang acquiert souvent des caractères myé- Joides.se manifestant parla présence soit de myélocytes granulés soit d hématies nucléées ( normoblasles ). Embryons macérés. - Lorsque, à la suite de la septicémie brésilienne, 1 embryon de poulet déjà formé meurt à l’intérieur de 1 œuf, et si 1 on a soin d’ouvrir cet œuf un certain temps après a mort do 1 embryon, on constate que cet embryon a subi des transformations qui le rapprochent sensiblement des fœtus macérés hérédo-syphilitiques. On se trouve en présence d’un embryon ratatiné, flasque, parfois desséché, et dont la peau se détaché par lambeaux; d’autre part, les organes sont devenus presque incolores, friables et le sang a subi une hémolyse complète. Voici d’ailleurs la description détaillée de quelques- uns des embryons macérés observés par nous : 39 930 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Expérience 7. embryon e. — (PI XXXÏI1, fi g.. 2.) L’injection de virus a été faite le 4e jour de l’incubation, l’œuf a été ouvert huit jours après l’injection. L’embryon mort et macéré mesure environ 6 centimètres. Foie gras, jaunâtre, friable ; rate de couleur blanchâtre, également fiiable, presque desséchée; sang du cœur complètement hémolysé. Les frottis montrent la présence de nombreux spirilles dans le sang du cœur, dans le foie et la rate; les cellules de ces organes ont été complètement détruites par le processus de macération. L’examen histologique du foie permet de constater que les éléments hépatiques possèdent un noyau pâle, fragmenté, et un protoplasma granu- leux, déchiqueté, offrant peu d'affinité pour les matières colorantes. Ces éléments sont dissociés par une grande quantité de globules rouges ; ces derniers ont perdu leur hémoglobine et sont réduits à l’état de stroma, pourvu de noyaux pâles (PI. XXXIV, fig. 4). Le foie renferme un grand nombre de spirilles. La plupart de ces spirilles continuent à bien s’imprégner par l’argent; ils sont situés entre les cellules hépatiques et semblent parfois pénétrer dans le protoplasma même de ces cellules. Onrencontie également des spirilles agglutinés, disposés par faisceaux, et des parasites dégénéiés ayant pris l’aspect moniliforme. Certains spirilles se sont infiltiés dans la paroi des vaisseaux hépatiques (PL XXXIY, fig. 1, vl ). Les coupes de rein montrent la présence d’une macération prononcée des cellules rénales. Les spirilles, assez nombreux, pénètrent à 1 intérieur des tubes du rein; on les rencontre disposés longitudinalement entre les épithé- liums des tubuli, ou libres, dans le contenu granuleux des canaux contournés (PL XXXIY, fig. 5). Quelques parasites circulent dans le réseau capillaire des glomérules. Nous avons fait des constatations analogues chez l’embryon cl de l’expé- rience 7 (inoculé le 4e jour de l’incubation, œuf ouvert 7 jours après l’infec- tion) et chez l’embryon f de l’expérience 4 (PL XXXIY, fig. 3); injection du virus le deuxième jour de l’incubation, ouverture de l’œuf 14 jours après l’inoculation. .'g. L’examen des frottis et des coupes provenant d’embryons sacrifiés au cours de la septicémie spirillienne nous a montré fréquemment l’existence d’une phagocytose des spirilles, réalisée par les leucocytes du sang et surtout par les macrophages du foie, de la raie et du rein. Les leucocytes polynucléaires englobent rarement les éléments spirilliens (PL XXXIII, fig. II, ff cellule de gauche); par contre, dans le foie, les cellules de Kupffer sont parfois farcies de spirilles. Quelquefois ces der- niers conservent leur forme filamenteuse et ondulée ; mais le plus souvent les parasites intra-cellulaires, logés dans des vacuoles protoplasmiques, s’enroulent sur eux-mêmes et finis- sent par former des anneaux irréguliers, destinés à se trans- 931 SPIRILLOSE DES EMBRYONS DE POULET 'ÎTyyyTti !ran:,'atK:?S ColorabIes noir par 1 argent Pi. XXXIII, fig. 12 cellule de droite, s; PL XXXIV, fîg. 6, ni) Le même phénomène s'observe dans Ja rate et lerein. Dans ce dernier organe, la phagocytose est réalisée soit par les eucocytes mononucléaires intra-vasculaires (PI. XXXIV hg. i m), soit par les cellules endothéliales qui tapissent les capillaires glomérulaires. (PI. XXXI V. fîg. 3, e,) % * Les faits exposés dans ce chapitre permettent de formuler un certain nombre de conclusions ayant trait aux rapports que on peut établir entre la spirillose des embryons de poulet et a treponemose des rejetons hérédo-syphilitiques. Les voici : Comparée à la septicémie spirillienne des poulets adultes, a spirillose des embryons nous apparait comme étant infiniment plus grave; les lésions qu’elle provoque sont en effet incompa- rablement plus profondes que celles que l’on rencontre chez les poules atteintes de la septicémie brésilienne* et, d’autre part contrairement à ce qui se passe chez ces animaux adultes! la spirillose des embryons ne semble pas se terminer par une dispa- rition critique des spirilles de la circulation générale. Cette gravité particulière de la maladie spirillienne ne doit pas surprendre. ne aut pas oublier qu il s agit d une infection microbienne évoluant chez des êtres qui n’ont accompli qu’une partie de leur vie embryonnaire et qui, de par ce fait même, possèdent des moyens de defense encore imparfaits. A ce point de vue il y a une analogie frappante entre la spirillose embryonnaire et la syp 11 îs héréditaire, laquelle, cliniquement et anatomo-patho- logiquement parlant, est incomparablement plus grave que infection syphilitique de l'homme adulte. On n’aqu’à comparer a richesse en tréponèmes des divers organes prélevés chez des heredo-syphilitiques, ainsi que les altérations étendues de ces organes, avec le petit nombre de spirochètes que l’on a écelés dans les viscères des syphilitiques adultes 2, pour se pénétrer de la réalité de cette susceptibilité particulière des êtres incomplètement développés, vis-à-vis des infections spirilliennes. 1. Voit à ce sujet: Levaditi et Manouélian, ces Annales, vol. 20. juillet 1906, p. 593. ACQUET et Sézary ont décelé les tréponèmes exclusivement dans les capsules tna es, chez un syphilitique adulte (Soc. médicale des Hôpitaux, 23 mars 190G). 932 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR En dehors de ces caractères concernant la gravité de la spirillose embryonnaire, l’étude anatomo-pathologique de cette maladie nous permet d’établir des ressemblances, mais aussi des différences entre cette spirillose et l’hérédo-syphilis. Dans nos recherches sur la tréponémose héréditaire de l’homme1, nous avons montré que cette affection spirillienne diffère des autres septicémies à spirilles (spirillose des poules, fièvre récurrente de l’homme) par le fait que le Treponemct pallidum n’est pas un parasite du sang, comme c’est le cas des autres spirilles bien connus. Le liquide hématique des nouveau- nés hérédo-syphilitiques ne renferme, en effet, que relative- ment peu de tréponèmes, ceux-ci étant surtout répandus dans les divers parenchymes glandulaires. Or, chez les embryons de poulet, 1 eSpirillum gollinarum , continuant à se comporter comme chez les animaux adultes, pullulle abondamment dans le sang de la circulation générale et la maladie qu’il provoque est bien une vraie septicémie (PI. XXXIII, iig. 5). Il y a donc, à ce point de vue, une dissemblance entre ce processus et l’hérédo- syphilis. Un autre caractère différentiel est fourni par l’examen des altérations histologiques que nous avons rencontrées chez nos embryons infectés. On sait que les lésions de 1 heredo-syphilis sont surtout caractérisées par l'existence de loyers d’inflamma tion mononucléaire, répandus soit en plein tissu interstitiel, soit autour des vaisseaux, foyers qui, principalement dans le foie, sont destinés à se transformer en une sclérose plus ou moins diffuse. Chez les embryons de poulet atteints de spirillose, les altérations viscérales, en particulier celles de la glande hépatique, n’offrent que rarement ce caractère inflammatoire interstitiel et périvasculaire. Point de nodules à mononucléaires, ni de sclérose dans ces altérations, qui sont essentiellement de nature dégénérative et hémorrhagique. Encore une dissemblance entre la syphilis héréditaire et la spirillose qui fait le sujet de notre étude. Les analogies entre les deux processus sont multiples. 11 y a tout d’abord la gravité des lésions du foie, organe qui, chez le fœtus humain comme chez l’embryon de poulet, est le premier à recevoir le virus par l’intermédiaire de la circulation ombi- 1. Levaditj, Ces Annales , vol. XX, janvier 1906, page 41. 933 SPIRILLOSE DES EMBRYONS DE POULET Jicale. Ensuite, un rapprochement s’impose entre le caractère dégénératif et hémorrhagique de certaines lésions constatées chez les rejetons heredo -syphilitiques et les dégénérescences parenchymateuses et les hémorrhagies que nous avons rencon- ) y o n s . Il a ns nos études sur la syphilis héré- ditaire, nous avons montré que le tréponème ne s’attaque pas seulement au système conjonctif et vasculaire, mais qu il provoque aussi des lésions dégénératives des éléments glandulaires, dans le protoplasma desquels il réussit parfois à pénétrer (cellules hépatiques, cellules des capsules surré- nales ou des glandes sudoripares, par exemple). Or, à peu de chose près, le Spir ilium gaUinarum se comporte, à ce point de vue, comme le Tveponemci pcillidum. — Il s’infiltre parmi les cellules du loic et du rein, entre en contact intime avec le corps protoplasmique de ces cellules 1 et finit par déter- miner la dégénérescence et la nécrose plus ou moins com- plète de ces éléments. Comme les tréponèmes dans la syphilis héréditaire d’ailleurs, le spirille de Marchoux et Salimbeni provoque, chez les embryons, des hémorrhagies plus ou moins étendues, hémorrhagies qui peuvent atteindre le sys- tème cutané et réaliser un type hémorrhagique de la spiril- losc embryonnaire, à rapprocher des formes analogues de l’hérédo-syphilis. (Planche XXXIII, fig. 1.) Mais ce qui permet le plus d’établir un trait d’union entre cette herédo-syphilis et la spirillose des embryons de poulet, c’est le processus de macérations qui imprime aux embryons morts dans l’œuf, des modifications rappelant celles que 1 on a décrit chez les fœtus macérés issus de parents syphili- tiques. La ressemblance est ici des plus frappantes. D’un côté comme de l’autre, on a affaire à des embryons (ou des fœtus) ratatinés, ramollis, parfois presque desséchés, et dont le revête- ment cutané se détache, par lambeaux. Les viscères de nos embryons macérés, comme ceux des macérés syphilitiques, sont décolorés ou rougeâtres, friables, flasques; le sang est plus ou moins complètement hémolysé. L’histologie ne fait d’ailleurs que confirmer ces ressemblances 1. Comme on peut s’assurer en examinant les figures 1 et 2 de la PI. XXIV, le Spirillum gaUinarum envahit réellement le corps protoplasmique des cellules du foie des embryons macérés ou sacrifiés en pleine infection; néanmoins ce phénomène ne se rencontre que rarement. 934 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR macroscopiques. Les frottis colorés au Giemsa montrent que les cellules du foie ou de la rate sont plus ou moins détruites par le processus de macération et que les spirilles, malgré cette destruction des éléments anatomiques, conservent leur forme et leurs affinités colorantes (PL XXXIII, figures 6 et 7). Les coupes permettent d analyser de plus près cette macération des cellules et la méthode à 1 argent met en évidence des spirilles en grand nombre, répandus parmi ces cellules macérées. Ce sont la des constatations analogues à celles que Bronnum et Eli er manu S à l’aide des frottis, Queyrat, Levaditi etFeuilliée 2, au moyen des coupes, ont fait chez les rejetons hérédo-syphi- litiques macérés. Quant au mécanisme de ce processus de macération, il nous apparaît comme étant des plus simples. 11 s’agit, pour nous, d’une autodigestion des tissus embryonnaires réalisée par- les ferments protéolytiques existant dans l’œuf, ferments qui doivent provenir, du moins en partie, de T embryon lui-même. En tout cas, les spirilles n interviennent nullement d’une façon directe dans la naissance de ce processus de macération. Ce qui le prouve, c’est le fait que des altérations analogues à celles que nous avons constatées chez nos embryons infectés et macérés, se rencontrent egalement chez les embryons qui succombent dans l’œuf, a la suite de causes autres que l’infection spirillienne. D’ailleurs, l’autodigestion qui aboutit à la macération plus ou moins intense des tissus, ne s’exerce pas d’une façon égale vis- à-vis des divers constituants de l’œuf fécondé. Nous avons remarqué dans nos expériences, que la macération accentuée des tissus embryonnaires et l’hémolyse du sang du cœur peuvent coexister avec un état de conservation relativ e de l’aire vascu- laire et des hématies qui circulent dans les vaisseaux de cette aire. Ce fait semble plaider en faveur de 1 origine embryonnaire (ou fœtale) des ferments autodigestifs, cause de la macération. Inutile d’insister ici sur le rapprochement qu’il y a lieu d’établir entre ces constatations et celles qui se rattachent à l’étude ana- tomo-pathologique et microbiologique du fœtus hérédo-syphi- litique macéré ; notre récent travail, ayant trait à cette dernière question, renferme des données qui permettent de considérer 1. BnoNNUM et Ellermanv, Deutsche med. Work., n° 44, 1905. 2. Queyrat, Levaditi et Feuilliée, Société de Dermatologie , décembre 1905. 935 SPIIULLOSE DES EMBRYONS DE POULET la macération de rejetons issus de parents syphilitiques, comme étant un processus identique à celui que nous venons de décrire chez les embryons spirillés. Remarquable est la résistance que les tréponèmes de Schau- dinn et Hoffmann de même que le Spirillum gallinarum oppo- sent à 1 action détériorante des agents fermentatifs qui pro- voquent la macération. Sans être trop affirmatif à ce sujet, nous sommes enclins à admettre F existence d’une enve- loppe protoplasmique résistante chez ces spirilles, enveloppe dont la composition doit différer sensiblement de celle du protoplasma des éléments cellulaires qui entrent dans la cons- titution des divers parenchymes. Ceci pourrait expliquer la présence de parasites ayant conservé leur forme et leurs affi- nités colorantes dans des tissus macérés dont les cellules sont, pour la plupart, profondément altérées, ou presque complète- ment détruites. Un mot, pour finir, à propos de la phagocytose des spirilles et l’absence de crise que nous avons constatées chez nos embryons infectés. La disparition critique des spirilles chez les poules adultes qui guérissent de la maladie est, d'après nos recherches antérieures et celles plus récentes, faites en colla- boration avec Manouélian, le résultat de la phagocytose de ces spirilles réalisée par les macrophages du foie et de la rate. Or, de prime abord, il semble contradictoire de trouver, chez cer- tains embryons de poulet, une phagocytose intense de ces spi- rilles coexistant avec l’absence de guérison et de crise. Mais ce n’est là qu’une contradiction apparente. On sait, en effet, que malgré la disparition critique des spirilles et la phagocytose qui en est la cause, certains poulets adultes peuvent mourir d’amai- grissement quelque temps après la Fin de la septicémie. Cette mort est due à l’intervention des toxines que, fort vraisemblable- ment, les spirilles sécrètent dans l’organisme au cours de l’infec- tion et qu’ils peuvent mettre eu liberté après leur mort dans le pro- toplasma des phagocytes. Il est donc très probable que chez les embryons de poulet, organismes d’une sensibilité extrême à l’égard des toxines, l’empoisonnement et la mort très pré- coces arrivent avant même que tous les spirilles soient englo- bés et digérés parles leucocytes. De là l’existence d’une phago- cytose plus ou moins prononcée chez des animaux qui ne 936 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR réalisent jamais la disparition critique des spirilles de la circu- lation et des organes. È II L hérédité dans la spirillose des poules Dans nos recherches concernant la transmission héréditaire de la spirillose brésilienne, nous ne nous sommes pas occupé de 1 influence exercée par le coq dans cette transmission : nous avons envisagé exclusivement les propriétés des embryons issus de poules préalablement infectées par le spirille de Marchoux et Salimbeni. Afin de préciser si : f» l’infection spirillienne du géné- rateur femelle se transmet aux rejetons, et si 2° ces rejetons acquièrent ou non une immunité vis-à-vis de la septicémie à spirille, nous, avons procédé de la façon suivante i Une poule bonne pondeuse, mise fréquemment en contact avec le coq, est infectée par injection sous-cutanée le 21 juillet 1905; l’infection atteint son maximum le 24 et la crise apparaît le 25 juillet. Cette poule qui, jusqu’au début de la septicémie, pondait chaque jour, a cesse de pondre à partir de ce moment : ce n'est que du 12 au 15 août, c'est, ü eue _ jouis api ès l injection du virus et 18 jours après la guérison , que animal a pondu une sa le de 4 œufs. Irois de ces œufs, qui se sont montré8, ous iecondés, ont été soumis à l’expérimentation . Œuf I reçoit une injection de virus le 6e jour de l’incubation, en même emps qu’un œuf témoin. On l’ouvre 5 jours après l’injection. L’embryon vivant est parfaitement développé et ne renferme pas des pirilles. L’em- )iyon témoin montre une infection spirillienne intense. Œuf II, reçoit une injection de virus le 15e jour de l’incubation. Il est ouvert 4 jours après l’inoculation. L’embryon vivant et bien . développé est indemne de toute infection. Le témoin est farci de spirilles. OEuf ///, non infecté , est ouvert le 8e jour de l'incubation. Il 1 enferme un embryon mort et macéré, mais non infecté. Cette expérience montre que . 1 La spii illose brésilienne n est pas transmissible héréditairement aux embryons issus de poules infectées ; 2° Ces embryons sont immunisés vis-à-vis de l’infection par le Spir ilium gallinarum . Ces constatations méritent d’être examinées de plus près. L absence de transmission héréditaire de Ja spirillose des poules surprend, lorsqu’on pense que la tréponémose syphilitique est éminemment transmissible de la mère à l’enfant et, surtout lors- qu’on se rappelle que nos recherches faites en collaboration avec SPIRILLOSE DES EMBRYONS DE POULET 937 Manouelian, ont prouve la pénétration du Spirillum galUnarum dans I ovule. Le phénomène est cl ailleurs difficile à expliquer. En tout cas, il faut se demander si cette absence de transmissibilité hérédi- taire de la septicémie spirillienne, n’est pas due au fait cjue les œufs infectes par les spirilles, ne sont plus capables d’être fécondés ou de se segmenter. Il est également possible que les spu illes intra-ovulaires meurent pendant le long espace de temps qui s écoulé entre la ponte ovarienne et 1 expulsion et la segmentation de 1 œuf, cela cl autant plus que nos recherches ont montre la courte ^vitalité des spirilles injectés dans les œufs non fécondés. Quant a 1 immunité des embryons issus de poules guéries de la septicémie spirillienne, elle est très vraisemblablement pas- swe, conformément a toul ce que l’on sait de la transmission héréditaire de 1 immunité (Ebrlicb, Behring, etc.). Il s’agit d’une absorption de la part de 1 ceuf fécondé, des anticorps existant en grande quantité dans le sang des poules qui ont fait leur crise *, absorption qui doits opérer soit dans l’ovaire, soit et surtout pen- dant le trajet qu accomplit 1 œuf dans l’oviducte. On sait en effet, a la suite des expériences de b . Klemperer 2 et de Metchnikoff 3, que les toxines et les antitoxines, en particulier l’antitoxine tétanique, passent facilement clans l’œuf. D’ailleurs nous avons eu soin d apporter une preuve directe en faveur de cette hypo- thèse. Nous avons ajouté, à du sang contenant des spirilles, une émulsion de blanc et de jaune provenant d’un œuf pondu par notre poule guérie de la septicémie spirilienne ; ces spirilles, surtout ceux qui ont été mis en contact avec le jaune, se sont rapidement immobilisés. 1. Le sérum de la poule qui nous a servi à ces expériences agglutinait et immobilisait les spirilles. 2- F- Klemperer, Arch. fur exp. Pathol. 1893. T XXI, p. 371. o. Metchnikoff. L’ immunité dans les maladies infectieuses. Paris, 1901. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 938 LEGENDES DES PLANCHES Pl. XXXIII. — Fig. L Hémorrhagies cutanées chez un embryon de poulet atteint d’infection spirillienne. Fig. 2. — Embryon macéré . F ig. 3. — Embryon macéré. Fig . 4. — Embryon macéré. Fig. 3. h rottis de sang d’un embryon de 18 jours, infecté le 10e jour de / incubation. Coloration au Giemsa. e, hématie normale ; e' , hématies ayant perdu leur hémoglobine et dont le stioma est ratatiné: e , hématie basophile; p, polynucléaire granulé; m, mono- nucléaires granulés ; s, spirilles. tifg. 6. Frottis de foie d un embryon macéré, c, débris nucléaires ; s, spirilles. Fig. 7. • d rottis de rate d’un embryon macéré, c, débris nucléaires; s, spi- rilles allongés ; s' , spirilles disposés en boucle. Fig. 8. d rottis de jaune d'œuf ( point d' inoculation du virus), s, spirille allongé: s, spirille entourant un corpuscule vitellin : s", spirilles entortillés. Fig. 9. Cellules granulées de l'aire vasculaire avec noyaux en kariokynèse, kig. 10. Polynucléaire de l’aire vasculaire, ayant englobé des spirilles. Fig. 11. A gauche: polynucléaire du foie ayant phagocyté un spirille s. A droite : gros macrophage du foie, n, noyau : s, spirilles incurvés contenus dans des vacuoles digestives. Fig. 12. Macrophage de la rate ayant englobé un spirille, s. h ig . 13. — Cellule mononucléaire avec des spirilles phagocytés, s (point d'inoculation du virus). Pl. XXXIV. — Fig A. — Coupe de foie d'embryon macéré, v, vaisseau centro- lobulaire contenant des hématies hémolysées, pourvues de noyaux hyperchro- matiques. La paroi de ce vaisseau {v') contient de nombreux spirilles; h, cellule hépatique altérée par le processus de macération; h', élément hépatique renfer- mant des spirilles; s, spirilles; n, noyaux d’hématies ayant perdu leur hémo- globine. (Imprégnation à 1 argent ; coloration au rouge neutre et au vert de méthyle . ) Fig. 2. Coupe de foie atteint de nécrose, n, foyer de nécrose; h, cellule hépatique partiellement nécrosée et atteinte de dégénérescence graisseuse. Le protoplasma de cette cellule contient deux spirilles (.s-), g, globules de graisse (même coloration) . Fig. 3. — Coupe de rein provenant d’un em,bryon ayant succombé en pleine infection spirillienne. g, glomérule avec h, hématies; v, vaisseau glomérulaire, dont 1 endothélium, e, renferme des spirilles partiellement dégénérés s, (même coloration). Fig. 4. — Coupe d'un vaisseau rénal , v. h, hématies; m, macrophages ayant englobé des spirilles disposés en boucles (même coloration). Fig. 5. — Coupe d'un tube contourné du rein ( embryon partiellement macéré ) e, épithélium rénal contenant des débris de spirilles. Les spirilles, s, s’infiltrenl entre les cellules épithéliales et envahissent la lumière du canalicule s'. d ig . G. — Coupe de foie provenant d’un embryon sacrifié en pleine évolution de la spirillose. c , cellule hépatique: h, hématies; m, macrophages renfermant du pigment et des spirilles disposés en boucle (même coloration). Fig ■ 7 . — Coupe de foie atteint de nécrose, h , lobules hépatiques avec /, foyers hémorrhagiques; n, zone nécrosée (coloration au Van Gieson). Par le D1' M. LOBLEIN, de Leipzig (Travail du laboratoire de M. Metchnikojff.) DEUXIÈME MÉMOIRE Influence du sérum normal sur le processus phagocytaire (Fixateurs normaux.) Après avoir constaté que les leucocytes normaux du cobaye ainsi que ceux de l'homme peuvent englober, sans le concours des humeurs, des microbes pathogènes, nous avons recherché si. comme l'ont prétendu Wright et Douglas , ces humeurs (ou plu- tôt le sérum sanguin) ont une influence importante sur le pro- cessus de la phagocytose. Nous partons de faits bien constatés, qui ont trait à l'action de sérums spécifiques, en choisissant comme exemple celui du sérum de lapins vaccinés contre le streptocoque. Le mécanisme de l'immunité vis-à-vis de ce microbe, qui a été soigneusement éttidié par Demjs et Leclef ‘, Bordel 2, a été élucidé récemment d’une manière définitive par Neufeld et Rimpau 3. Ces auteurs ont montré qu’une substance contenue dans le sérum du lapin vacciné se fixe in vitro sur les streptocoques qui, alors, peuvent être englobés par les leucocytes du lapin; ceux-ci sont incapables de s’emparer du microbe tant qu'il n’a pas été sensibilisé. Lorsque Neufeld et Rimpau faisaient agir le sérum spécifique sur les leucocytes , ceux-ci n'en devenaient pas plus actifs vis-à- vis des streptocoques. Nous avons obtenu des résultats analogues en examinant l’action du sérum antistreptococcique provenant de chevaux immunisés4. Les résultats d’une expérience entreprise dans le 1. Cellule, 1895, p. 177. 2. G^s Annale s, 1897, p. 177. 3. Deutsche Med. Wochenschr. 1904, p. 1458. 4. Nous remercions très sincèrement M. Besredka d’avoir bien voulu mettre à notre disposition, à maintes reprises, des échantillons de ce sérum. 940 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR but d étudier ce mécanisme sont consignés dans un tableau que nous donnons plus tard (voir p. 944-945). En partant de ce fait, nous pouvons préciser la question posée : Le sérum normal contient-il des substances qui, en se fixant sur le microbe pathogène, le rendent prêt à se laisser englober ? De telles substances ont été décrites par Wright et Douglas 4, qui leur ont donné le nom d « opsonines ». Wright et Douglas ont d’abord constaté que le sérum sanguin d individus atteints de maladies staphylococciques exerce une influence favorisante sur la phagocytose in vitro du staphylo- coque par les leucocytes du sang humain. De plus, en injectant des cultures chauffées du microbe, les auteurs constataient que, sous 1 influence de ce traitement, le « opsonic power » du sérum d'un individu malade allait en croissant. Partant de ces faits, ils constataient de plus, que le sérum normal humain exerçait une influence analogue sur la phagocy- tose du bacille de la peste, du micrococcus melitensis, du bac- tenum coli> du bacille de la dysenterie, du bacille charbonneux, bref, sur tous les microorganismes pathogènes qu’ils exami- naient, sauf le bacille diphtérique et le bacillus xerosis. Hektoen et Ruediger 2 ajoutaient la constatation de faits ana- logues pour le streptocoque et montraient que le sérum d’une espèce animale peut « sensibiliser » un microbe pour les pha- gocytes d’une autre espèce. Ces derniers auteurs et un peu plus tard Bulloch et Atkin \ ont fait un examen approfondi de U « opsonine ». Ils confir- ment les données de Wright et Douglas quant à la fixation de 1 « opsonine » sur les microbes et constatent que cette fixation s’opère aussi à la température de 0°. Partant du fait commu- niqué par W. et D. qu’un chauffage à 60° pendant 10 minutes enlève au sérum sa propriété « opsonique », H. et R. étudient de plus près l’influence de la chaleur, et ils constatent qu’un chauf- fage à 54-56° pendant 30 minutes suffit pour rendre inefficace le sérum humain, celui du lapin et du cobaye, tandis que pour le sérum de chien la température critique est de 58-60°. Un chauffage des microbes (streptocoques) ne les modifie pas L Proceed. Royal Socirly, 1904, t. LXXIII, p. 128. 2. Journ. of Infect. Diseases. 2, 1905, p. 128. 3. Proceed. Roy. Society, 74, 1905, p. 379. PHAGOCYTOSE IN VITRO 941 au point de vue de Teffet « opsonique » et de la phagocytose. Si Ton chauffe des microcoques « sensibilisés » à la tempé- rature suffisante, pour rendre inefficace le sérum employé, ou à une température plus élevée de 3-4°, selon H. et R ., ils ne sont plus englobés ni par des leucocytes lavés ni par des leucocytes suspendus dans du sang défibriné. Hektoen et Ruediger en con- cluent que l’opsonine est modifiée, à cette température, d’une manière analogue à la transformation de compléments en com- plémentoïdes, et ils attribuent pour cette raison, à l’opsonine, une constitution semblable à celle du complément. D’observations analogues ayant trait au staphylocoque, Bulloch et Atkin tirent la conclusion que l’opsonine est détruite par un chauffage à fiO°. Nous reviendrons sur ce point. Enfin, H. et R. ont étudié l’inlluence de solutions de plusieurs sels et de la formaldéhyde sur l’englobement des microbes, et ils ont constaté le fait que la phagocytose s’opère d’une façon moins intense si l’on fait agir préalablement sur les microbes un mélange de quantités égales des solutions de mol/8 des sels (tels que CuCE, Na3CGH307, K4Fe (CN)6) et de sang défibriné. En variant les conditions de leurs expériences, Hektoen et Ruedi- ger montrent qu’il ne s’agit pas d’une influence quelconque « empêchante » sur les leucocytes, mais d’une sorte de neutra- lisation de la substance sensibilisante. * & ^ Nous avons étudié les propriétés « opsoniques » du sérum normal du cobaye et nous avons obtenu, dans nombre d’expé- riences, des résultats analogues à ceux qui servent de base aux conclusions de Wright et des autres auteurs cités par nous. 11 est nécessaire de donner quelques détails. Dans les expériences suivantes, nous avons fait usage, en général, d’une méthode analogue à celle de Wright et de Hektoen : Une certaine quantité de liquide, dont on veut étudier l’influence sensibilisante, est ajoutée à une portion (en général égale) d’une émulsion de microbes, le mélange reste pendant 15 ou 30 minutes à la température de 38°, ainsi que des tubes témoins (contenant des mélanges d’émulsions et d’eau salée isotonique ou d’autres mélanges variant selon l’arrangement de l’expérience). Puis des leucocytes lavés du cobaye sont ajoutés et Tenglobe- ment est observé après des espaces de temps variables. / 942 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Bacille charbonneux. Wright et Douglas publient le résultat très remarquable d’une expérience ayant trait au bacille charbonneux : ils comparent F engloberaient de ce microbe par des leucocytes lavés du sang défibriné humain, suspendus d’une part dans du sérum frais humain, d’autre part dans du sérum chauffé à fiO° pendant 10 minutes. Dans le premier cas, ils observent une « phagocytose géné- rale » ; dans le second, ils constatent « practically no signs of phagocytosis ». Nous avons obtenu des résultats analogues avec les leucocytes du cobaye (et ceux de Lbomme) pendant les pre- miers stades du processus. Si l’on observe, après 15 ou 30 minutes, on voit que la différence va en diminuant et enfin disparaît parfois complètement. Voici un exemple : Exp. 50. Des quantités égales d’une émulsion du bacille charbonneux Mt et de sérums frais de différents animaux sont mélangés ; les tubes restent pendant une heure à l'étuve, puis pendant 40 minutes à la température de la chambre. Puis à chaque mélange nous avons ajouté quantité égale d’une suspension de leucocytes du cobaye lavés deux fois dans de l’eau physiolo- gique. Le tube VI sert de témoin contenant, au lieu de sérum, la même quantité d’eau physiologique. L’observation a lieu à la température de la chambre. SUSPENSIONS de bacilles additionnées de LA. PHAGOGYTOSE A LIEU APRÈS 3' 6' 15' 30' ih 2“ I. Sérum de rat + 4 4- 4-4-4- + + + +4-+ H — 1 — b II. Sérum de cobaye + +4- + + + ++4- -f- 4* + + + + III. Sérum de pigeon 4 + + 4- + + + +4-4 IV. Sérum de lapin + 4- 4- ++ 4- -b “b b — b + j V. Sérum de souris 0 + i 4~ 4- “b "b “b + + + VI. Eau physiologique 0 0 y- + 4 “b + + + PHAGOCYTOSE IN VITRO 943 On voit nettement l'influence favorisante des différents sérums suitout de celui du rat et de celui du cobaye i 15 minutes après le commencement de l'expérience, l’englobement des bacilles charbonneux « sensibilisés » par les sérums des deux animaux a déjà atteint le point culminant, tandis que l’on n'ob- serve que des traces de phagocytose dans le tube contenant des bacilles suspendus dans de Peau physiologique. Donc si l’on ne compare que les trois ou quatre premières colonnes du tableau, on obtient le même résultat que celui communiqué par Wright et Douglas. Mais si Ton observe plus longtemps, la différence disparaît peu a peu, comme le montrent les colonnes suivantes. Nous avons constaté un résultat analogue pour des leuco- cytes et du sérum humains. Dans d’autres expériences semblables le résultat n'était pas toujours aussi net. Souvent Tenglobement s’opérait tellement vite, même dans les tubes contenant les lencocytes lavés agis- sant en absence des humeurs, que Ton ne pouvait pas trouver de différence due à une action favorisante du sérum. Streptocoque. L’influence sensibilisante du sérum normal de cobaye sur certaines races de streptocoques est beaucoup plus évidente que celle que nous venons d'observer dans le cas du bacille char- bonneux. Nous nous bornons à donner T exemple suivant d’une expé- rience qui démontre, en harmonie avec les observations des auteurs anglais et américains, le fait que le mécanisme de 1 action du sérum normal ressemble tout à fait à celui du sérum spécifique. Exp. 70. 14*. 4. 1905. — L’expérience concerne deux races de strepto- coques dont Str. Od, IV, n’est que peu virulent pour la souris (voir p. 944), Str. Az est beaucoup plus virulent. — Les différents sérums examinés agissent d’abord pendant 30 minutes à la température du sang soit sur les microbes (lre partie), soit sur les cellules animales (2e partie de l’expérience). Puis les éléments cellulaires sont séparés des liquides à l'aide de la force centrifuge et lavés une fois dans de l’eau physiologique, centrifugés de nou- veau et suspendus dans de l’eau physiologique. Puis on ajoute 944 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR à la suspension de streptocoques des leucocytes lavés 3 fois auparavant, et à celle des leucocytes une suspension de strep- tocoques. I. STREPTOCOQUE ODESSA IV A. Action des sérums sur le microbe. Sur 5 c c. de culture eu bouillon au sérum agissent préalablement 5 c. c. de INTENSITÉ DE L’ENGLOBEMENT | observé après. j 10 minutes. 45 minutes. 2 heures. 1. Eau physiolog T + H — h + + f 2. S. antistreptococc _j_ 4- 4- 4- -p + + U 3. S. norm. du cheval préalable- ment chauffé à 60° “T + + + + + 4. S. normal frais de cobaye + + -i- H — h + + -f + B. Action des mêmes liquides sur les leucocytes . Sur 5 c. c. de suspension de leucocytes lavés agissent préalablement 5 c c. de INTENSITÉ DE L’ENGLOBEMENT observé après. 10 minutes. 45 minutes 2 heures. 9. S. antistreptococc + + + d~ + 10. S. norm. inactif de cheval + + + f Tl. S. norm. frais de cobaye + + + + + PHAGOCYTOSE IN YITHO 945 H. — Streptocoque Az. Même dispositif expérimental. A. Action des sérums sur le microbe. Sur o c c. de culture en bouillon au sérum agissent préalablement 5 c. c. de INTENSITÉ DE L’ENGLOBEMENT observé après. 10 minutes. 4o minutes. 2 heures. 5. Eau physiologique 4 + 4 4 4 6. Sérum antistreptococc 4 4 4 4 4 4 4 7. S. normal de cheval chauffé... + 4- + 44 4 4 4 8. S. normal frais de cobaye H — h 4 4 4 + + + J B. Action des mêmes liquides sur les leucocytes. Sur 5 c. c. de suspension de leucocytes lavés agissent préalablement 5 c. c de INTENSITÉ DE L’ENGLOBEMENT observé après. 10 minutes. 45 minutes. 2 heures. 12. Sérum antistreptococcique.... 4 4 4 4 13. Sérum de cheval chauffé 0 4 4 14. Sérum normal fr. de cob 0 4 4 4 Ce qui résulte d’une façon évidente, surtout de la 2° partie de l’expérience qui a trait au streptocoque Az, c’est qu’en effet le sérum normal ainsi que le sérum spécifique agit sur les microbes et que cette influence, aussi dans le cas du sérum normal apparemment, consiste dans la fixation d’une substance o sensibilisante » sur le microbe. Cette action du sérum faisait complètement défaut lorsque nous avons examiné le streptocoque (virulent) F qui échappait à l’englobe Tient de la part des leucocytes lavés. A plusieurs (ÎO 946 ANNALES- DE L’INSTITUT PASTEUR reprises nous avons traité ce streptocoque par du sérum normal frais de cobaye avant de le mettre en présence des leucocytes; nous n’avons jamais constaté de différence entre Tintensité de 1 engiobement dans les tubes contenant le sérum actif et dans les tubes témoins, la phagocytose faisant complètement défaut. En même temps que le streptocoque F., nous avons observé chaque fois, et dans les mêmes conditions, une autre race plus accessible à la phagocytose, Tenglobement de cette race témoin nous fournissant la preuve que les leucocytes étaient en bon état et capables de saisir des microbes accessibles. Donc nous n’avons pu constater l’influence sensibilisante du sérum de cobaye que quand nous avions affaire à des variétés de streptocoques qui, même sans ce traitement préalable, étaient jusqu’à un certain point accessibles à la phagocytose. Bacterium coli . Si on laisse agir sur le Bact. coli le sérum actif du cobaye, on observe un effet bactériolytique plus ou moins accusé. Nous nous occuperons plus tard de la question des rapports entre cette action du sérum et son influence excitatrice de la phago- cytose. Ici nous nous bornons à communiquer les résultats que nous avons obtenus, en comparant Tenglobement de trois races différentes du Bact coli, sous l’influence du sérum et en l’absence de celle-ci. Exp. 71. L’expérience porte sur le bacille Coli I. Sur 4 c. c. de culture en bouillon du bacille agissent préalablement, à la température du sang pendant 40', 4 c c. de INTENSITÉ DE L’ENGLOBEMENT observé après 10 minutes. 30 minutes. 1 h. 45 Eau physiologique 4r + 4* + + + Sérum normal frais de cobaye... . + H — b + + + + + + Sérum de cobaye chauffé à 55°. + + + + + + PHAGOCYTOSE IN VITRO 947 Il ressort de cette expérience que le Bact. coli, qui est englobé par les leucocytes lavés, l’est beaucoup plus vite quand on a soin de le soumettre à un traitement préalable par le sérum normal de cobaye; cette influence du sérum fait complè- tement défaut quand on a chauffé préalablement le sérum à 53° pendant 30 minutes. Avant d interpréter cette observation nous donnons les résultats obtenus pour les Bact. coli Cet J (voir p. 947 et 948). Il est intéressant d observer 1 influence du sérum normal justement dans le cas du Bact. coli C qui, si aucun traitement préalable n’a eu lieu, n’est guère englobé par les leucocytes lavés. Dans l'expérience suivante nous avons comparé la pha- gocytose du bacille C — « sensibilisé » et non « sensibilisé » — et celle du bacille J sous les mêmes conditions. (Le dernier est très accessible à l’englobement par les leucocytes du cobaye.) Exp. 81. Des quantités égales de cultures en bouillon des deux bacilles et des liquides à examiner sont mélangées et restent à 1 etuve pendant 30 minutes. Puis des leucocytes lavés sont ajoutés. Coli C. TRAITEMENT PRÉALABLE ENGLOBEMENT OBSERVÉ APRÈS 10 minutes. 40 minutes. 1 h. 20 1. Sérum actif de chien 0 + (?) + 6. Sérum actif de cobaye 0 + + 7. Eau physiologique 0 4- + 948 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Coli J . TRAITEMENT PRÉALABLE ENGLOBEMENT OBSERVÉ APRÈS 10 minutes. 40 minutes. 1 h. 20 4. Sérum actif de chien + 4- + + + + + + 6. Sérum actif de cobaye + + + + + + + + + 7. Eau physiologique + + + + + ' + 4 + En résumé : Le bacille C n’est guère englobé même après avoir subi l’influence du sérum normal. Le bacille J devient rapidement la proie des phagocytes, même sans aucun concours du sérum, dont il est impossible de mettre en évidence l’influënce « sensibilisante ». Nous ajoutons enfin un exemple ayant trait au Bact. coli R qui en même temps montre que l’effet sensibilisant du sérum se produit aussi à la température de 0°. Exp. 87. Des quantités égales d’une culture en bouillon de Bact. coli R et de sérum normal frais de cobaye sont mises en contact: 1° à 37°, 2° à la température de la chambre, 3° à 0° Après un quart d’heure, on sépare les microbes du liquide à l’aide de la force centrifuge, puis on lave le sédiment dans l’eau physiolo- gique (plus quelques gouttes de bouillon) et après les avoir centrifugés encore une fois, on met les bacilles en suspension dans de l’eau physiologique. Le tube n° 4 contient des Bact. coli provenant de la même culture et suspendus dans du sérum de cobaye chauffé pendant 15 minutes à 56°; le tube n° 5 contient des bacilles coli, plus une quantité égale d’eau salée isotonique. 4 et 5 servent de témoins. Les 5 tubes restent pendant un quart d’heure à l’étuve, puis des leucocytes lavés de cobaye sont ajoutés. PHAGOCYTOSE IN VITRO 949 1 INTENSITÉ DE LA PHAGOCYTOSE observée après 10 minutes. 20 minutes. 45 minutes. 1. Sérum frais de c. a agi sur les • bacilles à 37°. H — 1 f- + + + “b + “b 2. Le sérum a agi à la température de la chambre + + + d — bd- d — 1 — b 3. Le sérum a agi à 0°.. + + + H — 1 — b + + + 4. Sérum de cobaye chauffé à 36°, a agi sur les bacilles .... (+?) + -b 3. Eau salée isotonique a agi sur les bacilles.. (+?) + + Les préparations obtenues des n«* 1, 2, 3, après 10 minutes montrent déjà une transformation granuleuse intracellulaire extrêmement marquée, cependant que celles des tubes 4 et a, servant de témoins, même après 43 minutes, n’en montrent que des traces. Vibrion cholé ri que. Si on laisse agir à 37° sur des vibrions cholériques (variété Bombay) une quantité suffisante de sérum normal frais de cobaye, nous constatons une transformation granuleuse complète de ces vibrions au bout de 30 minutes à une heure. Ces granu- lations mises en contact avec des leucocytes lavés du cobaye sont englobés beaucoup plus vite que des vibrions frais qui ser- vent de témoins. Il est évident que dans ce cas il s’agit d’un effet bacterioly tique du sérum. Si d un autre côté on fait agir le sérum frais sur les vibrions a la température de 0», on ne remarque pas de différence nette entre l’intensité de l’englobement de ces microbes « sensibili- ses » et de vibrions non préparés. 950 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Il se peut que d’autres races du microbe se prêtant mieux à ces expériences fournissent des résultats différents. * * * Nous n’interprétons pas encore ces observations. Il suffit d indiquer ici, qu’elles confirment en général — pour les microbes choisis par nous et pour le leucocyte et le sérum de cobayes — les données de Wright et des autres auteurs cités. Nous avons constaté une influence sensibilisante du sérum normal sur une partie de ces microbes, influence qui peut s’opérer à la tempé- rature de 0° et qui fait défaut dans le cas où ce sérum a été chauffé à 55° pendant 30 minutes. Cette action consiste dans la fixation, sur les microbes, de substances contenues dans le sérum. Il est nécessaire d’attirer l’attention sur le point suivant : L intensité de cette inlluence sensibilisante du sérum normal varie beaucoup suivant les différents microbes pathogènes exa- minés et suivant les races d’un même microorganisme : Nous n avons pas réussi à mettre en évidence un effet opsonique du sérum de cobaye sur le vibrion cholérique qui, sans aucune action sensibilisante, devientla proie des leucocytes. D’un autre côté, l’action de ce sérum sur le bacille charbonneux et surtout sur quelques races de Bact. coli et de streptocoques a pu être constatée facilement, cependant que d’autres races de ces der- niers microbes échappaient aux leucocytes, même après avoir subi l’influence du sérum. Pour pouvoir comparer plus facilement ces résultats avec ceux communiqués dans notre premier mémoire, nous donnons le tableau suivant qui, pour chaque microorganisme examiné, répond à ces questions : 1° Intensité de l’englobement in-vitro sans le concours des humeurs. 2° Intensité de l’englobement sous l’influence du sérum. Dans une troisième colonne enfin nous donnons, pour ainsi dire, la différence des deux premières colonnes, c est-à-dire l’influence « sensibilisante » du sérum normal qui peut être mise en évidence. PHAGOCYTOSE IN VITRO 951 MICROORGANISME INTENSITÉ de l'englobement par les leucocytes lavés. INTENSITÉ de l’englobement sous l'influence du sérum normal. INFLUENCE « sensibilisante » du sérum. Vibrion cholérique + H — b + F + 0 (bactériolyse !) Bacille charbonneux. . . . “bd — b (apr. 2 heures.) “b H — b (apr. qq. min.) (Influence accé- lérante du sérum.) Streptocoque Odessa IV. -r + + + + + Streptocoque Az. Bacille coli R + + + + + + ! Bacille coli C b- + 0 j Streptocoque F 0 0 0 Résumons : Parmi les races d'un même microbe pathogène, il y en a qui, même sous l'influence du sérum normal, échappent complètement aux leucocytes du cobaye in vitro; il y en a d autres qui, même sans le concours des humeurs, deviennent rapidement la proie des cellules. Ce n’est qu'un nombre res- treint de races microbiennes qui se prêtent bien à l'examen des propriétés « opsoniques » du sérum normal. * * * En entreprenant l’examen plus approfondi des propriétés opsoniques du sérum normal, nous nous occuperons d’abord d’une objection qu’on pourrait faire aux conclusions tirées par nous des expériences mentionnées jusqu’ici : Le fait que l’inlluence « opsonique » disparaît du sérum jus- tement à la température qui détruit la cylase, suggère l’idée que peut-etre il s’agit ici d’une action combinée d’ambocepteurs et de complément. On pourrait penser que la cytase, à l’aide d’ambocep- teurs, se fixe sur les microbes et les rend accessibles à l’englo- bement. En d’autres termes, il est nécessaire de considérer 952 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR comme possible la fixation d’une « bactériolysine » (Ehrlich), sur les microbes. Celle-ci pourrait bien avoir lieu sans que la bactériolyse s’opérât immédiatement ou après un temps res- treint. Il suffit de supposer une réaction bactéricide relative- ment lente et qui, sans se manifester par une diminution du nombre des microbes (streptocoques, bacilles charbonneux), suf- firait cependant pour rendre ces derniers susceptibles d’être englobés. Bulloch et Atkiu se sont déjà occupés de cette supposition d’une action combinée de deux substances produisant l’effet opsonique. Us ont été amenés à la* repousser d’après leurs expé- riences sur le staphylocoque. Dans des recherches entreprises dans le même but, nous nous sommes servi d’une race de Bact. coli sensible, et à l’action bactériolytique et à l’action « opsonique » du sérum normal. Dans l’expérience suivante nous partons de l’idée que, si la déstruction de la cyîase seule fait disparaître d’un sérum chauffé à 55° l’action « opsonique », on devrait réussi à rendre à un tel sérum son efficacité en y ajoutant une quantité déterminée de sérum frais contenant de la cytase. Voici les résultats d’une expérience disposée dans ce but : Exp. 73. A 8 tubes à essai, contenant chacun 0,5 c. c. de la même cul- ture en bouillon (de 5 heures) du Bccct. coli I on ajoute : 1° des mélanges de quantités déterminées de sérum normal frais et d’eau salée isotonique (tubes 1-4); 2° des mélanges de sérum chauffé pendant 30 minutes à 55° (tubes 5-8). Les tubes restent à l’étuve pendant 15 minutes, puis on y ajoute des leucocytes lavés. Les tubes 9-12 servent de témoins. PHAGOCYTOSE IN VITRO 953 QUANTITÉ DE ENGLOBEMENT OBSERVÉ après Nos Culture. Sérum frais. Eau salée. 5 minutes. 15 minutes. 1 0 . 0 0.1 0.9 + ? 2 0.5 0.2 0.8 + + 3 0.5 0.5 • 0.5 . + +■ + 4 0.5 0.5 0 + + + I. QUANTITÉ DE ENGLOBEMENT observé après. N« Culture. Sérum frais. Sérum chauffé. 5 minutes. 15 minutes. 5 0,5 0,1 0,9 (+) 6 0,5 0,2 0,8 + + 7 0,5 0,5 0,5 + + + 8 0,5 0,5 0 + + + • II. (témoins) ' 1 INTENSITÉ DE L’ENGLOBEMENT observé après. N» Culture. Liquide ajouté. 5 minutes. 15 minutes. 9 0,5 — 0 + 10 0,5 Sérum chauffé 0,5. 0 + 11 0,5 Eau salée 0,5. 0 + 954 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nous avons répété cette expérience en variant seulement a quantité de culture ; les résultats obtenus ont été tout à fait analogues à ceux résumés dans le tableau ci-dessus. Donc action « opsonique » dépend, dans le cas examiné, seulement ae la quantité de sérum non chauffé. , De plus, pour mettre en évidence que la cytase n'a rien a taire avec l’action « sensibilisante » du sérum, nous avons à notre disposition les expériences déjà mentionnées et qui mon- trent la fixation de 1 opsonine sur les microbes à la température deO». On peut facilement montrer que des Bact. coli, « sensibilisés a cette jasse température, puis lavés deux fois et suspendus dans de 1 eau physiologique (+ quelques gouttes de bouillon) ne subissent pas de bactéryolyse à la température du sang, cepen- dant qu’une action bactéricide nette et rapide se montre quand on ajoute quelques gouttes de sérum « actif » normal, contenant du complément. , Cettc dernière observation prouve que 1« ambocepteur » bacténolytique s’est fixé, ainsi que 1’ « opsonine », sur les Bact. coli a la température de 0° ; mais que la ci/tase, ainsi qu’on pou- vait s y attendre, n’a pas été fixée en même temps sur les mi- crobes. En cherchant à préciser la nature des « opsonines », les auteurs américains et anglais ont tâché d'élucider leur consti- tution, ils ont obtenu des résultats différents. Hektoen et Ruediger ont laissé agir sur des streptocoques un sérum normal; puis ils ont chauffé à 58°, pendant un quart d heure, les microbes ainsi préparés, ils constatent que les micro- organismes traités ainsi ne sont plus englobés par des leuco- cytes, même si on les « sensibilise » de nouveau, en ajoutant du sérum normal frais. Ils interprètent cette observation en supposant T existence de deux groupements dans l'opsonine, dont 1 un (le groupement haptophore), capable de se fixer sur les microbes, résiste au chauffage, cependant que l’autre (le groupement « opsoniphore ») est détruit à la température de bb à 58°. Le groupement haptophore dans ce cas empê- cherait la fixation d’autres molécules d’opsonine. (Phéno- mène analogue à la transformation des compléments, des PHAGOCYTOSE IN VITRO précipitines, des agglutinines en complémentoïdes, précipiti- noïdes, agglutinoïdes.) Bulloch et Atkin ont fait des expériences analogues avec le staphylocoque. Ils constatent qu’on peut chauffer ce microbe, préalablement sensibilisé par le sérum normal, à une tempé- rature de 60° pendant des heures, sans qu’il cesse de pouvoir être englobé. Par conséquent, ces auteurs attribuent à T « opso- nine » une « constitution simple ». En disposant des expériences analogues avec le strepto- coque et le Bact. coiiv nous avons relevé l’existence d’une source d’erreurs très importante dans le dispositif des expériences précitées. La voici : Les microbes traités avec le sérum, puis chautfés à 58°, ne se colorent que d’une manière très faible et peu distincte. Le Bact. coli surtout ne prend plus guère le bleu d’azur dans ces conditions. SI devient donc très difficile de juger ainsi, à l’aide de préparations colorées, de l’intensité de la phagocytose. Voici pourquoi nous n’attachons pas de valeur démonstra- trative à certains résultats que nous avons obtenus avec une espèce de streptocoques (Az) et qui paraissent favorables à l’opinion de Hekloen et Ruediger. Nous nous bornons à men- tionner ici brièvement un exemple de ces expériences. Exp. 98. On laisse agir sur une suspension de strepocoques (cul- ture en bouillon de 14 h. de la variété Az), à la température de 0° pendant 15°, une quantité égale de sérum normal frais de cobaye. Puis les microbes sont ensuite centrifugés, lavés avec de l’eau salée isotonique, centrifugés de nouveau et suspendus dans de l’eau physiologique. Une moitié de cette suspension (2) est chauffée à 58° pen- dant 15 minutes. Le tube n° 3 contient une suspension du même streptocoque dans de l’eau salée. Des leucocytes lavés sont introduits au même moment dans ces trois tubes. 956 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ■ ■ T INTENSITÉ DE L’ENGLOBEMENT observé après. 4 minutes. 12 minutes. 20 minutes. 2 heures. 1. Str. traité au sérum normal.. + + + 4~ + +- + T* ++ 2. Str. traité au sérum normal, puis chauffé à 5o° + + T* d + 3, Str. suspendu dans de l’eau physio- logique (+ ?) + + + + + + 11 ressort de cette expérience que l’action sensibilisante « du sérum normal », qui se montre ici d une façon nette (voir les colonnes 1 et 3), disparaît après le chauffage à 58° des mi- crobes sensibilisés. Nous avons disposé une expérience ana- logue en employant les leucocytes de souris, le même strepto- coque Az et le sérum normal de cobaye, comme sensibili- sateur. Dans ce dernier cas nous avons trouvé que, même après avoir ajouté aux microbes sensibilisés et chauffés à 50° une quantité de sérum frais, Tenglobement de ces microbes s opère d une manière beaucoup moins intense que celui des microorganismes traités simplement avec le sérum normal ; il n est pas plus intense que celui des microbes non sensibi- lisés. Des expériences analogues faites avec le Bact. coli ne seront pas mentionnées pour la raison énoncée plus haut. La colorabilité de ce microbe est diminuée d’une façon telle qu’il devient impossible de juger de l’intensité de la phagocytose. Dans d autres cas, les différences entre le degré de l’en- globement des microbes sensibilisés et non sensibilisés étaient insignifiantes. Si on observe l’influence sensibilisante du sérum normal sur la phagocytose d’un microbe, qui même sans cette préparation devient facilement la proie des leucocytes, il est évident que ce microbe ne se comportera pas autrement vis-à-vis des polynucléaires qu’un corps étranger, tel qu’un g] ain de carmin par exemple. Par conséquent on ne trouvera pas de différences nettes entre l’intensité de Tenglobement <1 un pareil microbe sensibilisé ou non sensibilisé. En tous cas, PHAGOCYTOSE IN VITRO 957 on ne doit pas s’attendre à observer, dans ces conditions, l’absence absolue du phénomène de la phagocytose. Peut-être Bulloch et Atkin ont eu affaire dans leurs expériences citées à une pareille espèce de staphylocoques. Ce qui nous intéresse surtout ici, ce sont les conclusions qu’on peut tirer de ces observations sur la constitution des « opsonines ». Il est évident que nous inclinons vers l’opinion de Hekloen et Ruediger plutôt que vers celle de Bulloch et Atkin , c’est-à-dire nous trouvons probable la supposition des premiers auteurs, que l’opsonine consiste en deux groupements dont l’un, groupement haptophore, est thermostabile et capable de se fixer sur les microbes, tandis que l’autre, groupement opsoni- phore est thermolabile. * * * Peut-on d’après tout ce que nous venons d’exposer et en har- monie avec la plupartdes données de Wright, Hektoen, Bulloch, conclure que les « opsonines » sont vraiment des principes par- ticuliers du sérum normal? Ou bien sont-elles identiques à un des anticorps normaux déjà connus ? Nous avons montré plus haut que la cy tase n’a rien affaire avec l’action opsonique du sérum . On pourrait penser à une identité entre les « opsonines » et les « sensibilisatrices » bactériolytiques. Plusieurs faits plaident en faveur de cette idée : d’abord la fixa- tion des « opsonines » ainsi que des ambocepteurs sur les micro- bes à la température 0° ; déplus la constitution apparemment semblable des deux substances, selon Ehrlich, les ambocepteurs possèdent deux groupements ; or, il semble en être de même des « opsonines ». Mais l’opinion générale admet que la sensibili- satrice est thermostabile, cependant que « l'opsonine » est détruite à la température de 55°. Pourtant nous savons, depuis les recherches à’Ehrlich>Jackset d’autres auteurs, qu’il y a des ambocepteurs thermolabiles et des compléments thermostabiles ; par conséquent la destruction, à la température de 50°, d’une substance de sérum normal ne prouve pas d’une façon rigoureuse que cette substance ne soit pas un ambocepteur. Essayant d’élucider la question de l'identité des opsonines et, des sensibilisatrices bactériolytiques, nous avons choisi le Bact. coli pour la raison déjà mentionnée plus haut, à savoir que ce ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 1)58 microbe subit l’influence lytique du sérum aussi bien que son action « opsonique ». Etant donné le fait que cette dernière propriété disparaît après un chauffage du sérum à 55°, nous pouvions préciser la question de la manière suivante : La sensibilisatrice bactérioly- tique du sérum normal de cobayes (pour le Bact coli) est-elle détruite à la température de 55° ? Nous avons disposé quelques expériences dans le but de trancher cette question : Sur des quantités égales de Bact. coli. (variété J ; culture en bouillon), nous avons fait agir à la température de 0°: 1° une quantité donnée de sérum normal frais de cobaye, 2° une quantité égale du même sérum chauffé à55° pendant 30 minutes. Puis nous avons séparé, toujours à la même température basse, les bacilles des liquides à Laide de la force centrifuge et nous les avons lavés deux ou trois fois avec de Leau salée isotonique additionnée d’un peu de bouillon. Les microbes ont été ensuite suspendus dans des quantités égales du même liquide; nous avons ajouté à chacun de ces deux tubes la même petite quantité de sérum normal frais de cobaye contenant du complément. Trois expériences arrangées de cette façon nous ont fourni des résultats analogues : Le nombre des bacilles , constaté à l'aide de plaques de gélose , a été plus petit dans le cas oh le sérum actif avait agi préalablement sur les microbes ; la diminution du nombre des bacilles a été moins grande dans le cas où le sérum « sen- sibilisant » avait été inactivé à 55°. Cependant, dans ce dernier cas, la destruction des bacilles n’était pas due seulement à la petite quantité de sérum « actif » ajoutée : l’effet bactériolytique d’une quantité égale de sérum frais a été précisé chaque fois pour éviter cette erreur. — Nous sommes donc amenés à con- clure de ces observations que la sensibilisatrice bactériolytique , en tout cas , nest pas complètement détruite à la température de 55° (ni même à celle de 58°, d’après Tune de nos expériences )*, cependant que la propriété opsonique disparaît complètement du sérum de cobaye à cette température. Ces résultats plaident en faveur de l’opinion suivant laquelle LIl paraît pourtant, d’après ces expériences, que l’action sensibilisante du sérum est diminuée parle chauffage à 55°. Hahn ( Deutsch , Arch. f. Klin Med. 82) a observé un phénomène analogue en examinant l’effet bactériolytique du sérum humain normal vis-à-vis du bacille typhique. PHAGOCYTOSE IN VITRO 959 les (( opsonines » ne sont pas identiques aux « ambocepteurs )) normaux. Tout ceci prouve donc que la substance « opsonique » n est pas identique ni à la bactériolysine, ni au complément, ni aux ambocepteurs du sérum frais. On pourrait penser à l’identité des « opsonines » et des agglutinines. Sans entrer dans un examen plus approfondi de cette question, nous nous bornons à indiquer le fait que nous avons observé, dans un grand nombre d’expériences, une très nette agglutination des microbes par le sérum normal qui en même temps les avait préparés à la phagocytose. Tant que nous ne posséderons pas de notions plus précises concernant les agglutinines du sérum normal et surtout la nature du processus agglutinatif, nous ne pourrons pas réfuter cette opinion. Les faits connus jusqu à 1 heure présente ne sont pas incompatibles avec 1 opinion que les (( opsonines » pourraient être identiques aux agglutinines. Les deux substances se fixent sur les microbes à une température relativement basse; leur constitution apparemment est semblable. Quoiqu’il nous soit impossible, — d’après tout ce que nous venons d’exposer, — de nous prononcer sur la nature de la « propriété opsonique » du sérum normal, nous pouvons préciser son origine. Les recherches soigneuses de Hektoen et Ruediger citées plus haut sur l’influence de certaines solutions de sels sur le processus phagocytaire, rendent très probable lopinion que. dans tous les cas, la phagocytose des microbes pathogènes s opère à l aide d’une action « opsonique » qui précède l’englo- bement même. S’il en est ainsi, les faits exposés par nous surtout dans notre premier mémoire, — amènent à la conclusion ferme que le leucocyte, en l’absence d’ « opsonines » libres, est à même de fabriquer lui-même ces substances. Les opsonines sont donc d’après nous d’origine phagocytaire. Dans ce mémoire, nous avons suivi la terminologie usuelle qui, en général, admet l’identité de la « sensibilisatrice » (Bordet, Metchnikoff), du « fixateur » Metchnikoff e t de 1’ « ambocepteur >> (bactériolytique) d ’Ehrlich, le « immunkorper » de Pfeiffer, et 960 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nous avons fait usage des expressions « opsonines, propriété opsonique » dans le sens de Wright qui les a introduites dans la terminologie. Mais ce n’est que dans le but de faciliter la description de nos observations et d’éviter tout malentendu que nous avons employé ces derniers noms nouveaux. L’introduction de ces termes n’est pas justifiée puisque les substances du sérum normal, décrites d’abord par Wright , jouent un rôle analogue à celui des substances spé- cifiques connues sous le nom de fixateurs | (Metchnikoff) : Die Lehre von den Phagocylen... Handhuch der pathogenen Mikro- organismenvonKolleund Wassermann). Cependant, il faut admettre que ces « fixateurs », dans le sens de la théorie phagocytaire, ne sont pas identiques — du moins ne sont pas tous identiques, — aux embocepteurs d ’Ehrlich. Donc, si l’on emploie le nom de « fixateur » ou de « sensibilisatrice », il faudra ajouter l’adjectif « bactérioly tique » s’il s’agit d’une substance qui, en se fixant sur un microbe donné, le rend accessible à l’action digestive du complément in vitro , l’adjectif « phagocytaire », s’il s’agit d’une substance qui, en se fixant sur un microbe, le rend prêt à se laisser phagocyter. Il est évident que, sensu stricto , ce ne sont que ces dernières substances qui, selon Melchniko/f , méritent le nom de « sensibi- lisatrices » ou de « fixateurs ». En tout cas, nous n’avons pas besoin d’une nouvelle expression pour désigner les « fixateurs » (phagocytaires) du sérum normal. Le mérite de Wright d’avoir mis le premier en évidence la présence de ces substances dans le sérum normal , n’en est pas diminué. CONCLUSIONS 1. La phagocytose in vitro de microbes pathogènes par les leucocytes du cobaye ne dépend que, dans un nombre restreint de cas, de la présence de substances favorisantes (« opsonines » de Wright ), à l’état libre. Si vraiment le processus phagocytaire ne s’opère qu'à l’aide de ces substances, il faut admettre qu’elles peuvent être fournies par les leucocytes mêmes. 2. Le sérum normal de cobayes contient des substances qui, en se fixant sur certains microbes pathogènes, les préparent, dans certains cas surtout, pour la phagocytose (Wright). 961 PHAGOCYTOSE IN VITRO 3. Ces substances se fixent sur les microbes, même à la temperatui e de 0°, elles sont détruites à la température de oo°. 11 paraît qu’elles possèdent une constitution analogue à celle des agglutinines (deux groupements). Elles ne sont identiques ni aux bactériolysines, ni aux sensibilisatrices bactériolytiques, m au complément. Il n’est pas encore possible de dire qu’elles ne sont pas identiques aux agglutinines du sérum normal. (Ces résultats confirment en général les données de Hektoen et Ruecliger.) 4. L introduction du nouveau nom d' « opsonines » pour ces substances n’est pas justifiée ; car elles jouent exactement le rôle attribué par Metehnikoff aux « fixateurs ». Pour éviter toute erreur nous proposons de distinguer les substances sensibili- santes des sérums normaux et spécifiques en ajoutant à l’expression usuelle de « sensibilisatrice » (fixateur ,Zwischen- Korper, Immunkôrper), les adjectifs « phagocytaire .» ou « bactériolytique ». Qu il nous soit permis à la fin de ce travail de remercier très sincèrement M. Metehnikoff d’avoir bien voulu nous assister de ses précieux conseils. 31 DOSAGE DE LA MATIERE ALBUMINOÏDE NON TRANSFORMÉE DANS LES FROMAGES Par MM. TRILLAT et SAUTON. Le dosage de la matière albuminoïde du fromage, non encore transformée par la caséase et les microbes, peut pré- senter un grand intérêt. D’abord, au point de vue de la comparaison de la valeur alimentaire des divers fromages, il est utile de connaître la proportion de caséine non encore digerée. Ce dosage peut permettre aussi de suivre la marche de la décomposition de la caséine dans diverses circonstances et, par suite, il peut fournir des documents précis permettant au praticien de suivre la fabrication du fromage. Enfin, il permet d’établir ce que Duclaux appelait le rapport de maturation du fromage, rapport dont la connaissance, d’après ce savant, est indispensable pour l’étude générale de la dégradation de la caséine solubilisée par la casease et attaquée parles microbes. Les chimistes qui ont cherché à doser la caséine, dans le fromage en voie de maturation, se sont heurtés à de multiples inconvénients chaque fois qu’ils ont voulu établir une méthode analytique précise. Duclaux, qui s en est occupe et qui avait créé une méthode destinée seulement à le renseigner sur le gros du phénomène de la maturation, en avait reconnu lui- même la nécessité. * * & Avant d’exposer le nouveau procédé que nous proposons, nous allons résumer les méthodes actuellement suivies et les. défectuosités quelles présentent. 963 MATIÈRE ALBUMINOÏDE DANS LES FROMAGES Le premier procédé consiste à doser ia caséine par diffé- rence, comme pour le lait. Les erreurs dans ce dosage sont les memes que celles que nous avons signalées dans notre note sur le dosage de la caséine dans le lait*. Cette méthode a fait du reste 1 objet de nombreuses critiques; elle est ici particuliè- rement défectueuse parce qu'elle conduit à évaluer en bloc sous le nom de caséine, les substances les plus diverses Un deuxième procédé consiste à évaluer le poids de la caserne en cherchant à l’isoler, par des lavages à l’eau, de toutes les autres parties constituantes du fromage. Dans ce cas, la méthode pèche par défaut, car une partie de la caséine est solubilisée au cours du traitement par suite de la présence des se s ammoniacaux. 11 est connu en effet que la caséine est partiellement soluble dans une eau si légèrement alcaline soit- elle. 1) en resuite en outre que dans le dosage ultérieur des matières azotées du filtrat, on compte comme caséine trans- formée ce qui n’est que de la caséine dissoute. Un troisième procédé consiste à doser, d’une part, l’azote otal, et, d autre part, celui des produits solubles provenant de a dégradation de la matière albuminoïde, et de l’évaluer en caserne en multipliant le chiffre d’azote par le coefficient 6 25. Cette méthode est longue puisqu’elle comporte deux dosages d azote, et, de plus, incertaine, commelefait remarquer Duclaux puisqu on s appuie sur un coefficient conventionnel 2. Ce savant, qui s’est préoccupé de séparer la caséine intacte de ses produits de transformation, évaluait par différence la caserne totale et isolait la caséine soluble par filtration à tra- vers la bougie de porcelaine. Il fait remarquer lui-même l’im- perfection d’un semblable procédé qu’il utilisait, faute d’une meilleure méthode, et qui n’était destiné qu’à le renseigner sur la marche générale de la maturation du fromage. Le nouveau procédé du dosage que nous proposons repose sur 1 insolubilisation, sous l’action de la formaldéhyde, de la ma- tière albuminoïde non transformée du fromage. C’est l’anpli pour'ÎJlai™61116 Pr'nCipe qUe C6lui que nous avons déjà utilisé 1. Bull, de la Soc.chim., octobre 1906. Duclaux, Le Lait, p. 156. 3. Comptes Rendus Ac. Sc„ 26 mars 1906. 964 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR MODE OPÉRATOIRE On introduit 2 grammes de fromage dans un becherglass d’environ 100 e. c., contenant 10 c. c. d’eau chaude; on désa- grège rapidement en agitant avec une baguette de verre et en ajoutant peu à peu 50 c. c. d’eau (pour les fromages durs, on broie le fromage dans une petit mortier en employant de l’eau très légèrement ammoniacalisée). On porte à l’ébullition pen- dant 5 minutes; le liquide est ensuite additionné de 0,5 c. c. de formol commercial. On maintient à l’ébullition pendant 3 minutes et Ton abandonne ensuite le liquide au repos pen- dant 5 minutes; la matière grasse se rassemble à la surface. On précipite alors la caséine par 5 gouttes d’acide acétique pur, en ayant soin d’agiter constamment pour diviser le précipité; quand la couche surnageante est limpide, on recueille sur un petit filtre taré le précipité blanc et pulvérulent qui est dégraissé par l’acétone 1 dans un appareil à épuisement et enfin séché à 75-80° et pesé. La matière grasse peut être évaluée à part en recueillant et évaporant l’acétone dans un vase taré. Cette méthode, appliquée à divers fromages du commerce, nous a donné les résultats suivants (les chiffres se rapportent à des fromages bruts, humidité non déduite) : DOSAGE DE LA MATIÈRE ALBUMINOÏDE DANS DIVERS FROMAGES Matière Désignation Commerciale albuminoïde du fromage. non transformée 0/0 Matière Désignation commerciale albuminoïde du fromage. non transformée 0/0 Camembert d 8,200 Gruyère 31,340 Gervais 6,415 Brie 22,930 Roquefort (demi-mûr) . 11,650 Roquefort (très mûr) . . 7,100 Hollande 31,50 Munster 27,47 L’application du procède* permet facilement de suivre la marche delà maturation et d’établir, à n’importe quel moment, le rapport qui existe entre la caséine primitive et la caséine digérée. En voici un exemple provenant des analyses effectuées 1. Nous avons reconnu que l’acétone était un meilleur dissolvant du beurre que l’éther; c’est pour cette raison que nous l’avons déjà utilisé pour extraire la matière grasse du lait. L’acétone a la propriété de précipiter la totalité de la matière albuminoïde du lait, dans certaines conditions, et nous avions songé à l’uti- liser pour le dosage. Une note parue depuis aux Comptes rendus (C. R. 1906, p. 1345) préconise ce système, auquel nous avons renoncé en raison des diffi- cultés pratiques qu’il présente et qui, sans une nouvelle étude, le rendent inap- préciaole. MATIÈRE ALBUMINOÏDE DANS LES FROMAGES 965 sur des prélèvements de fromage de Roquefort, à diverses époques de son affinage. APPLICATION DE LA MÉTHODE A DES FROMAGES DE ROQUEFORT EN COUPS DE MATURATION DATE des prélèvements. Fromage fraisau début... Après 8 jours — 15 — — 30 — — GO — i il CASÉINE CASÉINE rwn 1 /j dlgvV'ti (./J non digérée 1/0 digérée 0/0 10,480 0 19,550 0 18,120 1,360 11,650 7,330 15,600 3,950 8,000 1 1,480 10,720 8,830 7,105 12,380 10,000 9,550 CONTROLE DE LA MÉTHODE Ln procédé analytique a d’autant plus de valeur qu’il a été plus soigneusement contrôlé ; aussi notre attention s’est-elle spécialement portée sur ce point. Nous nous sommes posé diverses objections; elles nous ont conduits à effectuer les essais suivants, qui constituent la plus longue partie de notre travail. A. ' — Nous avons analysé la matière albuminoïde séparée et nous avons constaté qu elle ne laissait, comme résidu, que des traces négligeables de cendres et qu elle ne contenait ni lactose, ni matière grasse, ni excès de formaldéhyde. B. — Nous avons ensuite déterminé sa composition élémen- taire qu’il est intéressant de rapprocher de celle trouvée par Hammarsten. TABLEAU INDIQUANT LA COMPOSITION ÉLÉMENTAIRE DE LA CASÉINE FORMOLÉE COMPARATIVEMENT AVEC LA CASÉINE d’ HAMMARSTEN MATIÈRE ALBUMINOÏDE Composition insolubilisée. de la caséine H — d'après du fromage. du lait. Hammarsten. Carbone 53,150 52,880 52,960 Hydrogène . . . . , 7,080 6,960 7.050 Azote 15,800 15,650 Oxygène 22,607 22,820 22,713 Phosphore 0,838 0,710 0,847 Soufre 0,795 0,830 0,780 Cendre impondérable. impondérable 100,000 100,000 100,000 On voit aussi dans ce tableau que la composition élémen- taire de la caséine retirée du lait est sensiblement la même que celle du fromage. 966 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR C. La théorie s’accorde avec la pratique pour démontrer que la matière albuminoïde du fromage, à la suite de son inso- lubilisation sous 1 action delà formaldéhyde, ne varie pas appa- remment de poids et que cette variation est inférieure aux erreurs depesees. Nous en avons déjà fait la démonstration pour la caséine du lait. a) La comparaison des poids moléculaires de la matière albuminoïde et de 1 aldéhyde formique indique suffisamment que le poids du résidu aldéhydique fixé est insignifiant, par rapport à celui de la molécule albuminoïde combinée, et ne peut entraîner qu une augmentation de poids négligeable. b) L insolubilisation de la caséine, exposée sous une cloche contenant des traces de trioxyméthylène, se produit avec une variation à peine apparente de poids. Pour s’en rendre compte, nous avons placé sous une cloche une quantité rigoureusement pesée de caséine. Quand, au bout de 15 jours, le poids était devenu constant, nous avons introduit du trioxyméthylène sous la cloche. Sous 1 influence de ses vapeurs, l’insolubilisation de la caséine s est produite, après 24 heures, sans modification sensible dans son poids primitif. On peut donc conclure de l’ensemble de ces résultats que, sous l’influence de l’aldéhyde formique, la matière albuminoïde ne change ni de poids, ni de composition élémentaire. D. Pour démontrer que le formol n’insolubilise pas les produits de dégradation de la caséine, nous avons fait des digestions artificielles de caséine du lait, en présence de pepsine, de papaïne, de pancréatine, et nous avons constaté qu’au cours de ces digestions, la quantité de matière albuminoïde insolubi- lisee par le formol allait sans cesse en diminuant. Voici, à titre d’exemple, des expériences qui le démontrent : 50 c. c. de lait ont été additionnés de 6 c. c. d’acide chlorhy- drique à 10 0/0 et de 0gl',10 de pepsine, puis abandonnés à l’étuve à 37°. Deux autres essais ont été effectués, l’un avec 0gl’,20 de pancréatine, 1 autre avec 0gl’,20 de papaïne, en remplaçant 1 acide chlorhydrique par de l’eau distillée et en opérant à 50°. La caséine de ces laits a été dosée par la méthode au formol avant la digestion par les diastases, et après 12 heures nous avons obtenu les résultats suivants : MATIÈRE ALBUMINOÏDE DANS LES FROMAGES 967 TABLEAU INDIQUANT LES VARIATIONS DE POIDS QUE SUBIT LA CASÉINE AU COURS DES DIGESTIONS DIASTASIQUES Caséine 0/0. Caséine 0/0 •Lait témoin 37,250 Lait témoin 37,330 Même lait l 3 heures. 3,650 Papaïne, 12 heures 0,310 avec ffcpsine. j 12 — 0,920 Pancréatine, 12 heures... 0,420 Des résultats analogues ont été obtenus en faisant varier les conditions d’expériences. C’est ainsi que les produits de diges- tion n’ont jamais pu être insolubilisés : les peptones commer- ciales, délayées dans un peu d’eau et traitées par un excès de formol à froid ou à chaud, conservent leur solubilité dans les solvants de la caséine. En se plaçant dans les conditions de notre méthode, nous avons aussi soumis à notre procédé d’analyse des liquides de digestions pepsique et pancréatique, provenant de produits commerciaux utilisés dans les laboratoires. Dans ces expériences, l’action du formol, unie à celle de la chaleur et de l’acide acé- tique, n’a fourni aucun précipité insoluble. D’autres essais nous ont en outre démontré que, si on pré- cipite par l’acide trichloroacétique les matières albuminoïdes de digestion et qu’on fasse agir sur elles, à chaud, l’aldéhyde formique en excès, conditions extrêmement favorables à l’inso- lubilisation, le précipité obtenu est soluble dans les alcalis ou dans un excès du précipitant. Les produits de dégradation de la matière albuminoïde ne sont donc pas insolubilisés parla for maldéhyde. * * * Tous ces essais de contrôle démontrent donc : 1° Que la caséine est entièrement séparée; 2° Qu’elle ne renferme ras de matières étrangères ; 3° Qu'elle possède bien la composition élémentaire de la caséine du lait ; 4° Que la caséine, ainsi séparée, ne subit pas de variation apparente de poids par suite de son insolubilisation par l’aldéhyde formique; 5° Que le traitement par le formol n’insolubilise pas les peptones et les albumoses ; 6° Que la méthode est applicable aux diverses digestions 968 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR auxquelles peut être soumise la caséine et qu’elle peut être uti- lisée par conséquent pour tous les fromages. En résumé, nous pensons que la simplicité de notre procédé permettra de l’utiliser couramment, soit dans le laboratoire pour l’analyse des fromages, soit dans la fabrication pour l’étude de la maturation. NOTE SUE UNE MALAISE SPHACELLAIKE DES BOVIDÉS DU PARAGUAY Par les D™ ELMASSIAN et R, URIZAR En 1905, alors que F un de nous dirigeait encore l’Institut National de Bactériologie du Paraguay, nous avons étudié une affection grave des bovidés de ce pays. Elle se traduisait par des troubles généraux et par des lésions cutanées, consistant en de multiples plaques de sphacèle. De l’œdème du train postérieur et une cachexie profonde en caractérisent la période finale qui aboutit presque toujours à la mort. On pourrait croire qu’il s’agit ici d’une de ces multiples manifestations cliniques dues au bacille de la nécrose. Mais, en outre que les processus gangréneux n’ont pas, dans le cas qui nous occupe, les localisations habituelles chez les veaux et les bœufs, le bacille filamenteux décrit par Loeffler, Schmorle et d’autres auteurs fait totalement défaut. Au contraire un gros bâtonnet observé par nous dans les tissus malades nous permet d’affirmer que l’affection dont nous allons parler, tout en appar- tenant cliniquement au groupe des affections gangréneuses, en diffère cependant par son étiologie. Nous lui donnons le nom de maladie de Barnès, en reconnaissance du gracieux concours que nous avons reçu de M. Barnès pendant une épidémie déclarée dans sa propriété de Patino-Cué. Nos recherches sont loin d’être terminées, néanmoins elles sont suffisantes pour qu’il soit possible de dégager dès à présent les lignes principales de l'histoire clinique et épidémiologique de cette affection. Description clinique et lésions externes. — Le début de l’affec- tion est toujours signalé par l’apparition inopinée d’une plaque de spliacèle sur la région périnéale, d une dimension de 10-15 c. Cette localisation de la première lésion est presque une règle; neuf fois sur dix elle se fait là où nous venons d’indiquer. Elle peut cependant se montrer par exemple sur les oreilles, à la base de la queue, sur les mamelles (chez les vaches), etc. 970 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Dans ces cas le processus sphacellaire provoque la chute des organes qu on vient d’énumérer et Ton voit alors, dans un trou- peau contaminé, plus d’une bête se promener avec un moignon de queue ou une oreille en moins 1 . Il est difficile de saisir la série d’altérations microscopiques qui précède la formation de la plaque initiale ; car celle-ci sur- vient^ d habitude chez des animaux sains en apparence, et elle évolue d’une façon rapide. Mais dans la majorité des cas, en plus de la lésion principale il y a de nombreuses plaques secondaires de moindre dimension qui apparaissent par poussées et qui occupent le cou et les flancs de l’animal. Et l’on a ainsi tout le loisir d’assister à leur évolution. Sur le point où une plaque de sphacèle va se produire, les poils deviennent rares et semblables à du duvet. La peau, un peu irritée, prend l’aspect rougeâtre et devient sensiblement œdématiée. Un matin on trouve que toute cette partie modifiée est isolée des parties saines par une incision qui semble faite artificiellement par un bistouri. Pendant les premiers jours qui suivent, il en coule une sanie abondante qui se sèche au niveau de l’incision et la dessine d’une façon visible même de loin. Jamais ces plaques ne se sphacèlent complètement, sauf celles qui sont de petites dimensions. La plupart restent adhérentes aux tissus sous- jacents Quand elles s en détachent spontanément elles laissent voir une surface sanguinolente, qui se cicatrise facilement. Quelquefois le processus gangréneux s’étend aux parties profondes, en partant des bords de la portion de peau isolée; mais jamais il n’arrive à la détacher complètement, si elle est de certaine etendue. Toute la périphérie de cet îlot cutané peut se sécher, se relever, mais en restant toujours adhérent. Même en tirant avec une pince, on n’arriverait pas à produire une séparation. La région malade est parfois soulevée par un œdème très prononcé et dur, prenant ainsi l’apparence d’une tumeur. Cela est encore plus manifeste chez des sujets porteurs de vieilles lésions qui sont compliquées par le développement d une énorme quantité de larves. Celles-ci ont creusé de vastes 1. Nos clichés présentant quelques-uns de ces animaux ont été détruits par accident au cours d’un voyage. BOVIDÉS DU PARAGUAY 971 galeries, entourées d’une zone inflammatoire due aux injections secondaires. Ces altérations, parfois considérables, simulent une production néoplasique. Les indigènes, trompés par la présence de ces larves, ont cru de tout temps qu’il s’agissait, dans l'espèce, d’un accidenttrau- matique initial, produit par un coup de corne et compliqué plus tard par les mouches. De là le nom de « Cornada » créé par les garçons de boucheries et d’abattoirs. 11 est curieux cependant queles mêmes accidents arrivent aux mêmes régions, c’est-à-dire aux environs de l’anus, puisque c’est là qu'apparaît la première plaque gangréneuse. Parmi les symptômes extérieurs l'œdème a une grande importance, bien qu'il puisse faire défaut dans beaucoup de cas. Il est important par ce fait qu’il présente des caractères typiques et une localisation invariable. D'abord fruste et insignifiant autour et en dessous des parties sphacellées, il devient bientôt envahissant et gagne tout le train postérieur. Il est dur, résistant sous le doigt et présente même parfois une consistance presque ligneuse. Dans ce cas il rend difficile la marche, provoque l’écartement des. membres postérieurs et donne à l’animal une attitude des plus typiques. Il n’est pas rare que des malades dans cet état tombent sur-le-champ et périssent plutôt par la faim et la soif que par l’évolution normale de l’affection. Après la mort, on est frappé de la résistance qu’offre au couteau ces tissus œdématiés. La surface de section est d’une couleur saumon et marbrée par d’innombrables stries rouges, d’un ton très vif qui, à notre sens, caractérisent cet œdème spécial. Point important : pendant la section il suinte peu de liquide. Au microscope le tissu cellulaire sous-cutané présente une notable augmentation en nombre et en volume des faisceaux de fibrilles conjonctives, sans qu’il y ait parallèlement une mul- tiplication des autres éléments normaux du même tissu. Dans les interstices des faisceaux, d’ailleurs peu écartés, on trouve quelques cellules migratrices et parfois quelques saprophytes. La température, au-dessus de la normale au début, tombe au-dessous dans la période cachectique. Et d’ailleurs n’ayant pu reproduire expérimentalement l’affection qui nous occupe, la courbe de son mouvement fébrile nous échappe totalement. Quant à l’amaigrissement, presque nul dans la période 972 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR initiale, il devient profond à l’approche du dénouement fatal. Lorsque le poids cesse de diminuer, c’est un bon signe chez'les animaux traités. Lésions internes et altérations du sang. — Aucun organe thoracique n’est le siège de lésions. Parmi ceux de l’abdomen, il n’y a que le péritoine et les reins qui paraissent altérés. Les deux feuillets du premier sont par endroits épaissis, injectés- et adhérents, tout cela coexistant avec une petite quantité d’épanchement séro-sanguinolent, ne présentant rien de parti- culier au microscope. Les points les plus atteints du péritoine sont ceux qui correspondent à la face convexe du foie, la face postérieure de l’estomac et une grande partie des deux faces de la rate, etc. En résumé, il y a là toute une série de lésions qui signalent l’existence in-vitam d’une péritonite subaiguë, à marche très lente. Les reins sont souvent turgescents et de volume augmenté. Leurs capsules se séparent facilement; toutefois, au-dessous d’elles, il n’est pas rare de constater un piqueté rouge noirâtre qui révèle leur état hyperhémique. Sectionnés dans le] sens de leur diamètre somatique, ils présentent dans leur couche périphérique, sur les points les plus rapprochés de leurs bords convexes et aussi au niveau des pyramides, une teinte plus vive qu’ailleurs ; ceci corrobore l’examen Lde l’extérieur de ces organes. Au microscope, ce sont les lésions des congestions et les hémorrhagies qui prédominent, avec une légère altération des glomérules de Malpighi. Là où on avait constaté préalable- ment line coloration intense, on trouve les capillaires dilatés et remplis de globules rouges. Certains de ceux-ci sont extravasés et remplissent des espaces en forme de toutes petites fusées. Plusieurs glomérules sont envahis par les cellules migra- trices qui se dressent autour d’eux. Les endothéliums des capil- laires sont un peu boursouflés, fixent trop les colorants; leurs noyaux sont gros et se teignent d’une façon intense : une légère capillarité péri-tubaire et péri-glomérulaire. Le sang s’est montré toujours modifié. Une notable réduc- tion des hématies et une hypoleucocytose polynucléaire carac- térise cette modification. Par contre, les éosinophiles et les gros mononucléaires sans granulations spécifiques avec gros noyaux ovalaires ou incurvés, sont très nombreux. Notons aussi la BOVIDÉS DU PARAGUAY 973 présence d’une espèce de corpuscules ronds dont la nature et la signification nous échappe. Ils sont de différentes dimensions: la plupart plus petits que les hématies, ont un contour aussi régulier que ces dernières. Très visibles dans la goutte pendante, ils s’y distinguent des autres éléments du sang en ce qu’ils sont plus pâles et plus aplatis. Sur la préparation colorée, par la méthode de Laveran et Mesnil, celle de Giemsa ou simplement par l’action successive de l’hématéine et l’éosine, on voit que ces corpuscules présentent deux parties bien distinctes : une centrale, fixant les couleurs nucléaires, et une périphérique se teignant par les couleurs acides (voir fig. 1). Ainsi, si l’on s’est servi du bleu-éosine, le centre du corpuscule apparaît d’un bleu intense et la périphérie rose, plus pâle que les globules rouges à côté. Ceux qui sont d’une dimension très réduite (2-3 jx) pré- sentent tout à fait au centre un petit point fixant intensément le bleu, comme un grain de chromatine condensé; tandis que chez les trop gros, non seulement ce petit point manque, mais encore il y a à sa place un espace incolore granulé et jaunâtre. Plus nombreux dans le sang des cachectiques que dans celui des individus récemment contaminés, ces corpuscules n’y font jamais défaut durant tout le cours de l’infection. Quelle est la nature exacte de ces corpuscules? Peut-on leur reconnaître une origine parasitaire? [1 nous est, pour le moment, difficile de le dire. Tout ce que nous pouvons ajouter, c’est que nous avons observé des cor- puscules analogues chez des singes et des chevaux extrêmement anémiés à la suite d’inoculation grave de trypanosomes cadé- riques et aussi chez un petit aigle qui a présenté longtemps des contractures tétaniques. Il nous semble que ces éléments sont 974 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR des hématies altérées, ou pour mieux dire des hématies atteintes par des substances toxi-infectantes au moment de leur formation. Bactériologie. — Le sang- et la pulpe des organes ensemencés sur les divers milieux n’ont rien donné d’important. Du sang inocule a de jeunes vaches n’a produit qu’un mouvement fébrile, insignifiant, et les fameux corpuscules dans la circula- tion sanguine plusieurs jours après l’épreuve. ■ Rien à l’endroit inoculé. Dans les coupes microscopiques du tissu cellulaire prélevé aux environs du processus sphacellaire, nous avons observé la présence d’un gros bacille, de 5-7 g, ne prenant pas le Gram, que nous n’avons pu isoler par les procédés culturaux ordi- naires. ★ * * Quelques considérations épidémiologiques. — L’épidémie dont nous nous occupons s’est montrée au Paraguay, simultané- ment au mois de janvier 1905, dans les régions de Patino-Cué et de Taenaral, régions distantes l’une de l’autre d’une vingtaine de kilomètres et reliées entre elles par une voie ferrée. Chez M. C. Barnes, à Patino, il y eut 10 malades (sur 40), 7 (sur 20) chez une de ses voisines et enfin 3 (sur 35) chez un autre éleveur, ce qui fait en somme une contamination de 20 0/0 sur le total de l'effectif. La maladie n’apparut jamais, dans une même ferme, simul- tanément sur plusieurs individus, mais toujours successive- ment, chez un, puis chez un autre. Ce fait est important, et nous porte à croire que les animaux ont pu se contagionner entre eux avant qu’on ait pu prendre quelques mesures prophy- lactiques. Comme cause générale on a incriminé les plantes vénéneuses, mais cette thèse est peu admissible, étant donné que les résultats d’un empoisonnement devaient se faire sentir sur plusieurs animaux à la fois. D’autre part, ces accidents d’intoxication devraient se produire encore assez fréquem- ment sur les champs défrichés et incultes de ces régions. Or, il n’en est rien. Depuis de longues années que M. Barnes est établi à Patino, c’est la première fois qu’il observe l’affection dont il s’agit. Cet éleveur incrimine les mouches piquantes. Il croit que les manifestations cutanées, les premières parmi toutes, sont dues à la piqûre des Oestrus bonis (Bot-fly en anglais). BOVIDÉS DU PARAGUAY 975 Cela n est pas surprenant, car les Oestrus abondent dans la région et les parties de la peau les premières lésées sont les plus délicates et les plus minces, comme par exemple la zone péri-anale, les oreilles, etc. Nous ne croyons pas cependant que la piqûre seule de ces insectes soit la cause efficiente du mal. Il nous paraît plus vraisemblable d’admettre qu’ils jouent ici un rôle de vecteurs pour un parasite qui reste à être déter- miné. Au point de vue du traitement et de la prophylaxie, il con- vient de séparer et d’isoler les malades dans un enclos, loin des animaux sains. A Patino, on a badigeonné les placards gangreneux avec de l’huile phéniquée à 4 0/0; les points suin- tants des bords des plaques initiales ont surtout été l’objet de soins minutieux; on y appliquait l’huile antiseptique après avoir nettoyé et enlevé les croûtes. Une ration supplémentaire est parfois nécessaire pour les animaux qui sont très émaciés, ou qui éprouvent des difficultés a marcher à cause de l’œdème de leur train postérieur. Les animaux malades, abandonnés à leur sort, ont toujours péri et nous ne connaissons pas un seul cas de guérison. Le Gerant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire. Annales de l'Institut Pasteur. Vol. XX. Planche XXXIII. ( Mém. Levaditi J. Fig. 4 Fig. 2 F*g. 3 Fig. i Fig. 5 Fig- 9 n Levaditi del. Taton, Grav.-Inip., Paris Vol. XX. Planche XXXIV. ( Mém. Levaditi J. T Annales de 1 Institut Pasteur. F*& 7 n 4 v TATON, GRAY. IMp. — PARIS . 5 20me ANNÉE DÉCEMBRE 1906 No j2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Action du ferment bulgare sur le lait Par MM. Gabriel BERTRAND et Gustave WEISWEILLER Parmi les divers microbes qui coagulent le lait en transfor- mant le lactose en acide lactique, l’un d’eux, retire du Yoghourt ou lait caillé bulgare, est certainement le plus actif. Tandis que la plupart des ferments lactiques étudiés jusqu’ici cessent d'agir lorsque 1 acidité atteint une dizaine de grammes par litre, &le ferment bulgare va beaucoup plus loin; il poursuit son action jusqu à 25 à 30 grammes. Cette particularité, jointe à l’intérêt que présente l’emploi des laits caillés au point de vue alimentaire et même thérapeu- tique, surtout depuis les intéressantes recherches de M. Metch- nikoff et de quelques-uns de ses élèves, nous a engagés à étudier avec soin les transformations que le ferment bulgare' fait subir aux substances qui se trouvent dans le lait. Ce sont les résultats de cette étude que nous communiquons ici. 1 TECHNIQUE UES EXPÉRIENCES Le lait. Nous avons employé du lait donné comme pur par le com- merce, ce qui d’après l’analyse exposée plus loin peut être admis comme exact. P Ce lait fut stérilisé par un chauffage à 110° pendant une A. Voir la description de ce ferment dans le travail de M. Cohendy [Comule tendus de la Soc. de Biologie, t. 60, mars 1906). ' ' 978 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR demi-heure. Les flacons, qui étaient bouchés avec un tampon d’ouate et recouverts d’un double capuchon en papier à fdtrer, furent ensuite placés dans une étuve à 29°, pendant plusieurs jours, avant d’être ensemencés. Suivant les cas, le lait était employé en entier ou préalable- ment écrémé par centrifugation. Le ferment. Le ferment nous a été fourni par M. Metchnikoff. Pour l’entretenir au maximum d’activité, nous l’avons ensemencé, tous les deux jours, dans des tubes de lait stérilisé maintenus dans l’étuve à 29°. Cette période de 48 heures a toujours été suffisante pour amener la coagulation du lait. Avant de se servir du ferment pour un nouvel ensemencement, on avait la précaution d’en faire une préparation microscopique colorée au violet de méthyle, et d’en vérifier la pureté par un examen au microscope. LA MÉTHODE D’ANALYSE La première précaution à prendre, pour éviter les irrégula- rités dues à l’évaporation du lait pendant la période de culture, est d’opérer pondéralement; les matras doivent être tarés et la quantité de lait qu’on y verse exactement pesée (100 grammes); lorsqu’on veut procéder à l’analyse on peut ainsi par addition convenable d’eau distillée rétablir le poids primitif. Comme l'analyse porte sur du lait coagulé, c’est-à-dire sur un mélange d’un liquide et d’un précipité, après avoir rétabli le poids primitif, on agite le tout vigoureusement de façon à diviser le précipité et obtenir une masse aussi homogène que possible. Dosage de V acidité. — Pour faire ce dosage, on prélève 20 grammes de lait qu’on pèse dans un petit matras et qu’on titre, en présence de phtaléine, a\rec la liqueur de soude 1/5 N. Comme dans ses solutions l’acide lactique produit par le microbe n’existe pas seulement à l’état d’acide réel, mais en partie sous la forme d’éther lactyllactique ch3. ch. cooh. I COO. CH (OH). CH3 il faut tenir compte de ce dernier. FERMENT BULGARE SUR LE LAIT 979 L'éther lactyllactique prend naissance spontanément par réaction mutuelle de deux molécules d’acide avec élimination d'une molécule d’eau : CH-. CH. COOH 2 (CH3 - CH. OH - COOH) = ' | + H90 COO. CHiOH). CH3 de sorte que l’acidité de cet éther représente seulement la moitié de celle de l’acide lactique dont il est formé; en milieu alcalin l'éther s’hydrate très aisément et reproduit les deux molécules d’acide lactique. Voici comment on procède : lorsque le titrage a permis de saturer 1 acidité libre du lait, on ajoute un excès de la solution de soude (5 c. c.) et on abandonne. le matras houclié, à la tem- pérature ordinaire, pendant une demi-heure: la saponification de l'éther lactyllactique est alors accomplie. Il ne reste plus qu'à déterminer, avec de l'acide sulfurique I/o N, la quantité de soude qui reste en excès. Tout ce qui a été employé de cet alcali, déduction faite de l’acidité primitive du lait, représente la totalité des acides qui ont pris naissance au cours de la fer- mentation. La quantité d’éther lactyllactique ne représente guère que quelques centièmes de l’acidité libre. On doit faire le titrage de l’acidité avec beaucoup d’attention, car les virages de teintes ne sont pas d’une très grande netteté, Terreur maxima de lecture est de 0,25 c. c. de liqueur de soude correspondant à O"1', 045 d’acide lactique pour 100 grammes de lait. Comme la matière protéique fixe une certaine quantité de phta- léine, on est forcé, vers la fin du titrage, d’ajouter de la phtaléine à différentes reprises, afin d’être sûr qu’il y en a en solution. Dosage des matières grasses et de la caséine. — On prélève un échantillon de 10 grammes pesé dans un petit hécherglas; on y ajoute une solution de soude à 1,5 0/0 en quantité suffisante pour redissoudre la caséine. Cette quantité, qui augmente nécessairement avec l’acidité, c’est-à-dire avec l’àge de la culture, varie de 6 à 18 c. c. On note le volume de soude employé. On transvase la solution dans une petite allonge a robinet, analogue a celle qui sert 980 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pour l’analyse du lait par la méthode d’Adam1. On rince le bécherglas avec 5-10 c. c. d’alcool à 96°, puis avec de l’éther, dont on emploie un volume double. On bouche l’allonge et on agite doucement, de manière à mettre les liquides en contact, tout en évitant l’émulsion. Les matières grasses passent dans l’éther; on laisse déposer et, aussitôt que la séparation des deux couches de liquide est complète, on laisse écouler par le robinet la solution alcaline,- légèrement opalescente; elle renferme toute la caséine. Matières grasses. La couche éthérée est d’abord lavée avec quelques centimètres cubes d’eau qu’on fait couler, à l’aide de la pipette, le long des parois de l’ampoule. Cette eau de lavage, décantée par le robinet, est jointe à la solution de caséine, tandis que la solution éthérée est versée par le haut de l’am- poule dans une capsule tarée; on rince l’ampoule avec un peu d’éther qu’on ajoute dans la capsule. On laisse évaporer l’éther à la température ordinaire et on sèche, dans une étuve à 100°, le résidu de matières grasses jusqu’à poids constant. Caséine. La totalité du liquide alcalin renfermant la caséine est reçue dans une petite éprouvette cylindrique à fond rond, d’une capacité d’environ 100 c. c. On y ajoute un excès d’acide acétique qui précipite la caséine. Si l’on se sert d’acide acétique à 5 0/0, il en faut verser exactement le même volume que celui de la liqueur de soude employée à dissoudre la caséine au début de l’opération. Pratiquement, pour éviter les dilutions, nous nous servons d’acide trois fois plus concentré. 11 est bon de verser l’acide goutte à goutte, en agitant le liquide au fur et à mesure avec une baguette de verre. On obtient ainsi une coagulation de la caséine en flocons plus faciles à rassembler que lorsqu’on ajoute d’un seul coup la totalité de l’acide. 11 est également préférable de ne pas différer la précipitation de la caséine par l’acide acétique, car le contact prolongé des alcalis pourrait altérer cette matière protéique. Dans nos expé- riences, cette précipitation avait lieu aussitôt après la séparation de la couche alcaline et de la couche éthérée. On rassemble la caséine au fond du tube par centrifugation, puis on décante le liquide surnageant. Le précipité est alors 1. J. de Pharm. et de Chim. S. 5, t. III, p. 24 (1881). FERMENT BULGARE SUR LE LAIT 981 délayé dans 50 à 60 c. c. d eau distillée et centrifugé; on renou- velle une seconde fois ce lavage. Les trois liquides décantés sont passés au fur et à mesure à travers un petit filtre préalable- ment taré. Ils renferment, entre autres substances, la totaln du lactose et de l azote soluble. On les met à part pour y doser ce dernier élément. La caséine restée au fond du tube est délayée dans 50 à 60 c. c. d'alcool à 96° et jetée sur le filtre; on la lave d'abord avec un peu d'alcool, puis on termine avec 25-50 c. c. d'éther. Ce traitement par l'alcool et l'éther déshydrate la caséine et enlève une petite quantité de matières grasses qui étaient restées dans le liquide alcalin après la première phase de l'opé- ration. Le filtre et son précipité sont alors séchés à 105° jusqu’à poids constant et pesés. On calcine ensuite pour déduire de la caséine une petite quantité de cendres U Quant à la solution alcoolique éthérée, on l’évapore dans un bécherglas, d abord à la température ordinaire, puis au bain- marie. Le résidu est repris par un peu d'éther sec, qui dissout les matières grasses et laisse quelques impuretés adhérentes au verre ; on décante et on évapore dans une petite capsule tarée. Le poids de cette matière grasse doit être ajouté à celui qui a été trouvé précédemment'2. Dosage de T azote soluble. — Le liquide aqueux dont la caséine a été précipitée, y compris les eaux de lavage, est réduit par évaporation au bain-marie dans une capsule au volume d’environ 5 c. c.; on transvase celui-ci dans un ballon à long col, dans lequel on termine 1 évaporation au bain-marie. Le résidu siru- peux est ensuite attaqué par 10 c. c. d acide sulfurique bouillant en présence d un petit globule de mercure. On poursuit le dosage de 1 azote ammoniacal ainsi obtenu en suivant la méthode qui a été indiquée par M. Maquenne 3. En raison de la petite quantité d azote, soluble, il faut prendre de l’acide sulfurique 1/5 N pour le titrage. Il est bien entendu que tous les réactifs employés au cours 1. Quand on opère sur du lait stérilisé par la chaleur, comme c’est ici le cas, l'albumine coagulée accompagne la caséine. 2. Pour plus de rapidité, on peut peser le bécherglas après l’évaporation à sec de son contenu, laver à l'éther et repeser le bécherglas. La matière grasse est alors obtenue par différence des deux pesées. 3. Bull, de la Soc. Chim. de Paris; t. XXI, p. 312 (1899). 982 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de cette analyse, y compris l’alcool, la soude, l’acide acétique, etc., etc., doivent être vérifiés exempts d’azote. Dosage du sucre. — Dans une fiole jaugée à deux traits de 50-55 c. c. préalablement tarée, on verse du lait jusqu’au trait 50; on pèse pour avoir le poids du lait. Ensuite on com- plète le volume à 55 c. c. avec une solution de sulfate mercu- rique (renfermant, pour 50 grammes de sel, 17 c. c. d’acide sulfurique à 60 B et une quantité d’eau suffisante pour faire 130 c. c.). On mélange et on jette le tout sur un filtre. Le liquide filtré est ensuite additionné d’un excès de poudre de zinc et agité de temps en temps jusqu’à ce qu’il ne reste plus de mer- cure en solution. On reconnaît facilement qu’on a atteint ce résultat lorsqu’une goutte de liquide placée sur une lame de cuivre fraîchement polie n’y produit aucun dépôt grisâtre. On filtre pour enlever le zinc et on détermine sur le liquide limpide le pouvoir réducteur d’après la méthode indiquée par l’un de nous 1 . Lorsque cette détermination est faite, on procède à l’hydro- lyse du lactose. Pour cela on verse 20 c. c. du liquide déféqué dans un petit ballon avec 1 c. c. de solution d’acide chlorhy- drique à 22 B; on porte à l’ébullition pendant 45 minutes et on maintient le volume du liquide constant à l’aide d’un petit réfri- gérant vertical. Cette hydrolyse terminée, on laisse refroidir; on neutralise exactement avec de la soude, on ramène le volume à 50 c.c., on filtre le précipité d’hydroxyde de zinc, enfin on détermine à nouveau le pouvoir réducteur. La durée d’ébullition de 45 minutes a été déterminée par une série d’essais sur une solution de lactose pur à 5 0/0 envi- ron (exactement 4,951 0/0 anhydre). On a suivi l’hydrolyse au polarimètre. On avait obtenu : Après une ébullition de 30 minutes, une augmentation du pouvoir rotatoire de 18 0/0. — — 45 — _ 26 — — — 60 — _ 26 — — 90 — — 26 — RÉSULTATS GÉNÉRAUX Voici, rassemblés dans un tableau, les principaux résultats obtenus dans une de nos expériences : 1. G. Bertrand, Bull. Soc. Chim. de Paris , 1906. FERMENT BULGARE SUR LE LAIT 983 l'OUR 100 GRAMMES DE I.AIT Acidité appa- Age de la cul- ture en jours.,. Caséine L Cendres de la caséine. Az. soluble. Matières grasses. Sucre dis- paru calculé en hexoses. rue calculée en acide lac- tique. 0 3,11 0,055 0,056 0,51 — — 1 2,96 0,014 0,083 0,53 0,50 0,41 2 “2.90 0,029 0,099 0,51 1.42 1,27 O O 2,88 0,017 0,091 0,52 1.85 1,65 ;> 2.83 0,011 0,099 0.49 2,17 2.02 12 2,84 0,006 0,101 0,52 2,21 2 22 30 2,75 0,009 0.103 0,50 2,35 ?s INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS Caséine. — Cette substance, qui est entièrement précipitée dès le second jour, diminue progressivement, mais dans une faible proportion; après un mois de culture, 12 0/0 environ de cette matière protéique seulement ont disparu. 11 est remarquable que la quantité de sels insolubles entraî- née par la caséine va en diminuant au fur et à mesure des dosages (voir cendres). Ceci peut être dù soit à ce que la caséine est modifiée de telle manière par la culture que son affinité pour les sels insolubles aille en décroissant, soit a ce que la proportion d’acétate de sodium, qui augmente d’un dosage a l’autre, agisse directement sur la solubilité de ces sels. Azote soluble. — La quantité des matières azotées solubles qui prennent naissance aux dépens de la caséine augmente peu à peu; elle est presque doublée dans les premiers jours de la culture. Si l’on multiplie le poids d’azote soluble apparu par le fac- teur 6,4, qui représente le rapport fie la caséine à l’azote, on obtient un chiffre qui représente très sensiblement le poids de la caséine disparue. Ceci montre que la caséine précipitée n a pas subi de transformation notable dans sa composition élé- mentaire, comme cela pourrait arriver à la suite de certains dédoublements, qui isolent des portions de la molécule plus au moins riche en azote, mais, au contraire, que le microbe décom- posé profondément la petite quantité fie caséine a laquelle il s’attaque. On peut se demander ici si les quantités croissantes de soude et d’acide acétique employées au cours des dosages ne suffisent pas à expliquer les variations respectives de la caséine et de l’azote soluble. 1 . Déduction faite des cendres. 984 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR I our apprécier la valeur de cette hypothèse, nous avons dose la caserne et l’azote soluble sur deux échantillons de 10 grammes du même lait, en employant dans un cas la plus petite quantité de réactif, dans le second la plus grande. Voici les chiffres que nous avons obtenus : Pour 100 grammes de lait Soude à 1,5 0 0. Acide acétique à 15 0/0. lrc Expérience: 6 c. c. 2 c. c. 2e Expérience : 18 c. c. 6 c. c. Caséine *. 3,16 3,08 Cendres. Az. soluble. 0,053 0,060. 0,026 0,069. Ces chiffres montrent que les quantités variables de soude et d’acide acétique employées dans les dosages n’ont pas d’in- fiuence notable sur les résultats généraux. Matières grasses. — Ces matières sont difficiles à doser avec une grande exactitude car, étant insolubles et d’une densité assez différente de celle du lait, elles tondent à se séparer, de sorte qu’on ne peut obtenir des prises d'essais parfaitement homogènes et rigoureusement comparables. 11 résulté toutefois des chiffres qui figurent dans le tableau (colonne 5), que le poids des matières grasses ne subit pas de modification appréciable, ce qui exclut déjà l'idée d’une sapo- nification avancée au cours de la culture. En effet, si le beurre était complètement saponifié, il donnerait naissance à des acides solubles (butyrique, caproïque, etc.) en même temps qu à de la glycérine, ce qui correspondrait à une diminution de 11 a 13.8 0/0 dans le poids des matières grasses. Mais une saponification partielle aurait pu se produire. Pour savoir s’il en était réellement ainsi, nous avons entrepris des expériences spéciales. Du lait a été enrichi en matières grasses par addition de crème. Le liquide, bien mélangé, a été divisé aussitôt en deux parties égales; après stérilisation on a ensemencé l’une et con- scrvé l’autre comme témoin. Après 10 jours de culture on a extrait les matières grasses contenues dans chacun des malras et, après les avoir pesées on a déterminé leur acidité et leur indice de saponification. On a trouvé : 1. Déduction faite des cendres. FERMENT BULGARE SUR LE LAIT 985 Pour 100 grammes de lait: Poids total des matières grasses. Lait témoin 12,87 Lait cultivé 12,41 Pour 100 gr. de matières grasses. Acidité totale en KOH. Indice de saponification en KOH i. 0,12 22,7 0,14 23,2 Ce sont là des différences très petites, de l’ordre des erreurs expérimentales. Il faut en conclure que si le microbe saponifie les matières grasses, comme on pourrait le croire en s'en rap- portant simplement aux caractères organoleptiques, c’est dans une proportion très minime. Nous avons constaté que le beurre extrait du lait cultivé est complètement décoloré, mais quand on le saponifie par la potasse alcoolique, il donne une solution rouge brunâtre. Malgré la faible action du microbe sur les matières grasses, nous avons constaté une certaine différence dans la marche de l’acidification entre deux laits, dont l’un avait été préalablement écrémé, tandis que l’autre était employé avec la totalité de sa crème. L’acidification s’est produite d’abord un peu plus rapidement dans ce dernier, puis, au bout d’une huitaine de jours, c’est l’inverse qui a eu lieu ; de sorte que finalement le lait écrémé est devenu plus acide. Acidité apparue calculée en acide • Pour 100 grammes d° lait lactique après écrémé. non écrémé 3 jours. 1,48 1,68 5 — 1,9!) 2,08 10 — 2,44 2,30 30 — 2,50 2,34 Il est assez difficile d’interpréter cette singulière influence de la crème sur la marche de l’acidification. Le lactose. — Le sucre de lait peut être transformé en acide lactique par le microbe soit directement, c’est-à-dire sans subir d’hydrolyse préalable, soit au contraire, et cela est à priori beaucoup plus probable, après avoir été dédoublé suivant l’équation bien connue, en un mélange à parties égales de glucose et de galactose : C‘2H22Cm + H20 = C6m206 4- cen^oe. Dans la première hypothèse il ne peut y avoir, à aucun moment, dans la culture, d’autres sucres réducteurs que le lactose. 4. L'indice de saponification du beurre est ordinairement compris entre 22,1 o et 23,34. 986 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Dans la seconde, plusieurs cas peuvent se présenter. Si la transformation en acide lactique se fait au fur et à mesure de 1 hydrolyse, il n’y a jamais, comme dans la première hypothèse, que du lactose. Si, au contraire, la transformation en acide lactique est moins rapide que le dédoublement, il doit y avoir un mélange à parties égales de glucose et de galactose à côté du lactose inattaqué. Enfin, dans le cas où le microbe, après avoir hydrolysé le sucre de lait, agirait avec une vitesse diffé- rente sur 1 un des deux hexoses qui proviennent du dédouble- ment, on pourrait trouver, à côté du lactose, soit du glucose seul, soit du galactose seul, soit un mélange en proportion inégale de ces deux sucres. La plus grande complication analytique se présente, quand il y a à la fois du lactose, du glucose et du galactose. Ce sont là trois inconnues qui ne peuvent être déterminées qu’à la con- dition d avoir trois équations. Les déterminations des pouvoirs réducteurs et des pouvoirs rotatoires, avant et après hydrolyse, devraient en fournir quatre; mais l’acide lactique produit par le microbe étant un mélangé d’acide droit et d’acide gauche, variable suivant l’âge de la culture, les lectures au polarimètre n ont plus la valeur absolue qu’elles auraient s’il n’y avait que des sucres en solution ; on ne peut donc plus compter que sur les deux pouvoirs réducteurs pour suivre la transformation du lactose, ce qui enlève la possibilité de connaître, à aucun mo- ment le rapport du glucose et du galactose. Nous avons déterminé les deux pouvoirs réducteurs à diffé- rents âges de la culture. L’augmentation due à Thydrolyse, qui est de 43,7 au début, lorsqu’il n’y a que du lactose, diminue peu à peu, comme on le voit dans le tableau suivant : Age de la culture en jours. Augmentation du pouvoir réducteur par hydrolyse. 43.7 0/0 34,5 — 31,2 — 46.8 — 7,6 - 4.3 - 5.3 — 2 3 5 12 30 Ces variations établissent d’une manière très nette que, avant d’être transformé en acide lactique, le sucre de lait subit un dédoublement préalable en glucose et galactose. En effet, FERMENT BULGARE SUR LE LAIT 937 s’il n’y avait à tout moment que du lactose, 1 augmentation du pouvoir réducteur, par suite de 1 hydrolyse, resterait fixée a 43 0/0, comme pour le lait témoin. Mais elle devient de moins en moins appréciable; c’est donc que le lactose a déjà subi une partie de l’hydrolyse sous l’influence du microbe L Après deux semaines environ cette hydrolyse microbienne est si avancée qu’un chauffage avec l’acide, en vue de la com- pléter n’augmente plus le pouvoir réducteur que de 4 à 5 0/0 au lieu de 43. Quant a savoir si l un des deux hexoses qui résultent de l’hydrolyse microbienne disparait plus rapidement que 1 autre, c’est un point qui ne peut être encore élucidé, pour la raison indiquée plus haut. En somme, le ferment bulgare produit de la lactase; sous ce rapport il se rapproche de quelques microorganismes, en particulier de la levure du képhir. Cette lactase est sans doute fixée dans le corps du microbe; en tout cas, on n en peut trou- ver dans le milieu de culture filtré à travers une bougie de porcelaine. En opérant aseptiquement avec 40 c. c. de ce liquide addi- tionné de trois grammes de lactose, nous n avons constate aucun changement de pouvoir rotatoire, c’est-à-dire aucune hydrolyse diastasique du lactose, après deux jours de conser- vation à l’étuve à 29°. L’acicle lactique. — L’examen du tableau qui résume les résultats analytiques montre que la presque totalité du lactose qui disparaît est transformée en acide lactique; du moins la coïncidence entre le poids du sucre calculé en hexoses et l’acidité calculée en acide lactique est-elle favorable à cette hypothèse. On se rappelle, d’après l'équation théorique : G6H1206 = 2 C3Hc03 180 2 X 90 = 180 qu’une molécule d’hexose donne exactement son poids d acide lactique. Nous avons extrait les acides par des agitations répétées avec 1. Dans les conditions de la culture, l’acide lactique seul est insuffisant a dédoubler le lactose. 988 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR «le l’éther en présence d’un petit excès d’acide sulfurique et nous avons constaté, en transformant ces acides en sels de zinc, qu’ils étaient formés presque exclusivement par de l’acide lactique: I hypothèse ci-dessus se réalise donc pour la plus grande partie «lu lactose. Mais nous avons trouvé en outre, dans les dernières eaux-mères des sels de zinc, une petite quantité d’un acide cris- ta isable qui n avait pas été signalé jusqu’ici dans les fermenta- tions lactiques; cet acide, qui provient évidemment d’une réac- tion secondaire et ne correspond pas à plus de 3 0/0 de 1 acidité totale, est de l’acide succinique Pour identifier cet acide, nous l’avons d’abord régénéré de son sel de zinc par addition d’acide sulfurique et épuisement avec de l’éther; les cristaux obtenus ont ensuite été essorés et purifiés par cristallisation dans l’eau. Ils fondent exactement a 187-188°, comme l’acide succinique pur (au bloc Maquenne). Quand on les chauffe d’avantage, ils se volatilisent en donnant des vapeurs blanches extrêmement irritantes. Transformés en sel ammoniacal ils donnent, avec le perchlorure de fer, un préci- pite rouge gélatineux caractéristique; enfin le poids molécu- laire, déterminé par la méthode alcalimétrique avec de l’eau de baryte, a donné le chiffre 119.4 au lieu de 118., calculé pour GOOH, CH!, CH!, COOH. Il restait à déterminer la nature de l’acide lactique produit par le ferment bulgare; nous l’avons fait par l’étude du sel de «le zinc. Celui-ci, soumis à la cristallisation fractionnée, a donné «l«‘ux portions que nous avons examinées au polarimètre1 2 et «lans lesquelles nous avons dosé l’eau de cristallisation et le métal combiné. Les résultats montrent que l’acide lactique pro- duit parle ferment bulgare est un mélange d’acide gauche avec un excès d’acide droit. \oici les données analytiques des expériences qui ont été effectuées sur les sels préalablement desséchés dans une étuve à 30°. 1 . On verra plus loin qu'il y a aussi une faible proportion d’acides volatils. 2. En solution à 2 0/0, longueur du tube 0m,50. FERMENT BULGARE SUR LE LAIT 989 CULTURE DE 5 JOURS le,s cristaux : — 1°4' 20s cristaux : — 6°9' Calculé pour leracéniatc de zinc : 0° H-0 (à -f 105») 18,21 15.17 18.18 le d-lactate de zinc: —9° environ2. 12,90 Zn U '0 Za 0, U de st 1 de =c-l cristallisé, anhydre. 21,78 26,02 22.77 26,84 21,89 26,75 23,30 26,75 RECHERCHE DES MATIÈRES VOLATILES Nous avons d’abord recherché l’alcool, l’acétone et les acides volatils. Dans une expérience, quatre litres de lait cultivé depuis 3 semaines environ ont été distillés dans le vide, de manière à recueillir deux litres de liquide ; celui-ci, additionné dun léger excès d’eau de baryte, a été amené ensuite, par une série de distillations fractionnées au réfrigérant ascendant de Schloesing, au volume de 7 c. c. L’essai de ce liquide final par la méthode de Lieben n’a donné aucun résultat; il en a été de même avec le chlorure de benzoyle et avec le mélange chromosulfurique. On peut donc conclure qu'il n’y a production, au cours de la fermentation, ni d'alcool ni d’acétone. Pour étudier les acides volatils, un nouveau litre de lait a été distillé dans le vide jusqu’à siccité. Le liquide distillé avait une faible réaction acide correspondant, d’après un essai à la baryte, àOgr,53 d’acide acétique par litre. En réalité, il ne renfermait pas seulement de l’acide acéti- que, comme nous l’avons vérifié par la production du sel d’ar- gent et de l’acétate d'éthyle, mais probablement aussi une petite portion d’acide formique (réduction à chaud du sel d’argent). La présence d’acide succinique dansle milieu de culture nous a conduits à rechercher s’il n'y avait pas en même temps de l’acétylméthylcarbinol, CH3 — GO — CHOH — Cil3, corps à quatre atomes de carbone comme l’acide succinique et dont la présence à côté du 2,3 butylèneglycol CH3 — CHOH — CHOH — CH3 1. Les lactatesde zinc actifs ont un pouvoir rotatoire de signe contraire à celui des acides qui leur correspondent. 2. Le pouvoir rotatoire varie beaucoup avec la concentration: voir Ju\gftftsch et Godchot, C. R. Ac. Sc., t. CXL, p. 719. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 990 avait été signalée par Harden et Walpole dans les produits de fermentation du glucose par le Bacillus lactls aerogenes 1 . Une telle constatation eût été d’autant plus intéressante que les trois corps désignés ci-dessus sont en rapport chimique très étroit les uns avec les autres et peuvent être considérés comme trois étapes successives d’une même action microbienne. Une certaine quantité de lait fermenté a été distillée à sec dans le vide et le liquide essayé avec la liqueur de Fehling. Comme il n'y a pas eu traces de réduction, il n’y avait pas d’acétylméthylcarbinol. RÉSUMÉ Le ferment bulgare agit avec une intensité très différente sur les trois principales substances qui existent dans le lait. Il solubilise une petite quantité de la caséine, environ le dixième, dont il utilise seulement une faible partie pour édifier ses cellules. Son action sur les matières grasses est encore moins sensible; il les saponifie, mais seulement dans une proportion très minime. Enfin, il hydrolyse, à l’aide d’une lactase qui est sans doute une endolactase, la presque totalité du sucre de lait; il transforme ensuite le glucose et le galactose qui résultent de cette hydrolyse en un mélange d’acide lactique gauche et d’acide lactique droit, mélange dans lequel ce dernier acide prédomine. A côté de l’acide lactique dont la quantité atteint facilement 25 grammes par litre, il y a peu d’acide succinique, environ 1/2 gramme par litre, à peu près autant d’acide acétique, et probablement enfin, de très petites quantités d’acide formique. Nous n’avons trouvé parmi les substances volatiles ni alcool, ni acétone, ni acétylméihylcarbinol. Le ferment bulgare est le premier ferment lactique vrai qui produise de l’acide succinique; il donne aussi le premier exemple d’un fermentlactique qui dédouble visiblement le lactose avant de le transformer en acide. 1. Proceedings of the Royal Society, t. LXXVII, p. 399 (1906). Le Bacillus lactis aerogenes donne avec le glucose toute une série de produits, parmi lesquels figure à peine un dixième d’acide lactique. La fermentation complexe qu’il détermine ressemble beaucoup à celle de Bacillus coli commuais, qu’il accompagne dans les fèces. Ni l'un ni l'autre de ces deux microbes ne sont à proprement parler de véritables ferments lactiques. ÉTUDE D’UN NOUVEAU PROCÉDÉ Par MM. TRILLAT et SAUTON Dans le présent travail, il est utile d’exposer tout d’abord Tétât actuel de la question du dosage de la matière albuminoïde du lait, et de faire ressortir les raisons qui l’ont motivé. Après avoir décrit le principe de la nouvelle méthode de dosage et le mode opératoire adopté, nous résumerons dans un chapitre spécial les essais de contrôle qui nous ont permis d’en vérifier l’ exactitude . Suivant cet ordre, cette étude est divisée en 3 parties : 1° Etat actuel de la question : examen des méthodes actuelles ; 2° Nouveau procédé de dosage; 3° Contrôle et vérification de la méthode. . 11 EXAMEN DES MÉTHODES ACTUELLES A partir du moment où l’étude de la matière albuminoïde du lait a été ébauchée, les notions nouvelles apportées, au lieu d’éclairer les idées anciennes, semblent les avoir rendues confuses C A la caséine sont venus s’ajouter successivement, dans le lait, le serai (Ziger des Allemands), l’albumine, l’albu- minose, la lactoprotéine, la protéine ou sérum (Molkenprotéine) , les peptones. Pendant que ces substances nouvelles faisaient leur stage scientifique, MM. Danileswski et Radenhausen 2 ont fait un travail dont les conclusions les rayèrent du tableau ;• elles furent remplacées par la caséoalbumine, la caséopro- talbine, l'orroprotéine, l'albumine du sérum, la lactosynto- protalbine, le lactosyntogène, la lactopeptone etlalactopseudo- peptone etc. Et on pourrait encore allonger la liste. 1. Duclaux, Annales de l’Institut agronomique, t. VIII, 1883. Untersuch. über d. Eiireistoffe d. Milch {Petersen’s Forschungen, \. 880). 992 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Au point de vue exclusivement analytique auquel nous nous plaçons, ces distinctions n’ont pas été sans exercer une influence fâcheuse. Pour certains analystes, le dosage de la caséine du lait a consisté à évaluer le poids du précipité obtenu par l’acide acétique dans des conditions qui n’ont pas été suffisamment définies 1 ; d’autres, dans le dosage de la caséine, ont fait entrer en ligne de compte la matière albuminoïde qui échappait à la précipitation. De là vient que la dénomination de caséine dans le langage analytique a été appliquée tantôt à l’un, tantôt à l’autre de ces deux modes opératoires. Cette interprétation différente a pu donner lieu à des malentendus qui subsistent encore parfois aujourd’hui. Cette confusion n'a pas échappé à la critique de Duclaux qui, dans un autre ordre d’idées, a fait ressortir le danger de cet émiettement et s’est attaché à démontrer que les différences fondamentales sur lesquelles on s’appuyait pour différencier les matières albuminoïdes du lait étaient illusoires et qu’elles se confondaient en réalité dans certaines conditions d’expérience. Toutes ces observations le conduisirent à conclure qu’à l’état de solution parfaite, les matières albuminoïdes du lait se con- fondaient et ne commençaient à différer qu’à l’état muqueux ou à l’état solide, c’est-à-dire lorsque entraient en jeu des ques- tions non de constitution, mais d’agrégation moléculaire. Aussi, en dernière analyse, Duclaux a défini la caséine comme étant la matière albuminoïde du lait 2. Il peut être important, non seulement au point de vue scientifique mais aussi au point de vue industriel, d’établir une distinction entre ces matières albuminoïdes; nous pensons cependant, comme d’ailleurs beaucoup d’auteurs, que dans l’évaluation de la richesse du lait, c’est-à-dire dans Tanalyse courante comme dans l’expertise, le dosage doit comporter la totalité des matières azotées, qu’elles soient constituées par de la caséine sous divers états, comme l’a supposé Duclaux, ou qu’elles soient formées, selon d’autres savants, parla réunion de matières albuminoïdes distinctes les unes des autres. Elles n’en représentent pas moins en effet dans leur ensemble le principal élément nutritif du lait. 1. Villiers et Collin, Altérations et falsifications des substances alimen- ai res. 2. Duclaux, Le Lait, édit. Baillière, 1887, p. 65. 31 ATI mu; ALBUMINOÏDE Di; L AIT 993 Actuellement, le dosage de la matière albuminoïde s'effectue 34,90 5 ••• f,* 36 * • 3,3 32 20 Ces résultats, nous le rappelons, eontinnènt l’opinion de I, n V n« ' ,eme T' 8 danS le lait isucr^ Wurre et cendre), ls pas égalé au poids de 1 extrait. I m i CONTROLE UE LA MÉTHODE dos!Trf rei‘d;re C0,1,Pte de ^exactitude de cette méthode de H ° ’ '."Vf®'1 pas dc Précipiter totalement la matière bien kT' ° U, ait’ '!■ faHait ®ncor® Prouver quelle présentait a ““Position élémentaire dc la caséine. Enfin une objec- ion pourrait venir à l’esprit : la fixation de l’aldéhyde formique peut-elle amener une perturbation dans le poids de la matière albuminoïde transformée, soit par la soudure du résidu aldéhy- dique, soit a la suite de la condensation intramoléculaire qui s opéré vraisemblablement avec élimination d’eau ? 1 oui- repondre à ces diverses questions, nous avons établi : , A11®1,01*1® a maUère albuminoïde était séparée; du e e possédait bien la composition élémentaire de la CâSUlllC j ■p> Qu à la suite de sa transformation, son poids ne variait pus . Nous allons exposer dans cet ordre les moyens de vénï- cation employés : 1. - a) Les réactifs de la matière albuminoïde que nous avons utilises pour examiner les eaux du filtrat après séparation P .rClp;te /r°nt : 1 aCld® az°tique, l’acide fricliloroacétique, les d’Esliacb' * lanrCt’ dAdamkiewitz’ Millon, de Briicke et veinp^^t céactifs ont été ajoutés au liquide du filtrat, comparati- so,“tions contenant environ 1/2.0,000 de matières albuminoïdes du lait (1 c. c. de lait environ dans I litre d’eau) afin d avoir une limite de sensibilité. Ces essais comparatifs ont MATIERE ALBUMINOÏDE DU LAIT 1001 permis de nous assurer que les eaux du filtrat ne contenaient pas de matières albuminoïdes: b) Pour nous assurer que le traitement du lait par notre méthode n’avait pas détaché une p«/ite quantité d’azote de la molécule albuminoïde (comme c’est le cas lorsqu'on chauffe une solution de caséine en présence d’une petite quantité d alcali ou d’un acide), nous avons recherché l’azote sous ses diverses formes, en utilisant les méthodes d’analyse les plus sensibles. Les résultats ont été négatifs; c) Puisque l’azote, sous aucune de ses formes, ne pouvait être décelé dans les eaux de lavage, le poids de l’azote de la matière albuminoïde transformée par le formol et séparée devait être sensiblement égal à celui du lait traité. C’est ce que confirme le tableau suivant : i ii Poids de l'azote dans 5 c. c. de lait./....... 0,790 0,7902 Poids de l'azote du précipité correspondant. 0,7894 0,7860 II. — a) Les précédentes recherches, qui s’appliquent spé- cialement à l’azote, n’indiquent pas si la matière albuminoïde, ainsi séparée dans sa totalité, est suffisamment pure et présente la composition élémentaire de la caséine telle qu’elle a été donnée par les auteurs qui se sont le plus occupés de sa puri- fication. En dehors de l’azote, nous avons dans la matière inso- lubilisée dosé le phosphore, le soufre, le carbone et l’hydro- gène, et nous avons aussi évalué le résidu minéral. Les résultats de nos analyses sont compris, comme l indique le tableau suivant, dans les limites des chiffres trouvés par Dumas et Yolcker : Matière album, insolubilisée. Dumas. Yolcker. Carbone 52,88 53,50 53,43 Hydrogène 6,96 7,05 7,12 Azote .............. 15,80 15,77 15^36 Oxygène 22,82 21,92 Phosphore 0,71 23,08 0,74 Soufre 0,83 1,11 Cendre Impondérable. 0,32 100,00 100,00 100,00 b) Hammarsten s’est appliqué tout spécialement à préparer de la caséine pure, au moyen d’une série de précipitations et de lavages appropriés. Il a obtenu en fin de compte une matière parfaitement blanche, exempte de cendre et qu’il a considérée \ 002 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR comme de la caséine à peu près pure. Nous avons analysé un , c lanll‘l°n de caséine préparée en suivant le procédé décrit par Hammarsten. Nos chiffres confirment les siens et sont, d’autre part, sensiblement les mêmes que ceux provenant de l’analyse élémentaire de la caséine formolée. Matière albuminoïde insolubiiisée. Carbone.... 52 88 Hydrogène. 6*90 Azote 15,80 Oxygène . . . 22,82 Phosphore.. o, 71 Soufre o,83 Cendre. .... Impondérable. Composition de la caséine d’après Hammarsten. 52,96' 7,05 15,65 22,713 0,847 0,780 Impondérable. Caséine préparée d’après le- procédé Hammarsten. 52,893 7,03 15,80 22,903 0,754 0,720 100,000 100,000 transformation de la matière albuminoïde en une substance insoluble amène-t-elle une variation dans son poids? La concordance de nos chiffres d’analyse avec ceux d'Ham- marsten ne suffit pas en effet pour répondre complètement à la question. La théorie s’accorde avec la pratique pour démontrer que la matière albuminoïde, à la suite de son insolubilisation sons 1 action de la formaldéhyde, ne varie pas de poids d’une manière apparente et que cette variation est inférieure aux erreurs de pesées. Lu voici la démonstration faite sous ces deux points de vue : h) On peut admettre que la combinaison de la matière albuminoïde avec la formaldéhyde s’effectue entre une molécule de celle-ci et deux de la première. C’est de cette manière que se combinent, par exemple avec la formaldéhyde les amines de la sérié aromatique. Cette comparaison est d’autant plus justifiée qu a la suite de cette combinaison certains d’entre eux, comme fi s dérivés amidés qui contiennent des groupements phénoli- ques, acquièrent une insolubilité semblable à celle de la caséine formolée. l on compare d’une part le poids moléculaire de la for- maldéhyde à celui de la caséine, considérablement plus élevé; si 1 on réfléchit que la fixation du résidu métliylénique d’un poids moléculaire de 14 se fait vraisemblablement avec élimina- tion de IG d eau, on peut déjà prévoir que la combinaison entre la caséine et la formaldéhyde, meme en admettant que plu- sieurs molécules de celle-ci entrent en jeu, ne modifie pas MATIÈRE ALBUMINOÏDE DU LAIT sensiblement le poids de la caséine transformée et que 1 erreur ■ U de même ordre de grandeur que celle qui résulterait des pesées; In Cette théorie est confirmée par les résultats des expé- riences suivantes : Expérience. — lu grammes de caséine, bien dégraissée et puri- fiée. sont placés sous une cloche de o litres dans laquelle on a fait vaporiser 1 déc i gramme de trioxyméthyléne. Au bout de (8 heures on retire la caserne. Un la se elle dans les nu mes con- ditions et on la pèse. Son poids n a pas sensiblement varie : elle est devenue cependant complètement insoluble dans 1 ammo- niaque concentrée et les alcalis. Cette transformation a eu lieu sous Fin fluence de traces de vapeurs de trioxyméthyléne: c Le poids de 10 grammes de caséine mis en suspension dans une solution de formol a 3 U 0 ne varie presque pas a la suite de son insolubilisation. Inversement, le titre dune solution aqueuse* de formol, dans laquelle on a laissé la caséine s insolubiliser. ne change pas sensiblement. Dans ces expériences, pour éviter les erreurs de titrage, il faut laver soigneusement la caséine, qui retient mécaniquement de la formaldéhyde ; d) L'essai suivant démontre que l'excès de formaldéhyde n i aucune influence sur 1 augmentation du poids de la matière albuminoïde transform ée . Plusieurs prélèvements de è c. c. d un même lait ont été effectués. On a dosé la matière albuminoïde d après la méthode indiquée, mais en faisant varier la dose de formol employée. puis A_. jusqu à 5 c. c. Cet c x s - râble d. aldéh] formique a simplement pour effet d'acc lérer Je ph 'nonièït? de l'insolubilisation, mais il n influe pas sensiblement sur le poids de la matière insolubilisée. Mut -r.. jmii. insoluMlis-'-:- ■ Poils de îorniïMéLy le employée. Osa-.OIO avec la verticale (figure 1). Si le tube de gélatine inclinée est maintenu horizontal, cet aspect n’existe pas, la culture se fait sous tonne d arborisations enchevêtrées, dirigées dans tous les sens. Ce dernier asPect est le seul que connut Kurth qui faisait ses cultures dans des vases tenus horizontaux, La culture en plume est propre à la gélatine; sur gélose, il ne se développe que des arborisations. La partie axiale de la culture en strie est composée d’amas de colonies à l’aspect de perles, et constituées par des cocci; les barbules latérales ne comprennent que des éléments bacillaires. Dans des cultures âgées, en particulier dans des tubes renversés, il se développe une seconde culture filamenteuse, dirigée en sens inverse de la première, et tonnée de barbules plus grêles, plus flexueuses. Zikes a vu cette seconde culture, mais ne lui a observé aucun caractère géotactique, tandis que par l’examen à l’œil nu et surtout au microscope binoculaire, j’ai pu souvent constater sa direction vers le bas. La figure 3 représente le même tube vu sous deux incidences, et montrant ainsi ces deux sortes de cul- tures filamenteuses. B ACTE R T UM Z0PFI1 1007 Le B. Z. dont je me suis servi provient de la collection du Dr J. Binot, à i’institut Pasteur. Sauf indication/lifférente, les tubes sont maintenus debout, la surface de la gélatine étant verticale. Bouillon gélatiné ordinaire. Pas de capuchons de caoutchouc. Tubes de 16 millimètres ou de 20 millimètres de diamètre (mêmes résultats). Culture à 2io. I. — Le premier coup d'œil jeté sur une culture de B. Z. sur gélatine éveille l’idée d’un géotropisme négatif (figure 1). II. — A la réflexion, la constance de l’angle de 43° formé avec la verticale, par la direction des pennules, suggère l’hypothèse d une autre force agissant en même temps que la pesanteur et en sens différent, sur la Bactérie (par exemple, une force à attraction horizontale d intensité égale à celle de la pesanteur, si du moins on peut appliquer à une culture bactérienne la loi du parallélogramme des forces). (Jette idée est fortifiée par la vue de tubes comme celui de la figure 2, où, la strie présen- tant des solutions de continuité, les pennules conservent cepen- dant partout la même direction parallèle, sans profiter des espaces libres pour les cultiver, comme cela arriverait si, seule, l’action de la pesanteur les sollicitait. * L — Le premier problème consiste dans la vérification de la réalité de 1 action de la pesanteur. A. La culture en plume est obtenue régulièrement dans des séries de tubes maintenus droits, ou renversés, verticaux. Elle manque toujours dans les tubes maintenus horizontaux. 1008 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR H. Éliminer V action de l'air. Les mêmes séries, faites avec des tubes capuchonnés ou non, provoquent les mêmes constatations. L. Éliminer l action de la lumière. Mêmes séries dans une boue métallique, vernie, noire, hermétiquement close. Mêmes résultats. D. Tubes spéciaux . Des tubes de culture furent pré- paies, dans lesquels la gélatine est de même épaisseur du J ^aut en ^as, et où l’air entre par les deux extrémités "] (ligure T). Mêmes séries, compliquées de capuchonnages alternatifs de l’un et l’autre bouts. Mêmes résultats. L. A titre d indication : des tubes ordinaires de gélatine, maintenus inclinés à 45° sur la verticale (fig. 5). donnent des cultures en plume typiques. Donc, géotropisme (ou géotactisme) négatif. * ( Fig. SI. La démonstration qu’une seconde force agit pour donner aux pennules leur direction oblique, for- mant un angle de 45° avec la verticale, peut résulter, m’a-t-il semblé, de la découverte des conditions néces- saires pour que la culture obéisse seulement à l’action de la pesanteur, c’est-à-dire donne des filaments tout a lait verticaux. La preuve que l’on a supprimé faction d une force contrariant l’effet de la pesanteur entraîne d’elle-même la preuve de l’existence de cette force. Les conditions susceptibles d’éliminer faction de cette deuxième force sont remplies par la culture en boîte de Roux 1 tenue verticale. Un demi-litre de gélatine est coulé sur le grand coté de cette boîte, et fait prise, sa surface étant inclinée, comme dans un tube ordinaire. La figure 6 montre une telle boîte vue de profil. La figui c 7, représentant la meme boîte vue de face, met en évidence que la culture est verticale absolument, de chaque coté de la strie, et forme une infinité de rayures parallèles. Puis, au bout de 6 à 7 jours, la culture s’étant approchée à 2 centi- mètres en moyenne des bords de la surface nutritive, les 1. La boîte de Roux est une bouteille aplatie en prisme rectangulaire Dimen- sions : 22 - X 12 % X 5 7,4 Le goulot a 29 % de diamètre. BACTERIUM ZOPFII 1C09 pennules obliquent, et s’inclinent à 45° vers le verre. A la partie inférieure de la strie, à quelques centimètres du fond de la boîte, les pennules ne sont jamais verticales, mais d’emblée horizontales, et couvrent ainsi toute la portion basale de la gélatine de rayures horizontales et bien parallèles. Remarque. — Dans bien des cas, les filaments verticaux cheminent non seulement vers le haut, mais aussi vers le bas, le sens semble indifïérem- ment positif ou négatif, mais reste toujours rigoureusement vertical . Memes résultats, si la boîte est maintenue renversée, le goulot en bas (strie verticale). Mêmes résultats, si la boîte est maintenue couchée sur une face latérale (strie verticale) 1 . Témoin : Si la boîte est tenue couchée à plat, la surface de la gélatine étant horizontale, arborisations en tous sens. La verticalité des rayures ne tient pas à la grande abon- dance du substratum nutritif, car si l’on fait se solidifier un demi-litre de gélatine en pente inclinée, sur une face latérale de la boite (figure 9), la strie tracée au milieu d une surface de 5 centimètres de largeur (le bloc de gélatine ayant jusqu’à S centimètres de profondeur) donne une culture en plume typique. Mêmes résultats avec une boîte semblable renversée. Donc , tout se passe comme si le voisinage clés parois de verre, ou A titre d'indication : dans les boites de Pétri, les choses se passent d’une façon analogue (figure 8). • > 64 •1010 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Q du bord de la surface de la gélatine , exerçait une attraction d’in- tensité égalé a celle de la pesanteur , et dont les effets se font sentir à plusieurs centimètres. En haut, les bords sont horizontaux et supérieurs* cette action s ajoute à celle de la pesanteur : les pennules sont verticales. Latéralement, les bords sont verticaux, la direc- tion de la 2e force forme un angle de 90° avec celle de la pesanteur : les pennules montent vers le haut sous un angle de 45°. En bas, les bords sont horizontaux et inférieurs, la direction de la 2e force prend un sens absolument opposé à celui de la pesanteur, les deux actions s’an- nihilent: les pennules, sollicitées seulement par Tat- traction des bords latéraux, cheminent horizontale- ment. & & Fig. 6. Les mêmes constatations peuvent être provoquées par d’autres expériences : A. En immergeant dans la gélatine des tubes à essai stériles, verticaux, faisant saillie de quelques millimètres. La strie étant dessinée parallèlement au tube, la culture part, du côté opposé au tube, en rayures verticales, mais, du côté du tube, en pen- nules à 45° (figure 10). A noter encore ici que les rayures sont toujours à 45o avec la verticale, mais montent ou descendent. La culture ayant gagné, par-dessus ou par- dessous, l’autre côté du tube, repart en surface, toujours à 45o, montant ou descendant. On peut rapprocher de ce fait que si l’on ensemence en strie, le long du bord de la surface en boîte de Roux (figure 11), les pennules se détachent à 45°, mais tantôt vers le bas, tantôt vers le haut. On peut conclure de la constatation de cette première catégorie de faits que l’attraction exercée par les bords sur la culture est du même ordre que celle qu'exerce une éleyuhe quelconque sur cette cul- ture. Il faut donc faire rentrer Faction des bords , cas particulier , dans le cadre des actions des élevures en général. Les expériences suivantes confirment celte manière de voir. BACTERIUM ZOPFIl 1011 B. On peut produire des élevures irrégulières à la surface de la gélatine, en y déposant, lorsqu’elle est déjà solidifiée, quelques gouttes de gélatine dessinant des mamelons ou des chaînes. Les pennules sont attirées par ces élevures lorsqu’elles O arrivent dans leur voisinage, et, de verticales, elles deviennent obliques à 45° vers elles. G. Proposition inverse : puisque les élevures semblent attirer les filaments du B. Z., comment ceux-ci vont-ils se comporter sur une surface convexe ? Une surface convexe régulière de gélatine fut obtenue en décollant le bloc de gélatine formé quand ceile-ci fait prise, dans une boîte de Roux couchée sur une face latérale, face grossièrement semi-cylindrique (figure 9). Ge bloc, décollé par chauffage et liquéfaction de la couche superficielle de la gélatine, est renversé brusquement sous l’eau froide, de façon à adhérer au verre par sa face plane, la face semi-cylindrique devenant libre (figure 12). La strie est tracée suivant la ligne faîtière du bloc. Il ne se produit pas de filaments 1012 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR à la surface, mais seulement des cultures en perles (Cocci) qui donnent des pennules obliques à 45° vers le haut. C’est le seul cas où des cultures en perles aient un aspect de plume. A V in- térieur de la gélatine se développent, tardivement, des filaments dirigés à 45° vers le haut. D. Enfin, quand la surface de la gélatine est irrégulière , chose facile à produire, les stries verticales ne donnent plus la culture caractéristique, les rayures dessinées par les fila- ments se dirigent vers les élevures les plus proches. Avec la culture en boîte de Roux, sur surface régulière d’un demi-litre de gélatine, nous avions éliminé toutes les autres forces, de façon à laisser à la pesanteur seule l’occasion de manifester son action. Dans les mêmes conditions, mais avec une surface irrégu- lière, on constate l’effet d’attractions multiples développées par le voisinage des élevures. La pesanteur est ici la force dont on discerne le moins l’action. Nous possédons ainsi deux cas extrêmes. En dehors du tropisme commandé par la pesanteur , le B. Z. obéit donc à des tropismes provoqués par des forces qui semblent condi- tionnées par le voisinage d’ élevures de la surface de la gélatine. * * # La culture du B. Z. peut être soustraite aux tropismes dont nous venons de constater V existence , et sensibles : 1° à faction de la pesanteur; 2° à celle des élevures. BACTERIUM ZOPFII 1013 I. Influence de la température sur les tropismes. Toutes les cultures ont poussé jusqu’ici à 24°. Si on laisse les tubes de culture à la température du laboratoire (15° à 20°), on constate que la culture verticale (fort lente) se fait comme la culture horizontale, par arborisations, que n’influencent ni la pesanteur ni le voisinage des bords. II. — Influence de V absence d'air. Le B. Z. est très avide d’oxygène. Des tubes de gélatine inclinée, dans lesquels le vide a été opéré, donnent des cultures très grêles /en arborisations, sans aucune tendance à la tor- mation de penne. Contre-épreuve : au bout de 8 jours d étuve à 24°, le tube effilé qui traverse le bouchon de l’un de ces tubes est brisé : l’air qui rentre ainsi permet à la culture de s’épanouir en plume en deux jours. 4014 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR III. — Influence de l'abondance du substratum nutritif. On a vu plus haut que cette abondance, à partir d’un certain de^re, n est pas plus favorable à l’action de la pesanteur qu’à cel e de toute autre cause de tropisme. Mais, au-dessous d’un certain degre, elle produit un effet marqué. Si, au lieu d’un demi-litre de gélatine, on n’en verse sur le giand cote d une boite de Roux que 60 à 70 c. c., l’épaisseur de a couche est très mince et se chiffre par quelques millimètres. . a"S Ces cond“ions, la culture verticale se fait en arborisations en tous sens, et ne peut pas se distinguer d’une culture horizon- ae : ni 1 action de la pesanteur ni celle des élevures ne se ont sentir. Peut-être peut-on interpréter ce résultat par l’in- uence, a ti a \ ers la mince couche de gélatine, du voisinage de ici paroi de verre. Les memes arborisations sont obtenues à la surface de la gélatine de tubes d’Esmarch : 1 à 2 c. c. de gélatine répartis sur la surface interne d'un tube à essai, dans lequel ils ins- crivent un cylindre d’épaisseur très faible. Enfin des cultures faites en boîtes de Morax, tenues verti- cales, donnent des aspects frappants. Le fond de ces boîtes est lombe a la partie médiane, de sorte que la couche de gélatine y est plus mince. En dessinant trois stries d’ensemencement à la BACTERIUM ZOPFIÏ 1015 surface de la gélatine, on obtient deux pennes avec les stries latérales sur gélatine profonde, et des arborisations avec la strie médiane, sur gélatine mince (figure 13). IY. — Influence de la richesse nutritive du substratum , et de sa teneur en gélatine. Des essais ont été tentés avec cinq préparations différentes de gélatine : (1) Bouillon SH . . 1,000 5 (2) Eau Sel .... 1,000 5 (3) Bouillon Sel . 1,000 5 Peptone 10 Peptone 10 Gélatine 130 Gélatine 130 Gélatine . . . . . (D (3) Rmii llnn 1,000 Bouillon. . . 1,000 Sel 5 Sel.. 5 Peptone 10 Peptone. . . . 10 Gélatine 30 Gélatine .... 180 Pas de différence notable, sauf pour la formule n° 3 ; la culture sur cette gélatine pauvre part en retard, et revêt sur- tout la forme de perles (Gocci) \ Finalement, la culture en plume y est aussi typique que sur les autres gélatines. A noter la présence de perles au milieu des fdaments des barbules. 1. Kukth avait déjà vu que sur les milieux épuisés, les Gocci dominaient. 1016 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR On peut donc dire , d’une façon générale, que les tropismes du B. Z. sont favorisés par les mêmes causes qui sont propices à la vêgétabililé de cette bactérie. * 11 convient de remarquer, en terminant, que les tropismes complexes du B. zopfii constituent un caractère de plus, qui apparente les bactériacées aux végétaux. rf: & * Ces recherches étaient terminées, lorsque parvint à ma con- naissance le mémoire de L. Errera, Sur Vhygroscopicité comme cause de l’action physiologique à distance découverte par Elfving 1 . « Fr„ Elfving 2 avait été amené à étudier l’action de divers métaux sur fO, Fig. 13. la croissance d’une mueorinée : Phgcomyces nitens, dont le géotropisme negatil est, d’autre part, bien connu. Elfving fixe le morceau de métal à examiner au-dessus d’une culture du champignon sur pain, de telle sorte que les filaments sporangifères, en continuant leur croissance, devaient envi- ronner le métal. L’action des métaux, lorsqu’il y en a une, se manifeste sous tonne d attraction, c’est-à-dire que, de toutes parts, les filaments se cour- ient en décrivant vers le métal un arc plus ou moins prononcé Le fait inattendu découvert par Elfving, c’est que le fer exerce une attraction i emaïquablement plus forte que tous les autres corps. » j' Recueil de V Institut botanique, t. VI, pp. 303-366, Bruxelles. 1906. 2. Ueber physiologische Fernwirkung einiger Kôrper, Helsin^fors 1890 et* S™ action directrice qu’exercent certains corps sur 'les tubes sp^ranlifêres e Pflycomyces nitens, Annales de V Institut Pasteur, février 1891, pp. 101-104. BACTERIUM ZOPFII 1017 D’après Errera, « dans les phénomènes découverts par Elfving, l’agent inconnu qui attire ou repousse est tout simplement la vapeur d’eau. Le Phycomyces se courbe vers les corps qui attirent l’humidité (parmi lesquels le fer rugueux tient le premier rang), et s’écarte de ceux qui en dégagent 1 ». L’influence des élevures sur le B. Z. relève-t-elle de phéno- mènes dus à l’hygroscopicité, ou d’autres causes? Telle est la question qu’il reste à examiner dans un prochain travail. 1. L. Errera propose de donner le nom de tropismes « aux diverses facultés -du protoplasma vivant, de ressentir les asymétries dans la distribution des agents extérieurs et d’y répondre par des courbures d'une direction déterminée ». Les tropismes ne sont pas les mouvements effectués, mais les facultés mêmes mises en jeu dans l’être animé. Contribution à l’étude des sérums hémolytiques Le dosage des substances actives dans les sérums hémolytiques Par l. rémy Docteur ès sciences et en médecine, Chef du service bactériologique à l’Institut chimique et bactériologique de l’Etat à Gembloux (Belgique). Dans un précédent mémoire, nous avons établi que le sérum hémolytique et ses substances actives s’unissent aux globules rouges conformément aux lois suivantes : 1° En présence d’une quantité suffisante de globules rouges- et de sérum hémolytique, l’intensité du phénomène d’hémolyse (nombre de globules détruits) est proportionnelle aux doses de sérum intervenues dans la réaction; 2° En présence d’une quantité suffisante de globules rouges- et d un excès de 1 un des deux constituants du sérum (alexine ou sensibilisatrice), 1 intensité du phénomène d’hémolyse (nombre de globules détruits) est proportionnelle aux doses que l’on a employées de l’autre constituant; 3° En presence d une quantité suffisante de globules rouges et de la dose minimum des deux constituants du sérum capable de provoquer la dissolution des globules rouges, l’intensité des phénomènes d’hémolyse (nombre de globules détruits) est porportionnelle aux doses que Ton fait intervenir de l’autre constituant. Ainsi si IA et IS sont les doses minima d’alexine et de sensibilisatrice qui peuvent provoquer la globulolyse, en maintenant constante la quantité minimum d’alexine IA, l’in- tensité du phénomène d’hémolyse augmentera proportionnelle- ment aux doses 2 S, 3 S, etc., qui figureront dans la réaction T et réciproquement. En résumé : 1° une quantité constante de sérum hémoly- tique détruit toujours une quantité constante de globules rouges; 2° la dose liémolysante la plus faible de l’un des deux consti- tuants du sérum s’unit à l’autre en proportions variables pour donner le phénomène d’hémolyse. Dans le présent mémoire nous nous proposons de recher- 1019 ÉTUDE DES SÉRUMS HÉMOLYTIQUES cher si l'application de ces lois nous conduira au dosage des substances actives des sérums hémolytiques. A priori , il est évident que chacune de celles-ci peut nous permettre de résoudre le problème. En effet, quand on veut doser Tune des deux substances actives d’un sérum, la sensibi- lisatrice par exemple, on fait réagir sur des globules rouges des doses variables de cette substance, en présence d'une quantité constante d’alexine. Si, comme quantité constante d’alexine, on en emploie un excès, on applique la deuxième loi; si, au con- traire, la quantité constante d’alexine est représentée par la do-se minimum active de cette substance, c’est la troisième loi qui entre en jeu. Comme la détermination de la dose minimum active des constituants du sérum est une opération parfois très longue et toujours très délicate, tandis que l’emploi d’un excès est au contraire une opération simple et rapide, c’est à l’application de la deuxième loi que nous nous adresserons, quand faire se pourra, pour doser les substances actives des sérums hémoly- tiques. Le dosage des substances actives des sérums repose donc sur le fait, qu en présence d’une quantité constante (excès ou minimum) de 1 un des deux constituants, l’intensité du phéno- mène d’hémolyse est proportionnelle aux doses que l’on a employées de l’autre constituant du sérum. La constance de ce rapport présente-elle une portée générale ou ne s’exerce-t-elle que dans certaines limites expérimentales? Il est évident que 1 hémolyse naturelle que produisent certains sérums neufs, vis- à-vis des globules rouges d'espèces differentes, est de nature à troubler ce rapport. Le problème se complique donc, suivant que l’on opère avec des sérums qui, normalement, sont ou ne sont pas hémolytiques pour les globules que Ton a injectés aux animaux. Deux cas peuvent donc se présenter : Dans le premier cas, le sérum normal de l’animal vacciné était, avant la vaccination, sans action sur les hématies qu’on lui a injectées. Dans le second cas, le sérum normal de l’animal vacciné dissolvait déjà, avant la vaccination, les globules injectés. * Le sérum normal de l’animal vacciné était, avant la vac- 1020 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cination, sans action sur les hématies qu'on lui a injectées. Le sérum de cobaye vacciné contre le sang de lapin rentre dans cette première catégorie; on sait en effet que le sérum normal de cobaye conserve généralement bien les globules rouges de lapin. Nous nous trouvons donc dans les conditions les plus favorables pour étudier les modifications que subis- sent les constituants du sérum de cobaye, au cours de l’immuni- sation de cet animal contre les globules rouges de lapin. La quantité de substances actives augmente-t-elle progressi- vement avec le nombre d’injections de globules rouges? Telle est la question que nous allons tâcher d’élucider. Pour la résoudre, il nous suffira de doser l’alexine et la sensibilisa- trice, dans une quantité égale de sérum de cobaye ayant reçu 3-0-12 injections de sang lapin, et de comparer les doses trou- vées entre elles aux doses que contient le sérum de cobaye neuf pris comme témoin. A. — Dosage de L’alexine. L’alexine varie-t-elle dans le sérum de cobaye ayant reçu 3-6-12 injections de sang de lapin? Pour répondre à cette question, dosons la quantité d’alexine qui se trouve dans 0,2 c. c. de sérum alexique de chacun des cobayes vaccinés, comparativement à celle qui existe dans 0,2 c. c. de sérum alexique de cobaye neuf. 1° Cobaye ayant reçu 3 injections. Deux tubes I. II reçoivent : le premier 0,2 c. c. de sérum alexique de cobaye vacciné et 5,6 c. c. de sang de lapin défibriné, lavé et dilué (15 c. c. sang-|-85 c. c. eau physiologique). Dans le tube II, on introduit 0,2 c. c. sérum alexique de cobaye neuf, 0,2 c. c. de sensibilisatrice de cobaye 3 injections (sérum chauffé à 56-57° de ce cobaye) et 5,4 c. c. de la dilution de sang ayant servi pour le tube I. Ces deux tubes contiennent donc chacun la même dose de sensibilisatrice fournie par le cobaye ayant reçu 3 injections de sang de lapin, un léger excès de globules rouges donnés par le sang de lapin, seule l’alexine 0,2 c. c. est d’origine différente; elle provient, dans le tube I, du cobaye lapin 3 injections; dans le tube II, dji cobaye neuf. L’intensité du phénomène d’hémolyse dépendra donc unique- tf ÉTUDE DES SÉRUMS HÉMOLYTIQUES 1021 ment de la dose d’alexine contenue dans les 0.2 c. c. de sérum alexique que Ton a mis dans la réaction. On agit de la même façon avec les cobayes ayant reçu 6-12 injections de sang’ de lapin et on prépare ainsi les tubes 111 et IV, V et VI dans les mêmes conditions que les tubes I et II. On agite ces tubes et on les porte à l’étuve 36-37° pendant 2 heures. On centrifuge et on prélève de chacun des tubes 2 ou 4 c. c., que l’on dilue dans 30 c. c. d’eau physiologique. On détermine alors, à l’aide du colorimètre, le pouvoir colorant de ces diffé- rentes solutions. Les résultats obtenus sont consignés dans le tableau suivant : Nos d'ordre . des T ubes QUANTITÉ et origine de l'Alexine QUANTITÉ et origine de la Sensibilisatrice QUANTITÉ ajoutée de sang dilué de lapin QUANTITÉ totale de liquide hémolytique HAUTEUR de la colonne quand les teintes sont identiques 1 I il i il COBAYE NEUF TEMOIN i0. 2 sér : al. cob. neuf néant 5.0 dilué 15°/° 5, S 0. 2 sér : al. cob. lap. : 3 inj. 0. 2 sér : al. cob. neuf. contenue dans les 0.2 de sér. al. cob. -lap. 3 inj . 0. 2 sér. chauf. : cob. lap. 3 5,6 dilué 15 °/° 5,4 - - 5,8 5,8 0. 2 sér : al. cob. lap. 6 inj. 0. 2 ser. al : cob. neuf. contenue dans les 0. 2 de sér. al. cob. lap. 6 inj. 0. 2 sér. chauf. cob. lap. 6 inj. 5,6 dilué 15 °/° 5,4 - - 5,8 i,8 O 9 sôr • ni rnh contenue dans les I lap. 12 inj. 0, 2 de sér. al. cob. lap. 12 inj. 5.6 dilué 15 °/° 5,8 If 0. 2 sér : al. cob. 0. 2 sér. chauf. 5,4 — — 5,8 neuf. cob. 12 inj. pas d’hé molyte COBAYE AYANT REÇU 3 INJECTIONS DE SANG DE LAPIN 65 45 COBAYE AYANT REÇU 6 INJECTIONS DE SANG DE LAPIN 53 60 COBAYE AYANT REÇU 12 INJECTIONS DE SANG DE LAPIN Co 10 Avant de discuter les résultats contenus dans ce tableau. 1022 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR rappelons d abord que, dans les conditions expérimentales où nous sommes placés, l’intensité du phénomène d’hémolyse est proportionnelle à la dose d’alexine et à la teinte du liquide hémolytique. Or la teinte du liquide hémolytique est inverse- ment proportionnelle à la hauteur que possèdent les colonnes de liquide contenu dans les éprouvettes, lorsque celles-ci donnent au colorimètre des colorations identiques; il en résulte que la dose d alexine est, pour chacun des tubes, inversement proportionnelle aux nombres de la 6e colonne. En outre, pour chacun des cobayes 3-6-12 injections, nous avons comparé chaque fois la dose d’alexine contenue dans 0,2 de sérum alexique à celle qui se trouve dans 0,2 de sérum alexique cobaye neuf. Comme nous avons, pour chacun des cobayes, pris comme teime de comparaison le liquide le moins coloré, et que celui-ci était figuré tantôt par le sérum cobaye neuf, tantôt par le sérum cobaye vacciné, les chiffres donnés par les tubes I,III,V, ne sont pas comparables entre eux. Si on établit le rapport qui existe entre la quantité d’alexine contenue dans 0,2 de sérum des cobayes neufs et vaccinés, on obtient : Cobaye 3 injections : Les quantités d’alexine contenues dans 0,2 de sérum alexique de ce cobaye et du cobaye neuf sont inversement proportionnelles au nombres 65 et 45, c’est-à-dire que lorsque 0.2 de sérum alexique cobaye neuf contiennent 1,0.2. de sérum alexique cobaye 3 injections contiennent 45/65 = 0,69. Cobaye 6 injections : 0,2 sérum alexique donnent au colori- rimètre 53 et 0.2 de sérum alexique cobaye neuf. D’où, lorsque 0,2 de sérum alexique cobaye neuf possèdent 1, 0,2 de sérum alexique cobaye 6 injections contiennent 60/53 — 1,13. Cobaye 12 injections : 0,2 c. c. sérum alexique de ce cobaye, de meme que 0,2 de sérum cobaye neuf, marquent au colori- mètre 75 millimètres. Il en résulte que : Loisque 0,2 sérum cobaye neuf contiennent 1, 0,2 sérum cobaye 3 injec- tions contiennent 0,69; 0,2 sérum cobaye 6 injections contiennent 1,13; 0,2 sé- rum cobaye 12 injections contiennent 1,00. Une seconde expérience a donné les chiffres suivants .* Quand 0,2 sérum alexique cobaye neuf contiennent 1 ,02 sérum alexique cobaye neuf 3 injections contiennent 1,6; 0,2 sérum alexique cobaye neuf 6 injections contiennent 1,0; 0,2 sérum alexique cobaye neuf 12 injections contiennent 1,0. ÉTUDE DES SÉRUMS HÉMOLYTIQUES 1023 Une troisième expérience a fourni les chiffres suivants : Quand 0,2 sérum alexique cobaye neuf contiennent 1,02 sérum alexique cobaye neuf 3 injections contiennent 0,6; 0,2 sérum alexique cobaye neuf 15 injections contiennent 0,46; 0,2 sérum alexique cobaye neuf 12 injections ■contiennent 1,00. L examen des résultats obtenus dans ces trois expériences nous montre que la quantité d’alexine n’augmente pas avec le nombre d’injections, sinon elle serait toujours plus élevée chez les cobayes ayant reçu 6-12 injections que chez les cobayes auxquels on n’a pratiqué que 3 injections. Il est vrai que, pour pouvoir admettre cette manière de voir, il conviendrait de doser l’alexine, chez le même cobaye, avant et après l’immunisation. Bien que cette question de la variation de la quantité d’alexine au cours de l’immunisation ne soit que d’importance secondaire, puisque cette substance n’est pas spécifique, nous avons réalisé une expérience en éliminant les causes qui pouvaient troubler les résultats fournis par les expériences précédentes. Deux cobayes A et B, de même âge, 4 mois, et de même poids, 400 grammes environ, sont saignés à la carotide et l’alexine est dosée dans leur sérum comme suit : cobaye A, à 0,2 de sérum alexique de ce cobaye nous ajoutons 0,3 de sérum chauffé cobaye Japin 6 injections et 5,4 de sang lavé et dilué (12 c. c. sang -f- 88 eau physiologique). Cobaye B, on opère comme en A, seulement on emploie 0,2 de sérum alexique cobaye B. Après deux heures à l’étuve 36-37° on centrifuge et on dose comparativement, au colorimètre, la quantité d’alexine contenue dans 0,2 c. c. de sérum des cobayes A et B. Quand les teintes sont identiques, on constate qu’une colonne de 80 millimètres de hauteur B donne la même teinte qu’une colonne de 65 millimètres de hauteur A. Si B contient 1 d’alexine, A contient donc 80/65 = 1,23. Quelques jours après, nous injectons au cobaye A 5 c. c. de sang défi- briné de lapin. Le cobaye B sert de témoin et n’est pas injecté. Quand A a reçu 4 injections de sang de lapin, espacées de 8 en 8 jours, nous saignons les cobayes B et A dix jours après la dernière injection. Nous dosons l’alexine comme suit : Cobaye A, 0,2 de sérum alexique sont ajoutés à 5,6 c. c. de 1021 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sang- de lapin défibriné, lavé et dilué (12 c. c. sang -f- 88 eau physiologique). Cobaye B, à 0,2 c. c. de sérum alexique, on ajoute 0,2 c. c. de sérum chauffé à 56° de cobaye A (sen- sibilisatrice) et 5,4 c. c. sang dilué lapin comme pour A. Après 2 heures de séjour à l’étuve 36-37r, l’examen au colorimètre fournit les chiffres suivants : A = 80, B = 65. B servant de témoin == 1, A donne alors 65/80 = 0,81. Avant l’injection, quand la quantité d’alexine dans le témoin B était figurée par 1, la teneur en alexine du sérum du cobaye A était représentée par 1,23. Après l’injection, la doso d’alexine du témoin B (non injecté) restant 1, celle du cobaye A tombe à 0, 81. La dose d’alexine du cobaye A, qui était de 1,23 avant les injections, est donc descendue à 0,81 après celle-ci. Nous sommes donc autorisé à admettre que’, dans le cas présent, les injections de sang de lapin ont fait baisser la teneur en alexine du sérum de cobaye. * * * B. — Dosage de la sensibilisatrice dans le sérum des cobayes ayant reçu 3-6-12 injections de sang de lapin. Pour doser la sensibilisatrice du sérum de ces cobayes, on chauffe celui-ci à 56-57° pendant 35-40 minutes, puis, aune dose constante de sérum alexique cobaye neuf, on ajoute des doses croissantes du sérum chauffé de chacun des trois cobayes A,B,C. Quatre tubes AI1, AI% AI3, AI4 reçoivent chacun 0,5 c. c. de sérum alexique cobaye neuf et respectivement 0,1 c. c., 0,2 c.c.,, 0,3 c. c,, etc. de sérum chauffé cobaye A (3 injections). Huitautres tubes BP, BI% BI3, BP, CI1, CP, CP, CP reçoivent la même quantité d’alexine et les mêmes doses de sérum chauffé que ci-dessus du cobaye B (6 injections/ ou du cobaye C (12 injections). On leur ajoute ensuite des quantités convenables et respectivement égales de globules rouges lavés et dilués (12 c. c. sang -f- 88 eau physiologique). On agite et on place à 1 étuve 36-37°. Deux heures après on centrifuge et on dose, à 1 aide du colorimètre, l’intensité du phénomène d’hémolyse. Le résultat de ces expériences est résumé dans le tableau suivant : ÉTUDE DES SÉRUMS HÉMOLYTIQUES 1025 NUMÉROS des tubes QUANTITÉS de sérum alexique cob. neuf QUANTITÉS de sérum chauffé cob. lapin. QUANTITÉS ajoutées de sang dilué de lapin QUANTITÉ totale de liquide hémolytique HAUTEUR de la colonne quand les éprou- vettes donnent des teintes identiques AI1 A 12 AI3 AD BD B D BI3 BD A. Cobaye ayant reçu 3 injections de sang de lapin 0,5 0,5 0,5 0,5 0,1 cob.-lap., A 3 ini- 5,2 dilué 12 °/0 5,8 78 0,2 cob.-lap., n 3 inû 5, 1 — _ 5,8 39 0,3 cob.-lap., n ,3 inÉ 5 dilué 15 °/0 5,8 23 0,4 cob.-lap.. 3 inj. 4,9 - — 5,8 18 B. Cobaye ayant reçu 6 injections de sang de lapin 0,5 0,5 0,5 0,5 0,1 cob.-lap., 5,2 dilué 12 °/0 6 inj. 0,2 cob.-lap., 5,1 — — 6 inj. 0,3 cob.-lap., 5 dilué 15 °/0 A ? inJ- O,-* cob.-lap., 4,9 - _ C inj. 5,8 5,8 5,8 5,8 .15 7 5 4 CD CD CD CD 0,5 0,1 cob.-lap., 12 inj. 5,2 dilu é 12 % 5,8 0,o 0,2 cob.-lap., 12 inj. 5,1 - — 5,8 0,5 0,3 cob.-lap., 12 inj. 5 dilué 15 % 5,8 0,5 0.4 cob.-lap., 12 inj. 4,9 - 5,8 34 17 11 0 En présence d’un excès constant d’alexine et d’une quantité suffisante de globules rouges, l’intensité du phénomène d’hémo- yse est proportionnelle aux doses de sensibilisatrice intervenues dans la réaction, pour chacun des trois cobayes A, B, C. Or 1 intensité du phénomène d’hémolyse est inversement propor- tionnelle aux hauteurs 78 millimètres, 15 millimètres, 34 mil- î métrés des colonnes, quand les éprouvettes présentent dfis teintes identiques au colorimèire. La dose de sensibilisatrice intervenue dans la réaction pour chacun des cobayes A, B, C, f (Jon?c inversement proportionnelle aux nombres 78, 15 et 34. Si 1 on prend pour terme de comparaison le cobaye 3iniec- tions, nous aurons : J 65 1026 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR A sérum-cobaye-lapin 3 injections = 78 = 1. — B sérum- cobaye-lapin 6 injections = 15 = 78/15 = 5.2. — C sérum-cobaye - lapin 12 injections = 34 = 78/34 = 2.29. Il en résulte que si l’on représente par 1 la quantité de sensibilisatrice contenue dans le sérum de cobaye-lapin 3 injec- tions, 5,2 sera la quantité de sensibilisatrice contenue dans le sérum de cobaye-lapin 6 injections et 2,29 sera la quantité de sensibilisatrice contenue dans le sérum de cobaye-lapin 12 injec- tions. Nous ayons entrepris deux nouvelles expériences sur le même modèle que celle que nous venons de rapporter, nous nous contenterons donc d’en donner les résultats finals. EXPÉRIENCE II. Quand le sérum de cobave-lapin 3 injections contient 1 de sensibilisatrice, le sérum de cobaye-lapin 6 injections contient 4,8 de sensibilisatrice, le sérum de cobaye lapin 12 injections contient 1,9 de sensibilisatrice. EXPÉRIENCE III. Quand le sérum cobaye-lapin 3 injections contient 1 de sen- sibilisatrice, le sérum de cobaye-lapin 6 injections contient 3,0 de sensibilisatrice, le sérum de cobaye-lapin 12 injections contient 5,0 de sensibilisatrice. Un simple coup d’œil sur les résultats fournis par les trois expériences nous permet de constater que, chez les cobayes vac- cinés contre le sang1 de lapin, la dose sensibilisatrice est au mi- nimum après 3 injections. Elle est généralement au maximum après 6 injections, par- fois seulement après 12 injections. Après 12 injections, la dose de sensibilisatrice est toujours plus élevée qu’après 3, mais elle est généralement moindre qu’après 6 injections. La quantité de sensibilisatrice augmente donc avec le nombre d’injections, de façon à atteindre un maximum qui s’obtient habituellement après 6 injections. A partir de ce maximum la quantité de sen- sibilisatrice décroît, mais après 12 injections elle est encore supé- rieure à celle que Ton constate après 3 injections. i ÉTUDE DES SÉRUMS HÉMOLYTIQUES 1027 Des différences individuelles se rencontrent donc, dans la pro- duction de la sensibilisatrice, chez les cobayes que Ton injecte de sang de lapin, autrement dit plusieurs cobayes qui ont reçu le même nombre d’injections n’ont pas produit la même quantité de sensibdisatnce. Nous nous sommes demandé si ces varia- tions individuelles ne pourraient pas être attribuées au fait que le sérum normal de cobaye neuf hémolysait peu ou point les globules non sensibilises de lapin. En saignant plusieurs cobayes, nous en avons trouvé deux, l’un A, dont le sérum normal hémo- lysait les globules rouges non sensibilisés de lapin, l’autre B, dont le sérum normal conservait bien ces mêmes globules. Nous avons alors pratiqué à chacun de ces cobayes, à 8 jours de dis- tance, 4 injections de sang de lapin défibriné et lavé. Dix jours api ès la derniere injection, nous avons saigné ces deux cobayes et nous avons dosé la quantité de sensibilisatrice que renfermait leur sérum. Dans un tube A, on introduisait 0,2 c. c. de sérum alexique cobaye neuf et 0,5 c. c. sérum chauffé cobaye A. Dans un autre tube B, on ajoute à 0,2 de sérum alexique du même cobaye neuf, 0.5 de sérum chauffe de cobaye B. Chacun de ces tubes reçoit alors 5,1 c. c. de sang défibriné, lavé et dilué (12 c. c. de sang + 88 eau physiologique). Après 2 heures de séjour à l’étuve, nous avons constaté que des colonnes de 42 millimètres de hau- teur (cobaye A) et de 80 millimètres de hauteur (cohaye B) don- naient au colorimètre des teintes identiques. La différence dans l’intensité du phénomène d’hémolyse ne peut dépendre que de la sensibilisatrice, puisque les doses d’alexine et de globules rouges sont les mêmes pour chacun des tubes A et B. Or, l’in- tensité du phénomène d’-hémolyse est proportionnelle à la dose de sensibilisatrice et inversement proportionnelle aux hauteurs 42 et 80, c’est-à-dire que si, après 4 injections, le cobaye B contenait 1 de sensibilisatrice, le cobaye A possédait 80/42= 1.9. La sensibilisatrice augmente donc beaucoup plus chez le cobaye dont le sérum normal hémolysait les globules non sensibilisés de lapin que chez le cobaye dont le sérum nor- mal conservait bien ceux-ci. Chez le premier cobaye, dont le sérum contenait déjà la sensibilisatrice, les injections ont seule- ment exalté la production de cette substance, tandis que chez le second, qui n’élaborait pas normalement la sensibilisatrice, la 1028 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUll fonction a dû être créée à Ja suite des injections, ce qui expli- querait le retard dans l’apparition de la sensibilisatrice chez ce cobaye. De l’ensemble des recherches sur les modifications que subit le sérum des cobayes auxquels on pratique respecti- vement 3-6-12 injections de sang" lapin, nous croyons pouvoir tirer les conclusions suivantes : 1 L alexine hémolytique n augmente pas au cours de la vaccination des cobayes contre les globules rouges de lapin ; 2° La sensibilisatrice augmente considérablement chez les cobayes auxquels on injecte des globules rouges de lapin. La dose que 1 on trouve dans le sérum de ces animaux, après 3 injections, est toujours beaucoup plus faible que celle qui existe après 6 et 12 injections. Elle est habituellement au maximum après la 6e injection ; o Le sérum alexique de cobaye neuf convient bien pour doser la sensibilisatrice que le cobaye prépare contre les globules rouges de lapin ; 4° La sensibilisatrice que le cobaye produit contre les glo- bules rouges de lapin constitue un excellent réactif pour doser de iaibles doses d’alexine de cobaye neuf. Pour ce dosage, il faut recourir à la sensibilisatrice la plus active, c’est-à-dire à celle que 1 on obtient après 6 injections de sang défibriné de lapin au cobaye; 5° La sensibilisatrice augmente plus rapidement, chez le cobaye dont le sérum hémolyse déjà normalement les hématies de lapin, que chez le cobaye dont le sérum conserve bien celles- ci. n ÏE SERUM NORMAL DE L ANIMAL INJECTÉ DISSOLVAIT DEJA, AVANT LA VACCINATION, LES GLOBULES INJECTÉS Le cas le plus simple de cette catégorie nous est fourni par le sérum de cobaye vacciné contre le sang de poule. On sait en effet que le sérum normal de cobâye est légèrement hémoly- tique pour les globules non sensibilisés de poule. Comment se comportent les substances actives du sérum des cobayes auxquels on pratique 3-6-12 injections de sang de poule? 1029 ÉTUDE DES SÉRUMS HÉMOLYTIQUES A). Dosage dê l’alexine dans le sérum de cobaye ayant reçu 3-6-12 injections de sang de poule. Trois cobayes ABC, ayant respectivement reçu, à 8 jours d intervalle, dans la cavité péritonéale, 3-6-12 injections de sang de poule, sont saignés le 10e jour après la dernière injec- tion. On recherche alors la quantité d’alexine que contient leur sérum, comparativement à celle que possède le sérum alexique d’un cobaye neuf. Deux tubes AI1, AP reçoivent respectivement : AI1, 0,2 c. c. de sérum alexique cobaye poule 3 injections et 5,6 c. c. de sang défibriné, lavé et dilué (15 c. c. de sang + 85 eau physiolo- gique). • % AI2, 0,2 c. c. de sérum alexique cobaye neuf, 0,2 c. c. de sérum chauffé (sensibilisatrice) cobaye poule 3 injections et 5,4 c. c. de sang défibriné, lavé et dilué comme Al1. Quatre autres tubes BI1 et BP, CI1 et CP sont préparés comme AP et AP, en substituant le sérum des cobayes B ou C au sérum du cobaye A. L’intensité du phénomène d’hémolyse pour le sérum de chacun des cobayes ABC, comparée respectivement au sérum de cobaye alexique neuf, ne peut être attribuée qu’à l’alexine. Ln effet, la quantité de sensibilisatrice est la même pour les deux tubes AP et AP, BI1 et BP, CI1 et CP. Elle est contenue dans 0,2 c. c. de sérum alexique cobaye-poule 3-6-12 injections, seulement pour AI1, BIl, Ci1 le sérum cobaye-poule n’a pas été chauffé tandis quepour AP, BP, C‘,CP, il a été chauffé à 56-57°. L’alexine est fournie par 0,2 de sérum alexique de cobaye poule 3-6-12 injections, pour AP, BI1 et CI1 et par 0,2 de sérurn alexique cobaye neuf pour AP, BP et CP. Si donc il existe une différence dans l’intensité du phénomène d’hémolyse, celle-ci sera due au fait que les 0,2 c. c. de sérum alexique de cobaye neuf et vacciné ne contiennent pas la même dose d’alexine. Les résultats obtenus dans cette expérience sont consignés dans le tableau suivant : 1030 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR NUMÉROS des tubes Doses et origine du sérum alexique. Doses et origine de la sensibilisatrice. QUANTITÉ CE SANG POULE dilué 15 0/0. j QUANTITÉ TOTALE DE liquide hémolyt. HAUTEUR des colonnes quand les éprouvettes présentent des teintes identiques. AU 0,v2 sér. al. cob. -poule 3 inj. Contenue dans 0,2 de sér. al. 5,6 5,8 40 A P 0,2 sér. al. cob. neuf. 0,2 sér chauffé cob. -p. 3 inj. 5,4 5,8 40 BI1 0,2 sér. al. cob. -poule 6 inj. Contenue dans0,2desér. al. 5,6 5,8 69 BP 0,2 sér. al. cob. neuf. 0,2 sér. chauffé cob.-p. 6 inj. 5,4 5,8 70 CI» 0,2 cob. al. cob. -poule 12 inj. Contenue dans 0,2 de sér. al. 5,6 5,8 67 eu 0,2 sér. al. cob. neuf. 0,2sér. chauf. cob.-p. 12 inj. 5,4 5,8 65 Les chiffres de la 6e colonne du tableau ci-dessus nous permettent d’établir, pour chacun des trois cobayes vaccinés, AI1, BI', CI', la dose d’alexine que contiennent 0,2 c. c. de leur sérum, comparativement à celle que possède 0,2 è. c. de sérum alexique neuf pris comme unité. Nous aurons : Cobaye neuf = 1; cobaye poule 3 injections = 40/40 = 1- eobaye poule 6 injections = 70/69 = 1,01; cobaye poule 12 injections = 65/67 = 0,97. ^ ^ Une seconde expérience a donné les chiffres suivants : Cobaye neuf — 1 ; cobaye poule 3 injections = 1,04; cobaye poule 6 injections = 1,06; cobaye poule 12 injections = 1,04. On voit par la comparaison de ces résultats : 1° Que la dose d’alexine n’est guère différente chez les cobayes vaccinés et chez les cobayes neufs. Toutefois, la légère augmentation que l’on constate dans la teneur en alexine du sérum des cobayes vaccinés nous paraît devoir être mise sur le compte des injections; elle ne semble pas attribuable aux variations individuelles. Il est d’ailleurs aisé dé montrer que les doses d alexine ne sont guère différentes dans le sérum des cobayes neufs. Deux cobayes neufs, A et B, sont saignés à la carotide; avec leur sérum on prépare les deux tubes suivants : A, 0,2 c. c. de sérum alexique cobaye neuf A, 0,3 c. c. de sérum chauffe, cobaye poule 3 injections, 5,3 c. c. de sang de poule défibriné lavé et dilué (12 sang -j- 88 eau phv.). 1031 ÉTUDE DES SÉRUMS HÉMOLYTIQUES B, 0,2 c. c. de sérum al exique cobaye neuf B et les mêmes quantités des autres réactifs que A. Après 2 heures à 37° le colorimètre donne, quand les .teintes sont identiques, 34 millim. de hauteur pour A et 34 millim. de hauteur pour B. Ceci signifie que 0,2 c. c. sérum alexique des cobayes neufs A et B contien- nent exactement la même dose d’alexine, puisque tous les facteurs qui interviennent dans les tubes A et B sont les mêmes, sauf la provenance de l’alexine. Dans ces conditions, la légère augmentation de la teneur en alexine, que l’on rencontre habi- tuellement dans le sérum des animaux vaccinés, ne doit pas être imputée à des différences individuelles, puisque celles-ci sont excessivement faibles ou milles. Seule la vaccination peut être mise en cause; il est d’ailleurs facile de le démontrer expéri- mentalement. Pour cela, on fait à 8 jours d'intervalles, dans la cavité péritonéale du cobaye 3 injections de sang de poule, tandis que B sert de témoin. On dose alors à nouveau la quan- tité d’alexine contenue dans le sérum A, comparativement à celle qui se trouve dans le sérum B. On constate au colorimètre que des colonnes de 78 millim. de B et de 74 millim. de A donnent des teintes identiques. 11 en résulte que lorsque B contient 1 d’alexine, A contient 78 74 = 1,04. Ce résultat prouve que la vaccination a légèrement augmenté la quantité d’alexine du sérum de cobaye vacciné A. B). Dosage de la sensibilisatrice dans le sérum de cobaye ayant reçu 3-6-12 injections de sang de poule. Le sérum de cobaye étant normalement hémolytique pour les globules rouges de poule, nous ne pouvons pas, pour doser la sensibilisatrice des cobayes injectés, faire réagir des doses variables mais faibles, de sensibilisatrice cobaye poule vis-à- vis d’un excès de sérum alexique cobaye neuf pris comme témoin. La dissolution des globules, normalement obtenue avec une forte dose de sérum alexique, masquerait la réaction faillie attri- buable aux petites doses de sensibilisatrice cobaye vacciné. En d’autres termes, la quantité de sensibilisatrice existant normale- ment dans l’excès de sérum alexique, serait plus élevée que la quantité de sensibilisatrice que l’on voudrait doser dans le sérum chauffé decobaye vaccinécontrele sang de poule 3-6-12injections. Il est en effet aisé de démontrer que l’hémolyse que produit nor- 1032 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR finalement le sé™m de cobaye neuf vis-à-vis des globules rouges de poule est due à la présence de sensibilisatrice. Deux cobayes, A et B, sont saignés à la carotide et leur sérum sert aux réactions suivantes : dans un premier tube AI on introduit 0,2 c. c. de sérum alexique cobaye A et 5,6 c. c. de vng de poule défibrine, lave et dilué (10 c. c. sang -j- 90 eau physiologique). Un second tube B reçoit 0,2 c. c. de sérum alexique de cobaye B, et 5,6 c. c. sang de poule comme AI. Dans un troisième tube Ail on fait intervenir 0,2 c. c. sérum alexique cobaye A, 0,3 c. c. de sérum chauffé cobaye poule 3 injections et 5,4 c. c. de sang de poule défibriné, lavé et dilué (12 c. c. sang -f- 88 eau physiologique). Enfin on dépose dans le 4e tube BII 0,2 c. c. de sérum alexique cobaye B, 0,3 c. c. de sérum chauffé cobaye poule ayant servi en AU et 5,4 c. c. du sang défibriné de poule employé en AIL On dose au colorimètre l'intensité du phénomène d’hémolyse et on obtient les résultats suivants : AI (0,2 sérum alexique cobaye A -|~ 5,6 sang poule) — 80 millim. , BI (0,2 sérum alexique cobaye B -J- 5,6 sang poule 50 millim. ; AIT (0,2 sérum alexique cobaye A -f 0,3 sérum chauffé cobaye-poule -f 5,4 sang de poule) = 40 millim. ; BU (0,2 séium alexique cobaye B 4- 0,3 sérum chauffé cobaye- poule 5,4 sang de poule) = 40 millim. Si on compare les sérums normaux AI et BI, on voit que l’intensité du phénomène d’hémolyse est représentée par 1 pour AI et par 1,6 pour BI (80/50). Cette différence d’intensité peut être due à 1 un des deux facteurs, alexine ou sensibilisatrice. Or si nous dosons l’alexine dans ces sérums, en ajoutant un léger excès de sei um chauffe cobaye-poule très riche en sensibilisatrice, on constate (tubes AII, BU) que l’intensité du phénomène d’hémo- lyse est représentée par le même nombre (40) pour chacun des deux cobayes. il en résulte évidemment que le sérum des deux cobayes A et B contenait la même dose d’alexine, et qu’en conséquence la différence dans l’intensité de l’hémolyse en AI et BI était due au fait que le sérum du cobaye B contenait plus de sensibilisa- trice normale que le sérum du cobaye A. On voit, par ce qui précède, qu’il est impossible de doser la quantité de sensibilisatrice du sérum des cobayes vaccinés 1033 ÉTUDE DES SÉRUMS HÉMOLYTIQUES contre le sang- de poule, en employant un excès de sérum alexi- que de cobaye neuf. Quelle quantité faut-il prendre de celui-ci? Les sérums normaux renferment toujours beaucoup plus d’alexine que de sensibilisatrice, puisque la vaccination aug- mente seulement la quantité de cette dernière substance; il faut arriver, par l’addition d’eau physiologique, à un état de dilution tel que la quantité constante de sérum dilué employée ne con- tienne plus de sensibilisatrice normale, alors qu’elle renferme encore assez d’alexine pour provoquer l’hémolyse en présence de faibles doses de sensibilisatrice cobaye-poule. D’après ce que nous avons dit jusqu’ici des différences individuelles que l’on peut constater chez les cobayes, on conçoit que la dilution doit être éminemment variable ; tantôt c’est 1 de sérum pour 3 d’eau physiologique, tantôt c’est 1 de sérum pour 7 ou 9 d’eau physiologique. A moins que Ton ne rencontre un cobaye dont le sérum normal conserve bien les globules de poule, ce qui est exceptionnel, il faut opérer par tâtonnement. Au cours de ce travail, nous ne mentionnerons pas les essais entrepris pour déterminer les doses d’alexine qu’il convenait d’employer, nous ne rapporterons que les expériences où les dilutions se trou- vaient dans les conditions voulues pour fournir des résultats comparables. Trois cobayes, AB et C, ayant respectivement reçu, à 8 jours d’intervalle, dans la cavité péritonéale, 3-6-1 2 injections de S c. c. sang de poule, sont saignés 10 jours après la dernière injection. Le sérum de ces cobayes est chauffé à 56-57° pendant 40 minutes, afin d’éliminer l’alexine qui pourrait troubler les réactions. Il est ensuite dilué dans la proportion de 1 de sérum pour 3 d’eau physiologique. On emploie des doses croissantes 0,1, 0,2, 0,3, 0,4, etc., que l’on ajoute à une dose constante de sérum alexi- que de cobaye neuf. Le sérum alexique de ce cobaye neuf nous a fourni des réactions proportionnelles aux doses de sensibilisa- trice employées, lorsque nous l’avons dilué dans la proportion de 1 de sérum pour 3 d’eau physiologique, et que nous avons employé la dose constante de 0,2 de cette dilution. Les résul- tats de cette expérience sont consignés dans le tableau suivant : 4034 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR C/3 O cC *2 d ‘U o S ? AUTEUR olonnes quar éprouvettes înt des teint* tentiques. Z 3 K o xn £ *r- C t -d "d AI 0,2 sér. alex. lapin 0,2 sér. chauf. lapin- 3,4 dilué 12+88 5,8 54 neuf. poule 3 injections. aii 0,2 sér. alex. lapin- Contenue dans les 0,2 de sér. alex. lap.- 5,6 — — 78 poule 3 inj. 0,2 sér. alex. lap. poule 3 inj. BI 0,2 sér. chauf. lapin- poule 6 injections. 5,4 — — — 42 neuf. BII 0,2 sér. alex. lap.- Contenue d. les 0,2 de 5,6 — — 40 poule 6 inj. sér. al. lap.-p. 6 inj. CI 0,2 sér. alex. lo.p. neuf. 0,2 sér. chauf. lapin- 5,4 — — _ 39 p. 12 injections. Cil 0,2 sér. alex. lap.- Contenue d. les 0,2 de 5,6 — — 35 p. 12 inj. sér. alex. lap.-p.12i. 1 L’intensité du phénomène d’hémolyse pour chacun des lapins vaccinés A, B, G, comparée respectivement au sérum alexique de lapin neuf, ne peut être attribuée qu’à la différence qui existe entre les doses d’alexine contenue dans 0,2 de sérum alexique du lapin neuf, comparées à celles qui se trouvent dans 0,2 de sérum alexique de chacun des lapins vaccinés 3-0-12 in- jections, puisque pour chacune des trois séries AI et AU, B1 et B1I, CI et Cil, tous les facteurs qui interviennent dans les réactions sont les mêmes, sauf l’alexine qui provient tantôt du lapin neuf, tantôt d’un lapin vacciné 3-6-12 injections. Dans ces conditions, l’intensité du phénomène d’hémolyse est proportion- nelle à la quantité d’alexine contenue dans les 0,2 c. c. des dif- férents sérums alexiques employés. Comme l'intensité du phé- nomène d’hémolyse est inversement proportionnelle à la hau- teur des colonnes de liquide quand les éprouvettes présentent une teinte identique, 0,2 c. c. des différents sérums alexiques contiennent des doses d’alexine inversement proportionnelles aux nombres représentés dans la dernière colonne. Si l’on prend pour unité, dans chacune des trois séries, le sérum de lapin neuf et qu’on y rapporte le sérum de lapin vacciné, on aura : Lapin neuf = 1, lapin 3 injections = 54/78 = 0,69, lapin 6 injections = 42/40 = 1,03, lapin 12 injections = 30/35=1,11. 4038 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Donc, quand le sérum de lapin neuf contient 1 d’alexine, le sérum de lapin-poule 3 injections, 6 injections, 12 injections, renferme respectivement 0,69, 1,03, 1,11. Une seconde expérience a donné : Sérum lapin neuf = 1, sérum lapin 3 injections = 0, CS, sérum lapin 6 injections = 1, sérum lapin 12 injections = 1.05 ' Une troisième expérience fournit les chiffres suivants : Sérum lapin neuf = l, sérum lapin 3 injections = 0 33 sérum lapin 0 injections =0,58, sérum lapin 12 injections = 1 oo’ sérum lapin 30 injections = 1,28. Ces 3 expériences nous apprennent que le sérum ayant reçu 3 injections de sang de poule renferme une dose d’alexine inférieure à celle que possèdent le lapin neuf témoin et les lapins vaccinés auxquels on a fait 6-12-30 injections de san- de poule. A partir de la 6« injection, la quantité d’alexine du sérum des lapins vaccinés se rapproche de la teneur en alexine du sérum neuf; si l’on continue alors les injections, cette derniere est légèrement dépassée, comme le montre le sérum ( un lapin qui avait reçu 30 injections de sang de poule (expérience III). r Cette diminution de l’alexine, chez les lapins qui ont reçu 3 injections de sang de poule, méritant d’attirer l’attention nous nous sommes efforcé de la confirmer par des dosages. d alexine effectués avant et après l’injection de sang défibriné de poule. On prélève à la carotide de 3 lapins A,B,C, quelques c. c. de sang avec le sérum duquel on prépare les tubes suivants : A Sérum alexique lapin A dilué 1 + 7) 0,4 c. c, 0,4 de sérum chaufie lapin-poule 4 injections. B. Sérum alexique lapin B dilué (1+7) 0,4 c. c., 0,4 du même sérum chauffe lapin-poule que A. C. Sérum alexique lapin C dilué (1 + 7) 0,4 c. c., 0,4 de- sérum chauffé du même lapin-poule 4 injections. , : ’ A chacun de ces tubes on ajoute 5 c. c. de sang de poule défibriné lavé et dilué (12 sang + 88 eau phys.) : après 2 heures a 36-3,7° on centrifuge et on procède au dosage colorimétrique qui fournit les résultats suivants : A =50 millimètres, B = 76 millimètres, C= 48 millimètres. ÉTUDE DES SÉRUMS HÉMOLYTIQUES 1039 Si la dose d’alexine contenue en B est prise comme unité, on aura : B— 7 8 = 1 9 A = 50 = 78/50 — 1.56, C = 48 = 78/48 = 1,62. Les deux lapins A et G reçoivent, à 8 jours d’intervalle, dans la cavité péritonéale, 3 injections de 5 c. c. de sang- de poule. 10 jours après la 3e injection nous saignons ces deux lapins et le lapin témoin B qui n’a pas été injecté. Le sérum sert à préparer les tubes suivants : AI sérum alexique lapin vacciné A, G, 0,2 + 5,6 c. c. sang^ poule, 12 p. 0/0. BI sérum alexique lapin témoin B C, 0,2 +6,2 c. c. sérum chauffélapin A+ 5,4 sang- poule 12 p. 0/0. CI sérum alexique lapin G 0,2 + 5,6 sang- poule 12 p. 0/0. BII sérum alexique lapin témoin B 0,2 0,2 + sérum chauffé lapin G+ 5,4 sang- poule défibriné, lavé, dilué (12 + 88). Ap rès 2 heures de séjour à 36-37° on centrifug-e et on porto sous le colorimètre qui fournit les chiffres suivants : AI = 78, Bl = 39, GI= 78, BU = 39. Or AI et BI contiennent la meme quantité de sensibilisa- trice 0,2, fournie par le même lapin vacciné A et une dose égale 0,2 de sérum alexique donnée en AI par le lapin vacciné A, et en BI par le lapin témoin non injecté B. La différence entre 78 et 39 ne peut donc provenir que du fait que les quantités égales de sérum alexique 0,2, qui étaient prises à 2 lapins différents, contenaient des doses inégales d’alexine hémolytique. Le même raisonnement est applicable à CI et à BII. Le sérum de lapin B qui avait servi comme témoin, pour le dosage de l’alexine du sérum des lapins A et C, avant la vaccination, étant conservé comme tel après l’immunisation, nou& aurons : B = 39 = 1 , ”A I = 78 = 39/78 = 0,5, CI — 78 = 39/78 = 0,5. Avant l’injection de sang de poule, quand B renfermait 1 d’alexine, A contenait 1,56 etG 1,62. Après l’injection, alors, que B renferme toujours 1 d’alexine, on trouve 0,5 pour A et 0,5 pour G. La quantité d’alexine est donc tombée, à la suite de la vaccination, de 1,56 à 0,5 pour A et de 1,6 à 0,5 pour G. Nous> avons donc 5 expériences qui nous montrent que l’alexine hémolytique diminue, chez le lapin, au cours des. 1040 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR •i premières injections de globules rouges de poule. À partir de la 3« injection, l’alexine augmente alors et peut arriver à i epasser legerement la quantité que l’on trouve normalement chez le lapin neuf. Nous verrons tantôt que la sensibilisatrice se comporte de façon inverse. Elle est habituellement au maximun après 3 injections et diminue quand on augmente le nombre de celles-ci. Il semble donc que lorsque le lapin vaccine élaboré la sensibilisatrice, il suspend ou ralentit la production d’alexine et réciproquement. C’est là un argument en laveur de la conception de Metchnikoff qui attribue croyons-nous aux mêmes éléments cellulaires, la production des deux substances actives du sérum hémolytique. B. Dosage de la sensibilisatrice dans le sérum de lapin ayant reçu 3-6-12 injections de sang de poule. On sait que le sérum normal de lapin est généralement îemoly tique pour les globules normaux de poule. 11 est aisé de démontrer que cette hémolyse normale est due à la présence de sensibilisatrice naturelle, et que celle-ci varie dans de grandes proportions, suivant les individus étudiés. Trois lapins neufs adultes, A, B,C, sont saignés à la carotide et on dose 1 alexine et la sensibilisatrice dans le sérum, comme suit : Trois tubes AI1, BI1, CI1, reçoivent respectivement 0.2 c. c. de sérum alexique des lapins A, B, C, et S, 6 c. c. de sang de u“ BT?6™111*’ kVé 6t d'lué (12 + 88)’ Trois autres tubes AI , m , Cl , reçoivent respectivement 0,2 de sérum alexique des lapins A,B,C, 0,2 c. c. de sérum chauffé d’un lapin ayant reçu i injections de sang de poule défibriné, lavé et dilué (13 + 88). Apres 2 heures de séjour à l’étuve 36-37° on centrifuge et on procédé a 1 examen au colorimètre, qui fournit les résultats suivants : /I9iI^(0’27oSérUu aleXiqUe kpin A) + 5’G + n?7- ,■ mill,metres’ B** (0,2 c, c. sérum alexique lapin B) + o,b sang poule (12 + 88) = 32 millimètres. CI 1 J?!2 c; s“ Mexique lapin C) + 5.0 sang poule (12 ~f- 88) — 22 millimétrés, A 1 ! (0,2 c. c. sérum alexique lapin A) -f 0,2 sérum chauffé apin-poule 4 injections + 5,4 sang poule = 15 millimètres. ÉTUDE DES SÉRUMS HÉMOLYTIQUES 1041 BI2 (0,2 c. c. sérum alexique B)-f- 0,2 sérum chauffé lapin- poule 4 injections + 5,4 sang- poule = 15 millimètres. CI2 (0,2 c. c. sérum alexique C) + 0,2 sérum chauffé lapin-poule 4 injections + 5,4 sang poules 15 millimètres. Les trois derniers tubes AI2, BI % CI2, qui ont reçu 0,2 c. c. de la même sensibilisatrice, doivent l'intensité de l’hémolyse qu’ils produisent à la dose d’alexine contenue dans les 0,2 de sérum alexique. Or ces 0,2 de sérum alexique proviennent de 3 lapins différents A, B, C. Quand les éprouvettes du colori- mètre donnent des teintes identiques, la hauteur de la colonne de liquide (15 millimètres) est la même; il en résulte que 0,2 c. c. de sérum alexique de chacun des 3 lapins A,B,C con- tenaient la même dose d’alexine hémolytique. Si le sérum alexique de ces lapins contient la même dose d’alexine, la diffé- rence dans l’intensité du phénomène d’hémolyse obtenue parle sérum normal des lapins A, B, C, tubes AI1, BI ‘, CI1, ne peut être attribué qu au fait que les 0,2 c. c. de sérum alexique employé, qui possèdent la même dose d’alexine, contiennent des doses variables de sensibilisatrice normale. Or, en présence d’une quantité égale d’alexine, l’intensité du phénomène d’hémolyse est proportionnelle à la dose de sensibilisatrice. Les 0,2 de sérum alexique de lapin A, B, C contiennent donc des doses de sensibilisatrice inversement proportionnelles aux nombres 78, 32, 22. A étant pris comme unité, nous aurons : Lapin A = 78 =1. Lapin B= 32 78/32 = 2,43. Lapin C = 22 = 78/22 = 3,54. En présence de doses aussi élevées de sensibilisatrice normale dans les sérums de lapin neuf, on conçoit qu’il devient excessivement difficile de doser la sensibilisatrice apparue à la suite des injections chez les animaux vaccinés. Le sérum normal, pris comme terme de comparaison, devrait être porté, par l’addition d’eau physiologique, à une dilution telle qu’il ne contienne plus de sensibilisatrice normale, alors qu’il renfer- merait encore assez d alexine pour donner le phénomène d’hémolyse en présence de faibles quantités de sensibilisatrice de lapins vaccines. Il faut donc déterminer cette dilution par des essais préliminaires. On obtient des chiffres proportionnels aux doses de sensibilisatrice lapin-poule employées, tantôt avec une dilution de 1 c. c. de sérum alexique lapin neuf pour GG 1042 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUlt 3, 7, 10, 14, 19 d’eau physiologique. Parmi les expériences que nous avons réalisées, trois nous ont donné des résultats compa- rables : nous les rapporterons en omettant toutefois les essais qui nous ont permis d’établir la dilution de sérum lapin neuf qu’il convenait d’employer. Trois lapins A, B, G, ayant respectivement reçu, à 8 jours de distance dans la cavité péritonéale, 3,6, 12 injections de sang de poule, sont saignés à la carotide le 10e jour après la dernière injection. Leur sérum est chauffé à 56-37° pendant 35-40 minutes, afin de détruire l’alexine, puis dilué dans la proportion de 1 de sérum pour 9 d’eau physiologique. Nous ajoutons ensuite des doses croissantes de cette dilution à 0,2 de sérum alexique dilué (1 -f 14) de lapin neuf. Les résultats sont consignés dans le tableau suivant : ÉTUDE DES SÉRUMS HÉMOLYTIQUES 1043 ; Nos d’ordre des tubes QUANTITÉ de sérum alexique lapin neuf dilué 1 -f- 14 ORIGINE ET DOSES de sensibilisatrice diluée 1 — (— 9 QUANTITÉS de sang poule QUANTITÉ totale de liquide hémolytique - HAUTEUR descoloanes quand les éprou* vettes donnent des teintes identiques A.. Lapin 1 AYANT REÇU 3 INJECTIONS D l E SANG DE : POULE AU 0,2 0,1 sér. chauf. lap.- p., 3 inj. 1 + 9. 5,5 dilué 10 °/0 5,8 0 AI2 0,2 0,2sér. chauf. lap.- p., 3 inj. 1+9. 5,4 - - 5,8 45 AI3 0,2 0,3 sér. chauf. lap - P-, 3 inj. 1+9. 5,3 • — — 5,8 30 AI* 0,2 0,4 sér. chauf. lap. - p., 3 inj. 1+9. K O •J, w 5,8 19 AI* 0,2 0,6 sér. chauf. lap.- p., 3 inj. 1+9. 5 dilué 12% 5,8 12 AI6 0,2 i 0,8 sér. chauf. lap.- p., 3 inj. 1+9. 4,8 — — 5,8 12 ; B. Lapin AYANT REÇU 6 INJECTIONS DE SANG DE POULE BU 0,2 0,1 sér. chauf. lap.- p., 6 inj. 1+9. 5,5 dilué 10 0 o 5,8 0 BI2 0,2 0,2 sér. chauf. lap.- p., 6 inj. 1 + 9. 5,4 — — 5,8 50 Bl3 0,2 0,3 sér. chauf. lap.- p., 6 inj. 1+9. 5,3 — ■ — . 5,8 37 BI* 0,2 0,4 sér. chauf. lap.- p. , 6 inj . 1 + 9. 5,2 - - 5,8 28 BI3 0,2 0,6 sér. chauf. lap - p., 6 inj. 1+9. o dilué 12° o 5,8 24 BI* 0,2 0,8 sér. chauf. lap. - p., 6 inj. 1 + 9. 4,8 - - 5,8 22 C. Lapin ayant reçu 12 INJECTIONS DE SANG DE POULE eu 0,2 0,1 sér. chauf. lap.- p., 12 inj. 1 + 9. 5,5 dilué 10 °/0 5,8 0 CI2 0,2 0,2 sér. chauf. lap.- p., 12 inj. 1 + 9. 5,4 — — 5,8 78 CI3 ,0,2 0,3 sér. chauf. lap. - p., 12 inj. 1 + 9. 5,3 — — 5,8 60 Cl* 0,2 0,4 sér. chauf. lap.- p., 12 inj. 1 + 9. 5.2 - - 5,8 46 CI3 0,2 0,6 sér. chauf. lap.* p., 12 inj. 1 + 9. 5 dilué 12 % 5.8 35 eu 0,2 0,8 sér. chauf, lap. - p., 12inj. 1 + 9. 4,8 — — 5,8 24 4044 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Puisque 0,3 c. c. de sérum chauffé, dilué (1— |— 9) de lapin 3, 6, 12 injections donnent, dans chacun des essais, des nombres proportionnels aux quantités de sensibilisatrice intervenues dans la réaction, la dose.de sensibilisatrice contenue dans ces 0,3 de sérum chauffé est inversement proportionnelle aux nombres correspondants de la sixième colonne, car la quantité d’alexine employée dans chacune des réactions est constante (0,2 de la dilution i— |— 1 4) . Nous aurons donc, en prenant pour unité le sérum de lapin vacciné 3 injections : À, lapin vacciné 3 injections = 30 = 1 ; B, lapin vacciné 0 injections — 37 = 30/37 = 0.88 ; C, lapin vacciné 12 injec- tions — 60 — 30/60 — 0,5. Une seconde expérience, entreprise dans les memes condi- tions avec d’autres lapins vaccinés, a donné les résultats sui- vants : A, lapin-poule 3 injections — 1 ; B, lapin-poule 6 injections = 1,25 ; G, lapin-poule 12 injections = 0,80. Ces deux expériences nous avaient permis de constater que la quantité de sensibilisatrice contenue dans le sérum de lapin ayant reçu 12 injections, était toujours beaucoup inférieure à celles que nous retrouvons dans le sérum des lapins qui n’ avaient reçu que 3 ou 6 injections ; nous avons donc recherché si la vaccination contre les globules rouges, poussée jusqu’à la trentième injection, favoriserait cette diminution de la teneur en sensibilisatrice. Voici les résultats finals : A, lapin vacciné 3 injections = 1 ; B, lapin vacciné 6 injec- tions — 0,92; G, lapin vacciné 12 injections = 0,84; D, lapin vacciné 30 injections — 0,70. CONCLUSIONS . - .■ r jjgV d Le sérum des lapins vaccinés contre le sang de poule augmente rapidement sa quantité de sensibilisatrice. Celle-ci atteint habituellement son maximum après la troisième injec- tion, parfois seulement après la sixième injection. Générale- ment, au-delà de la troisième et toujours au-delà de la sixième injection, la quantité de sensibilisatrice suit une mar- che décroissante; toutefois, celle-ci se retrouve encore dans le sérum, meme après la trentième injection. ETUDE DES SERUMS HÉMOLYTIQUES 1045 Lorsque le sérum atteint sa teneur maximum en sensibili- satrice après la troisième injection, la diminution qui se pro- duit de la troisième à la sixième injection est relativement faible; d’un autre côté, il arrive que le sérum ne possède la dose maximum de sensibilisatrice qu’après la sixième injection. Il en résulte que lorsqu’on voudra obtenir, avec certitude, chez le lapin, un sérum bien actif contre le sang de poule, il convien- dra de préparer celui-ci par 4 injections de sang défibriné de poule. La sensibilisatrice obtenue dans ces conditions constitue un excellent réactif pour doser l’alexine dans le sérum de lapin. Ce dosage présentant une grande importance au point de vue de nos recherches ultérieures, il était utile de déterminer exactement les quantités de réactif qu’il convenait d’employer. Nous savons que les deux lois suivantes règlent le mode d’union des substances actives avec les globules rouges, pour donner le phénomène d’hémolyse : 1° En présence de l’un des deux constituants du sérum, l’intensité du phénomène d’hémolyse est proportionnelle aux doses de l’autre constituant intervenant dans la réaction; 2° En présence de la quantité minimum des deux consti- tuants qui peuvent provoquer la globulolyse, l’intensité du phénomène d’hémolyse est, dans une certaine limite, propor- tionnelle aux doses croissantes que l’on fait intervenir de l’autre constituant. La seconde loi est d’une application trop difficile et exige trop de tâtonnements pour qu’elle puisse servir dans les opé- rations courantes. La première loi peut donner de bons résultats, mais il faut déterminer les conditions expérimentales dans lesquelles on doit se placer pour les obtenir. Le sérum alexique de lapin produit normalement la disso lution des globules rouges de poule, et nous avons vu que l’in- tensité de ce phénomène d’hémolyse varie parfois dans de fortes limites. Il n’est donc pas pratique de doser l’alexine des lapins en opérant sur de fortes quantités de sérum alexique, car la sensibilisatrice normale, qui pourrait y être en grande quan- tité, interviendrait trop activement dans les réactions dont elle troublerait les résultats. En admettant que le sérum normal fût peu hémolytique, une forte dose de celui-ci exigerait des 1046 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR doses de sensibilisatrice lapin-poule et surtout de sang- défi- brine poule trop élevées pour que le dosage soit pratique. .nous a\ ons donc recherché la dilution qu’il convenait de faire subir au sérum alexique de lapin dont on veut doser l’alexine d une part, et la quantité de sensibilisatrice lapin-poule qu’il était nécessaire d’ajouter à ce sérum d’autre part, pour obtenir nés réactions hémolytiques dont l’intensité fût proportionnelle aux doses d’alexine intervenant dans la réaction. Théorique- ment, la dilution du sérum alexique devait être telle que l’ac- tion de la sensibilisatrice normale fût négligeable en présence de l’effet produit pai* l’excès de la sensibilisatrice lapin-poule 4 injections. Après de nombreux essais, nous avons constaté que la dilu- ion (1+7) de sérum alexique de lapin dont on veut doser l'alexine, donnait habituellement de bons résultats. On emploie des doses croissantes 0,1, 0,2, 0,4, etc., que l’onmet en présence o une quantité constante 0,4 de sérum chauffé lapin-poule 4 injections et d’un nombre suffisant de globules rouges de poule. CONCLUSIONS GÉNÉRALES Pour dégager les conclusions qui ressortent de la deuxième partie de nos recherches, nous devons nous placer à trois points de vue différents : A. Nous devons d abord examiner les modifications du pouvoir hémolytique du sérum des animaux vaccinés contre les globules rouges ; B Nous devons ensuite envisager le mécanisme que 1 animal emploie pour augmenter son pouvoir hémolytique; C. Enfin au point de vue du dosage de l’alexine hémoly- tique des sérums, sur lequel nous reviendrons fréquemment flans nos recherches ultérieures. A. — Au point de vue des modifications; que suhit le pou- voir hémolytique au cours de la vaccination contre les globules rouges, une seule conclusion d’une portée générale s’impose. Le sérum des animaux vaccinés contre les globules rouges f especes differentes atteint son pouvoir hémolytique maximum après un nombre déterminé d’injections, qu’il est prudent de ne pas dépasser sous peine de voir baisser l’action hémolytique. Ce ÉTUDES DES SÉRUMS HÉMOLYTIQUES 1047 maximum d'injections varie non seulement suivant les espèces, mais encore, pour une même espèce, avec la nature des globu- les rouges injectés. En outre, il existe des variations individuelles dont il faut tenir compte, entre les différents animaux d une même espèce que Ton veut vacciner. B. — Au point de vue du mécanisme que l'animal emploie pour atteindre son pouvoir hémolytique maximum, nous avons constaté : 1° La quantité d’alexine ne subit que des fluctuations légères au cours de la vaccination ; 2° La sensibilisatrice augmente considérablement au cours de l’immunisation contre les globules rouges; .3° La production de sensibilisatrice n’est pas illimitée, elle suit d’abord une marche ascendante parallèle au nombre d in- jections ; elle arrive ainsi à un maximum, puis elle suit une marche descendante, alors même que Ton continueles injections de globules rouges; toutefois, il ne nous a pas été donné de constater sa disparition, même dans le sérum de lapin qui avait reçu 30 injections de sang défibriné de poule. G. — Au point de vue du dosage de l’alexine hémolytique dans les sérums : 1° Le nombre des injections que l’on pratique aux animaux chez lesquels on veut obtenir la production d'hémo-sensibilisa- trice n’est pas indifférent. Celle-ci n’arrive en effet au maximum qu’après un nombre déterminé d’injections. En dessous ou au delà de celui-ci, la quantité d’hémo-sensibilisatrice est plus faible. A part les différences individuelles avec lesquelles il faut toujours compter, le nombre d’injections doit être porté à 4 chez les cobayes et les lapins que Ton veut vacciner contre le sang de poule, et à fichez les cobayes auxquels on injecte du sang de lapin; 2° Pour doser de faibles doses d’alexine hémolytique, il est nécessaire d’opérer avec des hémo-sensibilisatrices actives; 3° Le cas le plus simple pour doser l’alexine est fourni par le sérum qui, normalement, est dépourvu de propriétés hémoly- tiques vis-à-vis des globules rouges qui interviendront dans le dosage. On le rencontre dans le sérum de cobaye vaccine contre le sang de lapin. Pour effectuer ce dosage, il suffit de 1048 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR mettre en présence de doses suffisantes de globules rouges et d une quantité constante (0,5 c. c.) d’hémo-sensibilisatrice (seium chauffe cobaye-lapin 6 injections), des quantités variâ- mes cl un meme sérum ou une dose constante de sérums diffé- rents L intensité du phénomène d’hémolyse sera, dans ces conditions, proportionnelle aux doses d’alexine figurant dans les reactions \ 4° Pour doser l’alexine du sérum de lapin, il faut faire réagir globules rougcs de poule et dune dose ~ tante (0,4) d hemo-sensibilisatrice lapin-poule (sérum chauffé < e lapin ayant reçu 4 injections de sang de poule), soit des oses croissantes du môme sérum alexique habituellement dilue dans la proportion de 1 de sérum pour 7 d’eau physiol- ogique, soit une dose constante de sérums différents dilués ou non, suivant les circonstances. Dans ce cas, l’intensité du phé- nomene est proportionnel aux doses d’alexine employées; ° osa§'cs s effectuent mieux lorsquel’on met en pré- sence de faibles doses de réactifs. P Études sur la morve expérimentale du cobaye. Par Maurice NICOLLE EH RATA Page 627, ligne IL Au lieu de : ils forment, lire : ils y forment. Page 637, ligne 17. Au lieu de : bien peu nombreuses, lire : bien que peu nombreuses. Page 703, ligne 19. Au lieu de : 10, lire : 1(L6. Page 711, ligne 8. Au lieu de : de vaginales, lire : des vaginales. Page 713, ligne 34. Au lieu de : 10 centigrammes, lire : 10 grammes. Page 717, ligne 33. Au lieu de : terme limité, lire : terme limile. Page 725, ligne 9. Au lieu de : 10, lire : 10 2. Page 726, ligne 2. Au lieu de : 5 grammes, lire 5 centigrammes. Page 806, ligne 17. Au lieu de : jaune, grisâtre, lire : jaune grisâtre. Page 806, ligne 19. Au lieu de : très fertiles, lire : fertiles. Page 806, ligne 30. Au lieu de : accompagnés, lire : accompagné. Page 811, ligne 20. Au lieu de : auxquels cas, lire : auquel cas. Page 813, ligne 31. Au lieu de : éphémères, lire : éphémère. Page 813, ligne 34. Au lieu de : 108, lire : 1(L8. Page 814, lignes 37, 38 et 39. Au lieu de : pouvoir anlimicrobien très marqué; lire : pouvoir antimicrobien très marqué, Page 815, ligne 1. Au lieu de : pouvoir antimicrobien peu marqué; lire : pouvoir antimicrobien peu marqué, Page 816, dernière ligne. Au lieu de : nous étudierons, lire : nous étudierons d’abord. Page 817, ligne 23. Au lieu de : nous suivons, lire : nous suivrons. Page 823, ligne 31. Au lieu de : «réaction intoxication » et « intoxication paralysie... », lire : réaction = intoxication » et « intoxication = para- lysie... ». Page 827, ligne 31. Au lieu de : engendrés, lire : engendrée. Page 831, ligne 16. Au lieu de 12 à 16 heures, lire : 12 à 98 heures. Page 836, avant-dernière ligne. Au lieu de : la note, lire : la notion. TABLE DES MATIÈRES Etudes sur les bacilles paratyphiques, cultures, fonctions biologiques « in vitro », par MM. E. Sacquépée et F. Chevrel Etudes sur la fièvre jaune (2e mémoire), par MM. E. Mar- choux et P.-L. Simond 10 L histologie pathologique de la syphilis héréditaire, dans ses rappports avec le « spirochaete pallida » (avec les planches I, II), par M. G. Levaditi 41 Contribution à l’étude du méningocoque, par MM. P. Vansteenbkrghe et Grisez 09 Les pasteurella, par MM. Chai\iberland et Jouan 81 Etudes sur la fièvre jaune (3e mémoire), par MM. E. Mar- choux et P.-L. Simond 104 De P anti-endotoxine typhique, par M. Besredka 149 La culture des microbes anaérobies appliquée à Eanalyse des eaux, par M. Alfred Guillemard 154 Etudes sur la fièvre jaune (4e mémoire), (avec les plan- ches 111 à XXülj, par MM. E. Marchoux et P.-L. Simond. 161 De 1 action du radium sur le virus rabique, par M. J. Danysz 206 Note sur une toxine produite par Easpergillus fumigatus, par MM. E. Bodin et L. Gautier 209 Sur 1 origine des anticorps, précipitines et agglutinines, par MM. R. Kraus et J. Schiffmann 225 Etudes épidémiologiques et prophylactiques du paludisme. 4e campagne en Algérie, 1905, par MM. Edmond et Etienne Sergent 241 Trypanosomiase des chevaux de TAnnam, par AL J. -J. Vassal 256 Recherches expérimentales sur la trypanosomiase des che- vaux de TAnnam. Comparaison avec le Surra, par MM. A. Laveran et F. Mesnil 296 Des endotoxines solubles, typhique, pesteuse et dysenté- rique, par AI. Besredka 304 Sur une spirillose d’un Chéiroptère (Vespertilio Kuhli), (avec la planche XXIV), par MAL C. Nicolle et C. Comte. 311 TABLE DES MATIERES Le sérum antidysentérique, par MM. L. Yaillard et Ch. D opter Origine intestinale de la tuberculose pulmonaire et méca- nisme de Einfection tuberculeuse, par MM. A. Calmette et C. Guérin Etudes épidémiologiques et prophylactiques du paludisme, 4e campagne en Algérie, 1905, par MM. Edmond et Etienne Sergent Recherches expérimentales sur la lèpre (avec la pl. XXY), par M. Charles Nicolle Bacillus putriftcus, par M. Bienstock Traitement des trypanosomiases par les couleurs de henzi- dine. — Impartie. Etude chimique, par MM. M. Nicolle et F. Mesnil. Transmission de la péripneumonie des bovidés aux espèces ovine et caprine, parM. Ed. Dujardin-Beaumetz Sur les relations des sensibilisatrices avec T alexine, par MM. J. Bordet et Frederick Gay De Faction du streptocoque et de sa lysine, introduits par voie buccale, et de quelques questions qui s'y ratta- chent, parM. A. Tchitchkine * Les vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur en 1905, par M. J. Viala Traitement des trypanosomiases par les couleurs de benzi- dine. — 2e partie. Etude expérimentale, par MM. F. Mesnil et M. Nicolle Injection des couleurs de benzidine aux animaux nor- maux. — Etude expérimentale et histologique, par AL G. Bouffard. Récolte et conservation des Diptères, particulièrement des espèces qui piquent pour sucer le sang, par xM. E.-L. Bouvier Culture du trypanosome de la grenouille (trypanosoma rotarium) (avec la planche XXVI), par M. G. Bouet. . . Recherches sur la toxine et l’antitoxine cholériques, par MAL Brau et Denier Nouvelles recherches sur la spirillose des poules (avec la planche XXVII), par A1M. Levaditi et Manouélian ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l u sérum toxique pour les nerfs périphériques, par M. A. Schmidt Origine intestinale cle la tuberculose pulmonaire et méca- nisme de Tinfection tuberculeuse (3° mémoire), par MM. A. C admette et C. Guérin Etudes sur la morve expérimentale du cobaye, par M. M. Nicolle Etudes sur les trypanosomiases de Berbérie en 1905, par MM. Edmond et Etienne Sergent De l’action du radium sur le virus rabique (Réponse à nos contradicteurs), par MM. G. Tizzoni et A. Bongiovanni. Sensibilité des ruminants et des singes au trypanosome de la dourine, par MM. F. Mesnil et J. Rouget. .... Etudes sur la morve expérimentale du cobaye (suite), par Maurice Nicolle Le microbe de la coqueluche (avec la pl. XXVIII), par les D1* J. Bordet et O. Gengou Contribution à l’étude de lépithélioma contagieux des oiseaux (avec les pl. XXIX et XXX) r par le Dr E. Durnet Des 1 dations de la lièvre tropicale avec la quarte et la tierce, d apres des observations prises au Sénégal, par le Dr Thiroux Contribution àl étude des corps intra-épithéliaux de Guar- nieii (avec partie de la pl. XXX), par H. Aldershoff et C.-M. Broers Etudes experimentales sur la syphilis (5e mémoire), par MM. E. Metchnikoff et Em. Roux Etudes sur la morve expérimentale du cobaye (lin), par M. Maurice Nicolle Contribution à l’étude des sérums névrotoxiques et des lésions qu'ils provoquent (avec la pl. XXXI), par M. P. -F. Armand-Delille . ... Recherches sur le mécanisme delà destruction des cellules nerveuses (avec la pl. XXXII), par M. J. Manouélian. Sur les relations de la fièvre tropicale avec la quarte et la tierce (fin), par le D1’ Thiroux Sur un nouveau microbe producteur d’acétone, par M. L. Bréaudat .... 601 609 625 665 682 689 698 731 742 766 779 785 801 838 859" 869 874 TABLE DES MAT1ÈHES 1053 Transformation réversible du trioxyméthylène en métha- nal. Application à l’étude de la stérilisation par le méthanalsec aux températures élevées, par L. Perdrix. 881 Actions diastasiques réversibles. Formation et dédouble- ment des éthers-sels sous l’influence des diastases du pancréas, par Henri Poitevin 901 La spirillose des embryons de poulet dans scs rapports avec la tréponémose héréditaire de l’homme 924 Observations sur la pliagacytose « in vitro », parle Dr M. Lohlein 939 Dosage dé la matière albuminoïde non transformée dans les fromages, par MM. Trillat et Sauton 962 Note sur une maladie sphacellaire des bovidés du Para- guay, par MM. Elmassian et Urizar 969 Action du ferment bulgare sur le lait, par MM. G. Ber- trand et G. AVeisweiller 977 Le dosage de la matière albuminoïde du lait, étude d’un nouveau procédé, par MM. Trillat et Sauton 991 Des Tropismes du « Bacterium zopfii » Kurth (première note), par M. Ed. Sergent 1005 Contribution h l'étude des sérums hémolytiques, par L. Remy. 1018 Errata 1049 Tables 1050 TABLE DES PLANCHES *>L- ^ ^ Mémoire Pl. III à XXIII __ Pl. XXIV __ Pi- XXV...- _ Pl. XXVI Pl. XXVII * ’ ’ * __ Pl. XXVIII ’* __ Pl. XXIX el XXX __ Pl. XXX (partie inférieure). — Pl. XXXI. _ Pl. XXXII. V. . . — Pl. XXX II i et XXXIV.. _ île M. Levaditi 4^ MM. Marchoux et Simond 16 J 04 et 161 M. Nicolle Ch. et Comte... 311 MM. Ch. Nicolle 390 M. Bouet 564 MM. Levaditi et Manouklian. 593 MM. Borde t et Gengou 731 M. Burnet 742 MM. Aldershofp et Broers. . 779 M. Armand-Delille 838 M. Manouélian 859 M. Levaditi 924 TABLE ALPHABETIQUE PAR NOMS D'AUTEURS A L D F, R S H O F F ( H . ) et Broers (C.-M) Armand-Delille (P. -F.). . . Bertrand (G.) et Weis- weiller Besredka Bienstock Bodin (E.) et Gautier (L.). . Bongiovanni (A.) Bordet (J.) et Gay (Fred.) . — et Gengoü (0.). . . Bouet (G.) Bojffard (G.) Bouvier (E. L.) Br au et Denier Bréaudat (L.) Broers (G.-M.) Burnet (E.) Calmette(A.) etGuÉRTN(C.). Chamberland (Ch.) et Jouan. Chevrel (F.) Comte (G.) Danysz (J.) Denier Dopter (Gh.) Dujardin-Beaumetz (Ed.) . . Elmassian et Urizar (K.). Gautier (L.) Gay (F.) Gengou (0.) Grisez Guérin (G.) . ............. Guillemard (Alf.). ....... Jouan Krauss (B.) et Schiff- MANN (J.) Laveran (A.) et Mesnil (F.). Levaditi (G.) — - et Manouélian. . . . Pages. Corps épithéliaux de Guarnieri 779 Sérums névrotoxiques 838 Action du ferment bulgare sur le lait. . . . 977 Anti-enclotoxine typhique 149 Endotoxines solubles 304 Bacillus putrificus 407 Toxine de l’Aspergillus fumigatus 209 Voir Tizzoni 682 Sensibilisatrices et alexine 467 Le microbe de la coqueluche 731 Trypanosome de la grenouille 564 Injections des couleurs de benzidine 539 Bécolte et conservation des Diptères 547 Toxine et antitoxine cholériques 578 Nouveau microbe producteur d’acétone. . 874 Voir Aldershoff 779 Epithélioma contagieux des oiseaux 742 Origine intestinale de la Tuberculose. . . . 353 — — — 609 Les pasteurella 81 Voir Sacquépée 1 Voir Nicolle (G.) 311 Action du radium sur le virus rabique. . . 206 Voir Brau 578 Voir Vaillard 321 Péripneumonie des bovidés 449 Maladie sphacellaire des bovidés 969 Voir Bodin 209 Voir Bordet 467 — 741 Voir Vansteenberghe 69 Voir Calmette 353 — 609 Microbes anaéiobies et analyse. des eaux 154 Voir Chamberland 81 Origine des anticorps 225 Trypanosomiase des chevaux de l’Annam. 296 Histologie de la spirillose héréditaire. ... 41 Sur la spirillose des poules 593 La spirilose des embryons de poulet 924 4056 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Lôhlein (M.) Manouélian Marchoux (E.) et S IM ON D (P.-L.) Mesnil (E.) — ’ et Nicolle — et Rouget ( i ) Metchnikoff (El.) et Roux (Em.) Nicolle (G.) el Comte (G.). • Nicolle (M.) et Mesnil (E.) . PERDRIX (L.) POTTEVIN (IL)... Remy (L.) Rouget (J.) Roux(Em.) Sacquépée (E.) et Che- vrel (F.) Sauton S'CHIFFMANN (J.) Schmidt (A.) Sergent (Edmond). Sergent (Ed.) et Ser- gent (Et.) Simond (P.-L.). J CHITCHKINE (A.) TlilROUX Phagocytose in vitro 939 Voir Leyaditi 593 Mécanisme de la destruction des cellules nerveuses §39 Etudes sur la fièvre jaune 16 — — — . 404 ~ — — 161 Voir Laveran 999 Voir Nicolle (M. )....- 417 Trypanosomiases et couleurs de benzidine . 513 Sensibilité des ruminants et des singes au Trypanosome de la dourine 689 Etudes sur la syphilis 78 > Spirill ose d’un Chéiroptère 311 Recherches expérimentales sur la lèpre. . 389 Trypanosomiases et couleurs de benzidine . 417 Voir Mesnil 513 Morve expérimentale du cobaye 625 — — — €98 — — — 801 Transformation réversible du trioxy- méthylène 881 Actions diastasiques réversibles 901 Contribution à l’étude des sérums hémo- lytiques, 1018 Voir Mesnil 689 Voir Metchnikoff. 785 Bacilles paratyphiques 1 Voir Trillat. 962 — 991 Voir Krauss 225 Sérum toxique pour les nerfs périphériques. 601 Des Tropismes du « Bacterium zopfii » Kurth . . 1005 Etudes prophylactiques du paludisme en Algérie (1905) 241 — — — 364 Trypanosomiases de Berbérie (1905) 665 Voir Marchoux 16, 104 et 161 Du streptocoque et de sa lysine 499 Fièvres tropicales, quarte et tierce au Sénégal 766 869 TABLE DES MATIÈRES 1057 Trillat et Sauton Matière albuminoïde des fromages Urizar (R.) Voir Elmassian VAiLLARD(L.)etUopTER(CH.) Le sérum antidysentérique Vansteenberghe (P.) et Grysez Le méningocoque Vassal (J. J.) Trypanosomiase des chevaux de l’Annam. Viala (J.) Vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur (1905) Weisweiller Voir G. Bertrand 961 991 969 321 69 256 509 977 67 TABLE GÉNÉRALE DES TOMES XVI A XX MÉMOIIÎES ORIGINAUX Abba. — Diagnostic histologique de la rage XIX 40 A ch a lme (1*.). Beeherclies sur quelques bacilles anaérobies et leur différenciation XVI 641 Observations à propos du mémoire de MM. TrssiER et Martelly XVII. 79 Adil'Bey. — V oir Nicolle M XVI 56 ~ ~ XVI. 291 Aldershoff et Broers (C.-M.). — Contribution à l’étude des corps intra- épithéliaux de Guarnieri XX. 779 Armand- Delille. — Contribution à l’étude des sérums névrotoxiques et des lésions qu’ils provoquent XX. 838 Arnal et Salmon (P.). — Anatomie pathologique des lésions syphili- tiques chez les singes anthropoïdes. XVIII. 465 Atlassoff (J.). — La lièvre typhoïde expérimentale XVIII. 701 Bertrand (G,). — Sur le bleuissement de certains champignons du genre boletus XVI. 179 Sur la recherche et l’existence de l’arsenic dans l’organisme XVI. 553. Nouvelles recherches sur l’arsenic de l’organisme, ; présence de ce métalloïde dans la série ani- male XVII. 1 — Sur l’existence de l’arsenic dans l’œuf des oi- seaux..., XVII. 516 Emploi de la bombe calorimétrique de M. Berlhe- lot pour démontrer la présence de l’arsenic dans l’organisme XVII. 581 — Action de la lactase sur le gaiacol XVIII. 116 — Sur la composition chimique et la formule de l’adrénaline XVIII. 672 — et Weisweiller. — Action du ferment bulgare sur le lait XX. 977 Besrkdka. — De l’immunisation active contre la peste, le choléra et l’infection typhique XVI. 918 De la fixation de la toxine tétanique parle cerveau. XVII. 138 — Le sérum antistreptococcique et son mode d’ac- tion XVIII. 363 — Etudes sur le bacille typhique et le bacille de la peste XIX. 477 — De Fanti-endotoxinc typhique XX. 149 — Des endotoxines solubles, typhique, pesteuse et dysenté- rique XX. 304 — et Douter. — Contribution à l’étude du'rôle des streptoco- TABLE DES MATIÈRES 1059 ques au cours de la scarlatine . ..... XVIII. 37 1 Bien-stock. — Anaérobies et symbiose XVII. 850 — Bacillus putrificus XX. 407 Billet (A.). — Contribution à l’étude du paludisme et de son héma- tozoaire en Algérie (Constantine) XVI. 185 Bodin (E.) et Castex (E.). — Appareil pour l’agitation continue des cul- tures XVIII. 264 — etOAUTiER(L.). — Sur une toxine produite par l’aspergillus fumigatus XX. 209 Bongiovanni (A.). — Voir Tizzoni XX. 682 Bordet. — Mode d’action des antitoxines sur les toxines XVII. 161 et Gengou(O-). — Sur la coagulation du sang XVII. 822 — — contribution à l’é- tude du plasma fluoré XVIII. 26 — Sur la coagulation du sang, sur le pouvoir coagulant du sérum... XVIII. 98 — — Le microbe de la coqueluche XX. 731 et Gay Frédérick. — Relations des sensibilisatrices avec l’alexine XX. 467 — Propriétés des antisensibilisatrices et les théories chimiques de rimmunité XVIII. 593 Méthode de culture des anaérobies XVIII. 332 Borrel (A.). — Etude expérimentale de la clavelée, filtration du virus, séro-clavelisation, sérothérapie XVII. 123 — — XVII. 732 — Epithélioses infectieuses et épithéliomas XVII. 81 Bormans. — Voir Abba XIX. 49 Bouet. — Culture du trypanosome de la grenouille XX. 564 Bouffard (G.). — Injections des couleurs de benzidine aux animaux normaux : étude expérimentale et histolo - gique XX . 539 Boujllanger (E.) et Massol (L.). — Sur les microbes nitrificateurs . XVII . 492 — — — XVIII. 181 Bouelanger (E.). — Voir Calmette XIX. 529 Bouvier (E.-L.). — Récolte et conservation des Diptères, particulière- ment des espèces qui piquent pour sucer le sang XX. 547 Brau. — Sur une épidémie cholérique localisée, d’origine manifeste- ment hydrique XIX. 811 — et Denier. — Recherches sur la toxine et l’antitoxine cholé- riques XX. 578 Braun (A.). — Recherche du bacille d’Eberth, son importance au point de vue de la prophylaxie de la fièvre ty- phoïde XIX. 578 Bréaudat (L.). — Nouveau microbe producteur d’acétone XX. 874 Broers (G.-M.). — Voir Aldershoff XX. 779 Buffard (M.). — Voir Schneider XIX. 715 1060 ANNALES 1)E L’INSTITUT PASTEUR « Burnet (E.). — Etude de 1 épilhélioma contagieux des oiseaux. . . XX. 742 Cagnetto (Jean). Sur une variété de tuberculose zoogléique et de ses rapports avec la pseudo-morve XIX. 440 Calmette (A.). Contribution à l’étude de F épuration des eaux rési- duaires des villes et des industries XV1I1. 481 Boullanger (E.) et Rolants (E.). — Contribution à l’é- tude de l’épura- tion des eaux rési- duaires desvilles et desindustries. XIX. 329 — et Guérin (G.). — Origine intestinale de la tuberculose pulmonaire. XIX. 601 et XX. 353 et 609 Cantacuzène (J.). — Recherches sur le mode de résorption des cellules hépatiques injectées dans l’organisme XVI. 622 Bechei elles sur la maladie expérimentale provo- quée par 1 inoculation des bacilles tuberculeux dégraissés XIX. 690 Carougeau. Sur la durée de la présence du microbe de la peste injecté vivant dans les veines du cheval ... XVI. 842 Castex (E.). — Voir Bodin XVIII 26 1 Chaltiel (J.). — Voir Ch. Nicolle XVIII 6J4 Chamberland et Jouan. — Les pastcurella XX 81 Charpentier (P. -G.). — Alimentation azotée d’une algue, le Cystococ- cus Humicola XVII 921 Sur la physiologie d’une algue verte XVII. 869 Chevrel (F.). — Voir Sacquépée XX 1 Comte (C.). — Voir Ch. Nicolle XX 811 Cruveilher (Lu). — Valeur thérapeutique des injections de sérum dans la diphtérie XVIII 41 De la valeur thérapeutique de l’antitoxine dans le sérum antidiphtérique XIX. 249 Danysz (J.). — Etude des propriétés et de la nature des mélanges des toxines avec leurs antitoxines XVI. 831 et Wize (K.). — Les Entomophytes du charançon de la betterave à sucre XVII. 421 — De Faction du radium sur le virus rabique XX. 206 Debraind (L.). — Nouveau procédé de culture du tétanos XVI. 427 Defalle (J.). — Recherches sur le rôle de l’enveloppe des microbes dans l’agglutination XVI 595 — Sur les anticorps des spores • XVÏ 756 Denier. — Voir Brau XX 578 Dienkrt (F.). — Méthodes employées pour la surveillance des eaux d’alimentation XIX 541 Dmitrievsky (K.). — Sur les propriétés antitétaniques des centres ner- veux de l’animal immunisé XVII 148 Dopteu (Ch.). — Voir Vaillard XVII 463 — Voir Besredka XVIII 373 TABLE DES MATIÈRES 1061 Dopter (Cli.). — Sur quelques points relatifs à l’action pathogène de l’amibe dysentérique XIX- 417 — - Effets expérimentaux de la toxine dysentérique sur le système nerveux XIX 353 — Sensibilisatrice spécifique dans le sérum des animaux vaccinés et des malades XIX 753 — Voir Vai'llard XX 321 Dübourg (E.). — Voir Gayon XVIII 385 Dubois (A.) — Dissociation des propriétés agglutinante et sensibilisa- trice des sérums spécifiques XVI 690 Duclaux (E.). — L’alcool est-il un aliment? (Revue) XVI 857 — Ce que c’est qu’un aliment XVII 307 — Etudes d’hydrographie souterraine. XVII, 523, 640, 857; XVIII, 121, 197 et 269 — L’acool et ses droits naturels XVII 770 Dujardix-Beaumetz (Ed.). — De la transmission de la péripneumonie des bovidés XX 449 Duprat (A.). — Contribution clinique à la sérothérapie de la peste XVII 599 Elmassian et Migone (E.). — Sur le mal de Gaderas XVII 241 — — Mal de Caderas chez les animaux domes- tiques XVIII 587 — etURizAK. — Maladie sphacellaire des bovidés XX 969 Etard(A.). — Méthode d’hydrolyse des protoplasmides XVII 74 Ealloise. — Etudes des sérums précipitants XVI 833 Kerré (G.). — Institut antirabique de Bordeaux XVI 391 Freitas (O. de). — L’Institut Pasteur de Pernambuco XVII 609 Fernbach (A.) et Wolff. — Coagulation de l’amidon X\III 165 Forssmann et Lundstrom. — Courbe d’antitoxine dans le botulisme XVI 294 Fournier (A.). — Crachoir stérilisable XVII 447 Gasching (P.). — Voir Tissier XVII 540 Gautié (Albert). — Le colibacille dans les eaux d’alimentation. . . . XIX 124 Gautier (L.). — Voir Bodin XX 209 Gay (F.). — Déviation de l’alexine dans l’hémolyse XIX 593 — Voir Bord et XX 467 Gayon (U.) et F. Dubourg. — Fermentation mannitique XVIII 385 Gengou. — Sensibilité des sérums actifs XVI 734 — Voir Bordet XVII 822 _ _ XVIII 26, 98 — agglutination des globules rouges XVIII 678 — Voir Bordet XX 731 Lessard (C ). — Biologie du bacille pyocyanique XVI 313 Giemsa (G.). — Coloration des protozoaires (réponse) XIX 346 Goebel. — Ganglions nerveux périphériques XVI 904 Gradwohl (R. B. H.). — Examen bactériologique des cadavres. XVIII 767 Grisez. — Voir Vanstenberche XIX, 786 et XX 69 1062 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Guérin (C.). — Valeur des vaccins jennériens XIX n ~ Voir Omette XIX, 601 ; XX, 353 et uillemard (Allred). Les anaérobies et l’analyse des eaux XX IIaalano. — Les tumeurs de la souris XIX Hauman (L.). — Rouissage aérobie du lin XVI Rimmel (J.). — Le rouge neutre et la phagocytose XVI Iwanow. — Bacille de la lèpre dans l’organisme des a Jouan. — Voir Chamberland Khoury (J.). — Voir Rist , animaux . 317 609 154 165 379 663 705 Pi FnEtUd(i(!eS Sé5Ums hémolytiques XIX, 765: XX 1018 :IST et Kom'Y (J )- - Le Leben d’Égypte. \vr* * vOdella^(A.). Pu trel action de la viande de boucherie (réponse). XVII. 306 Répartition des microbes dans l’intestin du nour- risson . XIX. 404 TABLE DES MATIÈRES 1065 Rodella (A.)- — Différenciation du Bacillus putrificus XIX. 803 Rolants (E.), — Voir Calmette XIX. 529 Rouget (J.). — Voir Mesnil XX. 689 Roux (Em.). — Voir Metchnikoff. XVII, 809; XVIII, 1, 657, 673. XX. 785 — Notice sur la vie et les travaux E. Duclaux XVIII. 337 Ruata (Guido). — Granulations dans les cultures de vibrions . . . XIX. 661 Sabouraud et Noire. — Teignes et Rayons X XVIII. 7 Sabrazès (J.). — Pseudo-tuberculose streptococcique du sur- mulot XVI. 97 — Golorabilité des bacilles de Koch XVII. 303 Sacquépée (E.) et F. Chevrel. — Bacilles paratyphiques XX. 1 Salimbeni (A.). — Voir Marchoux. XVII, 564, 569 et 665 Salmon (P.). — Voir Arnal XVIII. 465 Saltykow. — Sérum normal dans la pneumo-cntérite XVI . 94 Sauton. — Voir Trillat XIX, 494 XX, 962 et *991 Savtchenko (J. B.). — ïmmunisines dans la phagocytose XVI. 106 Schiffmann (J.)„ — Voir Krauss XX. 225 Schmidt (A.). — Sérum toxique pour les nerfs périphériques XX. 601 Schneider (G.-E.) et M. Buffard. — Unicité de la dourine XIX. 715 Sergent (Ed.). — Levure de bière et suppuration XVII. 631 — Des Tropismes du « Bactérium zopfii » Kurth.. XX. 1005 Sergent (Ed.) et Sergent (Et.). — Anopheles de la banlieue de Paris XVI. 940 Moustiques des environs d’Alger XVII. 60 Campagne antipaludique en Algérie ( 1902) XVII . 68 Gîtes à larves d’anopheles. . XVII. 763 Campagne antipaludique se- lon la méthode de Koch (1903) XVIII. Campagne antipaludique en Algérie (1903) XVIII. Trypanosomiase des droma- daires en Afrique ........ XIX . Prophylaxie du paludisme en Algé- rie XIX, 129; XX, 241 et Trypanosomiase de Berbérie XX. Siedlecki (M.). — Amibocytes dans le cœlome d’un annélide. . . XVII. Silberschmidt (W.). — Le subtilis dans la panophtalmie hu- maine XVI 1 . Simond. — Voir Marchoux XVII, 665; XX, 16, 104 et Swellengrebel (N.). — Morphologie du Bcicterium zopfii . . — Division nucléaire de la levure pressée Tarassevitch. — Sur les cytases Tchistovitch (N.). — Pneumonie fibrineuse XVIII. . XIX. . XVI. XVIII. 49 64 17 364 665 449 268 161 712 503 127 304 106(1 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tchitchkine (A.). — L injection des bactéries sur les propriétés du sérum sanguin XVIII fia Immunisation contre la toxine botulique . . . XIX* 335 , streptocoque et de sa lysine w ;qq Ihenel. — Voir Nicolle (Ch.) Y vr - Thiroüx. - Peste endémique. ^ ^î* ^ Recherches sur Trijpanosoma Pciddœ XIX 65 Duttoni XIX. 564 b îevre tropicale, relations avec la quarte et la tierce T.ss,er et Martèlly. 1' Putréfaction' de' l'a ïiandede boucherie’. 865 et Gasching (P.). — Fermentation du lait XVIÏ 540 Microbes flans J intestin du nourrisson XIX 109 et 97q f tBrWVANNI (L)- - Le rad!um sur virus' rabique. XX. 682 el Türghet- ~ Recherche de l’ammoniaque dans les eaux xiX 959 et Sauton, — L’ammoniaque dans le lait . . xiX. 494 Aldéhyde formique dans les produits de la combus- 11011 XIX 718 Des feux comme moyen de défense contre la Pfte XIX. 734 et Sauton. Dosages des albuminoïdes dans les fromages xx. 962 lje dosage de la matière albuminoïde du rp ^a‘t XX 991 1 mollet. - Stérilisation du catgut à l’autoclave xTIlV 267 Isiklinsky (Mlle). — Flore microbienne thennophile XVII 217 Turchet. — Voir Tmllat. ‘ * Urizar (R.). _ Voir Elmassian XX* 969 , Vatllard (L.) et Dopter (Ch.). - Dysenterie épidémique *......*' XVII* 463 ~ * ~ Sérum antidysentérique. . . XX 321 Va, .LEE. - \ OU- Leclainche XVI. 614 et 931 — Sur un nouveau streptothrix XVII 988 Sui 1 accoutumance à la tuberculine XVJ1I 545 - Des lésions pulmonaires dans la tuberculose. . ...... . XIX* 619 ansteenbergue. Vaccinations antirabiques à Lille XVII. 606 ct ('RISEZ- — Origine intestinale de lauthracose pulmonaire.... XIX. 786 ~ De méningocoque XX. 69 assal (J.-J.) Hématozoaire nouveau d’un mammifère. ..... XIX. 224 Tryponosomiase des chevaux de l’Annam XX 256 Yaudin (L.). — Rôle des hydrates de carbone . . . . XYl. 85 N iala (E.). — \ accmations antirabiques à l’Institut Pasteur (1901). XVI. 452 Vmwj n ~ (1902). XVII. 365 ' ~ - (1903). XVIII. 413 ~ ~ (1904)... XIX. 411 - (1905).... XX. 509 TABLE DES MATIÈRES 1067 Vincent (H-)- — Tétanos médical ou spontané XVIII. 450 Tétanos et quinine XVIII. 748 Le Bacillus coli dans les eaux potables XIX. 233 Wallich (V.) et Levaditi (G.). — Éléments cellulaires du lait chez la femme - XIX. 321 Weil (Emile). — Culture du bacille lépreux XIX. 792 Weinberg. — Voir Metchnikoff XVI. 912 — Un cas d’appendicite -chez le chimpanzé XVIII. 323 Weisweller. — Voir Bertrand XX. 977 Wize (K.). — Voir Danysz XVII. 421 Wolff (J.). — Voir Fernbacii (Av) X\ III. 105 Yersin. — Episooties de l’Indo-Chine XVIII. 417 Zabolotnoff (P.). - — Existence d’un fixateur dans l’organisme de l’animal ayant ] 'immunité naturelle . XVIII . 527 \ , 1 * TABLE ANALYTIQUE DES SUJETS TRAITÉS DANS LES TOMES XVI A XX Ad> enaline, sa formule et sa composition, XVIII 672 Agglutination, XVI 562- paip l>nn , • . . ’ ’ °^e de 4 enveloppe des microbes 595 - r'ugel 678. P1'0pl'iétéS agglutinantes> m ■ XVIII, 209; des globule* Albuminoïde, dosage de la matière A dans les fromages, XX, 962 Alcool, est-il un aliment? XVI, 857; - ses- droits naturels, XVIH 770 Alexmes, leur pluralité, XVII, 343. Algues vertes , physiologie, XVII, 369 Ali™TmmiZ’ m°«S (1',,ti,isati011 Par végétaux et les microbes, ; , ’ , . ~ 433 ; ~ ce 9ue « est 9»’un aliment, XVII, 307 • alimen tation azotee d’une algue, 321 ; — XVIII, 277. 721. /,U 1,e,ll> CîlgeStl0n et sur Ieur diastase intracellulaire, XVI 457. Amibocytes, dans le cœlum d’un annélide, XVII, 449. Anaérobies , leur différenciation. XVI 641- — XVII 950 • -+T. j ! culture, XVIII, 332; - culture appliquée’* Anopheles de la banlieue de Paris, XVI, 940; - d’Algérie, XVII, 60 - TO3 “ nthracose, pulmonaire, son origine intestinale XIX 786 Anticorps des spores, XVI, 756: - XVIII, 511 ; -1 leur origine, XX 225 Antitoxine, contre le botulisme, XVI, 294; - 331; — XVII 161- - valeur thérapeutique, XIX, 249. ’ 7 aleui APsZe: XvT AiV^ de lai.PUlpe d’or«anes> Xvi- 947; - crachoir stérili ’ ’ 47 > Pour 1 agitation continue des cultures, XVII 1 264 Appendicite, chez le chimpanzé, XVIII, 323; _ bactériologie, XIX, 367" Al sente, sa recherche dans l’organisme. XVI, 553: — XVII 1 • 5i’d- 331 Bacillus putrificus, XX, 407. ’ ’ ’ leu!' transformation en races parasites des plantes XVI, 306, Influence des B. sur le sérum, XVIII, 576 Bacterium Zoopfii, XVIII, 712; — XX, 1005. Cadavres, importance de leur examen bactériologique, XVIII 767 Cellules nerveuses, mécanisme de leur destruction, XX 8.39 champignons, le bleuissement de certains ch., genre boletus, XVI 179 Charbon symptomatique, XVI, 931. ’ Choléra, épidémie d’origine hydrique, XIX. 811. Cils composas, XVI, 686. Clavelée , étude et sérothérapie, XVII, 123 739 Cleonus punctiventris, XVII, 421. Coagulation de l’amidon, XVIII, 165. Coqueluche, son microbe, XX, 731. Colibacille, dans les eaux d’alimentation, XIX, 124 — 233 Combustion respiratoire, XVIII, 553. XVI’ ~C' h0m0ljtiqUC dans lePIasma des animaux normaux. I > . TABLE DES MATIERES 1061) Désinfection, par l’aldéhyde formique, XIX, 718. Diastases, hydrolytiques, XVII, 31; — actions diastasiques réversibles, XX. 901. Diptères, récolte et conservation, XX, 547. Dourine , unicité. XIX, 715. Dysenterie, épidémique, XVII, 463 — des pays chauds, XIX, 9 — 353 — 417. Eaux, résiduaires, XVIII, 481 ; — recherche de l’arnhioniaque, XIX, 259 ; résiduaires, 529; surveillance, 541. Épithélioses et épithéliomas, XVII, 81; — des oiseaux, XX, 742; — corps intra-épithéliaux de Guarnieri, 779. Epizooties de Tlndo-Chine, XVIII, 417. Etuves à température constante par chauffage électrique, XVI, 779. Fièvre jaune, rapports de la mission française, XVII, 665; XX. 16, 104, 161. Fixateurs du sérum normal de chien, XVI, 623; — XVIII, 527. Garotilha , XVII, 56 i. Castro -entérites, infectieuses, XIX, 426. Glycolyse des organes de mammifères, XVIII, 633. Goutte, pathologie, XVIII, 468. Hématozoaire endoglobulaire, XIX, 224. Hémolyse , XVII, 52; hémolysines, 187; — XIX, 84, 593. Hydrate de carbone, leur rôle dans rutilisation des sels insolubles dans l'orga- nisme, XVII, 85. Hydrolyse des protoplasmides, XVII, 74. Hydrographie souterraine, XVII, 523, 640, 857; XVIII, 121, 197, 269. Immunisines . leur rôle dans la phagocytose, XVI, 106. Injections thérapeutiques, XIX, 573; — de couleurs de benzidine, XX, 539. Laccase, son action sur le gaïacol, XVIII, 116. Lait, le leben d’Égypte, XVI, 65; — fermentation, XVII, 540; nature des éléments cellulaires, XIX, 321 ; recherche de l’ammoniaque, 494; — action du ferment bulgare, XX, 977 ; — dosage de la matière albuminoïde, XX, 991. Lèpre , bacilles dans l’organisme des animaux, XVI, 705; essai de culture, XIX, 792; — recherches expérimentales, XX, 389. Levures de lactose, XVII, 11; — de bière et suppuration, 631; — pressée XIX, 503. Loque , maladie des abeilles, XVI, 694. Mal de Caderas XVII, 241 ; — XVIII, 587. Maladies infectieuses, lésions des ganglions nerveux dans les..., XVI, 904; — réaction de la tortue terrestre, XIX, 266; — de l’intestin chez le nour- risson. 273. Mannite, par les maladies des vins, XVII, 587; — fermentation mannitique, XVIII, 385. Méningocoque, XX, 69. Microbes, thermophiles, XVII, 217 ; nitrificateurs, 492 ; nitrificateurs, XVIII, 181 ; — leur rôle dans la fermentation alcoolique, 382; — dans l’intestin du nourrisson. XIX, 109, 404; — dans l’industrie fromagère, 378, 431; — ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR phogocytose in vitro, 647; - différenciation, 803; leur action sur la solu- tion de bleu azur, 816; — producteur d’acétone, XX, 874. Morve expérimentale du cobaye, XX, 625, 698, 801. Neutralroth, son rôle dans la phagocytose, XVI. 663. Neutrophiles d’Ehrlich, XVII, 357. Paludisme, étude de son hématozoaire en Algérie, XVI, 185 : — XVII 68 ; — XVIII, 49, 64; -XIX. 129; -XX, 241, 364; - de la fièvre tropicale quarte et tierce, 766, 889. Paramécies , action du sérum sanguin sur les..., XVI, 510; — action de la lumière sur la toxicité de l’éosine pour les P. 587. Paratyphiques, cultures, fonctions, XX, 1. Pastenrelloses, en Turquie, XVI, 775: — XX, 81. Péripneumonie des bovidés, XX, 449. Peste, — bovine, XVI, 56; modifications leucocytaires, 163. — Durée du mi- crobe injecté vivant au cheval, 842; immunisation, 918; - sérothéra- pie, XVII, 599; — endémique, XIX, 62; — et typhoïde, 477; — moyens de défense, 734. Phagocytose in vitro. — XX, 939. Piroplasmose, canine, XVI, 257; bovine, malaria des bovidés, 291. Pneumoentérite, action du sérum normal, XVI, 94. Pneumonie fibrineuse, XVIII, 304. Pretéolyse, influence de l’oxygène en présence du chloroforme, XVI, 853. Protozoaires, coloration et neutrophilie, XVIII, 761 ; — XIX, 346, 351. Pseudotuberculose , streptobacillaire du surmulot, XVI, 97. Putréfaction, de la viande de boucherie, XVI, 865. Pyocyanique, biologie du bacille, XVI, 313. Rage, statistique de Tunis, XVI, 386 ; l’Institut antirabique de Bordeaux. 391 : immunisation par les injections intravasculaires, 393; statistique de l’Institut Pasteur, en 1901, 452; XVII, 293, 298, 365, 616, 644, 834: — passage du virus à travers les filtres, XVIII, 150 ; guérison chez le chien, 241, 413, quelques laits, 644; statistique, 654 ; — diagnostic histolo- gique, XIX, 49; 411 ; — accidents paralytiques, 625 : — action du radium XX, 206, 682 ; statistique 509. Résorption des cellules, XVI, 522 ; — phagocytaire, XVII, 617. Rouissage. Étude microbiologique et chimique (bis), XVI, 379. Sang, recherches sur la coagulation, XVII, 822 : — XVIII, 26. 98. Sensibilisatrices des sérums actifs contre les substances albuminoïdes. XVI, 734 ; — antisensibilisation, XVIII, 593; — spécifique, XIX, 753 : — relations avec l’alexine, XX, 467. Sérums précipitants, XVI, 833 ; — dans la diphtérie, XVIII, 41 ; — antistre- ptococcique, 363 ; — de cheval, 407 ; — antirabique, XIX, 1 : — hémoly- tiques, 765; — XX, 1018; — antidysentérique, XX, 321 ; — toxique des nerfs périphériques, 601 ; — névrotoxiques et leurs lésions, 838. Sphacellaire, maladie sp. des bovidés du Paraguay, XX, 969. Spirillose des poules, XVII. 569; — XX III, 129 : —d’un chéiroptère, XX. 311 : — des poules, 593. 924. ./ TABLE DES MATIERES 1071 Stérilisation du catgut, XVIII, 207, — par le méthanol sec aux températures élevées, XX, 881. Streptocoques, unité des st. pathogènes pour l’homme, XVI, 172 : — dans la scarlatine, XVIII. 373 : — XX, 499. Streptotrix, XVII, 288. Subtilis , panophtalmie chez l’homme, XVII, 268. Syphilis , XVII, 636, 809 ; XVII 1 , 1, 463, 637 ; XIX, 673; — histologie patho- logique, XX, 41: — 685. Teignes et rayons X, XVII 17,. Tétanos, nouveau procédé de culture, XVI, 427 : —XVII, 148; — T. médical ou spontané, XVIII, 450 : — T. et quinine, 748. Toxines : diphtérique, lésions vasculaires provoquées, XVI, 156; — botuli- que. XIX, 335; — action fractionnée, 516; antiendotoxine typhique, XX, 149 : — T. produite par l’aspergillus fumigatus, 209 ; endotoxines solubles, 304 ; — T. cholérique, 578. Toxine streptococcique, XVI, 169. Toxine tétanique, XVI, 417, 818 ; XVII, 138, 335. Trypanosomes et hypanosomiases, du Nagana (maladie de la mouche tsé-tsé). XVI, 1 ; — traitement et prévention, 785 ; — des dromadaires, XIX, 17, 65 ; — Duttoni, 564; des chevaux de l’Annam, XX. 256, 296; traitement par les couleurs de benzidine, 417, 513; — de la grenouille, 564; — de Ber- bérie, 665 ; — de la dourine, 689. Tuberculose. Colorabilité des baeiles, XVII. 303: — chirurgicale, XVIII. 502 ; — osseuse, 590; — zoogléique, XIX, 449; — origine intestinale, 601 ; — genèse des lésions, 619; — inoculation de bacilles dégraissés, 699 ; — origine intestinale, XX. 353, 609. Tumeurs de la souris, XIX, 165. Typhoïde expérimentale, XVII I, 701 ; — recherche du bacille, XIX, 578. Vaccination, pathogénie et prophylaxie, XVI, 614; — valeurs des vaccins jennériens, XIX, 317. Venins de serpents, propriétés physiologiques, XVIII, 387; — propriétés bac- tériolytiques, XIX, 209. Vibrions , formation de granulations dans les cultures, XIX, 661. Vieillesse des perroquets, XVI, 912. Vins , ferments de maladies. XVIII, 245. Zymase dans les tissus animaux et végétaux, XA III, 378-535. Le gérant ; G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire. -, - ’IMFTf M ?4 " ■> '' %v. '^fc’%- «n