Lidrreieiéta: HO nr the RE ts 1/21; ,. LE Hunt Ç meet Srir Te CÉCE GEL . Ni: 47 srivirsh [ir retéte d'i vd vote He : mit LRU HAMNSL * Lis ve His fi nt ver Or Ait x 1” (el pol UOUUE re y ï ue à; bite its bte Le à Haut pe. È he pe CT Mentions AE cu Ha o qu TU Re Ut En ÿ! mini 14). vhrtitet ele best tubiishd hs ns: à orsrsiere 1e Lx NAN sh J # + 14 AIN Hu Poe 18 j+ aie z- fl MALE 1er ttéréac test 10 ntm n Fe | ki qi si HE k He : | ty Loges X Le L'été à tune $ 1 RARE vue + Non 5 télé Gi LeL ITE IS + + rein Out int Ru #. nor ÿ 4 qu Ut Darren rimes hiuidt 1 an ty # Eh Fit | à à, se +. : tn Î + 44 ti { à | ue 4 (4 Ha (r der L ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cie. N SCEAUX, — IMPRIMERIE CHARAIRE ET ANNALE DE L'INSTITUT PASTEUR (JOURNAL DE MICROBIOLOGIE) PUBLIÉES SOUS LE PATRONAGE DE M. PASTEUR PAR ÉReDUGE AUX MEMBRE DE L'INSTITUT PROFESSEUR A LA SORBONNE Et un Comité de rédaction composé de : MM. CHAMBERLAND, chef de service à l’Institut Pasteur. Dr GRANOHER, professeur à la Faculté de médecine, METCHNIKOFF, chef de service à l’Institut Pasteur. NOCARD, professeur à l'École vétérinaire d’Alfort. Dr ROUX, chef de service à l’Institut Pasteur. Dr STRAUS, professeur à la Faculté de médecine. TOME SEPTIÈME 1893 AVEC QUINZE PLANCHES PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN EN FACE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE or a pale et Pet dau à EN A 7me ANNÉE JANVIER 1893. N° 4: ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR LE JUBILÉ DE M PASTEUR Le 27 décembre 1892, a été célébré avec éclat, en présence de M. le Président de la République, le 70+ anni- versaire de la naissance de M. Pasteur. Des médailles, des adresses, des télégrammes ont apporté de tous les points du monde des témoignages de reconnaissance, des compliments et des souhaits. Cette belle solennité laissera de longs souvenirs chez tous ceux qui yont assisté. C’est qu’elle n’était pas seulement la fête d’un savant, si glorieux soit-il ; c’était aussi une fête de la Science, qui a le droit de s’enorgueillir que les noms qu'elle illustre soient les seuls que puissent célébrer à l'envi et sans arrière-pensée tous les peuples civilisés. La rédaction des Annales tient à honneur de rester fidèle à cette science sans frontières, qui accueille avec reconnais- sance la vérité, d’où qu'elle vienne ; mais elle est fière de posséder à sa tête le savant illustre et vénéré pour lequel l'amour de la science à toujours été une forme élevée du patriotisme, et qui, dans les hommages dont on l’a comblé dans l'amphithéâtre de la Sorbonne, voyait surtout éclat qui en rejailissait sur son pays. SUR LES PHOSPHATES DU EAIT Par M. DUCLAUX. Les phosphates du lait sont pour beaucoup dans la valeur alimentaire de ce liquide. C’est avec eux que le jeune animal en lactation constitue son système osseux; d’une manière plus générale, Bunge a démontré que la matière minérale d’un jeune chien, incinéré en entier, avait à peu près la même composition que les cendres du lait de chienne. Les sels minéraux du lait exercent en outre une influence considérable sur les propriétés de la caséine, sur sa coagulation, sur son degré de cohésion, sur sa digestibilité. O. Hammarsten a cherché à expliquer théoriquement cette influence en admet- tant que, sous l’action de la présure, la caséine se dédouble en deux nouvelles substances. L'une, qui est en quantité de beau- coup prédominante, est insoluble dans la solution de phosphate calcique que présente le lait, et se précipite, sous forme de coagulum, en entraînant une proportion plus ou moins grande de chaux et d'acide phosphorique. L'autre corps azoté, qui se forme en quantité très minime dans le dédoublement, constitue la protéine du sérum, et reste en solution. Cette théorie a été reprise tout récemment, avec des argu- ments nouveaux, par MM. Arthus et Pagès, pour lesquels la présure dédouble la caséine du lait en deux substances : une albumose qui reste dans le petit lait, et une substance caséogène qui donne avec les sels de calcium un composé insoluble, le caséum. C’est la théorie d’O. Hammarsten, sauf que la forma- tion d’un coagulum est considérée, non comme le résultat d’un phénomène d'insolubilité dans un liquide contenant du phos- phate calcique, mais comme le résultat de la combinaison chimique d’une substance dite caséogène avec le calcium pour donner la substance insoluble, dite caséum. MM. Arthus et SUR LES PHOSPHATES DU LAIT. 3 Pagès considèrent en effet ce caséum comme un composé chimique, parlent de caséum calcique, barytique, sans avoir du reste cherché à démontrer que la composition de ces corps était constante, ni rien fait pour justifier le nom qu'ils leur donnaient. A ces théories du dédoublement pendant la coagulation, j'ai fait deux objections principales. En premier lieu, lorsqu'on filtre comparativement, sur une bougie de porcelaine, du lait normal et du lait coagulé, pour bien y distinguer ce qui est en solution véritable et passe au travers du filtre, de ce qui est en suspension et qui reste à sa surface, on ne trouve pas plus de matière albuminoïde dissoute dans un cas que dans l’autre, ce qui prouve que, daus les limites de précision de la mesure, il ne se forme aucune nouvelle matière soluble par suite de la coagu- lation. En second lieu, les sels de chaux jouent un rôle passif, au lieu de jouer un rôle actif dans la coagulation, comme le veulent les théories précédentes. Le phosphate de chaux du caséum est en simple suspension dans le lait et s’en sépare par le repos. Îl ne fait pas plus partie du caséum, que ne font partie de l’eau les limons qui s'en déposent. On n’a pas le droit de le con- sidérer comme faisant partie des cendres de cette substance. On a encore moins le droit de compter, sans autre informé, le phos- phore trouvé dans ces cendres comme élément du caséum. En se formant, le coagulum enferme dans ses mailles le phosphate de chaux en suspension dans le lait, et ne s’en sépare ensuite que difficilement. La proportion de sel de chaux soluble est en outre la même, avant ou après coagulation, dans la portion qui filtre au travers d'un diaphragme de porcelaine, ce qui est contraire à l’idée d’une combinaison calcique, se produisant pendant la coagulation. | Ces faits, publiés en 1883, n'ont pas été contredits par M. Hammarsten, et MM. Arthus et Pagès, qui, depuis, ont fait leur travail sur le lait, semblent les avoir ignorés. On aurait pour- tant pu me reprocher que ma démonstration n’était pas tout à fait correcte. Ma première objection résulte d'un dosage comparatif de la matière albuminoïde dans le liquide filtré du lait coagulé et non coagulé. Cette filtration n’est pas quelque chose d'aussi simple que la filtration d’un précipité cristallin, et il y a de ce fait des difficultés sur lesquelles je reviendrai. Telle quelle est, et avec les renseignements que j'ai donnés, la 4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. démonstration est suffisante. On a le droit de se montrer un peu plus difficile au sujet de la seconde objection, relative au dosage comparatif du phosphate de chaux. Je m'étais contenté, pour aller vite, de dissoudre dans l'acide acétique, mélangé au besoin d’une goutte ou deux d’acide chlorhydrique dilué, les cendres provenant du lait entier ou du lait filtré, et de précipiter par l’ammoniaque. Les cendres du lait contiennent toujours plus d'acide phosphorique qu'il n’en faut pour former avec la chaux du phosphate tribasique; il y a en outre dans ces cendres de l’alumine, du sesquioxyde de fer, de la magnésie. Le précipité obtenu par l’'ammoniaque contenait donc, mélangé au phosphate de chaux, des phosphates de fer, d'aluminium, et du phosphate ammoniaco-magnésien que la calcination transforme en pyrophosphate. Tous ces phosphates mélangés au phosphate de chaux sont en assez faible quantité pour que les conclusions à tirer des dosages soient encore valables, et c'est dans ce sens que je les ai données. Mais il y aurait évidemment intérêt à serrer la question de plus près. Il n'est pas douteux aujourd’hui que le lait ne contienne des éléments en suspension et des éléments en solution. Dans les éléments en suspension, en laissant de côté les globules gras, il faut compter surtout la caséine et les phosphates. Quels sont ces phosphates, et, lorsqu'on a recombiné par le calcul, à l’état de phosphates tribasiques, les quantités des diverses bases trouvées par l'analyse avec la quantité voulue d'acide phosphorique, y a-t-il un excédent d'acide phosphorique ou de phosphore impu- table au caséum lui-même, et entrant dans sa constitution au même titre que le carbone ou l’azote? Comme les matériaux en suspension comprennent les 7/8 de la caséine et un peu moins de la moitié des éléments salins, ils se prètent bien mieux à cette étude que le lait entier, parce que, d’un côté, l'évaluation de l'excédent d’acide phosphorique est plus sûre, et que, de l’autre, cet excédent est à répartir sur une quantité de caséine presque égale à celle qui existe dans ce lait. Si nous passons maintenant aux sels en solution, nous ren- controns d’autres questions qui se posent. Dans les cendres du lait filtré au travers de la porcelaine, nous trouvons encore de l'acide phosphorique et de la chaux. Dans quelle proportion sont ces deux éléments, et à quelétat a-t-on le droit de les supposer en SUR LES PHOSPHATES DU LAIT. 5 suivant les règles, arbitraires il est vrai, qui servent à transformer une analyse élémentaire en analyse immédiate? Le phosphate tribasique de chaux est insoluble, le phosphate bibasique l'est aussi; seul le phosphate monobasique peut se dissoudre, mais il est acide. L’acidité qui en provient est-elle du même ordre que l'acidité normale du lait? Les citrates dont on a signalé la pré- sence dans le lait jouent-ils un rôle dans la solubilisalion des phosphates ? Ce n’est pas tout. Le phosphate de chaux y est à l’état d’élé- ments fins, presque muqueux, se dissolvant très facilement dans les acides les plus faibles. Cet état de division muqueuse, cette facile solubilité assurent sa circulation dans l’organisme du jeune animal, soit qu'il y entre en nature, ce que lui permet sa division extrême, soit qu'il y entre en solution acide facile à précipiter. Pour donner aux phosphates naturels des propriétés alibiles, on a songé de divers côtés à les faire passer par l'organisme de la vache, à laquelle on les sert à l’état pulvérisé, dans l'espoir de les voir reparaître dans son lait sous une forme plus digestible. Ceci revient à demander à la vache ce travail préliminaire qu'on n'ose pas demander à un enfant qu'on veul soumettre à une alimentation phosphatée. Mais la vache en est-elle capable? Le lait qu'elle fournit dans ces conditions d'alimentation ren- ferme-t-il plus de phosphates que le lait naturel? Si oui, sont-ils à l’état de phosphates solubles ou de phosphates en suspension? Une réponse à cette question est d'autant plus utile qu'il y a un moyen très simple d'augmenter, sans passer par la vache, la richesse d’un lait en phosphates, et de justifier par celte augmen- tation l’augmentation du prix. Il suffit d'y ajouter des os pulvé- risés ou du phosphate de soude, suivant qu’on voudra accroître la proportion des phosphates en suspension ou en solution. Y a-til des moyens de se mettre en garde contre cette fraude? Toutes ces questions forment l'objet d’un travail considérable dont je ne publie en ce moment que la première partie, celle qu'il est possible de faire dans un milieu aussi hostile aux études laitières que l’est Paris. La seconde partie, qui exige des expé- riences sur des animaux, a été interrompue quand j'ai quitté la Station laitière du Cantal ; j'espère pouvoir les reprendre bientôt dans la même région. 6 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L'étude de tous ces problèmes exige une analyse exacte des cendres, analyse dont les procédés sont bien connus. J'ai tou- jours opéré sur 100 c. c. de lait, que j’évaporais au bain-marie, et que je calcinais dans une capsule de platine, à une aussi basse température que possible. Les cendres, pesées lorsqu'elles sont bien blanches, sont reprises par l'acide chlorhydrique étendu où elles se redissolvent intégralement, ce qui démontre qu'il n’y à jamais de silice en proportions sensibles. On ajoute de l’ammoniaque jusqu’à formation d’un commencement de précipité, puis de l’acide acétique ajouté goutte à goutte et en léger excès, de façon à ne laisser indissous que les phosphates de fer et d’alumine. C'est ici qu’on trouve le bénéfice de n’avoir pas trop chauffé pendant la calcination. Le phosphate de chaux porté à un rouge trop vif se redissout plus péniblement dans l'acide chlorhydrique, et cette dissolution, ne semble pas lui faire perdre sa cohésion et son degré de résistance aux acides, car, précipité par l’ammo- niaque, il est encore très résistant à l'attaque par l'acide acé- tique, et peut refuser de se dissoudre. Si on chauffe, on ne réussit qu’à le rendre plus insoluble, et en plus on précipite une partie de celui qui s'était déjà dissous. On évite toute difliculté, en calei- nant au rouge naissant dans les portions les plus chaudes de la capsule de platine. Quand on dépasse ce terme, on est exposé à compter une partie du phosphate de chaux des cendres comme du phosphate de fer et d’alumine. = Le fait a dû se produire souvent, car les quantités de phos- phate de fer et d’alumine que j'ai trouvées daus mes analyses n’ont jamais dépassé 5 milligrammes pour 100 c. c. de lait. Cela correspond à 10 milligrammes environ de sesquioxyde de fer par litre de lait. Or la majorité des analyses publiées en donnent 30 à 50 milligrammes. D'ordinaire le poids de phosphate de fer et d’alumine pro- venant des cendres de 100 c. c. de lait ne dépasse pas 2 milli- grammes. La teneur en acide phosphorique de ces deux phos- SUR LES PHOSPHATES DU LAIT. 7 phates est à peu près la mème, et voisine de 50 0/0. On ne commet qu'une erreur négligeable en comptant comme acide phosphorique la moitié du poids des phosphates trouvés, dout il est inutile de pousser plus loin l'étude. Dans le liquide filtré on. précipite à la façon ordinaire lachaux par l’oxalate d’'ammoniaque, puis la magnésie à l’état de phosphate ammoniaco-magnésien, en ajoutant un excès d’'ammoniaque au liquide de filtration et de lavage de l’oxalate de chaux, convenablement évaporé au bain-marie, s’il est trop étendu. On concentre à nouveau les liquides de filtration et de lavage du phosphate ammoniaco- magnésien, et on y précipite les dernières portions d'acide phosphorique en y ajoutant du chlorure de magnésium et de l’ammoniaque. Les éléments autres que l’alumine, le fer, la magnésie, la chaux et l’acide phosphorique, ne nous intéressent pas pour le moment, et nous les confondrons sous la dénomina- tion d'éléments non dosés. Ils sont formés presque exclusive- ment de chlore, de potasse et de soude. Pendant que ces opérations s’accomplissent, une autre por- tion du même lait est filtrée sous pression au travers d’une bou- gie Chamberland. On recueille une centaine de centimètres cubes du liquide limpide. Il importe que pendant les vingt- quatre heures nécessaires à cette filtration, le lait ne se coagule . ni ne s’acidifie pas, pour éviter qu'une partie du phosphate de chaux en suspension ne passe en solution, et que la répartition qu'on veut surprendre ne soit ainsi modifiée. Il faut pour cela soit stériliser le lait sur lequel on opère, soit, ce qui est préfé- rable, le refroidir en y mettant un nageur rempli de glace. Il n'y a pas à craindre de voir se peupler le liquide filtré, si on le reçoit dans un vase stérilisé et si la bougie filtrante a été bien flambée. On évapore au bain-marie 100 centimètres cubes de ce liquide filtré et on le traite absolument comme on fait du lait, tant pour la calcination que pour l'analyse des cendres. Les analyses terminées, il n’y a plus qu’à comparer les deux séries de chiffres. Pour être tout à fait exact, il faudrait tenir compte de ce que 100 centimètres cubes du liquide filtré ne correspondent pas à 100 centimètres cubes de lait. Ils représen- tent la partie liquide de 100 centimètres cubes de lait, plus la caséine et Ja matière grasse restées sur le filtre. Mais, dans une première approximation et pour simplifier, nous admettrons la 8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. correspondance exacte des deux volumes de liquide. Dès lors, en retranchant pour chacun des éléments étudiés la quantité trouvée dans le lait filtré de la quantité trouvée dans le lait com- plet, on a la quantité de cet élément existant en suspension dans le lait, et on peut faire pour le détail des sels, ce que j'ai com- mencé à faire dans mes études sur le laït, à propos de la caséine et du phosphate de chaux, distinguer les éléments en suspen- sion des éléments en solution. Prenons comme exemple un lait de Norvège conservé par la méthode de Dahl. La composition des cendres du lait complet et du lait filtré, telle qu’elle a été fournie par l’analvse, était la suivante : Lait complet Lait filtré Alumine et fer....... re Aer I 0,005 0,002 MABNÉSIO NN PR RER 0,017 0,011 Cha LEE RER EL TERRE 0,178 0,051 Acide DA boire ne ETS 0,213 0,088 Autres éléments non dosés ....... 0,339 0,302. TOTALE ENTRER EE ue. 0,752 0,454 En retranchant les nombres correspondants des deux colonnes, on a pour les éléments en suspension dans ce lait les chiffres suivants : AlUOINE TEL TOTALE TE EEE EE 0,003 MASnSIe. ARR ru see EC LL Meet 0,006 Chaux ce Ne A pa RL SO UDC DS LE 0,127 Acide note RE cc So Ne ee 2807120 Autres éléments, ...... RUE RRES ÉCRES Ae2 al 087 TOTAL RSR Er NE NE 0,298 Ces nombres correspondent aux éléments du lait qui, comme Je phosphate tribasique de chaux, sont insolubles et ne peuvent exister qu’à l’état de suspension dans ce liquide. Ils correspon- dent aussi à ceux des éléments solubles ou insolubles qui sont retenus, par voie d’affinité capillaire, dans les mailles du caséum resté à la surface du filtre. On sait, en effet, que les corps géla- tineux, colloïdaux, exercent d'ordinaire une action de collage sur les substances qu’ils rencontrent dans le liquide qui les con- tient. Ils en retiennent quelques-unes, de préférence celles qui SUR LES PHOSPHATES DU LAIT. 9 se rapprochent de l’état colloïde. Ils en repoussent d’autres, et c’est en partie à ce choix, à celte sélection, qu'il faut attribuer les 37 milligrammes d'éléments non dosés, fournis comme éléments en suspension, bien qu'ils soient en majorité formés de chlo- rures alcalins très solubles; ce chiffre s’augmenterait encore si on tenait compte de ce que 100 centimètres cubes de liquide fillré représentent, non pas 100, mais environ 104 centimètres cubes de lait, d’après la richesse de ce lait en caséine. Ce lait avait été écrémé avant l'étude. Tous les éléments dosés sont donc en partie à l’état de sus- pension, en partie à l’état de solution. L'étude de ces derniers est délicate. L'analyse indique bien leur présence, mais ne nous dit rien sur les combinaisons qu’ils forment entre eux. Il n’en est pas tout à fait de même pour les substances en suspension. Il y en a au moins une dont l’état ne laisse aucun doute. C'est le phosphate de chaux qu’on voit et qu’on peut recueillir par le repos. On peut donc admettre que les 0#,127 de chaux de l’a- nalyse ci-dessus sont à l’état de phosphate tribasique, et immo- bilisent de ce fait 0,108 d'acide phosphorique. L’alumine, le fer, la magnésie accompagnent le phosphate de chaux et sont aussi à l’état de phosphates insolubles. Cela exige encore 3 milli- grammes d'acide phosphorique pour l’alumine et le sesquioxyde de fer, 7 milligrammes pour la magnésie, et en somme, avec ces hypothèses sûrement très voisines de la réalité, la compo- sition des sels en suspension peut être écrite de la façon sui- vante : Phosphates de fer et d’alumine..... SR De 18042 0,006 Phosphate de magnésie.......... RES RTE = Ent 0,013 PRosphale Aer: Me ee ete 0:20 Phosphates insolubles.............. PRET 0,254 Le phosphate de chaux en suspension dans le lait est donc mélangé de phosphates de magnésie, de fer et d'alumine. Ce n’est pas tout. Nous avons compté ces phosphates comme tribasiques, ce qui revient à dire que nous avons attribué aux bases présentes la quantité minimum d’acide phosphorique: Nous n’en avons ainsi distribué que 0:',118 sur les 0*,125 trou- vés, à savoir 0%',108 pour le phosphate de chaux et 0,010 pour les autres phosphates. Il nous en reste done un petit excédent 10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de 7 milligrammes qui nous prouve que nous avons eu raison de nous arrêter à des phosphates tribasiques, car il n’y aurait pas eu assez d'acide phosphorique pour des phosphates biba- siques. Mais nous avons à nous demander d'où provient cet excédent. Nous verrons bientôt qu’on a toute raison de l’attribuer à un peu de phosphate soluble retenu par le caséum en même temps que les chlorures alcalins. Maïs pour faire la part belle à la théorie que nous voulons discuter, nous admettrons que tout cet acide phosphorique trouvé dans les éléments en sus- pension provient du phosphore de la caséine en suspension restée à l'extérieur du filtre. Il y en avait environ 4 grammes pour 100 centimètres cubes de lait. D'un autre côté, les 7 milli- grammes d'acide phosphorique excédent contiennent environ 3 milligrammes de phosphore. Si ce phosphore appartient tout entier à la caséine, cette substance n’en contient donc que 0,75 0/00. C’est dix fois moins que la proportion de 0,85 0/0 donnée par Hammarsten dans son Traité de chimie physiologique, et cette évaluation de Hammarsten est encore inférieure à celles qui l'ont précédée, inférieure surtout à celles qu’on donne pour d’autres albuminoïdes, car Ritthausen a été jusqu’à faire entrer 1,4 0/0 de phosphore dans la constitution de la légumine du pois. Il est clair que dans les études faites jusqu'ici, on a trop souvent considéré comme provenant de la molécule albumi- noïde le phosphore contenu dans les phosphates de chaux ou de magnésie qui accompagnent les corps protéiques des êtres vivants. Tous ces phosphates sont colloïdaux, sont retenus avec persistance par les matières albuminoïdes, mais en sont absolu- ment distincts. On n’a aucun droit de faire entrer dans la cons- litution de la molécule albuminoïde tout le phosphore qu'on y trouve à l’état de phosphate, mème quand on croit l'avoir conve- nablement purifiée. Les faits qui précèdent montrent qu’ane revision s'impose à ce point de vue pour les diverses matières albuminoïdes, et lorsqu'elle sera commencée, on verra qu’elle n'est pas moins nécessaire pour le soufre que pour le phosphore, comme je le montrerai bientôt. Avant de commencer l'étude des éléments minéraux en sus- pension, je voudrais montrer d'abord que l'exemple ci-dessus n’est pas isolé. J'ai analysé de même un lait du Cantal, et voici SUR LES PHOSPHATES DU LAIT. 11 les nombres que j'ai trouvés. Je ne cite, pour abréger, que la composition élémentaire. Phosphates de fer et d’alumine................. 0,002 Phosphate de magnésie........... tas ec EU:00 Phosphatetde”"Chaux..1".:.. 12 Re esse, Dale Acide, phosphorique.en excès. ......%2. 2. 0,014 Autres éléments non dosés.............. LORE 0,024 0,262 Les nombres sont en moyenne un peu inférieurs à ceux qui précèdent, mais j'ai quelques raisons de croire que ce lait avait été additionné d’une petite quantité d’eau. L’acide phosphorique en excès prédomine plus que dans le lait qui précède, mais nous retrouverons tout à l’heure cette question. Les deux laits que nous venons d'étudier sont de régions bien différentes. En voici un autre, provenant d'une région voi- sine du Cantal, et qui se distingue des précédents en ce que les animaux qui l'ont fourni sont, au dire du producteur, soumis à une alimentation surphosphatée destinée à augmenter la pro- portion d'acide phosphorique dans leur lait. En ce qui concerne les éléments en suspension, la composition de ce lait était la suivante : Prrosphatessde fertetid'alumimen te es 0,002 _— GE ES MR OR RES PE de NC OR ESS 0,008 ne ORCH URO ANA SD ea Rate A CR PT RSR 0,222 A'éde DHosphorique en ExCbs TA A entend 0,006 ATESPOIEIHEILESE RON AOSES A LL 22 deu con na ee 39 0,042 MOTARD be M era E Ne à . 0,280 On voit que pour ses éléments en suspension, comprenant environ les 2/3 du phosphate, ce lait est moins riche que le lait de Dahl. Mais nous le retrouverons tout à l'heure ; contentons- nous pour le moment de remarquer que tous ces laits, de régions et d'origines diverses, présentent les plus grandes ressemblances. Nous les verrons s’accuser encore plus dans ce qui va suivre. IT Nous en sommes arrivés à l'étude des éléments à l’état de solution. Voyons d’abord ce que fournit l'analyse pour les trois laits étudiés ci-dessus. 100 c. c. du liquide de filtration de 12 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. chacun de ces laits sur la porcelaine contiennent les quantités suivantes des éléments dosés. Lait de Lait du Lait Norvège. Cantal. phosphate, Oxyde de fer et alumine............. 0,002 » » Mans At Ne BR RE 0,011 0,014 0,016 CHAR NE SOS MR NENE TEE OR 0,051 0,058 0,061 ACIde HROSDROETIQUE SRE LEE FETE 0,088 0,096 0,100 Autres éléments non dosés............ 0,302 0.287 0,398 LOTAUX: Re ee een 0,434 0,459 0,500 La première remarque à faire, c’est que tous ces laits filtrés contiennent un phosphate de chaux soluble. Il est même remar- quable que si on fait abstraction de la magnésie et des autres bases métalliques, toujours en très petite quantité, et si on n’en- visage que la chaux et l'acide phosphorique, la quantité d’acide phosphorique est à peu près double de celle qu’il faudrait pour constituer du phosphate tribasique avec toute la chaux pré- sente. Ainsi, avec le lait de Norvège, on trouve que 51 milligrammes de chaux exigeraient 43 milligrammes d’acide phosphorique ; il y en a 88. Pour le lait du Cantal, les chiffres sont 49 et 96. Voici deux autres laits pour lesquels on s’est contenté de doser la chaux et l'acide phosphorique. Lait du Lait de Neuchâtel- Cantal. en-Bray. RS 5 Lis re Le PR APN LE EM ER EE 0,055 0,070 AGidesphosphoriques ere ere 0,090 0,131 Ce dernier lait s’était un peu acidifié pendant la filtration, ce qui a augmenté les quantités de chaux et d’acide phosphorique dans le liquide filtré. Mais on peut voir que le rapport est à peu près le même que dans les autres, et que partout les proportions de chaux et d’acide phosphorique sont telles qu’envisagées sépa- 5 rément, elles donneraient un corps de formule, 3 Ca 0, 2 P' O*. La formule de ce corps fait venir à l'esprit l’idée d’un mélange de phosphate bibasique et de phosphate monobasique de chaux, mais alors les cendres devraient être acides. Or elles sont constamment alcalines, et leur alcalinité, dans tous les laits du Cantal que j'ai étudiés, correspond à peu près à la moitié de l'acide phosphorique présent. Dans le cas du lait analysé plus haut, et contenant dans sa partie filtrée 0,096 d'acide phos- SUR LES PHOSPHATES DU LAIT. 13 phorique, les cendres ont élé lavées, et le liquide de lavage exi- geait, pour être amené à saturation, l'équivalent de 0f,045 d'acide phosphorique. Il y avait donc de l’aleali libre, soit de la potasse, soit de la soude, et comme le phosphate tribasique de soude est précisément alcalin, et se comporte vis-à-vis de la tein- ture de tournesol comme s’il contenait environ le tiers de sa soude à l’état libre, c’est-à-dire une molécule de soude pour une molécule d'acide phosphorique, cette coïncidence paraîtra sans doute suffisante pour faire admettre, dans les cendres du lait filtré, la présence du phosphate tribasique de soude. La quantité de ce phosphate tribasique correspondant à 02,045 d'acide phosphorique est de ü:r,104. A l’aide de la réaction du chromate de potasse, on a trouvé en outre 0,140 de chlorure de sodium ; nous retrouvons donc, sur les 05,455 de cendres provenant de la calcination du liquide filtré: Bhosphatenderchaux eee st RE A ee en sr,107 — DOS OU OR RS RE RE RU 08r,104 Gnorurerde SOU ARE ER RE M RE een 246 Osr,140 SOUTENUE AR Me ep Un, LES CARTIER ER O8r,351 Nous sommes donc à peu près fixés sur la nature des 3/4 des éléments salins du lait filtré. Il est bien entendu que nous ne voulons pas dire que tous ces sels existent en nature dans le lait, car le mode de groupement des éléments nous est inconnu, mais seulement que les cendres du lait se comportent, non seu- lement quant à leur composition, mais quant à leur réaction sur les papiers colorés, comme contenant, dans les proportions indiquées, trois sels qui sont très répandus dans le monde vivant et dans les végétaux alimentaires de la vache. Cette interprétation à son tour n’est pas complète : elle est passible de deux objections. En premier lieu, elle fait intervenir du phosphate de soude qui estalcalin, en proportions qui ne sont pas négligeables, car elles atteignent un gramme par litre. Le lait devrait dès lors avoir une réaction alcaline ; or il est légè- rement acide. De plus nous ne comprenous pas comment le phosphate tribasique de chaux de la formule ci-dessus peut être en solution dans le liquide de filtration. Cette double objection disparaît quand on se souvient que Soxhlet a démontré dans le lait l’existence d’un peu d’acide citrique, dont les proportions 14 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sont voisines de { gramme par litre. C'est évidemment cet acide citrique qui, combiné avec la soude que nous retrouvons libre après calcination, maintient en solution le phosphate tribasique de chaux. Dès lors, le phosphate tribasique de soude de nos cendres repasse dans le lait à l’état de phosphate bibasique, et nous arrivons à cette conclusion que le lait analysé ci-dessus contient dans sa partie soluble des nombres à peu près égaux de molécules de phosphate tribasique de chaux, de phosphate bibasique de soude et de citrate de soude. Telle est au moins l'interprétation la plus légitime des nombres qui précèdent. Il restera à voir si elle est vraie pour tous les laits, En résumé, si on généralise les notions fournies par cette étude, nous voyons que le lait contient, comme éléments inso- lubles, des phosphates de fer, d’alumine, de magnésie et de chaux. Sa partie soluble se comporte comme si elle contenait le même nombre de molécules, ou à peu près, de phosphate triba- sique de chaux, de phosphate neutre de soude, et de citrate de soude. Il est très remarquable aussi que dans tous les laits étu diés, il y ait environ deux fois plus de chaux dans la partie insoluble que dans la partie soluble, et que le phosphate de chaux en solution soit environ la moitié du phosphate de chaux en suspension. Il est clair qu'aucune de ces dernières relations ne peut être bien précise, puisque la proportion de phosphate de chaux en solution et en suspension varie suivant le degré d’acidité. Mais il. n’en est pas moins curieux de les voir approximativement réali- sées : cela témoigne, pour le lait, d’une constance de composition minérale sur laquelle nous allons revenir tout à l'heure. Il y a à tirer de là une conclusion pratique, c'est que l’addi- tion au lait d’un phosphate soluble ou insoluble troublerait cet équilibre en faisant prédominer soit le phosphate en suspension, soit le phosphate en solution. Un gramme par litre de phos- phate de soude ordinaire ferait varier du simple au doubie le rapport du phosphate de chaux à celui du phosphate de soude dans le lait filtré. Du phosphate de chaux pulvérisé, introduit en nature dans le lait, tomberait rapidement au fond, et serait reconnaissable au microscope. On est donc armé vis-à-vis de ces deux formes de falsification. Voyons maintenant ce que donnent, au point de vue de leurs SUR LES PHOSPHATES DU LAIT. 15 sels en solution, les laits phosphatés dont nous avons parlé tout à l'heure, et dans lesquels on s’est appliqué,en modifiant la nour- riture de la vache, à changer la composition des cendres du lait. L'analyse citée, pp. 11 et 12,montre que celaitestun peuplusriche quele lait du Cantal, mais dans une proportion très faible. Ce qui semble y avoir le plus augmenté, ce sont les sels solubles de potasse ou d2 soude. Deux autres laits, vendus comme laits phosphatés naturels, se tiennent au niveau de celui qui précède, ou même à un niveau inférieur. Je n'ai pas fait leurs aaalyses complètes. Je me suis contenté de déterminer la chaux et l'acide phosphorique dans le lait entier et dans le lait filtré. Il ne s’est révélé, par comparaison avec les laits normaux, aucune diffé- rence marquée dans la compositon générale, ce qui met hors de doute la bonne foi des producteurs. Mais en même temps ces laits n’ont montré, en ce qui concerne leurs phosphates solubles ou insolubles, aucune supériorité sur les laits naturels. Pour qu'on en puisse juger, je donne la richesse en chaux et en acide phosphorique de 100 c. c. de chacun de ces laits, pris dans leurs flacons de vente. Je place à côté un lait du Cantal, diffé- rent de celui dont il a été question plus haut. Lait no {. Lait no 2. Lait no 3. Lait du Cantal CHAUX PAPE MN, RS 0,182 0,189 0,168 0,182 Acide phosphorique ....... 0,227 0,224 0,194 0,220 Éléments non dosés ....... 0,347 0,337 0,388 0,346 HOTATE APE RS Ee 0,756 0,750 0,750 0,748 Deux de ces laits phosphatés sont un peu plus riches que celui du Cantal, un est plus pauvre. Mais tous sont infidèles aux promesses de leur étiquette: aucun ne justifie les hauts prix auxquels ils sont vendus, et quelle que soit la conscience avec laquelle les producteurs font avaler à leurs vaches des phos- phates pulvérisés, il n’est aucan de ces laits qui ne puisse être argué, devant un tribunal, de tromperie sur la nature de la mar- chandise vendue. Rien que le chiffre relatif à la proportion de cendres avertit du reste que la composition de ces laits n’est pas éloignée de la composition normale ; ce chiffre de 0,75 0/0 de cendres présente une grande constance dans les laits que j'ai étudiés, et dont j'étais sûr. Ses variations sont beaucoup plus faibles que celles de l’un quelconque des autres éléments du lait, si bien que ce 16 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. serait peut-être par l'étude des cendres qu’on serait le plus sûr d'atteindre les falsifications. Cette régularité dans la richesse en cendres se retrouve dureste dans la composition de ces cendres. Pour le démontrer, je rassemble dans un tableau commun tous les laits analysés dans le présent travail, phosphatés ou non. Et comme la discussion faite ci-dessus nous autorise à considérer comme étant à l’état de phosphate de chaux toute la chaux con- tenue dans le lait, j'ai inscrit ce sel dans mes analyses. L’acide phosphorique excédent est en grande partie, nous le savons, à l’état de phosphate d’alumine, de fer, de magnésie et de soude: quant aux autres matières minérales, elles sont comptées en bloc dans tous les laits, même dans ceux pour lesquels l’analyse en a été faite. Lait du Lait de Lait de Lait Lait Cantal. Norvège. Normandie. phosphaté 1. phosphaté 2. Phosphate de chaux...... 0,337 0,329 0,311 0,336 0,350 Ac. phosph. en excès .... 0,065 0,062 0,051 0,073 0,063 AUILES :S61S 2 ere 0,346 0,379 0,388 0,357 0,337 MOTAUX PRE he 0,748 0,750 0,750 0,766 0,750 Des laits de diverses provenances et ayant subi des traite- ments divers ont donc de grandes analogies de composition. Je pourrais trouver d’autres exemples, en puisant dans les travaux déjà publiés sur la matière, dans ceux de Süldner, en particulier, qui a poussé le détail des analyses plus loin qu’au- cun de ceux qui l'ont précédé, et avec lequel je m’accorde sur les chiffres moyens fournis par l'analyse. Si je m'en sépare tout à fait au point de vue de l’interprétation à donner à ces chiffres, j'attribue la différence à ce que Süldner, au lieu d'opérer com- parativement sur le lait entier et sur le lait filtré à la bougie, a opéré sur le lait et sur son sérum après coagulation, ce qui change, dans une large mesure, la distribution des éléments en solution et en suspension. Il me reste, pour terminer, à relier les résultats qui pré- cèdent à ceux de mes travaux antérieurs dans lesquels je me contentais de précipiter par l’ammoniaque la liqueur acide obtenue en dissolvant les cendres dans l'acide acétique addi- tionné d’une goutte ou deux d’acide chlorhydrique étendu. Dans les trois laits dont l’étude complète a été faite, on aurait dû avior, dans ce précipité : SUR LES PHOSPHATES DU LAIT. 17 Lait du Lait de Lait Cantal. Norvège. phosphaté. Phosphate de fer et d’alumine.......... 0,002 0,010 0,002 — de'rhapnésie. otre ni 0,039 0,037 0,042 == (8 LEE ET PCA TR TE TE 0,320 0,329 0,336 MAOTAUET SN ANR Rte Et de 0,361 0,376 0,380 Or. le traitement par l’'ammoniaque a donné les nombres suivants : 0,350 0,375 0,375 Le précipité par l'ammoniaque, obtenu dans les conditions indiquées, contient donc des phosphates de magnésie, de fer et d'alumine mélangés au phosphate de chaux. On peut donc se contenter de cette méthode simple de dosage pour apprécier la rapidité avec laquelle les phosphates en suspension se dissolvent dans un lait qui s’acidifie peu à peu. En recueillant pour ce lait le liquide qui s'écoule au travers du filtre, on peut assister à l'augmentation progressive du précipité obtenu par l’ammo- niaque dans le résidu de la calcination dissous dans un acide, et quand ce précipité est devenu aussi abondant que dans le lait total, c’est que tout ce qui était en suspension est arrivé à l’état de solution. Avec un lait de Paris, j'ai trouvé qu'il n’y avait plus que des traces de phosphate en suspension, quand le liquide filtré contenait seulement 05,45 d'acide lactique par litre. Le lait devaiten contenir un peu plus; mais n'importe, ces chiffres témoignent qu'il suffit d’une très faible acidité pour changer notablement le rapport entre le phosphate en suspension et le phosphate dissous; et voilà pourquoi il est nécessaire de suivre la recommandation que j'ai faite plus haut, de n’opérer que sur du lait maintenu au froid ou gardé stérile. 19 ÉTUDE BACTÉRIOLOGIQUE DU CHOLÉRA OBSERVE À L'HOPITAL SAINT-ANTOINE EN 1892 Par MM. LESAGE ET MACAIGNE. Durant la dernière épidémie de choléra, qui sévit sur Paris et ses environs, 251 malades furent soignés à l'hôpital Saint- Antoine, dans le service de M. le professeur Hayem. Nous avons pu étudier, au point de vue bactériologique, 201 de ces cholériques. Nous diviserons notre travail en trois parties : dans un premier chapitre, nous étudierons les caractères des matières fécales, la nature des microbes qu’elles contenaient, ainsi que leurs formes et leurs associations ; dans un second chapitre, nous relaterons l’analyse des cas suivis de guérison, et dans un troisième chapitre, l'analyse des cas suivis de mort, soit dans la période d’algidité, soit dans la période de réaction. I CARACTÈRES DES MATIÈRES FÉCALES Celles-ci présentaient les caractères suivants, dans ces 201 cas : 52 fois, elles étaient riziformes, tantôt très aqueuses, conte- nant en suspension des flocons grisätres, tantôt formées d’une bouillie grise, dont les éléments épithéliaux étaient la base ; 56 fois, elles étaient vertes, biliaires, cette couleur étant due à la biliverdine, ainsi que nous avons pu nous en assurer par les réactions chimiques ; 83 fois, elles n'avaient aucun caractère spécial : elles étaient de coloration jaune et d'aspect fréquemment glaireux : 10 fois, elles présentaient une teinte rouge, dysentérique, due à du sang en nature. ÉTUDE BACTÉRIOLOGIQUE DU CHOLÉRA. 19 La réaction de ces matières, quel qu’en soit l'aspect. est dans la majorité des cas légèrement alcaline, quelquefois neutre, exceptionnellement légèrement acide au début de la maladie. Nature des microbes. — Quel que soit l'aspect de ces matières fécales, l'étude bactériologique montre que la faune microbienne varie et n’a aucune relation avec cette coloration. Nous pouvons cependant réunir sous quatre types principaux les divers microbes observés chez ces cholériques. Mais auparavant, ajoutons que jamais le bacille virgule n'a été observé en culture pure, dans ces matières fécales. Dans beaucoup de cas, ilest vrai, ce microbe y existait en grande quantité, mais {oujours avec lui on notait la présence d’autres microbes. 1e type. — Coexistence du B. virgule et du B. coli, à l'exclu- sion de tout autre microbe. 2e type. — Coexistence du B. virqule, du B. coli, et d’autres microbes, en quantité minime par rapport aux deux premiers. 3e type. — Présence du B. coli pur, à l'exclusion de tout autre microbe et du B. virqule. 4e type. — Coexistence du B. coli et de divers microbes, à l'exclusion du B. virqule. Dans les deux premiers groupes, le B. virgule existait en quantité variable : tantôt prédominant sur tous les autres, {en- dant à la culture pure, tantôt en quantité moyenne, tantôt en quantité minime, et dans ce cas, sa recherche est des plus diffi- ciles, tant sur les lamelles qu’en culture. De l'absence de relation entre le nombre des bacilles virgules et la gravité de la maladie. K n'existe aucun rapport entre le nombre de bacilles virgules et la gravité de la maladie. Ainsi, en prenant la totalité des cas observés, sur 201 cas, tant suivis de guérison que de mort, nous en avons noté 20 où le B. virgule était en très grande quantité, et qui ont donné 14 guérisons et 6 morts. 109 fois, ce bacille était en quantité moyenne : 61 guérisons et 48 morts. 24 fois ce microbe était en pelite quantité (recherche difficile) : 16 guérisons et 8 morts. On voit done qu'il n'existe aucun rapport entre le nombre des bacilles virgules et la gravité de la maladie. De même, au sujet de la forme clinique et de la durée de l'affection. Rien n'est 20 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fixe à ce sujet. Nous avons observé des formes algides prolongées, des formes foudroyantes et des formes algides courtes, chacune avec beaucoup ou moyennement de B. virgules. Bien plus, nous avons observé des formes légères de cho- léra (3 fois), de véritables diarrhées cholériformes, qui présen- taient une très grande quantité de bacilles virgules, à tel point que la lamelle en était couverte, et que l’on aurait pu croire à une culture pure de ce microbe. Inversement, comme nous le disons plus bas, dans bon nombre de décès cholériques, nous avons noté peu de B. virqules. De cela nous pouvons conclure: 4) que le nombre de ces microbes n’est pas en relation avec la gravité de la maladie: b) que l’on observe des cas graves ou légers, avec une grande quantité de ces bacilles; c) et des cas graves ou bénins, avec ce microbe en minime quantité. De ces faits, nous rapprochons volontiers les expériences récentes que MM. von Pettenkofer et Emmerich : ont faites sur eux-mêmes, et qui ont consisté dans l'ingestion de cultures pures de bacilles virgules venant de Hambourg. M. von Petten- kofer a avalé, deux heures et demie après son premier déjeuner, 1 centimètre cube d'une culture pure récente de B. virgules dans un verre d’eau contenant 1 gramme de bicarbonate de soude, destiné à neutraliser l’acide chlorhydrique, qui, se trouvant encore dans l'estomac, aurait pu empêcher le dévelop- pement des bacilles. A la suite de cette ingestion, il ne survint chez lui qu’une légère diarrhée avec gargouillements, mais sans coliques, sans nausées ni vomissements, et sans aucun trouble de l’état général. Et pourtant l'examen bactériologique des déjections y décela la présence de bacilles cholériques en grand nombre. Mèmes résultats dans l'expérience de Emmerich. Ces savants concluent de ces faits, que le bacille virgule de Koch ne produit pas, en se développant dans l'intestin, le virus spécilique du choléra asiatique. Guttmann relate aussi des faits de diarrhée simple contenant des bacilles virgules nombreux. Ces faits montrent qu’en matière de choléra, il ne faut pas compter avec la quantité de bacilles, et qu'une culture abon- dante peut ne donner qu'une diarrhée simple, alors qu'une cul- 1. Société de médecine de Berlin, 1892. ÉTUDE BACTÉRIOLOGIQUE DU CHOLÉRA. 21 ture légère peut provoquer des accidents graves. Tout semble dépendre de la virulence et non du nombre des microbes pré- sents. De cela n'avons-nous pas un exemple net, avec le B. coli qui. en prenant de la virulence, peutoccasionner de graves accidents. Il y a donc, dans le choléra avec présence du bacille virgule, une inconnue qui n’est pas encore dégagée. Si la gravité de la maladie n’a aucun rapport avec le nombre de B. virqules, de quoi ressortit-elle? Est-ce de la virulence variable de ce microbe ? Est-ce de l'association du B. virgule et du B. coli, ou du staphylocoque, ou du streptocoque? Est-ce de la virulence variable de chacun de ces microbes mélangés? Nous l’ignorons totalement. En tout cas, le fait qui nous a frappé le plus est tiré de l'observation clinique. La gravité, d’une façon générale (à part la question du choléra sec), est fréquemment en relation intime avec l'intensité de la diarrhée et des vomissements, et à propos de ces derniers, dépend non pas tant de la quantité de liquide rejeté, que des efforts et des troubles secondaires qu'ils entrai- nent. Nous n’étudierons pas ces faits cliniques dans ce travail, qui est purement bactériologique. Notre conclusion actuelle est qu'iln'existe cucun rapport entre le nombre des bacilles virqules et la gravité de la maladie. Ceci est un point démontré, tant par nos recherches que par les expériences récentes de Pettenkofer, Emmerich et Guttmann. L'’explication de ces faits sera fournie probablement par l’étude de la virulence du bacille virgule. Virulence et végétabilité sont en effet deux choses différentes, pouvant exister séparément. De l'absence du bacille virgule dans un certain nombre de cas. — Sur 201 cas, nous avons constaté 45 fois l’absence du bacille virgule, bien que nous l’ayons recherché avec soin el à plusieurs reprises chaque fois. Et ces cas ont été suivis de mort ou de guérison, sans qu'au point de vue clinique, on puisse les diffé- rencier des précédents. Nous avons observé des formes graves ou légères, sans bacille virgule, comme nous avons plus haut relaté des cas graves ou légers avec présence de ce microbe. Tantôt nous trouvons le B. coli seul (15 cas); tantôt ce microbe associé à du staphylocoque, à du streptocoque, à du bacille pyo- cyanique, pour ne citer que les priucipaux (30 cas). De quoi relève, dans ces cas, la maladie cholérique ? Quand 22 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. le B. coli existe seul, nous pouvons admettre que les cas de choléra de cette variété sont, en tous points, identiques aux cas étudiés dans ces dernières années‘, et intitulés: choléra à B. coli. Nous ne revenons pas sur ces faits, que l’on attribue à une augmentation de la virulence du B. coli normal. Mais pour les formes polybactériennes de choléra sans virgule, à quoi est due la maladie? Au B. coli, au staphylocoque, au streptocoque ? Nous l'ignorons. Peut-être dans ces cas, le bacille virgule avait-il une vitalité faible, et avait-il disparu au moment de l'examen. Ce qu'il faut retenir de ces faits, c'est que ces variétés de choléra sans B. virgule peuvent être légers ou graves, suivis de guérison ou de mort. Nous voulons insister d'autre part sur ce qui suit : les cas de choléra sans B. virqule ont été observés en même temps et durant toute l'épidémie, à côté des cas où existait le B. virgule. La clinique était impuissante à distinguer ces deux variétés de choléra; seul l’examen bactériologique pouvait établir la distinction. Et ceci a son importance. On a dit en effet: le choléra est d'origine asiatique, quand le B. virgule se rencontre dans l'intestin. Il est choléra du pays, ou nostras, quand ce microbe manque. S'il en est ainsi, quelle est la nature de l'épidémie que nous avons observée? Ces mots d’asiatique, de nostras, masquent notre ignorance, et au lieu de dire : l'épidémie de 1892 est un mélange de choléra asiatique et de choléra nostras, comme nous pourrions le déduire de nos recherches, disons simplement : cette épidémie est une épidémie de choléra, qui semble relever de plusieurs types bactériens : choléra à B. virgule, choléra à B. coli, choléra polybactérien, toutes variétés que la clinique ne nous permet pas de dépister, car toutes se ressemblent dans leurs diverses formes, foudroyantes, légères et graves. Étude des vomissements. — On y trouve le plus souvent le B. coli, assez souventle Z. virgule, et parfois le B. fluorescens, qui donne une teinte verte aux déjections. Morphologie. — Le bacille virgule, que nous avons observé, affecte des formes variables. Tantôt petit et court, tantôt allongé, 1. Macaigne. Etude sur le Baclerium coli, 1892. — Lesage. Société médicale des hôpitaux, 1892. ÉTUDE BACTÉRIOLOGIQUE DU CHOLÉRA. 23 il présente une épaisseur variable, mais il affecte toujours une disposition arquée, soit en son milieu, soit à une de ses extré- mités. En un mot, il est variable au point de vue de sa largeur el de sa longueur, mais malgré ces variations, il reste bacille vir- qule dans tous les cas. Si nous nous contentions de la forme, nous serions obligés, d’après nos examens, de faire six variétés de bacille virgule. La forme n'a aucune valeur dans l'espèce, sauf toutefois la disposition arquée. Dans un certain nombre de cas, nous avons trouvé le bacille virgule en S; dans d’autres, la forme allongée, filamenteuse avec ondulations. Lebacille virgule a toujours présenté ses caractères classiques de culture, qui sont stables. Cependant dans quelques cas le bacille présentait une vitalité faible, suivie de mort rapide. Même polymorphisme pour le B. coli, qui ne présente ic aucun caractère spécial. Cependant, dans bon nombre de cas, le B. coli isolé poussait à peine, et donnait de faibles cultures. Parmi les microbes que l’on rencontre unis au précédent, avec ou sans B. virqule, nous signalons le plus fréquent, le staphylococcus albus, rarement l'aureus. Avec le B. coli et le B. virqule, on peut dire que c'est le microbe le plus fréquemment observéchezlescholériques.[Ine présente aucun caractère spécial. Signalons, dans lescas de choléra polybactérien, la présence, outre le B. coli et le staphylococcus, qui forment la base de la bactériologie du choléra, le streptocoque à gros grains, qui dans un cas était très abondant (ce cas peut être rapproché de faits observés en Allemagne, où on ne trouva que le streptocoque). Dans notre observation, il était accompagné par le B. coli. Signalons la présence dans quelques cas, du B. pyocyanique. du B. fluorescens liquefaciens, du B. fluorescens non liquefaciens où putridus. Ces divers microbes existaient en minime quantité, dans quelques cas, surtout dans les formes polybactériennes. Isolement. — Le B. virgule, dans les cas où il est très abon- dant, est facile à isoler; mais il n’en est pas de même s’il l’est peu. Dans ce cas, son isolement nécessite un travail continu et rapide. En effet, il faut alors compter avec la rapidité et l’in- tensité de la culture du B. coli, d’une part, et d’autre part avec les microbes liquéfiants (staphylococcus, etc.), qui entravent la culture du B. virgule. [RS re ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. En premier lieu, nous avons suivi la méthode classique : rejeter le liquide diarrhéique, où le B. virgule est noyé dans la masse des autres microbes, et ne prendre, pour la culture, que les grumeaux et les flocons riziformes. Nous avons employé la méthode de Koch : isolement par dilution; mais les résultats que nous avons obtenus sont inférieurs aux résultats que nous donne la méthode dite de Schüttelius. Celle-ci nous paraît préférable, surtout durant une épidémie, pendant laquelle on est surchargé de travail. Nous avons employé ce procédé de la manière suivante : Dans un cristallisoir ou verre à pied, on verse un tiers de matières fécales (parties solides, grains riziformes), et deux tiers de bouillon ordinaire ou de jus de viande légèrement alcalin. On place le tout à l’étuve à 37°. Le bacille virgule étant très avide d'oxygène, donne rapidement, en 6 à 12 heures, une pelli- cule superficielle qui est formée en grande partie de bacilles vir- gules, quelquefois même d’une culture pure. À ce moment, on prend une partie minime de ce voile, et on l’ensemence alors par étalement, avec les précautions d’asepsie requises, soit sur gélatine, soit sur gélose. Cette dernière est préférable pour le premier isolement. On obtient ainsi des cultures de bacilles de Koch. Nous avons fréquemment fait une seconde épreuve, dite de Schüttelius, en prenant la totalité du voile et en le mélangeant avec du bouillon, suivant le procédé sus-indiqué. Ce second voile ainsi obtenu est souvent plus pur que le premier. Il est bon de reprendre le voile dans les douze heures, sinon d'autres microbes (B. coli, etc.) viennent infecter la culture de B. virgules. Une pellicule, bonne à la douzième heure, perd de ses qualités dans la suite. Tel est le procédé qui nous paraît être le meilleur, dans l’état actuel des choses. Il ÉTUDE DES CAS DE CHOLÉRA SUIVIS DE GUÉRISON Dans le chapitre précédent, nous sommes restés dans Îles généralités qui s'appliquent à toute notre étude. Nous allons maintenant étudier en détail les cas de choléra suivis de guéri- ÉTUDE BACTÉRIOLOGIQUE DU CHOLÉRA. 25 son ou de mort. Nous avons étudié 95 cas suivis de décès et 106 cas suivis de guérison. Ces 106 cas se divisent de la façon suivante : à UQUIE CUBE ICO RE NES ANS 29 cas B B:oviroules:B':cohr'et'divers 722 MR Et 62 — D COUT. SR RS PERTE Tor Rs 3 — B. coli et divers, sans B. virgule. ........ 12 — D'après ce tableau, on voit que le bacille virgule a été observé dans la majorité des cas. Ainsi que nous l’avons dit plus haut, ce bacille est en quantité variable et, dans 3 cas, il existait en {rès grande quantité. Ill ÉTUDE DES CAS MORTELS Nous avons étudié 95 cas suivis de mort; 47 cas ont été étu- diés seulement au point de vue de l'intestin. Aucune recherche n'a pu être faite, faute de temps, sur l’état d’envahissement des autres organes. Ces 47 cas se décomposent de la façon sui- vante : B. virgule et B. coli seul, ou uni à divers microbes 34 cas BCCOPSDAETS CRE RE CE RCA RES EN T1 — B. coli et divers, sans bacille virgule... ......... 6 — 48 cas ont été étudiés plus complètement, c'est-à-dire que nous avous recherché l’état de l’envahissement, par les microbes, des organes en dehors de l'intestin. Les résullats varient, sui- vant que l’autopsie a été faite de suile après la mort (temps néces- saire pour transporter le cadavre à l’amphithéâtre), ou quelques heures après; d'autre part, suivant que le cholérique est mort en période d'algidité où en période de réaction. Sur ces 48 cas, 14 étaient des cholériques morts en algidité et autopsiés de suite après la mort. L'intestin contenait : 71 fois le B. virgule uni au B. coli ou à divers microbes; 3 fois le B. coli pur; 4 fois le B. coli et divers microbes sans B. virquie. Quel que soit l’état bactériologique de l'intestin, les organes ne présentaient aucun microbe décelable par les procédés ordi- 26 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. naires. En un mot, aucun envahissement cadavérique (bile, foie, sang, rate). L'intestin est le seul milieu où existentles microbes. Donc, à la période d’algidité et à la mort, il n'existe pas d’envahissement des organes, quelle que soit la durée de l’al- gidité. En regard de ces cas, voici 31 autopsies de cholériques morts en période d’algidité, faites à partir de deux heures après la mort. Ces 31 cas se divisent de la façon suivante : 21 fois le B. virgule était uni au B. coli seul ou à d’autres microbes; 8 fois on constatait le B. coli et divers microbes, sans B. virgule : 2 fois le B. coli existait seul. Quand l’autopsie a été pratiquée 2 heures après la mort et avant 4 heures (13 cas), nous avons trouvé un envahissement cadavérique localisé au foie et à la bile, alors que les autres organes étaient indemnes de toute culture. Dans ces cas, le foie et la bile contenaient le B. coli: dans deux cas, la bile était sté- rile cependant, alors que le foie était envahi, comme si la voie sanguine était plus rapide que la voie biliaire. Après 4 heures (18 cas), nous avons toujours noté l’envahissement cadavérique de tous les organes : 8 fois par le B. coli seul ; 3 fois par le B. coli et le staphylocoque : À fois par le B. coli et le B. pyocyanique : 3 fois, outre ces divers microbes, nous avons noté l’envahisse- ment total du corps par le B. virgule. Dans 3 autres cas, alors que l’envahissement total du corps (sauf la bile) était dû au B. coli, nous avons noté un envahissement, localisé à la bile, exclusivement par le B. virqule, qui était en culture pure. Concluons en disant : Chez les cholériques algides, l’enva- hissement commence, dès deux heures après la mort, par le foie et la rate, puis devient total dès la quatrième heure. Dans cet envahissement cadavérique, le B. coli et le staphylocoque sont les microbes rencontrés, soit isolément, soit réunis, quel que soit le milieu bactériologique de l'intestin. En tout cas, les microbes d’envahissement étaient toujours en grande quantité dans l'intestin et appartiennent au groupe des microbes mobiles. Quant au bacille virgule, on le trouve exceptionnellement dans les organes, en dehors de l'intestin. La bile en coutient parfois, ÉTUDE BACTÉRIOLOGIQUE DU CHOLÉRA. 97 mais rarement. On voit donc par ces faits l'importance du temps écoulé depuis la mort, pour l'étude de l’envahissement cadavé- rique. Étude de la réaction cholérique.— Nous avons pu pratiquer, de suite après la mort, trois autopsies de cholériques morts en période de réaction, et, dans chacun de ces cas, nous avons ob- servé l’envahissement des divers organes par le B. coli. Or, nous avons vu plus haut que le cholérique mort en état d'algi- dité ne présentait aucun envahissement des organes quand l’autopsie était pratiquée immédiatement après la mort. Qu'il y ait ou non du B. virgule dans l'intestin, les organes, durant la période de réaction, sont envahis par le B. coli. C’est de cette infection secondaire que paraissent relever les symp- tômes dits de réaction (fièvre, etc.). Durant la vie, nous avons étudié le sang de ces malades : nous n'avons pu y déceler la pré- sence de microbes. CONCLUSIONS 1° Il a existé, dans l'épidémie de choléra observée à l'hôpital Saint-Antoine, plusieurs variétés microbiennes de choléra qu'il était impossible de distinguer cliniquement (choléra à B. virgule, choléra à B. coli, choléra polybactérien sans B. vir- qule) ; 2° Dans la première variété, le B. virqule n’a jamais été observé pur. Il était uni au B. coli ou à divers autres microbes; 3° Un certain nombre de cas peuvent être rapprochés des cas décrits sous le nom de choléra à B. coli : 49 Il n'existe aucun rapport entre le nombre des bacilles vir- gules et la gravité de la maladie. Une diarrhée simple peut con- tenir une culture abondante de bacilles virgules ; 5° La gravité et la légèreté de la maladie sont observées dans ces diverses variétés bactériologiques. La présence du bacille virgule n’est pas nécessaire ; 6° L’envahissement cadavérique se fait progressivement dès les premières heures après la mort (choléra algide) ; 1° La réaction cholérique parait être une infection secon- daire par le B. coli, dont on constate la présence immédiate- ment après la mort dans les divers organes. NUR LES ÉCHANGES D'ACIDE CARBONDQUE ET D'OXYHÈNE ENTRE LES PLANTES ET L'ATNOSPHÈRE Par M. TH. SCHLOESING rizs () On a beaucoup étudié les échanges d'acide carbonique et d'oxygène ayant lieu entre les plantes et l'atmosphère. D'émi- nents physiologistes ont produit sur ce sujet, il y a longtemps déjà et aussi 1l y a quelques années, des travaux considérables et bien connus, dans lesquels ils ont tantôt cherché à distinguer Ja respiration el l'assimilation de carbone, tantôl considéré l’ensemble de leurs effets. Leurs expériences ont toujours été, à ma connaissance, exécutées non sur des plantes entières, mais sur des parties de plantes, plus ou moins étendues, le plus souvent séparées des sujets auxquels elles appartenaient ; très généralement elles n’ont eu et n’ont pu avoir qu’une durée fort limitée ; de plus il est arrivé qu’elles ont conduit à des résultats contradictoires. Pour ces raisons, il ne serait pas possible d’en tirer la réponse à une question qui intéresse à un haut dégré la nutrition végétale : quelle est, pour une plante entière et pour une longue période ou mème toute la durée de son existence, la résultante des échanges d'acide carbonique et d'oxygène qu’elle effectue avec l’air ambiant ? Combien d'oxygène dégage-t-elle pour un volume donné d’acide carbonique qu’elle fait disparaître ? Telle est la question à laquelle se rapportent les recherches qui vont être exposées. Je l’ai abordée par la méthode qui m'a paru la plus directe et qui consiste à faire vivre des plantes en vases clos et à étudier les variations de l’acide carbonique et de l’oxygène enfermés avec elles. ExPÉRIENCES I Er II. J'ai d'abord employé aux expériences l'appareil qui nous a servi, à M. Laurent et moi, dans nos recherches sur la fixation 1. Comptes rendus des séances de l’Académie des Sciences, t. CXV, p. S81 et 1047. ÉCHANGES GAZEUX DES PLANTES ENTIÈRES. 29 de l'azote libre par les plantes ‘. Mais, dans ces recherches, on n'avait à mesurer, en fait de gaz, que l'azote. Ici, il fallait aussi déterminer l'oxygène et l'acide carbonique. De là de notables modifications dans la manière d'opérer. Les graines une fois semées, l'appareil est clos hermétique- ment et le vide y est fait. On ne peut, pour en enlever les dernières traces d’air, recourir à des lavages à l'acide carbonique, comme dans les recherches qui viennent d'être rappelées, parce qu'il serait plus fâcheux encore d'y laisser de l'acide carbonique que de l’air. On pousse donc le vide aussi loin que possible (et, avec les pompes à mercure dont je dispose, il est possible de ne laisser ainsi dans l’appareil qu'une bien faible quantité d'air), puis on purge avec la vapeur d'eau dégagée par le sol à la température de 28 à 30°. On introduit ensuite des volumes rigoureusement mesurés d'oxygène et d'azote, dans la proportion d'environ 20 du premier gaz pour 80 du second, et finalement une petite quantité, également bien déterminée, d'acide carbonique. La végétation apparaît. Dès que les parties vertes ont pris un développement sensible, on commence à surveiller par de fréquentes analyses la composition de l'atmosphère interne *. Par les additions d'acide carbonique et des absorptions d'oxy- gène, dont les analyses indiquent l'opportunité, on la maintient dans les limites convenables pour la vie végétale. L'acide car- bonique introduit est mesuré avec une très grande précision. Je me suis servi à cet effet, d’un petit volumètre spécial, d'une capacité d'environ 190 c. c., permettant d'évaluer le gaz à une très petite fraction de centimètre cube près. 4. Annales de l’Institut Pasteur, février 14892. — Au fond d’une grande allonge en verre se trouve le sol sur lequel se déveiopperont les plantes au cours de l'expérience. L'allonge communique d’une part avec la partie supérieure d’une trompe à mercure, d'autre part avec un tube de Bohème renfermant de la tour- nure de cuivre et placé au-dessus d’une rampe à gaz; ce tube est lui-même reli avec une sorte de longue cloche qui coiffe l’orifice inférieur de la trompe. Les gaz puisés à la partie supérieure de l’allonge sont appelés dans la trompe, quand on fait fonctionner celle-ci, et renvoyés ensuite à travers le tube à cuivre à la partie inférieure de l’allonge ; si le tube à cuivre est alors chauffé, de loxygène s’absorbe: on fait ainsi disparaître l'excès de ce gaz produit par la végétation. Quant à l'acide carbonique nécessaire aux plantes, on lintroduit, quand il y à lieu, par le bas de la longue cloche. 2. Les analyses sont faites sur des échantillons d’environ 1 c. €. de gaz; elles consistent à doser l’acide carbonique et l’oxygène; après chacune d'elles, on fait repasser dans l’appareil l’azote restant. 30 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. A la fin d'une expérience, on extrait les gaz contenus dans l'appareil et l’on achève le vide en s’aidant, comme au début, de la vapeur d’eau émise à 30° par le sol. On recueille et lon mesure avec la plus grande précision la totalité des gaz; puis on détermine leur composition par des analyses eudiométriques très soignées. Une partie de l’oxygène ayant appartenu à l'atmosphère interne se trouve finalement fixée sur le cuivre. Il faut la con- naître avec précision. Dans ce but, le tube à cuivre est séparé de l’appareil; son contenu est débarrassé de toute humidité par un courant d'azote sec aidé d’une douce chaleur; puis l'oxyde de cuivre est réduit par l’hydrogène pur et l’eau formée est recueillie et pesée exactement; du poids de cette eau, on déduit celui de l'oxygène qui avait été retenu par le métal. On vérifie que le tube à cuivre a même poids, après la réduction de l'oxyde, qu’au moment où il a été mis en expérience. À ce pro- pos, on doit rappeler que le cuivre s’oxyde assez rapidement au contact de l’air humide; il est bon, pour les pesées qu'on a à faire du tube à cuivre au début et à la fin, de ne pas perdre le fait de vue. Pendant l'expérience, le cuivre a pu fixer non seulement de l'oxygène, mais aussi un peu d’acide carbonique; cet acide ne doit pas être négligé. On le recueille lors de la réduction finale, en faisant passer l'hydrogène dans un petit absorbeur à potasse, placé à la suite du tube à cuivre, et l’on en détermine le poids. Les gaz, qui ont été introduits dans l'appareil, ont éprouvé le contact du mercure. Ils sont loin de s’être pour cela chargés d’une quantité sensible de vapeur de ce métal. Il est néanmoins prudent d’absorber cette vapeur, pour éviter sa fâcheuse influence sur la végétation. À cet elfet un bâton de soufre, d'environ 20 grammes, a été placé à l'intérieur du récipient à culture; 1l était suspendu par un fil de platine à l’un des tubes existant dans ce récipient. Les plantes n’ont jamais paru souffrir de la pré- sence de vapeur mercurielle. Mais on pourrait craindre que le soufre, subissant une faible oxydation, ne consommät de l’oxy- gène gazeux. Afin d'être fixé sur ce point, on a pesé, au début et à lafin, le bâton de soufre. On a constaté que son poids avait varié demoins de 4msr,5 (une fois en plus, l’autre foisen moins). Le soufre a donc été sans action sensible sur le volume de l'oxygène. ÉCHANGES GAZEUX DES PLANTES ENTIÈRES. 31 D'après les résultats des différentes déterminations effec- tuées, il est facile de connaître, à la fin d’une expérience, la quantité totale de l'acide carbonique pris par les plantes et celle de l'oxygène qu'elles ont émis; on a le premier volume en retranchant de l'acide carbonique total introduit celui qu’on retrouve à la fin dans l'appareil, et le second en retranchant l'oxygène introduit de la somme obtenue en ajoutant celui qu’on retrouve finalement à l’état gazeux et celui que le cuivre a fixé. Mais une condition doit être satisfaite; c’est que le sol ne soit pas intervenu pour modifier la composition de l’atmosphère gazeuse en donnant, par combustion lente de sa matière orga- nique, de l'acide carbonique, et absorbant de l’oxygène. C'est pourquoi j'ai pris comme sol un sable quartzeux presqueabso- Jument exempt de matière organique. Dans chacune des expériences [ et If, on a mis en œuvre 2,500 grammes de ce sable. On y a mêlé intimement 2%,5 de car- bonate de chaux et 3:,5 de phosphate bicalcique, puis 350 c. c. d'une solution nutritive contenant des sulfates de potassium et de magnésium, une très pelite quantité de sulfate ferreux et de l'azotate de potassium. Avant l’addition de cette solution, on a prélevé sur le sable 100 grammes, qui ont été stérilisés par la chaleur et qu’on a, après l'introduction des graines, étendus sur le sol en une couche uniforme; cette précaution avait pour but d'empêcher la production des algues ou autres végétaux infé- rieurs à la surface du sol. En réalité, le sol n’a pas été tout à fait sans action sur l'atmosphère interne. Une recherche ultérieure (expérience IV) a montré que, pendant les six semaines qu'ont duré ces expé- riences, 1l avait dù fournir à très peu près 12 c. c. d'acide carbo- nique et faire disparaître autant d'oxygène; j'ai tenu compte, dans les chiffres donnés ci-après, de cette petite correc- tion. Les premières expériences faites (I et 1[) ont porté sur le cresson à larges feuilles et la houque laineuse. Voici les chiffres qui s'y rapportent. 1. Sable de Bonnevault, lavé à l'acide chlorhydrique, puis à l’eau distillée et chauffé vers 1000. Ce sable renferme à très peu près 99 0/0 de silice (débris de cristal de roche), un peu de fer, de chaux et des traces de magnésie. 32 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il ii Cresson à larges feuilles, Houque laineuse, semé Le 28 avril, semée le 28 avril, récolté le 14 juin. récoltée le 14 juin. Poids des grammes ele 43mer,7 Omer Azote gazeux mis en œuvre, 2.815 2.712500 GOMnirolIbReEPeLPACERe ARS TACCO MIN AE RER 4,546cc,0 } , Lu dégagé par le sol! A 126 0 1.3830c,8 A2cc,0 j .bb8cc, 0 EXC PR MARS NN TRES nee Re 219cc,3 570C,0 — disparu par le fait des plantes.. 1.171cc,5 1.501cc,0 O extrait à l’état gazeux... 1.142cc,0 971ce,4 | — fixé par le cuivre...... 1.32500,4 } 9,479c%,4 1,763cc,8 } 2,.747cc,2 — absorbé par le sol ..., 42cc,0 12cc,0 — introduit au début... 915cc,7 911cc,9 — apparu par le fait des plantes...... 1.56300,7 1.836cc,9 vol. CO? disparu # SRE TEE 0,75 0,82 vol. O apparu Les volumes 212,3 et 57%,0 d'acide carbonique extrait comprennent les petites quantités de 0,12 et 0,04 de gaz absorbées dans les analvses de l’atmosphère interne. Pareille- ment, les volumes 1,142%,0 et 974,4 d'oxygène extrait com- prennent 1°,96 et 1e°,50 perdus par la même cause. Comme conclusion des chiffres figurant dans le tableau qui précède, bornons-nous à constater, pour le moment, la diffé- rence existant entre l'acide carbonique disparu et l’oxygène apparu par le fait des plantes expérimentées au bout des six premières semaines de leur végétation; le volume du premier gaz a été très notablement inférieur à celui du second. Expériences III Er IV. J'ai fait une nouvelle recherche sur la Houque laineuse avec l'idée d’en tirer des résultats plus complets. J’ai adopté une disposition telle qu’on pût obtenir, non plus seulement à la fin, mais à un moment quelconque, le volume de l'acide carbonique disparu et celui de l’oxygène apparu par le fait de la végétation. J’ai dü, pour satisfaire à cette condition, renoncer à l'emploi du tube à cuivre, qui précédemment servait à absorber de temps en temps l'oxygène gazeux en excès. J'y ai renoncé pour diverses raisons, parmi lesquelles je citerai seule- ment la suivante. Le cuivre, même à froid, s’oxydait lente- ment et fixait aussi un peu d'acide carbonique; cette double ÉCHANGES GAZEUX DES PLANTES ENTIÈRES. 33 action faisait varier d'une manière indéterminée la composition de l'atmosphère interne, dont on ne pouvait plus dès lors appré- cier les variations dues à la seule influence des plantes. Mais, remarquons-le bien, cet inconvénient n'empêchait nullement une exacte évaluation, en fin d'expérience, des quantités de gaz cherchées, puisqu’alors, ainsi qu’il a été dit, l'oxy- | gène et l'acide carbonique retenus par le cuivre | étaient récupérés et dosés. L'appareil que j'ai employé consiste sim- = plement en un récipient de verre A, au fond si duquel se trouve le sol de culture et qui porte à : son extrémité supérieure un tube B, ci deux fois recourbé à ‘angle droit, s’é- dB largissanten GC et venant plonger dans D | le mercure d'une petite cuve pro- _, G D [II | f |E fonde D. Le bouchon de caoutchoucE 2) que traverse le tube B, est noyé dans B Qu mercure. Il laisse passer un second tube, G, servant à faire le vide et à introduire l'oxygène et l'azote. Ce tube est, pendant l'expérience, fermé par un | caoutchouc et un obturateur qui plon- le gent dans du mercure: lorsqu'on fait | le vide, au début et à la fin, on envoie de l’eau fraiche dans le manchon qui l'enveloppe, de manière qu’il serve de réfrigérant. La partie inférieure du $ récipient À occupe le milieu | . Le. d'un bassin F qui est rem- 00000 NW À EM, pli, lorsqu'on procède au vide, d’eau à 30° et, en temps ordinaire, de terre humide. Un bâton de soufre S est suspendu à l’entonnoir à longue queue H. Ce dernier sert à conduire dans l'intérieur du sol l’eau de condensation fournie par le réfrigérant GG: il évite que cette eau ne bouleverse dans sa chute la surface du sol; ce qui, lorsqu'on fait le vide au début de l'expérience, détruirait l'effet attendu de la couche de sable calciné. L'acide carbonique s’introduit par la partie inférieure de C, au moyen du petit volumètre spécial employé pour le mesurer. 3 34 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les prises de gaz pour analyses se font également en C. Il faut être certain que ces prises représentent bien l'atmosphère con- tenue en A. Avant de prélever une prise, on commence donc par amener en C les gaz de À. Il suffit, pour y parvenir, d'élever la cuve D verticalement, de manière que C s'y enfonce compiète- ment, puis de l'abaisser et de renouveler deux ou trois fois cette manœuvre. Le volume du gaz ainsi appelé en C étant beaucoup plus grand que le volume du tube B, celui-ci se trouve entière- ment purgé des gaz qu'il renfermait et l’on peut prendre en C un échantillon fidèle de l’atmosphère de A. Dans la nouvelle disposition que j'indique, on n’absorbe plus d'oxygène au cours d’une expérience. On laisse la propor- tion de ce gaz s'élever peu à peu à mesure que la végétation se développe. Je craignais un peu qu’elle ne devint bientôt nuisible aux plantes; mais celles-ci ont paru jusqu’au dernier moment parfaitement portantes, bien que le taux d'oxygène ait atteint 42,5 0/0. Puisqu'on n’absorbe pas l'oxygène produit et qu’on ajoute de temps à autre de l'acide carbonique, la pression totale des gaz à l’intérieur de l'appareil doit augmenter progres- sivement. Aussi faut-il, pour éviter toute sortie de gaz au dehors, commencer l'expérience avec une pression assez faible. Cette pression a crû 1ci de 55 à 70 centimètres de mercure environ. Elle a toujours été, comme on voit, inférieure à la pression externe, condition qu'il est nécessaire d'observer si l'on veut être absolument certain d’éviter toute fuite par les joints. L’azote gazeux mis en œuvre est mesuré avec précision, de même que l'oxygène et l'acide carbonique introduits au début ou en cours d'expérience. Comme il ne varie pas (on le vérifie finalement), il fournit une base très utile pour le calcul des quantités d'oxygène et d'acide carbonique qu'on veut avoir. En effet, l'analyse de l'atmosphère interne indique la propor- tion centésimale de chacun des trois gaz. Le volume de l'azote gazeux étant connu, on en déduit celui de l'oxygène et celui de l’acide carbonique existant dans l'appareil au moment du prélèvement de l'échantillon analysé et, par suite, le volume de chacun de ces deux gaz apparu ou disparu depuis le commen- cement de l’expérience. Comme sol, j'ai employé 2 kilogrammes du mème sable ÉCHANGES GAZEUX DES PLANTES ENTIÈRES. 35 quartzeux que précédemment. Je n'y ai point, cette fois, ajouté de carbonate de chaux. Ce sol entraîne, en effet, une complication pour l'extraction finale du gaz carbonique, parce qu'il donne du bicarbonate qui, pour être entièrement décomposé, exige le maintien prolongé du vide ! Au sable ont été ajoutés 350c d’une solution contenant par litre : Sulfate de calcium... 1... Ogr3 Azotate de potassiun........... 12r,500 (exactement pesé, soit 08r,0728 d’azote dans 350cc); Phosphate bicalcique....... . 02,5 (dissous ou en suspension); Sulfate de magnésium Le Ogr,3 : Sesquioxyde de fer............. Osr,020 à Ogr,025 (à l’état d’hydrate en suspension). Pour mesurer exactement l'influence du sol dans les varia- tions de la composition de l’atmosphère interne, j'ai institué une expérience iémoin (expérience IV), disposée el exécutée comme celle qui vient d’être décrite, avec les mêmes poids de sable et de sels et un volume de gaz moindre pour qu’il se mesuräi mieux, mais sans culture. L'expérience a duré du 21 juillet au 6 octobre. L'examen des gaz, fait au début et à la fin, a appris que, pendant ce temps, le sol avait absorhé 1£c. ce. d'oxygène et dégagé à très peu près autant d'acide carbo- nique *; l’azote gazeux n’a pas varié sensiblement (azote initial 624cc,2, azote final 626.1 ; différence 1°°,9); du moins, la variation a été de l’ordre des erreurs permises, étant donné surtout qu’on a eu à faire non pas seulement des mesures volu- métriques, mais aussi l’analyse eudiométrique des gaz extraits finalement. Les plantes obtenues ont été de très belle apparence. Les parties aériennes étaient bien vertes, sans une feuille flétrie ou décolorée : elles ont atteint de 22 à 35 centimètres de hauteur au- dessus du sol. 1 Bien qu'on n’ait pas ajouté, comme dans les expériences I et IT, du carbo- pate de chaux, on a rencontré, à un bien moindre degré, il est vrai, la difficulté qui vient d’être signalée, par suite de la formation du bicarbonate fourni par Paction de lacide carbonique sur le phosphate bicalcique. 2, À supposer que le caoutchouc du bouchon E ait agi sur la composition de l'atmosphère, par exemple en absorbant des traces d'oxygène, ou encore que le mercure contenu en C ait fixé quelque peu du même gaz, ces actions ont été vraisemblablement les mêmes pour les expériences III et TV, les deux appareils étaient identiques ; leurs effets sont compris dans les 14 c. c. dont il s’agit et corrigés plus bas en même temps que l’action du sol lui-même, 96 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Le tableau suivant présente les données et les résultats numé- riques de l’expérience II. III Houque laineuse, semce le 7 juillet, récoltée le 6 septembre. Poids des graines.....,... ETS # 20mer Azote gazeux mis en œuvre... 3.995cc COZMNITOUNIE MEME RER CE Lo cr leo ADCE US) e —Idépasé parle SOL. PR AN RE 14ce,0 | LbS1£e0 —NEX (TANT. LAINE A NT RE AN PRE a er #2 23cc,6 — disparu par le fait des plantes. ................ 1.527cc,4 ONEXITAIR EE RPC PORT RENE ce AAC OS CCE ARS — absorbé par lesol Are Atce,0 2.909ce,1 a CNTOQUT AU TE DU EPP E EEE PERS ASE RER A .174cc,9 — apparu parle faltfdesiplantes Tree PTS 4L0,9 18 août 18 août 26 août 4er septembre 6 septembre vol. CO? disparu : pa — 0,87 0,88 0,88 0,91 0,89 vol, O apparu Je présenterai, relativement à ces chiffres, quelques explica- tions. Les 1,540cc,0 d'acide carbonique introduit ont compris 9 vo- lumes variant de 164,52 à 176c,59. On a tiré les 11 c. c. d'acide carbonique et d'oxygène, corres- pondant à l’action du sol, des résultats de l'expérience témoin IV, en ayant égard à la différence des durées des deux expériences. Les volumes d’acide carbonique et d'oxygène extraits ont été obtenus, comme on l’a indiqué déjà, par la mesure du total des gaz retirés de l'appareil et par l'analyse de leur mélange. Les gaz ont été mesurés en plusieurs fois dans le même volu- mètre qui avait été employé au début de l'expérience. Chaque portion mesurée a été l’objet d’une analyse eudiométrique à laquelle on a apporté les plus grands soins. Ces analyses n'ont jamais fait reconnaître la présence, en proportion appréciable, de gaz combustibles. Comme vérilication des mesures et apa- lyses, on a retrouvé finalement l’azote gazeux mis en œuvre dans les limites des erreurs admises (4 ou 5 c. c., le volume total des gaz extraits étant de près de 7 litres). Les volumes d'acide carbonique et d'oxygène extraits, 23c,6 et 2,898c,1, comprennent, comme plus haut, les petites quan- tités de ces gaz absorbées dans les analyses de l'atmosphère interne, soit respectivement 0,01 et 2°°,40. ÉCHANGES GAZEUX DES PLANTES ENTIÈRES. 37 J'ai fait l'analyse élémentaire des plantes récoltées. Les plantes entières se composaient, en réalité, de trois por- tions : 1° Les parties vertes, coupées à un demi-centimètre au- dessus du sol, parfaitement exemptes de sable et pesant, après dessiccation, 1:,834; 2 Les racines, qu’on avait séparées du sol avec le plus de soin possible, mais qui contenaient néanmoins une forte pro- portion de sable ; défalcation faite de ce sable, elles pesaient à l’état sec 0:r,1924 : ; 3 Les débris végétaux, très petits, restés dans le sol. Quant à ces débris, on en a seulement déterminé le carbone; on l’a obtenu en dosant cet élément à la fin des expériences dans le sable de IIT (expérience avec culture) et dans le sable de IV (expérience témoin), et retranchant le second résultat du pre- mier. On a supposé aux débris la même composition qu'aux racines, hypothèse qui, si elle n’est pas tout à fait exacte, ne saurait entrainer une erreur sensible pour l’ensemble des plantes, vu la proportion des matières. D’après cela on a calculé, par le poids de carbone, le poids de chaque élément et le poids total (05,090) des débris. Les poids de carbone, hydrogène, azote, cendres et oxygène donnés ci-après pour la composition des plantes entières, repré- sentent la somme des trois portions qui viennent d’être indiquées. Composition des plantes entières de houque laineuse. Garonne eR UN tre EE O SRE AE CE ESS Ogr,827 39,0 Hy ATOS NE PRE AE EN ARE TE 0gr,106 5,0 AZOTORE EE AN Eu RS RAT PR EE 03r,060 9,9 Gendres rs Rene Most: SE TUE ADS gr,421 49,9 Oxyoene (DARNONIEreNCE) ME ACER CRE CC ET 037,704 39,2 Plantes entières sèches............. RE PE 9gr, 118 100,0 On a dosé l’acide carbonique contenu dans les cendres: il n'y en avait qu'une proportion très faible, correspondant à 2 mer. de carbone. Dans le poids de carbone de 827 mgr., ces 2 mgr. sont compris. Le poids de 421 mgr. représente, au con- traire, les cendres sans leur acide carbonique. 1. Les parties vertes et les racines ont été desséchées immédiatement après leur sortie de l'appareil. Il importait, en effet, qu’elles ne pussent continuer à assimiler du carbone ou à respirer, ce qui aurait modifié leur composition. 38 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. J'ai vérifié les résultats obtenus relativement au carbone et à l'azote, en établissant ce qu'on peut appeler le bilan de chacun de ces deux éléments. BILAN DU CARBONE DE L'EXPÉRIENCE III Carbone mis en œuvre. DANS IC ISOLER RE TR EEE 2580 LOIR ve æ 58mgr 1 Dans les A TaInes PRET AMP RER ERA EPA RL RE TR 8mgr, 0 Introduits dans les 1.540cc,0 d’acide carbonique...... S26mgr,0 892mgr 1 Carbone retrouvé finalement DARSSIE OL PRES SR AE PE ARE SUR ANT 88mgr,7 Dans Hes:plantés PCT REA OL MM TER EMI 788mgr,5 Dans les 23cc,6 d’acide carbonique extrait. .......... 19mgr,7 SS9mar,9 Les 78827, 5 ci-dessus correspondent seulement aux parties vertes et aux racines, c’est-à-dire aux deux premières des trois portions citées plus haut comme composant les plantes entières ; ils ne comprennent pas le carbone des débris que le sol a gardés, carbone déjà compté dans les 88", 7 du sol. BILAN DE L’AZOTE DE L'EXPÉRIENCE III Azole au debut. Dans le sol additionné de solution nutritive... ........ 67mgr,2 Dans Ales PeTAnes ECC RARE UNE re AE EE Omer, GTmgr,7 DABETE SOLAR Der IRL PERS APR AR AT QE ES RE Jmer,9 Danses iniantentess Meet ee EE LR RE De 59mer,3 69mgr, 2 | Les 59°%,3 correspondent aux parties vertes et aux racines, sans les débris laissés dans le sol, lesquels sont compris dans le chiffre de 96,9. Ainsi, on retrouve à la fin, dans les limites d'erreur permises, le carbone et l'azote mis en œuvre. Les vérifications sont tout à fait salisfaisantes. CoNcLUSIONS. 1° Le rapport R du volume de l’acide carbonique disparu à celui de l'oxygène apparu par le fait des plantes examinées ÉCHANGES GAZEUX DES PLANTES ENTIÈRES. 39 pendant les six ou huit premières semaines de leur végétation, a été trouvé notablement inférieur à l'unité ". On pourrait reprocher à l'expérience [IT d’avoir comporté des tensions anormales d'oxygène (jusqu'à 42, 5 0/0). Mais elle a donné un résultat du mème ordre que l'expérience IT, où la proportion d'oxygène a été entretenue au voisinage de 20 0/0. Et, de plus, les expériences de Boussingault, de MM. Dehérain et Maquenne, de MM. Bonnier et Mangin, ont fait voir que les rapports r = %#%°" pour l'assimilation du carbone et r' = 22m O0 apparu O disparu pour la respiration étaient, dans des limites très étendues, indé- pendantsde la pression desgazcarboniqueet oxygène. Il est donc à penser qu'ici notre rapport R, sorte de résultante de r et r', n’a pas été sensiblement altéré par la présence d’un excès d'oxygène. 2° Dans l'expérience IE, le rapport R n'a pas notablement varié au cours de la végétalion. Je n’oserais donner ce résultat comme parfaitement établi; car il faut noter qu'au début de l'expérience la détermination de R se fait avec un degré d’exactitude laissant quelque peu à désirer, à cause de la petitesse des deux termes de la fraction. 3° [l entre dans la composition de la matière organique d'une plante entière (et en particulier de notre Houque) un poids d'hydrogène supérieur à celui qui, avec l'oxygène de cette matière, formerait de l’eau. Pour rendre compte de ce fait impor- tant, on a été conduit, comme on sait, à admettre que la plante élimine de l'oxygène sous une forme ou sous une autre, et MM. Dehéraiu et Maquenne, ayant trouvé que, dans la respira- tion, le rapport r' était fréquemment plus grand que l'unité, ont bien fait remarquer qu'il y avait là une cause de déperdition d'oxygène par départ d’une cerlaine quantité d'acide carbonique dont les deux éléments seraient fouruis par la plante même; mes expériences s'accordent avec cette manière de voir. En dehors de toute hypothèse sur le mode d'élimination de l'oxygène, elles permettent de constater le fait de cette élimination par des mesures directes. 4. Quant aux valeurs mêmes de R trouvées dans les expériences I et IL (0,75 et 0,82), elles sont peut-être entachées d’une légère erreur provenant de la difficulté qu’il y a eu à extraire absolument la totalité de l'acide carbonique hors de l'appareil, par suite de la formation d’une assez grande quantité de bicarbonate calcaire. 7 LA Au a nt Ch Des LS D 2e RS D Aer à € à lie 5 40 ANNA°ES DE L'INSTITUT PASTEUR. 4° La houque de l'expérience IIT à puisé de loxygène pour constituer sa substance organique, non pas seulement dans l’eau et les gaz acide carbonique et oxygène de l’atmosphère, suivant ce qu’on indique d'ordinaire, mais aussi, eten proportion impor- tante, dans les sels minéraux oxygénés qui ont pénétré par les racines. Cette conclusion ressort du tableau suivant, qui pré- sente le calcul, d’après les chiffres donnés plus haut, de la quan- üité d'oxygène gagnée par les plantes dans leurs rapports 1° avec l'eau et 2° avec l'atmosphère, et la comparaison de cette quantité avec le total de l’oxygène acquis pendant la végétation. 19 Hydrogène des plantes........... .. A06megr — des graines 1 — pris à l’eauparlesplantes. 4105mer Oxygène emprunté par les plantes A EAU PRE ee 105mer X 8 — 840 mer 20 Oxygène libre dégagé parles plantes., 1.734cc,9 — contenu dans l’acide carbo- nique absorbé par lJes DIANTES RER ATEN TR Re 1.527cc.4 — perdu par les plantes dans leurs rapports avec l’atmo- SPHÈRES UC Re LA 207mgr,5 — 2)7msr Oxygène gagné par les plantes dans leurs rapports avec | Heu AA EMOESDREE REP ELEC Re D43mer D'autre part, il y a dans les plantes : : 3e c es S Ame Oxygène total de la matière organique. 704mgr ) 154mer — provenant des graines T = acquis par les plantes en de- hors des graines 697mer 697mer La matière organique des plantes contenant 697 milligrammes d'oxygène acquis en dehors des graines et n’en tenant que 543 de ses rapports avec l’eau et l'atmosphère, il faut qu’elle ait pris 697 milligrammes — 543 milligrammes ou 154 milligrammes à une autre source. Cette source réside dans les sels oxygénés venant du sol, sulfates, phosphates et avant tout azotates. On a dit souvent que la plante verte était un appareil réducteur. Elle apparaît nettement 1c1 sous cet aspect. 5° Des expériences telles que notre expérience IT, fondées à ja fois sur la mesure et l'analyse des gaz au sein desquels les plantes ont vécu et sur la détermination de la composition de ces plantes, semblent devoir fournir de très précieux renseigne- ments pour l'étude de la synthèse végétale. DE LA FORMATION D'ALDÉHYDE DANS LA FERMENTATION ALCOOLIQUE Par M. ROESER Pharmacien-major de 2e classe. ————— —————— En 1854, M. Magnes-Lahens signalait la présence de l’aldé- hyde dans le vin et l’eau-de-vie. MM. Maumené, Bouchardat, I. Pierre, Ordonneau, Claudon et Morin, confirmaient ce résultat soitpourle vin, soitpourdeseaux-de-vieauthentiques. MM. Gayon, Martinand, Riche et Bardy, Mohler, Claudon et Morin, retrou- vaient et dosaient l’aldéhyde dans les produits de tête de recti- fication d'’alcools de fermentations industrielles (betteraves, grains ou autres matières sucrées ou amylacées). MM. Schutzen- berger et Destrem étendaient cette production d’aldéhyde à toute fermentation alcoolique faite à l'abri de l'air avec de la levure lavée. Toutes ces fermentations n’élaient pas, il est vrai, à l'abri de contaminations el de fermentations secondaires, et ne pouvaient être considérées comme faites avec des levures absolument pures. Se plaçant dans ces dernières conditions, M. Duclaux trouvait de l’aldéhyde dans la fermentation alcoo- lique du lactose. MM. Linossier et Roux observaient le même résultat dans la fermentation alcoolique du glucose sous l'in- fluence de la forme levure du champignon du muguet, levure d’ailleurs fort peu active comme ferment alcoolique. Il pouvait donc être intéressant, aujourd’hui surtout, où on a, pour déceler l'aldéhyde, des réactions très sensibles, de recher- cher si ce corps est un produit constant de la fermentation alcoolique, d'en doser les quantités, d'examiner quelques facteurs qui peuvent faire varier ces quantités, et d'essayer d'en expliquer l'origine. 42 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous dirons un mot, en commençant, sur les procédés de recherche et de dosages des aldéhydes, surtout de l’aldéhyde éthylique et de ses homologues. Le plus sensible, et celui auquel nous nous sommes arrêté, est le procédé colorimétrique de Schiff, basé sur la coloration violacée que prend une solution de fuchsine décolorée par l'acide sulfureux. Nous avons suivi, pour préparer cette solution, la formule de M. Gayon. Les dosages ont été effectués dans des tubes à essais étroits et calibrés à 10 c. c., dans lesquels le liquide de distilla- tion, où il s'agissait de doser l’aldéhyde, était mis en compa- raison avec d’autres liquides contenant des doses connues et graduellement croissantes d’aldéhyde. Le volume était de 10 €. c. pour toutes ces liqueurs, et le titre alcoolique était amené à être le même partout à l’aide de petites quantités d'alcool absolu ne donnant qu’une teinte à peine sensible avec le réactif. Dans chaque tube, nous ajoutions 0 ce. c. 50 de la solution de fuchsine ; nous avions ainsi, au bout de 15 minutes environ, une échelle colorimétrique permettant de conclure à la teneur en aldéhyde. L'emploi d'un colorimètre eût peut-être donné un peu plus d’exactitude à nos résultats : tels qu'ils sont, ils restent comparables entre eux. Nous avons souvent contrôlé la présence de l’aldéhyde par le procédé colorimétrique d'Ebrlich au diazobenzosulfonate de sodium. La préparation de ce sel est longue et délicate : sa solution s’altère rapidement. Nous l’obtenions facilement au fur et à mesure des besoins en mettant, dans le tube à essai contenant l'aldéhyde, 3 à 4 gouttes d’une solution d’acide sulfa- nilique à 1 0/0, autant de gouttes d’une solution récente d’azotate de sodium à 1/500, plus une goutte d'acide chlorhydrique. Après agitation et contact de quelques minutes, l'addition de quelques gouttes d’une solution de soude caustique à 1/10 fai- sait apparaître à la longue la coloration rose violacée. Le procédé est plus long et moins sensible que le précédent. Quant aux autres procédés basés, soit sur l'emploi du chlorhydrate de méta-phénylène-diamine (Vindisch), soit sur la réduction du nitrate d'argent ammoniacal, ils sont encore moins sensibles. ALDÉHYDE DANS LA FERMENTATION ALCOOLIQUE. 43 Si l’aldéhyde est un produit constant de la fermentation alcoolique, on doit en trouver dans des produits courants de fermentation, les vins par exemple ; on doit en trouver aussi dans les fermentations provoquées dans des conditions diverses, mais surtout indemnes de tout germe étranger. Sur 30 échantillons de vins, examinés sous ce rapport, j'ai trouvé partout une quantité appréciable d’aldéhyde : 25 étaient des vins de coupages commerciaux et contenaient 0f',010 à 05,040 d'aldéhyde par litre, leur titre alcoolique oscillant de 109 5 à 11° 5; 5 autres échantillons renfermaient les doses suivantes d’aldéhyde par litre : Aldéhyde par litre. MinsSIACRAnVLTONS TE NPATIS MEME EMMA ER NE ETENE ü3r,160 DRATEINE RS PR ARR Lier Le RE en Re) moins de 0gr,001 BARS QUAI) RO AIN UE = Osr,001 CAMES OT AE A RL PLE ERA DT AURAS re ARTE usr,100 De re sas de ee pete A réneçe I pet 0sr,020 31 fermentations faites au laboratoire, soit avec de petites quantités de raisin (250 à 3005) écrasé dans des cristaliisoirs de verre, soit avec des marcs de pressurage de moûts, délayés dans de l’eau, largement ensemencés avec des cultures pures de levures, ont donné des quantités d’aldéhyde variant de 0%,010 à 05", 170 par litre. 11 fermentations pures ont été faites de même, au laboratoire, dans des moûts de raisin filtrés au papier et stérilisés à l’auto- clave, ou filtrés à la bougie Chamberland. Ces moûüts stériles, répartis en petite quantité dans des ballons, placés dans des conditions variées qui seront examinées plus loin, ont été ense- mencés avec des cultures pures de diverses races de levures. Toutes ces fermentations ont donné comme produits, à côté de l'alcool, des quantités très variables d’aldéhyde, même dans les cas où le milieu se prètait peu au développement des levures, et où la fermentation ne tardait pas à s'arrêter, après une faible production d’alcool, comme cela est arrivé avec des moûts de raisin Muscat. Comme les moûts de raisin renferment, à côté des matières 44 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sucrées, d’autres matières complexes, auxquelles on pouvait rapporter la formation d’aldéhyde, il devenait nécessaire de chercher si l’aldéhyde se retrouvait dans les fermentations de glucose dans des milieux artificiels, pauvres en matières orga- niques, et ne contenant l’azote qu’à l’état de sel ammoniacal. Ces milieux ont été l’eau de levure à 10/100 et le liquide de M. Laurent', additionnés de glucose. Les levures se sont facile- ment développées après 3 passages dans le premier milieu; il n’en a pas été de même pour le second; au 5° passage, la levure de Champagne et le Saccharomyces Pastorianus donnaient seuls des cultures peu abondantes, ayant fait disparaitre la presque totalité d’une petite quantité de glucose. Dans ces milieux artificiels, 42 fermentations ont été provo- quées par les mêmes levures que ci-dessus. Nous y avons toujours trouvé plus ou moins d’aldéhyde. L'ensemble de ces résultats, portant sur des analyses de vin ou de produits de fermentation, soit de moût de raisin, soit de glucose, exemptes de tout germe étranger aux levures, confirme le fait de la formation de petites quantités d'aldéhyde dans les fermentations alcooliques effectuées par ces levures. Il La quantité d’aldéhyde, produite dans ces fermentations, est toujours petite, mais elle est aussi variable. Quelle est dans ces variations la part de la race de levure et quelle est celle du milieu ? Pour étudier cette question, nous avons ensemencé, dans des moûts de raisin variés et dans de l’eau de levure sucrée, diverses races de levure que je dois à l’obligeance de MM. Fern- bach, Kayser et Rietsch. Ce sont des levures de : Champagne, Santenay, Vougeot, Thann, Saint-Émilion, Jurançon, Tokay, Algérienne, Lactose, Pale-ale et le Sacc. Pastorianus. Le tableau suivant résume mes résultats. Les quantités d’aldéhyde indi- quées dans les six dernières colonnes sont exprimées en milli- grammes par litre. 1, Annales de l'Institut Pasteur, t. LI. DURÉE ET TEMPÉRATURE = Se É 2 Z z 8 NATURE DES MOUTS. de la UNE INSEE Ca À En 5 FERMENTATION, I. Raisin blanc....... > jour s à 20° 470 | 1440 | 435 | 1435 » » IT. Raisin noirenvirons He PATIS Re re 5 — 45°-170| » 4160 | 040 | 035 » » III. Raisin noir environs JePars sn a 1% — 150-170] 072 | 170 | 040 | 058 » » IV. Raisin blanc chas- SOL SEURERE aires 44 — 150-170! 410 » » » 090 | 0101 M. Raïsin noir 2... 15 — 15-47! 055 | 050 | 030 | 040 | 095 | 028 VI. Raisin blanc chas- SIRET ESC ES 4% — 14A50-17°| 038 » » 080 | 050 » VII. Eau de levure 10/100| 8 — 9250 055 | 060 » 035 | 120 » VIII. Liquide Laurent ...| 12 — 250 0201 » » » | 040 1. Fermentation incomplète, il reste une grande quantité de glucose. 2. Moût très acide. Acidité en SH?04 10.878 par litre. I! restait dans la fermentation des trois derniers moûts, IV, V et VI, de notables quantités de glucose. Pour l’eau de levure VIL, qui contenait 6,66 0/0 de glucose, les levures avaient subi trois passages dans le milieu, pour s'y acclimater, et cinq pas- sages pour le liquide VII de M. Laurent, glucosé à 2,50 0/0; toutes ces fermentations out été faites dans des matras Pasteur. De l'examen de ces résultats, il ressort que la quantité d’al- déhyde varie d’une façon très notable pour un même moût d'une race de levure à l’autre, et, pour une même race, d’un moûl à l’autre. Il y a donc là tout à la fois question de semence et question de terrain. Parmi les circonstances qui peuvent influer sur la formation de l’aldéhyde, la question d'aération pouvait être considérée comme un des facteurs les plus importants, d'autant plus que MM. Schutzenberger et Destrem rapportaient cette formation à la fermentation effectuée à l'abri de l'air par de la levure lavée. Nous avons donc provoqué des fermentations dans les ballons à deux tubulures, largement aérés, employés par M. Fern- bach, et dans lesquels le liquide est en large surface sur une 46 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. faible épaisseur, dans des matras Pasteur et dans des matras scellés où nous avions fait le vide; ces derniers étaient ouverts de temps à autre, de façon à diminuer la pression due au déga- gement d'acide carbonique. Dans les résultats résumés au tableau qui suit, nous avons introdait un nouvel élément, le poids de levure obtenue. Les quantités d’aldéhyde sont toujours des milligrammes par litre, oo : ; CULTURES DURÉE ET TEMPÉRATURE = RACES PA te er DANS LE VIDE NATURE DES MILIEUX. de la | —— Re TRRe Poids de | Quantité | Poids de | Quantité FERMENTATION. CAES levure |d'aldéhyde| levure |d'aldéhyde obtenue. |pour 1000 | obtenue. |pour 1000 | PRES En RES | Ogr Ogr Champagne 083 110 » 050 IX Moût de raisin À . : Santenay ; 180 035 040 DOI PEL R IE 11-15 jours 25° $ Pasteurianus.| 069 115 028 050 : de | Voug 060 | 3 046 | 080 X Moùt de raisin À MOTS : pol à NOIRE 2e cr 11-15 jours 25°{ Jurançon 064 060 » » Champagne 060 170 025 050 XI Moût de raisin dr | Jurançon 075 | 120 | 043 | 010 Diancéee" 2e 11-15 jours 25°! | Thann o19 | 9240 | 037 | 030 |! Champagne 404 | 490 | 057 | 040 Santenay 090 | 220 | 025 | 040 | Jurançon 086 160 015 | 060 XII Moût de raisin / D'OITÉPRE RE ALE [49-45 jours 25°, Tokay 13 060 045 030 St-Émilion 118 | 9260 | 022 | 080 | Aloérienne 102 | 070 | 025 | 030 | Champagne 055 | 4140 | 021 | 030 $ Santenay 048 | 9280 | 030 | 050 XIIT Eau de levure à 10/1400, gluco- / Jurançon 040 150 021 030 sée à 14/100..112-45 jours25° ; St-Emilion 048 | ! 280 030 050 | Algérienne 066 090 037 050 Pasteurianus.| 03 220 031 |T 030 XIV Eau de levure Vougeot 07 040 | 044 030 à 10/4100, glu- 2 A VE | glu- Thann 042 | 150 | 030 | 020 Tokay 059 » 027 050 Lactose 039 280 031 050 RE ALDÉHYDE DANS LA FERMENTATION ALCOOLIQUE. 47 Contrairement à l’opinion de MM. Schutzenberger et Des- trem, c’est donc dans les cutures anaérobies qu'il y a le moins d'aldéhyde, et dans les matras Pasteur qu’elle est au maximum. Les cultures en matras Fernbach ne figurent pas dans ce tableau ; le poids de levure y était supérieur à ce qu'il était dans les matras Pasteur. La teneur en aldéhyde y était généralement élevée et toujours supérieure à celle des cultures dans le vide; mais elle ne pouvait entrer en ligne de compte : une grande quantité d'aidéhyde avait pu s'évaporer. En comparant, dans le tableau, le poids de levure et la quantité d’aldéhyde formée, on trouve entre ces deux facteurs une certaine relation. Il sembie que la cellule levure, en évo- luant, oxyde une petite portion de l'alcool produit et le trans- forme en aldéhyde, et que cette faculté ne soit pas au même niveau chez toutes, car nous retrouvons là encore, pour un même milieu, une question de races pour les levures. Pour appuyer cette explication, on pouvait essayer de reproduire l'expérience de MM. Linossier et Roux : supprimer à la levure le sucre comme aliment ternaire et le remplacer par l'alcool. Le milieu a été l’eau de levure additionnée de petites quantités d'alcool. Les diverses races, déjà acclimatées dans l’eau de levure, l'ont été dans ce milieu par trois passages. Elles ne se sont pas toutes prètées à cette nouvelle adaptation, et même pour celles qui se sont développées d’une façon appré- ciable, les quantités de levure étaient trop faibles pour être recueillies et pesées, même comparativement. Ces cultures ont été faites en matras Pasteur. oo DURÉE ET TEMPERATURE QUANTITÉ RACE DES LEVURES. de la ire emo : } d'alcool 0/0 | d'aldéhyde FERMENTATION, : en volume, | par litre. | l Champagne es 20 jours 45-170 4.2 120 VOUSED LE TRE 4,2 160 Saint-Émilion.......... 4.9 180 Bicériennes 7-4 4 050 Pale-ale...... ee E 4.9 050 Témoin laissé dans les mêmes conditions Traces à peine de temps et de température. .......... 4.6 sensibles. —————— —….….…"….". "| 48 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Nous n'avons pas fait figurer au tableau les cultures en matras Fernbach pour les mêmes raisons que ci-dessus; leur teneur en aldéhyde se rapprochait de celle en matras Pasteur; une levure ne s'y est pour ainsi dire pas développée, c’est celle de pale-ale. Dans les matras Pasteur, l'acidité du milieu avait notablement augmenté, celle du témoin était de 05,294 en SH°0* par litre, elle avait presque doublé pour les trois premières levures. La levure peut donc se développer dans un milieu alcoolique sans trace de sucre, oxyder l'alcool et le transformer partielle- ment en aldéhyde. Les cultures ont été ici très languissantes, et on pourrait croire que l’aldéhyde est un produit de souffrance. Ceci n’est en désaccord avec aucun des faits rapportés dans ce travail; car, dans les fermentations les plus prospères, il y a toujours des cellules vieillies ou entourées de mauvaises conditions d'existence. Mais aucun fait n’étaye non plus cette opinion; c’est une question à étudier à part en même temps que l'influence de la température, qui n’est pas apparente dans les cas qui pré- cèdent, mais qui ne doit pas être nulle. Un point sur lequel nous appelons l'attention, c'est que certains produits de distillation de ces fermentations ont donné très nettement la coloration rose violacée de Legal avec le nitro- prussiate de soude; cette coloration coïncidait avec une teneur élevée en aldéhyde; elle n’était cependant pas constante là où existaient les plus fortes proportions d’aldéhyde, et semblait plutôt dépendre des races de levure. Est-ce un produit acéto- nique ? Nous opérions sur de trop faibles quantités pour essayer de nous en rendre compte. Nous n'avons jamais obtenu les réactions colorées du furfurol. Enfin, dans les tâtonnements pour trouver un milieu artificiel, nous avions essayé une solu- tion de peptone à 1/1000; dans cette solution, certaines levures ont immédiatement donné des spores; les autres s'y sont mal développées. LIT On peut rapporter le fait de la production de l’aldéhyde à plusieurs causes : A une oxydation äirecte de l'alcool par l’oxygène. Qu'il s’en forme dans ces conditions particulières, cela est fort possible, ALDÉHYDE DANS LA FERMENTATION ALCOOLIQUE. 49 l’aldéhyde de cette provenance ne fait que s'ajouter à celle existant du fait de la fermeutation; A la dislocation de la molécule sucrée, comme l’avançaient MM. Schutzenberger et Destrem, et au même titre que l’acide succinique et la glycérine de la fermentation alcoolique. L’al- déhyde provient-elle du sucre ou de l'alcool? L'alcool se pro- duisant en présence et aux dépens du sucre, la question semble difficile à résoudre. Nous avons pourtant, comme argument, l'expérience où nous avons observé une formation d’aldéhyde par la levure, dans des milieux où il y avait absence complète de glucose, remplacé par de l'alcool ; A l’action de la levure sur des substances organiques, autres que les sucres, qui se trouvent dans les moûts naturels et artifi- ciels. Pour l'alcool, nous rentrons dans le cas précédent. Pour les autres substances, nous pouvons nous reporter aux milieux artificiels, où n’entraient que des sels cristallisés et du glucose, et où 1l yavait formation d’aldéhyde. Nous ferons entrer tous ces faits dans un même ordre, peut-être provisoire, en nous repré- sentant la formation d’aldéhyde comme résultant de l’élabora- tion vitale de la cellule de levure, comme un produit de travail intérieur comparable à l'acide acétique et à la leucine. Dans les vins et eaux-de-vie, l’aldéhyde est généralement en petite quantité. Cela peut tenir aux oxydations qui se produisent dans le chapeau lors de la fermentation, à l’évaporation pendant l’encuvage et surtout le soutirage, aux combinaisons consécu- tives que l'alcool forme avec les acides pour donner les éthers, avec l’aldéhyde pour donner l’acétal, que l’on a signalé parmi les produits volatils du vin. Si l’on considère que l’aldéhyde, dans le tableau de MM. Du- jardin-Beaumetz et Audigé, arrive en première ligne comme pouvoir toxique (la dose moyenne, par kilo d'animal, étant de 4 à 1,25; celle de l’alcool butylique étant de 1,28, celle de l’al- cool amylique 1,10 à 1 50), l’on ne peut que se ranger à l’avis émis par M. Riche, lors de la longue discussion sur le vinage à l’Académie de Médecine : les eaux-de-vie peuvent être et sont dangereuses autant et plus que les alcools d'industrie; c’est d’ailleurs la conclusion tirée aussi par M. Mobhler des coefficients d'impureté des eaux-de-vie naturelles et artificielles. REVUES ET ANALYSES LA THÉORIE DES ALEXOCYTES REVUE CRITIQUE. HaxxiN. Sur l’origine et la présence des alexines dans l’organisme, Centralbl. für Bakteriol. T. XII, n° 22 et 23, pp. 777 et 809. — Hanxix et KANTHACK. Sur la fièvre produite par l’injection des cul- tures stérilisées de Vibrio Metchnikovi, Proceedings of the Cambridge Philosophcal Society, 1892, Mars, p. 311.— KanrHack. Leucocytose aiguë, provoquée par des produits bactériens, Brit. med. Journal. — Kanruack. Immunité, phagocytose et chimiotaxie, Zbid., p. 985. M. Hankin est entré dans une voie nouvelle dans l'étude de cette question si compliquée de l’immunité. Depuis plusieurs années il cher- chait un moyen de réconcilier la théorie cellulaire de l’immunité avec la théorie humorale en général, et les théories des phagocytes et du pouvoir bactéricide des humeurs en particulier. Ces tentatives Pont amené à formuler une théorie nouvelle qui peut être désignée sous le nom de « théorie des alexocytes ». Les alexocytes sont des cellules du sang, décrites par M. Ehrlich sous le nom de leucocytes éosinophiles. Ces éléments sécrètent des alexines, ou substances bactéricides qui se répandent dans le plasma sanguin et dans d'autres liquides de l'organisme. D’après M. Hankin, « les cellules de organisme luttent contre les microbes non seulement à l’aide de leur propriété phagocytaire; il existe encore d’autres cellules, caractérisées par la présence des granulations éosinophiles, qui sécrè- tent des substances bactéricides » (Centralbl., p. 824). La démonstration de cette conclusion résulte, pour M. Hankin, d’une série d'expériences, en partie fort compliquées, et tendant à prouver que le sang des lapins est d’autant plus bactéricide qu’il renferme plus de leucocytes éosino- philes. M. Hankin a cru avoir aussi établi que l'augmentation du pou- voir bactéricide du sang est surtout marquée lorsque les cellules éosi- nophiles se sont débarrassées d’un grand nombre de leurs granulations. L'étude du sang et du sérum des chiens et des rats n’ayant donné à ce point de vue que des résultats incertains, M. Hankin a concentré toute son attention sur les humeurs des lapins. Il s’est tellement fié à cette méthode d’expérimentation in vitro, qu'il n'a pas jugé à propos d'étudier les phénomènes qui se passent dans l’animal vivant. REVUES ET ANALYSES. 51 Il est vrai que dans une étude antérieure, faite en collaboration avec M. Kanthack, M. Hankin a abordé la question du rapport qui existerait entre les leucocytes du sang et le pouvoir bactéricide de ce liquide. D’après ces recherches, l'augmentation dans le nombre des leucocytes amènerait un renforcement de la propriété bactéricide du sang, quoique ce pouvoir ne se trouve pas en proportion directe avec le degré de la leucocytose. Mais il est évident que si l’on veut se faire une idée des éléments de la lutte de l’organisme contre les microbes, il faut avant tout ana- lyser les phénomènes qui l’accompagnent. Il est donc indispensable d’étudier les choses comme elles se passent dans les exsudats, provo- qués par les microbes. Cette question a été abordée par M. Kanthack'. Ce savant ne s'exprime pas d'une façon précise sur le rôle bactéricide des sécrétions éosinophiles et on n’a par conséquent pas le droit de confondre ses idées avec la théorie des alexocytes de M. Hankin; néanmoins les opinions des deux auteurs anglais présen- tent beaucoup d’analogie. Pour M. Kanthack ?, la lutte de l'organisme contre les microbes est surtout préparée parles celluleséosinophiles, c’est-à-dire par cette variété des leucocytes qui se distinguent par l’absence complète de propriété phagocytaire. Les microbes et les produits microbiens provoquent la leucocytose du sang, qui est suivie de la diapédèse inflammatoire. Mais cette réaction n’est accomplie que par les éléments non phagocytaires. Même le pus est presque exclusivement composé de cellules éosino- philes, incapables d’englober les microbes. Les phagocytes n'inter- viennent que plus tard, et terminent le combat qui a été commencé et conduit en dehors d’une action phagocytaire quelconque. Les cellules éosinophiles, constituant l'exsudat en général et le pus en particulier, agissent en détruisant les microbes. Le pus est un milieu très destruc- tif non seulement pour les microbes, mais même pour des corps beau- coup plus résistants. Les expériences qui servent de base à cette théorie ont été faites sur la grenouille et le lapin; mais M. Kanthack, dans ses publications, leur attribue uné importance générale. Il insiste sur ce que les phéno- mènes phagocytaires dépendent de l’action préalable des éléments éosinophiles, et reproche à plusieurs reprises aux auteurs qui se sont occupés de la p}l 1gocytose d’avoir ignoré les leucocytes éosinophiles, non phagocytaires. Commençons à répondre à ce dernier reproche, car il nous con- 1. La partie du mémoire de ce savant concernant la destruction des bactéries dans l'organisme de la grenouille sera discutée ailleurs. 2. Ses vues on été exposées dans le Journal des Conn. méd., 1892, pp..417, 425. »2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. duira à résumer les connaissances acquises sur le rôle des différentes variétés de leucocytes dans la lutte contre les microbes. Dans le résumé que nous avons donné dans nos Leçons sur la pathologie comparée de l'inflammation ‘, nous avons insisté sur ce fait que les leucocytes non éosinophiles, ou neutrophiles, qui constituent la grande majorité des globules blancs dans le sang et dans le pus, sont de vrais phagocytes, tandis que les cellules éosinophiles, quine représentent qu’une infime minorité des leucocytes, ne le sont pas. Ce résultat général était basé sur les recherches d’un grand nombre de savants, ainsi que sur des investigations personnelles. Dès les premiers travaux de M. Ehrlich et de ses élèves, il avait été établi que l'augmentation du nombre des leucocytes éosinophiles ne se manifeste que dans des cas exceptionnels. Voici comment M. Ehrlich résume ses observations dans un de ses premiers mémoires ? sur le sang, paru il y a plus de douze ans. « Dans toutesles leucocytoses aiguës, il n’y a augmentation que des formes mononucléaires et poly- nucléaires ; les cellules éosinophiles semblent tout au contraire dimi- nuées. » M. Schwarze * confirme, dans sa thèse, cette manière de voir et ajoute : « Nous n’avons pu constater d'augmentation de leucocytes éosinophiles ni dans les leucocytoses aiguës (p. ex. dans la fièvre récurrente), ni dans les leucocytoses chroniques (posthémorrhagiques). Le seul processus pathologique dans lequel les cellules renfermant des granulations éosinophiles soient notablement augmentées, c’est la leu- cémie. » Ceci est pour l’homme. Pour les animaux, une constatation ana- logue a été pour la première fois fournie par M. Ribbert #. Ge savant a démontré que dans la leucocytose et la diapédèse provoquées chez le lapin par l'injection des spores de champignons, ce sont seulement les leucocytes polynucléaires ordinaires, non éosinophiles, qui manifes- tent la réaction. Les recherches de ces dernières années, s'étendant à la leucocytose du sang et à la formation des exsudats, c’est-à-dire visant le début et la fin de la réaction leucocytaire, ont été très nombreuses. Je ne citerai que quelques exemples pour démontrer que cette voie d'investigation a été suivie avec succès avant les travaux de MM. Hankia et Kanthack. M. Fink° a examiné à ce point de vue le pus de l’homme dans diverses affections aiguës et chroniques. Son résultat général est que . Paris, Masson, 1892. . Zeitschrift für Klinische Medicin, 1880, p. 560. . Ueber eosinophile Zellen. Diss. Berlin, 1880. . Untergang pathogener Schimmelpilze im Kôrper. Bonn, 1887, p. 77. . Beitr. z. Kenntn. d, Eiters u. d. Sputums. Elberfeld, 1890. © à © RO REVUES ET ANALYSES, 53 « les cellules éosinophiles dans le pus sont comparativement rares » (p. 15). Sur 18 cas, étudiés par lui, 12 ont fourni un pus privé de cellules éosinophiles: dans d’autres il ne les a trouvées qu’en petit nombre. M. Fink, presque en même temps que MM. Gollasch et Ga- britchevsky, a fait cette constatation intéressante que les crachats des asthmatiques renferment beaucoup de leucocytes éosinopiles. Cette notion, que le pus de l'homme contient presque exclusive- ment des cellules neutrophiles, a passé dans les traités généraux‘, Le fait que, dans la leucocytose de homme, ce sont encore les cellules neutrophiles qui prédominent de beaucoup sur les autres espèces de leucocytes, a été, d’une façon générale, élabli par M. Rieder? dans sa monographie soigneuse de la leucocytose. Dans les recherches sur la leucocytose provoquée par linjection de la tuberculine, on a vu une augmentation du nombre de toutes les formes leucocytaires, mais ce sont surtout les neutrophiles qui pren- nent part à Ja leucocytose. Les éosinophiles ne présentent qu’une aug- mentalion de peu d'importance, n'atteignant même pas la limite nor- male (5-10 0/0 d’après Gollasch). D'après M. Tchistowitch® « la leucocytose aiguë (après tuber- culine) dépend surtout de l’augmentation du nombre des éléments polynucléaires, et souvent aussi de celui des leucocytes mononucléaires possédant un noyau lobé. Pour ce qui concerne les autres espèces de leucocytes *, leur nombre absolu augmente aussi dans laleucocytose très prononcée. D’autres fois ils restent sans changement notable et peuvent même diminuer ». M. Botkin5 a confirmé d’une façon géné- rale ces résultats; ce n’est que dans les cas où la réaction après la tuberculine était accompagnée d'éruption cutanée que le nombre des éosinophiles présentait une augmentation plus considérable. Toutes ces données, auxquelles on pourrait en ajouter d’autres, démontrent d’une façon très nette que les éosinophiles ne se rencon- trent en général qu'en très petit nombre dans les processus réaction- nels de l’organisme. Ce n’est que dans des cas tout à fait particuliers (leucémie, asthme bronchial, exanthèmes) que cette variété de leuco- cytes se présente avec une grande fréquence. Cette conclusion est corroborée par l'étude de la répartition des éosinopiles dans la série animale. Rares en général, ces cellules pré- sentent chez certaines espèces de vertébrés à sang froid un dévelop- pement considérable. Assez fréquentes chez la grenouille (surtout en . V. Limbeck. Grundr. d. Klin. Pathol. d. Blutes, 1892, p. 133. . Beitr. z. Kennt. d. Leucocytose, 1892, p. 200. . Berl. Klin. Woch., 1891, p. 838. . Entre autres les éosinophiles. . Deutsche med. Woch., 1892, p. 321. CE H O9 RO > D4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. hiver), elles le sont beaucoup plus chez les couleuvres, comme cela a été démontré par M. Saint-Hilaire dans mon laboratoire. Ainsi la rareté des cas de développement considérable des éosino- philes dans les maladies et chez les animaux, ne permet pas d’attri- buer à ces cellules un rôle d’une portée aussi générale que le veulent MM. Hankin et Kanthack. Il est vrai que ces savants s’appuient sou- vent sur l'exemple du lapin, chez lequel les vraies éosinophiles consti- tuent, d’après leurs recherches, la grande majorité des leucocytes. Ainsi M. Hankin (Centralbl., p. 781) affirme que le plus grand nombre des leucocytes du lapin qui apparaissent pendant la leucocytose sont des cellules éosinophiles d’'Ehrlich. Il faut cependant observer que déjà en 1880 il a été établi par MM. Ehrlich et Schwarze que le sang du lapin et du cobaye est très riche en leucocytes pseudo-éosinophiles, ou amphophiles, qui ne doivent point être confondus avec les vraies éosinophiles, et qui correspondent aux leucocytes neutrophiles de l'homme. Ces cellules amphophiles et polynucléaires, sont en même temps des phagocytes très accusés. Par contre les leucocytes éosinophiles sont très rares dans le sang des deux espèces de rongeurs mentionnées. Il est donc inexact d’affirmer que le pus de ces animaux soit constitué par des éléments éosinophiles, non phagocytaires. Cet exsudat, comme tant d’autres, est composé presque exclusivement par des phagocytes qui dans certains cas (homme) renferment des grains neutrophiles, dans d’autres (lapins, cobaye) des granulations pseu- do-éosinophiles, ouamphophiles. Chez beaucoup d'animaux, ces cellules ne paraissent point renfermer de granulations, ou bien celles-ci n'ont pu encore être révélées par nos méthodes de coloration. L'essentiel, ce n’est pas le genre de granulations, mais bien la propriété phagocytaire des globules de l’exsudat. Le résultat auquel nous conduit cet examen des faits acquis au sujet des granulations leucocytaires est tout à fait conforme avec celui qui découle de la recherche des phénomènes phagocytaires. Contrai- rement à l'affirmation de M. Kanthack, que la phagocytose ne débute que tardivement et à la suite d'une action préalable des éosinophiles, il est solidement établi que l’englobement des microbes par les phagocytes s'effectue avec une grande rapidité. Chez la grenouille, l'animal qui a servi aux recherches de M. Kanthack, les leucocytes renfermant des microbes ont été constatés par M. Trapeznikoff® (et je puis confirmer ses observations, faites dans mon laboratoire) déjà trois quarts d'heure après l'injection sous-cutanée. Chez le pigeon, M. Czaplewsky', (que l’on ne saurait accuser de sympathie pour la 4. Annales de l’Inst. Past., 1891, p. 367. 2. Zeits. chr. f. Hyg., 1892, p. 348. REVUES ET ANALYSES. D9 théorie des phagocytes) a vu des leucocytes renfermant des bactéridies une demi-heure après l’inoculation sous la peau. Trois heures après l'introduction de spores charbonneuses sous la peau de la poule, M. Trapeznikoff a observé une accumulation considérable de leuco- cytes, dont un grand nombre étaient remplis de spores. Bien plus vite s'effectue l’englobement dans les cas où le virus a été introduit directement dans le sang. M. Werigo' a vu que l’englobement par les phagocytes commence aussitôt après l'injection des microbes. Souvent on observe dans un exsudat encore séreux, développé à la suite d’une injection récente de bactéries, une masse de leucocytes chargés de microbes, et sans qu'il y ait de cellules éosinophiles, même en petit nombre. Comment admettre alors cette action préalable des sécrétions éosinophiles supposée par M. Kanthack? La constatation faite tant de fois?, que les microbes se développent avec une grande rapidité dans les exsudats retirés de l’organisme réfractaire et transportés dans une étuve, plaide aussi contre les théories de MM. Kanthack et Hankin. Ces exsudats, au moment de leur extraction de l'organisme, ne renferment que des microbes englo- bés par les leucocytes, ou bien contiennent une quantité inappréciable de bactéries libres. Ils devraient donc être remplis par les sécrétions éosinophiles bactéricides, et cependant, dès que les bactéries ne sont pas gênées par les phagocytes, elles se reproduisent dans les cellules et envahissent l’exsudat. Ce fait, comme tant d’autres qui ont été invoqués contre la théorie du pouvoir bactéricide des humeurs, prouve en même temps l’impos- sibilité d'accepter la théorie des alexocytes. De quelque côté que nous envisagions cette tentative d'expliquer les phénomènes de résistance de l’organisme contre les microbes, toujours nous nous heurtons à des difficultés insurmontables. Avant de rechercher les sources des alexines, il aurait fallu d’abord prouver l'existence réelle de ces corps et démontrer leur rôle dans l’immunité. Or, plus on a étudié et appro- fondi la question du pouvoir bactéricide des humeurs, plus on a dû se persuader qu'il est impuissant à expliquer les phénomènes de l’im- munité. Même dans les exemples les plus classiques de ce pouvoir bactéricide, on a constaté que l’immunité est due à une action cellu- laire. Il a été notamment prouvé que ce sont les phagocytes qui détruisent les bactéridies vivantes chez le rat blanc et les vibrions avicides vivants chez les cobayes vaccinés. Après cette critique générale, qui suffit à démontrer que les cellules éosinophiles sont loin de présenter la fréquence nécessaire pour expli- 4. Ces Annales, 1892, p. 505. 2. Ann. de l'Inst. Pasteur. 1891, p. 471; 1892, p. 303. 56 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. quer les phénomènes de la lutte de l'organisme contre les microbes, il est inutile d'entrer dans les détails du travail de M. Hankin. Il suffit du reste de comparer les expériences de cet auteur entre elles pour voir que les résultats qui en découlent sont dépourvus de la netteté et de la conformité indispensables dans une question si délicate. Le nombre des colonies qu’on peut tirer d’un même liquide de semence, quand on le sème sur des plaques de gélatine, est assez va- riable pour qu'on accueille avec une grande réserve les conclusions tirées de cette méthode de travail. Il est évident aussi qu'une théorie qui a la prétention d’avoir une portée générale, ne doit pas être basée sur l’étude d’une seule espèce animale, d'autant plus que le lapin, choisi par M. Hankin, se distingue par cette particularité que la grande majorité de ses phagocytes renferment des granulations pseudo- éosinophiles. Il est incontestable que la question du rôle et de l’origine des gra- nulations éosinophiles est très intéressante à plusieurs points de vue. Mais le manque de nos connaissances à ce sujet ne doit nullement faire obstacle à l'appréciation des phénomènes phagocytaires. Très répandus parmi les invertébrés complètement privés d'éléments éosi- nophiles, les phagocytes présentent une extension si générale qu'ils ne peuvent même pas de loin être comparés avec les cellules éosino- philes, si rares en général, et ne se développant abondamment que dans quelques cas isolés. L'étude du pouvoir bactéricide des humeurs parle de son côté contre l'hypothèse d’une sécrétion alexique des éosinophiles. Jai déjà fait observer à M. Hankin en 4891 (ces Annales, p.54) que toute théorie d’origine cellulaire des substances bactéricides des humeurs doit avant tout tenir compte de ce fait que l'humeur aqueuse, liquide dépourvu d'éléments cellulaires, possède une propriété bactéricide très prononcée. D'après tout ce que nous savons et sur l'humeur aqueuse et sur les cellules éosinophiles, nous n'avons pas le moindre droit d'admettre un rapport quelconque entre les deux. Après tout ce qui a été brièvement exposé dans cette revue, il ne reste qu'à conclure que la théorie des alexocytes, malgré son ingé- niosité, ne peut être admise ni comme prouvée, ni comme probable. EL. METCHNIKOFF. SUR LE MÉCANISME DE LA COAGULATION REVUE CRITIQUE Dans les travaux déjà nombreux qui ont porté sur les substances albuminoïdes et coagulables, iln’enestencoreaucun, à maconnaissance, où se trouve abordée d’une façon directe l’étude des causes du phé- nomène de la coagulation. Presque partout on l’a assimilé, en gros, au dépôt d’un sel dans une liqueur où il est devenu insoluble, et on s'est cru autorisé, par cette analogie, à considérer comme différentes les matières albuminoïdes qui se coagulaient dans des conditions dif- férentes, à des températures inégales, ou sous l'influence de divers réactifs, ou de doses inégales du même réactif. Des corps ainsi séparés, on s’est hâté de faire l’analyse élémentaire, oubliant que cette analyse ne peut avoir de signification précise que lorsqu'elle porte sur un corps déjà bien défini, dont elle donne la com- position. L'idée de chercher dans l’analyse élémentaire un complément d'information, un caractère distinctif qu’on ne trouvait pas ailleurs, cette idée, disons-nous, était d’autant plus fâcheuse que ces matières coagulables, on le savait, s’entraînent facilement les unes les autres en se déposant, et que par conséquent, rien ne garantissait d'avance Kho- mogénéité du produit obtenu. En fait, l'expérience s’est chargée d’aver- tir les savants de l'erreur commise, en donnant des compositions iden- tiques pour des précipités obtenus dans des conditions diverses, des compositions différentes pour des corps obtenus dans des conditions en apparence identiques. C'est du pur fétichisme que d’accorder, dans ces conditions, une créance quelconque à l’analyse. L'échec tenait à ce que la réaction de coagulation n’est pas une réaction définie. C’est ce que j’ai démontré d’une façon irréfutable, je crois, en me servant du sulfate de quinine. Les raisons qui ont paru suffisantes pour distinguer les matières albuminoïdes en nucléines, globulines, albumines, permettent avec tout autant ou tout aussi peu de raison de distinguer des sulfates d’albumoquinine, de globuloquinine, de nucléoquinine, etc., et on pourrait en dire autant pour d’autres sels d’alcaloïdes. Comme cela est manifestement impossible, ces raisons sont donc illusoires, et tout se trouve remis en question au sujet de la distinction des diverses matières albuminoïdes. Nous trouverons, dans D8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la suite de ce travail, un nouvel argument concluant dans le même sens. Tout ceci nous dit bien que la coagulation n’est pas un phénomène comparable à la précipitation du sulfate de baryte ou du chlorure d’ar- gent, ou même du phosphate ammoniaco-magnésien, bien que ces der- niers précipités ressemblent un peu à ceux des matières albuminoïdes. Mais où sont les différences ? A quoi la coagulation doit-elle son carac- tère spécial? Pourquoi est-elle à la fois un phénomène banal et très particulier, banal en ce qu'il peut être provoqué par les causes les plus diverses, particulier en ce sens qu’il ne se présente que dans cer- taines substances, lesquelles ne semblent pas pouvoir subsister sans le présenter! Voilà des points essentiels sur lesquels la science ne nous ditrien, ou ne nous fournit que des réponses vagues et contradictoires. La plus nette en apparence est celle qui voit dans la coagulation un phénomène de soudure moléculaire. On sait ou on croit savoir depuis longtemps que les matières .albuminoïdes ont un poids molécu- lairetrèsélevé, c’est-à-dire contiennent un très grand nombre d’atomes: on pense aussi, surtout depuis les travaux de Graham, qu’elles ont aussi une grosseur moléculaire considérable, c’est-à-dire que leurs molécules peuvent se souder de façon à former des complexes volu- mineux. C’est par la grosseur de la molécule des colloïdes que Graham expliquait comment ces substances ne passent pas par les pores des membranes organiques et ne sont pas dialysables. Mais cette idée n’était évidemment pas nette dans son esprit. La preuve c’est qu’il croyait que ces substances colloïdes pouvaient entrer en solution par- faite comme les sels. Comment comprendre dès lors que la grosseur des molécules fût différente dans une solution de gomme non dialy- sable et dans une solution de sel marin de même concentration. Pour que la grosseur des groupements d'une même quantité de matière fût beaucoup plus grande dans le cas de la gomme, il fallait évidemment que la matière fut autrement distribuée, et que l'homogénéité de la solution cessât d’être absolue, au moins dans l’un des liquides. Quoi qu’il en soit, cette soudure moléculaire une fois admise dans le liquide, on pouvait admettre qu’elle se continuait et produisait des groupements de plus en plus volumineux à mesure que le liquide se coagulait, de sorte qu’à pousser les choses à l'extrême, toute la caséine d’un lait formait une masse unique, résultant de la soudure de toutes les molécules, lorsque le lait s'était caillé. Toutefois, cette conception, très simple en apparence, n’expliquait pas tout le phénomène. Dans une solution saline qui cristallise, tous les éléments présents dans la liqueur se réunissent en masses de plus en plus volumineuses, et on peut, avec quelques précautions, assembler en REVUES ET ANALYSES. D9 un seul cristal régulier tout l’alun contenu dans une liqueur. Personne ne consentira pourtant à assimiler la coagulation et la cristallisation. Le mode d'union des éléments, de soudure si on veut, n'est pas le même. Les éléments d'un cristal se dissocient facilement et rentrent en solution : une matière coagulée est plus résistante, devient parfois tout à fait insoluble. La soudure qui en a réuni les particules semble être plus forte, et, de là à l’envisager comme un phénomène chi- mique, il n'y avait qu'un pas, facile à franchir avec nos idées actuelles. Il suffisait, par exemple, d'admettre que deux molécules se soudent, soil par leurs atomicités libres, si ce sont des chaines ouvertes, soit avec élimination d’une molécule d'eau, si ce sont des chaînes fermées. Et c’est ainsi que s’est constituée l’explication la plus généralement acceptée des phénomènes de coagulation. Je pourrais me dispenser de la discuter, car elle est restée jus- qu'iei purement hypothétique. Il n’est pas facile d’observer les effets du départ d’une molécule d'eau dans la soudure de deux molécules lorsque celles-ci sont déjà compliquées, à plus forte raison lorsque les deux groupements qui se soudent sont déjà des complexes molécu- laires. Mais je voudrais pourtant montrer que lorsqu'il s’agit des matières albuminoïdes ou plus généralement des corps colloïdes, tous les raisonnements dans le genre de celui qui précède sont viciés par une cause d'erreur, l'oubli de l’un des caractères principaux de ce même corps colloïdal sur lequel on raisonne. Pour le faire, je prendrai un exemple dans un travail, très intéres- sant du reste, de MM. Linder et Picton ‘ sur quelques hydrosulfures métalliques. MM. Linder et Picton ont observé que beaucoup de sul- fures métalliques, quelle que soit la façon de les préparer, retiennent obstinément un peu d'hydrogène sulfuré en excès, qui ne se laisse éliminer ni par les lavages ni par un courant d'hydrogène, ni même quelquefois par la chaleur. Au moins dans ce dernier cas, l'élimination de l'hydrogène sulfuré en excès est souvent lente. C’est ainsi que du sulfure de mercure sec, chauffé dans l'hydrogène sec, n'avait pas encore perdu tout son hydrogène sulfuré au bout de 17 heures. MM. Linder et Picton n’hésitèrent pas à considérer cet hydrogène sulfure, si obstinément retenu, comme combiné avec le sulfure métal- lique, toutes les fois au moins que la proportion conservée est cons- tante ou à peu près constante, et ils arrivent ainsi à admettre comme démontrée l’existence de composés dans lesquels, pour prendre l'exemple cité plus haut, il y aurait une molécule d'hydrogène sul- furé combinée avec 31 ou même 62 molécules de sulfure de mercure. Le lien de ces phénomènes avec ceux que nous étudions est évident. 1. Journal of Chem. Soc., février 1892, p. 144. 60 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le premier précipité obtenu est un sulfure (MS)’,H°S où n a une valeur relativement petite. Sous certaines influences, ce composé élimine de l'hydrogène sulfuré, comme les matières albuminoïdes en se coagulant éliminent de l’eau; on a ainsi un nouveau composé (MS)"‘,H#20, où n'est plus grand que n, et ainsi de suite. Avec le cuivre, l’hydrosulfure 7CuS,H?S passe, sous l’action des acides, par des états successifs exprimés plus ou moins approximativement par les formules 9CuS,HS, et 22CuS,HS, jusqu'à arriver finalement à la molécule composée de (CuS)” seule, où n est probablement plus grand que 22, résultat qui confirme les autres preuves du caractère com- plexe des sulfures... Avec le mercure, en supposant que le précipité soit un composé défini, la molécule (H4S)’ serait certainement com- posée d’au moins 62 molécules d'HyS. Notons que ces molécules complexes ont, comme l'ont très bien montré MM. Picton et Linder, quelques-unes au moins des principales propriétés des colloïdes, ne sont ni diffusibles ni diaiysables, sont coagulables soit par les acides, soit par les sels, soit par l'ébullition, donnent la réaction de Tyndall, etc. Voilà donc en action sous nos yeux, et accessible en apparence à l'expérience, un mécanisme de soudure moléculaire analogue à celui que nous avons admis tout à l'heure pour l'explication des phénomènes de coagulation. Mais l’objection est toujours la même : rien ne prouve que les hydrosulfures de MM. Linder et Picton soient des composés définis. Quand on les étudie sans idées préconçues, voici ce qu’on voit. Il y a des métaux, comme l’arsenic, avec lesquels il n’en est pas question. « Pour ce corps, après un grand nombre d'essais et l’emploi de méthodes variées, toutes les tentatives pour obtenir des résultats con- cordants ou définis ont dù être abandonnées » (/. c., p. 27). Pour le cuivre, au contraire, chaque mode de préparation a, pour ainsi dire, fourni son hydrosulfure, à composition à peu près constante. Entre ces deux extrêmes se placent les autres métaux étudiés. Là où la composi- tion était à peu près constante, il était toujours facile de trouver une formule chimique représentant à peu près les résultats. Quand on consent à mettre 62 molécules de sulfure de mercure dans une molé- cule d’hydrosulfure, le calcul peut serrer de près l’expérience : mais ce calcul, par lui-même, ne signifie rien si le corps auquel il s'applique n'est pas défini par ailleurs. | Le seul caractère signalé pour ces hydrosulfures, c'est qu’ils don- nent des résultats concordants à l’analyse, quandils sont préparés dans les mêmes conditions, et qu’ils sont ordinairement assez stables. Or, c'est là aussi le caractère de toutes les actions de teinture, de tous les phénomènes d'adhésion moléculaire. Là où les sulfures de MM. Linder REVUES ET ANALYSES. 61 et Picton sont colloïdaux, ils ont pu entrainer, en se précipitant, un peu de l'hydrogène sulfuré de la liqueur, contracter avec lui une union plus ou moins stable, mais qui diffère d’une combinaison véritable par son caractère mal défini, par la disproportion entre le poids du sulfure et le poids de l'hydrogène sulfuré, par la variabilité dans les propor- tions suivant les conditions de précipitation, bref, par tous les carac- tères que MM. Picton et Linder signalent avec soin dans leurs hydro- sulfures, et qu'ils s’attachent à oublier pour en faire ensuite des composés définis. Il est clair ici qu'il ne faut pas pousser les choses à l’extrème et voir partout des adhésions moléculaires. Il est sûr, pour ne pas sortir de notre sujet, que les métaux alcalins, par exemple, donnent des hydrosulfures bien définis. B’une manière générale, les adhésions moléculaires se rattachent par un bout de la chaîne aux actions chi- miques vraies, si par l’autre elles confinent aux simples mélanges physiques. Je ne demande donc pas qu’on voie partout des adhésions moléculaires, je voudrais seulement qu’on ne voie pas partout des combinaisons chimiques *. Concluons donc que rien ne nous autorise à voir dans la coagula- tion une série continue de condensations moléculaires. Cette concep- tion semble plus invraisemblable encore quand on l’applique au sulfate de quinine. Voici un sel cristallisé, défini, soluble dans l’eau. Sa 4. Uà exemple, qui nous ramène à l’objet de ce travail, va nous montrer nettement la différence des deux points de vue. Dans l’hémoglobine cristal- lisée, on trouve des quantités de fer un peu variables, mais qui oscillent autour du chiffre de 0,42 { dans l’hémoglobine de chien. En voulant faire entrer cette minime quantité de fer dans la molecule, Preyer s’est trouvé conduit à la formule empirique C900 H96° Az154 FeS2017. Le poids moléculaire est peut- être encore plus grand, mais il n’y a pas de formule plus simple dans laquelle entrent 0,42°/, de fer. Eh bien! je crois qu’on n’a pas le droit d'admettre, sans plus ample informé, que le fer, le soufre de l’hémoglobine, de même que celui des autres matières albuminoïdes, sont du fer, du soufre combinés, plutôt que du fer, du soufre, appartenant à une combinaison colloïdale ou non, entraînée par l’albu- mine, l’hémoglobine, qui, elles, sont des corps colloïdaux. Il y aurait alors adhésion moléculaire, non pas combinaison, et on s’expliquerait alors comment dans l’'hémoglobine du sang de chien, Hoppe-Seyler a pu trouver 0,39 e/, de soufre et 0,43 °/, de fer, tandis que Jacquet y trouvait 0,57 °/, de soufre et 0,33 °/, de fer; comment dans l'hémoglobine du cheval, Kossel a trouvé 0,65 ,/° de soufre et 0,47 °{, de fer, tandis que Zinoffsky y trouvait 0,39 0/, de soufre et 0,33 0}, de fer. De pareilles différences dans le sang d’une même espèce ont de quoi surprendre, surtout quand on songe à la modification énorme qui en résulte dans la formule de l’hémoglobine, quand on y veut faire entrer à toute force la quantité de fer constatée par l'expérience. C’est ainsi que pour Hufner, l’hémoglobine de sang de bœuf, qui contient 0,40 0}, de fer, doit être représentée par la formule C636 H1026 A7z164 FeS3 0181, En cherchant bien, on trouverait sûrement, en suivant ces erre- ments, que l’hémoglobine d’un animal qui digère a une formule tout à fait diffé- rente de celle d’un animal qui est en appétit, et que les tissus d’un être vivant varient aussi aisément que les images d’un kaléidoscope, en ce qui concerne l’ar- rangement de leurs molécules. EAN ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. solution, qui contient 2 grammes environ de sel par litre lorsqu'elle est saturée à la température ordinaire, est dialysable, et passe sans y rien laisser au travers des filtres de porcelaine. C’est donc une solution parfaite, dont les éléments salins auraient, d’après la théorie de la condensation moléculaire, un long chemin à parcourir pour passer de leur état de dilution à celui de complexes moléculaires se déposant sous forme de cristaux, et pourtant l’introduction de un ou deux millièmes de sulfate d’ammoniaque suffit à amener ce changement profond, et à déterminer ces soudures successives aboutissant à lappa- rition de cristaux visibles à l'œil nu. Ceux qui ont la foi peuvent ne pas trouver cela surprenant, mais les autres ont le droit de crier à l'invraisemblable. Il resterait, pour terminer, à envisager une autre théorie de la coagulation dans laquelle on admet que la substance qui se coagule ne le fait que parce qu’elle quitte une combinaison déjà faite, ou qu'elle entre dans une combinaison nouvelle. C’est ainsi, par exemple, que pour Hammarsten, la caséine du lait, qu’il considère comme soluble, se dédouble sous l'influence de la présure en coagulum insoluble et en protéine soluble. Pour MM. Arthus et Pagès, l'insolubilité du caséum résullerail d’une combinaison avec les sels de chaux. J’ai combattu ces deux théories dans mes travaux sur le lait; jy reviens encore dans ce numéro, et les ohjections que je leur ai faites peuvent s'appliquer à toutes les théories semblables; c’est qu'aucune d'elles n’est démon- trée par les faits qu’on cite à son appui. J'aurai du reste l’occasion de les retrouver quand j'étudierai prochainement la coagulation des trois matières albuminoïdes les mieux connues, l’albumine, la caséine et la fibrine. E. DucLAUx. PERSONNES MORTES DE RAGE. 63 INSTITUT PASTEUR Personnes mortes de rage après le traitement : ScxircH Louis, 32 ans, de Djdjelli (Algérie), mordu au poignet droit {5 morsures pénétrantes), le 22 août, par un chien que M. Dupuy, vétéri- aaire à Djidjelli, a reconnu enragé. Traité à l'Institut Pasteur du 28 août au 11 septembre; mort le 24 octobre. Le 2 octobre, à la suite d’une marche sous une pluie battante, Schirch avait été pris de fièvre et avait dû s’aliter. Les premiers symptômes rabiques sont apparus le 22. SCHERR ÉMILE, 35 ans, d'Oran, mordu le 9 octobre à la main droite (une morsure peu pénétrante), par un chien que M. Bremond, vétérinaire à Oran, a reconnu enragé. Traité à l’Institut Pasteur du 16 octobre au 30 octobre, mort le 9 décembre. D’ALMEinaA Joap-Joacxim, d’Aveiro (Portugal), mordu le 28 novembre (7 morsures pénétrantes situées sur la joue et sur la paupière gauche, cau- térisées à l'eau-forte un quart d'heure après), par un chien reconnu enragé à ses allures et à ses méfaits. (Lettre du consul de Portugal à Paris.) Traité à l’Institut Pasteur du 7 décembre au 27 décembre. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés dans le trajet de Paris à Bordeaux. L'enfant est mort le 30 décembre à l’hospice de Bordeaux. Personne prise de rage pendant le traitement : GUILLON AUGUSTINE, 17 ans, de Voiron (Isère); mordue le 13 décembre (deux morsures pénétrantes situées sur les deux faces de la lèvre inférieure), par un chien inconnu qui à parcouru le pays en mordant sur son passage un grand nombre d'animaux et qu’on n’a pu rejoindre. La jeune Guillon est arrivée à l’Institut Pasteur le 16 décembre. Le 2 janvier, au cours du traitement, se sont manisfestés les premiers symp- tômes rabiques, la mort est survenue le 4 janvier. 64 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR STATISTIQUE ! DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE, — DECEMBRE 1892. A B C à ? | | | Morsures à la tête ( simples... ..| | , Lg l’itu et à la figure multiples... .| >|») |» | 3 | » | Cautérisations efficaces . . : . . :. . . »| » a ES ICS = inef, ficaces D Abe to tee »| » s D| » » 11» » PAS CLULETISQUOT ERP D 'ERILe 41» | » 1 D | : simples. :°. 4. | » | » |20) »|[181 D Ne multiples... .| »| 1] dre 20\+0 » [10123 ». Le . D Cauterisations efficaces . . . . . . . . . »» |? LME DE SL MEET PS — inefficaces .…. : . .. : 2. OO NEO DE 10) DOS 197 1 ES De Pas de cuutérisation. . . . . .. . . .. >,» | ? log! » > H9l»|, Morsures aux mem- ( simples... ..| »| 4 13 |» [1498 |?” 2) bres et au tronc multiples... .| »| 2 | » [44 »| 68 Gautérisations efficaces... "0.0. 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VAILLARD, Chef de service à l'Institut Pasteur. Médecin-major de {re classe, Professeur au Val-de-Grace, I La découverte des propriétés thérapeutiques du sérum des animaux, immunisés contre certaines maladies virulentes, est, assurément, une des plus intéressantes qui aient été faites en médecine dans ces dernières années. Il est juste de rappeler que ce sont MM. Richet et Héricourt qui ont signalé, les premiers, le pouvoir préventif du sang des animaux rendus réfractaires contre une septicémie spéciale qu'ils ont étudiée. Mais, c’est seulement depuis la note de MM. Behring et Kilasato, insérée en décembre 1890, dans le n° 49 de la Deutsch. Med. Woch., que la sérum-thérapie s'est révélée avec toute son importance. Les expériences de MM. Behring et Kitasato ont été faites sur deux maladies toxiques par excellence, la diphtérie et le tétanos ; elles sont surtout démonstratives pour cette dernière affection. Dans leur première communication, ces savants établissent les propo- sitions suivantes : « 4° Le sang d’un lapin réfractaire au tétanos est capable de détruire les toxines du tétanos. « 2° Cette propriété peut se démontrer pour le sang extrait des vaisseaux et pour le sérum, débarrassé de toute cellule, qui en provient. Ds te © (ær] ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. « 3° Cette propriété est si durable, qu'elle persiste même après Ja transfusion dans l'organisme d’autres animaux; elle permet ainsi un traitement de l'affection. « 4° Cette propriété manque dans le sang d’animaux non réfractaires, et le poison tétanique peut se retrouver après leur mort dans le sang et les autres humeurs. » Les auteurs ne donnent qu’un bref résumé de leurs expé- riences : « On injecte dans Le péritoine de six souris 0,2 de sérum, on les inocule 24 heures après en même temps que des souris témoins. Celles-ci meurent au bout de 48 heures, les six souris vaccinées n’éprouvent rien. — On peut employer ce sérum d’une facon thérapeutique, en inoculant d’abord les animaux avec le liquide virulent et en leur injectant ensuite le vacein. Les ani- maux ainsi traités survivent. — Nous avons constaté que ce sérum est capable de détruire une quantité énorme de poison tétanique.— Toutes les souris survivantes sont devenues réfrac- taires d’une façon durable. Plus tard nous leur avons injecté des cultures de bacilles vivants sans les rendre malades. » Quelques jours après la publication de cette note si impor- tante, M. Behring terminait un travail sur la vaccination des animaux contre la diphtérie (Deutsch. Med. Woch, n° 50) par les phrases suivantes : « Dans notre travail en commun avec Kitasato, nous n'avons peut-être pas été suffisamment explicites sur l'influence curatrice de la transfusion du sang de lapins réfractaires. Je précise : Les souris ne sont pas seulement rendues réfractaires elles-mêmes, non seulement elles n’éprouvent pas d'accidents tétaniques, si, aussitôt après l'infection, elles reçoivent dans le péritoine du sang de lapin réfractaire, mais elles peuvent être guéries par la transfusion quand les accidents sont déjà très accentués. Une souris a plusieurs de ses extrémités très contracturées, elle semble devoir mourir en peu d'heures : il suffit alors de lui faire cette transfusion pour la guérir presque à coup sûr, et cela si rapidement que, quelques jours après, elle ne parail pas avoir été malade. Quant à la possibilité d'une guérison dans les cas suraiqus, il ne peut en être question. » En mars 1891, MM. Tizzoni et Caltani (Sur la manière de conférer à certains animaux l’immunité contre le tétanos, Archives italiennes de Biologie), confirment la propriété anti- toxique du sang des animaux immuuisés. Mais, ajoutent-ils, CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 67 « pour ce qui concerne le pouvoir thérapeutique des injec- tions de sérum du sang d’un animal réfractaire, nous avons vu que, non seulement chez les lapins, mais encore chez les rats, même quand l’intoxication tétanique a été déterminée par une petite dose de poison {1 à 2 gouttes), et que l'injection du sérum est exécutée avant que les phénomènes tétaniques apparaissent, 4 heures par exemple après l'injection du poison, on ne parvient pas à empècher ni à arrèter le développement du tétanos. » Dans la même année 1891, l’un de nous (Sur les propriétés du sérum des animaux réfractaires au tétanos, Soc. de Biologie) confirme la découverte de MM. Behring et Kitasalo, sur le pou- voir antitoxique et immunisant du sérum des lapins rendus réfractaires au tétanos, mais il ne peut vérifier ses propriétés thérapeutiques. Il mentionne en outre que, contrairement à l’as- sertion de MM. Behring et Kitasato, l'immunité qui suit les injections de sérum n'est pas durable, qu’elle diminue et peut même disparaître après le quinzième jour. Au Congrès d'hygiène tenu à Londres, en août 1891, M. Kita- salo, aux applaudissements de toute la section de bactériologie, a affirmé de nouveau les merveilleux effets du sérum antitoxique, qui guérit les souris tétaniques, même lorsqu'elles sont déjà très malades. Une méthode, ainsi présentée à l'attention des médecins, ne devait pas tarder à être appliquée à l’homme. M. Kitasato fit lui- même, il est vrai dans de mauvaises conditions, un essai qui ne réussit pas, sur un enfant alteint de tétanos, dans la clinique de M. Baginsky. Puis fut publiée en Italie toute une série d'observations de tétanoshumain, guériavecl'antitoxine préparée par MM. Tizzoni et Cattani. En France, M. Rénon a rapporté dans ces Annales (avril 1892) deux cas de tétanos traités par des injections de sérum de lapins immunisés. Les malades de M. Rénon avaient reçu de fortes doses d'un sérum très actif(57 c.e.et 80 c. c.), représentant une quantité d’antitoxine supérieure à celle qui avait été donnée aux malades italiens; ils succombèrent cependant à un tétanos caractérisé. Le traitement qui avait si merveilleusement réussi à MM. Bebriog et Kitasato, sur les animaux, ne se montrait donc pas toujours aussi efficace chez l’homme. Ces différences dans les résultats pouvaient s'expliquer par une application défec- 68 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, tueuse de la méthode. On ne savait, en effet, ni le pouvoir antitoxique que doit avoir le sérum, ni les doses qu'il en faut injecter pour obtenir un effet utile. Les renseignements sur le traitement des animaux faisaient presque complètement défaut : les inventeurs de la thérapie par le sérum s'étaient bornés aux détails très brefs que nous avons rapportés; ils n'avaient donné aucune élude détaillée qui püt fournir une base solide pour le traitement du tétanos humain. | C'est seulement au mois d'août 1892, que M. Kilasato a publié, dans le Zeits. f. Hyg., un travail sur la thérapeutique du tétanos chez les animaux tels que les souris et les cobayes. Une partie des expériences ont trait à la prévention de la maladie ; elles montrent que les animaux qui reçoivent le sérum avant la toxine ou aussitôt après sont préservés d’une manière constante, même si la dose est faible. Mais le tétanos survient toujours quand le sérum est injecté dans les 12 à 24 heures qui suivent l'injection ; il est le plus souvent curable, parfois il est mortel. La quantité de sérum nécessaire pour prévenir le tétanos est d'autant plus forte que l’on intervient plus tard après l’in- fection. Sur le traitement du tétanos déclaré, M. Kitasato ne cite que deux expériences ; une, qui a été faite sur les cobayes, est plutôt, à notre avis, un essai de prévention que de guérison du télanos ; nous la discuterons plus loin. Il reste donc une expé- rience sur 12 souris infectées par une écharde de bois, imprégnée de sporeschauffées à 80°, introduite sous la peau. Tous ces ani- maux présentent, déjà 35 heures après, des symptômes detétanos; deux serventde témoins et meurent tétaniques après 55 heures. Dix souris sont traitées et reçoivent à la 48° heure 1c. c. desérum dans le péritoine : l’activité de ce sérum est de 600,000 environ. Le lendemain les symptômes se sont aggeravés: nouvelle injection de 1c. c. de sérum. Cinq des souris succombent après 80 heures. Aux autres on pratique une troisième injection de 1 c. c. Les symptômes de tétanos s'arrêtent, et les animaux se rétablissent après avoir conservé pendant des semaines de la contracture des membres alteints. Tel est le document le plus circonstancié publié par M. Kita- sato sur le traitement des animaux tétaniques. Il n’y est plus question de guérir « les souris dont plusieurs extrémités sont contractées et qui semblent devoir mourir en peu d'heures »; il Live bat, di: CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 69 en ressort au contraire que le sérum n’est efficace que s’il est très actif, que si le tétanos a une marche lente, et que si le traitement estappliqué dès l'apparition des premiers symptômes. Récemment, M. Behring aconsacré à la « sérum-thérapie » une importante monographie (Das Tetanusheilserum, Leipzig, 1892). Il rappelle qu'il a pu guérir des souris atteintes de tétanos très avancé, et il relate des expériences nouvelles sur la guérison de moutons, d'un cheval, et aussi d’un homme atteints de tétanos. Les expériences sur le mouton sont au nombre de quatre. L'une d’elles est une expérience de prévention (Exp. n° 4) : une brebis de 50 kilog. reçoit 20 ce. ec. de culture tétanique et en mème temps 50 ce. c. d’un sérum dont l’activité est 10 millions ; elle reste bien portante. Dans une autre expérience (n° 1), l’inter- vention est trop tardive pour être efficace : une brebis, atteinte de tétanos très avancé, meurt malgré l'injection de 100.c. c. de sérum. Deux moutons (Exp. n° 2 et n° 3) sont inoculés avec 1 c. c. d'une culture tétanique traitée par le chloroforme, et qui tue la souris au 1/2000° de centimètre cube; trois jours après les animaux ont les muscles abdominaux rigides, et la démarche raide; on leur injecte 50 c. c. de sérum. Les symptômes dispa- raissent entre le 5° et le 8 jour, et Le 9 jour tout signe de con- tracture a disparu. Ces derniers faits seraient tout à fait démons- tratifs si on avait inoculé en même temps des animaux témoins. Le mouton est, en effet, un animal assez résistant au tétanos, et sa réceptivité varie avec les individus. M. Behring dit bien que la dose injectée était sûrement mortelle pour des animaux de même âge et de même poids; nous en serions plus certains encore s'il avait pris deux animaux de contrôle. Nous avons vu des moutons ne pas prendre le tétanos après l'injection de 2 €. c. d’une culture qui tuait le cobaye au 1/3000° de centimètre cube. Cette réserve que nous faisons sur la sévérité du tétanos donné aux brebis de M, Behring est encore appuyée par la rapidité de la disparition des contractures. Elles avaient cessé dès le 5° jour. Cela est tout à fait exceptionnel. Dans les expériences de M. Kitasato, les souris qui guérissent restent pendant des semaines avec les membres raïdis; il en esttoujours ainsi. Mème, quand l'injection du sérum est faite aussitôt après celle de la toxine, la rigidité du membre inoculé persiste longtemps. M. Bebring lui aussi, dans une conférence qu'il vient de faire 70 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. et dont nous trouvons une analyse dans le Berliner Klinische Woch., n° 4, 1893, p. 104, nous avertit que les guérisons ne sont point instantanées, que les contractures durent un temps assez long. Il faut donc regretter que l'absence de témoins enlève un peu de sa rigueur à cette intéressante expérience. L'essai fait sur le cheval est moins probant encore; il s’agit d’un cheval en cours d’immunisation depuis quelques semaines, et chez lequel une injection que l’on supposait vaccinale déter- mine des symplômes tétaniques. L’immunisation avait été com- mencée le 22 août; le 16 septembre on fait une injection de 2c. c. de culture traitée par le chloroforme; le 19 septembre surviennent de la raideur des muscles, de l’écartement des membres, du redressement de la queue. de la contracture du corps clignotant, etc. Du 19 au 21 septembre l'animal reçoit un litre de sang délibriné antitoxique, sous la peau. Les phéno- mènes tétaniques décroissent et le 27 la guérison est complète. Plusieurs fois, chez des animaux en cours d'immunisation, nous avons observé, à la suite d'une injection de toxine un peu forte, des symptômes graves de tétanos qui, dans la majorité des cas, disparaissaient sans traitement aucun. L'observation de tétanos humain contenue dans la monogra- phie de M. Behring a été prise par M: Rotter. Le patient a recu 250 grammes d'un sérum dont l’activité était d'un million. La maladie était de gravité moyenne, et M. Rotlter croit qu’elle aurait guéri avec les traitements ordinaires. A Ja lecture de toutes ces dernières publications sur la sérum- thérapie du tétanos, on est frappé de ce que les guérisons semblent devenir plus difficiles à mesure que les essais se multiplient et que l’activité du sérum augmente. Au début, avec le sérum de lapins simplement rendus réfractaires au tétanos et non hypervaccinés, les résultats élaient excellents avec de très faibles doses. Aujourd’hui, avee un sérum thérapeutique d’une activité de 10 millions, ils sont moins satisfaisants. Ce que nous disons ici n’est pas une critique adressée à une méthode dont la découverte a excité notre admiration : nous voulons seulement faire sentir combieu actuellement est nécessaire une étude expérimentale et systématique. Il faut savoir, d'une façon précise, ce que donne la sérum-thérapie sur les animaux, pour pouvoir l'appliquer à l’homme dans les meilleures conditions. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 71 Il PRÉPARATION DU SÉRUM ANTITÉTANIQUE. Avant d'exposer nos expériences sur la prévention et le traitement du tétanos, nous devons dire quels sont les meilleurs procédés pour obtenir le sérum antitoxique. C’est un fait aujourd'hui bien établi que le sérum des ani- maux, naturellement réfractaires au télanos, n’a aucun pouvoir antitoxique. La poule ne prend pas le télanos, soit qu’on lui injecte de fortes doses de toxine, soit qu'on l’inocule avec des bacilles purs ou associés à d’autres microbes; cependant, son sang mélangé avec du poison tétanique n’exerce aucune action sur celui-ci, alors même quele contact est prolongé et que la quantité du sang esttrès grande par rapport à celle de la toxine. L’immu- nité de la poule contre le tétanos n’est donc point due à une propriété antitoxique du sang. Il est facile, toutefois, de rendre le sang d’une poule antitoxique ; pour cela il suffit d'introduire dans son-corps une forte dose de poison tétanique (30 à 40 ce. ec. dans le péritoine). Pendant les trois ou quatre jours qui suivent immédiatement l'opération, le sang est toxique, il donne le tétanos aux souris; le poison circule dans les vaisseaux avec le liquide sanguin, mais bientôt il disparaît, et après 14 jours environ, le sérum fourni par la poule manifeste un énergique pouvoir antitoxique. Chez les animaux sensibles au tétanos, comme les lapins, on peut créer un état réfractaire sans donner à leurs humeurs une propriété antitoxique appréciable. L’un de nous a montré qu’un lapin quiareçu dans le tissu cellulaire sous-cutané de petites doses de spores télaniques privées de loxine et additionnées d’un peu d'acide lactique, reste bien portant quand, dans la suite, on lui injecte une quantité de poison télanique supérieure à celle qui tue sûrement des lapins de même poids. L’immunité ainsi établie est très persistante et cependant, si les inoculations de spores et d'acide lactique n’ont pas été trop multipliées, le sang de l'animal n'a pas de pouvoir anlitoxique saisissable (100 vol. de sang pour 4 vol. de culture filtrée). Pour le faire apparaître, faisons, comme chez la poule, une injection de culture tétanique filtrée (3 à 3 c. c. 72 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. suffisenl), et après quelques jours nous pourrons constater que le sang du lapin, mélangé à de la toxine tétanique, larend inoffensive. Ces expériences prouvent done que l’immunité pour le télanos peut exister indépendamment d’une propriété anti- toxique du sang, et que celle-ci apparaît seulement chez les ani- maux quiont reçu des doses notables de poison tétanique. La propriété antitoxique du sérum est d’autant plus marquée que la quantité de toxine introduite dans le corps est plus grande. Telles sont les données qui doivent nous guider pour la prépa- paration du sérum antitoxique. Au début de leurs recherches, MM. Behring et Kitasato con- féraient l’immunité aux lapins en leur inoculant une culture de tétanos., puis en leur injectant unesolution de trichlorure diode. Aujourd'hui ils préfèrent ajouter le trichlorure d’iode à la toxine télanique, et, après un contact suffisant, introduire sousla peau des doses croissantes de ce mélange, qui est d'autant moins dange- reux qu'il contient plus de trichlorure d’iode. Ce procédé n’est pas inoffensif : 11 faut graduer les injections avec prudence pour éviler que les animaux ne deviennnent tétaniques au cours de la vaccination. MM. Behring et Wernicke ont ainsi immunisé des lapins, des brebis et des chevaux (avec l’aide de M. Schutz) : tous ces animaux ont donné un sérum très antitoxique. MM. Brieger, WassermannetKitasato conseillentun autre moyen de vaccination qui réussirait, à tout coup, sur les lapins, et qui consiste à injecter des doses graduellement croissantes d'un mélange de culturetéta- nique sans spores ({ partie) et de bouillon de thymus (2 parties). Dès l’heure où MM. Bebring et Kilasato annonçaient leurs premiers résultats, nous étions en possession de méthodes sim- ples et sûres pour donner rapidement l’immunité contre le téta- nos aux diverses espèces animales (V. ces Annales, t. VI, p. 224). Dans celle que nous avons adoptée, on se sert de cultures téta- niques en bouillon peptonisé, âgées de quatre à cinq semaines ; ces cultures, filtrées sur terre poreuse, fournissent un liquide clair qui esl notre toxine tétanique extrêmement active, puisque 1/4000 de c.c. tue une souris. Cette toxine, mélangée à une solu- tion iodée, perd en grande partie ses propriétés nuisibles, et cons- Utue le liquide vaccinal, qui n'est nullement caustique. Pour fixer les idées,nous citerons comme exemple la vaccination d’un lapin du poids de 2 kilog. 500. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 13 Le premier jour de l'expérience, le lapin reçoit sous la peau un mélange de 3 c. e. de toxine et de 1 c. c. de solution de Gram. Le cinquième jour de l'expérience, le lapin reçoit sous la peau un mélange de 5 c. c. de toxine et de 2 c. c. de solution de Gram. Le neuvième jour de l'expérience, le lapin reçoit sous la peau un mélange de 12 c. c. de toxine et de 3 c. c. de solution de Gram. Huit jours après cette troisième injection, l'animal donne un sérum qui, mélangé à son volume de toxine, rend celle-ci inoffen- sive. Dès ce moment, on peut, sans danger, injecter de la toxine pure, soit successivement : 5 c. c., 10 c. c., 45 c. c., 20 c. c., 30 c. c., 40 c. c., en ayant soin de laisser un intervalle de huit jours entre chaque opération. Dans la suite, on rapprochera les injections, et on les fera dans le péritoine ou dans le sang lors- qu'on en sera arrivé à introduire d'un seul coup de grandes masses de toxine. Des lapins, ainsi immunisés, reçoivent en une seule fois, sans manifester autre chose qu’une élévation de tem- pérature de quelques dixièmes de degré, 100 c. ec. ou même 120 c. c. d’une culture filtrée dont 0 c. c. 00025 suffisent à tuer une souris. Ce procédé d'immunisation est rapide et sans inconvénient : il réussit également bien sur le cobaye, le cheval, la brebis, la vache. Dans les documents qui font suite à ce mémoire, le lecteur trouvera des exemples de vaccination d’un cheval et d'une vache pratiquées par M. Nocard. Plus l'animal que l’on veut vacciner est sensible au tétanos, plus on prolongera les injections de toxine iodée. Ainsi, on ne commencera à injecter au cheval de la toxine pure que lorsqu'on aura constalé que son sang est antitoxique. Nous ne connaissons pas la modification que l’iode fait subir à la toxine : la réaction se produit pour ainsi dire instantanément dès que le mélange est fai! ; il estinutile d'attendre que la teinte de l’iode ait disparu. Beaucoup d’autres agents modifient le poison tétanique ; la chaieur, l’acide carbonique sous pression, . le permanganate de potasse, etc., diminuent son activité et peu- vent servir à préparer des liquides vaccinaux, mais aucun n’est d'un maniement aussi facile que l’iode et ne donne de meilleurs résultats, 74 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Pour exalter le pouvoir antitoxique du sérum de son cheval immunisé, M. Bebhring lui injecte sous la peau, en une seule séance, jusqu'à 100 ce. c. de culture complète, c’est-à-dire non débarrassée des bacilles. Ces injections causent une tuméfaction locale et une réaction fébrile qui dure un à deux jours. Les mêmes quantités de culture, introduites dans le tissu cellu- laire, déterminent une faible élévation de température et des phénomènes locaux insignifiants, si elles ont été filtrées. Il semble donc que dans les cullures tétaniques il y ait, outre la toxine, des substances pyrétogènes qui sont retenues par la terre poreuse. Celles-ci paraissent, d’ailleurs, ne jouer aucun rôle dans la vaccination, car le sérum d’un cheval, traité par des cultures filtrées, est tout aussi antitoxique que celui de l’animal qui a reçu la culture avec les bacilles, et qui a eu beaucoup de fièvre et des tumeurs. La notation proposée par M. Behring pour indiquer l'activité d’un sérum est très commode et nous l'avons adoptée. Comme lui, nous mesurons celle activité d’après la quantité de sérum nécessaire pour immuniser un gramme de souris. Quand nous disons d’un sérum qu'il est actif au millionième, cela signifie qu'un centimètre cube de ce sérum suffit à immuniser mille kilogrammes de souris: ouencore, qu'une souris de 20 grammes sera rendue réfractaire par l'injection de 2 cent-millièmes de c. €. du même sérum. Les souris doiventtoujours êtreéprouvées avec la même dose de toxine, qui leur sera injectée, non pas immé- diatement, mais seulement dix à douze heures après le sérum, afin que celui-ci ait eu tout le temps d’agir. En effet, la quantité de sérum qui immuuise pour une dose fixée de poison est impuissante contre une dose plus forte; il faut donc bien con- naître l'énergie de la toxine d’épreuve ‘, et comme la résistance individuelle des souris est variable, il est préférable d'employer une dose de toxine supérieure à la dose mortelle minima, et d’o- pérer chaque fois sur plusieurs sujets. C'est ce que nous avons fait : aussi les chiffres qui indiquent l’activité de nos sérums sont plutôt au-dessous de la réalité. Malgré ces précautions, et l’ap- parence mathématique de la notation, celle-ci n’a pas une valeur absolue : elle donne des indications suffisamment exactes 1. Nous conservons la toxine à l'abri de l'air et de la lumière, à basse EnE rature : dans ces conditions, son affaiblissement est très lent. és bé pt 0 à - nd + n : CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 75 et surtout faciles à comparer ; c'est tout ce que l’on peut lui demander. Les jeunes cobayes, qui sont très sensibles à l’action du poison télanique, peuvent aussi servir pources mesures : nous avons constaté, à maintes reprises, que la dose de sérum qui immunise un gramme de sourisrendaussi réfractaire un gramme de cobaye. Le pouvoir antitoxique se mesure, in vitro, d'après la quan- lité de sérum nécessaire pour rendre inoffens'f un volume donné d'une toxine dont l’activité est connue‘. La propriété immuni- sante du sérum croît avec la propriété antitoxique. L'immunité persiste, chez les animaux, longtemps après la cessalion des injections vaccinantes; ainsi, des lapins immuni- sés, 11 y a près de deux aus, par l'introduction de 50 c. e. de toxine iodée et de 15 c. c. de toxine pure, et qui n’ont rien reçu depuis, résistent encore aujourd'hui à des doses de poison tétanique mortelles pour des lapins neufs de même poids. Le pouvoir anlitoxique de leur sang est très affaibli, mais il est encore appré- ciable. Cette décroissance est, d’ailleurs, constante dès que l’on suspend les injections de toxine; elle est déjà manifeste dans les quinze à vingt jours qui suivent la dernière injection vacci- nale, et elle s'accuse de plus en plus*. Il importe donc, pour avoir un sérum très actif, de faire périodiquement des injections de toxine aux animaux qui le fournissent. Non seulement on empêche ainsi l’affaiblissement des pouvoirs aptitoxiques et immunisants, mais on l’accroît sans cesse en proportion des quantités de toxine injectée*. Chaque nouvelle introduction de 4. Il y aurait avantage, pour désigner l’activité d’une toxine, à employer une notation analogue à celle de M. Behring pour le pouvoir immunisant du sérum. Ainsi, une toxine d'une activité de dix mille serait une toxine dont 1 c. c. tue- rait 10 kilog. de souris. La toxine type pour la mesure du pouvoir antitoxique serait préparée par dilution, de manière que 0£t,0001 fasse périr 1 gramme de souris. 2. Exp. — Le sérum d’un lapin vacciné manifeste, douze jours après la der- nière injection de toxine, une activité de 100,000, un mois après, celle-ci n’est plus que de 5,000; quinze jours plus tard, elle est tombée à 2,000. Un autre lapin donne un sérum d’une activité de 16,000 : vingt jours après l’in- terruption des injections de toxine, l’activité du sérum n’est plus que de 10,000. 3, Après avoir reçu 220 c, c. de culture filtrée à toxicité entière, un lapin fournit un sérum d’une activité de 16,000. Dans les vingt jours qui suivent, on injecte à ce lapin 100 c. c. de culture filtrée; une semaine après, le pouvoir immunisant du sérum est de 50,000. L'animal reçoit, dans les cinquante-six jours qui suivent, 200 c. c. de culture filtrée; l’activité du sérum passe à 300,000 pour atteindre 1,000,000 quarante-cinq jours après, à la suite de l'injection de 200 c. c. de culture filtrée. 76 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. poison létanique exalte l’activité du sérum, et il semble que l'expérimentateur puisse ainsi l’augmenter indéfiniment. M. Behring insiste sur ce que chaque injection de toxine amène une diminution du pouvoir immunisant du sérum, une partie de l’antiloxine du sang étant utilisée aussitôt pour la des- truction de la toxine qui vient d'y pénétrer. Si la dose de poi- son introduite d'un seul coup est très considérable, ou si les injections sont abondantes et renouvelées tous les jours, la pro- priété antitoxique du sang disparaîtra momentanément. D’après les observations que M. Behring a faites sur le cheval, il peut même arriver que le sang, d’immunisant qu'il était, devienne toxique. Ce savant a, en effet, constaté qu'à la suite de ces injections massives et répétées, l'urine de l'animal, d'abord pré- ventive, faisait mourir les souris. Il faut alors attendre une quinzaine de jours pour que le pouvoir antitoxique du sérum alteigue le taux ancien qu’il dépassera ensuite. Un point à signa- ler dans cette intéressante expérience, c’est qu'au moment où le sang ne contient plus d’antitoxine, mais au coutraire charrie de la toxine, le cheval ne prend point le tétanos. Son immunité ne peut cependant pas être attribuée au pouvoir antiloxique de son sérum, puisque celui-ci a momentanément disparu. Ses cellules sont insensibles au poison tétanique ; il existe donc, à côté de l’immunité antitoxique, une autre immunité qui est l’accoutumance au poison. Nous avons également remarqué cette diminution du pou- voir immunisant du sérum chez les animaux auxquels on injecte des doses massives de toxine; mais, dans nos expériences, elle n’était pas aussi considérable que dans celles de M. Behring. Ainsi, l'urine de notre cheval, recueillie après l'introduction, en une seule fois, de 250 c. c. de culture tétanique filtrée, n’était pas toxique pour les souris à la dose de 4 c. ce. À un lapin immunisé, du poids de 3,300, qui fournit un sérum dont l’acti- vilé est de 300,000, on injecte dans une veine, et d’un seul coup, 100 c. c. de toxine. Le sang extrait trente minutes après l'injec- tion donne un sérum dont l'activité est de 200,000. La diminu- tion est petite, surtout si l'on tient compte de la dilution produite par l'apport, dans la circulation, d’une masse de liquide égale environ au tiers de celle du sang. En procédant par injections massives (30 c. c. pour un lapin, OST CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 71 200 à 300 c. c. pour un cheval) espacées de dix en dix jours, on élèvera continuellement le pouvoir antitoxique, et l’on pourra puiser le sérum une dizaine de jours après l'opération. Les pro- cédés que nous venons d'exposer nous ont servi à immuniser un certain nombre d'animaux, lapins, chevaux, vaches. Nous avons imilé M. Behring en nous adressant à des espèces de grande taille qui fournissent assez de sérum pour entreprendre le traitement de l’homme. M. Nocard a bien voulu nous prêter son concours pour la vaccination des chevaux et de la vache. L'activité du sérum d'un des chevaux dépasse aujourd'hui 10,009,000; c’est ce degré d'activité que M. Bebring regardait comme particulièrement favorable aux essais thérapeutiques. Le lait de la vache est aussi une source d’antitoxine très active. Pour garder le sérum en provision, nous le desséchons dans le vide et nous le conservons à l’état sec; au moment de s’en servir, il est dissous dans six fois son poids d’eau distillée stérile. La dessiccalion ne diminue pas son eflicacité et permet de le conserver indéfiniment. III PROPRIÉTÉS DU SÉRUM ANTITOXIQUE. Les propriétés si remarquables du sérum sanguin des ani- maux immuuisés contre le télanos, se manifestent par des faits, faciles à vérifier, et devenus classiques depuis les mémoires de MM. Behring et Kitasato. Mélangeons parties égales de cesérum et de toxine tétanique mortelle pour le cochon d'Inde à la dose de 0 ec. c. 003, etinjectons des volumes de ce mélange contenant 2 c.c.,3 c.c,5c. c., de culture filtrée à des cobaves;ceux-ci ne pré- senteront, dans la suite, aucun symptôme de tétanos. L'action du sérum s'exerce aussi bien dans l'organisme vivant que dans les verres à expériences, Chez un lapin immunisé, introduisons, d'un seul coup, 120 c.c. de culture tétanique filtrée, par une veine de l'oreille, etrecueillons le sang trente minutes après l'opération; non seulement il n’est pas toxique pour les souris, mais il leur donne l’immunité. Il est facile d'obtenir des sérums dout l’activité paraît véritablement extraordinaire. Un de nos chevaux immu- 78 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nisés donne un sérum dont une partie rend inoffensives, in vitro, trente parties de toxine. La substance antitoxique contenue dans ce sérum contracte-t- elle une combinaison définie avec la toxine, à la manière d’un acide qui sature un alcali, ou se comporte-t-elle comme un fer- ment qui provoquerait un dédoublement encore inconnu de la toxine? Il semble qu’un corps qui agit en proportions si faibles ne puisse être comparé qu'aux enzymes auxquels il ressemble d'ailleurs sous beaucoup d’autres rapports. Mais il faut remar- quer que nous n'avons aucune idée de la quantité réelle d’anti- toxine contenue dans un volume de notre sérum, non plus que de celle de toxine renfermée dans 30 volumes de notre culture filtrée ; ces quantités sont peut-être justement équivalentes et capables de s’unir en une combinaison définie. Dans l'état actuel de nos connaissances, la question est d'autant plus difficile à résoudre, qu’en dehors de l’action surles animaux, nous n'avons pas de moyen de déceler la toxine et l'antitoxine. Jusqu'ici aucun artifice ne nous a réussi peur séparer la toxine et l’antitoxine versées l’une dans l’autre; ni la filtration sur terre poreuse, ni la dialyse, ni les précipitations ne nous ont donné de résultats'. D'ailleurs, les propriétés de ces deux substances sont très semblabies, et les agents physiques ou chimiques qui altèrent l’une détruisent également l’autre. Dans de pareilles conditions, il est donc très malaisé de savoir si un animal qui reçoit un mélange de sérum et de culture filtrée reste indemme parce que le poison n'existe plus dans le liquide inoculé, ou bien parce que le sérum immunisant a rendu ses cellules insensibles à la toxine qui reste alors sans effet. Nous citerons quelques expériences qui, sans dévoiler le mécanisme de l’action de la toxine sur l’antitoxine, montrent que tout se passe comme si ces deux corps se détruisaient mutuellement. * L'action de l’antitoxine sur la toxine est instantanée : dès que le mélange est fait, il est inoffensif pour les animaux. Quand on verse des quantités graduellement croissantes de toxine dans un volume donné de sérum, il arrive un moment où le pouvoir autitoxique de celui-ci est anéanti; le liquide contient de la 1. La toxine tétanique, qui passe en partie à travers le parchemin quand elle est dans du bouillon, ne dialyse plus sielle est mélangée à un liquide albumineux. RL ee à à) CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 19 toxine libre et donne le tétanos aux animaux qui le reçoivent. Le sérum d’un lapin en cours de vaccination est très anli- toxique in vitro, 1l rend inoffensif son volume de culture filtrée, mais son pouvoir préventif est faible. { ©. ce. n’immunise pas un cobaye de 250 grammes contre 1/15° de c. c. de culture filtrée. On verse dans un verre parties égales de ce sérum et de la culture filtrée. Après une heure de contact, on injecte à un cochon d'Inde, une quantité du mélange contenant exactement 1/15° de c. c. de l’un et de l’autre. Or, 0c,003 de la toxine suffisent à donner au cobaye un tétanos fatal: la quantité de poison injectée dépasse donc de beaucoup la dose mortelle. D'autre part, la proportion de sérum est trop minime pour immuniser, puisque cet effet n’est pas obtenu avec 1 e. ©. Cependant l'animal ne présente aucun symptôme de tétanos. Il semble donc que la toxine ait été véri- tablement détruite par l’antitoxine. Exagérant la preuve, injectons à plusieurs cobayes des volumes du même mélange renfermant 2, 3, 4, 5 c. c. de la culture filtrée et un égal volume de sérum. Aucun d’eux ne devient tétanique. Il est certain, cependant, que les doses. de sérum qu'ils ont reçues sont absolument impuissantes à pré- munir ces animaux contre les fortes quantités de toxine qui leur étaient associées. En effet, un cobaye auquel on injecte 3 ©. ©. de ce même sérum, el immédiatement après et dans un point voisin, seulement 1/2 c. c. de culture filtrée, prend un tétanos très grave dont il finit pourtant par guérir. Le fait suivant est de même ordre : le sérum d'un lapin est antitoxique in vitro, mais son pouvoir préventif n’est pas encore très élevé, puisqu'il en faut environ 1 c. c. pour immuniser un cobaye contre une dose moyenne de toxine. Ce sérum est mélangé à un volume de culture filtrée égal au sien ; après trente minutes de contact, on ajoute de l’eau stérile, et on injecte à un cobaye une quantité telle de la dilution, que l'animal recoit 1/300e de c. c. de culture, dose plus que suffisante pour le tuer, et 1/300° de c. ce. de sérum, dose impuissante à l’immuniser. Ilreste bien portant, tandis qu’un cobaye, de même poids, auquel on in- jecte 1/150° de c. c. du même sérumet douze heures après 1/600€ ce c. c. de toxine, succombe au tétanos le 5° jour. Si le premier cobayeestrestéindemne,ce n’estpas parce qu'il aétéimmunisé par le sérum, mais parce que la toxine n'existait plus dans le mélange, 80 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L'injection d’un peu de sérum à un animal sensible, si elle est faite quelques heures avant l'infection, lui permet de résister à une dose de culture sûrement mortelle pour les animaux de même poids. On peut obtenir des sérums qui immunisent à des quantités infiniment petites. Nous avons dit que nous possé- dions un cheval dont le sérum est actif au dix-millionième de ce. ce. Cette minime portion n’est préventive que pour une dose déter- minée de toxine, elle serait insuffisante pour une dose plus grande. En augmentant le volume du sérum injecté propor- tionnellement à celui de la toxine que l’on veut employer, on rendra les animaux insensibles à des masses de poison tétanique. Le sérum confère donc aux animaux une immunité véritable, comme l'ont établi MM. Behring et Kitasato; mais, contraire- ment à l'opinion de ces auteurs, l’immunité ainsi donnée n’est pas durable, elle diminue rapidement quelle que soitlaquantité de sérum injectée, et elle disparaît dans un délai qui, dans nos expé- riences, n'a guère dépassé 50 jours. Ainsi, un cobaye, du poids de 530 grammes, reçoit dans le péritoine 20 c. c. d’un sérum actif à O0c,00002; 37 jours après, l'inoculation d’une quantité modérée de culture filtrée provoque chez ce cobaye un tétanos sévère dont il finit par guérir. Une souris du poids de 15 grammes reçoit 1 c.c. d'un sérum actif au millionième; éprouvée au bout de 24 jours avec une petite dose de toxine, elle meurt tétanique. Parfois même, chez les cobayes auxquels on n’a donné que 2 à 3 ©. c. de sérum, l’immunité prend fin dès le 15° ou le 20° jour. Cette immunité est acquise immédiatement après l’intro- duction du sérum antitoxique, elle est proportionnelle à la dose de celui-ci. Elle est bien différente de l’immunité lente à s'établir, mais persistante, que l’on obtient par l'injection de la toxine 1odée ou chauffée, ou encore par l'injection dans le tissu cellulaire de spores tétaniques et d'acide lactique. Chaque fois que les cellules de l’organisme ont subi l’action de la toxine tétanique, elles con- servent longtemps leur résistance vis-à-vis d'elle, alors même que le sang ne manifeste pas de propriétés antitoxiques. Cela prouve bien que l’immunité dans le tétanos n’est pas tout entière dans le pouvoir antiloxique des humeurs. Il y a en réalité plusieurs sortes d'immunités contre le tétanos, et l’immunité antitoxique est celle qui apparaît en dernier lieu quand on vaccine les animaux par les procédés que nous avons décrits. tu nfions CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 81 Comment se forme l'antitoxine dans le corps des animaux? Elle est abondante dans le sang seulement après l'injection de grandes quantités de toxine.N'est-elle qu’une modification de celle- ei, ou bien est-elle sécrétée par certaines cellules du corps excitées par la toxine? Ce sont là des questions du plus hant intérêt; elles éveillent la curiosité de l’expérimentateur, comme d’ailleurs tout ce qui touche à cette merveilleuse propriété antitoxique des sérums qui nous a été révélée par M. Behring ; mais elles sont difficiles à résoudre etnécessitent encore beaucoup de recherches. On sait cependant que la substance antitoxique existe surtout dans le sang ou plus exactement dans le sérum : le caillot n’en renferme pas, comme l’a prouvé M. Behring. D’autres liquides de l'organisme possèdent les mêmes propriétés que le sérum : la sérosité, limpide et privée d'éléments cellulaires, de l’œdème provoqué chez un lapin vacciné par une ligature temporaire placée à la base de l'oreille, est aussi antitoxique que le sang. L'humeur aqueuse d’un animal très fortement immunisé est autitoxique, mais à un plus faible degré. L’urine et la salive manifestent un pouvoir antitoxique très petit, même quand elles sont fournies par des animaux hyperimmunisés. Le lait, au con- traire, est riche en antitoxine et agit comme le sérum. M. Ehrlich, à la suite d'une série d’expériences qui sont un modèle d’ingé- niosité, attribue au lait le rôle principal dans la transmission dite héréditaire de l'immunité. Comme il est difficile d'expurger complètement les organes du sang qu'ils renferment, on ne sait pas d’une façon précise si leurs éléments anatomiques contiennent de l’antitoxine. Chez certains animaux immunisés, nous avons vu que les ganglions lymphatiques, la rate, le foie, le thymus, les capsules surrénales, le pancréas, les glandes salivaires et lacrymales détruisaient, in vitro, la toxine tétanique, tandis que les muscles étaient sans action. Chez d’autres, le foie s’est montré antitoxique, tandis que la rate et les capsules surrénales ne l’étaient pas. Il ne semble pas que la substance antiloxique soit concentrée dans un organe déterminé qu'on puisse considérer comme son générateur; elle se rencontre un peu partout, mais nulle part en aussi grande abondance que dans le sang. M. Botkin a vu que les leucocytes, puisés dans un foyer de suppuralion chez un animal immunisé, possèdent la propriété 6 82 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. antitoxique. Le faitest exact; provoquons, chez un lapin vacciné contrele tétanos, la formation d’un abcès, sans microbes vivants, eninjectantdans le tissu cellulaire des spores tétaniques chauffées à 115°, et insérons un peu de ce pus caséeux sous la peau d’une souris. Celle-ci résistera ensuite à une dose de toxine tétanique supérieure à celle qui d'ordinaire détermine lamort. Mais ce pus est bien moins préventif que le sérum de l'animal qui l'a fourni; pour immuniser le mème poids de souris, il faut 6 et 8 fois plus de malière caséuse que de sérum. On peut donc se demander si son action immunisante n’est pas due à la petite quantité de sérosité qui se trouve avec les leucocytes. En effet, si on lave soigneu- sement à diverses reprises les amas purulents dans une solution physiologique de chlorure de sodium, leur propriété préventive diminue beaucoup. La substance antitoxique s’élimine constamment par le rein, et aussi par le lait chez les femelles. Malgré ces causes de déper- diion, on en trouve encore dans le sang des animaux immu- nisés longtemps après la cessation des injections vaccinantes. Puisqu’elle est surtout contenue daus le sang, on pourrait croire que des saignées fréquemment répétées sur un lapin vacciné font baisser rapidement le pouvoir immunisant de son sérum. I n’en est rien, et l’on peut extraire de ses vaisseaux, en quelques jours, une quantité de sang égale à la masse totale de ce liquide sans que l’activité du sérum soit sensiblement diminuée. Deux lapins sont prélevés dans unlot en cours d'immunisation; l’un, A, pèse 2kilogr.200, l’autre,B,2kilogr.600.0nsuspendlesinjections de toxine chez ces animaux, et on constale que le 14 juillet 4892, l’activité de leur sérum est de 0‘“,00003 pour le lapin À et de 0c,00005 pour le lapin B. Du 14 juillet au 3 août on soustrait au lapiu À 200 grammes de sang. Le 5 août on pratique une saignée sur les deux animaux, le sérum provenant de A est aclif à 0°,0000% et celui de B, le lapin non saigné, est actif à 0,00006. L’affaiblissement du pouvoir antitoxique, constaté chez les deux animaux est celui qui s’observe quand on cesse les injections de toxine. Les saignées ne l’ont point augmenté chez le lapin A. Cette expérience répétée plusieurs fois ayant donné les mêmes résultats, il faut bien en conclure que l’antitoxine enlevée à chaque saignée a été remplacée. Nous ne reliendrons, pour le moment, de cette expérience que sa signi- CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 83 ficalion pratique. Chez un animal fournisseur de sérum, les saignées peuvent être fréquentes et copieuses, sans que de ce fait le pouvoir antitoxique soit notablement diminué. IN DE LA PRÉVENTION DU TÉTANOS. MA. Behring et Kitasato ont proposé d'employer le sérum antitoxique à la prévention du tétanos et au traitement de la maladie déclarée. Guérir le tétanos est évidemment de la plus grande importance ; chercher à le prévenir peut sembler moins pratique, si on considère qu'il est peu fréquent et qu'il survient à la suite des traumatismes les plus différents, sans qu'aucun signe puisse faire prévoir son imminence. L'étude de la préven- on, par le sérum immunisant, mérite cependant d'être faite, parce qu'elle peut fournir des données utiles sur la manière dont agit l’'antitoxine, et aussi parceque, dans quelques circonstances, elle peut être appliquée à l’homme. Chez les animaux d'expérience, nous pouvons provoquer le tétanos soit en leur injectant de la toxine toute préparée, soit en leur inoculant le microbe tétanique. Dans les deux cas, c’est le poison tétanique qui produit fa maladie : mais, dans le premier, la dose de toxine introduite est fixée et ne se renouvelle pas, tandis que dans le second (qui se rapproche davantage des con- ditions de la maladie naturelle), la toxine est produite en quantité indéterminée par le microbe qui se développe au point d’inocula- tion Ces deux modes d'infection doivent être étudiés séparément. 1° INFEGTION PAR LA TOXINE. — Envisageons d’abord le cas le plus simple, celui de la prévention du tétanos provoqué par l'in- jection sous la peau d'un peu de culture télanique filtrée, c’est- à-dire privée de microbes. Sur quels éléments anatomiques agit le poison ainsi introduit? Nous ne le savons pas d’une façon pré- cise, et nous ne pourrons pénétrer complètement le mécanisme de l’immunité que lorsque notre ignorance sur ce point sera dis- sipée. Nous savons, toutefois, que le poison tétanique est très rapidement absorbé, ainsi que le prouve l’expérience suivante bien connue : on injecte une dose mortelle de toxine, à la partie moyenne de la queue d’un certain nombre de rats, et ensuite on 84 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sectionne les queues, à la base, après des temps variables ; tous les rats dont la queue aura été coupée plus de 40 minutes après l'infection mourront tétaniques dans le même temps que les témoins. La toxine se trouve dans le sang, chez les animaux empoisonnés avec des doses un peu notables, de même que chez l'homme atteint de tétanosintense. Malgré la rapidité de l’absorp- tion, les effets du poison tétanique ne sont pas immédiats; entre le moment où il est introduit dans le corps et celui où apparais- sentles premiers symptômes, il s'écoule de 16 à 24 heures pour la souris, le rat et le cobaye, de 18 à 60 heures pour le lapin. Ces périodes d’incubation se rapportent à des doses moyennes de toxine, elles sont raccourcies pour des doses plus fortes et allongées pour des doses moindres. Il est évident que la préven- tion du tétanos sera d'autant plus difficile que Pon interviendra plus longtemps après l'introduction du poison, celui-ci ayant eu le temps d’altérer les éléments sensibles à son action. Cherchons maintenant si l’antitoxine se répand aussi vite dans le corps et à quel moment nous la retrouvons dans le sang. Dans le péritoine d’un cobaye de 450 grammes, on fait pénétrer 4 ce. ©. d’un sérum actif au dix-millionième, et on retire du sang d’une veine de l'oreille, 35 minutes après l’opération. Ce sang manifeste des propriétés antitoxiques in vitro, à raison de 15 par- ties pour une partie de culture filtrée. Une heure plus tard, cinq volumes de sang neutralisent un volume de la même toxine. Un autre cobaye de 345 grammes, reçoit 1 c. e. du sérum précédent sous la peau; après # heures, 25 parties de son sang rendent inoffensive une partie de culture filtrée. A un lapin de 2K 300, nous injectons, dans le péritoine, 15 c. c. d’un sérum actif à Occ. 00002; soixante minutes après nous retirons d'une veine de l'oreille un sang très antitoxique : il neutralise son volume de culture filtrée, et son pouvoir immunisant pour la souris est de 1/5000. Il suffit done d'injecter à un animal une quantité de sérum représentant la 345° partie de son poids (cobaye), pour donner très rapidement à son sang une propriété antitoxique manifeste: avec une dose égale à la 150° partie du poids de l'animal (lapin), non seulement la propriété antitoxique du sang est très marquée, mais le pouvoir immunisant est très notable. Cette propriété antitoxique du sang persiste pendant plusieurs CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 85 semaines. Le sang du lapin dont nous venons de parler, neutra- lisait encore son volume de toxine, 22 jours après l'injection ; 40 jours après, son action était affaiblie, mais encore appréciable. En rapprochant ce fait de celui que nous avons déjà établi, à savoir que l'immunité conférée par le sérum est passagère, qu’elle diminue dès le quinzième jour pour disparaître du quarantième au cinquantième, nous sommes conduwæts à admettre que les ani- maux qui ont reçu le sérum sont réfractaires pendant tout le temps que leur sang possède, à un degré suflisant, la propriété antitoxique. Aussitôt que l’antitoxine a disparu, l'animal redevient sensible comme avant au poison tétanique. Les notions que nous venons d'acquérir nous indiquent les conditions à réaliser pour la prévention du létanos. On peut espérer qu'une quantité de sérum qui rend le sang de l’animal antitoxique ou même immunisant sera plus que suffisante. Il est certain aussi que chaque fois que le sérum sera injecté de 40 à 45 minutes avant la toxine, celle-ci sera détruite dès qu'elle péné- trera dans le sang, puisque l'antitoxine circule déjà dans les vais- seaux. L'expérience montre qu'il en est ainsi : A quatre cobayes du même poids, de 280 à 350 grammes environ, on injecte d’abord sous la peau du flanc, 1 c. c. de sérum actif au millionième de e. ce, puis, 10’, 20’, 30’, et 40’ après, 1/150 c. c. de culture filtrée, dose qui tue le cobaye témoin en 48 heures. Le cobaye qui a reçu ce sérum 40’ avant la toxine n'éprouve aucun accident; les trois autres présentent, 36 heures, 6 et 7 jours après, un pleurosthotonos accentué : l'apparition de la contracture a élé d'autant plus tardive et son intensité d'autant moindre que les animaux avaient reçu le sérum plus longtemps avant le poison. Dans les conditions de l'expérience, la prévention du tétanos n’est complète que si le sérum est administré 49 minutes avant la toxine. Injectons presque simultanément et dans le mème tissu, mais en des points différents, de l’antitoxineet delatoxine :les deux sub- stances ne diffuseront pas avec la même vitesse; le poison, qui se répand plus rapidement, agira d’abord: malgré que l’antidote vienne bientôt arrêter ses effets, les cellules atteintes réagiront, et nous observerons un tétanos limité au point où nous avons intro- duitla toxine. Un cobayereçoitsousla peau duflane2 c. c.de sérum aclif au millionième de cent. cube, puis immédiatement après et au flanc opposé 1/150 de c. ec. de culture filtrée ; il présente au bout de 30 heures du pleurosthotonos et de la rigidité d’une patte 86 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. antérieure. On observe toujours les mêmes effets quelle que soit la quantité du sérum que lon emploie. Dix cobayes sensiblement du même poids (290 à 300 grammes) sont infectés à la cuisse gauche avec 1/150 de c. ce. de culture filtrée. L'un sert de témoin et meurt 48 heures après. Aux cinq autres, aussitôt après l'infec- tion, on injecte 4 c. c., à e.c., 10 ec. c. sous la peau, 10c. c.et 15 c. c. dans le péritoine, d'un sérum dont le pouvoir immunisant est supérieur à dix millions. Ces cinq animaux présentent, à la même heure que le témoin, un tétanos qui reste localisé à ia patte inoculée et qui persiste longtemps. D’après ce que nous venons de dire, on peut prévoir qu'il sera plus difficile de prévenir le tétanos si on intervient seule- ment après l'injection de la toxine, pendant la période d’incu- bation. A des cobayes du poids de 350 grammes on injecte, 1/150 de c. ec. de culture filtrée sous la peau de l'abdomen, puis 15, 25, 30, 45, 60 minutes, 15,30 et 2 heures après, 3 c. c. de sérum actif au millionième. Lesanimauxqui ont reçu le sérum de 15 à 45 minutes et celui qui l’a reçu 4h,30 après la toxine ont un tétanos modéré, les deux autres ont un tétanos mortel. Il semble que chez les souris on puisse intervenir utilement pendant un temps plus long : On injecte à des souris, à la base de la queuc, 1/2000° de c. c. de culture filtrée et, 7,8 et 14 heures après, 1c°,5 de sérum actif au millionième; la souris qui à reçu le sérum à la 14° heure succombe, les deux autres ont un tétanos très sévère mais qui guérit. En employant de plus grandes doses de sérum préventif, ou un sérum plus actif, on peut intervenir efficacement plus long- temps après l'injection de la toxine. 11 cobayes, du poids de 290 grammes à 310 grammes, sont inoculés dans la cuisse gauche par l'injection de 1/150 de c. c. de toxine. Un des cobayes qui sert de témoin meurt en 48 heures. Les 10 autres reçoivent : N° 1.45 minutes après l'infection. 3° de sérum sous la peau. Mort en à jours. N°9; — — ace — — Tétanos limité à patte. Nom — — J0cce — — Mort en {1 jours. Never — — 10c€ dans le péritoine. Tétanoslimité à la patte. N°25: — — 20ce — — — N° 6.2 heures après l'infection. 20cc —— — — No 7. 3 heures — A8cc — — — No 8.4 — — 48cc — — — Nore9 5 — — 3cc — — Se N° 10.5 — — 15cc —- Tétanos limité à la patte pendant à jours, puis pleurosthotonos quine s'aggrave pas. CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DU TÉTANOS. S7 Le sérum employé a un pouvoir immunisant de dix millions. Cette expérience montre bien l'influence des quantités de sérum injectées; mème 5 heures après l’infection, on peut prévenir le télanos en donnant de grandes doses, de préférence dans le ) » P péritoine. Après 12 heures, la mort survient le plus souvent. Il faut aussi tenir compte du lieu où l’on introduit le poison. Une mème dose de toxine injectée à la patte est en général moins O rapidement meurtrière que si elle est injectée au thorax ou sous la peau de l'abdomen. Dans le premier cas, ce sont les muscles de la palte qui sont contracturés tout d’abord ; dans le second, la rigidité débute par les muscles respiratoires, ce qui est plus dangereux. Neuf cobayes du même poids (290 grammes à 300 grammes), sont inoculés avec 1/150 de c. c. de toxine, 4 à une patte postérieure, à sous la peau de l'abdomen près des côtes. Un cobaye de chaque série sert de témoin, les autres sont traités par l'injection d'une même dose de sérum dans le péritoine après des temps variables. Le sérum employé a un pou- voir immunisant supérieur à dix millions. INOCULÉS A LA PATTE. Témoin meurt en trois jours. N° 1. Reçoit 9 heures après linfection 18c°:. Mort en trois jours. No2. — 12 — —_ 18ce. Mort en trois jours. No 3 — 15 — — A8ec. Mort en 6 jours. No 4% — 924 — — 18:c. Mort en 43 jours. INOCULÉS A L'ABDOMEN. Témoin meurt en moins de A8 heures. N° 1. Reçoit 9 heures après l'infection 18cc. Pleurosthonos. Guérison, N°2; 5-7 19 -— -- 48cc. Tétanos grave, Survie No 3 — 45 — — 48cc. Mort en 3 jours. No 4% — 90 — — 43cc. Mort en 2 jours 1/2. No 0À — — 18ce. Mort en 45 heures, 24 heures après l'injection du sérum. Dans toutes ces expériences, il arrive que des cobayes meurent qui ont reçu le sérum préventif plus tôt que d’autres qui résistent : il arrive encore qu'un cobaye qui n'a eu qu’une petite dose de sérum guérit, tandis qu'un autre périt, qui en à reçu d'avantage. Ces irrégularités mettent en évidence les diffé- rences de réceptivité individuelles. D'ailleurs, il ne faut pas oublier que les résultats ci-dessus seraient fort modifiés si nous 83 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. avions injecté des doses de toxine plus fortes, la prévention de la maladie serait alors bien plus malaisée. 2° INFECTION PAR LE BACILLE TÉTANIQUE. — Lorsque l'infection est causée par l'introduction du bacille tétanique dans les tissus, l’in- cubation peut être longue ou courte suivant que la culture débute aussitôt ou qu'elle est retardée. Nous ne connaissons alors ni le moment où la toxine commence à agir, ni les quantités qui interviennent, puisque le microbe en élabore tant qu'il est vivant; ici l'empoisonnement ne se fait plus en un seul coup, il est con- ünu. L'étude de la prévention du tétanos dans ces conditions, qui sont celles de l'infection naturelle, donnera des indications utiles pour le traitement de la maladie déclarée. Infection par spores chauffées à 80° additionnées d'acide lactique. — Bien que l'addition d'acide lactique aux spores tétaniques privées de toxine favorise leur germination, le tétanos n'apparait en général que dans le cours du troisième jour. Le sérum, injecté en même temps que le microbe ou dans les heures qui sui- vent, aura donc le temps de se répandre dans le corps avant la formation de la toxine. A une souris de 15 grammes on injecte 1/3 de €. c. d'un sérum qui immu- nise à 0cc,00002 contre une forte dose de toxine; immédiatement après, l'animal reçoit dans les muscles de la cuisse des spores chauffées à 80 et un peu d'acide lactique. Le tétanos débute dans le cours du 3 jour et la souris succombe. — A {rois cobayes du poids de 350 grammes environ on injecte des doses différentes du même sérum sous la peau, à savoir : {°e,5; 30,9, 4 c. c., et aussitôt après, dans un muscle de la cuisse, des spores et un peu d'acide lactique. Un quatrième cobaye témoin reçoit { c. c. du même sérum et, 2 heures après, 1/15 de €. c. d’une culture très toxique (dose tuant en 30 heures). Il reste bien portant. Les trois autres prennent le tétanos du 2° au 6° jour et succombent. Les quantités de sérum qui préservent sûrement contre lin- fection produite par une dose donnée de toxine peuvent donc être insuffisantes contre l’inoculation de spores et d'acide lac- tique; elles étaient cependant assez fortes pour donner au sang un pouvoir anlitoxique appréciable. Spores associées à des microbes favorisants. — L'infection par les spores additionnées d'acide lactique pourra paraître trop sévère, et d'ailleurs les spores tétaniques que l’on rencontre dans la nature ne sont point associées à un acide, mais bien à Ex: CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 89 d'autres microbes qui facilitent leur culture. Dans les expériences qui suivent, les animaux ont été inoculés, dans le tissu cellulaire, avec des spores chauffées à 80°, et associées à un coccus par lui- mème inoffensif. Ce mode d’inoculation donne le tétanos à coup sûr, le plus souvent dans le cours du troisième jour, et la mort survient en général de 36 à 48 heures après le début des accidents. A des cobayes sensiblement du même poids (360 grammes environ) on injecte dans le péritoine 4 ec. c. d’un sérum actif à 02c,09002; immédiates ment après on les inocule, dans le tissu cellulaire, avec des spores chauffées et du coceus favorisant. Un cobaye témoin est inoculé de la même manière, il prend le tétanos le 3° jour et meurt 48 heures après. Les cobayes qui ont reçu le sérum ne présentent aucun symptôme tétanique et sont encore en bonne santé sept mois après. La dose de 4 e. c. de sérum était donc suffisante à pré- server dans ces conditions d'infection, mais elle était nécessaire. En effet, deux cobayes (de 285 et 287 grammes), sont morts mal- gré qu'ils aient reçu l’un 1/2 c. c., l’autre 2/3 c. c. du même sérum immédiatement avant l’inoculation. Il est donc possible de prévenir le tétanos en injegtant le sérum immunisant au moment mème de l'infection par des spores additionnées de notre coccus. En sera-t-il de même si l'intervention a lieu pendant la période d’incubation ? Quinze cobayes sensiblement de même poids (380 grammes) sont inoculés comme les précédents. Trois servent de témoins: deux d’entre ceux prennent le télanos le 3% jour, l'autre le 5° jour; tous succombent. Les douze autres reçoivent dans le péritoine, de la 14 à la 62 heures après l'infection, des doses de sérum variant de 1 à 3 c. c. L'activité du sérum est de Oce, 00005. Dix restent bien portants, deux deviennent létaniques et meurent. Les détails de l'expérience sont mis en évidence dans le tableau ci-dessous. Cob. n° 1 reçoit 1 de sérum 14 heures après l'infection. Pas de tétanos. Eey 9 = Ace LES, 94 Es Le — 3 — Acc,S — 24 — — —— 4 — 2cc — 9% — — == 5 — Dec — 28 —— = — 6 — J2cc — 31 — —— ÉS 7 nn 110 = 40 == = =# S =ADCE — 40 Les = = 9 que — 40 — Tétanos. Mort. = 10." 9ve — 45 — Pas de tétanos. — 44 — 1e — 46 — Tétanos. Mort. — 49 — 9cc — 62 — Pas de tétanos. Chez les deux cobayes qui sont morts, les premiers symptômes se sont montrés 12 heures après l'injection du sérum. Dans les conditions de l'expérience, la prévention du tétanos est donc possible plus de 40 heures après l’infection, mais comme 90 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les spores ne germent pas au même moment chez tous les ani- maux, on observe des irrégularités, eton voit mourir un cobaye traité à la 40° heure, tandis qu’un autre traité à la 62° heure résiste très bien. Insertion d'une écharde de bois dans les muscles. — Pour appré- cier la valeur préventive du sérum dans diverses conditions d'infection, chez des cobayes, nous avons inséré dans les muscles d’une patte postérieure une écharde de bois imprégnée de spores chauffées à 80° et d'un coccus favorisant. Ce mode d’inocula- tion est plus sévère que l’inoculation dans le tissu cellulaire : ïl donne le tétanos dans un délai presque fixe de 3 jours et les animaux meurent de 36 à 48 heures après le début des accidents. Les cas de tétanos à la suite de la pénétration d'une écharde dans les tissus sont relativement fréquents chez l’homme. Douze cobayes sont infectés ainsi qu'il vient d’èlre dit, au moyen d'une écharde mince, longue de { centimètre. Trois servent de témoins et deviennent tétaniques 52, 54,78 heures après l'incculation, et meurent 18, 36, et 40 heures après le début des accidents. Les neuf autres cobayes reçoivent, de 24 à 52 heures après l'infection, 2 c. c. d’un sérum actif au dix-millionième. Deux sont restés indemnes, deux ont eu un tétanos chronique localisé à la patte inoculée, cinq sont morts tétaniques. Cob. n°1. Poids 3508r reçoit 2cc desér.24h. après inf. Pas de tétanos. — 9 — 405 — 31 Tétanos 58 j. 112 après inject. du sérum. Mort. — 9 — 335 — 39 Tétanos 12 jours après. Mort. — À. — 207 — 45 — 6 —— — — 5. — 39% — 47 — 24 heures aprés. Mort. — 6. — 410 — 4T — 94 — — — T7. — 430 — 48 Pas de tétanos. nt OT OO — 45 Tétanos localisé 40h. après. Guér. — 9. -- 580 — 52 — 16 —- Sur 3 de ces animaux, l'apparition du tétanos parait avoir élé retardée. Les accidents ont débuté 3 jours 1/2, 6 jours et 12 jours après l'injection du sérum. Les cobayes ont succombé malgré que le sérum qu'ils ont reçu fût extrêmement actif. La préven- üon est donc plus malaisée à obtenir lorsque linoculation est faite dans le muscle. Cela tient, selon nous, à ce que la pha- gocytose est beaucoup moins active dans le musele que dans le üssu cellulaire. Chez les cobayes infectés dans le tissu conjonctif et préservés du tétanos par l'injection de sérum, la préservation est définitive : ils sont encore en bonne santé après plusieurs mois; quand l’inoculation est faite dans le muscle, la préser- vation par le sérum peut n'être que temporaire; dans quelques CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 91 cas on voit des animaux qui paraissaient d’abord indemnes prendre le tétanos mortel 10, 12 et même 16 jours après l’in- jection immunisante. Ces cas de tétanos tardifsurviennent lorsque la propriété antitoxique du sang a déjà diminué; alors les bacilles, mieux protégés contre les phagocytes dans le musele que dans le tissu cellulaire, continuent à se cultiver, versent dans l'orga- nisme de nouvelles doses de poison télanique, qui ne trouvent plus d’antidote dans le corps et tuent l’animal. Le sérum anti- toxique provoque une leucocytose très marquée. Chez un cobaye qui a reçu 2 c. c. de ce sérum sous la peau, on trouve que déjà 2 ou 3 heures après, le nombre des leucocytes du sang est doublé et même triplé. Cette leucocytose persiste pendant 6 à 10 heures environ. M. Metchnikoff a vu que le même sérum, injecté sous la peau de loreille d’un lapin, détermine une émi- gration leucocytaire abondante. On peut donc supposer qu'outre son action sur la toxine, le sérum excite l’activité des leucocytes et favorise l’englobement des spores tétaniques. L’un de nous a en effet déjà insisté sur le rôle des phénomènes leucocytaires dans le prophylaxie du tétanos. En augmentant les quantités de sérum injectées, l'apparition de la maladie est plus retardée. Dix cobayes sont infectés par implantation, dans les muscles de la patte postérieure droite, d’échardes de bois imprégnées de spores chauffées à 80° et d'un coccus favorisant. Chez le témoin le télanos débute le 3° jour et la mort survient dans la nuit du ÿ° au 6° jour. Les neuf autres cobayes reçoi- vent, dans le péritoine, des quantités variables de sérum antitoxique, à des heures differentes après l'infection, mais toujours avant l'apparition de tout symptôme tétanique. L'activité du sérum est supérieure à dix millions. N° 4. Reçoit 12 h. après l'infection 3t*de sérum. Tétanosle 3tjour. Mort du 6e au 7°). N°2 — 158 — acc. Tétanos débute le 8° jour. Mort le 416 j. No 0 18 — 18cc. Tétanos débute le 10€ j. Mort le 18e j. No 4 — 924 —_ 3ce, Tétanos débute le 8e jour. Mort le 18 j. N°5 — 92,4 — 18, Tétanos débute le 9 jour. Mort le 42: j. Ne6—- 728 — acc, Tétanos débute le 3e jour. Mort le 110 } NT As "71-28 — 18cc. Tétanos débute le 3 jour. Mort le 6e j. NAS 536 — oc, Tétanos débule le 32 jour. Mort le se j. ND; 9 — 36 — 15e. Tétanos débute le 9% jour. Mort le 14e j. Suivant la dose employée l’incubation est prolongée, mais la prévention n’est pas durable : au bout d'un temps plus ou moins long le tétanos apparaît. Il semble bénin tout d’abord, puis redouble après des temps variables et tue l’animal; l'expé- rience suivante, dans laquelle l'injection a été plus sévère, en est un nouvel exemple. © 19 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dix cobayes sont infectés par implantation d’écharde dans les muscles de la cuisse droite. Ces échardes ont servi plus d’un mois auparavant à infecter d'autres cobayes qui sont morts létaniques. Retirées des cadavres, elles ont été conservées à l'abri de la lumière. Quatre cobayes témoins pren- nent le tétanos en moins de 2% heures et meurent de 40 à 44 heures après l'infection. Les six autres reçoivent, dans la cavité péritonéale, du sérum antitoxique à doses variables et à des temps différents. L'activité du sérum employé est supérieure à dix millions. N° 10. Reçoit 12 h. après infection 2ctde sérum.Tétanos débute24h.après infection Mort en 3 jours et demi, No1l. — 94 —— 4cc, Tétanos débute 48 h. après infection. Mort en 8 jours. N° 12. .— 23 — 6cc Tétanos débute le 82 jour. Aggravation le 102 jour, puis état stationnaire. N° 13: — 32 _ Sec Tétanos débute 48 h. après l'infection et reste stationnaire; 8 jours après, recru- descence. Mort. No 14 — 46 — 16cc, Tétanos débute 48 h. après l’intection. Mort en 3 jours et demi. No 15. — 49 — 1Scc. Tétanos débute 51 h, après l'infection. Mort en 3 jours. Du sang est extrait au cobaye n° 5, le 9° jour, quelques heures après le début du tétanos, il est antitoxique à raison de 40 parties de sang pour une de toxine, mais non à raison de 4 parties de sang pour une de toxine. Du sang est extrait au cobaye n°9, le 9° jour, quelques heures après le début du tétanos, 1l est antitoxique à raison de 20 parties pour une de toxine. Au moment de la mort, le sang du cœur est antitoxique à raison de 50 parties pour une de toxine. Du sang est extrait au cobaye n° 12, le 10° jour, au moment de l’aggravation du tétanos ; il n’est pas antitoxique, à raison de 12 parties de sérum pour une de toxine. Chez ces cobayes, infectés par le microbe vivant, le pouvoir antitoxique du sang diminue beaucoup plus vite que chez les cobayes sains qui ont reçu les mêmes doses de sérum; il y a une consommation incessante de l’antitoxine. Le bacille tétanique croit dans la sérosité antitoxique qui l'entoure, et y élabore son poison qui, sécrélé sans cesse, détruit peu à peu l’antitoxine introduite ; lorsque celle-ci n’est plus en quantité assez considé- rable le tétanos reprend sa marche. C’est un fait remarquable que pour entraver la maladie il ne suffit pas que le sang soit antitoxique, il faut qu'il le soit à un très haut degré. Malgré la culture longtemps prolongée du baoile au sein des tissus, il n’y a pas de vaccination des cobayes; ilne peut, en CONTRIBTUION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 93 effet, se faire aucune accoutumance à la toxine puisque celle-ci est détruite au fur et à mesure de la production *. De nos recherches sur la prévention du tétanos se dégagent les conclusions suivantes : 4° Le sérum antitoxique prévient sûrement le tétanos, même à doses extrêmement petites, lorsqu'il est injecté avant la toxine tétanique : 20 Lorsque le sérum est injecté en même temps que la toxine, on observe toujours un tétanos local, même quand la quantité de sérum injectée est très grande : 3° Lorsque le sérum est injecté après la toxine, mais avant l'apparition de tout symptôme tétanique, il y a toujours un tétanos local. La dose de sérum nécessaire pour empêcher la mort est d'autant plus forte que celui-ci est injecté plus tard après l’infec- tion. Après un certain temps écoulé, variable avec les animaux, la prévention n’est plus possible, même avec de grandes quantités de sérum ; 4° Le tétanos est plus ou moins rapide et par conséquent plus ou moins facile à prévenir, selon le lieu où linjection de la toxine est faite. Ces conclusions s'appliquent à des doses moyennes de toxine ; 4. Puisque l'introduction du sérum antitoxique dans le corps n’empêche pas le bacille du tétanos de se cultiver, l’ablation du foyer d'infection favorisera la guérison et empêchera le tétanos tardif. L'expérience suivante montre les effets de cette ablation et des injections de sérum combinées. À douze cobayes on introduit dans les muscles d’une des cuisses postérieures, une écharde imprégnée de spores. Deux cobayes servent de témoin et prennent le tétanos mortel le troisième et le quatrième jour. Les dix autres sont divisés en 2 lots de 5. Les cobayes des deux groupes reçoivent dans le péritoine, 24, 98, 51, 39 et 45 heures après l'injection, 2 c.c. d’un sérum actif au dix-millionième. Mais dès que les symptômes tétaniques se montrent chezles cobayes du 2e groupe, on extrait le corps étranger, on enlève largement le foyer d’inoculation et on le cautérise avec soin. PREMIER LOT Cob. 1. Reçoit 2 c. c. sér. 24 h. après infect. Pas de tétanos. Cob. 2, — 98 — — Co0b792 — 31 == = Cob. 4. — 39 — Tétanos le 12e jour, mort. Cob. 5. — 45 _ Tétanos le 5e jour, mort. 98 LOT. ABLATION DU FOYER Cob. 1. — 24 — Pas de tétanos. Cob. 2. — 28 — Tétanos le 162 jour, guérison. Cobe3: — 31 —= Tétanos le 10e jour, guérison. Cob. 4. - 39 - Tétanos le 5e jour, guérison. Cob. 5. — 45 _— Tétanosle 3° Jour, mort. Ainsi deux cobayes télaniques sont abandonnés à eux-mêmes; ils succombent. Sur quatre cobayes auxquels on enlève largement le foyer dès le début des acci- dents, trois survivent, un seul succombe. 9% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 50 Lorsque l'infection est produite par le bacille tétanique pullulant dans les tissus, la prévention dépend encore de la quantité de sérum injecté et du temps écoulé entre le moment de l'infection et celui de l’intervention. Elle échoue le plus sou- vent quand les animaux sont inoculés de façon à ce qu'ils aient un télanos à marche rapide. Elle peut réussir dans les infections lentes et encore, dans ces cas, la prévention n'est pas toujours définitive, si on n’enlève pas le foyer. La maladie qui paraissait enravée peut reprendre son cours et la mort survenir après des temps très longs. V TRAITEMENT DU TÉTANOS DÉCLARÉ. Des expériences que nous venons de rapporter sur la pré- vention du tétanos, nous pouvons conclure que la guérison de la maladie déclarée sera difficile à obtenir sur des espèces animales aussi sensibles que les souris et les cobayes. Au moment où les premiers symptômes sont constatés, la toxine à déjà agi sur les éléments cellulaires, et ceux-ci peuvent être assez atteints pour que la mort survienne fatalement. L'antitoxine détruit bien le poison qu'elle rencontre dans le corps, mais elle est sans action sur les lésions déjà faites. Cependant, MM. Bebring et Kitasato ont publié des résultats si favorables, entraitant le tétanos déclaré chez la souris et chez le cobaye, que nous n'avions qu'à essayer de les reproduire. Nos expériences ont porté sur les souris, les cobayes, les lapins, les moutons. La réceptivité de ces divers animaux pour le tétanos est très différente, et il était nécessaire de voir si le traitement, peut-être inefficace chez une espèce sensible, réussis- sait chez une espèce plus résistante. Le mode d'infection a été varié, et nous étudierons successivement l’action du sérum sur la maladie provoquée par l'injection de toxine, par l’inoculation de spores télaniques et de terre télanigène. Le plus souvent l'infection était faite à une patte, de manière que l’on puisse saisir les plus légers signes de la maladie et commencer ladminis- tration du sérum dès le début des accidents. Le sérum qui nous a servi dans la majeure partie de ces expériences venait d'un cheval vacciné: son activité était d’abord de un million etensuite CONTRIBUTION A L’'ÉTUDE DU TÉTANOS. 95 de dix millions. Nous avons injecté d'emblée de grandes doses, dans le péritoine, pour que l'absorption soit plus rapide. Chez les petits animaux comme les souris, il ne faut pas introduire de trop grandes quantités de sérum à la fois, 1l vaut mieux répéter les injections à diverses reprises. Chez le cobaye, on ne peut guère introduire plus de 15 à 20 c. ce. d’un seul coup dans le péritoine, sans quoi la respiration est gênée et l'absorption se fait mal. Ces injections massives de sérum de lapin et de cheval sont bien supportées par les divers animaux, elles sont inoffen- sives. Nous avons toujours gardé un assez grand nombre d’ani- maux témoins : cette précaution est surtout nécessaire dans des expériences de thérapeutique. Si, dans une série d'animaux inoculés, le premier animal pris de tétanos était soumis au trai- tement, le second était gardé comme témoin, et ainsi de suite en alternant ; lorsque plusieurs animaux devenaient tétaniques en même temps, les moins atteints recevalent le sérum, les autres servaient pour le contrôle. Parmi les 126 sujets tétaniques que nous avons observés, les uns ont eu des tétanos lents, les autres des tétanos rapides. Chez ceux qui ont été traités, on a mesuré mainte fois le pouvoir antitoxique et le pouvoir préventif du sang, soit pendant la vie, soit au moment de la mort. Les détails de quelques-unes des expériences sont consignés dans l’appendice qui est à la fin de ce mémoire. Jo INFECTION PAR LA TOXINE. — A. Souris. — 4 souris sont inoculées avec des doses moyennes de toxine (1/2,000 c. c.), trois sont gardées comme témoins, 6 reçoivent du sérum actif à O0 c.c. 00001 (de ce. e. à 2 e. c: 2/3) aussitôt que les premiers signes du tétanos apparaissent. Des 3 souris témoins, 2 sont mortes, { a guéri. Des 6 souris traitées, # sont mortes, 2 ont guéri. B. Cobayes.— 3 cobavessontinoculés avec 1/200 e.c.de toxine : 2 sont traités, 1 sert de témoin. Is meurent tous les trois, bien que le sérum employé fût actif au millionième et que les doses injectées aient atteint 1/11° et 1/39% du poids du corps. Le sang des cobayes traités était très antitoxique au moment de la mort. U° INFECTION PAR SPORES TÉTANIQUES (SPORES SANS TOXINE) ADDI- TIONNÉES D’ACIDE LACTIQUE. — À. Souris. — 3 souris ont été traitées par l'injection de 1 ce. e., 1 e. c. 1/3 et 2 c. c. de sérum actif au 96 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cent-millième dès le début du tétanos; elles ont succombhé comme la souris témoin. B. Lapins. — 1% lapins ont été infectés en deux séries. Sur les 6 animaux de la première série, 5 seulement ont pris le téla- nos ; # ont été traités et ont guéri; ils pesaient de 2 kilogr. 500 à 2 kilogr. 800 ; ils ont reçu en une seule fois de 40 ce. e. à 50 c. ce. de sérum actif au milionième, soit dans les veines, soit dans le péritoine. Le tétanos s’est arrêté, mais la contracture du membre inoculé a persisté longtemps. Le lapin témoin a eu le tétanos le 5e jour et est mortle 10° jour. Sur les 8 lapins de la 2° série, 6 seulement prennent le téta- nos du 4° au 1° jour ; 3servent de témoins, 2 guérissent, | meurt. 3 sont traités par injection dans le péritoine de 40 ce. e. à 80 €. c. de sérum actif au millionième : 2 succombent, le troisième guérit. Le sang des animaux qui sont morts était très antitoxique pendant la vie. Le sang du lapin qui a reçu 80 c.e., immunisait un gramme de souris à la dose de 0:°,0000%. Donc: Sur {1 lapins devenus tétaniques, 4 témoins ont donné 2 guérisons et 2 morts, 1 traités ont donné 5 guérisons et 2 morts. Il semble que le traitement réussisse mieux chez les lapins ; cependant, il ne faut pas oublier que la résistance du lapin au télanos est assez grande, et que la réceptivité est très variable suivant les individus ; il faudrait expérimenter sur un beaucoup plus grand nombre d'animaux, traités et témoins, pour bien dégager ce qui, dansles cas de guérison, revient à l'influence du sérum et à la résistance naturelle. III INFEGTION PAR SPORES ASSOCIÉES A UN COCCUS FAVORISANT. A. Souris. — 6 souris inoculées : 1 souris témoin : 1 mort. B.souris traitées par die "at lacice 200 CPAIC ICONE RCE sérum aclif au 0€,00005 : 5 morts. B. Cobayes. — 8 cobayes inoculés. 2 Cobayes témoins, 2 morts (sur un de ces cobayes on a enlevé le foyer d'infection dès le début des symptômes). 6 cobayes traités, 6 morts. (Sur 3 de ces cobayes on a enlevé le foyer d'infection aussitôt après l'apparition du tétanos’.) Le 1.Certaines observations montrent les heureuxeffets del’ablation du foyer d’infec- tion chez l’homme et chez les animaux, d’autres prouvent que souvent elle n’em- pêche pas la mort. On conçoit, en effet, que cette opération paraisse tantôt CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 97 sérum injecté était actif au millionième, ces animaux en ont reçu des quantités variant de la 6° à la 16° partie du poids du corps. LV. INFECTION PAR INTRODUCTION SOUS LA PEAU D ÉCHARDES DE BOIS IMPRÉGNÉES DE SPORES CHAUFFÉES A 80°, À. Souris. — 36 souris infec- tées, 31 seulement prennent le tétanos. 12 souris témoins, 11 morts, 1 guérison. 19 souris traitées, 17 morts, 2 guérisons. Les périodes d’incubation ont été: 3 jours, 5 fois; 4 jours, 15 fois ; 5 jours, 5 fois; 6 jours, 2 fois ; 7 jours, 3 fois; 8 jours, 1 fois. L’écharde était insérée à la racine de la queue. Pour juger du début du tétanos, il suffit de suspendre la souris par là queue, l’asymétrie dans la position des pattes postérieures est un indice que la maladie commence; ce signe se montre avant tous les autres. Ce procédé d'infection par écharde sous la peau ne donne pas toujours un tétanos mortel, même chez la souris. L'évolution du mal est assez lente. Ce sont là des conditions particulièrement favorables pour le traitement. Dans la plupart des cas Le sérum était actif au millionième, les doses ont varié He ce: c: à 00. c: 4/2: B. Cobayes. — 16 cobayes ont été infectés par Pintroduction d’une écharde sous la peau à la racine de la cuisse. 15 ont pris le tétanos du 4° au 23e jour. Il s’agit d’un tétanos à longue incu- bation et à marche lente dans la plupart des cas.” 1 cobayes témoins sont morts de 48 heures à 7 jours après le début des accidents. 8 cobayes traités sont morts de 34 heures à 21 jours après le début des accidents. Le traitement était commencé dès que l’on observait le moindre changement dans l'attitude de la patte où on avait placé l’écharde, quelquefois mème il a été entrepris alors que la gêne efficace, tantôt inutile. Elle sera utile si elle est faite à un moment où le bacille n’a pas encore jeté dans l’organisme une dose mortelle de toxine; elle limite alors l’empoisonnement, puisque la culture du bacille est locale. Il faut donc toujours la pratiquer, dès le début du tétanos, quand cela est possible. Chez les animaux, au moment où apparaissent les premiers signes de contrac- ture, il est souvent trop tard; l’empoisonnement est suffisant pour donner la mort, et l’excision du foyer ne produit aucun résullat, Outre les expériences que nous avons rapportées sur les cobayes, nous en avons fait d’autres chez les lapins. Sept lapins sont inoculés dans les muscles d’une patte postérieure avec des spores tétaniques et de l'acide lactique. Le tétanos débute le 3e, le 5e, le Ge, le 8 jour; le foyer d'infection est soigneusement enlevé, cautérisé et bourré d’io- doforme, 8, 18, 20, 36, 48 heures et 4 jours après le début de la contracture ; tous les lapins ont succombé. 7 98 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. des mouvements était douteuse. Nous avons donc suivi l’indica- tion de M. Kitasato qui recommande d’injecter le sérum théra- peutique dès les premiers signes du tétanos. Bien que le sérum, employé à fortes doses dès le début (11 à 24 c. c.), fût actif au millionième, la marche de la maladie n'a pas été modifiée dans #4 cas. Dans 4 autres, le tétanos a paru arrêté, puis une recrudescence est survenue soudainement et a déterminé la mort les 15°, 17°, 19° et 21e jours. L'histoire de ces cobayes est d'autant plus intéressante que le pouvoir antitoxique de leur sang a été mesuré à diverses reprises; déjà 30 minutes après l'injection du sérum dans le péritoine, il était très marqué, et deux heures après il avait atteint un degré tel que le sang était préventif à petite dose. Dans les jours qui ont suivi la dernière introduction du sérum, la propriété antitoxique a baissé; elle n’était plus appréciable, au momentde la mort, chez un cobaye qui a succombé le 15° jour, mais elle était encore très marquée chez les trois autres cobayes. Chez l’un d'eux, à l'instant même de la recrudescence du tétanos, 15 vol. de sang neutralisaient 1 vol. de toxine ; chez un autre le sang pris dans le cadavre immunisait à la dose de 1 c. c. un cobaye de 315 grammes contre 1/200 de c. c. d’une toxine très meurtrière. N'est-ce pas un fait saisissant que la mort, par le tétanos, de ces cobayes dont le sang est antitoxique et mème préventif? Le bacille tétanique a done continué à vivre, pendant de longs jours, au point d’inoculation, sécrétant son poison malgré la propriété antitoxique des humeurs. Ces faits nous montrent que tant que le microbe du tétanos reste vivant, un retour de la maladie est à craindre, alors même que le sang de l'animal infecté possède encore un pouvoir antitoxique notable. Il faut donc reprendre les injections thérapeutiques de temps en temps jusqu'à ce que les contractures aient disparu. Il est probable que l’ablation du foyer préviendrait ces recrudescences tardives. Les échardes retirées des cadavres étaient couvertes de pus dans lequel on trouvait un coceus et quelques bacilles tétani- ques. Le sang du cœur, la pulpe des organes examinés au micros- cope ne contenaient aucun microbe: ensemencés, ils n’ont pas donné de cultures ;iln°y avait done pas eu d'infections secondaires. M. Kitasato ‘ a publié une expérience dans laquelle il a infecté 4. Zeitschr. f. Hyg., août 1892. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 99 12 cobayes par des échardes de bois imprégnées de spores téta- niques chautfées à 80°; 10 de ces cobayes furent traités, après tétanos déclaré, par l'injection de doses de sérum qui ont varié de 10c.c.à2c.c.; 8 d'entre eux guérirent, ils avaient reçu &c. ce. 5 ce. c., 8 c. c. et 10 c. c. Ges résultats sont en contradic- tion avec ceux que nous venons d'exposer; ils sont d'autant plus surprenants, que le sérum employé par M. Kitasato venait du cheval immunisé par M. Behring, etqu’au moment où l'expérience a été faite, le sérum de ce cheval (d’après les renseignements publiés par M. Behring) était bien moins actif que celui qui nous a servi. De plus, les doses injectées ont été plus faibles. Enfin, dans les cas de M. Kitasato, la gravité de l'infection devait être tout à fait exceptionnelle, puisqu'il déclare que les premiers symptômes ont apparu 24 heures seulement après l’inoculation ; c’est à ce moment que le traitement fut entrepris. Jamais, pour notre part, nous n'avons vu un cobaye infecté avec des spores chauffées à 80° prendre le tétanosen 24 heures, il faut,en effet, aux spores le temps de germer et aux bacilles celui de fabriquer la toxine. Le tétanos n'apparaît aussi promptement que lorsqu'on injecte de la toxine toute préparée, ou encore lorsqu’on insère dans les muscles des échardes retirées de cadavres. Il y a dans cette expérience des circonstances que nous ne comprenons pas, et nous inclinons à croire que M. Kitasato a fait un traite- ment préventif plutôt que curatif. V. INFECTION PAR INTRODUCTION DANS LES MUSCLES D ÉCHARDES DE BOIS IMPRÉGNÉES DE SPORES CHAUFFÉES À 800. — Le tétanos provoqué par implantation d’échardes dans les muscles, est, en général, à marche rapide. Cobayes. — 18 cobayes ont été inoculés en deux expériences, 1 cobayes témoins, 7 morts. 11 cobayes traités, 11 morts. Les premiers signes de la maladie ont apparu de 36 heures à trois jours après l'infection : la mort est survenue à peu près dans le même délai pour les témoins et les traités. Dans une pes expériences, le sérum employé était actif au millionième ; dans l’autre il était actif au dix-millionième. Les doses injectées ont varié de la 30° à la 14° partie du poids du corps. Au moment de la mort le sang était très antitoxique. L'écharde était entourée d’une gaine de leucocytes; on voyait dans ce pus, au microscope, 100 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. des coccus et des bacilles tétaniques non sporulés. L’ensemen- cement du sang et des organes n’a pas donné de cultures. Dans une autre série, 4 cobayes reçoivent dans les muscles d'une cuisse des échardes qui avaient déjà servi à infecter les cobayes d’une expérience précédente, et qui étaient conservées depuis deux mois. Letétanos débute en moins de 24 heures; c’est donc un tétanos à marche rapide. Le cobaye témoin meurt en 40 heures. Les 3 autres reçoivent, dès le début de la contracture de la patte inoculée, 18 c.c. de sérum dans le péritoine. Ils meurent de 16 à 20 heures après l'injection thérapeutique et de 40 à 44 heures après l'infection. Leur sang esttrès antitoxique. L'activité du sérum employé était supérieure à dix millions. VI INFECTION PAR INTRODUCTION DE TERRE SOUS LA PEAU. — Cobayes. — Un même volume de terre est introduit sous la peau du ventre de 6 cobayes; 4 seulement prennent le tétanos, le 4° jour. 2 servent de témoins et meurent 24 et 31 heures après le début des accidents ; 2 sont traités dès l'apparition des premiers symp- tômes, ils succombent après 24 heures et 3 jours 1/2. Le sérum employé était actif au millionième, les quantités injectées égalent la 8° et la 5° partie du poids du corps. Le sang recueilli, après la mort, est très antitoxique, il immunise à la dose de 0c,0001. | VIL TRAITEMENT DES MOUTONS TÉTANIQUES. — Le mouton prend assez difficilement le tétanos; deux moutons inoculés l’un avec 1/4 de centimètre cubeetl’autreavecl ce. e. d’une culture tétanique très active sont restés bien portants; deux autres moutons qui ont reçu dans les muscles des spores chauffées à 80°, mélangées d'un peu d’acide lactique, n’ont éprouvé aucun mal, tandis qu'un lapin inoculé avec quelques gouttes du même mélange devenait tétanique le 3° jour et mourait le 6° jour. Le moyen qui nous a le mieux réussi pour donner le tétanos au mouton est l’introduc- tion dans les muscles d’une écharde imprégnée de spores téta- niques et d’un coccus favorisant. 4 moutons ont été ainsi inoculés en deux expériences. Chez deux d’entre eux, l'écharde est implantée dans les muscles de la cuisse; ils prennent le tétanos Le 11° jour. On enlève les échardes, on excise le foyer, que l’on panse à l’iodoforme. Le moutontémoin meurt le 5° jour de la maladie. Le mouton traité reçoit, 12 heures aprèsle début, 25 c. ec. desérum actif au dix-millionième dans la ju- gulaire, puis toutesles heures 15 c. ce. sous la peau de l'abdomen ou |» dl CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 101 du flanc. Il a ainsi reçu 165 c. ce. dans une seule journée. Il meurt le 2 jour de la maladie, 36 heures après que le traitement a été commencé. Son sang est antixotique à la dose de 8 parties pour une de toxine : il immunise une souris à la dose de 0,2. Dans la seconde expérience, l’écharde est implantée sous Fa peau de l'extrémité de la queue chez deux moutons. 12 jours après l’un est pris de tétanos. On ampute la queue, et on injecte sous la peau, pendant la première journée, toutes les heures 20 c.c. de sérum : il recoit au total 160 c. c. On lui administre aussi par la bouche du lait très antitoxique d’une vache vaccinée. Ilmeurt 4 jours après le début des accidents. Le mouton témoin, pris le 15° jour, subit aussi l'amputation de la queue ; 1l meurt le 6° jour après le commencement de la maladie. Nos expériences ont donc porté : Sur 49 souris : 17 souris témoins ont donné 15 morts et 2 gué- risons ; 32 souris traitées ont donné 28 morts et 4 guérisons. Sur 62 cobayes : 20 cobayes témoins ont donné 20 morts; 42 cobayes traités ont donné 42 morts. Sur 14 lapins : 11 seulement ont pris le tétanos; 4 lapins témoins ont donné 2 morts et 2 guérisons; 7 lapins traités ont donné 2 morts et 5 guérisons. Sur 4 moutons : 2 moutons témoins ont donné 2 morts: 2moutons traités ont donné 2 morts. Soit au total : 43 animaux témoins : 39 morts, 4 guérisons. 83 animaux traités : 73 morts, 10 guérisons. Quel que soit le mode d'infection, il est donc très difficile de guérir le tétanos déclaré chez les animaux. Au moment où appa- raissent les premiers symptômes, la quantité de toxine élaborée est le plus souvent suffisante à tuer l’animal, ‘elle à agi sur les cellules, et l’'antitoxine ne peut rien contre un empoisonnement déjà fait. Des doses très fortes d’un sérum très actif ont toujours été impuissantes contre un tétanos à marche rapide. Quelques minutes après l'introduction du sérum curatif dans le péritoine, lesang des animaux traités estantitoxique etimmunisant à un très haut degré, et cependant la maladie poursuit son cours. Le sérum a prolongé la vie dans les cas de tétanos moins sévère, et encore, si on n’enlève pas le foyer d'infection, on n’est pas sûr, au moins pour les cobayes, que la maladie ne reprendra 102 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pas quand le pouvoir antitoxique du sang aura diminué. Il faut ètre en garde contre ces rechutes du tétanos, et renouveler lin- jection du sérum une huitaine ou une dizaine de jours après le début des accidents, alors même que ceux-ci semblent arrêtés et en voie de guérison. TRAITEMENT DU TÉTANOS CHEZ L'HOMME. Depuis que l’antisepsie a fait disparaître presque complète- ment le tétanos post-opératoire des services de chirurgie, il est assez rare que le médecin assiste au début de la maladie. Les per- sonnes les plus sujettes au tétanos, cultivateurs, ouvriers, manœuvres, ne prêtent pas d'attention aux premiers symptômes, ou les traitent à leur façon. Elles ne s'adressent au médecin que lorsque les contractures leur causent une véritable souffrance. Aussi, dans les hôpitaux, nous ne voyons que des tétanos déjà prononcés. Ce sont là, assurément, des conditions peu favorables au traitement, mais ce sont celles de la pratique ; il faut bien prendre les malades quand ils viennent et comme ils viennent. Douze observations de tétanos humain, traité par l’anti- toxine, ont déjà été publiées. Rappelons-les brièvement. 1° Le cas d’un enfant, du service de M. Baginsky, à Berlin, traité par M. Kitasato, ne nous renseigne nullement sur l’effica- cité de l’antitoxine, la maladie étant trop avancée, la quantité de sérum injectée trop pelite. 20 8 cas observés en Italie, tous suivis de guérison. L'anti- toxine employée venait du sérum de chiens immunisés, elle était préparée par MM. Tizzoni et Cattani; les doses injectées étaient peu considérables. M. Rotter à fait des observations italiennes une critique très juste, à laquelle nous nous associons pleine- ment. Ces observations ne prouvent en aucune façon l'efficacité de l’antitoxine de MM. Tizzoni et Cattani; elles se rapportent à des tétanos lents, dont les premiers signes n'apparaissent que du 8° au 15° jour après la blessure, et dont la guérison est très fréquente D'ailleurs, s’il faut en croire le professeur Albertoni, de Bolo- gne ‘, l’antitoxine de M. Tizzoni n'aurait pas donné que des suc- cès : des cas traités suivis de mort (notamment un cas à Imola), n'auraient pas été publiés. 4. Therapeutische Monatshefte, sept. 1892, p. 437. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 103 En France, M. Rénon a faitconnaître, dans ces Annales, deux observations avec terminaison fatale, malgré que les malades aient reçu l’un 57%, et l’autre 80cc d’un sérum très actif. Les cas de M. Rénon sont les premiers dans lesquels on ait injecté de grandes quantité de sérum à intervalles rapprochés. Dans sa monographie sur la sérum-thérapie, M. Bebhring fait allusion à dix cas de tétanos humain traités par l’antitoxine, mais il n'en cite, avec détails, qu'un seul, observé par le D' J. Rotter. Il s’agit d'un tétanos assez sévère, de gravité moyenne, qui, d'après ce chirurgien, aurait pu guérir sans antitoxine. P. Muller, 25 ans, garçon d’écurie, se fit, le 6 juillet, avec un crochet de fer, une plaie entre le pouce et l'index. La plaie fut pansée à l'acide phénique et paraissait guérie 8 jours après. Le 14 juillet, le patient éprouve de la raideur dansla main; il continue à travailler jusqu'au 17. Le 91 juillet survient du tris- mus, le malade prend le lit, il est reçu à l'hôpital le 27 juillet. À ce moment les contractures s'étendent aux muscles de la face, du cou, du tronc, des jambes. Le 28 juillet le traitement est commencé, le sérum employé a une activité _Xde un million; dans cette journée on en injecte 66 grammes en 4 piqûres. — 29 juillet, même état, opisthotonos, secousses convulsives des muscles du dos, injection de 50 c. c. de sérum. 30 juillet, le mieux commence, injection de 45 c. €. — 31 juillet, amélioration, trismus moins fort, opisthotonos pres- que disparu, deux injections de_ 50 c.c."L'étal va oise les jours suivants. Le 6 août les sueurs, qui avaient été abondantes jusque-là, cessent après une urticaire. Le trismus, les contractures des muscles du dos et des jambes ont disparu; la rigidité de la main blessée et de l’avant-bras persistent jusqu'au 12 août. À aucun moment il n'y a eu d'élévation de température. En résumé, les premiers symptômes ont débuté 8 jours après la blessure, ils ont évolué lentement pendant 14 jours et ont commencé à diminuer le 16° jour. Le traitement a été commencé 22 jours après la blessure, 14 jours après l'apparition des premiers signes ; l'amélioration s’est montrée deux jours après les premières injections. Cette observation nous montre que l'on peut injecter à l’homme des doses très considérables (250 €. ce.) d’un sérum très actif sans inconvénients. Elle nous fait voir aussi que les contrac- tures se maintiennent longtemps, malgré l'emploi de l’antitoxine à haute dose. Grâäce à l'initiative éclairée de MM. les chefs de service dans les hôpitaux et à l'obligeance de MM. les internes, nous avons pu faire quelques essais de traitement sur lhomme; nous donnons les observations détaillées dans lappendice qui suit ce 104 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mémoire. Ici nous résumons les circonstances les plus inté- ressantes de chacune d'elles. Observation 1. — Service de M. Grancher, hôpital des Enfants, recueillie par M. Renaud, interne. Gerf.. Daniel, 11 ans. Trauma- tisme, extraction de dents. Durée de lincubation de la maladie: 15 jours. Durée de la maladie: 6 jours (mort). Le traitement a été commencé le 4° jour de la maladie. Quantité de sérum injecté : 147 €. c. Le pouvoir immunisant du sérum était de 200,000 à 500,000. Observation II. — Service de M. Polaillon, hôpital de la Pitié, recueillie par M. Martin, interne. M... Eugène, âgé de 42 ans, plaie à la cuisse produite par un éclat de pétard. Durée de lincubation : 8 jours. Durée de la maladie : 5 jours (mort). Le traitement a été commencé le 4° jour de la maladie. Quantité de sérum injecté : 108 c. e. Le pouvoir immunisant du sérum était de trois cent mille. Une heure avant la mort, le sang du malade était antitoxique à raison de quinze parties de sang pour une de toxine. L'injection de 108 e. c. de sérum à cet homme grand et fort a suffi non seulement à faire disparaître toute trace de toxine du sang, mais encore à donner à celui-ci, en quelques heures, un pouvoir antitoxique notable. Observation LL. — Recuecillie par le D' Morax de Morges (Suisse) et M. Morazx fils, interne des hôpitaux de Paris. Rôhm..., 15 ans 1/2, manœuvre dans une tuilerie. Main broyée dans un engrenage. Durée de lPincubation: 5 jours. Durée de la maladie : 2 jours (mort). Le traitement a été commencé 12 heures avant la mort. Quantité de sérum injecté : 20 c. c., dont 10 c. c. dans une veine. Le pouvoir immunisant du sérum était de un million. Observation IV. — Service de M. Th. Anger à l'hôpital Beaujon, recueillie par M. Domat, interne. Le Cun... 27 ans, employé de chemin de fer; plaies multiples par écrasement, renversé par une locomotive. Durée de lincubation : 8 jours. Durée de la maladie : 5 jours (mort). CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 105 Le traitement a commencé 36 heures après le début des accidents. Quantité de sérum injecté : 402 e. c. Pouvoir immunisant du sérum : un million. Le sang extrait 10 heures après que le patient a reçu 100 c. e. de sérum ne manifeste pas de propriété antitoxique à raison de quinze parties de sang pour une de toxine. Quatre heures après une nouvelle injection de 50 c. c. dé sérum, le sang est antito- xique dans la proportion de quinze parties de sang pour une de toxine. Après que le patient a reçu 260 c. c. de sérum, son sang est antitoxique a raison de huit parties pour une de toxine. A la dose de 1/3 de centimètre cube, il immunise un cobaye de 205 grammes. Le sang recueilli après la mort est antitoxique dans la proportion de deux parties pour une de toxine; il immu- nise un cobaye à la dose de 1/15 de centimètre cube. Observation V.— Service de M. Letulle, à l'hôpital Saint-Antoine, recueillie par M. Nicole, interne. P... Désiré, 23 ans, jardi- nier ; plaie à un doigt par éclat de verre. Durée de lincubation : 14 jours. Durée de la maladie : 3 jours (mort). Le traitement a été commencé le 2° jour de la maladie. Quantité de sérum injecté : 247 c. e. Pouvoir immunisant du sérum : un million. Le sang du malade, deux heures après qu'il avait reçu 127 c. c. de sérum, était antitoxique à raison de trente-cinq parties de sang pour une de toxine. Douze heures plus tard, la quantité de sérum injecté étant toujours de 127 c. c., le sang est antitoxique à raison de douze parties de sang pour une de toxine. Observation VI. — Service de M. Schwartz à l'hôpital Cochin, recueillie par M. Banzet, interne. Bona.…. Gabriel, 12 ans. Plaie de la jambe faite par une roue de wagonnet. Durée de l’incubation : 15 jours. Durée de la maladie : 30 jours (guérison). Le traitement a été commencé le 3 jour de la maladie. Quantité de sérum injecté : 265 ec. e. Pouvoir immunisant du sérum : un million. Le sang recueilli dix-sept heures après l'injection de 165 c. c. de toxine est antitoxique à raison de douze parties de sang pour une de toxine. 106 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le sang recueilli sept heures après l'injection de 265 c. c. de sérum est antitoxique dans la proportion de dix parties de sang pour une de toxine. Le sang recueilli quarante-huit heures après l'injection de 265 ec. c. de sérum est antiloxique à raison de six parties de sang pour une de toxine. Le sang recueilli qnatorze jours après la dernière injection est antitoxique à raison de treize parties de sang pour une de toxine. Observation VII. — Service de M. Barth à l'hôpital Broussais, recueillie par M. Mayet, interne. P... Charles, 22 ans, ouvrier. Pas de traumatisme, mauvais état des gencives et des dents. Durée de l’incubation : inconnue. Durée de la maladie : 30 jours (guérison). Le traitement a été commencé le septième jourde la maladie. Quantité de sérum injecté : 300 c. e. Pouvoir immunisant du sérum : dix millions. Le sang recueilli après l'injection de 250 c. c. de sérum est antitoxique à raison de dix parties pour une de toxine. Il immu- nise une souris à la dose de 1 centimètre cube. Le sang recueilli après que le malade a reçu 270 e. c. de sérum est antitoxique à raison de deux parties pour une de toxine. Le sang recueilli trente-sept jours après la dernière injection est antitoxique à raison de 20 parties pour une de toxine. Il immunise une souris de 15 gr. à la dose de 1 €. c. A ces sept observations nous pourrions en joindre deux autres. L'une, du service de M. Berger, a été communiquée à l’Académie de médecine. Il s’agit d’un homme qui avait eu l'extré- mité d'un doigt écrasée et qui fut pris de télanos chronique. Après l’amputation du doigt, les accidents cessèrent. Le liquide épanché dans l'articulation de la deuxième phalange avec la troisième, contenait un coccus et du bacille tétanique. Ce malade a reçu quelques injections de sérum antitoxique, mais en si petite quantité qu'elles n’ont guère pu avoir d'influence sur la marche de la maladie. L'autre tétanique était un malade du service de M. Landouzy, qui, à la suite d’une blessure faite à la figure, par la pointe d’une fourche, eut un tétanos chronique limité d’abord à la tête. Après une vingtaine de jours les con- CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 107 tractures s'étendirent au tronc et des spasmes apparurent, La température s'éleva. M. Landouzy fit exciser le point blessé ; presque aussitôt la température baissa et les contractures s’elfa- cèrent lentement. Aucune injection de sérum ne fut faite à ce malade. Le sérum employé dans les sept cas de tétanos humain dont nous venons de donner l’histoire était très actif, et six fois, au moins, les quantités injectées ont été considérables. Persuadés que le but à atteindre est de rendre le sang du patient antitoxique, aussi rapidement que possible, nous avons introduit sous la peau des doses massives en une seule fois. L'examen du sang de nos malades nous a montré que, pour un homme pesant environ 10 kilogrammes, 100 à 150 e. c. de sérum actif au millionième suffisent pour donner un pouvoir antitoxique notable. Mais cette qualité nouvelle du sang n’a pas arrêté la maladie; nos patients sont morts de tétanos avec un sang non seulement capable de détruire la toxine, mais encore de donner l’immunité. Le tableau ci-dessous résume les principales circonstances des cinq cas mortels. Nos Durée de l’incubation. Durée de la maladie. Roses a RL Sérum injecté. Ale 45 jours 6 jours. 4e jour. 147cc : enfant. 2 S — 5 — 4e — 108cc 3. do — 2 — 36 heures. 20cc : enfant. 4. 8 — D — 36 — 402cc >. 44 — 3 — 2e jour. 247ec Si le traitement a été fait, pour ces cinq cas, dans des condi- tions favorables sous le rapport de l’activité du sérum et des quantités injectées, il n’en est pas de même si on considère le moment de l'intervention et la gravité du mal, Tous ces tétanos sont à marche rapide ; deux d’entre eux, n° 3 el 5, ont eu une évolution si courte qu'il n’y à pas à s'étonner que le traitement ait échoué. Chez l'enfant (n° 3) traité par le D' Morax, le sérum a été injecté tardivement et en petite quantité; l'observation présente cette particularité qu’une des injections a été faite dans les veines. La maladie était si grave que M. Morax ‘a’ pensé que, pour gagner du temps, il fallait introduire directement l’antitoxine dans le sang. Le malade n° 1 a vécu deux jours après le début du traite- 108 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ment, mais chez lui le tétanos portait surtout sur les muscles: respirateurs, ce qui aggravait la situation. Le malade n° 2 a été traité seulement 24 heures avant la mort. Ces quatre exemples (1, 2,3, 5) ne montrent donc qu'une chose, c’est que dansle tétanos rapide, lasérum-thérapie, telle que nous lPavons faite, a été impuissante, elle n’a modifié en rien la marche de la maladie. Nous sommes tombés sur une série parti- cubèrement sévère; c’est précisément pour ces tétanos graves qu'il faudrait un traitement efficace. Mais, nous le répétons, dans la pratique on ne choisit ni les cas ni le moment de l'intervention ; les remèdes doivent être essayés dans les condi: tions de la pratique, il faut publier tous les cas pour que l’on sache ce que l’on peut attendre du sérum antitoxique. Dans le cas n° 4, survenu à l’hôpital même, le sérum a été donné 36 heures après l'apparition des premiers signes de tétanos, et à doses assez fortes d'emblée pour créer rapidement l’état antitoxique. Pendant trois jours le tétanos a été en s’aggravant chez cet homme, dont le sang était capable de donner limmunité contre le tétanos. La rapidité de l'intervention, la quantité énorme de sérum injecté nous faisaient espérer un meilleur résultat. Le tableau ci-dessous résume les principales circonstances des deux cas guéris. Commencement du traitement après Nos Durée de l’incubation. Durée de la maladie. TOR Sérum injecté. 6. 45 jours. 30 jours. 3e jour. 265ce : enfant (31k). 1É 4 — 90 — T8 — 300cc À aucun moment ces deux malades n'ont donné de sérieuses inquiétudes, il était manifeste que chez eux le tétanos était bénin ; leur température était normale. Ce sont des cas qui guérissent avec toutes les médications, et il est difficile de dire si le sérum a eu une influence heureuse sur la durée des contractures. Nous en retiendrons seulement que l’on peut donner à l'homme téta - nique, sans danger, à doses massives, du sérum de cheval très antitoxique, et qu'ilne faut pas hésiter à injecter d'embléeune quan- tité suffisante pour rendre le sang antitoxique. Ces deux malades, qui ont guéri, ont eu de l’urticaire après les injections. Cette par- ücularité à été aussi notée par M. le D' Rotter. Cette éruption CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 109 est peut-être causée par l'introduction dans l'organisme de ces grandes quantités de sérum de cheval. On s’est préoccupé, dans ces derniers temps, de savoir quelle est la mortalité dans le tétanos, afin de pouvoir estimer la valeur du traitement par le sérum. La gravité du tétanos est, en géné- ral, en rapport avec la durée de l’incubation, et tout le monde est d'avis que la mortalité est d'autant plus forte que l’incubation est plus courte. Une incubation de 10 à 15 jours correspond le plus souvent à un tétanos de sévérité moyenne. Nos observations 1 et 5 montrent cependant que des tétanos qui n'ont commencé que 14 et 15 jours après le traumatisme, ont eu une évolution fatale et très rapide. M. Behring adopte, d’après les statistiques de Rose, de Richter et autres, le chiffre de 80 à 90 0/0, comme représentant la mortalité dans le tétanos. Le professeur Alber- toni admet une mortalité bien inférieure, de 24 0/0, d'après le relevé de 176 cas de tétanos observés dans ces dix dernières années. M. Sormanni, qui a fait la statistique des hôpitaux italiens de 1882 à 1887, constate une mortalité de 44 0/0. Nous pensons que le chiffre de 80-90 0/0 est trop fort; en effet, 1l est établi sur des statistiques militaires, et on sait qu’en temps de guerre, sur- tout avant l’application rigoureuse de l’antisepsie, le tétanos était particulièrement meurtrier sur les blessés. Le chiffre de M. Alber- toni est assurément trop faible; dans les conditions de la chirur- gie actuelle, la proportion de 50 0/0 est, croyons-nous, voisine de la vérité. C’est le nombre qui concorde le mieux avec ce que nous avons pu observer. Les tentatives de traitement que nousavons faites sur l’homme ont donné des résultats assez semblables à ceux que nous avons obtenus chez les animaux. Le traitement aéchoué dans les tétanos graves. En aurait-il été autrement s’il avait été commencé plus tôt? De nouvelles expériences répondront. Malgré que notre observation no 4 soit de nature à ébranler un peu les espérances qu'avait fait naître la belledécouverte de MM. Behring et Kitasato, nous ne porterons pas un jugement sur si peu de faits. Il convient d'en amasser de nouveaux, et pour aider à ce résultat, dans la mesure de nos forces, nous enverrons avec plaisir à nos confrères des hôpitaux bien placés pour traiter des tétaniques, du sérum thérapeutique desséché et de conservation facile. Il faut en être muni à l'avance pour ne pas perdre un temps précieux quand les 110 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. malades se présenteront. Nous persistons à croire que l'emploi du sérum antitoxique constitue, en ce moment, le seul traitement rationnel du tétanos.Il est inoffensif, il détruit la toxine élaborée dans le foyer d'infection, il sera donc toujours utile. Pour nous, la conduite à tenir en présence d’un cas de tétanos est la suivante ! : injecter aussitôt et d'emblée une centaine de centimètres cubes de sérum très actif, exciser le foyer d'infection. Administrer encore le lendemain et le surlendemain 100c.c. de sérum, par jour. Sile tétanosestenrayé, aprèsune dizainede jours, surtout si on n'a pas pu enlever le foyer, donner encore du sérum pourprévenir ces retours de tétanos que nous avons signalés chez les animaux. Appliquons-nous donc à augmenter l'activité du sérum et à concentrer l’antitoxine sous de petits volumes pour en faire pénétrer rapidement de grandes doses. Devant les difficultés que nous avons rencontrées à guérir le tétanos, nous pensons que, chaque fois que la chose est possible, il faut essayer de le prévenir. Pourquoi le médecin appelé pour soigner une plaie contuse et souillée de terre n'injecterait-il pas préventivement de l'antitoxine? De petites doses suffisent à prévenir le tétanos, de grandes doses peuvent ne pas le guérir. Lors de la dernière guerre du Dahomey, nous avions envoyé à M. le D' Rouch, médecin de la marine, du sérum desséché, distribué, par doses de 5 grammes, dans des tubes, pour qu’il lemploie préventivement. On sait, en effet, que dans cette partie de l’Afrique, les blessures sont souvent suivies de tétanos. Malheureusement, le D' Rouch, blessé par le feu de l'ennemi, a succombé sans avoir pu mener à bien cette tentative. M. le D' Schwartz, chirurgien de lhôpital Cochin, nous a adressé dernièrement, pour que nous lui injections préventivement du sérum, un homme dont la main avait été broyée par un wagonnet. Nous lui avons injecté dans le tissu cellulaire 30 c.c. d’un sérum dont le pouvoir immunisant est dix millions. Si cette pratique se généralisait, assurément bien du sérum serait employé inuti- lement, puisque le tétanosest relativement rare, mais assurément aussi, un certain nombre de blessés lui devraient la vie. 4. La première injection pourrait, dans les cas dont l’incubation a été très courte, être faite dans le péritoine, pour que l'absorption soit plus rapide, à la condition que lon soit tout à fait sûr de la pureté du sérum. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 111 APPENDICE TRAITEMENT DU TÉTANOS DÉCLARÉ, Nous donnons ici les relations de quelques-unes de nos expériences, pour que l’on puisse se rendre compte de la marche de la maladie chez les animaux traités et chez les témoins. EXPÉRIENCES SUR LES SOURISe Exp. du A1 octobre 1892. Le sérum employé est du sérum de lapin vacciné dont le pouvoir immunisant est de un million; il est injecté sous la peau. 15 souris sont inoculées au moyen de petits fragments de bois de 2 millimètres de long, non stérilisés au préalable, el imprégnés de spores chauffées 3 h. à 80°. Ces échardes sont desséchées, elles sont introduites sous la peau du dos, à la base de la queue; la plaie est obturée avec un peu de collodion. L'inoculation a lieu de 3 à 4h. du soir. Souris témoins. N° I. — Poids 13 gr. Début du tétanos le 4 jour, le 45 oct. L'animal meurt le même jour dans une cerise pendant qu'on l’'examine. N° II. — Poids 14 gr. Début du tétanos le 4 jour, le 15 oct. Une patte postérieure seule est prise le matin; le soir rigidité des deux pattes posté- rieures. Mort dans la nuit du 15 au 16. N° III. — Poids 14 gr. Début du tétanos le Æ jour, le 15 oct. Le soir, rigidité des 2 pattes postérieures. Le 16 oct., tétanos généralisé. Mort le soir à 5 h. N° IV. — Poids 15 gr. Début du tétanos le 7° jour. Le 17 oct. au matin, asymétrie des pattes postérieures. Le 18 oct., mêmes symptômes, pas d’aggravation. Le 19 oct., léger écartement des pattes pendant la marche. Le 20 oct., même état. Le 25 oct.,un peu d’aggravation des contractures des pattes postérieures. L'animal meurt brusquement, quand on le saisit pour l’examiner. Souris traitées. N° I. — Poids 15 gr. Début du tétanos le 14 oct., 3° jour au matin : les pattes postérieures sont légèrement écartées. A 10 h., injection sous-cutanée de 1 c. c. 1/3 de sérum. — A 3 h., injection de 1 c. c. 1/3. Aggravation, les pattes postérieures deviennent raides. Le 15 oct. 9 h. matin, rigidité absolue des pattes postérieures. Injec- tion de { c. c. 1/3. — A 3 h., injection de 1 c. c. 1/3. Même état que le matin. Le 16 oct., tétanos généralisé, l'animal est couché en rigidité com- plète. Le 17 oct., mort le soir à 9 h. N° IT. — Poids 22 gr. Rien le 14 oct., 3° jour au matin. — A 1 h., léger 112 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. écartement des pattes postérieures. Injection de 1 c. c. 1/3 de sérum. — À 6 h., les symptômes sont plus accentués, la patte droite est un peu raide. Injection de 1 ec. c. 1/3. Le 15 oct., rigidité de la patte postérieure droite et rigidité commençante de la patte postérieure gauche. Injection de 1 c. c. 1/3 de sérum. — A 3 h. injection de 4 c. c. 1/3. Même état. Le 16 oct., tétanos généralisé. Mort le soir à 7 h. N° II. — Poids 45 gr. Début du tétanos le 4 jour. Le 15 oct., gêne des pattes postérieures. Injection à 8 h. 30 de 1 c. c. 1/3 de sérum; à 3 h., injection de { c. c. 1/3. Rigidité des deux pattes postérieures. Le 16., tétanos généralisé, animal couché, respirant mal, Le 17, même état. Mort à midi. N° IV. — Poids 17 gr. Début du tétanos 6° jour. Le 15 au matin, gêne des pattes. Commencement de rigidité. 8 h. 30, injection de 1 c. c. 1/3 de sérum. — À 3 h., injection de 1 €. c. 1/3. — Rigidité marquée de la patte gauche. Mort dans la nuit du 15 au 16. N° V. — Poids 17 gr. Début du tétanos le 4 jour. Le 15 au matin, affais- sement de l'arrière-train. Gêne de la patte postérieure gauche. Rigidité de la patte droite. 8 h. 30, injection de 1 c. ec. 1/3 de sérum. — A 3 h., injec- tion de { c. c. 1/3. Contracture commençante de la patte gauche. Le 16 au matin, tétanos généralisé, Mort le soir à 7 h. N° VI. — Poids 15 gr. Début du tétanos le 4 jour. — 15 oct. au matin. Affaissement du train postérieur, gène dans les deux pattes.8 h. 30, injection de { c. c. 1/3 de sérum. 3 h., injection de 1 c. c. 1/3. Rigidité complète de la patte droite. Contracture commençante de la patte gauche. Mort à 6 h. 40 du soir. N° VIT. — Poids 43 gr. Début du tétanos le # jour. — 15 oct. au matin patte droite libre, patte gauche un peu raide. 8 h. 30, injection de 1 c. c. 1/3. 3 h., injection de 1 c. ce. 1/3. Rigidité en extension de la patte gauche, gêne très marquée de la patte droite. Mort dans la nuit du 15 au 16. N° VITE. — Poids 17 gr. Début du tétanos le 4 jour. — Le 43 oct.au matin, gène des pattes postérieures, surtout à gauche. 8 h. 30, injection de 1 e.c. 1/3 de sérum. 3 h., injection de 1 c. c. 1/3. Rigidité de la patte gauche. Con- tracture commençante à droite. Mort dans la nuit du 15 au 16. N° IX. — Poids 15 gr. Début du tétanos le 4e jour. — Le 15 oct. au matin, gêne à peine sensible dans le train postérieur. Un peu d'écartement des pattes. 8 h. 30, injection de 1 c. c. 1/3 de sérum; à 3 h., injection de 4 c. c. 1/3. Gêne marquée des pattes postérieures. Mort dans la nuit du 45 au 16. N° X. — Poids 15 gr. Début du tétanos le 5° jour. — Le 16 au matin, aucun symptôme A 1 h. 30, légère raideur de la patte postérieure droite, aussitôt injection de 1 c.c. 1/3; à 6 h., injection de 2 c. c. de sérum. Rigidité de la patte postérieure droite. 17 au matin, rigidité de la patte postérieure ganche, crises convulsives ; à 8 h. 30, injection de { c. ce. 1/3; 5 h., injection de 1 c. c. 1/3. Rigidité de deux pattes. MT PERL N SUR DR > Llec Lee hi Ex É & 7 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 113 18 au matin, tétanos généralisé. Mort le soir à 7 h. N° XI. — Poids 17 gr. Début du tétanos le T° jour, comme le témoin IV. Le 17 au matin, légère asymétrie des pattes postérieures quand la souris est suspendue par la queue. Pas de gêne pendant la marche. Aussitôt, à 9 h. du matin, on injecte 2 c. c. 1/4 de sérum; à 5 h., 1 c. c. 1/3. Un peu d'écartement des pattes. Le 18 oct., gène dans les mouvements des pattes, surtout à gauche. — 10 h., injection de 1 e. c. 1/2 de sérum. — 6 h., injection de 1 ce. c. 1/3. Commencement de rigidité de la patte gauche. Le 19 oct., même état. Le tétanos n’a pas progressé. Le 20 oct., même état jusqu'au 26 octobre. Le 2 nov., retour à l’état normal. Le 22 déc., on injecte à cette souris 1/1400 de c. c. de toxine, à la base de la queue. Le 24 déc., redressement de la queue. Le 25 déc., gène des pattes postérieures. Le 26 déc., rigidité de la patte droite. Mort dans la nuit du 26 au 27. Un mois et 20 jours après la guérison, cette souris n’a pas l'immunité. Expérience du 27 octobre 1892. — Le sérum employé est du sérum de lapin : son pouvoir immunisant est de un million. 14 souris sont infectées comme les précédentes, le 27 oct., de 5 à 6 h. du soir. {2 souris seulement prennent le tétanos. À mesure que les souris sont prises, une est traitée, l’autre est gardée comme témoin. Souris témoins. N°_I. — Poids 14 gr. Début du tétanos 3° jour. Le 30 à 4 h. soir, asymétrie des pattes postérieures. — Le 31 au matin, redressement de la queue. Rigidité commencçante de la patte droite. 6 h. du soir, rigidité complète de la patte droite. Mort dans la nuit du 31 oct. au {°° nov. N° IL. — Poids 13 gr. Début du tétanos le # jour. Le 31 oct. à 8 h. du matin, asymétrie des pattes postérieures, qui sont légèrement écartées pendant la marche. 6 h. soir, affaissement du train postérieur: Raideur commençante des pattes. — 1‘ nov., rigidité complète des pattes, crises convulsives le soir. Tétanos généralisé. Mort dans la nuit. N° III. — Poids 19 gr. Début du tétanos le 4 jour. Le 31 oct. vers 3 h., redressement de la queue, un peu d'asymétrie des pattes postérieures, gêne de la patte droite. — 1° nov., rigidité de la patte gauche, contracture com- mençante de la patte droite. Le soir à 4 h., rigidité des deux pattes posté- rieures. — 2 nov., télanos généralisé. Mort à 3 h. N° IV. — Poids 15 gr. Début du tétanos le 5° jour. Le 1°7 nov. au matin, rigidité de la patte postérieure gauche. Le soir, contracture des deux pattes. Mort dans la nuit. N° V. — Poids 15 gr. Début du tétanos le 5° jour. Le 1°' nov. au matin, redressement de la queue, gêne des mouvements des pattes postérieures. Le soir, gêne plus marquée, pas encore de rigidité. — 2 nov., tétanos com- plet des deux pattes postérieures. Mort à 4 h. N° VI. — Poids 24 gr. Début du tétanos le 6° jour. Le 1° nov., dans la soirée, léger écartement des pattes postérieures. — Le 2 nov., affaissement 8 Rd dé 114 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. du train postérieur, écartement plus prononcé des pattes pendant la marche. Le soir, redressement de la queue. — Le 3 nov., même état. — Le 4 nov., rigidité des pattes postérieures. — Le 5 nov., l'animal est très malade. Mort à 4h. Souris trailées. — N° I. Poids 13 gr. Début du tétanos le 3° jour. Le 30 oct, à midi, rien d'anormal. Le même jour à 2 heures, il parait exister un peu d’asymétrie des pattes postérieures lorsque l'animal est suspendu par la queue, la marche est normale, la queue non redressée. À 3 h. 30, injection de 1 ec. c. 1/3: à 6 h. 30, injection de 1 e. c. 1/2 de sérum. Gêne un peu plus marquée de la patte droite. 31 oct., 8h. matin, redressement de la queue. Rigidité de la patte droite, injection de 1 c. c. 1/3. À 1 h. 30, injection de ! c. e. 1/3. AG h. soir, gène marquée de la patte gauche. 4° nov., rigidité commençante de la patte gauche, Soir, rigidité complète des deux pattes. 2 nov., même état. 3 nov., le tétanos n'a pas progressé. Les deux pattes postérieures sont renversées sur le dos. 7 nov., même état. 20 nov., les pattes postérieures sont moins rigides. 25 nov., amélioration, les pattes sont toujours entrecroisées. 29 nov., même état. Mort dans la suite du 30 nov. au 4° déc. N° II. — Poids 20 gr. Début du tétanos le 4 jour. Le 31 oct. au matin, redressement de la queue et asymétrie très légère des pattes postérieures pendant la suspension. Aucune gêne de la marche. A 8 h. 30, injection de 4 c. c.-4/3 ; 4 h- 30;injection de 1 c:-c. 1/3:;.5 h. 30, injection del c*e.175: Le soir, gène marquée de la marche. — Le 1°" nov., rigidité de la patte posté- rieure gauche, crises convulsives. Mort à 9 h.20 du matin, dans une crise convulsive au moment où on prend la souris pour lui injecter du sérum. N° HI. — Poids 20 gr. Début du tétanos le 4° jour. Le 31 oct. à 8 h, du matin, redressement de la queue, un peu de gêne de la patte gauche pendant la marche, Injection de 1 c. c. 1/3 de sérum; 1 h. 30, injection de 1 c. ce. 1/3; 5 h. 30, injection de 1 c. c. 1/3. Le soir, rigidité commençante de la patte gauche. Le 1 nov., affaissement du train postérieur. Rigidité complète de la patte gauche, gêne de la patte droite. À 8 h. 30, injection de 1 c. c. 1/3 de sérum. Le soir, rigidité complète des pattes postérieures. Le 2 nov., tétanos généralisé, mort le soir à 4 heures. N° IV. — Poids 23 gr. Début du tétanos le 4 jour. Le 31 oct. à 2 h., rien d’anormal:; le même jour à 5 h., on constate un peu d’asymétrie des paltes postérieures pendant la suspension et une gêne très légère de la patte gauche pendant la marche. 5 h. 15, injection de { c. e. 1/3 de sérum. Le 4% nov. au matin, rigidité de la patte gauche, la patte droite com- mence à se raidir. 9 h., injection de 2 c. c.: 4h, injection de 1 ec. c. 1/3. Le soir, rigidité de la patte droite. Mort dans la nuit. N° V. — Poids 17 gr. Début du tétanos le 5° jour. Le 4° nov. à 8 h. 30, CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 115 rigidité de la patte postérieure gauche, rien à la patte droite ; injeelion de 2e. c. de sérum; à 4 b. injection de 2 c. c. Le soir, rigidité complète de la patte gauche; rien à droile. — 2 nov. au matin, gêne très marquée de la pattefdroite. AS h., injection de { c. e. de sérum; à h., injection de 1 c. e. 1/3 de sérum. Le soir, rigidité des deux pattes. Mort dans la nuit. N° VI. — Poids {7 gr. Début du tétanos le 5e jour. Le 13 nov. à 8 h, 30, redressement de la queue, écartement des pattes postérieures pendant la marche. 9 h., injection de 2 c. c. de sérum ; #4 h., injection de 2 ec. c. de sérum. Le soir, gène marquée dans les mouvements des pattes de derrière. — Le 2 nov. au matin, rigidité des pattes postérieures. À 8 h., injection de 1e. c. 1/3 de sérum; 5 h., injection de 1 c. e. 1/3. Le soir, l'animal est très affaissé, contracture des membres postérieurs. Mort à 6 h. 45. 20 EXPÉRIENCES SUR LES COBAYES. Expérience du 1° nov. 1892. — Dix cobayes reçoivent sous la peau du dos, vers la racine de la cuisse gauche, une écharde de bois de 1 ce. de long, non stérilisée au préalable, imprégnée de spores tétaniques chauffées à 80° pendant 3 heures, puis desséchées La plaie est fermée avec un peu de collo- dion. L'opération est faite entre 5 h. et 6 h. du soir. Trois cobayes seront traités, trois serviront de témoins. Les traités et les témoins sont désignés alternativement, au fur et à mesure que les animaux deviennent tétaniques- Le sérum employé provient d'un cheval, il a un pouvoir immunisant de dix millions. Cobayes témoins. N° I. — Poids 305 gr. Début du tétanos le 5° jour. Le 6 nov. dans l'après-midi, on remarque que la patte droite de derrière est un peu déjetée en dehors pendant la marche et plus trainante que l’autre; elle ne présente ni raideur, ni changement appréciable pendant le repos. — Le 7 nov., même état. — Le 8 nov., la patte est plus déjetée en dehors que la veille, avec tendance à l'extension. Tension des muscles abdominaux. Le soir, rigidité du tronc, rigidité commençante des pattes antérieures. Mort dans la nuit du 8 au 9. No Il. — Poids 284 gr. Début du tétanos le 6° jour. Le 6 nov., la patte postérieure gauche est moins agile. — Le 7 nov., gène très légère de la patte gauche. — Le 8 nov., la patte gauche, déjetée en dehors, traine un peu pendant la marche, — Le 9 nov., raideur de la patte gauche. — Le 10 nov., patte gauche en extension complète. Mort dans la nuit du 40 au 11. N° III. — Poids 348 gr. Début du tétanos le 7° jour. Le 8 nov. au matin, patte postérieure gauche déjetée en dehors, traïnante pendant la marche, pas de raideur. — Le 9 nov., très légère raideur des muscles de la patte gauche. — Le 10 nov., patte gauche en demi-extension. — Le 11 nov., patte gauche en extension complète et rigide. — Le 12 nov., raideur du tronc, rigidité commençante des pattes antérieures. Mort à 4 h. N° IV. — Poids 280 gr. Début du tétanos le 10° jour. Le 10 nov. au soir, la patte gauche de derrière est moins agile que la droite et traïne un peu pendant la marche. — Le {1 au matin, mêmes symptômes que la veille, plus accusés. — Le 12 nov., la patte gauche est écartée du tronc sans raideur. mai LA « A 116 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Même état le 13, le 14 et le 15. — Le 16., patte gauche toujours en abduc- tion avec légère extension. — Le 17., raideur du tronc et de la paroi abdo- minale. Mort dans la nuit. N° V. — Poids 405 gr. Début du tétanos le 11° jour. Le 12 nov., la patte postérieure gauche est moins agile que la droite. — Le 13 nov., elle est légèrement déjetée en dehors pendant la marche. — Le 14 nov., la patte gauche commence à se placer en extension, — Le 15 nov., elle traine un peu sur le sol. — Le 16 nov., extension presque complète. — Le 17 nov., raideur du tronc et des muscles abdominaux. Mort à 6 heures. Le sang de ces cobayes ne présente au moment de la mort aucun pouvoir antitoxique. Cobayes traités. N° I. — Poids 485 gr. Début du tétanos le 4 jour. Le > nov. au matin, la patte postérieure gauche commence à se placer en extension, sans raideur bien marquée. 9 h 20, injection de {1 c. c. de sérum, dans le péritoine. Du sang est extrait 30 minutes après l'injection, il est antitoxique à raison de 10 parties de sang pour une partie de toxine. Du sang extrait une heure après l'injection est antitoxique à raison de 6 parties de sang pour une de toxine. Ce sang n'immunise pas un cobaye de 175 gr. à la dose de 1/8 de ce. c. Du sang extrait deux heures après l'injection est antitoxique à raison de 3 parties du sang pour une de toxine. Il immunise un cobaye de 193 gr. à la dose de 1/8 de c. ce. — 4 h. 30- Deuxième injection dans le péritoine de 12 c. e. de sérum. Du sang extrait 30 minutes après cette seconde injection est antitoxique à raison de 3 parties pour une de toxine. — Le 6 nov., rigidité en extension des deux pattes pos- térieures, crises convulsives, gêne respiratoire. Mort à 10 h. 15. Autopsie. — Pas de liquide dans le péritoine. Pas de microbes dans le sang, ni dans la pulpe des organes. Le sang recueilli dans le corps est antitoxique à raison de une partie de sang pour une partie de toxine. Il immunise un cobaye de 260 gr. à la dose de 1/4 de €. c. No IE. — Poids 395 gr. Début du tétanos le 4° jour. Le 5 nov. à midi, rien d'anormal; le même jour à 3 h., il semble que la patte gauche est moins habile que la droite pendant la marche; elle reste simplement un peu en retard quand l'animal court, d'ailleurs pas de raideur. 3 h. 15, injection dans le péritoine de 12 c. c. de sérum. — 6 nov. La patte gauche est déjetée en dehors et commence à se placer en extension. 10 h., injection dans le péri- toine de 12 c. c. de sérum. — 7 nov. Rigidité de la patte en extension. — 8 nov. Même état, qui persiste jusqu'au 20 nov. A cette date, toujours rigidité de la patte qui est en extension complète. — Le 21 nov., le cobaye est couché sur le flanc, les membres raidis et agités de secousses convulsives : respira- tion précipitée. Mort à 8 h. 35, 17 jours après le début. Aulopsie. — Aucune lésion ni dans le péritoine, ni dans les organes. L'écharde est entourée d’une gaine blanchâtre formée de leucocytes. On y voit au microscope des microcoques et des bâtonnets semblables à ceux du tétanos. Du sang recueilli dans le cœur après la mort, et de la pulpe des organes, sont ensemencés et ne donnent pas de culture. Le sang de ce cobaye a été examiné à plusieurs reprises au point de vue de sa propriété antitoxique. Du sang, recueilli 30 minutes après la première CONTRIBUTION A L’'ÉTUDE DU TÉTANOS. 117 injection de 42 c. c. de sérum dans le péritoine, le 6 nov., est antitoxique à raison de 15 parties pour une de toxine. Le sang recueilli #5 minutes après est antitoxique à raison de 12 parties pour une de toxine. Le sang recueilli 1 h. 30 après est antitoxique à raison de 8 parties, et ne l'est pas à raison de 4 parties pour une de toxine. — Le sang recueillile 9 nov., 3 jours après la deuxième injection de 12 c. e. de sérum dans le péritoine, est antitoxique à raison de une partie pour une de toxine. — Le sang recueilli après la mort, 15 jours après la derniére injection de sérum, est antitoxique à raison de 4 parties pour une de toxine, il ne l’est pas à raison de une partie pour une de toxine. Il immunise un cobaye de 357 gr. (contre 1/200 de €. €. de toxine) à la dose de 1 c. c. On n’a pas essayé d’autres proportions. N° III. — Poids 357 gr. Début du tétanos le 5° jour. Le 6 nov. à 8 h. 30, la patte postérieure gauche est déjetée au dehors, un peuen extension, sans rigidité. — À 9 h. injection de 12 c. c. de sérum dans le péritoine. — A 4 h. injection de 12 c. c. de sérum. Le soir la palte gauche est plus étendue. Le 7 nov., tétanos généralisé, crises convulsives, mort à 10 h. Autopsie. — Il reste 6 c. c. de sérum dans le péritoine. Le sang recueilli dans le cœur est antitoxique à raison de une partie de sang pour une de toxine. Il immunise un cobaye de 264 gr. (contre 1/200 de c. c. de toxine) à la dose de 1/8 de centimètre cube. N° IV. — Poids 274 gr. Début du tétanos le 7° jour. Le 8 au matin, patte gauche lègèrement déjetée en dehors et traïnant un peu pendant la marche, pas de raideur. À 10 h., injection de {1 ce. c. de sérum dans le péritoine. Le 9 au matin, patte gauche plus déjetée en dehors. Même état jusqu’au 22 nov. On pense que le tétanos est définitivement enrayé. Le 23 nov. au matin la patte gauche est rigide et en extension, l’arrière-train est légèrement affaissé, un peu de contracture des muscles abdominaux. — 2 h., gêne respi- ratoire très marquée. — 2 h. 20, le cobaye est couché sur le flanc et pré- sente des crises convulsives presque incessantes. —-3 h., raideur des mem- bres, de la nuque, trismus, spasmes au moindre bruit. — Mort à 5 h. Autopsie. — Intégrité de tous les organes. Le sang, la pulpe du foie, dela rate, ensemencés, ne donnent pas de culture. L’écharde est contenue dans une petite cavité à parois rougeâtres, bourgeonnantes, elle est recouverte d'un enduit blanchätre. Au microscope, cet enduit est formé de leucocytes, de quelques rares coccus, de bacilles nombreux, minces, sans renflement terminal; d'autres bacilles semblables, mais plus courts, sont réunis bout à bout et en voie de multiplication. Il y a aussi quelques autres bacilles épais, appartenant à une espèce différente. Dans quelques leucocytes on trouve une ou deux spores tétaniques diminuées de volume, comme en partie digérées. Le sang recueilli 31 h. après l'injection du sérum thérapeutique est anti- toxique à raison de 3 parties pour une de toxine. Le sang recueilli après la mort n’est pas antitoxique à raison de 95 par- ties de sang pour une de toxine. No VI. — Ce cobaye n’a pas pris le tétanos, Il n'a donc pas été traité. Expérience du 3 novembre. — Six cobayes sont injectés au moyen d'une écharde introduite sous la peau, absolument comme dans l'expérience pré- 118 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cédente. 3 sont traités, 3 servent de témoins. Le sérum a un pouvoir immunisant de dix millions; il provient du cheval. Cobayes témoins. N° I. — Poids 280 gr. Début du télanos le 6° jour. Le 9 nov. au matin, la patte gauche est un peu moins agile dans la marche. Pas de raideur. — A 3 h. la patte est déjetée en dehors, avec tendance à l'extension. — Le 10 nov. la patte est plus écartée du tronc et en extension légère. — Le 11 nov. la patte gauche est en demi-extension avec raideur des muscles. — Mort dans la nuit du 11 au 12. N° Il. — Poids 280 gr. Début du tétanos le 6° jour. — Le 9 nov. au matin, la patte postérieure gauche est un peu moins habile dans la marche. — 3 h., patte gauche déjetée en dehors et traïnant un peu, avec tendance à l'extension. — 10 nov. au matin, patte gauche écartée du tronc et en légère extension. — Le 11, raideur des muscles de la patte gauche. — Mort dans la nuit du 11 au 12. No II. — Poids 405 gr. Début du tétanos le 11° jour. — Le 12 nov. la patte gauche hésite pendant la marche. — Le 18 nov., la patte gauche est déjetée en dehors. — Le 14, elle commence à seplaceren extension. — Le 15, elle traîne sur le sol. — Le 16, extension presque complète du membre pos- térieur gauche. — Le 17, raideur du tronc, des muscles abdominaux, rigi- dité commençante de la patte antérieure gauche. — Mort à 6 heures. Cobayes traités. N° 1. — Poids 255 gr. Début du tétanos au 5° jour. Le 8 nov. au matin, patte gauche légèrement déjetée en dehors, tendance à l'extension, pas de raideur. — 9 h 50, injection de 11 c. c. de sérum dansle péritoine. — Le 9 nov., la patte est en extension avec rigidité. — A 2 h., injection de 5 c. c, de sérum dans le péritoine. — Le 10 nov., même état. — Le A1 nov., un peu de raideur du tronc. — Le 12, raideur plus accentuée du tronc. — 14, même état. — Le 15 nov., l’animalest couché sur le flanc : spasmes tétaniques incessants. — Mort à 10 heures. Le sang, recueilli 1 h. 30 après la première injection, est antitoxique à raison de 4 parties pour une de toxine. — Le sang, recueilli 48 h. après la première injection, est antitoxique à raison de 1 vol. de sang pour { vol. de toxine. — Le sang, recueilli après la mort, est aussi antitoxique que celui de la prise précédente. Il immunise un cobaye de 260 gr. (contre 1/200 de centimètre cube de toxine) à la dose de 1/59 de centimètre cube. N° II. — Poids 513 gr. Début du tétanos le 6° jour. Le 9 nov., la patte gauche paraît, par instants, un peu lourde pendant la marche. Pas de rai- deur. — À 3 h. la patte traîne un peu et se porte en dehors, tendance à l'extension. Injection de 12 c. e. dans le péritoine. — Le 10 nov., même état. — Le 11 nov., patte gauche déjetée en dehors, en demi-extension, un peu de raideur des muscles. — A 3 h., injection de 5 c. c. de sérum dans le péritoine. — Le 12, même élat. — Le 13 nov., la patte gauche est en extension complète, raideur des muscles. — 14 nov., même état jusqu’au 28 nov. — Le 29 nov. au matin, la patte gauche est absolument étendue et rigide. — Le soir, affaissement de l’arrière-train, raideur du tronc. — Le 30 au matin, rigidité commençante des pattes antérieures, contracture des muscles du tronc et de l'abdomen, l'animal se traîne avec difficulté, gêne + CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 119 respiratoire, — Le 31 nov. l'animal est couché sur le flane, cerises convul- sives de tout le corps. — Mort à midi. Autopsie. — Au point de l'insertion de l’écharde, pas de lésions. Celle-ci est recouverte d'un enduit blanchâtre, très mince. Au microscope il est formé de leucocytes (dont quelques-uns contiennent quelques microcoques) et de petits amas de bacilles en voie de multiplication, qui ont l'aspect des bacilles tétaniques. Intégrité complète de tous les organes. Le sang du cœur, des fragments de foie, de rate, ensemencés, ne donnent aucune culture. Le sang, extrait 2 h. après l'injection de 12 c. c. de sérum, est anti- toxique à raison de à parties pour une de toxine. Le sang, extrait 45 jours après la dernière injection de sérum, est anti- toxique à raison de 64 parties de sang pour une de toxine. Il ne l’est pas à raison de 35 parties pour une de toxine. Le sang recueilli après la mort est faiblement antitoxique; il en faut environ 100 parties pour neutraliser une de toxine. N° III. — Poids 342 gr. Début du tétanos le 8° jour. Le {1 nov. au matin, la patte gauche est peut-être un peu lourde pendant la marche; dans l'a- près-midi elle traîne un peu pendant la marche, il n’y a ni raideur, nichan- gement d'attitude du membre au repos. — A3 h., injection de 12 c. c. de sérum dans le péritoine. — Le 12 nov., patte gauche écartée du tronc, en demi-extension, pas de raideur. — Le 13 nov., même état. — Le 14, ex- tension presque complète de la patte gauche, un peu de raideur du tronc. — Le 15, même état de la patte, raideur plus marquée du tronc. Injection de 12c. c. de sérum dans le péritoine à 9 h. du matin. — Le 16 nov., extension complète de la patte, raideur plus marquée des muscles du tronc, des muscles abdominaux. — Le 19 nov., même état jusqu'au 23. A cette date il semble que les contractures diminuent. Le 26 nov., l'amélioration persiste et s’accentue jusqu’au 23 nov. — Le 30 nov., la patte est plus rigide que la veille, les muscles abdominaux du côté gauche sont plus tendus, léger pleurosthotonos. Injection de 12 c. ec. de sérum dans le péritoine, à 2 heures de l'après-midi, — 7 h. du soir, spasmes tétaniques. — Mort. Autopsie. — Intégrité complète des organes. Le sang du cœur, le foie, la rate, ensemencés en grande quantité, ne donnent pas de culture. L'écharde est contenue dans une logette de tissu conjonctif à parois lisses, de teinte ocreuse. L'examen au microscope de l’enduit qui tapisse la logette et le corps étranger montre beaucoup de leucocytes : on n'y trouve qu'un seul bâtonnet sur toute une préparation et pas d’autres microbes. Il ne semble pas qu'il y ait eu une reprise de la culture dans ce cas. Le sang extrait le 30 nov. au moment même de la reprise du tétanos, est antitoxique à raison de 15 parties pour une de toxine. Il ne l'est pas à raison de 10 parties pour une de toxine. Expérience du 13 novembre 1892, — Le 13 nov. à 1{ h. du matin, chez huit cobayes, on implante dans les muscles de la cuisse gauche une écharde de bois sur laquelle on a mis des spores tétaniques chauffées à 80° pendant 3 heures. Les échardes avaient été prises dans une planche restée exposée + 120 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. au dehors pendant longtemps. C’est un exemple de tétanos à marche plus rapide que dans l'expérience précédente. Le pouvoir immunisant du sérum est de dix millions. Cobayes témoins. N°1. — Poids : 380 gr. — Début du tétanos le 8° jour. — Le 15 nov., à midi, rien d'anormal, — Le même jour, à 4 h. 10, la patte gauche est tuméfiée au point d'implantation de l’écharde, elle est un peu déjetée en dehors pendant la marche. — Le 16 nov., rigidité en extension de la patte gauche.— Le soir, raideur du tronc. Spasmes.— Mort pendant la nuit. N°IL. — Poids : 950 gr. — Début du tétanos le 3° jour. — Le 16 nov., au matin, rigidité en extension de la patte injectée. — Le 17, iétanos généra- lisé. — Mort à 1 h. Cobayes traités. N° I. — Poids : 570 gr. — Début du tétanos le 2+ jour. — Le 15 nov., au matin, la patte gauche est douloureuse et tuméfiée au point d'inoculation, elle traîne pendant la marche, tendance à l'extension. — 10 h. 30, injection dans le péritoine de 18 c. c. de sérum. — Le 16, au matin, rigidité en extension de la patte infectée. Injection de 10 ce. €. de sérum dans le péritoine. — Le soir, petites crises convulsives. Gêne respi- ratoire. Injection de 6 c. c. de sérum, à 6 h. — Mort dans la nuit. Autopsie. — Petit foyer de suppuration autour du corps étranger. Il reste 3 ©. c. de sérum dans le péritoine. Le sang du cœur est antitoxique, à raison de une partie pour une de toxine. N° II. — Poids : 375 gr. — Début du tétanos au 2° jour. — Le 15 nov., au matin, rien d'anormal. — A 11 h., le même jour, il semble que la patte inoculée présente un peu de gêne dans les mouvements, ce qui tient peut-être à la présence de l’écharde. À 4 h., la patte est un peu déjetée en dehors, sans raideur. Injection de 16 c. c. dans le péritoine. — Le 16, au matin, rigidité complète et extension de la patte gauche. — A 9 h. 30, injection de 10 c. c. de sérum. — Le soir, même état. — À 6 h. 15, injection de 6. c. ce. de sérum. — Mort dans la nuit. Autopsie. — Petit foyer de suppuration autour du corps étranger. Il reste 2 ec. c. de sérum dans le péritoine. Le sang du cœur est très antitoxique, il neutralise son volume de toxine. N° III. — Poids : 415 gr. Début du tétanos le 3° jour. — Le 15,au matin, rien d’anormal. — A trois heures de l'après-midi, un peu de gêne dans la patte. — À 6 h., elle est plus accentuée. Injection de 18 c. c. de sérum. — Mort dans la nuit. Autopsie. — 3 c. c. de sérum dans le péritoine. Foyer purulent autour du corps étranger. Le pus contient beaucoup de microcoques, dont beaucoup sont inclus dans les leucocytes. On y trouve des bàtonnets assez nombreux, semblables à ceux du tétanos. N° IV. — Poids : 540 gr. — Début du tétanos le 3° jour. — Le 16, au matin, la patte est tuméfiée et un peu déjetée en dehors, elle traine sur le sol et est un peu raide. — 9 h., injection de 16 c. c. de sérum. — 6 h., injection de 8 ce. c. de sérum dans le péritoine. — Le 17 nov., rigidité et extension de la patte inoculée, affaissement du train de derrière, extension commençante de la patte droite. — 8 h. 30, injection de 15 c. c. de sérum. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 121 — 9 h. Raïideur du tronc, commencement de raideur de la patte antérieure gauche. Léger trismus. — 5 h. Crises convulsives. — Mort dans la nuit. Aulopsie. — Petit foyer de suppuration autour de l'écharde. 3 c. c. de sérum dans le péritoine. No V.— Poids : 440 gr. — Début du tétanos le 8° jour. — Le 15 nov. au matin, rien. — À 4 h., gêne très légère de la patte inoculée, le membre est chaud, douloureux. — Le 16, au matin, extension du membre, injection de 16 c. c. de sérum, à 9 h. du matin. À 6 h., injection de 10 €. c. dans le péritoine. — Le soir, la patte gauche est rigide, l’arrière-train affaissé. La patte de droite en extension. — Mort dans la nuit. Autopsie. — Foyer de suppuration autour de l’écharde. 2 c.c. de sérum dans le péritoine. ; Ne VI. — Poids : 600 gr. — Début du tétanos le 3° jour. — Le 15 nov., à 6 h. du soir, tuméfaction de la patte. — Le 16 nov., la patte traîne un peu sur le sol, pendant la marche, dans une demi-extension. — 9 h. 30, injection dans le péritoine de 16 c. c. de sérum. — Le soir, rigidité de la patte inoculée. — 6 h., injection de 12 c. c. de sérum dans le péritoine. — Mort dans la nuit. Autopsie.. — Foyer de suppuration autour de l’écharde. 3 c. c. de sérum dans le péritoine. 30 EXPÉRIENCES SUR LES LAPINS. Expérience du 9 déc. 1892. — Lapins infectés dans les muscles de la cuisse par l'injection de 1/3 de cent. cube d’un mélange de trois parties de culture tétanique, chauffée à 80°, et de 1 partie d'acide lactique. Sur 8 lapins inoculés, 6 seulement prennent le tétanos. — Le sérum employé est immunisant au millionième de €. €. Lapins témoins. — N°1. — Poids : 2kg, 300. — Début du tétanos le 4 jour. — Le 13 dée., à 4 h. soir, on constate un peu de gêne de la patte inoculée, elle fléchit moins bien pendant la marche. — 14 déc., patte en abduction, la face dorsale du tarse accroche le sol. — 13 déc., gêne plus marquée. — 16, patte en demi extension, avec légère raideur. — Le 17, rigidité et extension complètes. — Le 18, même état jusqu’au 31 déc. La contracture persiste, la face plantaire du tarse est tournée en haut. Le téta- nos reste limité. — Un mois et demi après, le membre est toujours raïidi. N° II. — Poids : 2kg,250. — Début du tétanos. — Le 14 déc., au malin, gêne très légère des mouvements de flexion de la patte inoculée. — Le 15, gêne plus marquée, la face dorsale du tarse frotte sur le sol pendant la marche. — Le 16, même état. Le tétanos ne s'étend pas, mais la contrac- ture de la patte persiste. Elle dure encore plus d’un mois après. N° IT, — Poids : 2ks,500. — Début du tétanos le 7° jour. — Le 15 déc., rien d'anormal. — Le 16 déc., la patte inoculée est légèrement écartée du tronc et un peu en extension. Le 17, l'extension est presque complète, les museles sont rigides. — Le 18, opisthotonos, trismus, raideur de tous les membres. Crises convulsives. — Le 19, tétanos généralisé. — Mort dans la nuit du 19 au 20. 122 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Lapins traités. N° I. — Poids : 2ks, 200. — Début du tétanos le 4° jour. — Le 13 déc., au matin, la patte inoculée est un peu écartée du tronc eten extension, le tarse (raine un peu sur le sol. 10 h., injection de 40 ce. c. dans le péritoine. — Le 14, rigidité complète de la patte en extension. — Le 15, même état jusqu'au 25. — 26 déc., affaissement de l’arrière-train, léger trismus. — Mort dans la nuit du 26 au 27. Le sang recueilli à l’autopsie est antitoxique, à raison de une partie de sang pour une de toxine. N° IL. — Poids 2k8, 3(0. — Début le 5° jour. — Le 14 déc., la patte ino- culée est en extension avec un peu de raideur. — 8 h. 30, injection de 40 €. c. de sérum dans le péritoine. — Le {5 déc., rigidité complète de la patte en extension, un peu moins de souplesse des oreilles. — Le 16 déc., trismus, redréssement des oreilles. À 10 h., injection dans le péritoine de 40 c. c. de sérum. Soir, à h., opisthotonos, raideur des muscles lombaires, crises spasmodiques quand on touche l'animal. — 17 déc., exagération des symp- tômes. Crises convulsives à la moindre excitation. — 18 déc., télanos géné- ralisé. — 19 déc., même état. — 20 déc., même état. Mort dans la nuit du 20 au 21 décembre. Le sang extrait le {6 décembre, avant la 2 injection de sérum, est anti- toxique à raison de une partie de sang pour une de toxine. Le sang recueilli après la mort a le même pouvoir antitoxique. 11] immunise une souris de 13 gr. à la dose de 0 c.e 0065, contre 1/1400 de c. c. de toxine. N° IL. — Poids : 2 K£, 800. — Début du tétanos le 5° jour. — Le 14 déc., au malin, il semble que la patte inoculée soit un peu gênée, la face dorsale du tarse frotte parfois sur le sol. À 9 h., injection de 40 c. ce. de sérum dans le péritoine. — Le 15 déc., gène plus marquée, le tarse traîne sur le sol pendant la marche. — Le 16, même état jusqu'au 30 déc. Le tétanos s’est arrêté, la contracture existe encore après plus de deux mois. TRAITEMENT DU TÉTANOS DÉCLARÉ CHEZ LES MOUTONS. Observations de M. Nocard. 1° 28 décembre 1892. — On implante dans les muscles de la cuisse droite, face externe, de deux moutons vigoureux, du poids de 45 kil. chacun, une petite écharde de bois imprégnée de spores tétaniques et d'un coceus favorisant, Le 8 janvier au matin, l’un des moutons est tétanique, l’autre le devient le soir. Le 9 janvier au matin, les échardes sont extraites, les parois de la cavité excisées, la plaie pansée à l’iodoforme, et le mouton devenu tétanique le dernier, il y a douze heures environ, reçoit une injection de 25 ce. c. de sérum antitoxique dans la jugulaire. Puis, toutes les heures, on lui injecte, sous la peau du flanc ou de l'abdomen, 15 c. c. du même sérum. Au total, il reçoit dans la journée du 9 janvier 165 c. c. de sérum. 10 janvier. — La brebis traitée meurt tétanique dans la soirée. L’utérus contient un fœtus. Dans la jugulaire, au point où on a fait l'injection, il y a un thrombus. 11 n’est peut-être pas prudent d'injecter directement dans les CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DU TÉTANOS. 193 veines d'un animal de grandes quantilés de sérum d'une autre espèce. Le sang puisé dans le cœurest antiloxique à raison de 8 parties de sang pour { de toxine. A la dose de 1/5 de c. c., il immunise une souris de 15 gr. Le liquide amniolique n’est pas antitoxique à la dose de 5 parties pour une de toxine, ni préventif à la dose de 1 ec. c. 1/3, pour une souris de 15 gr. 13 janvier. — Le mouton non traité succombe en opisthotonos extrême- ment prononcé. Son sang télanise une souris à la dose de 1 €. c. 2 {4 janvier. — Deux moutons vigoureux pesant environ 40 kil. chacun, reçoivent sous la peau de l'extrémité de la queue, qui est très longue, une écharde préparée comme ci-dessus. L'opération est faite aseptiquement, Le 26 janvier, au matin, un des moutons, qui la veille encore n'avait rien d'anormal, présente des signes de tétanos, gène du train postérieur, tris- mus très accusé. La queue est amputée à 15 centimètres au-dessus du point inoculé, et l'animal reçoit, en injections sous-cutanées répélées toutes les heures, 20 c. ce. de sérum antitoxique; il reçoit au total 160 e. c. Il est placé dans une écurie obscure et silencieuse; toutes les heures on lui fait ingérer du lait antitoxique et chaque matin on lui donne un petit lavement purgatif. Il meurt en opisthotonos le 30 janvier. 29 janvier. — Le mouton témoin est tétanique. Raideur des membres postérieurs; pas de trismus. Aussitôt la queue est amputée à 20 centimètres au-dessus du point inoculé. L'animal est mis dans une écurie à l'abri de la lumière et du bruit. 4 février. — Il meurt en opisthotonos très accusé. Le sérum employé dans ces deux expériences avait un pouvoir immuni- sant de dix millions. OBSERVATIONS DE TÉTANOS HUMAIN. (Traitement par le sérum antitoxique.) Observation T. — Service de M. le professeur Grancher à l'hôpital des Enfants-Malades.— Observation recueillie par M. Renault, interne. — Gerf..., Daniel, 11 ans, s’est fait extraire deux dents, le 27 juin. Le 12 juillet, il se plaint de difficultés pour mâcher. — Le 13, la mastication est très difficile ; l'enfant se plaint de douleurs à l'épigastre et dans le dos. Un médecin appelé administre un purgatif. — Le 14, mastication impossible; les dents sont serrées, le malade ne prend que du lait et du bouillon. — Le 15, les dents sont serrées, la tête enfoncée dans les épaules, raideur générale de la partie supérieure du corps; d'heure en heure il est pris de spasmes dou- loureux des muscles du cou, de la mâchoire et du tronc. Dans l'intervalle de ces spasmes, dont la durée ne dépasse pas quelques secondes, l’enfant joue et reste gai. — Le 16, les spasmes reviennent plus fréquemment D'après les parents, la respiration se faisait normalement. Le 18, entrée à l'hôpital. La tête est renversée en arrière, les màchoires sont serrées. La contracture porte sur les muscles de la nuque, les masse- ters, les sterno-cleido-mastoïdiens, le grand pectoral. Elle est permanente; elle s’exagère quand l’enfant marche ou fait des mouvements; la dégluti- 124 : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tion est impossible. Les membres inférieurs et les bras ne sont pas atteints. Toutes les 10 à 15 minutes, spasmes des muscles contracturés, respiration fréquente, pouls rapide. Température rectale, 37°,4. Aucune trace de bles- sure récente ou ancienne; on ne trouve comme traumatisme que l’ablation des dents faite le 27 juin. — Lavement avec hydrate de chloral, 3 gr. Le 19, la nuit a été calme; à une heure de l'après-midi, contracture subite des muscles du cou, des masséters, des muscles du thorax; la respi- ration est arrêtée, la face devient violette, il se fait de loin en loin une ins- piration pénible, puis le spasme cesse et la respiration se rétablit. — A 3 heures, même crise, anxiété extrême, cris et mouvements exprimant l'angoisse. Les spasmes ne portent que sur les muscles contracturés d’une façon permanente, c'est-à-dire sur les muscles des mâchoires, du cou, du thorax, des lombes, de l'abdomen. — Les membres sont souples. Selles et mictions involontaires, fausse érection. Jusqu'à minuit, il y a six crises semblables durant une minute environ. — A 4 heures du soir, on injecte, dans le tissu cellulaire sous-cutané, à l’abdomen, 21 c. c. de sérum anti- toxique. À dix heures du soir, on injecte à la cuisse gauche 25 c. c. de sang de lapin défibriné. Soit dans la journée 46 c. ce. — Température rectale : matin, 37°.4; à 4 heures, aussitôt après l'injection: 37°,4; à 9 heures du soir, température axillaire, 39°,2; à 10 heures, 38°,2; à 11 heures, 380,2. — On a renoncé à prendre la température rectale parce qu'on provoque des crises. — Lavement avec 4 grammes de chloral. Le 20, de minuit à minuit, 16 crises convulsives, survenant à l’occasion d'un mouvement quelconque; dans l'intervalle, le malade est calme; il demande même à jouer; l'intelligence est absolument conservée; quand le malade essaie de boire, il a des spasmes violents qui rendent toute alimen- tation impossible. À 9 heures 1/2 du matin, injection à la cuisse droite de 23 ce. e. de sérum; à 5 heures 4/2, injection sous la peau de l'abdomen de 30 €. c. de sang défibriné, soit dans la journée 53 c. c. Température axil- laire le matin, 380,4: le soir, 38°,4. Le 21, la nuit a été plus calme, les crises moins fréquentes, moins vVio- lentes et moins longues. Le malade est moins abattu, les yeux sont cernés, mais le regard est vif. — Pouls, 184. Respiration, 60. À 10 h. 1/2 du matin, injection à la cuisse gauche de 24 e. c. de sang défibriné; à 10 heures du soir, nouvelle injection de 24 c. c. de sang défibriné, soit dans la journée 48 ce. ce. — Température à 8 h. du matin, 38; à 11 h. 1/2, 380. Le soir à 8 heures, 37°,4; à 10 heures, 37°,4. A partir de 40 heures du soir, l'état de l'enfant devient presque subite- ment très mauvais, la respiration est courte, l’asphyxie commence; dans la nuit elle augmente et la mort survient dans une crise. L’autopsie n'a pu être faite. Le sérum et le sang défibriné employés provenaient de lapins immunisés et leur pouvoir immunisant a varié de 200,000 à 500,000. En résumé, l’incubation du tétanos a été de 15 jours, la durée de la maladie de 6 jours; le traitement a été commencé le quatrième jour de la maladie. La quantité de sérum injectée a été considérable (147 e. c.), étant donné le faible poids de l'enfant. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 195 Dans ce cas, bien que les premiers symptômes n'aient apparu que le quinzième jour après le traumatisme, la marche de la maladie a été rapide et le traitement tardif. Une amélioration avait semblé se produire après les quatre premières injections; elle n'a pas duré. Observation IL. — Service de M. Polaillon, hôpital de la Pilié, recueillie par M. Martin, interne. — M... Eugène, âgé de 43 ans, a reçu, le 14 juillet 1892, un éclat de pétard qui a produit à la région moyenne de la cuisse droite, partie externe, une plaie arrondie d'un centimètre et demi de diamètre. Dans la plaie on a trouvé de nombreux corps étrangers qui ont été extraits immé- diatement. Le malade a été soigné et pansé chez lui. Le 22 juillet, il commence à avoir de la raideur des mâchoires et des crampes dans le membre blessé. Un médecin preserit du chloral, du bromure de potassium, des inhalations de chloroforme. La maladie ne s’améliorant pas, M... est conduit à l'hôpital le 25 juillet. Il a du trismus, de la raideur des muscles de la nuque, il éprouve de la difficulté à avaler. La température est de 369,6. 26 juillet. — Il y a de la contracture des membres inférieurs, la temp. est à 6 h. du matin de 36°,8, et à 8 h. de 370,6. La plaie présente un fond irrégulier, purulent, des bords enflammés entourés d’une zone rouge de 3centimètres détendue, qui simule une plaque d'érysipèle.M. Polaillon excise la plaie et la zone enflammée. Le même jour à 3 h., on injecte dans le tissu cellulaire sous-cutané 46 c. c. d’un sérum dont le pouvoir immunisant est trois cent mille. Avant l'injection la temp. est de 37,04; le soir à 9 h. elle est de 38°,4. Pouls 112. Respirat. 30. On fait alors une deuxième injection de 46 c. e. Soit dans la journée 92 c. ec. L'état du malade s’est aggravé, la contracture a gagné les muscles du tronc du côté blessé et les museles droits de l'abdomen. Il y a de l'hyperesthésie du côté droit : si on pince la peau de ce côté on provoque des spasmes. 27 juillet. — Temp. mat. 380,6, le malade a du pleurosthotonos. A {1 h., on injecte 16 c. c. de sérum. Vers le milieu de la journée l'hyperes- thésie s'étend au côté gauche, l'agitation du malade est grande Des sueurs abondantes durent jusqu'au soir. À 2 h. la temp. est de 39,4. A 8 h. du soir il répond à peine aux questions, son anxiété est extrême; É température axillaire est de 39°,2, la température rectale de 420,0, le pouls est incomptable, irrégulier, intermittent; il y a 48 respirations par minute, Au moment de la mort, à 8 h. 1/2 du soir, la temp. axillaire est de 39,4, la temp. rectale de 420,2. Un fragment de la plaie a été inséré sous la peau d'un cobaye qui n’a pas pris le télanos. Au microscope on n'a pas trouvé de bacilles tétaniques dans le pus, on n’a pas isolé de bacilles tétaniques en faisant des cultures anaérobies. En résumé, l'incubation du tétanos a été de 8 jours; la durée de la maladie de 5 jours; le traitement a été commencé le quatrième jour de la maladie. La quantité du sérum injectée a été de 108 € Une heure avant la mort le sang était antitoxique, à raison de quinze parties de sang pour une de toxine. L'injection de 108 c. c. de sérum à cet homme Fe et fort avaient suffi non seulement à faire disparaitre toute Nos ne ae S 1 Lee 7 La mme à 126 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. trace de toxine du sang, mais encore à donner à celui-ei un pouvoir anti- toxique notable. Observation LIL. Recueillie par M. le D' Morax, de Morges (Suisse), et Morax fils, interne des hôpitaux de Paris. — Rôhm, âgé de 15 ans 1/2, manœuvre dans une tuilerie, a la main droite prise dans l’engrenage d’une machine à broyer l'argile, le 5 août à 6 h. du soir. Quatre doigts sont broyés, le pouce n'est pas atteint. Il est aussitôt conduit à Morges où il reçoit les soins de MM. les Dr" Morax et Soutter. La plaie est régularisée, désinfectée avec le sublimé et pansée à l'iodoforme. Les lambeaux ont été réunis par des sutures profondes et des sutures superficielles. La graisse et la terre qui souillaient les parties blessées rendaient la désinfection très difficile. Le soir, la temp. atteint 39,4. Le malade entre à l'infirmerie de Morges le 6 août : la plaie suppure abondamment; on enlève les sutures et on fait un pansement au sublimé : deux fois par jour on donne des bains de bras d’une heure dans la solution de sublimé. Malgré ce traitement il se produit de la lymphangite, de la tuméfaction de l’avant-bras, et la suppuration continue. A la limite des lambeaux, il se fait une escarre superficielle qui circonvient la plaie. La temp. est de 39 le soir, le teint est terreux, le bras douloureux. Insomnie. Dans la nuit du 10 au 11 août, le malade éprouve de la gêne au niveau du pharynx. Il se plaint de s'être mordu la langue et bientôt il éprouve de la difficulté à ouvrir la bouche. Le lendemain, 11 août, le trismus est prononcé, la contracture envahit les muscles de la face qui prend l'expression du rire sardonique, et du cou qui est en extension : la tête ne se fléchit plus. À 10 h. du matin, les muscles du dos sont contractés; la déglutition est très gênée, le trismus ne permet pas le passage de la langue. La plaie a mauvais aspect, une fusée purulente suit le tendon de l’extenseur de l'index, on incise ce foyer et on pratique à la périphérie et au centre de la plaie des cautérisations profondes au thermo- cautère. Les bains de sublimé sont renouvelés 6 fois dans la journée, le soir la temp. est de 389,8. Le pouls bat 92 fois à la minute. La douleur du bras est moins forte. Chloral en lavements. 42 août. — Dans la nuit du 11 au 12 surviennent des contractures qui raidissent le tronc et les membres. Les grandes crises sont assez nombreuses; dans leur intervalle, le malade a fréquemment de petites secousses spasmo- diques des muscles de la face et du cou. Le matin, temp. 37°,8. Pouls 92. Respiration 24. A 3 heures, temp. 48°,7; pouls 100; respiration 36. On compte de 4 à à grands accès toutes les heures. À 3 h. 1/4, injection de 10 grammes de sérum dans une veine superficielle de l'avant-bras. L'injection est poussée lentement et ne provoque aucun phénomène. Après l'injection, temp. 389,7. Pouls 92. Respiration 36. De 3 h. 1/2 à 4h. 1/2, cinq grandes crises. De 4 h. 1/2 à 5 h. 1/2,8 grandes crises. L'une a été très violente avec menaces d’asphyxie. Après les grands accès, la contracture des mâchoires parait se relâcher un peu. Temp. à 4 h. 1/2, 40,8. Pouls déprimé à 139. Respiration très rapide 70. Sueurs profuses. Plus de grandes crises, spasmes fréquents des muscles de la face. À 7 heures, nouvelle injection de 10 c. c. de sérum dans le tissu cellulaire du bras droit. À 9 heures, temp. 400,2, Pouls 120 hi CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 127 Respiration 53. Les contractures persistent. La mort arrive à 4h. du matin. En résumé : L'incubation a été de 5 jours; la durée de la maladie de deux jours, le traitement a été commencé 12 h. avant la mort; la quantité de sérum injecté a été de 20 e. ce. dont 10 e. c. dans une veine. Le pouvoir immunisant du sérum était de un million. Observation IV.— Service de M. Th. Anger, à l'hôpital Beaujon, recueillie par M. Domat, interne. — Le Cun..., âgé de 27 ans, a été renversé le 11 octobre 1892, par une locomotive, il est conduit à l'hôpital où l’on constate les lésions suivantes : {° à la tête: plaie allongée en fer à cheval de 7 à 8 cen- timèêtres de longueur, mâchée sur les bords, siégeant au niveau du pariétal droit; plaie au-dessus du sourcil gauche; plaie de la paupière supérieure gauche ; 2 aux membres inférieurs : extrémité du pied gauche écrasé; les trois orteils médians sont presque complètements détachés, ils sont insen- sibles et froids; au pied droit, légères écorchures superficielles; 3° aux membres supérieurs : écrasement des trois doigts médians des deux mains, les deuxièmes et troisièmes phalanges sont écrasées, mais encore adhé- rentes et vivantes. Dès son entrée, les plaies sont lavées au sublimé au 14/1000; deux bains antiseptiques des parties lésées sont donnés, et les bles- sures sont recouvertes d’un pansement humide au sublimé. La plaie parié- tale et la plaie sourcilière sont suturées et un pansement sec à l'iodoforme est appliqué dessus. La cicatrisation de ces plaies est régulière et complète au bout de huit jours. Le 18 octobre, les orteils sphacélés se sont détachés. 19 octobre. — Le malade s'aperçoit en bâillant que sa mâchoire était raide et qu'il ouvrait la bouche avec difficulté. Le soir, sa tête, au niveau de la grande plaie pariètale, était, disait-il, comme morte; de plus, il a une vive douleur au creux épigastrique. Pendant la nuit, plusieurs accès doulou- reux de contracture. Temp. : 36°,8. 20 octobre. —Signes non douteux de tétanos. Trismus, les mâchoires ne s’'écartent plus, le malade articule difficilement, les muscles de la face, con- tractés, donnent au visage l’expression du rire sardonique. Les muscles du cou, y compris le peaucier, sont contracturés. Les muscles sacro-lombaires et abdominaux sont raidis. Les membres sont libres. Le front est couvert d'une sueur froide. Lavage des plaies avec une solution de sublimé au 14/1000, pansement humide avec la même solution. L'amputation du foyer tétanique n’a pu être tentée, étant donné la multiplicité des plaies et l'ab- sence de symptômes désignant Île lieu de culture du bacille (cependant la plaie du pied gauche paraissait plus douloureuse que les autres). A AA h. 1,2, saignée de 359 grammes au bras droit, Injection dans le tissu cellulaire sous-cutané de 1,209 grammes de sérum artificiel. Ce trai- tement est suivi d'un soulagement notable accusé par le malade, mais les contractures n'ont pas diminué, les paroxysmes douloureux persistent ; les spasmes laryngés et pharyngés ne se reproduisent plus. Chloral, 4 grammes en potion. Temp. à 8 h. 1/2 du soir, 389,3. A 9 heures du soir, on injecte en plusieurs points, fesse, région dor- sale, cuisse, 50 c.c. de sérum de cheval dont le pouvoir immunisant est de un million. Après l'injection, la température est à 9h. 1/4 de 38°; à 10 heures, 128 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de 382,4; à 11 heures de 370,8; à minuit, de 38,2; on fait une nouvelle injec- tion de 50 c. ec. de sérum dans le dos et aux fesses. À ce moment, il y a des spasmes très douloureux des muscles de l'abdomen, du dos, des mâchoires. Après la deuxième injection, dans la nuit, la température a varié de 37°,5 à 370,8. Le malade dort une demi-heure vers 3 heures du matin. 21 octobre. — Mème état que la veille. Traitement : 15 grammes de chlo- ral en lavement, piqûre de À centigramme de morphine. A 10 heures du matin, injection de 50 ec. c. de sérum dans le tissu cellulaire du dos. La température monte rapidement; à 8 heures du matin, 37°,6; à 4 heures, 390,6 ; à 6 heures, de 39°,3. À 8 heures du soir, nouvelle Injection de 70 c. c. de sérum dans le tissu sous-cutané, au niveau de la poitrine. Le tétanos reste limité aux mêmes muscles. À minuit, la température est descendue à 380,5. 22 octobre. — Pour la première fois, on observe des crises télaniques dans les membres. Ces crises sont douloureuses et se rapprochent. Pendant les spasmes, le malade est secoué par un tremblement qui ébranle le lit. Température à 3 heures du matin, 37°,2; à 9 heures du matin, 38,3. A 10 heures, injection de 40 c. c. de sérum; le malade devient plus calme; température, à midi,37°,6. À 7 heures du soir, mieux sensible, la mâchoire peut s'ouvrir, la contracture du dos et du cou parait avoir cessé. Injection de 45 c. c. de sérum. Après l'injection, l’état s'aggrave. Crises convulsives très fortes et rapprochées; de 7 heures à 10 heures, il y a eu trois crises très douloureuses. À une heure du matin, quatrième crise très forte. Tem- pérature, à 7 h. 1/2, 37°,8; à minuit, 389,7. 23 octobre. — A la visite du matin,le malade est très agité, il change sans cesse de position et se plaint d'une grande fatigue, il demande à être cou- ché sur le dos. Jusqu'ici, le malade se tenait sur les genoux. On continue l'administration du chloral et de la morphine à cause des souffrances qu’en- dure le malade. À 10 h. 1/2 du matin, on fait une injeclion de 40 c. ce. de sérum. L'agitation est plus prononcée, les secousses se renouvellent toutes les cinq minutes. Contractures et spasmes cloniques des membres infé- férieurs, surtout au niveau du pied blessé. De midi à 2 heures, trois fortes crises. Vers 3 heures, le malade s'endort; à 6 heures, injection de 55 €. c. de sérum; le malade dort de nouveau jusqu'à 8 heures du soir. La nuit est très mauvaise. La température a monté dans la journée : 3 h. 1/2 du matin, 38,2; 9h. du matin, 39°,2; 5 h. du soir, 38°,0; 6 h. du soir, 39°,0. 24 octobre. — La contracture a gagné tous les muscles, le malade est raide de la têle aux pieds. Les souffrances sont très vives. Le chloral est continué à haute dose. Le patient tombe dans un élat de stupeur dont il n'est tiré que par des crises douloureuses. A 2 heures, crise convulsive violente et mort en état de spasme tétanique généralisé. À 9 heures, la température était de 40°,5, et, une heure après la mort, de 41°,5. En résumé, l'incubation du tétanos a été de 8 jours; la durée de la maladie, 5 jours; le traitement a été commencé 36 heures après le début de la maladie. La quantité de sérum injectée a été de 402 c. c. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 129 On a extrait du sang à divers moments pendant la maladie, pour étu- dier le pouvoir antitoxique. Le 21 octobre, le malade a reçu en deux fois, à 9 heures du soir et à minuit, 100 ce. c. de sérum; dix heures après la deuxième injection, on retire un peu de sang; 15 parties mélangées à une partie de toxine ne détruisent pas celle-ci. Le 21 octobre, à 10 heures du matin, injection de 50 c.c. de sérum; le malade en a reçu 150 c. c. Quatre heures après, on retire un peu de sang. Ce deuxième échantillon est anti- toxique dans la proportion de 15 parties de sang pour 1 de toxine, mais pas à dose plus faible. Le 22 octobre, cinq heures après que le patient a reçu 260 e. c., le sang est antitoxique dans la proportion de 8 parties pour 1 de toxine. Un tiers de centimètre cube de ce sang immunise un cobaye de 209 grammes. Le 23 octobre, après que le malade a reçu 347 c. c., le sang est antitoxique à raison de 3 parties pour 1 de toxine. Un quinzième de centimètre cube immunise un cobaye de 285 grammes. Le sang recueilli après la mort est antitoxique dans la proportion de 2 parties pour 1 de toxine, et immunise un cobaye à la dose de 1/15 de centimètre cube. Observation V.— Service de M. Letulle à l'hôpital Saint-A ntoine,recueillie par M. Nicole, interne. — F..... Désiré, àgé de 23 ans, jardinier, s’est blessé au médius de la main droite, le 49 octobre 1892, avec un ca” ‘eau de vitre d’une serre. Il continue à travailler sans protéger la plaie et reste bien portant jus- qu'au 2 novembre. Dans la matinée de ce jour, il ressent dans la nuque et les lombes uneraideur douloureuse qui l’oblige à se mettre au lit. Le 3 novembre, au réveil, trismus permanent sans dysphagie. À 10 heures du matin il est admis à l'hôpital, il monte l’escalier avec l’aide de l’infirmier, la démarche est raide, la tête est rejetée en arrière. La plaie siège à la face dorsale du médius de la main droite, au niveau de l'articulation de la deuxième et de la première phalange. Elle est longue de 2 centimètres, large de 1 cen- timètre, elle est sale et suppure abondamment. Une fois lavée, elle se montre peu profonde, d'aspect blanc grisàtre, sans bourgeons charnus. L’ar- ticulation sous-jacente ne contient pas de liquide épanché, les mouvements se font facilement. La plaie n’est pas douloureuse. Cette blessure est la seule que l’on constate sur le corps. La tête est renversc_ en arrière en extension exagérée, le malade ne peut larelever; lorsqu'on essaye desoulever la tête, le tronc se soulève avec elle. Cette raideur est très douloureuse et s'exagère au moindre mouvement. Il en est de même de.la raideur des lombes et dutrismus. La déglutition se fait bien, les liquides sont facilement absorbés. Les membres supérieurs et inférieurs sont absolument libres. Il n'y à pas de spasmes généralisés du tronc : jusqu'ici les contractures sont localisées. Le malade est remarquablement musclé. Temp. 37°,3 à 10 h. du matin, et 317°,7 à à h. du soir. On administre du chloral, 10 grammes à prendre dans la journée. 4 novembre. — A3 heures du matin, secousses convulsives dans le membre supérieur droit, elles s'étendent bientôt au bras gauche et aux jambes. Dans la matinée, par moment, le trone se met en arc, et ne touche le lit que par la nuque et les fesses. Tremblement général. Les membres inférieurs sont dans l’extension, les membres supérieurs raidis exécutent des mouvements 9 130 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR: successifs de flexion et d'extension, les poings fermés. Les crises sont sépa- rées par des intervalles de repos plus ou moins longs. La connaissance est conservée, le malade souffre beaucoup et pousse des gémissements et des cris pendant les spasmes. Il refuse de se laisser amputer le doigt, il parle avec volubilité. Dans la journée, la contracture des membres disparaît. Au chloral on ajoute une injection de 1 centigramme de chlorhydrate de morphine, qui amène un sommeil entrecoupé de réveils avec secousses du tronc et raideur des membres. À 3 h. 1/2, on fait une injection de 27 €. €. de sérum de cheval dont le pouvoir immunisant est de 4 million. Le patient est somnolent; le trismus, la raideur des reins et de la nuque sont tou- jours très marqués. À 5 h., temp. 389,9. Injection de 50 c. e. de sérum à 5 h. 1/2. A 7 h. 1/2, temp. 39,5; nouvelle injection de 50 c. c. de sérum à 8 h. 1/4. À 10 heures du soir, sueurs, état stationnaire, la somnolence persiste. De temps en temps le malade boit du lait. 5 novembre. — La nuit du 4 au 5 a été très agitée, les spasmes ont été de plus en plus fréquents, presque incessants. Le patient pousse souvent des cris. À 8 heures du matin, temp. 40,6. Pouls 160. — A 10 heures, même état, sueurs abondantes sur tout le corps. Injection de 50 ce. c. de sérum. À midi, injection de 70 c. c. de sérum. Après-midi délire, convulsions génc- ralisées à tout le corps, excepté aux membres supérieurs. Dans un spasme, le patient se mord la langue. Sueurs abondantes. A1 h. 1/9, face cyanosée, écume sanglante aux lèvres, délire loquace. La mort survient à 2 heures. L’autopsie n’a pu être faite. En résumé : L’incubation a été de 14 jours; la durée de la maladie de 3 jours; le traitement a été commencé le deuxième jour de la maladie; la quantité de sérum injecté a été de 247 c. c. Son activité était de un million. Du sang recueilli avant le commencement du traitement a été injecté à une souris (1 c. c. 1/2) qui est restée bien portante. Le 4 novembre, de 3 h. à 9 h. du soir, le malade a reçu 127 c. c. de sérum. Le sang, recueilli à 11 h. du soir est antitoxique à raison de 35 parties de sang pour une de toxine; il ne l’est pas dans la proportion de 15 parties de sang pour une de toxine. Le sang recueilli 12 heures après, avant que l'on face de nouvelles injections thérapeutiques, est antitoxique à raison de 15 parties de sang pour une de toxine. Observation VI.— Service de M. Schwartz à l'hôpital Cochin. recueillie par M. Banzet, interne. — Bona... Gabriel, âgé de 12 ans, est tombé le 19 octobre d’un wagonnet en marche, une des roues lui passe sur la jambe droite et lui fait une vaste plaie longitudinale de 0,10, à la partie postérieure de la face interne de la jambe droite. La plaie est profonde, les bords sont peu eontus, les muscles de la région postérieure de la jambe sont décollés, ainsi que les téguments en avant sur le tibia, qui est à nu, mais non fracturé. On fait des points de suture, on place un drain et on applique un pansement sec. Temp. : 36,6. 20 octobre. — Temp. : matin, 370,3; le soir, 390,0. 21 octobre. — Un peu de gonflement et de rougeur autour de la plaie, suintement abondant par le drain. Pansement humide. Temp. : matin, 37°,4; soir 38°,4. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 131 22 octobre. — Temp. normale. 23 octobre. — Ablation du drain. Temp. au-dessous de 37°. 28 octobre. — Sphacèle assez étendu à la partie postérieure de la plaie. 30 octobre. — Ablation des points de suture. Lesoir la Lemp. monte à 389,1. Le 31 octobre, temp. : matin, 360,3; soir, 379,5. 3 novembre, — Le malade se plaint de douleurs lombaires très violentes, survenant par crises, assez fortes pour lui arracher des-cris, en mêrne temps il accuse un peu de gêne de la mastication, l'écartement des mâchoires se fait incomplèlement. Sensation douloureuse dans les côtés de la bouche. Pas d'angine, pas de dent malade. Pouls très rapide. 4 novembre. — Les douleurs lombaires ont diminué, celle des mâchoires persiste et devient par moment très violente. La nuit a été sans sommeil. Le soir le trismus devient plus net, la bouche s'ouvre mais avec difficulté, les commissures des lèvres sont relevées. 3 novembre, — Trismus très net quoique pas très fort. La physionomie a une expression spéciale d’anxiété à cause du relèvement des coins de la bouche, les dents sont serrées et légèrement découvertes. La mastication et la déglutition des solides est difficile, les liquides sont facilement avalés. Un peu de raideur de la nuque : à la palpation les muscles sont durs, la tête est rejetée en arrière. La flexion et la rotation de la tête sont possibles. Le membre inférieur gauche est légèrement contracturé, le genou se fléchit bien, mais le pied est en extension forcée, avec adduction et rotation en dedans: les tendons des extenseurs des orteils se dessinent sous la peau. L'enfant souffre assez peu, sauf par moments où surviennent des crises qui lui arrachent des cris; il s’est mordu la langue pendant ces spasmes. 6. novembre. — Déglutition plus difficile; de temps en temps inspirations profondes. Trismus léger, contracture légère des muscles de la nuque qui permet les mouvements de la têle. La raideur de la jambe gauche se main- tient. Les bras et le tronc sont tout à fait libres. A 2 h. on injecte 165 c. c. de sérum de cheval dont le pouvoir immunisant est de un million. L'injection est pratiquée aux deux cuisses. 7 novembre. — Les contracturés sont plus marquées à la face, la respira- tion parait un peu embarrassée. Hyperesthésie des membres inférieurs, l'enfant crie quand on les touche. À 11 h. du matin on injecte 100 c. c. de sérum sous la peau de l'abdomen. Lavement de chloral. 8 novembre. — Les contractures sont les mêmes. Pourtant la déglutition est plus facile, l'hyperesthésie des membres inférieurs est moins considérable. Les points où on a fait les dernières piqûres sont douloureux au toucher et un peu ædémateux. L'état général est bon malgré que l'enfant ait un peu maigri depuis le début de sa maladie. Respiration facile. Pouls 142. 9 novembre. — État stationnaire. Un peu de contracture de la paroi abdominale. De temps en temps surviennent encore des spasmes de la face, pendant lesquels un cri rauque s'échappe de la gorge. 11 novembre. — Méme état. Rigidité de la paroi abdominale, contracture toujours très marquée de la jambe gauche. Les crises sont rares. Déglutition peu gênée. Le soir, { gramme de chloral. 132 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 15 novembre. — La contracture de la paroi abdominale diminue. La flexion de la jambe gauche sur la cuisse est devenue possible, le pied est toujours en extension et en adduction légère. = 47 novembre. — Éruption généralisée d’urticaire qui disparait le 18 novembre. L'état va s’améliorant graduellement. Le 25 novembre, les contractures ont cessé, sauf à la jambe gauche. Quand on veut mettre le pied à angle droit sur la jambe, les muscles extenseurs se contractent et se tendent dans un spasine qui empêche le redressement complet. Le 3 décembre, le pied est redevenu libre, l'enfant quitte l'hôpital. À aucun moment, depuis le tétanos déclaré, il n’y a eu d’élévation de température. En résumé : L'incubation a été de 15 jours; la durée de la maladie de un mois; le traitement a élé commencé le troisième jour de la maladie. La quantité de sérum injecté a été de 265 c. c. — Guérison. — Le pouvoir immunisant du sérum était de un million. L'enfant pesait 31 kilogr. Le sang, recueilli 17 h. après l'injection de 165 c. c. de sérum, est anti- toxique à raison de 12 parties de sang pour une de toxine. On n’a pas essayé d'autres proportions. — Le sang, recueilli 7 h. après une nouvelle injection de 100 c. c. de sérum, est antitoxique dans la proportion de 10 parties de sang pour une partie de toxine. On n’essaye pas d’autres proportions. — Le sang, recueilli 48 h. après la dernière injection, est antitoxique à raison de 6 parties de sang pour une de toxine. — Le sang, recueilli 14 jours après la dernière injection, est antitoxique à raison de 13 parties de sang pour une de toxine. On n'a pas essayé d’autres proportions. Observation VIT. — Service de M, Barth à l'hôpitat Broussais, recueillie par M. Mayet, interne. — P... Charles, 22 ans, ouvrier électricien, est tombé malade le 9 janvier 1893 ; le matin de ce jour, il est pris, sans cause con- nue, de contracture des muscles de la mâchoire; le lendemain, il a de la contracture des muscles de la nuque. 14 janvier. — Il est reçu à l'hôpital. Il ne peut ouvrir la bouche ni flé- chir la tête. La déglutition se fait facilement. Les parois abdominales sont un peu raides. La sensibilité est intacte et les réflexes normaux. On ne constate sur le corps ni plaie ni contusion. Les dents et les gencives sont en très mauvais état et la bouche exhale une très mauvaise odeur. La langue, que l’on peut encore examiner, est blanche au milieu et rouge sur les bords. L'urine est normale. Température : matin, 37,7; soir, 38°,2. On prescrit chloral et bromure de potassium, 2 bains de vapeur par jour. 16 janvier. — Les contractures persistent et s'étendent aux muscles dorso-lombaires. Après avoir bu, le malade est pris d’un spasme des mâchoires avec constriction du pharynx, puis surviennent des crachote- ments convulsifs. On fait des injections de morphine, et M. Barth fait demander du sérum antitoxique à l’Institut Pasteur. On injecte dans le tissu cellulaire du dos et des cuisses 150 c. c. de sérum en trois reprises. Le sérum à un pouvoir immunisant de dix millions. Température : 37,2 le matin et 370,6 le soir. 17 janvier. — Le matin, injections de 50 c. c. de sérum. — Le malade CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 133 va mieux, la parole est plus facile, les yeux plus attentifs, les mâchoires moins contractées, la nuque est moins raide. Il y a de l'hyperesthésie cuta- née. Température : 38°,2 le matin, 39°,0 le soir. A 11 h. 1/2 du malin, nouvelle injection de 50 c. c. de sérum. 48 janvier. — Le trismus est moins prononcé, les contractures du tronc persistent mais sans incurvation, la déglutition est facile. Le malade peut tourner la tête. L'hyperesthésie cutanée est toujours très marquée. Tempé- rature : 36°,8 le matin ; 380,2 le soir. {9 janvier. — Nuit plus agitée. État stationnaire. Température : matin, 370,4, soir, 360,8. Injection de 30 c. c. de sérum. 30 janvier. — Plusieurs crises de contractures, sueurs assez abondantes. Température : matin, 36°; soir 36°,8. 21 janvier. — Nuit précédente agitée, les contractures du tronc persis- tent. Injection de 30 ce. e. de sérum. Température : matin, 36°,6; soir, 300,4. 22 janvier. — Agitation assez grande pendant la nuit. Sueurs; les con- tractures diminuent. Température : matin, 36°,6 ; soir, 36°,4. 23 janvier. — Urticaire généralisé, surtout marqué aux membres infé- rieurs et à l'abdomen, les contractures ont presque disparu. Du 25 janvier au 3 février. — L'amélioration continue. Cependant, le 27 février, il a un accès de contracture des mâächoires après avoir bu. Pen- dant toute cette période, la température reste au voisinage de 36°. La convalescence s’est faite régulièrement. Le 6 février, à la suite d’une constipation, il a eu un petit accès de fièvre : 38°,9 le soir; la température était normale le lendemain. Les contraclures ont disparu complètement vers le 10 février. En résumé, la durée de l'incubation est inconnue. La durée de la mala- die a été de un mois. Le traitement a été commencé le 7° jour de la mala- die. La quantité de sérum injecté a été de 310 c. c. Le pouvoir immunisant du sérum était de dix millions. — Guérison. | Le sang, recueilli le 17 janvier, après que le patient a reçu 250 c. ce. de sérum, est antitoxique à raison de 10 parties de sang pour une de toxine, et peut-être à dose plus faible encore. 1 c. c. de ce sang immunise solide- ment un cobaye contre Î c. c. de toxine très active. Le sang, recueilli le 21 janvier, après que le malade a reçu 270 c. c. de sérum, est antitoxique à raison de 2 parties de sang pour une de toxine. On n’a pas essayé d'autres proportions. Le sang recueilli le 20 février, lorsque le malade est guéri,37 jours après la dernière injection, est antitoxique à raison de 20 parties de sang pour une de toxine. Il immunise une souris du poids de 15 gr. à la dose de 1 €. c. VACCINATION D'UN CHEVAL BRETON ENTIER, AGÉ DE 9 ANS, CONTRE LE TÉTANOS. — POIDS, 420 kilogr. Observation de M. Nocard. — Le 5 avril 1892, on injecte sous la peau de l’encolure 1/2 c. ce. d’un mélange à parties égales de loxine tétanique (tuant la souris au 4/2000° de €. c.) et d’eau iodo-iodurée (solution de Gram). 134 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le 8 avril, injection de 2 e. c. 1/2 du même mélange. Le 43 avril, — Æë. c. — Le 16 avril, — BE. © — Le 21 avril, injection de 10 c. c. d’un mélange de 2 parties de toxine pour une de solution iodée. Le 24 avril, injection de 10 c. ec. d’un mélange de 2 parties de toxine pour une de solution iodée. Le 25 avril, injection de 7 c. c. d'un mélange de 3 parties de toxine pour une de solution iodée. Le 29 avril, injection de 5 €. c. d'un mélange de 4 parties de toxine pour une de solution iodée. Pendant toute la durée de ces injections, on n'a noté aucun symptôme anormal. La température a oscillé entre 37°,5 et 389,3. Le 3 mai, on injecte dans la jugulaire 45 €. c. d'un mélange de 15 par- ties de toxine et une de solution iodée. Le 6 mai, on injecte dans la jugulaire 25 c. c. d'un mélange contenant 1/30° de solution iodée. Le 9 mai, on injecte dans la jugulaire 10 c. c. de toxine pure. Le 11 mai, — 15 C2 76: — Pendant ces injections intra-veineuses, la température reste normale. Il est survenu un peu de phlébite, et on suspend les injections dans la veine. Le 19 mai, injection sous-cutanée de 10 c. c. de toxine pure. Le 22 imai, = 10 = Le 23 mai, — 10 — Le 24 mai, — 10 — Le 25 mai, — 15 — Le 31 mai, = 20 a? Le 3 juin, — 2( 4 Le 7 juin, — 20 == Ces injections ne provoquent aucun accident ni local ni général. Le 13 juin, on injecte dans la jugulaire 35 c. ec. de toxine pure. Au moment de l'injection, à 10 heures du matin, la température était de 37°,6; presque aussitôt après l'injection, l’animal sue abondamment, aux ars, en arrière de l'épaule, à la face interne des cuisses; bientôt il est entièrement mouillé et la sueur ruisselle sur le sol. Il semble aussi éprou- ver de légères coliques, il trépigne, il gratte le sol, se couche, se relève pour se recoucher de nouveau; à deux ou trois reprises et coup sur coup, il se campe, urine et fiente; les crottins d'abord fermes sont bientôt ramol- lis, presque diarrhéiques. À 11 heures, l'animal ayant été bouchonné et muni d'une couverture, il paraît plus calme. Température : 37°,9; à midi, 38°,5. Le cheval est moins inquiet et mange un peu de foin. A 2 heures, il est gai, il a fini sa ration, sa respiration est un peu rapide. Température : 390, De temps en temps il a un peu de coliques et les excréments sont ramollis. À 4 heures, température, 39,2; à 6 heures, 39. Le 14 juin, tout est rentré dans l'ordre, l'animal est gai, a mangé toute sa ration. Température : 370,9 le malin, 38°,4 le soir, CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 135 Le 15 juin, à 9 heures, on injecte dans la jugulaire 150 c. ce. de toxine pure. Les mêmes phénomènes se reproduisent encore plus intenses que l'avant-veille, Sueurs très abondantes, tremblements généraux, coliques, diarrhée, un peu d’abattement. Mais, dès le soir, tout a disparu; l'animal a pris sa ration du matin un moment dédaignée. La température s'est élevée de 37°,7 à 390,5, Le 6 juin elle est à 37°,9. Le 17 juin, à 9 heures, nouvelle injection intra-veineuse de 150 ec. e, de toxine pure. On assiste à la même succession de phénomènes, mais moins accusés et moins durables que précédemment. La température s'élève de 37,8 à 399,3. On interrompt les injections pour recueillir prochainement du sang et essayer la valeur antitoxique du sérum. Le cheval a reçu jusqu'à ce jour 561 c. c. de toxine dans l’espace de 2 mois et 12 jours. Le 18 juillet, à 9 heures du matin, on recueille avec pureté 2 litres de sang qui donnent un sérum dont le pouvoir immunisant est de un million. Aussitôt après la saignée, et sans retirer la canule du trocart qui a servi à la pratiquer, on injecte dans la jugulaire 150 c. e. de toxine pure, Les phénomènes déjà décrits se reproduisent à nouveau plus intenses et plus durabies que la dernière fois : tremblements musculaires, sudation générale, colique, diarrhée, abattement, anorexie. Température s'élevant de 37°,6 à 39°,4; mais dès le lendemain tout est rentré dans l'ordre; la température est tombée à 38°,0. Les 18, 23, 27 juillet, nouvelles injections intra-veineuses, de 150 e. €. de toxine pure; les mêmes phénomènes se reproduisent à chaque fois moins accusés, l'animal revient de plus en plus vite à son état ordinaire. À chaque injection, la temp. s'élève, du matin au soir, de {°,2 à 1°,6, pour revenir, dès le lendemain, à la normale: Le 4e août, on porte à 250 c. e. la quantité de toxine injectée d'un seul coup dans la jugulaire. Réaction plus intense que jamais. Sudation extrè- mement abondante, coliques vives, urination et défécation répétées coup sur coup, diarrhée, abattement profond, tremblements généraux, Mais, dès le soir, tout est rentré dans l’ordre, et l'animal a repris sa gaieté et son appétit. La temp. s’est élevée de 379,7 à 39°,5. Le 5 août, nouvelle injection de 260 c, c. de toxine. Réaction beaucoup moins accusée que le 4° août; la temp. s'élève de 37°,8 à 39°,5, L'animal a reçu depuis le début de l'expérience, 1,671 €, e. de toxine, Le 24 août, on recueille purement 2 litres 1/2 de sang. On constate que le sérum exsudé a un pouvoir immunisant d'au moins un million. On n’a pas recherché s'il est plus actif encore. L'animal est laissé en repos jusqu'à la fin d'octobre. Le 24 octobre, à 9 heures du matin, on lui injecte sous la peau de l’en- colure, un peu en avant de l'épaule gauche, 40 c. c. de culture, non filtrée, de bacilles tétaniques, dans de la macération de viande. Cette culture, vieille de quelques semaines, est très riche en microbes et en toxine. L'in- jection donne lieu immédiatement à une petite tumeur ædémateuse, mesu- BE D" 136 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. rant à cent. sur 10 cent. À ce moment, la temp. est de 37°,5. A 3 heures de l'après-midi, l'animal est trouvé couché, un peu triste, la tumeur a aug- menté de volume et mesure 20 cent. sur 30 cent., avec 2 ou 3 centimètres d'épaisseur ; elle est dure et son contour est très saillant. La temp. est de 38,7. À 6 heures, l’animal est triste, abattu, l'œil fixe ; la tumeur est plus volumineuse, plus saïllante et plus dure. Temp. 39°,9. Le 25, au matin, la tumeur est moins volumineuse, moins tendue, son contour est moins saillant. Temp. : 38°,2. Le 26 octobre, la tumeur est affaissée. Le 28 octobre, nouvelle injection sous-cutanée de la même culture. Pro- duction rapide d'une tumeur volumineuse, dure, tendue, peu sensible; tris- tesse et abattement du sujet. Temp. s’élevant graduellement de 37,7 à 390,6. Le 29 octobre, la tumeur a beaucoup diminué, elle semble se fondre avec les tissus voisins Temp. : 38°. Le 30 octobre, à 10 heures, temp. : 389,1. Il existe encore un peu d'em- pâtement au niveau des injections. On injecte, en 4 endroits, en arrière des épaules, 150 c. c. de la même culture complète. Formation rapide de tumeurs volumineuses, dures, chaudes. Le sujet est très abattu, il ne mange pas, il a des tremblements généraux, sa respiration est très accélérée. La temp. s'élève progressivement jusqu'à 39°,7. Le 31, à 6 heures du matin, temp. : 380,5, et l'animal est abattu. Il a cependant mangé sa ration. A droite, les tumeurs forment une masse énorme, qu'on peut à peine saisir avec les deux mains; à gauche, elles ont plutôt diminué. Le soir, temp. : 38°. Le 1° novembre, temp. : 38°,2, le membre antérieur droit est engorgé jusqu'au genou et ses mouvements sont raides. Le 2 novembre, même état. Temp. : 380,1. Le 3 novembre, temp. : 37°,9. L'animal a repris sa gaieté, les tumeurs diminué, le membre antérieur droit est beaucoup plus libre. Le à novembre, tout est revenu à la normale, les tumeurs ont complè- tement disparu. Temp. : 37°,6 le matin, 380,3 le soir. Le 6 novembre, à 9 heures du matin, nouvelles injections sous-cutanées de 60 c. c. de culture non filtrée, en 4 points en arrière des épaules. Les phénomènes se reproduisent plus intenses encore que précédemment. Tumé- faction considérable, dure, tendue, saillante, au niveau de chaque injection. A 5 heures, temp. : 39,3. L'animal est triste, mange à peine. Le 7 novembre, les tumeurs sont stationnaires. L'animal est gai. Temp. : 37°,6. Le 9 novembre, tout a disparu presque entièrement. Temp. : 37°,9, Le 10 novembre, à 9 heures du matin, temp. : 37°,6. Nouvelle injection de la même culture non filtrée, en 3 points différents, sur la face gauche de l’encolure, en arrière de chaque épaule. Le soir, à 5 heures, l'animal parait abatlu, il mange cependant. Les tumeurs de l’épaule sont volumi- neuses. Temp. : 390,4. Le 11, à 8 heures, les tumeurs ont augmenté d'étendue, elles ont la lar- CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 137 geur des deux mains. Temp. : 38°,6. Le soir, les tumeurs sont encore plus épaisses, dures, insensibles. Temp. : 39. Le 12 novembre, état stationnaire, l'animal est très gai. Temp. : 379,5 le matin, 38°,4 le soir, Le 143, même état. Le 45 novembre, la tumeur de l'épaule gauche a presque disparu; au . contraire, celle de l'épaule droite semble augmenter en surface et en épais- seur. Temp. : 380,4. Le soir, à 5 heures, la tumeur droite a beaucoup aug- menté de volume, l’animal paraît triste. Temp. : 39. Le 16, à 8 heures, le cheval est très abattu, la tumeur de l'épaule gau- che a presque disparu, celle de l'épaule droite est énorme, elle mesure près de 40 cent. de diamètre; elle est épaisse, dure, insensible, un peu chaude; son contour est saillant, surtout en bas. Temp. : 400,4. Le soir, 409,5, la tumeur a augmenté encore, l'animal mange son avoine, ne touche ni au foin ni à la paille. 50 respirations par minute. Le (7 novembre, à 7 heures, le cheval est moins abattu, il a mangé sa ration, la tumeur est stationnaire. Temp. : 39°,7. Le 18, la gaieté revient; la tumeur, toujours dure et insensible, a beau- coup diminué en haut et en arrière. Temp. 38°,9. Le 19 novembre, à 8 heures, abattement très profond. Temp. : 40°. La tumeur englobe toute la région de l'épaule, le membre est raide et engorgé jusqu'au genou. Le 20, tristesse, perte d’appétit, temp. : 39°,2. La tumeur a encore aug- menté, elle est dure, chaude, insensible ; le membre antérieur est engorgé dans toute sa hauteur. Temp. : 39,5 le soir. Le 21, même état. Temp. : 40° le matin, 39,3 le soir. Le 22 novembre, la tumeur a diminué, elle est toujours dure, chaude et insensible, le membre est raide et engorgé. Temp. : 38,8 le matin; le soir, 39,8. Le cheval mange à peine, il est très abattu. Le 23 novembre. Temp. matin : 39,5. L'animal n'a pas touché à sa ration, il est très abattu, la tumeur est moins tendue, le membre moins raide: l'urine ne renferme ni sucre, ni albumine, elle est trouble et épaisse, Le soir, temp. : 390,1. L'animal n'a pas mangé. Le 24,temp. : 38°,9; l'animal n’a pas mangé; on lui offre de l'avoine mêlée de sel gris ; il en mange un peu, sans appétit. Le 25, temp.: 39,1, même état; le fourreau est très engorgé ; l’ani- mal laisse son avoine; il prend volontiers du pain. Le 26, temp. : 38°,6. État stationnaire. Le cheval mange à peine un peu de pain, d'avoine et de carottes salées. Le 27, temp.: 38°,94. L'animal est moins triste ; il a mangé un peu; la tumeur diminue un peu. Le 28, temp. : 38°. L'animal est gai ; il a mangé son pain et son avoine salée; la tumeur n’a plus que la largeur de la main; on sent sous la peau comme une masse ovoide très dure, mobile, qui n’adhère ni à la peau ni au thorax. Le 29, même état satisfaisant ; 389,2. Le cheval a mangé son avoine et un peu de foin. ‘* 138 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le 30, 470,8; l'animal a repris son appétit et sa gaieté. La tumeur n’a plus que les dimensions d'une petite pomme; elle est toujours dure, assez mobile, insensible. Depuis cette époque, le cheval a toujours été en bonne santé; sa tempé- rature, prise chaque jour, matin et soir, a varié entre37°,2 el 389,6 avec des oscillations quotidiennes de 6 à 8 dixièmes de degré. La 23 décembre, on a recueilli purement 3 litres de sang dont le sérum éprouvé à un pouvoir immunisant de dix millions. Le 28 décembre, à neuf heures, injection sous-cutanée de 5 €. c. d’une solution au 1/20 de nitrate de pilocarpine; 45 minutes après, l’animal salive abondamment; on recueille rapidement un demi-litre de salive; éprouvée au Val-de-Grâce, la salive s'est montrée antitoxique à raison de 100 parties de salive pour une de toxine. Le 13 janvier, à neuf heures du matin (temp. 37,8), on injecte dans la jugulaire 250 c. c. de toxine pure. Aussitôt après l'injection se mani- festent, avec une grande intensité, tous les phénomènes déjà décrits : suda- tion très abondante, tremblements, coliques, diarrhée, tristesse, etc. A 1! heure, l'animal a repris son aspect ordinaire ; il a mangé presque toute sa ration; sa température est à 390,1. À 3 heures, 37°4; à 5 heures, il mange avec appétit; 399,1. Le 44, au matin, tout est rentré dans l’ordre, temp. : 380,2. Le 24 janvier, à 9 heures du matin (temp. : 37°,4), nouvelle injection intra-veineuse de 270 ec. c. de la même toxine. Les mêmes phénomènes se reproduisent, bien moins intenses qu'au 14 janvier: sudation abondante, coliques légères, un peu de diarrhée. Dès midi, l'animal a repris sa gaieté; il a mangé toute sa ration; sa température est de 38°,9; à 4 heures, 39953; à 8 heures, 390,1. Le 25, au matin, le cheval est très gai ; sa température est encore de 38°,6, Le 26, tout est rentré dans l’ordre. Temp. : 37°,6 le matin et 38°,2 le soir. Le 4 février, à 9 heures du matin (temp. : 379,7), on recueille purement 3 litres de sang. Aussitôt après on injecte dans la jagulaire 250 c. c. de la même toxine. Mômes phénomènes que précédemment, moins accusés cependant et moins prolongés. À 2 heures, l'animal parait gai, il a mungé sa ration; temp. : 380,6; — à 5 heures, respiration un peu accéléree; temp. 390,3; — à 8 heures, le cheval a bien mangé; temp. : 3902, Le 5 février au matin, temp. 38,3; appétit, gaité, respiration et cireu- lation, tout paraît normal. Le 6, temp. 37°,9 le matin, 38°,4 le soir. Depuis lors l'animal n’a pas cessé d'être en bonne santé. Il a reçu depuis le 5 avril 1892, soit en dix mois, 2,681 €, c. de toxine. VACCINATION D'UNE VACHE CONTRE LE TÉTANOS. Observation de M. Nocard. — Vache cotentine, âgée, tuberculeuse, mais en très bon état. (On n'a pas pu localiser la lésion tuberculeuse, dénoncée à dix reprises par l'injection de tuberculine.) Poids 550 kilogr. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU TÉTANOS. 139 A fait, en mars 1892, un veau superbe, qu'elle a nourri et qui n’a pas été trouvé tuberculeux à l’autopsie pratiquée en juillet. Donne encore 6 litres de lait chaque jour. La température prise matin et soir depuis longtemps oscille entre 37,7 et 38°,6. Le 26 octobre 1892, on fait une injection sous-cutanée de 4 c. c. d'un mélange à parties égales de toxine tétanique et d’eau iodée (solution de Gram.) Le 27 octobre, injection de 2 c.c. d'un mélange au tiers. Le 28, injection de 5 c. c. d'un mélange au tiers. Le 29, 5c. c. d'un mélange au 15°. Le 30, 12 ec. c. d'un mélange au 1/12. Le 3 novembre, on injecte 1/4 de c. c. de toxine pure. Le à novembre, 2 c. c. toxine pure. Le 7 novembre, 5 €. c. toxine pure. Lo 9 novembre, 10 e. e. de toxine pure. AP ABTEE Pendant toute la durée de ces injections, il a été impossible de noter le plus petit trouble dans la santé du sujet; sa température est restée nor- male; il n'y pas eu le moindre phénomène inflammatoire au niveau des injections. Le 12 novembre, à 10 heures du matin (temp. : 38°,2), on injecte sous la peau, en arrière des épaules, 40 c.c. d'une toxine nouvelle (tuant la souris au cent-millième). A midi, la vache est couverte de sueur; elle n’a mangé qu’une partie de sa ration; elle a un peu de diarrhée: elle est abattue; le soir, elle a repris son aspect ordinaire; elle a bien mangé, sa température est de 40. Le 14, tout paraît normal. Temp. : 38°,9 le matin et 389,7. le soir. Le 15, temp. : 37°,2 et 380,5. Le 16, nouvelle injection de 40 c.c. de toxine; l'animal paraît beaucoup moins abattu que le 13; il sue moins et mange mieux; cependant, le soir, sa température est à 39°,8. Le 17, 38°,7 et 382,9. Le 18, 37°,6 et 38, Le 20, au matin (temp. : 38°,1). Nouvelle injection sous-cutanée de 60 c. c. de toxine. Pas d'autres phénomènes que l'hyperthermie qui atteint, le soir, 390,5. Le 21, la température est encore à 39° le matin et 38°,7 le soir. Le 22, 372,8 et 38°,5. Le 23, au matin (temp. : 38,3), nouvelle injection sous-cutanée de 80 c. c. de toxine. Aucun symptôme, sinon de la fièvre, mesurée, le soir, par 39°,4. Le 24, la température est à 380,9 le matin, à 38°,5 le soir. Le 23, 38°,1 et 382,4. Jusqu'au 7 décembre, tout reste normal. Ce jour-là, à 9 heures (temp. : 31°,3), on injecte, dans la jugulaire, 250 c, c, de toxine. Presque aussitôt, LA 140 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'animal est couvert de sueur; il est comme secoué par de violents tremble- ments; il est très abattu; il trépigne, fait des efforts expulsifs et les ma- tières deviennent rapidement liquides; à midi, la température està 409,3; le soir, l'animal est toujours triste; il n'a mangé qu'à peine ; la température est à 40°,2. Le 8 décembre, la vache a repris sa gaité et son appétit; elle a encore uu peu de diarrhée. Temp. : 382,8. Le 16 décembre, nouvelle injection intraveineuse de 300 c. ec. de toxine. Les mêmes phénomènes se reproduisent, mais beaucoup moins accusés : sueurs, tremblements, diarrhée: la température s'élève de 38°,4 à 40°. Le 17, tout est rentré dans l’ordre. Temp. : 380,6. Le 14 janvier 1893, nouvelle injection intraveineuse de 9250 c. c. de toxine. Réaction bien moins intense que précédemment. La température, de 38°,2, ne s'élève qu'à 390,8. Le 24 janvier, à 9 heures, dernière injection intraveineuse de 280 c. e.de toxine. Réaction presque nulle : de 38°,4, la température s'élève, à 2 heures, à 39°,3, et, le soir, à 6 heures, elle n’est plus que de 380,9; l'animal n’a pas cessé de manger. Le lait, à la traite du 30 novembre est antitoxique à raison d'une partie de lait pour une toxine, on n'a pas essayé d’autres proportions. { Ne: ETUDE SUR LES RÉSULTATS DE L'ASSOCIATION DU STREPTOCOQUE ET DU BACILLE TYPHIQUE CHEZ L'HOMME ET CHEZ LES ANIMAUX Par M. H. VINCENT Aide-major de 1re classe (Laboratoire de Bactériologie de Hopital militaire du Dey, à Alger). Il Le pronostic et la marche de la fièvre typhoïde sont subor- donnés à des conditions complexes dont le mécanisme intime déroute assez souvent les prévisions cliniques du médecin. On voit, en effet, le malade succomber assez souvent sans que l’au- topsie justifie, par l'abondance de l’éruption intestinale, par l’ensemble des complications viscérales ou autres, ce mode de terminaison de la maladie. On incrimine alors, non sans quelque apparence de raison, soit une virulence exception- nelle du microbe typhique, soit la faiblesse de l'organisme qui en a été la proie; mais cette double hypothèse ne saurait être généralisée à tous les cas. Elle ne cadre pas, en particulier, avec certains faits épidémiques étudiés dans un milieu qui se prête admirablement à l’observation, dans les casernes, où l’on voit des sujets très vigoureux succomber rapidement aux atteintes de la fièvre typhoïde,alors que d’autres,beaucoup moins robustes, et soumis, d'ailleurs, aux mêmes conditions d'habitat, de nour- riture, d’occupations journalières — et aussi d'infection — ne présentent que des manifestations moins sévères du même pro- cessus. Il y aurait donc, semble-t-il, un certain intérêt à déterminer quelles règles président à des particularités morbides si insai- 142 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sissables dans leurs causes, si dissemblables dans leurs effets, et s'il n'entre pas quelquefois en jeu un nouveau facteur de gravité dont l'intervention tantôt manifeste, tantôt dissimulée, imprime à la maladie une allure aussi funeste. L'association éventuelle d’un autre microbe avec celui de la fièvre typhoïde est peut-être susceptible de fournir l’interpré- tation de quelques-uns de ces cas anormaux. Le développement simultané de plusieurs germes pathogènes chez le même individu a été déjà signalé dans un certain nombre d’affections : la tuberculose pulmonaire (R. Koch, Babès); l'infection purulente (Rosenbach), la syphilis infantile avec fièvre septique ( Hochsinger, Doutrelepont, Chosten), la scarla- une (Marie Raskina), etc... Dans certaines maladies mêmes, comme le tétanos, l'infection de l'individu exige, ainsi que M. Vaillard et nous-même l'avons établi, diverses conditions parmi lesquelles les phénomènes de symbiose microbienne, l’addi- tion d'organismes adjuvants au bacille de Nicolaïer jouent un rôle prédominant. Or il existe aussi, ainsi que je vais essayer de le montrer, un certain nombre de cas dans lesquels la mort des sujets atteints de fièvre typhoïde est justiciable de l’empoisonnement total et simultané de l’économie par un second microbe associé au bacille d'Eberth. Dans une communication faite à la Société Médicale des Hôpitaux (13 novembre 1891), j'ai signalé la fré- quence relative, chez l'homme, de l'infection mixte par le strepto- coque et le baciile typhique, en insistant sur la gravité toute spéciale des symptômes qu’elle détermine. Aux cinq cas déjà observés d'infection combinée par les deux microorganismes est venu s'ajouter récemment un nouvel exemple, dans lequel le malade atteint d’une dothiénentérie de moyenne intensité, a été brusquement emporté à la suite d’une angine en apparence légère causée par le streptocoque. Les expériences qui ont été pratiquées sur les animaux ont confirmé la virulence exceptionnelle de la symbiose strepto-typhique, et ce travail résume l’ensemble des résultats fournis par l'étude bactériologique de cette association parasitaire chez l'homme et les animaux. STREPTOCOQUE ET BACILLE TYPHIQUE. 143 Il INFECTION MIXTE CHEZ L'HOMME. Si l’on songe comhien sont nombreux, dans la dothiénen- térie, les facteurs d’épuisement de l'organisme : empoisonne- ment microbien, dépenses vitales amenées par la fièvre, diarrhée, défaut d'alimentation, toutes causes qui affaiblissent déjà consi- dérablement la résistance du malade vis-à-vis des agents-des infections secondaires, on ne peut être surpris de la fréquence d'une association microbienne intercurrente, telle que celle du streptocoque, dans le cours de la propathie typhoïdique. La pénétration des germes secondaires, dans un organisme déjà défaillant et vicié, est facilitée par les ulcérations des plaques de Peyer, qui sont autant de portes d'entrée ouvertes aux microbes infectieux habitant le tube digestif. Sur 31 autopsies de fièvre typhoïde, 6 fois les ensemence- ments et les examens bactériologiques ont permis de rencontrer, dans les organes, le streptocoque mélangé au bacille typhique. Bien qu'ils aient manifesté une égale gravité d’allure, ces cas n’ont cependant pas offert une même pathogénie et doivent être divisés en deux groupes distincts. Dans l’un, qui comprend les exemples les plus nombreux, le streptocoque est intervenu dans le cours même de la maladie, sur un organisme déjà typhisé : il s’agit d'une association microbienne secondaire. Dans l’autre il y a eu, au contraire, infection mixte primitive ou d'emblée. Les signes qui ont accompagné ces divers modes d'infection, la physionomie que prend la manifestation morbide dès le début de l’envahissement microbien, enfin les lésions mêmes observées dans l’un et l’autre cas présentent, d'ailleurs, malgré un abou- üssant commun qui est la mort, une certaine différence qui ressortira suffisamment de la brève relation de chaque cas. Avant d'entrer, en effet, dans l'exposé de ces recherches, qui ont pour point de départ un certuin nombre d'observations recueillies au lit du malade et à la table d’autopsie, nous devons fournir une énumération succincte des cas qu'il nous a été donné d'étudier : l’expérimentation, non moins que les examens bacté- riologiques ne peuvent, en effet, être séparés des faits cliniques dont ils procèdent. Dans le cas actuel les uns et les autres 144 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. se prêtent, par le rapprochement, une mutuelle lumière. Pour la recherche et l'isolement du streptocoque dans les viscères et le sang des sujets morts de fièvre typhoïde, le procédé des cultures sur plaques, de Koch, ne pouvait être utilisé. S'il est vrai, en effet, qu'un grand nombre de bactéries, en particu- lier le bacille d'Eberth, se développent parfaitement dans ces conditions, d’autres microbes, et le streptocoque est de ce nombre, ne peuvent se multiplier favorablement qu’à une tem- pérature comprise entre 30° et 38°, à laquelle ne se prête pas le mode de culture en gélatine. Il a donc été procédé de la manière suivante. La prise du sang du cœur, celle de la pulpe des viscères ont été faites tou- jours à une période aussi rapprochée que possible de la mort. Après cautérisation de la surface des organes, on a aspiré, dans des pipettes flambées, une parcelle de Ja pulpe, en prenant les précautions les plus strictes pour éviter la contamination. Le contenu des nipettes a été ensuite ensemencé directement dans le bouillon de bœuf peptonisé, et le tout a été porté à l’étuve à 38°. Lorsque le streptocoque existe, il se multiplie dans le bouillon en mème temps que le bacille d'Eberth, et il est facile de le retrouver dans le dépôt formé au fond du tube. On lisole en diluant une goutte de ce dépôt dans l’eau stérilisée et en ensemençant sur plusieurs tubes de gélose. L'examen microscopique du sang et des frottis de rate a élé pratiqué dans tous les cas, en même temps que celui des exsudats pathologiques et du pus, lorsqu'il en existait. (a) Infectionsmirtes secondaires. — Le quatrième des cas dont l’é- numération va suivre, sera seul un peu détaillé. Pour la descrip- tion complète des trois autres, nous renvoyons au mémoire déjà cité et publié dans les Bulletins de la Société Médicale des Hôpitaux en 1891. er cas (Février A891). — Arabe ayant offert les signes d’une dothiénen- térie de moyenne intensité, présente au quinzième jour une augmentation de ja fièvre avec type inverse de la température. Otite moyenne suppurée à streptocoques. Mort huit jours après. Autopsie. — Lésions intestinales en voie de guérison. Rate énorme (830 grammes). Hypérémie des viscères. Pas de phlébite des sinus ni d'encéphalite. Examen bactériologique. — Dans le sang existent des quantités colossales STREPTOCOQUE ET BACILLE TYPHIQUE. 145 de microcoques en chainettes en même temps que le bacille typhique. Les deux microbes sont retrouvés dans tous les viscères. 2% cas (Avril 1891). — Homme de 21 ans, très robuste, atteint d'une fièvre typhoïde assez sérieuse. Au vingtième jour, angine peu grave, sans augmentation de la fièvre ni des phénomènes généraux. Mort cinq jours après. Autopsie. — Lésions intestinales peu marquées. Pas de lésions viscérales,. Exumen bactériologique. — Bacille typhique et streptocoque dans la rate, le foie, les ganglions mésentériques. Streptocoque dans le pharynx, les gan- glions cervicaux du côté gauche et le sang. 3e cas (Avril 1891). — Homme de 22 ans présentant une fièvre typhoïde assez bénigne et en voie de guérison; température descendue à 37°,6, dès le dix-septième jour. Mort en six jours à la suite d'un érysipèle de la face. Autopsie, — Trois ou quatre plaques de Peyer presque entièrement cicatri- sées. Quelques foyers de suppuration miliaire dans l’un des reins. Examen bactériologique. — Streptocoque au niveau de la plaque érysipé- lateuse et des ganglions du cou: même organisme dans tous les viscères. Bacille typhique (très rare) dans la rate. 4° cas (30novembre 1892). — Homme de22 ans, atteint d’une fièvretyphoïde de faible gravité: la température est descendue à 37° dès le vingtième jour de la maladie. A ce moment, angine caractérisée par la rougeur du pharynx et une très petite plaque verdâtre de sphacèle superticiel sur la luette. La température atteint en deux jours 41°. Gonflement rapide et considé- rable de la région latérale droite du cou. Päleur extrême de la face; douleur rétro-sternale; stupeur. Mort en deux jours. Autopsie. — Quelques plaques de Peyer détergées, petites. Rate très. molle (340 grammes); foie très rouge, ramolli. Faible congestion de l’un des poumons. Rien ailleurs. Pharynx œdématié, tissu cellulaire du cou infiltré d'une sérosité louche diffuse, en certains points un peu purulente, mais nullement collectée. L'infiltration s'étend jusque dans le tissu cellulaire du médiastin. Examen bactériologique. — La petite plaque de sphacèle pharyngé ren- ferme exclusivement le streptocoque en quantité innombrable. Même microbe dans les ganglions cervicaux tuméfiés, la sérosité qui infiltre le tissu cel- lulaire du cou et du médiastin, la rate, le foie, le sang. Le bacille typhique est retrouvé en même temps que le streptocoque dans les viscères abdomi- naux et dans la sérosité cervicale, Il est seul dans le cerveau et le bulbe. De l’ensemble des observations précédentes, résulte déjà cette impression essentielle, que la fièvre typhoïde prépare un terrain de culture éminemment favorable au développement des infections deutéropathiques, et d’une manière élective, à l’in- vasion du streptocoque. Alors que, chez un sujet antérieurement 10 146 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sain, l’éclosion d’une angine, d’une otite, d'un érysipèle ou de toute autre lésion locale par laquelle se traduit la pullulation du streptocoque ne présente, en règle générale, qu'un pronostic sans gravité, il semble en être autrement lorsque ces mêmes affections surviennent chez un malade atteint de dothienentérie. L'organisme, déjà ébranlé par l’empoisonnement typhoïdique, semble désormais incapable de résister, avec succès, à l'assaut d’un nouvel adversaire qui apporte au premier son redoutable contingent spécifique et morbide. Parmi les exemples ci-dessus, ceux qui dénoncent de la ma- nière la plus saisissante, la puissance de l'association strepto-ty- phique, sont lestroisième etquatrième cas, danslesquels, bien que lafièvre typhoïde fütlégère, bien que le malade fût même toutprès d'entrer en convalescence, une simple complication justiciable du streptocoque prit subitement un caractère funeste, presque foudroyant. Que de fois, sans doute, en face d’un typhoïdique porteur, depuis plusieurs jours, d’une angine, d’une suppuration à streptocoques, etc., on a mis la gravité des symptômes sur le compte de l'infection typhoïdique, aiors qu'elle traduisait, en réalité, une infection secondaire méconnue, négligée, et la dis- sémination du microbe surajouté dans la circulation générale ! C’est, en effet, dans cette généralisation du germe acciden- tellement développé sur un terrain déjà envahi par le bacille .typhique que réside le danger de l'infection mixte. Les résultats des examens bactériologiques le témoignent, et l'on peut suivre presque à la trace, par des ensemencements praliqués avecsoin, le microbe de l'infection secondaire, depuis son point de départ où il s’est extraordinairement multiplié et a pris droit de cité, jusqu'aux ganglions voisins qui sout tuméfiés, témoignant ainsi du travail de défense qu'ils ont inutilement tenté d'accomplir. La barrière ganglionnaire une fois franchie, le streptocoque se répand dans l'organisme et le tue. (b) Infections mirtes d'emblée. — {n’a été question jusqu'ici que des cas d’infection mixte secondaire. Dans une deuxième caté- gorie de faits, moins fréquents, mais peut-être plus remarquables encore, la multiplication parallèle des deux microbes patho- gènes s'opère d'emblée ou tout au moins dès le début de l'infec- tion éberthique. La séméiologie morbide semble alors modifiée par l’adjonction primitive du streptocoque, mais, de l’ensemble STREPTOCOQUE ET BACILLE TYPHIQUE. 147 des symptômes cliniques plus ou moins atypiques se détachent néanmoins Ceux qui appartiennent en propre à la dothiénentérie et l'on trouve à l’autopsie la lésion pathognomonique des plaques de Peyer. C'est ce qui advint dans le cinquième cas d'infection mixte que nous avonsobservé. Ce cas, qui se termina par une mort rapide, ne s'était pas accompagné, comme les précédents, d'une lésion des téguments, du pharynx, des muqueuses ou des séreu- ses, qui ait préparé un foyer de culture locale austreptocoque etqui ait favorisé son irruption dans l’économie. La pénétration de ce microbe s’élait faite par les ulcérations intestinales elles-mêmes; le streptocoque existait, concurremment avec le bacille typhique, dans les ganglions mésentériques les plus voisins de ces ulcéra- tions. De là il était allé coloniser dans la rate, de concert avec le bacille d'Eberth, et y avait provoqué deux foyers de suppuration. À l’autopsie les viscères renfermaient les deux microorganismes qui furent retrouvés mème dans l’exsudat méningé. Les lésions de l'intestin semblent donc solliciter l'infection secondaire de l'individu par les innombrables germes pathogènes accumulés dans les voies digestives. En ce qui concerne le strep- tocoque, ce microorganisme est un hôte fréquent de la salive (Netter). Von Besser l’a également trouvé 7 fois dans la salive de 81 sujets. Je l'ai aussi recherché dans les matières fécales, à l'occasion de ces cas d'infection mixte, et l’ai trouvé 3 fois sur 1 dans les matières fécales de typhoïdiques ou de sujets sains. Pour terminer l’énoncé des faits d'infection strepto-typhique observés chez l'homme, il nous reste à parler d’une forme spé- ciale de la maladie constituée étiologiquement encore par la combinaison primitive et contemporaine du microbe de Fehleisen et du bacille typhique, et dans laquelle on ne trouve, à l’autopsie, aucune détermination intestinale qui puisse faire soupçonner l'ori- gine de la maladie. Seules les cultures permettent de rapporter l'affection à sa véritable origine. IT s’agit là, en effet, d’une véritable septicémie strepto-typhique qui se comporte comme une sorte d’entité morbide participant à la fois, par son origine et ses symptômes, de ceux qui caracté- risent la fièvre typhoïde et la septicémie chirurgicale". 6° cas. — Le malade, âgé de 35 ans et chiffonnier de son métier, offrit, dès le début de son affection, une stupeur profonde, Légère diarrhée ; 4 H. Vincent, Loc. cit. 148 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fièvre (3902 à 40°1). Soubresauts tendineux, délire continu. Éruption géné- ralisée de petites taches purpuriques. Ces symptômes persistent pendant 12 jours au bout desquels le sujet succombe. Aultopsie. — Congestion, par places, de l'intestin grêle. Plaques de Peyer normales. Ganglions mésentériques, rate (230 gr.)non tuméfiés. Congestion pulmonaire bilatérale. Hypérémie vive de l’encéphale. OEdème sous- arachnoïdien. Examen bacteriologique. — Streptocoque très abondant dans le sang. Tous les viscères (rate, foie, reins, poumons), la pulpe cérébrale, renferment en même temps le bacille typhique et le streptocoque. Tels sont, brièvement résumés, les documents tirés des cas d'infection mixte strepto-typhique que j'ai constatés chez l'homme. Il en résulte déjà une double conclusion, à savoir que cette association microbienne paraît présenter une gravité très grande, quel que soit le mode d'introduction, primitive ou secon- daire, du germe associé, quelle que soit également sa porte d’en- trée; en second lieu, qu’elle peut parfois s'offrir avec un ensemble de caractères anatomiqnes et symplomatiques qui ne permettent pas toujours de la dévisager avec les ressources crdinaires de la clinique et en font, en même temps, une sorte d’entité à part. De même que le bacille de Koch peut acquérir, expérimentalement (tuberculose du type Yersin), la faculté de déterminer une septicémie mortelle pour les animaux sans pro- duction de sa lésion caractéristique, le tubercule, de même le bacille d'Eberth est susceptible de se développer dans l'organisme humain et d’entrainer la mort sans détermination intestinale spécifique. Banti' à rapporté un cas de ce genre. Depuis lors il a été publié deux observations analogues, l’une par M. Vaillard et nous même; l’autre’ a été résumée ci-dessus. Pour nous en tenir à ce dernier cas qui a été plus récemment étudié, on pouvait se demander si la marche si rapide et si ori- ginale du processus infectieux mixte ne résultait pas d’une viru- lence exceptionnelle de l’un ou des deux microbes pathogènes. Je l’avais pensé tout d'abord; mais les inoculations qui ont été faites, soitavec le bacille typhique. soitavec le streptocoqueisolés 4. Banti, Arch. ilal. de Biologie, Déc. 1887. 2. Vaillard et Vincent. De l'infection par le bacille typhique sans lésions intes- tinales. Soc. Med. des Hop. 14 mars 1890. 3. Loc. cit. STREPTOCOQUE ET BACILLE TYPHIQUE. 149 des viscères du sujet, n'ont pas révélé une activité anormale de ces deux germes. Il fallait donc supposer que les deux microbes sont plus particulièrement aptes, par l'appui qu'ils se prêtent mutuellement dans cette ligne offensive et défensive, à paralyser les moyens de défense que leur oppose l'organisme humain. C’est ce que permettra, peut être, d'établir l'étude expérimentale de l'infection double par le streptocoque et le bacille typhique chez les animaux. III INFECTION MIXTE EXPÉRIMENTALE. Si les troubles révélateurs de l'association du streptocoque avec le bacille d'Eberth présentent, chez l'homme, une gravité exceptionnelle, l'expérimentation montre que les animaux sont ausssi particulièrement sensibles aux effets de cette infection mixte. L'adjonction du streptocoque au bacille de la fièvre typhoïde entraîne le plus souvent chez ces derniers une mort rapide précédée d’hyperthermie, de stupeur, de diarrhée, en un mot de phénomènes identiques à ceux qu’on observe chez le malade lui-même. Cette constatalion tire une valeur particulière de ce fait que les animaux ne possèdent cependant, en règle générale, qu'une réceptivité médiocre à l'égard du microbe de la fièvre typhoïde. On sait, en effet, que Galfky n’a jamais réussi à provoquer une véritable fièvre typhoïde expérimentale, et que Sirotinin, Beu- mer et Peiper, après des essais d'inoculation du bacille d'Eberth aux animaux, lui refusent toute activité pathogène envers ces derniers et pensent que la mort, lorsqu'elle survient chez eux, est due à une intoxication par les produits solubles développés dans les cultures. Il a été établi, cependant, par d’autres expérimentateurs, en particulier MM. Chantemesse et Widal, qu’on peut arriver à provoquer chez le lapin et le cobaye une affection fébrile accom- pagnée de la multiplication du bacille typhique dans l'intestin, les ganglions et la rate. Mais ces divergences d'opinion sont la meilleure preuve de l’infidélité des résultats donnés par l’inocu- lation du bacille. , 150 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Si l’on prend, du reste, une culture en bouillon d’un ba- cille typhique récemment extrait des viscères d’un typhoïdique et ensemencé, à la température de 38°, depuis 10 heures seule- ment (afin d'opérer avec des milieux peu riches en toxine), et si on en inocule dans la veine marginale du lapin ou sous la peau 1 c. c.et même davantage, il est bien rare qu'on obtienne une affection mortelle. L’injection sous-cutanée détermine fréquemment une induration locale qui se résorbe, quelquefois un abcès qui se vide partiellement, laissant une sorte d'ulcération tenace, chancriforme, à bords saillants en bourrelet. Mais le lapin est peu éprouvé dans sa santé générale et guérit habituel- lement. L'injection intrapéritonéale d’un bacille en culture de 10 heures est plus efficace, mais elle n'’amène la mort que si la dose inoculée est considérable (2 ec. c. et plus). Le cobaye, la souris blanche elle-même, qui est cependant l'animal le plus sensible à l'inoculation typhique, exigentle plus souvent pour succomber avec généralisation des microbes, une quantité élevée de culture récente du bacille. Or, tout autres sont les résultats lorsqu'on vient en aide au bacille d'Eberth par l’associalion du streptocoque. On possède ainsi un moyen de provoquer presque à coup sûr une fièvre typhoïde expérimentale avec des lésions des plaques de Pever, une hypérémie de l'intestin, l'hypertrophie des ganglions mésen- tériques et de la rate. Les expériences ont été faites sur cinq séries de trois ae en utilisant, chaque fois, un bacille typhique différent extrait récemment de la rate d’un typhoïdique et ensemencé dans le bouillon depuis 18 heures. Le streptocoque provenait, dans les trois premiers cas, du cadavre d’un typhoïdique mort d'infection mixte; dans les deux autres il avait été extrait d’un pus phleg- moneux. On choisit trois lapins À, B et C approximativement de même âge et de même poids. On inocule au lapin A:1 ce. c. à lc. c. 1/2 de culture du bacille typhique dans la veine de l'oreille, ou bien 3/4 de c. c. dans le péritoine: — au lapin B, 1/2 c. c. ou 1/3 de c. c. de culture du streptocoque dans la veine; — au lapin C, un mélange équivalent des deux microorganismes. Cette dernière inoculation a été faite tantôt en injectant les deux STREPTOCOQUE ET BACILLE TYPHIQUE. 151 cultures au même point, tantôt en inoculant le streptocoque dans la veine marginale, et le bacille typhique dans le péritoine. Les résultats obtenus on été les suivants. Dans les 5 séries, les 5 lapins témoins À (bacille typhique), ont guéri. Parmi les lapins témoins B (streptocoque), l'un d’entre eux qui avait reçu 1/2 ce. c. de streptocoque a succombé au bout de dix-huit jours, avec des abcès sous-culanés volumineux. Un second lapin a été très malade, mais a guéri ainsi que tous les autres. L'un des lapins C, après avoir présenté, pendant 4 jours, une fièvre voisine de 4!°, à fini par guérir. Les 4 autres sont morts de 56 heures à 39 jours après l’inoculation, ayant présenté une température élevée, une diarrhée parfois profuse et une apathie plus ou moins marquée. A l’autopsie, on a toujours trouvé (sauf chez l’un des lapins qui est mort au trente-neuvième jour dans un état de cachexie avancée), du gonflement hémorragique des plaques de Peyer ainsi que la tuméfaction des ganglions abdominaux et de la rate. Les ensemencements faits avec la pulpe de la rate, les examens microscopiques du frottis des organes, ont fourni à la fois le bacille d'Eberth et le streptocoque. Seul, le lapin mort tardive- ment donna des ensemencements négatifs. Voici, du reste, la relation d’une des expériences qui ont fourni les résultats les plus remarquables. Expérience (27 juillet 1891). — On injecte dans le péritoine d’un lapin A RENE LE Lee Le LI DEEE ERP EEE Li el EE EN. témoin pesant 2 k. 200, 3/4 de c. c. d’une culture de bacille typhique retiré deux jours avant de la rate d'un typhoïdique et ensemencé dans le bouillon 152 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. depuis dix-huit heures. Le lendemain légère prostration, fièvre. L'animal mange cependant un peu. Les jours suivants diarrhée, faiblesse des membres. Ces symptômes Fig. 2. — Courbe de température du lapin B. (X, uérison). cessent le 1 août, époque à laquelle le lapin commence à manger. Le 3 août il était complètement guéri. Un deuxième lapin témoin B (poids 2 k. 420) reçoit dans la veine margi- nale de l'oreille 4/3 de ec. c. de culture de streptocoque. L'animal a pré- senté pendant 6 jours de la fièvre (v. fig. 2), de la faiblesse des membres, PORN Fig. 3. — Courbe de tempérade du lapin C. mais a commencé à manger le 30 juillet etétait guéri quelques jours après. On prend un troisième lapin C pesant 2 k. 350 et l'on inocule dans son péritoine 3/4 de ce. c. du bacille typhique injecté au premier lapin et, dans la veine, 1/3 de c.c. du streptocoque injecté au second lapin. Le soir même de l'inoculation, l'animal est très abattu. Le lendemain, diarrhée profuse, roussàtre ; fièvre (v. la fig. 3). STREPTOCOQUE ET BACILLE TYPHIQUE, 153 30 juillet. Ventre ballonné. Diarrhée persiste et se complique de prolap- sus et de rougeur de la muqueuse anale. Yeux éteints; stupeur absolue, Le lapin renversé sur le flanc est impuissant à se relever. Écoulement de sérosité sanguinolente par le nez. Mort le 831 juillet, au 4 jour. A l’autopsie, l'abdomen fut trouvé distendu par 50 c. c. environ d’un liquide très trouble, peuplé d'innombrables bacilles et de streptocoques. Mésentère injecté. Quatre plaques de Peyer, saillantes et hémorragiques, à la fin de l'intestin grèle. Ganglions mésentériques tuméfiés et mous, con- tenant le bacille d'Eberth et le streptocoque. Les mêmes microbes furent trouvés dans les viscères, le système nerveux central et le sang. Le 6° cas d'infection strepto-typhique qui a été précédem- ment signalé chez l’homme avait débuté par l'apparition, sur la poitrine du malade, de pustules confluentes consécutives elles- mêmes à l'application d’un thapsia. Le pus de ces petits abcès était rempli àe streptocoques, et il n’est pas douteux quel intro- duction de ce microbe dans l’organisme ne reconnût celte porte d'entrée. Cet exemple nous a suggéré l’idée de rechercher si l’on ne pourrait pas déterminer expérimentalement, chez les animaux, une infection mixte par un moyen analogue. Trois lapins et deux cobayes après avoir reçu : les premiers 1/2, 1, et1 c. c. 1/2 de bacille typhique dans le sang, les autres 1/3 de c. c. du mème bacille dans le péritoine, ont été tondus dans la région dorsale, et la peau a été dénudée à l’aide de fric- tions de papier verré. Cette surface a élé arrosée avec une cul- ture du streptocoque, puis recouverte de plusieurs tranches de papier buvard imprégné de la même culture. Les deux cobayes et deux des lapins ont guéri. Mais le troisième lapin a offert une. rougeur érysipélateuse intense de la peau du dos et de l’abdo- men, avec quelques petites pustules, et a succombé au huitième jour, présentant à l’autopsie le streptocoque dans son sang, ses reins et sa rale, le bacille typhique dans sa moelle osseuse et sa rate. Celle-ci était hypertrophiée et molle. En raison de sa similitude avec l’un des modes d'infection possible chez l'homme, cette expérience établit avec netteté le danger des révulsifs appliqués sans précautions antiseptiques chez les typhoïdiques, et susceptibles d'ouvrir ainsi une porte d'entrée à l’un des microbes des infections secondaires, particu- lièrement au microbe de Fehleisen. L'injection intra-palmonaire ou intra-pleurale du strepto- 154 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. coque chez un lapin déjà inoculé avec le bacille d'Eberth amène fréquemment aussi la mort avec généralisation des microbes ino- culés, alors que les inoculations isolées faites aux animaux témoins, aux doses employées et déjà indiquées, ne déterminent le plus souvent qu’un retentissement peu grave et éphémère. On aurait pu présumer que l'introduction du streptocoque dans le système pulmonaire devait provoquer localement soit une pneu- monie, soit une inflammation suppurée de la plèvre. L’expé- rience démontre que cette présomption n’est pas toujours réa- lisée. On n'observe, au contraire souvent, qu’une vascularisation plus ou moins marquée du parenchyme pulmonaire. Peut-être faut-il interpréter cette particularité par l’état d’affaiblissement où la double invasion microbienne jette brusquement l’orga- nisme. Elle réduit à néant ses premiers efforts de défense et ne lui permet pas d’opposer, dès l’abord, la réaction phagocytaire dont la lésion anatomique, pneumonie, pleurésie, est la traduc- tion plus ou moins efficace. L'animal se conduit, en pareille occurrence, comme un milieu de culture inerte. L'association du streptocoque au bacille d'Eberth jouit donc de propriétés virulentes entièrement comparables, pour leurs effets, à celles que présentent les virus typhoïdiques artificielle- ment exaltés de M. Sanarelli et de MM. Chantemesse et Widal”'. Lorqu’on inocule une culture ordinaire du bacille typhique soit au lapin, soit même au cobaye, on sait déjà qu’on n’a- mène qu'une affection rapidement curable. Or, le court passage que subit le bacille à travers l’organisme même d’un animal peu réceptif, tel que le lapin, est-il cependant sans effet sur celui-ci? L’expérimentation tendrait à faire admettre qu'il n’en est pas ainsi, car l'inoculation du bacille typhique, même alors qu'elle produit seulement une altération fugace de la santé, paraît augmenter néanmoins la réceptivilé morbide à l'égard de l'infection deutéropathique par le streptocoque. Un lapin, du poids de 2k.050, reçoit, le 17 juin 1892, 1.c. c. 4/4 de culture typhique dans la veine marginale. Guérison à la fin du 4° jour. À ce moment on injecte dans la veine 1/4 de c. ce. de streptocoque de moyenne virulence, dose qui ne détermine qu’un peu de fièvre chez un autre lapin. La température de l'animal 4. V. ces Annales, n° 11, 25 nov. 1892. STREPTOCOQUE ET BACILLE TYPHIQUE. 155 monta, le soir même, à 41°7 et le lapin succomba, quatre jours après, avec le streptocoque dans son sang et dans sa rate. Quant au bacille typhique, il avait à peu près entièrement disparu et ne fut retrouvé que dans la moelle osseuse. Ainsi, dans cet exemple, il avait suffi de l’affaiblissement dû à l'injection d’une dose non mortelle du bacille d'Eberth pour rendre l'animal éminemment réceptif pour l’inoculation secon- daire d’une quantité de streptocoque normalement inactive : la mort était, effectivement, bien due au streptocoque seul. Mais, à la vérité, cette prédisposition morbide ne parait pas se pro- longer au delà de 24 heures après la cessation de la fièvre, au moins chez le lapin, et l'expérience précédente ne réussit pas constamment. Ceci s'explique très bien par la grande résistance du lapin pour le bacilie de la fièvre typhoïde, et le succès de ces inoculations n’en acquiert que plus de valeur. Mais si, au lieu du lapin, on emploie un animal plus réceptif à la fois pour le streptocoque et pour le bacille — le rat blane, par exemple — on obtient des effets encore plus positifs. À un rat qui a reçu dans le péritoine 2, 3, quelquefois 4 jours aupa- ravant, six à huit gouttes du bacille typhique, il suffit d'inoculer | secondairement quelques gouttes du streptocoque sous la peau pour amener presque infailliblement la mort. Les deux rats témoins, inoculés séparément avec chaque cullure, guérissent au contraire le plus souvent. N’est-on pas autorisé à conclure que cet accroissement de la réceptivité morbide pour un agent d'infection secondaire trouve plus d’une fois sa réalisation en pathologie humaine, et ne peut on s'expliquer ainsi le danger des manifestations locales dustrep- tocoque dans le cours ou mème au déclin du typhus abdominal? C’est en cherchant à varier les modes d'infection par les deux microorganismes pathogènes que j'ai été amené à faire quelques essais qui offrent certaines analogies avec les expé- riences décrites par MM. Chantemesse et Widal dans leur récent mémoire déjà cité. On prend un bacille typhique affaibli, ensemencé depuis quatre mois sur gélose. Ce microbe s’est montré à peu près dépourvu de propriétés pathogènes pour le lapin, le cobaye et le rat. Il tue seulement les jeunes rats blancs, âgés de deux mois, à la dose de 1 c. c. dans le péritoine. 156 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Or, si à cette culture dépourvue de virulence, on associe le streptocoque (sept gouttes pour le rat blanc), on réussit à entrainer la mort de l’animal avec généralisation des deux microbes. Les mêmes expériences peuvent réussir chez le lapin, mais à condition d'inoculer le bacille typhique atténué dans le péritoine et à la dose de 2 c. c. L'injection simultanée du bacille typhique et d’une culture stérilisée du streptocoque favorise beaucoup, ainsi que l'ont observé MM. Chantemesse et Widal, la pullulation du bacille. Dans des essais datant de près d’un an, je me suis servi, pour l’associer au bacille typhique, d’une culture de streptocoque ancienne de quatorze semaines, et faite dans un ballon d'Erlen- meyer contenant environ 200 c. c. de bouillon nutritif. En aspirant avec une pipette stérile la partie supérieure de la culture laissée au repos, on obtieut un liquide dépourvu de microbes, et beaucoup plus actif que la culture filtrée ou chauffée. Deux jeunes lapins, du poids respectif de 1 k. 800 et 1 k. 930 reçoivent, dans la veine, 2 c. c. de ce liquideet, dans le péritoine, 1/2 c. c. de bacille typhique en culture de 24 heures. Les deux animaux ont succombé presque simultanément en 26 heures. Des deux lapins témoins inoculés l’un avec la culture du strep- tocoque, l’autre avec le bacille typhique, le premier est mort après 24 jours, le deuxième a très bien guéri. On obtient, de même, des effets tout aussi marqués lorsqu'on inocule, en même temps qu’une dose non mortelle du strep- tocoque, une culture filtrée du bacille d’Eberth. On sait que le streptocoque ne jouit pas de propriétés pathogènes à l’égard äu cobaye. On peut avoir cependant raison de cette immumité à la condition d’intoxiquer en mème temps l'animal avec les produits solubles secrétés par le bacille typhique. C’est ainsi que, dans un cas, un fort cobaye a reçu dans le péritoine 2 c. ec. de culture filtrée du bacille typhique mélangé à 1 c. c. de culture du streptocoque ensemencé depuis 24 heures. Le cobaye est mort après 37 heures, avec un ballonnement énorme de l'abdomen. Celui-ci était distendu par une grande quantité de liquide louche peuplé de chaïnettes. IL existait de la péritonite agglutinative et le sang renfermait le streplocoque. Dans l'expérience qui précède, le mode et le siège de l’inocu- STREPTOCOQUE ET BACILLE TYPHIQUE. 157 lation ne sont cependant pas indifférents. L’animal peut en effet survivre lorsqu'on injecte les deux cultures du bacille filtré et du streptocoque, en des endroits différents. Parfois le cobaye. succombe, mais l'examen microscopique du sang et du frotlis de rate n'indique pas de multiplication du streptocoque : il ya eu simple intoxication. Au contraire l'injection du mélange de streptocoque et de bouillon typhique filtré, au même point, (par exemple dans le péritoine du cobaye), est plus capable de triom- pher de l’immunité que présente cet animal pour le streptocoque, parce que le liquide filtré constitue déjà, pour le microbe en chainettes, un milieu nutritif tout prêt qui favorise le « phéno- mène de premier établissement » et permet au germe de braver la réaction phagocytaire normalement en éveil. Ces phénomènes ne pourraient évidemment se produire si le streptocoque et le bacille typhique n'étaient réciproquement capables de se multiplier dans un milieu déjà fécondé par l’un d'eux. Il résulte de là une preuve que les deux microbes possè- dent, dans les cultures artificielles, une tolérance mutuelle aussi grande que celle qu'ils montrent chez le vivant. Mais avant d'aborder ce point particulier de mes recherches, il convient d'étudier d'une manière un peu intime quels phénomènes prési- dent, in vivo, au développement simultané des deux microbes, quels moyens emploie l’organisme pour essayer de combattre leur envahissement, enfin quelles causes font si souvent pencher la victoire en faveur de l’association microbienne. IV APERCU DE LA RÉACTION PHAGOCYTAIRE A L'ÉGARD DE L'INFECTION MIXTE. L'injection de cultures, soit du bacille typhique seul, soit du mélange de streptocoque et de bacille typhique, dans la chambre antérieure de l'œil du cobaye et du lapin, amène d'ordinaire une suppuration rapide du globe oculaire, assez défavorable à l'étude des rapports qu’affectentles phagocytes avecles microbes inoculés. Nous avons eu recours, de préférence, pour étudier ce point particulier, à l’emploi des lamelles de Ziegler ou des tubes 158 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. capillaires préalablement emplis de cultures et insérés sous la peau de l’aine ou de l'oreille du lapin. Parmi les animaux d’expérimentation, le lapin nous a semblé êlre, pour ces essais, l'animal de choix, car il possède, envers le streptocoque et le bacille d’Eberth pris isolément, une résistance relative qui permet d'apprécier par comparaison et avec plus de facilité, les résultats fournis par l’association des deux microorganismes. Pour un motif analogue, on a dû élimi- ner l'emploi de cultures très virulentes comme possédant déjà séparément la faculté de paralyser trop énergiquement la pha- gocytose : leur combinaison amène, dès lors, au point de vue spécial qui nous occupe maintenant, des résultats sensiblement analogues à ceux que détermine l'emploi des cultures isolées. . Après des tâtonnements assez nombreux, nous nous sommes arrêté à l'emploi d'un bacille typhique retiré un mois et demi auparavant d’une rate de typhoïdique; quant au streptocoque, il avait été retiré quatre semaines auparavant du pus d'un abcès phlegmoneux. Les deux microbes ont été rajeunis par un réen- semencement dans le bouillon de bœuf peptonisé. Un certain nombre de lamelles de Ziegler et de tubes capil- laires ont donc été chargés : les uns avec la culture du bacille typhique, les autres avec un mélange, à parties égales, du bacille d'Eberth et du streptocoque. 1° Rapports des phagocytes avec le bacille typhique. — Au bout de 7 heures de séjour dans l'organisme du lapin, le contenu des lamelles de Ziegler chargées avec le bacille typhique montre déjà, au microscope, un grand nombre de leucocytes polynu- cléés — environ 80 à 100 — disséminés au milieu des bactéries. La plupart de ces cellules renferment des bacilles nettement colorables, mais les microbes qui sont libres ne semblent pas avoir subi de multiplication. Après 20 heures, la phago- cytose est beaucoup plus marquée et, lorsqu'on a opéré avec des tubes capillaires, on voit ceux-ci oblitérés par un bouchon leucocytlaire épais ‘. Dans les préparations colorées au bleu de Loeffler, il est manifeste que les bacilles libres ont considérable- ment diminué de nombre, alors que celui des phagocytes a, au 1. D'après Gabritchewsky, en effet, le bacille d'Eberth possède des propriétés chimiotactiques positives qu'il représente par 00000, (V. Annales de l’Institut Pasteur, n° 6, 26 juin 1899.) STREPTOCOQUE ET BACILLE TYPHIQUE. 159 contraire, beaucoup augmenté. Néanmoins la disparition des bacilles n’est pas complète au bout de 51 heures, car on observe encore un certain nombre de bâtonnets libres et parfaitement colorables. 20 Rapports des phagocytes avec l'association du streptocoque et du bacille typhique. — Lorsqu'on reproduit les essais précédents avec un mélange, à parties égales, du bacille typhique et du streptocoque, on n'observe plus cette phagocylose intense accompagnée de la diminution corrélative du nombre des microbes. Bien au contraire, après 7 heures, les préparations renferment une très grande quantité de chaînettes et de bacilles qui se sont manifestement multipliés. Le chiffre des cellules immi- grées est cependant assez grand (40-60 environ par préparation) et la plupart d’entre elles ont englobé des microbes. Mais, au bout de 24 heures, la prolifération du bacille typhique et du streptocoque est devenue véritablement colossale. Les préparations montrent des amas microbiens énormes. En traitant successivement les lamelles par le procédé de Gram, puis par la fuchsine en solution aqueuse, on voit les deux espèces microbiennes diversement colorées, et l’on peut s'assurer que, dans cette multiplication simultanée des deux parasites, la part prépondérante revient au bacille typhique. Un fait non moins remarquable, c’est que les phagocytes ont presque entièrement disparu. Tandis qu’on en observait un assez grand nombre dans les préparations faites après 7 heures, on ne rencontre plus, au bout de 24 heures, qu'un chiffre infime de cellules immigrées. Au microscope on voit seulement çà et là des débris cellulaires irréguliers, informes, colorés parla fuchsine, et qui ne sont autre chose que les cadavres de phagocytes tués dans la lutte et partiellement digérés eux-mêmes par les diastases microbiennes. Les lapins qui ont servi de sujets à ces expériences laissent souvent écouler, pendant un jour, par l’oritice de la petite plaie où ont été introduites les lamelles de Ziegler ou les tubes capil- laires, une lymphe claire, très pauvre en leucocyles, et dans laquelle se retrouvent encore en abondance les microbes inoculés. L'adjonction du streptocoque au bacille typhique communique donc, aux deux microbes, la propriété de résister victorieusement 160 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. aux moyens de défense habituels de l'organisme, et il n’est pas douteux que la phagocytose ne soit entravée, annihilée par la double intoxication parasitaire. Alors que les cellules amiboïdes sont capables d'englober et de détruire leurs ennemis pris isolé- ment, elles sont impuissantes à triompher de leur association. Ou a vu, en effet, plus haut, que l'injection simultanée du strep- tocoque et du bacille d'Eberth au lapin ne détermine le plus souvent aucune réaction locale, si ce n’est une hypérémie très vive et sans formation d’exsudat. D'autre part, on sait que l'infection strepto-typhique d'emblée peut n’amener chez l’homme aucune lésion caractéristique telle, par exemple, que le gonfle- ment des plaques de Peyer et de la rate. Si l’on rapproche ces faits du résultat des expériences qui viennent d’être citées, on sera tenté d'attribuer ces phénomènes particuliers à l'intensité de l'infection double qui sidère la phagocytose avant qu’elle n’ait eu le temps de s'établir utilement. L’afflux des leucocytes, qui à été constaté dans les premières heures des expériences, indique bien que la combinaison du streptocoque et du bacille d'Eberth ne possède pas des propriétés chimiotactiques négatives. Il semble plutôt que la neutralisation des effets phagocytaires soit due à la toxicité particulière des poisons solubles sécrétés par les deux microbes et capables eux-mêmes de dissoudre les cellules immigrées. Cependant, pour que la lutte reste à l’avantage du double virus, il est nécessaire que les cultures inoculées possèdent déjà une certaine activité. Si l’on répète, en effet, ces essais avec des cultures affaiblies ou très anciennes du bacille typhique et du streptocoque, on voit, déjà au bout de 5-7 heures, des légions de phagocytes qui sont survenus, et ont englobé une mul- titude de bactéries. De plus, ceux des microbes qui sont encore Libres n’ont pas proliféré : leur nombre a, au contraire, consi- dérablement diminué au bout de 24 heures. 3 Mais si, au lieu d'employer deux virus affaiblis, on associe à un bacille typhique ancien une culture très virulente du strepto- coque, l'examen des tubes capillaires ou des lamelles de Ziegler montre qu'après 8 heures, et malgré une phagocytose abon- dante, il y a eu multiplication manifeste du bacille. Sur les préparations simplement colorées au bleu de méthylène en solution aqueuse, on voit, en effet, un assez grand nombre de STREPTOCOQUE ET BACILLE TYPHIQUE. 161 bacilles vivement colorés, courts, qui sont les bacilles récemment nés, à côté d'autres plus nombreux, mais plus pâles, et qui ne sont autre chose que les bacilles anciens non encore englobés. La dose très minime des cultures utilisées dans ces expériences explique évidemment que cette multiplication du bacille d'Eberth soit seulement esquissée et de courte durée. Au bout de 24-29 heures, en effet, le nombre des bacilles a beau- coup diminué, celui des phagocytes s’est au contraire considéra- blement accru, et ces cellules ont entamé une lutte désormais efficace. IV CULTURES MIXTES. Puisque l’associalion slrepto-typhique possède, tant chez l’homme que chez l'animal, une activité exceptionnelle de ses effets, il a paru utile de rechercher si cette faculté de végétation parallèle et simultanée que possèdent les deux microbes sur le terrain vivant ne se retrouverait pas dans les milieux de cultures eux-mêmes. On sait, en effet, qu'à l'exemple de la bactéridie charbonneuse, le bacille d'Éberth est très délicat et qu'il est facilement gèné dans son développement par la présence d’autres germes. Garré ‘ a constaté que le Bac. fluorescens putidus empêche la culture du bacille typhique. Reprises par de Freudenreich ?, ces expériences lui ont montré que le même bacille est impuis- sant à se multiplier dans les cultures des staphylocoques blanc et doré, du Hicr. prodigiosus, du pneumobacille de Friedlander, du bacille du lait bleu, du bacille pyocyanique, etc... À ces microbes nous pourrions ajouter la plupart des germes qui amènent la putréfaction. Ces mêmes recherches nous ont, du reste, montré que non seulement le bacille typhique ne se développe pas dans les cul- tures filtrées des microbes précédents, mais encore qu'il est rapidement détruit in vitro par quelques-uns d’entre eux lors- qu’on l’ensemence dans des cultures déjà anciennes et encore vivantes de ces derniers, ou même lorsqu'on l’ensemence simul- 4. Garré, Correspondenzblalt für Schweizer Aerzle, 1887, n0 13, p. 385. 2 De Faeuvexreicn, Ann. de Micrographie, I, 1890, p. 1. 11 162 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tanément dans un même bouillon. C’est ainsi que les espèces suivantes : Mic. prodigiosus, bac. pyocyanique, Bac. coli communis, Bact. termo, staphylocoques pyogènes, Bac. luteus putidus, bac. de Friedlander, ont paru posséder, à cet égard, les propriétés anta- gonistes les plus énergiques. Le bacille est tué dans un inter- valle qui varie de 48 heures {Microbac. prodigiosus) à 17 jours ; il disparaît encore plus rapidement (24 à 36 heures) lorsqu'on l'ensemence dans un milieu nutrilif déjà fécondé par plusieurs des espèces précédentes à la fois, ou bien dans un liquide putréfié. Or si on ensemence le bacille typhique et le streptocoque dans un même bouillon de culture, non seulement le bacille n’y meurt pas, mais encore il végète très bien de concert avec son partenaire. Le bacille peut mème survivre au streptocoque dans une culture mixte ancienne. Si l’on ensemence également le bacille dans une culture datant de six mois, dépouillée ou non de ses germes, le bacille, après un faible retard, a bientôt troublé abondamment ce milieu’. Il n’y acquiert pas, cependant, une virulence plus grande que précédemment, mais semble, au contraire, s’y atténuer manifes- tement, car l'inoculation de doses, habituellement mortelles pour le rat blanc, du bacille reporté dans le bouillon normal après un séjour de deux semaines dansle bouillon du streptocoque, peut rester sans effet notable. On peut attribuer cette atténuation partielle à l'acidité assez grande que possèdent les cultures anciennes du streptocoque. En effet, lorsqu'on alcalinise légè- rement ces cultures avant de les filtrer, le bacille ensemencé dans ce milieu ne subit pas, dans son développement, le léger retard qui a été constité, et ne s'y affaiblit plus. V CONSIDÉRATIONS PRATIQUES AU SUJET DE L'INFECTION MIXTE CHEZ L HOMME. L'expérimentation el les recherches bactériologiques confir- ment et permeltent, en même temps, d'interpréter dans leur ensermble lés résultats constatés, chez l'homme, par l'association 1. H. Vixcenr, Soc. de Biol., 2 juillet, 1892. STREPTOCOQUE ET BACILLE TYPHIQUE. 163 des deux microorganismes précités. S'il est, du reste, un fait remarquable, c'est la prédilection et la fréquence avec laquelle le streptocoque se fait le complice des autres microbes pathogènes. On le rencontre, en effet, souvent à titre d'agent d'infection adju- vante ou secondaire dans la diphtérie (Lüffler, Roux et Yersin, H. Barbier); dans la scarlatine, dans la tuberculose, où il joue certainement un rôle important dans les phénomènes de con- somption (Babes), etc... Nous pensons avoir démontré que le mème microbe revendique encore une grande part dans la mort qui termine un certain nombre de cas de fièvre typhoïde. D'ailleurs sa présence a été déjà signalée, dans la fièvre typhoïde, par Netter' qui, examinant seize cas de cette affection, l’a trouvé, en particulier, dans un cas compliqué d’endocardite ulcéreuse avec infarctus multiples: ils’agissait évidemment d'une infection mixte surajoutée, entièrement analogue aux observa- ons citées ici. Eugen Fraenkel? a aussi signalé cette fréquence du streptocoque dans les complications de la fièvre typhoïde. Cette prédominance se retrouve même, pendant le vie, dans les complications pulmonaires de la dothiénenterie, où Karlinsky a trouvé, 6 fois sur 9, le streptocoque combiné ou non au bacille d’Eberth :. L'ensemble de ces constatations se double ici d’un intérêt pratique assez grand. De ce fait que, sur 30 autopsies de fièvre typhoïde, l'association strepto-typhique, primitive ou secondaire, a été rencontrée 6 fois, découle déjà une preuve de la fréquence de cette infection mixte — nous pourrions ajouter aussi de sa gravité. Les complications qui sont sous la dépendance des staphylocoques pyogènes blanc et doré paraissent offrir, au contraire, des dangers beaucoup moindres que celles qui ressor. tüissent au streptocoque. La brève statistique suivante, portant sur une des complications les plus habituelles de la dothiénen- térie, les suppurations, vient, du reste, à l'appui de cette donnée. J'ai examiné pendant la vie ou après la mort 41 abcès ou suppurations diverses survenus chez des typhoïdiques « : 32 fois cette complication était due soit au Staphylococcus pyogenes aureus, 4. Nerrer, Soc. Medic. des Hôpitaux, 6 mars 1891. 2. E. FRraexxkez, Zur Lehre von der Ætiol.?%der {omplic. in abdom : Typhus. Jahrbicher der Hamburgischen Staats Krankenaustallen, 1890. 3. Kancixsky, Forlschr. der Med., n° 18, 1589. 4. L’un de ces abcès était causé par le bacille d'Eberth. 164 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. soit au mélange de ce dernier avec l'albus. Or les malades por- teurs de ces collections ont tous guéri, malgré des suppurations parfois très étendues et des périostites multiples. Au contraire le streptocoque a été isolé 8 fois dans le pus soit seul, soit associé au bacille d'Eberth : la mort est survenue dans 5 cas. Le rôle du streptocoque dans la léthalité typhoïque ne saurait être mieux démontré que par ces chiffres. Il n'entre évidemment pas dans notre pensée d'affirmer que toute complication tributaire de ce microorganisme est, dans la fièvre typhoïde, nécessairement fatale. Mais cette éventualité morbide doit éveiller les préoccupations du médecin, car elle implique très souvent un pronostic grave. De ces exemples découle donc l'importance pratique très grande de l'examen bactériologique des complications locales qui se présentent dans le typhus abdominal. Dues au streptocoque, elles commandent une intervention immédiate et énergique. Bien qu’elles puissent, sans doute, parfois guérir, elles ne constituent pas moins une menace sévère pour la vie du malade par la possibilité et la fréquence de la généralisation du streptocoque dans son sang. De là résulte encore l'utilité d’une hygiène rigoureuse des téguments et des cavités qui peuvent recéler ce germe pathogène. Dans un prochain travail nous essaierons de montrer que le microbe de Fehleisen ne possède pas seul la propriété de s’allier au bacille d'Eberth. D'autres associations microbiennes généra- lisées jouent, en effet, dans la pathogénie de la mort pendant la fièvre typhoïde, un rôle fréquent que l'absence de signes ou de lésions anormales ne permet pas toujours de soupçonner, et que les cultures seules donnent la possibilité de reconnaître. SUR LES MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES DANS L'INFECTION ET DANS L'IMMUNISATION PAR Mie CLémexce EVERARD, é CAPT M. JEeax DEMOOR es TR AS Assistant à l'institut botanique). (Etudiants en médecine). : I (Université de Bruxelles.) l INTRODUCTION. — MÉTHODE, Les maladies infectieuses s'accompaguent d’altéralions pro- fondes et multiples du sang. Ces modifications atteignent parti- culièrement les leucocytes, ainsi que de nombreuses observa- tions, la plupart isolées, l’ont démontré tant pour les maladies de l’homme que pour les états infectieux provoqués chez Îles animaux. Si l’on tient compte du rôle important que jouent les leu- cocytes dans la lutte de l'organisme contre l'infection, et des changements qui surviennent dans ces éléments lors de la maladie, on en déduira que certains rapports fixes et déterminés existent probablement entre le processus morbide et les modi- fications que subissent les globules blancs. Nous nous sommes proposé d'étudier la succession des variations quantitatives et qualitatives que présentent les leu- cocytes au cours de l'infection et de l'immunisation. Nous avons aussi essayé de nous rendre compte de la signification de ces phénomènes. Ce travail est purement expérimental. Les recher- ches cliniques faites sur l’homme ne contribuent guère à la solution des multiples problèmes que soulève la question de l'infection : la difficulté de l'observation et les nombreuses causes d'erreur provenant de la médication rendent les résultats moins nets et moins décisifs que ceux fournis par l’expérimen- 166 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tation directe. Cependant l'allure générale est la même chez l'homme et chez les animaux ‘. Voici la méthode dont nous nous sommes servi dans nos recherches. Nous piquons une petite veine superficielle de l'oreille de l'animal en expérience. Le sang est étalé en couches très minces sur des lamelles et fixé par la chaleur : les lamelles sont déposées pendant une heure sur une plaque métallique chauffée à 650-709. Les préparations ainsi obtenues se conser- vent très longtemps ; nous les examinons ultérieurement. Pour les colorer, nous les mettons pendant 5 à 10 minutes dans un mélange à parties égales des deux liquides suivants : 1 APOSINME RARE PRIE À gramme. ANCOOLER SR EEE A A ER 95 — HUE OR A ter DA GlVCÉTNME AE TT ESS re PDT de DASHÉTMADE VIOLE ETE CEE 1 gramme. AÏCOOIPE EM CRT ORNE ER RE 10 — ATTEINTE ARTE PE TR CEE au A NT AR D NAS 200 — On dissout l’alun à chaud dans l’eau ; on filtre après refroi- dissement. 24 heures après, la solution d’alun est ajoutée à la solution alcoolique d'hématoxyline, et le mélange est filtré après un repos de 8 jours (Bühmer). La préparation lavée soigneusement à l’eau passe par l'alcool à 900, par l'alcool absolu, par l'essence de girofles, et est montée dans le baume. Il est recommandable de n’étudier les prépara- tions qu'après un ou deux jours. Dans ce réactif, l’hématoxyline se porte sur le noyau et l’éosine sur les granulations protoplasmiques. Nous avons aussi coloré le sang par d’autres réactifs, princi- palement par la solution d'orange G, fuchsine acide S et vert de méthyle. Par ces méthodes nous obtenions des préparations moins faciles à étudier et qui ne fournissaient du reste aucun renseignement complémentaire. 4. CLémexce EverarD Er JEAN Demoor, Les modificalions des globules blancs dans les maladies infectieuses. Soc. des Sc. médic. et nat. de Bruxelles, 1892. MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 167 La quantité de leucocytes est déterminée par l'examen de la préparation colorée elle-même. On atteint ainsi une précision suffisante: pour nous en assurer, nous avons fait plusieurs séries d'observations en combinant la numération des globules par le procédé Zeiss-Thomas et l'étude des préparations colorées. Les résultats oblenus par les deux méthodes concordaient complètement. * # * Nous croyons inulile de donner l'historique de la question qui nous occupe ; il a été fait très complètement par M. Rieder . IT DESCRIPTION DES LEUCOCYTES Dans le sang du cobaye et du lapin, seuls animaux sur lesquels portent les observations consignées dans le présent travail, on rencontre les formes suivantes de leucocytes : 1° Petits leucocytes à noyau unique compact, se colorant fortement et uniformément par l’hématoxyline. Le protoplasma est très rare et peu coloré par l'éosine. Dans la suite du travail ces éléments sont désignés par « Icy. m. ». 2° Leucocytes à noyau unique vésiculeux. Le noyau se colore faiblement par l’hématoxyline; contre sa membrane on observe souvent des points plus colorés, en nombre variable. Ce noyau présente des formes diverses : sphérique, en haricot, en fer à cheval, plus rarement annulaire. Il est rarement central, et dans les cas où il n’est pas sphérique, son bord concave est tourné vers le centre de la cellule. Le protoplasma de ce Jeucocyte est abondant et homogène; il se colore faiblement par l’éosine. Ces leucocytes sont notablement plus grands que les globules rouges. Ils sont désignés par « Jey. v. ». On trouve dans des cas très rares de très grands leucocytes à noyau vésiculeux uniformément pâle et à protoplasma égale- ment pâle. 3° Leucocytes à noyau polymorphe, compact. Le noyau est très irrégulier ; ilse compose de masses très colorées réunies par de minces filaments; exceptionnellement il est constitué par un filament irrégulièrement pelotonné et ne présentant pas 1. Riever, Beilzage zur Kenntniss der Leukocylose. Leipzig, Vogel, 1892. 168 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. d'épaississements. Souventle noyau estcomplètementfragmenté: on trouve alors épars dans la cellule un nombre variable de masses nucléaires isolées. Le protoplasma est abondant: il n’a jamais l'aspect homogène qu'il présente chez les leucocytes à noyau vésiculeux ; il est grumeleux ou franchement granuleux. Les granulations diffèrent entre elles quant à leur taille, à leur abondance et à leur pouvoir de fixer les matières colorantes. Ces leucocytes ont une laille sensiblement supérieure à celle des hématies. Nous les désignons par «ley. pm. » On rencontre de temps en temps dans les préparations des Icy. pm. réunis en amas dont le centre est occupé par une masse légèrement colorée par l’hématoxyline; on dirait que ces éléments se sont groupés autour de leucocytes morts. Les trois formes de globules blancs que nous venons de décrire ne doivent pas, à notre avis, être considérées comme des types distincts : on trouve des leucocytes qui offrent tous les caractères intermédiaires entre ceux-ci. On observe fréquemment des cellules analogues aux ley. m. mais à protoplasma plus abondant, et d’autres cellules dont le noyau semi-vésiculeux est entouré d’une faible couche de proto- plasma. Nous croyons pouvoir considérer ces éléments comme des formes de transition entre lcy. m. etley. v. Quant à la transition entre Iley. v. et ley. pm., elle nous paraît établie par les formes suivantes : leucocytes à novau vésiculeux typique et à protoplasma granuleux plus coloré que d'habitude; leucocytes à noyau semi-vésiculeux et à proto- plasma abondant et granuleux ; leucocytes à noyau fragmenté dont certaines portions sont neltement compactes, landis que d’autres sont restées vésiculeuses. Dans ces derniers temps, l'attention a été beaucoup attirée sur les granulations des globules blancs et particulièrement de ceux que nous appelons ley. pm. Nous ne pensons pas qu'on puisse différencier les granulations en se basant sur leur avi- dité relative pour telle ou telle matière colorante, car les gros granules très avides d’éosine et des autres substances acides, éosinophiles de M. Ehrlich ‘, sont reliés aux granulations petites et peu colorées par toutes les transitions imaginables. 1. P. Earuicar, Farbenanalylische Untersuchungen zur Hislologie und Klinik des Blutes. 1. Theil. Berlin, Hirschwald, 1891. MODIFICATIONS DES LEUCOCYSES. 169 II RÉSULTATS DES EXPÉRIENCES, Afin de permettre au lecteur de consulter plus facilement les protocoles des expériences réunis à la fin du travail, nous croyons utile de donner ici un résumé des diverses expériences que nous avons faites ; nous indiquerons ensuite les résultats obtenus pour chacune d'elles. Vibrion de Metchnikoff. Injection de cultures chauffées à 100, à des cobayes neufs. Exp. I, A, B;, Ci, D. — Exp. VI, M. à un cobaye vacciné. Exp. VI, L. Injection de cultures filtrées à des cobayes neufs. Exp. IT, E;, Gi. à des cobayes vaccinés. Exp. IF, A;, C2. Injection de cultures vivantes à des cobayes neufs, amenant la mort. Exp. III, F. — Exp. [V, J. n’amenant pas la mort. Exp. III, H. — Exe. V, K. à des cobayes vaccinés. Exp. Il, B,, D,. — Exp. VI, L, M. Bacilles du hog-cholera. à des lapins neufs, amenant la mort. Exr. VII, C. — Exe. VIT, D. n'amenant pas la mort. Exp. VII, A, B. à un lapin vacciné. Exe. VIIL, E. Staphylococcus pyogenes aureus. à des lapins, amenant la mort. Exp. IX, F. n’amenant pas la mort. Exp. X, G. à un cobaye. Exp. IX, N. Bacille du charbon. à des lapins, à un lapin neuf. Exp. XI, J. à un lapin vacciné. Exp. XI, H. 170 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. à des cobayes, à un cobaye neuf. Exp. XII, O. à un cobaye vacciné contre le vibrion de Metchnikoff. Exp. XII, B. Bacille du tétanos. à un lapin. Exe. XII, K. à des cobayes. à un cobaye neuf. Exp. XIII, E,. à un cobaye vacciné contre le vibrion de Metchnikoff. Exp. XIII, A3. Bacillus mycoides. à un lapin. Exe. XIV, L. à un cobaye. Exp. XIV, G;. INFECTION ET IMMUNISATION PAR LE VIBRION DE METCHNIKOFF INJECTION DE CULTURES CHAUFFÉES A 100 (avec les microbes). 1° À des cobayes neufs (Exe.1, cobayes A;, B,, C,, D,. Exe. VI, cobaye M). — 2 à 4 heures après l'injection, on constate une augmentation du nombre des leucocytes. Cette multiplication des globules blancs est ordinairement précédée d'un stade d’hypoleucocytose. Celle-ci est très nette lors de la deuxième injection faite aux cobayes A;, B,, C;, et lors dela première injec- tion faite aux cobayes B, et C,; elle a complètement fait défaut chez le cobaye D;. On ne constate pas non plus d'hypoleucocytose ni chez le cobaye À, lors de la première injection, ni chez le cobaye M; il est pos- sible, pourtant, qu'elle ait eu lieu, et que son absence apparente soit due au retard apporté à Ja prise du sang. La diminution du nombre des globules blanes n'est pas la même pour les diverses formes : dans la plupart des cas elle est surtout manifeste pour les Icy. pm. L'augmentation du nombre des leucocytes s'est produite dans tous les cas, elle est due principalement à l'accroissement numérique des ley. pm. 2° A un cobaye vacciné (Exe. VI, cobaye L). — Chez le cobaye L qui à été vacciné par des inoculations antérieures de microbes vivants. l'hypoleu- cocytose n'a pas été constatée; il est vrai que nous avons étudié le sang pour la premiére fois 19 heures après l'injection. Quant à l'hyperleucocytose, elle est tardive et légère. Il est à remarquer que chez ce cobaye le nombre des leucocytes était extrêmement considérable avant les injections. Ceci n'est du reste qu'un cas particulier d'une règle générale : chez les animaux vaccinés, les leucocytes, et surtout les Icy. pm., sont plus nombreux que chez l'animal neuf. INJECTION DE CULTURES FILTRÉES MAIS NON CHAUFFÉES (sans microbes). 1° À des cobayes neufs (Exr. HI, cobayes E; et Gi). — Le cobaye E, pré- sente une hypoleucocytose passagère qui intéresse surtout les ley. pm. ; puis MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 171 l'hyperleucocytose s'établit, Le cobaye G,; offre d'emblée une augmentation du nombre des globules blancs qui porte encore une fois sur les lcy. pm. Le sang du second cobaye devient normal avant celui du premier. 2 À des cobayes vaccinés. (Exr. I, cobayes A4 et C2). — L'hypoleuco- cytose ne se manifeste pas. On constate, dès le début, une augmentation du nombre des globules blancs, surtout des ley. pm. Comme toujours, le sang des cobayes vaccinés, pris avant l'injection, est plus riche en leu- cocytes que le sang des cobayes neufs; les Icy. pm. prédominent nettement. INJECTION DE CULTURES VIRULENTES ET VIVANTES. 1° À des cobayes neufs (Exe. II, cobayes F et H; Exr. IV, cobaye J; Exr. V, cobaye K). — Les cobayes F et J succombent, les cobayes H et K survivent. a) Injection amenant la mort de l'animal. — Le sang du cobaye F passe par des alternatives d'hypoleucocytose et d’hyperleucocytose. Le sang pris dans le cœur de l’animal mort contient très peu de leucocytes, ces élé- ments sont des ley. m. et Icy. v. Chez le cobaye J, l'hypoleucocytose se maintient jusqu'à la mort; les Iey. pm. font presque complètement défaut. b) Injection n'amenant par la mort de l'animal. — Les deux cobayes H et K présentent les mêmes phénomènes : hypoleucocytose suivie d'hyper- leucocytose, la diminution et l'augmentation du nombre des leucocytes étant dues principalement à la pénurie et à l'abondance relatives des Icy. pm. 2° A des cobayes vaccinés (Exe. H, cobayes B, et D,; Exp. VI, cobayes L et M). — Chez ces quatre cobayes on observe un appauvrissement manifeste du sang en ley. pm. Chez le cobaye B,, on observe en même temps une augmentation du nombre relatif des Iey. m. et des ley. v., de sorte que la quantité globale des leucocytes est restée sensiblement constante. Chez le cobaye M, le seul qui ait présenté des troubles macroscopiques (œdème de la cuisse), l'hypoleucocytose a persisté très longtemps. L'hyperleucocytose consécutive est très forte chez les quatre animaux; elle est due surtout aux Icy. pm. INFECTION PAR LE BACILLE DU HOG-CHOLÉRA. 1° 4 des lapins neufs (Exr. VII, lapins A, B, C; Exp. VIIL, lapin D). — Les lapins C et D succombent, les lapins A et B survivent. a) Injection amenant la mort de l'animal. — L'hypoleucocytose, qui s'établit immédiatement après l'injection, s'accentue jusqu'à la mort de l'animal. Elle porte principalement sur les ley. pm. Le sang pris dans le cœur de l'animal mort est très pauvre en leucocytes. Chez le lapin D, le pus de la cavité péritonéale est très riche en ley. pm. à granulations forte- ment colorées ; les ley. m. y font totalement défaut. b) Injection n’amenant pas la mort de l'animal. — Succession régulière des deux phénomènes : hypoleucocytose et hyperleucocytose. Cette dernière persiste environ deux jours, puis le sang redevient normal. Les modifica- 172 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tions quantitatives des globules blancs portent d'une façon prépondérante sur les Icy. pm. 2° A un lapin vacciné (Exr. VII, lapin E). — Avant l'injection, le sang était relativement riche en ley. pm. Trois heures après l'injection on observe une hyperleucocytose ; les ley. pm. sont très abondants. Nous ignorons si, antérieurement, il y a eu un stade d'hypol'eucocytose. Celle-ci a été-certai- nement très passagère. INFECTION PAR LE STAPHYLOCOCCUS PYOGENES AUREUS. 1° À des lapins. a) Amenant la mort de l'animal (Exp. IX, F). Le nombre global des leucocytes ne varie guère jusqu'à la vingt-deuxième heure après l'injection: mais il s'appauvrit en Icy. pm. pour s'enrichir en ley. v. Dans le sang du lapin mort, l'hypoleucocytose est manifeste et caractérisée par l'extrême rareté des ley. pm. b) N'amenant pas la mort (Exp. X, G). Huit heures après l'injection, on constate l'hyperleucocytose, caractérisée surtout par l'abondance des ley. pm. Nous ne savons pas s’il y a eu hypoleucocytose. 2° A un cobaye (Exp. IX, N). Le nombre global des leucocytes ne change pas, mais la proportion des Icy. pm. augmente. INFECTION PAR LE BACILLE DU CHARBON. 1° À des lapins. a) Lapins neufs (Exp. XI, J). L'hypoleucocytose persiste jusqu'à la mort. b) Lapin vacciné (Exp. XI, H). Avant l'injection, le sang était plus riche en leucocytes et surtout en ley. pm. que celui du lapin neuf J. Pendant l'infection on constate une légère hypoleucocytose avec disparition presque totale des Icy. m. Malgré la diminution du nombre global des cellules, celui des Icy. pm. a augmenté. 2° A des cobayes. a) Cobaye neuf (Exp. XII, O0). On constate d’abord une légère hypoleuco- cytose portant surtout sur les lcy. pm. Mais déjà 2 ‘heures après l'injection s'établit l'hyperleucocytose avec augmentation progressive du nombre des lcy. pm. 23 heures après l’injection, il y a de nouveau hypoleucocytose qui se poursuit jusqu'à la mort; cette seconde phase d’hypoleucocytose est caractérisée, comme la première, par la rareté des leucocytes pm. et l’abon- dance des ley. m. Le sang pris dans le cœur après la mort renferme très peu de leucocytes et beaucoup de bacilles. Les Icy. pm. sont très rares; quelques-uns d’entre eux contiennent des bacilles. Le cobaye meurt avec un œdème considérable de la paroi abdominale. La sérosité contient beaucoup de lcy. pm. et de bacilles. b) Cobaye vacciné contre le vibrion de Metchnikoff (Exp. XII, B;). Avant l'injection, le sang est plus riche en ley. pm. que celui du cobaye O. Tout d’abord il y a hypoleucocytose, mais déjà une heure après l'injection l'hyperleucocytose commence: elle persiste jusqu'à la trente-troisième MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES 173 heure. Puis il y a de nouveau hypoleucocylose qui se continue jusqu'à la soixante-seizième heure. Il se produit alors une nouvelle phase d'hyper- leucocytose qui dure jusqu'à la mort. Ce cobaye présente de l’aseite : le liquide renferme presque exclusivement des Icy. pm. Les divers stades d’hypo- et d'hyperleucocytose sont dus principalement à la rareté ou à l'abondance relatives des ley. pm. L'absence de ceux-ci est parfois complète, et inversement, lors de l'hyperleucocytose, ces éléments existent souvent tout seuls. Les deux cobayes O et B, ont reçu du deuxième vaccin charbonneux, dont la virulence était légèrement atténuée par la conservation. Les alter- natives d'hypo- et d'hyperleucocytose paraissent indiquer que les animaux ont pu, à de certains moments, lutter efficacement contre les microbes qui ont néanmoins fini par triompher. INFECTION PAR LE BACILLE DU TÉTANOS. 19 À œn lapin (Exe. XUI, K). Immédiatement après l'injeclion, nous ne constatons pas de diminution du nombre global des leucocytes, mais la proportion des ley. pm. baisse notablement. Cel élat est très passager une demi-heure après l'injection il y a déjà de l'hyperleucocytose a vec prédo- minance des ley. pm. Deux jours après l'injection, le nombre des lcy. pm. décroil, et le sang reprend ses caractères normaux. 20 À des cobayes. a) Cobaye neuf (Exr. XIII, E2). L'hypoleucocytose avec pénurie des ley. pm. se maintient pendant 4 heures; elle fait place à une légère hyper- leucocytose avec augmentation du nombre des ley. pm. Survient alors une seconde phase d'hypoleucocytose au cours de laquelle les Icy. pm. restent abondants. Elle est remplacée peu avant la mort de l'animal par de l'hyper- leucocytose. Nous n'avons pas pu étudier le sang de l'animal mort : il ne se laisse pas colorer. b) Cobaye vacciné entre le vibrion de Metchnikoff (Exp. XIII, A;). Le sang de l'animal avant l'injection de bacilles du tétanos est plus riche en ley. pm. que celui du cobaye neuf E,. Il y a d'abord une hypoleucocytose irès passagère à laquelle succède une hyperleucocytose persistant jusque peu d'heures avant la mort. Le sang pris dans le cœur du cobaye mort est pauvre en leucocytes. Mais les Icy. pm. prédominent d'une façon très marquée. Il est curieux d'observer que chez les cobayes immunisés contre le vibrion de Metchnikoff et infectés ultérieurement par le bacille du charbon et par le bacille du tétanos, la mort se produit lorsque le sang est riche en ley. pm. Dans tous les autres cas de mort que nous avons analysés antérieurement, nous avons constaté la rareté des Icy. pm. INJECTION DU BACILLUS MYCOIDES 4o A un lapin (Exr. XIV, L). L'hypo- et l'hyperleucocytose sont très légères. Pendant le stade d’hypoleucocytose, la proportion de ley. pm. s'accroit déjà. - 174 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 2 A un cobaye (Exp. XIV, G). L'hypo- et l'hyperleucocytose sont légères. Dans les deux strdes, ce sont les ley. pm. qui sont principalement intéressés. IV INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS. Dans ce chapitre nous étudierons les variations du nombre global des leucocytes : hypoleucytose et hyperleucocytose ; les différences qui existent entre la réaction des animaux neufs et celle des animaux vaccinés; la part qui revient aux diverses formes de leucocytes dans la lutte contre les microbes : et enfin la valeur des diverses formes de leucocytes au point de vue spécifique. À. VARIATIONS DU NOMBRE GLOBAL DES LEUCOCYTES. 1. Hypoleucocytose. Chez les divers animaux que nous avons examinés, l'injection des cultures microbiennes a été suivie de la diminution du nombre des leucocytes cireulants, sauf dans les cas suivants : cobayes À, et D, (Exp. 1); G, (Exp. ni); A,, B,, C,, (Exp. 11}; N (Exp. 1x). — Lapins E (Exp. vin); G. (Exp. x); K (Exp. xiv). Les cobayes A,, B, et C,. ainsi que le lapin E sont immunisés contre le microbe dont ün leur injecte les produits ou la culture. Nous en reparlerons plus loin. Chez le cobaye N et chez le lapin G, le sang est pris trop longtemps après l'injection pour nous permettre de déduire aucune conclusion. Restent donc à examiner les cobayes AÀ,, D,, G, et le lapin K. Ce dernier n’a pas présenté une hypoleucocytose globale, mais la proportion des Icy. pm. a baissé. — Chez le cobaye A,, une première injection de 5 de culture chauffée de vibrion de Metchnikoff, n'a pas amené d'hypoleucocytose, elle à provo- qué une légère hyperleucocytose. Mais lors d'une seconde injec- tion de 8 l'animal réagit par une diminution très nette du nombre des globules blancs. — Chez le cobaye D,, il y a eu d'emblée hyperleucocytose à la suite des deux injections. — Le cobaye G,, qui reçoit là culture simplement filtrée, ne présente MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 175 pas de traces d'hypoleucocytose. — Nous ne comprenons pas à quoi peut tenir l'absence d'hypoleucocytose chez ces deux derniers animaux. — Ajoutons ici que le cobaye et le lapin, auxquels nous injectons dans la cavité péritonéale une cullure vivante de B mycoïdes, présentent une hypoleucocytose très faible et très passagère. Dans tous les autres cas que nous avons étudiés, nous avons observé une hypoleucocytose immédiatement après l'injection. M. Werigo !, dans le travail qu'il vient de publier, a attiré l’at- tention sur celte diminution du nombre de globules blancs: il coustate le mème phénomène après l’injection de particules solides dans le sang, mais il ne l’a jamais retrouvé après l’injec- ton de cultures filtrées. MM. Kanthack et Hankin * ont observé une réaction analogue lors de l'injection de cultures stérilisées dans la veine de l’oreille, chez le lapin. D’après M. Werigo, l'hypoleucocytose du sang circulant est due à l’accumulation dans les organes internes (foie, rate, pou- mons) des leucocytes qui ont englobé les particules solides telles que microbes, grains de carmin, etc. Aussi cet auteur croit-il qu'il ne faut pas tenir compte des effets des produits microbiens sur l'organisme pour expliquer le phénomène de l’hypoleuco- cytose. Nous ne pouvons pas partager cette opinion. En effet, le cobaye neuf E,, auquel nous injectons, dans le péritoine, 1 c. c. de culture filtrée de vibrion de Metchaikoff, présente uue hypoleucocytose très nette. D'autre part l'injection dans la cavité péritonéale, chez le cobaye G,, de 5 c. c. et, chez le lapin L, de 20 c. c. de cultures vivantes de B. mycoïdes, produit une hypoleucocytose beaucoup plus passagère et beaucoup plus faible que celle du cobaye E,, qui n'a recu pourtant que des produits bactériens sans microbes. La théorie de M. Werigo nous paraît trop exclusive. On sait que les poisons introduits dans l'organisme s'accumulent prin- cipalement dans le foie, la moelle des os, la rate *, et y sont 4. Werico, Les globules blancs comme protecteurs du sang. (Ann. Inst. Pasteur, 1892.) 2, Haxix ET KanTHACK, On the fever produced by injection of sterilized cultures of vibrio Metehnikovi. Proceed. of the Cambridge Phil. Soc., 1892. 3. Communicalion faite par M. JEAN VERHOOGEX au Congrès de Physiologie de Liège, 1892. 176 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. souvent détruits. Il en est probablement de même pour les poisons microbiens. Si ceux-ci sont réellement fixés dans ces organes, la rareté des leucocytes dans le sang est un résultat nécessaire de l’aftlux des globules blancs vers ces points. Lorsque les microbes restent vivants et continuent à sécréter des produits microbiens, les leucocytes sont retenus dans les organes : quand au contraire les bactéries sont détruites, les globules blancs repa- raîtront dans le sang dès que l'organisme se sera débarrassé des substances toxiques, et on les y retrouvera en nombre d'autant plus considérable que les produits bactériens eux- mêmes provoquent la multiplication de ces éléments, comme M. Rümer ‘ vient de le démontrer. Le peu d'importance de l’hypo- leucocytose produite par l'injection du B. mycoïdes se comprend par la non pathogénéité de ce microbe. Nos expériences nous permettent de confirmer ce qui a été signalé par divers auteurs relativement à la forme des leucocytes quiinterviennentsurtout dans le phénomène del'hypoleucocytose: ce sont les Icy. pm. dont la proportion décroît principalement. Chez les animaux qui survivent à l'injection, l'hypoleuco- cytose est passagère; elle est suivie d'hyperleucocytose. Chez les animaux qui succombent, elle persiste et en général elle s’accen- tue jusqu’au moment de la mort. Pourtant chez le lapin J, qui succombe au charbon et chez le cobaye A, qui meurt du tétanos, le sang contient peu de globules blancs, mais les Icy. pm. dominent parmi eux. — Le cobaye E, qui meurt du tétanos, présente, environ 12 heures avant la mort, de l'hypoleucocytose. Celle-ci disparait partielle- ment 7 heures avant la mort; le nombre des ley. est moins considérable à ce moment qu'avant l'injection, mais les Icy. pm. sont prédominants. Nous n’avonus pas pu étudier le sang de l’animal pris après la mort. — Quant au cobaye B,, il suecombe au charbon avec une hyperleucocylose très manifeste et une forte prédominance des Icy. pm. 2. Hyperleucocytose. On constate l’augmentation du nombre des globules blancs dans tous les cas où l'animal survit à l'injection, aussi bien 1. Fr. Roeuer, Die chemische Reizbarkeil der thierischen Zellen. NVirchow'’s An = Q Arcluv, 1892, MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 177 lorsqu'on injecte des cultures chauffées à 100 (et contenant des miérobes morts) ou des cultures filtrées (dépourvues de microbes) que lorsqu'on injecte des cultures vivantes. L'hyperleucocytose a une durée et une intensité variables; elle est le plus accusée lors de l’injection de cultures virulentes ; au contraire lorsqu'on introduit dans l’organisme des microbes non pathogènes, comme le B. mycoïdes, la réaction est à peine marquée. Lors de la gué- rison, l'hyperleucocytose disparaît graduellement, et le sang reprend son élat normal, à moins que l'opération faite à l'animal n'ait suffi à lui donner l’immunité. Nous étudierons ultérieure- ment les caractères que conserve le sang dans ce cas. Pendant la phase d'hyperleucocytose, les différents leuco- cytes n’augmentent pas dans les mêmes proportions. Les Icy. pm. prennent la part la plus active dans ce phénomène, mais tout au commencement du stade d’hyperleucocytose, il n’est pas rare de voir abonder dans le sang les lcy. v. et les transitions entre les ley. v. et les lcy. pm. Dans un cas (cobaye N, Exp. 1x) nous avons observé l'augmentation considérable du nombre des . ley. pm. sans que la quantité totale des leucocytes fût accrue. Le lapin H, immunisé contre le charbon, et résistant à l'injection du Bacillus Anthracis, a présenté une légère hypoleucocytose pendant toute la durée de l'infection, mais il est à noter que le nombre des lcy. pm. était fortement augmenté par rapport à celui des autres leucocytes. Pendant le stade d’hyperleucocytose, les leucocytes se grou- pent souvent en amas. Ceux-ci sont formés tantôt par des Icy. réunis autour d'une masse centrale légèrement colorée par l'hématoxyline et ayant les caractères de ley. détruits, tantôt par un ensemble de ley. ayant tous conservé leurs caractères normaux. Ces accumulations sonttrès variables; parfois elles sont constituées par 20 à 40 cellules, parfois elles comprennent un nombre beaucoup plus considérable de lcy. Dans certaines pré- parations riches en globules blancs, les Icy. épars dans le sang sont très rares, tous sont groupés alors en masses consi- dérables très nombreuses. La succession régulière des phénomènes : hypoleucocytose, hyperleucocytose et retour à l’état normal, fait défaut chaque fois que l’animal succombe à l'inoculation des microbes. Lorsque la mort survient rapidement, le stade d'hyperleuco- 12 178 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. cytose manque complètement : le sang s’appauvrit en globules blancs jusqu’au moment de la mort. C’est ce que nous ont montré les animaux suivants : Cobaye J (Exp. 1v) qui succombe au vibrion de Metchnikoff après 12 heures; lapin C (Exp. vu) qui meurt du hog-choléra en 40 heures; lapin D (Exp. vnr) qui meurt du hog-choléra en 22 heures 1/2; lapin F (Exp. 1x) qui succombe au Staphylococcus pyogenes aureus après 40 heures; lapin J qui meurt du charbon en 20 heures. Quand la maladie infectieuse a une durée plus longue, les phénomènes ne se suivent pas avec la simplicité que nous venons de décrire. On observe alors des alternatives d'hypo- et d’hyperleucocytose. Iei encore, on peut se rendre compte du rôle prépondérant qui revient aux Iley. pm. : chaque stade d'hypoleucocytose est caractérisé par la rareté des lcy. pm.; chaque stade d'hyperleucocytose, par leur abondance. La réaction anormale que nous venons de signaler a été rencontrée chez les animaux suivants : cobaye F (Exp. mm), qui succombe au vibrion de Metchnikoff après 23 heures; cobaye O et cobaye B, (Exp. xn), qui succombent au deuxième vaccin charbonneux après 110 et 115 heures; cobayes E, et A, (Exp. x), qui meurent du tétanos très peu virulent après 40 et 136 heures. B. — DirFrÉRENCES ENTRE LA RÉACTION DES ANIMAUX NEUFS ET CELLE DES ANIMAUX IMMUNISÉS. Le sang de l'individu vacciné se distingue toujours nette- ment de celui de l'animal neuf, quel que soit -du reste le mode de vaccination. Les cobayes À., B,, C., D, et M sont immunisés par l'injection de cultures chauffées de vibrion de Metchnikoff; le cobaye L est immunisé par des inoculalions répétées de vibrions de Metchnikoff vivants mais peu virulents; le lapin F est vacciné contre le hog-choléra par l'injection de sang prove- nant d'un lapin mort de cette affection; enfin le lapin H est rendu réfractaire au charbon par les vaccins pasteuriens. Le sang des animaux vaccinés renferme un nombre de ley. pm. qui est de beaucoup supérieur à celui qui existe chez l'animal neuf: le plus souvent d’ailleurs, ce sang contient plus de leucocytes de toutes les formes. Il semble que chez le vacciné, il persiste un certain degré d’'hyperleucocytose. 2° Te 2 UE MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 179 L'injection de cultures filtrées de vibrion de Metchnikoff à des cobayes immunisés contre la septicémie aviaire détermine d'emblée l'hyperleucocytose sansstade d'hypoleucocytose ;remar- quons pourtant qu’une injection analogue, faite à des animaux neufs, n’a donné d'hypoleucocytose bien nette que chez un seul cobaye; chez un second, nous n’avons pas observé l’abaissement du nombre des leucocytes. Chez le lapin E, rendu réfractaire au hog-choléra, l'hypoleucocytose consécutive à l'injection de microbes vivants ne s’est peut-être pas produite; en tous cas, elle a été beaucoup plus passagère que chez le lapin neuf D. L'hypoleucocytose du lapin H, vacciné contre le charbon, a été beaucoup plus faible que chez le lapin neufJ, lors de l’inoculation à tous deux de microbes virulents du charbon. Remarquons en outre que l’hypoleucocytose globale du lapin vacciné a été accom- pagnée de l'élévation du nombre des ley. pm. En somme, il ressort de nos expériences, qui sont malheu- reusement trop peu nombreuses, que chez l'animal immunisé, l'hypoleucocytose qui suit l'injection de microbes ou de produits microbiens est moins accentuée que chez les animaux neufs. Si, comme nous le supposons, l’hypoleucocytose est due en partie à l'attraction qu’exercent sur les leucocytes les produits micro- biens accumulés dans le foie, la moelle des os, la rate, etc., on peut en déduire que la destruction de ces substances, dans les organes internes, est plus rapide et plus complète chez les indi- vidus vaccinés. Nous avons étudié quelle est l'influence de la vaccination contre un microbe déterminé sur la leucocytose provoquée par d’autres microbes. À un cobaye immunisé contre le vibrion de Metcknikoff (B,, Exp. xu) nous avons injecté des bacilles du charbon ; un autre (A,, Exp. xiu1) a reçu des bacilles du tétanos. L'évolution de la maladie et les modifications du sang ont été les mêmes chez les vaccinés et chez les témoins. Un fait important est à noter : au moment de la mort, les deux ani- maux vaccinésprésententune prédominance marquée desley.pm. C. — PHAGOCYTISME ET CHIMIOTAXISME CHEZ LES DIVERSES FORMES DE LEUCOCYTES. Les auteurs sont d'accord pour admettre que tous les leuco- cytes ne sont pas également aptes à englober les microbes ; ce 180 ‘ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sont exclusivement les formes que nous désignons par ley. v. et par ley. pm. avec leurs transitions, qui jouissent de cette faculté ; encore faut-il en déduire les ley. pm. chargés de grosses granulations qui se colorent fortement par l’éosine (éosinophiles d'Ebrlich). Pour qu’un leucocyte puisse efficacement accomplir sa fonction de phagocvyte, il faut qu’il soit attiré vers les bacté- ries gràce à sa sensibilité à leurs produits de sécrétion. Pour étudier quels leucocytes sont attirés par les produits micro- biens, nous introduisons à des lapins, dans la cavité péri- tonéale, des ampoules ouvertes à l’une de leurs extrémités et renfermant une culture stérilisée à 100° de premier vaccin du rouget des pores. L’ampoule est retirée après 23 heures et son contenu fixé et coloré à la manière ordinaire : les ley. pm. à granulations faiblement colorées sont presque seuls représentés; quelques très rares lcy. m. Nous avons fait lamême expérience sur le lapin avecle premier vaccin Charbonneux. Dans une ampoule qui a séjourné 3 heures dans la cavité péritonéale, nous constatons que presque tous les globules sont des lcy. pm. à granulations peu colorées; il y a en outre quelques très rares Icy. v. — Dans une ampoule retirée après un séjour de six heures dans la cavité péritonéale, le nombre des leucocytes est plus considérable : les ley. pm. sont de beaucoup les plus fréquents; il y a aussi des ley. v. et quelques très rares. lcy. m. Comparons aux leucocytes qui ont pénétré dansles ampoules, ceux qui constituent le pus accumulé dans la cavité péritonéale du lapin D (Exp. vu), mort du hog-choléra : Lcy. pm. à granulations colorées, fortement prédominants. Lcy. v. et transitions entre ley. v. et lcy. pm. Lcy. m. manquent complètement. Nous avons trouvé du pus qui présentait les mêmes caractères dans le ventre d'un lapin qui avait reçu 35 em° de premier vaccin charbonneux. Cet animal a survécu. Chez les deux cobayes B, et O (Exp. xu) il s'était formé, après injection de deuxième vaccin charbonneux, de l’hydro- pisie et de l’œdème des parois abdominales. La sérosité de tous deux contenait, d'une façon prépondérante, des lcy. pm. Il ressort clairement de ces observations que les Icy. pm. sont beaucoup plus chimiotaxiques que tous les autres, Ce qui MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 181 confirme encore cette manière de voir, c’est qu'eux seuls parti- cipent à la formation des amas que nous avons décrits antérieu- rement. Dans tous les cas que nous venons de citer, les ley: pm. sont chargés de granulations colorées ; mais ils ne sont pas comparables à ceux que M. Ehrlich appelle des éosinophiles : ils se rapprochent plutôt de ses amphophiles. D. — SPÉCIFICITÉ DES DIVERSES FORMES DE LEUCOCYTES. Pour distinguer les diverses espèces de leucocytes admises par plusieurs observateurs, on se fonde non seulement sur les structures variées qu'offre le noyau, mais encore et surtout sur la constitution intime du protoplasma. Cette différenciation repose sur une technique complexe : elle est basée sur l’avidité des granulations protoplasmiques pour telle ou telle matière colorante. Enfin, .on a essayé de classer les globules blancs sui- vant leur origine probable : rate, ganglions lymphatiques, moelle des os, etc. Il n’est pas possible actuellement d'établir l'accord entre ces diverses classifications : tel groupe de tel auteur ren- ferme des éléments qui appartiennent à plusieurs des groupes proposés par tel autre. L'étude à laquelle nous nous sommes livrés nous conduit à admettre qu’un même leucocyte peut présenter pendant le cours de son développement individuel toutes les formes qu’on ren- contre chez les animaux sur lesquels nous avons expérimenté. Les Icy. m. doivent être considérés, d’après nous, comme les cellules les plus jeunes. Leur noyau est compact et le protoplasma ne forme qu’une mince couche. — Plus tard, le noyau se gonfle uniformément dans toutes ses parties et le protoplasma devient plus abondant : l'élément prend ainsi graduellement l'apparence du ley. v. Mais les deux phénomènes, gonflement du noyau et accroissement de la couche protoplasmique, ne se passent pas nécessairement en même temps, et il n’est pas rare de rencontrer parmi les formes de transition entre Icy. m. et ley. v., à côté des cellules dont lenoyau est semi-vésiculeux et entouré d’une assez grande épaisseur de protoplasma, d’autres globules avec une quantité notable de protoplasma et un noyau encore compact, et d’autres à noyau déjà semi-vésiculeux mais à protoplasma très peu abondant. 182 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les ley. v. ont un noyau arrondi, uniformément pâle, et un protoplasma homogène, peu coloré par l'éosine. — Mais ces individus typiques sont rares ; la transformation en ley. pm. commence bientôt: le noyau devient irrégulier: il prend la forme d'un haricot, d'un boudin, d’un fer à cheval; en même temps, il perd son homogénéité : certaines portions sont plus compactes que les autres; puis il se subdivise, et tandis que certains frag- ments sont encore pâles, d’autres sont déjà très avides de matière colorante. Quant au protoplasma, il devient rarement granuleux : dans la majorité des cas, il prend simplement un aspect un peu grumeleux, sans qu'il soit possible d’y distinguer les granulations rondes si fréquentes dans les ley, pm. Ces derniers ont un noyau compact, lobé ou fragmenté. Dans le protoplasma on trouve ou bien un fin réticulum irrégulier ou bien des granulations nettes. Nous considérons les leucocytes à protoplasma simplement réticulé comme dérivant immédiate- ment des ley. v. : ils seraient donc plus jeunes que les leucocytes à protoplasma granuleux. Les granulations fixent, à des degrés divers, les matières colorantes; par la méthode que nous employons, elles se colorent en lilas, en rose pâle ou en rouge foncé. Leur volume est très variable. Sans qu'on puisse établir un rapport constant entre leur grosseur et leur coloration, on peut dire cependant qu'en général les granulations les plus grosses sont celles qui absorbent le plus activement la matière colorante rouge. Nous avons donné antérieurement les raisons pour lesquelles nous ne croyons pas devoir admettre la spécificité des divers leucocytes basée sur les réactions colorées de leurs granula- tions. À ce propos, qu'il nous soit permis d'attirer l'attention sur les observations récentes d’après lesquelles le noyau des gonocytes mâles se colore en bleu et celui des gonocytes femelles, en rouge. M. Strasburger ‘ vient de montrer que si le noyau mâle se teint différemment du noyau femelle, cela tient non à sa sexualité mais bien à son état de nutrition. — N'’en serait-il pas de même pour les granulations des cellules migra- trices ? D’après ce que nous venons d’exposer, les ley. pm. sont adultes, bien nourris, aptes à accomplir les diverses fonctions qui leur sont dévolues : c’est eux qui sont le plus attirés par les 1. E. SrraspurGer, Ueber des Verhalten des Pollens, etc. Iena, Fischer, 1892. MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES, 183 microbes et qui interviennentle plus largement dans la formation du pus; c’esteux qui disparaissent lors de l'hypoleucocytose et qui abondent dans le sang pendant l'hyperleucocytose. Les ley. pm. auraient donc parcouru tout le cycle de leur développement. Il n’est pas rare de rencontrer dans les prépara- tions des Icy. pm. qui se désagrègent : on voit alors que les noyaux ne sont plus aussi compacts que dans les globules blancs normaux ; quant aux granulations, qui sont souvent très grosses et très colorées, elles s’éparpillent autour du noyau. Il est très probable que tous les leucocytes n'arrivent pas jusqu'à ce stade ultime de leur développement. De même, nous ne pensons pas que tous les leucocytes soient déversés dans le sang sous la forme de ley. m. Y RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS, L'injection de cultures microbiennes vivantes ou mortes détermine en premier lieu l’abaissement du nombre des leuco- cytes circulants, et surlout des leucocytes à noyau polymorphe, compact et à protoplasma granuleux. Lorsque l’animal résiste à l'infection, la période d’hypoleu- cocytose est suivie d’une phase pendant laquelle les leucocytes, principalement les leucocytes à noyau polymorphe, compact, et à protoplasma granuleux, sont très abondants; puis le sang reprend ses caractères normaux. La phase typique d’hyperleucocytose fait défaut chezles indi- vidus qui succombent à l'infection : tantôt elle manque complè- tement (lorsque la mort survient rapidement) ; tantôt elle est remplacée par une série d’oscillations (quand la maladie infec- tieuse se prolonge plus longtemps). Le sang de l'individu vacciné est plus riche en leucocytes, et particulièrement en leucocytes à /noyau polymorphe, compact, et à protoplasma granuleux, que le sang de l’animal neuf. Les diverses formes de leucocytes sont, à notre avis, des stades évolutifs d’une même cellule : le leucocyte le plus jeune est à noyau unique, compact et à protoplasma peu abondant ; puis le noyau devient vésiculeux et le volume du protoplasma 184 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. augmente considérablement ; enfin, le leucocyte adulte, le plus capable d'exercer ses fonctions phagocytaires, possède un noyau polymorphe, compact, et un protoplasma chargé de gra- nulations. * * * Puisque dans le sang des animaux vaccinés prédominent les leucocytes adultes, les plus aptes au phagocytisme, il faut sans doute en conclure que, chez eux, les globules blancs passent rapidement par les phases successives de leur développement, de façon à atteindre plus vite le stade pendant lequel ils peuvent efficacement lutter contre les microbes. Les leucocytes de l’animal vacciné diffèrent donc de ceux de l’animal neuf, non seulement par l'éducation qu'ont subie leurs facultés chimiota- xiques ‘, mais encore par la vitesse de leur développement : ils deviennent plus rapidement adultes, et parvenus à cet état ils sont plus aptes à englober les microbes. Les leucocytes ont une vie des plus éphémères : ceux qui interviennent pour assurer l’immunité à l'animal réfractaire ne sont pas ceux-là qui ont été impressionnés lors de la vaccination, mais les descendants de ces derniers ; il faut en conclure que les Jeucocytes transmettent à leurs descendants les propriétés nouvelles qu'ils ont acquises. Alors que par ses cellules sexuelles, l'animal immunisé ne transmet pas l’état réfractaire, certaines de ses cellules somatiques conservent, à travers toute une série de générations cellulaires, asexuelles, Les caractères nouveaux que leur a fournis la vaccination. Mais ces propriétés sont soumises à la loi générale de l’évo- lution d’après laquelle toute fonction inutile tend à disparaître : aussi pour que l’économie garde son immunité, est-il indispen- sable de procurer de temps en temps aux leucocytes l’occasion d'exercer leur phagocytisme exalté. Les recherches exposées dans ce mémoire ont été poursuivies dans divers laboratoires : les expériences ont été faites à l’Institut Pasteur et à l’Institut botanique de Bruxelles ; l'examen des 1. JEAN Massarr, Le chimiolaxisme des leucocytes et l'immunité (Ann. Inst. Pas- teur, 1892). MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 185 préparations se faisait à l’Institut botanique et à l’Institut de physiologie de Bruxelles. VI EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 4 à 4. — Leucocytes à noyau unique, compact, — à prolo- plasma clair, peu abondant. Fig. 5. — Leucocyte à noyau vésiculeux, — à protoplasma trouble, peu abondant. Fig. 6 et 7. — Leucocytes à noyau vésiculeux, — à protoplasma trouble, abondant. Fig. 8 à 10. — Leucocytes à noyau vésiculeux, de forme variable, — à protoplasma trouble, abondant. Fig. 11. — Leucocyte à gros noyau semi-vésiculeux, — à proto- plasma clair. Fig. 12. — Leucocyte à noyau semi-vésiculeux, — à protoplasma grumeleux, se colorant par l’hématoxyline. Fig. 13 et 14. — Leucocytes à noyau semi-vésiculeux, — à proto- plasma grumeleux, se colorant par l’éosine. Fig. 15 et 16. — Leucocytes à noyau compact, presque régulier, — à protoplasma grumeleux ou granuleux, se colorant par l’éosine. Fig. 17 à 23. — Leucocytes à noyau compact, très irrégulier ou fragmenté, — à protoplasma granuleux, se colorant par l’éosine. Fig. 24 à 26. — Leucocytes à noyau compact, irrégulier ou frag- menté, — à protoplasma contenant de grosses granulations très colorées. VII PROTOCOLE DES EXPÉRIENCES. Dans les tableaux suivants, les termes « augmentation et diminution du nombre des ley. » indiquent les variations de ce nombre par rapport à la préparation qui précède immédiatement celle qui est décrite. 186 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. IMMUNISATION ET INFECTION Expérience 1. — 8 novembre 1892. CoBaye A, de 1,130 grammes. 4. — Sang pris à l'animal normal. Nombre de ley. normal. Ley. pm. Un grand nombre ont beau- coup de granulations fortement colo- rées. Ley. formant transition entre Icy. m. et ICy. v. — Aussi nombreux que les précédents. Lcy. m. Lcy. v. L'animal recoit sous la peau 5 cm? de culture de vibrion de Metchnikoff, ägée de 4 jours et stérilisée a 1000. 2. — Sang pris 1 heure après l'injection. Très légère augmentation de tous les ley. 3. — Sang pris 2 heures apres l’injection. Légère augmentation des 1cy. por- tant surtout sur les 1cy. pm. On trouve beaucoup de stades de transition entre Icy. v. etlcy. pm. 4. — Sang pris 19 heures aprés l'injection. Le nombre des lcy. a encore légère- ment augmenté. Ley. pm. prédominent fortement; beaucoup d’entre eux ont de grosses granulations protoplasmiques très colo- rées, Lcy. v. rares. Les transitions entre lcy. et ley. pm. ont disparu. 5. — Sang pris 25 heures apres l'injection. Le nombre des Icy. a augmenté, Ley.pm. prédominent manifestement. Lcy. m. assez nombreux. 6. — Sang pris 49 heures aprés l'injection. Légère diminution des ley. Les ley. v. avec transition entre Icy. m. et ley. v. et entre lcy. v. et lcy. pm. dominent. Cogaye B, de 750 grammes. 1. — Sang pris à l'animal normal. Le nombre de ley. est plus grand que d'ordinaire. Lcy. pm., Ilcy. v. et lcy. m. sont également représentés. Quelques Iey. pm. ont de grosses granulations très colorées. - L'animal reçoit sous la peau 5 em? de culture de vibrion de Metchnikoff àgée de 4 jours et stérilisée a 1000. 2, — Sang pris À heure aprés l'injection. Diminution très marquée du nombre global des ley. Il reste quelques ley. v. et quelques très rares ley. pm. Il n’y a plus de Iey. m. ni de ley. pm. à granulations colorées. 3. — Sang pris 2 heures apres l'injection. Le nombre global des Icy. a augmenté légèrement. | Ley. pm. prédominent. Ley. v. et Icy. m. 4. — Sang pris 19 heures apres l’injection. Le nombre des Icy.a augmenté mais n’a pas encore atteint le même chiffre que dans le sang normal. Ley. pm. existent presque seuls. Ley. v. rares. 5. — Sang pris 25 heures aprés l'injection. Même état que dans la préparation précédente, 6.— Sang pris 49 heures apres l'injection. Le nombre des ley. est égal à celui de la préparation 1. Ley. pm. prédominent. Lcy. v. rares. Lcy. m. très rares. MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 187 PAR LE VIBRION DE METCHNIKOFF Expérience 1. — 8 novembre 1892. Cosaye C, de 850 grammes. 1. — Sang pris à l'animal normal. Le nombre de ley. est normal. Ley. faisant transition entre Icy. m. et lcy. v. Ley. pm. Lcy. v. Quelques ley. pm. à granulations très grosses et très colorées. L'animal reçoit sous la peau 3,5 cm3 de vibrion de Metchnikoff ägèe de 4 jours et stérilisée à 1000, 2. — Sang pris 1 heure apres l'injection. Diminution du nombre des Icy. il y a presque exclusivement des ley. formant transition entre ley. m, et ley. V. Ley. v. Ley. pm. très rares. 9. — Sang pris 2 heures aprés l’injection. Augmentation assez considérable du nombre des ley. Les diverses formes deley. se retrou- vent dans les mêmes proportions que dans la préparation précédente. 4. — Sang pris 19 heures aprés l’injection. Le nombre des lcy. a augmenté. Lcy. pm. prédominent; beaucoup d'entre eux à protoplasma granuleux très coloré. Ecy. m. Ley. v. 5. — Sangpris 25 heures après l’ingection. Très forte augmentation du nombre des Iey. Lcy. pm. et transitions entre lcy. v. et Icy. pm. existent presque seuls. Quelques-uns d’entre eux à grosses granulations colorées. Ley. m. et lcy. v. très rares. 6. — Sang pris 49 heures apres l'injection. Ley. extrèmement nombreux. Lcy. pm. prédominent beaucoup. Lcy. m. et transitions vers lcy. v. ont augmenté par rapport à la préparation précédente. Copaxe D, de 1,020 grammes. 4. — Sang pris à l'animal normal. Mèêmes caractères que le sang 1 du cobaye CG, avec un peu moins de ley. v. w L'animal reçoit sous la peau 5 em? de vibrion de Melchnikof], ägée de 4 jours et stérilisée à 1000. 2. — Sang pris À heure apres l'injection. Augmentation du nombre des lcy. Lcy. pm. Quelques-uns ont des gra- nulations très grosses et fortement colorées. Ley. v. 3. — Sang pris 2 heures aprés l'injection. Augmentation du nombre des ley. Presque tous sont lcy. pm. Quelques rares stades de transition entre ley. m. et ley. v. 4. — Sang pris 19 heures aprés l'injection. Mèêmes caractères que le sang n° 5. 5. — Sangpris 25 heuresaprés l'injection. Le nombre des ley. est légèrement inférieur à celui de la préparation 4. Lcy. pm. existent presque seuls. 6. — Sang pris 49 heuresaprés l'injection. Lcy. aussi nombreux que dans pré- paration 1. Lcy. pm. prédominent. Beaucoup d’entre eux sont réunis, en nombre va- riable, autour de masses faiblement colorées par l’hématoxyline. Ley. m. rares. 188 CoBaÿE A, 7. — Sang pris 15 heures apres l'injection. Le sang a repris les caractères du sang de la préparation 1. 8. — Sang pris 97 heures aprés l’injeclion. Même nombre global de ley. que dans préparation 7. Lcy. v. augmentés par rapport à la préparation précédente. Injection sous -culanée de 8 cm3 de cul- ture de vibrion de Metchnikoff, àâgée de T jours et chauffée à 1000. 9. — Sang pris 6 minutes apres la 22 injection. Diminution du nombre des Icy. Ley. v. et transition entre lcy. m. et ICy. v. prédominent manifestement. Lcy. pm. rares. 10. — Sang pris 93 minutes apres la 2e injection. Nombre et caractères des lcy. comme dans la préparation précédente. 11. — Sang pris 55 minutes apres la 2e injection. Diminution considérable du nombre des Icy. Ley. m. et transitions vers ley. v. Ley. v. Ley. pm. 12. — Sang pris 2 heures apres la 2 injection. Forte augmentation du nombre des Icy: Ley. pm. prédominent manifeste- ment. Lcy. m, Lcy. v. rares. 13. — Sang pris 3 heures apres la 2° injection. Même nombre:global de ley. que dans le sang de la préparation 12. Légère augmentation des Icy. m. et des transitions vers ley. v. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Expérience 1 (suite). CoBaye B, 7. — Sang pris T5 heures aprés l'injection. Le nombre des Iley. a légèrement augmenté. Lcy. v. prédominent. Lcy. pm. un peu moins nombreux. Lcy. m. absents. 8. — Sang pris 97 heures aprés l’injection. Nombre des Icy. égal à celui de la préparation 7. Les ley. m. prédominent d’une façon très marquée. Lcy. pm. et Icy. v. en nombre égal. Injection sous-cutanée de 5 cm? de culture de vibrion de Metchnikoff, agée de T jours et chauffée à 1000. 9. — Sang pris 6 minules aprés la 2e injeclion. Diminution légère du nombre des lcy. Ley. v. et Icy. pm. en nombre ëgal. Ley. m. rares. 10. — Sang pris 25 minules apres la 2e injection. Le nombre global est le même que dans la préparation 9. Il y a presque uniquement des tran- sitions entre ley. m. et Icy. v. Ley. pm. très rares. 11. — Sang pris 55 minules après la 2 injection. Diminution très considérable du nombre des Icy. Ley. v. Ley. pm. 12. — Sang pris 2 heures apres la 2e injection. Le nombre des Ilcy. a légèrement augmenté. Ley. pm. prédominent. Ley. v. rares. 43. — Sang pris 3 heures aprés la 29 injection. Mèmes nombre et caractères que dans la préparation 12. MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 8 novembre 1892. Copave C,. 7. — Sang pris 15 heures apres l'injection. Diminition légère du nombre des ley. Mèmes caractères que sang de la pré- paration 6. 8. — Sang pris 97 heures apres l'injeclion. Le nombre des Iley. a légèrement augmenté. Ley. pm. nombreux. Beaucoup d’entre eux à grosses granulations colorées. Injection sous-culance deG cm3 de culture de vibrion de Metchnikoff, âgée de 7 jours et chauffée a 1000. 9. — Sang pris 6 minules apres la 2e injection. Ley. nombreux. Ley. m. et transition vers ley. v. prédominent. 40. — Sang pris 25 minules apres la 28 injection. Nombre global des lcy. diminué. Les caractères sont identiques à ceux de la préparation 9. 11. — Sang pris 55 minutes apres la 2e injection. Diminution du nombre des 1cy. 19. — Sang pris 2 heures apres Ik injection. Diminution considérable du nombre des Iey. Lcy. pm. Ley. v 13. — Sang pris 3 heures apres la 2 injection. Augmentation très notable du nom- bre des lev. Lcy. pm. prédominent fortement. Beaucoup d’entre eux à grosses gra- nulations colorées. Lcy. m. et transitions vers | Icy. V. rares. 189 Copaye D, 1.— Sang pris 15 heures apres l'injection. Le nombre des Icy. a de nouveau augmenté. Lcy. pm. prédominent. Ley. v. sont assez nombreux. 8. — Sang pris 97 heures aprés l'injection. Beaucoup de Iey. Ley. pm. ettransitions entre lcy. v. et lcy. pm. très nombreux. Beaucoup d’entre eux ont un protoplasma très granuleux et très coloré. Ley. m. et transitions vers Icy. v. Injection sous-cutanée de T cm3 de cul- ture de vibrion de Metchnikoff, âgée de 7 jours et chauffée à 1000, 9. — Sang pris 6 minutes apres la 28 injection. Nombre et caractères des lcy. comme dans la préparation précédente. 10. — Sang pris 25 minutes la 22 injeclion. Nombre des ley. resté le mème. Ley. pm. prédominent. Beaucoup d’entre eux à grosses granulations bien colorées. Ley. m., apres Icy. v. avec transitions. 11. — Sang pris 55 minutes apres la 2e injection. Le nombre des lcy. n’a pas changé. Ley. pm. dominent. Beaucoup d’entre eux à granulations fortement colorées. -Ley. v. Ley. m. avec transitions vers lcy. v. 12. — Sang pris 2 heures aprés la 2e injection. Le nombre des ley. est augmenté. Lcy. pm. Quelques-uns à granula- tions-‘colorées. Ley. m:- Lcy. v. très rares. 43. — Sang pris 3 heures apres la 2e injection. Mème nombre de Icy. que dans le sang de la préparation 12. Lcy. pm. existent presque seuls. 190 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. CoBaxE À, 14. — Sang pris 7 heures 4,4 apres la 2 injection. . Augmentation du nombre des lcy. Ley. pm. existent presque seuls. 45. — Sang pris 19 heures 1/2 apres la 20 injection. Idem. 16. — Sang pris 51 heures apres la 22 injection. Le nombre global des Icy. diminue égèrement. Ley. pm. prédominent. Lcy. formant transition entre Icy. m. et Icy. v. 17. — Sang pris 68 heures après la 28 injection. Diminution du nombre des Icy. Ce- pendant ils sont plus nombreux que dans la préparation 1. - Ley. pm. prédominent. Ley. m. Ley. v. CoBayE A. Le cobaye À, de l'expérience précédente qui a élé immunisé par une premiére in- jection fuile le 8 novembre et par une se- conde fuile le 12 novembre, reçoit le 15 no- vembre, dans la cavité péritonéale, 4,5 cm3 de culture filtrée, mais non chauffée de vibrion de Metchnikoff, âgée de 4 jours. — Ce cobaye est dorénavunt désigné par A. 4.— Sang pris 20 minutes apres l'injection. Le nombre des Icy. est légèrement supérieur à celui du sang avant l’injec- tion. (Voir prép. 17 Exp. 1.) L'augmentation porte surtout sur les lcy. pm, 2, — Sang pris ? heures apres l'injection. Très forte augmentation du nombre des Icy. Lcy. pm. prédominent fortement. Ley. m. etlcy. v. peu nombreux. Expérience L (suite). CoBayE B, 14. — Sang pris T heures 1/4 aprés la 2e injection. Mêmes nombre et caractères que dans la préparation 12. 15. — Sang pris 19 heures 1/2 aprés la 2e injeclion Idem. 16. — Sang pris 31 heures aprés la 2e injeclion. Le nombre global des ley. a légère- ment augmenté. Ley. pm. de plus en plus prédomi- nants. 17. — Sang pris 68 heures apres la 20 injechon. Nombre considérable de ley. Lcy. pm. prédominent, quelques-uns. avec granulations colorées. Ley. m., ley. v. et transitions, Expérience IL. CopayE B.. Le cobaye B, de expérience préce- dente qui a èlé immunisé par une pre- mière injection faite le 8 novembre et par une seconde fuile le 12 novembre, reçoit le 45 novembre, sous la peau de la cuisse, 4 cm3 de culture vivante de vibrion de Metchnikof], âgée de 4 jours. — Ce cobaye est dorénavant désigné par B,. 1.—Sang pris 20 minutes apres l’énjection. Le nombre global des Icy. est le même qu'avant l'injection. (Voir prép. 17. Exp. 1.) Le nombre des Iey. pm. a diminué légèrement. 2. — Sang pris 2 heures apres l’injection. Mêmes nombre et caractères que dans le sang de la préparation 1. Il y a quelques Icy. pm. réunis en amas, De MODIFICATIONS S novembre 1892. CoBayE C, 14, — Sang pris T heures 1/4 apres la 20 injection. Mêèmes nombre et caractères que dans la préparation 13. 15. — Sang pris 19 heures 1/2 aprés la 2e injection. Ley. extrêmement nombreux. Ley. pm. prédominent fortement; beaucoup d’entre eux ont des granula- lations très colorées. Ley. m. et transitions vers ley. v. Ley. v. 16. — Sang pris 31 heures aprés] ‘lu 2e injection. | Idem. 17.— Sang pris 68 heures apres l'injection. Nombre des ley. légèrement diminué. Lcy. pm. prédominent, Ley. v., ley. m. et transitions. 15 novembre 1892, Copaye C,. Le cobaye C, de l'expérience précédente qui & élé immunisé par une premiere in- Jeclion faite le 8 novembre, et par une seconde faite le 12 novembre, recoit le 15 novembre, sous la peau de Ja cuisse, 1 cm3 de culture filtrée mais non chauf- fée de vibrion de Metchnikoff, àgée de 4 jours. Ce cobaye est dorénavant désigné par C,. 1.—Sang pris20 minutes aprés l'injection. Le nombre des Icy. est supérieur à celui du sang pris avant l'injection. (Voir prép. 17. Exp. 1.) Lcy. pm. existent presque seuls. Quelques rares Icy. pm. à granulations colorées. Beaucoup de ley. pm. réunis en amas. Lcy. m., lcy. v. et transitions. 2. — Sang pris 2 heures aprés l'injection. Mêmes caractères que le sang de la préparation 4. DES LEUCOCYTES. 191 Cosave D, 1%. — Sang pris 7 heures 1/4 aprés l'injection. Mèmes nombre et caractères que dans la préparation 13. 15. — Sang pris 19 heures 1/2 apres la 2 injection. Ley. très nombreux. Ley. pm. à protoplasma granuleux très coloré existent seuls, 16. — Sung pris 31 heures apres la 2e injection. Forte augmentation du nombre des Icy. ne pm. prédominent. Il y a beau- coup d'amas formés de 20 à 50 Icy. pm. Ley. v. 17.—Sang pris 68 heures apres l'injeclion. Mêmes nombre et caractères que dans la préparation 16. Copaye D. Le cobaye D, de l'expérience précédente qui a élé immunisé par une premiére injection faite le 8 novembre et par une seconde faile le 12 novembre, reçoit le 15 novembre, dans la cavité péritonéale, 1,5 cm3 de culture vivante de vibrion de Metchnikof} âgée de 4 jours. Ce cobaye est dorénavant désigné par D,. 1.— Sang pris 20 minutes après l'injection. Le nombre des ley. est de beaucoup inférieur à celui du sang pris avant l'injection. (Voir prép. 17. Exp. I.) Ley. pm., lcy. m. et transitions vers lcy. v. également nombreux. 2, — Sang pris 2 heures aprés l'injection. Très forte augmentation du nombre global des Icy. Tous les ley. sont pm., beaucoup d’entre eux avec de grosses granula- tions colorées, 19 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. CoBaYE A,. 3. — Sang pris 3 heures apres l’injeclron. Légère diminution du nombre des ley. La prédominance des Icy. pm. se maintient. 4. — Sang pris 4 heures apres l'injection. Légère augmentation du nombre des ley. Ley. pm. prédominent; beaucoup d’amas de ley. pm. Lcy. m. et ley. v. ll existe dans le sang quelques grands lcy. avec un gros noyau vésiculeux réniforme. 5. — Sang pris 5 heures apres l’injection. Idem. 6. — Sang pris 6 heures apres l'injection. Augmentation du nombre des Icy. Lcy. pm. existent seuls. 7. — Sang pris 7 heures aprés l'injection. Idem. 8. — Sang pris 12 heures aprés l'injection. Même nombre global de Icy. Ley. pm. prédominent. Ley. m. et lcy. v. assez nombreux. 9. — Sangpris 22 heures après l'injection. Légère diminution du nombre des Icy. Elle porte surtout sur les lcy. pm. qui pourtant prédominent encore. 10.— Sang pris 26 heures apres l'injection. Diminution du nombre des ley. Ley. pm. prédominent légèrement. Ley. m. et Icy. v. assez nombreux. 41.— Sang pris 31 heures apres l'injection. Le sang a repris les caractères qu’il avait avant l'injection. (Voir prépara- tion 17. Exp. I.) Expérience IT (suite). CoBayE B,. 3. — Sang pris 3 heures aprés l’inection. Le nombre des ley. est fortement aug- menté. Ley. pm. extrêmement nombreux. Ley. m. et ley. v. très rares. &. — Sang pris 4 heures aprés l'injection. Mêmes nombre et caractères des Icy. que dans la préparation précédente. En outre, quelques très gros amas formés de 20 à 40 ley. pm. et beaucoup de petits amas formés de 4 à 12 Icy. pm. 5. — Sang pris5 heures aprés l'injection. Idem. 6.— Sang pris 6 heures apres l'injection. Idem. 1.— Sang prisT heures après l'injection. Mème nombre de ley. Ley. pm. très nombreux, beaucoup d’entre eux réunis en amas. Ley. m. et ley. v. très rares. 8. — Sang pris 12 heures apres l’injeclion. Légère diminution du nombre des ley. Lcy. pm. prédominent. Ley. v. assez nombreux. 9.— Sang pris 22 heures apres l'injection. Idem. 40.— Sang pris 26 heures apres l'injection. Mëme nombre de ley. que dans le sang de la préparation 8. Ley. pm. prédominent. Ley. v. assez nombreux. Ley. m. rares. 411. — Sang pris 31 heures apres l'injection. Le nombre des ley. est légèrement diminué. Ley. pm. prédominent. Ley. m. assez nombreux. Lcy. v. très rares. 1 | MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 45 novembre 1892. CoBaye C,. 3. — Sang pris 3 heures aprés l’injeclion. Augmentation du nombre des ley. Ley. pm. très nombreux, beaucoup d'entre eux avec granulations très rouges. Lcy. m. et Icy. v. très rares. 4. — Sang pris heures aprés l’injection. Légère diminution du nombre des ley. Ley. pm. prédominants. Assez nom- breux amas de ley. pm. ®. — Sang pris 5 heures apres l'injection. Idem. 6. — Sang pris 6 heures apres l'injection. Légère diminution du nombre des lcy. qui sont pourtant encore très nombreux. Ley. pm. existent presque seuls. Lcy. v. très rares. 7. — Sang pris T heures apres l'injection. Augmentation forte du nombre des ley. Lcy. pm. très nombreux; quelques- uns à granulations protoplasmiques très colorées. Beaucoup d’amas de lcy. pm. 8.— Sang pris 12 heures aprés l’injection. Légère diminution du nombre des lcy. Lcy. pm. fortement prédominants. Ley. m., lcy. v. et transitions. 9. — Sang pris 22 heures aprés l’injection. Même nombre de Icy. que dans pré- paration 7. Lcy. pm. nombreux, dont beaucoup à protoplasma granuleux, coloré. Lcy. m., ley. v. et transitions. 10. — Sang pris 26 heures aprés l'injection. Mêmes nombre et caractères des lcy. que dans la préparation 9. En outre quelques amas de lcy. pm. A1. — Sang pris 31 heures apres l'injection. Légère diminution du nombre des Icy. Lcy. pm. prédominent; beaucoup d’entre eux avec de grosses granula- tions colorées. Ley. m. et lcy. v. assez nombreux. 193 CoBayE D,. 3.— Sang pris 3 heures apres l’injection. Le nombre global des ley. est resté le même. Ley. pm. fortement prédominants. LeT. v 4. — Sang pris 4 heures aprés l’injection. Même nombre de Icy. que dans la préparation précédente. Ley. pm. existent presque seuls. Beaucoup d’entre eux ont un proto- plasma granuleux très coloré. Lcy. v. très rares. 5. — Sang pris 6 heures apres l'injection. Idem. 6. — Sang pris 3 heures aprés l’injection. Idem. 7. — Sang pris? heures apres l'injection. Le nombre des lcy. a beaucoup aug- menté. Lcy. pm. existent presque seuls, souvent réunis en amas. Lcy. m. et ley. v. très rares. 8. — Sang pris 12 heures apres l'injection. Idem. 9. — Sang pris 22 heures après l'injection. Légère diminution du nombre desley. Ley. pm. prédominent. Lcy. m. assez nombreux. Ley. v. très rares. 10. — Sang pris 26 heures apres l’injection. Mêmes nombre et caractères des ley. que dans la préparation 9. En outre beaucoup d’amas de lcy.pm. A1. — Sang yris 31 heures après l'injection. Diminution du nombre des Icy. Ley. pm. nombreux, souvent réunis en amas. Ley. m. et Icy. v. 13 CoBAYE A. 49. — Sang pris 51 heures apres l'injection. Llem 13. — Sang pris T8 heures apres l'injection. Idem. Cosaye E, de 820 grammes. 4. — Sang pris à l'animal normal. Nombre normal de lcy. Lcy. pm. prédominent légèrement. Quelques-uns avec granulations forte- ment colorées. Ley. m. et formes de transition vers lcy. v. presque aussi nombreux que les Icy. pm. Ley. v. peu abondants. L'animal reçoit sous la peau de la cuisse À cm3 de culture filtrée mais non chauffée de vibrion de Metchnikoff ägée de 4 jours. 2. — Sang pris 20 minutes aprés l’anjection. Diminution du nombre des ley. Lcy. m. et transitions vers lcy. v. prédominent. Ley. v. assez nombreux. Lcy. pm. rares, quelques très rares amas de lcy. pm. 3. — Sang pris 1 heure aprés l'injection. Le nombre des lcy. a légèrement aug- menté, il est pourtant plus faible que dans préparation 1. Lcy. formant transition entre Icy. m et Icy. v. Lcy. pm, dont beaucoup à grosses granulations colorées. Ley. m. 4, — Sang pris 2 heures apres l'injection. Légère augmentation du nombre des Icy. Ley pm. prédominent, quelques-uns avec granulations colorées. Lcy. v. Lcy. m. rares. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Expérience IT (suite). CoBaye B.. 12. — Sang pris 51 heures aprés l'injection. llem. 43. — Sang pris 18 heures aprés l'injection. Nombre et caractères des lcy. comme avant l’injection. (Voir prép. 17. Exp. L.) Expérience LIL. Cosaye F de 850 grammes. 4. — Sang pris à l'animal normal. Nombre normal de ley. Ley. pm. Lcy. m. et formes de transition vers CYR Lcy. v. L'animal reçoit sous la peau de la cuisse À cn3 de culture vivante de vibrion de Metchnikoff, âgée de 4 jours. 2. — Sang pris 20 minutes apres l'injection. Augmentation légère du nombre des lcy. Ley. m. et lcy. v. prédominent. Lcy. pm. assez rares, quelques-uns réunis en amas. 3. — Sang pris À heure après l'injection. Idem. 4. — Sang pris 2 heures apres l’injection. Augmentation légère du nombre des lcy. Ley. pm.prédominent manifestement. MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES, 15 novembre 1892. CoBaye C;, 42. — Sang pris 51 heures apres l'injection. Légère diminution du nombre des lcy. Mêmes caractères que dans le sang avant l'injection. (Voir prép.17. Exp. I.) 43. — Sang pris 78 heures apres l’injection. Idem. 15 novembre 1892. Copaye G, de 850 grammes. 4. — Sang pris à l’animal normal. Nombre normal de Icy. Ley. pm. dont beaucoup à granula- tions très colorées. Ley. v. et transitions entre Icy. m. et ICy, v. \ Lcy. m. L'animal reçoit dans la cavité périto” néale 4 cm3 de culture filtrée mais non chauffée de vibrion de Metchnikoff, ägée de 4 jours. 2. — Sang pris 20 minutes apres l'injection. Augmentation légère du nombre des lcy. Ley. pm. prédominent. Lcy. v. assez abondants. Pas de Icy. m. 3. — Sang pris À heure aprés l'injection. Augmentation du nombre des ley. Tous sont 1cy. pm. 4, — Sang pris 2 heures après l'injection. Ley. en nombre égal à celui de la préparation précédente. Ley. pm. existent presque seuls. Lcy. v. très rares. 195 CoBaye D,. 42. — Sang pris 51 heures apres l'injection. Diminution du nombre des ley. Ley. pm. prédominent. Lcy. m. assez abondants. Ley. v. un peu moins nombreux. 143. — Sang pris 18 heures apres l'injection. Légère diminution portant également sur les divers Icy. Le nombre global est pareil à celui du sang avant l'injection. (Voir. prép. 47. Exp. 1.) Cosaye H de 490 grammes. 4. — Sang pris à l'animal normal. Nombre normal de lcy. Ley. pm. et ley. m. également abon- dants. Ley. v. et transitions entre Icy. m. et Icy. v. L'animal reçoit dans la cavité périto- néale 0,7 cm3 de culture vivante de vibrion de Metchnikoff, àgée de 4 jours. 9. — Sang pris 20 minules apres l'injection. Diminution très notable des Icy. Lcy. m. prédominent. Lcy. pm. rares. Lcy. v. très rares. 3. — Sang pris 1 heure aprés l'injection. Très légère augmentation des ley._ Lcy. m. et transitions vers lcy. v. prédominent. Lcy. pm. assez fréquents. 4. — Sang pris 2 heures aprés l'injection. La préparation manque. 196 CoBaye E, 5. — Sang pris 3 heures apres l'injection* Même nombre global de Icy. Lcy.. pm. prédominants, beaucoup d’entre eux à grosses granulations co- lorées. Lcy. v. assez rares. Lcy. m. très rares. 6. — Sang pris 4 heures apres l'injection. ! Mêmes nombre et caractères des Icy. que dans la préparation 5. En outre quelques amas de Icy. pm. 7. — Sang pris 5 heures aprés l'injection. Assez forte augmentation du nombre des Icy. Lcy. pm. prédominants, beaucoup d’entre eux avec granulations très colorées. Lcy. m., Icy. v. très rares. 8. — Sang pris 6 heures après l’injeclion. Idem. 9.—"Sang pris A1 heures aprés l'injection. : Augmentation du nombre des Iey. Mêmes caractères que dans prépara- tion 8. 40. — Sang pris 21 heures apres l'injection. Lenombredes lcy.aencoreaugmenté. Ley.pm.très prédominants et formant souvent des amas. Lcy. m. assez nombreux. Lcy. v. rares. 41. — Sang pris 25 heures apres l'injection. Diminution du nombre des lcy., qui sont néanmoins encore très nombreux. Lcy. pm. légèrement prédominants. Ley. v. nombreux. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Expérience IIT (suite). CoBaye F. 9. — Sang pris 3 heures apres l’injection. Diminution assez notable du nombre des Icy. ; Ley. pm. existent presque seuls. | 6. — Sangpris 4 heures apres l'injection. Augmentation du nombre des ley. Tous sont Icy. pm. 7. — Sang pris 5 heures aprés l'injection. Liem. 8. — Sang pris 6 heures apres l’injeclion. Légère diminution du nombre global des Icy. Lcy. pm. existent seuls. 9.— Sang pris 11 heures apres l’injection. Légère diminution du nombre des lcy. Lcy. pm. prédominent. Lcy. m, très rares. 10. — Sang pris 21 heures aprés l'injection. Ley. très rares. Lcy. m. Icy. v. Lcy. pm. manquent. Le cobaye F est très malade ; la cuisse est fortement gonflée. Il meurt environ 23 heures apres l'injection. L’œdeème s'étend à toute La cuisse et à une partie de la paroi abdominale. Nous étudions le sang pris dans le cœur, une heure aprés la mort. 41. — Sang pris dans le cœur. Très peu de ley. Lcy. m. Lcy. v. Ley. pm. très rares. Quelques-uns à granulations colorées. MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 45 novembre 1892, Copaye G,. D. — Sang pris 3 heures apres l'injection. Idem. 6. — Sang gris 4 heures apres l'injection Augmentation du nombre des ley. Ley. pm existent presque seuls, beau- coup d’entre eux à grosses granulations colorées. Quelques amas de ley. pm. Ley. m. et lcy. v. très rares. 7. — Sang prisS heures après l'injection. Idem. 8. — Sang pris 6 heures après l’injection. Légère diminution du nombre des lcy. Ley. pm. prédominants. Lcy. m. et Icy. v. assez rares. 9. — Sang pris 11 heuresapres l'injection. Idem. 10. — Sang pris 21 heures apres l’injection. Le nombre des lcy. a encore diminué. Lcy. pm. prédominent. Lcy. m. et Icy. v. assez nombreux. 11. — Sang |pris 25 heures apres l'injection. Même! nombre des ley. Ceux-ci ont les mêmes caractères qu'avant l’injec- tion, (Voir prép. 1. Exp. 11) 197 CoBayxE H. 5. — Sang pris 3 heures apres l'injection. Augmentation du nombre des lcy, Ley. pm. prédominent. | Lcy. m. ettransitions verslcy. v. assez abondants. 6. — Sang pris 4 heures apres l'injection. Nombre desley légèrementaugmenté. Lcy. pm. tout à fait prédominants; leur protoplasma est très granuleux et très coloré. Lcy. m. et lcy. v. très rares. 7. — Sang pris 5 heures apres l’injeclion. Idem. 8. — Sang pris 6 heures apres l’iujection. Augmentation très notable du nombre des Icy. Lcy. pm. très abondants. Lcy. m. et Icy. v. rares. 9, — Sang pris 11 heures apres l'injection. Augmentation du nombre des Icy. Lcy. pm. à granulations colorées très nombreux. Lcy. v. assez rares. Lcy. m. très rares. 40. — Sang pris 21 henres apres l’injection. Mème nombre de ley. que dans la préparation 9. Lcy. pm. prédominent. Ley. m., lcy. v. et transitions assez abondants. 41. — Sang pris 25 heures après l'injection. Même nombre des ley. Ley. pm., v. dont beaucoup à proto- plasma granuleux, coloré, Lcy. m. et transition vers Icy. v. Lcy. v. rares. i 198 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Expérience IL (suile). GoBayE E,. CoBave F. 42. — Sang pris 30 heures apres l'injection. Idem. 43. — Sang pris 50 ‘heures apres l'injection. Diminution du nombre des ley. Lcy. m. et transitions vers lcy. v. prédominent. Ley, pm. 14. — Sang pris,T8 heures aprés l'injection. Le sang est redevenu absolument normal. 15. — Sang pris 102 heures aprés l'injection. Idem, Expérience IV. — 8 novembre 1892. CogayEe J de 420 grammes 4. — Sang pris à l’animal normal. Nombre normal de ley. Ley. m. ley. v. et lcy. pm. également nombreux. Beaucoup de lcy. pm, ont des granulations fortement colorées. L'animal reçoit dans la cavité péritonéale 4 em? de culture vivante de vibrion de Melchnikoff, ägée de 4 jours. | 2. — Sang pris À heure apres l'injection. Extrêèmement peu de ley. Ley. m. avec transitions vers ley. v. Pas de lcy. pm, 3. — Sang pris 2 heures apres l'injection. Même absence presque totale de ley. Mèêmes caractères que dans préparation 2. Va L'animal meurt environ 12 heures aprés l'injection. L'intestin gréle et le péritoine pariélal sont trés rouges. Il y a un peu de sérosité dans lu cavité péritonéale. 4. — Sang pris dans le cœur quelques heures aprés la mort. Peu de ley. Ley. m. lcy. v. et transitions. 5. — Serosilé péritonéale. Très peu de ley. Lcy. v. MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 199 15 novembre 1892. CoBaye G;. 12. — Sang pris 30 heures apres l'injection. Idem. 13. — Sang pris 50 heures apres l’injeclion, Idem. 44. — Sang pris 18 heures apres lPinjection. Idem. Copaye H. 12. — Sang pris 30 heures apres l'injection. Diminution assez forte du nombre des ley. Lcy. pm. Ley. m. avec transitions vers Icy. v. presque aussi nombreux que Jcy. pm. Le sang a repris ses caractères nor- maux, 13. — Sang pris 50 heures apres l'injection. Diminution légère du nombre des ley. Caractères pareils à ceux du sang de la préparation 12. 14. — Sang pris 78 heures apres l’injection. Idem. 45. — Sang pris 102 heures apres l’injection, Idem. Le cobaye survit. Expérience V, — 6 avril 1892. Cogaye K de 850 grammes. 4. — Sang pris à l’animal normal. Nombre normal de ley. Ley. pm. à granulations colorées prédominent. Quelques-uns réunis en amas. Ley. m. et transitions vers Icy. v. Lcy. v. rares. L'animal recoit dans les muscles de la cuisse { cm3 de culture vivante de vibrion de Metchnikoff, peu virulente. Lo 2, — Sang pris 4 heures apres l’injection. Diminution très notable du nombre global des Icy. Ley. pm. et transitions entre lcy. m. et ley. v. également nombreux. Lcy. v. assez abondants. Ley. m. manquent. 3. — Sang pris 24 heures 1/2 aprés l'injection. (La cuisse du cobaye est gonflée.) Augmentation considérable du nombre des ley. Stades de transition entre ley, v. et lcy. pm. prédominent. Lcy. v. nombreux. 4. — Sung pris 50 heures apres l'injection, (E’œdème de lu cuisse a presque disparu. Diminution du nombre des Icy. Le sang a repris ses caractères normaux. L'animal survit. 200 Cosaye L de 810 grammes. Le cobaye L a été vacciné par 3 inocu- lations successives de vibrions de Metchni- koff, vivants mais peu virulents. 4. — Sang pris avant l'injection. Ley. très nombreux. Lcy. pm. à granulations colorées pré- dominent. Lcy. formant transilion entre Icy. m. etley. v. Ley. m. très rares. L'animal reçoit sous la peau du ventre 6cm3 de culture de vibrion de Metchnikoff, chauffée à 1000. 2.— Sang pris 19 heures apres l'injection. Même nombre global de Iey. Mêmes caractères que la préparation précédente. 3. —Sung pris #1 heures apres l’injection. Même nombre et mêmes caractères que le sang de la préparation 2. Le nombre des Icy. pm. à grosses granulations colorées a légèrement augmenté. Immédiatement apres celte prise de sang l'animal reçoit 4 cm3 de culture de vibrion de Metchnikoff chauffée à 1000. 4. — Sang pris 3 minutes aprés la 2e injection. Le sang présente les caractères de la préparation 3. 5. — Sang pris 26 heures apres la 26 injection. Le nombre des ley. reste le même. Ley. pm. à granulations colorées très abondants. Ley. m., lcy. v. et transitions très rares. 6. — Sang pris 40 heures apres la 26 injection. Augmentation du nombre des Icy. Ley. pm. avec granulations colorées, prédominent. Lcy. v. Lcy. m. et transitions vers ley. v. Immédiatement après la prise de sang, l'animal reçoit 0,5 cm3 de culture de vi- brion de Metchnikoff vivante et viru- lente. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Experience VI (suite). CoBayxe M de 830 grammes. Le cobaye M est neuf. 4. — Sang pris avant l’injection. Nombre normal de Iey. Lcy. pm. à granulations colorées pré- dominent. Lcy. m. et transitions vers lcy. v. Lcy. v. rares. L'animal reçoit sous lu peau du ventre 6 cm3 de culture de vibrion de Metchni- koff, chauffée à 1000. 2. — Sang pris 19 heures apres l'injection. Augmentation du nombre des ley. Lcy. pm. et transitions entre Icy. v. et Icy. pm. prédominent. Ils ont des granulations colorées. Lcy. v. assez nombreux. 3. — Sang pris 41 heures apres l'injection. Le sang a repris les mêmes caractères que celui de la préparation 1. Immédialement apres cette prise desang, l'animal reçoit kcm3 de cultures de vi- brions de Metchnikoff chauffée à 1000. 4. — Sang pris 3 minutes après la 2e injection. Le sang présente les caractères de la préparation 3. 5, — Sang pris 26 heures apres. la 2e injection. Augmentation du nombre des Iey. Transitions entre ley. v. et Icy. pm. très abondants. Ley. pm. à granulations colorées. Lcy. v. Lcy. m. et transitions xers lcy. v. 6. — Sang pris 40 heures apres la 2e injection. Augmentation du nombre des ley. Mèmes caractères que dans la prépa- ration 5. Immédiatement aprés la prise de sang, l'animal recoit 0,5 cm? de culture de vi- brion de Metchnikoff vivante et virulente. : “| | LY sil MODIFICATIONS DES LEUCOCŸTES. 201 2 avril 1892. CoBayxe L. 7.— Sang pris 4 heures apres l’inoculation. (La cuisse du cobaye ne présente rien de particulier.) Légère diminution du nombre des ley. Mêmes caractères que dans la prépa- ration 6. CoBayxe M. 7.— Sang pris 4 heures après l’inoculation. (La cuisse du cobaye est gonflée.) Les Icy. sont très rares. Ley. v. et transitions entre lcy. m. et Icy. v. Lcy. pm. 8. — Sang pris 17 heures apres l’ino- 8. — Sang pris 17 heures aprés l’ino- culation. Idem. 9. — Sang pris 42 heures apres l'ino- culation. Mèmes caractères que ceux du sang de la préparation 1. culation. (La cuisse est encore trés gonflée.) Le nombre des lcy. a augmenté, mais est encore très faible. Mêmes caractères que dans la prépa- ration précédente. 9. — Sang pris 42 heures apres l’inocu- lation. (La cuisse n’est plus que lége- rement gonflée.) Augmentation très notable du nombre des lcy. Ley. pm. à grosses granulations colo- rées prédominent. Ley. v. et transitions entre lcy. m. et Icy. v. INFECTION PAR LE BACILLE DU HOG-CHOLÉRA. Expérience VII. — 19 avril 1892. Lapix À de1,530 grammes. À — Sang pris à l'animal normal. Nombre normal de ley. Lcy. pm. et transitions entre lcy. m. et Icy. v. également abondants. Ley. v. Ley. m. très rares. L'animal reçoit sous la peau du ventre À cm3 de culture peu virulente de bacilles du hog-choléra. 2. — Sang pris 6 heures aprés l'injection. Diminution très consi- dérable du nombre des lcy. — Leurs caractères restent les mêmes que dans le sang de la pré- paration 1. Lai B de 1,510 grammes. 4. — Sang pris à l'animal normal. Nombre normal de Icy. Lcy. v. et transitions entre Icy. m. et Icy. v. prédominent. Ley. pm. un peu moins abondants. L'animal reçoit sous la peau du ventre 1 cm3 de culture peu virulente de bacille du hog-choléra : cetle culture est différente de celle qui est injectée au lapin À. 2. — Sang pris 6 heures aprés l’injection. Diminution légère du nombre des 1cy. Lcy. pm. prédominent, leur protoplasma est gra- nuleux, Ley. v. Ley. m. LapiN Cde 1680 grammes. 4. — Sang pris à l'animal normal. Le sang présente les mêmes caractères que le sang du lapin A. L'animal reçoit sous la peau du ventre 4 cm de culture très virulente de bacille du hog-cholera. 2. — Sang pris 6 heures apres l'injection. Diminution très consi- dérable du nombre des lcy. Les caractères sont restés les mêmes, mais il y a une légère augmenta- tion du nombre des Icy. m. 202 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Lapin A. 3. — Sangpris 22 heures 1/2 apres l'injection. Augmentation du nom- bre des lcy. Lcy. pm. prédominent. Ley. m. assez nom- 4.— Sang pris 30 heures 1/2 apres l'injection. Augmentation du nom- bre des ley. Ley. v.etlcy. pm. éga- lement abondants. Ley. m. 9. — Sang pris 48 heures apres l'injection. Le nombre des ley. a encore augmenté. Ley. pm. et transitions entre ley. v. et lcy. pm. Transitions entre ley. m. et ICy. v. Lcy. m. rares. Lcy. v. très rares. 6. — Sang pris 54 heures apres l’injection. Idem. T. — Sang pris T1 heures apres l’injection. Diminution du nombre des ley; les caractères restent les mêmes. 8. — Sang pris T8 heures apres l'injection. Idem. Lapix B. 3.— Sangpris22 heures 1/2 apres l'injection. Diminution considéra- ble du nombre des ley. Lcy. v. et Ilcy. pm. également abondants. Ley. m. 4. — Sangpris 80 heures 1/2 apres l'injection. Augmentation du nom- bre des lcy. Lcy. pm. et transitions entre Icy. m. et lcy. v. Ley. m. 9. — Sang pris 48 heures après l’injection. L'augmentation desley. perstste. Lcy. v. Transitions entre ley. m. et ley. v.et entre ley. v. et lcy. pm. 6. — Sang pris d4 heures apres l’injection. Légère diminution du nombre des Icy. Transitions entre Icy. m. et Icy. v. et entre ley. v. et lcy. pm. Lcy. v. T. — Sang pris T1 heures apres l'injection. Diminution du nombre des Icy; les caractères restent les mêmes. 8. — Sang pris 78 heures apres l’injection. Le nombre des lcy. a encore diminué. Lcy. pm. et transi- tions entre ley. v et Icy. pm. Lcy. v. presque aussi nombreux que les précé- dents. Expérience VIT (suite). Lapin C. 3 —Sangpris22heures 1/2 apres l’injection. Même nombre de ley. que dans la prépara- tion 2, Ley. m. et ley. v. pré- dominent. Lcy. pm. rares. 4. — Sang pris30 heures 1[2 apres l’injection. Le sang continue à s’appauvrir en Icy. Ley. m. Transitions entre ley, m. et Icy. v. Lcy. pm. Le lapin C. meurt envi. ron 4) heures après l’in- jection. à. — Sang pris 48 heures apres l’injection. (Ce sang est pris dans le cœur de l'animal mort.) Très peu de ley, Lcy. m., Icy. v. Transitions entre ley. v. et Icy. pm. Ley. pm. très rares, MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES, 19 avril 1892, Larix A de 1530 gram. 9. — Sang vris 95 heures apres l'injection. Le sang est redevenu normal. (Voir prépara- tion 1.) tion 1.) Lari B de 1510 gram. 9. — Sang pris 95 heures aprés l'injection. Le sang est redevenu normal. (Voir prépara- 203 Lapix C de 1680 gram. Expérience VIII. — 21 avril 1892. Larix D de 1,620 grammes. Le lapin D est neuf, 4, — Sang pris à l'animal normal. Nombre normal de Iey. cy. pm. et transitions entre lcy. m. et lcy. v. également nombreux. Ley. v. rares. L'animal reçoit dans la cavité périto- néale À cm3 de culture trés virulente de bacilles du hog-choléra, et sous la peau du ventre 0,5 cm? de la même culture. 9, — Sang pris 3 heures apres l'injection. Diminution du nombre global des ley. Ley. v. et transitions entre Icy. v. et lcy. pm. Quelques lcy. pm. à grosses granu- lutions colorées, 3, — Sang pris 19 heures apres l'injection. Le nombre des Icy. a encore décru. Ley. v. et transitions entre Icy. m. etlcy. v. prédominent. Ley. pm. rares. Le lapin neuf meurt 22 heures 1/2 aprés l’injection. La cavité péritonéale estremplie d'un pus épais. 4. — Sany pris dans le cœur immedia- tement aprés la mort, Très peu de ley. Lecy. v. et transitions entre Icy. m. et ley. v. et entre lcy. v. et Icy. pm. 3. — Pus de la cavité péritonéale. Lcy. pm. à granulations colorées for- tement prédominants,. Ley. v. et transitions entre ley, v, et ley. pm. ; Ley. m. manquent complètement. Larn E de 2,040 grammes. Le lapin E est vacciné. Il a été mis à notre disposition par M. Metchnikof]. 4. — Sang pris à l’animal normal. Le nombre des ley. est le même que chez le lapin D. Lcy. pm. à grosses granulations pré- dominent. Ley. v. et transitions entre ley. v. et lcy. pm. L'animal reçoit dans la cavité périlo- néale 1 cm3 de culture tres virulente de bacilles du hog-choléra, et sous la peau du ventre 0,5 cm3 de la même culture. 2, — Sang pris 3 heures après l’injeclion, Augmentation du nombre de ley, Lcy. pm. à granulations très colorées prédominent. Ley. v. Ley. m. 3, — Sang pris 19 heures apres l'injection. Augmentation du nombre des ley. Lcy. pm. avec granulations colorées prédominent. Ley. m. rares. 4. — Sang pris 25 1/2 heures apres l'injection. Diminution légère du nombre des ley. Lcy. pm. et transitions entre Icy. v. et lcy. pm. tous à granulations colorées. Lcy. v. un peu moins nombreux. Lcy. m. très rares, 5. — Sang pris 43 heures aprés l'injection. Idem. 204 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. INFECTION PAR LE STAPHYLOCOCCUS PYOGENES AUREUS. Expérience IX. — 14 avril 1892. CoBaye N de 385 grammes. 4. — Sang pris à l'animal normal. Nombre normal de Iey. Lcy. pm. à granulations colorées et lcy. v. également abondants. Ley. m. Le cobuye N reçoit dans les muscles de la cuisse 0.5 cm° de culture de staphy- lococcus pyogenes aureus. 2.— Sang pris 5 heures 1/2 aprés l'injection. Idem. 3. — Sang pris 22 heures 1/2 aprés l’injeclion. Le nombre des Icy. n’a pas varié. Lcy. pm. Ley. m. Ley. v. 4. — Sang pris #8 heures apres l’injeclion. Le nombre de ley. n’a pas changé. Ley. pm. Lcy. m. Ley. v. rares. LapiN F de 1500 grammes, 4. — Sang pris à l’animal normal. Nombre normal de ley. Ley. pm. à protoplasma granuleux. Transitions entre Icy. m. etlcy. v. un peu moins nombreux. Ley m. Ley v. Le lapin F. reçoit dans les muscles de la cuisse 1 cm3 de culture de slaphylococ- cus pyogenes aureus. 2,— Sang pris 5 heures|/2 apres l’injeclion. Idem. 3. — Sang pris 22 heures 1/2 apres l'injection. Le nombre global des lcy. n’a pas varié. Lcy. v. prédominent. Ley. m. etlcy pm. L'animal meurt environ 40 heures apres l’injection. 4. — Sang pris dans la veine cave in/e- rieure 48 heures aprés l'injection. Très peu de ley. Ley. m. Ley. v. Lcy. pm. très rares. Expérience X. — 16 avril 1892. Lapin G de 1800 grammes. 4. — Sang pris a l'animal normal. Nombre normal de ley. Ley. v.et transitions entre ley. m. et lcy. v. prédominants. Lcy. pm. et lcy. m. rares. Le lapin reçoit dans la veine externe de l'oreille 1 cm3 de cu'ture de staphylococeus pyogcnes aureus, 9. — Sang pris 8 heures apres l'injection. Augmentation du nombre des lcy. Lcy. pm. avec granulations. Lcy v. et transitions entre ley. v. et ley. pm. Transitions entre Icy. m. etley v. 3. — Sang pris 25 heures 1/2 apres l'injection. Même nombre de lcy. La plupart sont Icy. pm. souvent réunis en amas. Ley. v. et lcy. m. beaucoup plus rares. 4. — Sang pris 31 heures 1/2 apres l’injection. Idem. 5. — Sang pris 49 heures 1/2 apres l'injection. Augmentation notable du nombre des ley. Lcy. pm. avec granulations colorées dominent. Ley. v. et transitions entre Iey. m. et lcy.v. ad MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 205 6. — Sang pris 55 heures apres l'injection. Même nombre de ley. Ley. pm. et transitions entre ley. v. et Icy. pm. prédominent Lcy. v. 7. — Sang pris 12 heures aprés l'injection. Même état. INFECTION PAR LE BACILLE DU CHARBON Expérience XI. — 14 avril 1892. Lapix H de 2,670 grammes. Ce lapin est vacciné contre le charbon. IL a été mis à notre disposition par M. Metchnikoff. 4. — Sang pris à l’animal normal. Ley. très nombreux. Ley. pm. à granulations colorées, prédominent fortement. Lcy. m. Lcy. v. rares. Le lapin reçoit dans la veine externe de l'oreille 1 cm3 de culture de charbon virulent. 2.— Sang pris 15 heures aprés l'injection. Très légère diminution des ley. Lcy. pm. et transition entre Icy. v. et lcy. pm. Transition entre Icy. m. et Icy. v. Lcy. m, rares. 3. — Sang pris 38 heures apres l'injection. Même nombre de Icy. Ley. pm. prédominants. Transitions entre Ilcy. m. et Icy. v. presque aussi nombreux. Lcy. m. rares. Expérience XII. — CoBaye B,, de 775 grammes. Le cobaye B; est vacciné contre le vi- brion de Metchnikoff (voir Exp. 1) et a subi l’inoculation d'épreuve. (voir Exp. n). À. — Sang pris à l'animal normal. Beaucoup de Icy. Lcy. pm. prédominent. Lcy. v. Lecy. m. rares. Le cobaye B, recoit duns la cavite péri- tonéale 2 cm3 d’une culture de secondvaccin charbonneux. LariN J de 1,550 grammes, Ce lapin est neuf. 4. — Sang pris à l'animal normal. Nombre normal de ley. Lcy. pm. et formes de transition entre lcy. m. et Ilcy. v. et centre Iley. v. et lcy. pm. en nombre égal. Ley. v. etley. m. plus rares. Le lapin reçoit dans la veine externe de l'oreille 1 cm? de culture de charbon vi- rulent. 2.— Sang pris 15 heures aprés l'injection. Diminution manifeste du nombre des lcy. Lcy. pm. à granulations colorées. Lcy. m. Lcy. v. Le lapin meurt environ 20 heures aprés l'injection. 3. — Sang pris dans le cœur du lapin mort. Mêmes caractères du sang que dans la préparation 2. 19 décembre 1892. Cosaye O de 395 grammes. Le cobaye O est neuf. 1. — Sang pris a l'animal normal. Nombre normal de ley. Transitions entre ley. m. et lcy. v. prédominent d’une façon très manifeste. Lcy. pm. peu nombreux, Lcy. m. Ley. v. très rares. Le cobaye O reçoit dans la cavité péri- tonéale 4 cm3 1/2 d'une cullure de second vaccin charbonneux. 206 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. CoBave B;. 2, — Sang pris 5 minutes apres l’injection. Forte diminution du nombre des ley. Ley. m. Ley. v. rares. Ley. pm. très rares. 3. — Sang pris 30 minutes apres l'injection. Idem. 4. — Sang pris À heure aprés l'injection. Légère augmentation du nombre des lcy: Lcy. pm. prédominent. Ley. m. en nombre presque égal à celui des Icy. pm. Transitions entre ley. m. et Icy. v. rares. 5. — Sang pris 2 heures aprés l’injeetion. Le nombre global des Icy. n'a pas varié. Lcy. pm. Ley. m. et lcy: v. très rares. 6. — Sang pris 4 heures aprés l'injection Idem. 7. — Sang pris 6 heures après l'injection. Le nombre et les caractères des lcy. sont les mêmes que dans la prépara- tion 5. Mais la proportion des lcy. pm. est encore devenue plus forte. 8. — Sang pris 9 heures aprés l’injection. Idem. 9,— Sangpris 43 heures aprés l'injection. Le nombre global des ley. n’a pas varié. Ley. pm. tout à fait prédominants. Lcy. v. Expérience XIT (suite. CoBayEe O. 2. — Sang pris 5 minutes apres l'injection. Légère diminution du nombre des ley. Lcy. m. et 1cy. v. prédominent, Lcy. pm. rares. 3. — Sang pris 30 minutes aprés l’injection. Légère diminution du nombre des ley. Ley. v. Lcy. m. Ecy. pm. 4. — Sang pris 1 heure apres l'injection. Idem. 5, — Sang pris 2 heures apres l'injection. Augmentation légère du nombre des Ilcy. Lcy. pm. et transitions entre Icy. v. et Icy. pm. prédominent. Les Icy. pm. sont souvent réunis en petits amas. Ley. m. et Icy. v. rares. 6. — Sang pris 4 heures apres l'injection. Même nombre de Icy. que dans la préparation b. Transitions entre ley. v. et ley. m. Lcy. pm. en nombre presque égal. Lcy. m. très rares. 7. — Sang pris 6 heures après l'injection. Légère augmentation. Lcy. pm. prédominent. Lcy. v. Ley. m. très rares. 8.— Sang pris 9 heures aprés l’injection. Forteaugmentation dunombre desley. Lcy. pm. à granulations colorées pré- dominent. Ley. v. et transitions vers Icy. pm. Ley.m.ettransitions vers lcy. v.rares. 9.— Sang pris 13 heures aprés l'injection. Le nombre des lcy. n’a pas varié. Lcy. pm. et transitions entre lcy. v. et Icy. pm. Lcy. m. Ley. v. "A : MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES. 19 décembre 1892. CoBayxe B;. 10. — Sang pris 23 heures apres l'injection. Idem. 11. — Sang pris 28 heures apres l'injection. Idem. 12. — Sang pris 33 heures apres l'injection. Le nombre des ley. diminue un peu. Ley. pm. Lcy. m. et lcy. v. 43. — Sang pris 49 heures apres l'injection. Très peu de ley. Ley. v. et ley. pm. 44, — Sang pris 51 heures apres l’injection. Très peu de ley. Lcy. m. prédominent fortement. Lcy. v. Lcy. pm. rares. 45. — Sang pris 16 heures aprés l'injection. Le nombre des ley. a beaucoup aug- menté. Ley. pm. prédominent. Ecy. m. et lcy. v. 6. — Sang pris 104 heures aprés l’injec- tion. Le cobaye B; est trés malade, les oreilles sont froides, le sang s'écoule avec peine. Leucocytes très nombreux. Lcy. pm. existent presque seuls. Lcy. m. et Icy. v. rares. Pas de bacilles dans le sang. L'animal meurt environ 115 heures apres l'injection. La cavilé périlonéale con- tient beaucoup de sérosilé. A7. — Sang pris dans le cœur. Mêmes nombre et caractères des Icy. que dans la préparation 16, 207 CoBayxe O0. 10, — Sang pris 23 heures aprés l'injection. Légère diminution des lcy. Ley. pm. etley. m. en nombre égal. Ley. v. 11. — Sang pris 98 heures aprés l'injection. Légère diminution des ley. Ley. pm. Transitions entre ley. m. et ley.v. en nombre presque égal à celui des l£y. pm. 12. — Sang pris 33 heures apres l'injection. Légère augmentation du nombre des lcy. Transition entre ley. v. et lcy. pm. Lcy. pm. Leys ve 43. — Sang pris 49 heures aprés l'injection. Diminution légère du nombre des ley. Ley. v., lCy. m. et transitions. Ley. pm. 1%. — Sang pris 57 heures apres l'injection. Diminution très notable du nombre des ley. Ley. m. et transitions vers ley. v. prédominent manifestement. Lcy. pm. 15. — Sang pris T6 heures apres l’injection. Idem. 16. — Sang pris 104 heures apres l’in- jection. Le cobaye O est très malade, les oreilles sont froides, le sang s'écoule avec peine. Diminution du nombre des lcy. Ley. m. et transitions vers Icy. v. Lcy. pm. rares, souvent réunis en amas. | L'animal meurt environ 410 heures aprés l'injection. Il présente un ædème con- sidérable de la paroi abdominule. 17. — Sang pris dans Le cœur. Très peu de ley. Transitions entre lcy. v. et Icy. pm. Ley. v. et transitions entre Icy. m. et ley. pm. 208 CoBaye B;. 18. — Sérosilé abdominale. Lcy. pm. existent presque seuls. Lcy. m., ICy. v. Beaucoup de bacilles. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Expérience XII (suite). CoBAyE 0. Ley. m. et lcy. pm. Il y a beaucoup de bacilles dans le sang. Quelques-uns sont englobés par les leucocytes pm. | Sérosité de l’œdème. Enormément de ley. et de bacilles. Lcy. pm. et transitions entre Icy. v. et lcy. pm. Beaucoup d’entre eux avec granulations colorées. Ley. v. et Icy. m. INFECTION PAR LE BACILLE DU TÉTANOS Expérience XIII. — 19 décembre 1892. LariN K de 2,560 grammes. Le lapin R est neuf. 1.— Sangpris sur l’animal normal. Nombre normal de lcy. Ley. pm. à protoplasma granuleux coloré. Transition entre lcy. m. m.etlcy. v. presque aussi nombreux que lcy. pm. Ley. v. et transitions vers 1Ccy. pm. Le lapin K reçoit dans la cavité périlonéale 2 cm d'une culture du bacille du télanos tres atlénue par la conservation. 2. — Sang pris à minutes aprés l'injection. Même nombre global de ley. - Ley. m. et transitions vers lcy. v. Lcy. pm. dont un grand nombre avec des granu- lations colorées. Lcy. v. 3. — Sang pris 30 minutes apres l’injection. Légèreaugmentation du nombre des Icy. Lcy.pm.très nombreux, dont beaucoup avec gra- nulations colorées. CoBaye A,;, de 4,160 gr. Le cobaye À; a été vac- ciné contre le vibrion de Metchnikoff. (Voir Exp. 1) Il a subi l’inoculation d'é- preuve. (Voir Exp. 11.) 1.— Sang pris sur l'animal normal. Nombre normal de Icy. Lcy. pm. prédominent fortement. Beaucoup d’en- tre eux ont de grosses granulations très colo- rées. Ley. m. et ley. v. Le cobaye À; reçoit dans la cavité péritonéale 1/2 cm3 d’une culture du bacille du telanos trés allénué par la conservalion. 2. — Sang pris 5 minutes apres l’injection. Peu de Iey. Ley. m., ley. v. et lcy. pm. en nombre égal. On ne trouve plus de granu- lations dans les lcy. pm. 3. — Sang pris 30 minutes apres l’injection. Le nombre des ley. est légèrement augmenté. Ley. pm. prédominent; plusieurs ont des granu- lations colorées. CoBaye E,, Le cobaye E; a reçu antérieurement une injec- tion de culture filtrée de vibrion de Metchnikoff. (Voir Exp. 1.) 1.— Sang pris sur l'animal normal. Nombre normal de ley. Ley. pm. prédominent légèrement; quelques-uns ont des granulations co- lorées. Le cobaye E; reçoit dans la cavité péritonenle 1/2 cm3 d'une culture du bacille du lélanos très atténué par la conservulion. 2. — Sang pris 5 minules aprés l’injection. Le nombre des Icy. a diminué. Lcy. pm. légèrement prédominants. Ley.m.avectransitions. Lcy. v. très rares. 3. — Sang pris 30 minules apres l’injection. Peu de ley. Ley. m. et Icy. v. Lcy. pm. très rares. 0 de 665 gr. MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES, 209 Expérience XIII (suite). - 19 décembre 1892. Larix K. Lcy. m., ley. v. et tran- sitions. Il existe un assez grand nombre de Icy. à gros noyau vésiculeux, peu coloré et avec une couche de protoplasma très pâle. 4. — Sang pris 1 heure apres l'injection. Idem. 5. — Sang pris 2 heures aprés l'injection. Même nombre global de ley. Ley. pm. plusnombreux que dans la préparation précédente. Ley. v. Lcy. m. rares. 6. — Sang pris 4 heures apres l'injection. Augmentation du nom- bre des Iey. Ley. pm. prédominent. Fey m-eIcy0v =et transitions entre ley. v. et lcy. pm. On rencontre beaucoup de ley. pm. désagrégés. 7. — Sang pris 6 heures apres l'injection. Idem. 8. — Sang pris 9 heures apres l'injection. Idem, CoBayE À. Ley. m. Ley. v. 4. — Sang pris À heure apres l'injection. Les ley. présentent les mêmes caractères, mais les Icy. pm. ne sont plus granuleux. 5. — Sang pris 2 heures après l'injection. Idem. 6. — Sang pris 4 heures aprés l’injeclion. Augmentation du nom- bre des ley. Ley. pm. prédominent. Ley. m. Ley. v. 7. — Sang pris 6 heures apres l'injection. Idem. 8. — Sang pris 9 heures aprés l'injection. Même nombre global de lcy. Lcy. pm. avec granula- lations prédominent. Ley. m.,lcy. v. et tran- sitions sont très rares. Il y a quelques ley. à gros noyau vésiculeux peu coloré et avec une cou- che de protoplasma très pèle analogues à ceux qui se trouvent dans le sang de la préparation 3 du lapin K. Cosaye E.. 4. — Sang pris À heure aprés l'injection. Idem. 5. — Sang pris 2 heures apres l'injection. Le nombre des ley. n’a pas varié. Les Icy. pm. existent presque seuls. 6. — Sang pris 4 heures apres l'injection. Légère augmentation du nombre des ley. Lcy. pm.existent pres- que seuls, ils sont souvent réunis en amas. 1. — Sang pris 6 heures apres l’injection. Idem. 8.— Sang pris 9 heures apres l'injection. Le nombre des lcy. est augmenté. Lcy. pm. existent seuls. 14 210 Lapin K. 9. — Sang pris 13 heures apres l'injection. Augmentation considé- rable du nombre de ley. Ley. pm. Lcey. v. et transitions vers 1Cy. pm. Lcy. m. et transitions vers lCy. pm. très rares. 10. — Sang pris 23 heures apres l'injection. Idem. 41. — Sang pris 98 heures apres l’injection. Même nombre de lcy. Lcey, pm. dont beau- coup avec granulations très colorées. Transitions entrelcy. v. et Icy. pm. Transitions entre ley. m. et Icy. v. rares. 12, — Sang pris 33 heures apres l’injection. Même nombre de ley. Ley. pm. prédominent fortement. Lcy. v. 43. — Sang pris 49 heures apres l'injection. Même nombre de Icy. Ley. pm. prédominent légèrement. Transitions entre ley. m. et ley. v. nombreuses. Lcy. v. Lcy. m. CoBayE A. 9. — Sang pris 13 heures aprés l'injection. Même nombre global de Icy. Ley. pm. Ley. m. avec quelques stades de transition vers 1cy. v. Quelques cellules à gros noyau peu coloré. (Voir préparation 8.). 40. — Sang pris 23 heures aprés l'injection. Même nombre de Icy. que dans la préparation 9° Ley. pm. Lcy. m. rares. Il ya encore quelques Icy. à gros noyau peu coloré. 41. — Sang pris 98 heures aprés l’injection. Augmentation du nom- bre des ley. Ley. pm. existent pres- que seuls. Transitions entre ley. im, et lcy. v. rares. 42. — Sang pris 33 heures apres l'injection. Même nombre de ley. Ley. pm. existent pres- que seuls. Ley. m. rares. 43. — Sang pris 49 heures après l’injection. Idem. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Expérience XIII (suite). CoBAYE E,. 9. — Sang pris 13 heures apres l'injection. Le nombre des Icy. a diminué. Ley. pm. et ley. m. en nombre égal. 10. — Sang pris 23 heures aprés l’injection. Très peu de ley. Ley. pm.existent seuls. A1. — Sang pris 28 heures aprés l’injection. Idem. 19. — Sang pris 33 heures après l’injection. Augmentation du nom- bre des Iey. Lcy. m. prédominent. Ley. pm. un peu moins abondants. Ley. v. rares. Ce cobaye meurt environ 40 heures apres l'injection. Le sang pris dans le cœur ne se laisse pas colorer. Impossible de l’étudier. MODIFICATIONS DES LEUCOCYTES, 19 decembre 1892. Lapix K. 14. — Sang pris 57 heures apres l’injection. Le sang a repris les caractères qu'il avait avant l'injection. (Voir préparation 1.) 15. — Sang pris 16 heures apres l'injection. Idem. 16. — Sang pris 122 heures apres l'injection. Idem. 17.— Sang pris 143 heures apres l’injeclion. Idem. 18. — Sang pris 171 heures apres l’injeclion. Idem. 19. — Sang pris 197 heures aprés l'injection. Idem, CoBAYE A. 14. — Sang pris 57 heures aprés l’injection. Le nombre desley.reste le même. Ley. pm. existent pres- que seuls, tous sont plus ou moins chargés de grosses granulations très colorées. Ley. m. très rares. 45. — Sang pris 16 heures aprés l'injection. Idem. 16. — Sang pris 122 heures après l'injection. Même nombre de ley. Lcy. pm. prédominent, ils ont les mêmes carac- tères que dans la prépara- tion 14. Ley. m. et lcy. v. très rares. Le cobuye À; a les mem- bres postérieurs tétanises. Il meurt environ 136 heures après l’injeclion. 17. — Sang pris dans le cœur. Diminution très notable du nombre des ley. Ley. pm. prédominent. Ils ont les mêmes carac- tères que dans la prépa- ration 14. Ley. m. et Iey. v.-très rares. CopayE E,. INJECTION DE BACILLUS MYCOIDES Expérience XIV. — 19 décembre 1892. Larix L, de 2,620 grammes. 4. — Sang pris à l'animal normal. Nombre normal de Icy. Ley. m. Ley. pm. à granulation coiorées. CoBayE G,. 214 Le cobaye G, à reçu aniérieurement une injection de culture filtrée de vibrion de Metchnikoff. (Noir Exp. nr.) 1. — Sang pris sur l'animal normal. 212 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Expérience XIV (suile). — 19 décembre 1892. Lapin L. Ley. v. et transitions entre Icy. m. et ICY: v. e Le lapin reçoit dans la cavité périto- néale 20 cm3 de culture vivante de B. mycoides. 2. — Sang pris 5 minutes apres l’injeclion. Idem. 3.— Sang pris 30 minutes apres l'injection. Très légère diminution du nombre des ley. Lcy. pm. à granulations colorées. Ley. m. Ley. v. ettransitions entre ley. m.et lcy. v. 4. — Sang pris 1 heure apres l'injection. Augmentation du nombre des ley. Lcy. pm. existent presque seuls, beaucoup d’entre eux à granulations colorées. 5. — Sang pris 2 heures aprés l'injection. Idem. 6. — Sang pris 4 heures aprés l'injection. Idem. 1. — Sang pris 9 heures apres l'injection. Le nombre des ley. diminue. Ley. pm. sans granulations. Ley. v. Lcy. m. 8. — Sang pris 13 heures apres l'injection. Le sang est redevenu normal. CoBayE G,. Nombre normal de ley. Lcy. pm. à granulations fortement colorées. Ley. m. Transition entre Icy. m. et Icy. v. Lcy. v. Le cobaye reçoit dans la cavilé périlo- néale 5 cm3 de culture vivante de B. my- coïdes. 2. — Sang pris à minules aprés l'injection. Diminution légère du nombre des lcy., principalement des ley. pm. 3.— Sang pris 30 minutes apres l’injeclion. Augmentation légère du nombre des lcy., surtout des lcy. pm. qui forment de nombreux amas. 4. — Sang pris 1 heure apres l'injection. Le nombre des ley. est revenu à la normale (voir préparation 1), mais le nombre des Icy. pm. et des transitions entre ley. m. et Icy. v. a augmenté. 5. — Sang pris 2 heures apres l'injection. Idem. 6. — Sang pris 4 heures après l'injection. Idem. 7. — Sang pris 9 heures apres l'injection. Le sang est redevenu normal. RECHERCHES SUR LES MICROBES ACÉTIFIANTS Par M. WERMISCHEFF. En éclairant le mystère de l’acétification, le travail classique de M. Pasteur a soulevé une multitude de problèmes que l’on peut essayer d'aborder par les méthodes de la bactériologie moderne, et dont quelques-uns présentent, outre leur intérêt scientifique, une véritable importance industrielle. À quoi tien- nent par exemple les difficultés que l’on rencontre à régulariser la marche d’une vinaigrerie ? La semence qu’on transporte de cuve en cuve est-elle homogène ou composée de plusieurs espèces vivantes ? Il y a une forme de développement en voile mince et plissé; une autre en pellicules grasses et épaisses ; celles-ci peuvent-elles provenir d’une transformation du microbe en voile, sous l'influence de la vieillesse ou des conditions d'alimentation? Ces productions ‘différentes appartiennent-elles au contraire à des microbes différents ? C'est une question que j'ai commencé à étudier, et je publie mes premiers résultats dans cette note préliminaire. Je suis parti d'un ferment obtenu par le procédé de M. Pasteur, c’est-à-dire en exposant à l’air, dans une étuve à 20-22°, un mélange de vin rouge, d’eau et de vinaigre. Un voile se forme. Pour séparer les espèces qu'il peut contenir, je les sème sur de l’eau de levure alcoolisée à 3 ou 7 0/0, acidulée avec 1 à 2 millièmes d’acide acétique, etadditionnée de 10 0/0 de gélatine, de façon à donner un milieu solide qu’on stérilise par trois chauffages à 100 espacés de 24 heures. On obtient, en diluant suffisamment la semence, des colonies isolées sur lesquelles on prend des semences nouvelles qu'on soumet de nouveau à la même méthode de séparation. Je suis arrivé ainsi à obtenir des colonies que je pouvais considérer comme provenant chacune d’un seul germe, mais qui présentaient des aspects assez variés que j'ai pu ranger sous les six types suivants : 214 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 1° Colonies rondes, plates, minces, un peu brunes à un faible grossissement, homogènes d'aspect et mates, avec un aspect un peu chagriné ; 20 Colonies identiques aux précédentes, sauf que le milieu est plus coloré que les bords ; 3° Colonies transparentes, presque brillantes, en mamelon entouré d’une petile dépression dans la surface de la gélatine; 4° Coloniesd’aspectbrillant, rondes, presque noires au bord, brunes au centre, n’ayant plus du tout l'aspect chagriné ; 5° Colonies rondes, brunes, brillantes, ayant la forme d’un bourrelet déprimé en son centre, lequel souvent n’est pas rond, mais crénelé ; 6° Colonies diffuses plus ou moins rondes, blanchâtres, res- semblant à une goutte de lait diluée dans le milieu gélatinisé. Au microscope leur surface est brune, transparente, mais comme couverte d’un feutrage indistinct. Ces colonies sont assez sou- vent à une petite profondeur au-dessous de la surface. Toutes ces colonies, prises sur des vases de Petri, ont été ensemencées avec les précautions requises dans des matras Pasteur contenant du vin blanc ordinaire dilué de son volume ou des 2/5 de son volume d’eau. J’ai obtenu partout une acétification active; mais il s’est révélé des différences remarquables dans l'aspect macroscopique des matras ensemencés. Dans les uns, le liquide est devenu trouble et a donné au bout de quelques jours un dépôt farineux; dans d’autres, j'avais le voile mince bien connu, grimpant le long des parois, et sur- nageantunliquidetrès limpide; dans une troisième série, leliquide enrestantlimpide,se couvrait ou seremplissaitde flocons glaireux. Ces trois formes persistent après des séries d’ensemence- ments successifs sur milieu liquide et solide, et en les comparant avec les six types de colonies formées sur gélatine alcoolisée, j'ai vu que les types 1, 2, 3, 4 et 5 donnaient toujours les cul- tures à liquide limpide et à pellicule cireuse, ou bien le liquide trouble avec dépôt farineux. Une semence provenant de l’une de ces cultures donnait indifféremment les cinq types de colonies sur gélatine; l'aspect microscopique des microbes est d’ailleurs partout le même, de sorte que les différences observées tien- nent à des différences dans le mode ou les conditions de déve- loppement sur le milieu solide. ."SL# RECHERCHES SUR LES MICROBES ACÉTIFIANTS. 215 Comment expliquer alors Les deux formes de développ emen des cinq premiers types? Il est facile de voir que le voile mince superficiel sur liquide limpide, et le précipité farineux dans un liquide trouble dérivent l’un de l’autre. On peut, en partant d’une culture à voile, arriver, par des ensemencements successifs, àune culture à précipité, et inversement. En agitant une culture à voile, on disloque la pellicule superficielle, et elle tombe en flocons qui troublent le liquide et forment au fond le précipité farineux. Il m'a paru qu’en vieillissant, la pellicule entrait plus facilement en suspension dans le liquide, et je sais qu’à Orléans, dans la fabrique où est mis en œuvre le procédé de M. Pasteur, on ne laisse jamais vieillir la couche acétifiante sur le liquide, de peur de lui enlever sa limpidité. Au contraire des cinqpremiers types de colonies, quidonnaient presque indifféremment les deux formes de développement que je viens d'étudier, le sixième type m'a toujours donné la peau glaireuse à la surface. Cette peau s’y épaissit, tombe; à sa place il s’en forme une autre, tantôt reliée à la précédente, tantôt isolée, et le liquide entier finit par se remplir de masses glai- reuses et assez résistantes pour qu'on puisse les manier. C’est la forme de peau ou de mère du vinaigre si connue dans l'industrie. J'ai eu beau faire varier la composition chimique des liquides, les conditions d'aération, de température : celte forme se repro- duit toujours identique à elle-même. M. Brown’ a constaté le premier que ces productions glai- reuses se colorent en bleu quand on fait agir successivement sur elles l’acide sulfurique et la teinture d’iode. Il les a appelées du nom de bacterium xylinum. Celles que j’obtenais se comportaient de même, tandis qu'il m'était impossible de produire la mème réaction avec les pellicules de mes deux premières formes de développement. Ces masses glaireuses m'ont paru se développer plus vite que les formes en voile, surtout lorsque l’air ne se renouvelle pas facilement à la surface des liquides. Il est évident qu'elles absorbent aussi de plus fortes proportions des éléments nutritifs. Au point de vue de leur puissance acétifiante, il n’est pas sûr qu'elles soient inférieures à la forme en voile, et si l’industrie les redoute, c’est pour d’autres raisons. Quoi qu’il en soit de ces 1. On an acetic ferment which forms cellulose. Journ. chem. Soc., 1886, p. 482. 216 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. points sur lesquels je reviendrai, voyons si ces différences dans l'aspect des colonies et les formes de développement se retrouvent dans la forme des microbes. IT. — MoRPHOLOGIE. Le microbe donnant les voiles minces surnageant un liquide transparent et les précipités farineux au fond d’un liquide trouble, ressemble tout à fait, pourses formes etses dimensions, à l'être que M. Pasteur a décrit et figuré sous le nom de ferment acétique. Ce sont des bactéries étranglées en leur milieu et pou- vant se présenter, surtout lorsqu'elles sont vieilles, sous forme de micrococcus ou de diplococcus. Elles sont entourées d’une enveloppe glaireuse, d'aspect brillant, qui devient surtout visible quand on colore au bleu de méthylène ou au dahlia. Le microbe se teint en bleu foncé, l'enveloppe prend une nuance plus claire. On observe parfois des chapelets dont quelques grains, surtout ceux des extrémités, sont gonflés. Parfois aussi, dans une même chaîne, la division en articles, très nette sur une partie de la longueur, devient indistincte sur d’autres, de sorte qu’on a des formes bacillaires plus ou moins allongées. Les articles isolés possèdent ce balancement sur place qui a été noté par Knierim et Mayer ‘. Quant au microbe des peaux gélatineuses, il est difficile à observer dans la masse dont il fait partie. Il faut pour cela prendre une pellicule glaireuse jeune et aussi mince que pos- sible, la laver à l’eau, puis avec de la potasse étendue, puis à l'acide chlorhydrique dilué. Ces traitements l’amincissent : on la dessèche et on la colore aux couleurs d’aniline. Sur les bords de préparation, on voit des bâtonnets de couleur foncée, courts, serrés l’un contre l’autre dans la masse cellulosique qui les englobe. Mais un examen plus attentif montre que ces bâtonnets sont formés de chaînes de coccus que le traitement a condensés et serrés étroitement. Ces coccus se voient très nettement quand on examine un fragment imperceptible de la pellicule glaireuse, 1. Sur les causes de la fermentation acétique. Landrw. Versuchstat, t. XVI, 1873. Voir aussi sur le même sujet Hansen, dans les Comptes rendus du laboratoire de Carlsberg, et Brown, L, c., et Action chimique de cultures pures de myc. aceti- Journal chem. Soc., 1886, p. 172. LS à. RECHERCHES SUR LES MICROBES ACÉTIFIANTS. 217 même sans coloration. Ils sont un peu plus allongés que les coc- cus de la forme en voile. Ces coccus peuvent comme les précédents donner des fila- ments, et je suis d'accord avec M. Brown sur ce fait qu'il n’y a pas alors de renflements irréguliers le long du chapelet. Il y a donc au moins deux formes de ferment acétique dans mes expériences. Faut-il les assimiler au B. aceti et B. pasteuria- num décrits par Hansen? Je n'ai pas pu réussir la réaction indiquée par ce savant, celle de la teinture d’iode qui colore l’un en jaune, l’autre en bleu. Il y a d'ailleurs sans doute de très nombreuses espèces de ferment acétique. Ainsi je n’ai jamais rencontré dans mes essais ces pellicules demi-solides, couvertes de bosselures assez régulières, qui donnent à la surface du liquide l'apparence d'un rayon de miel, et que M. Duclaux a décrites autrefois ‘. Cette question de la fermentation acétique aurait besoin d’être étudiée de plus près qu’elle ne l’a été jusqu'ici. 1. Microbiologie, p. 594. REVUES ET ANALYSES J. Korzrar. La morphologie du Microsporon furfur, Vratch., 1892, n° 42, p. 1055. En 1846 Eichstedt démontrait la présence, dans la pityriasis versicolor, d’un champignon particulier qui reçut plus tard de Robin e nom de macrosporon furfur, et que l’on s'accorde depuis, à peu près généralement, à considérer comme le véritable agent de cette affection. Bien que ce microorganisme ait été l’objet d’assez nombreux travaux, on n'avait pu obtenir jusqu'ici de cultures dans des milieux artificiels. Du moins tous les résultats obtenus dans cet ordre d'idées parais- saient-ils sujets à contestation. L'auteur a été favorisé dans son travail par une circonstance for- tuite et passablement désagréable : il était atteint lui-même de l’affec- tion en question. M. Kotliar opère comme suit. Les squames qui se forment sur les endroits atteints de la peau du cou et de la poitrine, sont transplantées directement dans de la gélose glycérinée à 5 0/0 que l’on coule ensuite dans des boîtes de Pétri (il faut se garder de laver préalablement la peau avec de l’alcool et de l’éther, ce qui amènerait la mort de tous les microorganismes contenus dans les squames). On obtient, à côté de nombreuses colonies de bactéries, de rares colonies du champi- gnon. L’expérience ne réussit pas toujours ; bien souvent, le champi- gnon est étouffé par des bactéries dont le développement est plus vigoureux. Par contre, une fois isolé et transplanté dans un nouveau milieu, le microsporon se développe aisément et rapidement. La nature parasitaire du microbe a été établie de la manière sui- vante. On frotte soigneusement un endroit préalablement rasé de la peau d’un lapin avec une certaine quantité de la culture. Un bandage aseptique est appliqué par-dessus. On l’enlève huit jours plus tard, et l'endroit en question se trouve couvert de taches jaunâtres faisant saillie au-dessus de la peau. Ce dernier phénomène est même plus marqué que chez l’homme, ce que M. Kotliar explique par le fait que REVUES ET ANALYSES. 219 chez ce dernier les couches supérieures s’usent continuellement par le frottement. Sous le microscope, la matière de la tache présente l'aspect habituel de la pityriasis. On y remarque notamment les petits pelotons caractéristiques composés de conidies du micros- poron. Des cultures identiques ont été obtenues par l’auteur à l’aide de squames provenant de deux autres personnes atteintes de pityriasis. M. Kotliar a cultivé le champignon dans du bouillon glycériné à 5 0/0, acide ou alcalin, dans de la gélatine peptonisée et glycérinée à 10 0/0, acide ou alcaline, dans de la gélose alcaline glycérinée à 5 0/0, ainsi que sur pomme de terre et sur chou-rave. La réaction du milieu ne paraît exercer aucune influence sur le champignon, qui se développe également bien en présence d'acides ou d’alcalis. Son développement est rapide à 35-36° ; il se ralentit à la température ordinaire. Les cultures présentent un aspect très différent selon le milieu. Celles faites dans de la gélatine sont particulièrement caractéristiques et permettent de reconnaître aisément le Microsporon. Ensemencé à la surface de la gélatine, le champignon pousse tout d’abord en profondeur, en formant un creux, tapissé d’une masse mycélienne de couleur jaune claire. Plus tard, du fond de ce creux s’élève le thalle du champignon en proéminences de formes variées. Ensuite, la sur- face se plisse en bourrelets. Par contre, l'aspect de la culture par piqûre ne présente rien de particulier. Dans une très complète description morphologique du micros- poron furfur, l’auteur insiste sur l'existence de cloisons dans les hyphes. Ces cloisons restent complètement invisibles malgré de très forts grossissements (2,250 diamètres). En faisant usage de couleurs d’ani- line, on voit parfois les cloisons intercellulaires rester incolores. Tou- tefois, l’auteur n’est arrivé à un résultat décisif que par l'emploi suc- cessif du chlorure de zinc et d’une solution d’iode dans de l’iodure de potassium. Dès lors, les parois se détachent nettement en clair sur fond jaune. Les distances qui les séparent sont à peu près égales chez la même hyphe, mais elles varient d’une hyphe à l’autre. Le microsporon furfur se propage à l’aide de conidies. La forma- tion de ces dernières se traduit par l'aspect extérieur de la culture : elle blanchit. Bientôt la surface devient grise et pulvérulente. Elle ne renferme alors que des conidies seules. Ces dernières sont de formes et de tailles diverses. La plupart sont à peu prèsrondes, d'un diamètre de 0,5 y environ. D'autres ont une forme ellipsoïdale ou cylindrique. Leur longueur varie de 0,75 à 1 x, tandis que leur largeur est à peu près deux fois moindre. L'auteur a observé la transformation en conidies d’hyphes développées dans la profondeur de la gélatine. L'hyphe se partage 220 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d’abord, par des cloisons transversales, en petits compartiments. Chacun de ces derniers se gonfle, ce qui donne à l'hyphe un aspect ondulé. Finalement, les compartiments se séparent. Les conidies restent parfois disposées en formes de chaînes continues. En comparant ses résultats avec ceux obtenus précédemment par MM. Sehlen et Unna, l’auteur arrive à la conclusion que ces savants n’avaient pas en main de véritables cultures de microsporon furfur, étant donné surtout que tous les essais d’inoculation sur les aninaux avaient échoué. M. K. fait ressortir en terminant que le nom de microsporon furfur n’est pas bien choisi. D'autre part la dénomination botrydion epider- miton, mise en avant par M. Barthélemy, ne parait pas meilleure. L’au- teur propose oidium subtile à cause de la ressemblance du champignon avec l’oidium lactis et de l’extrème ténuité de ses éléments. Mer. A. Sccavo. Sur un procédé rapide pour colorer les cils de quelques microorganismes. Direction de la Santé, Rome, 1892. Nous avons décrit dans ces Annales (t. IT, p. 495) la méthode proposée par Loeffler pour colorer les flagelles et les cils des microbes. Ce moyen repose, comme on sait, sur l'emploi d'un mordant au tannin. La teinture des microbes se modèle de plus en plus sur la teinture industrielle. Elle a ses mordants, ses réserves, ses sélections et aussi parfois ses caprices. Cette méthode ne réussissait pas à colorer les cils de toutes les bactéries : aussi Loeffler l’a-t-il un peu modifiée. Il aide à l’action du mordant en traitant par une solulion alcaline les bactéries qui rendent acide leur milieu de culture, par une solution d'acide sulfurique celles qui le rendent alcalin. Trenkmann a à son tour proposé des modifications nouvelles. IL mordance la préparation par un séjour de 6 à 12 heures dans une solution de tannin à 2 0/0 additionnée d’un ou deux millièmes d'acide chlorhydrique; puis il la plonge pendant une heure dans une solution saturée d’iode. On colore ensuite les cils et les bactéries par un autre séjour de 30 minutes dans une solution de violet de gentiane dans de l'eau d’aniline. Ce procédé n'est pas expéditif. M. Sclavo, n'ayant pas réussi avec la méthode rapide de M. Straus (Soc. de Biologie, 1892), en propose une autre qui consiste à mordancer la préparation, d’abord avec un bain contenant À gr. de tannin dans 100 c. c. d'alcool à 509, puis avec un autre formé d’une solution aqueuse d’acide phospho-tungstique REVUES ET ANALYSES. 221 à 5 0/0. On plonge une minute dans le premier, on lave, on porte une minute dans le second, on lave rapidement à l’eau distillée et on laisse ensuite pendant trois à cinq minutes dans le bain colorant d'Ebrlich, légèrement chauffé. On lave, on dessèche et on monte au baume dissous dans le xylol. Les bacilles avec lesquels on a eu les meilleurs résullats sont le bacille du lait bleu, les proteus vulgaris et mirabilis, le bacillus mega- tervum, le bacillus mesentericus vulgatus. On n’a pas réussi ainsi à découvrir des cils dans les vibrions de Koch, de Metchnikoff, de Finkler-Prior, de Deneke et dans le Bacterium coli commune. Les infu- sions végétales donnent, en général, des foules de bactéries à cils et à flagelles très nettement colorables, Dx. A. Sccavo. Conservation des virus dans la glycérine. Zome, 1892. La glycérine peut servir, comme on sait, à conserver divers virus, le virus vaccin, le virus rabique, etc. Exerce-t-elle la même action préservatrice sur les bactéries? M. Sclavo a étudié à ce point de vue trois bactéries pathogènes, le diplocoque de Fraenkel, le bacille du choléra des poules et le bacille charbonneux. Après les avoir élevés au plus haut degré de virulence par des moyens appropriés, il préle- vait la rate de l'animal qu’ils avaient tué, presque aussitôt après la mort, et l’introduisait dans une assez grande quantité de glycérine neutre. Le tout était conservé à l'obscurité à la température ordinaire. La rate durcissait assez vite. À des époques variées on en taillait un morceau qu’on inoculait, après lavage, dans les tissus sous-cutanés d’un animal sensible. M. Sclavo a trouvé ainsi que le diplocoque de Fraenkel, qui d'habitude s’atténue rapidement lorsqu'on le conserve dans son liquide de culture, avait encore sa virulence après 67 jours passés dans la glycérine. Le bacille du choléra des poules tue encore rapidement un lapin après 74 jours dans la glycérine; mais, après quatre mois, il était devenu inoffensif pour cet animal. Le bacille charbonneux, tel qu’il est dans la rate d'un animal qu’il a tué, s’atténue au contraire rapidement par son séjour dans la glycérine, et sa virulence pour le cobaye a disparu du 72 au 9€ jour dans les deux expériences qui ont été faites. Il eût été intéressant de voir si ces microbes, devenus inoffensifs pour les animaux, étaient restés encore vivants. Quoi qu’il en soit, la glycérine peut, comme on le voit, servir à conserver avec leur viru- 222 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lence, des microbes qui s’atténuent dans leurs cultures, ou inversement rendre inoffensifs, peut-être en les empêchant de donner des spores, des bacilles qui maintiennent longtemps dangereux le liquide dans lequel ils ont poussé. Dx. J. G. Sawrcnexxo. Le rôle des mouches dans la propagation de l'épidémie cholérique. Vratch., 1892. L’auteur a nourri des mouches à l’aide d’un bouillon de culture du bacille cholérique, et a recherché ensuite ce microbe dans les excré- ments de ces insectes. Deux heures après l’infection, M. S. obtenait, à côté d’un grand nombre de colonies de bactéries différentes, quel- ques colonies du bacille-virgule. Vingt-quatre heures après, le nom- bre de ce dernières était bien plus considérable. Afin d’être sûr que ces microbes n’avaient pas adhéré extérieure- ment à la mouche, l’auteur, dans une autre série d'essais, plongeait ses animaux d’abord dans de l’alcool, puis dans une solution d’acide phénique à 5 0/0 et après les avoir séchés rapidement, leur ouvrait le ventre et en introduisait le contenu dans un bouillon de culture. Dans tous les cas le nombre des bacilles cholériques a été très considérable et d'autant plus grand que la mouche avait vécu plus longtemps après l'infection. Chez les mouches qui avaient vécu 48 heures, la deuxième ou troisième culture ressemblait à des cultures pures du bacille cholérique. L'auteur infère de ses observations que le rôle des mouches ne se borne pas à répandre les microbes qu’elles ont pu avaler, mais que le bacille se propage parfaitement dans le canal intestinal de cet insecte. D'autres microbes, et notamment le vibrion de Metchnikof, conser- vent également leur virulence en passant par le corps de la mouche. M. S. s’est servi de petites mouches ordinaires et, concurremment avec des dernières, d'une espèce plus grande, qui est particulièrement fréquente à Kief vers la fin de l’été. C’est cette seconde espèce qui s’est montrée le meilleur propagateur du bacille cholérique. Mer. PERSONNES MORTES DE RAGE. 223 INSTITUT PASTEUR Personne morte de rage après traitement : Linpzey HéserT, 17 ans, de Hudderfeld (Angleterre), mordu le {er août 1887 par un chien errant, traité à l'Institut Pasteur du 6 au 18 août. Les morsures, au nombre de cinq, situées sur la main gauche, étaient toutes très pénétrantes et avaient été cautérisées au nitrate d’argent au bout d'une heure. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés le 31 août 1892 par des douleurs dans l'épaule gauche et dans la région de la nuque. La mort est survenue le 4 septembre, c'est-à-dire cinq ans et un mois après la morsure. En 1890 Lindley avait eu une lymphangite du bras gauche provoquéepar une écorchure profonde faite avec un clou rouillé. Personne morte après traitement, d'une affection autre que la rage : Duvivier CHARLES, 32 ans, boucher à Paris, mordu au pouce droit, le 18 octobre 1892, par un chien dont la rage a été constatée par examen vété- rinaire. La morsure, unique, peu pénétrante, n'avait pas été cautérisée. Traité à l'Institut Pasteur du 20 octobre au 3 novembre, Duvivier s'était fait quelque temps après, avec son couteau d'étal, à l'index de la main gauche une coupure profonde: il est mort le 7 janvier sans avoir présenté les symptômes typiques de la rage. A l'examen du cadavre, on constatait une traînée lymphangitique partant de l'index et se prolongeant sur toute la longueur du bras gauche. Le bras et le côté de la cage thoracique étaient gonflés de gaz. Tout le long de cette trainée et surtout dans la première phalange de l'index, on trouvait en abondance et à état de culture pure un bacille anaérobie qui, inoculé à des cobayes, a amené rapidement la mort. 224 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR STATISTIQUE ! DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE — JANVIER 1893. A B C | | | Morsures à la tête ({ simples... ..|»|1 AA 21 4 |”l4i8 et à la figure multiples... .| »|» » 2| | 4 | Cuutérisations efficaces . . : . . . . . . » |» | 3 0 EE RL NO — ie NCUCES ren Vol ae DEN RS EU ENS Pas de CHUtéRSAUOR. EE EU l ; D POR | pe TT ES | ; simples. . . .. »| 41 2 | » |16) »| 6 | Morsures aux mains multiples . : Seal ; 16172 » 116122 Guutérisations efficaces . 7. CA A RS A ET RE ue LE — NC COLOR SE OT RE 2|2 1» A EE Re 1e ME PSS EE PAS de CLULÉ SALON EEE CE MS OS 0 L fs) AI ES Morsures aux mem- simples... ..|»| 4) 5 |» |12)39 | »| 7) bres et au tronc multiples... .| v| 1 » 20| »[14(21 Gautérisations efficaces 5... à | AO SO LE cg a a EL — TRE NCACES AN ER ENT A NES EC LE PE CE ee Pas decautensation. LEE RE 3| » | » | 21/ » | » MO!» |» Habus éChares Re ERNEST 4» |» [27 » | » [19 |» HOTSUTES I MINS ie NOR rer 0 CE Se RS ee Te » Morsures multiples en divers points du COLIS Eee cn Re ta ann Pa Eu JR AO AE A EC 2 EE El Cautlerisahions effcuces. LEON SN SN RE ES ER DENE — IRON NOUCES TANT NE Lol» ls!» | » |»l»l» Pas de cautérisation... +. :. ; . . . . 2 1!» 3/52/2400 HAbUSTAÉCRES ER RME 5 2| 61 EDP EC NEED IMOTSURES RAR PAT RENE DE EAN ES Dell » »l » | » Français et Algériens. 10140 58) 38) Lotaux;, Etrangers rh dire » | 13) Le E | | A B C mm TOTAL'GENÉRAL 2e LENS ROURS 133 Les animaux mordeurs ont été : chats, 4 fois ; bœuf, 2 fois; chiens, 127 fois. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. 7m0 ANNÉE MARS 1893. No 3. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR MOYENS DE DÉFENSE DE L'ORGANISME CONTRE LES MICROBES APRÈS VACCINATION ET DANS LA GUÉRISON Par M. LE D' SANARELLI Dôocent d'hygiène à l'Universilé de Sienne. (Travail du Laboratoire de M. Metchnikoff.) I Les remarquables résultats qu'ont produits et fait espérer dans ces dernières années les études sur l’immunité contre les maladies infectieuses obligent à établir exactement la facon dont se produit cette immunité, et dont l'organisme vacciné réagit et se défend contre les microbes pathogènes. Bien que ces études soient toutes récentes et se limitent encore au petitnombre de maladies infectieuses contre lesquelles nous possédons un traitement prophylactique, la question est tout à fait à l’ordre du jour, et soulève de nombreuses contro- verses. En peu d'années, de nombreuses théories ont été émises pour expliquer le mécanisme de l'immunité acquise ; mais en ce moment il n’y a guère en présence, parmi les grands moyens de défense de l’organisme vacciné contre les microbes, que les cellules et les humeurs. Le premier a été signalé par M. E. Metchnikoff, qui a ouvert la voie à une série sans cesse grandissante de recherches. Il se résume en une modification dynamique de l'organisme, et fait intervenir des activités cellulaires pour la destruction des 15 226 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. microbes pathogènes. Le grand nombre d'arguments apportés par M. Metchnikoff et son école en faveur de cette théorie pha- gocytaire n’a pourtant pas empêché d'invoquer, pour expliquer l'immunité vaccinale, d'autres conditions statiques, consistant en des propriétés chimiques spéciales du sang et des humeurs, qui seraient en état de protéger à eux seuls l'organisme. Leur puissance sous ce rapport nous paraît aujourd’hui pouvoir êlre envisagée sous trois aspects différents : 1° les liquides de l'organisme pourraient tuer les microbes (propriété bactéricide); 2° ils pourraient se borner à leur enlever leur pouvoir pathogène (propriété atténuante); 3° ils pourraient agir directement sur les toxines sécrétées par les bactéries pour en peutraliser les effets (propriété antitoxique). A toutes ces conditions correspondent autant de faits expé- rimentaux, sur lesquels on a voulu fonder la théorie générale de l'état bactéricide de l'organisme vacciné, et qui font en ce moment l’objet de recherches intéressantes et passionnées. Parmi les exemples les plus remarquables invoqués en faveur de la propriété bactéricide des humeurs, il faut placer ceux querapportent MM. Behring et Nissen', dans leurs étudessur les propriétés bactéricides du sérum des animaux vaccinés contre le Vibrio Metchnikovi: ce vibrion, qui se multiplie activement dans le sérum du cobaye normal, périt rapidement au contraire dans le sérum du cobaye vacciné. Ce serait là, d’après Behring et Nissen, l'unique cause de l’immunité vis-à-vis de l'infection déterminée par ce microbe. MM.Charrinet Roger ont apporté d’autres preuves du pouvoir atténuant du sérum. Déjà, en 1887, Metchnikoff* avait vu que les bacilles charbonneux développés dans le sang des moutons vaccinés avaient perdu la propriété de tuer le lapin. Charrin et Roger ont retrouvé le même fait en cultivant le streptocoque?, le pneumocoque* et le bacille pyocyanique dans le sang des 4. Ucber bacterienfeindliche Eigenschaften verschiedener Blutserumarten (Zeitschrift für Hygiene 1890, p. 412.) 9, Sur l’atténuation des bactéridies charbonneuses dans le sang des moutons réfractaires. (Annales de l'Inst. Pasteur, 1887, p. 42.) 3, Rocer. Propriétés bactéricides du sérum pour le streptocoque de l’érysipèle. (Semaine médicale, 1890, p. 397.) 4. Rocen. (Revue gén. des Sciences, 1891, p. 445.) 5. Cuarun et Rocer. Atténuation des virus dans le sang des animaux vaccinés. (Sociéle de Biologie. 2 juillet 1892.) DÉFENSE DE L'ORGANISME. 227 lapins vaccinés, et ils s’en sont autorisés pour formuler une théorie du pouvoiralténuant des humeurs, théorie suivant laquelle les microbes pathogènes perdent leur virulence au contact du sang des animaux vaccinés. Quant aux propriétés antitoxiques des humeurs, elles ont été successivement constatées par MM. Behring et Kitasato' pour le tétanos et la diphtérie, par G. et F. Klemperer? pour le pneumo- coque, et par Ehrlich* pour quelques toxines végétales (ricine, abrine, rubine); mais il devient de plus en plus douteux que le pouvoir antitoxique des humeurs d’un animal vacciné soit lié au phénomène de l’immunité. On conçoit pourtant que beaucoup de savants donnent à cette influence humorale un rôle exclusif ou prédominant dans la production de l’immunité. La question est du reste tellement complexe et tellement plurilatérale qu'il faut en séparer et en étudier séparément les divers facteurs, les comparer les uns aux autres, et se faire ainsi une idée de leur valeur respective. C'est ce que fait M. Metchnikoff depuis longtemps, et ce que j'ai essayé de faire, sous sa direction, en étudiant sous tous les points de vue l’immunité vaccinale contre la maladie déterminée par le Vibrio Metchukovi. Il Cette maladie, décrite pour la première fois par Gamaleïa ‘ dans le pigeon et les petits oiseaux, est facilement transmissible, comme on sait, au cabaye, chez lequel elle prend les allures et les caractères d’une septicémie très aiguë. Elle est inoculable par voie sous-cutanée, périlonéale etintra-veineuse, mais on n’a pas réussi, contrairement aux résultats de Gamaleïa, à la donner aux animaux (cobayes, pigeous) par voie intestinale. Depuis Gamaleïa, cette maladie a été bien étudiée et à divers 4. Ueber das Zustandekommen der Diphterie und der Tetanus Imimumität bei Thieren. (Deutsche Medicin. Wochenschrift, 4890, no 49, p. 1118). 2, Versuche über Immunisirung und Heilung bei der Pneumoniekokkeninfec- tion. (Berliner Klin. Wochenschr, 1891, pp. 851-869.) 3. Experimentelle Untersuchungen über Immunität. (Deutsche Medicin. Wochens- chrift, 1891, pp. 976-1218.) 4. Voir Annales de l'Instilut Pasteur, 1888, pp. 482 et 552; 1889, pp. 542 et 609 et 256. 228 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. points de vue par Pfeiffer‘, Behring et Nissen*, et enfin par Metchnikoff* qui l’a fait servir à de multiples recherches sur le sort des microbes dans l’organisme des animaux vaccinés. Ces recherches ont révélé plusieurs faits en grande partie inconciliables avec les conclusions de Bebring et Nissen. Elles ont démontré que, si les vibrions sont détruits in vitro par le sérum des cobayes vaccinés, ils se multiplient au contraire et augmentent même de virulence par un séjour prolongé dans le sang du même cobaye vacciné. Elles ont démontré aussi que les leucocytes des exsudats sous-cutanés ou de la chambre anté- rieure de l'œil peuvent englober les vibrions à l’état normal, et entraver leur développement, que favoriserait au contraire, si elle était seule, la partie humorale de l’exsudat. Ces faits si importants méritent d’être étudiés de près et à divers points de vue. Étudions d’abord la façon dont se com- portent les vibrions dans le sérum des cobayes réceptifs et vaccinés. On vaccine en quelques jours le cobaye contre la septicémie produite par le vibrion aviaire en lui injectant, àdiverses reprises, 5 à 6 c. c. de culture en bouillon, stérilisée à 120°. Après une inoculation d’épreuve, faite avec 1 à 2 c. c. de culture viru- lente, les cobayes qui ont résisté peuvent être considérés comme tout à fait insensibles à la maladie, et en état de fournir un sérum en pleine possession de son pouvoir bactéricide. Pour vérifier cette propriété, j'ai pris du sang à un cobaye réceptif et à un cobaye vacciné, et, après en avoir retiré 5 c. c. de sérum très limpide, j'ai introduit chacun des échantillons dans un tube, et l’ai ensemencé tout de suite avec une goutte de sang du cœur d’un cobaye mort de l'infection vibrionienne. Ces tubes de sérum ont ensuité été mis à l’étuve à 370, et à divers intervalles successifs on en prélevait, à l’aide d'une anse de pla- tine, une quantité constante, qu’on faisaitservir à une numération de microbes par la méthode bien connue des plaques de gélatine. 4, Ueber den Vibrio Metchnikoff und sein Verhältniss zur Cholera asiatica. (Zeitschrift für Hygiene, t. VII, 1889.) 2 Loc. icil. 3. L’immunité des cobayes vaccinés contre le Vibrio Metchnikovi. (Annales de l'Institut Pasteur, 1891, p. 465.) DÉFENSE DE L'ORGANISME. 229 Voici les nombre de colonies obtenues dans ces essais suc- cessifs : TOUT APRÈS APRÈS | APRÈS APRÈS | APRÈS DE SUITE. 9 (h. 6 h. 18 h. 24 h. 40 h. NE plaque .| 1.120 D64 ( 22 plaque. 815 90 1.300 Cobaye normal 1re pl 36 Cobaye vacciné \ plaque. 726 { 2° plaque. 960 Ces chiffres sont loin, on le voit, de confirmer les résultats de Behring et Nissen. Tant pour le cobaye non vacciné que pour l’autre, le sérum a bien manifesté in vitro un certain pouvoir bactéricide, mais non sur tous les microbes. Dans les deux cas, et surtout pour le cobaye vacciné, pour lequel, après 3 ou 6 heures, on aurait pu croire à une destruction complète des microbes par le sérum, il y a eu des vibrions qui ont résisté, se sont adaptés aux conditions de ce nouveau milieu et ont fini par peupler les sérums tant de l'animal immunisé que de l’aui- mal sensible. On dirait un véritable procès de sélection, où les microbes les moins résistants périssent pour faire place à une nouvelle génération plus forte et moins facilement influencée par les pro- priétés bactéricides du sérum. Il est bien entendu que je ne prétends pasinfirmer par ce qui précèdeles expériences de Behring etNissen.Jetrouve en fait qu'ils n’ont pas poussé au delà de la 20e heure les numérations des colonies, et c'est peut-être pour cela qu'ils ont été conduitsà voir, après 3 à 5 heures, une destruction totale là où 1l y avait seule- ment une diminution du nombre des microbes vivants. Mes résultats s’étant retrouvés constammentles mêmes dans une foule d'occasions, j'ai été conduit à une nouvelle série de recherches sur ce que deviennent les diverses propriétés biolo- giques des vibrions dans le sérum des cobayes vaccinés. 230 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. III En voyant ce beau développementdes vibrions dans le sérum des cobayes vaccinés, on pense tout de suite aux faits récemment constatés par Charrin et Roger sur le sérum des lapins vaccinés contre la maladie pyocyanique. Dans ce sérum, le bacille pyocya- nique se développe en perdant sa virulence et tout pouvoir patho- gène. Je me suis donc hâté d'essayer sur les cobayes et les pigeons l’action du Vibrio M. développé dans le sérum des cobayes neufs et vaccinés, et j'ai vu tout de suite que dans le sérum normal la virulence restait normale, tandis que les cultures dans le sérum d'un cobaye réfractaire avaient perdu toute action patho- gène. En effet, à l'exception d’une infiltration plus ou moins accusée au point d’inoculation, il n'y a d'ordinaire rien à noter sur l’animal, qui survit toujours. La conclusion logique serait donc que la culture dans le sérum des cobayes vaccinés amène une perte de virulence ; mais, pour appliquer ces résultats à l'explication de l’immunité acquise, il est indispensable d'expérimenter sur l’animal vivant. Metchni- koff a montré que le vibrion conserve assez longtemps sa viru- lence dans le corps du cobaye réfractaire; j’ai répété ses expé- riences et je puis dire qu'il n'y a pas seulement conservation, il y a augmentation notable de virulence: les cultures en bouillon obtenues au moyen de l’exsudat d’un cobaye vacciné sont presque ‘oujours plus actives queles cultures originelles. Cette divergence -ondamentale des résultats en dedans et en dehors de l’organisme nous oblige à étudier de près ce phénomène. Par analogie avec ce qu’on fait quand on sème dans le bouillon une goutte de l’exsudat d’un cobaye réfractaire inoculé avec le virus vivant, ensemencons dans du bouillon une culture du vibrion qui s’est développé in vitro dans ie sérum d’un animal vacciné, culture qui se montre inactive même sur les animaux les plus sensibles. Après 24 heures, cet ensemencement a donné une culture très belle et très virulente, car 1 c. c. tue d'ordinaire un cobaye DÉFENSE DE L'ORGANISME. 231 en moins de temps que le virus originel avec lequelon a ense- mencé le sérum. Et comme on sait que les cultures du vibrion dans le bouillon tendent à s’atténuer au lieu de se renforcer, il faut conclure que les vibrions développés dans le sérum des cobayes vaccinés non seulement conservent leur virulence, mais peuvent l’exalter. Il n'y a donc aucune divergence entre ce qu’on observe dans l'or- ganisme vivant et vacciné et dans le sérum extrait du corps. Dansles deux cas, les vibrions peuvent se multiplier, et, transplantés dans le bouillon, ils y prennent un pouvoir pathogène supérieur ou au moins égal à celui de la culture originelle. Il devient donc plus difficile d'attribuer un pouvoir atténuant aux liquides organiques de l’animal vacciné. Mais il reste à expli- quer pourquoi l'injection d’une culture développée dans le sérum d'un animal vacciné est incapable de donner la septicémie vibrio- nienne aux animaux neufs. Dans ses recherches sur l’immunité des lapins vaccinés contre le Hog-Choléra, M. Metchnikoff a eu l’occasion de faire une observation semblable à celle qui précède. Après avoir vu que le coccobacillus suinum développé dans le sérum des animaux vaccinés tue les lapins neufs beaucoup plus tard que les cultures faites dans du sérum de lapin non vacciné, il a eu l’idée de séparer les microbes de leur liquide de culture, supposant que le sérum pouvait à lui seul ralentir la marche de la maladie. L’ex- périence a vérifié cette idée, et le coccobacillus suinum cultivé dans le sérum des lapins vaccinés s’est montré plus virulent, après lavage au moyen de la solution physiologique de sel marin. Partant de ce même principe, j'ai soumis à un lavage les cultures de Vibrio M. développées dans le sérum des cobayes vaccinés. Le moyen qui semble le plus facile pour séparer le microbe de son liquide de culture est une simple filtration. Ces vibrions ne se développent pas uniformément dans la masse du sérum, mais forment à sa surface une pellicule plus ou moins abondante qui reste sur le filtre, et peut être lavée à plusieurs reprises, soit avec le sel marin à 0,75 0/0, soit avec du bouillon stérilisé. Quand on n’a pas le soin d'obtenir cette pellicule, une grande partie des bacilles passe à travers le filtre. Comme, pour tuer un cobaye par inoculation sous-cutanée, 232 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. il ne faut pas moins de 0,5 à 1 c.c. de culture, on peut penser que les pertes par suite de la filtration et des lavages devront exercer une grande influence sur les résultats de l'inoculation de ce qui est resté sur le filtre. Mes premiers essais sur le cobaye ne m'ayant donné que des résultats peu démonstratifs, je me suis décidé à m'adresser aux pigeons, beaucoup plus sensibles à ce vibrion, et pour lesquels la dose mortelle est beaucoup plus faible que pour ie cobaye. Voici la technique simple que j'ai adoptée : dans un tube d'essai contenant 4 à 5 c.c. de sérum, extrait d’un cobaye vacciné, je semais une goutle de sang, ou mieux, un fragment de pulpe de larate d’un cobaye mort le même jour de la septicémie ; je semais aussi une goutte de sang dans du bouillon ordinaire, et les deux cultures étaient mises à l’étuve à 37°. Après 48 heures, au moins, j'inoculais trois pigeons dans le muscle pectoral, dans l’ordre et le mode suivants : 1% pigeon, 1 c.c. de culture dans le sérum ; 2 pigeon, À c.c. de culture dans le sérum, lavée ; 3 pigeon, À c.c. d’une culture dans le bouillon, obtenue direc- tement la veille en prenant la semence dans la culture faite dans le sérum. Quand je ne connaissais pas avec précision la virulence originelle de mes vibrions, j'inoculais aussi un 4° pigeon avec 4 c.c. de la culture dans le bouillon ensemencée dès l’origine avec le sang du cobaye. Chaque expérience me donnait quatre nombres différents qui me renseignaient : 1° sur la virulence des vibrions déve- loppés dans le sérum des cobayes vaccinés, et inoculés avec leur sérum de culture; 2° sur la virulence de ces mêmes vibrions inoculés sans traces de sérum; 3° sur le gain ou la perte de virulence résultant de la comparaison entre la virulence de la culture dans le bouillon d’origine et la virulence d’une seconde culture ayant passé par le sérum. J'ai fait neuf expériences pareilles, et voici les chiffres qui indiquent pour chacune d’elles le nombre d’heures écoulées entre linoculation et la mort de l'animal. DÉFENSE DE L'ORGANISME. 233 Virulence originelle du vibrion. Virulence du vibrion dans le sérum Virulence du vibrion dans le sérum, après la- Virulence après trans- port du sérum dans le bouillon Ces chiffres demandent quelques mots de commentaire. Dans toutes les expériences, sauf une (IV), les vibrions cultivés dans le sérum des cobayes vaccinés, et inoculés avec leur liquide de culture, n’ont pu déterminer d'infection générale. Dans les expériences V, VI, VII, VIIL IX, les vibrions cultivés dans le sérum, mais soumis au lavage, se sont montrés plus virulents que ceux de la culture originelle, également virulents dans l’expérience Il, moins virulents dans l’expé- rience IV. La virulence semble nulle dans l’expérience I; mais, dans ce cas, on a opéré sur des cobayes, et la diminution des microbes, produite par le lavage, les a peut-être empèchés de donner la mort. La même hypothèse s'applique peut-être à l'expérience III, bien qu’elle ait porté sur des pigeons. Dans toutes les expériences, sauf deux (IL et V), les vibrions développés dans le sérum ont donné dans le bouillon des nou- velles cultures plus virulentes que la culture originelle, tuant en 11 h. 50 en moyenne, au lieu de 17 h. 25. Les expériences IT et V échappent à la comparaison à cause d’une impureté accidentelle de la culture en bouillon. L'expérience IX a été faite sur le cobaye, comme l’expé- rience Ï[, mais avec cette différence que l’inoculation, au lieu d'être sous-cutanée, a été intrapéritonéale, pour éliminer les causes d’insuccès dues à la diminution des vibrions par le lavage. Les résullats m'en ont paru assez nets pour me faire conclure que les vibrions cultivés dans le sérum des cobayes vaccinés ne s’atténuent pas, mais conservent où exaltent leur virulence, et 234 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. prennent, par une nouvelle culture dans le bouillon, une virulence presque toujours supérieure à leur virulence originelle. Tout cela donne la conviction que, dans le mécanisme de l'immunité vaccinale, le sérum n’agit ni par sa propriété bacté- ricide, ni par son pouvoir atténuant sur les microbes. IV Ce sérum, incapable de tuer ou d’atténuer les microbes, exerce peut-être une action quelconque sur les toxines élaborées par eux pendant leur séjour dans l’organisme; en d’autres termes, le sérum des animaux vaccinés contre le Vabrio M. possède-!-il un pouvoir antitoxique comme celui des animaux vaccinés contre le tétanos et la diphtérie ? L’infection déterminée parle vibrion aviaire est en effet accom- pagnée de toxines actives, qu’on peut obtenir facilement même dans les milieux artificiels. Quelques centimètres cubes d’une cul- ture en bouillon, stérilisée à 120°, peuvent tuer un cobaye en quel- quesheures avec tous les phénomènes d'unempoisoninement aigu, et cette propriété peut être utilisée pour étudier le pouvoir antitoxique éventuel du sérum. Pour cela j'ai préparé des cultures dans le bouillon simple, contenant 5 0/0 de gélatine, et, après 8 à 10 jours à 37°, je les ai stérilisées à 120°, laissées en repos 7 à 8 jours, etessayé leur pouvoir toxique. J’ai vu que 2 c. c. 5 à 3 c. c. de ce liquide vaccinal, injectés sous la peau, suffisaient d'ordinaire à tuer 100 grammes de cobaye. J'ai fait cinq expériences pour vérifier le pouvoir antitoxique éventuel du sérum; je choisissais chaque fois deux cobayes aussi égaux que possible ; tous deux recevaient sous la peau la dose toxique de culture stérilisée, et à l’un d’eux on injectait simul- tanément, sous la peau, de 6 à 9 c. c. de sérum d’un cobaye réfractaire. Si ce sérum était antitoxique, il aurait dû sauver l'animal. Voici, comptés en heures, les délais de mort dans les _divers cas : : l II III IV Ÿ Injection de toxine seule ........ 5) 6 95 15 12 Toxine et sérum de cobaye vacciné. . » » 82 410: 5249 Toxine et sérum normal. ..,...., = — 95 11 16 DÉFENSE DE L'ORGANISME. 235 Pour expliquer les contradictions apparentes de quelques- unes de ces expériences, je dois dire que les cobayes n’ont pas tous la même sensibilité vis-à-vis des toxines du Vibrio M. Dans mes recherches préparatoires pour établir exactement à chaque fois le pouvoir toxique des cultures stérilisées, j'ai, er effet, vu à plusieurs reprises mourir des cobayes qui avaient reçu 2 à 3 0/0 de leur poids de la culture, et survivre d’autres qui en avaient reçu 4 0/0. Ces précédents sont à invoquer au sujet des résultats des expériences I et IT. D'un autre côté, les résultats, évidemment négatifs, des expériences III, IV et V, empêchent d'attribuer au sérum aucun pouvoir antitoxique. Dans le but de me faire une idée précise au sujet de l'aptitude de notre microbe à produire ses poisons dans des humeurs de cobayes réfractaires, j'ai éprouvé l’action toxique des cultures du vibrion dans le sérum même des animaux vaccinés. Pour cela, j'ai inoculé, dans des tubes à essai, du sérum de cobayes hypervaccinés avec du sang riche en vibrions, et j'ai laissé le tout pendant 10 à 16 jours à 37°. Après ce temps, les pellicules superficielles si caractéristiques s'étaient reformées à plusieurs reprises et étaient tombées au fond, formant ainsi un fort dépôt. On stérilise très suffisamment le tout par un séjour de 3 cu 4 heures dans un bain d'eau à 60°; on laisse en repos encore une dizaine de jours, et on a ainsi un liquide prêt pour l'étude. Trois de ces cultures m'ont donné des résultats si concordants que je les considère comme définitifs. Deux premiers cobayes sont morts en 9 heures après avoir recu une dose de ces cullures stérilisées correspondant à 2,5 et 30/0 de leur poids. Un troisième est mort en 11 heures après en avoir reçu l'équivalent de 2 0/0 de son poids. Ces empoisonnements sont caractérisés par une hypothermie marquée, qui commence tout de suite après l'injection et pro- gresse jusqu’à la mort, qu'on voit survenir quasi toujours lors- que la température rectale est descendue à 31-32°. Le fait notable de ces expériences est d’avoir obtenu l’em- poisonnement avec une dose de 2 0/0 du poids de l'animal, ce que je n'avais pas réussi à obtenir avec des cultures de mon vibrion dans le bouillon simple ou gélatinisé, quoique sa viru- lence fût la mème dans un cas et dans l’autre. 236 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ces résultats, si démonstratifs dans leur simplicité, me con- firment dans ma conclusion que le sérum des cobayes vacci- nés contre le Vibrio Metchnikovi n'est pas doué de propriétés antitoxiques, mais qu'au contraire les microbes s’y développent en formant des toxines plus actives que celles qu’ils forment dans les milieux nutritifs ordinaires. y L'étude du sérum des animaux vaccinés, au point de vue de ses propriétés bactéricides, atlénuantes où antitoriques, nous a amené peu à peu à éliminer l'influence de ces trois facteurs dans le procès de l’immunité acquise. Reste toujours à expliquer pourquoi on ne peut déterminer l'infection en injectant à un animal une culture du vibrion dans le sérum d’un animal vacciné. Si ce sérum ainsi inoculé n’a d’ac- tion ni sur ses vibrions ni sur leurs toxines, il faut qu'il en exerce une sur l’organisme de l'animal inoculé. Cherchons quelle pourrait être cette influence. Le premier essai à faire dans cette voie consiste à diluer dans le sérum et à inoculer avec lui une dose mortelle de culture vivante. Mes recherches à ce sujet ont été assez nombreuses et m'ont montré que le sérum des cobayes vaccinés possède , de la façon la plus manifeste, des propriétés préventives et thérapeutiques. Il suffit en effet de mélanger 0,5 c. c. de sérum à 1 c. c. de culture vivante dans du bouillon pour rendre inoffensive l’inocu- lation du Vibrio M. : les animaux ainsi traités présentent au point d'injection une infiltration plus ou moins marquée qui guérit vite; les animaux témoins meurent dans les délais ordinaires. Ce sérum des animaux vaccinés ne manifeste pas seulement son efficacité préventive quand on l’introduit au point d'injection du virus: à l’exerce aussi à distance; seulement, dans ce cas, 0,5 c. c. ne suffisent pas à empècher l'infection : il faut augmen- ter beaucoup la dose et la porter jusqu’à 5 ec. c. J'ai trouvé en effet que 4 c. ©. ne sauvent pas l’animal, et retardent seulement le moment de sa mort. (Voir Appendice n°1[F, exp. 3.) ni DÉFENSE DE L'ORGANISME. 237 Ces effets thérapeutiques du sérum des animaux immunisés se manifestent toujours sans exception lorsqu'on a convenable- ment vacciné le cobaye auquel on emprunte le sang vaccinal, et l’action à distance résulle de ce qu’en inoculant, par exemple, le virus sous la peau du cou, et le sérum sous la peau d’un des membres postérieurs, ou inversement, l'animal échappe à lin- fection aussi bien que si les deux injections avaient été faites au même point. Voyons maintenant comment se comportent les vibrions dans les tissus des animaux traités par le sérum thérapeutique. J'ai déjà dit que ce sérum, injecté à proximité ou à distance d’une culture virulente, préservait les animaux : il se forme, au point d'injection des vibrions, un œdème etune infiltration puru- lente plus ou moins étendue, qui persiste plus ou moins, et s’ul- cère quelquefois pour se réparer ensuite par du tissu cica- triciel. Sur des cobayes ainsi traités, j'ai retiré, à divers intervalles successifs, du point d'inoculation du virus et du sérum, une goutte d'exsudat que j’ensemençais aussitôt dans du bouillon. J'ai vu ainsi que le vibrion conserve longtemps sa vilalité et sa virulence. Avec un cobaye qui avait reçu sur des points assez éloignés l'injection du virus et celle du sérum, j'ai ainsi obtenu après six jours des cultures très virulentes. (V. App. IV, exp. 5.) Mais il n’est pas facile de pousser très loin ces observations, car l’abcès qui se forme presque toujours au point d'injection du virus s'ouvre à l'extérieur et est envahi par des microbes variés. Quandle sérum préventifestinjecté au mème pointquele virus, les microbes disparaissent un peu plus vite, l’abcès est un peu plus circonserit et se résorbe en général peu à peu sans s'ouvrir. Ainsi, sur deux cobayes qui avaient reçu, en même temps que 4 c. ce. de culture virulente, respectivement 3 et 5 c. c. de sérum préventif, je n’ai plus trouvé de microbes vivants après 18 et 24 heures écoulées depuis l’inoculation. Mais malgré ces cas exceptionnellement favorables, dans ies- quels le contact du sérum thérapeutique semble accélérer la dis- parition des microbes, il reste acquis que les vibrions peuvent habiter longtemps les tissus de animal sans perdre de leur viru- lence, et alors il y a à se demander comment se comporte l'or- 238 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ganisme à l'égard des toxines qui ne peuvent manquer de se for- mer, puisqu'elles sont liées à la vie des microbes pathogènes. Des expériences que nous avons consacrées plus haut à démontrer l'absence du pouvoir antitoxique dans le sérum des animaux vaccinés l'on ne peut pas conclure qu'il en soit de même dans le corps des cobayes, car nous savons la différence des phénomènes qui se passent dans l'organisme et de ceux qu'on observe dans le sérum extrait de ce même organisme. On peut donc se demander si les cobayes vaccinés ou traités contre l'infection par le vibrion avicide sont en état de détruire les toxines élaborées par ce vibrion. À cette demande ont déjà répondu Gamaleïa, Pfeiffer, Met- chnikoff, qui ont vu que les cobayes complètement vaccinés contre le vibrion vivant étaient aussi sensibles aux toxines que les cobayes non vaccinés. Je puis, de mon côté, non seulement confirmer ces résultats, mais encore ajouter que plus les cobayes sont vaccinés, plus ils se montrent sensibles aux toxines, si bien que dans des expé- riences failes pour pousser au maximum la tolérance vis-à-vis de ces toxines j'ai dû bientôt m'arrêter, frappé de la sensibilité excessive des cobayes vaccinés par comparaison avec les cobayes normaux. Il y a un dernier point à envisager : les animaux guéris à la suite d’un traitement par le sérum thérapeutique n’acquièrent pas l'immunité vis-à-vis d’une nouvelle injection virulente, et ne fournissent pas un sérum doué de propriétés préventives. Ainsi tous ceux de mes pigeons qui avaient survécu à l’injec- tion d'une culture développée dans le sérum thérapeutique, ont été inoculés successivement à différentes périodes avec des cultures virulentes, et sont morts dans les délais ordinaires, c’est-à-dire en 8 à 16 heures. De même pour les cobayes, avec lesquels la mort arrive seulement avec un retard plus ou moins marqué, imputable à la pelite quantité de substance vaccinante inoculée avec le virus et le sérum préventif. En considérant maintenant la grande facilité de la vaccina- tion contre le Vibrio Metchnikovi, et la petite dose de substance vaccinante nécessaire pour cela, on ne s'explique pas comment les vibrions ne produisent pas ce qu'il faut de vaccin pour con- férer l’immunité, pendant leur période de vie dans les tissus. DÉFENSE DE L'ORGANISME. 239 En rapprochant ce fait de ce que nous savons sur la manière d'être des vibrions dans le sérum des animaux vaccinés, il faut retenir que si les vibrions, tout en vivant dans les Lissus et en y conservant leur virulence, n'éliminent pas leurs principaux produits d'échange, c’est saus doute qu'ils n’y vivent pas libres, et sont peut-être à l'intérieur des éléments cellulaires de l'in- filtration sous-cutanée qui se forme au point d’inoculation du virus. Pour se faire une idée précise de celte possibilité, il suffit d'extraire une goutte de cette infiltration chez un cobaye traité par le sérum thérapeutique, el de l’examiner au micro- scope après coloration préalable : on reste alors surpris de l'ab- sence complète des vibrious, qu'aucune recherche ne permet de découvrir. Si, au contraire, on met à 37°, à l’état de goutte pen- dante, un peu de cette sérosité, on y trouve, au bout de quelques heures, de nombreux vibrions endocellulaires, qui finissent par envahir toute la goutte. D'où sont-ils venus, et comment se sont- ils ainsi multipliés en dehors de l’organisme vivant ? Les expériences de M. Metchnikoff sur le vibrion avicide et le coccobacillus du Hog-Choléra ont montré que les microbes peuvent être englobés par les phagocytes et y rester longtemps vivants, de facon à pouvoir s’y développer et envahir le liquide ‘ambiant, dès que le phagocyte est placé dans de mauvaises conditions d'existence en dehors de l'organisme. Cela nous explique la contradiction apparente que nous venons de signa- ler entre les résultats de l'examen microscopique et ceux de la culture en goutte pendante, et nous voyons aussi pourquoi, pendant leur long séjour dans les tissus d’un animal traité par le sérum thérapeutique, les vibrions peuvent rester vivants à l'intérieur des leucocytes, et sans donner des produits d'échange; nous pouvons admettre enfin que ces leucocytes peuvent être un moyen efficace de résistance à la maladie. VI Quel est le procès de guérison d’un animal traité par le sérum thérapeutique ? L'étude de cette question a une impor- 240 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tance très grande, surtout en ce moment, en présence des tenta- tives si nombreuses d’hématothérapie. Comme nous avons pu retirer, après plusieurs jours, des vibrions virulents du corps d'animaux traités par le sérum préventif, on ne saurait attribuer la guérison à une action bacté- ricide ou atténuante du sérum. Nous avons pu aussi éliminer la possibilité d'un pouvoir antitoxique du sérum lui-même. Il ne nous reste donc plus qu’à chercher du côté des éléments cellulaires. Pour étudier leur intervention dans toutes ses phases, et la mettre en rapport avec les phénomènes qui accompagnent l’éli- mination des microbes de l’organisme, la meilleure méthode est d'étudier pas à pas tout ce qui se passe dans la région limi- tant le foyer où se poursuit le procès local de l'infection et de la guérison, et de mettre en regard ce procès local et les modi- fications qui peuvent se produire dans l’organisme. Pour la première partie de cette étude, j'ai choisi 3 cobayes, dont un bien vacciné, en prenant soin que leur peau ne füt pas pigmentée, ce qui rend plus difficile la comparaison entre les manifestations phlogistiques locales. Après avoir dilué dans un peu de bouillon une grosse couche de culture récente sur gélose, je leur ai inoculé à chacun, dans le pavillon de l'oreille droite, 5 gouttes de ce liquide. L’un d'eux, un cobaye non vacciné, a reçu en outre sous la peau du dos 5 c. c. de sérum tiré d'un cobaye vacciné. J'avais ainsi trois animaux dans les conditions suivantes : I. Cobaye neuf, témoin, inoculé par le virus. II. Cobaye vacciné, inoculé par le virus. IIT. Cobaye neuf, inoculé par le virus, et ayant subi ultérieu- rement une injection de sérum thérapeutique. L'objectif principal de cette série d'expériences était l'étude des rapports entre les vibrions et les leucocytes au point d'ino- culation : ce qui vaudra mieux que toute description, c’est la reproduction presque textuelle de mon cahier d'expériences. L'inoculation a eu lieu à 9 heures du matin, le 2 août. À 10 heures, les 3 cobayes présentaient une hyperémie cutanée intense. À 11 heures, chez tous apparaissait la tuméfaction œædémateuse de l’oreille. Ici les différences commencent. DÉFENSE DE L'ORGANISME. [. CoBAyE NEur : 345 gr. Le] 3 h. s. — L’ædème a en- vahi la nuque et le cou. Oreille pourpre, énormé- ment tuméfiée. Dans une goutte de l’œdème, quan- tité énorme de vibrions libres etpas deleucocytes. Même résultat pour l’exa- men des parties périphé- riques de l’infiltration. 4 h.s.— L'œdème s’é- tend rapidement: l'oreille est tuméfiée et noire, etla peau se lacère sur divers points, donnantissueàun liquide trouble chargé de vibrions. 5 h. s. — L'animal se plaint et semble très ma- lade ;ædème énorme,gon- flé, noirâtre, forçant l’a- nimal à incliner la tête du côté de l'oreille inoculée. 9. h. s. — Mort. Dans le liquide de l’æœdème, énorme quantité de vi- brions libres, avec très peu de leucocytes. Cul- tures positives du sang et des organes. EXPÉRIENCE A IT. CoBAYE vacaiNÉ : 259 or. L'œdème s’est très peu étendu au pavillon de l'oreille, qui est conges- lionnée, mais sans tache hémorragique. L’exsudat retiré du point d'inocula- tion et des régions plus périphériques montre peu de vibrions libres, au mi- lieu d’un grand nombre de leucocytes, dont quel- ques - uns contiennent beaucoup de vibrions dans leur protoplasme. L’animal va bien. L’œ- dème ne s’est pas étendu ; le pavillon de l'oreille se maintient à l'état hypé- rémié. Même état. Les leuco- cytes à la partie périphé- rique de l’æœdème sont très nombreux et bourrés de vibrions. Encore quelques vibrions isolés, mais en petit nombre. (3 août). L'animal va très bien. L’ædème de l'oreille tend à disparaitre rapidement. La partie centrale s’est mortifiée et le procès de réparation a commencé. Dans le li- quide on ne trouve que des leucocytes dont beau- coup contiennent des vi- brions. Pas de vibrions libres. Les cultures en bouillon faites avec une goutte de l’œdéme se mon- trent virulentes. 19 = III. Copaye NEUF : 897 gr. L'œdème s’estétendu un peu autour de l’oreille, qui est très hypérémiée et œdémateuse. Les prépa- rations faites avec le li- quide de divers points de la région tuméfiée présen- tent beaucoup de vibrions et une quantité médiocre de leucocytes. L'animal va bien. L’œ- dème ne s’étend pas, mais il reste notable, etla con- gestion du pavillon est plus grande que chez le cobaye vacciné. Même état : dans le li- quide de l’œdème, peu de vibrions et de leucocytes, dont quelques-uns con- tiennentdes vibrions dans leur protoplasma. L'animal va bien. L’œ- dème a en grande partie disparu et tend à se cir- conscrire. La peau des régions centrales com- mence à se mortifier. Plus de vibrions libres, mais beaucoup de leucocytes, dont quelques-uns sont chargés de vibrions. Les cultures en bouillon faites avec une goutte de l’œ- dème se montrent viru- lentes. Ces constatations ont une signification bien claire et ne lais- sent aucun doute sur la part réservée aux leucocytes dans le 16 242 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. procès complexe de la guérison. Nous voyons d’un côté un ani- mal sensible chez lequel l'invasion se fait vite, sans obstacle et saus rencontrer de réaction cellulaire. Tous les tissus envahis deviennent le siège d’une multiplication abondante des vibrions, les leucocytes sont rares ou absents, et en peu de temps l’infec- tion se généralise et aboutit à la mort. Pendant ce temps, chez l'animal vacciné, l'invasion micro- bienne reste limitée, et on voit apparaître au voisinage du point d'inoculation des masses de cellules mobiles qui semblent faire obstacle à l’expansion des vibrions et en englobent de grandes quantités. Ces phagocytes s’avancent jusqu’au centre de la région œædématiée, et poursuivent si bien leur œuvre de destruction qu’il n’y a plus de vibrions libres au bout de vingt-quatre heures. L'animal ne donne aucun signe de souffrance, soit locale, soit générale, et se rétablit vite. Un tissu conjonctif remplace la région nécrosée, el il n’y a bientôt plus d’autre trace de l’opéra- tion qu’un tissu cicatriciel plus ou moins déformé. Chez l’animal soumis simultanément au traitement par le sérum préventif, la réaction cellulaire est un peu moins marquée que chez le vacciné, mais les leucocytes envahissent de la même façon la région infectée, et arrivent à circonscrire et à détruire peu à peu les germes virulents. Après l’acmé de la maladie, le processus de réparation se fait comme dans l’animal vacciné. Un fait remarquable dans cette expérience, c’est l’hyperé- mie vasculaire qui se manifeste à l'origine chez les trois ani- maux. Il contredit l'hypothèse d’après laquelle les bactéries pathogènes élimineraient une substance capable de paralyser les centres vaso-dilatateurs. Dans ces expériences, la paralysie vaso-dilatatrice ne s’est pas produite; les phénomènes inflammatoires et, parmi eux, la dilatation vasculaire et par suite la possibilité de la diapédèse, ne peuvent avoir rencontré aucun obstacle dans les animaux neufs ou vaccinés, et malgré cela les premiers sont morts et les seconds ont survécu. Geci indiquerait que l'immigration leuco- cytaire ne dépend pas de l'influence des produits microbiens sur l'appareil nerveux vaso-moteur. Dans l'expérience citée par Bouchard * à l’appui de son hypo- 4. Essai d'une Théorie de l'infection. (Sonderabdruck aus den Verhandl. des X. inter. med. Congresses. Berlin, 1890.) DÉFENSE DE L'ORGANISME. 243 thèse, fondée, comme il a été dit, sur les travaux de Charrin et Gamaléia ‘, et de Charrin et Gley*, on voit, en effet, que pour obtenir une paralysie du centre vaso-dilatateur on doit employer une dose de toxines relativement énorme : ainsi ces savants injectaient dans les veines du lapin 10 c. e. d’une culture stéri- lisée du bacille pyocyanique. Or, dans l'organisme, il ne se forme pas à la fois une aussi grande quantité de produits microbiens. Cela fait croire qu'aa commencement de l'infection, c’est-à-dire quand les toxines ne sont encore qu'en quantité minime, et quand débute et se déve- loppe l’activité utile des phagocytes, la dilatation vasculaire et, à sa suite, la diapédèse ne doivent pas être entravées. En outre, d’après les expériences récentes de Massart et Bordet :, l’intro- duction d’une dose mortelle des produits bactériens du bacille pyocyanique ne donne jamais lieu à une contraction générale des vaisseaux sanguins et n’est nullement capable d'empêcher leur dilatation. Tout ceci est tellement évident et se reproduit, avec le Vibrio M., d’une manière si régulière et démonstrative, qu'on ne pour- rait, je crois, choisir de meilleur exemple pour dorner une con- ception claire des rapports entre les microbes et les éléments cellulaires dans la défense de l'organisme lésé. Mais les déductions tirées de l’examen microscopique ne peuvent résoudre avec exactitude qu’un côté de la question : celui qui regarde le mode de réaction des leucocytes envers les microbes. Pour éclaircir d’une manière générale le phénomène complexe de cette activité cellulaire, il faut préciser l'entité et l'importance de l’émigration leucocytaire, il faut établir ses rap- ports avec la réaction générale de l’organisme entier. La conception ingénieuse de l’école de Bouchard, d’après laquelle la guérison serait un phénomène dépendant des poisons microbiens, qui provoquent ou entravent la diapédèse, n’est point confirmée par l'expérience ci-dessus citée. Cela tient évi- demment à ce que le processus de guérison est rattaché à des 1. Sur l’inflammation. (Comptes rendus de lu Société de Biologie. 5 juillet 1890.) 2. Recherches expérimentales sur l’action des produits secrétés par le bacille pyocyanique sur le système nerveux vaso-moteur. (Archives de physiologie normale et pathologique. Octobre 1890.) 3. Le chimiotaxisme des leucocytes et l'infection microbienne. (Ann. de l’Institut Pasteur, 1891.) 244 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. phénomènes d'ordre général d’une tout autre nature. Après avoir vu que la destruction des microbes s’accomplitpar les phagocytes, nous pouvons établir par des chiffres l'entité de leur concours. Dans ce but, j'ai refait une nouvelle série d'expériences tout à fait identiques aux précédentes, avec la préoccupation nou- velle d'étudier le nombre des globules blancs (qui doivent être considérés comme les phagocytesles plus actifs) dans le courant sanguin et dans l’exsudai inflammatoire local pendant toute la durée de l'infection et de la guérison. J’étudiais en même temps les rapports de ces nombres avec la réaction générale de l'orga- nisme, réaction indiquée par le tracé des températures. Après avoir d’abord calculé le nombre relatif des leucocytes dans le sang, j'inoculais le virus dans l'oreille d’un cobaye neuf, d'un cobaye vacciné et d'un cobaye traité par 5 c. c. de sérum préventif. Après quoi je répétais cette numération de temps en temps, en l’étendant, en outre, au liquide contenu dans l’æœdème inflammatoire de l'endroit infecté. J'employais, pour compter les leucocytes, le compte-glo- bules de Malassez. J'avais soin d’injecter le sérum préventüf à celui des deux cobayes neufs dont le sang contenait le plus petit nombre de globules blancs. Les résultats de ces observations sont exposés sur le tableau suivant : EXPÉRIENCE B I. Cobaye neuf ({émoin). 330 grammes; II. Cobaye vacciné, 392 grammes ; IT. Cobaye neuf (traité par le sérum préventif), 460 grammes. Le # août, à 11 heures du matin, on inocule le virus aux cobayes n° I, IT et IT et le sérum au cobaye n° III. LEUCOCYTES DE L'ŒDÈME ——— — —— — — — —_———û2pEZEpLaLE mm ©" HEURES NOMBRE "LL Pas 203,000 32,000 20,100 165,000 58,000 300 600,000 188,000 COBAYE I. COBAYE II. coBaYE III. DÉFENSE DE L'ORGANISME. 245 LEUCOCYTES DU SANG PAR M. M. cC, COBAYE COBAYE COBAYE AOUT. HEURES, OBSERVATION I Il II 4 10 h. m. 20,000 20,000 11,000 » MP em On inocule le virus aux cobayes I, IT, III, et le sérum (5 c. c) au cobaye II. » 3h.s. | 15,000 | 18,000 | 19,000 » 6 h.s. 15,000 | 55,000 | 19,000 & 3 h. s. 2E 99.000 | 24,000 |+ Le cobaye témoin I est mort à 3 heures du matin, de l'infection généralisée typique. 6 11 h. m. 24,000 | 21,000 7 148h/%m° 26,000 | 20,000 S A42h""m;: 29,000 | 16,000 9 41h m: 22,000 | 15,000 10 11 h. m. 20,000 | 14,000 11 11h-0m: 20,000 | 12,000 19 L1PhÈm: 18,000 | 12,000 45 19/h#em 20,000 | 12,000 Ces chiffres ne font que confirmer les résultats de l'observa- tion microscopique, qui ont déjà établi le rôle des leucocytes dans le système de défense de l'organisme contre l'invasion microbienne. Nous voyons que ce rôle fait presque complète- ment défaut dans l’œdème inflammatoire du cobaye témoin. Tandis que chez le cobaye vacciné et le cobaye soumis au traite- ment, le nombre des leucocytes émigrés dans le foyer d'infec- tion atteint, après cinq heures, le chiffre déjà considérable de 205,000 et de 32,000 par mm. c., chez le cobaye neuf, l'infection donne pour résultat le chiffre 0 de leucocytes! À 9 heures du soir, quand le phagocytisme parait avoir atteint le maximum de sou intensité, les leucocytes immigrés dans l’æœdème du cobaye témoin ne sont qu’au nombre de 300 par mm. c., tandis que chez le cobaye vacciné etle cobaye traité par le sérum thérapeutique ils atteignent le nombre élevé de 600,000 et de 188,000. Les données fournies par le sang s'accordent aussi à mer- 246 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. veille avec ces résultats : chez le cobaye témoin, le nombre des globules blancs commence à subir une décroissance rapide tout de suite après l’inoculation du virus, décroissance qui persiste jusqu’à la mort. Chez Îles autres cobayes, c'est le contraire qui a lieu : il se produit une vraie leucocytose qui dure pendant des jours de suite, jusqu'à ce que la guérison locale se soit définitivement terminée. (Voir la planche I, qui donne aussi la marche des températures pour les 3 cobayes.) Comment se produit cette leucocylose générale, destinée à exercer une grande influence sur l'issue de l'infection ? Nous possédons encore peu de connaissances exactes à ce sujet. D’après Werigo ‘ et Limbeck ?, il se produirait une espèce d’excitation chimique (peut-être par les toxines microbiennes) qui conduirait à une nouvelle production de leucocytes. D'après Rœmer *, cette multiplication des leucocytes se produirait par voie directe ou indirecte dans le sang même. Il n’entre pas dans le cadre de ces recherches d'aborder une question qui nous mènerait loin du but proposé. Mais on ne peut s'empêcher de se rappeler ici que dans ces derniers temps, surtout grâce aux travaux de Leber ‘, Massart et Bordet *, et Gabritchevsky °, il a été démontré que les leucocytes sont doués d’une sensibilité tout à fait particulière vis-à-vis des substances chimiques de différente nature. Cette sensibilité chimique ou chimiotaxie est nommée positive, négative ou (neutre) indiffé- rente, suivant que les leucocytes sont attirés, repoussés ou point du tout influencés par les substances avec lesquelles ils viennent en contact. Récemment Massart et Bordet ont en outre démontré que le sérum des lapins, vaccinés contre le microbe pyocya- 4. Les globules blancs protecteurs du sang. (Annales de l'Inst. Pasteur, 1892, p. 478.) < 2. Klinisches und Experimentelles ueber entzundliche Leucocytose. (Zeits- chrift fur Heilkunde, Bd. X.) 3. Die chemische Reizbarkeit thierischer Zellen. (Virchow’s Archiv. 1892, vol. 122, p- 28.) 4. Ueber chemiotaktische Bewegungen von Bacterien, etc. (Untersuch a. d. bot. Institut zu Tubingen, Bd. IL.) 5. Recherches sur l'irritabilité des leucocytes (Journal de la Soc. roy. des sciences med. et nat. de Bruxelles, 1890). 6. Sur les propriétés chimiotaxiques des leucocytes. (Annales de l’Inst. Pasteur, p. 434, 1891.) 7. Le chimiotaxisme desleucocytes et l’infection microbienne. (Annales de l’Inst. Pasteur, p. 434, 1891.) DÉFENSE DE L'ORGANISME. 247 nique, attire énergiquement les leucocytes des lapins neufs, grâce à une chimiotaxie positive. J'ai aussi toujours constaté une leucocytose notable chez le cobaye à la suite d’une inoculation de sérum préventif. Ainsi j'ai observé une augmentalien considérable des leucocytes dusang d'un cobaye de 370 grammes, qui avait reçu sous la peau7 c. €. de sérum, retiré d’un autre cobaye vacciné contre le vibrion. Avant l'injection 1l possédait 10,000 globules blancs par mm. c.; une heure après, ce nombre était monté à 18,000, trois heures après à 23,000 : six heures après il était tombé à 1,200, et dix heures plus tard il était revenu à l’état primitif, c’est-à- dire à 10,000. Par conséquent, tous ces faits font croire qu’une grande partie de ce travail phagocytaire, qui représente le meilleur système de défense contre l'invasion des bactéries dans l’orga- nisme du cobaye vacciné ou du cobaye traité par le sérum pré- ventif, peut être intimement lié à la propriété chimiotaxique positive des leucocytes vis-à-vis du sérum lui-même. VI] Malgré la valeur démonstrative des expériences ci-dessus décrites, il pourrait encore subsister une dernière incertitude sur l'importance majeure du rôle des phagocytes dans la guérison, incertitude rattachée à l'action du sérum préventif dans l’orga- nisme des animaux neufs inoculés par une culture virulente. Il est vrai que nous ne connaissons jusqu'ici au sérum préventif aueune action sur la vie ou sur la virulence des microbes ; néanmoins j'ai cru devoir éliminer quelques doutes à ce sujet par une nouvelle série d'expériences, déterminant d’une manière absolue la part d'action appartenant au sérum préventif, et celle appartenant aux leucocytes durant la période de gué- risOn. Il est clair que si le sérum préventif n’agit pas indirectement, en stimulant l'activité des phagocytes, il doit agir d’une autre manière, ou bien en exerçant une influence directe sur les bactéries, ou bien en formant des combinaisons éventuelles 248 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. organiques, capables à leur tour d'influencer la vie etla virulence des bactéries elles-mêmes, Dans le premier cas, le concours des leucocytes est donc indispensable et par suite aussi le fonctionnement normal de la chaleur animale, condition essentielle qui maintient ieur vie et leur activité. Dans le second cas, le sérum aurait une action chimique et devrait alors pouvoir agir aussi sans le concours d'une température strictement normale. Il est donc nécessaire de vérifier l'influence du refroidisse- ment du corps sur l'issue de la guérison après traitement par le sérum préventif. Il à été souvent constaté que l’abaissement de la température du corps, de mème que beaucoup d’autres conditions défavorables à l’organisme, diminuent notablement l’activité fonctionnelle des leucocytes. Pasteur ‘, Metchnikoff ?, Hess * et Wagner ‘ ont ensuite démontré en particulier pour les poules, naturellement réfractaires au charbon, que l’on pouvait les tuer par cette maladie si on les refroidissait (bain de siège, antipyrine, etc.i. Dans ce cas, la mort dépendait toujours de la décroissance de l'énergie des leucocytes, et par là de l'impossibilité dans laquelle se trouvait l'organisme lésé de réagir et de se libérer des microbes pathogènes. J’ai fait de la. manière suivante trois expériences sur l'effet du refroidissement artificiel sur la résistance du cobaye traité par le sérum thérapeutique : 1, cobaye (témoin). — Injection sous-cutanée de 1 c. c. de culture virulente. Il, cobaye (témoin). — Injection sous-cutanée de 1 c. c. de culture virulente et de 5 c. c. de sérum d’un ‘cobaye vacciné. III, cobaye. — Injection sous-cutanée de 1 c. c. de culture virulente et de 5 c. c. de sérum d’un cobaye vacciné. IV, cobaye {témoin). — Aucune inoculation. Les cobayes n° I et IT furent laissés en observation dans leurs 4. Bulletin de l'Académie de médecine, 1878. 2. Ueber die pathologische Bedeutung d. intracellularen Verdauung. (Fortschritle der Medicin, 1884, ne 17.) 3. Untersuchungen zur Phagocytenlehre. (Virchow’s Arehiv. t. CIX, Heft 3, 1887.) 4. Le charbon des poules. (Annales de l’Institut Pasteur, 1890, p. 570.) ER DÉFENSE DE L'ORGANISME. 249 cages ovdinaires et les cobayes n°% [IT et IV furent mis dans un récipient métallique, contenant de l’eau à 20° à peu près, qui leur baignait les extrémités et jusqu'au quart du corps. Dans cette expérience, le cobaye n°1 servait de témoin pour la virulence de la culture employée ; le cobaye n° IT devait démontrer l'effet du sérum préventif chez un animal, maintenu dans des conditions normales; le cobaye n°III, le même effet chez un animal soumis au refroidissement; le cobaye n° IV, soumis aux mêmes conditions, mais non inoculé, devait faire voir le degré de froid pouvant être supporté par un animal sain. Dans toutes les expériences, je constatai la mort des cobayes noolet LIT. Dans la première expérience, le cobaye n° I mourut après dix heures; le cobaye n° IT guérit comme d'habitude; le cobaye n° IIT eut un fort et rapide abaissement de température qui dura jusqu’au soir, où il fut retiré du bain avec le n° IV, à cause d? l'impossibilité de les surveiller la nuit. Le lendemain matin, ils furent tous les deux remis au bain. Tandis que le cobaye n° IV restait presque complètement insensible à l’effet du refroidissement, le cobaye n° IT subit de nouveau un rapide abaissement de température et succomba le soir même (33 heures après l’inoculalion du virus). Sa tempéra- ture rectale élait de 32°,3; l’examen microscopique et les cul- tures démontrèrent la RS du vibrion dans le sang et dans les organes. Dans la seconde expérience, le cobaye témoin n° I et le cobaye n° IT se comportèrent comme à l’ordinaire ; ainsi le pre- mier succomba après 12 heures et le second guérit complète- ment. Le cobaye témoin n° IV ne ressentit presque point l'effet du bain froid, tandis que le cobaye traité n° IIT eut un abaisse- ment de température rapide et continu dès qu'il fut mis en con- tact avec l’eau. Il succomba, après 8 heures, à une infection généralisée. Dans ce cas, le sérum préventif ne manifeste non seulement aucun effet sur le ralentissement de la maladie, mais l'animal traité par lui succomba beaucoup plus tôt que le témoin. Re on À ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 250 [mOn fm] ts [25] 5s[4s[55[65[7s] 8s]8m 6 Septembre Survie. Cobaye II, Survie. Cobaye IV. PR Es Die ne ee ==] == == (1 1] [5.1 1e Cobaye I. Mort. Al] EX A [AY — Er EN ere] nn Cobaye III. Mort. 4 | 7 J | EXPÉRIENCE III ventif. Effet du refroidissement sur un cobaye traité par le sérum pre Inoculation du I. Cobaye neuf (témoin non refroidi) , 265 grammes. virus. Inoculation du II. Cobaye neuf (témoin non refroidi), 485 grammes. virus et injection du sérum préventif. Inoculation par le virus et IT. Cobaye neuf (refroidi), 375 grammes. injection du sérum préventif. v orammes., N'ayant subi aucune D Cobaye neuf (témoin refroidi), 333 UVE inoculation. DÉFENSE DE L'ORGANISME. 251 Dans la troisième expérience, les cobayes témoins (I et IT) se comportèrent comme d'habitude ; le cobaye témoin n° IV, après avoir subi un abaissement de température notable, se remit bientôt et survécut, tandis que chez le cobaye n° IT Thy- pothermie persista sans interruption jusqu'à la mort, qui survint 8 heures après l’inoculation du virus, et une heure avant la mort du cobaye témoin n° [. On peut se faire une idée très claire de cette expérience en examinant, sur la figure 1, les tracés de température de tous les animaux. Pour le cobaye II, le bain froid avait été suspendu à 2 heures du soir : la température s’est un peu relevée ensuite, mais la mort est survenue le même jour à 5 heures du soir. Après ce qui a été exposé plus haut, je me crois dispensé de faire des commentaires sur ces expériences. Elles démontrent encore une fois que le sérum préventif n’influence pas l'organisme lésé par une action quelconque sur les bactéries, mais bien par une excitation spécifique de l'activité des cellules, et que les animaux, rendus malades par l'infection, mais susceptibles de guérison, succombent infailliblement s'ils sont privés du concours salutaire des phagocytes. VIII Les conclusions que l’on peut déduire des recherches expo- sées dans cet article peuvent être brièvement résumées comme il suit : Pour ce qui concerne l'issue de l'infection chez un animal vacciné, nous avons trouvé que : 1° Les microbes peuvent se développer sans difficulté, même dans le sérum des animaux vaccinés ; 20 Les microbes, au lieu de s’y atténuer, y acquièrent au contraire une virulence plus grande; 3° Le sérum des animaux vaccinés n’est pas doué d'une pro- priété antitoxique et n'empêche pas la formation des toxines microbiennes ; 4° Les animaux vaccinés échappent à l'infection grâce à l'efficacité du concours des phagocytes. 252 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Pour ce qui concerne l’issue de la guérison chez les animaux traités par le sérum thérapeutique, nous avons trouvé que : 1° Le sérum des animaux vaccinés est doué de propriétés éminemment préventives ; 20 L'inoculation de ce sérum aux animaux réussit toujours à prévenir la maladie; 3° Le sérum stimule l’activité cellulaire en provoquant le concours des leucocytes dans la circulation générale et au point de l’inoculation : %o La destruction des microbes dans l'organisme trailé par le sérum préventif s'opère toujours par les phagocytes: 5o Le refroidissement du corps paralyse l’action des phago- cytes, qui ne réagissent plus à la stimulation du sérum préventif, et l’organisme traité succombe inévitablement à l'infection. x Mes recherches ont été faites à l'Institut Pasteur, dans le laboratoire de M. Metchnikoff et sous sa direction. Je lui exprime ici ma vive reconnaissance pour ses conseils précieux et pour son aimable hospitalité. APPENDICES N° 1 Expériences comparatives qui démontrent l'absence de la propriété atté- nuante du sérum et l'action des cultures dans le sérum entier et dans le sérum soumis au lavage. [. (2 juillet). — On ensemence 5 c. e. du sérum d'un cobaye vacciné, avec le sang d'un cobaye mort en 18 heures. (4 id). — Un cobaye n° 1 est inoculé sous la peau avec { c. c. de culture développée dans le sérum susmentionné ; un cobaye n° 2 est inoculé avec le résidu de 3 c. c. de la culture filtrée et lavée ; un cobaye n° 3 est inoculé avec 4c. c. d'une culture en bouillon, obtenue un jour avant la culture en sérum. Les cobayes n° 4 et n° 2 survivent, le cobaye n° 3 meurt en 10 à 12 heures. Il. (7 id). — On ensemenceS c. c. de sérum préventif avec des fragments de rate d’un cobaye mort le même jour. (12 id). — Un pigeon (370 gr.) n° { est inoculé sous la peau avec | €. c. DÉFENSE DE L'ORGANISME. 253 d'une culture én bouillon, faite avec le sang d'un cobaye mort le T juillet; un pigeon n° 2 (276 gr.) est inoculé par { €. c. de culture en sérum; un pigeon n° 3 (210 gr.) est inoculé par le résidu de { €. c. d’une culture en sérum soumise à la filtration et au lavage; un pigeon n° 4 (315 gr.) est inoculé par { e. c. d’une culture en bouillon, obtenue un jour avant la culture développée dans le sérum. Les pigeons n% 2 et # survivent (la culture inoculée au n° #4 élait souillée), et les pigeons n°% 1 et 3 meurent après 13 heures 1/2. IL. (16 id). — 4 c. c. de sérum préventif sont ensemencés avec un fragment de rate d'un cobaye mort en 14 heures. (19 id). — Un pigeon n° 1 (320 gr.) est inoculé par 1 e. c. d'une culture en bouillon, faite avec le sang d'un cobaye mort le 16. jour; un pigeon n° 2 (280 gr.) inoculé par 1 c. c. d’une culture développée dans le sérum; un pigeon n° 3 (300 gr.) est inoculé avec le résidu de 1 c. ce. de la même culture lavée. (20 id). — Un pigeon n° 4 (325 gr.) est inoculé par 1 €. c. d’une culture en bouillon, obtenue directement de la culture développée dans le sérum. Le pigeon n° { est mort après 14 heures; le pigeon n° 4 après 9 heures; les pigeons n% 2 et 3 survivent. IV. (20 id). — 5 c. e. de sérum sont ensemencés avec le suc splénique d'un cobaye, mort en 16 heures. (24 id). — Un pigeon n° { (260 gr.) est inoculé par la culture développée de cet ensemencement; un pigeon n° 2 (265 gr.) est inoculé avec le résidu de 1 c. e. de la culture en sérum; un pigeon n° 3 (312 gr.) est inoculé avec 4 c. c. d'une culture en bouillon, obtenue directement un jour avant la cuiture en sérum. Le pigeon n° { meurt après 10 heures; le n° 2 après 27 heures; le n° 3 après 14 heures. V. (22 id). — 4 c. c. de sérum sont ensemencés avec du sang d’un cobaye mort le même jour. (25 id). -— Un pigeon n° 4 (375 gr.) est inoculé avec une culture en bouillon, obtenue du sang du cobaye susmentionné; un pigeon n° 2 (339 gr. est inoculé par 1 c. c. de la culture en sérum; un pigeon n° 3 (380 gr.) est inoculé avec le résidu de 1 c. c. de la même culture filtrée et lavée ; un pigeon n° 4 (346 gr.) est inoculé avec 1 ce. e. d’une culture en bouillon, obtenue le jour précédent, directement de la culture dans du sérum. Le pigeon n° { meurt après 43 heures: le n° 2 survit; le n° 3 meurt après 10 heures; le n° 4 survit (la culture était contaminée). VI. (27 id). — 5 e. ec. de sérum sont ensemencés avec le suc splénique d’un cobaye mort en 20 heures. (er août). — Un pigeon n° 1 (390 gr.) est inoculé avec 1 c. c. de la culture développée dans le sérum susmentionné ; un pigeon n° 2 (395 gr ) est inoculé avec le résidu lavé de 1 €. c. de la même culture; un pigeon n° 3 (382 gr.) est inoculé avec 1 c.c. d’une culture en bouillon, ensemencée directement le 254 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. jour précédent, d'une culture dans du sérum. Le n° 1 survit; le n° 2 meurt après 14 heures: le n° 3 meurt après 14 heures. VII. (27 juillet). — 5c. c. de sérum sont ensemencés avec le suc splé- nique du cobaye de l'expérience VI. (ter août.) — Un pigeon n° 1 (255 gr.) est inoculé par 1 €. c. d'une culture développée dans le sérum; un pigeon n° 2 (435 gr.) est inoculé avec le résidu lavé de À c. c. de la même culture; un pigeon n° 3 (410 gr.) est inoculé avee 4 €. c. d’une culture dans du bouillon, obtenue directement un jour avant la culture dans le sérum. Le pigeon n° 4 survit ; le n° 2 meurt après 14 heures; le n° 3 meurt après 16 heures. VIII (19 id.). — 4 ce. &. de sérum d’un lapin vacciné sont ensemencés avee une culture de vibrion sur gélose, obtenue d’un cobaye mort en {8 heures. (24 id.). — Un pigeon n° 1 (310 gr.) est inoculé avec 1 c. c. d’une cul- ture non filtrée; un pigeon n° 2 (285 gr.) est inoculé avec le résidu lavé de 4e. c. de la culture susmenlionnée; un pigeon n° 3 (325 gr.) est inoculé avec À ec. c. d’une culture dans du bouillon, culture obtenue un jour avant la culture dans le sérum. Le n° 4 survit; le n° 2 meurt après 16 heures; le n° 3 meurt après 9 heures. IX (Le septembre). — 5 c. c. du sérum d'un cobaye vacciné sont ense- mencés avec une culture du vibrion sur gélose. (4 id.). — Un cobaye n° 1 (400 gr.) est inoculé dans le péritoine avec {e. ec. d'une culture dans du bouillon, obtenue de la susdite culture sur gélose; un cobaye n° 2 (412 gr.) est inoculé dans le péritoine avec 1 c. e. de la culture dans du sérum non filtré; un cobaye n° 3 (442 gr.) est inoculé dans le péritoine avec le résidu lavé de 1 e. c. d'une culture dans du sérum; un cobaye n° 4 (395 gr.) est inoculé dans le péritoine avec À c. c. d'une culture dans du bouillon, obtenue un jour avant la culture dans le sérum. Le cobaye n° { meurt après 16 heures: le n° 2 survit; le n° 3 meurt après 8 heures; le n° 4 meurt après 10 heureu. Noa Expériences qui démontrent l'absence du pouvoir antitoxique du sérum des cobayes vaccinés. [ (14 août). — Le cobaye n° 1 (310 gr.) est inoculé sous la peau avec 9 c. c. d’une culture stérilisée (3 0/0 de son poids) et mélangée avec T c. c. du sérum d’un cobaye vacciné. Le cobaye n° 2 (300 gr.) témoin, est inoculé avèe 9 €. c. d’une culture stérilisée. Le cobaye n° 1 survit; le cobaye n° 2 meurt après à heures. IL (16 id.). — Le cobaye n° 1 (305 gr.) est inoculé sous la peau avec DÉFENSE DE L'ORGANISME. 255 12 ce. e. d'une culture stérilisée (4 0/0 de son poids) et mélangée avec T ce. €. du sérum d'un cobaye vacciné; le cobaye n° 2 (318 gr.), lémoin, est inoculé avec La même quantité de la culture stérilisée. Le cobaye n° 1 survit, le cobaye n° 2 meurt après 6 heures. [IL (25 id.). — Le cobaye n° 1 (350 gr.) {émoin, reçoit une inoculation sous-cutanée de 8 €. ce. 3/4 d’une culture stérilisée (2,5 0/0 du poids); le cobaye n° 2 (340 gr.) est inoculé avec la même dose mélangée avec 7 c. €, de sérum d'un cobaye vacciné; le cobaye n° 3 (345 gr.) est inoculé par la même dose de la culture stérilisée, mélangée avec 7 e. c. de sérum normal. Le cobaye n° { meurt après 25 heures; le cobaye n° 2 meurt après 82 heures ; le cobaye n° 3 meurt après 25 heures. IV (31 2d.). — Le cobaye vacciné n° 1 (395 gr.), témoin, est inoculé sous la peau avec 12 c. c. d’une culture stérilisée (3 0/0 de son poids); le cobaye n° 2 (380 gr.),est inoculé avec la même dose, mélangée avec 7 c. e. de sérum, obtenu trois jours auparavant par une saignée du cobaye n° 1; le cobaye n° 3 est inoculé sous la peau avec 12 c. e. de sérum normal, mélangé avec 9 c. c. d'une culture stérilisée (3 0/0 du poids de l'animal). Le cobaye n° 1 meurt après 15 heures; le cobaye n° 2 meurt après 10 heures; le cobaye n° 3 meurt après {1 heures. V (4 àd.). — Cobaye vacciné n° 1 (412 gr.), témoin. Inoculation sous- cutanée de 12 c. c. d’une culture stérilisée (3 0/0 du poids); le cobaye n° 2 vacciné (395 -gr.), témoin, inoculation avec la même dose; le cobaye neuf n° 3 (400 gr.) est inoculé avec la même dose, mélangée avec 8 c. c. de sérum du cobaye vacciné; le cobaye n° 4 neuf (250 gr.) est inoculé sous la peau avec 12 c. c. d'une culture stérilisée et mélangée avec 10 €. €. de sérum normal. Le cobaye n° 1 meurt après 12 heures; le cobaye n° 2 après 9 heures; le cobaye n° 3 après 13 heures; le cobaye n° 4 après 16 heures. VI (13 id.). — Un cobaye de 385 grammes est inoculé sous la peau avec 12 c. c. d’une culture dans du sérum d'un cobaye vacciné. La culture était stérilisée après 15 jours, est employée dix jours après (3 0/0 du poids de l'animal). Le cobaye succombe après 9 heures. VII (13 d.). — Un cobaye de 400 grammes est inoculé sous la peau avec 10 c.c. de la même culture que celle employée dans l'expérience précédente (2 1/2 0/0 du poids de l'animal). Mort après 9 heures. VIIL (14 id.). — Un cobaye de 350 grammes est inoculé sous la peau avec 7 c.c: de la même culture que dans l'expérience précédente (2 0/0 du poids). Mort après 11 heures. IN°NSe Expériences qui démontrent l'action préventive du sérum des cobayes vaccineés. I (19 juillet). — Le cobaye n° 1 (600 gr.), témoin, est inoculé sous la peau avec 1 c. c, d'une culture virulente dans du bouillon; le cobaye n° 2 256 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. (650 gr.) est inoculé avec 1 c. c. de la même culture, mélangée avec 3 c. c. de sérum d'un cobaye vacciné; le cobaye n° 3 (437 gr.) est inoculé avec 4 c.c. de la même culture et séparément avec 5 c. c. du même sérum. Le cobaye n° { meurt environ 18 heures après; les cobayes n° 2 et n° 3 sur- vivent. II (21 id.) — Cobaye n° 1 (465 gr.), témoin, est inoculé sous la peau avec 4 €. ce. d’une culture virulente dans le bouillon; le cobaye n° 2 (435 gr.) recoit À c. c. de la même culture mélangée'avec 0,5 ce. c. d’un sérum préventif; le cobaye n° 3 (460 gr.) est inoculé avec 1 €. c. de la même culture mélangée avec 1 c. c. du même sérum. Le cobaye n° 1 meurt après 20 heures: les cobayes n° 2 et n° 3 survivent. III (28 id.). — Cobaye n°1 (580 gr.), témoin, est inoculé avec 1 c. c. d'une culture virulente; le cobaye n° 2 (505 gr.) est inoculé avec 1 ce. c. de la même culture et, en un autre point éloigné, avec 5 €. c. du sérum préventif; le cobaye n° 3 (430 gr.) est inoculé avec 1 ce. c. de la culture et avec 4 c. ce. du sérum préventif à distance; le cobaye n° 4 (475 gr.) est inoculé avec 1 €. €. de la culture et avec 4 c. c. du sérum à distance; le cobaye n° 5 (520 gr.) est inoculé avec ! c. c. de la culture et à distance avec 4 c. c. du sérum préventif. Le cobaye n° 1 meurt à peu près en 16 heures; les cobayes n°2 et n° 3 survivent ; le cobaye n° 4 meurt après 24 heures; le cobaye n° 5 après 6 jours. IV (2 août). — Le cobaye n° 1 (345 gr.), témoin, est inoculé avec 4 gouttes d’une culture virulente dans l'oreille; le cobaye n° 2 (395 gr.) est inoculé avec à gouttes de la même culture dans l'oreille et avec 5 c. c. du sérum préventif sous la peau du dos. Le cobaye n° 1 meurt après 11 heures; le cobaye n°2 survit. V (4 id.). — Le cobaye n°1 (330 gr.), témoin, est inoculé avec 5 gouttes de culture virulente sous la peau de l'oreille; le cobaye n° 2 (460 gr.) est inoculé avec à gouttes de la même culture sous la peau de l'oreille et avec 5 em. c. de sérum préventif sous la peau du dos. Lecobaye n° { meurt après 17 heu- res, le cobaye n° 2 survit. VI (5 septembre). — Le cobaye n° 1 (450 gr.), fémoin. inoculation sous- cutanée d’un €. ec. de culture virulente; le cobaye n° 2 (430 gr.) est ino- culé (dans le dos) avec 1 c. c. de la même culture et avec 5 €. ce. de sérum préventif à distance (membre postérieur.) Le cobaye n° 1 meurt après 12 heures etle cobaye n° 2 survit. VII (6 id.) — Le cobaye n° 1 (266 gr.), témoin, est inoculé avec 1 c. €. d'une culture virulente; le cobaye n°2 (485 gr.) est inoculé sous la peau du cou avec À c. c. de la même culture et à distance (extrémité du dos) avec 5 c.c. de sérum préventif. Le cobaye n° 1 meurt après 9 heures et le cobaye n° 2 survit. DÉFENSE DE L'ORGANISME. N 0 4 Lo ©: Virulence des cultures faites avec l'exsudat des cobayes vaccinés et des cobayes traités avec le Sérum préventif. NATURE ET ORIGINE DE L'EXSUDAT. oo 1. [Culture de l’exsudat d'un cobaye hypervacciné (24 heures après l’inoculation du virus) Culture de l’exsudat d’un cobaye vacciné (24 heures après l’inocu- lation du virus). 3. [Culture de l’exsudat d’un cobaye traité avec le sérum préventif (24 heures après l’moculation du virus et du sérum), Culture de l’exsudat d’un cobaye traité par le sérum préventif (24 heures après l’inoculation du virus et du sérum). 5. [Culture de l’exsudat d’un cobaye traité avec le sérum préventif. (6 jours après l’inoculation du virus et du sérum). 6. [Culture de l'exsudat d’un cobaye traité avec le sérum préventif (2 jours après l’inoculation du virus et du sérum). 7. [Culture obtenue de l’exsudat d’un cobaye traité avec le sérum pré- ventif (4 jours après l’inoculation du virus et du sérum). POINT D'INOCULATION. Sous la peau du dos. Sous la peau du dos. Sous la peau du dos. Sous la peau du dos, Sous la peau du dos. Sous la peau de l'oreille. Sous la peau de l'oreille. N° 5 RÉSULTAT de L'INOCULATION. Mort après 8 heures. Mort après 12 heures. Mort après 12 heures. Mort apres. 14 heures. Mort après 16 heures. Mort après 20 heures. Mort après 17 heures. POIDS de L'ANIMAL, Expériences qui démontrent l'influence du refroidissement sur les cobayes trai- tés par le sérum préventif. EXPÉRIENCE Î Cobaye n° 1, A0 gr. (témoin non refroidi). Injection de 5 gouttes de cul- ture virulente sous la peau de l'oreille. Cobaye n° 2, 358 gr. (témoin non refroidi). Injection de 5 gouttes d’une culture virulente sous la peau de l'oreille et de 5 c. c. de séram préventif Sous la peau du dos. 47 258 ANNALES LE L'INSTITUT PASTEUR. Cobaye n°3, 370 gr. (refroidi). Injection comme la précédente. Cobaye n° 4, 360 gr. ({émoin refroidi). Sans inoculation aucune. Températures reclales. 29 AOÛT. 30 AOUT 21 AOÛT. ——— 11 m.| 1. 9m. |10 m.| LA m.112 m.| 4 s: 113 s: | 5 s. | 68, | 8. | 9 m. [14 m.| 1 s. | 35. A 68. | 8. 1cer137,9137,9127,8137,2 36,5136,2135,5135,8| » » » » » » » 9e |38,2138,2137,8138.,0158,5138,5139,5139.2139, 3139,5137,6139,7139,4139,5139,1|: 30 |38,9137,0133,4132,8133,2133,5130,5126,0/27,7139,3138,7137,7134,8132,3| » 46 138,6137,4135,9135,7137,2137,7136,5132,8135,2138,6138,6138,5138,1138,3138,3138,5138,9 EXPÉRIENCE II Cobaye n° 1, 425 gr. ({émoin non refroidi) Injection sous-cutanée de 1 €. c. de culture virulente. Cobaye n° 2, 425 gr. ({émoin non refroidi). Injection sous-cutanée (au cou) de 1 c. c. dela même culture et à distance (au dos) injection de 5 c. €. Cobaye n° 3, 445 gr. (refroidi). Injection comme la précédente. Cobaye n° 4, 430 gr. (témoin refroidi) Aucune inoculation. Températures rectales. 5 SEPTEMBRE. ES ——— 9 m. | 10m. | 11m. | 12m. ile DAS JUS 4 S. DES: 6 s. TES 8 S. EXPÉRIENCE III Cobaye n° 1, 265 gr. ({émoin non refroidi). Injection sous-cutanée de 1 c. c. de culture virulente. Cobaye n° 2, 485 gr. (lémoin non refroidi). Injection sous-cutanée (cou) de 1 c. c. de culture et à distance (dos) injection sous-cutanée de 5 c. c. de sérum préventif. Cobaye n° 3, 375 gr. (refroidi). Injection comme la précédente. Cobaye n° 4, 335 gr. ({émoin refroidi). Aucune inoculation. PAST DÉFENSE DE L'ORGANISME. 259 Températures rectales. 6 SEPTEMBRE. 7 SEPTEMBRE. ns — I m. $ $. LIU dt se EM 5 S. CE 8 S. 8 M. 31,0 32,6 EXPLICATION DE LA PLANCHE Il. Cette planche résume les résultats de l'expérience B (p. 244 et 245). Elle donne, pour chacun des cobayes, la température, le nombre des leucocytes dans un mill. cube du liquide de l'æœdème et du sang aux diverses périodes de l'expérience, La représentation coloriée fait que les différences sautent aux yeux. LADA, EE AT 2 CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE L'IMMUNITÉ ACQUISE CONTRE LE PNEUMOCOQUE (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff à l’Institut Pasteur), Par B. ISSAEFF. AVANT-PROPOS L'immunité acquise contre le pneumocoque de la pneumonie fibrineuse a été l’objet de sérieuses recherches de plusieurs savants, mais il suffit de jeter un simple coup d'œil sur leurs conclusions pour s’apercevoir des contradictions importantes et même du désaccord complet de leurs opinions sur la question des causes de l’immunité acquise contre le pneumocoque. C’est pour éclairer cette question controversée que nous avons entre- pris ce travail sous l'inspiration du professeur Metchnikoff, à qui nous tenons à témoigner ici notre profonde reconnaissance pour les conseils qu’il nous a prodigués au cours de nos recherches. Foa et Carbone (1), puis Emmerich et Fawitzky (2), gué- rissaient la pneumococco-septicémie chez les lapins et les souris par des injections de sérum et d’humeurs d’animaux vaccinés contre le pneumocoque. Ces auteurs attribuent la gué- rison à la propriété bactéricide des humeurs de l’organisme vacciné. Krouse et Pansini (3) arrivent à la mème conclusion, après avoir constaté i» vitrola diminution progressive du nombre des microbes dans les cultures du pneumocoque dans le sérum d'animaux vaceinés. Behring et Nissen (4), dans leurs recherches sur le déve- loppement de différents microbes dans le sérum d’animaux réfractaires à ces microbes, ont trouvé que le pneumocoque, ensemencé même en très faible qnantité, se développe très bien dans le sérum des rats, des cobayes et des chiens vaccinés. L'IMMUNITÉ CONTRE LE PNEUMOCOQUE. 261 Selon M. Roger (5), la virulence du pneumocoque serait atténuée dans le sérum d'animaux vaccinés contre ce microbe. M. Arkharoff (6) admet que le sérum peut avoir dans cer- taines conditions des propriétés bactéricides. Contrairement aux auteurs précédents, M. Mosny (8) trouve que la virulence du pneumocoque augmente considérablement si on le cultive dans le sérum d'animaux vaccinés. L’immunité serait due, pour cet auteur, à une propriété toxinicide du sérum du sang. MM. G. et F. Klemperer (7), n'ayant pu constater la pro- priété bactéricide du sérum en question, cherchent à expliquer l'immunité acquise par la propriété qu'aurait le sérum de neu- traliser les toxines. Quant aux phénomènes de phagocytose, ils ne les contestent pas, mais leur attribuent peu d'importance. De cette analyse rapide des opinions de divers auteurs, nous voyons donc qu'on peut rapporter ces opinions à trois théories principales : 1° Pour les uns, l'immunité acquise contre le pneumocoque résulterait de ce que les humeurs et le sérum du sang de l’orga- nisme vacciné empêchent le développement du microbe, qui périt dans les humeurs (théorie bactéricide). 2° D'autres auteurs, tout en admettant la possibilité du déve- loppement du pneumocoque dans un organisme vacciné, pen- sent, en s'appuyant sur quelques faits, que ce microbe perd ses propriétés pathogènes sous l'influence du sérum vacciné, et devient par conséquent inoffensif pour l'organisme (théorie de l’atténuation). 3° D'autres enfin nient les deux théories précédentes, et cherchent à expliquer limmunité acquise contre le pneumocoque par la propriété qu'aurait le sérum d'animaux vaccinés de neu- traliser les toxines du pneumocoque (antitoxicité du sang). Pour ce qui concerne la propriété bactéricide ou atténuantie des humeurs, l'étude est simple, mais les recherches sur la pre- priété antitoxique des humeurs sont un peu plus délicates, et au cours de nos recherches il y a à surmonter une première diffi- culté : pour bien mettre en évidence l’action neutralisante du sérum d'animaux vaccinés sur les toxines, il fallait trouver le moyen d'obtenir des toxines assez puissantes pour que leur action sur l'organisme füt hors de doute. [RS] 62 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. DE LA VIRULENCE ET DE LA TOXICITÉ DES CULTURES DU PNEUMOCOQUE. — EXALTATION DE LA VIRULENCE DU PNEUMOCOQUE PAR DES PASSAGES SUCCESSIFS DANS LE PÉRITOINE DES LAPINS. — DES TOXINES DU SANG DE LAPINS MORTS DU PNEUMOCOQUE. — DES TOXINES DANS L'ÉPANCHE- MENT PLEURO-PÉRITONÉAL DE LAPINS ET DE CHIENS MORTS DU PNEU- MOCOQUE. Le pneumocoque de Talamon-Fraenkel ne produit pas, dans les cultures, de toxines fortes et durables. La virulence et la toxicité des cultures de ce microbe diminuent d’une façon notable déjà 3 ou 4 jours après l'ensemencement; en même temps, la culture devient légèrement acide. Du 20° au 30° jour, la toxicité a presque complètement disparu. Les cultures dans le bouillon de veau (sans peptone), ou dans le bouillon addi- tionné de 5 à 10 0/0 de sérum de lapin, amsique les cultures dans le jus de viande, ou sur de la gélose, ou dans le sérum gélatinisé du sang de lapin, présentent en général un faible pouvoir toxique, lors même qu’elles sont récentes. L'injection intravei- neuse de ces différentes cultures, stérilisées de diverses façons, n’est pas mortelle pour les lapins, même à la dose de 3,5 0/0 du poids de l'animal. Le sérum du sang de lapin est le milieu le plus favorable pour les cultures. L’injection intraveineuse d’une culture en sérum stérilisée provoque de graves troubles dans l'organisme du lapin. A la dose de 2, 5 0/0 du poids de l’animal, on obtient des oscillations de la température du corps atteignant 3°, 5. La stérilisation des cultures par le chloroforme ou par l'eau chloroformée présente quelques avantages sur la méthode de stérilisation par chauffage à 58° pendant 2 heures; elle est également préférable à la stérilisation par l'acide phénique ou l'acide thymique. Une culture de pneumocoque qu'on neutralise à laide d’un appareil spécial, laissant tomber goutte à goutte une solution de bicarbonate de soude d’une façon automatique et régulière, ne devient pas plus forte au point de vue de sa toxicilé. Dans des cultures à l’abri de l'air, le pneumocoque se déve- loppe moins rapidement et moins abondamment. Ces cultures L’IMMUNITÉ CONTRE LE PNEUMOCOQUE. 263 n'ont pas présenté de réaction acide, mais leur toxicité est aussi faible que celle des cultures ordinaires. Les cultures dont nous avons parlé étaient ensemencées avec du sang de lapins qui venaient de succomber à l'infection pneu- mococcique. Le degré de virulence du microbe était maintenu fixe à l’aide d’une série de passages successifs sous la peau des lapins. Le peu de certitude des recherches sur le pneumocoque dans les conditions exposées m'a conduit à chercher les moyens de rendre les toxines plus fortes. La production de toxines plus ou moins fortes est toujour en rapport avec le degré de virulence de chaque microbe. Hi paraissait done qu’en augmentant la virulence du pneumocoque on devait par là augmenter la toxicité de ses cultures. Or, les cultures du microbe exalté, obtenues dans divers milieux nutri- tifs, se sont montrées seulement un peu plus toxiques que celles du microbe non exalté, car ces cultures ne déterminaient la mort des lapins qu’à la dose de 2, 5 0/0 du poids de l'animal. L’évaporation dans le vide des cultures stérilisées au chlo- roforme ne nous donna pas non plus le résultat cherché. Une culture, évaporée au dixième de son volume primitif, et injectée dans le péritoine d’un lapin à la dose de 1 0/0 du poids de l’animal, provoque de graves troubles, sans cependant amener la mort. Ces résultats ne me satisfaisant point, je poursuivis mes recherches. L'eraltation de la virulence du pneumocoque s'obtient le plus facilement par des passages successifs dans le péritoine des lapins. Le virus, fixé préalablement par des passages sous- cutanés, gagne rapidement en virulence à la suite d’inoculations intrapéritonéales. Pour les 10 à 12 premiers passages, la quantité de virus nécessaire pour l'injection intrapéritonéale doit êtreconsidérable, de 1à1,5c. c. de sang d'animaux récemment morts d'infection prneumococcique. Dans la suite des passages intrapéritonéaux, les lapins suc- combent avec un épanchement péritonéal très riche en microbes. Leur sang, de couleur rouge foncé, également riche en microbes, perd au 10° ou 12° passage la propriété de se coaguler, en même temps qu’il devient extrêmement toxique et virulent. Il est, par LR 6% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. conséquent, nécessaire de diminuer la dose dans les inoculations successives, à mesure que la virulence du sang augmente. Ainsi, après le 10° passage, il suffit d'introduire dans le péritoine du 11° lapin 6 à 8 gouttes de virus. Si l’on injecte des doses plus fortes, la mort des animaux survient en parte du fait de l'intoxication. Dans ce dernier cas, le sang est parfaitement clair, de couleur presque normale, susceptible de se coaguler, et pauvre en microbes. De l’action du virus exalté sur les animaux. — Une goutte de sang virulent d’un lapin qui vient de succomber, introduite dans le péritoine d’un lapin neuf, suffit pour le tuer en 10 ou 12 heures. Une dose plus forte amène la mort en 8 ou 9 heures. En augmentant la dose, il ne faut cependant pas dépasser 0,75 c. c., car, si l’on injecte, par exemple, 1,5 c. c., les lapins succombent parfois au bout de 5 heures 1/2, mais c'est à, croyons-nous, l'effet de l’intoxication par les toxines contenues dans le sang. A la suite d'une injection sous-cutanée de #4 à 6 gouttes de sang virulent, les lapins succombent au bout de 12 à 15 heures. Si l’on continue pendant longtemps les passages intrapéri- tonéaux exclusivement sur les lapins, Le virus s’affaiblit : les ani- maux meurent rapidement, et les symptômes de linfection changent aussi; au lieu d'une agonie douce, la mort est précédée d’une très grande agitation de l'animal et d’une abondante diurèse, qui se produit 1 heure ou 4 heure 1/2 avant la mort. Mais il suffit de deux ou trois passages intrapéritonéaux sur des cobayes ou sur des chiens pour rétablir toute la force du virus. Le sang des cobayes et des chiens morts du pneumocoque est toujours pauvre en microbes, ce qui nous à fait prendre, pour les inoculations, leur épanchement péritonéal, qui est très abondant, surtout chez le chien. L’épanchement pleural du chien est également abondant et riche en microbes: sa quantité atteint parfois 50 à 60 c. e. Nous n'avons pu réussir à donner l'injection pneumococcique ni aux pigeons, ni aux petits oiseaux, même en associant les toxines du Bacterium coli où du Vibrio Metchnikovi. De la toxicité du sang virulent des lapins morts du pneumocoque. — Le sang stérilisé par chauffage à 58° pendant 2 heures, ou par l'acide phénique, n’est pas très toxique, mais cependant ce même L’IMMUNITÉ CONTRE LE PNEUMOCOQUE. 265 sang, stérilisé par chauffage à l'abri de l'air et injecté à la dose de 1 0/0 dans la veine auriculaire d'un lapin, détermine quel- quefois la mort de l'animal. Il nous parait que la stérilisation par l’eau chloroformée présente quelques avantages. Procédé d'obtention de toxines du sang. — 4° Recueillir le sang de trois ou quatre lapins, morts récemment du pneumocoque, dans un vase stérilisé. Il n'est pas difficile de retirer de 18 à 25 c. e. de sang du cœur du lapin, si l'on a soin de faire l’autopsie Immé- diatement après la mort: 20 Ajouter au sang recueilli un volume égal d’eau stérilisée contenant 1 0/0 de glycérine, et alcalinisée à l’aide de quelques vouttes d'une solution concentrée de bicarbonate de soude (5 à 6 gouttes pour 100 c. c. de mélange); 3° Stériliser le mélange par filtration à l’aide du filtre Cham- berland. L'injection intraveineuse du produit filtré est quelquefois mortelle pour les lapins à la dose de 1 0/0 du poids de l'animal. La toxicité de ce produit chauffé à 70° diminue considéra- blement, et, après chauffage à 100°, on n'observe plus aucune réaction chez les animaux inoculés. L'exsudat péritonéal des lapins morts du pneumocoque, stérilisé par la chaleur et injecté à la dose de 1 0/0 (du poids de l'animal) dans le péritoine, ou dans la veine auriculaire de lapins neufs, provoque des troubles très graves dans Porganisme, mais n'a pas déterminé la mort des animaux dans notre série d’expé- riences. L'épanchement pleuro-péritonéal des chiens morts du pneumocoque paraît avoir des propriétés plus toxiques que celui des lapins : ces exsudats, stérilisés par filtration et injectés dans le sang du lapin, déterminent parfois la mort de l'animal. Il DE L’IMMUNISATION DES LAPINS. — DE L'INFLUENCE DES TOXINES DU PNEU- MOCOQUE SUR LES LAPINS VACCINÉS. — LE SÉRUM DU SANG DES LAPINS VACCINÉS CONTRE LE PNEUMOCOQUE POSSÈDE-T-IL LA PROPRIÉTÉ DE NEUTRALISER Î VilYO LES TOXINES DE CE MICROBE ? L'immunisation des lapins contre l'infection pneumococcique ne présente aucune difficulté et s'obtient facilement par différents procédés. Nous nous sommes servis principalement de cultures 266 ANNALES DE L'INSTITUT. PASTEUR. stérilisées dans du bouillon ou du sérum, en les injectant successi- vement dans le sang des lapins à la dose de 10 à 50 c. ce. Comme ces injections provoquaient toujours une réaction plus ou moins forte, une élévation de température et une diminution progressive du poids de l'animal, nous ne faisions la deuxième injection que lorsque les animaux paraissaient complètement guéris de la première. Plusieurs lapins ont étéimmunisés à la suite d’injections intraveineuses ou intrapéritonéales de sang virulent stérilisé par la chaleur ou par l’eau chloroformée. Nous nous sommes servis avec un égal succès d’injections de toxines extraites du sang par filtration, ainsi que de lexsudat pleuro-péritonéal stérilisé de chiens et de lapins morts à la suite d’inoculations intrapéritonéales du pneumocoque. Il suffit d’une seule injection de toxines à la dose de 10 €. e. dans le sang ou dans le péritoine des lapins pour les rendre réfractaires à un haut degré à l'infection pneu- mococecique. Les lapins immunisés de cette façon ont toujours été soumis à deux épreuves à l’aide du sang frais de lapins récemment morts du pneumocoque. Pour la première épreuve, j'inoculais 2 à 4 gouttes; pour la seconde, 0,5 c. c. de sang virulent. Pour maintenir limmunité, je répétais ces inoculations toutes les quatre semaines: la quantité du virus était variable, mais ne dépassait jamais 0,5 c. ce. pour les injections sous-cutanées, et 5 à 6 gouttes pour les injections intrapéritonéales. Plusieurs lapins avaient reçu 9 injections de virus et 5 injections de toxines. Lorsque les lapins furent complètement remis de leur malaise après les inoculations d’épreuve, ils purent servir aux expé- riences ; le rétablissement était jugé par l'augmentation du poids des animaux en expérience. L'action des toxines sur les lapins vaccinés était appréciée d’après le degré de leur réaction en comparaison avec les animaux témoins. Les toxines des cultures en bouillon de divers âges, stérilisées de diverses façons, ainsi que les toxines séparées par filtration du sang ou des exsudats, étaient toujours injectées directement dans le sang des lapins (veines de loreille). Dans un cas seule- ment nous avons injecté dans la cavité péritonéale le sang stérilisé par l’eau chloroformée. Nous avons fait 16 expériences L'IMMUNITÉ CONTRE LE PNEUMOCOQUE. 267 sur l'influence des toxines sur les animaux vaccinés. Dans les premières expériences, pour vérifier la toxicité des cultures, nous avons fait des épreuves complémentaires sur une seconde série de lapins vaccinés et inoculés avec du bouillon pur. Les résultats de ces 16 expériences furent semblables, comme on peut en juger d’après les détails de l'appendice I. Malgré les variations dans la réceptivité individuelle, les lapins vaccinés ont toujours réagi sous l'influence des toxines d’une façon plus énergique que les lapins fémoins. Dans une expérience (n° 14), le lapin vacciné a succombé 10 heures après l'injection de toxines, tandis que le témoin correspondant a survécu. Dans deux autres expériences (n° 13 et 15), les lapins vaccinés ont succombé, ainsi que leurs témoins, dans un espace de temps qui a varié de 35 minutes à 14 heures pour les premiers, et de 11 heures à 16 heures pour les seconds. Dans l'expérience n° 10, le lapin vacciné à survécu, tandis que son témoin a succombé 1 h. 10 min. après l'injection des toxines, mais cette expérience n’est nullement en contra- diction avec les précédentes, car le lapin vacciné dontil s'agissait était plus fort, âgé de un an, et pesait 3,350 grammes, tandis que son témoin était jeune et ne pesait que 2,500 grammes. Quant aux différences observées dans le temps que les lapins mettent à succomber, elles doivent être aussi considérées comme le résultat de leur sensibilité individuelle très variable vis-à-vis des toxines. Les lapins vaccinés, une fois rétablis de leur première épreuve, ont réagi non moins énergiquement à la deuxième et à la troisième épreuve avec les toxines {voir tab. [. Exp. n°51,7,10). Ces expériences, faites tantôt avec des cultures de bouillon faiblement toxiques, tantôt avec des toxines plus actives, nous ont convaincu que les lapins, tout en étant complètement réfrac- taires contre l'infection par le pneumocoque, restent sensibles à un haut degré aux toxines de ce microbe. Même de faibles doses de toxines (de cultures en bouillon) ne peuvent être neutralisées dans le sang des animaux vaccinés, — ce qui nous amène à cette conclusion que l'on ne peut admettre l'existence d'une propriété anti- toxique du sang chez les animaux vaccinés contre le pneumocoque. A cet égard, la seconde série d'expériences que nous avons faites est non moins convaincante (voir tab. II. Appendice). Le 258 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sérum des lapins vaccinés était mélangé avec un volume égal d'une culture fortement toxique de sérum de lapin (stérilisée par chauffage à 58°. Ce mélange était injecté dans la veine d’un lapin neuf. Un autre lapin, témoin, recevait la même quantité de cette culture toxique mélangée avec un volume égal de sérum normal, non vacciné. Dans deux expériences (n°7 et 8), les cul- tures furent remplacées par des toxines extraites du sang virulent par filtration. On se servait toujours de mélanges fraichement préparés. Dans les huit expériences que nous avons faites, nous n'avons pas observé de différence appréciable danslénergie de la réaction des deux lapins. Quelques particularités de la courbe thermomé- trique de plusieurs lapins sont évidemment en rapport avec leurs propriétés individuelles. Dans quatre de ces expériences (n9 2, 5, 6. T), nous avons fait des épreuves simultanées de l’action thérapeutique du sérum d'animaux vaccinés, et nous avons toujours obtenu un résultat positif. Il a suffi d’injecter, en même temps que le virus, #, 5 e. ce. de ce sérum pour prévenir l'infection générale chez les lapins, qui avaient reçu 0,25 e.c. de sang virulent en injection sous-cutanée. On voit done par cetensemble de faits que le sérum de lapins vaccinés contre le preumonoque ne possède la propriété de neutraliser les toxines de ce microbe ni «in vitro », ni duns l'organisme. MM.G.et F. Klemperer (7), dans une excellente monographie sur l’action thérapeutique du sérum d'animaux vaccinés contre le pneumocoque, concluent que le sérum de lapins vaccinés leur paraissait avoir la propriété certaine de neutraliser in vitro les toxines des cultures de pneumocoque dans le bouillon. Mais ces auteurs n'avaient pas étudié l’action des toxines du pneumo- coque sur les animaux vaccinés, et même, pour la propriété antitoxique in vitro du sérum thérapeutique, ils ne se pronon- cent pas sans quelque hésitation. Ainsi la contradiction appa- rente de nos expériences avec les conclusions de Klemperer tombe-t-elle d'elle-même. na”, L’IMMUNITÉ CONTRE LE PNEUMOCOQUE. 269 HI CULTURES DU PNEUMOCOQUE DANS LE SÉRUM DE LAPINS VACCINÉS. — DIVER- SES FORMES DU PNEUMOCOQUE, SA VIRULENCE. — MICROBES LAVÉS PRO- VENANT DES CULTURES EN SÉRUM DE LAPINS VACCINÉS ET DE LAPINS NON VACCINES. L’ensemencement du pneumocoque dans le sérum de lapins vaccinés donne toujours une culture abondante, mais un peu moins riche en microbes que les cultures en sérum normal. Les expériences ont été faites avec du sérum frais. Le sang, extrait, avec toutes les précautions d'une asepsie rigoureuse, de l'artère carotide d’un lapin vacciné et complètement rétabli de l'inocula- tion précédente, fut laissé à la température de la chambre pen- dant 24 heures, pour la coagulation : après quoi, le sérum recueilli avec une pipette stérilisée fut abandonné encore pendant 24 heures, pour la séparation des éléments figurés du sang. Le sérum provenant de cette deuxième séparation fut réparti dans des éprouveties stérilisées, et ensemencé avec de très faibles quantités de sang virulent à l’aide d’une aiguille en platine. Plusieurs lapins vaccinés, comme nous l'avons dit plus haut, avaient reçu 9 inoculations de virus et 5 injections de toxines, et malgré cela le pneumocoque, ensemencé dans le sérum de ces lapins, se développait toujours très bien. L'ensemencement de virus dilué nous a donné les mêmes résultats. Et cependant l’action thérapeutique de ce sérum était marquée : il a suffi d’in- jecter #, 5 à 6 c. ce. du sérum en question pour prévenir l'infec- tion généralisée chez les lapins, qui avaient reçu 0,25 c. e. de sang virulent. Il ne peut donc plus être question de l’action bactéricide in vitro du sérum de lapins vaccinés contre le pneu- mocoque. | L'aspect des cultures du pneumocoque dans le sérum de lapins vaccinés diffère considérablement de celui des cultures en sérum normal. Tandis que, dans ces dernières, le microbe pro- duit un trouble général, dans les premières, il se dépose au fond et en partie sur les parois du vase, et ne rend pas les cultures troubles. Le microbe se présente sous la forme de longues chai- nettes composées parfois de 10 microbes et même plus; il y a du resté beaucoup de diplocoques séparés ou réunis par paires. 270 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La forme et les dimensions du microbe varient souvent, mais la forme prédominante est la forme lancéolée, qui est régulière, Lypique. On observe parfois à l’une des extrémités du microbe un épaisissement qui se colore facilement par les couleurs d’ani- line. Beaucoup de microbes ont une forme légèrement ovale et mème tout à fait ronde, en coccus. Mais cette variabilité des formes du pneumocoque ne constitue pas un caractère distinctif des cultures en sérum vacciné, car on retrouve les mêmes diffé- rences de formes dans les cultures en sérum normal. Les diverses formes du pneumocoque s’observent également dans l’exsudat pleural des cobayes inoculés dans le péritoine. Dans l’exsudat pleural des chiens, on trouve des formes en chaïnettes, com- posées de 5 à 7 microbes. Nous n'avons pas observé la prédo- minance, indiquée par M. Arkharoff (6), des formes dégénéra- tives dans les cultures en sérum vacciné, bien que nous ayons employé les differents procédés de coloration et, entre autres, le bleu de Loeffler, recommandé par M. Arkharoff. Quoi qu'il en soit, les cultures de pneumocoque dans le sérum d'animaux vaccinés présentent des particularités très caractéris- tiques. Sous l'influence des principes chimiques du sérum vac- ciné, le microbe se développe moins abondamment, se modifie un peu dans sa forme extérieure, mais ces modifications n’ont guère de rapport avec le changement de ses propriétés patho- gènes. Nous voyons, en effet, que les cultures de pneumocoque à l'abri de l'air, quoique pauvres en microbes, sont aussi viru- lentes que les cultures ordinaires, toujours très riches en microbes; malgré le changement de forme que le pneumocoque subit dans les cultures en bouillon (courtes chaïnettes, absence de capsule), il ne perd pas ses propriétés pathogènes. Du reste, cette question de la virulence du pneumocoque cul- üivé dans le sérum de lapins vaccinés mérite d’être étudiée d’une façon très attentive,étant donnéeslesobservations contradictoires de divers auteurs qui ont fait des recherches spéciales sur ce sujet. Les inoculations sous-cutantes de 1 à 2,5 c.c. de culture en Sérum thérapeutique datant de 24 à 72 heures déterminent dans plus de la moitié des cas une infection générale et la mort chez les lapins (voir tab. IV, App.).Les animaux suecombent dans un espace de temps qui varie de 42 à 152 heures. Quelquefois l’in- fection reste localisée et les lapins guérissent, tandis que les L'IMMUNITÉ CONTRE LE PNEUMOCOQUE. 271 lapins témoins inoculés sous la peau avec la même dose de cul- ture en sérum normal meurent le plus souvent d'infection géné- rale et d’une façon plus rapide, au bout de 18 à 52 heures (voir tab. V, App.). M. Roger (5) explique le ralentissement du processus infec- tieux et parfois le rétablissement complet, chez les animaux ino- culés avec des cultures en sérum thérapeutique, par latténuation du microbe sous l'influence de ce sérum. M. Roger inoculait aux animaux, en même temps que les microbes, le sérum qui leur servait de milieu de culture. Or, c'est à l’action thérapeutique de ce sérum que doivent être attribués le ralentissement et mème la guérison du processus infectieux. Pour juger du degré de viru- lence d’un microbe, il faut annuler l’action thérapeutique du sérum qui à servi de milieu de culture. On à démontré pour d'autres microbes (Hog-Choléra) que le ralentissement de la marche de l'infection, à la suite d’inoculations de cultures en sérum vacciné, est dû à l’action thérapeutique de ce sérum. Quant à la virulence du microbe, elle ne change point sous l’in- fluence du sérum vacciné (Hog-Choléra). Les inoculations de microbes séparés des cultures en sérum thérapeutique à laide d'un filtre de papier provoquent toujours une infection généra- lisée et rapide, — c’est là une expérience fort démonstrative, d'autant plus que l'isolement absolu des microbes du liquide de culture est impossible. M. Mosny (8) trouve, contrairement à M. Roger, que les cul- tures de pneumocoque dans le sérum thérapeutique, quoique moins riches en microbes, sont cependant plus virulentes que les cultures dans le sérum normal. M. Arkharoff (6) inoculait les lapins avec des pneumocoques cultivés dans le sérum thérapeutique et séparés du liquide de culture par des lavages. Les expériences étaient faites la plupart du temps avec des cultures trop vieilles. Or,le pneumocoque périt rapidement dans les cultures. M. Arkharoff mentionne lui-même, dans le mémoire cité, que les cultures du pneumocoque dans le sérum d'animaux vaceinés sont mortes déjà du 6° au 8° jour après l’ensemencement ’. 4. Comme le travail de M. Arkharoff (Arch. med. expér., 1892, p. 498) a été fait dans mon laboratoire, je me crois obligé de donner quelques explications au 272 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La question a par conséquent été insuffisamment élucidée. Si l’atténuation se fait réellement sous l'influence des humeurs de l’organisme vacciné, ce processus doit se faire dans les pre- mières heures après l’inoculation du virus. Aussi avons-nous fait des expériences avec des cultures jeunes datant de 24 à 72 heures. 1, 2 ou 2,5 c. ec. de culture en sérum thérapeu- tique étaient filtrés sur un filtre de papier. Après quoi on avait soin de laver deux ou trois fois les microbes restés sur le filtre avec une solution physiologique de chlorure de sodium; ensuite le résidu, recueilli à l’aide d’un pinceau stérilisé et délayé dans 2 ©. ce. de solution de sel marin, était injecté sous la peau d’un sujet de ses expériences sur la prétendue atténuation du pneumocoque dans le sérum des lapins vaccinés. Sur mon conseil, M. Arkharoff inocula parallèlement des cultures entières et des cultures aussi débarrassées que possible du sérum. Mais dans la grande majorité de ses expériences il se servit de cultures trop vieilles, de 3, 4,etc., et même de 8, 9 et 10 jours. Or, il est suffisamment connu que pour l’étude de la virulence il faut se servir de cultures jeunes. Une seule expérience de M. Arkharoff (n° XVII), faite avec une culture de 1 jour, a donné un résultat positif. Mais la plus grande cause d'erreur des expériences de M. Arkharoff pro- vient de ce qu’il a injecté plusieurs fois des cultures mortes, ne donnant plus de microbes après le réensemencement dans du bouillon (Exp. XII, XIV, XX). Il est évident que les cultures mortes ou à peine vivantes ne peuvent nullement servir pour l'étude de la virulence. Si nous excluons les expériences, faites avec ces cultures, nous verrons que les faits observés par M. Arkharoff ne confirment nullement sa conclusion. Dans trois cas (Exp. nos VII, IX, XXI), auxquels il faut ajouter encore un quatrième (que M. A. n'a pas mentionné dans son tableau de la p. 5%1), les lapins inoculés avec des cultures entières ont survécu, tandis que les lapins qui ont reçu les cultures débarrassées du sérum sont morts en 2.4 jours. Dans cinq autres expériences (n0s IV, VI, XVII, XVIII, XIX), les lapins inoculés avec des cultures privées du sérum sont morts avant leurs témoins. Dans une expérience, les deux lapins sont morts en même temps. De tout len- semble des expériences de M. Arkharoff, il n'y a en qu'une seule (n° XI) où la culture notoirement vivante (dans l'Exp. n° XV le contrôle n’a pas été fait) n’a pas tué le lapin auquel elle a été injectée sans le sérum. Mais c’était une culture de 5 jours, dont la faiblesse s’explique facilement par son âge avancé. Il résulte de cette analyse que les expériences de M. Arkharoff, malgré l’em- ploi de vieilles cultures, confirment le résultat obtenu par M. Issaeff, à savoir que les cultures dans le sérum des lapins vaccinés sont virulentes, mais pas toujours mortelles, à cause de l’action préventive du sérum. Je saisis cette occasion pour informer les lecteurs du mémoire de M. Arkharoff que cet observateur a confondu plusieurs fois le pneumocoque avec le microbe de la pneumo-entérite des pores, très virulent pour le lapin. Une fois M. Arkharoff me montra un lapin vacciné, mais mort à la suite de l'injection du pneumo- coque dans une oreille œdématiée artificiellement. Comme ce cas semblait indi- quer que le pneumocoque, inoculé dans un endroit très pauvre en phagocytes , pouvait occasionner la mort d’un lapin vacciné, je me suis mis à l’étudier, et je constatai aussitôt qu'il s'agissait du microbe du Hog-Choléra et non du pneumo- coque. M. Arkharoff le décrit (p. 321) comme « une des formes modifiées du pneumocoque ». L’obstination de M. Arkharoff à ne pas employer la coloration de Gram (v. la note de la p. 505 de son mémoire) lui a facilité cette erreur. METCHNIKOFF. L'IMMUNITÉ CONTRE LE PNEUMOCO UE. 213 lapin. On inoculait un autre lapin, témoin, sous la peau, avec une culture non lavée, à une dose de 1 à 2,5 €. c. Malgré le lavage soigné, 1l reste toujours une certaine quan- üité de sérum thérapeutique sur les microbes et dans leurs cap- sules. Cette circonstance, aussi défavorable qu'inévitable, se com- plique d’une autre également inévitable, — d’une perte considé- rable en microbes, dont une partie passe à travers le filtre, une autre reste sur le filtre et sur le pinceau. Pour mettre en évi- dence cette perte en microbes, 1l suffit de toucher, avec le pin- ceau qui à servi dans l'expérience, une surface de gélose de 9 centimètres carrés, pour la voir se couvrir au bout de 8 heures d’une très riche culture de pneumocoque. Eh bien, malgré toutes ces circonstances défavorables, la mort des lapins inoculés avec les microbes lavés survient tou- jours plus vite que chez les lapins qui ont reçu des cultures non liltrées. Sur 17 lapins inoculés avec des cultures brutes, 12 ont succombé de 42 à 152 heures après l’inoculation et 5 ont survécu. Sur 16 autres lapins inoculés avec des microbes lavés, 14 ont succombé à l'infection générale au bout de 30 à 70 heures après l’inoculation. L'accélération de la marche de l'infection à tou- jours été très marquée chez ces 14 lapins. Dans deux expériences seulement, les lapins, inoculés avec des microbes lavés, ont survécu, mais ces expériences ne peuvent pas annuler les pré- cédentes, étant données les conditions défavorables susindiquées et la résistance individuelle très variable des animaux d’expé- rience (v. tab. IV, Append.). Cela est d'autant plus vrai que les inoculations de cultures brutes en sérum normal ne déterminent pas non plus toujours l'infection généralisée et la mort des lapins (voir tab. V, App.). Pour nous convaincre de l'influence de la perte de microbes sur le ralentissement de la marche de l'infection, nous avons fait les trois expériences suivantes. Trois lapins inoculés avec des cul- tures brutes en sérum normal ont succombé en 20, 24, 30 heures. Trois autres lapins inoculés avec des microbes lavés, provenant des mêmes cultures ont succombé en 42, 42, 60 heures (voir tab. V, App.). Quatre expériences ont été entreprises pour avoir une idée de l'influence thérapeutique que pourrait exercer 1 e. e. de sérum vacciné. Sur quatre lapins, inoculés avec un mélange de 18 274 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cultures lavées en sérum normal et de 1 ec. c. de sérum thérapeu- tique, deux lapins ont survécu et deux ont succombé en 60 et 74 heures. Les témoins correspondants inoculés avec des cultures brutes ont succombé en 22, 26, 18 et 51 heures (voir tab. V, App.). Enfin, pour élucider complètement la question de l’atténuation du pneumocoque, nous avons encore fait les cinq expériences suivantes, qui nous paraissent très concluantes, et dans lesquelles nous avons transplanté le microbe du sérum thérapeutique dans du bouillon (voir tab. IV, App.). Si l’atténuation du microbe se fait réellement sous l'influence du sérum thérapeutique, le pneumocoque atténué étant réensemencé dans un nouveau milieu nutritif doit produire une génération également peu viru- lente. Or, nous avons observé le contraire : la culture en bouillon (soit culture fille B), résultant de l’ensemencement du pneumo- coque de la culture en sérum thérapeutique (soit culture mère A), était beaucoup plus virulente que la culture mère. On voit donc par toutes ces expériences que l’on ne peut attribuer une action atténuante quelconque au sérum «de lapins vac- cinés contre le pneumocoque. Le pneumocoque, cultivé dans le sérum thérapeutique, conserve ses propriétés virulentes, et est par conséquent capable de produire des toxines. En effet, si on ensemence le pneumocoque dans 15 à 20 c. c. de sérum vacciné, et d'autre partdans du sérum normal, sion laisse les cultures se faire à 38°, et si ensuite on injecte ces cultures stérilisées à deux lapins,on voitlesanimaux manifesterleur intoxi- cation avec une mème énergie de réaction, avec des oscillations de température de 3° à 3°,5. Ces expériences au nombre de cinq ont toutes donné le mème résultat (voir tab. IIE, App.). IA DU PROCESSUS D'INFECTION LOCALE PAR LE PNEUMOCOQUE. — COMBIEN DE TEMPS LE MICROBE INOCULÉ SOUS LA PEAU DES LAPINS VACCINÉS PEUT-IL CONSERVER SES PROPRIÉTÉS VIRULENTES ? — COMBIEN DE TEMPS DURE SA VITALITÉ? — CONCLUSIONS GÉNÉRALES. Passons maintenant à l'étude du processus d'infection locale déterminée par le pneumocoque dans lorganisme des animaux. Sur le lapin, cette étude se fait très aisément, surtout à la suite d'inoculations sous la peau de l'oreille. La température relati- L'IMMUNITÉ CONTRE LE PNEUMOCOQUE. 215 vement basse de l'oreille du lapin présente sans doute une condition quelque peu défavorable pour le développement du processus infectieux, mais cela ne change point les conditions générales, et l'infection se manifeste par les mêmes phénomènes que ceux que l’on observe après l'inoculation sous-cutanée en tout autre point du corps du lapin. Inoculons une goutte de sang virulent sous la peau de loreille de deux lapins dont l’un est vaceiné et l’autre neuf (témoin). Une heure après l’inoculation, l'oreille malade du lapin vacciné présentera un œdème assez marqué, tandis que le témoin n’aura qu'une infiltration très légère, mais, au fur et à mesure du progrès de l'infection, on verra se produire le phénomène inverse : au bout de 24 heures, par exemple, Le lapin témoin aura un œdème assez marqué, tandis que chez le lapin vacciné l'œdème sera à peine appréciable. | Si après avoir retiré une petite quantité de sérosité de l’œdème, au point d’inoculation, chez le lapin vacciné, une heure après l’inoculation du virus, ou ensemence avec une trace du liquide retiré un bouillon, et que l’on fasse la même expérience sur le lapin témoin, on pourra observer le fait suivant. Il se développera, au bout de 16 à 20 heures, à la température de 38°de l’étuve, des cultures également riches en microbes et également virülentes pour les lapins neufs, qui succombent 26 à 38 heures après l’inoculation sous-cutanée de 4 ec. c. de ces cultures (voir tab. VI, App.). A l'examen microscopique de la sérosité provenant du lapin vacciné, on trouve une grande quantité de phagocytes, les uns remplis de microbes, les autres n’en contenant point, et beaucoup de microbes libres répandus dans le liquide. Chez le lapin témoin, la diapédèse est faible et la phagocytose est rare. Si l’on répète l'expérience 2, 4 ou 5 heures après l’inoculation du virus, on observe les mêmes phénomènes pour le lapin témoin; mais, chez le lapin vacciné, on constate une diapédèse et une phagocytose de plus en plus marquées, en même temps qu'une diminution proportionnelle du nombre de microbes libres. Enfin, 5 ou 5 heures 1/2 après l’inoculation, on ne trouve plus, à l’examen microscopique, des microbes libres : ils sont tous englobés par les phagocytes. | L'ensemencement de la sérosité de l'œdème dans le bouillon 276 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. produit encore des cultures d’une virulence à peu près égale pour les deux lapins. Sept à dix heures après le commencement de l’expérience, les cultures du liquide œdémateux du lapin vacciné sont peu viru- lentes en injection sous-cutanée aux lapins neufs; mais, même 18 heures après le commencement de l'expérience, l’ædème du lapin vacciné peut donner des cultures virulentes pour les lapins neufs, à la dose de 3 à 5 e. c. en inoculation intravei- neuse. Si l’on vient à faire l'examen microscopique de la sérosité du lapin vacciné, 24 à 48 heures après l’inoculation du virus, on ne irouve plus de microbes, malgré des recherches soigneuses, et le bouillon ensemencé avec ce liquide reste clair pendant les premières 24 heures, mais au bout de 48 et même 72 heures il se développe une riche culture de pneumocoque, qui n’est cependant pas virulente pour les lapins. Voici encore une expérience qui complétera les observations précédentes. Retirons une goutte du liquide æœdémateux du lapin vacciné, 5 à 6 heures après l’inoculation du virus, et examinons celte goutte pendant qu'elle est encore à l’état frais, et que les leucocytes, toujours très nombreux, sont encore vivants. Examinons un phagocyte isolé des autres et rempli de microbes, qui se présentent sous la forme de petits grains brillants. Si l’on continue cet examen pendant plusieurs heures de suite et à la température de 36° à 38°, on voit au bout de 8 à 10 heures l'enveloppe de la cellule, déjà morte, se rompre sous l'influence de la pression des microbes multipliés, qui finissent bientôt par envahir tout le champ du microscope. Comment peut-on expliquer les phénomènes de ce processus cellulaire si marqué dans l'organisme vacciné? Quel est son rôle dans l’immunité? .. Nous avons vu que la partie liquide du sang d’agimaux vaccinés n’a la propriété de neutraliser les toxines du pneumo- coque ni ÿn vitro , ni dans l’organisme. Les lapins vaccinés sont au contraire plus sensibles aux toxines du pneumocoque que les lapins témoins; on ne peut pas, par conséquent, admettre l'anti- toricité du sang comme cause de l'immunité acquise contre le pneumo- coque. Cette conclusion ne doit plus paraître paradoxale, depuis que nous connaissons les observations analogues faites sur L'IMMUNITÉ CONTRE LE PNEUMOCOQUE. 271 d'autres microbes. M. Gamaleia (13) a observé que les cobayes vaccinés contre le Vibrio Metchnikori sont plus sensibles aux toxines de ce microbe que les animaux témoins. MM. Charrin et Gamaleia (14) ont constaté la même action pour les toxines du bacille pyocyanique. M. Selander a observé le même phéno- mène pour le microbe du Hog-Choléra. M. Metchnikoff a con- firmé les observations de Selander, et enfin même pour le tétanos, maladie toxique par excellence, le fait présumé de neutralisation des toxines dans le sang d'animaux vacecinés ne constitue pas une condition indispensable pour limmunité acquise contre cette maladie. M. Vaillard {16) a constaté que les lapins vaccinés par des inoculations de spores du bacille tétanique sous la peau de la pointe de la queue deviennent réfractaires au microbe, tandis qu'on ne trouve aucune propriété antitoxique ni dans les humeurs, ni dans le sérum du sang de ces lapins. La propriété bactéricide du sérum de lapins vaccinés contre le pneumocoque n’est confirmée ni par les expériences in vitro, ni par les observations sur le développement du microbe dans l'or- ganisme des animaux vaccinés. Cette théorie doit être par con- séquent complètement abandonnée, ce qui est, du reste, l'avis de la plupart des auteurs cités plus haut. La théorie de l'action atténuante du sérum vacciné n’est pas plus admissible. Le pneumocoque cultivé dans le sérum thérapeutique et séparé de ce sérum est virulent: il peut produire des toxines dans les cultures de sérum vacciné; enfin, et c’est là le fait le plus important, le pneumocoque cultivé dans le sérum thérapeu- tique est capable de donner des générations virulentes dans le bouillon. Tous ces faits ne peuvent expliquer que d’une façon indirecte les faits que nous avons observés en cultivant le pneumocoque dans l'organisme même des animaux vaccinés. Nous avons vu, en effet, que le pneumocoque perd rapidement, sous la peau des lapins vaccinés, ses propriétés virulentes ; déjà 7 à 10 heures après l'inoculation, sa virulence s’affaiblit considérablement(le microbe produit des générations peu virulentes dans le bouillon) ; enfin, dans mes expériences, après 18 heures de séjour dans l’orga- nisme vacciné, l’atténuation du pneumocoque atteint ses limites extrêmes, le microbe perd complètement ses propriétés patho- 278 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. gènes — ses générations dans le bouillon sont inoffensives pour les lapins neufs. Or. c’est exactement le contraire de ce qui se passe avec le pneumocoque transplanté des cultures en sérum thérapeutique dans le bouillon — ses générations dans ce cas-là sont virulentes. Il est évident que le pneumocoque s’atténue dans l’organisme vacciné, mais cette atténuation ne se manifeste que lorsque la phagocytose à atteint son plus complet développement. En exa- minant au microscope la sérosité de l’ædème des lapins vaccinés, retiré 5 heures 1/2 après l’inoculation du virus, nous n'avons jamais pu constater la présence de microbes libres dans le liquide — tous étaient englobés par les phagocytes, dans le protoplasma desquels doit s’opérer la vraie atténuation, et ensuite la destruction complète du pneumocoque. De tout l’ensemble des faits exposés sur la préservation des lapins contre le pneumocoque, nous pouvons donc tirer les con- clusions suivantes : Le pneumocoque se développe dans l'organisme vacciné, produit des toxines, qui, répandues par le sang dans toute l'économie, provo- quent une chimiotazie positive des phagocytes, lesquels sont attirés vers le point infecté par les microbes. Les phagocytes, ercités par les humeurs vaccinées, englobent les microbes vivants et virulents. Ces derniers conservent leur vitalité encore assez longtemps, mais finissent par périr dans les phagocytes. CONCLUSIONS GENÉRALES 1. Les toxines du pneumocoque de Talamon-Fraenkel pro- voquent une réaction plus énergique chez Îles lapins vaccinés contre ce microbe que chez les témoins correspondants. 2. Le sérum du sang de lapins vaccinés contre le pneumo- coque, tout en ayant des propriétés thérapeutiques, n’a cepen- dant aucun pouvoir antitoxique. 3. Le sérum de lapins vaccinés n’a pas la propriété d’atténuer virulence du pneumocoque. 4. Le pneumocoque cultivé dans le sérum de lapins vaccinés ne perd pas la propriété de produire des toxines. 5. Le pneumocoque inoculé à un lapin vacciné conserve ses 5 V3 L'IMMUNITÉ CONTRE LE PNEUMOCOQUE. 279 propriétés pathogènes environ 18 heures, et sa vitalité environ 48 heures après l’inoculation. 6. Dans l’immunité acquise contre le pneumocoque, la pha- socytose joue un rôle des plus importants. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1. Foa e Carsoxe. Gazzetla medica di Torino. Anno XLIT, fase. 15. 2. Emmericu und Fawirzxy. Munchener Medicinische Wochens- chrift, 1891, n° 32. 3. 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Action des toxines du pneu NUMÉROS DES EXPÉRIENCES. 1 2 3 k D] 6 . © . + — . . = =) ES = t- — — — Ac — ne) e © © © © © S © © Z LS Ca FA CA 4 24 A Z NUMÉROS DES LAPINS. Z 2 2 é E 2 = 2 E £ ë £ z ä a Ce UE D RU COR Ne AURENRENMRENRS « = < 2 < a < = < < A] < “« D] < ” = 7 = Ca = > z, > > E F > E > — — — | | np, me | me | me | es Poids des lapins........ 2130)213512225)/2100[2150|1860[2260/2120|250012300 12200 21% 12150! 2200 2330 Dose de culture injectée| 15 c.c. 251C:C- 291C.C. ECC 35 c.c. 3DIC Ce: dans la veine auricu-| dans le | dans le dans le dans le dans le dans le PT RER SRE AD te CE bouillon. | bouillon. | bouillon. | bouillon. < |bouillon.| : | bouillon. E S S © = E 2 ù ; ; 7 jours à| = < |7 jours à| & Age des cultures........ 6 jours. | 8 jours. |24heures.| l'abri 2 |?24heures.| © l'abri © Ta T TD Ê£c =) de Pair. é . | de l'air. : Le] © Le] EVA S o 3 [à laide de 22 e STE 2 heures à |? heures à [2 heures à|2 heures à| filtre à 4 SIériiSation te 59. 59o. 580. 5Go. 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Q si = si 24 a È a = à À 20 Êre) = ® a Z z z 2 Z G 7 - : e 5 = : | sa : #2 2 eZ = S = Z = Z Z £ Z Z Z z 2 Z 2 2 Z & Z & 2 “ S © 5) o S S © (s] © } e (=) ü © 5 © 6} © © = Oo Z = (=) = O =: a] = æ o z - Z (æ] Z < S z & = < & < S < & «< < #2 < Es e = > = > E< = > = 7 E Ce = Fe Le E Es Fe ES —— — — — | — | | — || — | GE A +. 9» ns > eo ra LS _. nm 9% 2 997 D] à 2375 2050 /212013350125001[2450 2500012500 2850 As £ 2700|250012270 | 2180 99 c.c. 94 c.c. à Lofo (dur! 35 © € dans le | dans le | dans le | 015% | poids deslqy sangl!, %° de bouillon. | bouillon. | bouillon. [(du poids! 22 c. c. | lapins) Lun l'exsudat |{ fo des 0,75 0/0 des des [de sanget| jme [Peural du! foxines des lapins) | toxines |un volume d’ chien du toxi : eau. ne oxines ÊT LS ES des du d’eau. Injection mort du sang. du sang. 2 Jours |6 Jours à , toxines du sang. 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[e] [.4 æ] [A4 © = — © £ © rm. = É < © < © < © © Z © Z © z = Le CA > CA > LA A 7 CA 7 CA > A Poids des la-| 95459 |16801650l1535/1570| 730 | 735 |1900!1010|210012050| 13011980 1890/190 Quantité de A 131C1c 21 20Rc2c: 30%c. c. J0NCTC: 49 ç. c. J01E-1C: 30 c.:c. 30 c. c mélange... ue 48 h. > jours | 5 jours 5 24 heures|sursérum|dans leldans lel , : : Age de Ia cul | 12 jours sur normal bouillon bouillon |? J0TS | toxines | toxines ture et son|sursérum sérum | 50 o/ 33 of] 10 0] sur SérUM du du milieu ..... normal. De 9 | normal. normal, de de sérum|de sérum bouillon. | normal. | normal. 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Il 9 3 4 PROVENANCE es E £ k & 3 Le L = : £ < Z z Z z Z Z Z < du = = E £ S z 8 2 Ê 2 SÉRU < 2 < © Æ © Z © Z © SÉRUM. > Z = 2 ss > = = = E Poids des lapins....| 730 740 1400 | 1470 | 1270 | 1320 900 870 1310 | 1320 Dose de culture in-|2 °p du poids jectée dans la veine des 2 oJo 2 ofo 1 3/4 0fs 2 0/0 auriculaire ....... lapins. Age des cultures, ...| 72 heures. St heures. 84 heures. 12 heures. 72 heures. Stérilisation 2 heures à 4: h. 1/2 à ET EME 2 heures à 4 h. 1/2 à D Se LU NE Ke 520, 560. 560. D80. 590, Temp. rectale.......|-39.6 | 39.5 | 39.6 | 39.6 Lheureaprèsinjection| 39.7 | 39.9 | 40,2 | 39.8 2 h — 40.2 | 40.3 ne 39.7 4h — 40.7 so 40.9 | 40.4 5 h. — 39.7 | 39.9 D 40.0 6h. — 38.8 | 39.0 | 39.7 ve nn lu fut _ 39.2 | 39.4 | 39,5 ne rue nu 8h — 39.3 ne Are ANR 22 h — 39.6 39.6 Fee. A ES 284 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. IV. Virulence des cultures du pneumocoque faites dans le sérum des lapins vaccinés. CULTURES B = PERL Pa Filles, dans le bouillon CULTURES NON LAVÉES A Les es après l’ensemencement par MICROBES NON LAVE. TRES (CULTURES MÈRES.) provenant des cultures A. Ijection 4 c.c. sous la peau. A — Poids | Doses deculture | Age Résultats Poids Résultats Poids Résultats des injectée sous des Re des ETES des eee : J SD 2 $S ex ces, : des expériences. 5 des expériences. lapins. | la peau du cûté. leultures.| JS EXPÉFiENCES. | Japius. P lapins. P N9S LES EXPÉR. a ————————— 1860 18c:Yc: 24 Mort en 42 h. 2060 ANG: 94 Survie. 2050 | Mort en 48 b. Mort en 39 h. Survie. Mort en Si h. Mort en 60 h. 1900 Mort en S2h. | 2000 | Mort en 60 h. Mort en 106 h.| 1800 | Mort en 70 h. 1650 Acc: 24 Mort en 50 h. 1700 | Mort en 30 h. 2050 ATEN (ee 2% Survie. 2100 | Mort en 30 b. Mort en 144 h.| 1750 | Mort en 48 h. | 2170 | Mort en 30 h. Mort en 48 h. Mort en 40 h. | 2010 | Morten 24 h. Mort en 152 h.| 2000 | Morten 70h. | 1980 | Morten 48 h. 12: | 2100, | 2 cc. 1/2 48 Mort en 48 h. | 2080 | Mort en 24h. 2990 4 c. c. 48 |Mort en 130 h.| 2160 Survie. 14 | 2010 {Acc 24 Mort en 73h. | 2060 | Morten 38h. | 2040 | Mort en 50h. 2080 1 c.c. 24 Mort en 53h. | 227 Mort en 40 h. | 2100 | Mort en 32h. ‘ 16 | 2050 Acc: 24 Mort en 60h. | 2090 | Mort en 50h. 2100 Survie. Survie. L’IMMUNITÉ CONTRE LE PNEUMOCOQUE. 285 V. Virulence des cultures du pneumocoque faites dans le sérum normal. É É MICROBES LAVÉS CULTURES NON LAVEÉES. MICROBES LAVES. mélangés avec 1 c.c. du sérum vacciné. < Poids | Doses de culture | Age Résultats Poids Résultats Poids Résultats des Injectée Sous des des expériences ds des expériences. des | des expériences lapins. [la peau du côté. feultures. | "© ‘| lapins AGO lapins. & on EF 1 | 1880 A cv: 24 Mort en 18 h. 9. | 4720 le"c: 24 Mort en 51 h. 1750 Survie. 3 | 1850 rente: 72 Mort en 51 h. EN IN9010 2 %c.:c. 1/2 24 Mort en 18 h. 1995 Survie. 5 | 2065 er 24 Mort en 26 h. | 2020 | Morten 42h. EF 2080 1 c. c. 94 Mort en 22 h. | 2100 | Mort en 60 h. | 2120 | Mort en 4° h. 7 | 2100 { c. c. 2% Mort en 24 h. | 2170 | Mort en 44h. | 2080 | Mort en 60 h. 8 | 2110 Aer c 48 Mort en 30 h. 9 Survie. VI. Virulence des cultures faites dans le bouillon après l'ense- mencement par la sérosité provenant du point d'inoculation du virus à un lapin vacciné. Vos Nos dec < | Combien de temps après nt : RES ru Msn St EOE l'inoculation du virus la! 4, mas ENDROFE RESULTATS sérosité était tirée ; at injectée, D'INOCULATION, DES EXPÉ N = pOur ensemencer. J be oi expériences. | lapins. [Lapin s. 1 heure. . €. [Sous la peau du côté.| Mort en 38 h. Sous la peau ducôté.| Mort en 64 h. Sous la peau du côté. Survie. 1S heures. 2 c. c. |Sous la peau du côté. Survie. 24 heures. 2 c.C.1/2|Sous la peau du côté. Survie. 48 Heures. 2 c.c. 1/2|Sous la peau du côté. Survie. 10 heures. 2 c.c. 1/2| Sous la peau ducôté.| Mort en 78 h. Dans la veine à 4 Survie. auriculaire. re Dans la veine : : Survi auriculaire. €. Dans la veine auriculaire. Mort en 30 h. Dans la veine. Survie. 48 heures. GENE PNES Dans la veine. Survie. BACTÉRIES CHARBONNEUNES DANS LA VASE DU FOND D'UN PUITS Par M. Le Dr DrIATROPTOFF (Travail de la station bactériologique d’Odessa.) En février 1892, la Station bactériologique d'Odessa reçut de la part de M. R..., propriétaire, un échantillon d’eau de puits, avec prière d’y rechercher la bactéridie du charbon. Cette eau était soupconnée d’avoir amené une épizoolie de fièvre charbon- neuse dans un troupeau de moutons. L'analyse bactériologique de cette eau et son inoculation à des souris ne donnèrent que des résultats négatifs. Je demandai alors à M. R... des échantillons du sol du parc à moutons et de la vase du fond du puits dont était sortie l’eau suspecte. Ces échantillous furent traités suivant la méthode recom- mandée par M. Pasteur pour la recherche du B. anthracis. Avec 200 grammes de chacun d’eux, on fit six lévigations successives chacune dans 250 c. c. d’eau, qu'on abandonna ensuite au repos dans un bocal conique. Pour chaque lot, la première de ces lévigalions fut rejetée : elle avait donné un précipité trop abondant et trop grossier; mais le dépôt des cinq autres fut chauffé vingt minutes à 90° et servit ensuite à ensemencer des gélatines. Avec les échantillons du sol du pare, je ne trouvai aucune colonie suspecte, mais dans deux des cuvettes ense- mencées avec la vase du fond du puits apparurent plusieurs colonies en tout semblables à celles du bacille charbonneux. Des préparations colorées, des ensemencements sur divers milieux, confirmèrent ce diagnostic, et enfin des souris, inoculées avec 0 c. c.25 d’une culture de 48 heures dans du bouillon, des lapins, inoculés avec 0 c.c. 5 de la même cultüre, moururent dans les délais normaux, en présentant l'aspect anatomique bien connu du charbon : bacilles dans la sérosité amassée au point d’inocu- lation, dans la rate, le foie, le sang des bêtes mortes. Le sang ensemencé donna des cultures caractéristiques du B. anthracis, BACTÉRIES CHARBONNEUSES. 287 et si j'ajoute qu'à ce moment aucune des personnes attachées à la Station bactériologique d'Odessa ne faisait de cultures de ce bacille, on conclura sans hésitation qu'il y avait des germes charbonneux dans la vase du fond du puits. M. R..., que j'avais invité à combler le puits suspect, vint ensuite me donner à ce sujet les détails que voici. Deux mois auparavant, une épizootie charbonneuse avait éclaté dans une de ses terres où il nourrissait de nombreux troupeaux. Plusieurs moutons, morts coup sur coup, furent enterrés, et les autres amenés dans un autre parc, éloigné de plusieurs kilomètres et ayant un abreuvoir spécial. Le parc contaminé fut minutieuse- ment désinfecté, les parois lavées au sublimé, la terre du sol enlevée sur une profondeur de 25 centimètres et remplacée par de la terre fraiche. Les moutons, ramenés dans ce pare, après s'être très bien portés dans l’autre, présentèrent au bout de quel- que temps de nouveaux cas de charbon. Nouvel exode, désin- fection, elc. Les bêtes ramenées, la maladie reparut. M. R... crut remarquer alors que l’épizootie ne recommençait que lorsqu'on se servait de nouveau de l’eau du puits, eau que les gens de la ferme dédaignaient d'employer à cause de son goût saumâtre. Le puits combié, l’épizootie cessa. Il faut admettre que les germes charbonneux y avaient pénétré de quelque façon, et tombaient au fond, ou y pullulaient plus rapidement qu'à la sur- face. On avait remarqué en effet que le charbon sévissait unique- ment sur les animaux qui, venus les derniers, n'avaient eu que les eaux du fond du puits, d’ailleurs peu profond. M. R..., à qui j'avais demandédem'envoyer, en cas de récidive, les organes d’une bête morte, pour me convaincre du caractère de la maladie, ne m'a rien fait parvenir. J’en conclus que la mala- die n’a pas reparu chez lui. Nos propriétaires de bergeries du sud de la Russie la connaissent du reste bien par ses symptômes. 288 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR STATISTIQUE ‘ DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE. — FÉVRIER 1893. A B C | | Morsurestanla Cféten\isimples--%% -1>\01 jar 2) 8 |”|111 et à la figure multiples... .| »|» » | 4 »|» | Cautérisations efficaces . . . . . . . . . »[ » | |» |» » | »l» — INCTACUIGES NE CIE EN 100 Se PAS NP ICEULÉTISQN OR NE EE UNE » L | 5 D) 0e el Eau 1 LES , RTE simples. . . .. »| 71 » [24) »|11, Morsures aux mains Fi oies 16173 : 2347 , [48 Cuautérisations efficaces . . . . . . . .. À Se te EE AS » »| » — IN CIACOCES Foie CE ee 3|.» |» | 49)» | » [42| » Pus TECUULÉMSQUON. SV ee Re 20 ae Ne Mes Morsures aux mem- simples... .. .| »| 1) 2 | | Tjog || 6 bres et au tronc multiples... .| v| 4 | » |16| »[13(19 Cautérisations eee EME NE 2 F2 10 Se DE 1e ER RE NE —- INEIRCUCES EN IE TE NP ON MTS TS AISS | Pas de cauténtsnlions se se IEEE 2] » | » | 42| » | » MO» FLD ESC ERTTES RENE Nr RSR RATER »| » | » | 49] » | » M5!» MOTS TES CNE R MSN RE 219 in PAT | ol ETES Morsures multiples en divers points du CONS RON RE CU > » VU 2e »| » Cautérisations efficuces . . . . ... . . . PO Lo) ol rl — LPS ACACES EE NEED À dE PE En PP) Se 194 bee 297 Ce PUS de \COULET SALON ae ee NE. »|v | CNET] REC E E Ÿ Hubits déchirés sel jee Nelelte 02: 0 te Net »| » À | » » »| » MOTS UTES NOTA RSS SR SEL Ere "| » |» AR Ta D Totaux. \ Français et Algériens. 26,26 78) 18 42) l Etrangers io i-lheterte Morte » \ > j 7) | | A B C EE ——_—_— mm" TOTATIGENERAT D UE ER PNR SRE 153 Les animaux mordeurs ont été : chat, 1 fois; chiens, 152 fois. Le Gérant : G. Masson. —— 2 Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. 7me ANNÉE AVRIL 1893. No FE ANNALES DE INSEE ELE PASTEUR SUR UNE NOUVELLE FORME DE FIÈVRE à RENCONTRÉE SUR LES BORDS DE LA MÉDITERRANNÉE Par M. DAVID BRUCE Surgeon-Captain, Army medical School, Netley. a — Pendant mon service à Malte, de 1884 à 1889, j'aieu souvent l’occasion d'étudier une forme de fièvre qui y est fréquente et qui a été jusqu'ici confondue, soit avec la fièvre typhoïde, soit avec la fièvre intermittente. Convaineu que la meilleure méthode de diagnose d’une maladie infectieuse est l'isolement du microbe qui la produit, j'ai cherché le bacille d'Eberth ou le plasmodium de Laveran dans le sang et les tissus des malades atteints. Je n’ai trouvé aucun de ces parasites, mais j'ai toujours rencontré un micrococcus qui, à ma connaissance, n a été découvert dans aucune autre maladie, et qui n'existait sûrement pas dans les autres maladies que j'ai étudiées à Malte. Les cultures pures de ce coccus, Inoculées sous la peau des singes, ont produit la même affection que chez l'homme. L'objet de ce mémoire est de donner une Courte des- cription de cette fièvre que, faute d’un meilleur nom, j'appelle- rai fièvre méditerranéenne, et du microbe qui la produit. Je vou- drais aider ainsi à la faire reconnaître, dans le cas où elle sévirait aussi à Tunis ou dans quelque autre ville française des bords de la Méditerranée. 19 290 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La fièvre méditerranéenne peut être brièvement définie comme une maladie infectieuse, caractérisée cliniquement par de la fièvre, des sueurs profuses, de la constipation, des rechutes fréquentes, et qui est accompagnée ou suivie par des douleurs vives, de caractère rhumatismal ou névralgique, avec gonflement des articulations ou orchite. Anatomiquement, la maladie est marquée par l'élargissement et le ramollissement de la rale, des altérations parenchymateuses de divers organes. Elle diffère de la fièvre typhoïde en ce qu'il n'y a ni élargissement ni ulcération des plaques de Peyer, ni bacilles d'Eberth, et en ce qu'on y trouve constamment le micrococeus de la fièvre méditerranéenne. Étiologie. — Cette fièvre, que je n’ai eu occasion d'étudier qu’à Malte, est probablement très répandue sur les rivages et les îles de la Méditerrannée. On ne peut par exemple pas douter de son existence à Gibraltar, où elle porte le nom de Rock fever : on en rencontre souvent à l'hôpital militaire de Netley (1), chez des rapatriés venant de cette station. J’ai aussi eu l’occasion de voir, à l'hôpital naval de Malte, des cas de fièvre contractés sur les divers points de la Méditerranée visités par la flotte anglaise, et je me suis convaincu de leur identité avec l'affection que je vais décrire. Il y a aussi, je crois, de bonnes raisons de penser que cette fièvre est la même que celle que divers savants italiens ont décrite comme adéno-typhoïde, typhoïde intermütente (2), typhoïde atypi- que (3), fièvre sudorale (4) et autres noms. Plus tard, quand les caractères et la spécificité de cette fièvre seront mieux connus, je ne doute pas qu’on ne lui trouve une large aire d'expansion, et qu’on ne Jui rapporte pas des cas très nombreux pris aujour- d’hui pour des cas de fièvre typhoïde ou intermittente. À Malte, la fièvre méditerranéenne est endémiaue, et on en observe toute l’année des cas à l'hôpital militaire chez les soldats anglais. En gros, je peux dire qu'il y a environ 3 0/0 de l'effectif attaqués par cette maladie, Mais il y a des cas où elle devient épidémique dans une caserne et atteint 15 à 20 0/0 des hommes; FIÈVRE MÉDITERRANÉENNE. 201 cela arrive surtout aux régiments contenant des soldats affaiblis, soit parce qu'ils sont trop jeunes, soit pour toute autre cause de débilitation, et qui arrivent à Malte pendant la saison chaude. Je ne voudrais pourtant pas dire que cette fièvre est une fièvre d'encombrement et de débilitation comme le typhus exanthé- matique, car elle attaque les officiers et leurs familles, logés dans des maisons vastes et bien aérées, dans une aussi large mesure que les soldats dans les casernes les plus encombrées. Comme on peut s’y attendre, c’estpendantles mois d’été qu’elle prévaut à Malte. Pendant les cinq ans que j’y ai passés, j'ai eu en traitement 400 cas de fièvre méditerranéenne, sur lesquels 216 sont entrés à l'hôpital pendant les mois d'été et 184 pen- dant le reste de l’année. Quand ces malades arrivaient à l’hôpital, on les répartissait d'ordinaire dans les salles au milieu des autres malades : je n'ai malgré cela observé aucun cas de contagion sur ces malades ou sur le personnel de lhôpital. En cela, comme sur quelques autres points, la fièvre méditerranéenne ressemble à la fièvre typhoïde. | Quant à la façon dont elle se répand, si c’est par les voies respiratoires ou digestives, on ne sait rien de précis. Il faut pour- tant noter que les grandes améliorations apportées au service de l’eau dans les grandes villes ont eu peu ou pas d'effet pour diminuer le nombre des cas parmi les soldats. Autrefois l’eau était puisée dans des citernes souterraines et était facile à conta- miner. Maintenant les casernes sont pourvues d’eau potable arrivant sous pression constante. Les autres points que j'ai à mentionner au sujet de l’étiologie de la fièvre méditerranéenne n’exigent que quelques mots. La période d’incubation peut varier probablement de quelques jours à quelques semaines, car on voit la maladie apparaître sur des individus après leur retour en Angleterre, de 15 à 17 jours après leur départ de Malte. Quand un malade est atteint, c’est en géné- ral pour longtemps. Les soldats font, par exemple, en moyenne, un séjour de 90 jours à l'hôpital. La durée de la fièvre est pourtant très variable. Malgré cette longue évolution, le nombre des cas mortels n'est pas considérable et ne dépasse guère 2 0/0. 292 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il Description clinique. — Donnons tout de suite une courte des- cription clinique d’un de ces cas graves de fièvre méditerranéenne que l’on observe souvent à Malte. Admis à l'hôpital, le malade souffre souvent pendant 8 à 10 jours d’insomnies et de maux de tête d'intensité très variable. Il présente ordinairement un visage congestionné, fréquemment des bourdonnements d'oreille, par- fois des épistaxis. Sa langue est couverte d’un enduit épais, blanc jaunâtre, et il y a souvent congestion du pharynx. L’appétit est absent; il y a des nausées amenant parfois des vomissements, et de la sensibilité dans la région épigastrique. La constipation est la règle, mais il y a souvent de la diarrhée dans les cas les plus graves, et les évacuations sont souvent marbrées de sang. Le foie et la rate sont élargis et mous sous la pression. La tympa- nite est rare, mais on la rencontre, et aussi des gargouillements dans la fosse-iliaque. À ce moment, on observe presque toujours un léger rhume avec peu d’expectoration. La respiration a quelque chose d'inquiétant. Elle est âpre et craquante, avec, çà et là, de la crépi- tation moile. La fièvre méditerranéennese distingue dela fièvre typhoïde par l'absence de l’éruption rosée caractéristique de cette dernière ma- ladie, maislemaladeestsouvent baignédansunetranspiration pro- fuse, et présente souvent des sudamina plus ou moins abondants. On observe quelquefois un délire plus ou moins prononcé, sur- tout la nuit, mais à moins qu’il n’y ait de grands maux de tête ou des douleurs dans la région lombaire, le malade ne se plaint pas. Derniers symptômes. — A la fin de cette période, les maux de tète et les symptômes aigus disparaissent d'ordinaire, et alors commence une longue et monotone période de maladie, aussi désespérante pour le malade que pour le médecin. Le patient a son aspect naturel, mais un peu hébété. Sa langue est assez nette. Ses intestins ont besoin d'excilants pour fonctionner. La transpiration profuse persiste, la température s'élève, et de jour en jour le malade s’affaiblit, devient chancelant, et perd de son poids. Il dort assez bien, n’a ni délire ni insomnies, ne se plaint FIEVRE MÉDITERRANÉENNE. 293 FURRSE SEPTEMBRE 18802 DER MA BDAGABAERE [afsfroprt] 1516 sREPA PRE Ai Eve da v À Au MÉEEÉESE we ee BASSE EPBERBEE - ; sasfoprietijoeletelete(etets SEPTEMBRE Has (arr feafes(oo(r je [5 je [5 Le (7 je je poquqie free fic ar eo ep ea ea ps Mans ennas ren ana nes sens es Ava" ni El mpspsonnnennoner Speo oouee Respr(24[20/28/26] 24/24) 09/25/28/26/26le4[25/28 le lse | 24/20/26 /2106/28/28/28/24 120] 28124 baaspeeleseeeepEeni seen [=] 1 ne NOVEMBRE = s i886[28/29/s0/s1 [1 [2[5[4[5161{718 DR DORE L5[24125 [26/2728 | Pa rafns [sfr DHDDannnTEn MERDE EE EEE CTHAE ie EE PNR sl = Fa a : sind Si ES FERRÉ TT ous a +04 108] 96 1004041104 DT Respr(ss(es|2412+/25/24/24/28/28/28/ 30/52 152 HAE 5 MEEE Pi 24\28 SARA AATEAE EL pa LS VE me + Fig. 1. 294 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. pas, et prend, sans en souffrir, de grandes quantités de liquide et de stimulants. Les seuls changements qui surviennent dans son état proviennent d’affections rhumatismales dans ses articu- lations. Un jour, c’est le genou qui est rouge, gonflé et très sensible au toucher; quelques jours après c’est le poignet. Par- fois plusieurs articulations sont atteintes à la fois, ou il peut y avoir de la névralgie intercostale, de la sciatique, ou de l’inflam- mation et du gonflement dans le testicule. Plusieurs semaines se passent ainsi : mais enfin la tempé- rature revient peu à peu normale, le malade remonte peu à peu, son sang regagne le nombre normal d'hématies, le poids aug- mente et les forces reviennent. Voilà la description clinique d’an cas ordinaire bien dessiné. Mais l'élévation de température est parfois le seul symptôme morbide, et, à l'autre extrême, la fièvre peut être au contraire assez grave pour être absolument impossible à distinguer de la fièvre typhoïde la plus rapidement mortelle. Courbe de température. — Sans entrer dans d’autres détails sur les symptômes, je crois utile de dire quelques mots sur les courbes des températures dans la fièvre méditerranéenne. Il suffit d'en examiner quelques-unes pour êlre frappé de leur irrégularité. On y voit aussi que dans la grande majorité des cas, cetle fièvre a Le type continu, les différences entre les températures du matin et du soir n’atteignant pas 1°. Mais parfois la fièvre tend à assumer le caractère rémittent ou inter- mittent, la température étant normale ou à peu près le matin, et montant le soir à 40° ou 400,5. Les cas bénins et sans complications donnent une courbe atteignant 39,5 ou 40° pendant les 8 ou 10 premiers jours, et tombant ensuite au niveau normal du 15° au 20° jour, moment où la convalescence commence et se poursuit sans interruption. Mais dans les cas typiques ordinaires, la marche est beau- coup moins satisfaisante, comme on peut le voir dans le diagramme précédent, relatif au même malade, qui montre la longue durée de la fièvre et ses rechutes si fréquentes (fig. 1). On voit sur ce tracé une première élévation de température, arrivant à 40°,5 et descendant ensuite jusqu’à la normale, qui est atteinte le 26° jour. Après 8 ou 10 jours d’apyrexie, il y a eu une nouvelle ascension thermique atteignant 40°,7, et signa- FIÈVRE MÉDITERRANÉENKNE. 295 lant une rechute qui dure 16 jours. Après 3 semaines, nouvelle période pyrétique, un peu plus courte que la précédente, et où le thermomètre atteint 40°,3. Après cette rechute, la température n'était pas satisfaisante, avait tendance à s'élever au-dessus de la normale, et il y a eu comme une menace d’une nouvelle attaque entre le 1122 et le 118° jour. Mais cette attaque a avorté, NOVEMBRE | nu 6 9[20/21 22185124] 5416 117 a 012,3184 12611274981129 = = : Hu AL je Nr [SIslolileltfefofesliftleleft Fig. 2. la température n’ayant pas atteint 38°,5. Elle reste normale à partir de ce moment, et le malade, quoique faible et anémié, est renvoyé à son régiment pour être employé le premier mois à des besognes légères. Que ces rechutes puissent se produire longtemps après le début, c’est ce que montre le tracé ci-dessus, qui en signale deux entre le 1152 et le 160° jour de la maladie (fig. 2). Bien que la marche de la température dans la fièvre méditer- ranéenne ait une tendance marquée à revêtir la forme ondula- toire, il ya pourtant de rares cas où les ondes caloriques sont séparées par des périodes régulières d’apyrexie. 296 ANNALES DE 5|26l 27128 L'INSTITUT PASTEUR. SEPTEMBRE 10|11 E _ | MT HE 37 24/5] 56136] 24/28 ue A] 1161201125 12 LT ocrome Hsse(aufen(salaa|esi(1 |2 [5 [4 14|24|s4/26/24/20/24/s8/08/14/24/24/24/26 APBOOOAAAENANEEE [Oo es 10 eale 24124124) 28 112121|4 4|15f16 {47/18 /19[20[21] 20/23/24 | 25/26! 6 |7 Penn e nn Enns sara 85186 ÉTAT An EEE On TnUu [89 [ao [st [97/98 [as [00/40 [108 103/108r0s a. Nr Li | DMRIELE faTRe LE PEN l ce Respir| 28 4] der plssilslsistets on a maû dt de ne om mtéotih es lé ‘hf dé né LÉ Sd à FIEVRE MÉDITERRANÉENNE. 297 Dans la plupart des cas, la température reste un demi-degré ou un degré au-dessus de la normale entre les diverses recru- descences, et dans quelques-uns l'irrégularité dela fièvre masque parlieilement ou complètement la succession des ondes. C’est un de ces cas irréguliers que présente le tracé (fig. 3), où la température n'atteint sa hauteur normale que vers le 100° jour. En l'examinant, on voit que la première et la seconde des poussées de chaleur sont séparées par une période, non d'apy- rexie, mais de températures plus basses, et qu'entre la se- coude et la troisième poussée, bomli[215[#15[6 17/81 17 la tempéralure est toujours Hi supérieure à la normale, sauf en quelques points. La troisième onde, du 71° au 81° jour, est intéressante JUILLET be87|8 [9 [ao#felsltalhs| [TTL TT comme exemple de ce type intermittent que nous avons signalé plus haut, la tempéra- ture étant à peu près nor- male à 8 heures du matin, tandis quà 2 heures du soir elle est montée à 40°,9 et même une fois à 41°, __ Dans les cas mortels, la température monte d'ordinaire rapi- dement avani la mort, atteignant 43°,3 ou même, comme dans le tracé ci-dessous, 449,2. (Fig. 4.) Bactériologie. — Le microbe de la fièvre méditerranéenne a élé découvert par moi en 1887 à Malte (6), el sa présence constante daus les organes chez les malades morts de celle maladie a été vérifiée dans la même île par les deux chirurgiens Gipps R. N. et Hughes A. M. S. (7). On ne l’a signalé à ma con- naissance dans aucune autre fièvre observée sur les bords de la Méditerranée. Ce micrococeus (fig. 5), que j'ai appelé M. Melitensis, est rond ou légèrement ovale. [l mesure 0,34 de diamètre sur les prépa- ralious sèches. Dans l’eau, ce sont des points brillants, en aCUf mouvement moléculaire, presque tous simples, rarement par paires, jamais en chaînes. Il n’a pas de mouvements spontanés. 298 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il se colore bien par les solutions aqueuses de violet de gen- Liane, mais non par la méthode de Gram. Daus du bouillon peptonisé, à 37°, on n’observe rien les pre- miers jours, mais le liquide se trouble ensuite, sans formation de pellicule à la surface. Le meilleur milieu de culture est du bouillon de bœuf gélosé avec 0,5 0/0 de peptone, qu'on inocule soit par piqüre, soit en surface. Sur les cultures en piqüre faites avec la rate d'uu cas mortel ou une culture antérieure, il n’y a pas de changement Fig. 5. Micrococcus Melitensis. visible pendant plusieurs jours. On voit ensuite apparaitre de petites taches d’un blane de perle autour du point piqué, et de petites colonies blanches sur le parcours de l'aiguille. Après quelques semaines les colonies de la surface forment une rosette; la piqûre est une traïinée massive, de couleur jaune-brun, à contour dentelé. Après quelques mois, la culture ne s’est pas élendue, et s’est foncée en couleur. En surface, les colonies se présentent un peu autrement. Quelques-unes atteignent 2 à 3 millimètres de diamètre après 9 à 10 jours à 37°; elles sont rondes, à contour régulier; elles font un peu saillie au-dessus de la surface de la gélose, et ont un aspect lisse et brillant. Examinées par transparence, leur centre apparaît jaunâtre, la périphérie blanc bleuâtre. Ces mêmes colonies, à la lumière réfléchie, ne montrent pas trace de jaune, elles sont d’un blanc laiteux. Elles s'étendent peu et ne dépassent 4 FIÈVRE MÉDITERRANÉENNE. 299 pas, au bout d’un couple de mois, la largeur d'un grain de chènevis. Le temps nécessaire pour queles colonies deviennent visibles à l'œil nu est assez constant. Il est de 7 Jours à 25°, de trois Jours et demi à 37°. Quand les cultures par piqüre sont faites sur de la gélatine nutritive à 10 0/0, maintenue à 22, le développement est faible ou nul. Après un mois, le trajet de l'aiguille est à peine marqué, et à la surface on ne voit qu'une petite colonie blanche de la grosseur d'une tête d'épingle. La géla- line n’est pas liqué- liée. Les cultures sur plaque de gélatine nesontpaspratiques, à raison de la lenteur du développement du micrococcus aux tem- pératures auxquelles ce milieu reste so- lide. Il ny a pas de développement sur pomme de terre à la température du sang. Voici la liste et les courbes de température des cas mortels desquels j'ai retiré des cultures pures du micrococcus de la fièvre méditerranéenne : 4er Cas. — H. D., 24 ans, admis le 25 juin 1887, mort à 5 h. 30 du soir, le G juillet 1887. — Autopsie 10 minutes après la mort. Pas d'’élar- gissement ni d'ulcération des plaques de Peyer. Le tracé (fig. 6), donne la marche de la maladie. 2 Cas. — A. B., 24 ans, admis le 26 juin 1887, mort le 11 juillet 4887. On n’a pas fait l’autopsie, mais 7 heures après la mort j'ai pu retirer une petite portion de la pulpe splénique pour inoculer des tubes de gélose, en employant un trocart et une canule stérilisés. 3° Cas. — B.E., 23 ans, admis le8 juillet, mort à 3 h. 30, le 15 juillet 1887. — Autopsie 10 minutes après la mort. Pas d’élargissement ni d’ulcération des plaques de Peyer. Voir, pour le tracé, la fig. 4. 4 Cas. — J. C., âgé de 23 ans. Admis à l'hôpital le 30 juin, mort le 23 juillet 1887. — Autopsie 10 minutes après la mort. Pas 300 Ho ni 5e ( le 22 septembre ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. D 0000008 d'ulcération des plaques de APeyer: fr HRÉEEN PA 2 EP LÉÉEBE) HT ESeE 2[of2[1#4 AR te Gas. — G. W.,93 ans, admis le Po ciees mort à 5 heurss FH ile FE se Rss î 80 [84 = Ten 28|26]|30 : £8|36 ea 37131 E oo] 0 Hénnpaianene nee ee | DE (Pouls|88]32| 30] 90/100 Respir] 24 [24/20 are se ne Be 6|34|29| 28 SE E ee 0 ses 210 Selles, 5 941100 RER 22/20 te 3olo7|28|es/2s/2alse|54|54] 58/36] 3e Fr 3/+[5[+[5[2/+[s|e]1 Tracé fig. du matin 18872 Autopsie 10 minutes après la mort. Tracé fig. 8. AOUT FIEVRE MEDITERRANÉENNE. 301 6° Cas. — J. G., 23 ans. Admis le 28 juillet 4888, mort à 4 h. 15 du soir, le 4 août 1888, — Autopsie 10 minutes après la mort. Tracé fig. 9. 7° Cas. — L. G., 22 ans. Mort après quelques jours de maladie. La rate [_ [JUILLET | AOÛT 1888 [28/29/30 [51/1 DOCS SE somlt[els/+]5lel7]s8 FRASMERD AT LE PEUR EI SRE SRE) 4 pesait 684 grammes. Pas d’élargissement ni d’ulcération des follicules intestinaux. 8° Cas. — C. D., 28 ans. Admis le 10 septembre 1888; mort le 17 sep- tembre 1888. Forte musculature; glandes mésentériques non élargies. Pas SEPTEMBRE Fig. 10. de traces d'engorgement glandulaire ni d'uleération dans le’petit ou le gros intestin. La rate pesait 590 grammes et était molle et pulpeuse. Tracé fig. 10. Je dois les 2 cas suivants à l’obligeance du chirurgien capi- taine Hughes, A. M.S$., en ce moment à Malte. 9% Cas. — H. H., 22 ans, 72 jours de maladie. — À l’autopsie, rate 302 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pesant 373 grammes, noire el de consistance assez ferme. Plaques de Peyer normales, ainsi que les glandes solitaires. Pas d’ulcération nulle part. Glandes mésentériques non élargies. 109 Cas. — G. S., 24 ans, 8 jours de maladie. — A l'autopsie, un peu de congestion à la base du poumon, en arrière. Foie pesant 2,730 grammes, élargi et congestionné. Intestins normaux. Rate congestionnée, pesant 400 grammes. De tous ces cas, on a loujours réussi à tirer des cultures pures du micrococcus décrit plus haut. D’ordinaire les inocula- tions se faisaient avec la rate, mais parfois avec le foie et les reins. Le microbe de la fièvre méditerranéenne semble ne jamais AOÛT H]æfisfie hs fiefir[18f1o[ cet |20/25/04 Lo faofatfae 1314 (15 [16 [17/18 [19 [20/1 [ee RCE È a |on | tes 1| | Ji — IGE circuler avec le sang, ce que j'ai eu souvent l’occasion de vérifier. Cependant le D' Hughes dit l'avoir retiré du sang d'un singe mort de la maladie. En outre des cultures faites au moyen des organes frais après la mort, j'ai réussi deux fois à en obtenir par ponction de la rate pendant la vie, si bien qu’on peut considérer comme démontré la présence constante de ce micrococcus dans les cas de fièvre méditerranéenne à Malte. Transmission de la fièvre méditerranéenne aux animaux. — On n'obtient que des résultats négatifs en inoculant de petites quantités de cultures pures de ce micrococeus sous la peau des souris, des cobayes et des lapins. Avec le singe, on réussit mieux, comme le montrent les expériences suivantes : Exp. 1. — Singe mâle, de l'espèce bonnet. Dans la quinzaine avant l'ino- culation, la température de ce singe a varié entre 37°,2 et 37,8. Il était FIÈVRE MÉDITERRANÉENNE 303 vif, mangeait bien et semblait en très bon état. Avec une portion de colonie prise sur un tube de gélose et délayée dans une petite quantité d'eau stéri- lisée, on lui a fait une inoculation sous la peau de l’avant-bras, avec toutes les précautions antiseptiques. Le tube de semence provenait du 1% cas ci- dessus et avait un mois de culture. Le tracé qui précède montre la marche de la température (fig. 11). A l’autopsie, pas de tuberculose pulmonaire; foie congestionné, rate énormément élargie; pas d'ulcérations sur la membrane muqueuse des intestins. Immédiatement après la mort, on inocule 6 tubes de gélose avec la rate et 2 avec le foie. Dans tous, sauf un tube du foie, développement, NOVEMBRE Hesnlile]s 4156718 [9 hot hehslulislel LT T1 MÉSRRNSSR ass snEs SAEBPTENS EDP M SRUSERRSE PHNOIE CFE HÉHNE Fig. 12. dans le temps ordinaire, de la culture caractéristique du micrococcus. Le tube qui ne l’a pas donnée est resté stérile, Exp. Il. — Singe mâle, espèce bonnet. Inoculation comme ci-dessus. La température est beaucoup montée, et la mort est survenue en 13 jours. Des inoculations sur gélose faites avec les organes ont donné un développement après 4 jours. Le chirurgien-capilaine Hughes, à Malte, a aussi souvent réussi à donner la fièvre méditerranéenne à des singes. Voici le résumé d'une de ses expériences qu'il m'a communiquée. Exp. III. — Singe mâle, espèce bonnet. L'animal est resté en observation pendant deux mois, et avait un bon appétit et une température normale. On lui a injecté, à l’avant-bras, 1 c. c. de bouillon stérilisé dans lequel on avait délayé une petite quantité d'une culture de 24 jours sur la gélose. La tempé- rature a monté de suite, pour atteindre #1°, 1 le 15° jour de la maladie. Les dix premiers jours le singe était vif et continuait à manger sa ration. Après ce temps, il a commencé à se coucher et à refuser la nourriture. La 304 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mort est survenue 16 jours après l’inoculation. Le tracé ci-dessus montre la marche de la température (fig. 12). A l’autopsie, corps en bon état et cœur d'apparence normale. Poumons normaux, sauf une exsudation séro-purulente dans les bronches. Foie élargi et congestionné. Intestin normal, sauf un peu de congestion à la valvule iléo-cœcale. Rate élargie et congestionnée. Cultures réussies sur gélose avec la rate et le foie. Sept singes en tout ont été inoculés avec des cultures pures du micrococcus de la fièvre méditerranéenne, 4 par le D’ Hughes et 3 par moi. Quatre sont morts avec les mêmes symptômes que l’homme, et leurs organes ont fourni le micrococcus en culture pure. Trois sont guéris après une maladie plus ou moins grave, ayant duré deux mois et demi dans deux des cas, trois mois dans ie dernier, et qui, suivant le D' Hughes, a présenté d’une façon remarquable le type intermittent de pyrexie observé chez l’homme. Je crois donc démontré que le Micrococcus Melitensis est la cause de la fièvre méditerranéenne, et que celte fièvre est une maladie spécifique absolument distincte de la fièvre typhoïde ou de la malaria. Quant à la question importante du mode de pénétration du parasite dans l’homme, par l'air, par l’eau ou par les aliments, on ne sait encore rien, et les difficultés qu’on rencontre dans la culture sont un obstacle à cette recherche, BIBLIOGRAPHIE 1. VEALE. Report on cases of fever from Cyprus, Malta and Gibraltar. Netley, 1879. Army medical Reports 1879. 2. BorreLLr. Tifoïde intermittente. Rivista clinica di Bologna, 18T7. 3. Capozzi. Della febbre tiloidea atipica. Napoli, 1887. 4. TowaseLur. La febbre continua épidemica. Calania, 1879. 9. Gipps. On Malta fever. Trans. of epidem. Soc., 1890. 6. Bruce. Note on the discovery of a micro-organism in Malta fever, Sept. 1887. The Practitioner. 7. Hucues. Etiology of Mediterranean fevers. The Lancet, 3 dec. 1892. he SUR LE ROLE PROTECTEUR DES MICROBES DANS LA CRÈME ET LES FROMAGES Par E. DUCLAUX Parmi les problèmes soulevés par mes études sur la matu- ration des fromages, et restés encore sans solution, il y a celui-ci : la matière grasse s’oxyde avec rapidité, même à la lumière diffuse, lorsqu'elle reste exposée à l’air à l’état de division extrême, comme dans la crème et les fromages; le premier effet de l'oxydation est l'apparition d'une saveur savonneuse ou suiffeuse très désagréable, et par là très facile à percevoir. Comment se fait-il qu’elle ne soit pas plus fréquente dans la pratique, et que de la crème puisse vieillir, que des fromages puissent durer des mois ou des années sans prendre la saveur du savon de Marseille? Sans doute l'expérience a appris à se précautionner contre cette vicialion de goût. On sait que la crème ne doit pas être exposée à la lumière directe du soleil, même tamisée par des vitres, On conserve le plus possible le fromage dans des caves où il trouve à la fois la fraîcheur et une demi-obscurité. Quand ce fromage doit vieillir, on le couvre, quand cela est possible, d’un enduit coloré, continu et imperméable, qui arrête à la fois l’oxygène et la lumière, en même temps qu'il évite la dessiccation. Voilà quelques-unes des réponses qu'on peut faire, en utilisant les faits que j'ai apportés, à la question que je posais tout à l'heure. Mais elles laissent de côté Le fait essentiel, l'intervention des microbes, qui consomment à leur profit l'oxygène qui pénètre jusqu’à eux, soit dans la couche de crème, soit dans la masse du fromage. Ce n’est que lorsque le fromage vieillit outre mesure, quand les microbes y ont ralenti ou arrêté leur action, que l’oxygène agit sur le corps gras, et l’oxyde en donnant ces matières résineuses et ces oxyoléates 20 306 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d'ammoniaque auxquels on peut attribuer le noircissement de plus en plus marqué de la pâte. J'ai visé, en passant, ce rôle des microbes dans les Principes de laiterie que j'ai publiés tout récemment; mais jen’aurais peut- être pas songé à réunir mes études sur ce sujet sans une cir- constance qui m'a permis de les étendre et d’en vérifier les premiers résultats. Un grand fabricant de fromages avait cru devoir essayer, dans l'intérêt de son industrie, de déplacer l’époque de maturité des produits qu'il livre, en les conservant pendant quelques mois au voisinage de 0°, température à laquelle il supposait, avec raison, que les actions microbiennes étaient sinon suspendues, du moins très peu actives. Sitôt les fromages moulés, et avant toute fermentation, on‘en garnissait une cave qu'une puissante machine réfrigérante amenait à — 2° environ. L'expérience montra que dans cette cave le fromage ne mürissait pas, mais qu'il en ressortait avec un goût de savon très prononcé. Ce n’était pas son seul défaut. La réfrigération ayant eu lieu par un système à circulation d'air, pour lequel la cave était le point chaud du circuit, il y avait eu dans cette cave une éva- poration abondante, de sorte que les fromages s'étaient dessé- chés. Le déchet était monté à 20 0/0. La facilité de pénétra- tion de l’air dans la pâte avait naturellement augmenté, si bien que c'était dans toute la masse, et non pas seulement à la surface, qu'on relevait du mauvais goût. Seuls avaient été préservés, et encore d’une façon irrégulière, les fromages dans lesquels, malgré le froid, avaient poussé des moisissures, ou bien encore ceux qui, trop largement habités au début, avaient été, malgré le froid, la proie des microbes, et avaient subi un commencement de putréfaction. Il faut remarquer en effet que Vair de la cave, aspiré d’un côlé pour aller à l'appareil réfrigé- rant, et refoulé de l’autre, avait fini par se débarrasser de son oxygène et n’entretenait pas la combustion des bougies quand on rouvrait la cave pour la visiter. La fermentation qui s'était établie dans quelques pièces était donc une fermentation anaé- robie ou une putréfaction. Ces fromages n'étaient pas savon- neux, maisils n’en étaient pas meilleurs. Quand le fabricant est venu me consulter, je Jui: ai fait observer qu'il aurait pu prévoir une partie de ces effets, et je DS LES MICROBES ET LA MATIÈRE GRASSE. 307 lui ai demandé des échantillons de ses produits pour savoir si j'y trouverais la confirmation de mes premières expériences. Ce sont les résultats de ce travail que je voudrais exposer ici. l Je dois commencer par indiquer quels ont été mes moyens d'étude. D’après les travaux que j'ai publiés jusqu'ici, une matière grasse exposée à l'air subit simultanément deux procès de destruction différents et indépendants l’un de l’autre, bien qu'ils associent leurs efforts : 1° une saponification, qui dédouble les corps gras en acides gras et en glycérine; 2° une oxydation qui semble porter d’abord de préférence sur l'acide oléique, parce que ce n’est pas un acide gras saturé, mais qui finit par s'attaquer à toute la masse. L'étude des degrés par lesquels passe cette oxydation et du niveau qu’elle atteint à un moment donné est des plus difficiles. Bien que j'y aie passé beaucoup de temps, je ne suis pas en mesure de publier rien de précis. Nous verrons tout à l'heure quelques-uns des caractères qui permettent de juger, en gros, de l’intensité de cette oxydation. La science est un peu plus avancée en ce qui concerne la saponification. On sait que c'est là un phénomène normal, irré- sistible, que nous pouvons seulement activer ou modérer, mais dont il est impossible d’arrèler la marche. Chevreul avait découvert des traces d’acides gras libres dans le beurre le plus frais, et j ai montré que dans du beurre conservé à l'abri de l'air, des microbes et de la lumière, dans des boîtes closes, la saponification de la matière grasse croissait fatalement avec le temps de conservation. Quand ce beurre est exposé à l'air, cette saponification, qui commence et se continue de préférence sur les glycérides à acides volatils, sur la butyrine, la caproïne et la capryline, permet l’évaporation de ces acides. Le beurre se met à sentir le rance. Mais cette perte ne se fait vite que dans les couches superficielles, parce que les acides gras, même les plus volatils, quittent péni- blement la matière grasse qui les contient. Même à l’ébullition, un beurre ranci ne laisse pas passer dans la vapeur d’eau tout son acide butyrique ni son acide caproïque libres. La perte en 308 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. acides gras devient au contraire rapide si le beurre peut nourrir des microbes qui les consomment ou les brülent, surtout des mucédinées, qui, ainsi que je l'ai montré, sont très actives sous ce rapport. Dans le fromage, les microbes de la pâte peuvent jouer le même rôle. Pour apprécier le degré de saponification auquel est arrivé un corps gras, il y a deux méthodes principales. L'une, que j'ai souvent employée, consiste à additionner la solution éthérée du corps gras de chaux finement éteinte. En agitant, on amène, entre cette poudre impalpable de chaux et les acides gras de la liqueur, la formation d’un savon calcaire insoluble, qui permet de séparer, par une simple filtration, les acides gras libres, et d'en étudier la nature. J'ai toutefois fait observer que ce moyen n’est bon qu'avec les corps gras très faiblement oxydés. Avec les autres, le savon de chaux est soluble dans l’éther, et si on peut en apprécier la proportion en mesurant la quantité de chaux entrée en solution, il devient impossible d'en étudier la nature. Le second moyen, qui laisse de côté la question de qualité et de nature, permet une appréciation assez exacte de la quantité. Il revient à saturer, par une solution alcoolique titrée de potasse, l’acide ou les acides libres présents dans la solution éthérée. La grosse question est celle de l'indicateur, qui manifeste, par un changement de teinte, le moment où la saturation est terminée. Ce moment ne correspond pas à la neutralité de la liqueur, le savon de potasse étant lui-même alcalin. La teinture de tourne- sol ne donne rien et commence à virer au bleu dès que les acides dont le poids atomique est le plus faible, les acides butyrique et caproïque, sont saturés. L'orangine vire à peu près au même moment. C’est la phtaléine du phénol qui semble jusqu'ici convenir le mieux. Son virage au rouge est assez brus- que quand on ajoute goutte à goutte la solution alcoolique de potasse à la solution éthérée de matière grasse. Ce virage correspond-il exactement au moment où tout l'acide gras est saturé et où il y a de la potasse libre dans la liqueur? C’est ce qui n’est pas démontré. Je me suis assuré, en opérant avec de l'acide stéarique aussi pur que possible, que le virage au rouge violacé correspond assez exactement au moment où il y a de la potasse en excès dans la liqueur. Mais il faudrait pouvoir compler sur une exactitude absolue, indépendante des circon- ie LES MICROBES ET LA MATIÈRE GRASSE. 309 stances extérieures, et l'opération reste encore un peu empirique. Quoi qu'il en soit, on remarque que le liquide, qu'un petit excès de polasse a fortement rougi, se décolore en quelques minutes si on le laisse à l'air. C'est qu’une nouvelle portion de matière grasse s’est décomposée, en donnant de la glycérine neutre et un acide qui a saturé la potasse libre. En rajoutant de la liqueur alcaline, on a une nouvelle coloration, suivie bientôt d'une décoloration nouvelle, et on peut aller ainsi jusqu'à ce que la couleur finisse par persister. À ce moment, la saponification est terminée. La présence de potasse en solution dans une liqueur éthérée limpide contenant aussi la matière grasse active donc la saponi- fication. On sait combien, dans les opérations de l’industrie comme daus celles du laboratoire, cette saponification est ennuyeuse. Si on chauffe simplement le corps gras en présence d'une solution de potasse ou de soude dans l’eau, ce sont des heures qu'il faut passer quelquefois à surveiller son ballon avant d'y voir disparaitre tout trouble et toute trace de corps gras. On peut accélérer un peu l'opération en ajoutant de l'alcoo!, mais on s'expose à des pertes par suite de la formation d'éther butyrique, et M. Viollette, qui a confirmé mes indica- tions à ce sujet, a montré que ces pertes pouvaient atteindre 10 0/0 de la matière grasse. On saponifie au contraire, en moins d'une heure et sans perte, une quantité quelconque de corps gras en le mettant, en solution éthérée; en contact avec une solution de potasse dans l'alcool, qui sert de trait d'union et assure le contact intime de l’aleali et du corps gras. Voici comment on peut opérer. On dissout dans environ 20 c. c. d'éther 3 à # grammes de matière grasse. On ajoute un volume égal d’alcoo! à 95°, puis, goutte à goutte, au moyen d'une burette graduée, une solution alcoolique étendue de potasse que l’on a titrée elle-même au moyen d’une solution décime. Du volume versé pour ramener au rouge violacé la liqueur additionnée de quelques gouttes d’une solutionalcoolique de phénolphtaléine, on conclut la quantité des acides libres. On rajoute ensuite d'un seul coup la quantité voulue d’une solution plus concentrée de potasse dans de l'alcool fort, dont on connaît le titre approximatif. En comptant sur 250 milligrammes d’alcali par chaque gramme de corps gras employé, on est sûr d’être 310 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. toujours au-dessus de la dose nécessaire. Il est inutile d’ailleurs d'ajouter un excès d’alcali, la saponification étant presque aussi rapide quand on n’a employé que la quantité strictement nécessaire. Le liquide doit rester limpide ou se troubler à peine. S'il se trouble à fond, c’est qu'il s’y précipite un peu de savon, qu'on redissout en y ajoutant un peu d'alcool. On l’abandonne à lui- même, sans y toucher, pendant une heure. La saponification est d'ordinaire terminée en moins d’une demi-heure, mais il est plus prudent de lui laisser une demi-heure de plus. On évapore alors au bain-marie le liquide alcoolique éthéré, après avoir eu la précaution d'ajouter quelques petits fragments de papier à filtrer ou de pierre ponce, pour éviter les soubresauts. Puis, quand il ne reste plus que quelques centimètres cubes de liquide, on reprend par l’eau. Le liquide doit rester parfaitement limpide. S'il se trouble, c’est qu’on n'avait pas rajouté assez de potasse, ou qu'on ne lui a pas laissé assez de temps pour agir. Comme l’opération a eu lieu sans pertes‘, on peut se servir de ce liquide pour y apprécier l’excédent d’alcali, suivant la méthode de Koettstorfer. Il est coloré en rouge par la phénol- phtaléine qu’on y a ajoutée à l’origine, et il suffit d'y verser une solution titrée d'acide pour le décolorer. Il m’a toujours paru que cette décoloration n’était pas franche, et je ne sais comment font les chimistes qui emploient avec tant de sécurité la méthode de Koettstorfer à la recherche du quantum de falsification d’un beurre. J’ai toujours trouvé préférable de faire servir le savon obtenu à la séparation et au dosage des acides volatils, suivant la méthode que j'ai fait connaitre ?. Dans un vase gradué à 110 c. e., on introduit la solution de savon. On ajoute ce qu'il faut d'acide sulfurique pour sursaturer légèrement la quantité de potasse employée. On laisse les acides gras se rassembler à la surface : au besoin, on les aide par une 1. On n’observe à aucun moment l'odeur de l’éther butyrique, qui est constante pendant la saponification à chaud en présence de l'alcool, et au départ duquel est due, sans doute, la perte d’acide butyrique constatée par M. Viollette, Cela ent à ce qu’on ne chauffe ici que lorsque tout l’acide butyrique est combiné à la potasse : c’est entre le moment où il quitte la matière grasse et celui où il se combine à la potasse qu’il est capable de s’unir avec l’alcool dans le mode de saponification ordinaire, et de quitter la liqueur à l’état d’éther butyrique. 2. Le Lait, p. 313. LES MICROBES ET LA MATIÈRE GRASSE. 311 douce chaleur. Quand ils forment une masse fondue et unique, on complète à 110 c. c. le liquide qu’ils surnagent, après l'avoir laissé refroidir à la température ordinaire. On introduit enfin le tout dans une fiole de verre de Bohème de 250 c. ec. environ, daus laquelle se fait la distillation. Pour pouvoir employer telles quelles les tables que j'ai publiées, il faut distiller 80 c. c. sur les 110. Le liquide qu'on obtient est trouble par suite de la présence d’un peu d’acide caprylique, dont la plus grande partie forme des petites lentilles à la surface. On sature le tout au moyen d’eau de chaux titrée, et, en multipliant le nombre’trouvé par un facteur convenable, on à l'acidité totale due aux acides volatils contenus dans la quantité de matière grasse employée. L'étude qualitative de ces acides se fait par une distillation nouvelle, dans le détail de laquelle j'ai introduit une petite modification. Autrefois, je comptais comme mélange d’acide caproïque et d'acide butyrique tout l'acide caprylique contenu dans le beurre. J'ai vu depuis qu'il était possible d’en faire la distraction et le dosage approximatif, en profitant de ce que le caprylate de chaux est presque insoluble dans l’eau. En évaporant au bain-marie le résidu de la première distilla- tion, on voit se former et flotter à la surface des pellicules qui se mouillent difficilement. Quand le liquide est réduit à 25 ou 30 c. c., on le jette sur un petit filtre qui retient ces pellicules, formées presque exclusivement de caprylate de chaux. Un lavage sommaire avec 15 à 20 c. c. d’eau n’en dissout pas une quantité sensible, et entraîne au contraire les sels solubles, butyrate el caproate de chaux. Dans ce mélange, on met en liberté les acides volatils en y ajoutant la quantité voulue d'acide tartrique, et en laissant au précipité de tartrate de chaux quelques heures pour se former. On décante ensuite le liquide acide. On le ramène à 410 ce. c. avec les eaux de lavage, et on l’étudie par les procédés de distillation fractionnée que j'ai fait connaître. Ces procédés permettent de trouver assez approximativement le rapport entre les quantités d'acide butyrique et d'acide caproïque contenues dans le dernier liquide distillé. Ils per- mettent aussi de remonter de ce rapport à celui que présentaient les deux acides dans le liquide de saponification de la matière 312 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. grasse, et par conséquent dans la matière grasse elle-même. Connaissant par le premier dosage à l’eau de chaux la quantité totale d'acides volatils, et, par le second, la proportion de l’acide butyrique à l’acide caproïque, on peut trouver les proportions pondérales de chacun d’eux. C’est ici que nous retrouvons la petite modification dont je parlais tout à l'heure. Le premier dosage à l’eau de chaux correspond à la totalité des acides volatils distillés, acide butyrique, caproïque et caprylique. — Avant de faire le calcul pour les deux premiers, il faut faire le départ du dernier. On y arrive assez facilement et avec une approximation suffisante en opérant de la façon suivante. La première saturation faite sur la partie distillée du liquide de saponification avait par exemple exigé m centimètres cubes d’eau de chaux. Dans la deuxième distillation, d’où a été éliminé aussi bien que possible l'acide caprylique, on en a trouvé m', et de cette quantité correspondant à ce qui a passé dans les 80 c. c. distillés, on pent conclure, par les tables que j'ai données, la quantité »’ restée dans les 30 c. c. qu’on a laissés dans le vase de distil- lation. La quantité d'eau de chaux représentée par 0 +w correspond donc à l’acide butyrique et à l’acide caproïque. En la retranchant de », la différence 17 —1m —n donne l'acide caprylique. : Grâce à l’insolubilité du caprylate de chaux dans l’eau, cette méthode de dosage, qui n’est bonne que pour un mélange de deux acides, peut done convenir à un mélange de trois. Mais il n’en est plus de même quand à acide butyrique et à l'acide caproïque, éléments normaux de la constitution du beurre, vient se joindre l’acide formique que j'ai démontré être un produit constant de l'oxydation de la matière grasse. On est averti de sa présence en ce que la méthode, qui doit fournir des nombres constants, ou à peu près constants, pour le rapport entre l'acide butyrique et l'acide caproïque, ne donne plus rien, ou ne fournit pour ce rapport que des nombres toujours croissants et sortant tout à fait des limites ordinaires. Cela tient à ce que l'acide formique, au lieu de passer de préférence avec les premières portions de liquide distillé, comme le font les acides butyrique et caproïque, s’accumule au contraire dans les résidus restant dans le vase de distilla- LES MICROBES ET LA MATIÈRE GRASSE. 313 tion, et la décroissance du titre acide des diverses prises faites dans le liquide distillé, au lieu d’être régulière et rapide, se fait avec plus de lenteur, et peut même quelquefois, lorsque la quantité d'acide formique est notable, aboutir à une augmen- talion pour les dernières prises. Ainsi averti, on peut aller chercher l'acide formique dans le liquide restant dans la cornue. l'est même prudent, toutes les fois qu'on a affaire à du beurre qu'on peut soupçonner d’être oxydé pour une cause quelconque, de faire cette recherche en poussant plus loin que nous ne l'avons dit plus haut la distillation du liquide de saponification. On recueille d’abord les 80 c. ce. destinés au dosage par l’eau de chaux et à la continuation de l'expérience. On recueille ensuite à nouveau 15 à 20 c. c. pour y rechercher l'acide formique par le- nitrate d'argent ammoniacal. Comme cet acide reste dans la cornue, il y en a naturellement plus dans le résidu de la première distillation que dans celui de la seconde, et c'est pour cela que nous le cherchons de préférence dans les résidus laissés par le liquide de saponification. Un beurre frais n’en donne pas trace. Il en donne d'autant plus qu’il est plus oxydé et résinifié. Malheureusement je n’ai trouvé aucun rapport bien visible entre l'intensité probable de l'oxydation et la quantité d'acide formique produit. S'il y a de cet acide formé dès le début de l'oxydation, il se forme en quantités très faibles, et n’est pas décelable. On ne commence à en trouver que lorsque l'oxydation est déjà très avancée. Comme je le disais tout à l'heure, la mesure précise du degré d’oxydation est encore à trouver. On n’en a en ce moment que deux témoins, la présence de l'acide formique que je viens de signaler, et un autre qui est le suivant : quand on ajoute de la potasse à la solution éthérée de la matière grasse qu'on veut saponifier, la teinte du liquide se fonce à peine quand la matière grasse est fraîche; quand elle est oxydée, au contraire, il se produit une teinte brune plus ou moins foncée, due sans doute à la formation d’un oxyoléate noir de potasse. Il faut surveiller ces deux caractères un peu grossiers, mais cepen- dant utiles à consulter dans un problème aussi compliqué que celui dont nous nous occupons actuellement, 314 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il Arrivons maintenant à la question que nous nous sommes posée en commençant. Je commencerai par l’étude d’un beurre qui va nous fournir à la fois une application des méthodes qui précèdent, et une notion fondamentale au sujet de cette ques- tion. A. Beurres maintenus à l'abri de l'air et de la lumière. — C’est un beurre primé au concours agricole de Paris, en 1886, et analysé une première fois à l’état frais". Ce beurre a ensuite été fondu, filtré et enfermé dans un petit flacon à col étroit, hermétiquement fermé par un bouchon, dans lequel il n'était à l'origine en contact qu'avec ce qu'il pouvait avoir absorbé d'oxy- gène pendant les manipulations. Il a été analysé une seconde fois six mois, puis une troisième fois un an après la première analyse. On ne prélevait à chaque fois que la petite quantité de matière nécessaire pour l'opération, et le flacon était rebouché et conservé à la lumière diffuse. Ces trois essais n'ayant montré que de très faibles variations dans la proportion et la composition des acides volatils, on a attendu sept ans pour faire une quatrième analyse. Pour abréger, je ne donnerai que les résultats de cette dernière étude, et comme la saponification y a été faite par le procédé que j'ai décrit plus haut, tandis que les trois autres saponifications ont été faites par le procédé que j'avais décrit dans mes livres, à chaud et sans alcool, je ferai la comparaison de la première et de la dernière analyse pour montrer l'identité des résultats. En mars 1886, 25,930 de beurre saponifiés à chaud, et le savon décomposé par l'acide sulfurique, avaient donné, pour 110 ce. c. de liquide distillés à 80 c. c., une quantité d'acide volatil saturée par 47 c. c. eau de chaux de 22,8 c. c. En mars 1893, 3#,130 de beurre ont exigé, saponifiés à froid et la distillation faite dans les mêmes conditions, 50,5 ce. c. de la même eau de chaux. La proportion est la mème. Elle était la même aussi dans les deux essaisintercalaires. La saponification à froid donne donc les mêmes résultats que la saponification à chaud, el sept années de séjour dans un flacon clos, à la lumière diffuse et 1. C'est le n° 7 de mon livre : Le Lait, p. 325, et des Principes de laiterie, p. 265. LES MICROBES ET LA MATIÈRE GRASSE. 315 en présence d'une quantité d'air limitée, n'ontrien changé à la propor- tion d'acides volatils contenus dans un beurre. Voyons maintenant si la composilion de ces acides est restée la même. Il n’y a pour cela, nous le savons, qu’à soumettre à une distillation fractionnée le produit saturé et évaporé de la première distillation, après en avoir séparé la plus grande partie du caprylate de chaux au moyen d’une filtration, et remis en liberté au moyen d’acide tartrique, les acides volatils qu'il contient. Le liquide ramené à 110 ce. e., on distille en préle- vant 8 prises successives de 10 ce. ©. Chacune de ces prises est saturée à part. Quand tout est terminé et qu'on con- naît la quantité totale d’eau de chaux employée, on cherche comment elle s’est distribuée dans les diverses prises, et on obtient une série de nombres, caractéristiques de la marche de la distillation, qai peuvent servir à trouver la nature et la pro- portion des acides volatils sur lesquels on a opéré. Voici cette série pour l'analyse de 1886 et celle de 1893 : 1886 1893 {re prise 24,40, DANTNSC 2e 43,6 » 43,7 » JE 58,9 » 58,8 » AR 71,0 » 74,2 » DR 80,7 » 81.2 » 625 88,5 » 89,0 » 1e » 95,1 » DOME se) 100,0 » 100,0 » La ressemblance est aussi grande que possible, étant don- nées les irrégularités inévitables de toute distillation, alors même qu’elle est faite dans le même appareil, à la même pres- sion et à la même température. Concluons donc que {4 composi- lion des acides volatils est aussi restée constante. Reste maintenant à savoir quelle est cette composition. C’est uue question difficile quandil y a trois acides mélangés, comme c'est ici le cas, et je crois avoir réalisé un petit progrès sur mes publications anciennes en procédant de la façon suivante. Dans l'analyse de 1893, il avait fallu 50 ce. c. 5 pour la satu- ration des acides volatils dans la première distillation. Il en a fallu 43 e. c. en tout dans la distillation fractionnée pour saturer les huit prises successives de 10 c. c. Le liquide resté dans la 316 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cornue dans celte seconde distillation est peu acide et, en comp- tant que pour le saturer il faut environ 6 0/0 de la quantité d’eau de chaux employée à saturer les 8 prises, on se tient très près de la vérité. La quantité d'acide introduite daus la cornue à la seconde distillation correspondait donc environ à 43 c. c. +0,06. 43 c. c. soit à 45,5 c. c. La différence à50,5 c.c., soit 5 ©. c., correspond donc à la quantité d'acide caprylique passé à la première distillation, et arrêté à la seconde par la fil- tration du caprylate de chaux. Gelte quantité d’acide caprylique est de 0,0316 gr. qui, pour un poids de matière grasse égal à 35,130, donnent 1,01 0/0 d’acide caprylique. Quant aux acides restants, ils sont formés d’un mélange d'acide butyrique et d'acide caproïque facile à calculer avec les tableaux que j'ai donnés dans mon livre sur le lait (p.323 et 324). On trouve facilement ainsi, pour la matière grasse de ce beurre, en 1893, et par suite en 1886, puisqu'il n’y a pas eu de change- ment, les nombres suivants : ACID DUB YARIS FT ee RIRE PRES. 4,45 0] ACIAE CAPE OISE 70 de ae RU 2407 ACITOSCANLTÉQUE ART RENE 1,01 04 Home 0080 6 En 1886, je laissais l'acide caprylique confondu avec les deux autres acides, et j'avais trouvé 7,58 0/0 d'acides volatils. Je crois ma nouvelle évaluation plus voisine de la vérité, mais je ne prétends nullement que j’évalue ainsi out l'acide caprylique contenu dans le beurre. Cet acide n’est pas à proprement parler volatil à la température de la distillation. Il est entraîné par la vapeur d’eau, ce qui n’est pas exactement la même chose. Il est de plus assez fortement retenu par la matière grasse restant dans la cornue, de sorte qu’il faudrait peut-être insister, et multiplier les distillations, pour le recueillir tout entier. C'est peut-être pour cela que M. Viollette‘ en trouve plus, en moyenne, dans ses essais, que je ne le fais dans les miens. Quoiqu'il en soit, la conclusion de cette étude est indépen- dante de la solution donnée ou à donner à cette difficulté. Quelle que soit la composition des acides volatils, elle ne 4. Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, t. CXI, 1690, p. 345. … Lé s'éedie radis de dé raid iles tr SANS LES MKROBES ET LA MATIÈRE GRASSE. 317 subit pas de variations appréciables dans un beurre conservé pendant sept ans dans les conditions signalées plus haut. J'ai retrouvé cette mème conclusion pour un second beurre ; le n° 9 de moa livre sur le lait, qui avait été conservé côte à côte avec le premier, et qui a été analysé deux fois, en 1886 et en 1893. La proportion totale d’acides volatils y était aussi Ja même, bien que la saponification ait été faite à chaud la pre- mière fois, à froid la seconde. Quant à l'identité de composition de ces acides volatils, elle résulte du parallélisme des deux séries suivantes, qui correspondent à celles qui ont été trans- crites plus haut. 1886 1893 {re prise DORE 2D 07 2e » 45,3 5 44,6 » 3e ». 60,3 » 60,1 » 4e » 12,5: > 14,1/05 5e » 82,3 » 82,0 » Ge » 89,8 » 89,9 » Te » 95,6 » 95,6 » 8° » 100,0 » 100,0 » Concluons donc que la longue conservation du beurre à l'abri relatif de l'air et de la lumière n’amène pas de change- ments appréciables à nos méthodes d'analyse, dans la proportion et la composition de leurs acides volatils. Ces beurres n'étaient pourtant plus des beurres frais. Ils avaient très légèrement blanchi, sans être devenus incolores après fusion. Leur saveur était suiffeuse. L’oxydation en était évidemment commencé, mais elle n'était qu'à ses débuts, et, en particulier, il n'y avait pas de traces sensibles d'acide formique. La saponification, qui, je l'ai dit plus haut, est un phéno- mène indépendant de l’oxydation, n’était pas non plus poussée très loin. On peut l’évaluer en bloc avec la solution alcoolique de potasse titrée et la phénolphtaléine comme indicateur. Il est commode de la calculer en acide butyrique par kilogramme de beurre. Sur le beurre frais, la quantité d’acides gras saponifiés, évalués en acide butyrique, est toujours faible et ne dépasse guère 1s°,5 par kilogramme. Elle n'était montée en sept ans 4. Sur ce total, l’acide butyrique réel ne compte guère que pour 6 à 10 0/0. 318 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qu'à 3,9 pour le premier des beurres étudiés plus haut et à 75,4 pour le second. Dans le beurre fondu et filtré, la saponification est donc très lente, et, si on protège en outre le beurre contre l’action de l’oxy- gène et celle de la lumière, il peut se conserver plusieurs années sans changer sensiblement de propriétés. Ce n’est plus du beurre frais. La saveur délicate qu'il présente à l’origine est la première atteinte et disparait, mais le beurre reste mangeable. C’est la justification d’une pratique très répandue dans les cam- pagnes. Je peux appuyer celte conclusion par l'étude d’un autre beurre fondu et filtré, conservé depuis 1886 dans un flacon bouché à l'émeri hermétiquement clos, et qui n’avait pas été ouvert depuis sept ans. Le beurre y était resté jaune, et, tout en ayant pris une saveur légèrement suiffeuse, restait encore man- geable. Il n'était nullement rance. La quantité et la proportion des acides volatils n’y avait sensiblement pas varié, et, comme dans les beurres précédents, la saponification était restée faible, puisqu'elle n’atteignait que 3,48 par kilogramme. B. Beurre faiblement aéré à l'abri de la lumière. — Com- parons maintenant ces beurres à un autre beurre dont voici l’histoire. Il m'était arrivé comme garanti par un procédé de conservation qui consiste essentiellement à le réduire en fils fins comme du vermicelle, et à lui faire subir un séjour plus ou moins long daas de l’eau contenant du sel, du sucre et de l’acide borique, après quoi on enlève ce liquide, qu’on remplace par de l’eau contenant du sel et du sucre. Dans le liquide qui baignait le beurre que j'ai reçu, j'ai trouvé 1, 1 0/0 de sel, et des traces indosables de sucre. Il n’y avait pas d'acide borique. Le beurre avait été conservé dans le flacon, mal scellé avec un bouchon et de la cire, dans lequel avait été fait l'envoi. Il avait deux ans. Il était, au moment de l'ouverture du flacon, un peu suiffeux, mais très peu, moins que certains beurres de seconde qualité et vendus comme frais. En somme, il était mangeable. L'étude des acides volatils n'a pu être faite par comparaison avec le beurre frais de la même époque et de la même provenance, mais elle n’a révélé rien d’anormal, sauf la présence d’une trace d'acide formique. La quantité d'acides gras saponifiés, évaluée DE LES MICROBES ET LA MATIÈRE GRASSE. 319 en acide butyrique, atteignait 225,3 par kilogramme de beurre. L'oxydation et la saponification y sont donc beaucoup plus avancées, bien que la durée de conservation soit moindre, mais il faut noter qu'ici le beurre était resté en contact avec de l’eau légèrement salée. Le contact de l’eau, même salée, active la saponification. C. Beurre fortement aéré à l'abri de la lumière. — Une autre portion de ce mème beurre avait été enfermée depuis deux ans dans une boîte de bois mal close et conservée au labo- ratoire à côté du précédent échantillon. Celle-ci avait subi, à peu près à l'obscurité, l’action de l’air et l’évaporation. Au bout de deux ans, on a fondu le beurre, qui était devenu très odorant, mais n'avait pas perdu sa couleur jaune, sauf dans une couche très superficielle. L'étude faite par comparaison avec le même beurre conservé en flacon a montré : 4° que la quantité totale d'acides volatils avait diminué d'environ un quart par conservation dans la boîte au contact de l'air; 2° que l'acide butyrique avait diminué dans de plus fortes proportions que les acides caproïque et caprylique; 3° que la quantité d'acide formique était aussi plus grande que dans le flacon mal clos; 4° que la saponification était aussi plus avancée dans la boîte, attendu qu'elle atteignait l'équivalent de 715,6 d'acide butyrique par kilogramme de beurre. Il faudrait ajouter à ce chiffre celui qui correspond à l'acide butyrique évaporé et évidemment saponifié avant évaporation. J'ai montré depuis longtemps que la saponification, lorsqu’elle se fait ainsi sous l’action du temps, porte de préférence sur les glycérides à acides volatils. Donc, dans ce beurre soumis à une oxydalion lente et à une évaporation facile, 1l y a rancification, perte d'acides volatils par évaporation, et surtout d'acide buty- rique qui donne au beurre rance son odeur caractéristique. La comparaison de ces résultats donne peut-être l’explication des nombreuses contradictions qui se sont produites sur le point de savoir s’il y a ou non diminution des acides volatils pendant la rancification. Voir à ce sujet le livre très complet de Zune (Analyse des beurres, Paris et Bruxelles, 1892). I ny a pas de perte si le beurre est conservé en vases clos. Il y en a s’il est exposé à l'air. D. Beurre largement exposé à l'air et à la lumière. — Pour 320 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. faire un nouveau pas en avant, je mettrai en présence des beurres que je viens d'étudier d’autres échantillons de beurre, analysés par moi à l’état frais, parce qu'ils avaient été primés aux Concours de Paris de 1886 et 1887, et conservés depuis le jour de l'analyse dans un tube à essai, où ils avaient été intro- duits après fusion et filtration. Ils remplissaient ces tubes à moitié environ, et le bouchon fermait assez bien pour que l’éva- poration füt difficile, mais assez mal pour que l’oxygène de l’air ut empêché de pénétrer. Quand le bouchon s’était trouvé enduit de matière grasse, cette pénétration avait été d’abord assez lente, car il avait fallu d’abord oxyder la matière grasse du bouchon; mais elle avait fini par se faire partout, et on en était averti par celte circonstance qu'à une époque variable le beurre, jaune jusque-là, avait commencé à blanchir par sa surface supérieure, à prendre une odeur suiffeuse très marquée, et que la déco- loration et la viciation de goût avaient peu à peu envahi toute la masse, Le beurre n° 17 de mon livre le Lait, analysé compara- tivement en 1887 et 1893, n'avait subi aucun changement dans la proportion de ses acides volatils. [l en contenait toujours 6,68 0/0. La composition de ces acides n’était pas tout à fait la même qu à l’origine. Il y avait, en effet, des quantités sensibles d'acide formique, et nous savons que l'influence de cet acide sur la marche de la distillation fractionnée empêche une compa- raison précise entre ce beurre oxydé et le beurre primitif. Toutefois à l’apparition de cet acide nouveau devait correspondre la disparition par combustion ou évaporation d'un autre acide, probablement l'acide butyrique. Concluons seulement que, dans ces conditions d’oxydation facile et d'évaporation pénible, le seul phénomène saisissable a été une variation dans la composition des acides, sans changement bien marqué sur leur proportion totale. Quant à la saponification, elle était notablement plus élevée qu’au début, mais pas encore très considérable, car elle n’alteignait que 25",4 d'acide butyrique par kilogramme. Le beurre n° 20 du même livre est un peu plus oxydé que le précédent. La comparaison entre les proportions d'acide en 1887 et 1893 montre qu'il y a une légère augmentation. Une compa- raison plus étroite est difficile parce que cette augmentation résulte de l'apparition d’un peu d’acide formique. Mais l’aug- LES MICROBES ET LA MATIÈRE GRASSE. 321 mentation n’est pas douteuse. Quant à la saponification, elle est exactement au même point que pour le beurre ci-dessus, et alteint l'équivalent de 254,4 d'acide butyrique par kilogramme, Ainsi, dans ces cas, l'oxydation avait marché plus vite que la saponification. En résumé, dans tout ce qui précède, nous voyons qu’en dehors de toute intervention des microbes et de celle de l’oxy- gène la saponification est un phénomène inévitable, mais lent, et dépendant des conditions de conservation. Elle s’exagère quand il y a en même temps oxydation, mais sans rester liée à ce phénomène, qui peut s'exalter beaucoup sans que la saponi- fication marche du même pas, quand l'oxygène pénètre faci- lement dans le beurre, et que l’évaporation des acides gras est difficile. Quand le beurre a le large contact de l'air, il peut, dans l'obscurité, perdre son acide butyrique par évaporation et prendre l’odeur rance. À la lumière, c’est la saveur suiffeuse qui l'emporte, parce que l'effet de l’oxydation dépasse celui de la saponification. E. Fromages conservés dans diverses conditions d'obscurité. — Nous pouvons maintenant faire entrer en scène les fromages dont j'ai parlé en commençant. J’en avais à ma disposition trois suffisamment comparables. L'un était un fromage frais, récemment moulé, et tout à fait au début de sa période de maturation, tel qu’on l’introduit dans la cave pour qu’il y mürisse. Je serai bref à son sujet. Je n’ai pas éludié sa matière grasse, la jugeant très voisine de celle qu’on rencontre dans les beurres frais; j'ai simplement constaté ce qu'elle contenait au début d'acides gras saponifiés ; j'en ai trouvé 8 grammes par kilogramme, évalués en acide butyrique. Le second fromage était la pièce refroidie ont j'ai parlé en commençant, ayant passé cinq mois et vingt jours (du 15 juin au 5 décembre) dans une cave refroidie à — 2° pendant tout cet in- tervalle, sauf pendant une quinzaine de jours, où des réparations à la machine ont permis à la température de s'élever pro- gressivement jusqu'à — 5°. Celte pièce, qui m'est arrivée le 20 décembre, répandait une odeur de savon très prononcée, surtout sur sa face la plus plane, celle qui était restée appuyée sur la planche de support. Le fromage semble en effet n'avoir pas été retourné pendant son séjour à la eave, et a pris une 21 322 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. forme légerement tronconique par suite de la dessiccation. La face supérieure était couverte d’une croûte un peu visqueuse, faite d’une multitude de bactéries mélangées à de la pâte du fromage. Pour éliminer l'influence de ces végétations superficielles qui ne sont pas absentes sur la base en contact avec la planche, je racle le fromage sur une épaisseur de 4 millimètre environ : je trouve alors une couche blanche et homogène; c’est aux raclures de cette portion que j’emprunte la matière grasse à étudier. Cette fois, la marche de la distillation fractionnée révèle l'existence de l’acide formique en quantité très sensible. I n'y en avait pas avec la matière grasse de la première pièce. Voilà donc un nouveau témoin du phénomène d’oxydation. Malgré cette oxydation, qui a rendu le fromage immangeable, Ja saponificatian est extrèmement peu avancée. Elle n’atteint, au moment où je reçois la pièce, que 6,27 d'acide butyrique par kilogramme, et elle était certainement moindre quand la pièce est sortie de la cave, car elle progresse assez vite depuis le retour à la température ambiante. Au bout d'un mois de séjour dans une pièce non chauffée, je trouve qu'elle a atteint le chiffre de 13,4 d'acide butyrique par kilogramme, tant sous l'influence de la chaleur que sous celle des microbes qui se sont réveillés. Concluons qu’au froid, et dans un fromage soustrait aussi complè- tement que possible à l'influence des microbes, l'oxydation marche, mais que la saponification est très lente. Nous allons constater des résultats tout à fait inverses des précédents en étudiant la troisième pièce, mürie à la facon ordinaire, et prête à être consommée. Peut-être même avait-elle un peu dépassé la limite de maturité, car ses couches superfi- cielles avaient pris cette teinte grisätre qui caractérise les fromages très mürs, et présentaient en outre une saveur un peu sèche et légèrement suiffeuse. J’attribue la saveur sèche à l'augmentation dans la quantité d'acides gras saponifiés, la saveur suiffeuse à un effet d’oxydation, mais le changement de goût qui en résulte n’est pas défavorable, et il y a des pays où on recherche précisément des fromages arrivés à ce degré de maturité. Étudions donc la matière grasse de ce fromage. Je devrais dire les matières grasses, parce que, malgré les LES MICROBES ET LA MATIÈRE GRASSE. 323 soins du fabricant et l'homogénéité originelle de la pâte, la maturation ne marche pas partout du mème pas, et les trans- formations de la matière grasse ne se font pas avec la même activité sur tous les points de la pièce. Une évaluation moyenne du degré de saponification, faite en décembre, me donne le chiffre de 225r,1 par kilogramme. En janvier, ce chiffre est monté à 24,5. En mars, je trouve sur un point 42:,5 d'acides saponifiés par kilogramme, l'évaluation faile en acide butyrique; sur un autre, au voisinage de la croûte, le chiffre est de 103 grammes. Si tous les acides gras étaient saponifiés, ils donneraient, en prenant le mème mode d'évaluation, environ 330 grammes d'acide butyrique par kilogramme. Il y a donc dans cette partie du fromage environ le tiers de la matière grasse saponifiée et transformée en acides gras. C’est un chiffre très supérieur à ceux que nous avons constatés jusqu'ici sur les beurres, mème après de plus longues durées de conservation. La sapomfication s'exagère donc notablement sous l'influence de certains microbes, surtout de ceux qui sont des agents com- burants. J'avais déjà insisté sur cette notion ‘, mais dans un cas plus éloigné de la pratique et moins saisissant. En revanche, il n'y a pas dans ce cas d’acide formique. L’oxydation a bien un peu fonctionné, puisqu'elle a donné une saveur légèrement suiffeuse aux couches extérieures. Mais cela date sans doute du jour où les microbes, ayant cessé d’agir, n’ont plus été des protecteurs suffisants. Tant qu'ils sont actifs, et j'en ai montré d’autres exemples, les microbes protègent la matière grasse contre l’action trop intense de l'oxygène de l'air. Maintenant quel est le mécanisme de cette action des microbes? Peut-être n'est-il pas difficile à découvrir, au moins dans un de ses rouages. La saponification est une éthérification, par conséquent un phénomène qui se heurte à un phénomène antagoniste, et qui par là se modère lui-même. Nous avons déjà vu plus haut cette saponification être plus marquée lorsqu'un de ses produits, l'acide butyrique, s’évapore eu vertu de sa volatilité. Ce phénomène d’évaporation se produit certainement dans le fromage, mais il est peu marqué. Le fromage ne sent que bien rarement le rance, mais les microbes peuvent faire disparaitre 4. Le Lait, p. 51. 324 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'acide butyrique en le brülant ou en le combinant à de l’ammo- niaque. Les acides gras combinés à l’ammoniaque complant comme corps saturés dans la mesure du quantum de saponification, il faudrait ajouter aux acides gras saponiliés, mesurés par les chiffres qui précédent, ceux qui sont combinés avec l’ammo- niaque. Ce fromage contenait 35,18 0/0 de matière grasse, et 5 ,80 d'ammoniaque par kilogramme. Cette ammoniaque aurait exigé pour sa saturalion 195,6 d'acide butyrique, sur lesquels il y en avait seulement 2%',1 d'acide butyrique réel. Le reste, 17:",5, correspondait à des acides gras. Sur 1 kilogramme de fromage, 1] y avait environ 352 grammes de matière grasse. C'était donc environ 5 0/0 d'acides gras saponifiés, existant à l’état de sels ammoniacaux, el il faudrail ajouter ce nombre aux chiffres de saponification donnés’ plus haut. Voilà une première cause d'accélération de la saponification, mais il y en a une autre, c’est que l'acide butyrique est brûlé peu à peu. Quand on étudie à la distillation fractionnée la matière grasse de ce fromage, ce qui est facile parce qu'il n’y a pas d'acide formique rendant la méthode incertaine, on constate que la proportion de l'acide butyrique par rapport aux aulres acides volatils a beaucoup diminué : ainsi, dans ce fromage, la pro- portion de l’acide butyrique dépassait à peine celle de l'acide caproïque, tandis qu'il est au moins du double dans la matière grasse fraiche. Toutefois, après avoir visé ces deux causes d'accélération de la saponification, il ne faudrait pas croire qu’elles expliquent tout. Il y a évidemment des influences de milieu. Sans qu’on sache encore pourquoi, certaines substances activent la saponi- lication, d’autres la retardent. A ces influences d'ordre chimique, les microbes ajoutent peut-être des influences d'ordre vital. Peut-être saponifient-ils de la matière grasse au moyen d'une diastase, pour en retirer la glycérine sur laquelle ils ont action. Ce sont là des questions que ce travail ne peut avoir la pré- tention de résoudre. Il se contente de les poser. RECHERCHES BACTÉRIOLOGIQUES SUR LA NEPPURATION CHEZ LES ANIMAUX DE L'ESPÈCE BOVINE Par ADRIEN LUCET Médecin-vétérinaire à Courtenay, Loiret. (Note préliminaire) « La suppuration franche, les abcès chauds, par exemple, sont-ils, dans toutes les espèces, provoqués par les mêmes microbes? En d’autres termes, les staphylocoques et les strep- tocoques, qui sont les agents les plus communs de la suppura- tion chez l’homme, se retrouvent-ils avec la même fréquence chez les animaux? Cette question est loin d'être résolue: je ne sache pas que les suppurations des différentes espèces animales aient fait l’objet de recherches systématiques analogues à celles qu'Ogston, Rosenbach et Passet ont consacrées à l’étude du pus de l'homme » (E. Nocarn : in Nouveau Dictionnaire de Médecine, de Chirurgie et d'Hygiène vétérinaires; article :| Suppu- ration, t. xx, page 505. Paris, 1892.) Telle est la question que par des recherches de plusieurs années j'ai (âché de résoudre en ce qui concerne les animaux de l’espèce bovine, chez qui la suppuration revêt des caractères spéciaux tels, que. jusqu'ici, les individus de cette espèce ont toujours été considérés comme possédant une aptilude peu prononcée à la pyogénie, — chose absolument erronée du reste. Entreprises d’abord avec le concours de mon excellent maître M. le professeur E. Nocard, que des travaux multiples et plus importants ont ensuite occupé ailleurs, ces recherches ont porté sur le pus de trente-deuxr abcès chauds ouverts chirurgicalement, sur neuf cas de suppuralion par traumatisme, sur sept accidents pyohémiques généraux consécutifs à la parturition, accidents bien loin d’être rares chez la vache, quoiqu'ils y soient regardés comme exceptionnels, et enfin sur quatre autres observations de pyohémie, 326 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les trente-deux abcès se répartissent de la façon suivante : Abcés dela joue droite CORP EE NT Cr 1 Abees de la joue gauche eee ot ne l Abcès de la région parotidienne droite . . . . . . 3 Abcès de la région parotidienne gauche . . . . . 4 Abcès de la région du coude gauche . . . . . . .. 1 Abtes durant eauche PERRET 3 AbceSdu ane drOI EN EN ER ROMAENEE à) Abcés de da région ombilicale 2m Emme 11 Abcesrde lammamele rem RUE S) Éotal enr FSDE Les cas de suppuration par traumatisme comprennent : Abcès de la région temporo-maxillaire droite, consé- cutif à une fracture de la corne du même côté. , 1 Abcès de la mamelle, consécutifs à des morsures de chiens ou à des coups de fourches américaines à dents d’acier.. . . . . PROS SAR VER AE Ne PRES Décollements de la sole, consécutifs à des plaies péné- trantes produites par des fragments de silex pen- dantda mare hert seine Mr re Toutes ces observations ont été faites sur des vaches entre- tenues pour la production laitière. Quant aux accidents pyohémiques généraux, ils se rappor- tent : 7 fois à des accidents puerpéraux (vache). 4 fois à un érysipèle phlegmoneux ambulant (vache). 3 fois à la pyémie déterminée par la phlébite ombilicale (veaux). —— Total , 41 Les produits purulents prélevés dans tous ces cas ont fait l’objet d’ensemencements variés et d'examens bactériologiques après coloration sur lamelles, qui m'ont permis d'isoler un certain nombre de micro-organismes spéciaux non encore décrits. Parmi eux, quelques-uns, en raison de leur variabilité, de leur rareté, et surtout de leur présence exclusive dans les suppurations à contamination multiple (traumatismes, accidents puerpéraux, phlébites ombilicales), paraissent être de simples microbes acci- dentels, commensaux ou pathogènes par occasion; les autres, au nombre de cinq, et que, seuls, j'ai ici en vue, plus constants, plus SUPPURATION DANS L'ESPÈCE BOVINE, 327 abondants dans les cultures ou les examens microscopiques du pus, semblent être les microbes pyogènes proprement dits, par suite de leur existence suivie dans toutes les collections purulentes, closes ou non, ou tout au moins dans la grande majorité d’entre elles el dans la plupart des accidents pyohémiques généraux. Néanmoins, ceci ne constitue qu'une probabilité, et il eût fallu, pour bien déterminer le rôle de ces agents dans les accidents pyogènes du bœuf, tenter de reproduire expérimentalement, chez les animaux de l’espèce dont ils provenaient, les phénomènes inflammatoires qu'ils paraissaient avoir causés. Ces expériences, dont l'importance était de premier ordre, je n'ai pu les faire jusqu'ici, en raison, d’un côté, de la difficulté de conserver la vitalité des microbes isolés, et, d’un autre côté, de l'impossibilité de trouver, à époques fixes, des sujets d'expérience d’une certaine valeur et d’un entretien fort coûteux. J'ai tàché, pour l'instant, d’atténuer ce défaut, en prolongeant mes recherches, dont le début remonte à près de six années, en multipliant les examens bactériologiques et les cultures des produits purulents recueillis, et en étendant ces examens à des accidents pyogènes aussi variés que possible. Le résultat en a été celui-ci. 2! semble qu'il existe chez le bœuf des microbes pyogènes spéciaux, non encore décrits, qui sont : un streplocoque, un staphylocoque et trois bacilles. Dans le but de les différencier et sans y attacher d’autre importance, j'ai appliqué à ces microorganismes les dénomina- tions suivantes : Streptococcus pyogenes bovis. Staphylococcus pyogenes bovis. Bacillus pyogenes bons. Bacillus liquefaciens pyogenes bovis. Bacillus crussus pyogenes boris. Le plus commun d’entre eux est ke Streptococcus. Viennent ensuite : le Bacillus pyogenes et le Bacillus liquefaciens pyogenes ; puis le Staphylococcus et Le Bacillus crassus pyogenes. Parfois l’un ou l’autre d’entre eux existe seul, principalement dans les collections purulentes closes. D'autres fois, ils sont diversement associés, soit entre eux, soit avec d’autres microor- ganismes. Ce dernier fait s'observe surtout dans les suppura- lions par traumatisme. Dans les cinquante-deux observations rapportées plus haut, ils étaient répartis de la façon suivante : 328 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Streptococcus pyogenes bovis, seul.................. 9 fois. Staphylococcus pyogenes bovis, seul. ................ 2ye Bacillus -pyogenes Dovis Seul 0e loheaste Bacillus hquefaciens pyogenes bovis. seul Bacillus crassus pyogenes bovis, seul Streptococcus et Staphylococcus ...:.............. 6 4 ( LEES Streptococcus et Bacillus pyogenes........,..... MST TR 2 l 2 1 sie loue seal eee sa .o701e viole e à s «eee Streptococcus et Bacillus crassus .................. Streptococcus, Staphylococcus et Bacillus crassus . Bacillus pyogenes et Bacillus liquefaciens.......... Bacillus pyogenes et Bacillus crassus.............. L'un ou l’autre de ces agents avec des microbes indé- LÉLMMRÉS ANT ONE D EL BEN Te RTS PRE, 14 avec le Staphylococcus pyogenes albus de l'homme. 1 » avec le Staphylococcus pyogenes aureus id Re -PTNE, To re 52 » Quatre d’entre eux présentent des caractères communs. Le cinquième, le Bacillus crassus, diffère quelque peu des autres. Tous aéro-anaérobies, les premiers prennent le Gram et surtout le Gram Weigert, tandis que le dernier ne supporte pas ce moyen de coloration; cependant il s’imprègne facilement de toutes les couleurs d’aniline en solutions hydro-alcooliques. Perdant leur vitalité, dans les cultures faites au contact de l'air, dès la cinquième ou la sixième génération et parfois même plus vite encore, si les cultures séjournent quelque peu à l’étuve sans être rajeunies, mais la conservant un temps légèrement plus long dans les cultures dans le vide, ceux-là cultivent tou- jours peu en fournissant des cultures maigres et chétives ; celui-ci, au contraire, pousse rapidement dans tous les milieux et y con- serve assez longtemps sa vitalité et sa virulence. En dehors de ces caractères généraux, chacun d'eux pré- sente encore un certain nombre de particularités quant à sa forme, sa manière d'être dans les cultures et sa virulence. Ces particularités permettent de les différencier assez facilement les uns des autres. Sans vouloir entrer dans des détails qui trouveront mieux leur place dans une étude ultérieure, indiquons, dans cette note préliminaire, les grands traits qui les caractérisent. Streptococcus pyogenes bovis. — Paraissant être d’un diamètre un peu plus petit que le streptocoque pyogène de l’homme, immo- bile, il prend la forme en chaînettes, surtout dans les milieux SUPPURATION DANS L'ESPÈCE BOVINE. 329 liquides où il atteint parfois une assez grande longueur. Ses éléments sphériques ou ovoïdes ont souvent un diamètre quel- que peu variable. Sans action liquéfiante sur la gélatine, ne fournissant pas sur pomme de terre de culture apparente, quoique y poussant, il trouble, au début, les bouillons qui, ensuite, s’éclaircissent en laissant un dépôt poussiéreux toujours peu abondant. Sa virulence est nulle en injection sous-cutanée et intra-péri- tonéale chez le cobaye et chez le lapin, et, chez ce dernier, en inoculation intra-veineuse. Staphylococcus pyogenes bovis. — Plus petit également que les staphylocoques de l’homme, donnant, sur gélose, une maigre culture grise, difficile à différencier, à première vue, des cul- tures fournies dans le mêmemilieu par le streptocoque, ne liqué- fiant pas la gélatine, troublant temporairement les milieux liquides, il diffère du premier, en dehors de sa forme, par ses cultures sur pomme de terre, où il fournit une mince couche crayeuse, mate et à peine saillante. Sa virulence est également nulle chez le lapin et le cobaye, quel que soit le mode d’inoculation. Bacillus pyogenes bovis. — Un peu plus court que le bacille de la tuberculose, dont il a, dans les préparations sur lamelles, quelque peu l'aspect, immobile, ne poussant pas sur pomme de terre, cultivant avec quelque difficulté sur gélatine, il trouble à peine et passagèrement les milieux liquides. Sa virulence semble variable chez le cobaye. Dans un cas, en effet, il a provoqué assez rapidement la mort en irjection sous- cutanée, tandis que dans d’autres il est resté sans action. D'un autre côté, Hüflich, Enderlen et Hess, qui paraissent lavoir isolé de différents cas de Pyelonephrose du bœuf, et qui l'ont déerit sous les noms de Bacillus pyélonephritidis bovis et de Bacillus renalis bovis, lui attribuent chez le cobaye un pouvoir pathogène irré- gulier. Bacillus liquefaciens pyogenes boris. — Semblable au précédent dans les préparations faites avec le pus ou les cultures, égale- ment immobile, il s’en différencie par son action sur la gélatine, qu'il liquéfie très lentement et sans aucun trouble. Ne cultivant pas sur pomme de terre, il donne dans le bouil- lon de veau, qui conserve sa limpidité, un dépôt grisâtre, peu 330 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. abondant, que la moindre secousse répartit dans tout le milieu nutritif, qui se trouble alors passagèrement. Un autre caractère important est son action chez Ê lapin. Tandis que le Bacillus pyogenes reste inoffensif chez cet animal, quel que soit le mode d’inoculation, le Bacillus liquefa- ciens provoque chez lui, par injection intra-veineuse, des abcès sous-aponévrotiques répandus un peu partout, mais principale- ment dans les membres, oùils acquièrent souvent des dimensions exagérées, sans presque jamais tendre vers l'ouverture spontanée. D'un autre côté il n’est pas virulent pour le cobaye. Tous les microbes qui précèdent donnent sur gélose de minces couches grises, difficiles à différencier les unes des autres. Bacillus crassus pyogenes bovis. — Ce dernier, bien plus volumi- neux que les autres, mobile, cultive avec une grande facilité dans tous les milieux. Sans action liquéfiante sur la gélatine, où il donne une épaisse couche blanc nacré à reflets métalliques, il forme, sur pomme de terre, un revêtement épais, lisse, mou, muqueux, d'aspect lichénoïde. Le trouble qu'il produit dans le bouillon de veau est persis- tant et le liquide devient muqueux et filant. Non virulent pour le lapin, il cause la mort du one en trente-six ou quarante-huit heures par inoculation intra-péri- tonéale, en déterminant une péritonite accentuée. Telle est, dans ses grandes lignes, la physionomie générale des microbes que leur présence constante dans les collections purulentes closes des bovins me porte à considérer, dès à pré- sent, comme les agents pyogènes de cette espèce animale. Des recherches ultérieures montreront si réellement ces microorganismes que l’on rencontre chez le bœuf, à l'exclusion presque complèle des microbes pyogènes de l’homme, ont réelle- ment le rôle que je leur attribue. EXPLICATION DE LA PLANCHE II, I. Streptococcus pyogenes bovis. Culture. obj. 1/16 (Leitz). Oculaire 4 IL. Slaphylococcus pyogenes bovis. — — — — LT. Bacillus pyogenes bovis. — ou = — IV. Bacillus liquefaciens pyogenes bovis. — — — V. Bacillus crassus pyogenes bovis. — — — PROPRIETÉS COLORANTES DE L'OXYCHLORURE DE RUTHÉNIUM AMMONIACAL PAR M. NICOLLE ET J. CANTACUZÈNE. (Travail du laboratoire de M. Roux à l’Institut Pasteur.) I. — Les matières colorantes employées en histologie et en bactériologie appartiennent toutes au groupe des composés orga- niques, qu'il s'agisse des couleurs naturelles ou des substances artificielles dérivées du goudron de houille, Aussi, lorsque M. Joly annonça le 26 décembre dernier que l'oxychlorure de ruthénium ammoniacal, découvert par lui‘, pos- sédait un pouvoir tinctorial comparable à celui des dérivés de l’aniline, était-il tout indiqué d’étudier ce composé minéral, au point de vue micro. chimique. C’est ce que nous avons pu faire, grâce à l’obligeance de M. Joly, qui a bien voulu nous en con- fier un échantiilon. Nous allons rappeler, d’après son travail, les principales pro- priétés de cette matière colorante. Elle se présente sous la forme de cristaux bruns à reflets mordorés, solubles dans l’eau et dans la glycérine, insolubles dans l'alcool. La solution aqueuse est rouge carmin par traus- parence, avec des reflets violets ; elle s’altère à la lumière, mais lentement et dans une faible mesure, en donnant un dépôt brun de sesquioxyde. L’acide chlorhydrique concentré détermine un précipité brun; l'addition d’eau produit une coloration jaune qui redevient rouge par dilution. Une faible quantité d’alcali fait virer la solution au rouge violet; pour ramener une teinte jaune, il faut, non plus de l'acide chlorhydrique étendu, mais de l’acide concentré. Il résulte de ces propriétés que les üssus colorés par l’oxychlorure de ruthénium peuvent être déshydratés par l'alcool absolu sans éprouver de décoloration ; 4. Ru? (OH)? Clé (A,H5)7 + 3H20. 332 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qu'ils ne doivent point subir l’action des acides minéraux : enfin que les pièces fixées par ces acides (réactif d'Altmann par exemple) doivent être très soigneusement lavées à l'alcool avant l'inclusion dans la paraffine. Nous ajouterons que l’oxychlorure précipite par le réactif de Weingartner (eau : 20; tanin : 1 ; acétate de sodium : 1) à la manière des couleurs basiques d'aniline dont il partage les pro- priétés histologiques. Il précipite également par l’acide picrique. Enfin, sa solution aqueuse se décolore dans une solution d'acide osmique. IL. — L’oxychlorure de ruthéuium peut être employé pour l'étude des tissus et pour celle des microorganismes. Si l’on veut colorer les tissus, on les met en contact pendant une à deux minu- tes avec une solution aqueuse à un pour mille, puis on lave à l’eau et on monte au baume, après dessiccation s’il s’agit d'une préparation sur lamelle, après déshydratation et éclaircis- sement lorsqu'on a affaire à une coupe. Le procédé est done aussi simple que possible. A l'examen microscopique, on constate que les noyaux sont colorés en rose très vif, avec une remarquable élection pour la chromatine ; le tissu conjonctif et surtout le protoplasme sont d'un rose moins intense. Il s’agil donc d'une coloration analogue à celle que donnent le carmin neutre ou certaines couleurs d’ani- line ayant par elles-mêmes une électivité sinon absolue, du moins suffisante pour bien mettre en relief les diverses parties d’un tissu (bleu de méthylène, vésuvine par exemple). En un mot, il n'ya pas de surcoloration excessive. D'ailleurs, il est facile d'obtenir une élection purement nucléaire en ajoutant à un centimètre cube de la solntion une goutte d'acide acétique à 6 00, ou en se servant d'oxychlorure dissous dans la glvcérine. L'oxyehlorure colore avec une intensité moyenne les fibres musculaires lisses et striées, la matière fondamentale du carti- lage, le tissu scléreux, la substance cornée, la fibrine, la mucine. Il colore très vivement la substance amyloïde, les zoosper- mes. Par contre, il est sans affinité pour le tissu élastique, l’hémoglobine et les granulations éosinophiles. Enfin, en sa qua- lité de matière colorante basique, il teinte fortementles granula- ons des Maslzellen (granulations basophiles de M. Ehrlich), On ee” COLORATION PAR UN SEL DE RUTHÉNIUM. 333 peut obtenir une coloration isolée de celles-ci en additionnant la solution d’oxychlorure de six gouttes d’acélique (à 6 0[0) par centimètre cube. Envisagé au point de vue des fixateurs, l’oxychiorure donne d'excellentes colorations après l’action de l'alcool à 90°; du sublimé acide; du sublimé alcoolique; du liquide de Kleinen- berg ; du liquide d'Altmann ; de la liqueur de Muller et, fait très imporlant, de l'acide osmique à 1 0[0. Des coupes d'organismes délicats (planaires) ayant séjourné plusieurs heures dans la solution osmique au centième, se sout colorées avec une netteté el une intensité remarquables. | L'oxychlorure s'est montré absolument inactif après le mélange de Flemming (dans ce cas, il paraît ne colorer que la matière fondamentale du cartilage) et il nous a donné de mau- vais résullals sur des pièces fixées à l'acide osmique et conser- vées très longtemps dans le bichromate à 2 010. Enfin les tissus frais (coupes par congélation) sont colorés avec une élection toute spéciale pour la chromatine des noyaux. Les colorations sur lamelles sont en tout point compa- rables à celles des coupes. Nous avons obtenu notamment de très belles préparations avec le sang fixé par l'alcool-éther (ää) ou par la chaleur (110°-120°). Ajoutons que la stabilité des colorations ainsi obtenues s’est montrée absolue depuis le commencement de janvier. On peut pratiquement employer l’oxychlorure pour la colo- ration des Lissus soit tel quel, soit addilionné d'acide acétique. Dans ce dernier cas, les noyaux étant seuls colorés, il est facile de faire une seconde coloration à l’aide d'une couleur acide jaune soit mitrée (acide picrique, jaune de Martius, aurantia), soit azoïque (tropéoline), couleur qu'on dissout dans l’eau, dans l'alcool ou dans l’essence de girofles, suivant qu'on désire l’em- ployer avant ou après la déshydratation. Dans les tissus où les mastzellen ont été seules colorées, on peut teinter ensuite les noyaux avec de l’hématoïne, ce qui donne de fort belles préparations. Le type en est réalisé par les coupes d'urticaire pigmentée. IT. — A l'exception des bacilles tuberculeux etlépreux, l’oxy- chlorure colore, d’une façon plus ou moins intense, les microor- ganismes, soit sur lamelles, soit dans les coupes. 334 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le mode opératoire est le même que pour les tissus. Pour les microbes qui prennent le Gram, l'emploi de l’oxy- chlorure n'offre pas d'intérêt; pour les autres, il est de beaucoup inférieur au bleu de méthylène fixé par le tanin. Cependant, par la belle coloration qu'il donne aux tissus et par là netteté de forme qu'il accuse chez les microorganismes, il permet de faire de très belles préparations de fièvre typhoïde, de choléra des poules, de pseudo-tuberculose coccobacillaire, et même de chancre mou. Pour la morve, la coloration est un peu faible. En outre, sur les coupes colorées au violet aniliné (méthodes de Gram ou d’Ehrlich}, il donne une excellente teinte de con- traste aux tissus. Enfin il ne colore ni les cils ni les spores. IV. — En résumé, l’oxychlorure peut être employé pour colorer n'importe quel tissu, même à l’état frais, d’une façon rapide et sans craindre de surcoloration excessive; additionné d'acide acétioue, il constitue un réactif exclusivement nucléaire, mettant en relief le réseau chromatique des noyaux avec une absolue précision. Grâce à son grand pouvoir tinctorial et à son insolubilité dans l’alcool, il permet de faire rapidement et à coup sûr de très bonnes préparations de certains microorganismes qui ne prennent pas le Gram; il fournit également de belles colora- tions de contraste après les violets. Mais son avantage le plus . grand, c’est de colorer mieux, croyons-nous, qu'aucune matière végétale ou animale, les pièces qui ont été fixées, même énergi- quement, par l’acide osmique. Quel que soit pratiquement l'avenir de l’oxychlorure, il est intéressant, au point de vue théorique, de rencontrer chez un composé minéral des propriétés absolument semblables à celles des couleurs basiques d’aniline. Il est permis de supposer que ces propriétés, qu'on attribue généralement, dans les couleurs artificielles, à la présence du radical amidogène (AzH?), sont également ici sous la dépen- dance du même groupement atomique. LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES À L'INSTITUT PASTEUR EN 1892 Par Henri Porrevix. [ Pendant l'année 1892,1,793 personnes ont subi intégralement le traitement antirabique à linsütut Pasteur : 7 sont mortes de rage. La mortalité totale a done été de 0,39 0/0. Nous avons insisté, dans toutes les statistiques des années précédentes, sur les motifs pour lesquels il convient, si on veut juger de l'efficacité des vaccinations, de ne faire entrer en ligne de compte, parmi les morts, que ceux chez lesquels les pre- miers symptômes rabiques se sont manifestés plus de quinze jours après la dernière imoculation. Des 7 personnes mortes en 1892, 3 ont été prises de rage moins de 15 jours après la fin du traitement; les résultats défi- müifs s'établissent donc de la façon suivante : PÉRSOIMESPAILCRS ur. 2iiee du ue LA LIU 1,790 1 MODS NE Le Lo an NAN con DES ee TM Ro 4 LL EN IU a LV Le re ER ne ES EEE en à AS 1e 0,22 Nous avons rapproché dans le tableau ci-dessous ces chiffres PERSONNES MORTS, MORTALITÉ o/o. TRAITÉES, Se Uo QE 1 oO D D Or © à œ > = be Lœ 1 RO =] » 9 KO C2 9 Qt > Le] [0 @ EE & 2 =] © 12 Le 4. Ce chiffre diffère de celui 1,193 indiqué plus haut, parce que les trois per- sonnes retranchées du nombre des morts doivent aussi être retranchées du nombre total des traitées. 330 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de ceux qui ont été fournis par les statistiques des années précé- dentes !. Nous devons signaler 5 personnes mortes de rage au cours des inoculations. Le traitement, pour ces personnes, n'ayant pas été terminé, nous ne pouvons les compter ni au nombre des traitées, ni au nombre des morts après traitement. Il Les personnes traitées à l’Institut Pasteur sont divisées en trois catégories correspondant aux trois tableaux suivants : 10 Tagceau À. — La rage de l'animal mordeur a été expéri- mentalement constatée par le développement de la rage chez des animaux mordus par lui ou inoculés avec son bulbe. 20 TagLeau B. — La rage de l'animal mordeur a été constatée par examen vétérinaire. 30 Tapceau CG. — L'animal mordeur est suspect de rage. Les morsures au point de vue de leur gravité sont divisées en trois classes : 1° Morsures à la tête et au visage; 2 Morsures aux mains ; 3° Morsures aux membres et au tronc. Nous donnons ci-dessous les résultats détaillés pour l’année 1892. NORSURES A LA TÊTE. | MORSURES AUX MAINS. | MORSURES AUX MEMBRES. TOTAUX. LEE RECRUE PE RER PRE Tableau A...| 19 | 0 0 190143312320 128! 1 |0.78 Tableau B...| 96 | 0 0 605| 2 |0.33| 361 | 0 0 |1.062| 2 |0.18 Tableau C...| 37 | 0 0 330! 0 0. | 233 | 4 |0.43| 600! 1 [0.16 Total ....| 152 1.010 628 1.190| 4 |0.22 oo 1. Ce tableau porte dans la colonne des morts pour l’année 1887 le nombre 14, et dans le tableau de la statistique de l’an passé la même colonne porte le nom- bre 13. C’est qu'un jeune Anglais, traité en 1887, serait, d’après le médecin qui la soigné pendant sa maladie, mort de la rage en 1892, c'est-à-dire cinq ans après sa morsure. C’est la première fois qu’un fait aussi exceptionnel est signalé depuis rene des vaccinations, qui s’élévent, au 31 décembre 1892, au nombre de 12,782. LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES, 337 Le tableau suivant, qui contient les résultats acquis depuis l'origine des vaccinations, permet de juger de la gravité des mor- sures d'après leur siège. TRAITÉS. MORTS MORTALITÉ. Morsures à la tête... ....... 1.078 16 1,48 Morsures aux mains ,...... RATE 40 0,55 Morsures aux membres... 4,029 At 0,24 POI RS EAP T NE EANS 42,782 67 0,52 Comme on l’a fait remarquer à plusieurs reprises dans les statistiques des années précédentes, le caractère de gravité parti- cuhère des morsures à la tète ressort non seulement des chiffres du tableau ci-dessus, mais encore, et surtout, de ce que la presque totalité des personnes chez lesquelles la rage éclate au cours des inoculations, ont été mordues à la tête. C’est le fait, en particulier, pour les einq cas de mort en cours de traitement que nous avons signalés plus haut. | Bien qu’on ait souvent et longuement insisté sur ce point, il n'est pas rare de voir des personnes gravement mordues à la tête arriver à l’Institut Pasteur assez longtemps après la morsure, Nous ne citerons qu'un exemple, il est malheureusement typique. La jeune Georgette D..., de Vanves (Seine), fut morduele7 février par un chien qui, abattu le mème jour, et soumis à l'examen d'un vétérinaire, fut déclaré suspect. Le vétérinaire conseilla donc de conduire l'enfant à l’Institut Pasteur. La morsure avait déchiré la peau du cräne sur une longueur de 10 centimètres environ, la paupière gauche avait été fendue. Malgré tout cela, la jeune D... ne fut présentée aux inoculations que Le 25 février, dix-huit jours après l'accident. Le traitement antirabique fut commencé aussi- tôt. Mais la rage éclata le 7 mars, bien avant qu’il fût terminé. (nt Au point de vue de leur nationalité, les 1,790 personnes traitées en 1892 se répartissent de la façon suivante : RADOIG LOTERIE rUE 26 POTAGE ER AL EUR ES 96 BRRMQUE 2 D soute à: |) Russie.,...... DR LT 1 ONDES ER RE NO = Me 12 SUISSC PE RE T TER SU 3 PAPERS, na Es e 142 |C Hollande sr Re 14 (ERA UE RENE en PRE 19-| Indes anglaises. 1eme 9 Etats-Unis d'Amérique. .,..... 1 22 338 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Soit 206 étrangers et 1,584 Français ou Algériens. Au nombre des étrangers figure une sœur de charité venue de Madère. C’est au cours de l’année dernière que la rage a fait son apparition pour la première fois dans l'ile : elle y a été importée par un chien venu de Portugal, qui a mordu plusieurs de ses congénères, chez lesquels la rage s’est développée, et dont l'un a mordu la sœur traitée à l’Institut Pasteur. Le tableau suivant indique la réparütion par départements des 1,584 Français, il contient aussi le nombre total des malades envoyés à l'Institut Pasteur par chaque département pendant les trois dernières années. : DÉPARTEMENTS. | 4892 | Total. || DÉPARTEMENTS. [1892 | Total. || DÉPARTEMENTS. | 4892 | Total. MIRE LE SNA NGErS RER EE 92610 re RE 4| 5 AISNE HER MON Gironde 2 17 | 78 || Pas-de-Calais. .| 22 | 48 RIDE ERA JL 18") Hérault: 63 |116 || Puy-de-Dôme..| 5 | 12 Alpes Basses-) .| 3 3 || Ille-et-Villaine.| 0 | 12 || Pyrénées(Bses-)| 16 |133 Alpes(Hautes-):| 11 | 21 || Indre ......... 4 3 || Pyrénées(Hfes-)| 6 | 21 Alpes-Maritimes! 40 |112 || Indre-et-Loire .| 4 | 13 || Pyrénées-Orles)| 43 | 38 Alger Te PL GSM DATA |INIS ere RER HOMO | IRNONE Een 31 1195 ATIÉRE : 0. 2 NIET ER Ceres 4 | 16 || Rhin (Haut-)..| 5 | 7 AUDE Fret 0) Del Aandes rer 12 | 50 || Saône (Haute-).| 5 | 33 AUUB EN MENEMRE 99 | 60 || Loir-et-Cher... { | 18 || Saône-et-Loire.| 14 | 29 Aveyron ...... RIT MIO RES 69 |149 || Sarthe ........ SURUE Bouches-du-Re.| 65 |141 || Loire (Haute-).! 7 | 22 || Savoie ........ 21 | 12 Calvados.,.... 4 | 11 || Loire-Infre....| 0 2 || Savoie (Häute-)| 3 | 17 Cantal ter 1 MSIE oITeE Rent 3 D ASEINE RE 343 |681 Charente... ... JADOAEOT A MERE .:..1 41 | 95 || Seine-et-Marne.| 5 | 12 Charente-Infre.| 6 | 21 || Lot-et-Garonne! 34 | 95 || Seine-et-ODise ..| 47 |142 CHELLES ETES 2 SUIMÉOZETE RE il 3 || Seine-Infre ....| 9 | 21 Constantine. ..| 37 |103 || Maine-et-Loire.| 4 6 || Sèvres (Deux-).| 4 | 10 Corréeze 00 6 | 146 || Manche... ... 0 | 48 || Somme ....... 12 | 26 COrSË: EE 524 20 D'ADAMREN ET 275 PRE ODA tte SERA E VO Lac Côte-d'Or ..... 3 | 21 || Marne(Haute-).| 2 | 10 || Tarn-et-Garne. | 17 | 40 Côtes-du-Nord.| 45 | 18 || Mäyenne...... 1 JC AUNISIE AE Re 32 | 16 Ureuse re 4 | 17 || Meurthe-et-Mostie| 7 | 47 || Var........... 1.97 Dordogne ..... 24 | 43 || Morbihan ..... 1 bAIVendée re 2e 1 | 4 DOUDS PT AU 0 INMenSe eue 2 0 || Vaucluse... .... 47 | 49 Drôme..." 93 | 717 || Nièvre... .. 0:10 Vienne res AT BUTEUR DES PER 8 IINord:: 477 96 | 81 || Vienne(Haute-)| 7 Eure-et-Loir...| 4 GA AOIS REF ANERE DTA OS res NE 0NIR9S Gard... 62488 SG IAO LAN ARE 199 1294 || Yonne... ..:... O2 Garonne (Hte-).| 35 | 62 A la lecture de ce tableau etdes tableaux analogues, publiés tous les ans, on peut se convaincre que la rage est très inégalement distribuée sur la surface de la France. En 1889, M. Perdrix a donné dans ces Annales une carte qui, mieux encore que les tableaux, met ce fait en évidence; elle comprend les résultats LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES. ! 339 pour les années 1887, 1888, 1889; voici une autre carte, dressée dans les mêmes conditions, et comprenant les résultats pour les années 1890, 1891, 1892. Dans ces deux périodes successives de I] il T | ] Îl J î À’ Répartition par départements des personnes venues à l’Institut Pasteur pour suivre le traitemen antirabique pendant les années 1890, 1891, 1892. En blanc les départements n'ayant pas envoyé plus de 3 personnes par 100,000 habitants, Barrés horizontalement, les départements n’en ayant pas envoyé plus de 5, Barrés verticalement, les déparlements en ayant envoyé de 5 à 14. Barrés dans les deux sens, les départements en ayant envoyé de 14 à 33. = En noir le département de la Seine, qui en à envoyé un nombre plus considérable, 40 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. trois années, la situation se présente à peu près identiquement la même. Tandis que la région de l'Ouest et du Centre est très peu éprouvée (certains de ces départements n’envoient pas un malade tous les ans à l'Institut Pasteur), les départements du Sud et du Sud-Ouest (plus particulièrement ceux de la vallée du Rhône et du littoral de la Méditerranée) fournissent toujours un contingent considérable de mordus. Une indication pratique se dégage de cette constatation. L'application rigoureuse des mesures de police sanitaire s’impose pour toutes ces régions dans lesquelles la rage prend quelquefois les caractères d’une véritable épidémie. Avec plus de vigilance et d'énergie de la part des autorités locales, on épargnerait des vies humaines, et on éviterait à l’agriculture les pertes très sérieuses que lui fait subir la mort par rage de chevaux et de bovidés. Les départements de l'Algérie, qui ne figurent pas sur la carte précédente, viennent au premier rang parmi ceux qui envoient tous les ans à l’Institut Pasteur le plus grand nombre de mordus. Dans le département de la Seine, le nombre des personnes qui se sont présentées aux inoculations a été en croissant pen- dant les trois dernières années. Il était de 113 en 1890, il a été de 225 en 1891, il est de 343 en 1892. Au mois de mai 1892, la Préfecture de police, émue de cette augmentation qui allait en s’accentuant de plus en plus, prit des mesures sévères. Il semble qu'elles aient eu de bons résultats. Sion compare, en effet, pour les deux dernières années, les nombres de mordus traités, d’une part, pendant les sept premiers mois, d'autre part, pendant les cinq derniers ‘, on trouve : En 1891, de janvier à juillet, 128 De août à décembre..,.....,., 98 En 1892, — 24% nd EE PE 99 Pendant les premiers mois de 1892, l'augmentation par rapport aux mois correspondants de 1891 s’accusait dans la pro- portion du simple au double ; grâce aux mesures prises, lle a été arrêtée; il est donc à désirer qu’elles soient maintenues. 1 Nous avons fait la comparaison entre les sept premiers mois d’une part et les cinq ‘erniers de l’autre, parce que, l'arrêté de la Préfecture de police étant du ler mai, 1l ne fallait pas s'attendre à lui voir produire son plein effet avant les mois d'août ou septembre. LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES. 341 Nous indiquerons en terminant comment parait varier la proportion des cas de rage avec les différentes époques de l’année, si on admet, ce qui n’est certainement pas très éloigné- de la vérité, que le nombre des personnes traitées à l'Institut Pasteur est proportionnel au nombre de cas de rage ayant éclaté chez les animaux. Le tracé suivant se rapporte au nombre total des malades traités pendant les six dernières années. Ce laps de temps est déjà presque suffisant pour que les variations accidentelles qui peuvent se produire d’une année à l’autre se compensent mutuel- lement. Il parait done y avoir une période de maximum au printemps et une période de minimum à l'automne. REVUES ET ANALYSES LES CRITIQUES DE LA THÉORIE BIOLOGIQUE DE L'INFLAMMATION REVUE ANTICRITIQUE Popwyssorsky. Le présent de jubilé de Virchow, KiefF, 1892 (en russe). ZieGcer. Contribution à l’histoire et à la critique de la théorie de inflammation, Beitrage zur pathologischen Anatomie, t. XI, 1892, p. 192. Wercerr, Deutsche medic. Wochenschr., 1893, pp. 17, 37. I Il y a un an, j'ai publié un essai de pathologie comparée de l'inflammation ‘. L'étude génétique de ce phénomène, dans la série animale, m'a permis d'établir une théorie biologique de l’infla mmation d'après laquelle ce processus représenterait une adaptation de l’orga- nisme dans sa lutte contre les agents nuisibles. Voici comment j'ai pu formuler le sens du phénomène. « L'inflammation doit être envisagée dans son ensemble comme une réaction phagocytaire de l'organisme contre les agents irritatifs, réaction qui tantôt s’accomplit par les phagocytes mobiles seuls, tantôt avec le concours des phagocytes vasculaires ou celui du système nerveux » (p. 226). Les pathologistes ont déjà reconnu, en analysant les caractères de l'inflammation, que le principal élément dans ce phénomène est repré- senté par l’ersudation, les trois autres symptômes cardinaux des anciens — chaleur, rougeur et douleur, — ne formant que des accessoires. Eh bien, dans l’exsudation, le rôle prépondérant est dû aux leucocytes. Ce n'est pas seulement le pus qui en renferme des quantités, ce sont aussi des exsudats séreux et fibrineux. L’absence des leucocytes dans les exsudations inflammatoires est un phénomène rare. Le caractère secondaire des exsudats privés de leucocytes se trouve en parfaite harmonie avec le fait fondamental de la pathologie com- parée de l’inflammation, à savoir que, chez les animaux inférieurs, la réaction correspondante consiste en un afflux des cellules phagocytaires, 1. Paris, Masson, 1892. REVUES ET ANALYSES, 343 comparables aux leucocytes, et non en une accumulation des humeurs privées d'éléments cellulaires. Tout l’ensemble des faits concernant l'inflammation nous autorise donc à mettre les exsudations purement séreuses, et ne renfermant pas de leucocytes, au second rang dans cette série de phénomènes réactionnels. Il est néanmoins évident que toute théorie scientifique de l’inflammalion doit tenir compte de ces phénomènes secondaires. La plupart des criliques que j'ai rencontrés m'ont fait cette objec- tion que la théorie biologique de l'inflammation laissait complètement de côtéles inflammations accompagnées d’exsudats privés deleucocytes. D'après M. Podwyssotsky, « certaines inflammalions séreuses peuvent se passer de toute réaction phagocytaire », et cependant on n'a pas le moindre droit de les rayer du cadre des véritables inflammations. Il propose par conséquent de modifier comme il suit la formule ei- dessus mentionnée : « L'inflammation est une réaction locale, souvent salutaire, exercée par les tissus vivants contre la substance irritante. Cette réaction est surtout produite par une activité phagocytaire des cellales mésodermiques, en dehors de laquelle 1l existe encore toute une série d’adaptations de la part du système vasculaire, ainsi que l'action liquéfiante et dissolvante du plasma sanguin et des liquides des tissus vis-à-vis de l’agent irritatif. » Cette formuie présenterait l'avantage de tenir suffisamment compte des inflammations purement séreuses. M. Weigert me reproche également d'ignorer les exsudations pri- vées de leucocytes, et pense que je ne sais que faire des inflammations séreuses. M. Ziegler, quoique d’une façon moins précise, m'adresse la même objection. Mais, au fond de tout cela, il y a un malentendu qu'il est utile d'éclaireir. Quoique l'exposé de la théorie biologique de l’inflammation m'ait demandé tout un volume, il y a encore bien des points insuffi- samment développés. Ce sont justement ces points qui soulèvent les principales objections. Le passage des globules rouges et du liquide sanguin dans les exsudats inflammatoires doit être considéré cemme le résultat d'une activité des cellules endothéliales des vaisseaux. Cette thèse a été développée à la page 177 dé mon traité. La présence des globules rouges, si fréquents dans les exsudats les plus séreux et totalement ou presque complètement privés de leucocytes, indique clairement qu'il se fait un passage direct des éléments du sang dans l’exsudat. Si même les hématies sont transportés à travers la paroi vasculaire, il est évident que le plasma sanguin doit subir le même sort. IL est donc impossible d'attribuer l’exsudation séreuse à une activité sécrétoire des cellules 344 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. endothéliales. Ces éléments doivent, au contraire, permettre le passage du plasma et des globules rouges dans l’exsudat, à la suite d’une contractilité dont sont certainement douées les cellules endothéliales. Ce phénomène peut être comparé (comme je l'ai fait dans mon traité) avec l'activité des cellules ectodermiques des éponges, dont la contrac- tion ouvre les pores à travers lesquelles passe le liquide ambiant. Dans certaines conditions, ces cellules permettentle passage du liquide avec les corps qu'il renferme; dans d’autres, la fermeture des pores le rend impossible. Dans ce passage da liquide à travers la paroi ectodermique de l'éponge, comme dans celui du plasma à travers la paroi endothéliale des vaisseaux (dans l’inflammation), se manifestent la sensibilité et la contractilité des cellules. Ces deux actes ne constituent pas encore des phénomènes phagocytaires dans le sens le plus strict de ce mot, mais il est évident qu'ils se rattachent d'une façon intime à l'activité phago- cylaire. Le phagocytisme est un phénomène compliqué. Lorsqu'il se mani- feste par les leucocytes, ces cellules sont d’abord impressionnées par des substances attirantes. Les leucocytes se dirigent vers celles-ci à Paide de leurs mouvements amiboïdes, et ce n’est qu’ensuite qu'ils englobent les corps attirants. Plus tard se fait la digestion intra-cellu- laire, IT ÿ a donc dans tout cela un ensemble de phénomènes de sensi- bilité, de contraction, d’englobement et de production de substances digestives. En réalité, cette chaîne est souvent interrompue en un point quelconque. Ainsi, lorsqu'un cobaye est infecté par la bactéridie, les leucocytes, impressionnés par les produits bactériens, s’approchent des microbes ; il se produit une leucocytose, mais le phagocytisme s'arrête et il n'y a point ou presque pas d'englobement. Il y a dans ce cas une manifestation phagôcytaire qui, cependant, n’aboutit pas à sa fin naturelle. Dans la réaction phagocytaire la plus complète, tous les phagocytes englobent et détruisent les corps irritatifs. Dans d’autres cas, ce sont les phagocytes mobiles qui seuls accomplissent ce rôle. Dans une troisième catégorie d'exemples, la réaction phagocytaire est encore in- complète. Les leucocytes restent dans les organes et dans le sang, et ne passent point dans l’exsudat ; les cellules endothéliales réagissent seules, mais, au lieu d'accomplir toutes les phases du phagocytisme, elles s'arrêtent à un stade de contraction qui permet le passage du plasma et des hématies à travers Ja paroi vasculaire. Les exemples les mieux connus de cette réaction phagocytaire incomplète se rencontrent dans les maladies expérimentales très aiguës. Ce sont en même temps les cas les mieux étudiés de l’inflammation purement séreuse. Dans REVUES ET ANALYSES. 345 l'infection aiguë des cobayes avec le vibrion de Gamaleïa (V. Metchni- kovi). ou dans celle des lapins avec le coccobacille de la pneumo-en- térite des pores, quand la mort survient au bout de quelques heures, la réaction de la part des phagocytes se borne à cet état de contraction des cellules endothéliales des vaisseaux qui permet à l'exsudation séreuse de se produire dans les endroits lésés. Dans les cas où l'infection prend une marche encore plus rapide, comme dans les exemples les plus foudroyants du choléra des poules chez le lapin, il ne se produit plus du tout d’exsudation., La réaction phagocytaire est nulle, mais aussi il n’y a point d’inflammation. . On voit, d’après ce court aperçu, que l’inflammation séreuse rentre parfaitement bien dans la formule générale de la théorie biologique, et qu'il n'y a lieu ni de modifier cette formule, ni de prétendre qu’elle laisse de côté l’exsudation privée de leucocytes. La formule, étant nécessairement aussi courte que possible, ne mentionne que la « réaction phagocytaire » dans son ensemble. Il n’est question ni de la sensibilité, ni des contractions des. phagocytes, parce que ces phénomènes sont déjà compris dans la rubrique générale de la réaction phagocytaire. Pour la même raison, il n’a pas été fait une mention particulière de la sensibilité et de la contractilité des cellules endothé- liales (dont la nature phagocytaire est hors de doute), c’est-à-dire des phénomènes jouant un rôle dans l’exsudation séreuse. L'examen de cette prétendue contradiction de l'inflammation séreuse avec la théorie biologique nous montre que le conflit entre la pathologie comparée et la clinique, signalé par plusieurs critiques, n'existe point en réalité. Il est incontestable que, lorsqu'une méthode scientifique permet de pénétrer un peu plus profondément dans l'essence d'un phénomène, il se produit souvent une certaine discor- dance entre les notions acquises et les anciennes théories. Ainsi la découverte du bacille de la tuberculose a démontré que certaines maladies qui, au point de vue clinique, étaient considérées comme de la vraie tuberculose, devaient cependant en être exclues (certains cas d’actinomycose, pseudo-tuberculose d'Eppinger, etc.) ; d’autres maladies (comme certains cas de bronchite chronique etc.), au contraire, ont dû être rangées dans la vraie tuberculose. Il n’y aurait donc rien de surprenant si la découverte que le phénomène fondamental de linflammation consiste en une réaction phagocytaire, modifiait la notion clinique de l'inflammation. Comme la pathologie comparée de l’inflammation a démontré le caractère salutaire et réactionnel de ce phénomène, il est tout naturel qu'il présente des passages avec d’autres processus qui s’accomplissent dans l'organisme. Ainsi il n'y a aucun lieu de s’étonner que l’inflam- TR 346 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mation soit reliée par toute une série d'états intermédiaires avec d’autres phénomènes phagocytaires, tels que le passage des leucocytes à travers les muqueuses (phénomène de Stoer), ou bien que l’inflamma- tion chronique soit intimement liée avec l’atrophie de certains tissus. Il ne faut pas oublier que, de quelque côté qu’on envisage l’inflamma- lion, on trouvera loujours un lien avec d'autres phénomènes naturels. Ainsi l'inflammation, examinée au point de vue purement clinique, présente des transitions insensibles avec l’hypérémie. Il La critique la plus sévère contre la théorie biologique de l’inflam- mation est sans contredit celle de M. Ziegler, qui pense que l’idée d'attribuer une importance fondamentale à la phagocytose dans lPinflammation est tout à fait erronée. Je regrette beaucoup de ne pas pouvoir reproduire ici, faute de place, tous les arguments du savant professeur d'anatomie pathologique. Je me contente donc de citer ses principales objections. M. Metchnikoff, dit-il, affirme d'une façon tout à fait arbitraire que le phénomène pathologique qui l’intéresse présente les caractères de l'inflammation. Il est en outre inconséquent dans son exposé, parce qu'il considère comme caractéristique tantôt la phagocytose exercée par les leucocytes, tantôt l'accumulation des cellules mésodermiques. « Je pense, continue M. Ziegler, que la phago- cytose dansle courant d'une inflammation est un phénomène purement accidentel, qui s'établit très souvent par la simple raison qu'il se trouve sur place des cellules mobiles et aussi un matériel capable d'être englohé. » (Ziegler, p. 200.) L'analyse de linflammation, faite à l’aide de la méthode géné- tique, conduit inévitablement à la phagocytose, comme l'acte le plus primitif de la réaction contre les agentsirritatifs. L’inflammation chez les vertébrés à sang froid démontre que la chaleur ne constitue pas un acte nécessaire de ce processus; la réaction analogue chez les inver- Lébrés prouve de plus que Pinflammation peut se passer de tout concours de la part des vaisseaux. Les phénomènes se simplifiant de plus en plus, à mesure que nous descendons dans l'échelle animale, se réduisent à la phagocytose. Comme les leucocytes sont d'origine mésodermique, il n'y a aucune inconséquence à admettre une phago- cytose leucocytaire et une phagocytose mésodermique. La chose est trop évidente pour qu'il soit nécessaire d’insister. « Lorsque, dit M. Ziegler, en un point quelconque se trouvent des corps, par exemple des bactéries, qui laissent échapper dans les tissus des substances attirantes, les leucocytes se dirigent vers ces corps et peuvent parfois les englober. » « Dans le cas contraire, où les corps REVUES ET ANALYSES. 347 étrangers, par exemple les bactéries, exercent une action repoussante ou paralysante, les cellules prendront une direction opposée ou reste- ront sur place. Ce n'est done point le courage des cellules dans le combat qui détermine l’émigration et la phagocytose, mais bien la propriété des corps étrangers introduits, ainsi que des tissus et des humeurs modifiés par ces corps. » « L'idée — conclut M. Ziegler — que l’inflammation est caractérisée par une lutte des phagocytes, doit donc être rejetée » (p. 202). . M. Ziégler oublie que l'attraction et la répulsion des leucocytes dépendent non seulement des produits microbiens, mais aussi de la propriété des leucocytes. Les mêmes produits qui repoussent les leucocytes des animaux sensibles attirent au contraire ceux des animaux vaccinés ou naturellement réfractaires. Ce fait est tellement général et est si bien établi qu'on n’a plus aucun droit de l'ignorer. Et c'est précisément parce que d’un côté il y a les microbes qui se défen- dent et attaquent par leurs produits toxiques, et quede l'autre il y ales phagocytes qui s’approchent des microbes etlesenglobent, qu'on a for- mulé la théorie d’une lutte entreles deux êtres vivants. Toutes lesobjec- tions de M. Ziegler ne peuvent nullement renverser cetteinterprétation. En continuant sa critique, M. Ziegler invoque un argument dont on a fait déjà souvent usage. « Dans certains cas, affirme ce savant, la phagocytose, exercée par les leucocytes, peut faciliter la destruc- tion des corps étrangers. Dans d’autres cas, la phagocytose peut au contraire contribuer à la généralisation d'une maladie infectieuse, lorsque les bactéries se reproduisent abondamment dans l’intérieur des cellules, comme par exemple dans la lèpre, ou bien lorsqu'elles sont transportées par les cellules » (p. 202). Il est incontestable — et personne n’a jamais affirmé le contraire — que la réaction phago- cytaire est loin de présenter un mécanisme parfait, ainsi qu'en. témoigne la fréquence de beaucoup de maladies. Mais il est aussi hors de doute que la généralisation des bactéries se fait beaucoup plus rapidement dans les cas où ces microbes restent en dehors des phago- cytes. On cite souvent la possibilité de dissémination des bacilles tuberculeux transportés par les leucocytes dans les endroits atteints par un traumatisme ;.mais on oublie que dans la tuberculose les leuco- cytes servent surtout à localiser les bacilles, empêchant leur dissémi- nation dans l’organisme. On exagère donc beaucoup le rôle transpor- teur des leucocytes. N’approuvant ni la théorie biologique de l’inflammation, ni la méthode comparée qui lui a servi de base, M. Ziegler définit « l’inflam- mation comme une dégénérescence locale des tissus, combinée avec des exsudations pathologiques des vaisseaux sanguins » (p. 173). Cette 348 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. définition, qui ne touche point à l’essence du processus inflamma- toire, ne fait que transcrire un certain nombre de phénomènes de cette réaction. La réunion des cellules migratrices des amphibies urodèles autour des corps irritatifs, réunion qui s'opère sans aucune part des vaisseaux (Path. comp., de l'inflam. p. 114), ainsi que des phénomènes analogues chez les invertébrés, sont tout à fait exclus de la formule de M. Ziegler. Et cependant, comme la parenté de ces phénomènes avec l'inflammation accompagnée de réaction vasculaire ne saurait être contestée, une formule scientifique devrait refléter ces affinités naturelles. Bien plus. Le tubercule, formé dans l'intérieur des vaisseaux, ne rentre pas dans la formule de M. Ziegler, tandis que celui qui se déve- loppe en dehorsdu système vasculaires’adaptetrès bien à sa définition. Or, il est incontestable que le tubercule intra-vaseulaire et le tubercule extra-vasculaire sont, au fond, laseule etmême production pathologique. La formule de M. Ziegler, qui ne touche point le fond de la question et ne tient pas compte des affinités naturelles, doit donc être rejetée. M. Ziegler me reproche de ne pas être médecin. Je me permets de lui reprocher de ne pas être assez biologiste. IT En dehors de la question de l'inflammation séreuse, que nous avons -traitée dans le SI, M. Weigert se contente de quelques notes critiques au sujet de certains points secondaires de la théorie biologique de l’inflammation. Mon savant critique exprime son scep- ticisme au sujet de la comparaison des phénomènes de destruction des microbes dans les phagocytes, avec la digestion intra-cellulaire. Il trouve une contradiction dans ce fait que la digestion intra-cellulaire des protozoaires s’accomplit dans un milieu acide, tandis que les phé- nomènes dans les phagocytes se passent dans un milieu neutre ou alcalin, Mais, en dehors du cas où les phagocytes manifestent une réaction acide (cellules exsudatives de la queue des tètards), je dois citer l'exemple de la digestion intra-cellulaire des animaux polycellu- Jaires. Chez les actinies, cette digestion se fait dans un milieu acide ; chez les spongilles, dans un milieu neutre ou alcalin. Et pourtant les deux exemples présentent la plus grande analogie entre eux. Il faut donc admettre comme règle générale que la digestion intra-cellulaire pré- sente, dès les premiers pas, une variabilité considérable et peut s’accom- plir dans des milieux de réaction différente. M. Weigert trouve encore une contradiction entre mon opinion que la destruction des bactéries se fait dans l'intérieur des phagocytes et ma citation de la diastase des leucocytes, découverte par M. Leber, el dt REVUES ET ANALYSES. 349 agissant en dehors de ces cellules (diastase qui peptonise la gélatine). Mais il s’est glissé un malentendu dans cette question. Je n’ai jamais affirmé que la destruction phagocytaire des bactéries se faisait à laide de diastases quelconques et surtout à l’aide de cellesqui peptonisent la gélatine. J’ai toujours franchement reconnu que la question des sub- stances intra-phagocytaires qui tuent et génent les microbes reste encore complètement ouverte. Peut-être sont-ce certaines diastases digestives ou autres, peut-être sont-ce des substances (acides et alcalines) tout à fait différentes des diastases. Ce n’est qu'à l’aide de méthodes nouvelles . et perfectionnées qu'on pourra aborder ce problème délicat. Dans la question des cellules géantes, M. Weigert reste fidèle à son ancienne théorie (qui a été discutée dans ces Annales, 1888; p. 604). Malheureusement il n’a pas voulu, dans sa critique, entrer en discussion au sujet de celte question. Ce serait cependant d’autant plus désirable que la découverte de la résistance particulière des cellules géantes de la gerbille vis-à-vis du bacille tuberculeux pourrait donner lieu à un échange de vues intéressant. Il est inutile de démontrer longuement que cette découverte confirme beaucoup ma manière d'envisager les cellules géantes comme un moyen de défense phagocytaire. IV Après avoir répondu aux principales objections faites contre la théorie biologique de l'inflammation, il me reste à aborder un point d’un ordre tout à fait particulier. M. Ziegler, malgré son opposition contre la théorie des phagocytes, revendique certains droits de priorité dans cette question.Qu’ilme soit permis de répondre aussi à cetteattaque. Voici la réclamation textuelle de M. Ziegler. « La phagocytose est un phénomène qui est déjà connu depuis longtemps : dans la sixième décade de notre siècle, on faisait souvent des recherches expéri- mentales sur l'englobement de la poussière du charbon et des grains colorés par les leucocytes, ainsi que sur le transport à l’aide de ces cellules. En 1874 j'ai observé, ajoute-t-il, que dans les tissus granu- leux, à côté des globules rouges, se sont des cellules présentant les caractères des leucocytes à noyau fragmenté qui sont englobées et détruites par les grandes cellules. J’arrivai à la suite de mes recherches à celte conclusion que, dans ce phénomène, il s’agit d’une assimilation du matériel englobé et par conséquent d’un acte de nutrition » (p. 197). M. Ziegler insiste donc sur ce fait que ses « recherches sur la digestion intra-cellulaire dans les cellules mésodermiques étaient publiées huit ans avant les travaux de Metchnikot}, et que, au moment de lapparition des premières publications de Metchnikoff sur la phagocytose, ce phénomène, après l'introduction des corps étrangers 350 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans les tissus de l'homme et des animaux, était très bien connu par les pathologistes » (p. 199). M. Ziegler s'étonne que je n'aie pas donné de renseignements historiques dans mes travaux antérieurs, et surtout dans mon Traité sur linflammation. Mais déjà dans mon premier travail, où il a été fait mention de phagocytes"', j'ai cité « les résullats précieux des recherches des histologistes et des pathologistes au sujet des phénomènes de résorption chez les vertébrés » et j'ai renvoyé le lecteur au Manuel d'anatomie pathologique de M. Ziegler lui-même. Si je n’ai pas fait tout particulièrement mention des travaux de M. Ziegler sur l’englo- bement des leucocytes par les cellules des granulations, c’est que ce n'est pas du tout M. Ziegler qui à fait la découverte de l’englobe- ment des leucocytes par les grandes cellules, mais bien M. Bizzozero*, qui, quatre ans avant l’apparition du premier travail correspondant de M. Ziegler ®, à émis cette idée que les leucocytes, logés dans le con- tenu des grandes cellules du pus, étaient dévorées par celles-ci. M. Ziegler a confirmé plus tard cette interprétation, mais, lorsqu'il a voulu ranger ce phénomène à côté d'autres processus connus, il s’est adressé à l’acte de la conjugaison des cellules. Il compare l’englobe- ment des leucocytes à la formation de zygospores chez les spiro- gyres, ou bien à la formation des plasmodes par confluence cellu- laire, etc. 11 considère done l’englobement plutôt comme une fusion de cellules que comme une digestion intra-cellulaire. Il va sans dire que dans aucune de mes publications je ne me suis jamais approprié la découverte de l'englobement des corps solides par les cellules mésodermiques. Je n’ai ni méconnu, ni ignoré le grand nombre de travaux qui ont été faits sur ce sujet. Mais, si jusqu'à présent je n’ai jamais pu m'arrêter suffisamment sur les détails histo- riques, cela tient uniquement à ce que la théorie des phagocytes n’est pas encore sortie de la période de lutte. Il a fallu d’abord l’établir solidement et ensuite distribuer la part de chacun dans sa fondation. Voilà pourquoi je n'ai pas pu examiner jusqu’à présent le rôle des savants, teis que Panum, Gaule, Roser, ete., qui ont beaucoup plus de droit que M. Ziegler à être comptés parmi les précurseurs de la théorie des phagocytes. J'espère trouver bientôt l’occasion de combler cette lacune. M. Ziegler a tort de penser que la découverte de l’englobement des corps solides par des cellules mésodermiques implique nécessairement la théorie d'après laquelle l'organisme animal possède dans l’ensemble 1. Arbeiten de zool. Inst. 7. Wien, 1883. V, p. 157. 2. Gaz. med. lombarda, 1871 et 1872, Wien. med. Jahrb., 1872, p. 160 3. Experimentelle Untersuch. üb. die Herkunft der Tuberkelemente. 1875, p. 68, . REVUES ET ANALYSES. 31 de ses cellules phagocytaires (mésodermiques et autres) un moyen très important de défense contre les microbes pathogènes. M. Ziegler devrait le savoir lui-même, puisque, opposé à la théorie des phago- eytes, il a été un des premiers à reconnaitre l’englobement des leuco- cytes. On peut donc avoir des mérites dans cette question sans être l'auteur de la découverte de l’englobement mème. Pour affirmer que les phagocytes constiluent un moyen de défense, il à fallu prouver que les leucocytes englobent les microbes vivants et virulents, et qu’ils les détruisent ou gênent d'une facon quelconque. Pour admettre l'importance des phagocytes, il a fallu aussi prouver là généralité de leur intervention, Sous ce rapport il a été nécessaire, entre autres choses, de démontrer l’inexactitude de l’opposition contre la théorie des phagocytes, émanant précisément du laboratoire de M. Ziegler. Ce savant a fait faire par deux de ses élèves, — MM. Palm ‘ et Rogo- witch ? — des travaux sur la pustule maligne de l'homme et sur le charbon symptomatique.M. Palm est arrivé à cette conclusion que, dans le charbon bactéridien de l’homme, les « cellules ne jouent pas le moindre rôle dans le sens de la phagocytologie de Metchnikoff ». M.Rogowitch a émis la même opinion pour ce qui concerne le charbon symptomatique chez plusieurs espèces animales. Et cependant il a été démontré d’une façon définitive que cette double attaque était basée sur des données inexactes. Actuellement il est bien prouvé, pour la pustule maligne de l’homme *, aussi bien que pour le charbon symptomatique chez les espèces étudiées par M. Rogowitch, que les bacilles sont en grande quantité englobés par les phagocytes. L'attaque du labo- ratoire de M. Ziegler a donc dû être repoussée. Dans la réponse que j'ai été obligé d’adresser aux critiques de la théorie biologique de l’inflammation, je n'ai tenu compte que des objections qui m'ont paru les plus importantes. Il me semble qu'aucune de ces critiques ne touche ni à la base fondamentale de la théorie, ni à la méthode qui a été suivie pour son établissement. IL n'y a donc aucun lieu de la considérer comme atteinte d’une façon quelconque. % E. METCHNIKOFF. 4, Beitr. z. path. Anat.T. II, p. 480. RAID TAN p.291: 3. Karc, Fortschr. d. Med. T. VI, p, 529. et Lusarscu, Unters, üb. d. Immu- nität, 4891, pp. 111-114. M. Lubarsch résume son chapitre par le passage suivant : « L'existence de la phagocytose dans le charbon humain, ainsi que son parallé- lisme avec la marche de la maladie et la destruction des bacilles, devraient être considérés après cet exposé comme étant hors de doute. » On ne comprend pas comment M. RoGer (Trailé de médecine de Caarcor et Boucnaro, T. I, p. 559) a pu tirer du travail de M. Lusarsca un sens justement contraire, et affirmer que dans les cas de ce savant « il n’y avait aucun rapport entre l'intensité de la phagocytose et l'évolution de la maladie ». 4. Pour le charbon symptomatique, V. Annales, 1889, p. 194. Rurrer, Brilish medical Journal, 4890, 24 mai. 392 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR. STATISTIQUE ! DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE. — MARS 1893. A B C | | | Morsures à la tête ( simples... .. 4/8 |») 2144 |lri s : | 2 et à la figure multiples... .| »| 2 » | 9) »| 2) Caulérisations efficaces . . . . . . . . . »| | Me AR ÈS ME SP nr. = INONNCACERS ER a Ie 21307 {| » » l'a Pas de GUALÉRSTAVM EE TR ET 0e ! À | 2 D 10) PE on RRQ LS Lee 5 1'eare SIMPICS NE 2e | | 3 | » [214) »|8 Morsures aux mains multiples. : : .| »| 1 ( É 22143 . 17129 Cuutérisahions CNCACES AC »» Frs fs » M2» |» — inefficaces . . . .... | 3» | 41215 l'OMS Sue Pas de cautémsahon RENTE CR D EE D UE RER SON RTS ES Morsures aux mein- simples... ..| »|2 13 |» [13,94 | »|14)9- bres et au tronc multiples... .| v| 4 : » |11\ »[13\ pie | Gautérisuhions effCALes ELLE SE Die ce re nl rt sl -- inefficaces su vs 2 ll La 148) 5:) 3 M2 Pas-decaulensanon eee. Tee. EDS De UNE » [15] » |» Habits déchirés.. . . . . GERC Se SR AUES 2] » | » | 49), » | » 124! » |» HOrSUTES MNT RARE TRE has ls Las) Morsures multiples en divers points du cor P DEP 0 gs al uorse le be os Cain: ee) » D » Ù » » » » » Cautérisations efficaces . . . . . . LS A0 sera) ns AS AU ep Done — INC NCOCES Ne Rae ENS De CE Di PR EN QT EN PuS de CUULÉTISULION. TN TI Mare SEE ME ESS Len D ON EE re D 4 ELLES SEC AITES EP RERE ER ARS] IA] NE » » ) » »| » » Morsures es US See at 72 M | vues = hr 1eS nl atte { Français et Algériens. 8 | 77) 40); DOiaux | Etrangers. .. REED 1° i | jrs, 14,54 | A B C mm" TOTAL /GENER AE EN NE SARA 141 Les animaux mordeurs ont été : chiens, 138 fois ; chats, 3 fois Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. PArTT: 7me ANNÉE MAI 1893. No 5. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR FERMENTATION ANAËROBIE PRODUITE PAR LE BACILLUS ORTHOBUTYLICUS SES VARIATIONS SOUS CERTAINES INFLUENCES BIOLOGIQUES par M. L. GRIMBERT Pharmacien des hôpitaux. (Travail du laboratoire de M. Duclaux, à l’Institut Pasteur.) Quand un ferment organisé se développe dans un milieu autritif, il emprunte à ce milieu les matériaux dont il à besoin pour vivre ; il en résulte la destruction du corps fermentescible, dont les molécules forment de nouveaux groupements, en mème temps que la chaleur dégagée dans la réaction fournit l’énergie nécessaire à la fonction du ferment. Est-il possible de traduire cette réaction par une équation chimique, c’est-à-dire de retrouver dans les corps produits par la vie du ferment la totalité des atomes dont se composait la matière première fermentescible ? Pendant longtemps on a admis avec Dumas que la fermenta- tion du sucre sous l'influence de la levure de bière se faisait d’après la formule très simple : CAP OE= 2 EEHO0EE 260 Mais quand on eut découvert, dans les liqueurs fermentées, l'acide succinique et la glycérine, et qu’on voulut introduire ces on. 9 304 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nouvelles substances dans l'équation, celle-ci perdit de sa sim- pheité. D'ailleurs, les idées reçues sur le mécanisme des fermenta- tions se modifiaient profondément, grâce aux travaux de M. Pasteur. Au lieu des théories de Berzélius et de Liebig qui faisaient du ferment un corps inerte, n'agissant que par sa présence ou par le mouvement de décomposition qu'il communiquait au liquide, M. Pasteur démontrait victorieusement qu'un ferment est avant tout un être vivant et que la fermentation n’est que la conséquence de la vie. Néanmoins, tenantcompte, dans la fermentation alcoolique, de la petite quantité de sucre utilisée par la levure pour ses besoins, M. Pasteur arrivait à établir une balance assez exacte entre le sucre détruit et les différents corps formés, et l'expérience à démontré que ce rapport ne varie que dans des limites relative- ment restreintes, au moins en ce qui regarde la production de l'alcool et de l'acide carbonique. Mais, en est-il de mème pour les ferments différents de la levure, et moins limités dans le choix de leurs aliments, pour les ferments butyriques, lactiques, acétiques et autres ? Déjà, dans l'étude de la fermentation butyrique, M. Pasteur ‘ constatait que l’expérience ne s’accordait jamais avec la formule donnée; que la proportion des gaz dégagés variait dans le courant de la fermentation. Plus récemment, M. Perdrix * démontrait qu'un même ferment peut donner des produits en quantités variables suivant son àge. Si on envisage la fermentation comme le résultat d'un acte vital, le problème se complique de toutes les causes qui peuvent influencer la vie du ferment. Est-il possible alors d’enfermer le processus de décomposi- tion des substances fermentescibles dans les limites d’une équa- ion simple, comme s'il s'agissait d’une désagrégation de molé- cules sous l’action d’un réactif ? Le rapportentre le corps qui fermente et les produits formés, sera-t-il constant pendant toute la durée de la fermentation ? 4. 1. Pasreur, Etudes sur la bière, p. 297. 2. Ces Annales, t. V, p. 287. sde BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 390 L'âge du ferment aura-t:1l une influence sur le phénomène ? Ne faudra-t-1il pas tenir compte de l'éducation de cette semence? Tel ferment, par exemple, capable de se développer sur divers milieux et de les faire fermenter, variera-t-1il dans ses manifesta- tions quand, habitué à vivre dans un milieu donné, on le trans- portera dans un autre, ou bien fera-t-1l fermenter ce dernier comme s'il y avait toujours vécu ? C’est pour répondre en partie à ces questions que j'ai entre- pris l'étude des actions chimiques d’un bacille anaérobie que j'ai découvert et pour lequel je propose le nom de Bacillus ortho- butylicus. Depuis les travaux de M. Pasteur sur la fermentation buty- rique, l’étude des ferments anaérobies n’a donné lieu qu'à un nombre restreint de mémoires. La difficulté du mode opératoire entre sans doute pour quelque chose dans cette abstention. La plupart des auteurs qui se sont occupés de ces fermentations semblent s'être attachés surtout à déterminer minutieusement la nature des produits formés, sans s'inquiéter des circonstances qui peuvent les faire varier. Nous citerons notamment les travaux de Fitz' sur le Bacil- lus butylicus et sur le Bacillus ethylicus : ceux de Frankland *? et de ses élèves sur le Bacillus ethaceticus, et ceux de Perdrix * sur le bacille amylozyme. H ressort, toutefois, des expériences de ce dernier, que l’âge d’un microbe, les conditions de milieu dans lesquelles il évolue, peuvent apporter des changements dans le développement et les produits de la fermentation. Mais le phénomène, en se compliquant, restait encore simple, puisqu'on pouvait y voir la superposition de deux modes seulement d’exis- tence. Je diviserai le présent travail en trois parties: Dans la première partie.je décrirai l'origine, la morphologie et les diverses méthodes de culture du Bacillus orthobutylicus. ainsi que les procédés employés pour lanalvse des produits de la fermentation, Dans la deuxième partie, j'étudierai plus spécialement lin- fluence de la réaction du milieu, de l’âge et de l'éducation de la 4. A. Frrz, Deutsch. chem. Gesellsch., 1876-1877-1878-1880-1882. 2. Journ. of chem. Soc., XX, 254; XXI, 432, 756. 3. Sur les fermentations produiles pur un microbe anaërobie de l'eau. 306 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. semence, et de la durée de la fermentation sur les produits de la réaction. Dans la troisième partie, je passerai en revue l’action du bacille sur les différents milieux qu'il peut faire fermenter. Ce travail a été exécuté dans le laboratoire et sous la diree- tion de M. Duclaux. Qu'il me soit permis de lui exprimer ici ma profonde gratitude pour les bienveillants conseils qu’il n’a cessé de me prodiguer. Orne. — Le Bacillus orthobutylicus est un microbe anaéro- bie du sol. Je l’ai isolé d’une fermentation de tartrate de chaux. mise en marche au moyen de quelques gouttes d’une macération de graines de légumineuses. — La présence de ce bacille dans cette fermentation était tout accidentelle, car, ainsi que je le démontrerai plus bas, il est sans action à l’état pur sur le tar- trate de chaux. J'employai, pour le séparer, le procédé suivant : Un chauffage à 100° pendant une minute me permit d'abord d'opérer une sélection entre les différents microbes qui pullu- laient dans le liquide prélevé. — Les spores du B. orthobutylicus résistent en effet à cette température. Le hquide ainsi chauffé provoquait une fermentation rapide de tranches de pommes de terre cuiles placées dans des tubes à essai dans lesquels on fai- sait le vide. Il était au contraire sans action sur le même milieu, ayant le bibre accès de Pair. Le bacille était donc un anaérobie vrai. Ni les tubes d’'Es- march, ni ceux de Vignal, à base de gélatine nutritive, ou sucrée, ou additionnée d’amidon cuit, ne m'ont donné de développement: il en fut de même de l'emploi de la gélose. Force me fut de reve- air aux tranches de pommes de terre elles-mêmes. Un peu de liquide fut prélevé à l'extrémité d’un fil de platine flambé, et ensemencé par stries, sans recharger le fil, sur plu- sieurs tranches de pommes de terre placées dans des tubes de Roux. Après y avoir fait le vide, ces tubes furent portés à l’étuve à 35°, Au bout de quelques jours, chaque point touché par le fil donnait naissance à une trace épaisse et confluente, de couleur BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 307 blanchàtre, allant en diminuant d'épaisseur dans les derniers tubes, au point de ne plus présenter que des colonies isolées. Une de ces colonies, diluée dans de l'eau stérilisée, fut ense- mencée de nouveau de la même manière, et l'opération fut recommencée une troisième fois. On n'avait plus à la fin que des colonies pures d’un bacille qui présentait les caractères suivants : Fig. 4. Bacille jeune. | Bacille vieux. MorpnoLoGie. — Le B. orthobutylicus se présente au micros- cope sous forme de bâtonnets cylindriques arrondis aux extré- mités, et mesurant 3 4 à 6 y de long sur 1,5 y de large. Lorsqu'il est jeune, il n’est pas rare de rencontrer dans les préparations des bacilles renflés à leur extrémité en battant de cloche. Cette forme disparait à mesure que le bacille avance en àge, et, dans les fermentations vieilles d’une semaine environ, on ne ren- contre plus que la forme droite mais munie de spores. Celles-ci sont généralement au nombre de 2 à 3 et se distinguent du pro- toplasma par leur plus grande réfringeance. Cette sporulation correspond à la cessation des mouvements du microbe, qui, lors- 398 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qu'il est jeune, est doué d’une mobilité extrême, dans les milieux privés d'oxygène. Ces caractères rapprochent beaucoup le B. orthobutylicus du Bacillus butyricus de M. Pasteur et du Bacille amylozyme de M. Perdrix ; mais, comme nous le verrons tout à l'heure, il s’en distingue par ses fonctions physiologiques. Foxcrioxs PnysioLoGiques. — Le 2. orthobutylicus ne se déve- loppe pas dans les solutions laissées au contact de l'air. Ses spores résistent à une température de 80° pendant dix minutes; à 85° elles sont détruites. Il fait fermenter les substances suivantes : glycérine, man- nite, glucose et sucre interverti, saccharose, maltose, lactose, galactose, arabinose, amidon et pommes de terre, dextrine. inuline. Il est sans action sur le tréhalose, lérythrite, le glycol, le lactate de chaux, le tartrate de chaux, la gomme arabique. Ses produits de fermentation sont : L'alcool butylique normal avec un peu d'alcool isobutylique : L'acide butyrique normal; L'acide acétique, et dans quelques circonstances un peu d'acide formique. Les gaz dégagés sont formés d’acide carbonique et d'hydro- gène. Il offre de plus les particularités suivantes : a) I fait fermenter le saccharose, le maltose et le lactose sans les intervertir: b) Il transforme entièrement l’amidon en maltose et en dex- trine, mais cette dernière est transformée en maltose au fur et à mesure de sa production : aussi ne peut-on déceler sa pré- sence dans le cours de la fermentation ; c) H transforme la dextrine en maltose au moyen d'une diastase spéciale: d) I attaque directement linuline sans la transformer en lévulose. DISTINCTION AVEC LES AUTRES FERMENTS BUTYRIQUES. — Le B. orthobutylicus se distingue du Bacillus butyricus de Pasteur et du B. amylobacter de Van Tieghem en ce qu'il ne fait pas fer- BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 399 menter le lactate de chaux et qu'il n'attaque pas la cellulose. De plus, il ne se colore en bleu par l'iode à aucune période de son développement. Il se différencie du Bacillus butylicus de Fitz par la faculté qu'il a de faire fermenter le lactose et l’ami- don, et de ne pas intervertr le saccharose. Enfin la propriété qu’il possède de donner de l'alcool butylique normal avec les divers hydrates de carbone le sépare nettement du Bacille amy- lozyme de Perdrix. MÉTHODES DE CULTURES. — Je me suis servi, pour mes cultures. du liquide suivant qui diffère peu de celui qu'employait M. Pas- teur, dans ses expériences sur la fermentation du tartrate de chaux : Liquide nutritif. Phosphate d’ammoniaque . . . . . . . . . .. Or,40 Sulfate de magnésie. . . . .. PÉRRN MEET EE Osr,40 Phosphate/de potasse 232002 SPACE 8,20 Sulfate-d'ammoniaque tt... eur 08r,20 DTA des po basses TN RATES te AE 03,20 Peptone:Séehes tes rt ON Ua FER 287,50 ADR EE Te A en SELLES ONE Ne or à { litre. C’est dans ce liquide que je faisais dissoudre la substance fermentescible dans les proportions de 3 à 5 0/0. Vases employés pour les cultures. — Un matras d'une capacité variant de 500 ce. ec. à 2 litres était muni d'un bon bouchon de caoutchouc percé de deux trous ; dans l’un de ces trous s’enga- geait à frottement dur un tube de verre droit descendant presque jusqu’au fond du matras; dans l’autre trou un autre tube de verre, affleurant l’orifice inférieur du bouchon, était recourbé deux fois sur lui-même, de façon à ce que son extrémité arrivat presque au niveau de la base du ballon. Le tube droit était garni d’un petit tampon de coton et recouvert d’un tube en caoutchouc fermé par une baguette de verre. Le ballon étant rempli entière- ment de liquide, on adaptait le bouchon qu'on fixait solidement au moyen d'une ficelle. On faisait alors plonger le tube recourbé dans un vase contenant le même liquide que le ballon et dont l’orifice était garni d’un tampon de coton. Stérilisation. — D'autre part, une autre portion de ce même liquide était mise de côté et partagée en deux parties : l’une qui 330 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. servait à l’analyse, l’autre qu’on introduisait dans des tubes à essai garnis de coton. Chaque tube enrenfermait de 5 e. c. à 10 ec. c. Le ballon, les tubes à essai et l'échantillon étaient ensuite stéri- lisés à l’autoclave à 120°, pendant un temps qui variait de 15 minutes à 3/4 d'heure, suivant le volume des vases. Dans cette opération, une partie du liquide du ballon était refoulée dans le vase par l'air expulsé, mais lors du refroidisse- ment, un vide partiel se produisant, le liquide du vase faisait retour au ballon et le remplissait entièrement, sans courir le risque d’être contaminé, grâce au tampon de coton. Le ballon refroidi était ensuite porté dans l’étuve à 35°, où il restait en observation pendant plusieurs jours avant d’être ensemencé. Ensemencement. — Une colonie isolée était prélevée au moyen d'un fil de platine flambé sur une tranche de pomme de terre et portée aussitôt dans l’un des tubes à essai contenant le même liquide que le ballon à ensemencer. Ce tube était ensuite étiré à sa partie moyenne. Le coton qui le fermait était flambé avec soin et refoulé jusqu'à l’étranglement du tube, puis on étirait en pointe la partie supérieure de manière à pouvoir l’engager dans le caoutchouc d’une trompe à eau. Le vide étant fait, on fermait le tube à la lampe dans sa partie étirée et on le portait à l’étuve. Vingt-quatre ou quarante-huit heures après, la fermentation étant active, on sortait le tube de l’étuve et, présentant sa pointe effilée à la flamme d’un bec de Bunsen, on laissait échapper les gaz et on recueillait une petite quantité de liquide au moyen d’un tube effilé et flambé. C’est là la semence destinée à ensemencer “le grand ballon. Pour cela, on ôte avec précaution le tube de caoutchouc qui coiffe le tube droit; on flambe le coton qui le ferme et on le remplace par un autre préalablement stérilisé. D'autre part, on brise avec des pinces flambées l’extrémité de la pipette conte- nant la semence, et on l’introduit dans le tube droit en soulevant lecoton. ner este plus qu'à remettre le coton en place ainsi que le tube de caoutchouc, que pour plus de sûreté on remplace par un autre, stérilisé dans une solution de sublimé au millième. On reporte alors le ballon à l’étuve, en prenant soin de faire plonger l'extrémité du tube recourbé dans un verre contenant du mercure, pour éviter toute communication entre latmo- sphère et le liquide. BACILLUS ORTHOBUT Y LICUS. 301 DosAGE DES PRODUITS DE LA FERMENTATION. — Pour doser l'alcool. les acides et les gaz provenant de la fermentation, nous avons suivi une marche qui varie un peu suivant que la fermentation s’esteffectuée en présence ou en l'absence de carbonate de chaux. A. Fermentation en présence de carbonate de chaux. — Lé liquide est filtré au papier, Une petite portion est mise à part pour lexamen polarimétrique, le titrage de la substance res- tante, la détermination de extrait sec et le dosage de la chaux à l’état de sel. Un volume déterminé du liquide filtré est distillé pour recueillir l’alcoo!, qu'on ramène, par des distillations suc- cessives, à un petit volume (50€ à 100cc), Le résidu est additionné d'une quantité d'acide oxalique suf- fisante pour précipiter la chaux. On laisse reposer 24 heures et l’on sépare l’oxalate de chaux formé; sur le liquide filtré, on procède à la détermination qualitative des acides volatils, d’après la méthode de M. Duclaux'. Le reste du liquide est évaporé en consistance sirupeuse pour chasser complètement les acides volatils, puis traité par l’éther pour la recherche de l'acide lactique. L’éther évaporé, le résidu est repris par l’eau et examiné au polarimètre, finalement saturé par l’oxyde de zine et évaporé. Quant au carbonate de chaux resté au début sur le filtre, on le décompose par l'acide chlorhydrique et l’on agite la solution avec un mélange d'alcool et d’éther pour rechercher Pacide succinique. Disons tout de suite que nous n’avons jamais con- staté la présence de cet acide dans nos fermentations. B. Fermentation sans carbonate de chaux. — Dans ce cas, on détermine d’abord l'acidité de la liqueur par un moyen quelcon- que, on la neutralise ensuite par la chaux, et on la traite ensuite comme tout à l'heure. DÉTERMINATION DES ÉLÉMENTS. — À. Nature de l'alcool formé. — Dans la recherche de l’alcool, le liquide distillé se sépare en deux couches : une couche inférieure aqueuse, et une couche supérieure mobile à odeur forte rappelant celle de l'alcool amy- lique. Lorsque celle-ci n'était pastrop abondante, elle se dissolvait par agitation dans le liquide sous-jacent. 4. Annales de Chimie el de Physique, 6e série, t. VIIT, p. 542. 362 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. En appliquant à cette dissolution la méthode indiquée par M. Duclaux”, j'ai pu recueillir d’utiles indications sur la nature de l'alcool produit. En effet, les différents échantillons recueillis dans la fermentation des corps suivants m'ont donné : Degré Nombre Théorie Nature de la fermentation. alcoolique de gouttes pour l’alcool à 150. (bec). butylique. ADM AO EPS OR Le 49 192 193 Pommes de terre. . : . 6° 296 224 Saccharose PRIT re D0,D 219 217 Mannite sean rer MÉG 6° 224 224 Dans une autre expérience, cet alcool fut séparé au moyen d'une ampoule à robinet et desséché sur du carbonate de potasse pour prendre son point d'ébullition : une faible partie, environ un cinquième, passa entre 105° et 115, et le reste à116. Ce dernier chiffre correspond au point d’ébullition de l'alcool butylique normal : CH — CH? — CH? — CH?0H. La première portion (105 — 115°) était sans doute formée d'alcool isobutylique dont le point d'ébullition est de 1080. Une solution à 5 0/0 en volume de l'alcool passant à 116° a été soumise à l'épreuve du compte-gouttes et m'a donné à 15° 209 gouttes, chiffre qui coïncide exactement avec le nombre donné par M. Duclaux. Dans ces conditions, je n'ai pas hésité à me servir, pour le dosage de l'alcool butylique de mes fermenta- tions, de la table suivante, empruntée au travail de M. Duclaux:. Table pour le dosage de l'alcool butylique. Nombre de gouttes à 150. Alcool en volume pour cent, LOT DELL RENE PR Re ET NP MERE (ID APR PEL LRO ERA SE RS RAA 0,4 AO ACETS 0,6 129, . 0,8 135. . 1,0 147. . 1,5 EL VAR RE eue 2 168. . 2,9 LATAR 3 LOS RTE CARE SERRE GNT 4 209. D 2245 «er Méta MENT NS RER ETAPE 6 1. Annales de Chimie et de Phys., 8e série, t. XIIL. DA TDoc, cit. BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 363 RAR led ee, RANTERT UE Sen! AT RS MCE TL FE MEL ER F9, 9 DR A RAC Et Ph rile eis iO Alcool éthylique. — Dans chaque essai, j'ai recherché l'alcool éthylique par la réaction de l'iodoforme, je ne l'ai rencontré que très rarement et à l’état de traces indosables. B. Nature des acides volatuls. — J'ai dit que les acides volatils étaient déterminés et dosés par la méthode des distillations frac- tionnées '. Je les ai toujours trouvés formés d'un mélange en propositions variables d'acide acétique et d'acide butyrique. L’acide formique, qui pourrait gèner dans cette étude, n'existe jamais qu'en très petite quantité. Pour le déceler, on mettait à part les deux dernières prises pour les soumettre à l'essai du nitrate d'argent ammoniacal. Quant à l'acide butyrique, il a été séparé de l'acide acétique au moyen de distillations fractionnées, en ne recueillant que les premières portions distillées, et transformé en sel de chaux. Une solution aqueuse de ce butyrate de chaux saturée à froid se prenait en masse cristalline quand on la chauffait. On sait que le butyrate normal de chaux est plus soluble à froid qu'à chaud. Le dosage de l’eau dans le sel cristallisé vint confirmer cette première indication, Le butyrate normal correspond à la for- mule (CH70*)°Ca + H°0, soit 7 gr. 758 0/0 d'eau de cristal- lisation, tandis que l'isobutyrate possède 5 molécules d'eau : (C‘H'0?} Ca + 5H°0, soit 29 gr. 605 0/0.0r, 1 gr. 627 de butyrate de chaux, desséchés à 110° pendant 12 heures, m'ont donné une perte de 0 gr. 127, correspondant à 7 gr. 805 0/0 d'eau de cris- tallisation (au lieu de 7 gr. 758). Enfin du butyrate de chaux sec décomposé par l'acide sul- furique m'a donné un liquide dont le point d’ébullition était de 160°, nombre qui correspond exactemengau point d’ébullition de l'acide butyrique normal. CALCUL ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS. — Nous allons appli- quer les données précédentes, en les développant, à l'examen d’une fermentation. Les détails dans lesquels nous allons entrer une fois pour toutes nous éviteront des répétitions inutiles dans 1. Annales de Chimie et de Physique, 6e série, t, VIII, 542. 364 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'exposé de nos résultats, la même marche ayant été suivie pour chaque analyse des produits fermentés. Fermentation du glucose. Une solution de glucose pur et cristallisé, dans le liquide nutritif décrit plus haut (page 359) cet renfermant 25,40 de glu- cose pour 100 centimètres cubes, est additionnée de carbonate de chaux, et ensemencée le 2 février 1892, avec une semence de Bacillus orthobutylicus àgée de 24 heures, et provenant d’un tube de glucose ensemencé lui-même la veille avec une colonie prise sur pomme de terre. La fermentation commence le lendemain, et est examinée 20 jours après, tout dégagement gazeux ayant cessé. 1° Glucose consommé. — 100 c. c. du liquide primitif renfer - maient : Glicose AU RTS PTE RAR PR 23" 40 Aprés la fermentation eee 72 O8r,0 Proportion de glucose consommé = 100 0/0. 2° Alcool. — 1,000 c. c. sont distillés de manière à recueillir finalement 100 c. c. qui renferment tout l'alcool. Soumis au compte- gouttes, le liquide distillé donne 181 gouttes à 18°. Ce qui se réduit par correction à 180 gouttes à 15°. 180 gouttes à 15° correspondent à 3°%,2 d'alcool butylique pour 100 c. c. en volume. Soit en poids (36,2 X 0,824) — 2,64. Ces 26,64 étaient en dissolution dans les 1,000 ec. c. Par conséquent 100 c. c. du liquide fermentérenferment 0,264 d'alcool butylique. La recherche de l'alcool éthylique, dans le liquide distillé, par la réaction de l’iodoforme, ne donne pas de résultat. Acides. — Le titrage des acides est obtenu par le dosage de la chaux en solution. On opère sur 20 c. ce. du liquide filtré par le procédé classique. 100 ce. c. du liquide fermenté renfer- maient 0%,375 de chaux. Le fractionnement des acides volatils par le procédé Duclaux, après précipitation de la chaux par l'acide oxalique, a donné le résultat suivant : La colonne ; représente pour chaque prise le nombre de centimètres cubes d’eau de chaux nécessaires pour saturer l'acide passé à la distillation ; Do. é À BACILLUS ORTHOBUT YLICUS. 369 La colonne 8 donne le total de l’eau de chaux employée dans les 4, 2, 3.:.. 8, 9, 10 premières prises; La colonne A contient le rapport, à la quantité totale d'acide passé à la distillation, des quantités d'acide passées dans les 10, 20, 30, 40, ete., premiers centimètres cubes. Enfin le rapport - , déduit des nombres fournis par M. Du- claux, représente Le rapport entre les molécules d'acide buty- rique et d'acide acétique. b c B A À 4): 17,6 17,6 14,9 21 2; 16,3 39,9 28,1 22 SE 15,0 48,9 40,5 2,9 4. 13,5 62,4 D1,7 2.2 > 12,4 74,8 62,0 225 6. 11,1 85,9 11,2 22e) 1: 10,0 95,9 19,5 2,0 , 9,0 104,9 86,9 2,6 9. 8,1 113,0 93,6 225) 10. 7,6 120,6 100,0 » LIRE a f 4 6 r Q Le rapport - étant sensiblement égal à 2,5, on en déduit a er? que ne 2. pe Par conséquent les 05,375 de chaux se partageront entre l'acide acétique et l'acide butyrique dans les proportions de 2/5, c’est-à-dire que nous aurops : ; sr107 de chaux pour l'acide acétique et 0:r,268 — — butyrique, ce qui correspond à : Rede Ace liQUE PS AE 2202 D 0 7 Ne me ne Osr,229 LC GER TS AT OL CREER EN E TCES Osr,842 En résumé, les 2%,40 de glucose consommé ont donné : AIO DA CTIAMEMR SN LA Res e mhee 05',264. HEC ELIQUE STAR LR NRA MSIE Ar 05,229 CUT. 40.00 U US. seul O:r,842 La mise en équation de ces données conduit sensiblement à la formule 7 CSH:205 — 2CH:°0 + 2C2H:02 + 5CH80? + 10C0? + 4H + 6H20, d’après laquelle on a pour 1 gramme de glucose : 366 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Trouvé. Alcool butyhiques 72225. 24e 0,147 0,110 Acide acétique : :. . . + . ee 0,095 0,095 Acide butyrique 2357240 Fee 0,349 0,350 ANALYSE DES Gaz. — Pour analyser les gaz dégagés pendant la fermentation, on aurait pu les recueillir en plaçant une éprouvette sur le mercure dans lequel plongeait l’extrémité du tube inférieur des ballons, recourbé à eelte intention. La quan- tité considérable de gaz produits rendait cette manipulation diffi- cile et lui ôtait toute précision. Voici le dispositif que j'ai employé : Dans un ballon à col étroit de 200 ec. c., j'introduisais de 20 à 50 c. c. de la solution à faire fermenter, préalablement titrée, et après avoir fermé l'extrémité du tube au moyen d'un tampon de coton, je stéri- lisai le tout à l’autoclave. Le liquide refroidi, ensemencé par les procédés ordinaires, le col du ballon était légèrement étranglé au-dessous du coton; celui-er, flambé avec soin, était refoulé jusqu'à létranglement; puis, l'extrémité bre du col étirée à la lampe, on portait le ballon ainsi disposé dans une étuve de Roux réglée à 35°, et on le reliait à une trompe à mer- cure de Schlæsing au moyen d’un mince tube de plomb péné- trant dans l’étuve par une étroite ouverture. Le vide étant fait, la fermentation ne tardait pas à s'établir. Les gaz étaient recueillis au moyen de la trompe de Schlæsing dans une éprouvette graduée et portés sur la cuve à mercure où on les analysait par les procédés ordmaires. Je n'ai jamais constaté dans les fermentations du Bacillus orthobutylicus que la présence de deux gaz : l'acide carbonique et l'hydrogène. Mais ces deux gaz n’y existent jamais en proportions con- stantes. En général, l'hydrogène diminue depuis le commence- ment jusqu'à la fin de la fermentation, et inversement l'acide carbonique augmente. Cette variation dans la composition du mélange gazeux doit correspondre à des changements dans les transformations chi- miques. C’est ce que nous allons essayer de démontrer. BACILLUS ORTHOBUTYLICUS, 307 Il INFLUENCE DE LA RÉACTION DU mieu. — Le Bacillus orthobuty- licus, comme nous l'avons dit, produit de l'acide butyrique et de l’acide acétique. Ces acides, en s’accumulant dans la liqueur, doivent à un certain moment arrêter la fermentation. C’est ce qui arrive si l’on n’a pas soin d'ajouter dans les ballons du carbonate de chaux. Il nous a paru intéressant de rechercher l'influence exercée par cette acidité sur les fonctions du mi- crobe et de déterminer en mème temps la dose d'acide capable d’entraver la fermentation. Cette quantité n’a rien d’absolu. Elle varie avec la nature du corps qui fermente, et pour une même substance elle est influencée par divers facteurs au nombre desquels il faut certainement compter l’âge et Pactivité de la semence, et sans doute aussi la proportion d’alcool formé, qui, toutes choses égales, est d'autant plus abondante que l'acidité est plus faible. Aussi est-il assez difficile de déterminer si l’arrêt d’une fermentation est dû à l'acidité seule de la liqueur ou à la somme des produits empèchants fabriqués par le bacille. C'est ce qui ressort du tableau suivant dans lequel on voit que l'acidité n’est nullement en rapport avec la quantité de matière consommée. Dans ce tableau, l’acidité est exprimée en acide butyrique par litre et les résultals se rapportent tous à des fermentations sans carbonate de chaux arrêtées spontanément. Concentration de 2 à 3 °/0. Nature de la substance Acidité par litre Proportion 2/, de fermentée. en acide butyrique. substance consommée. CivCérMme CES 1er, 40 DJ 07 Empois d’amidon . . 181,44 50 °/, Glutéscr rer Ne 1:r,58 5220704 LA ETRES Pr CITES 127,76 39 0/5? MÉAMMÉE: 000 le 157,85 50 0}, Pommes de terre. . . 28r,08 ? SACCHATOSE 26r,20 1507 DÉSIR TORRES 26r, 59 23 0/5 InHURE. 1-1 28,76 40 °/5 1. Semence de 8 jours. 2. Semence de 1 jour. 368 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Concentration de 4 à 5 °/,. Sucre interverti . . . 15,66 3907, Dextrine ee 28r,48 A6 La fermentation s'arrête donc quand le milieu renferme de 42,40 à 2,76 d’acide butyrique par litre. On peut néanmoins obtenir une fermentation complète en diminuant suffisamment la concentration de la liqueur. Exemple : Glucose à 1 07. :: 4g',49 100 97, Le rapport entre les divers produits de la fermentation varie aussi avec la réaction du milieu. En général on constate une augmentation d'alcool butylique quand le milieu s’acidifie, et une diminution de l'acide butyrique; Pacide acétique varie à peine. Au contraire, quand le milieu est maintenu neutre par addition de carbonate de chaux, c’est l'acide butyrique qui l'emporte sur l'alcool, et la fermentation peut devenir com- plète. Dans le tableau suivant, les nombres serapportent à 1 gramme de matière fermentée. Le rapport? est le rapport entre la- cide acétique et l'acide butyrique, exprimé en poids atomi- ques : Alcool butylique. Acide acétique. Acide butyrique. . RS | Sans craie. 0,329 0,072 0,070 Il 0,66 l Avec craie. 0,110 0,095 0,350 AR ES NNTALS \ Sans craie. 0,316 0,040 0,020 1e 0,33 ; | Avec craie. 0,155 0,044 0,322 1249 APRES Para \ Sans craie. 0,329 0,094 0,0 A: a0 : | Avec craie. 0.069 0,100 0,366 15629 DNA LEA CE | Sans craie. 0,643 0,026 0,153 1 4 ; | Avec craie. 0,075 0,025 0,228 1e 7 Pete | Sans craie. 0,280 0,077 0,088 4 : 0,66 | Avec craie. 0,042 0,092 0,819 4°: 6 STE SN \ Sans craie. 0,027 0,035 0,510 126 | Avec craie. 0,036 0,051 0,454 Asa 6 Ainsi, non seulement la réaction du milieu a une influence sur la terminaison de la fermentation; mais on peut voir déjà BACILLUS ORTHOBUT YLICUS. 309 quels troubles profonds elle amène dans la transformation de la molécule qui fermente. Il semble que la cellule dans un milieu acide devienne moins apte à former de lacide butyrique et que, par suite d’une sorte de compensation, cette diminution de l’acide corresponde à une augmentation de l'alcool. C’est d’ailleurs ce que nous constaterons par la suite chaque fois qu’une cause quelconque viendra entraver le libre développement du ferment. Remarque. — La chaleur de formation d’une molécule de glucose à l’état dissous étant de + 302 calories, si l’on suppose que cette molécule se décompose en donnant seulement de l'acide butyrique, on aura : CSH1206 — CH80? + 2C0? + 4H + 14 cal. 6. Si, au contraire, c'est l'alcool butylique seulement qui prend naissance on aura : CSH1206 — CH100 + 2C0? + H?0 + 41 cal. 9. Par conséquent, la formation d'alcool butylique aux dépens du glucose, dégage une plus grande quantité de chaleur que la formation d'acide butyrique, et fournit ainsi une plus grande quantité d'énergie aux cellules du ferment. Est-ce à cette particularité qu'il faut attribuer l'augmentation de la production d'alcool quand le bacille se trouve gêné dans son évolution, ou bien quand il agit dans un milieu dépourvu de carbonate de’chaux ? Voyons ce qui se passe dans un liquide additionné de crale. La chaleur de formation du butyrate de chaux étant de + 431,7, si on retranche de ce nombre la chaleur de formation de 1/2 molécule de carbonate de chaux = -L 91,8 il restera 341,9 à ajouter aux 141,6 trouvées précédemment. La décom- position du glucose en présence de carbonate de chaux dégagera done 181,5 au lieu de 14°1,6. Iciencore la différence entre la chaleur dégagée par la produc- tion de l'alcool butylique aux dépens du glucose et la chaleur produite par la formation de lacide butyrique est encore consi- _dérable, et si, dans le cas d’addition de carbonate de chaux, on constate la formation d'une plus grande quantité d’acide et une 24 910 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. diminution de l'alcool, la cause n’en peut être attribuée à des phénomènes thermochimiques, mais plutôt, selon nous, à ce fait que l’acide étant saturé au fur et à mesure de sa formation cesse de devenir une cause empêchante pour le développement du microbe. INFLUENCE DE LA DURÉE DE LA FERMENTATION. — Existe-t-il pen- dant toute la durée d’une fermentation un rapport constant entre le poids de la substance détruite et les divers produits qui résul- tent de cette destruction ? Si ce rapport varie, dans quel sens se fait cette variation ? et sous quelles influences ? Telles sont les questions que nous nous sommes proposé de résoudre. Nous avons employé comme milieu de culture le glucose et le sucre interverti en solution à 5 0/0 environ, en opérant tantôt en présence, tantôt en l'absence de carbonate de chaux. Les ballons de la mème série étaient ensemencés en mème temps avec la même semence âgée au plus de 2 jours, afin d'éliminer certaines causes de perturbation dont nous aurons bientôt à nous occuper. Nous signalerons tout de suite les différences considérables qui existent entre les fermentations du glucose et celles du sucre interverti. Nous trouverons bientôt l'explication de cette ano- malie, due à la présence du lévulose qui offre une résistance notable à l’action du ferment. A. — Première série d'expériences. GLUCOSE ADDITIONNÉ DE CRAIE Concentration de la solution = 4:",75 0/,. 2 jours. 4 jours. 20 jours. J ] Poids ‘/, de glu- cose consom- TN SRE MIA CRUE 42,8 0/, 49 07, 61,2 0/, {gramme deglu- cose donne : Alcool butylique. 0,148 0,135 0,155 Acide acétique. . 0,091 0,078 0,043 Acide butyrique. 0,331 0,345 0,322 Acide formique. Traces. 0 0 a { il 4 Rapport TOR 2,5 3 5 BACILLUS ORTHOBUT Y LICUS. 3 B. — Deuxième série d'expériences. SUCRE INTERVERTI ADDITIONNÉ DE CRAIE Concentration de la solution = 5%",85 9/,. { jour. 4 jours. 16 jours. S mois. Quantité °/, de sucre con- sommé 100: 43 9/0 96 0J 90 12" sucre inter- verti donne : Alc.butylique. 0,015 0,059 0,069 0,108 Ac. acétique.. 0,313 0,114 0,110 0,046 Ac. butyrique. 0,464 0,423 0,405 0,275 L 4 { 2 2 ( \appor 5°: ï 5 5 3 C. — Troisième série d'expériences. GLUCOSE SANS CRAIE Concentration de la solution = 45,75 °/,. 2 jours. 4 jours. 20 jours. Quantité °/, de glucose con- sommé. . . . . 20 ‘/, DOTE 26,3 0J, 1 de glucose donne : Alcool butylique. 0,254 0,308 0,316 Acide acétique. . 0,039 0,040 0,040 Acide butyrique. 0,074 0,040 0,020 Acide formique. Fortes traces. Traces. Traces. k Le 3 3 3 appor ra sn 3 5 T D. — Quatrième série d’expériences. SUCRE INTERVERTI SANS CRAIE Concentration de la solution = 52,35 9/4. { jour. 4 jours. 16 jours. Quantité °/, de sucres con- SOMME, 7e 3,1 ‘Jo 22,4 0/, 22,4 0/, 12 sucre donne : Alcool butylique. 0,093 0,295 0,329 Acide acétique. . 0,251 0,085 0,094 Acide butyrique. 0,245 0 0 BR Le 1 { d apport 5. . .. 0,66 5 ü AT &. 1 372 ANNALES DE L’INSTITU! PASTEUR. Il ressort clairement de ces expériences que pendant toute la durée d’une fermentation, quelle que soit la réaction du milieu: 1° La quantité d'alcool butylique formé va en augmentant : 2 Les quantités d'acide butyrique et d'acide acétique vont constamment en diminuant : 3° Le rapport? va en diminuant en milieu neutre, et en augmentant en milieu acide. Ces résultats se trouvent confirmés par l'analyse des gaz dégagés pendant la fermentation. Nous avons effectué cette expérience, en nous entourant des précautions décrites page 366, sur 20 centimètres cubes d'une solution de glucose à 1,03 0/0, ensemencés sans addition de craie et placés à l’étuve à 35°. Au bout de 22 jours, il ne se dégage plus rien. L'analyse montre que tout le glucose est consommé. Analyses des gaz dégagés. Rapport en volume. Durée. HAE co? H = d aoure, CO? A 7 53,8 AJOUT 6e 66 AOce, » 110,66 rc | + 95,5 13° jours 0-1 Acc er 32ce,76 Alcc,24 == 14,9 ne nr 3 21,5 22 TOUT CE 22: Sec, 80 Gcc,90 4 ce,90 RS E 399 ToTATEEeS 7T4cc 46 49cc,66 24cc 80 == ( ; 666 La marche du dégagement des gaz et les variations du HE ë : : rapport 5 indiquent une augmentation continue dans la forma- tion de l'alcool butylique. En effet, supposons qu'il ne se forme que de l'acide butyrique. La réaction la plus simple sera : CSH1205 = C{HSO? + 2C0? + 4H. H CO? Si au contraire 1l ne se forme que de l'alcool on aura : r 290 Le rapport en volume > sera égal à = CSH1206 — CH120 + 2C0? + H°0. 1 es de 1e PL Es LGAD Fe * ARS ETES Et le rapport & deviendra = Il n’y aura pas d'hydrogène. Or nous voyons précisément, dans l'expérience précédente, BACILLUS ORTHOBUT Y LICUS. 373 l'hydrogène diminuer jusqu'à la fin de la fermentation, preuve que la seconde équation l'emporte peu à peu sur la première et que l'alcool se forme en quantité croissante. Quant à l'acide acétique, sa formation ne peut apporter de trouble dans le rapport des gaz dégagés, puisque l'équation la plus simple de cette for- mation serait: GH06=SCH:02: Dans le cas particulier qui nous oceupe, nous remarquons que = r La LL 33,3 le rapport moyen entre la totalité des gaz dégagés est de 5 H Fee pour = en volume. C’est précisément le nombre que lon trouve en appliquant la formule suivante : 2C6H2206 — C2H100 + C'HSO? + 4CO0? + AH + H?0, et en supposant qu'il ne s’est pas produit d'acide acétique. Il faut d’ailleurs remarquer que nous n'avons opéré que sur une solution de très faible concentration (1 0/0) permettant au glucose d’être transformé intégralement quoique en milieu acide. Mais cette équation ne s’appliquerait plus à des solutions plus concentrées : elle n'aurait pas été la mème dans la même expérience, si nous l’avions interrompue avant que tout le sucre n'eût disparu. Dans les expériences qui précèdent, on pourrait calculer, pour chacune des phases étudiées des diverses fermen- tations, une formule spéciale, la résumant lorsqu'elle est arrivée à ce point, mais ne représentant nt son état antérieur, ni son élat ultérieur, de sorte que chacune de ces équations n'a qu'une exis- tence transitoire et ne représente qu’à un seul moment la réalité des choses. On ne peut donc assigner une formule unique à une fermen- tation. La mise en équation du phénomène, souvent impossible au début de l'expérience, varie presque journellement en ten- dant vers une simplification qu’elle atteint lorsque toute la sub- stance fermentescible est consommée. Il suffit, pour s'en con- vaincre, de comparer les fermentations de glucose à 3 0/0 dont le glucose a complètement disparu avec les fermentations de la même substance à 5 0/0 qui, au bout du même temps, renfer- ment encore 30 0/0 de sucre non attaqué. Cette variation dans l'équation de la fermentation suit une marche régulière, nous venons de le démontrer. La cause doit 374 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. en être recherchée dans l'accumulation des produits formés dans la liqueur. Les jeunes cellules qui éclosent dans ce milieu de moins en moins favorable, doivent se ressentir, durant leur évo- lution, des mauvaises conditions de leur naissance et se trouver moins armées pour la lutte. Une fermentation sera done d'autant plus régulière que la concentration sera plus faible. Un autre point se dégage encore de nos expériences. C’est que l'acide formique, que l’on rencontre parfois au début des fer- mentations, disparaît dans le courant de celles-ci quand le milieu est neutre. Mais on le retrouve, quelquefois même après 20 jours, quand le milieu conserve sa réaction acide, On peut done considérer l’acide formique comme un produit de souf- france. Je dois dire que je ne l’ai jamais rencontré qu'à l’état de traces. La destruction de l'acide formique par la cellule qui lui a donné naissance est un fait qui a été déjà mis en lumière par M.Buclaux (Annales de l'Institut Pasteur, VI,593) et que nos résul- tats ne font que confirmer. INFLUENCE DE L’AGE DE LA SEMENCE. — Si l’on ensemence des spores de Bacillus orthobutylicus dans une série de tubes de glu- cose, et qu'on examine ces cultures à divers intervalles, on remarque, au bout de 24 heures, des bacilles jeunes, très mobiles, en forme de battants de cloche, mélangés à des spores non germées; huit jours après, les bacilles toujours mobiles présentent leurs formes ordinaires: puis au fur et à mesure que la culture vieillit les mouvements cessent et les spores se for- ment’. À ces phases successives dans l'existence du bacille doi- vent correspondre des périodes variables d'activité. C’est ce que nous venons de démontrer dans le chapitre précédent. Pen- dant toute la durée d’une fermentation, les produits formés varient de quantité en suivant une marche assez régulière. Si done on prélève, dans des cultures d'âge différent, des bacilles doués par conséquent d'activité différente, et qu'on les ensemence dans des milieux fermentescibles, ces bacilles,en s’y développant, produiront-ils tous la même fermentation, ou bien agiront-ils chacun avec leur activité propre? En un mot, quelle sera l'influence de l’âge de la semence sur la fermentation ? 1. Voir fig. 1 et 2, page 357. BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 31 Pour répondre à la question, une colonie, prise sur pomme de terre, est portée aussitôt dans une série de tubes de glucose. Le lendemain, on ensemence,avec un de ces tubes, un ballon contenant une solution à 2,54 0/0 de glucose additionné de craie, et un autre sans craie. La semaine d’après on répète la mème opération avec un autre tube âgé de 8 jours et l’on attend ensuite quarante-cinq jours avant de faire un nouvel ensemencement. Tous les ballons sont ensuite examinés au bout de vingt jours. Voici les résultats de cette première série d'expériences : Première série d'expériences. AVEC UNE SEMENCE CULTIVÉE SUR GLUCOSE 1° Glucose additionné de craie. AGE DE LA SEMENCE 1 gramme de glucose a donné : 1 jour. 8 jours. 45 jours. Alcool butylique . . . . .. 0,110 0,175 0,139 ACITERACÉLIQUEN AT CH 0,095 0,181 0,100 Acide butyrique. -. .-:.. 0,350 0,177 0,221 a 2 b) 2 Rapport n. ......... 5 ; : 20 Glucose sans craie. 1 gramme de glucose a donné : 1 jour. 8 jours. Alcoolbutylique.: : 2.7 0,329 0,368 Merderacétique M PL 0,072 0,039 Acide bhiyrique:. 25:72. 0,070 0,033 a 3 2 Rapport? ......... 2 ï L'expérience a duré 20 jours. Tout le sucre avait disparu dans les ballons avec craie, il n’en avait fermenté que 52 °/, dans le second ballon sans craie. L'activité initiale de la semence communique donc son influence à la génération qu’elle produit. Nous voyons qu’en se plaçant au point de vue de la production d’alcool butylique, cette activité croît pendant les premiers jours pour décroitre ensuite au fur et à mesure de la formation des spores. La pro- duction d'acide butyrique suit exactement une marche inverse. Son minimum correspond au maximum de l’alcool butylique. On peut aussi penser qu’une semence subira une modification 316 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d'autant plus rapide que le milieu de culture sera plus fermen- tescible, c’est-à-dire que la durée de son évolution sera plus courte. Par conséquent, si nous cultivons notre bacille dans des tubes renfermant de la bouillie de pomme de terre, milieu qu'il fait fermenter avec une grande énergie, et si nous nous servons de ces nouvelles cultures pour ensemencer des ballons de glucose, nous devrons obtenir des différences encore plus marquées que dans la première série. Nous avons opéré comme ci-dessus, en remplaçant les tubes de glucose par des tubes de bouillie de pomme de terre qui nous ont servi à ensemencer des ballons contenant une solution à 3 0/0 de glucose, après 24 heures, 8 jours et 15 jours. Les fermentations ont été examinées, comme précédemment, au bout de 20 jours, et nous ont donné les résultats suivants : Deuxième série d'expériences. SEMENCE CULTIVÉE SUR BOUILLIE DE POMMES DE TERRE Glucose additlionné de craie. AGE DE LA SEMENCE a 1 gramme de glucose donne : 1 jour. S jours. 15 jours. Alcool butylique . . . . . 0,209 0,085 0,030 Acide acétique tr. 0,055 0,066 0,070 Acide butyrique . . . .. 0,242 0,292 0,415 a l Î 1 Rapport AUS Ut 3 3 i Proportion de glucose CONSOMME. C NA 100 °/, 100 °7, 48,8 0/5 Nos prévisions se trouvent donc pleinement justifiées. Le bacille cultivé sur pommes de terre se trouve modifié plus rapi- dement dans ses fonctions que celui qui est cultivé sur glucose, et cela probablement à cause de la facilité avec laquelle il se multiplie dans un milieu amylacé. Troisième série d'expériences. Dans cette nouvelle expérience, j’ai préparé deux ballons de même volume renfermant la même solution de glucose addi- tionnée de carbonate de chaux. Ces ballons sont munis chacun d'un tube de verre recourbé à angle droit permettant de les réunir au moyen d'un joint de caoutchouc. Ces tubes sont indé- BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 311 pendants des tubes à dégagement établis comme à l'ordinaire (voir page 359). Les ballons étant remplis exactement et stérilisés, sont réunis au moyen d'un joint de caoutchoue, et la communi- cation entre les deux est interceptée par une pince à vis. Le premier ballon que nous désignerons par la lettre A est ense- mencé avec une culture prise sur glucose. La fermentation ayant cessé au bout de 14 jours, on chasse, au moyen d'un insufflateur, un peu de liquide dans le second ballon B, qui se trouve ainsi recevoir une semence âgée de 14 jours, mais qui a poussé librement sous une pression égale à celle de l'atmosphère. Cette dernière fermentation est également examinée au bout de 14 jours. La semence, ici, ne se trouve pas évidemment dans les mêmes conditions de développement que celle qui est cultivée dans des tubes à essai de petit volume et scellés à la lampe. Si l’on examine au microscope des bacilles pris après 14 jours dans les ballons, on en rencontre encore doués de mouvements, alors que dans les tubes, au bout du même temps, on ne trouve plus que des spores. C'est sans doute que, dans ce dernier cas, le bacille n’a à sa disposition que 0 gr. 30 de glucose environ, tandis que dans nos ballons de deux litres, il se trouve en présence de 60 grammes de la même substance. Néanmoins, nous allons voir entre les produits de la fermentation des deux ballons, une différence très sensible dans la quantité d'acide produit et dans le rapport entre les acides butyrique et acétique, tandis que le chiffre de l'alcool aura peu varié. FERMENTATION DE GLUCOSE SANS CRAIE Concentration de la solution . . . . . . re. 22,72 LS PR Durée de lafermentation"; % 212 5. 14 jours. Ballon A. Ballon B. Age de la semence. . . 1 jour. 14 jours. Glucose consommé. . . 100 07, 100 0/, 1 gr. de glucose donne : Alcool butylique . 0,137 0,130 Acide acétique. . 0,055 0,086 Acide butyrique . 0,323 0,254 « ! l Rapport & See 3 5 378 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. En résumé, quelle que soit la cause agissante (modification physiologique, telle que la formation des spores, ainsi que l'a remarqué M. Perdrix chez le bacille amylozyme, ou bien accumu- lation dans le milieu de culture des produits de la fermentation) l'âge d’une semence à une importance capitale dans la marche d'une fermentation. INFLUENCE DE L'ÉDUCATION DE LA SEMENCE. — Nous avons déjà vu que l’origine de la semence peut amener des changements dans la fermentation. C’est ainsi que les spores du bacille, déve- loppées d’abord sur de la bouillie de pommes de terre avant d'être ensemencées sur glucose, acquièrent la propriété de don- ner de l'alcool en grande quantité dans ce dernier milieu, pourvu toutefois que l’ensemencement ait lieu dans les 24 heu- res. Plus tard, nous savons que cette faculté diminue à mesure que la semence vieillit. Ce fait semble général, et nous en voyons une confirmation dans la fermentation du sucre interverti, qui donne des quantités variables d’alcool et d'acides suivant que la semence provient de pommes de terre ou d’une solution de sucre interverti. Exemple : Fermentation du sucre interverti. Origine de la Alcool Acide Acide a semence. butylique. acétique. butyrique. b il Pommes de terre. 0,105 0,062 0,368 5 +) 2 Sucre interverti. . 0,069 0,109 0,366 & +) Il était intéressant de voir ce qu'on obtiendrait avec une semence habituée à vivre dans un milieu présentant avec le glu- cose des différences considérables dans sa fermentation. Tel est le cas de l’inuline. Nous verrons bientôt que le B. orthobutylicus ne donne avec l’inuline que de très faibles quantités d'alcool, quelle que soit la réaction de la liqueur: si la semence est vieille, il peut même arriver que l'alcool fasse totalement défaut.’ Un tel milieu semble remplir les conditions les plus favorables à nos recherches. | = BACILLUS ORTHOBUTYLICUS 319 Le B. orthobutylicus habitué à vivre sur inuline, milieu dans lequel il ne produit que des traces d'alcool, conservera-tl cette propriété quand on le transportera sur glucose ? Pourra-t-on créer ainsi une sorte de race nouvelle ? Pour résoudre la question, nous avons commencé par cul- üiver le bacille en série sur inuline, en laissant un intervalle de 8 jours entre deux ensemencements. Nous faisions usage, pour ces cultures successives, de tubes à essais renfermant 10 centimètres cubes d’une solution d'inuline à 2 0/0 additionnée de carbonate de chaux, et dans lesquels on faisait le vide. Après 6 passages successifs, nous avons ensemencé, avec un de ces tubes en pleine fermentation, un ballon de glucose à 3 0/0 additionné de craie, ainsi qu’un tube à essai renfermant la même solution. Celui-ei fut le point de départ d’une nouvelle série de cul- tures, sur glucose cette fois, répétées de 8 jours en 8 jours. La sixième culture de cette série servit à ensemencer un nou- veau ballon de glucose et un ballon d'inuline. Le ballon de glucose que nous avons ensemencéavec la culture provenant d'un 6° passage sur inuline nous a donné les résultats suivants : Glucose avec craie. Concentration de la solution . . . . . RME ef, Durée de la fermentation. . . . : . .. ET 20oUrS. Quantité de glucose consommé. . . . . . . . . 400 °/;. Calculé pour la formule at : 1 gramme de glucose donne : Re Miroolbutyliquez: Mrs Pere 9,205 0,205 APIdERACÉtIQUE MN 0,084 0,083 ACISEDURyEIquer Er: 1A. 0,185 0,183 a 2 Rapport b SAT UT LT MOT : 5 Formule approchée de la réaction : 8CSH2205 = 4C:H100 -L 22H10? + 2C{H$0? + 16C0? + 20H + H20. C'est-à-dire que l’on obtient une exaltation de la fonction alcool et une notable diminution dans la production d'acide butyrique. Ce chiffre 0,205 est en effet le plus élevé que nous ayons obtenu pour l'alcool dans toutes nos fermentations de glucose faites en présence de craie, si Von excepte cependant une 380 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fermentation provoquée par une semence, àgée de 24 heures, prise sur une culture de bouillie de pomme de terre. Et c’est une semence qui primitivement sur inuline ne donnait que 0 gr. 036 d'alcool butylique, qui en donne maintenant 0,205 sur glucose, après une série de passages sur un milieu spécialement réfrac- taire à la production de cet alcool! Mais cette semence nouvelle va-t-elle constituer une race et transmettre ses qualités à ses descendants? L'expérience va nous apprendre qu’il n’en est rien, et qu'au bout de plusieurs passages sur glucose, le bacille aura repris ses fonctions ordinaires; mais, chose curieuse, il aura acquis du même coup, dans ce nouveau milieu, la propriété de faire pro- duire à l’inuline des quantités d’alcool butylique relativement considérables. Fermentation de glucose avec craie. ENSEMENCÉE AVEC UNE CULTURE AYANT SUBI SIX PASSAGES SUR INULINE ET SIX PASSAGES SUR GLUCOSE Concentration de la solution . . . . . . . . . 4,67 0/0 Dürée de la fermentation2; #0 Rec 17 jours. Quantité pour cent de glucose consommée. . 474076 1 gramme de glucose donne : Calculé. Alcool butylique. . . . . . Ste 0,084 0,082 AeIde-aCELIQUE 7 M Et 0,091 0,088 Acide butyrique. eve FR 0,402 0,391 à a il Rapport > DS Et RAR LE SR 3 Formule approchée : A5CSH!206 = 3C:H100 + 4C2H102 + 12C*H$0? + 22C0? + 16H + 11H°0. Nous voici revenu à des chiffres sensiblement normaux, mais Ja même semence portée sur inuline nous donne : Fermentation d'inuline (avec craie). Concentration.de la*soluition::.-, "71€ Sr 07e Quantité pour cent d'inuline consommée . . . . 90 (Jo Purée-de lafermentalion® CA CUT 49 jours. 4 gramme d’inuline donne : Calculé. Alcool:butylique 22/2 0,192 0,195 Acide-acétique sir asie £ 0,106 0,105 Acide Duty ETS 0,150 0,155 a (l Re + eus CE SR RE - apport 3 Ï és BACILLUS ORTHOBUT Y LICUS. 01 Formule approchée 7CSH 100$ + 12H20 = 3C'H100 + 2CHi0? + 2C{H$0? + 18C0? + 40H. Il y a là un effet inverse curieux à noter : le passage sur inuline exaltant les fonctions du ferment vis-à-vis du glucose, et, au contraire, le passage sur glucose rendant le bacille plus apte à faire fermenter l’inuline. Comment chercher à expliquer ces faits? En supposant, ce qui est vraisemblable, que tous les bacilles d’une génération ne sont doués ni de la même activité ni de la même force de résis- tance, faut-il croire que, par une véritable sélection, ceux-là seuls subsistent qui peuvent résister à un milieu peu favorable comme linuline ? Une fermentation, en eflet, est le résultat de la vie d’une foule d'individus, autrement dit est la somme des fermentations partielles produites par chacune des cellules du ferment prises isolément; on comprend dès lors que les résultats varient quand une cause quelconque vient retrancher de cette collectivité une catégorie de membres actifs. Dans le cas qui nous occupe, ce seraient précisément les individus les moins résistants qui disparaîtraient les premiers, ceux-là même qui, dans une solution de glucose, donneraient le minimum d'alcool, et qui, surinuline, n’en donneraient plus du tout. Les autres, au contraire, subsiste- raient avec toutes leurs qualités; aussi, reportés sur glucose, produiraient-ils dans ce milieu une augmentation apparente d'alcool butylique. C’est par une hypothèse de même genre que M. Bordet ‘ cherche à expliquer lexaltation du Vibrio Metchnikovii par son passage sur des cobayes vaccinés. Dans ce cas, la sélection se ferait par les phagocytes qui supprimeraient les individus moins armés pour la lutte, ne respectant que ceux qui sont doués d’une plus grande toxicité ou de chimiotaxie négative. « Grâce à cette sélection, les générations nouvelles de microbes dériveront pour la plus grande part des microbes qui auront été doués de ces propriétés favorables. » Ne peut-on rapprocher ces faits de ce qui se passe chez d’autres microbes pathogènes? 4.J. Borver. Adaptation des virus aux organismes vaccinés. (Annales de l’Ins- titut Pasteur, 1592, p. 328.) 382 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR: La bactéridie charbonneuse atténuée ne retrouve-t-elle pas sa virulence en passant par l’organisme du chien, animal doué de peu de réceptivité pour ce virus? D’autres part, les travaux récents de M. Gessard ! nous ont montré que le Bacille pyocyanique ensemencé dans du bouillon donne à la fois un pigment fluorescent et de la pyocvanine. Mais si on le cultive exclusivement sur albumine, milieu dans lequel il ne produit que de la fluorescence, et qu'on le reporte ensuite sur le bouillon, il ne donnera plus de fluorescence, mais seulement de la pyocyanine, « comme s'il était devenu par habitude plus exigeant sur l’état où doivent lui être offerts les éléments de la production de la fluorescence. » Dans le cas du passage sur glucose provoquant une fermen- tation plus active de l’inuline, la comparaison subsiste encore avec les microbes pathogènes. N'est-ce pas par des inoculations suecessives de lapin à lapin que le virus de la rage atteint son maximum d'intensité? Le rouget du porc, passant en séries sur le pigeon, augmente de virulence d’une facon absolue. Et cependant, ni le lapin dans le premier cas, ni le pigeon dans le second, n’offrent de résistance à ces virus, mais, au con- traire,présentent vis-à-vis d’euxune réceptivité toute particulière. Quelle que soit l'explication qu'on voudra donner de ces faits, la conclusion à tirer de nos expériences, c’est que le milieu dans lequel « vécu un ferment peut exercer une influence considérable sur l'activité de ce ferment. III DosaGE DES HYDRATES DE CARBONE. — Avant d'exposer les résul- tats de l’action du Bacillus orthobutylicus sur les différents milieux qu'il peut faire fermenter, je dirai brièvement les pro- cédés d'analyse que j'ai employés pour doser les sucres et les matières amylacées. Quand Ia solution ne contient qu'une seule matière sucrée, je l'ai dosée à la fois par la liqueur de Fehling et par le polari- 1. GEssarD, Annales de l’Institut Pasteur, V, 1891. BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 389 mètre, en tenant compte des résultats les plus récents sur la valeur du pouvoir rotatoire. Ces résultats sont résumés dans le tableau suivant : Saccharose te x [al + 670,31. Glucose anhydre?. . [4 + 520,50 + 0,018796 p + 0,000517p°. Lévulose anhydreÿ.. [xlr — 101°,38 — 0,56€ + 0,108 (p — 10). Sucre interverti . . . [als — 24°,22 — 0,981. Lactose anhydre‘. . [an + 55°,30 + (20 — 1)0,55. Maltose anhydreÿ.. [olo + 140,375 — 0,01837p — 0,0954. Quand les dosages sont bien faits. les deux déterminations coïncident toujours. Dans le cas d’un mélange de saccharose, de glucose et de lévulose, on a, pour résoudre le problème, trois éléments : rota- tion initiale de la solution et pouvoir réducteur avant et après interversion par un millième d'acide sulfurique à l’ébullition. Le procédé général pour doser un mélange de maltose et de glucose consiste de même à prendre la rotation initiale du mélange, à intervertir le maltose et à doser ensuite le glucose total. Le maltose s’intervertit difficilement sous l’action des acides à 1000. I faut, dans ce cas, prolonger l’ébullition. Il n’en est pas de mème si l’on opère à 120°. Dans ce cas, l’interversion a lieu en vingt minutes avec 2 0/0 seulement d'acide sulfurique ou d'acide chlorhydrique. J'ai utilisé dans ce but l’autoclave à stérilisation en usage dans les laboratoires de microbie. Je me suis assuré, par des expériences préliminaires, que le glucose chauffé à 120° pen- dant une demi-heure avec 2 0/0 d'acide sulfurique, ne subit aucun changement sensible dans son pouvoir réducteur ou dans son pouvoir rotatoire. Amidon et dextrine. — Un grand nombre de procédés ont été donnés pour doser la matière amylacée. Le plus simple est celui qui consiste à saccharifier l’amidon au moyen d’un acide minéral. — Sa transformation complète en glucose, quand on . A.GiraRD et DE LUYNES. $ . TozLExs, Ber. d. deul. chem. Geselsch., 1876, p. 487, 1831. . JuNGrLeisH et GrimBerr, Comptes rendus, 4888, t. VII, p. 390. - SCHMOEGER, B. d. d. chem. Ges., 1880, p. 1915-2130. . Meisse, Journ. fur. prakt. Chemie (2), XXV, p. 44. OT à 0 RO 384 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. opère à 100°, exige un temps fort long et une quantité d'acide assez notable, en même temps que l’on risque d’altérer le sucre formé. J'ai constaté qu’en opérant à 120°, dans l’autoclave quinous a servi äintervertir le maltose, 50 c. ce. d'une solution à 20/0 d'acide sulfurique ou chlorhydrique suffisent à saccharifier totalement deux à quatre grammes de fécule ou de dextrine en vingt minutes. Dans ces conditions, la cellulose n’est pas attaquée. Je me suis assuré que la transformation en glucose était complète, par la concordance des chiffres trouvés dans le dosage du glu- cose par réduction et par rotation. Le poids d’amidon ou de dex- trine cherché estégal au poids de glucose trouvé, multipliépar 0,9. Maltose et dextrine. — On sait que sous l'influence de l’amy- lase, l'empois d’amidon se dédouble en maltose et en dextrines, qui, d’après Effront ', auraient le même pouvoir rotatoire —(x)j —+218, ce qui correspond pour (4), à (4), — +193? et ne réduiraient pas la liqueur de Fehling. Quoique ce dernier point ne soit pas admis par tous les auteurs, nous l’accepterons pour ne pas compliquer la méthode de dosage. L'erreur apportée dans les résultats par le pouvoir réducteur des dextrines est en effet d’un ordre très peu élevé. L'expérience nous ayant montré que le sucre formé pa l’action du Bacillus orthobutylicus sur Pempois d’amidon et sur la dextrine est du maltose sans mélange de glucose, nous n'avons eu à nous occuper que du dosage d’un mélange de maltose et de dextrine. Deux procédés peuvent être employés : Premier procédé. — Sur une portion de la liqueur on dose par réduction le maltose existant. On chauffe ensuite une autre portion à 120° pendant vingl minutes avec 2 0/0 d'acide sulfurique et on dose le glucose formé. Du poids total de glucose on retranche celui qui résulte de l’interversion du maltose, et qu'on obtient en multipliant le poids de maltose trouvé par le facteur 1,0526. Le glucose restant correspond à la dextrine saccharifiée. En le multipliant par 0,9, on a le poids de dextrine contenue dans la solution. 1. Moniteur scientifique, 1887, p. 15. aa) r ee à. fn — 0,886. (4 BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 389 Deuxième procédé. — Si toutes les dextrines possèdent le même pouvoir rotatoire, et si le nombre donné par Effront' est exact, on pourrait doser optiquement un mélange de dextrine et de maltose sans avoir recours à la saccharification. Pour cela, on prend la déviation de la liqueur en notant avec soin la température. On dose le maltose par réduction. On en conclut la déviation correspondant au maltose. On la retranche de la déviation totale, le reste est la rotation due à la dextrine et il est facile d'en conclure le poids de cette substance. La concordance entre les deux méthodes, que nous avons vérifiée dans un grand nombre d'expériences, semble, jusqu’à un certain point, confirmer les résultats obtenus par Effront. FERMENTATIONS DES MATIÈRES AMYLACÉES. — Le Bacillus ortho- butylicus attaque facilement les matières amylacées cuites, — empois d'amidon où bouillie de pommes de terre. — Avec cette dernière, il n’est pas nécessaire de lui fournir le liquide nutritif habituel à base de sels minéraux et de peptone (page 359). L'eau suflit; le bacille trouve en effet dans les pommes de terre les matières protéiques et les sels nécessaires à sa nutrition. La fermentation de l’amidon est précédée de transformations qu'il nous a paru intéressant d'étudier en détail. Dans une première expérience, nous avons ensemencé un ballon d’empois de fécule de pomme de terre, à 5 0/0 environ, après l'avoir stérilisé soigneusement à l’autoclave, pendant 3/4 d'heure, à 1209. Dans cette étude des produits de la fermenta- ion, nous n'avons pas ajouté de carbonate de chaux à l’empois, de façon à ne pas être gêné par la présence des sels de chaux. Au bout de 7 jours nous enlevons le ballon de l’étuve. L’em- pois est entièrement liquéfié et séparé en deux couches : une couche limpide surnage une couche floconneuse sur laquelle je reviendrai. La partie liquide filtrée, traitée par l’eau iodée, ne donne aucune coloration ; additionnée de quatre fois son volume d’alcool, il ne se produit aucun trouble. I n'y a donc pas de dextrines. Une étude comparative faite avec la liqueur de Fehling et le 4. Loc. cit, 25) 380 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. polarimètre montre d’un autre côté qu’elle ne contient que du maltose. J'ai observé à plusieurs reprises le même fait. L'absence de dextrine dans les expériences que nous venons de citer était un fait curieux dont il fallait rechercher la cause. La transformation de l’amidon en maltose avait-elle lieu sous l'influence d'une diastase? et cette diastase ne produisait-elle que du maltose? Pour répondre à cette question, nous avons prélevé d’une fer- mentation de pommes de terre un certain volume de liquide que nous avons filtré aussitôt et qui, étudié au point de vue des dias- tases qu'il peut contenir, fluidifie lempois d’amidon, en y produi- sant du maltoseet de la dextrine comme le fait l'amylasedu malt. D'où vient donc que l’on ne peut retrouver de dextrine dans un milieu amylacé en cours de fermentation? Que devient la dextrine formée ? En faisant un dosage soigneux, on peut constater la présence de cette dextrine dans une fermentation à la condition de l’exa- miner à ses débuts. Une fermentation de pommes de terre, sans carbonate de chaux, et âgée de deux jours, a été filtrée. Le liquide ne donnait pas de coloration par l’iode, mais précipitait faiblement par l'alcool. Il renfermait : Matos ee ER RENE Ur 2er,494 0J, Dextrines ARE ERA AAA 05,493 Cette faible quantité de dextrine ne tarde pas à disparaitre, et quand on examine une fermentation âgée, on ne trouve plus que du maltose sans dextrine. Si le milieu est additionné de craie, tout le maltose peut disparaître, si bien que le liquide filtré ne donne plus ni réduction ni déviation. Comment se fait la disparition de la dextrine ? L'expérience va nous montrer que la dextrine fermente à son tour sous l'influence du bacillus orthobutylicus. Fermentation de la dextrine. — Nous nous sommes servis, dans nos expériences, de dextrine blanche, colorable en pourpre par l’iode, entièrement soluble dans Peau, ne renfermant pas plus de Oër,3 pour cent de cendres et ne donnant avec le réactif cupro-potassique que des traces de réduction. Cette dextrine, en solution dans le liquide nutritif de la El. : BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 387 page 357, fermente facilemeut quand on l’ensemence avec le Bacillus orthobutylicus. Une fermentation de cette nature, sans carbonate de chaux, examinée le cinquième jour, contenait 1 0/0 de dextrine et 3,20 0/0 de maltose. Pour rechercher si cette transformation de la dextrine en maltose a lieu sous l’influence d’une diastase sécrétée par le bacille, nous avons ajouté à un même volume d’une solution de dextrine, 10 c. c. du liquide en fermentation additionné d’essence de moutarde, et 10e. e. du même liquide préalablement chautfé à 100° pendant 5 minutes, afin de détruire la diastase, si elle existe. Les deux flacons ont été portés à l’étuve à 35° et examinés le lendemain. Le liquide chauffé est resté ce qu’il était la veille. Dans le liquide non chauffé il y avait 27,7 0/0 de dextrine trans- formée en maltose. Le Bacillus orthobutylicus sécrète done une diastase capable de saccharilier la dextrine, soit qu'il vive dansle milieu dextrine, soit qu'il vive dans le milieu amidon. En effet, une expérience faite dans les mêmes conditions que la précédente, en ajoutant à une solution de dextrine le li- quide filtré d’une fermentation de pommes de terre, nous a donné 51 0/0 de dextrine transformée en 24 heures. Inversement, le bacille qui a vécu sur le milieu dextrine pro- duit une diastase capable de saccharifier l’'amidon. Dix centimètres cubes d’une solution de dextrine en fermen- tation ajoutée à de l’empois d’amidon, dans les mêmes conditions que ci-dessus, ont liquéfié cetempois au bout de deux jours, et le liquide filtré contenait 2,15 0/0 de maltose et 1,61 0/0 de dextrine. ILest donc probable que la diastase sécrétée est unique: c’est | une sorte d’amylase qui se différencie de l’amylase du malt par la propriété qu’elle a de saccharifier facilement la dextrine. Dans la fermentation, cette saccharification est accompagnée de la destruction des produits formés, et du renouvellement incessant de la cause agissante : aussi la saccharification est-elle complète. Il est en effet démontré par les expériences de MM. Duclaux ‘, Lindet* et Dubourg * que l’action d’une diastase 1. Duczaux, Microbiologie, p. 165. 2. Observations sur la saccharification par la diastase (C. R., mars 1889). 3. Dusourc. Recherches sur l'amylase de l’urine (These, 18S9). en ST 7 « 388 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. est gènée par la présence des produits de dédoublement qu'elle engendre. De là les différences que nous constatons entre l’action de la diastase du B. orthobutylicus agissant seule, et l’action combinée de cette même diastase et du ferment organisé. Nous allons maintenant passer en revue les divers résultats que nous ont donnés les matières amylacées, pomme de terre, amidon, dextrine, inuline, etc. Ce sur quoi je voudrais appeler l’attention, e’estsur le nombre considérable de corps de nature variée que peut faire fermenter le bacille et sur les dissemblances que peuvent présenter, dans ces fermentations, des corps de même formule chimique. Toutes les fois que je le pourrai, je résumerai l'histoire de chaque fermentation par l'équation qui la représente le mieux. Cette équation donne directement le nombre des molécules d'alcool, d'acide acétique et d'acide butyrique produites par la fermentation. Il est clair, d’après ce que nous avons vu jusqu'ici, que ces nombres sont un peu contingents, et varient suivant la nature et l’âge de la semence, les conditions extérieures de la fermentation, son état plus ou moins avancé, etc. Mais c’est là pré- cisément le fait nouveau de ces études, et en montrant mainte- nant les variations possibles dans la formule de fermentation de corps du même groupe, je continuerai à prouver qu'il n’y a pas de formule possible. MATIÈRES AMYLACÉES. — A. Pommes de terre. Origine de la semence. . . .. CAES Pomues de terre. Age deddsemence ccm ee 2 jours. Durée de la fermentation . . . . . 15 jours. 100 c. c. de la liqueur fermentée renferment : Sans craie, Avec craie, Alcool butylique . . ee 0,280 0,042 Acide acetique” 0-2 0,077 0,092 Acide butyrique. . . . . . . 0,088 0,819 Acide formique #2" Traces. 0 a 4 1 Rapport DNS LEoS 5 G B. Empois d'amidon. Nous avons fait usage de fécule de pomme de terre, qui BACILLUS ORTHOBUT Y LICUS. 389 nous donnait à l'analyse les chiftres suivants : NON OU ee RE ru Ne Ne 80,12 DNS dr rc RSR ENT 9 ANS SPORE PAS ete A 45,60 COTES RS ACL LETTRE TON 0,34 Substances diverses . . . . . . .. RE AE RE 3,94 100.00 Pour préparer l’empois, nous prenions 3 parties de cette fécule pour 100 parties de liquide nutritif! et nous stérilisions le tout à 120° pendant 3/4 d'heure. Ce temps est nécessaire si l’on veut avoir une stérilisation complète: sinon, on s'expose à des insuccès. 1° Empois sans craie. Concentration: 3 0/0, soit 25°,40 d’amidon vrai. Origine de la semence. Pommes de terre. Age de la semence . .. 4 jours. Durée dela fermentation 5 mois (juillet-novembre). Maltose restant °/,.. . . 1,174 Destrmes es tire 0 Amidon consommé . . . 15,29 environ, soit 53,7 2/4. Formule approchée : ISCSH 1005 + 22H20 — 12C:H 100 + C2H:0? + 3C:H802 + 46C0°2 + 76H, 2° Empois avec craie. Concentration . . . . .. 30/,, soit 2:",40 d'amidon vrai. Origine de la semence. . Pommes de terre. Age de la semence... . . 4 jours. Durée de la fermentation. 5 mois, Maltose restant °/,. . . . 0 extreme se Auter 0 Amidon consommé . . . 227,40, soit 100 °/,. Formule approchée : 13C6H 1005 — 2C:H100 + 3CH:0? + 12C*H$0° + 16C0? + H?0. C. Dextrine. Concentration de la solution . . . . . . . .. 4,180 °/, Onsinerdela semences re Les cr. Dextrine. Mse de lalsemerees LAC Ar NS x 5 jours. Durée: de la fermentation. . . . - : : . . 3) jours. 19 Dertrine sans craie. 100 c. c. de la solution renferment après fermentation : 4. Voir page 357. 900 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Maltose. . 2,800 correspondant à dextrine transformée : 2,651 Dextrine. 0,864 0,864 TOtAN RENTE RS RES ONE NE TE 3,915 Dextrine consommée . . . : . . .. 0.665, soit 15,7 17, Formule approchée : 9C6H100$ + 9H20 — AC4H00 + C2Hi02? + AC H80? + 20C02 + 32H. 20 Dextrine avec craie. 100 c. c. de la solution fermentée renferment : Maltose. . . 23° correspondant à dextrine . . . 45r,89 Dextrine . . 0 Dextrine consommée . . . . . . . .. 2er,30, soit 55 0/, Formule approchée : A2C5H:005 + 6H20 — 6C{H100 + 2C2H402 + 5C'H$0? + 24C0? + 24H. D. Jnuline. L'inuline dont nous nous sommes servis donnait à l'analyse les chiffres suivants : PAU a I DER ARR RD DEP AT TER pe EEE PS RES 10,88 CENURES PEAR ETES ER M EE PT RE 0,9% uinuhiaéipar différence sex ot Mec LErnpne 88,18 DO PRES NET RON Fr En AIR 2 grammes de cette substance en solution dans 100 €. c. don- naient à 15° une déviation de 3——1°,40. Ce qui, en tenant compte de l’eau et des cendres, conduit à [4},= — 399,7, en considérant l'inuline comme anhydre; et à la formule [a], = — 36°,1 pour CSH'°05 + H20. Elle ne donnait aucune réduction avec la liqueur de Fehling. Pour doser l’inuline dans nos liqueurs, nous nous sommes contentés d’évaporer la liqueur à 100, et de défalquer du poids de l'extrait sec Le poids des matières solides autres que J'inuline. Nous avons dû employer cette méthode approximative, faute de procédés plus exacts. Nous ne pouvions songer à saccharilier l'inuline à 1000, ni encore moins à 120°, au moyen d’un acide minéral, le lévulose formé dans ces conditions s’altérant facilement à la chaleur. BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 391 D'ailleurs, comme nous avons loujours opéré de la mème manière, nos résultats restent comparables. La fermentation de l’inuline présente quelques particularités intéressantes que nous allons faire-connaitre. L'inuline est consommée par le Bacillus orthobutylicus sans subir de transformation préalable. En aucun cas, nous n'avons constaté la présence de sucre réducteur dans nos liqueurs. Ce fait est à rapprocher de ce qui se passe avec la dextrine et lamidon qui, possédant la même formule que linuline, sont toujours dédoublés en maltose par le ferment. La diastase de notre bacille n’a donc aucune action sur cette substance. Nous avons déjà dit, dans la deuxième partie de ce travail, que l'inuline, ensemencée avec une semence ayant vécu dans le même milieu, donnait peu d'alcool, quelle que soit la réaction du milieuf Voici les chiffres que nous avons obtenus : Fermentation d'inuline. Concentration de la solution. . . . . . .. 2er 07, inuline vraie. Onemedelarsemence rte re; Inuline. Age dela sémence 1%. Tue ae “4e { jour. Durée de la fermentation. . . . . . . . . . 38 jours. 1° Inuline sans craie. Inuline consommée _: . . -: . .,. .. 0,650, soit 32,5 07. Formule approchée : 17C6H:005 + 36H20 = C:H!°0 + 2C2H10? + 12C{H80? + 46C02 + 1926H. Inuline avec craie. Inuline consommée. . - . . . . .. 481,33, soit 66,5 0/,. Formule approchée : 12C6H1005 + H20 = C‘H!00 + 2C2H102 + 12C*H802 + 16C0? + SH. La production de l'alcool, déjà très faible dans les exemples précédents, peut être réduite à zéro quand on emploie une semence âgée. Cette imfluence de Päge de la semence à été démontrée abondamment dans la deuxième partie. (Voir page 374.) Le fait suivant vient encore confirmer la règle. | ee. = DER 7 | _ 392 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Une fermentation d’inuline de faible concentration (0,76 0/0), ensemencée avec une semence âgée de 20 jours et provenant de pommes de terre, est examinée 42 jours après. La solution est additionnée de carbonate de chaux. Toute l’inuline a disparu. On ne peut constater que des traces indosables d'alcool. Formule approchée : ACEH 100$ + 4H20 = C2H:0? + 4CH$0? + 8C0? + 16H. FERMENTATIONS DES SUCRES DE FORMULE C°H'°0°. — A. Glucose et sucre interverti. — Dans la deuxième partie de ce travail nous avons déterminé les circonstances qui faisaient varier les for- mules de fermentation du glucose et du sucre interverti. Les détails dans lesquels nous sommes entrés nous dispensent de donner de nouveaux exemples de fermentation. Nous n’ajoute- rons que quelques mots sur certaines particularités que présente la fermentation du sucre interverti, et, entre autres choses, sur l'inégalité de consommation des sucres qui le composent. Une solution de sucre interverti, en contenant 4,83 0/0, est examinée au bout de 2 mois de fermentation. On trouve à l’analyse qu'elle ne contient plus que du lévu- lose, en poids de 1*,93. Le poids de sucre consommé est de 2,90. En d’autres termes, pour 200 parties de sucre interverti formées de 100 parties de glucose et de 100 parties de lévulose, on à : Avant la fermentation. Après. CMICOSC RER TEE A NI Re 100 0 HÉVULOSE RENÉE PEER 100 80 Le lévulose offre donc au B. orthobutylicus une résistance plus grande que le glucose. Nous citerons encore une expérience dans laquelle nous avons fait fermenter un mélange de saccharose et de sucre inter- verti. Îci encore, les sucres sont consommés en quantités inégales, et la quantité pour cent de sucre détruit varie avec la réaction du milieu. Une solution se composant de : BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 393 Saccharose. . . .. RE ER NE ALES: de 18°,380 0/7, Sucre interverti. . . . .. SES NOUS HE 28r,032 est répartie dans deux ballons dont l’un est additionné de craie. La fermentation est examinée 46 Jours après. Sucres existant Sucres consommés — U . U [OT avant la fermentation, après fermentation, Pour 100, Sans craie. Saccharose . . . 187,380 0,100 ne Glucose . . . .. 4sr,016 0,286 98,1 Lévulose -: :.. 48,016 0,056 »,9 Avec craie. Saccharose . . . 48r,380 . 0,755 54,7 Glucose 18,016 0,912 89,7 Lévulose . . .. 16r,016 0.762 75,0 B. Galactose. — Le galactose dont je me suis servi avait été préparé par interversion du lactose et purifié par plusieurs cristallisations dans l'alcool à 800. Il avait son pouvoir rotatoire normal. Nous ne donnerons qu’une seule fermentation de galactose, additionné de craie. Les produits s'y rencontrent dans les mêmes proportions qu'avec le glucose. Concentration de la solution. . . . . . . .. 30/5 Oréinede ItSementes "Rite rire Galactose. Kgetde-la'semencer.-7.>.:..: CRIE Re 2 jours. Durée de la fermentation . . . . .. RTE 5 mois. Quantité de galactose consommé. . . . . . . 2:,46 — 82 °J, Formule approchée : 8CSH1206 — 4C#H100 + C2H4O? + 4CH80? + 1400? + 18H + 6H°0. FERMENTATIONS DES SUCRES DE FORMULE C°H'°05. — Arabinose. — L'arabinose sur laquelle j'ai opéré avait été préparée par saccharification de la gomme de cerisier, à l’autoclave à 120°, avec 2 0/0 d'acide sulfurique. Après une cristallisation dans l'alcool, j'ai examiné son pouvoir rotatoire, que j'ai trouvé égal à (x), = + 98°. Ce nombre étant plus faible que celui donné par Kiliani ! (+1059,1), j'ai tenu à vérifier l'identité de mon sucre par les caractères suivants. 4. Kicraxt, Deulsch. chem. Gesellsch., t. XIX, p. 30, 29. 394 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. > grammes de sucre traités par 20 ce. c. d'acide azotique et évaporés au tiers : pas d'acide mucique. Avec l'oricine et l'acide chlorhydrique : coloration violet bleu’. C'était done bien de l’arabinose. Arabinose avec craie. Concentration de la solution. . . . . . . .. on 2 Origime/de lasemence re ere Arabinose. Agerde 14/SémeEnCe EE ETAT Re 4 jours. Durée de la fermentation. . . . .. TERRE 3 MOIS. Quantité d'arabinose consommée . . . .. 2,18 soit 70 °/,. Si l’on néglige la petite quantité d'alcool produit, la formule la plus simple est la suivante : GCSH100$ + 4H20 = 4C:H80? + C?H:02 + 12C0? + 22H. En tenant compte de l'alcool, il faut : 42CH100$ + 14H20 = 2C*H100 + TCH1O0? + 28C:H80?2 + 76C0? + 176H. Malgré sa formule en C*, l’arabinose se conduit donc vis-à- vis du Bacillus orthobutylicus comme un glucose ordinaire, sauf pour l'alcool, qui est produit en quantité beaucoup plus faible. FERMENTATIONS DES SUCRES DE FORMULE C/2H°2°0°1. — A, Saccha- rose. — On à longtemps admis que nul être organisé ne pouvait assimiler le sucre de canne qu'après l'avoir interverti. Depuis quelques années, divers expérimentateurs ont rencontré des bac- téries qui faisaient exception à cette règle. Je signalerai, entre autres, la levure de M. Roux, le bacille amylozyme de M. Per- drix, et divers ferments lactiques *. Le Bacillus orthobutylicus offre un nouvel exemple d’assimila- tion directe du sucre de canne. Dans aucune de nos fermentations de saccharose nous n'avons pu constater de réduction sensible, et la rotation de la liqueur a toujours été dextrogyre. La recherche de la sucrase nous à naturellement donné un résultat négatif. Mais, comme on pouvait supposer que la transformation du 4. Benrranp, Sur quelques réactions colorées des hydrates de carbone, (B. Soc. chim., VI, 259.) 2. Bourouecor, Sur le non-dédoublement préalable du saccharose et du maltose dans leur fermentation lactique. (Journal de Pharmacie et de Chimie (5), VIH, 18553, 420 48 BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 39) sucre se faisait à l'intérieur des. cellules du bacille, nous avons filtré une fermentation de sucre de canne, du volume de plusieurs litres, de manière à recueillir le ferment. Celui-ci, lavé rapide- ment à l’eau distillée, fut broyé au mortier avec de la nouvelle eau et mis à digérer dans ce liquide à 35°, pendant plusieurs jours, en présence d'essence de moutarde. Dans ces conditions, nous pouvions espérer que si le bacille renfermait quelque dias- tase inversive, celle-ci se diffuserait dans le liquide ambiant. Il n'en arien été. La liqueur filtrée, toujours additionnée d’es- sence de moutarde et ajoutée à une solution de saccharose, a été sans action sur elle, même après un temps très long. La transformation du saccharose à l’intérieur des cellules du bacille est donc peu probable. Le saccharose non-additionné de craie fermente difficilement. Dans l'exemple que nous donnons plus loin, il n’y a seulement que 15 0/0 du sucre employé de détruit après 2 mois. Fermentation de saccharose. Concentration de la solution. . . . . . .. 327,08 0/,. Origine dela Semence” 2": ...%.: Saccharose, Aee de latsemence #2 Re: 1 jour. Durée de la fermentation. . . “: ..: . , 2 mois. a. Sans craie. Saccharose consommé . .- . ..... : 0,469, soit 15,1 9/0. RICO bUIIQUe PER Le à PE TE 0,228 Aeide racétique enr PRET NE, 0 EE, 0,076 Acide DuLyrIque LR Ne 0 TRS EE EP 0,392 «l 2 RADARS RENE EN ie PURES NN - Il n’est pas possible de traduire ces résultats par une for- mule unique. C’est ce qui arrive d'ordinaire pour le tout pre- mier début d'une fermentation active, et pour les fermentations qui s'arrêtent lorsqu'il n’y a qu'une très faible proportion de la matière fermentescible détruite. La petite quantité de substance consommée est ici une preuve de la difficulté qu'éprouve le bacille à attaquer le sucre de canne dans un milieu qui devient promptement acide. De là des irrégularités dans la marche de la fermentation, qui se tradui- sent par l'impossibilité de trouver une formule simple du phénomène. 399 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. b. Aver craie. Saccharose consommé. . . . . . . .. COTES AU Formule approchée : 6G2H22011 + 2H20 — 40H10 + 3C2H‘0? + 6C:H80? + 26C0? + 48H. Ici la marche de la fermentation est régulière et la formule se simplifie. Nous donnerons encore les résultats d’une fermentation dans laquelle la consommation du sucre a été totale, mais dont la durée s’est élevée à 4 mois: cette augmentation dans la durée a eu pour effet d’abaisser le taux de l'acide butyrique; e’est là une confirmation de la règle que nous avons donnée plus haut. Fermentation de saccharose avec craie. Concentration de la solution. . . . . . . .. 43010 Origine/de la semence tierces Saccharose. Agetdle lassemence eee EEE { jour. Durée de la fermentation. . . . . . . . . .. 4 mois. Sacecharose CONSOMMÉ Se Ce 38r,45, soil 100 ?/,;. Formule approchée : 21C12H22011 + 91H20 — 14C'H 100 + 6C2H:02 + 12CH80? + 136C0? + 384H. B. Maltose. L'étude de la fermentation du maltose se confond avec celle de l’amidon et de la dextrine, puisque ces substances sont trans- formées intégralement en maltose par le B. orthobutylicus. Nous savons aussi que le maltose n’est pas interverti, puisque nous n'avons jamais rencontré de glucose dans lesliqueurs. D'ailleurs, dans une expérience où nous avons fait agir directement le bacille sur le maltose, nous n’avons pas constaté davantage d’inversion. De même que le saccharose, le maltose ne subit pas l'inver- sion et est consommé en nature. C. Lactose. Le lactose, comme les autres saccharoses, n’est pas dédoublé par le Bacillus orthobutylicus. Fermentation de lactose additionné de craie. Concentration de la solution." 3:900)/): Origine dé la semence" 2 nr Lactose. BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 397 Age de la semence . .. 2 As 2 PR SL HER À 4 jours. Durée de la fermentation APE EE à EL 3 mois. Lactose consommé . . . .. EST PL AA PC D OUT Formule approchée : 3C!'?H220!1 = C'H100 + C2H10? + 4C'H80? + 14C0? + 32H. ALCOOLS POLYATOMIQUES. — A. Mannile. — La mannite ne possédant pas de pouvoir rotatoire appréciable, et ne réduisant pas la liqueur cupropotassique, nous avons dû, pour la doser, opérer comme pour l’inuline, c’est-à-dire défalquer du poids de l'extrait sec toutes les substances autres que la mannite et déduire Le poids de celle-ci par différence. La fermentation de la mannite est lente. Dans l'exemple que nous donnons, une solution à 3 0/0 environ renfermait encore 52 0/0 de mannite après 46 jours de fermentation en présence de craie. Une analyse de gaz faite dans les mêmes conditions que celle de la page 25, c’est-à-dire à l’aide de la trompe de Schlæsing, nous montre que la quantité d'alcool formé va constamment en augmentant, comme dans la fermentation du glucose. En effet : 20 c. ec. de solution de mannite à 2,23 0/0 sont ensemencés et mis immédiatement à l’étuve à 35°. Volume total k IT Durée. à Oo CO? Il apport Co? et 760mm, en volume, 64,9 LA ET TT PÈRE 1'7ec,42 6,10 11,32 = J L 35,1 _ er Le ce 42,1 SRJOUES. 2-17 20cc,84 2,06 8,10 = J é é D7,9 _ te 2 41,9 15 jours . . 36ec,13 21,12 15,01 eu D8,) : 10,2 20 jours. - Dec, 12 3,42 2,30 = ) jours : 57.8 < a : 46,6 Total . . 80e, 1 42,10 37,41 7 D Si nous tenons ici le mème raisonnement que pour le glu- cose, nous voyons qu'en supposant la mannite fermentant sans donner d'alcool, on aurait : CSH1406 — CiH802 + 2C0? + 6H. 398 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Rapport en volume : (ll 60 1 ”! C0? 40° Si au contraire on n'avait que de l'alcool dans la réaction, celle-ci deviendrait : CSH*06 = C{H100 + 260? + 9H + H°0, Rapport : Ce sont précisément les rapports que nous obtenons au com- mencement et à la fin de la fermentation. Fermentation de mannite avec craie. Concentration de la solution . . . . . .. 33,39 0/,. Origine de la semence . . . - . . .. .. Mannite. Aterdeafementes 2 Pare 27 ec 4 jours. Durée de la fermentation. : . : .:. . ..: 46 jours. Mannite Consommee 2e Agr,64— 48 0}. Formule approchée : 4C6H 1406 = 2C:H100 + C2H*02 + 2CH802 + 6CO? + 8H + 4H?0. B. Glycérine. La glycérine se trouvant mélangée dans nos fermentations à de l'alcool butylique et à des acides volatils, ou à leurs sels de chaux, son dosage présentait certaines difficultés, d'autant plus qu'une méthode précise d'analyse de cette substance reste encore à trouver. J'ai fait usage de la méthode suivante due à M. Pasteur. Un volume déterminé de liquide, neutralisé exactement par de l’eau de chaux, était évaporé lentement au bain-marie d’abord, et finalement dans le vide sec. Le résultat était repris par un mélange d'alcool et d’éther. L’éther étant distillé dans un petit ballon, on dissolvait la glycérine dans un peu d’eau qu'on évapo- rait ensuite lentement au bain-marie, dans une petite capsule de platine, en faisant une pesée tous les quarts d'heure. Dès que la perte de poids entre deux pesées n’était plus que de quelques milligrammes et devenait constante, on pouvait considérer celle-ci comme étant due à l'évaporation de la glycérine On BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 399 adoptait done, comme poids, la pesée à parür de laquelle la perte de poids devenait constante. Nous n'avons pu constater, dans le cours de nos fermenta- tions, la formation d'aucun corps réducteur, mais, en suivant exactement la méthode générale que nous avons décrite dans la première partie (voir page 361), nousavons rencontré, ,entrès faible quantité, il est vrai, de l’acidelactiquegauche, caractérisé par son sel de zine. Aucune des fermentations que nous avons examinées, autres que la glycérine, ne nous a donné ce corps. Plusieurs essais différents, faits dans des conditions de pureté absolue, nous ont donné le même résultat; il ne s'agit donc pas là d'un accident d'expérience, ni d'une association microbienne. D’ail- leurs, la quantité d'acide lactique formé est très faible et nous avons dû la négliger dans équation de la fermentation. Fermentation de glycérine. Concentration de lasolution. 0.777 287,53 0/5 Origine-dela:sémence.e.,. 5% Eu Pommes de terre. APE SEMENCE RMC ENS Mer Monroe l jour. Durée de la fermentation, . . . . . . . . . . )2 jours. A. Glycérine sans craie. Quantité de glycérine consommée . . . 0,13— 29207; { gramme de glycérine donne : Alconbubrliques teur EN EE AT: 0,643 ACIDE ACÉDIQUE ÉD nE L LT ne li re 0,026 ACTES DEMI RTE Autre au à ee 0,153 a Ë ! RApORRe Te me MR se i Acide tactique Ratche St, 01.1: 2€ 12. races, Il n’est pas possible d'établir une équation unique. B. Glycérine avec craie. Glycérine consommée..æ. : : : , .-, 1 S9= 74907 4 gramme de glycérine douue :- Calculé, MEDol DubyiqUue: 77. 4 Re 0,075 0,080 Acide Acétique 5-72 M2 ua, 0,025 0,026 Acide butyrique. . AR MARS 0,228 0,229 Remdedaelique es 26 7. (ut Traces. (1 I R — PR NE = apport 5 G 400 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Formule approchée : DOCH$O$ + 39H20 = SC H100 + 2C2H402 + 12CH$0? + 78CO? + 324H. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Dans la première partie de ce travail, j'ai décrit un bacille anaérobie nouveau que j'ai isolé et auquel j'ai donné le nom de Bacillus orthobutylicus. J'ai établi sa morphologie, ses fonctions physiologiques et ses caractères distinctifs. J'ai indiqué les méthodes employées pour le cultiver à l’état de pureté, et déterminé la nature des produits qu'il donne avec les différents milieux. Ces corps sont: l'alcool butylique normal, l'acide acétique, l'acide butyrique normal, et comme gaz : l'acide carbonique et l'hydrogène. J'ai décrit les Hihede employées pour doser ces His substances dans les fermentations. Dans la deuxième partie, j'ai étudié : 1° L'Influence de la durée de la fermentation. J'ai montré : 1° Que le rapport entre la substance fermentescible consom- mée et les produits qui résultent de sa destruction, n’est jamais constant pendant le cours d’une fermentation ; 29 Que la quantité d'alcool butylique va en augmentant tandis que le poids des acides butyrique et acétique va en diminuant; 3° Que le rapport : va en diminuant en milieu neutre et en augmentant en milieu acide ; 4° Que la formule de l'équation est d'autant plus simple qu'il y à plus de matière consommée ; 5° Que la fermentation est d’ autant plus régulière que la con- centration de la solution est plus faible ; 6° Que l'acide formique n'apparait que comme produit de souffrance, et qu'il peut être consommé dans le cours d’une fermentation. 20 L’Influence de l’âge de la semence. J'ai démontré : 19 Que l’âge d’une semence a une influence considérable sur la marche d’une fermentation : 2° Qu'au point de vue de la production de l'alcool butylique, BACILLUS ORTHOBUTYLICUS. 401 l’activité d’une semence croît pendant les premiers jours, pour décroitre ensuite au fur et à mesure de la formation des spores ; 3° Que la production d'acide butyrique suit une marche inverse : 49 Qu'une semence vieillit d'autant plus rapidement que le milieu où on la cultive est plus fermentescible. 5° L'Influence de l'éducation de la semence. J'ai démontré : 1° Que la nature du milieu sur lequel on cultive une semence communique à celle-ci des propriétés spéciales ; 20 Que si on cultive le B. orthobutylicus sur de linuline, milieu dans lequel il ne donne que des traces d'alcool, et qu'on le reporte sur glucose, il donnera dans ce milieu une quantité d'alcool trois fois supérieure à la normale : 3° Qu'inversement, cultivé sur glucose, il acquiert la pro- priété de faire avec de linuline de l'alcool en notable proportion. Ces faits sont comparables à ce qui se passe avec les microbes pathogènes. 49 L’Influence de la réaction du milieu. J'ai fait voir : 1° Que lorsque le milieu s’acidifie, la proportion d'alcool formé augmente en même temps que l'acide diminue ; 20 Qu'inversement l'alcool diminue et :l’acide augmente quand le milieu est maintenu neutre par addition de carbonate de chaux. Dans la troisième partie, j'ai passé en revue l’action du Bacil- lus orthobutylicus sur les divers milieux où on peut le cultiver: ces milieux sont: Les matières amylacées (pommes de terre et empois d’ami- don), la dextrine et l'inuline, le glucose et le sucre interverti, le galactose, l’'arabinose, le saccharose, le maltose et le lactose, la mannite et la glycérine. J'ai établi pour chacune de ces substances l’équation de sa fermentation. J'ai signalé en outre les particularités suivantes : 1° La bacille sécrète une diastase qui transforme la dextrine en maltose; par suite, dans la fermentation des matières amylacées, on ne trouve que du maltose sans dextrines ; 26 02 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ts 2° Les substances lévogyres, telles que le lévulose et l'inuline, présentent certaine résistance à son action ; 30 Il fait fermenter les saccharoses sans les intervertir ; 49 Il donne toujours, avec la glycérine, de petites quantités d'acide lactique gauche ; 5° L’équation de la fermentation varie avec la nature de la substance fermentescible. En résumé, la fermentation étant le résultat d'un acte vital doit être influencée par les variations multiples auxquelles sont soumis les êtres vivants. Chaque cellule du ferment, soumise aux lois immuables de la vie, passe par un maximum activité, puis vieillit et meurt; si l’on réfléchit que dans le courant d’une fermentation on rencontre à la fois des cellules qui viennent de naitre et des cellules en voie de dégénérescence; si l’on ajoute que les pro- duits qui prennent naissance peuvent, à leur tour, entraver l'action de ces cellules, on comprendra combien est illusoire lidée de vouloir représenter Le phénomène par une formule unique et simple! RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA ET LES VIBRIONS Par EL. METCHNIKOFF PREMIER MÉMOIRE Sur la propriété préventive du sang humain vis-à-vis du vibrion de Koch. Ï APERÇU DES ACQUISITIONS NOUVELLES SUR LE CHOLÉRA Malgré la découverte d’un vibrion particulier dans lintestin de la grande majorité des cholériques, la microbie du choléra reste encore bien obscure sous beaucoup de rapports. Cela tient surtout à cette circonstance que le choléra est une maladie spéci- fique de l’homme. Les animaux sur lesquels on peut expéri- menter sont réfractaires à celte maladie. Comme nous tenons, avant d'entrer dans le sujet particulier de notre élude, à donner au lecteur, qui n’a pas présents à l'esprit les détails de publications déja très nombreuses, un aperçu sommaire de l’état actuel des connaissances microbiennes sur le choléra, nous l'entreliendrons d’abord de l’étiologie de cette maladie; nous passerons ensuite aux résultats de l’expéri- mentation sur la maladie des animaux, provoquée par le bacille virqule. D'après les recherches de Koch et deses élèves, le choléra est un état particulier de l’homme dans lequel l'intestin renferme des vibrions cultioables sur la gélatine nutritive à 10 °/, et produisant une liqué- faction moyenne. A l’époque de la découverte de Koch, on admettait que ces vibrions se trouvaient dans tous les cas de choléra épidémique, bien caractérisé au point de vue clinique. Mais pendant la dernière épidémie on a constaté que certains malades, qui présentaient tous les symptômes classiques du choléra asiatique, peuvent ne pas avoir dans leur intestin de bacilles virgules (vibrions de Koch). Ces cas ont été regardés \ 404 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. comme des cas de choléra nostras. Poursuivant ces études, on a constaté que le vrai choléra asiatique était toujours accompagné d'épidémies de choléra nostras. Et, ce qui est remarquable, c'est que ce choléra nostras, sans bacilles virgules, apparaît même en hiver. Ainsi M. Rumpel: en a observé trois cas survenus à Ham- bourg pendant les froids rigoureux de cet hiver, lors d’une petite épidémie de vrai choléra. D'un autre côté, on insistait autrefois sur ce fait que le bacille virgule ne se trouve que chez des individus atteints de choléra léger ou grave. A présent on a abandonné cette opinion, car on a constaté ce microbe dans les selles normales d'individus bien portants, mais se trouvant dans des milieux atteints par l’épidémie cholérique (Rumpel, {. c.). Les partisans de la théorie de Koch ont reconnu que le bacille virgule peut se cultiver dans l'intestin de l’homme sans provoquer nécessairement le choléra. En dehors de la présence constante et exclusive du vibrion de Koch chez les cholériques, on a invoqué encore, comme argument principal du rôle étiologique de ce microbe, qu'il est absolument différent des autres bactéries. Lors des recherches faites en 1883 et 1884, on pouvait penser, en effet, que le bacille virgule repré- sentait une espèce tout à fait particulière et toujours nettement distincte. Mais depuis on a découvert toute une série de vibrions très semblables, notamment ceux de Deneke et de Gamaleïa. Pour les distinguer du vibrion de Koch, il a fallu recourir à des caractères de faible importance : degré de liquéfaction de la gélatine, détails de forme, etc. Pour maintenir la spécificité du vibrion de Koch, on a dû se placer sur le terrain d’un monomor- phisme étroit. Les recherches multipliées sur le choléra, faites dans différentes parties du globe, ont ébranlé la doctrine de l'uniformité du vibrion cholérique. Les premières affirmations de M. Cunningham* sur la pluralité des espèces vibrioniennes chez les cholériques ont été accueillies avec scepticisme, cette pluralité ne se conciliant pas bien avec l’uniformité du vrai choléra. Mais M. Max Gruber, qui d’abord * s’est prononcé contre la multiplicité des vibrions cholériques, a dû bientôt modifier son opinion dans un sens contraire. Dans son travail publié . Deutsche medicin. Woch., 1893, p. 460. 2. Archiv für Hygiene, 4892, t. XIV, p. 45. 3. Transactions of the VIL Intern. Congress of Hygiene, vol. II, 1892, p. 41. PONS a nl Re RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 405 avec M. Wiener !, il reconnait la possibilité de séparer le vibrion cholérique en plusieurs espèces voisines. M. Sclavo? admet aussi que le vibrion de Massaua, isolé par M. Pasquale, appar- tient à une espèce différente du type original découvert dans l'Inde. Mais les élèves de M. Kock (R. Pfeiffer, Wassermann, Gaffky, etc.) maintiennent l'identité spécifique de tousles vibrions cholériques, ce qui n’est possible qu’en admettant un pléomor- phisme très large. Les faits recueillis dans ces derniers temps compliquent donc la question de l’étiologie du choléra, qui sans cela présen- tait déjà bien assez de points difficiles et obscurs. Comme le choléra est une maladie essentiellement humaine, seule l’expérimentation sur l’homme pourrait résoudre le pro- bième. Plusieurs savants se sont prêtés à l'expérience et ont absorbé des cultures pures du vibrion de Koch. Mais, malgré toutes les précautions employées pour faire agir le virus, celui-ci n’a amené qu’une diarrhée non accompagnée du cortège classique des symptômes du choléra. Ni l’alcalinisation du sue gastrique, ni les écarts volontaires de régime, ni la prédispo- sition à la diarrhée, n’ont permis au vibrion de Koch de produire le vrai choléra. Il est vrai que M. Gaffky *, qui a fourni le virus à MM. Pettenkofer et Emmerich, a déclaré que la culture pro- venait d’un cas de choléra bénin. Mais cette objection ne s'applique pas à MM. Hasterlik et à ses collaborateurs, car ceux-ci ont absorbé dans quatre expériences un virus qui pro- venait d'un cas mortel de choléra ‘. Lorsque les vibrions ont été avalés sans alcalinisation préalable du suc gastrique, l'effet a éié presque nul; dans un cas seul où l’ingestion du virus fut précédée de celle de bicarbonate de soude, les expérimenta- teurs ont eu de la diarrhée simple. A ces six essais négatifs (Pettenkofer, Emmerich, Hasterlik et trois de ses collabo- rateurs) il faut ajouter encore un nombre plus grand d’ex- périences, relatées par M. Ferran. D'après cet observateur”, beaucoup de personnes qui n'avaient pas subi préalablement des 4. Archiv für Hygiene, 1892, t. XIV, p. 254. f 2. Rivista d’Igiene et Sanita publica, 1592, n° 19. 3. Semaine medicale, 1893, p. 174. 4. Wiener klin. Wochenschr., 1893, p. 167. 5. Revendication de la priorilé de la découverte des vaccins du cholera. Barce- lone, 1888, p. 93. 406 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. injections hypodermiques de bacille virgule, n’eurent qu'une « cholérine qui güérit spontanément », après l'absorption deÿ ou 6 gouttes de cultures capables de tuer le cobaye en injection sous-cutanée. D'autres personnes, « vaccinées » préalablement, comme M. Ferran lui-même et son assistant, M. Pauli', ont eu également une diarrhée légère après l'absorption de quelques gouttes de culture, sans alcalinisation préalable de l'acidité gastrique. Dans un assez grand nombre d'expériences sur l’homme, l'effet du vibrion de Koch a donc été ou nul ou insignifiant, si on le compare avec la gravité du vrai choléra asiatique. Quelle différence sous ce rapport avec un autre spirille, celui de la fièvre récurrente, qui, inoculé à plusieurs personnes, leur donna toujours la maladie typique et complète ! = De quelque côté que nous envisagions l’étiologie du choléra, nous voyons que le problème reste très compliqué et que beau- coup de travail est encore nécessaire pour l’éclaireir. Il est donc tout naturel qu'un grand nombre de bactériologistes se soient mis à éludier l'histoire naturelle des vibrions, leur action patho- gène sur les animaux, et ceux de leurs produits capables de conférer l’immunité. Tout le monde aujourd'hui accepte que la maladie expé- rimentale provoquée par le vibrion de Koch, chez des animaux de laboratoire, notamment les cobayes, diffère essentiellement du choléra humain. Mais les uns considèrent cette maladie comme une vraie infection, tandis que pour d'autres elle est une intoxication. La divergence de vues qui s'est pro- duite sous ce rapport entre M. R. Pfeiffer et M. Gruber est prête à s’aplanir. Déjà M. Hafkine, en augmentant la viru- lence du vibrion cholérique par passages de cobaye à cobaye, avait fourni un argument à la théorie de l'infection. Dans sa dernière publication, faite en commun avec M. Wassermann, M. Pfeilfer * reconnaît que la maladie, provoquée chez le cobaye par injection périlonéale du bacille virgule, doit être considérée comme un processus mixte d'infection et d'intoxication. Mais il estévident aussi que, d'après les données si intéressantes fournies 1. L'Inoculalion préventive contre le choléra morbus. Paris, 1893, p. 90-92. 2. Zeilschr. f. Hygiene, 1893, t. XIV, p. 59. Lin ss LT OS pv” g | LA A RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 107 par ces deux savants, il faut se ranger complètement à l'avis de M. Gruber, c’est-à-dire envisager la maladie du cobaye comme une vraie et simple infection. D'abord. il ne faut pas oublier que dans chaque maladie infectieuse les toxines micro- biennes jouent toujours un grand rôle. Mais surtout il faut tenir compte du fait, couslaté par MM. Pfeiffer et Wassermann, que les cobayes vaccinés contre le virus vivant sont tout aussi sensibles que les témoins vis-à-vis de la dose mortelle de toxine vibrionienne. Si les cobayes vaccinés ne sont pas immu- nisés contre l’intoxication, il est évident que la maladie, contre laquelle ils ont été rendus réfractaires, est une infection. Poursuivaut leurs études sur l'essence de cette immunité acquise par les cobayes, MM. Pfeiffer et Wassermann ont constaté plusieurs faits du plus haut intérèt. Je me permets de les men- tionner dans cet aperçu parce qu'ils touchent de très près au problème général de l’immunité. Ces observateurs se sont assurés de ce fait, à savoir : que la propriété préventive du sérum ne réside nullement dans un pouvoir antitorique, comme cela a été affirmé, surtout en Allemagne. Sous ce rapport, MM. Pfeiffer et Wassermann confirment les données qui ont été pour la première fois démontrées dans mon mémoire sur la pneumo- entérite des porcs ‘. Plus tard le même fait a été constaté dans mon laboratoire par M. Sanarelli * pour le vibrion de Gamaleïa (V. Metchnikowü), bactérie très voisine du bacille virgule de Koch. Pour ce qui concerne le vibrion de Massaua, je peux confirmer l'affirmation de MM. Pfeiffer et Wassermann, en me basant sur des recherches personnelles faites sur les toxines chauffées à différentes températures, ou puisées dans des cultures vieilles et devenues stériles. Même pour une maladie qui a un caractère toxique aussi prononcé que le « choléra » des cobayes, il reste vrai que l’immunité et la propriété préventive ne reposent nullement sur un pouvoir antitoxique quelconque. MM. Pfeiffer et Wassermann voient bien maintenant que cette immunité doit être attribuée à une propriété bactéricide de l'organisme. Pour M. Pfeiffer, qui depuis longtemps s’est prononcé en faveur de la théorie du pou- 1. Annales de l’Inst. Pust., 1892, p. 296. 2. Ibid., 1895, p. 236. 408 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. voir bactéricide des humeurs, il était tout naturel de supposer que celui- ci se manifeste dans la maladie provoquée par le vibrion de Koch. Aussi, dans son premier mémoire sur le choléra, M. Pfeiffer a envisagé les phénomènes exclusivement au point de vue de la propriété bactéricide du plasma sanguin et du liquide des exsudats. Voilà pourquoi je dois noter avec une grande satisfaction la modification des idées de M. Pfeiffer. Dans son dernier travail exécuté avec M. Wassermann. il constate le peu d'importance de la propriété bactéricide des humeurs. Ainsi le sérum sanguin d’un convalescent du choléra était doué d’une propriété préventive très considérable et ne présentait cependant qu'un pouvoir bactéricide trop insignifiant pour expliquer l'immunité. Sous ce rapport, MM. Pfeiffer et Wassermann, eux aussi, arrivent à la même conclusion que M. Sanarelli dans son travail sur le vibrion de Gamaleïa. Je puis confirmer ce résultat pour les vibrions du choléra. Les deux auteurs allemands, dans leur étude sur l’essence de l'immunité, n’ont pas fait de recherches spéciales sur la propriété atténuante des humeurs, considérant probablement qu’elle ne joue aucun rôle dans ce cas. En réalité, les expériences que j'ai entreprises sur ce point ont démontré que, dans le « cho- léra » des cobayes, les choses se passent tout à fait comme dans la maladie provoquée par le vibrion de Gamaleïa, d'après les recherches de M. Sanarelli, c'est-à-dire que l’atténuation ne se produit pas. La prétendue atlénuation n’est que l'effet de la propriété préventive du sérum *. Après avoir mis en évidence que les propriétés humorales . Ge résultat est déjà acquis pour plusieurs ( au Moins quatre) infections : il peut de êtreconsidéré comme quelque chose de gé inéral. Ces faits bien établis répondent aux critiques de M, Charrin. Dans un trav ail intitulé : Les antitoxines et l’immunite (Semaine médicale, 1893, p.85), ce savant cherche à prouver l’action atténuante du sérum des lapins vaccinés sur le bacille pyocyanique. Mais ce microbe convient beaucoup moins pour ce genre de recherches que les bactéries du hog-choléra, du choléra des cobayes, de la septicémie vibrionienne et de la pneumonie. Cest pour cela que je n’analyserai pas dans tous leurs détails les expériences faites avec le bacille pyocyanique, et que je ne discuterai pas les points généraux, visés dans l’article mentionné. M. Charrin «avoue ne pas comprendre clairement » ‘p. 86) comment il peut se faire qu'un virus renforcé dans l’organisme vacciné arrive à être détruit par ce dernier au lieu de le tuer lui-même. C’est cependant très simple. Les phagocytes de l'organisme vacciné se sont à tel point accoutumés aux sécrétions toxiques que celles-ci, malgré le renforcement, n’empèchent point l'englobement et la destruction des bactéries. A. RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA 109 (antitoxique et bactéricide) n’ont pas d'importance dans l’immu- nité et la prévention des cobayes contre le vibrion de Koch, MM. Pfeiffer et Wassermann arrivent à ce résultat que, dans ces phénomènes, « les processus phagocytaires jouent un rôle ». «€ Mais — ajoutent-ils — nous inclinons vers l'opinion que la phagocytose n’est qu’un phénomène secondaire, qui suit la mort des bactéries, mort provoquée par d’autres processus encore problématiques. » (P. 50.) Les adversaires de la théorie des phago- cytes, ne pouvant plus invoquer les propriétés bactéricides et antitoxiques des humeurs, se retranchent derrière des propriétés problématiques et insaisissables. Je regarde, pour ma part, cette nouvelle attitude comme un succès pour les idées que je défends. Mais, dans le cas qui nous occupe, ilest très facile de constater de la façon la plus exacte le rôle bactéricide des phago- cytes. Il n'y a qu’à retirer une goutte de l’exsudat des cobayes réfractaires, qui ne renferme que des vibrions inclus dans les leucocytes, et à le mettre à l'étuve. Dès les premières heures du séjour à 38°, on verra les vibrions se développer dans l’intérieur des leucocytes, et transformer ceux-ci en sacs volumineux remplis d’une masse de vibrions. Bientôt après ces sacs éclatent, et les vibrions dispersés dans le liquide de l’exsudat forment une culture des plus riches. Ces phénomènes, qui se passent exacte- ment comme daus le cas du vibrion de Gamaleïa, montrent jusqu’à l’évidence que les vibrions, dans l’exsudat des cobayes réfractaires, ne sont point tués par un agent problématique, mais bien par une fonction des phagocytes. J'ai pu à plusieurs reprises constater ce fait pour les vibrions du choléra. Il est juste de rappeler que c’est d’abord M. Gruber‘, et ensuite M. Vincenzi}, qui ont attiré l'attention sur le rôle des phagocytes dans le « choléra » des cobayes. Nous pouvons donc insister sur ce résultat général que l'immunité acquise des cobayes vis-à-vis des vibrions du choléra est un nouvel exemple en faveur de la théorie des phagocytes. Bien moins nette est la question de savoir si les cobayes peuvent être sûrement vaccinés contre l'introduction d’une dose mortelle de vibrions dans l’estomac. Dans leur dernier travail, 4. Au Congrès international d'hygiène de Londres, 1891. 2, Deutsche med. Woch., 1892, p. 394; Archivio per le scienze mediche, 1592, p. 337. 410 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. MM. Pfeiffer et Wassermann affirment, contrairement à l’asser- tion de MM. Gamaleïa, Hafkine, Brieger, Kitasoto et Wasser- mann ‘, que les cobayes vaccinés par n'importe quelle méthode ne deviennent pas pour cela plus résistants que les cobayes non vaccinés à l'action des vibrions introduits dans l'estomac. Il est facile de comprendre que ces recherches sur l'immunité des animaux vis-à-vis des vibrions présentent non seulement un grand intérêt théorique, mais sont d'une grande importance pour ce qui concerne les questions purement pratiques de la prophylaxie humaine. C'est ce qu'avait déjà senti M. Ferran, qui le premier a démontré la possibilité de vacciner les cobayes contre le vibrion de Koch. Les premiers expérimentateurs qui ont contrôlé les recherches du savant espagnol ont mis en doute les résultats qu'il avait annoncés, etjeté la défaveur sur ses tra- vaux : mais à présent il est définitivement prouvé que M. Ferran avait parfaitementraison. On peutfacilement vaccinerles cobayes contre le bacille virgule, par la méthode Ferran, c'est-à-dire avec des cultures virulentes en faible quantité ou avec des cultures stérilisées. M. Ferran a appliqué en 1885, sur une grande échelle, les vaccinations anticholériques chez l’homme. 11 a inoculé plus de 50,000 personnes. Malheureusement les statistiques qu'il donne: ne permettent point de se prononcer sur la valeur de ses vacci- nations. À ces grands nombres, nous préférerions de beaucoup des chiffres plus faibles, mais accompagnés de tous les détails nécessaires pour permettre un jugement fondé. D'après quelques indications, fournies par le nombre des cas de choléra survenus parmi les vaccinés et les non-vaccinés dans les cinq premiers jours après la vaccination, il semble résulter que celle-ci a été souvent pratiquée dans la partie de la population la moins sujette à la maladie (voir notamment les chiffres sur Benifayo, Cheste, Masanasa, p. 262-264 du livre de M. Ferran). Comme on peut s’en convaincre par la lecture du travail de MM. Pfeilfer et Wassermann, bien des points expérimentaux sont encore obscurs dans celte question des vaccinations préven- tives. M. G. Klemperer * a eu l'idée d'appliquer les données four- . Zeülschr. f. Hygiene, 1892, t. XII, p. 163. - L'inoculation préventive contre le choiéra, 1898. 3. Berlin. k'in. Wochenschr., 4892, p. 789. 1 2 RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. ul nies par l'étude de la propriété préventive du sérum à la solution de quelques-uns des problèmes que soulève la prophylaxie anti- cholérique. C’est aussi par l'étude de cette propriété préventive que nous voulons commencer l'exposé de nos recherches, nous réservant de publier plus tard nos résultats sur d’autres points touchant le choléra. I PROPRIÉTÉ PRÉVENTIVE DU SANG DE L'HOMME NON ATTEINT DE CHOLÉRA (Appendice D. M. G. Klemperer!' a constaté le premier que le sang des per- sonnes qui n'ont pas eu le choléra, peut préserver les cobayes contre l'infection par le bacille virgule. Cette propriélé préventive estsi fréquente que, sur sixindividus examinés par M. Klemperer, trois l’out présentée d’une façon bien nette : 2 c.c. el, dans deux cas même, { ©. c. de sérum sanguin ont suffi pour préserver les cobayes contre une dose mortelle du vibrion cholérique. L’au- teur en conclut que les trois personnes qui ont fourni le sérum préventif avaient l’immunité contre le choléra. M. Lazarus* n’a essayé qu'une seule fois le sang de l'homme non atteint de cho- léra, et il a vu que le sérum de ce sang était préventif à partir de la dose 2 c. c. | Mes propres recherches ont porté sur 12 personnes qui n'ont jamais eu le choléra. Parmi elles se trouvent trois médecins, dont le témoignage présente une importance particulière. La propriété préventive de leur sang a élé éprouvée vis-à-vis d’un vibrion d’origine indienne qui se rapproche beaucoup du type de Koch, et ne s’en distingue que par l’immobilité dans tous les . milieux. Ce microbe tue le cobaye par injection péritonéale; sa virulence est en général au-dessus de la moyenne. Le sérum sanguin d’un de ces médecins, injecté à la dose de 1 c. c. dans le péritoine d’un cobaye, ne l’a pas préservé contre une infection mortelle, pratiquée le lendemain. Par contre, 0,75 c.c. de sérum d’un autre médecin et 1,25 c.c. du troisième ont empêché l'infection mortelle des cobayes dans les mêmes conditions éxpérimentales. 4. Berlin klin. Wochenschr., 1892, p. 970. 2. Ibid., p. 1072. 412 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le sérum fourni par le sang du cordon d’un nouveau-né, issu d’une jeune femme de 19 ans qui n’avait jamais eu le cho- léra, injecté. à la dose de 1 c. c. dans le péritoine d’un cobaye, ne l'a pas empêché de succomber à l'infection par le vibrion déjà mentionné. Le plus grand nombre des expériences ont été faites avec du sérum sanguin de jeunes soldats, entrés à l'hôpital du Val-de- Grâce à la suite de différentes maladies autres que le choléra. D’après les renseignements qu'ils ont donnés, ils n’ont jamais eu le choléra. Le sang de cinq de ces jeunes gens n'a point mani- festé de propriété préventive, à des doses de 2 et même 2,5 c. c. de sérum. Par contre, trois autres ont fourni un sérum qui était préventif à la dose de 1,5 et même de 1 c. c. Si à ces 12 cas observés par moi on ajoute les 7 cas de MM. Klemperer et Lazarus, on obtiendra un total de 19 cas, parmi lesquels 9 ont manifesté un pouvoir prévenuf à des doses de 1 à 2 c. c. On peut en conclure que la moitié des Européens possèdent dans leur sérum sanguin des substances qui protègent les cobayes contre une infection mortelle. En portant la dose du sérum au delà de 2,5 c. c. (dose maxima qui ait été employée jusqu’à présent) on pourrait peut-être obtenir encore une plus forte pro- portion d'hommes possédant cette propriété préventive. Je déduis cette conclusion de ce fait que le sang de la poule présente aussi le même pouvoir préventif vis-à-vis du vibrion indien, mais le plus souvent à partir de 4 e. c. Des doses plus faibles n’exercent cette propriété qu'exceptionnellement. Faut-il conclure que la moitié des Européens soient naturel- lement réfractaires contre le choléra ? M. Klemperer n'hésite pas à répondre affirmativement. Pour lui, comme pour beaucoup d’autres savants, la propriété préventive du sang est fonction de l’immunité et peut mème servir de mesure à cette dernière. Lorsque le pouvoir préventif est manifeste, cela veut dire, d'après la théorie régnante, que l'organisme qui a fourni le sang transmet une partie de son immunité à l'organisme dans lequel ce sang (ou le sérum) est introduit. Bien que cette théorie soit très répandue, elle est tout aussi peu fondée que cette aulre, d’après laquelle la propriété préven- tive résiderait toujours dans un pouvoir antitoxique. On arrive de plus en plus à envisager celte propriété préventive du sang RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 413 comme une action stimulant la résistance de l'organisme. C’est ainsi que j'ai interprélé ce phénomène dans mon travail sur le hog-choléra. M. Stern partage le même avis pour la fièvre typhoïde, M. Sanarelli l’a adopté pour le vibrion de Gamaleïa, et MM. Pfeiffer et Wassermann viennent d'exprimer la même idée pour le choléra des cobayes. « L’immunisation par le sérum, —disentcesobservateurs({.c.,p.59)— doitêtreconçuecommeune réaction, une modification de l'organisme des cobayes produite par des substances spécifiques, encore inconnues, sous l'influence desquelles l’animal acquiert la propriété de se débarrasser plus rapidement des vibrions. » En d’autres termes, il s’agit ici d'une action stimulante sur l'appareil de la défense, c’est-à-dire en premier lieu sur le système phagocytaire. Dans ces conditions, il est tout naturel que le sang capable d’exciter la réaction dans un organisme étranger, puisse rester inactif dans le corps de l’ani- mal qui l'a fourni. En effet, il a été déjà constaté à plusieurs reprises qu'un organisme sensible peut fournir un sérum pré- ventif. Ce fait a été d’abord observé par M. E. Roux et moi! pour ce qui concerne le sang des rats par rapport à la bactéridie. Dans mon mémoire sur le hog-choléra, j'ai également signalé le cas où un lapin vacciné contre cette maladie a fourni un sérum pré- ventif, ce qui ne l’a pas empèché de succomber au microbe du hog-choléra. MM. Roux et Vaillard * ont recueilli un grand nombre de faits, prouvant qu'un animal ou un homme, qui pos- sèdent la propriété antitoxique vis-à-vis de la toxine du tétanos, peuvent mourir de cette maladie. Pour ce qui concerne la maladie des cobayes, provoquée par le bacille virgule, j'ai constaté à plu- sieurs reprises que les animaux vaccinés qui succombent à la dose minima de la toxine vibrionienne, ou même quelquefois au virus, fournissent des humeurs (sérum sanguin et liquide de l’exsudat) douées d’une propriété préventive très accusée. Je communiquerai les détails de ces expériences dans un de mes prochains mémoires. 4. Annales de l’Institut Pasteur, 189, p. 479. 2. Ibid., 1893, p. 65. A4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TT PROPRIËTÉ PRÉVENTIVE DU SANG DES PERSONNES ATTEINTES DE CHOLÉRA (Appendice II) Il n’est pas facile de retirer beaucoup de sang aux personnes atteintes de choléra plus ou moins grave. Aussi je ne me suis décidé à entreprendre ces recherches qu'après m'être assuré que des quantités infimes de sang suffisent déjà pour manifester la propriété préventive. Grâce à l’obligeance de plusieurs méde- cins, notamment de MM. les docteurs Netter, à Paris, Waduet, à Lorient, et MM. Marandon de Montvel et Fevré à Ville-Evrard, j'ai pu me procurer un certain nombre d'échantillons de sang de cholériques. J'en ai recueilli plusieurs lors de mon séjour à Lorient. Dans la majorité des cas, il fallait se contenter de quelques gouttes de sang qu’on pouvait aspirer dans un tube de verre slérilisé, après avoir fait une piqüre ou une.incision au bras ou au doigt. Avec du bouillon stérilisé, on délayait le sang accolé aux parois du tube et on injectait ce mélange dans le péritoine des cobayes. J'ai expérimenté avec le sang de vingt-deux personnes malades du choléra; parmi elles, quelques unes étaient atteintes légèrement; mais la majorité présentaient une maladie grave. Le lendemain de l'injection du sang dans le péritoine des cobayes, je faisais l'épreuve avec une dose mortelle du vibrion indien (mentionné dans le précédent chapitre), injectée dans le même endroit. Des cobayes neufs servaient de témoins et fournissaient la preuve de la virulence du microbe. Malgré la faible quantité de sang injecté, la propriété préven- tive a été manifeste dans dix cas sur vingt-deux, c’est-à-dire dans 45 0/0 des malades. Je n’ai pas pu constater un rapport quelconque entre la bénignité de la maladie et l'intensité de la propriété préventive. À côté de cas moriels qui fournissaient cependant un sang préventif, il y en avail d’autres où les malades guéris- saient sans que leur sang ait présenté le pouvoir de prévenir la maladie chez les cobayes. Ainsi, dans un cas, à Lorient *, le sang {. Mie C., 15 ans, tombe malade le 28 novembre 1892. Elle n’a d’abord que la diarrhée, mais le lendemain se déclare une attaque de choléra grave. Facies cho- lérique. Vomissements, crampes, selles typiques. Guérison. LE NU LS TRS DR nn ge RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 15 retiré le troisième jour de la maladie, n’a pas empèché un cobaye de mourir du vibrion indien; cependant, la malade s’est rétablie. Dans un autre cas !, observé aussi à Lorient, quelques gouttes de sang, retirées le lendemain du début du choléra, ont préservé un cobaye contre une dose sûrement mortelle du mème vibrion ; toutefois, le malade est mort en 72 heures. Chez ces deux malades, j'ai pu constater la présence de bacilles virgules dans les déjections. Parmi les cas de choléra sans propriété préventive du sang, les plus remarquables sont sûrement ceux que j'ai pu observer, grâce à l’obligeance de M. Netter, dans son service au bastion 36, à Paris. Il s’agit de deux malades, atteints d’un choléra grave au commencement de décembre 1892, qui s’est terminé par la guérison. Les bacilles virgules ont été isolés des déjections par M. le Prof. Netter. La saignée a été pratiquée le troisième jour après le début de la maladie. Des quantités de sérum de 0,5 à 1,5 ce. c. n'ont pas préservé les cobayes, inoculés avec le vibrion indien. [l est à noter que, dans cette expérience, sur deux cobayes témoins, un a résisté à la même dose du virus que les cobayes traités par le sérum. L'absence de la propriélé pré- ventive a été donc bien démontrée dans ces deux cas. Nous reviendrons sur l’un d'eux dans notre chapitre sur le sang des personnes guéries. Les cas où, malgré un choléra mortel, le sang des malades manifeste une propriété préventive très accusée, ne servent qu'à confirmer le résultat du précédent chapitre, à savoir que cette propriélé préventive ne peut nullement servir à mesurer limmunité. IV PROPRIÉTÉ PRÉVENTIVE DU SANG DES PERSONNES MORTES DU CHOLÉRA Ce sujet a été déjà traité dans une étude très intéressante de M. Botkin, à Saint-Pétersbourg'. Les recherches sur le pou- 2, M. G..., 45 ans, entre le 145 mars à l'hôpital de Lorient avec tous les signes du choléra algide. Crampes, vomissements, anurie, selles riziformes. Mort le 17 mars. 1. Sur la pathologie du choléra, dans la Gazette clinique de Botkin, novembre 1892 (en russe). 416 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. voir préventif du sang retiré après la mort des cholériques lui ont montré que cette propriété s'établit bientôt après le début de la maladie. Ce n'est que dans deux cas sur douze, où la mort est survenue en 24 heures (à peu près), que le sérum sanguin était toxique pour le cobaye. Dans la grande majorité des cas, par contre, il était préventif contre le bacille virgule, et cela même à partir de 0,5 c. e. Il va sans dire que dans les cas où la mort est survenue tardivement dans l’état typhoïde, le sérum sanguin était toujours préventif pour le cobaye. M. Botkin déduit de ses expériences que Ia mort des cholériques n'est que très rarement causée par la toxine du vibrion de Koch; dans la grande majorité des cas, l'organisme acquiert une immunité vis-à-vis de ce microbe et ne succombe que par le fait d’autres causes, non déterminées. Ici encore la déduction repose sur ce principe que la propriété préventive du sang est nécessairement liée à l’immunité, ce qui ne peut nulle- ment être accepté. Nos propres recherches ont été failes sur dix personnes mortes du choléra dans les services de M. le Prof. Netter, à Paris, et de M. le D'Fevré, à Ville-Evrard. Nous exprimons ici à ces messieurs toute notre gratitude pour leur obligeant concours. Comme chez des personnes non cholériques ou en cours du choléra, la moitié des morts de cette maladie nous ont fourni un sang préventif. Sur dix cas, cinq ont fourni un sérum sanguin préventif v. Appendice LIT). Dans l'exemple du choléra le plus foudroyant que nous ayons pu étudier (celui de la veuve D..., une maniaque de l’asile de Ville-Evrard, morte neuf heures après le début de la maladie ‘), 2 c. ce. de sérum sanguin n'ont manifesté aucune propriété préventive. Dans un autre cas (M°° A.), survenu dans le même asile, cas où la mort est sur- venue en 28 heures, le sérum sanguin était préventif à partir de D:5ic20c: Quelquefois, malgré la durée beaucoup plus longue de la maladie, le sang n’a pas présenté de propriété préventive. M.F.., mort dans le service de M. Netter (qui a trouvé de nom- breux bacilles virgules dans les selles) dix jours après le début de la maladie, a fourni après sa mort un sérum sanguin, dont {. Les selles nous ont donné une culture pure du bacille virgule. T° RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 117 1,5 ce. ce. n’ont pas préservé les cobayes contre le vibrion typique de moyenne virulence. Cette irrégularité dans la propriété préventive du sang, que nous avons notée chez les malades cholériques, s’est donc retrouvée à l'examen du sang reliré après la mort. NI PROPRIÉTÉ PRÉVENTIVE DES PERSONNES GUÉRIES DU CHOLÉRA Le plus grand nombre des travaux qui ont été faits sur la propriété préventive du sang vis-à-vis du bacille virgule, se rapporte précisément à des personnes qui ont subi une attaque de choléra. C’est M. Lazarus! qui le premier a fourni des rensei- gnements sur ce sujet. Dans trois cas de choléra, traités à l'hôpital de Moabit, à Berlin, le sérum retiré quelque temps après la guérison présentait un pouvoir préservateur extraordinaire : un décimilligramme de sérum sanguin suffisait déjà pour empêcher la mort des cobayes, inoculés avec le bacille virgule. M. Klemperer * a trouvé que le pouvoir préventif du sérum de deux personnes guéries du choléra, auxquelles il a retiré du sang, était beaucoup plus faible que dans les cas de M. Lazarus. Le sérum de l’une était préventif à la dose de 0“",01, celui de l’autre à la dose de 0,5 c. c. M. Klemperer explique cette différence par la circonstance que ses malades avaient eu un choléra beaucoup plus bénin que ceux de M. Lazarus. Tout récemment M. Wassermann * a publié les résultats de ses recherches sur la propriété préventive du sang dans un cas de guérison. Il s’agit d’un choléra peu grave survenu à Berlin eu octobre 1892 *. Deux jours après la guérison, le sang était si peu préventif que même une dose de 10 c. c. de sérum n’a pu sauver un cobaye inoculé avec le bacille virgule. Un mois plus tard, le sang a acquis la propriété préventive au même degré que dans les expériences de M. Lazarus. Une troisième saignée, pratiquée 54 jours après l'entrée en convalescence, a fourni un 4. Berlin. klin. Woch., 1892, p. 1072. 2. Ibid., 1267. 8. Zeilschr.f. Hyg., 1893, t. XIV, p. #2. 4. Deutsche med. Woch., 1892, p. 927 (Kossel et Beck). 418 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sérum préventif à la dose de un centimilligramme. Cet exemple prouve d’un côté que la guérison peut se faire tout à fait indépendamment de la propriété préventive vis-à-vis du ba- cille virgule, et de l’autre qu’un choléra bénin n'empêche nullement le sang d'acquérir cette propriété à un très haut degré. Les six cas étudiés par les auteurs cités démontrent déjà une grande variabilité dans ce pouvoir préventif du sang chez les personnes guéries du choléra. Mes propres expériences confirment cette conclusion de la facon la plus claire. Elles s'étendent sur 24 cas, que je dois surtout à l’obligeance de MM. les docteurs Lesage, Gaillard, Babinsky, Netter et Fevré. Ce sont notamment les 12 cas de M. Lesage et 1 cas de M. Netter qui présentent le plus grand intérêt, car ils sont appuyés sur des recherches bactériologiques. Parmi les personnes qui ont manifesté le plus fort pouvoir préventif, il faut citer M. H...,quia subi une attaque de choléra du 9 au 16 septembre 1892 à l'hôpital Saint-Antoine. Le choléra était de force moyenne, mais les déjections contenaient une quantité énorme de bacilles virgules. Le sang retiré 72 jours après le début de la maladie a fourni un sérum préservatif à la dose de un milligramme. Mais, à côté de ce cas et d’autres, où le sang s’est montré moins actif, il faut citer des exemples inverses où le sang n’a pas eu de propriété préventive ou ne l’a manifestée qu’en faible proportion. Une vieille femme,M"°P...(71 ans), qui a subi une forte attaque de choléra du 31 août au 6 septembre 1892, et qui a dù être transfusée, a fourni un sérum (sang retiré 81 jours après le début de la maladie), dont 0,25; 0,5; 1; 1,5, et même 2 c. c. ont été incapables de protéger les cobayes contre la dose mortelle minima des bacilles virgules. Et cependant les déjections de cette personne renfermaient de nombreux vibrions de Koch. Chez une autre femme dont le sang m'a été fourni par M. Lesage, la propriété préventive du sérum ne s’est manifestée qu'à partir de 1,5 e. e. La saignée a été pratiquée soixante-quatre jours après le début du choléra, et, malgré sa gravité moyenne, les selles étaient d’une richesse extraordinaire en bacilles vir- gules. Chez une troisième personne, qui ne rendait avec ses déjections que peu de virgules, 0,75 de sérum sanguin n’ont pas préservé un cobaye, tandis qu’un autre, traité avec 2 c. c. de lait RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 119 de la même femme, a résisté à une dose moyenne! du vibrion de Koch. Je citerai encore le malade de M. Netter, qui a déjà été mentionné dans le chapitre Il comme n'ayant pas la propriété préventive dans le cours de son choléra. Saigné une seconde fois plus de trois semaines après Le début de la maladie, il a fourni un sang, incapable de protéger des cobayes même à la dose de 1,5 c. c. Si on se souvient que des quantités bien moindres (lc. c. et mème 0,75) du sérum de personnes qui n’ont jamais eu le choléra suffisent souvent à prévenir la mort des cobayes, on sera étonné de voir le sang de certains individus guéris dépourvu de la propriété préventive à des doses de 1,5 et 2 c. c. Certaines personnes qui ont eu le choléra fournissent un sérum dont la propriété préventive est si élevée qu'il était naturel de croire que cette propriété existe chez tous les cholé- riques guéris. Or, sur 24 cas de choléra, nous l’avons trouvée seulement 14 fois, c’est-à-dire dans 58 0/0 des cas. Par contre, nous l’avons constatée à peu près dans la même proportion, 50 0/0, soit chez des personnes qui n’ont pas eu le choléra, soit chez des personnes qui ont succombé à cette maladie. IV RÉSUMÉ Lorsque j'ai entrepris ce travail sur la propriété préventive du sang des cholériques, j'avais l'espérance que cette recherche pourrait éclairer le rôle du bacille virgule dans le choléra, rôle qui est encore si loin d’être élucidé. Après les premiers résultats positifs, obtenus sur cette pro- priété préventive, M. Klemperer en a tiré la conelusion qu'ils « fournissaient une preuve irréfutable du rapport éuologique et spécifique du bacille virgule de Koch avec le choléra asiatique » (B. kl. Woch., 1892, n° 50). Même en se plaçant à ce point de vue, à savoir, que l'établissement dans le cours d’une maladie d'un pouvoir préventif du sang vis-à-vis d’un microbe donné, prouve l’action spécifique de ce dernier, on doit reconnaitre que les faits communiqués plus haut atténuent notablement la déduction de M. Klemperer. Mais il n’est nullement prouvé que 420 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les bactéries qui occasionnent la maladie soient seules capables de produire la propriété préventive du sang. Il est très probable que les microbes qui végètent paisiblement dans l'organisme possèdent également cette fonction. Aussi pourrait-on expliquer la propriété préventive du sang des personnes non atteintes du choléra par l’action des vibrions si nombreux dans les organes digestifs de l’homme sain. D'un autre côté, les recherches multiples sur la propriété préventive du sang ont démontré de plus en plus que le rapport étroit que l’on croyait exister entre cette propriété et l’immu- nité n'existe pas en réalité. Les faits, sommairement rapportés dans ce mémoire, fournissent une nouvelle preuve de ce que le sang peut être préventif sans que l'organisme soit réfractaire. : La recherche que j’ai entreprise ne peut donc pas résoudre le problème que je me suis posé. Elle démontre que le but ne peut être atteint que par d’autres voies. Et cependant je n'ai pas hésité à publier les faits que j'ai pu réunir, car, dès que le problème du bacille virgule sera définitivement résolu, ils pour- ront facilement être utilisés. Même actuellement, dans l’état d'indécision où nous sommes, ils peuvent nous fournir des indications précieuses. Ainsi, dans la question des vaccinations préventives, il est très important d'avoir un point d'appui pour reconnaître la méthode qui est la meilleure. M. Klemperer, dont les idées ont été souvent exposées dans ce mémoire, croit indispen- sable d'atteindre, à l’aide d'injections vaccinales, le plus haut degré de propriété préventive du sang qui ait été observé chez l’homme guéri du choléra. Tous les moyens qu'il a employés étant impuissants à produire ce résultat, M. Klemperer voit de très grandes difficultés sur son chemin. Les faits que j'ai exposés doivent le rassurer. Il n’est point nécessaire, même pour guérir d’un choléra grave, de réaliser la propriété préven- tive du sang vis-à-vis du bacille virgule. Dans les essais qui pourront être entrepris sur la vaccination de l’homme, il ne faut donc nullement tenir compte de cette fonction, et il ne faut pas s'arrêter devant l'emploi de virus, malgré le peu de pouvoir préventif qu'ils confèrent. De nos recherches sur la propriété préventive du sang chez 08 personnes, il résulte que ce pouvoir — vis-à-vis du vibrion typique “ LE sÂc SES RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 421 d'origine indienne — est extrémement variable. I existe presque chez la moitié des hommes qui n'ont pas eu le choléra, et dans 58 070 des personnes qui en ont subi l'attaque. Presque la moitié des malades cholériques et la moitié des individus morts de cette affection présen- tent également la propriété préventive du sang. La guérison peut se faire sans que cette propriété s’établisse. APPENDICE I ACTION DU SANG DES PERSONNES QUI N'ONT PAS EU LE CHOLÉRA N. Dr C. (bien portant) . Dr W. (bien portant) Dr A. (bien portant) . Soldat (pneumonie) . Id. (urémie) . Id. (bronchopneumonie) © © co 1 OH Co NO 11. Id. (hémiplégie) 12. Nouveau-né. Quantité de sérum employé en c. €. 0,75 1.25 APPENDICE II ACTION Moment de la saignée après k début. 4. M. D. (lypémanie aiguë) 3 jours 2. Enfant L. — 48 heures 3. Mme V., — 8 jour° 4. Mue C, —_ 4 jours 5. M. L.N. — 22 heures 6. Mlle M. C. — 2 jours 7. Mlle L. C. (diarrhée) > jours 8. Mme B. (dégénér. ment.) 6 jours 9. Mme B. de Lorient, — 5 heures 10. M. L. B. — — 5 jours 44:-M. Mu. — — 5 jours 12, M. M. — — 4 jours 43. Mnue K. — _ 48 heures 14. M.B. (manie aiguë) 3 jours 49: N. de Bruxelles, — 16. N. de Lorient, — 2 heures 17. M. Ph. désinfecteur, Lorient, 148. M. G. — = A9 MT. — = 20, Mlle L. — — lendemain PAM — _— 4 jours 22, M. A. — —— 6 jours lendemain 1,5 €. c. lendemain qq. gouttes Jendemain qq. gouttes Quantité de sang. qq. gouttes | cc de lue) qq. gouttes 3 gouttes 1 goutte 2 gouttes O2NC-rC- 3 gouttes 9 q- q- gouttes 0,25 sérum 0,75 sérum qq. gouttes sérum qq. gouttes qq. gouttes qq. goulles Pro- priété préventive. Issue de la maladie. guérison guérison guérison mort mort guérison guérison mort mort guérison guérison mort. guérison guérison mort en 72 h. mort guérison guérison mort. Prévention existante ou non, DU SANG DES PERSONNES ATTEINTES DE CHOLÉRA Résultat de l'examen bactériologique. Bac. virg. Bac. virg. Bac. virg. Bac. virg. B. coli seul. Beaucoup B. v. Nombreux B. v. B. v. (Dr Netter). B. v. (Dr Netter). Bac. virg. Bac. virg. Point de B. v. 422 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. APPENDICE [II ACTION DU SÉRUM SANGUIN DES PERSONNES MORTES DU CHOLÉRA No Durée de la Quantité du Résultat. Bacilles virgules. d'ordre. maladie. Sérum en C. €. 4. Mlle P. 0,75 4 Constatés par M, Netter. DANCE 10 jours 1,5 — Nombreux (par Netter). 3. Vve B. (maniaque) 48 heures 2,0 = Masse, 4. Ve D. (maniaque) 9 heures 2,0 _ Masse. 5. Mne À. (lypémanie) 16 heures 0,5 _ , 6. M.L. — 34 heures 1,5 — Constatés par M. Netter. 7. Mme D. — 8 jours 0,5 2 8. Mue KR. — 53 heures 0,5 + 9. Vre M. — 48 heures 1,00 _ Constatés par M. Netter. 10. Mme T. — 10 jours 2029 +- Beaucoup (M. Netter.) Comme avec le sérum de chaque cas il a été fait plusieurs expériences, je ne donne que la dose maximale dans les cas négatifs et la dose minimale dans les cas positifs. APPENDICE IV No Moment de la saignée Quantité de sang où Résultat. Bacilles virgules. d'ordre. après le début de de sérum en c.c. la maladie. APN UD: 49 jours 1,0 + 2 MST 20 jours 0,5 — 3. M: C:. 17 jours 1,0 Cie 4. Mme X. 9 jours 0,33 = 5. Mne T. 0,5 4. 6 MUC: 16 jours 1,0 — T. MW: 14 jours 0,75 — 8. Mlle K. 65 jours 0,2 + Nombreux (Dr Lesage). 9. Mne R. 67 jours 0,125 — Nombreux (Dr Lesage). 10. Mme M, 56 jours 1,5 + Masse (Dr Lesage). 44. M: C:. 56 jours 1,5 + Pas de bac. virg. (Dr Lesage). 49M:H: 73 jours 0,001 + Masse (Dr Lesage). 43. M. M. S4 jours 455 +- Peu (Dr Lesage). 14. Mne P. 83 jours 2,0 — Nombreux (Dr Lesage). 45. Mne L. 80 jours 0,25 — Abondants (Dr Lesage). 46. Vve M. 9 jours -qq. gouttes de sang. + 17. Mmes, 75 jours ee fe | el sf 1 me _ inefficaces . 2 EI A PE 122 RP OC ES A Pas de cautérisation. . . 31 » | » | 50! » areas Morsures aux mem- ( simples... LOTS UNES VENUE REC AN RENE er Ven » bres et au tronc multiples . . | | » |15| »|16\ Cautérisations efficaces . . EE 2 ENS En RE On D D TS QE me — inefficaces à : | »| » » 1| > » 9! » Pas Ve CHUÉRISANON RS Re EE OT DEAR PET) EQUS HabLiSedE Rires PRE RE AE 06 les » |22! » |» M'OTSUTES MEN FN SERRE En 81 » | » | Gi» |» Morsures multiples en divers points du CORPS NES TE NCRE TR PONOON LE PE SI Cautérisations efficaces CPE NA RE LS Cr SRE CESR LS EE ESA QU SR — INEfRCACEST AN LR M ne A Eee QUES BAS OR CUULÉMISAUONR More Man NE Es A9 Ro EE FLGDLES OPCALTOS RER ER RTE | | pl ls OR EE 5 { Français et Algériens. 6) 101 51) Dora l Hiranocte fe d. ARR SE » À 6 2 103 2 \53 | | . B C TT mm TOTALGENERAL 0 SE TERRE MP TO Les animaux mordeurs ontété : chiens, 153 fois ; chats, 9 fois Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire ct Cie. NI. POS ET NS late ts dal t did etes ana eh rétine tn À 7m0 ANNÉE JUIN 1893. N° 6. ANNALES DE ANS EUR PASSER LA DÉSINFECTION DES LOCAUX Par MM. CH. CHAMBERLAND £r E. FERNBACH. IL — HISTORIQUE Les travaux de M. Pasteur et de ses élèves ont établi que Les maladies contagieuses sont produites par des microbes qui se développent et se multiplient dans le corps. Ces mêmes travaux ont établi que ces microbes ne naissent pas spontanément; ils viennent toujours de l'extérieur el pénètrent en nous, soit par des plaies ou des déchirures de la peau, soit par les organes de la respiration et de la digestion. Les maladies contagieuses, qui font chaque année tant de victimes, sont donc des maladies évitables, Il suffit d'empêcher les germes de pénétrer en nous. Toute la grande hygiène est là. Pendant longtemps on a admis que ces germes existaient dans l’air. Cette idée était peu faite pour inspirer des mesures sérieuses de préservation. Nous vivions dans une atmosphère chargée de germes; les vents les transportaient à des distances plus ou moins grandes et on les respirait à son insu. Que faire pour les éviter? C'était pour ainsi dire impossible. Aussi supissait-on les épidémies avec une sorte de fatalisme, se con- tentant parfois d'allumer de grands feux pour purifier l'air, ou de répandre des odeurs dans les appartements. 34 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Mais, en serrant la question de plus près, en examinant attentivement les cas de contagion de diverses maladies, en cherchant expérimentalement à provoquer la contagion au moyen de germes répandus à dessein dans l'air, on s’aperçut bien vite que ce mode de contagion n'existait pas ou du moins élait tout à fait exceptionnel. En 1887, l’un de nous, dans une conférence faite à Rouen et publiée dans la Revue scientifique’, donnait les raisons qui militaient contre cette hypothèse de la transmission des maladies par les germes répandus dans l'air. Aujourd'hui la conviction est faite, et on peut dire que la doctrine de la contagion par l'air a vécu. L'eau, nos aliments, le contact direct des objets souillés : telles sont les causes vraies de la contagion. Le filtre imaginé par l’un de nous permet, en prenant les précautions convenables, de se procurer partout de l’eau pure. La cause de danger provenant de nos aliments peut ètre facile- ment évitée en s’astreignant à ne manger, surtout en temps d'épidémie, que des aliments euits. Reste la contagion directe, c'est-à-dire le contact avec le malade, avec les linges et autres objets souillés par lui. Dans la chambre d’un malade, on peut dire que tous les objets qui s’y trouvent, ainsi que les murs et le parquet, sont souillés, ou du moins sont susceptibles de l'être. C'est là qu'il faut détruire les germes. Tout ce qui peut être transporté et subir l’action d’une température élevée est passé par l’étuve de MM. Geneste et Herscher. Ces étuves, construites sur le modèle de l’autoclave Chamberland, qui est si répandu dans les laboratoires, rendent les plus grands services. Mais il reste tous les objets qui ne peuvent être chauffés, ou qu’on ne peut transporter à l'étuve. Ce sont ceux-là qu'il faut désinfecter au moyen de substances chimiques ayant la propriété de détruire les microbes et leurs germes. Si ce problème était résolu, on pourrait dire que la prophylaxie des maladies contagieuses serait complète. Ce problème, extrèmement compliqué, a été abordé par un grand nombre de savants. Nous l’avons abordé à notre tour depuis plusieurs années déjà. Ce sont nos expériences que nous faisons connaître dans ce Mémoire. Une première question se pose. Jusqu'où doit s'étendre 1. Les divers modes de la contagion, par Cu. CHaMBERLAN». ET SET PS EP ee Det an DU EU DO POP RE ER ORET î ’ PLUS DUO CRETE sd doiehe y be ET CR RAR LT LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 139 l’action, sur les microorganismes, d’un moyen de désinfection ? Il est évident qu'on ne peut accorder aucune confiance à un moyen de désinfection qui empèche seulement le développement des microbes : un désinfectant n’est sûr qu'à la condition de tuer les microbes adultes et leurs germes. S'il ne tue en eflet que les microbes adultes, s’il respecte les spores qui sont les formes de résistance, le désinfectant ne peut être employé que contre des maladies dont les microbes n'ont pas de spores. Bien que les spores des microbes de la plupart des maladies infectieuses soient encore inconnues, nous ne pouvons affirmer que ces spores n'existent pas. Il est donc légitime d’exiger d'un moyen de de désinfection qu'il tue les spores aussi bien que les formes adultes. Mais sur quelles spores faudra-t-1l essayer l’action du désin- fectant? La plupart des essais de désinfection ont porté sur les spores de la bactéridie charbonneuse qui, en général, résistent à ia température de 95 à 98°, mais sont tuées à la température de l’eau bouillante. Il est peut-être téméraire d’aftirmer qu'un désinfectant qui tue les spores du charbon tuera aussi les spores des autres microbes pathogènes. Celles du télanos, en particu- lier, résistent, d’après M. le D' Vaillard, 3 à 4 minutes à la température de l’ébullition. Les spores, encore inconnues, de certaines maladies infectieuses sont peut-être tout aussi résistantes, peut-ètre même davantage. Il importe donc d'essayer l’action du désinfectant sur des spores très résistantes, comme celles qui sont contenues dans la terre de jardin, en particulier celles du bacillus subtiles. Des expériences ainsi conduites ont montré que les moyens ordinaires de désinfection agissent peu sur les spores. Ou bien le temps nécessaire pour tuer les spores est très long, ce qui est incompatible avec les exigences de la désinfection, ou bien on est conduit à exagérer les proportions du désinfectant, ce qui n’est pas toujours sans danger. Aussi a-t-on bientôt cherché à rendre les désinfectants plus actifs, en combinant leur action avec celle de la chaleur. Nous allons passer rapidement en revue les principaux travaux exécutés duns ce sens, puis nous analy- serons les travaux publiés sur le chlorure de chaux et leau oxygénée, qui sont les désinfectants auquels nous nous sommes arrêtés. 436 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. CHALEUR. Koch : est le premier qui ait signalé le secours que la cha- leur peu! apporter aux désinfectants chimiques. Des vapeurs d'acide phénique agissant 45 jours à 20° sur de la terre conte- nant des spores de microorganismes ne diminuèrent en rien la vitalité de ces spores. Au contraire, les mêmes vapeurs agissant 3 heures à 55° diminuèrent beaucoup le nombre des colonies; 2 heures à 75° ne laissèrent plus que quelques spores vivantes. Le sulfure de carbone n’agit pas du tout à 20°: à 80°, en2 heures, ses vapeurs tuent tous les germes du sol. Ienle * trouve que l’action désinfectante de la créoline, du sublimé, de l'acide phénique, croît avec la température. Nocht ° constate que les solutions de savon phéniqué sont plus actives à chaud qu'à froid. Remouchamps et Sugg ‘ trouvent que des morceaux de linge et de couvertures, souillés par des matières fécales typhiques ou cholériques, sont rendus totalement stériles par l'acide phénique, la créoline, le lysol, par un séjour de 2 heures dans les solutions froides à 1 0/0, tandis que les solutions chaudes (50°) les stéri- lisent complètement après un séjour de 30 minutes. Behring * tue à 37° les microbes du choléra et de la fièvre typhoïde, avec des solutions de sublimé qui ne les tuent pas à 5°. Hammer ° fait remarquer que l’action des solutions de crésol, dans le métacrésotate de soude, est beaucoup plus énergique sur les spores du charbon à 33° qu'à 8° ou 10°. À 55°, les spores charbonneuses sont tuées en 5 minutes par des solutions de crésol à 10 ou 20 0/0. Le travail le plus complet sur l’action combinée de la cha- leur et des désinfectants est celui de Heïder ‘. Cet auteur a fait 4. Ueber Desinfection. Müth. a. d. Kais. Gesundheitsamte, t. Ier, 4881. 2, Arch. f. Hyg., t. IX, p. 188, 1883. 3. Zeitschrift f. Hyg., t. VII, 1889. a phénique, la créoline et le lysol. (Mouvement hygicnique. Bruxelles, 5. Ueber Desinfection, Desinfectionsmittel, etc. (Zeitschrift f. Hygiene, t. IX, p.395, 1890. 6. Ueber die desinficirende Wirkung der Kresolen, etc. (Archiv, f. Hygiene, 1891.) | 7. Ueber die Wirksamkeit der Desinfectionsmittel bei erhôhter Temperatur. (Centralbl. f. Buct., t. IX, 1891, et Archiv. f. Hygiene, 1892.) LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 137 agir les désinfectants sur des spores charbonneuses, en se ser- vant de la méthode des suspensions. L’acide phénique à 5 0/0 tue ces spores à 15° en 30 à 40 jours, et en 1 heure à 2 heures à 550; en 3 à 15 minutes à 75°, L'acide phénylsulfurique (à poids égaux) à 5 0/0 tue les mêmes spores en 30 minutes à 50°, en 1 minute à 75°. Enfin le mélange crésolsulfurique (poids égaux) à 5 0/0 tue ces spores à 55° en » minutes. De ces trois corps acides, c’est donc le dernier qui est le plus actif. L’acide sulfu- rique seul est peu actif sur les spores. La dilution à 10 0/0. à 15°, ne tue pas en 10 heures ; les dilutions à 10 0/0, 5 0/0, 3 0/0, à 559, tuent en 1 heure, 3 heures, 7 heures. L'activité des corps neutres ou alcalins est aussi accrue par une élévation de température; ils sont d’ailleurs bien moins actifs que les corps acides. L'action favorable d'une élévation de température semble donc bien prouvée par tous ces travaux. CHLORURE DE CHAUX, La première application du chlorure de chaux à la désinfec- tion a été faite par Semmelweiss, qui fit disparaître, par la désinfection des mains des élèves sages-femmes à l’aide du chlorure de chaux, les épidémies de fièvre puerpérale qui déci- maient la Maternité de Vienne. Koch *, dans son travail sur la désinfection, a essayé l’action d’une solution filtrée à 5 0/0 de chlorure de chaux, sur des spores de charbon, séchées sur fil de soie; elles ont résisté 2 jours; au bout de 5 jours, elles étaient tuées. Nous ne pouvons nous expli- quer ce résultat ; peut-être le chlorure de chaux employé par Koch n’était-il pas assez riche en chlore. Woronzoff, Winogradoff et Kolessnikoff * trouvent au con- traire qu’une solution à 5 0/0 de chlorure de chaux tue en une minute les bacilles et les spores du charbon, à l’état sec ou humide. Une solution à 2,5 0/0 reste sans effet sur les spores séchées sur fils de verre (temps d'action : { minute). Une solution 1. Ueber Desinfection. (Mitth. a. d. Kais. Gesundheilsamte, t. Ier, 1881.) 2, De l'influence de différents désinfectants sur le contage du charbon. (Russ- kaia Medicina, 1886.) 438 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. à 5 0/0 mêlée à parties égales avec du sang charbonneux frais le désinfecte en 10 minutes. Ces résultats sont très satisfaisants. Sternberg ! trouve au chlorure de chaux une activité encore plus grande; une solution filtrée à 1 0/0 de chlorure de chaux tue les spores du charbon en [ à 2 minutes. Martens ?, essayant l’action de différents antiseptiques sur les microbes du pus, trouve que l’eau de Javel à 41/1000 les tue en 45 secondes, le chlorure de chaux à 1/100 en 14 secondes, et le bichlorure de mercure à 1/1000 en 15 secondes (ce dernier en milieu non albumineux). Jaeger * a essayé l’action de la pâte de chlorure de chaux (solution non fillrée) sur différents microbes. Les concentrations des différentes pâtes étaient 1/100, 1/10, 1/5, 1/3 et 1/2, et le temps d'action sur les microbes desséchés sur fils de soie de 1 minute. La preuve était faite par inoculation aux animaux. La pâle à 1/100 a tué le choléra des poules, le rouget du porc et les bacilles du charbon. Les spores du charbon ont été tuées par la pâte à 1/3. Les résultats ont été nets avec des cultures de tuberculose, du moins avec la pâte à 1/3, car, avec la pâle à 1/5, sur deux animaux mis en expérience, un seulement est resté indemne. Il en a été de même en faisant agir la pâte à 1/2 sur des crachats tuberculeux. Sur le bacille de la morve (pus d’un abcès), la pâte à 1/2 à, dans un premier essai, donné un bon résultat, dans un deuxième, un mauvais ; les pâtes à 1/3 et 1/10 ont donné de bons résultats ({ seul essai pour chaque). Il est regrettable que Jaeger n'ait pas essayé sur les spores du charbon, les bacilles de la tuber- culose et de la morve, l’action de la pâte à 1/100; il aurait con- trôlé les résultats de Woronzolf et de Sternberg, et aurait sans doute vu la pâte à 1/100 agir plus efficacement que les pâtes à . 110, 1/3, 1/2. Néanmoins on peut, d’après ces essais, conclure avec Jaeger que le chlorure de chaux doit prendre une des pre- mières places parmi les désinfectants: le temps d’action est en effet excessivement court (1 minute). 1. Desinfection and Desinfectants. (Preliminary Report made by the commitlee of desinfectants of the Amer. publ. Health Assoc. Philad. ined. News, t. Ier, 4886.) 2. Beiträige zur Kentuiss der Antiseptica Vérchows Archiv. L. II, 1888. 5. Untersuchungen ueber die Wirksamkeit verschiedener chemischer Desinfec- tionsmittel bei Kurz audauernder Einwirkung auf Infectiousstoffe. (Arbeiten aus dem Kais. Gesundtheitsamte, t. V, 1859.) TOMATE ENT ER a Lee LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 139 Nous ferons cependant observer que le temps d’action est en réalité beaucoup plus long, car les fils de soie, après avoir été trempés, sont séchés un jour avant d'être inoculés aux animaux. Chantemesse et Richard' ont fait quelques essais sur la désinfection de selles typhiques et dysentériques au moyen du chlorure de chaux, en comparant son action à celle d’un lait de chaux. 1 c. ce. de lait de chaux à 20 0/0. ajouté à 50 c. c. de selles typhiques ou dysentériques, les a désinfectées en une demi-heure, tandis que 1 c. c. de chlorure de chaux à 5 0/0, ajouté à 50 c. ce. des mêmes selles, ne les désinfectait pas en 1 heure. Nous ferons remarquer que les proportions du désinfectant sont ainsi réduites à 4 0/0 pour la chaux, à 4 0/0 pour le chlo- rure de chaux, de sorte que les essais ne sont pas compa- rables ; la proportion de chlorure de chaux est trop faible. Nissen * a repris le travail de Jaeger. Il trouve d'abord que le chlorure de chaux tue rapidement et à de faibles concentrations la plupart des microbes sans spores. Le bacille typhique meurt en 5 minutes, lorsque le bouillon de culture contient plus de Oz,12 0/0 de ce sel; le microbe du choléra succombe à la même dose en 4 minute à 5 minutes; le charbon bactéridien, le staphylo- coccus pyogenes aureus ne résistent pas plus de 1 minute à des doses de 0:",1 et 05,2 0/0. Nissen a étudié aussi l’action de l’acide chlorhydrique qui développe du chlore à l’état naissant dans le chlorure ; l'addition de cet acide, dans la proportion de 1, 2, 3 et 5 0/0, active beau- coup l’action du chlorure sur les spores du charbon. Des essais parallèles montrent que, le chlorure seul tuant les spcres en 30 minutes, le chlorure additionné d'acide chlorhydrique 5 0/0 les a tuées en 5 minutes (50/0 d'acide chlorhydrique seul ne tue d'ailleurs qu'au bout de 40 minutes). Étudiant l’action antiseptique du chlorure de chaux, Nissen trouve qu'elle est absolument nulle en ce sens que, dans un bouillon, on peut ajouter du chlorure de chaux jusqu'à la dose qui tue, sans observer aucune entrave au développement. . Enfin l’auteur a montré avec des selles typhiques, préalable- ment stérilisées pour tuer les saprophyles, puis réensemencées, 1. Désinfection des matières fécales au moyen du lait de chaux (Annales d'Hygiene publique, 1889). 2. Uber die disinficirende Eigenschaft des Chlorkalkes (Zeitschr. f. Hygiene, 1890). # 440 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. x qu'en mêlant à ces selles 0,5 à 1 gramme de chlorure de chaux en poudre pour 100 c. c. de liquide, on arrive à les stériliser en 10 minutes dans tous les cas, même si on y ajoute de l’albumine ou du sérum. Nissen conclut que le chlorure de chaux est un très bon désinfectant, à condition de garder les flacons bien fermés et à l'abri de la lumière. Geppert !, après avoir contrôlé l’action du sublimé et montré que ce corps est loin d’être aussi actif sur les spores charbon- neuses que l'avait affirmé Koch, chercha un autre moyen pour tuer rapidement ces spores. L’inactivité du chlore gazeux ayant été démontrée par Koch, Fischer et Proskauer, Geppert se servit : de l’eau de chlore. À 25 c. c. d’eau de chlore à 0,2 0/0, c’est-à-dire équivalant par litre à 632 c. c. de chlore, il ajoute 1 c: c. de culture de charbon sporulé. Au bout de 15 secondes, 1, 2’ et 3 minutes, il reprend 1 c. c. du mélange et le traite par l’ammoniaque éten- due ou l’hyposulfite de soude, ou par du sérum de sang stérilisé ou des solutions faibles de nitrate d'argent ou d’acétate de plomb, pour neutraliser le chlore (ces solutions n’ont d’ailleurs aucun pouvoir désinfectant). 15 secondes suffirent pour enlever aux spores tout pouvoir d'infection vis-à-vis des cobayes. L'eau de chlore ne paraissant pas suffisante, Geppert s’adressa au chlore à l'état naissant, obtenu au moyen de deux pâtes de chlorure de chaux, une forte etune faible, dont la force en chlore était mesurée par la quantité d'iode que chacune libérait de l’iodure de potas- sium. La pâte forte correspondait à 0:",17 0/0 de chlore; la pâte faible à 0:',08, ce qui respectivement équivaut, en centimètres cubes de chlore par litre, à 537c. c. et 253 c. c. On voit d’après cela que la première pâte correspond à peu près à notre hypo- chlorite de chaux au dixième. L'objet à désinfecter est plongé dans la pâte : sur le tout, on verse de l’acide chlorhydrique à 3 0/0; on lave à l’eau quelques heures ou on plonge dans l’ammoniaque étendue. Les fils métalliques, les lamelles de verre sont désinfectés par la pâte faible. Les fils de soie, surtout secs, exigent la pâte forte et un temps plus long, qui ne dépasse d’ailleurs pas 3 à # minutes. Les résultats sont donc moins satis- faisants qu'avec de l’eau de chlore. Enfin Geppert a vu que le chlorure de chaux est plus effi- 1, Zur Lehre von den Antisepticis. — Ueber disinficerende Mittel und Methode», Berliner Klinische Wochenschrift (1889, no 36, et 1890, ne 11). LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. A cace tiède que froid. [l conseille, pour la désinfection des mains, des immersions alternatives dans une solution fiède de chlorure de chaux (proportion de la pâte forte) et dans la solution chlor- hydrique à 3 0/0. Geppert a encore cherché à renforcer l’activité du chlore en faisant agir50c. ce. d'acide chlorhydriqne pur sur 100 c. c. d'hypo- chlorite de soude en solution concentrée (632 c. c. de chlore par litre). Ce liquide n’a qu'un inconvénient, c’est qu'il dégage une odeur de chlore absolument suffocante. Bombici' a étudié comparativement l’action de quelques substances sur les spores du tétanos. Le lait de chaux n’a aucune action; l’acide sulfureux atténue seulement la virulence des spores; l’hypochlorite de chaux et le goudron, au contraire, agissent vigoureusement sur les spores. Bombici en conclut que pour désinfecter un local occupé par un tétanique, il faut faire des fumigations de chlore et laver les murs avec une solution au dixième de chlorure de chaux (équivalente par conséquent à notre solution concentrée). EAU OXYGÉNÉE. Angus Smith, en 1869, déclare que l’eau oxygénée est le désinfectant par excellence. En 1876, C. T. Kingzett * empêche plusieurs fermentations de se produire en employant une eau oxygénée à 10 volumes, c'est-à-dire capable de dégager 10 fois son volume d'oxygène. Il empèche pendant un certain temps le lait de surir, le blanc d'œuf et la pâte de farine de pourrir, la bière et le moût de rai- sin de fermenter par l’addition de quantités variables d’eau oxygénée. En 1877, le Dr Day * rapporte qu'il a traité 65 cas de fièvre scarlatine en frottant le corps du malade avec de la graisse con- tenant de l’eau oxygénée ; 6 cas seulement furent mortels, Gutitmann*, en 1878. étudie les propriétés toxiques el antisep- 1. Désinfection après des cas de tétanos. (Lo Sperimentale, 15 mai 1894). 2. Experiments with Peroxyde of Hydrogen (Communication to the British Asso- ciation Meeting, 1876). 3. British medical Journal, mars 1877. 4. Ueber die physiologische Wirkung des Wassertoffsuperoxyds. (Virchow's Archiv. Mai 1878.) 142 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tiques de l’eau oxygénée. 1 ce. c. d'eau oxygénée acide à 10 volumes empêche pendant 9 mois 40 c. c. d'urine de se putré- fier: cette urine était conservée à l'air libre. Guttmaun fait observer que cette urine est acide, ce qui explique peut-être cette conservation extraordinaire. De même, l’eau oxygénée (Gutt- mann ne dil pas à quelle dose) empêche la putréfaction d’une infusion de viande, ou la fermentation du moût de raisin, non additionné de levure et placé à 350, alors que la même infusion et le même moût de raisin, non additionnés d’eau oxygénée, fer- mentent rapidement. Paul Bert etRegnard : en 1880 et 1882 trouvent que 1 0/0 d’eau oxygénée pure suffit pour arrêter la putréfaction dans des flacons contenant du lait, du blanc d'œuf, de l’eau de levure sucrée, de l'urine, de l’amidon, etc. Ce résultat s'accorde avec les expé- riences de Kingzett. Damaschino traite avec succès le muguet en faisant des lavages 3 ou 4 fois par jour avec l’eau oxygénée. Péan et Baldy * se servent d’eau oxygénée à 2 volumes, privée d’acide sulfurique, pour les pansements etles lavages; ils l’'emploient à 6 volumes pour les pulvérisations. En 1883, Nocard et Mollereau * présentent à l’Académie de Médecine une note des plus intéressantes. Si on mélange 1 c. c. de jus de viande provenant d’une tumeur de charbon sympto- matique à 2 c. c. d’eau oxygénée à 10 volumes, qu'on laisse agir 4 heures, et qu'on inocule 3 gouttes à un cobaye, ce cobaye ne succombe pas et peut supporter l’inoculation de 3 gouttes du même jus de viande soumis seulement 1 h. 1/2 à l’action de l’eau oxygénée. Après quoi, il a acquis l’immunité contre une inocu- lation virulente. De même, une chèvre a pu acquérir l’immunité par trois inoculations de virus ayant subi l’action de l'eau oxygénée pendant 5 heures, 2 heures et une demi-heure. Ebell ‘ remarque que la fermentalion alcoolique d'un jus ensemencé de levure fraiche s'arrête immédiatement lorsqu'on y 4. Action de l’eau oxygénée sur les matières organiques et les fermentations. (Comptes Rendus, mai 1882.) 2. Emplois de l’eau oxygénée. (Journal de Thérapeutique, 1882.) 3. De l'emploi de l’eau oxygénée comme moyen d'atténuation de certains virus. (Comples Rendus d: l’Académie de médecine, 2 janvier 1883.) 4. Emploi de l’eau oxygénée dans l’industrie et dans la thérapeutique. (Moni- teur scientifique, mars 1883.) ë % 5 : 2 a :. LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 143 ajoute de l’eau oxygénée dans la proportion de 3 H°0* pour 10,000 parties de liqueur, ce qui, rapporté au poids moléculaire de l’eau oxygénée, donne 1:,02 0/0, ou en volume 38 ce. c. 25 d’eau oxygénée à 10 volumes 0/0; c'est sensiblement la proportion trouvée par Kingzett, Paul Bert et Regnard. Paul Bert et Regnard ‘ émettent l'idée que l’eau oxygénée peut être employée dans le traitement des abcès profonds et fistuleux et l'emploient, sans succès, à un essai d'atténuation du virus morveux. Miquel ? dans un tableau intitulé : Doses les plus faibles de quelques antiseptiques capables de s’opposer à la putréfaction d'un litre de bouillon de bœuf stérilisé et neutralisé, dit que l’eau oxygénée est active en ce sens à la dose de 1c.c. 875 d’une solu- üon à 10 volumes. Prien * trouve que 1 c. c. 875 0/0 d’eau oxygénée à 10 volu- mes arrête la fermentation alcoolique, 5 e. c. 625 0/0 tuent Îles bactéries de la pourriture ; 30 e. ce. 0/0 ne font rien sur les spores du bacillus subtilis. Bettmann ‘ a essayé d'appliquer l’eau oxygénée à la chi- rurgie. Îl a soigné avec de l’eau oxygénée à 11 volumes 50 cas d'otite moyenne et a obtenu d'excellents résultats; 4 cas de dacryocystite, dont l’un était déjà soigné vainement par lui depuis 6 mois par tous les moyens connus, guérirent complètement en peu de temps par l'emploi de l’eau oxygénée. Altehüfer * a soumis à une vérification les assertions de Van Hellina Tromp, que l’eau oxygénée est un moyen énergique, commode, et peu coûteux, pour désinfecter l’eau de boisson. Il ze put pas constater qu’une solution de 1/10000 à 1/5000 d’eau oxygénée à 10 volumes remplit ce but, mais il trouva qu'une concentration de 1/1000, après 24 heures d'action, suffit pour tuer les microbes ordinaires de l’eau, ceux de l’eau d’égout, et les bacilles typhique et du choléra dans l’eau. Il faut remarquer que Altehüfer n'indique jamais de témoin dans ses expériences, 4. Sur l'emploi de l’eau oxygénée en médecine. (Société de biologie, 1883.) 2, Annuaire de l'observatoire de Montsouris pour l’année 1884. 3. Ueber die Wirkung des Wasserstoffsuperoxyds auf die niederen Organis- men, und seine Bedeutung für die Desinfection des Ozonogens. (Arbeiten der rus- sischen hygienischen Gesellschaft. T. IV, p. 141, 1885.) 4. Peroxyde of hydrogen us a medicinal agent. Chicago, 1885. 5. Desinfection des VWassers durch Wassertoffsuperoxyd. (Centralblatt für Bacteriologie, juillet 1890.) 144 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. et qu'il se peuttrès bien que la dose d’eau oxygénée qu'il intro- duit dans la gélose, au moment de l’ensemencement, empêche la culture. Ensuite vient le travail de Pane :. Cet auteur a étudié l’action désinfectante de l’eau oxygénée et aussi son action antiseptique sur les spores du charbon et sur le staphylococcus pyogenes aureus. Il trouve d’abord qu’une solution d’eau oxygénée de 1/5052 à 1/352 dans la gélatine ou la gélose empêche le développement des spores du charbon. Ces nombres sont rapnortés au poids moléculaire de l’eau oxygénée ; les quantités d’eau oxygénée du commerce à introduire dans le milieu nutritif pour faire ces dilutions sont calculées d’après le titre de cette eau oxygénée. Ce serait, pour une eau oxygénée à 10 volumes, 0 €. ©. 75 à 12 c.c.5p. 0/0. Pane prend ensuite un certain nombre de fils de soie restés quelques jours dans ces milieux stériles et les transporte dans de la gélose fraiche. Il trouve alors que les fils qui sont restés quelques jours dans une solution à 1/352 restent stériles, et il en conclut que les spores sont tuées. Nous ferons observer qu'il se peut très bien que le fil entraîne une quantité d’antisep- tique qui, rapportée au volume de gélose où le fil est semé, varierait entre 1/352 et 1/5052, etempêcherait par conséquent le développement. Pane ne semble pas avoir fait attention à cette cause d'erreur. L'auteur a ensuite étudié l’action désinfectante directe de l’eau oxygénée à 6 à 8 volumes sur les spores du char- bon, desséchées sur fil de soie ; 15 à 20 fils sont introduits dans 20 c. c. d’eau oxygénée, et laissés des temps variables. A la fin de chaque temps, un fil est retiré et semé dans la gélatine ou la gélose : Pane n'indique pas si le fil est lavé, ou s’il est semé dans une quantité de gélatine ou de gélose suffisante pour qu'il n’y ait pas d’action antiseptique. En admettant que l’auteur se soit mis en garde contre cette cause d'erreur, ses résultats sont intéres- sants. Pane remarque d’abord une grande variabilité dans l’action des diverses eaux oxygénées. Avec la même eau oxygénée, le pouvoir germicide augmente avec la température. Ainsi il lui faut de % à 14 heures à 6°, et de 40 à 50 minutes à 32°, pour tuer les spores du charbon. Le même fait a lieu pour le sublimé dans l'eau 1. Sull'azione antisettica dell’acqua ossigenata et sull’influenza della tempera- tura nelle disinfezione. (Annali dellIstituto d'Igiene sperimentale dell Universila di Roma. Volume IT, série IF, 1890. LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 145 distillée à 1/20000, qui tue les mêmes spores en 2 heures et demie à 4°, et en 50 minutes à 34°. Pane trouve des résultats analogues pour le staphylococcus pyogenes aureus, pour les bacilles de la fièvre typhoïde et du choléra. — Pane examine ensuite l’action de l’eau oxygénée sur le pus, et trouve qu’en agitant 4 c. c. de pus avec 10 c. c. d’eau oxygénée du commerce, les corpuscules du pus sont entièrement détruits en peu de temps. — Des laparotomies enteprises sur des lapins, en se servant de l’eau oxygénée comme désinfectant, ont bien réussi. Gibier’ a fait sur l’eau’ oxygénée quelques expériences. L'addition de +,5 0/0 à des cultures de bacille typhique, choléra, charbon, bacille de la fièvre jaune (?), coceus de l’ostéomyélite, bacille pyocyanique, b. prodigiosus et b. megaterium, amènerait en quelques instants, d’après l’auteur, la mort de ces microorga- nismes. Nous ne savons si cette proportion de 1,5 0/0 désigne l'eau oxygénée commerciale, ou de l’eau oxygénée rapportée au poids moléculaire: ce dernier cas est plus vraisemblable, ce qui donnerait 55c.c.25 d’eau oxygénée à 10 volumes. Les spores du charbon, d’après Gibier, seraient tuées très vite, et la virulence du virus rabique considérablement atténuée, par leur mélange avec l’eau oxygénée. Heidenhain ? essaye de stériliser du lait au moyen de l'eau oxygénée. Après le mélange du lait avec l’eau oxygénée dans la proportion de 10 à F (il s’agit sans doute d'eau oxygénée du commerce), il monte à la surface du lait une légère crème jau- nâtre qui, après 24 heures, se transforme en une pellicule sèche et épaisse, et se sépare du lait sous-jacent par une couche mince aqueuse. Ce dernier se conserve alors beaucoup plus longtemps que le lait non additionné d’eau oxygénée, et se montre par la culture dépourvu d'organismes. Au contraire, dans la couche supérieure, on trouve beaucoup de bacilles et de microcoques sur la vitalité desquels l’auteur ne se prononce pas. En résumé, ‘ajoute Heidenhain, le lait cuit est rendu stérile par l'addition d’eau oxygénée dans la proportion de 10 0/0. Le lait cru est mis à l'abri de la fermentation pendant 3 à 8 jours par l'addition de 4. Peroxyde of Hydrogen and Ozone. (Medical Times, 17 octobre 1890.) 2. Ueber Milchsterilisation durch Wasserstoffsuperoxyd. (Centralblatt f. Bacle- riologie, T. VIII, n° 16, octobre 1890.) 446 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la mème quantité d’eau oxygénée dans les trois premiers jours, et est entièrement inoffensif pour les enfants. II. —- EXPÉRIENCES SUR LES GERMES HUMIDES Nos expériences de désinfection ont d’abord porté sur des sermes humides, c’est-à-dire que nous avons essayé l’action du désinfectant sur une culture en milieu liquide. Nous avons opéré en général de la façon suivante : une certaine quantité de culture en milieu liquide, un centimètre cube, par exemple, est ajoutée à une certaine quantité de solution désinfectante, dix centimètres cubes; le tout est bien agité; on repuise au bout de temps croissants, au moyen d’un tube effilé, une petite goutte qui est semée dans un volume de milieu de culture assez grand pour que la quantité de désinfectant entraînée n'empêche pas la culture, ce dont il est facile de s'assurer, soit par une expérience préalable, soit en resemant, avec une culture non traitée, un - flacon contenant la mème quantité de désinfectant; ce flacon servira de témoin. Somme toute, nous avons employé la méthode des suspensions. Dans la recherche d’un désinfectant, nous ne pouvions songer à faire agir cette substance sur les germes de toutes les maladies; beaucoup de ces germes sont d’ailleurs encore inconnus. Nous avons pris comme pierre de touche les germes du bacillus subtilis, parce que ces germes sont les plus résistants à l’action de la chaleur. Nous avons constaté ultérieurement, en les comparant à ceux de quelques maladies connues, comme les germes du ï charbon, qu'ils étaient également beaucoup plus résistants que | ces derniers vis-à-vis des substances désinfectantes que nous PR RE LI) F. [« vo AS pr of LI al hé 286 44 : 0 avons essayées. Si donc on pouvait détruire les germes du : bacillus subtilis, on aurait toutes raisons de penser qu'on détruirait également tous les autres germes. Le fait serait : d’ailleurs facile à vérifier pour une maladie dont le germe serait : connu. Il n’est pas difficile de se procurer des spores du bacillus È subtilis et d’en graduer, pour ainsi dire, la résistance. On prend une culture en bouillon de subtilis, extrait de l’eau de foin; lorsque cette culture est âgée de huit jours, le voile s’est dissocié, d'us. duré il 2 ua L LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 447 est tombé au fond du vase, et la plupart des bacilles ont formé leurs spores. Dans des tubes étroits, fermés à un bout et conte- nant chacun environ 1 c. c. de bouillon neutre, on introduit une goutte de cette culture ; ces tubes sont ensuite fermés à la lampe, de façon à y laisser une certaine quantité d'air, et placés dans l’eau. On fait bouillir, et on relire au bout de 15, 30, 45 minutes, 1 heure, 1 h. 1/2. 2 heures, etc., d'ébullition, un certain nombre de ces tubes, dix, par exemple, pour chaque temps. Ces tubes sont ensuite placés à l'éluve à 34°; au bout de 12 à 24 heures on remarque dans un certain nombre d’entre eux une culture de bacillus subtilis, bien manifeste par le voile qui s’est formé à la surface du liquide. Parmi les dix tubes ayant subi l’action de la tempéralure de l’eau bouillante pendant 1 heure, il y aura par exemple 7 cultures; les spores ont donc résisté 1 heure à 100° (chaleur humide). Un de ces tubes est alors coupé et son contenu est ensemencé dans un ballon de bouillon ; au bout de huit jours on à ainsi une culture contenant des spores résistant | heure à 100°. Les tubes retirés au bout de 15, 30, 45 minutes, donnent évidemment des cultures; il en est de même pour 1! h. 1/2 et 2 heures; on peut même avoir des tubes donnant une culture après 6 heures dans l’eau bouillante. Nous nous sommes con- tentés, dans nos expériences, de spores résistant 1 heure à 100°. Nous avons fait agir les désinfectants soit sur ces spores seules, soit en prenant un mélange à volumes égaux de cetie culture et d'eau de terre, faite de la facon suivante : de la terre du jardin de l’Institut Pasteur était délayée au moyen d’une baguette de verre dans un grand verre à expérience, avec de l’eau ordinaire ; après quelques minutes de repos, la terre et les grosses particules sont tombées au fond. On décante avec précaution le liquide supérieur, riche en microbes de toutes sortes. Enfin, dans nos dernières expériences, nous avons fait agir les désinfectants sur des germes de l’eau de terre, résistant 1 heure à 100°, obtenus à peu près de la mème façon que les germes de bacillus subtilis, sauf que nous introduisions dans les petits tubes étroits, 1e. ce. de bouillon neutre et quelques gouttes d’eau de terre. Toutes ces variations seront indiquées dans les tableaux résumant nos expériences. Au début de nos travaux, nous avons porté nos efforts sur la recherche d'un gaz ou d’une vapeur qui, se diffusant dans toutes 448 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les parties de la salle à désinfecter, détruirait les microbes. Dans un travail antérieur publié dans les Annales ‘, l'un de nous avait établi que les vapeurs de certaines essences détruisaient les germes du charbon au bout de queiques jours. Mais avec les germes du bacillus subtilis les résultats furent nuls. Nous essayâämes l'ozone; là encore, malgré des tentatives variées, le résultat fut nul. Nous fûmes alors amenés à essayer l’eau oxygénée, dont les propriétés oxydantes se rapprochent de celles de l'ozone; puis nous essayâmes des oxydants encore plus éner- giques, les hypochlorites, et, en particulier, l’eau de Javel et la solution de chlorure de chaux du commerce. Voici les prin- cipaux résultats de cette élude. A. — ACTION DE L'EAU OXYGÉNÉE SUR LES GERMES HUMIDES Avant d'entrer dans le détail des expériences, nous croyons utile de donner sur l’eau oxygénée quelques renseignements. L'eau oxygénée du commerce est toujours acide; comme cette acidité pouvait avoir une influence sur le résultat des expériences, nous l’avons dosée une fois pour toutes pour chaque eau oxy- génée employée, et évaluée par le nombre de centimètres cubes de potasse à 10 0/0 nécessaire pour neutraliser un litre d’eau oxygénée. De plus, il était utile de connaître le titre ou richesse en oxygène de l’eau oxygénée, c’est-à-dire le volume d'oxygène qu’elle peut dégager. Ainsi une eau oxygénée qui titre 12 peut dégager 12 fois son volume d'oxygène. Au début de nos expé- riences, nous mesurions Ce titre en décomposant, dans une éprouvelte graduée, l’eau oxygénée par du bioxyde de manga- nèse: mais on sait que la réaction entre l’eau oxygénée du commerce et le bioxyde de manganèse n’est jamais régulière. Pour éviter les incertitudes provenant de ce chef, nous avons adopté le titrage à l'hypermangate de potasse en présence de l'acide sulfurique. La solution d'hypermanganate est titrée comme à l'ordinaire, au moyen de l'acide oxalique, et on sait que 158 grammes d'hypermanganate décomposent 85 grammes d'eau oxygénée H°0*. Partant de là, il est facile de savoir le nombre de volumes d'oxygène que dégage un volume d’eau oxygénée du commerce; c'est son titre. 1. Les essences au point de vue de leurs propriétés antiseptiques, année 1887. LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 429 Ces détails donnés une fois pour toutes, voici un tableau indiquant les résultats obtenus avec une première eau oxygénée donnant 10,4 fois son volume d'oxygène, et dont l'acidité corres- pondait à 40 e. c. de potasse à 10 0/0 par titre. TABLEAU I Organismes : Sp. de Bacillus subtilis. Température {. — 15°. Titre T de l’eau oxygénée — 10,4. Acidité A — 40. | No DILUTIONS TEMPS D'ACTION | de TT —————ÛDÛ Éies L'EAU OXYGÉNÉE 1’ » 3". # | 5: 450300 4h. 2h13 he SEPT RE Te Pen er | | l E O pure acide. | a Eh 2 ere D, SP, À DES Sn Enr 3 et » | | | — ED CRT | + 1 n = sp b) EO pure neutre. = = Fe 6 ==, — = ÉT ss. 22 7 ms » | _—— = | —— | LAS S Id. colorée. | [LE À] | PE 9 EO acide 1/2 nl nl 3 40 » 1 / 3 =b BE {1 » 1/4 dE ü dE 42 » 475 | + | | re => == me | = | | Enr lion Q . | 13 v » 1/10 : | HE + 14 » 1/21) | | al BA | == | | | Toutes ces expériences ont été faites à 15°, par la méthode des suspensions, en opérant sur des spores de bacillus subtilis résistant 4 heure à 100°, et en mélangeant 1! c. c. de culture à 10 c. c. d’eau oxygénée prise telle quelle, ou après neutralisation, ou bien diluée au 1/3, au 1/4, etc. Dans l'expérience 8, l’eau oxygénée avait été colorée par du bleu de méthylène, qui n’a par lui-même aucune action sur les spores. Les résultats de ces premières expériences étaient très satis- faisants. Les spores du bucillus subtilis étaient tuées en 5 minutes par l’eau oxygénée concentrée, en 15 minutes par l’eau oxygénée étendue de son volume d’eau. Les dilutions plus grandes restaient sans action pendant le même temps. Malheureusement, il nenous a pas été possible de retrouver ces résultats avec d’autres eaux du commerce, bien que nous en ayons employé plusieurs espèces, comme le montre le tableau suivant : 29 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. LS C7 © TABLEAU II t. — 159, Ssp : Culture sporulée de Bacillus subtilis. Ssp +edt, mélange à parties égales de cette culture et d’eau de terre. E DILUTIONS TEMPS D'ACTION S ORGANISMES | OBSERVATIONS de ee ee EE = L'EAU OXYGÉNÉE AE 40° | 45° | 30° ÎL h°12 h.13 h. É 1 Ssp T=11 A—60|! EOp acide no 6 | + | + ee] | 1bis|Ssp cult.filtr. Id. + | + | + | + Re En 2 Ssp T—10 A—35|EO0Op ac. améric. + | | | SE ) » T—12 A —11| EOp'acide no! + + | | nu L 5 F=11 A —=33l EOpacidens2, | | + = re 5 » T— 8 A—#4,5] EOp acide sup. + + | + ü » [—11 A—60!| EOp acide no 6. LE PHARES ITA | | | TE RCE » [—11 A —33| EOp acide no 2. era ee | < L | $ » » » id. t- | + |—|— MES 9 » T=10.5 A—60| EOp acide no 6. | + | + | + | + pe 10 | Ssp +edt [T—11 A—33| EOp acide n02. | + | +|+|+|+| + |+ | +) 11 Ssp T—10 A—40[E0 acide électr. | : + 5 | + EM 42 » Ti EO neutre no 6. + | L TEE ie 13 | Sp +edt. |ÎT —11 F0 Pueutre ane 2 er El eee) 14 | Ssp T= 10 EO neutre électr. se ra EE E 45 | Ssp + edt ÎT — 12 EOp P. onu En nn ras EE Toutesceseaux oxygénées empêchent la culture à1/300; nous avons alors semé une pelite goutte de suspension, égale à 1/30 de centimètre cube, dans 100 ce. c. de bouillon contenu dans de grands matras Pasteur, ce qui donne une dilution d’antiseptique de 1/3000. Les expériences 1 et 1 bis ont été faites avec la même eau oxygénée; mais, dans la deuxième, la culture de sublilis avec spores a été filtrée, pour la débarrasser des grumeaux qui sont attaqués sans doute plus lentement que les spores isolées; on n'a d’ailleurs pas obtenu ainsi un meilleur résultat. L’expé- rience 2 a été faite avec une eau oxygénée américaine, désignée sous la rubrique Marchands Peroxyde of Hydrogen, et l'expérience 5 avec une eau oxygénée dite de qualité supérieure; l'expérience 11, avec une eau préparée par l'électricité, nous n'avons pu savoir comment, et enfin l'expérience 15 avec une eau préparée au laboratoire en faisant passer un courant d’acide carbonique dans de l’eau distillée tenant en suspension du bioxyde de ba- ryum pulvérisé; cette eau était très légèrement acide (acidité de l'acide carbonique). LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 191 La conclusion de ce tableau est que, même après trois heures, on n’est pas sûr de tuer les spores du bacillus subtilis avec l’eau oxygénée. Comme ces expériences ont porté sur un grand nombre d'eaux oxygénées, nous adoptons plutôt ces conclusions que celles qui découleraient du tableau n° 1. Les eaux oxygénées n’agissant pas ou n’agissant qu'après des temps très longs sur les spores du bacillus subtilis, 1 était intéressant de voir si elles se montreraient plus actives sur les germes d’autres organismes moins résistants et sur des microbes sans germes. Le tableau IT résume ces expériences. TABLEAU III CREER £ DILUTIONS TEMPS. D'ACTION S ORGANISMES | OBSERVATIONS de TT — : L'EAU OXYGÉNÉE | 1’ | 5° | 15° | 30‘ [th [2h.13h É i Aspergillus T—10 À — 60[E0 pure acide n° 6 CR MES Sent, |), 20 niger spores.| , » EO p. neutre. SE PNEU een NEA RE D, | Spores du | » » |EOpurescideno6| | — | — | || || + charbon D=UMA33 | EOlpure acideno ME |) fées x » » » [EO pure acideno2| + | + Sp | + » D=—=10 EO p. neutre n° 6 —|—-|-|-|-|-) + mess |[T=û ro meme 4 GE » EO acide n° 6 1/5 (ET RE | — | + | HE » EO acide n° 64/10) | EE | E|ÆE | + | LA Bac.typhique|T—11 A—33| EO acide no 2 — | — = |Ner:| (5 D Lo CNE ON DE mn ee eu En El 10 | Levure de bière. DEAR 2 EO acide no 2 Eu = = Ge L'aspergillus niger, sur lequel nous avons opéré, provenait d'une culture dans le liquide Raulin, agité de façon que les spores entrent en suspension. { c. c. de cette suspension noirâtre est ajouté à 10 c. c. d’eau oxygénée. lise produit alors un abondant dégagement d'oxygène, surtout avec l’eau oxygénée neutre, les spores agissant comme un corps pulvérulent. Les spores sont immédiatement décolorées. Il est à remarquer que l’eau oxygénée neutre à agi plus énergiquement que l’eau oxygénée acide, probablement parce qu’elle mouille mieux les spores. Pour les expériences sur les spores du charbon, nous avons 492 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. employé un charbon très virulent, dit virulent de Savagna, et en même temps très résistant à la chaleur. On voit encore ici que les résultats sont variables avec les eaux oxygénées, même avec la même eau oxygénée n° 2, à six mois d'intervalle (exp. 2 et 3) : il faut compter sur 15 minutes d'action avec une eau oxygénée acide, et sur 30 minutes avec une eau oxygénée neutre, pour tuer les spores du charbon. Au contraire, l’eau oxygénée agit très vite sur les organismes sans spores, comme le bacille typhique et la levure de bière. En 1 minute, ces microbes sont lués par l’eau acide et en 5 minutes par l’eau neutre. La culture du bacille typhique ayant servi dans ces expériences était une culture en bouillon âgée de 5 jours, fille d’une culture de la rate d’un typhique. Quant à la levure, elle provenait d'une culture de levure de Tantonville, rajeunie à 15° dans de l’eau de navets sucrée à 5 0/0 de sucre, et faiblement aci- dulée par l'acide tartrique. 1 €. c. de cette culture était ajouté à 10 c. ce. d’eau oxygénée, et, au bout des temps choisis, une petite goutte de la suspension était semée dans 10 c. c. d’eau de navets sucrée, placée ensuite à l'étuve à 23°. L'eau oxygénée n'agissant pas ou n’agissant que très lente- ment à 15° sur les germes du bacillus subtilis, uous avons cherché à la rendre plus active. Les expériences de Pane dont nous avons parlé plus haut ont montré que l’eau oxygénée est plus active à 25° qu’à 6° sur les spores du charbon. Il était intéressant de voir s’il en serait de même sur les ger- mes du subtilis. Seulement, comme ces germes sont beaucoup plus résistants que ceux du charbon, nous avons choisi une tem- pératare plus élevée; nous avons fait agir les eaux oxygénées à 500. Nous plongions les tubes contenant les suspensions dans un bain-marie chauffé à cette température; les temps sont comptés à partir du moment où les tubes sont plongés dans le bain. Voici un tableau qui résume nos expériences. Pour la signification des abréviations, nous prions nos lecteurs de se reporter aux tableaux précédents. Fm OS NP MT POP RIT LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 153 TABLEAU IV t. — 500 5 DILUTIONS TEMPS D'ACTION $ ORGANISMES | OBSERVATIONS de RS CE me OP na TS à L'EAU OXYGÉNÉE 1 Ù 10 19: 1130%1745 10h: É ! Ssp T—11 A—33| EOp acide no 2 | + sit LAN et [_e » T—10,5 A—60| EOp acide no 6 | + LEZ TE En NA A ss 3 | Ssp +edt EOp acide no 2 | + | — fer ns mu 4 | Ssp+edt [|T—12 a —11| EOp acide no 1 + | — | T—10 A—8$0| EOp acide no 4 | + | + = Æ È DE TEAM S5 EOp acide améric. RE + = = ETS T=8 A—24,5| EOp acide sup. | + | + AU FETE 5 Ssp EOp acide n°2] | +| EE EN AR On ET EOp acide n° 4 = CRT | F. T—5 A—35|F0p acide améric. CS RE EI EE | T—7,5 A—9,0| FOp acide ne 7 à CAE ve 6 Ssp P—=5"A—#33| E0p'acide ne 2 maire etes re 2 7 Ssp—+edt |T—11 EOp neutre no 2 ss le FETE 8 Ssp EN EOp neutre nv 201e fc LEE ne NS = 7 5 EOp neutre no 7 AP nn ne AO 9 Ssp EOp neutre n° 2 SU — — | + EUX | Ssp+edt Ti EOp neutre P + | + 2e bi D Un premier point se dégage, si l’on compare respectivement deux à deux les expériences 8, 9, 10 et 13 du tableau IT, et les expériences 1, 2, 3 et 7 du présent tableau. Ges expériences ont élé faites en même temps, sur les mêmes germes, avec les mêmes eaux oxygénées ; elle ne diffèrent qu'en ceci: les pre- mières ont été faites à 15°, les deuxièmes à 50°. Dans toutes, l'eau oxygénée s’est montrée beaucoup plus active à 50°, qu'elle soit acide ou neutre. Pour les expériences 8 et 1, la différence des temps nécessaires pour tuer les spores du subtilis est au moins de 1 heure; pour 9 et 2, de 25 minutes «uw moins: pour 10 et 3, de 3 heures; pour 13 et 7, de 2 heures trois quarts. Si maintenant on considère le tableau IV, on voit qu'il y a encore une certaine variabilité dans les effets des différentes eaux oxygénées. En général, les eaux faiblement acides se sont mon- trées moins efficaces ; celle qui a agi de la façon la plus constante est l’eau oxygénée n° 2, d’acidité moyenne 33; en 30 minutes à 50°, les germes du bacillus subrilis et de l’eau de terre ont élé tués. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. PS Æ Eofin, avec une même eau, l’acidité intervient un peu pour rendre l’eau plus active, comme le témoignent les expériences 3 et 7 faites en mème temps sur les mêmes organismes, avec la même eau oxygénée : acide, elle a Lué en 5 minutes: neutre, en 15 minutes seulement. En résumé, l'eau oxygénée acide où neutre n'agit qu'au bout de quelques heures à 15° sur les germes du bacillus subtilis. A 50°, ces germes sont tués en 30 à 45 minutes par l'eau oxygé- née acide ou neutre. Au contraire, l'eau orygénée tue très rapidement en 15 et 5 minutes, même à 15°, les germes du charbon et des organismes sans spores. | B. — ACTION DE L'EAU DE JAVEL SUR LES GERMES HUMIDES L'eau oxygénée n'agissant que très lentement à 15° sur les germes du bacillus subtilis, et l’action à 50° étant variable avec les différentes eaux oxygénées, nous avons cherché à trouver d’autres corps dont l’action füt à la fois plus énergique et plus constante. À défaut de l'oxygène, nous nous sommes adressés au chlore. L’inefficacité du chlore sec à l’état gazeux étant démon- trée, nous avons pensé à employer l’eau de chlore. Une eau de chlore contenant 763 c.c. de chlore par litre a tué à 150 en 5 minutes les spores du subtilis: la même eau de chlore, dont la teneur en chlore était tombée à 200 c. c. par litre, a tué en 1 minute les spores du charbon. L'eau de chlore est donc très efficace ; malheureusement, même lorsque cette eau est diluée à 1/100, son odeur est insupportable; or, à cet état de dilution, l’eau de chlore s’est montrée absolument ineflicace. Nous avons alors essayé les hypochlorites qui réunissent les propriétés oxydantes du chlore et de l’oxygène et nous nous sommes d'abord adressés à l’eau de Javel du commerce. Cette eau, dite eau de Javel concentrée, d’une couleur jaune, marque 9° à l’aréomètre Baumé; 1 litre équivaut à 5 litres de chlore. Ce dernier dosage a été effectué par la méthode de Gay-Lus- sac, qui donne de bons résultats à condition que l’on opère à l'abri des rayons directs du soleil. Lorsqu'on laisse une solution d'hypochlorite exposée quelque temps à la lumière directe du soleil, le titre s'élève rapidement jusqu’à l'infini. L'hypochlorite se change alors en chlorite qui peut réagir sur les malières colo- LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 459 rantes, mais ne peut convertir l'acide arsénieux en acide arséni- que; d’où il résulte que les premières gouttes d’une solution ainsi altérée décolorent immédiatement la liqueur d’épreuve. Pour cette raison, nous avons préféré remplacer la solution arsénieuse par une liqueur contenant par litre 2,77 d'hyposul- fite de soude, sel qui offre l'avantage d’être attaqué par les chlorites comme par les hypochlorites. En même temps que l’eau de Javel du commerce très chargée en carbonate de potasse, nous avons essayé une solution d'hypo- chlorite de potasse, légèrement colorée en violet par du perman- ganate de potasse, et une solution d'hypochlorite de soude. Les résultats de cette étude sont indiqués dans le tableau suivant où E J désigne l’eau de Javel du commerce, H P l’hypochlorite de potasse, I S l’hypochlorite de soude. TABLEAU V 1 litre — 5 litres de chlore. 2e TEMPS D'ACTION £ £ ORGANISMES DILUTIONS TT le oo le OR à ; g | 5 | 10" | 45° | 30/11 h| = = à | = — | —— | —————— | ————— | — — — — — — i Ssp EJ ef] 4 2 Ssp EJ AIRE | + FIRE FT, Ssp 7 EJ De EN Eu en er eur re 4 Ssp GUEVE EN IEEE E|+ FE D) Ssp ET 1/2 RE RON RP En Eee 6 Ssp MEN ATEN Ann teen) Ca QlÈR ER ae 7e 130 ES Ssp + edt « pit NE | A + z= S Ssp EJ 1/10 || Re EE" mn Ssp + edt £ « LE + | + ETES » EJ 1/20 PS LEE lee Tee » EJ 1/30 Je | 35 | 2 TA TE 40 Ssp HP 2e RU AE HS re Fes E m Ssp EJ Hire le tee A | 12 | Ssp+edt EJ LE | [= Es » EJ/2 + — | —;| E = Ssp HP Fa Sie ee 14 Ssp EJ cree es 15. Ssp + edt EJ Rs eur UE CRE EJ 1/2 ===) + 16 Ssp + edt EJ 1/4 EEE PE de RS TT ON nn EN ee EE um Ne en HP Fermer 456 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ici encore, l’action des températures est manifeste. Tandis que les germes du subtilis ne sont tués qu’en 1 heure à 159 par l’eau de Javel concentrée ou à 1/2, ils périssent en 30 minutes à 33° et en 5 minutes à 50° par l’eau de Javel au quart, en 10 mi- nues par l’eau au dixième, L'eau de Javel est donc plus efficace que l’eau oxygénée. L'eau de Javel agit aussi très énergiquement sur d’autres organismes que le bacillus subtilis. Les spores du charbon sont tuées à 15° en 5 minutes par l’eau de Javel concentrée ou à 1/2, en 10 minutes par les autres dilutions jusqu’à 1/5. Les spores de l'asperqillus niger ne résistent pas plus de 15 minutes à l’eau de Javel à 1/5, et pas plus de 10 minutes à l’eau au dixième. Enfin la levure de bière est tuée en 4 minute par l’eau à 1/5. L'eau de Javel du commerce a un grand désavantage pour la désinfection : comme elle est très chargée de sels, elle laisse après évaporalion un très grand résidu, environ 70 grammes par litre. Nous avons donc cherché un autre corps jouissant de pro- priétés analogues, et dont la solution fùt moins chargée de matières salines : c’est le chlorure de chaux du commerce. C. — ACTION DE L'HYPOCHLORITE DE CHAUX SUR LES GERMES HUMIDES La solution de chlorure de chaux est faite de la facon sui- vante : 100 grammes de chlorure de chaux du commerce sont délayés peu à peu dans 1,200 grammes d’eau. On obtient ainsi une bouillie blanche que l’on laisse reposer une heure, puis que l’on jette sur un filtre; on recueille alors environ un litre d’un liquide jaune verdâtre, marquant 5°,5 à l’aréomètre Baumé, et titrant 7,7 de chlore par litre. Il est bien évident que ce titre dépend de la richesse en chlore du chlorure de chaux employé ; comme les chlorures de chaux du commerce dégagent au mini- mum 70 à 75 litres de chlore au kilo, on voit que le titre de la solution ne doit guère descendre au-dessous de 7 litres : c’est en effet ce que nous avons trouvé avec différents chlorures. L'odeur de cette solution n’est nullement désagréable : elle rappelle celle de l’eau de Javel du commerce, mais elle est moins forte. Cette solution contient de la chaux, du chlorure de calcium et de l’hy- pochlorite de chaux; c’est pour abréger le langage que nous l’appelons hypochlorite de chaux. Nous avons essayé l’action de cette solution et de ses dilu- LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 457 tions sur les germes du sublilis et de l’eau de terre. La solution (100 grammes de chlorure de chaux pour 1,200 d’eau) est dési- gnée dans le tableau VE et les tableaux suivants par HCp : hypo- chiorite de chaux concentré; HG 1/2, HC 1/5 HC, 1/10, etc., désignent cette solution étendue à 1/2, à 1/5, à 1/10. Nous prenons 10 c. c.de solution pure ou étendue quenousfai- sons agir sur 1 c. c. du mélange de culture de subtilis et d’eau de terre dans un tube à essai flambé. Lorsqu'on ajoute ce mélange dans le désinfectant, 1l se produit un précipité qui, peu à peu, semble se redissoudre. 1 goutte de la suspension était semée au bout de chaque temps dans 100 c. c. de bouillon dans un grand matras Pasteur; un témoin recevant la même quantité d'hypo- chlorite de chaux que les autres ballons était resemé directement avec une goutte du mélange n’ayantpas subi l’action du désinfec- tant. Il faut pour empècher la eulture du bacillus subtilis introduire dans le bouillon la dose énorme de 1/30 d’hypochlorite de chaux. Voici un tableau résumant les expériences à 15° et à 50. TABLEAU VI Organismes : Spores de subtilis + eau de terre. TEMPS D'ACTION OBSERVATIONS DILUTIONS DA 151 30° 1 h. |Témoin. Températures. No p’onpre 1 11:— 71,692CI. HCp 2e ne } + ne + en ec lea à HC 1/5 2 re distillée. ARE nr eng lee AE + L KE Dilution avec eau HC bouillie 3/4 d'heure. Dilution avec eau char- HC 7 gée de CO?, HC HC HC 1/40 HC 1/4 — == = CPHC AT Se 4158 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La première conséquence à tirer de ce tableau est que l’hy- pochlorite de chaux au dixième et même au vingtième agit plus énergiquement que l'hypochlorite de chaux concentré. Ce n’est pas là un fait isolé. Nous l'avons retrouvé d’une façon constante dans l’action de l’hypochlorite de chaux sur les germes secs à 15° et à 50°, comme nous le montrerons plus loin. L’explication de ce fait nous échappe pour le moment; peut-être l'hypochlorite de chaux pur, coagulant la couche externe de la spore, empêche- t-il ainsi le désinfectant de pénétrer. L'hypochlorite de chaux ne s’est pas montré plus actif, dilué avec de l’eau distillée au lieu d’eau ordinaire qui y détermine, comme on sait, la formation d’un précipité. Il l’est un peu moins, dilué avec de l’eau distillée privée de la majeure partie de ses gaz par une longue ébullition, probablement parce que cette eau sans acide carbonique ne décompose plus lhypochlo- rite. Par contre, il est un peu plus actif, dilué avec une eau dans laquelle on a fait barboter un courant d'acide carbonique pen- dant 10 minutes. Quoi qu’il en soit, l'action de l’hypochlorite de chaux dilué au dixièmeesttrès énergique ;iltueles spores du subtilis à 45°, en 15 minutes; il est donc beaucoup plus actif que l’eau de Javel à la même dose et aussi actif que l’eau oxygénée. A 50°:il est plus actif que l’eau oxvgénée, mais possède à peu près la même activité que l’eau de Javel concentrée, à 1/2 ou à 1/14. Si nous ajoutons qu'un litre de notre solution diluée au dixième laisse uu résidu solide de 6 grammes, on comprend facilement que pour la désinfection elle doit être préférée à l’eau de Javel. L’hypochlorite de chaux agittrèsrapidement à 15° surles spores autres que celles du subtilis et sur des organismes sans spores. Nos spores de charbon ont été tuées en 5 minutes par HC 1/5 et HC 1/10, tandis qu’elles ont résisté à la solution concentrée. Les microbes du choléra, de la diphtérie, de la fièvre typhoïde, en culture en bouillon (1 c. c. pour 10 c. e. de désinfectant), sont tués en 5 minutes par l'hypochlorite de chaux au dixième. Arrivé à ce point de notre étude, il est intéressant de compa- rer les actions des désinfectants qui précèdent à celles d’un désinfectant mieux connu : le sublimé. Nous avons essayé l’ac- tion du sublimé acide sur les germes du subthilis et de l’eau de terre. Nos solutions de sublimé sont acidulées par l’acide tar- (rique, cet acide étant toujours dans la même proportion que le à { ; LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 459 bichlorure de mercure ; ainsi la solution de sublimé au millième coatient { gramme de bichlorure de mercure et 1 gramme d'acide tartrique pour 1 litre d’eau. Nous avons fait agir 10 €. c. de solution sur 1 c. c. du mélange de spores de subtilis et d'eau de terre ; une petite goutte était semée dans 200 c. c. de bouillon ; un témoin contenant la même quantité d’antiseptique que les autres ballons était resemé directement avec une goutte du mélange n'ayant pas subi l’action du désinfectant. Voici le tableau de ces expériences. TABLEAU VII Organismes : Spores de bacillus subtilis et eau de terre. TEMPS D'ACTION Température. | No D'oRDRE DILUTIONS A 5’ 15’ 30° 4 h° TÉMOIN | | { 1/1000 + 22 Le | Le == 2 5 1/500 SRE Er es me 150 3 1 /200 CT PERTE = E n 1/100 - | On voit par là qu'à 15° l’hypochlorite de chaux au dixième est aussi actif que le sublimé acide au centième. Enfin, nous avons essayé à 15° l’action, sur les germes du subtilis, de l'essence de térébenthine pure et à 1/5 (4 alcool, 1 essence), du thymol à 4 0/0 (thymol 1 gramme, alcool 70 c. c., eau distillée 30 c. c.), du lysol en solution aqueuse à 1 0/0 et 10 0/0 et du lysol pur. Seul, le lysol pur a tué les spores de subtilis au bout de 30 minutes. Ces corps sont donc de mauvais désinfectants par rapport à l'hypochlorite de chaux. III. — EXPÉRIENCES SUR LES GERMES SECS Dans les cas de désinfection, la plupart du temps, les germes se rencontrent sur les murs, sur le sol, sur les objets. Il était donc nécessaire, après avoir essayé l'action des désinfec- 160 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tants sur des germes humides, de voir si cette action serait la même sur des germes secs. Les germes ont été desséchés sur des lamelles de verre et non sur des fils de soie comme on le fait ordinairement. Ces lamelles, découpées aussi égales que possible avec un diamant dans des lames de microscope, étaient trempés dans le mélange de culture de subtilis et d'eau de terre, et desséchées 48 heures sous une cloche, sur une plaque de verre reposant sur un cristallisoir contenant de l'acide sulfurique. Faisons remarquer que comme nous opérions sur un ensemble d'organismes, les conditions de pureté importaient peu dans celte première partie de l'opération. Chaque lameile est introduite dans un tube à essai contenant ù c. c. de désinfectant, et au bout du temps voulu, reprise avec une pince flambée, lavée dans 10 c. c. d’eau stérile, et semée dans 100 ec. c. de bouillon. Un témoin recoit deux lamelles ; l’une ayant subi le même traitement que les premières, entraînant par conséquent la même quantité d’antiseptique ; l’autre n'ayant subi aucune action, servant par conséquent à ensemencer le témoin. Lorque nous avons opéré sur d’autres organismes que les germes du bucillus subtilis et de l’eau de terre, les lamelles ont été placées chacune dans un tube à essai court, fermé par un tampon de coton. Ces tubes sont flambés dans une étuve à 180°, et dans chacun on introduit avec un tube effilé quelques gouttes de culture de l’organisme sur lequel on opère, de façon à arro- ser la lamelle. Ces tubes sont ensuite mis à sécher 72 heures à l’éluve à 34°; au bout de ce temps, la culture est si desséchée que la lamelle adhère fortement au tube ; il est bon, avant d'in- troduire le désinfectant, de détacher les lamelles au moyen d’une pince flambée. Le désinfectant est alors introduit dans les tubes, avec les précautions d'usage, au moyen d’une pipette flambée ; les dilutions sont faites avec de l’eau stérile. Le reste de l'opération est conduit comme il est dit plus haut. Nous indi- querons, s'il y a lieu, les variantes que nous avons pu introduire dans celte manière d'opérer. Nous avons essayé sur les germes secs à différentes tempéra- tures, l'action de l’eau oxygénée, de l’eau de Javel et de l'hypo- chlorite de chaux en comparant cette dernière à celle du su- blimé. + LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 461 [. — ACTION DE L'EAU OXYGÉNÉE SUR LES GERMES SECS. Voici un lableau résumant les expériences : TABLEAU VIII Organismes : Spores de bacilles subtilis et eau de terre. È TEMPS D'ACTION E OBSERVATIONS DILUTIONS — = D'ORDRE st | 45 | 30 = = 5 | 15 | 30’ [1 h:|2h.| € LIL ENS RTS) SORTE LE CR PS os a | I LS A —S EO acide no ? 2 RESE tREn E Lee EE u n LE ne UE i = le ÉE + T8 A—AI | EO acide FE. CS. | + | + | + Br PET 150 7 ÉO acide no 2 1/2 | + | TES ÿ EO acide no ? 1/10 35] cn A RIENE L 9 Fo EO neutre no 2 : + RE 2 10 » | + F1 TE 11 » = = ze 2È | 12 ») — lt + + ms: EO neutre F. C.S. [HILL +: | D'après ce tableau, l'eau oxygénée acide ne s’est pas montrée plus active que l’eau oxygénée neutre. Dans l’un et l’autre cas, dans les circonstances les plus favorables, il a fallu 2 heures pour tuer les germes (expériences 4, 5 et 11). Si maintenant on compare les tableaux VIILet IT, on voit que les germes secs sont beaucoup plus résistants, puisque, avec la même eau oxygénée (n° 2), ils sont tués en 2 heures quand ils sont secs et en 30 minutes quand ils sont humides. Cette résistance s’affirme encore plus par une comparaison entre le tableau suivant n° IX et le tableau n° IV donnant l’action de l’eau oxygénée à 50° et à 75° sur les germes secs. 462 " ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU IX Organismes : Spores de bacillus subtilis et eau de terre. ee TEMPS D'ACTION DE OBSERVATIONS DILUTIONS a AN RL ÿ | 45 | 30’ Lu h.|2h.| = RE PT RM OT AP A Re ne | Or en) PARS Et Pi EN CRE Eee EO acide n° 2. RP 7e LS | S ns 2 EO acide no 2. Ag SR REA ee ER 2e Sr ere ä DAS EO acide F.CS. HI == |—+ M re eue ae lines le el = mme 6 » HE + += + EO neutre F.C.S. ++ += |-|+] : EO acide no 2 LR po 8 | Meme nn 14 Es pe | EO neutre n° 2 4 +- | + | rs F| D’après le tableau IX, l’eau oxygénée acide a régulièrement tué les germes secs en 30 minutes à 50°; il y a quelque incon- stance dans l’action de l’eau oxygénée neutre qui ne s’est montrée que dans un cas aussi active que l’eau oxygénée acide (expériences 7 et 3). Enfin, à 75°, l’eau oxygénée n’est pas plus active sur les germes secs qu'à 50. Une comparaison des tableaux VII et IX fait voir que l eau oxygénée est plus active sur les germes secs à 50° ou à 75° qu'à 15° (Expériences 3, 4, 5, 10, 11, 12 de VIIT à rapprocher des expériences 1, 2, 3, 5, 6, 1 de IX). Ces expériences ontété faites en même temps, avec les mêmes eaux oxygénées, sur les mêmes germes ; elles sont donc comparatives. Enfin la comparaison du tableau IX et du tableau IV fait voir que les germes secs sont plus résistants que les germes humides. Tandis que ces derniers ont été tués en général en 15 minutes à 50° par l’eau oxygénée acide, les premiers ne le sont qu’en 30 minutes. 2. — ACTION DE L'EAU DE JAVEL SUR LES GERMES SECS. Le tableau suivant montre que l’eau de Javel est plus active à 50° et à 75° qu'à 15° sur les germes secs, comme nous l'avons montré pour les germes humides. D'une comparaison entre le tableau X et le tableau V, il résulte que les germes secs ne pa- LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 463 raissent pas beaucoup plus résistants, à l'égard de l’eau de Javel, que les germes humides. Cette différence avec l’eau oxygénée tient peut-être à ce que l’eau de Javel désagrège assez facilement, à 500 surtoul, l'albumine desséchée, ce que ne fait pas l’eau oxygénée. TABLEAU X Organismes : Spores de bacillus subtilis et eau de terre. TEMPS D'ACTION OBSERVATIONS DILUTIONS en »)19 AS) ais Températures. No p'onpni L'eau de Javel à 50° agit plus énergiquement que l’eau oxygénée ; les germes secs sont tués en cinq minutes par l’eau concentrée. 3. — ACTION DE L'HYPOCHLORITE DE CHAUX SUR LES GERMES SECS. Avec l'hypochlorite de chaux, nous allons voir s'affirmer la résistance plus grande des germes secs. Voici le tableau résu- mant les expériences à 150, 500, 75, 164 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU XI Organismes : Spores de subtilis et eau de terre. £ No TEMPS D'ACTION E v’onvrel OBSERVATIONS DILUTIONS rt rer = 5" |15 | 30H h|2h.| = REA Re RE l {1— 71449 CI HCP ++ +++ l+ 2 = 71442 CI HCP ancien DRE En ea ; 1 — 61250 CI 7 HCP nouveau MEMER ER ETS 3 0 HC 1/3 nf EE Ones LR DES HC 1/10 EE oo aie 15 : o FRET LT ÉSFURSIEn ( 0 « pen Les PA T4 7 o EE [+++ ++ QE 2 « Res pes HC 1/10 ancien ++ + | + - HC 1/10 nouveau CT EDEN IEn ET 10 IIC 1/10 ancien —- RE EN HC 1/10 nouveau ED ++ | + = 12 0 HC 4/5 [++ |+ [TE | 0 HC 1/10 FNAEDie ne 500 MIT E 7 3 7 gs) . | lp 14 (e] « + | = | = | Eee | NT FR ê « +Fl+l=|= = l+ | 16 11=— 714 CI HC 1/10 ancien + | Aa] LE = EURE) 11=— 625 CI HC 1/10 nouveau + | + Ms 17 0 HC 1/20 a fre El ce EE Te too le ce ele cs lise | HC 1/10 == el ele Nora. — Dans toutes les expériences marquées du signe 0, les dilutions sont faites avec la solution ancienne de chlorure de chaux, titrant 7 !, 142. Un coup d’œil sur le tableau XI suffit à montrer que l'éléva- tion de température accroîil l’activité de l’hypochlorite de chaux. En comparant les expériences 1, 11 et 18, on voit que la solution concentrée n’a pas tué les germes secs du sublilis et de l’eau de terre en 2 heures à 15°, landis qu’elle les tuait dans le même temps à 50°, et en 1 heure à 75°. La comparaison des expériences 8, 15 et 18 nous montre que la solution au dixième ne tue pas en 2 heures à 15°, tue en 30 minutes à 50°, et tue en » minutes à 75°. A 15°, l'hypochlorite de chaux au dixième ne paraît pas plus tue 41 bat #0 #6 7% $ . E, 4 4 LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 465 actif que la solution concentrée, comme le montrent les expé- riences { et 8, 2 et ,, qui sont comparatives. Mais il n’en est pas de même à 50° (expériences 11 et 15); la solution concentrée n'a pas Luë én { heure, alors que la solution au dixième tuait en 30 minutes ; la solution au vingtième est aussi efficace que celle au dixième. A 75°, les différences entre la solution con- centrée et la solution au dixième s’accusent encore (écart de 30 minutes). Enfin les germes secs sont beaucoup plus résistants que les germes humides à l’action de l’hypochlorite de chaux. Tandis que les germes humides étaient tués en 30 minutes à 15° (tableau VI), par la solution au dixième, les germes secs résis- tent 2 heures et peut-être même plus ; à 50° les germes humides élaient tués en 5 minutes par la même solution; secs, ils sont tués en 30 minutes seulement. En définitive, pour obtenir avec la solu- tion au dixième le même résultat sur les germes secs que sur les germes humides, il faut élever la température à 50°. L'hypochlorite de chaux, qui n’agit que dans des condi- tions spéciales sur les germes secs du bacillus subtilis, agit très rapidement sur des organismes sans germes comme le saphylo- coccus pyogenes aureus : desséché sur lamelles de verre, 1l est tué en 5 minutes à 15° par la solution au dixième. Les spores sèches du charbon sont assez résistantes : une heure, à 15° ou à 50°, dans la solution concentrée ne les tue pas : 30 minutes à 15°, et 5 à 15 à 50°, dans la solution au dixième, les tuent ; ainsi s'affirme une fois de plus la supériorité de la solution au dixième sur la solution concentrée. 4, — ACTION DU SUBLIMÉ ACIDE SUR LES GERMES SECS ET COMPARAISON AVEC LA SOLUTION D'HYPOCHLORITE AU DIXIÈME Nous avons fait agir le sublimé acidulé par l'acide tartrique sur les germes secs de subtilis et d’eau de terre; la dose d’acide dans nos solutions est la même que la dose de sublimé; une solution à 1/1,000 contient 1 gr. de bichlorure de mercure, 4 gr. d'acide tartrique et 1,000 gr. d’eau, Voici un tableau résumant ces expériences : 30 te. MAR NE Pret 0 he; vi: 4 466 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU XII Organismes : Spores de bacillus subtilis et eau de terre. Ko TEMPS D'ACTION DILUTIONS D'ORDRE 5 / 5 30 . | 2 h. |Témoin. Tenpèratures. HgCI 1/100 ” HgC! 1/100 HC 1/10 HgCI 1/1000 HC 1/10 HgCI 1/1000 HC 1/10 On voit par ce tableau que l’activité de l’hypochlorite de chaux au dixième est à peu près la même que celle du sublimé acide à 4 0/0 à 15°. A 50° le sublimé à 1 0/0 est plus actif que l'hypochlorite de chaux; il a tué en 5 minutes alors que l’hypo- chlorite ne tue qu'en 30. Une expérience faite le 2 juillet 1892 vient encore à l'appui de ce fait: 40 bouchons de caoutchouc sont souillés par un mélange d’eau de terre et de culture spo- rulée de subtilis, et séchés sous cloche, au-dessus de lacide sulfurique ; 20 sont traités en tubes flambés par l'hypochlorite de chaux au dixième (la solution concentrée titre 5 litres de chlore), 20 par le sublimé acide à 1 0/0, pendant 30 minutes à 50°, Ces bouchons sont lavés ensuite à l’eau stérile el semés dans du bouillon. Les témoins poussent pour l’hypochlorite et pour le sublimé : pour le premier corps, # bouchons sur 20, pour le deuxième, 20 sur 20 laissent le bouillon stérile. L'hypochlorite de chaux au dixième est pourtant plus actif à 50° que le sublimé acide au millième. Le 23 juillet 1892, 20 lamelles souillées de culture de subtilis et d’eau de terre el séchées, sont traitées pendant 30 minutes à 50°, 10 par l’hypo- chlorite au dixième, 10 par le sublimé acide au millième. Les témoins poussent pour les deux corps. Pour le premier, 2 la- melles sur 10,et pour le deuxième 6 sur 10 donnent une culture. Si on compare les tableaux XII et VIT, on voit que les germes secs sont plus résistants que les germes humides. Tandis que LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 167 les premiers ne sont tués à 15° par le sublimé acide à 4 0/0 qu'au bout de 2 heures, les seconds étaient tués en 15 minutes. En résumé, pour obtenir une action rapide de l'eau orygénée, de l'eau de Javel, et de l'hypochlorite de chaux ou du sublimé sur les germes secs, il faut employer ces désinfectants à 50°; ils agissent alors pour tuer les germes secs en 30 minutes environ. IV. — TRANSFORMATION DES GERMES SECS EN À GERMES HUMIDES 4 Nous venons de voir que les germes secs sont beaucoup plus 4 résistants que les germes humides. Cette résistance tient sans D doute à ce que le désinfectant pénètre plus difficilement dans la À cellule, lorsque la membrane de celte cellule est sèche, que À lorsqu'elle est humide. L'action du désinfectant sur le germe c sec pourrait être décomposée en deux temps : un premier “4 temps, employé à mouiller la membrane, à rendre en quelque : sorte le germe humide; et un deuxième temps, employé à la L, pénétration du désinfectant dans la cellule. En particulier, si on 4 considère l’action à 15° de l'hypochlorite de chaux au dixième À sur les germes humides et les germes secs, on voit que les . premiers sont tués en 15 à 30 minutes, tandis que les derniers % ne sont tués qu’au boul de 1 à 2 heures. Le temps d’humidifica- , tion doit donc être à peu près de 1 heure à 45°, À 500, les germes ÿ | humides sont tués en 5 minutes et les germes secs en 30 minu- tes; le tempsd’humidification doit donc être plus court qu'à 15°. Si cette hypothèse est vraie, il doit arriver qu’en plaçant au préalable les germes secs dans de l’eau à 15° pendant 1 heure, et les plongeant ensuite dans le désinfectant à 15°, on observe une action plus énergique que si les mêmes germes secs étaient plongés directement dans le désinfectant à 15°, et même direc- tement dans le désinfectant à 50°, puisque nous avons montré que les germes humides sont tués en 15 minutes à 15°et les germes secs en 30 minutes à 50°. Nous avons d’abord fait l'expérience suivante sur l’hypo- chlorite de chaux au dixième (la solution concentrée titre 71,142); ue ÉONt. À TESTS Me ee 2 1° Nous prenons 6 tubes à essai courts non flambés, Dans 5, ; nous introduisons de l’hypochlorite de chaux au dixième; dans 7 le 6° de l’eau stérile; dans chacun des 6, une lamelle de verre | longée dans le mélange à parties égales de culture sporulée de £ D J D 468 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. subtilis et d’eau deterre, et desséchée 48 heures à 340, sous cloche, au-dessus de l'acide sulfurique. 4 des lamelles servent à semer des matras à 100 c. c. de bouillon, au bout de 5, 15, 30 minutes et ! heure de séjour dans le chlorure. La 5° et la 6° lamelle servent pour le témoin, la 5° introduisant la même quantité d’antiseptique que chacune des autres, et la 6° servant à resemer le témoin. Ces 6 tubes sont placés à 50° au bain-marie. On voit que la 6° lamelle subit l’action de l’eau à 50° et non celle du désinfectant. 20 Dans un tube à essai avec de l’eau stérile, nous mettons 6 de ces lamelles portant les germes secs; et nous laissons ce tube À heure à 50° dans le bain-marie. 5 de ces lamelles sont intro- duites avec une pince flambée dans des tubes contenant l’hypo- chlorite de chaux au dixième, à 150, et la 6° dans un tube conte- nant de l’eau stérile; 4 serventà semer des matras à 100 c. c. de bouillon au bout de 5, 15, 30 minutes et 1 heure; la 5° et la 6° servent pour le témoin. 3° Même expérience que 2; mais les 6 lamelles sont laissées À heure dans l’eau stérile à 15°. Voici nos résultats : TABLEAU XIII Dh 15 30” Ah TÉMOIN CC Les germes secs ont donc été transformés en germes humides, après À heure dans l’eau stérile, aussi bien à 15° qu’à 50v. Cette première expérience ayant donné de bons résultats, 1l y avait lieu d'essayer de réduire le temps d'humidification. Nous avons alors fait l'expérience suivante : 10 Nous avons fait agir sur les lamelles portant les germes secs de subtilis et d'eau de terre l’hypochlorite de chaux au dixième à 159 pendant des temps variables jusqu’à 2 heures. 2o Nous avons fait agir sur ces germes secs l’eau stérile à 15° pendant 10, 20,30, 40, 50 minutes et 1 heure. Au bout de chaque temps, 2 lamelles sont plongées dans l’hypochlorite de chaux au dixième, à 45°, et semées au bout de 5 et 15 minutes. LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 469 Le témoin est constilué par une lamelle restée 1 heure dans l'eau stérile à 15°, et par une lamelle trempée dans l’hypochlorite de chaux au dixième. 3° Même expérience que 2°, mais les germes secs sont placés 10, 20, 30, 40, 50 minutes et 1 heure dans l’eau stérile à 50. Cette expérience ayant été répétée plusieurs fois, nous allons résumer les résultats dans un tableau. TABLEAU XIV N° D'ORDRE TEMPS D’ACTION 2h. |Témoin. On voit d’après ce tableau que le temps minimum d’humidi- fication est 40 minutes, soit à 15°, soit à 50°. Dansles expériences suivantes, nous avons choisi 1 heure comme temps uniforme d'humidification, et nous avons fait des expériences comparatives en faisant agir à différentes températures les désinfectants, en particulier l’hypochlorite de chaux et l’eau oxygénée, sur les germes secs, et ensuite sur les mêmes germes laissés au préa- lable 1 heure dans l’eau stérile à 15°. Voici nos résultats : 470 I. Germes secs mis directement dans le désinfectant, elh, dans eau stérile à 150, = II. Germes secs laissés au préalab NOTA. — La solution d’hypochlorite ayant servi à ces expériences, titre 71,142 (HCp, HCp ancien). Elle date du 12 janvier 1892. Températures. No D'ORDRE TABLEAU XV DÉSINFECTANTS OBSERVATIONS DILUTIONS 5! 15 11— 71,149 HCp 11—71,442 HCp ancien 11 — 61,250 HCp nouveau HG 1/10 HC 1/10 ancien HC 1/10 nouvesu HC 1/10 ancien HG 1/10 nouveau EO acide no 2 EO neutre n° 2? Eu as 5 ge WE 2 + ae Re Eee LE Fe EE wi ZA es +4 + GTA HCp HG 1/10 8 HC 1/10 ancien HG 1/10 nouveau 9 EO acide no 2 EO neutre n° 2 ET HCp HG 1/10 11 EO acide no 2 EO neutre no 2 HP HCp 13 HCp ancien HCp nouveau 14 HC 1/10 ancien HC 1/10 nouveau 15 HG 1/10 ancien HC 1/10 nouveau 16 EO acide no 2 EO neutre n° 2 HG 1/10 18 HC 1/10 ancien HC 1/10 nouveau 19 EO acide no 2 EO neutre no 2 20 HCp HC 1/10 TOUT EO acide no 2 — — EO neutre n° 2 Hifi} hill itet0 ee bon EEE ETES EE LE a a a a lhlhhhlhtiohhthtdaidhtttnntttt4A4tt | ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. HA 444 TEMPS D'ACTION 44e Pr LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 471 D'après ce tableau, on voit que les désinfectants, hypochlorite de chaux et eau oxygénée, se sont montrés plus actifs sur les germes rendus humides par 1 heure dans l’eau stérile que sur les germes secs, et cela, à toutes les températures. Les activités indiquées dans la 2° partie du tableau sont bien les mêmes que sur les germes humides. Nous avons fait quelques expériences comparatives pour savoir si une eau additionnée de 1/1,000 de potasse caustique rendrait humides les germes secs, plus vite que l’eau ordinaire. Nous n'avons pu observer aucune différence. En résumé, si on laisse les germes secs 1 heure dans l'eau, soit à 15°, soit à 50°, et qu'on les plonge ensuite dans les désinfectants, ces germes sont attaqués aussi rapidement que s'ils étaient humides. V. — ACTION DES VAPEURS D'EAU OXYGÉNÉE ET DE CHLO- RURE DE CHAUX SUR LES SPORES ET SUR QUELQUES ORGANISMES SANS SPORES. Après avoir étudié l'action, en tant que liquides, de l’eau oxygénée et du chlorure de chaux, sur les germes, il était utile de constater si ces corps agiraient aussi par leurs vapeurs. Nous avons vu que, dans un travail antérieur, l’un de nous avait établi que les vapeurs de certaines essences détruisaient les germes du charbon au bout de quelques jours ; malheureusement, en raison de leur prix élevé, ces essences ne peuvent entrer dans la pra- tique de la désinfection; il était donc intéressant de voir si le chlorure de chaux et l’eau oxygénée, d’un usage plus pratique que les essences, auraient une action aussi efficace, quoique moins volatils. À un autre point de vue, l'emploi de corps vola- tils est extrêmement avantageux dans la désinfection, les vapeurs, en effet, se diffusent partout et peuvent détruire Îles microbes qui n'auraient pas été touchés par la solution désin- fectante. À. — VAPEURS D'EAU OXYGÉNÉE 1. — Action sur les spores. Il est facile de voir qu'à la température ordinaire, 16°, l’eau oxygénée émet des vapeurs en assez grande abondance. Prenons 472 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. trois flacons à large goulot de 130 c. c. environ; introduisons dans le premier 20 c. c. d’eau oxygénée acide (35 c. c. de potasse à 10 0/0 par litre) à 12 volumes; dans le deuxième et le troisième 20 c. c. de cette première eau étendue au 1/10 et au 1/100. Au bouchon de chaque flacon est fixé par un fil de fer un morceau de papier réactif ioduré amidonné. Les flacons sont abandonnés à la lumière diffuse, à la température ordinaire, 16°. Au bout de 5 minutes, le papier du flacon n° 1 bleuit; au bout de 20 minu- tes, il est noir. Au bout de 20 minutes le papier du flacon n° 2 commence à bleuir; il est bleu foncé après 2 h. 40. Enfin, le papier du flacon n° 3 n’a pas bleui, même après 12 heures. L'eau oxygénée à 1/100 n'émet donc pas sensiblement de vapeurs à la température ordinaire, l’eau oxygénée à 1/10 en émet un peu, et l’eau oxygénée concentrée en émet beaucoup et rapidement. Il était donc tout indiqué d’expérimenter sur l’eau oxygénée con- centrée. Avant de passer au détail des expériences, nous ferons remarquer que, les réactions de l’ozone et de l’eau oxygénée étant peu tranchées, nous n’avons pu décider si le corps qui déplace l’iode dans le papier réactif ioduré amidonné est réelle- ment de la vapeur d’eau oxygénée ou de l'ozone; lorsque nous parlons de vapeur d’eau oxygénée, nous ne voulons en rien préjuger sur la nature chimique de cette vapeur. Le 14 février 1891 nous prenons deux flacons à large goulot. Dans l’un n° 1, on verse 20 c. c. d’eau oxygénée concentrée acide, dans l’autre n° 2, 20 c. c. d’eau ordinaire. Dansle bouchonestfixé, au moyen d’un fil de fer, un papier imprégné d’une culture spo- rulée en bouillon de bacillus subtilis datant du 4 février 1891. Ces flacons sont abandonnés à la lumière diffuse, à 16°; au bout de temps croissants, des morceaux des papiers des 2 flacons sont coupés avec des ciseaux flambés, saisis avec des pinces flambées et semés en 10 c. c. de bouillon. Le papier du flacon n° 2 sert de témoin. L'expérience a été poussée jusqu'à 180 heures. Le témoin a toujours poussé, le papier du flacon n° 1 aussi. Il en résulte donc qu'à la température ordinaire (16°) les spores de bacillus subtilis résistent 180 heures à l’action des vapeurs d’eau oxygé- née, acide, concentrée. L'élévation de température exaltant les propriétés désinfec- tantes de l’eau oxygénée liquide, il était naturel de penser qu'il LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 473 en serait de même pour les vapeurs. Le dégagement de vapeurs est d’ailleurs plus rapide et plus énergique à température élevée. Nous avons expérimenté à 35°; l'expérience a été faite de la façon suivante : Deux flacons à large goulot reçoivent l’un 20 c. c. d’eau oxygénée acide (40 c. c. de potasse à 10 0/0 par litre, titre — 10) et l'autre 20 c. c. d’eau pour servir de témoin. Au bouchon de chacun est suspendu un disque en toile métallique, que l’on flambe, et qui supporte de petits morceaux de papier im- prégnés de culture de bacillus subtilis, avec spores résistant { heure à 100°. Ces morceaux de papier sont saisis avec une pince flambée pour être semés dans du bouillon; de cette façon, on évite de couper le papier avec les ciseaux, ce qui exige un peu de temps et peut être une cause d'erreurs. Les deux flacons sont placés à l'obscurité à 35° dans une étuve d’Arsonval. L'expérience a été poussée jusqu’à 237 heures. Le témoin a toujours poussé, les papiers du flacon n° 1 aussi. À 35° les spores du bacillus subtilis résistent donc 237 heurés à l’action des va- peurs d’eau oxygénée, acide, concentrée. Devant ce résultat négatif, il y avait lieu de faire agir les vapeurs d’eau oxygénée à température encore plus élevée. On sait qu’à un certain degré de concentration l’eau oxygénée peut distiller sans subir de variation de titre : au-dessus, elle se décompose plus ou moins complètement : au-dessous, elle peut se concentrer par l’ébullition. | Une de nos eaux oxygénées (acidité : 40 c. c. potasse à 10 0/0 par litre, titre 4,6) ne change pas de titre après 1/2 heure à 55° et passe au titre de 9,1 après ébullition de 1/2 heure, au titre de 14,5 après 50 minutes d’ébullition. Il n’en serait proba- blement pas de même, si l’eau oxygénée était neutre. Quoi qu'il en soit, pendant l’ébullition, qui commence à 101° C. pour s'élever peu à peu à 102, l’eau oxygénée dégage des vapeurs qui bleuissent rapidement le papier ioduré amidonné d'un bleu presque aussi intense que si ce papier était plongé dans l’eau oxygénée. Nos expériences sur les vapeurs de cette eau oxygénée bouil- lante ont été faites de la facon suivante. Nous nous sommes servis d’une caisse de verre, en forme de parallélipipède rectangle, dont le volume est de 110 litres. Elle est fermée par un cou- ATA ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. vercle rodé, débordant de 2 c. 5 et percé de 11 ouvertures, 3 grandes de 10 c. et 8 petites de 3 c. 5 de diamètre. Ces ouvertures peuvent être obturées par des disques de verre de 14 c. et de T ec. 5 de diamètre, au centre desquels est fixé un crochet, de façon à pouvoir suspendre des objets dans la caisse. Les vapeurs d'eau oxygénée, venant d’un ballon chauffé à feu nu, passent par un tube que l’on fait pénélrer dans une ouver- ture pratiquée dans l’une des petites faces de la caisse; on l’y assujettit au moyen d’un tampon de coton. L'expérience a porté sur des germes de l’eau de terre résis- tant 1 heure à 1000. Nous imprégnons avec ces germes de petits carrés de papier à filtre percés chacun d’un trou et flambés dans des tubes à essai courts, et nous laissons sécher 72 heures à l’étuve. Ces morceaux de papier sont ensuite fixés à des armatures en fil de fer, accro- chées aux grands disques de la caisse. Ces armatures descen- daient à la hauteur du tube de dégagement de la vapeur, de sorte que les papiers étaient à des distances horizontales de ce tube de 5 c., 20 c., 35 c. La température était donnée par deux thermomètres placés l’un à 15 c., l’autre à 35 c. de l’entrée de la vapeur. Les temps étaient comptés à partir du moment où un morceau de papier ioduré amidonné, suspendu dans le haut de la caisse à l’un des petits disques, était complètement bleu, ce qui à lieu 2 à 3 minutes après la première condensation de vapeur sur les parois de la caisse. Au bout de chaque temps, les disques étaient soulevés avec précaution et un morceau de papier, pris à chaque armature avec une pince flambée, était semé dans un petit matras Pasteur contenant 30 c. c. de bouillon. L'expérience a été faite à plusieurs reprises avec des eaux oxygénées différentes, et n'a jamais donné que des résultats néga- tifs, même après 1 heure 1/2 d'action. La température au bout de ce temps ne s’est jamais élevée au delà de 55°. La vapeur d’eau oxygénée bouillante n’agit donc pas sur les spores du bacillus subtilis. I était intéressant dès lors de voir quelle était son action sur des spores moins résistantes, telles que celles du charbon. Les résultats de nos expériences sont consi- gnés dans le tableau ci-dessous. LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. ATD TABLEAU XVI No JSUBSTRATUN) DISTANCE TEMPS D’ACTION TEMPÉRATURES DANS LA CAISSE des | » D'ORDRE! cpores [la vapeur.| 15° | 30° | 45 [1 h.|11/4l11/2] Iitiale. pi 45 [1 h.|11/4/11/2 A | / Papier. 5em re Re t 17 10 20cm ue s“E Te) re RC 40cm Le FE LA IE Papier. | 5cm NN EEE EN EU mineral her miles Fr F7 “134 NON Cu ee me ao ro rad T ER = | 227 : = Re) ER | Verre. == = Papier. 5em RE |— t 18 52 | 56 56 | 55 | 50 20cm + ne EE EE PE 35em JR EE en A PE) 7 8 | 52 | 56 | 56 | 55 | 50 Verre. = == Papier. ÿem Lo = t Te Da] MEN EE ES lets) TNT ra en more Fruit] Dem EN EE Pa ET EN En RENE Etofte. 5em AIRES RSS) EPS) RTE 90cm Aile ne TE TE “e 32cm = —+ + + == Verre. poele Papier. ÿem ls 90cm nE PSE HE ET 3900 * ER LE Er 2e Etofte. ÿem BE) ESRI) SUITE 20cm ae EE Es EI2TEe 3ocm SCI SE SE ANSE Verre. Lee Dans toutes ces expériences, les objets, morceaux de papier, fragments d'étoffe, de verre, ont élé flambés en tube à essai court, puis souillés avec une cullure sporulée de charbon, puis séchés 48 heures, à l’étuve, à 34. Dans ce tableau, T indique le titre de l’eau oxygénée, A son acidité par litre, évaluée en centimètres cubes de potasse à 10 0/0; { et f indiquent les températures prises à deux thermomètres, distants l’un, {, de 15 c. de l'entrée de la vapeur, l’autre, {’, de 35 centimètres. L'inspection du tableau donne les résultats suivants : L'action des vapeurs d’eau oxygénée est très irrégulière ; ces vapeurs n'ont aucune action sur les germes de charbon déposés sur les étoffes, agissent d’une façon tout à fait inconstante sur les germes déposés sur le papier, mais agissent bien lorsque ces germes sont desséchés sur le verre. Ici encore l'influence du support entre en jeu; la désinfection est d'autant plus difficile 476 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. que ce support est plus rugueux. Pour le papier, l’action des vapeurs n’est un peu énergique qu à une distance faible (5 cen- timètres); destruction des spores du charbon en 1 h. 1/4. 2. — Action sur les organismes sans spores. Les vapeurs d’eau oxygénée, même bouillante, qui n’agissent que très peu sur les spores, peuvent tuer des organismes sans spores. Nous n’avons expérimenté que sur la levure de bière, que nous considérons comme sans spores, bien que dans certaines conditions elle puisse en donner. Nous prenons un flacon à large goulot dans lequel nous versons 20 c. c. d’eau oxygénée con- centrée à 10 volumes, acidité — 33 c. c. potasse à 10 0/0 par litre. Au bouchon du flacon est suspendue une petite boîte formée de deux fonds de tube à essai coupés. L'un d'eux reçoit 1 c. c. de culture de levure de bière, l’autre est placé par-dessus pour servir de couvercle, le flacon est bouché et placé à l'obscurité, à 35°, dans l’étuve d’Arsonval. Des prises sont faites au bout de temps croissants, et sont semées dans des tubes à 10 c. c. d’eau de navets sucrée, qui sont placés à l’étuve à 23°. La levure de bière a encore poussé au bout de 16, 40, 6%, 110, 158 heures; à partir de 182 heures, elle n’a plus poussé; elle est donc tuée par les vapeurs d’eau oxygénée concentrée acide dans un temps qui varie entre 158 et 182 heures, à 35°. B. — VAPEURS DE CHLORURE DE CHAUX Les expériences précédentes montrent que l’eau oxygénée agit très peu par ses vapeurs sur les spores, et très lentement sur les organismes sans spores, à une température relativement élevée (35°). Il n’en est pas de même de la solution de chlorure de chaux. 1. — Action sur les spores. Nous avons essayé l’action des vapeurs de solution de chlo- rure de chaux bouillante sur les spores du charbon. Dans cette ébullition, l’hypochlorite de chaux se décompose très peu; comme pour l’eau oxygénée, on peut concentrer par ébullition une solution de chlorure de chaux, parce que l’évaporation de l’eau est plus rapide que la décomposition de l'hypochlorite. II est bien évident qu’il n’y a concentration que si on ne tient pas LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 477 compte de la diminution de volume; dans le cas contraire, il y a décomposition, mais elle est très légère; elle ne commence guère que lorsque le volume de la solution est réduit à 1/6 du volume primilif. Nous avons fait agir sur les spores de charbon, desséchées sur lamelles de verre, couronnes de papier où d'étoffe flambées, les vapeurs d’une solution de chlorure de chaux à 1/10 Uüitrant 588 c. c. de chlore par litre. L'expérience a été conduite comme l’expé- rience n° 4 du tableau précédent. En voici le résultat : TABLEAU XVII SUBSTRATUM | DISTANCE TEMPS D'ACTION TEMPÉRATURES DANS LA CAISSE 2 à l'entrée EE es ë spores [la vapeur. | 30° | 45° |1 h. PE 1/2] Initiale. [après 30| 45’ |1 h.111/4|11/2 Papier 0] + | — | — | — | — | t 15 45 50 | 51 | 51 | 51 20 | Rp ec AN RES rer 35 ar nn er) ANT 45 | 50 | 51 | 51 | 51 Etoffe 5] NE EEE | AU ESA 2 at EP 35 Se SE er Verre + | + | = | = | | l Ici encore on voit apparaitre l'influence du support; comme- l'eau oxygénée, les vapeurs d'hypochlorite de chaux n’agissent qu'à une petite distance; enfin l'action n’est pas très régulière. 2, — Action sur les organismes sans germes. Les vapeurs d’hypochlorite de chaux sont plus énergiques que les vapeurs d’eau oxygénée dans leur action sur les orga- nismes sans germes. | Dans une première expérience nous prenons deux flacons à large goulot; dans l'un on verse 20 c. c. d’une solution d’hypo- chlorite de chaux au dixième titrant par litre 700 c. c. de chlore, dans l’autre 20 c. c. d’eau; c’est le témoin. Aux bouchons sont fixés des papiers imprégnés d’une culture en bouillon de bacille typhique, vieille de plus de trois mois. Après 51 heures, un morceau est coupé à chaque papier et semé dans du bouillon. Le témoin pousse, le flacon n° 1 ne pousse pas. L'expérience est continuée jusqu’à 68 heures et donne les mêmes résultats. AT8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. On peut objecter à cette expérience que le bacille typhique employé était vieux et par conséquent facile à tuer. Aussi avons- nous entrepris une autre série d'expériences. Dans quatre bocaux de 1 litre, fermés au coton, stérilisés, nous plaçons en présence de 80 c. c. d’une solution de chlorure de chaux, titrant 7!,142 de chlore, de petits. cristallisoirs suspendus au bouchon et conte- nant : 2c. c. de culture de levure de bière dans l'eau de navets sucrée, âgée de 3 jours; de culture de choléra virulent, en bouil- lon, âgée de 1 jour; de culture de diphtérie en bouillon, 3 jours: de culture de bacille typhique en bouillon, 3 jours, provenant d'une rate typhique, 2° génération. 2 c. c. des mêmes cultures sont introduits de même dans de petits cristallisoirs, contenus dans 4 bocaux qui ne reçoivent que de l’eau et servent de témoins. Ces flacons sont abandonnés à 15° et à la lumière dif- fuse. Des prises d'essai sont faites au bout de temps croissants et semées en 10 c. c. de bouillon. Le tableau suivant indique le résultat de l'expérience : TABLEAU XVIII APRÈS | APRÈS | APRÈS | APRÈS | APRÈS APRÈS APRÈS 24 h. 48 h. 12h; | 96 h. 121 0h: |" 140 h. | 148 h. Vapeurs d'hy-| Levure... + —- — = = = PS ren pee es a ne moe 1/10. Typhique.… + — — = Æ = Diphiéeclr nl re one males Témoins...... Choléra se + is al MT Se + Typhique.….. +- + 2e 42 2e 2= Dipbtérie...| + PETER Æ sa En résumé, la levure de bière, le bacille typhique et le bacille de la diphtérie sont tués par les vapeurs d’hypochlorite de chaux au dixième, à 15°, entre 48 et 72 heures, c'est-à-dire entre deux et trois jours ; le microbe du choléra est plus résistant, et ne meurt qu'entre quatre et cinq jours. On pourrait objecter que si les tubes de bouillon dans lesquels ont été semées Les prises n’ont pas poussé, c’est parce que les vapeurs de chlorure de chaux ont formé avec le bouillon de cul- ture contenu dans le petit cristallisoir un composé qui, introduit AL ra Lu dr pare iso le D ne D tn tn ae 0 cé tien ed lé cl es EN. É > : 0 + LA DÉSINFECTION DES LOCAUX. 479 avec la prise d'essai dans le bouillon, empêche la culture. Il n’en est rien. Tous les tubes de l'expérience précédente qui n’ont pas poussé ont élé resemés avec des cultures fraiches, et ont alors donné d’abondants développements. De nos expériences sur les vapeurs, nous concluons encore à la supériorité de la solution de chlorure de chaux sur l’eau oxygénée ; efficacité plus grande, prix moins élevé. Si dans la désinfection quelques organismes échappaient à l’action de la solution désinfectante de chlorure de chaux, ils pourraient être tués par les vapeurs qui se dégagent de cette solution. VI — CONCLUSIONS 1° L'eau de Javel du commerce, la solution de chlorure de chaux à un dixième (c’est-à-dire la solution de 100 grammes de chlorure de chaux dans 1,200 grammes d’eau, étendue de dix fois son volume d’eau), l’eau oxygénée du commerce, sont plus actifs que la solution acide de sublimé au millième, solution qui est appelée solution forte. Ces désinfectants n’agissent pas ou n’agis- sent qu'après plusieurs heures sur les germes humides lorsqu'on les emploie à la température ordinaire, mais, si ces désinfectants sont portés à la température de 40° à 50° et même davantage, les germes humides sont détruits beaucoup plus rapidement. Quelques minutes suffisent. Il résulte de là que, quel que soit le désinfectant employé, il faut le faire arriver au contact des germes à la température la plus élevée possible. Ce fait a déjà été signalé par quelques observateurs; nous l'avons retrouvé d’une façon constante pour tous les désinfectants que nous avons essayés. 20 Les germes desséchés sont beaucoup plus résistants que les germes humides. Tandis que ces derniers sont tués en quel- ques minutes, les premiers peuvent résister pendant plusieurs heures, même à une température de 40° à 50°. De là découle la nécessité de rendre ces germes humides avant de faire agir le désinfectant, Nous avons constaté qu’en mettant les germes secs au contact de l’eau, surtout de l’eau tiède, il arrive qu'au bout d’une heure environ ces germes sont attaqués par les désinfec- tants aussi rapidement que s'ils étaient humides. La nécessité de pulvériser de l’eau sur les parois de la chambre à désinfecter Ch 480 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. avant de faire agir le désinfectant est donc une pratique qui s'impose et que nous considérons comme absolument nécessaire. Un fait particulièrement digne de remarque, que nous avons observé nombre de fois sans jamais rencontrer une exception, est que la solution concentrée de chlorure de chaux, telle que nous la préparons, estinfiniment moins active que lorsque cette solu- tion est étendue de dix et même de vingt fois son volume d’eau ordinaire; et cela se produit soit que la solution agisse sur des germes humides, soit qu’elle agisse sur des germes secs, à la température ordinaire ou à la lempérature de 500. Les désinfectants dont nous venons de parler, et qui n’agis- sent que dans des conditions spéciales sur les germes du bacillus subtilis, détruisent très rapidement, en quelques minutes, et même à froid, les spores du charbon, de l'Aspergillus niger, la levure de bière, et Le microbe de la fièvre typhoïde. Nous avons fait quelques essais avec le thymol, le lysol, l'essence de térébenthine. Ce sont de mauvais désinfectants rela- tivement aux précédents. Nous concluons de l’ensemble de nos recherches que la solution de chlorure de chaux au dixième, préparée comme nous l’avons dit, doit être substituée dans la majeure partie des cas au sublimé. En effet, cette solution est plus active que celle de sublimé au millième (elle possède à peu près la même activité que celle de sublimé au centième); elle est plus économique (10 litres de solution pour 5 centimes); elle peut être mise sans danger entre les mains de tout le monde ; enfin, elle ne laisse pas trace de poison dans les appartements désinfectés. + mm ON NT PAST ES DO 0) PORT ON OU, DO TP ET CN PE PURE 97 te VS PRE D TR CT: pi L'AZT- ve ht de!” - £ Ê l - ÉTUDE SUR L'ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE LA MORVE PULMONAIRE Par MM. E. LECLAINCHE er L. MONTANÉ Professeurs à l'École vétérinaire de Toulouse. (Avec les Planches IV et V.) La morve revêt, dans le poumon du cheval, des expressions anatomiques très différentes suivant le mode d'évolution des lésions. Alors que les formes aiguës se traduisent par des altéra- tions étendues el diffuses simulant l'infection purulente, les formes chroniques sont exprimées essentiellement par des néoformations discrètes et limitées, d'apparence tuberculeuse. Quelques travaux seulement out été consacrés à l'étude des lésions de la morve aiguë. J. Rexaur' à montré que celles-ci consistent en la présence de foyers confluents de pneumonie purulente, analogues à ceux de l’infection pyémique. Les alvéoles sont remplies de globules blancs; l’endothélium des vésicules a disparu; les parois alvéolaires sont infiltrées de cellules embryon- naires. Tout autour du nodule s'étend une nappe translucide formée par une hémorragie ancienne. À ce niveau les vésicules contiennent de la fibrine granuleuse ou fibrillaire, des globules rouges décolorés et de grosses cellules rondes. « Celles-ci ne sont autre chose que les cellules endothéliales du poumon qui, devenues actives et globuleuses, sont rendues par cela même capables d’englober les globules rouges et de les détruire. » Les altérations très complexes de la morve chronique ont fait l'objet d'assez nombreuses recherches. Durux ? reconnait déjà dans le tubercule du poumon la caractéristique anatomique de la maladie et, insistant sur la signification diagnostique absolue 4, J. Rexaur, Art. Morve. (Diction. des Sciences médicales, 1876, t. X, p. 148.) 2. Duruy, De l'affection luberculeuse vulgairement appelée morve. Paris, 1817. 31 482 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de la lésion, il considère la morve du cheval comme analogue à la « maladie tuberculeuse » de l'homme. Vincrow ‘, qui entreprend l'analyse histologique des néofor- mations, confirme le rapprochement établi entre la « granulation morveuse » et le véritable tubercule. Tous deux sont dus à une prolifération des noyaux du tissu conjonctif, « déterminée par un agent âcre ou irritant »; ils sont constitués par une agglomé- ration de petites cellules et par les fibres élastiques du tissu primitif. Les nodules ainsi formés subissent dans leur partie centrale une dégénérescence caséeuse. En outre, on peut ren- contrer dans le poumon des altérations métastatiques, « sous la forme de foyers irréguliers, faisant saillie au-dessus.du paren- chyme enflammé, et présentant le plus souvent les caractères de parties affectées de pneumonie lobulaire. Quelquefois ils atteignent des dimensions considérables, celles d’une noix ou d’une pomme, se ramollissent et tombent en détritus: ils res- semblent alors beaucoup aux grands foyers de l'infiltration tuberculeuse ». Ravrrscu ? rapporte systématiquement les lésions morveuses à une thrombose des vaisseaux veineux et lymphatiques, déter- minant des troubles nutritifs dans le voisinage. Au début, le tubercule n’est indiqué que par un exsudat fibrineux intra- alvéolaire renfermant quelques leucocytes; plus tard, il survient une inflammation formatrice de la membrane alvéolaire, avec multiplication des éléments fixes du Uissu. Lesernc* confirme les données de Virchow quant à la consti- (ution histologique du tubercule. Il admet que la lésion se développe dans le tissu conjonctif interstitiel, sous l’influence d'un contage directement apporté dans le parenchyme par l'air inspiré. En outre, il signale une forme anatomique particulière (morve infiltrée), caractérisée par des inflammations diffuses du tissu conjonctif, étendues à la fois entre les lobules, autour des bronches et des vaisseaux. 4. Vincuow, Handbuch der specielle Pathol., 1855, t. IT, p. 405. — Pathologie des tumeurs, Trad. Aronssohn, 1869, t. II, p. 541. 9, Ravrrseu, Einige Worte ueber die Pathogenese der Rotz-und Wurmkrankheit des Pferdes, Virchow's Archiv, 1862, t. XXIII, p. 33. 3. LeiseniNG, Zur palhologischen Anatomie des Rotzes, Sächs. Veterinär-Bericht für 1862. AIR. ES MORVE PULMONAIRE. 483 Trassor et Conxiz' donnent une description sommaire d'une «granulation morveuse » développée autour d’une bronche. Le issu est constilué par de nombreuses fibres de tissu lamineux etélastique, formant des mailles et un réseau extrèmement serré. Dans ces mailles on rencontre des noyaux sphériques dont quel- ques-uns présentent autour d'eux des granulations protoplas- miques. Rage * publie une très bonne étude sur lanatomie patholo- gique des diverses localisations morveuses. Le tubercule pulmonaire se développe au sein même du parenchyme, et il comprend un nombre variable d’alvéoles. Au début, il existe un épaississement des cloisons; celles-ci, infiltrées de noyaux, don- nent l’idée d'un tissu en voie de prolifération rapide; on ren- contre aussi des cellules rondes dans les alvéoles. Un examen plus complet montre que les cellules rondes sont surtout abon- dantes autour des capillaires, et qu’en réalité le lissu de granu- lation part de la surface des capillaires ; ceux-ci sont la source des éléments ronds ou elliptiques qui inliltrent le Uissu : les alvéoles et l'épithélium alvéolaire ne jouent aucun rôle dans leur production. À une période plus avancée, les cavités alvéo- laires sont complètement remplies par un tissu de granula- tion capable de former du tissu cellulaire, tandis qu'à la périphérie du foyer ies parois alvéolaires enflammées s’accolent pour constituer la coque fibreuse du tubercule. — Rabe insiste encore sur la diversité des accidents pulmonaires observés dans la morve chronique, et notamment sur les altérations des voies lymphatiques. Les obstacles apportés à la circulation déter- minent la stase de la lymphe, l'æœdème et l’infiltration gélatineuse des tissus, et plus tard leur induration. Ainsi s’expliquent les lésions du tissu interlobulaire et celles des gaines lymphatiques qui entourent les vaisseaux el les bronches. Czokor* étudie seulement le tubercule morveux, et il le différencie histologiquement des lésions appartenant à la tuberculose vraie. Alors que celles-ci sont constituées par un 4. Trassor et Corxi, Note sur la structure des granulations morveuses du cheval, (Comples rendus de la Soc. de Biologie, 1866, t. XVII, p. 218.) 2. Rave, Zur palhologischen Anatomie und Histologie der Rotzkrankheil. (Jahresb. der. K. Thierarzneischule zu Hannover, Ber, 9, 12 et 13, 1877-1881.) 5. Czokor, Vergleichende palhologisch-anatomische Studien ueber den Rolz und die Tuberculose des Pferdes. Revue für Thierheillunde, 1885 et 1886. 48% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. agglomérat irrégulier de très petits foyers, la néoformation morveuse revêt toujours une forme nettement arrondie et elle est constituée d'emblée par un foyer d’inflammation unique. L'examen histologique montre que le nodule morveux débute par la tuméfaction trouble et la chute de l’épithélium alvéolaire. Peu après on rencontre sur la coupe un détritus central, composé d’une accumulation de cellules rondes granuleuses et des parois vésiculaires dissociées. La dégénérescence est d'autant moins accusée que l’on considère une partie plus éloignée du centre; à la périphérie, les cellules rondes ont conservé leur forme et leurs caractères. Le foyer central est limité par une zone compacte, d'épaisseur variable, formée par une infiltration de leucocytes dans les alvéoles. Enfin une troisième couche, extérieure, est composée d’un tissu cellulaire dense, ondulé, qui constitue une coque isolante pour le foyer inflammatoire. LauLanié ' donne une description très exacte du tubercule morveux ancien. Au centre, une masse caséo-purulente très fragile, que l’on fait sourdre et que l’on extrait par pression à l’autopsie, et qui tombe très fréquemment pendant le montage des préparations; autour de cette zone centrale, une zone de prolifération formée de cellules épithélioïdes parmi lesquelles se discernent parfois des cellules géantes; une zone fibreuse qui embrasse les formations précédentes et tend à les étouffer; enfin une zone de pneumonieinterstitielle dont les alvéoles contiennent fréquemment des cellules épithéhoïdes et des cellules géantes. Cette revue sommaire suffit à montrer que les lésions morveuses à évolution lente sont encore incomplètement déter- minées quant à leur forme, et très discutées quant à leur signifi- cation. Les recherches que nous avons entreprises ont eu pour but de préciser certains points de leur étude. Il A. — HISTOGENÈSE DU TUBERCULE MORVEUX. Lestubercules morveux adultes se présentent, dansle poumon du cheval, sous la forme de nodules arrondis, du volume d’un grain de mil à celui d’un pois, irrégulièrement disséminés dans 1. LAuLanié, Étude critique et expérimentale sur les cellules géantes normales et pathologiques. Paris, 1888. La Ÿ MORVE PULMONAIRE, 485 toutes les parties des deux lobes. Les foyers superficiels sou- lèvent légèrement la plèvre; ils donnent, à l'exploration du doigt, la sensation d’un noyau fibreux dur, enchâssé dans le tissu élastique de l'organe. Sur la coupe, le tubercule montre une coque fibreuse épaisse, intimement confondue avec le paren- chyme voisin, et un contenu caséeux, d’un blanc sale, qui s’éli- mine facilement par le grattage. D'autre part, on trouve très souvent, dans un même poumon, des formes jeunes dont les différents aspects correspondent aux diverses périodes de l’évolution. Il est alors facile de suivre les modifications successives des tubercules superficiels, et il est possible aussi de préjuger de la rapidité des transformations subies, d’après le nombre des lésions de mème type qui sont rencontrées. Le tubercule est annoncé par une ecchymose arrondie, d’un rouge foncé, du diamètre d’un grain de mil à celui d’une pièce de un centime. — Bientôt apparaît, au centre de la tache hémor- ragique, un foyer grisâtre qui s'étend rapidement : le tubercule ébauché se présente sous la forme d’une granulation grise, semi- transparente, homogène, formée d’un tissu élastique, de consis- tance charnue. Parfois persiste à la périphérie une auréole rosée, trace de l’ecchymose primitive. — Peu après, on distingue au centre de la tache grise superficielle, un foyer profond opaque, d’un blanc sale, qui s'étend peu à peu, tandis que la zone péri- phérique perd sa transparence et se densifie. — Dès que cette densification est complète, on reconnaît seulement une masse arrondie, d’un gris jaunâtre uniforme, et le nodule revêt les caractères du tubercule adulte déjà décrit. L'analyse histologique permet de suivre pas à pas l’évolution des altérations. La formation du foyer est précédée par une inflammation des voies lymphatiques sous-pleurales et interlobu- laires de la région. Les espaces lymphatiques pleuraux et sous- pleuraux se montrent pour la plupart dilatés et gorgés de celluies rondes : dans le tissu conjonctif interlobulaire, les vaisseaux lymphatiques sont également distendus ; en quelques points, on rencontre des dilatations remplies de leucocytes et simulant un follicule clos minuscule. Les gaines vasculaires sont infiltrées, et les vaisseaux dilatés sont entourés par une couronne de cellules rondes. Le tissu conjonctif sous-pleural et 486 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. celui des travées interlobulaires est œdématié et infiliré de cellules migratrices, isolées ou réunies en amas (Pr. IV, fig. 1). Dans toute l'étendue du territoire envahi, on rencontre des bacilles morveux, libres entre les cellules, et régulièrement dis- séminés en tous les points. C'est toujours au voisinage de la plèvre ou d’une travée interlobulaire que les tubercules superficiels se développent ; souvent ils siègent au point de réunion de la plèvre et d'une travée, ou encore au point de jonction de deux travées voisines. Il en résulte que le tubercule se trouve sous-tendu et partielle- ment limité par une bande de tissu cellulaire enflammé. Le foyer inflammatoire comprend un groupe d’alvéoles remplies de fibrine finement granuleuse, reliquat d’une hémor- raie primitive, emprisonnant quelques leucocytes mononu- cléaires. Les parois alvéolaires sont épaissies ; elles renferment des leucocytes, et aussi, notamment dans le voisinage de la travée conjonctive, quelques bacilles libres. Cette ébauche du tubercule se traduit sous la plèvre par une tache ecchymotique arrondie. Dans une deuxième période, la partie centrale du foyer primitif de pneumonie est envahie par une immigration active de leucocytes; ceux-ci infiltrent les parois; ils remplissent les alvéoles, qui dessinent sur la coupe une grappe fortement colorée. On rencontre des bacilles, encore peu nombreux, dans les parois alvéolaires et dans le contenu des vésicules. Autour de ce foyer d'apoplexie leucocytaire persiste une zone de pneumonie fibrineuse qui ne subit pas de transformations notables; le con- tenu des alvéoles est devenu cependant plus granuleux, et il se colore légèrement en rose par le picro-carmin. Par contre, le tissu pulmonaire voisin éprouve des modifications réactionnelles marquées ; cette zone de retentissement est indiquée par l’évo- lution d’une pneumonie épithéliale plus ou moins étendue, L'épithélium des vésicules se desquame et prolifère en rem- plissant les cavités alvéolaires (PL. IV, fig. 2). — C'est à ce moment que le tubereule se traduit sous l’aspect d’une granula- tion grise et semi-transparente. Le foyer central subit rapidement une dégénérescence caséeuse frappant à la fois les parois alvéolaires et les leucocytes immigrés. Les contours cellulaires perdent leur netteté; on ne MORVE PULMONAIRE. 487 distingue plus que des granulations irrégulières, représentant des noyaux en voie de segmentation, et quelques éléments cellu- laires à divers degrés de dégénérescence. Les bacilles se montrent plus nombreux et ils sont rencon- trés dans toute l'étendue du foyer. En mème temps, la couche réactionnelle de pneumonie interstitielle s'étend par la multipli- cation des cellules conjonctives et des leucocytes ; les cavités alvéolaires, progressivement effacées, ne sont plus indiquées que par des fentes étoilées. On distingue alors dansle tubercule : un centre dégénéré, granuleux et coloré, formé par les détritus cellulaires ; une couche moyenne, à contours festonnés, de pneu- monie fibrineuse; une couche externe de pneumonie intersti- üelle. La présence du foyer de dégénérescence est indiquée, à la surface du poumon, par l'apparition d’une tache blanche, opa- que, au centre de la granulation grise de la précédente période. Dans un quatrième stade, la zone de pneumonie interstitielle gagne peu à peu sur la couche de pneumonie fibrineuse. Celle-ci, indiquée encore par quelques îlots irréguliers, emprisonnés dans le tissu néoformé (Pz. IV, fig. 3), a bientôt totalement disparu. La pneumonie interstitielle constitue dès lors à elle seule, autour du foyer caséeux central, une paroi cellulaire compacte dans laquelle on peut distinguer deux couches. L’une, interne, la plus large, est formée de grosses cellules jaunâtres, parmi lesquelles il n’est pas rare de rencontrer des cellules géantes; l'autre, externe, moins épaisse, comprend des faisceaux conjonctifs déli- cats, séparés par des cellules rondes à gros noyaux, de nature embryonnaire. La couche interne mérite déjà le nom de « zone épithélioïde », tandis que la couche externe est l’ébauche de la coque fibreuse. La dégénérescence du foyer est complète; on ne distingue plus les bacilles dans les parties centrales ; à la périphérie seulement, on trouve encore quelques bàâtonnets gra- nuleux et à peine colorés. Une dernière phase est marquée par l'achèvement des cein- tures fibreuse et épithélioïde. Il existe alors un foyer central caséeux ; une zone moyenne, composée de cellules épithélioïdes et montrant quelques fentes étroites, traces des alvéoles disparus ; une zone externe, fibro-embryonnaire, due à une accumulation de cellules jeunes, 488 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. arrondies, fortement nucléées, mélangée de quelques délicats faisceaux conjonctifs (PL. IV, fig. 4). Les bacilles ont com- plètement disparu, ou du moins ils ne peuvent être mis en évidence. A la périphérie du nodule, le parenchyme pulmonaire est perméable ; toutefois, les parois des vésicules sont épaissies par une néoformation embryonnaire, et elles se confondent avec la couche fibreuse extérieure. Le tubercule ainsi constitué ne subit plus que des altérations régressives sans retentissement extérieur. La zone épithélioïde disparaît peu à peu, par suite de la dégénérescence de la surface limitante interne et de l'extension de la coque fibreuse externe. À une période ultime, on ne trouve plus qu’un contenu granuleux amorphe qu’enserre une capsule résistante composée de fais- ceaux conjonctifs concentriques, intimement accolés, compre- nant entre eux quelques cellules conjonctives. B. — ALTÉRATIONS DES VOIES LYMPHATIQUES. Les altérations des voies lymphatiques qui précèdent et accompagnent l’évolution du tubercule morveux sont constituées essentiellement par un afflux de leucocytes dans toutes les régions envahies par les bacilles. Le tissu conjonctif sous-pleura. et celui des travées interlobulaires est, dès le début, æœdématiéet infiltré. Les cellules conjonctives apparaissent nettement; leurs prolongements anastomotiques forment un réseau cellulaire évident, dont les aréoles sont bourrées de cellules migra- trices, isolées ou réunies en petits amas. Les unes sont pour- vues d’un gros noyau et d’une mince couche de protoplasma, les autres possèdent un noyau plus petit et une zone protoplas- mique évidente (PL. IV, fig. 5). En quelques endroits aussi, les leucocytes se trouvent accu- mulés en ilots plus compacts et plus étendus, régulièrement arrondis, situés au sein du tissu conjonctif dissocié. Les élé- ments cellulaires, fortement colorés, sont emprisonnés dans un fin réticulum (PL. IV, fig. 1). Ces foyers de leucocytes peuvent enfin se trouver agglomérés, et constituer, par leur réunion, une forme particulièrement inté- ressante simulant le lymphadénome. A un faible grossissement, on distingue sous la plèvre une masse arrondie, constituée par MORVE PULMONAIRE. 489 dix ou quinze follicules arrondis ou ovoïdes, d'apparence granu- leuse, placés dans un stroma de même aspect, mais plus clair, et condensé à la périphérie en une coque enveloppante. L'aspect rappelle celui d’un ganglion lymphatique. La lésion est déve- loppée sur le trajet d’une travée interlobulaire, à peu de distance de la soudure avec la plèvre; on voit nettement la travée se diviser en deux faisceaux qui s’écartent pour embrasser la néo- formalion. L'un, refoulé vers la plèvre, se confond avec elle; l'autre sépare le foyer du tissu pulmonaire voisin. Celui-ci est resté sain; les alvéoles les plus voisines, comprimées et aplaties, se présentent sous la forme de fentes étroites et irrégulières. A un plus fort grossissement, les follicules apparaissent bourrés de leucocytes fortement colorés et pourvus d’un noyau volumineux. Çà et là on rencontre des éléments plus grands, à protoplasma jaunâtre, finement granuleux, formant des taches grisätres sur le fond rose foncé de la coupe. Les follicules sont parcourus par un réseau délicat de capillaires lymph'atiques, et l’on distingue, entre les éléments, un fin réticulum conjonctif. Les îlots occupant le centre de la lésion renferment des éléments qui ont subi un certain degré de dégénérescence vitreuse ou cireuse; 1ls se montrent brillants, homogènes et prennent une teinte rouge orangé. Dans les cloisons interfolliculaires, on rencontre des bacilles morveux courts, peu nombreux, mais parfaitement nets. Dans les follicules, leur constatation estrendue difficile parla coloration intense des cellules rondes, mais on les distingue encore dans les espaces clairs situés au voisinage des parois. Ces pseudo-tubercules siègent dans le tissu conjonctif périlobulaire ou dans les cloisons interalvéolaires. Si le tissu conjonctif enflammé des régions voisines rappelle le tissu réticulé normal, ces néoformations simulent de très près le lym- phadénome. Et la ressemblance sera plus parfaite encore si l’on admet que le réticulum des tissus lymphoïdes est un réseau cellu- laire, ainsi que tendent à l’établir les recherches de Laguesse ! sur le développement de la rate. Les tubercules lymphoïdes ont un aspect assez particulier. Ils se présentent, à la surface du poumon, sous la forme d’un 4. LaGuesse, Développement de la rale chez les poissons. (Journal d’Anato- mie, 1891.) 490 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nodule régulièrement arrondi, nettement délimité, d’une teinte légèrement jaunâtre et translucide, ou d’une couleur rosée et opaque; sa surface, légèrement convexe, soulève la plèvre; le parenchyme voisin ne paraîl pas altéré. Sur la coupe, on trouve un tissu de consistance charnue, très finement granuleux, parfaitement homogène dans toute sa masse, au moins pendant les premières périodes de l’évolution. Ces formes paraissent exister dans de nombreux cas de morve du cheval, mais l’on n’en rencontre qu’un petit nombre chez le même sujet. Chez un premier cheval, qui avait fortement réagi à la malléine, nous n’avons trouvé que deux foyers de cette nature, en l’absence de toute autre lésion du poumon ou des muqueuses. Un deuxième cas nous a été fourni par l'examen d’un fragment de poumon, recueilli sur un cheval également abattu après l'épreuve de la malléine. Une troisième observation a été relevée dans un poumon présentant de très nombreux tubercules morveux de différents âges ; un seul nodule offrait Les caractères indiqués, et ceux-ci élaient assez nets pour que la forme histologique de la lésion ait pu ètre immédiatement prévue. C. — PNEUMONIE LOBULAIRE MORVEUSE. Le tubercule ne constitue pas la seule expression anatomique de la morve pulmonaire chronique, et l’on rencontre parfois des foyers de pneumonie lobulaire morveuse. Ces lésions se tra- duisent à la surface du poumon, sous la forme de foyers irrégu- lièrement disséminés, de dimensions très variables, de couleur jaunâtre, entourés, lorsqu'ils sont récents, d’une zone de conges- tion intense. Leur coupe montre une surface d’un blanc sale, uniforme et granuleuse, à contours irréguliers, limitée par un tissu hépatisé de couleur rouge foncé. Le foyer, qui dessine un cône à base sous-pleurale, rappelle l'infarctus de l'infection purulente. Comme le tubercule, la pneumonie se développe dans le voisinage de la plèvre ou des travées interlobulaires, souvent dans l'angle formé par la plèvre et une travée, parfois dans les parties sous-pleurales adjacentes de deux lobules. La plèvre, la travée et les parois alvéolaires sont épaissies, œdématiées et infiltrées de leucocytes. Les alvéoles sont complètement remplies MORVE PULMONAIRE. 191 par un exsudat fibrineux, et par une accumulation intense de cellules rondes en voie de dégénérescence. Quelques éléments ont conservé leur aspect normal et la netteté de leurs contours ; les autres sont indiqués seulement par des granulations irrégu- lières, représentant des noyaux détruits pendant leur segmenta- ton. L'épithélium alvéolaire a complètement disparu. Dans toute l'étendue du foyer, on rencontre un nombre considérable de bacilles grèles, allongés, à espaces clairs évidents ; très abondants dans le contenu alvéolaire, ils se retrouvent dissémi- nés dans les parois parmi les éléments cellulaires dégénérés (Pr NeshS La partie du lobule envahi dessine une grappe arrondie, limitée par une zone étroite de pneumonie catarrhale. Dans tout le reste du lobule, et principalement dans ie voisinage du foyer, les vaisseaux sont gorgés de sang, et il existe des hémorragies disséminées dansles alvéoles. En ces milieux, on constate encore des bacilles, mais ils sont beaucoup plus rares que dans le foyer central. Ces lésions reproduisent exactement ce que l’on observe dans la morve aigué; elles n'en diffèrent que par leur étroite localisation. D. — ALTÉRATIONS VASCULAIRES ET BRONCHIQUES. Les lésions initiales des voies lymphatiques s'étendent rapi- dement aux gaines qui entourent les vaisseaux et les bronches. Dans les territoires envahis, on note autour des gros vais- seaux, dès les premières périodes de l’envahissement, une accu- mulation de leucocytes qui distendent la tunique adventice et la transforment en une large gaine lymphatique annulaire. Un peu plus tard, les parois du vaisseau subissent des altérations mar- quées ; des cellules rondes pénètrent dans la tunique moyenne, tandis que l’endothélium se gonfle, prolifère et se détache. Les leucocytes infiltrent toute la paroi et ils font irruption dans l’in- térieur du vaisseau. Avec eux pénètrent de nombreux bacilles, les uns libres, les autres renfermés daus les cellules. Les leuco- cytes importés ont subi pour la plupart un commencement d’altération ; leurs noyaux sont en voie de segmentation. Parmi ceux qui contiennent un ou plusieurs bacilles, les uns parais- 492 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sent encore intacts, les autres montrent un noyau fragmenté, granuleux, et leur contour est à peine indiqué (PL. V, fig. 4). Très marqués en quelques endroits, les troubles inflamma- toires aboutissent à la destruction totale des parois et à l'obstruc- tion du vaisseau. On voit alors sur la coupe une zone étendue de tissu embryonnaire, renfermant quelques cellules musculaires lisses, vestiges de ia tunique moyenne, et, occupant la lumière du vaisseau, un bourgeon de tissu embryonnaire. Des lésions de même ordre sont rencontrées au niveau des bronches. L'infiltration leucocytaire du tissu lymphatique péri- bronchique est suivie de là réaction inflammatoire des parois. Le derme de la muqueuse, infiltré par de nombreuses cellules migratrices, s’épaissit et bourgeonne dans l’intérieur du canal, en même temps que l’épithélium se multiplie et se desquame. Les leucocytes font irruption à travers les parois, et ils forment en quelques points des bourgeons saillants qui obstruent en partie la lumière. Avec eux, des bacilles pénètrent dans la bror- che; on les rencontre, parfois en très grand nombre, englobés avec les éléments cellulaires immigrés et l’épithélium détaché, dans un exsudat muqueux qui remplit les culs-de-sac bronchi- ques (Pc. V, fig. 2). Le bourgeonnement des parois continuant, la cavité se trouve progressivement effacée, puis complètement oblitérée en cer- tains points par un bourgeon inflammatoire (PL. IV, fig. 6). III Les observations qui précèdent, bien qu'incomplètes à coup sûr, permeltent au moins d’esquisser les modes principaux de l'infection pulmonaire. Les bacilles sont rencontrés tout d’abord dans les voies lym- phatiques. Ils cheminent lentement, provoquant dans tous les points la stase de la lymphe el une abondante leucocytose. Ces lésions très manifestes n’ont pas échappé aux premiers observa- teurs : cesont celles qui constituent la « morve infiltrée » de Leise- ring et l’«œdème lymphatique » de Rabe. Mais leur pathogénie est très différente de celle qui leur est attribuée ; au lieu de con- stituer un phénomène passif, simple résultante mécanique d’un obstacle plus ou moins éloigné apporté à la circulation, ils sont MORVE PULMONAIRE. 493 l'expression d'un processus actif de réaction, dû à la présence des bacilles; au lieu de traduire un accident secondaire et acces- soire, l'œdème lymphatique exprime le fait primordial et essentiel de l'infection. Les voies lymphatiques jouent surtout le rôle de vecteur du virus, et cette constatation estintéressante en ce qu'elle montre la similitude des procédés de linfection morveuse dans les divers territoires organiques (farcin). Dans ce milieu, le bacille n'éprouve très généralement dans sa marche envahissante qu'une résistance insuffisante; malgré l'abondance des leu- cocytes, la phagocytose ne semble pas s'exercer activement, et les bacilles restent libres au milieu des cellules très vivantes qui les entourent. Cependant le microbe ne rencontre pas non plus des conditions favorables à sa pullulation, et si cette pre- mière phase de la défense n’est qu'esquissée le plus sou- vent, elle se précise et s’accentue dans quelques cas. Cer- tains faits rapportés plus haut tendent à établir que l’infec- tion peut être enrayée, au moins momentanément, à la suite d'un afflux de cellules migratrices sur certains points. La réaction est très nettement indiquée par l'accumulation des leucocytes en foyers, et surtout par l'édification des pseudo- tubercules constitués par des follicules agminés. À priori, il est permis de considérer comme possibles la localisation et la des- truction sur place des agents de l'infection dès cette première période. Très généralement, les milieux lymphatiques n’opposeront pas une résistance suffisante à l'invasion, et les bacilles vont diffuser dans les travées interlobulaires pour gagner les espaces lympha- tiques péri-vasculaires et péri-bronchiques. La pénétration du bacille dans les parois alvéolaires s'opère difficilement ; on trouve en de nombreux points des lobules parfaitement intacts, qui sont limités par une travée épaissie et envahie par de nombreux microbes. Certaines conditions accidentelles déterminent sans doute un affaiblissement local de la défense, qui permet l’inva- sion. Il est remarquable aussi que les tubercules apparaissent par poussées successives, et l’on peut admettre que l'infection reste localisée dans les voies lymphatiques jusqu’à ce qu’une modification de l’état général favorise l’éruption en diminuant la résistance des tissus. 49% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La présence du bacille dans les parois alvéolaires coïncide avec la réplétion de l’alvéole par un exsudat fibrineux; plus tard seulement s'opérera l’afflux des leucocytes dans les parties centrales du foyer. Pendant toutes les premières phases de l’évolution, l’on ne rencontre qu'un très petit nombre de microbes dans le tuber- cule; au sein de granulations grises parfaitement délimitées, il est souvent difficile de mettre quelques bacilles en évidence, alors qu'ils sont très nombreux dans les travées conjonctives voisines. La pullulation est annoncée par la dégénérescence centrale du tubercule ; à ce moment seulement les bacilles seront facile- ment décelés par l'examen direct ou par l'inoculation. La réaction inflammatoire des tissus aboutit à l'isolement du foyer, mais la virulence persiste un long temps, malgré les altérations subies par les microbes ;elle sera ainsi démontrée par l'inoculation, alors que l’on ne trouvera plus dans le tubercule que quelques granulations sans signification précise. Du côté des bronches et des vaisseaux, les bacilles déter- minent l’afflux des leucocytes dans les gaines lymphatiques et l'inflammation des parois. L'observation directe démontre que la pénétration des cellules rondes dans l’intérieur des canaux est alors possible, et que des bacilles, libres ou intracellulaires, traversent de dehors en dedans les parois altérées du vaisseau ou de la bronche. Les conséquences de l’envahissement des capillaires du poumon par les bacilles ne sauraient être prévues à priori, mais celles de la souillure des bronches apparaissent évidentes. Les microbes se retrouvent en grand nombre à la surface de la muqueuse euflammée, au sein d'un exsudat abondant qui est éliminé sous forme de jetage. C’est ainsi que s'explique la viru- lence à peu près constante du jetage des animaux morveux, et non, comme on le supposait jusqu'ici, par l’ouverture de foyers tuberculeux dans les bronchioles. Les altéralions bronchiques élant indépendantes de l’évolution tuberculeuse et subordonnées seulement à l’envahissement primitif des voies lymphaliques, on peut concevoir la virulence du contenu des bronches en l'absence de toute lésion macroscopique apparente. Il est théo- riquement admissible qu’un animal puisse être trouvé libre de - L248 MORVE PULMONAIRE. 495 lésions morveuses pulmonaires après une autopsie minulieuse, alors qu'en réalité il existe de nombreux bacilles dans certains territoires lymphatiques du poumon, dans les bronches des régions envahies et par conséquent dans le jetage. L'absence des tubercules pulmonaires, en supposant qu'elle puisse être affirmée, d'après l’autopsie, n'implique donc nullement l’inexis- tence de la morve, et cette constatation n'est pas sans intérèt à l'heure actuelle. CONCLUSIONS, En résumé : I. Dans la morve chronique du cheval, l'envahissement du poumon s'opère par les voies Iymphatiques; l'infection se traduit à la fois par des néoformations tubercuieuses et par des altéra- tions des vaisseaux et des bronches. IT. Le tubercule morveux débute par une Ilymphangite péri- lobulaire ; le lobule est envahi secondairement, de la périphérie au centre; la première expression anatomique du tubercule est un noyau de pneumonie fibrineuse. Le centre du foyer est ensuite le siège d’une apoplexie leu- cocytaire, suivie de la dégénérescence caséeuse des éléments et d’une réaction périphérique ; celle-ci aboutit au développement d'une ceinture épithélioïde doublée d’une enveloppe conjonctive, III. Une forme anatomique particulière est due au dévelop- pement de foyers lymphoïdes agminés dans les travées interlo- bulaires ; le pseudo-tubercule ainsi développé simule histologi- quement le /ymphadénome. IV. Une altération exceptionnelle est constituée par l’évolu- tion d'un noyau de pneumonie alvéolaire, entouré par une zone hémorragique; cette forme constitue un fover très limité de morve aiguë. V. Les vaisseaux et les bronches subissent, dès les premières périodes de l’évolution, des altérations importantes. Leurs parois enflammées sont traversées par des leucocytes et par des bacilles arrivés par les gaines lymphatiques. Même lors de lésions très discrètes et localisées en apparence, les bacilles pénètrent dans le sang; d'autre part, ils se rencontrent en abondance dans les bronches et par conséquent dans le jetage. 496 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE IV Fig. 1. — Tubercule morveux sous-pieural ; foyer de pneumonie fibrineuse succédant à une hémorragie primitive ; œdème et leucocy- tose des voies lymphatiques péri-lobulaires; pseudo-follicules Iympha- tiques dans les travées. Fig. 2 — Deuxième stade de l'évolution du tubercule; invasion leucocylaire dans les parties centrales de la zone fibrineuse; infiltra- tion des voies lymphatiques sous-pleurales et péri-vasculaires. Fig. 3. — Dégénérescence centrale ; édification d’une zone de pneumonie interstitielle substituée à Ia pneumonie fibrineuse. Fig. 4 — Tubercule adulte; foyer central caséeux ; couche moyenne épithélioïde; couche externe fibro-embryonnaire. Fig. 5. — Inflammation du tissu conjonctif interlobulaire; réseau cellulaire conjonctif œdématié et infiltré par les leucocytes. Fig. 6. — Lésions vasculaires et bronchiques; inflammation des voies lymphatiques périphériques ; oblitération par bourgeonnement. PLANCHE V Fig. 3. — Pneumonie lobulaire morveuse; altérations de l’alvéole et des parois. Fig. 4. — Allérations des parois bronchiques; pénétration des bacilles dans l’intérieur de la bronche. Fig. 2. — Capillaires sanguins et lymphatiques des travées inter- lobulaires renfermant des bacilles. Fig. 1. — Inflammation des parois artérielles ; infiltrations leuco- cylaire et pénétration des bacilles. ÉTUDE DES TRICHOPHNTIES À DERMITE PROFONDE Spécialement de la Folliculite agminée de l’homme et de son origine animale PARMEME OR: SABOURAUD Interne à l'hôpital Saint-Louis. (Travail du laboratoire de M. le Dr E. Besniere) I — AVANT-PROPOS. Ce travail a pour objet d'étudier l’une des trichophyties de l'homme dans ses symptômes, dans sa marche, dans ses lésions; d'étudier son parasite aussi, ses caractères de culture, et acces- soirement ses caractères botaniques; enfin de mettre en relief l'origine primitivement animale de la maladie qui n’est chez l'homme que le résultat d’une contagion accidentelle. J'ai aussi un but plus général, c'est de montrer par un exemple que les caractères particuliers de chaque forme de tri- chophytie humaine ont pour cause l’action d’une espèce spéciale de trichophyton. Enfin je devrai exposer quelles raisons j’ai de croire que ces êtres dont nous connaissons seulement encore la vie parasitaire, doivent exister à l’état saprophyte dans la nature et ne devenir parasites que par occasion. Mais d’abord cette étude demande comme introduction un bref résumé de ce que l’on sait aujourd’hui des teignes humaines. HISTORIQUE GÉNÉRAL DE LA TEIGNE TRICHOPHYTIQUE À. — Quand en 1844 Gruby attribua la teigne de la barbe au champignon qui porte à tort le nom de Trichophylon tonsu- rans de Malmstein, on connaissait les trois modalités cliniques que la teigue trichophytique peut revêtir chez l’homme. C'étaient alors : la teigne tondante des cheveux, le syco- 32 498 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sis de la barbe, et l’herpès circiné contagieux de la peau glabre. Mais les symplômes de la maladie diffèrent beaucoup suivant son siège, et il fallut cette notion de l’étiologie parasitaire pour grouper côte à côte ces lésions demeurées jusque-là sans lien commun; elles sont devenues alors : /a trichophytie pilaire des cheveux, la trichophytie pilaire de la barbe, et la trichophytie circinée tégumentaire. À cette époque, la présence constante de mycéliums crypto- gamiques dans les trois lésions, devait faire et fit affirmer l’iden- üté absolue de leur parasite causal. En sainelogique cependant, on eût dû conclure à leur analogie plutôt qu’à leur identité ; mais alors le critérium de l'examen mi- croscopique était considéré comme sans appel : la découverte de Gruby une fois faite, son extension par Bazin, Malherbe, Leten- neur fut donc naturelle et put sembler légitime. L'enseignement médical adopta pour un demi-siècle l’idée de l’unité du tricho- phyton, et, avecle temps, cette opinion devint un dogme. Pourtant ceux qui l'avaient établie ne l’avaient pas formulée sans hésita- tion. Leurs successeurs, au contraire, l’acceptèrent en toute rigueur; et de 1857 1l faut arriver en 1879, à Patrick Manson, pour voir un médecin s'élever au nom de la seule clinique, contre l’unité absolue du trichophyton :. Les travaux bactériologiques faits sur la question (Duclaux?, Verujski ‘)n’avaienteu traitqu'à l'étude botanique du parasite ou à seséchanges physico-chimiques; les bactériologistes avaient reçu des médecins, sans la discuter, l'affirmation de l’unité tricho- phytique, lorsque le premier travail de bactériologie médicale fait sur seize cultures trichophytiques, provenant du laboratoire de M. Unna à Hambourg ‘, montra quatre parasites différents. Ce court mémoire, où la partie clinique était sacrifiée, ne fut malheu- reusement pas suivi des recherches plus approfondies que le sujet méritait. B. — En 1892, me trouvant à l'hôpital Saint-Louis dans le service d'un maitre éminent et cher, dont l’appui moral et 1. Parriex Manson, Tinea imbricata in British Journal of Dermat., janvier 1892. 2, Ducraux, Bulletin de la Soc. de Biolog., 1886, et These de Feulard, 1886. 3, Veruiski, Annales Pasteur, 1588. 4. Vier Trichophytonarten von M. Furramanx (Altona) et G.-H. Neese (Ham- burg) in Monatshefte für praktische Dermalologie, XIII Band. 1891, page 478 et suivantes. TRICHOPHYTIES À DERMITE PROFONDE. 496 même matériel ne m'a pas un instant fait défaut, ayant d’autre part à ma disposition des éléments de travail que tout chercheur eût pu envier, j'ai pu commencer l'étude de cette question. Voici comment elle se pose chez l’homme, en France, du moins : Sur cent cas de trichophytie humaine, quatre-vingts environ sont des trichophyties pilaires des cheveux. C’est la teigne tondante de l'enfant ‘. Les vingt autres sont des cas de trichophytie circinée des régions glabres, l’ancien herpès circiné contagieux *. Eafin dans deux ou trois cas sur cent, il s’agit de la teigne pilaire de la barbe, l’ancienne mentagre, l'ancien sycosis *. Ces trois trichophyties montrent à l’examen du poil, du cheveu, ou de la squame, un parasite cryptogamique caractérisé par des chaînes de spores mycéliennes. C’est là le caractère commun qui avait fait identifier tous les cas et toutes les formes de trichophyties. Mais si l'examen microscopique est pratiqué avec soin‘, on vbservera que toutes les trichophylies de la barbe chez l'adulte et (ous les cas de trichophytie épidermique des parties glabres montrent un parasite dont les spores sont plus grosses qu’un 1. Nous rappellerons pour les lecteurs qui ne sont pas familiers avec la der- matologie qu’il ne s’agit pas là de la pelade. Dans la teigne trichophytique dite teigne tondante, le cheveu est cassé, mais visible. De plus c’est là une lésion spé- ciale aux enfants, et qui ne dépasse guère l’époque de la puberté. La pelade au contraire est de tous les âges. 2. Le caractère commun des trichophyties tégumentaires est la forme absolu- ment circinée de la lésion. Ordinairement c’est un cerle dont le centre est sain et dont la bordure, région active, présente soit des vésicules analogues à celles de l’herpès fébrile des lèvres, soit des croûtes peu épaisses, résultant de la rupture des vésicules, soit encore une desquamation furfuracée. Il peut y avoir plu- sieurs cercles agminés et la circonférence de la lésion est dite alors polycir- cinée. 3. Grossiérement la trichophytie de la barbe se présente sous trois aspects: ou bien il n’y a aucune lésion dermique, comme dans la trichophytie vulgaire des cheveux, le poil seul est atteint, cassé à quelques millimètres au-dessus de Ja peau ; ou bien la lésion du poil s'accompagne d'accidents locaux de dermite,. c’est proprement l’ancien sycosis ; ou bien la lésion se borne à des cercles analogues à ceux qu’on voit évoluer sur la peau glabre, et les poils sont à peine envahis par le parasite. DE RS 4. L'examen extemporané se fait ainsi : La squame ou le poil sont portés:sur une lame dans une goutte d'une solution de potasse à 40 0/0, on recouvre d'une lamelle et on chauffe légèrement, jusqu’à un commencement d’ébullition, Les parties grasses-sont éliminées, les éléments cellulaires éclaircis et dissociés: Le parasite devient facilement visible, sans aucun artifice de coloration (Oculaire à. Object. 7. Leitz), | D00 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. globule sanguin (8-9 y) et visiblement contenues dans des fila- ments mycéliens distincts (fig. 1). À KHARMANSA. Fig. 1. — Trichophyton mégalosporon dans le cheveu. Gross. 300. Si au contraire on passe à l'examen des cheveux de la teigne pilaire des enfants, on verra que le parasite à grosses spores ne se retrouve que dans un liers des cas seulement, les deux autres tiers montrant un parasite tout différent. Ce sont de très petites spores de 2 ou 3 seulement de diamètre. Comme les grosses spores, ce sont également des spores mycéliennes, mais leur mycélium n'est pas visible, en sorte qu'elles paraissent irrégulièrement tassées les unes contre les autres, comme des zooglées de staphylocoques. Et non seulement elles occupent la totalité du cheveu malade, mais elles forment autour de lui comme une gaine plus ou moins épaisse (fig. 2). Jamais sur une même tête on n’observe les deux types de spores mêlés, et dans les contagions familiales la spore garde aussi sur tous les individus contaminés la même dimension, le même aspect. Enfin la petite spore fournit à la cullure une colonie en duvet et blanche ; la grosse spore, une colonie aride, poudreuse, ordi- nairement jaunâtre. OUEN ha ET pat burn del are 0 Le dns té eds 01 " 2de) € pin LL a 20e PET ENT NUS > ” = tre, OR POSE ENS lecile 2 Mel Ed 7 2 A % TRICHOPHYTIES À DERMITE PROFONDE. 501 Et de même que les contaminés de la même famille fournis- sent à l'examen la mème spore, de mème ils fournissent à l’en- semencement sur tous milieux artificiels invariablement la mème culture. Fig. 2, — Trichophytcn microspcron dans le cheveu. Gross. 300, De ces faits que j'ai exposés longuement ailleurs’, et sur lesquels je ne puis insister ici, il résulte qu’il existe chez l’homme deux formes, ou mieux deux classes de teignes trichophytiques. L'une, causée par le trichophyton microsporon, est essentiel- lement une teigne tondante des cheveux et une maladie de l'enfance. L'autre, causée par le trichophyton mégaloporon, siège ou peut siéger dans le cheveu chez l'enfant, dans le poil de la barbe chez l'adulte, dans l’épiderme à tous les âges. C. — Mais sous ce nom de trichophytons à grosses spores, à petites spores, il faut se garder d'entendre deux espèces, chacune unique, qui se partageraient à peu près également les 4. Bulletin et Annales de dermatologie des mois de novembre 92 et février 1893. 502 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. trichophyties humaines ou animales. Ces noms désignent de grandes classes, des groupes d'espèces nombreuses, distinctes les unes des autres, ayant chacune ses caractères fixes, hérédi- taires et permanents. Je n’ai pas à parler ici des trichophytons microsporon ; bien qu'ils forment la grande majorité des teignes tondantes de l'enfance, ils sont d'espèces peu nombreuses, presque exclusive- ment humaines". Mais il n’en est pas de même des trichophytons mégalospo- ron; Ceux-ci comprennent de multiples espèces dont je dois indiquer brièvement le cadre, pour pouvoir, dans ce cadre, marquer la place de l'espèce que j'étudierai. La construction de ce tableau général est facilité par un fait d'observation très important. La ressemblance objective de deux lésions trichophytiques suppose une ressemblance entre les espèces qui les causent. Après un long temps d'observation, il devient donc facile, et je dirai même qu'il s'impose, de reconnaître parmi les nombreuses espèces du type trichophyton mégalosporon des groupes naturels. Et ce groupement, qu'on le fasse en partant de la seule étude clinique ou, au contraire, de l’étude mycologique, sera identique, puisqu'il rapproche des trichophytons dont les lésions se ressem- blent entreelles, — justementcommeils seressemblententre eux. Chacun de ces groupes est caractérisé par une forme de lésion distincte des autres à l'œil nu quand la trichophytie est épidermique ; et quand la lésion est pilaire, à l'examen micros- copique des cheveux et poils malades, par la forme spéciale de la spore, par son siège ou par son mode d’agmination. Chaque groupe renferme plusieurs espèces, ayant entre elles dans leur lésion et dans leur culture les points de ressemblance les plus frappants. Enfin on peut trouver dans chaque groupe une espèce qui en résume nettement les caractères principaux, qui en est si l’on veut le prototype. Parmi ces groupes, celui dans lequel je prends mon sujet d’études est le plus tranché, le plus nettement différencié à tous 4. Je reviendrai plus loin sur l’herpès contagieux vulgaire du cheval, si fréquent chez les jeunes chevaux, dû à un trichophyton microsporon, très peu distant de celui des teignes tondantes des enfants. Je n'en parle que pour prévenir d'avance toute confusion entre ce trichophyton fréquent du cheval et l’espèce trichophy- tique équine beaucoup plus rare que j'étudierai ici. TRICHOPHYTIES A DERMITE PROFONDE. 903 les points de vue : Aspect clinique de la lésion, localisation et morphologie du parasite dans la lésion, aspect général des cul- tures, enfin mode de végétation du parasite cultivé. Cliniquement, ce groupe est celui des trichophytons à dernute profonde et suppurée, car ces trichophytons sont pyogènes. Au point de vue microscopique, c'est le groupe des tricho- phytons à spores géantes. Au point de vue des cultures, le groupe des trichophytons mégalosporon à cultures blanches. En étudiant ce groupe trichophytique, j'ai été conduit à constater la similitude de profession des malades, porteurs de l’une de ses espèces, et conduit à rechercher et à trouver, en dehors de l’homme, chez l’animal, la cause de la contagion. C'est cette espèce, d’origine ordinairement équine, que je veux étudier ici. Elle s'impose àl’attention partousses caractères ; elle est réellement le centre, l’espèce typique du groupe dont elle fait partie; enfin, précisément à raison de sa haute spéci- ficité, reproduisant avec un relief particulier, à côté de ses symptômes spéciaux, les caractères généraux de toutes les autres teignes trichophytiques, c’est un vrai type d'étude, propre à fournir avec une grande évidence les déductions auxquelles l’examen des autres espèces aurait conduit moins sûrement. Résumant donc tout ce que je viens de dire, je définirai ainsi l'espèce que je vais étudier : c’est le #richophyton mégalosporon pyogène du cheval. Il appartient au groupe des trichophytons à dermite profonde et à cultures blanches, de la grande famille des trichophytons mégalosporon. Sa place dans le cadre dont j'ai parlé Re haut est indiquée dans le tableau suivant : LES TRICHOPHYTONS I j IT Classe *. LES TRICHOPHYTONS MICROSPORON LES TRICHOPHYTONS MÉGALOSPORON Se Se | SRE TE ET RTC LL TELISSELTF I II I IL III IV etc. Groupe. Teigne tondante Herpès contagieux Les trichophytons des enfants. vulgaire du cheval. pyogènes, I Il LIT Espèce. Cheval. Chat. Pore, ete. Qt (=) PS ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. IT. — PARTIE CLINIQUE À. — LA LÉSION HUMAINE. SES DIFFÉRENTS SIÈGES. La lésion sur l’homme esttout à fait spéciale. Quelque soit son siège, ses caractères sont identiques et peuvent se résumer ainsi : 1° La lésion élémentaire occupe le follicule pileux, c’est une folliculite ou périfolliculite : 2° Son processus très évidemment inflammatoire va jusqu’à la suppuration des éléments envahis; 3° Ces lésions inflammatoires folliculaires sont agminées en un gâteau de forme ronde nettement circonscrit ; 4° Ce placard fait sur la peau saine voisine une saillie consi- dérable. À son niveau, le derme est le siège d'une infiltration profonde. La surface de la lésion en pleine activité est souvent recou- verte de croûtes. Ces croûtes enlevées laissent voir une surface exulcérée, d'un rouge vineux, suintante, non pas absolument plane, mais un peu mamelonnaire; et par places s’observent entre des pustules acuminées assez rares des déchels épithéliaux agslomérés. Ce sont des bouchonsjaunes, humides et spongieux, ayant la plus grande ressemblance avec le bourbillon du furoncle. Quand on les enlève avec une pince, on observe qu'ils sont comme enchâssés dans une sorte de crypte, et ils laissent à leur place un pertuis occupant l’orifice folliculaire d’un poil. Au rebord mème de la néoplasie inflammatoire, suivant une ligne de démarcation absolument nette et comme tracée au compas, le tégument est légèrement soulevé et se continue avec la partie malade. En d’autres termes, ce bord n’est pas taillé à pic, mais se continue avec le tégument voisin par un talus formé aux dépens de la peau saine. Enfin autour de la lésion, dans un rayon de quelques milli- mètres, existe une zone érylhémateuse un peu violette, où l’épi- derme forme une collerette souvent continue de desquamation furfuracée. La lésion ainsi constituée peut être très large, de 10 à 12 centi- mètres environ, ou très petite, de 1 centimètre de diamètre. Il peut y en avoir une seule, ce qui est le plus ordinaire, ou plusieurs, et j'en ai compté jusqu'à sept sur le même TRICHOPHYTIES A DERMITE PROFONDE. DO individu ; elle peut affecter tous les sièges, mais d'ordinaire on la rencontre sur les parties découvertes; sur les régions décou- vertes revêtues de poils (cuir chevelu, barbe), sur les parties glabres (aux mains, aux avant-bras); elle occupe le plus sou- vent la face dorsale ou le dos du poignet. Au début, l'affection est invariablement confondue avec un furoncle ou un petit anthrax (l'absence de douleur spontanée vive pourrait cependant faire écarter ce diagnostic), en sorte que le patient se présente toujours au médecin en pleine évolution de la maladie. La guérison demande de trois à six semaines quand la folli- culite trichophytique a son siège sur les régions glabres ; deux mois environ quand son siège est le cuir chevelu, et en général trois mois au moins quand il s’agit d’une localisation à la barbe. Le traitement comprend l'épilation de la plaque malade et de son pourtour, et les applications iodées, vaseline iodée, teinture d’iode. L'application permanente de taffetas de Vigo hâte la résolution de la dermite profonde, quand la cicatrisation de la surface malade est obtenue. Cette cicatrisation superficielle est toujours rapide : toute la surface malade se recouvre d’un épiderme d'aspect vernissé, extrêmement mince. Alors l’épaississement persistant du derme simule un disque enchâssé dans l'épaisseur du tégument. Peu à peu la rougeur violacée de la surface s’alténue, ainsi que l’empâtement profond, dernier signe qui disparaisse. Mais les follicules pileux de la région sont en partie détruits ; la cicatrice reste donc marquée au cuir chevelu et dans la barbe par une alopécie partielle, mais permanente. Les teignes de ce groupe trichophytique sont les seules dont l’évolution spontanée puisse créer une alopécie définitive. B. — LES OPINIONS MÉDICALES SUR LE SUJET. La lésion que je viens de décrire est trop spéciale pour n’avoir pas attiré dès longtemps l’attention du médecin. a) Au cuir chevelu elle est connue depuis Celse sous le nom de kérion. Il est possible que cette désignation ait compris à l'origine non seulement cette maladie spéciale, mais beaucoup d’autres. Cependant une tradition médicale constante lui a exclusivement réservé ce nom. 506 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Depuis Bazin, son origine trichophytique est reconnue, et, l'unité du trichophyton étant jusqu’en ces derniers temps indis- cutée, pour expliquer la symptomatologie particulière du kérion, on invoquait seulement l'influence des infections secondaires staphylococciques. Il va de soi qu'elles existent dans une pareille lésion, ouverte et non protégée : seulement leur présence n’est pas la cause de ses caractères objectifs. b) Dans la barbe, on avait décrit, bien avant que la nature cryptogamique des teignes fût en question, le sycosis où men- tagre. Sous ce nom on désignait les eczémas pilaires, qui dans ce siège prennent souvent une forme exulcérée et végétante rappelant, sauf la circination, la lésion que nous avons décrite. Et la relation de ces dermites avec les polyadénites scrofuleuses ayant été remarquée, on en avait fait des eczémas d'origine strumeuse, parmi lesquels la trichophytie spéciale dont nous parlons restait confondue. Quand certains de ces sycosis durent être classés parmi les teignes, on garda l'hypothèse de la strume pour expliquer leur forme végétante. Enfin on étendit cette hypothèse au kérion du cuir chevelu lui-même, et il demeura admis que le kérion et le sycosis trichophytiques devaient à la diathèse du malade leurs symptômes spéciaux. €) Quant à la même lésion de la peau glabre, les idées médi- cales étaient plus imprécises encore. Les trichophylies tégumentaires banales — dont toutes les localisations sur le même individu sont toujours identiques parce que toutes leurs inoculations proviennent d'un même germe — sont, sur différents malades, pris au hasard, d'un polymorphisme tout à fait extraordinaire. Avec le temps, le caractère constant de la circination aidant, toutes les modalités de la trichophytie furent pourtant recon- nues : on vit des cercles d'aspect eczémateux secs et humides, des placards vésiculeux, vésico-pustuleux, etc. I n’y a donc nul doute que plusieurs fois on ait porté le dia- gnostic vrai de trichophytie sur la lésion tégumentaire que nous avons décrite plus haut; mais ce qui est certain, c’est que dans un grand nombre de cas son origine trichophytique «a été nie. Ses caractères formels sont si particuliers qu’on voulut en ï g “| 2 Ge, TRICHOPHYTIES A DERMITE PROFONDE. 907 faire une entité morbide spéciale et, vu ses caractères histolo- giques, on la nomma périfolliculite agminée. L'hypothèse de la trichophytie fut émise : l'examen micro- scopique etmème la culture étant restés négatifs, on affirma que la lésion n'était pas trichophytique. Et l’on admit l’existence d'une périfolliculite agminée circinée, non trichophytique. En résumé, notre part dans la question aura été de réunir sous une même dénomination et de rattacher à une même origine animale, non seulement le kérion celsi des cheveux, et le sycosis circiné de la barbe, dont la parenté n'était pas niée, bien que leur origine et leur spécificité fussent inconnues, mais encore d'identifier à ces lésions la périfolliculite agminée des régions glabres, lésion dont la ressemblance avec les précédentes n'avait pas élé mise en lumière, et dont l’origine trichophytique elle-même était l’objet de controverses ‘. 1. L'étude de la folliculite agminée fut commencée par M. le prof. LeLorr, de Lille (1884) ; il en fournit une description anatomo-pathologique très exacte, et qu'on ne peut que répéter. Il reconnut la spécificité de l’affection, mais, au lieu de la rapprocher des kérions et sycosis, il nia l’origine trichophytique, et crut à l’action spéciale d’une bactérie dont il fournit la description. La question fut reprise par M. Joaxnës Parier (les Périfolliculites suppu- rees, 1889) dans sa thèse inaugurale, C’est une monographie de la périfolliculite agminée, considérée comme non trichophytique. Le microbe de M. Leloir n’y est plus considéré comme spécifique, et le parasite de la lésion serait inconnu. L'ori- gine animale est invoquée parmi d’autres idées pathogénétiques. Un troisième travail, sorti comme le précédent du service de M. le Dr Quin- quaud (Dérérer-Murer, These de Paris, 1891), traite des périfolliculites conglomérées trichophytiques, mais il ne parle que du kérion celsi et du sycosis de la barbe. Les périfolliculites agminées de la peau glabre n'y sont signalées que comme une maladie différente; et cependant la ressemblance objective et histologique entre les deux lésions est telle que l’auteur se base sur l'absence de trichophyton à Pexamen microscopique pour en faire le diagnostic différentiel. En réalité, le trichophyton existe dans toutes ces lésions, mais il est rare que des filaments mycéliens nombreux se rencontrent dans la préparation, à moins que les produits de râclage examinés ne contiennent un poil malade, ce qui est loin d’être la règle. La culture au contraire est toujours probante. Si les premières cultures faites par M. Leloir en 1884 ne lui avaient pas donné le trichophyton, c’est parce que les isolements avaient été faits dans des milieux liquides où la culture mixte du trichophyton et des staphylocoques est impossible, le trichophyton n'y pousse pas, et, s’il a déjà poussé avant l’ensemencement de staphylocoques, il y meurt. Ce fait que nous avons exposé ailleurs (Soc. de Dermatol., 16 février 1893) suffit à expliquer l’échec des premières recherches. Il est juste de faire remarquer que M. Leloir avait raison en décrivant l’affec- tion comme spécifique, bien qu'il ait méconnu sa cause. Nous ferons aussi remar- quer que nous excluons du débat la forme serpigineuse de l'affection décrite par M. Leloir; nous n’avons rencontré et étudié que la forme circinée. 908 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. C. — L'ÉTUDE CLINIQUE MONTRE L'ORIGINE ÉQUINE DE LA MALADIE. Au début de ces recherches sur le trichophyton, je croyais, sur la foi de l'opinion médicale courante, à l’unité du parasite. Quand il me fut démontré expérimentalement que cette unité n'existait pas, qu'il y avait plusieurs trichophytons, je dus cher- cher si chacun n'était pas caractérisé par une lésion spéciale, de caractères objectifs différentiels, et la première remarque que je fis dans ce sens eut pour sujet précisément l’espèce tricho- phytique que je veux étudier ici. Il n’en pouvait êlre autrement, car il n’y a pas de tricho- phytie plus singulière, objectivement plus reconnaissable que la folliculite circinée. J'acquis donc et très rapidement la certitude que cette lésion. quel que fût son siège, avait toujours le même parasite causal. Et comme la culture de ce trichophyton spécial est parfaite- ment reconnaissable à l'œil nu, que jamais je ne l'avais retrouvé dans des trichophyties épidermiques ordinaires, je fus bientôt forcé de conclure non seulement que cette espèce donne lieu à la folliculite circinée, mais qu’elle y donne lieu toujours, el aussi qu’il n’y a pas d'autre trichophyton qui s’en accompagne. Ces propositions sont aujourd'hui vérifiées par seize cas ayant leur observation et leurs cultures, quelques-uns même leur moulage ou leur photographie. Bien que j'eusse noté chaque fois la profession de mes malades, qui dans presque tous les cas étaient en contact con- stant avec des chevaux, je n'avais pas fait encore ce rapproche- ment quand un malade me le mit lui-même sous les yeux. Son observation vaut la peine d'être rapportée. « À la polyclinique hospitalière de M. le Dr E. Besnier, sur- vint un nommé Houdl...; il portait dans la barbe, sur le cou, une lésion qui semblait composée de trois furoncles agminés, et de lui-même, sans interrogation, il l'annonça comme étant du horse-pox. « J'appris alors qu'il était employé à la Compagnie générale des voitures, et affecté au service des chevaux malades ; qu'un des chevaux présentait des boutons sur les naseaux, boutons que le vétérinaire avait appelés du horse-pox. « Que vraisemblablement cette lésion de la barbe, contractée TRICHOPHYTIES À DERMITE PROFONDE. 509 ces jours derniers, devait être rapportée à cette origine... » L'examen microscopique du pus montra des fragments de tubes mycéliens en abondance. La culture me redonna le type trichophytique déjà connu de moi, bien que j'ignorasse encore son origine. — L'examen du cheval me montra une lésion presque identique à celle que je connaissais sur l’homme, et sa culture fournitle même parasite. C'est alors qu’en me reportant à mes notes je pus me con- vaincre que l’origine animale, certaine dans ce cas, était plus que probablement la même dansles autres, comme je pus aussi le véri- fier dans les casdeméêémenature qui survinrentencore par la suite. J'ai en ce moment, dis-je, seize observations se rapportant à la même lésion, au même parasite. Parmi les malades, voici les professions que je relève : Deux charretiers, un relayeur d'omnibus, un haleur de bateau, un aide vétérinaire, un entraîneur de Chantilly, un artil- leur, deux cochers, deux manœuvres et un palefrenier, l'employé à la Compagnie générale des voitures dont je viens de parler. Bref, sur seize -cas de contagion, onze se rapportent à des hommes ayant avec les chevaux des rapports continus, deux seulement se rapportent à des enfants (kérion celsi) et un seule- ment à la femme, dont la contamination par ce trichophyton parait Lout à fait exceptionnelle ‘. Dès que l’étiologie de la maladie me fut connue, les détails complémentaires purent être abondamment recueillis : les char- retiers pansaient leurs chevaux eux-mêmes, l’aide vétérinaire n'avait soigné que des chevaux et des chiens malades; le haleur de bateau couchait (c'était en hiver) dans l'écurie du cheval de halage, — écurie située dans le chaland même, comme on sait ; l’artilleur savait que parmi les chevaux de sa batterie il y avait eu quelques cas d’herpès, ete. De plus, quand j'étudiai les travaux antérieurs sur ce sujet, 1. Je dois noter inversement que le premier fait qui m’a amené à incriminer le chat comme cause de la contagion dans une autre trichophytie de ce groupe, c’est que tous mes cas (6), sauf un, ne se rapportent à des femmes ou des enfants. La trichophytie du chat affecte la forme d’une plaque à extension rapide, beau- coup moins indurée que la folliculite agminée. Le pourtour de la plaque est cou- vert d’une éruption confluente de vésicules, rappelant celle de la dysidrose, ou encore les brûlures au second degré. Ces vésicules, claires le premier jour, devien- nent purulentes, sans infection microbienne secondaire, le second jour de leur apparition. d10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. je retrouvai, citée dans les observations de M. le Prof. Leloir, de M. Joannès Pallier, ete..., la même constatation, le rapport déjà explicitement formulé de la périfolliculite agminée (qu’on ne savait pas trichophytique) et d’une profession exposant au con- tact des chevaux. — J'ignorais que la constatation en eût été faite avant moi. — Enfin, en me reportant aux moulages de cette affection existant au musée de l'hôpital Saint-Louis, les deux pièces les plus typiques (N°S 897 et 1051) se rapportent à un cocher et à un palefrenier.… Il me semble, bien que je n’aie eu qu’une seule fois l’occasion de cultiver le parasite provenant directement du cheval malade, qu'une telle réunion de faits atteint à la valeur d’une preuve expérimentale directe. En résumé, l’origine équine de la maladie humaine paraît cliniquement indiscutable dans le plus grand nombre des cas : c’est Le point que je voulais d’abord établir. D. — VÉRIFICATION EXPÉRIMENTALE DE CETTE HYPOTHÈSE. LA MALADIE CHEZ-LE CHEVAL. Je n'ai eu, dis-je, qu'une seule fois l’occasion de voir la maladie chez le cheval : la lésion occupait l'angle inférieur et la partie externe du naseau. Et il est à noter que dans deux autres cas où, sans avoir vu la lésion, j'ai pu avoir quelque renseignement sur elle, elle occu- pait à peu près le même siège; dans les trois cas, elle avait débuté à la tête. Ce point est à retenir, et j'y reviendrai en traitant de l’origine de la maladie chez le cheval. Dans le cas que j'ai pu observer, la iésion formait un placard large de 6 centimètres environ, à peu près circiné, et d'aspect général furonculeux. La lésion, guérie dans sa moitié antérieure, n'avait laissé qu'une plaque érythémateuse un peu indurée,avec la trace de la folliculite passée. La partie postérieure était encore en activité. Son rebord était couvert d’une croûte adhérente, engainant les poils et les agglutinant à leur base. Par places la croûte était épaissie et acuminée, semblant recouvrir autant de lésions dis- tinctes; cet aspect, grossièrement analogue en ces points à des boutons de vaccine en régression, juslifiait assez l’erreur dia- gnostique du vélérinaire. A TRICHOPHYTIES A DERMITE PROFONDE. o11 Eofin, en dedans de ce rebord croûteux, sur la moilié posté- rieure de l’aire occupée par la lésion, on pouvait voir une dizaine de pustules acuminées, émergeant du disque de dermite qui, chez le cheval comme chez l'homme, forme le fond de la lésion. Ces pustules, toutes semblables, de disposition assez régu- lière, à peine grosses comme un grain de chènevis, laissent voir, quand on les ouvre par grattage, un infundibulum assez profond et taillé comme à l’emporte-pièce. On voit par cette description que la ressemblance entre la lésion du cheval et celle de l’homme est fort accusée. Il parait que chez le cheval elle n’est pas d’une évolution très lente. Sur l’animal que j'ai observé, la lésion s'était formée en quelques jours, et sa durée totale, après traitement par une pom- made mercurielle simple, n’a pas dépassé cinq semaines. Elle n’a pas laissé de cicatrice, malgré l’induration très appa- 1. Elle ressemblerait en cela à la périfolliculite agminée des régions glabres chez l’homme et non au sycosis parasitaire de la barbe, cette dernière modalité de la trichophytie devant, à la profondeur d'implantation des poils malades, une plus grande résistance au traitement. Je dois insister sur la rareté relative de cette maladie chez le cheval. La profession des malades atteints de cette affection semblant incriminer presque toujours une origine équine, j'ai cru longtemps que l'affection chez le cheval était fréquente; c’est une erreur. Les chevaux présentent très fréquemment des cas de trichophytie, connus en médecine vétérinaire sous le nom ancien d’herpés contagieux. C’est une affection non pustuleuse, à peine croûteuse, dépilante, à localisations multiples, principalement situées sur la croupe, le dos et les flancs. Cet herpes contagieux est dû à un frichophyton microsporon, d'espèce au moins très voisine du trichophyton à petites spores de l’enfant, C’est donc une trichophytie quin’arien à faire avec celle dont je m'occupe iei. Je connais enfin une troisième espèce de trichophyton du cheval, encore très différente des deux précédentes, et que j'ai eu occasion d'étudier récemment dans une épidémie considérable de chevaux de l’armée. Cette espèce, qui appartient aux trichophyties à grosses spores, est caractérisée d’une part par son extrême contagiosité pour l’animal et même pour l’homme, et d'autre part par la grande extension, on peut dire la confluence des lésions sur le même sujet. La culture, qui est blanche sur pomme de terre (mais finement pelucheuse et non plâtreuse), est jaunâtre sur les autres milieux, avec la forme en gâteau com- mune dans les trichophyties humaines, Chacune de ces trois espèces a donc, objectivement comme en culture, des caractères très différentiels, Il est probable que le cheval peut en présenter encore d’autres, si l’on en juge du moins par la multiplicité des trichophyties de l'homme ; mais je n’ai encore observé chez lui que ces trois espèces, Je devais en présenter succinctement le tableau, autant pour prévenir toute confusion que pour mettre les affections trichophytiques sous leur vrai jour. L'unité qu'on avait mise dans ce sujet est toute factice, sa complexité réelle est extrème, 12 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. rente du derme malade et la profondeur de chaque petit abcès folliculaire. C’est un point que j'ai pu vérifier, ayant examiné le cheval deux mois plus tard. Il ne m'a pas paru non plus qu’elle ait déterminé localement de l'alopécie : en tout cas, pas d’alo- pécie totale. Elle existait seule, etn’a causé nisur l’animal, nisur ses voisins d'écurie, de contagion secondaire. Le cheval était âgé de 10 ans, Sur cette lésion, je prélevai du pus et des poils dont l’ense- mencement redonna une culture identique à celle que la même lésion humaine m'avait fournie si souvent déjà. Tels sont les faits cliniques qu'il m’a été possible d'observer; je les résumerai par ces trois propositions : I. — Identité de la folliculite circinée humaine, identité de forme, d'aspect, d'examen microscopique, identité de culture, identité de morphologie du parasite, quel que soit le siège de la lésion, au cuir chevelu, à la barbe ou sur la peau glabre. Il. — Origine équine de la maladie humaine, rendue pro- bable par l’enquête médicale et l'examen des commémoratifs. IIT. — Origine équine démontrée par l'observation du cheval malade, de sa lésion, et de la culture qu’elle a fournie. Après l’exposé de ces faits, je dois maintenant rendre compte de l’expérimentation qui les a prouvés. Je laisserai de côté complètement l'histologie pathologique de la lésion, elle a été faite par d’autres et de telle façon qu'il n’y a plus à y revenir. Ce qui nous intéresse n’est pas d’ailleurs le mode de réaction cellulaire des tissus envahis, mais bien le moyen de reconnaître la présence du parasite : 1° par l'examen microscopique extem- porané dont je parlerai d’abord; 2° par la culture dont la tech- nique un peu spéciale devra nous occuper ensuite; 3° de prouver par les inoculations le pouvoir pathogène du parasite et son pouvoir pyogène ; 4° enfin de donner les caractères qui permet- tront de reconnaître cette espèce trichophytique à l'examen objectif et à l'examen microscopique de sa culture. III. — PARTIE EXPÉRIMENTALE A. — TECHNIQUE DE L'EXAMEN MICROSCOPIQUE. Qu'il s'agisse d’une trichophytie épidermique ordinaire ou d'une trichophytie pilaire, en général rien n’est plus facile que à TRICHOPHYTIES A DERMITE PROFONDE, 013 de retrouver le parasite à l'examen microscopique extemporané de la squame ou du poil. Les trichophyties à dermite profonde font exception à cette règle, et si quelquefois le parasite peut être mis en évidence faci- lement, dans le plus grand nombre des cas il est difficile d'ob- tenir extemporanément une préparalion probante, Ce fait provient de ce que la localisation des trichophytons pyogènes dans le tégument est spéciale. Ce sont des trichophy- ties profondes et non pas des trichophyties épidermiques. Supposons que la folliculite cireinée siège à la barbe, si l’on examine sa surface, ordinairement elle est déglabrée; si par excep- tion les poils existent encore, ils ne sont pas cassés, ils ont gardé leur longueur; de plus, en les épilant à la pince, on obser- vera plusieurs particularités — très spéciales à cette forme de trichophytie : le poil vient entier, avec sa racine complète, il a gardé sa couleur, il n’oppose aucune espèce de résistance à l'épilation. Enfin si l’on pratique l'examen microscopique de ce poil, cet examen sera invai cablement négatif. Tous ces faits sont en contradiction flagrante avec ceux que fournit l’examen des trichophylies pilaires banales. Ordinairement, en effet, le poil d’une trichophytie sèche de la barbe n’est pas tombé spontanément, il est cassé à 2 ou 3 millimètres au-dessus de la peau. L’épilation l’amène incom- plet, le poil s’étant rompu au-dessus de sa racine; enfin, il paraît gris, terne, décoloré, et son examen microscopique le montre rempli de chaînes mycéliennes sporulées. Icile poil estmort, il est détaché de sa base, mais il n'est pasenvahi. A quels éléments de diagnostic microscopique faudra-t-il donc s’adresser pour se faire une certitude ? Il faudra chercher au bord même de la lésion, dans sa zone d'envahissement, non pas un cheveu ou un poil long, adulte, mais un poil follet. Le follet qui est envahi par le trichophyton reprend les caractéristiques vulgaires du poil trichophytique ; il est cassé et quelquefois si près de la peau, qu'il ne traduit sa présence que par un léger cône épidermique, visible seulement au jour frisant. C’est ce petit cône qu'il faut pincer; la pince amènera une racine de 2 millimètres de longueur, où les filaments mycé- liens se touchent tous. 33 d14 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Enfin, s’il est impossible de trouver, après un examen minu- tieux de toute la bordure de la lésion, un seul poil malade, c’est le pus d’une vésicule qu'il faudra prendre, pour en exami- ner une goulte entre deux lamelles, sans coloration. On choi- sira une vésico-pustule encore non ouverte, et l’on préparera plusieurs lamelles qu’on examinera successivement, Il est rare qu'on n’y trouve pas quelque amas mycélien volumineux qui certifiera le diagnostic. Ainsi donc, il faut rejeter de l’examen ie poil adulte, la squame, les déchets épithéliaux de râclage et le pus de la surface. L'examen de la squame est négatif, parce que l’épiderme s’exfolie par irritation de voisinage et non par un parasitisme direct. L'examen du poil adulte est négatif parce qu'il est mort sans être envahi. Le pus d’une vésico-pustule, ou l'examen des poils follets de la bordure fournissent seuls des réparations probantes. J'ai pris le cas le plus difficile, celui d'une lésion de région pilaire et d’une lésion arrivée à son plein développement. Tout autre cas est meilleur. La lésion jeune montre des poils malades en abondance, ou bien des vésico-pustules non rompues ; la lésion des régions glabres a pour ainsi dire constamment sur son pourtour une zone de poils follets qui sont atteints, et des vésico-pustules naissantes. Mais cette difficulté de démontrer au microscope la présence du parasite, difficulté si rare quand il s’agit de toute autre trichophytie, explique bien l'erreur des premiers observateurs. La technique de l'examen microscopique extemporané est très simple : la gouttelette de pus sera examinée sans aucune colo- ration; le poil déposé sur une lame dans une goutte de solution de potasse à 400/0 recouverte d’une lamelle sera chauffé légèrement, puis examiné de suite. Il faut un grossissement de 300 diamè- tres environ, un éclairage très puissaut et un diaphragme très étroit. Examen du poil. — Les trichophytons de ce goupe sont ca- ractérisés à l'examen microscopique par deux particularités très spéciales : 1° Tandis que le cheveu ou le poil envahis par un trichophy- ton mégalosporon vulgaire contiennent dans leur épaisseur tous les filaments mycéliens, et qu’à peine on peut trouver dans TRICHOPHYTIES À DERMITE PROFONDE. 515 leur gaine épidermique un ou deux filaments épars, le plus souvent portés là dans les manœuvres de préparation, les trichophytons à dermite profonde, et tout spécialement celui-ci, végètent surtout au long du poil et hors de lui, formant une gaine compacte d'écheveaux mycéliens qui pénètrent la gaine épidermique du poil beaucoup plus que le poil lui-même. Les trichophytons mégalosporon pyogènes sont les seuls trichophytons à grosses spores qui végètent hors du poil, dans sa gaine ; 20 Un second point de diagnostic très important est la grosseur énorme de guelques spores dans les filaments mycé- liens. Toutes sont grosses, et même nettement plus grosses que dans les trichophyties à mégalospores vulgaires. La majo- rité atteint de 10 à 114; mais parmi elles, il y en a de beaucoup plus volumineuses qui ont de 15-18 & de diamètre‘. La présence de ces spores géantes, exclusive à ces espèces, est un élément de diagnostic important. Examen du pus. — L'examen du pus ne montre jamais qu'une très minime quantité d'éléments parasitaires. semblables à-ceux du poil, et cela quelque moyen qu’on emploie pour les déceler. Le même pus qui en culture donnera sur chaque strie une ligne ininterrompue de colonies peut ne montrer dans chaque préparation qu'une ou deux files d’une dizaine de spores. Cette contradiction apparente cesse quand on se sert pour l'examen du pus d’un fort éclairage artificiel *. Alors on voit, au milieu des globules blancs et des hématies, des quantités de débris mycéliens très grèles et très courts qui passaientinaperçus à la lumière solaire. 4. Dans la planche VI qui les représente, le grossissement, pour permettre une vue d’ensemble, n’est que de 180 diamètres. Mais dans l’un des angles les spores sont figurées avec un grossissement de 300 diamètres, à la même échelle que les dessins qui précèdent, fig. 1 et 2 (dans le texte). On peut voir par comparaison que ces spores géantes arrivent à une dimension plus que dou- ble de celle des mégalo-trichophytons vulgaires. Sur ce fragment grossi à 300 diamètres, on peut voir par la teinte spéciale du protoplasma de ces spores et leur double contour, comme aussi par leur agmina- tion en chaine, que leur nature cryptogamique ne peut faire aucun doute. Un simple examen de la préparation permet d’ailleurs de les distinguer des globules de graisse, ou de toute cellule épidermique pouvant se trouver autour d'elles. 2. Il faut employer le condensateur de lumière Abbe et un diaphragme de 2 millimètres d'ouverture. 16 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dans ces conditions, il semble qu’on pourrait espérer beaucoup des colorations artificielles. Cependant les colorants nucléaires (bleu de méthylène, etc...) ne donnent aucun résultat. Et les colo- rants de fond (éosine, fuchsine en solution aqueuse), quoique moins mauvais, sont encore loin de donner des préparations excellentes. Cette difficulté de coloration, encore plus évidente quand il s’agit des coupes, a été remarquée par tous les auteurs qui se sont occupés des maladies cryptogamiques (tuberculose asper- gillaire, actinomycose). B. — TECHNIQUE DES CULTURES. Après ce que je viens de dire de l’examen microscopique de la folliculite circinée, on pourrait croire que l'obtention du parasite et sa culture sont difficiles; il n’en est rien. Ensemencements. — Trois moyens fournissent sûrement le trichophyton : 1° L’ensemencement de la racine d’un poil malade; 20 L’ensemencement du pus d’une vésico-pustule non ouverte ; 3° L’ensemencement de quelques gouttes de sang obtenues par scarification de la lésion. 1° Ensemencement de la partie radiculaire d'un poil. — C'est une méthode excellente, quand on sait distinguer à l’œil nu le poil follet malade, gris, décoloré, cassé, du poil mort qui a gardé sa couleur, sa longueur, sa racine complète. Le petit follet épilé n’a pas en tout 3 millimètres, on le dépose sur une lame préalablement flambée; avec une aiguille coupante on le sectionne en autant de parcelles que l’on peut. Chacune donnera une culture. 20 L’ensemencement du pus d'une vésicule est de tous les moyens le plus facile et le plus sûr. Avec un fin scarificateur, on ouvre cette vésicule en appuyant sur elle, de façon que la gouttelette qu’elle contient passe sur le plat de l'instrument. C'est sur le plat de cette lame que l’on chargera la baguette de platine de la matière à ensemencer. 3° Ensemencement du sang, extrait par scarifications locales. — Quand la lésion est en régression, qu'il n’y a plus de vésico-pus- TRICHOPHYTIES À DERMITE PROFONDE. 917 tules, tant qu’il reste un empâtement du derme « sensible aux doigts », la culture est possible. Sur la région, dans un espace de 1 centimètre carré, on pratique une dizaine de scarifications de un millimètre de profondeur environ et très rapprochées. On recueille dans une pipette le sang et la sérosité qui s’écoulent, et l’ensemencement est immédiatement pratiqué avec la pipette, en laissant tomber à la surface de la gélose nutritive une ou deux gouttes de liquide. On étend ensuite ce liquide sur toute la surface du tube. Ce moyen indiqué depuis longtemps par M. Duclaux ‘ est excellent, il m’a fourni d’abondantes cultures dans des cas où la lésion semblait si près de la guérison que l’on pouvait douter d’un succès. Toutefois, il ne me semble utile que dans les cas où les deux autres méthodes de culture ne pourront plus être employées. Quant à l’'ensemencement des produits de raclage, des poils morts, du pus qui existe sous les croûtes, il ne donnera le plus souvent que des insuccès. Milieux. — Les meilleurs milieux de séparation sont le moût de bière gélosé, dilué au 1/5 ou au 1/10, ou mème pur, et la pomme de terre. La gélose peptone vulgaire est suffisante, mais médiocre, comme tous les milieux fortement azotés. Température. — J'insisterai sur l'importance d’une tempé- rature basse pour toutes ces séparations. La température optima est 18°. A 330, si la culture n’est pas pure d'emblée, on aura un développement de champignons accessoires, de levüres et surtout de bactéries, qui pourraient gêner l'isolement définitif. Épuration des cultures. — Je ne puis terminer sans parler du parasitisme latent des cultures trichophytiques. Ce fait est d’une si grosse importance dans le sujet qu'il mériterait une étude toute spéciale; au moins dois-je en dire ici quelques mots : La colonie trichophytique de l’apparence la plus pure, la plus indemne de tout mélange, par quelque méthode d'isolement qu’on l'ait obtenue, et je dis ceci pour toute espèce quelconque de tricho- phytons à grosses spores, n’est le plussouventqu’unmélange de deux, trois et même quatre et cinq espèces cryptogamiques distinctes. 4. « On peut encore faire quelques scarifications sur une surface atteinte et superficiellement stérilisée en recueillant alors une goutte du sang qui s'écoule : on a de grandes chances d’y trouver quelques germes venus des profondeurs et capables de se développer. » (Duclaux, in These de Feulard, page 96.) D18 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il y a des différences techniques primordiales (différences qu'il faut connaître sous peine de graves erreurs) entre la culture des bactéries et celle des champignons. Une culture bactérienne souillée n’a pas ordinairement un aspect homogène; le mélange des espèces, au moins sur milieux solides, peut se deviner à l’œil nu. Il n’en est pas de même pour les champignons. Trois ou quatre espèces peuvent naîlre ensemble, se développer sembla- blement, entreméler leur mycélium de façon à constituer une culture mirte et sur certains milieux le mélange ne jamais paraître. Ces associations cryptogamiques sont de règle dans la teigne, et il est facile de se rendre compte, en y réfléchissant un peu, que les moyens de séparation les plus précis employés pour les bactéries sont de peu de valeur dans de tels cas. Toutes les séparations microbiennes s'appuient sur des pro- cédés mécaniques de dilution et ne supposent entre les bactéries aucune cohésion. Mais les mycéliums cryptogamiques sont moins fragiles, jamais on ne peut arriver par ces moyens à obtenir des cultures provenant d’un seul article mycélien ou d'une seule spore. Il faut donc employer des méthodes de séparation tout autres que celles dont on se sert en bactériologie, et utiliser pour cela (comme on l’a fait à l’origine de ces études) les pro- priétés physiologiques des êtres que l’on veut séparer. Je dirai brièvement que le moût de bière étant un excellent milieu pour la culture des trichophytons, et ne permettant qu'un développement très pauvre des parasites cryptogamiques qui ui sont mêlés, sitôt que la culture est devenue adulte sur ce milieu {après 15 jours), je pratique, avec un fragment de cette culture, un frottis sur pomme de terre. Ce nouveau milieu a l'avantage de fournir à chaque cham- pignon un aspect reconnaissable. La culture prend alors l'aspect d’une culture d'isolement de bactéries. Il devient facile de reprendre séparément le trichophyton et après deux ou au maximum trois séparations, de l'obtenir pur. La pureté de la culture est vérifiée ensuite par l’examen microscopique. Telle est la méthode pratique à laquelle les nécessités du AE ape és « TRICHOPHYTIES A DERMITE PROFONDE. D19 sujet m'ont contraint. Je ne la prétends pas excellente, c’est seulement la meilleure que j'ai trouvée t, C. — CARACTÈRES DES CULTURES. Décrire l’aspect macroscopique de cultures est toujours une chose difficile, le moindre coup d'œil apprenant plus sur ce sujet que des pages de descriptions. La difficulté s'accroît quand il s’agit de cultures cryptogamiques, car elles ont un port caractéristique jusque dans le détail, comme des plantes d'ordre plus élevé. Je limiterai donc autant que possible ces descriptions que des épreuves photographiques compléteront : - Toutes les cultures de trichophyton ne commencent à être visibles que le quatrième jour après l’ensemencement. Il en est de mème pour cette espèce et pour toutes Îles autres. Sur moût de bière gélosé (en piqüre), la végétation apparait sous la forme d’une fine houppe de duvet blanc, qui s’accroit progressivement. Elle s’entoure bientôt de rayons à peu près immergés dans l'épaisseur du milieu, rayons qui donnent à la colonie un aspect d'étoile. Puis en sept ou huit jours toute sa surface se recouvre d’une poudre blanche épaisse et plätreuse. La culture grandit peu à peu, puis vers le quinzième jour paraît en son centre une nouvelle touffe de duvet qui cette fois restera permanent. La culture alors est adulte et gardera tous ses caractères, son centre de duvet blanc, son aréole poudreuse et ses rayons péri- phériques arborescents dont le dos est accusé à la surface du milieu par de fines traînées de poudre blanche. La durée de vie de ces cultures ne m'est pas connue. J’en ai datant d’une année dont le milieu est absolument sec et dont la poudre blanche est encore féconde. Sur gélose peptone (1 1/2 0/0) (en piqüre). La culture adulte n'a pas de duvet central; c’est une plaque de poudre blanche, 1.11 est à remarquer qu'aucun auteur à ma connaissance ne s’est aperçu de ce commensalisme du trichophyton qui, dans la teigne à grosses spores, ne souffre presque pas d'exception. Le mélange de ces champignons est assez intime pour r’avoir été remarqué de personne. F ai reçu de diverses provenances plusieurs cul- tures trichophytiques ; pas une seule n’était pure. 220 à ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dont les rayons périphériques sont couris, peu arborescents. Sur pomme de terre (en strie). La strie se recouvre d’abord d'un duvet court qui s’élargit jusqu’à occuper 3 à 4 millimètres de largeur, puis la surface de ce duvet semble s’aplatir et se recouvre de la même poudre blanche que donnent les autres milieux. C’est à peine si la traînée blanche fait à la surface de la pomme de terre un relief appréciable. Sur pomme de terre et sur ce seul milieu, la vie des cultures de tous les trichophytons mégalosporon ne dépasse pas un mois ou même trois semaines; malgré sa grande vitalité, cette espèce suit en ce point la règle commune. Tels sont les caractères de ce trichophyton sur les milieux usuels de culture. Je n'insiste pas sur la liquéfaction de la gélatine, fait commun presque à tous les champignons. Toutes les espèces de trichophyton mégalosporon à cultures blanches sont douées d’une vitalité, d’une rusticité très supé- rieure à celle de tous les autres trichophytons, sans exception. Une gélose au moût de bière, dans un matras à fond plat de Gayon de 0,10 c. de diamètre, est recouverte dans sa totalité en moins d’un mois. De plus, la végétation du microphyte y est si exubérante que, pour préciser les caractères différentiels des espèces de ce groupe, j'ai été amené à appauvrir leur milieu nutritif. Les différences des espèces sont excessivement marquées sur des géloses au moût de bière dilué au 1/8 ou au 1/10. Et c’est le milieu que je préfère pour tout le groupe des tricho- phytons à cultures blanches. Quant à différencier par une description les espèces de ce groupe autres que celle que j’étudie, je crois la chose difficile et inutile. Une série de clichés devant montrer mieux que tout autre moyen les caractéristiques de chaque espèce, il suffira de savoir que ces caractères restent fixes pour chacune après des ensemencements indéfinis sur tous milieux, et même après des inoculations sériées sur l’homme et sur l’animal. D. — IxocuLATIONS. Les inoculations de cette espèce trichophytique, comme celles de tous les trichophytons en général, sont assez souvent néga- TRICHOPHYTIES A DERMITE PROFONDE. D21 tives: avec un peu de persévérance cependant et quelques pré- cautions d’asepsie, on obtient des résultats positifs. | L'inoculation à l'homme amène le 4° jour un point rougeûtre déjà turgescent, qui augmente le 5° jour. Son extension esl assez rapide. Quelquefois cependant, après avoir nettement marqué la végétation du parasite par une plaque circinée, rouge, prurigineuse, de 1 centimètre de diamètre, la lésion rétrocède d'elle-même et disparait. Dans le cas contraire, elle augmente, marquant chaque orifice folliculaire d’un point rouge. Vers le 8° jour, la réaction inflammatoire est déjà très vive, quoique presque indolore. Le raclage de l’épiderme montre le parasite en pleine végétation. Je n'ai pas attendu sur l’homme la suppuration pour inter- venir. Sur le cobaye l’inoculation est très facilement positive, mais je ne l'ai vu suppurer qu’au point de la piqüre d’inoculation, sa marche est progressive et serpigineuse. La maladie est exfoliante et dépilante, mais le poil repousse après elle, son extension est indélinie; des inoculations nou- velles se produisent incessamment dès que les lésions anciennes sont en voie de guérison. ; J'ai gardé pendant cinq mois un cobaye inoculé, dont la maladie livrée à elle-même continuait toujours son évolution. Le peu de ressources d’un service hospitalier sous le rapport des inoculations animales ne m'a pas permis de suivre ces expériences sur d’autres espèces que le cobaye. Cependant le cobaye, comme on va le voir, bien que chez lui cette trichophytie ne s'accompagne pas de folliculite suppurée, a pu me servir à prouver l’action pyogène des trichophytons à dermite profonde. PREUVES DE L'ACTION PYOGÈNE DES TRICHOPHYTONS DE CE GROUPE Un certain nombre de trichophyties cutanées, à un moment de leur évolution, sont bordées à leur circonférence de vésicules plus ou moins fines, assez régulières. Ces vésicules, qui avaient fait rapprocher la trichophytie de l'herpès fébrile également vésieuleux, et fait donner à la maladie son premier nom d'herpès contagieux, peuvent sécher sur place ou s'ouvrir sans passer par le stade de purulence. Mais, quand la trichophytie tégumentaire est causée par l’une des espèces pyogènes, et spécialement par celle que nous étu- 522 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dions, la purulence de la vésicule se produit toujours et sans nulle intervention de microbes étrangers. Ce passage à la purulence de la vésicule du début, dont le contenu primitif est presque séreux, est l’expression de la vie propre du parasite. C’est en surface le même phénomène d’ap- port leucocytaire qui se passe dans la profondeur, causant l’'empâtement du derme sous-jacent à Ja lésion. Je ne veux pas dire que, dans toutes ces trichophylies, toutes les pustules contiennent le parasite à l’état de pureté : ce que je prétends, c’est qu'il existe, et à l’état de pureté, dans le plus grand nombre. Ce fait, affirmé il y a déjà longtemps par M. Duclaux !, peut être prouvé facilement avec toute trichophytie de ce groupe sur laquelle aucune application thérapeutique n’aura été faite encore. Je ne parlerai que pour mémoire de la recherche micro- scopique négative des staphylocoques. Les cultures faites en stries sur gélose au moût de bière, avec le pus ainsi recueilli, sont beaucoup plus probantes: elles peuvent donner des lignes ininterrompues de cultures sur tous les tubes, pas un des tubes ensemencés avec la même lésion ne fournissant la moindre colonie d'une bactérie pyogène quel- conque. J'ai ainsi gardé des tubes par douzaines qui peuvent prouver le fait sans réfutation possible, surtout si l’on songe qu'une colonie de staphylocoques crée autour d’elle une aire nuisible au trichophyton que le microphyte ne recouvrira jamais, qu'ainsi la moindre impureté de ce genre se trahirait au premier coup d'œil. Expérimentalement, les cultures de ces trichophytons en milieux pauvres peuvent, étant filtrées et inoculées au cobaye, ne donner lieu à aucune réaction appréciable. Mais si le milieu de culture était fortement peptonisé (7 0/0), le liquide filtré après une culture d’un mois, causera infaillible- ment la suppuration, et une suppuration amicrobienne si l’opéra- tion est aseptiquement conduite. La différence de ces deux résultats peut donner lieu à diverses 1. Pour le trichophyton tonsurans, on trouvera le plus souvent la semence pure dans les phlyctènes purulentes qui entourent parfois la plaque d’herpès. » (In Thése de Feulard, p:296?) dt ur “anibes TRICHOPHYTIES A DERMITE PROFONDE. 523 interprétations. Je crois que plus la culture est peptonisée, c'est- à-dire azotée, plus il s'y forme des produits chimiotacliques. E. — EXxAMEN BOTANIQUE. Dans l'examen des cultures de cette espèce trichophytique", je laisserai de côté la question de classification botanique, que je ne saurais élucider, et dont s'occupent en ce moment des hommes compétents; je décrirai succinctement ce que j'ai vu: La spore d’un cheveu portée dans une goutte de bouillon germe et émet un mycélium; la spore est grosse et possède un double contour réfringent. Ce double contour disparait en un point qui bientôt forme hernie. Ainsi naît le tube mycélien qui s'allonge, se cloisonne et se ramifie. Au début, le mycélium ainsi produit est composé d’articles courts de 7 et 9 x de diamètre, quelquefois renflés comme de nouvelles spores, et c’est de ces premiers articles que le mycé- lium vrai, plus élancé et plus grêle (4-5 u) prend naissance par groupes ou, si l’on veut, par bouquets. Puis chacun des tubes diverge de son voisin, se dichotomise et la culture revêt l'aspect d’un lacis de tubes assez distincts, laissant entre eux, quand la préparation est bonne, assez d’es- pace pour que tous les détails soient visibles. Vers le sixième jour environ, les spores se forment, elles apparaissent comme des grains de raisin d’une grappe, de part et d'autre d’un rameau mycélien *. Elles sont suspendues seule- ment à l'extrémité d’une hyphe terminale, comme les fleurs de la digitale sur la hampe florale, un peu moins régulièrement toutefois et avec plus d’abondance. Ces grappes dans une culture vigoureuse deviennent très nombreuses ; elles constituent des amas que l'œil ne peut traverser, et pour en voir le détail il faut chercher les grappes isolées sur les bords de la culture. D’autres formes importantes par leur fréquence et aussi par leur aspect caractéristique se présentent avec ce parasite. 1. Ces examens ont été faits sur des cultures en gouttes suspendues. 2. Dans cette espèce je n’ai jamais vu se produire deux faits, fréquents chez d’autres trichophytons. Je veux dire une couronne régulière de spores en un point quelconque de la longueur d’un tube mycélien; 2° des spores appendues de part et d'autre d’un mycélium sur une grande partie de sa longueur. 024 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ce sont des formes régulièrement fuselées, ayant jusqu’à 1/20 de millimètre de longueur sur 15 y de large environ, divi- sées en logettes quadrangulaires par des cloisons perpendicu- laires au grand axe de l'organe. , Ces fuseaux naissent à l'extrémité ou près de l'extrémité d'une tige mycélienne, ils sont suspendus par un fin pédicule souvent incurvé ; les uns ont seulement deux cloisons, les autres sept ou même huit. L'extrémité libre présente souvent un petit renflement en bouton, doublant l'épaisseur de l’enveloppe en ce point; celte V.ROUSSEL enveloppe du reste est visible sur toute la longueur du fuseau et figurée par un double contour. Dans des notes manuscrites (1886) que M. Duclaux a bien voulu me communiquer, j'ai retrouvé le dessin très exact de formes semblables. MM. Neebe et Furthmann ont été, je crois, les premiers à les décrire (1891) dans leur trop court mémoire déjà cité. Pour ces auteurs, ce sont « des fruits à loges ». Je crois bien que ce sont là seulement des appareils conidiens. Dans une culture adulte, quand les spores vraies sont nombreuses, les fuseaux sont rares el réciproquement. Quelquefois un de ces fuseaux remplace une spore vraie dans une grappe, ou mème il remplace le centre de la grappe et porte à la base et à la pointe deux bouquets de spores qu'il a écartées par son développement. J'ai vu aussi ces fuseaux détachés germer à nouveau comme E | î | | 3 Me a gare TRICHOPHYTIES A DERMITE PROFONDE. 525 des spores et présenter à une de leurs extrémités deux filaments pointus de mycélium jeune. Je répète que ces formes naissent principalement dans les cultures pauvres ayant souffert, et là où les spores vraies ne sont pas nées. En dehors de la grappe et des fuseaux, je dois mentionner aussi une forme de végétalion très commune à toutes les espèces de trichophyton, et qui n’est pas dans cette espèce moins fré- quente que dans les autres, c’est la spirale. Soit au long d'une tige mycélienne, soit à son extrémité, on voit le filament mycélien se vriller sur lui-même et décrire deux, trois et même jusqu'à six ou sept tours de spire régulière (fig. 3). Les trois formes que j'ai décrites, la spore externe en grappe, le fuseau et la spirale se retrouvent dans tous les tricho- phytons. Comme signes distinclifs de l'espèce, je puis en mentionner deux : 1° La grappe est droite, tandis que dans d’autres, dans le trichophyton du chat en particulier, elle est curviligne et d’un port bien plus élégant; 2° Le fuseau est le plus grand qu'aucune espèce de tricho- phyton m'’ait montré. Je crois qu’il est possible de reconnaître chaque espèce de trichophyton et celle-ci en particulier aux caractères diflérentiels de la grappe et du fuseau. IV. — HYPOTHÈSE SUR L'ORIGINE DE LA MALADIE Après avoir étudié la maladie parasitaire de l’homme et son parasite, après avoir retrouvé chez le cheval l’origine de la maladie humaine, il nous reste à rechercher quelle peut être l’origine de la maladie équine. Où le cheval prend-il lui-même le germe de la contagion? L'opinion médicale actuelle professe qu'une trichophytie provient toujours de la contagion d’une trichophytie antérieure. Mais il n’y a pas qu'une seule trichophytie. Dans cinquante- quatre cas de trichophyties à grosse spore, j'avais pu trouver jus- qu’à dix-neuf espèces trichophytiques. Ces espèces m'apparaissaient fixes, quand je consultais 226 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'expérience. De plus quelques-unes étaient rares, et bien que j'aie soumis à des cultures systématiques tous les cas qui se présentaient, il m'est arrivé d’attendre huit mois et plus la réap- paritüon d’une espèce. Ces constatations ne sont guère favorables à l’idée d’une reproduction incessante par contagion de l'homme à l’homme; il semble plus probable que les tricophytons peuvent vivre ou bien en saprophytes dans la nature, ou bien en parasites pathogènes chez les animaux. Cette dernière hypothèse n’exclut pas du reste la première, car à elle seule elle n’explique pas tout. Dans les teignes animales, les trichophytons ne passent jamais à l’état de végétaux complets, et leur reproduction n’est assurée que par leurs spores mycé- liennes. Il semble peu probable que ces spores suffisent à assurer la vitalité indéfinie de l'espèce, et on revient encore par ce détour à l’idée d’une existence saprophyte analogue à celle de l'aspergillus fumigatus, qui n’est parasite pathogène que par exception. Si la vie saprophytique de l’actinomyces, qui n’est encore que très probable, était démontrée, nous aurions là un décalque assez exact de ce qui se passe pour lestricophytons. On a souvent incriminé les piqûres de graminées dans l’étiologie de l’actinomycose. Dans les trois cas de teigne du cheval où le siège de la lésion m'avait été connu, elle occupait la tête du cheval et plus particulièrement les naseaux. Enfin je trouvai chez un homme sept médaillons trichophy- tiques de cette espèce, occupant les deux avant-bras. Cet homme n'avait aucun rapport avec les chevaux, il n’en avait ni pansé, ni touché, bien qu'il fût employé au grenier à fourrages de la Compagnie des omnibus. En revanche, quinze jours avant l'apparition simultanée des lésions, il avait été occupé tout une semaine à débotteler du foin. Il était donc tout indiqué de rechercher si l'espèce étudiée dans ce travail, qui végèle encore abondamment dans des milieux assez pauvres, pouvait vivre à l’état saprophytique sur les milieux naturels. J'ensemençai donc un tube de grains d’avoine stériles, et la culture se développa très abondante. De mème sur un matras contenant de la graine de lin, sur des graines d'avoine non décortiquée. Bu on ét ul vitrine: Éalitlent rtint-2f ta bé TRICHOPHYTIES A DERMITE PROFONDE. 027 Je pris alors du bois pourri, de l’humus végétal; en quelques jours ils se recouvrirent d’une fine moisissure, qui bientôt les envahit en entier. La culture, de retour sur milieux ordinaires, retrouva identiquement ses caractères, objectifs et microsco- piques. Mème sur de l’humus non stérile, j ai pu obtenir des cultures, à la vérité bien moins actives, mais où j'ai pu reprendre le trichophyton vivant après des semaines. Enfin, curieux de voir l’exiguité des besoins de cette espèce, j'ai ensemencéavec elles un matras contenant du liquide minéral de Winogradsky ; au bout de vingt jours je pus voir au fond du matras de petits flocons très ténus, qui se développaient lente- ment. Reportés sur une gélose au moût de bière, après quelques jours d'attente, ils me redonnèrent l'espèce ensemencée, celle dont je parle‘. Comment croire, après cela, qu'une espèce cryptogamique si robuste, si vivace, dont la vie parasitaire chez le cheval est rare, et sur l'homme tout accidentelle, ne se conserve pas par une existence saprophyte pour laquelle elle est si bien armée? En tout cas, étant donnés les premiers arguments qui rendent l'hypothèse si plausible, et les derniers surtout qui la rendent, je crois, probable, on ne peut accepter désormais sans conteste l'opinion médicale qui n’admet la trichophytie que comme résul- tant de la contagion d’un cas de trichophytie antérieur, et c’est là seulement ce que je voulais démontrer. CONCLUSIONS 1° La teigne tondante spéciale de l'enfant connue sous le nom de kerion celsi : La teigne pilaire de la barbe connue sous le nom de sycosis circiné trichophytique : | Enfin l’entité morbide considérée comme différente et comme spéciale sous Le nom de périfolliculite agminée ; Sont une même maladie dont la localisation seule est diffé- rente ; 1. Je dois dire cependant que le trichophyton ne pousse pas dans l’eau distillée comme on l’a dit pour l’actinomyces. D28 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 20 Cette maladie est d’origine mycosique; elle est due à un trichophyton spécial, qui, parmi toutes les formes de la tricho- phytie humaine, ne peut causer que celle-là; 30 Ordinairement cette maladie chez l'homme résulte d’une contagion animale, et ordinairement aussi c’est du cheval que l’homme la contracte; 4° Chez le cheval, la lésion causée par le parasite ressemble de très près à la lésion humaine; c’est également une folliculite circinée ; 5° L'identité constante de la lésion causée chez l'homme par ce parasite spécial et l'impossibilité de retrouver cette même espèce dans les trichophyties de caractères objectifs différents appuient cette idée que chaque espèce de trichophyton produit une lésion trichophytique spéciale ; 6° L'hypothèse d’une existence saprophyte des trichophytons — qui semble plausible pour toutes les espèces — est extrème- ment probable pour celle-ci en particulier, puisqu'on peut la cultiver sur toutes sortes de matières organiques, et jusque dans un milieu exclusivement minéral. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE VI Trichophyton mégalosporon pyogène du cheval dans le cheveu humain (Gross — 180). Non seulement le poil mais sa gaine épider- mique folliculaire sont envahis par le parasite. Un fragment (A) de la préparation a un grossissement de 300 dia- mètres. — Mème échelle que les fig. 1 et 3 dansle texte, pages 500 et 501. PLANCHE VII Fig. 1. — Culture du parasite en matras conique de Gayon, sur gélose au moût de bière au 1/5. Fig. 2. — Maladie humaine dans sa localisation aux parties glabres (folliculite agminée). Fig. 3. — Maladie humaine localisée aux parties pilaires (sycosis). Faute de place, nous renvoyons au mois prochain la statistique de mai. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. 7me ANNÉE JUILLET 1893. No 7. ANNALES L'INSTITUT PASTEUR CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ESSENCES AU POINT DE VUE DE LEURS PROPRIÉTÉS ANTISEPTIQUES ESSENCE DE NIAOULI, ESSENCE DE CAJEPUT Par M. le Dr F. FORNÉ. Médecin de la marine, en retraite, (Travail du laboratoire de M. Chamberland.) Voulant ajouter une nouvelle essence, — l'essence de niaouli‘ ou mélaleucène, — à la liste de celles déjà étudiées dans ces Annales par M. Chamberland (1887), nous avons naturellement appliqué à celle-ci le mode d’expérimentation employé pour les autres. Cette méthode consiste, comme on sait, à mettre dans un tube à deux branches, d’un côté l'essence à étudier, de l’autre le milieu de culture qui, dans les essais de M. Chamberland, a été exclusive- ment de l’eau de levure neutre et stérilisée. On ferme le tube et on le laisse reposer quelques jours, pour donner aux vapeurs le temps de saturer le liquide. Puis on ensemence dans ce liquide de la bactéridie charbonneuse. Il nous a semblé qu'il y aurait quelque intérêt à opérer simultanément avec l'essence de niaouli et l'essence de cajeput * 1. Niaouli, nom canaque qui sert à désigner deux espèces ou variétés de Méla- leuques. Melaleuca viridiflora (Gaertner); Melaleuca rubriflora (Vieillard) : arbres très répandus à la Nouvelle-Calédonie, où ils forment des forêts considérables. 2. Caju-puti, caju-kila, noms malais désignant aussi des Mélaleuques qui ressemblent au niaouli. Meluleuca leucodendron, appelé caju-puti dans l’Inde orientale; melaleuca minor, appelé caju-puti et caju-kila à Amboine : arbres très communs à Java et dans les autres îles de l’Asie équatoriale. Du mot malais caju-puti on a fait par corruption cajeput. Les Mélaleuques comme les Eucalyptus appartiennent à la famille des Myr- tacées, tribu des Leptospermées, 34 930 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. déjà connue, à cause de la communauté d’origine de ces deux essences, communauté que ne laisse pas soupçonner leur différence d'aspect physique. En effet, l'essence de niaouli rectifiée est incolore, tandis que l’essence de cajepulest toujours verte. Cette couleur est due à la présence d’un sel de cuivre provenant soit de l'appareil distillatoire, soit, plus probablement, d'une addition voulue. Pour faire l’expérience, nous avons mis dans des tubes Pasteur de l’essence de niaouli et de l'essence de cajeput, en présence d'eau de levure neutre et stérilisée. Onze jours après, on à ensemencé de la bactéridie charbonneuse dans la branche contenant de l’eau de levure. Les tubes contenant les essences restent stériles, pendant que des tubes témoins se peuplent abon- damment. Onze jours après l’ensemencement, on coupe les branches ensemencées et restées stériles des tubes à essence, on les ferme avec un tampon de coton stérilisé, et on les met à l’étuve. Quatre ou cinq jours après, elles donnent un dévelop- pement de la bactéridie charbonneuse. On peut donc conclure : 1° que l'essence de niaouli doit être rangée dans le groupe nombreux des essences dont les vapeurs en vase clos s’opposent à la culture; 2° Que les vapeurs de l'huile de niaouli, pas plus que celles de l’huile de cajeput, ne tuent la bactéridie charbonneuse, puisqu'il a suffi de laisser dégager les vapeurs de ces essences pour que le terrain ensemencé et resté stérile pendant onze jours soit devenu propre à la culture. M. Chamberland n'avait pas employé, dans ses premières expériences, d’autres microbes d'épreuve que la bactéridie char- bonneuse. J’ai pensé qu’il y aurait intérêt à voir comment se comportaient les essences ci-dessus sur des mucédinées, et j'ai fait, avec l’aspergillus niger et le penicillium glaucum, diverses séries d'expériences avec des dispositifs variés. Un premier groupe d'expériences a été fait avec le dispositif qui précède, sauf que le liquide Rauliu remplace l’eau de levure, et que l’aspergillus niger est substitué à la bactéridie charbon- neuse. Les résultats de cette expérience sont, du reste, identiques à ceux déjà signalés : culture complète dans les tubes témoins; nulle dans les tubes soumis à l’action des vapeurs d'essence ca: À SSSENCES DE NIAOULI ET DE CAJEPUT. o31 tant qu'a duré cette action. Le liquide Raulin resté stérile pen- dant 53 jours est devenu fertile dès que les vapeurs d'essence ont pu disparaîlre par évaporation ou par oxydation. Dans un second groupe d'expériences, j'ai agrandi l’espace clos dans lequel le liquide de culture et la vapeur restent en présence. Sous une cloche rodée 8 reposant sur une lame de verre rodée, on dispose un cristallisoir c contenant l’essence, et, au- dessus de ce cristallisoir, un matras n bouché avec un tampon de coton et renfermant le liquide de culture. Voici le résumé d’une de mes expériences. 13 mars 1893. — Neuf matras reçoivent chacun 10 €. c. de liquide Rau- lin et sont stérilisés. Trois de ces matras serviront de témoins. Ce sont les matras T; ils reposent sur des cristallisoirs vides. Les trois matras N et les trois matras C sont ceux reposant sur des cristallisoirs qui reçoivent respectivement 2 c. c. d'essence de niaouli et d'essence de cajeput. Ces neuf matras sont répartis en trois groupes renfermant chacun un matras T, un matras N et un matras C. Un jour d'intervalle sépare l’ense- mencement des matras de chaque groupe. 16 mars. — Ensemencement, avec l'aspergillus niger, des matras du pre- mier groupe, qui sont recouverts de leur cloche de verre et placés sur le rebord intérieur d’une fenêtre du laboratoire. 24 mars. — Matras T : culture complète, ayant fructifié sur toute la surface. Matras N et C, culture stérile; pas la moindre trace de mycélium., Réensemencé les matras N et C, opération qui entraîne forcément le renouvellement de l'air de la cloche déjà saturé de vapeurs d'essence. 12 avril. — La culture N est toujours stérile; la culture C présente un mycélium constitué par des flocons blancs encore isolés les uns des autres, D32 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 30 avril. — Rien encore en N. Exclusivement du mycélium dans le matras C. L'ensemencement des matras des deux autres groupes a été fait respec tivement les 17 et 18 mars, c’est-à-dire après quatre et cinq jours d'action des vapeurs d'essence. Les résultats de ces deux expériences, à la date du 30 avril, ont été les suivants : culture complète dans les matras T; culture exclusivement mycé- lienne dans les matras N et C, après un second ensemencement de ces matras. Ainsi, après un premier ensemencement des six matras soumis à l’action des essences, la culture a été nulle dans ces matras. Après un second ensemencement au bout de buit jours, la culture est restée nulle dans un matras N : elle a été exclusi- vement mycélienne dans les cinq autres matras. Nous avons répété exactement et simultanément les mêmes expériences avec les spores de penicillium glaucum, empruntées à une culture naturelle sur citron et ensemencées dans neuf matras ayant reçu chacun 10 c. c. de liquide Raulin additionné de chlorure de calcium à +, et disposés comme dans les expé- riences avec l’aspergillus niger. Ici encore la culture n’a été complète que dans les trois matras témoins ; elle aétéexclusivement mycélienne dans les six matras soumis à l’action des essences, mais sans qu'il ait été nécessaire de recourir à un double ensemencement de ces matras. Le fait le plus général qui se dégage du deuxième groupe d'expériences peut être ainsi énoncé : en agissant dans des espaces clos, les essences étudiées ont toujours empêché la fruc- tification des mucédinées. Elles protègent mieux un terrain de culture contre l’aspergillus niger que contre le penicillium glaucum. J'ajoute que l’action de l'huile de niaouli s’est montrée un peu plus énergique que celle de l’huile de cajeput dans les deux séries d'expériences. Remarquons en terminant que le dispositif expérimental employéici permettrait de se procurer des quantités considérables de mycélium d’une mucédinée si l’utilisation de ce produit pré- esntait un jour quelque intérêt. ESSENCES DE NIAOULI ET DE CAJEPUT. D33 Un troisième groupe d'expériences, dans le détail desquelles je n’entrerai pas, m'a montré que les deux mucédinées ci-dessus, ensemencées dans du liquide Raulin additionné d'essence, y restaient sans se développer jusqu’au moment où l'essence s'était oxydée ou évaporée au travers du tampon de coton bou- chant le matras. J'ai cherché alors à préciser l'influence du temps écoulé entre le moment de l’addition de l'essence et celui de l’ensemen- cement, et j'ai trouvé commode de faire cette étude avec les tubes à pomme de terre imaginés par M. Roux. L'étranglement qu'ils portent vers leur quart inférieur, qui empèche la pomme de terre de tomber au fond, a aussi l’avan- tage de créer un réservoir dans lequel on peut déposer diverses substances volatiles en vue d'étudier leur action sur les nom- breux organismes qui se cultivent sur la pomme de terre. J'ai fait avec la pomme de terre et le pericillium glaucum un grand nombre d'expériences formant trois séries. SÉRIE À. — La série À comprend les expériences dans les- quelles l’action des essences est contemporaine de l’ensemen- cement de la mucédinée. 17 mars 1893. — Douze tubes pour culture sur pomme de terre, préala- blement stérilisés, sont partagés en trois groupes. Quatre de ces tubes, T, serviront de témoins, quatre sont additionnés d'essence de niaouli : ce sont les tubes N ; enfin, quatre reçoivent de l’essence de cajeput : ce sont les tubes C. Dans chacun de ces trois groupes, deux tubes sont ensemencés avec du mycélium et les deux autres avec des spores. 1 avril. — Tubes T. Culture abondante. Tubes N et C. Des huit pommes de terre soumises à l’action des vapeurs d'essences, il en est quatre — celles ensemencées avec du mycélium — qui ont donné une culture exclusivement mycélienne, tout à fait misérable et limitée à une partie de la face ensemencée. Les quatre autres, ensemencées avec des spores, présentent les caractères suivants : culture nulle à l’extré- mité inférieure de la pomme de terre; culture mycélienne au-dessus de celte région préservée, mycélium disposé sous forme de plis tortueux donnant à la culture un aspect gaufré; ce mycélium n’est sporifère qu’à l'extrémité supérieure de la pomme de terre. La culture dans les deux tubes Cest plusétendueque dans les deuxtubesN. L’addition des essences le jour même de l’ensemencement a donc eu pour effet d'empêcher le développement de la mucédinée 34 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sur la portion inférieure du fragment de pomme de terre, et de limiter la fructification du mycélium à la région la plus éloi- gnée du dépôt d’essence. Comment expliquer ce résultat? Il est dû probablement, à la fois, à ce que la partie inférieure de la pomme de terre est la plus rapprochée du réservoir d'essence, et à ce que sa partie supérieure est plus voisine de l’air extérieur, avec lequel elle communique au travers du tampon de coton qui ferme le tube. La densité de la vapeur, en prenant ce mot dans son sens ordinaire, doit donc aller en diminuant du bas au haut du tube. SÉRIE B. — La série B comprend 7 expériences analogues aux précédentes, comprenant chacune un tube GC, un tube N, et un tube témoin, mais dans lesquelles l’ensemencement de la mucédinée n’était pas contemporain de l'introduction de les- sence : il a été fait après 1, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 jours d'action des vapeurs d'essence sur la pomme de terre stérilisée. Ces expériences ont mis en relief l'importance du rôle joué par l’état du terrain de culture au moment de l'ensemencement. Le développement des spores de penicillium, si rapide et si complet sur les pommes de terre des tubes témoins, reste nul à l'extrémité inférieure des pommes de terre soumises à l’action des essences, et est constamment retardé sur les points où 1l se produit. Cette action retardatrice ou empêchante, déjà sensible quand l’ensemencement est fait 24 heures après que la pomme de terre a été soumise à l’action des vapeurs d'essence, devient de plus en plus apparente quand cette aclion précède de plusieurs jours lensemencement. Dans ce dernier cas, la culture est de moins en moins étendue; elle est réduite à la phase mycélienne sur la face ensemencée, dont elle n'occupe qu’une partie, et, quand elle devient complète, ce n’est que sur la face de section supérieure de la pomme de terre. SÉRIE C. — La série C comprend les expériences dans les- quelles on a fait agir les essences directement sur les spores de penicillium piusieurs jours avant leur ensemencement sur des pommes de terre stérilisées par la chaleur. « ESSENCES DE NIAOULI ET DE CAJEPUT. D39 13 mars 1893. — Avec deux pipeltes chargées respectivement d'huile de niaouli et d'huile de cajeput, nous arrosons les spores de deux cultures de penicillium qglaucum sur pommes de terre. 31 mars. — Ensemencement sur pommes de terre des spores de ces deux cultures. 30 avril. — Il existe un contraste frappant entre les deux cultures : Les spores au cajeput ont donné une culture exclusivement mycélienne, tout à fait misérable et limitée à une partie seulement de la face ensemencée. Les spores au niaouli ont donné un mycélium abondant et d’un blanc éclatant, formant des plis ou saillies rappelant par leurs dispositions tor- tueuses les circonvolutions cérébrales. Il y a évidemment à la fois hyper- senèse de mycélium et obstacle à son étalement en surface ; les plis tortueux font une saillie très notable au-dessus du niveau de la pomme de terre et débordent de chaque côté les points d'implantation du mycélium. Pendant une quinzaine de jours, ces circonvolutions mycéliennes n’ont occupé que la face ensemencée; plus tard, le mycélium a gagné les parties latérales. Lorsque les spores vertes ont apparu sur ce mycélium blanc, la culture a offert un bel aspect qui la faisait facilement différencier des cultures ordi- näires de la même mucédinée. Finalement, la pomme de terre a été couverte sur les deux tiers de sa surface par une couche épaisse de mycélium et de spores. Dans une autre expérience, faite avec des spores soumises 22 jours à l'action des essences, j'ai retrouvé le même contraste et les mêmes particu- larités de culture que dans l'expérience précédente. La parité d'action des deux essences cesse donc dès qu’elles sont mises directement en contact avec les spores: dans les expériences précédentes, les vapeurs seules des essences étaient en action, dans les expériences de la série C un nouveau facteur est entré en jeu. L'huile de cajeput renfermant une proportion notable de cuivre, 1l est possible que ce métal ait eu sa part d'action dans la diminution de la vitalité des spores arrosées avec cette huile; cette diminution a été telle que la fructification de la mucédinée a été impossible et que mème sa végétation a été presque nulle. L’essence de niaouli, au contraire, pure de toute addition métallique et dont l’action, par suite, représente mieux celle des essences en général, a exallé l'énergie végétative des spores. CONCLUSIONS GÉNÉRALES I. Les vapeurs d'essence de niaouli comme celles d'essence de cajeput agissant dans des espaces clos et étroits s'opposent 236 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. à la culture de la bactéridie charbonneuse et de l’aspergillus niger : II. Les mêmes vapeurs agissant dans des espaces clos, mais plus larges, ont empêché dans tous les cas la fructification des mucédinées ; III. L'action empêchante ou stérilisante des vapeurs d’es- sence s'exerce principalement sur le milieu de culture ; IV. La puissance stérilisante des vapeurs d’essence est pro- portionnelle au temps pendant lequel ces vapeurs ont agi sur le milieu de culture, et au degré d'imprégnation dudit milieu par lesdites vapeurs; V. Toutes choses égales d’ailleurs, les vapeurs d'essence de niaouli stérilisent mieux un terrain de culture que les vapeurs d'essence de cajeput ; VI. L'essence de niaouli mise en contact direct avec les spores de penicillium glaucum à augmenté leur énergie végé- tative. SUR LE VIRILLISSEMENT DES VINS Par E. DUCLAUX Que se passe-t-il dans un vin qui vieillit, et qui, après avoir commencé par s'améliorer, finit par vieillarder et se perdre ? C’est là un phénomène dont nous ne connaissons encore que le gros, et dont les détails nous échappent. L'effet produit résulte évi- demment à la fois de la réaction intérieure des éléments du vin les uns sur les autres, et de l'intervention des agents extérieurs, dont les mieux connus sont d’un côté l’oxygène, de l’autre les microbes. En fait d'agents intérieurs, M. Berthelot nous a appris qu'entre l'alcool et les acides fixes et volatils du vin il se pro- duit des éthers dont l'influence sur le bouquet n’est pas dou- teuse. De son côté, l'oxygène qui pénètre dans le vin commence par oxyder sa matière colorante, par le dépouiller. J'ai montré que, lorsqu'il est aidé de l’action de la lumière, il est capable d'agir sur beaucoup d’autres éléments du vin, la glycérine, l'acide tartrique, l'alcool, en donnant de l’aldéhyde, de l'acide formique, etc. Il est vrai que le vin est toujours conservé à l'abri de la lumière, mais, si l’action solaire accélère d’ordinaire celle de l'oxygène, elle n’est pas indispensable pour cela, et, de même qu'un vin se dépouille fort bien dans une cave obscure, il peut se faire aussi que ses autres éléments restent exposés à une oxydation lente, mais continue. Dans le but d'étudier ces phénomènes, j'avais réservé, lors des Études sur le vin‘ que j'avais faites en 1872, des échantillons des vins que j'avais étudiés, et dont je connaissais bien la con- stitution, tant en acides fixes qu’en acides volatils. Quatre de ces vins ont été chauffés, de façon à être soustraits à l’influence des actions microbiennes et abandonnés à leurs réactions intérieures. Pour accélérer celles-ci le plus possible, sans trop m'éloigner des conditions ordinaires de la conservation des vins, j'avais mis mes 1. Annales de Chimie el de Physique, 59 série, t. IL, 1874, D38 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. vins dans des bouteilles en verre blanc, fermées par des bou- chons sans cire, et, au lieu de les garder à la cave, je les ai lais- sées depuis dans le laboratoire, avec la seule précaution de les enfermer dans des armoires où n’entrait pas le jour. La matière colorante s’est rapidement précipitée dans ces condi- tions. Au bout de 2 à 3 ans, les échantillons étaient complète- ment dépouillés. Pour laisser aux autres actions de combustion, que je savais plus lentes, le temps nécessaire pour commencer, sinon pour devenir complètes, j’ai conservé pendant un peu plus de 20 ans ces vins chauffés, et ne les ai analysés qu’en 1893. A côté de ces vins chauffés, j'avais placé des échantillons de deux des mêmes vins non chauffés, tous deux envahis par le fer- ment de l’amer et le ferment du tourné, mais en quantités iné- gales. Dans l’un, c'était ie filament du tourné qui dominait de beaucoup ; c'était le filament du vin amer dans l’autre. Ces vins, déjà malades au moment de la mise en bouteilles, ont continué à se détériorer. Il n’était nullement nécessaire d'attendre pour eux aussi longtemps que pour les autres. Je les ai analysés en 1884, après 12 ans de conservation, et j'ai comparé leur état de maladie à ce moment avec celui que je leur avais trouvé et décrit dans mon mémoire de 1874. Les résultats fournis par cette étude comparative étant très nets, quelques mots suffiront pour les exposer. A. Vin du Puy-de-Dôme, atteint surtout de la maladie de la pousse avec quelques filaments de l'amer. —C'est le vin que j'ai étudié page 319 de mon mémoire. Son acidité totale évaluée en acide acétique, était mesurée par les chiffres suivants : Au moment de l'analyse (nombres du mémoire),.... 6 gr. 45 par litre. AUMOMENTTAUICRAUTANE EEE ER nacre ee 6 gr. 84 — Au moment de la seconde analyse : vin chauffé... ..., 6 gr. 84 — Au moment de la seconde analyse : vin non chauffé. 9 gr. 60 — L’acidité totale n’a donc pas varié en 20 ans dans le vin chauffé, elle a au contraire beaucoup augmenté dans l’autre en 12 ans. Pour savoir sur quoi a porté l’augmentation, il n'y a qu'à chercher ce que sont devenus les acides fixes et les acides volatils. Dans mon mémoire, j'avais dit que ce vin contenait en 1872 241,55 d'acide acétique et 2:,60 d'acide métacétique par litre. Depuis, l'existence de l'acide métacétique de Nicklès est AMP | VIEILLISSEMENT DES VINS. d39 devenue douteuse, et j'ai moi-même dit‘ qu'après avoir étudié un échantillon d'acide métacétique qui provenait de Nicklès lui- même, je n'avais trouvé aucune différence entre lui et l'acide propionique pur, provenant de cyanure d’éthyle. En tenant compte de la petite quantité d’impuretés rencontrée dans l’acide métacétique de M. Nicklès, j'ai été conduit à modifier légère- ment les chiffres qui précèdent, et je considère aujourd’hui ce vin comme contenant en 1872 2,58 d’acide acétique et 2*',56 d'acide propionique par litre. Au moment du chauffage, la quantité d’acides volatils avait légèrement augmenté, mais leur proportion était restée la même, et la marche de la distillation, conduite suivant les règles indiquées dans mon mémoire, n'avait pas sensiblement varié. Elle n’a pas varié non plus du moment du chauffage au moment de la seconde étude. Les acides volatils du vin sont donc restés au bout de 26 ans ce qu’ils étaient au moment du chauf- fage, et, en particulier, il n’y a eu aucune apparition en quanti- tés sensibles d’un acide volatil nouveau par suite d’un procès d'oxydation. De la constance de l'acidité totale et de l’acidité volatile, je crois pouvoir conclure à celle de l'acidité fixe, au moins comme quantité. S'il y avait eu transformation chimique d'un acide fixe, ce ne pourrait avoir été qu’en un autre acide fixe de même équi- valent. C’est un fait dont je ne connais pas d'exemples. Con- cluons donc, en ce qui regarde les acides, que le chauffage les a immobilisés dans leur quantité et dans leur qualité. Restent maintenant à envisager lestransformations subies par les corps neutres principaux, alcool et glycérine. Les procédés de dosage de la glycérine dans un vin sont trop imparfaits pour permettre d'apprécier de petites différences dans la quantité de ce produit. Mais la glycérine en s’oxydant donne des acides fixes ou volatils, et nous avons vu qu’il n’y avait aucune varia- tion de ce chef. L'alcool mérite une étude plus détaillée, parce qu'en s’oxydant il peut donner de l’aldéhyde. Je n'avais pas recherché ni dosé ce produit dans mon vin en 1872. Je manquais par conséquent de terme de comparaison. Je me suis contenté de m'assurer que la quantité d’alcool contenue dans le vin n'avait pas varié d’une quantité sensible à un dosage alcoomé- 4. Microbiologie, p. 598. Eee. 540 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. trique, et que l’aldéhyde qu'on trouvait dans le liquide distillé était en proportions comparables à celles qu'on trouve dans les vins ordinaires, et ne dépassait dans aucun des vins étudiés 3 décigrammes par litre, le dosage étant fait par le procédé colo- rimétrique de Schiff. Ce sont des proportions voisines de celles qui, d'après M. Ræser', résultent du fonctionnement normal du ferment alcoolique. Il est curieux de voir que cette aldéhyde ne s'est pas oxydée en vingt ans, en donnant des acides volatils qu’eût manifestés la méthode d'analyse. Toute la transformation subie par l'alcool consiste en une éthérification au contact des acides volatils contenus dans le vin. Cet alcool étaittrès odorant et, étudié au compte-gouttes, d’après la méthode que j'ai fait connaître dans mon mémoire de 1872, il donnait 144 gouttes et demie pour un titre alcoolique de 9°. À la même température, de l'alcool pur au même titre eût donné 140 gouttes et demie. La différence, qui n’est pas moindre de 4 gouttes, correspond aux éthers ayant accompagné l'alcool dans sa distillation. Voilà pour ce qui concerne le vin chauffé. Le vin non chauffé a continué à se détériorer de 1872 à 1884. Nous avons vu plus haut que l'acidité totale y avait passé de 6,84 à 95°,60, l'évaluation faite en acide acétique. Pour étudier la variation de l'acidité volatile, il n’y a qu’à soumettre le vin à la distillation fractionnée, suivant les procédés que j'ai indiqués dans mon mémoire, et à comparer la marche de la distillation pour les divers échantillons. Voici comment s’est distribué l’acide dans les 10 prises successives, chacune de 10 c.c., obtenues en traitant comme je l'ai dit : 1° le vin initial; 2° le même vin au moment du chauffage; 3° le même vin 12 ans après, au moment de la dernière étude : Vin initial 1872. Même vin au Même vin moment du chauffage. 12 ans après. dre prise 9,4 9,6 9,5 28 — 18,8 49,2 19,0 32 — 95,3 28,8 98,7 40 — 2) 90,4 38,3 5e — 47,6 48,0 47,9 6e — 57,4 57,6 57,4 T2 — 67,3 67,6 67,4 o° — 77,6 18,0 71,8 ge — 85,4 88,4 55,4 100 — 100,0 40020 100,0 4. Ces Annales, t. VII, p. 41. VIEILLISSEMENT DES VINS. 41 On voit que le parallélisme est aussi parfait que possible. Les acides volatils ont donc continué à se produire dans ce vin, dans les mêmes proportions que celles qui y existaient à l’origine. Voici, dès lors, les quantités d'acide acétique et propionique par litre en 1872 et en 1884: 1872, 2 gr. 58 d'acide acétique et 2 gr. 56 d’acide propionique. 1884, 3 gr. 9%4 — 3e M — _ Comme j'avais eu, en 1872, la précaution de distiller 4 litres de vin de façon à en retirer les acides volatils, j’ai pu m’assurer que l’acide mélangé à l'acide acétique était bien de l'acide pro- pionique. Voyons maintenant ce qui est relatif aux acides fixes. L’aci- dité totale correspondait en 1872 à 65,45 d'acide acétique et à 98r,60 en 1884. D'autre part, les acides volatils signalés ci-des- sus correspondent à 45,65 d'acide acétique en 1872 et à Tar,[1 en 1884. Les acides fixes correspondent donc en 1872 à 1:r,84 d'acide acétique, et à 2,5 en 1884. Il y a donc eu augmentation des acides fixes en même temps que des acides volatils. Il faut rapprocher ce fait de ce que le vin était atteint à la fois de la maladie de la pousse, qui fait disparaître les acides fixes, et de la maladie de l’amer, qui les augmente. Malheureusement tout ce qui se rapporte aux acides fixes dans le vin est encore très mal connu, et je n’ai pas cru devoir pousser plus loin l’analyse des phénomènes. On ne la fera bien que lorsqu'on saura cultiver les ferments de ces maladies, et qu'on pourra étudier leurs aclions dans des milieux de constitution plus simple que ne l'est le vin. B. Vin du Puy-de-Dôme, atteint surtout de la maladie de l’amer, avec quelques filaments de la pousse. — C'est le vin que j'ai étudié page 323 de mon mémoire de 1874. Comme l’élude a été sem- blable à celle du vin qui précède, je me bornerai à une simple mention des résultats : Vin chauffé. 1872 1893 Acidité totale évaluée en acide acétique 6 gr. 0 6 gr. 0 — volatile — — 1 gr. 9 ER, L'acidité volatile est une fraction de l'acidité totale plus faible qu'avec les vins poussés, mais ni les acides fixes, ni les acides 42 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. volatils n'ont varié en quantité. Il en est de même en qualité : c’est, en 1893 comme en 1872, un mélange d'acide acétique et d'acide butyrique dans les proportions que nous allons retrouver tout à l'heure. Le titre alcoolique du vin est de 9°,4. L'alcool à ce titre donne 147 gouttes au compte-gouttes, au lieu de 142,5 pour l'alcool pur. La différence est de 4,5 gouttes. La quantité d’éther formé est donc toujours assez grande. Vin non chauffé. 1872 1884 Acidité totale évaluée en acide acétique 6 gr. 0 8 gr. 6 — volatile — — 120129 4 gr. 0 — fixe, par différence 4 gr. 1 4 gr. 6 Il y a donc eu augmentation simultanée des acides fixes et volatils. Fe La distillation fractionnée, appliquée à l’étude des acides volatils, montre que leur composition est à très peu près la même en 1872 et 1884, et correspond à un mélange de 36 molécules d'acide acétique contre 1 d’acide butyrique. Il y avait donc dans un litre de ce vin : 1872 1884 Acide acétique 1 gr. 85 8 gr. 88 — butyrique 0 gr. 08 0 gr. 17 Le vin chauffé a donc encore été ici immobilisé par le chauf- fage. Le vin non chauffé a continué à s’altérer sous la double influence du ferment de l’amer et du ferment du poussé. Que l’action du premier ait été prédominante, c’est ce qui est démon- tré à la fois par la faiblesse du chiffre relatif à l'acidité volatile dans ce dernier cas, et par la nature de l’acide présent, qui était surtout de l’acide acétique à peine mélangé d’un peu d'acide butyrique. C. Vin du Puy-de-Dôme de 1866. — C’est le vin dont j'ai parlé page 311 de mon mémoire. Voici le résultat de la comparaison du vin au moment du chauffage en 1872, et du vin chauffé étu- dié en 1892 : A. — Vin chauffé. 1872 1892 Acidité totale évaluée en acide acétique 5 gr. 1 5 gr. ! — volatile — 0 gr. 63 0 gr. 65 VIEILLISSEMENT DES VINS. D43 Donc, aucune variation ni dans l’acidité fixe, ni dans l’acidité volatile qui était dans les deux cas formée de 0f',61 d'acide acé- tique et 0k',025 d’acide butyrique par litre. L'alcool provenant de ce vin, el titrant 10°,6 à l’alcoomètre, donnait au compte-gouttes, à 15°, 148 gouttes au lieu de 146.11 y avait moins d’éther que dans les vins qui précèdent et celui qui suit, sans doute parce que l'acidité volatile y était aussi beaucoup plus faible. D. Vin du Puy-de-Dôme. — Les résultats fournis par l'analyse de ce vin sont les mêmes que pour le vin qui précède. L’acidité totale s’est montrée la même en 1872 et en 1893. Les acides volatils étaient formés, pour les deux vins, de 1#,98 d'acide propionique et de 2:",04 d'acide acétique. Je me suis assuré par une épreuve directe qu’il n’y avait pas d’acide formique. Quant à l'alcool, il donnait, pour un titre alcoolique de 80,5, 144 gouttes au compte-gouttes à 15° au lieu de 139,5. Donc, encoreici, beau- coup d’éthers. Concluons done de l’ensemble de ces résultats qu'il n'y a aucune oxydation sensible dans les vins débarrassés de leurs germes de maladie par le chauffage, et maintenus à la cave, daos les conditions ordinaires de leur conservation, c’est-à-dire à l'abri de la lumière, alors même que l'oxygène peut arriver par voie de diffusion au contact du liquide. Le seul effet accessible jusqu'ici à l’expérience est une éthérification de l’alcool. Quant au dépôt de matière colorante, qui semble exiger une oxydation préalable, je ne l’aborde pas ici. Je montrerai bientôt que c’est un phénomène de coagulation, dans lequel l'oxygène ne joue qu'un rôle secondaire et, sinon effacé, du moins dominé de beau- coup par les propriétés colloïdales de la matière colorante. SUR LEA PHAGOCYTOSE DANS L'ACTINOMYCOSE Par M. Le Pr A. PAWLOWSKY ET Mac. MAKSUTOFF. (Travail du laboratoire de pathologie chirurgicale de l'Université de Kieff.) (Avec les planches VIII et fig. 3 et 4 de la planche IX.) Malgré les nombreux travaux sur l’actinomycose de l’homme et des animaux, on n’a pas encore résolu la question de la lutte entre l’organisme et le parasite, ni même celle des relations réciproques entre ce parasite et les cellules des tissus. Nous voudrions montrer qu'il s’agit encore ici d’une phagocytose véritable, avec ses formes classiques bien nettes. | Bollinger (1; et Israël (2) ont déjà admis que dès quele parasite a pénétré dans les tissus par une voie quelconque, il s’entoure des éléments granulaires, ce qui a fait donner à la tumeur qui se produit dans cette maladie le nom de granulome infectieux (Cohnheim). Les recherches ultérieures de Johne (3), Moorbrug- ger (4) et autres, ont fait voir qu'il ne s’agit pas seulement d'une accumulation des éléments granuleux, qui dégénèrent ensuite, mais que, de même queles leucocytes, les cellules fixes du tissu néo-formése transforment en cellules épithélioïdes et géantes. On a donc été conduit à se représenter la structure d’un nodule actino- mycotique comme une sorte de masse mycélienne radiée en forme de glande, entourée d'éléments granulaires parmi lesquels se trouvent des cellules épithélioïdes etgéantes. Beaucoupd’auteurs assimilent même la structure d’un actinomycome à celle d’un tubercule. La différenciation résulterait de ce que le tubercule devient seulement caséeux, tandis que l'actinomycome subit une dégénérescence graisseuse suivant les uns, puriforme suivant les autres, et se transforme définitivement en tissu cicatriciel. On admet que la propagation du foyer primitif se fait parles liquides destissus, ou même parla voiesanguine, sansintervention des éléments cellulaires. Dans ces derniers tempsseulement,quel- ques observateurs ont vu des parasites dans les cellules : ainsi dates a Ar à rt 2 0 ile item Le bath y PAS PORT CRUE PO PR EEE Ê % À PHAGOCYTOSE DANS L’ACTINOMYCOSE. D45 Marchand (S)en signale dans les leucocytes etlescellules géantes. Dans un des meilleurs travaux publiés sur l'actinomycose, Bostrôm(6)signale aussi des filaments parasitaires dans lesleuco- cytes. Cesfilaments sont parfois plus longs que la cellule, et celle-ci a souvent des dimensions exagérées et contient un nucléole bulleux. On voit alors avec le temps se former dans cette cellule des figures karyokinétiques; son protoplasma perd la propriété de se colorer, ses contours et ceux du nucléoles’effacent, et la cellule périt, laissant aux filaments toute liberté pour s'épanouir en nodules radiés. D’après Bostrôm, la propagation du parasite se fait par les leucocytes, mais seulement dans la région de la réaction inflammatoire. Ce savantn'a pourtant pas observé dans tous ses stades celte transformation du filament en nodules radiés, et ne la considère que comme probable : il admet aussi que lesleucocytes ne sont pas la seule voie de dissémination du parasite dans l'organisme. Avant Bostrôm, Fischer avait admis sans la contesterla propagation du champignon par voie cellulaire, et Babes (8) avait seulement observé la présence de filaments d’une longueur variable dans de grandes cellules sans nucléoles. La question de la voie de propagation de l’actinomycose dans l'organisme reste donc ouverte, si bien que, tout récemment encore, Hesse a défendu la théorie de la transmission extra- cellulaire. Nos observations ont porté sur trois cas d’actinomycose humaine:, et sur qualre cas d’actinomycose des bêtes à cornes, dont un provenait d'une inoculation faite par l’un de nous. Les tissus ont été durcis par l’alcool, puis inclus dans la paraffine : les coupes ont été colorées avec l'hématoxyline de Ranvier, puis par la fuschine de Gram, ou encore avec l’hématoxyline et l'éosine. Sur toutes nos préparations, tant humaines qu’animales, les tableaux microscopiques étaient tout à fait identiques : Je nodule développé avait la forme d’un capitule avec renflements périsphériques. Ce capitule était contenu dans ure ou plusieurs cellules épithélioïdes (fig. 3,5, 8, 9; pl. VII); des couches d’autres cellules toutes pareilles entouraient de tous côtés sur une large 4. Nous les devons à M. Le Prof. Sonnenburg, de Berlin, auquel nous adressons ici nos sincères remerciements. 39 D46 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. étendue le bouton parasitaire, et possédaient un nucléole globu- laire placé excentriquement (fig. 8 et 9). Quand le nodule était jeune, le protoplasma des cellules ainsi que le parasite présentaient une coloration bien marquée. Auprès de ces parasites en capitules, enfermés dans des cellules épithélioïdes, nous avons trouvé dans d’autres cellules toutes pareilles des filaments isolés, cylindriques ou renflés sur leur longueur (fig. 6). Quelques-uns montraient comme un commen- cement de ramification, et les deux rameaux en doigts de gants (fig. 1, 4) étaient aussi renflés à leurs extrémités (fig. 9). Parmi les cellules épithélioïdes (Bildungszellen de Ziegler, macrophages typiques de E. Metchnikoff) se trouvaient des cellules plus petites (fig. 8 et 9) placées à la périphérie du bouton parasitaire, munies et même parfois bondées de fiiaments en bâtonnets. Plus la cellule était jeune, plus elle était petite, et plusles filaments qu’elle con- tenait étaient courts et sans renflements (fig. 1, b cd: fig. 2, b). En outre, nous avons vu que dès ie commencement de la dégé- nérescence régressive du macrophage, les filaments grandissaient à l'intérieur de la cellule et se développaient en capitules (fig. 4, D 41) La question de savoir comment les filaments entrent dans les cellulles se résout quand on étudie avec soin un nodule actino- mycotique avec son capitule parasitaire entièrement développé. Les cellules qui contiennent le mycélium subissent sur beaucoup de points, comme nous l’avons dit, une dégénérescence régres- sive, et se disloquent successivement. Sous le microscope, ces cellules prennent un aspect granuleux, une coloration plus faible du protoplasma, une modification de forme du nucléole : leurs contours deviennent moins nets, et elles se transforment en masses protoplasmiques sans nucléole (fig. 10 à 14, 17, 18). À leur voisinage on voit apparaître de jeunes cellules épithé- lioïdes qui saisissent les parties libres des filaments des capitules parasitaires (fig. 8 et 9, &). Si le parasite meurt avec la cellule, ce que traduit la forma- tion de renflements et la diminution dans l'intensité de la colo- ration, sa dissémination par les nouvelles cellules ne peut plus se produire, les formes involutives qu’elles contiennent étant mortes. Nous avons cependant souvent observé, au delà des limites du capitule, quelques filaments de longueur variable, PHAGOCYTOSE DANS L'ACTINOMYCOSE. D47 plus ou moins altérés, et en voie de croissance. Ce sont précisé- ment ces filaments qui peuvent s'implanter dans les cellules et devenir les germes de nouveaux nodules. Souvent aussi un lilament d’un capitule renfermé dans une cellule s'accroît, avant que celle-ci dégénère, au delà des limites du protoplasma, et est saisi par un autre phagocyte qui peut le transporter ailleurs (fig. 9, b). Quelquefois ce phagocyte reste en place auprès du phagocyte primitif, devient ovale ou polygonal en s’agrandis- sant, pendant que le filament qu'il contient se développe et conserve ainsi ses connexions avec le capitule initial (fig. 8 et 9). C'est ainsi que s'explique le fait qu’un même capitule soit sou- vent contenu dans deux et mème plusieurs cellules (voir Photo- gramme 3, pl. IX). On voit d’après cela que le filament qui s’est introduit dans une cellule se développe, quoique lentement, en capitule (Photogr. 4). En même temps, ce filament subit des altérations qui prouvent que la cellule lutte avec le parasite. Si la celiule succombe, le parasite se développe el multiplie ses colonies. Si le parasite a le dessous, il donne ses renflements en massue, se colore peu ou pas, tandis que la cellule conserve la netteté de ses contours (fig. 10, 13, 1%, 17, 18). En étudiant alors attenti- vement les coupes microscopiques avec l’Apochrom. de Zeiss (2 m. m. avec Oc. 8 et 12), on observe des capitules tout à fait incolores, en tout ou en parlie, contenus dans de grandes cellules. Il y en a de disloqués en gr'anules, filaments et ren- flements, dont les uns sont encore colorables et les autres non (fig. 18). Les contours de ces capitules sont parfois telle- ment confus qu'ils semblent confluer avec le protoplasma et qu'ils deviennent même tout à fait invisibles (fig. 12). | Il y a donc lutte entre le parasite et les cellules, et c’est pour cela que le champignon ne forme pas dans les tissus vivants les épais enchevêtrements avec riches ramifications dichotomiques que nous rencontrons dans les cultures d’actinomyces. L’inter- vention de la phagocytose nous explique aussi pourquoile procès pathologique se limite et ne se généralise pas. Le parasite possède des propriétés chimiotactiques, et attire ainsi des pha- gocytes qui se transforment ensuite en cellules épithélioïdes. Dès les premiers signes de la dégénérescence du nodule, les éléments cellulaires qui le constituent s’infiltrent de leucocytes D48 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. multinucléés, qui augmentent en nombre, amènent la dégé- néréscence du nodule, et noient dans le pus les masses détri- tiques. En outre de cela, dans les infiltrations actinomycotiques, nous trouvons des grains ronds, rares ou en grand nombre, libres ou rattachés par une substance intermédiaire, de gran- deur variable, ayant l'aspect, dans leur forme typique, des globules hyalins. Ces formations se colorent fortement par la méthode de Gram, de même que le parasite, et ressemblent évidemment aux corps hyalins typiques. Il y a donc dans le granulome actinomycotique, outre le parasite et les infiltrations de cellules épithélioïdes, de nouvelles formations tout à fait analogues aux corps hyalins (fig. 12, 413, 15, 16, 17). La connexité de ces corps avec les élargisse- ments en massuc des filaments du parasite n’est pas douteuse : ce sont ces renflements qui se détachent des filaments et se transforment en globuleshyalins, lesquels sont ainsi le résultat de la dégénérescence de l’actinomyces. Nous avons donc dans l’actinomycose un exemple bien in- structif de la formation des corps hyalins : ils sont, comme dans le rhinosclérome (10), un produit de la dégénérescence du parasite. Dans l’actinomycose, les corps hyalins sont beaucoup plus petits et plus rares que dans le rhinosclérome, les groupes et les amas sont moins abondants, mais leur physionomie et leurs propriétés sont les mêmes. En résumé, le pus des actinomycomes contient des cellules épithélioïdes dégénérées, des capilules parasitaires morts, avec leurs renflements en massue, des granules de dégénérescence du champignon, et des corpuscules puriformes multinucléaires avec des grains libres de chromatine. Le champignon n’est donc entouré de leucocytes multi- nucléés que si les cellules épithélioïdes sont en voie de dégéné- rescence : en d’autres termes, l’infiltration de l’actinomycome par les Jleucocytes polynucléaires est un signe de la dernière période de la dégénérescence, au lieu d’être, comme on l’a admis, l'image constante de sa structure. De même nous n’avons pu constater la présence des cellules polynucléaires gigantesques, décrites par Marchand et d’autres, ni dans les nodules jeunes, ni dans ceux qui étaient complètement développés. PHAGOCGYTOSE DANS L’ACTINOMYCOSE. D49 On peut conclure de même au sujet de la formation du parasite en dehors de la cellule, et quand on trouve des fila- ments libres, provenant d'un capitule inclus dans une cellule épithélioïde, et sortant à l'extérieur, ce n’est qu’un phénomène temporaire : ce filament est destiné à être repris par une cellule nouvelle et ne peut nullement se développer en dehors d’elle daus le tissu. Voici donc comment se fait la multiplication du parasite dans l'organisme. Dès qu’un de ces éléments y a pénétré, n'importe comment, il s’entoure de phagocytes (leucocytes à un seul noyau et jeunes cellules du tissu conjonctif), qui se transforment en grandes cellules épithélioïdes contenant un nucléole, et s’empa- rent ensuite des bâtonnets isolés ou des groupes mycéliens. À ce moment la lutte commence et, si les cellules possèdent une vitalité suffisante, elles détruisent le parasite. Quand celui-ci l'emporte, il se développe, sort des limites de la cellule qui dépérit, et appelle de nouveaux phagocytes en vertu de son pou- voir chimiolactique. Ceux-ci font barrière autour du parasite, s'emparent de ses renflements terminaux, arrêtent son accrois- sement, et finissent par y provoquer les formes involutives et la dégénérescence régressive qui aboutit à la formation des corps hyalins (fig. 3, 4, 5, 10, 12, 13, 17 et 18). Ceux-ci, comme dans le rhinosclérome, sont un produit parasitaire. BIBLIOGRAPHIE 1. BouGer, Ueber eine neue Pilzkrankheit beim Rinde. (Centralblatt für med. Wissench., 1817, n° 27, et Deutsche Zeitshr. für Thiermedicin, ÉOLHLASTT.) 9. [srAEL, Virchow's Arch., t. LXXIV, 1878, et t. LXXVII, 1879. . Deutsche Zeitschr. für Thiermedicin, t. VIE, 1882. . Beitrage zur Klin. Chirurg., édités par Bruns, Tubingen, 1886. . Actinomycosis (Eulenburg's Real Encyclopædie, ® édition). . Zricuer, Beitrage zur pathol. Anatomie, t. IX, 1890. . Centralblatt für Chirurgie, 1890, n° 22. . Virchow’s Archiv, 1886, t. CV. . Deutsche Zeitschr. für Chirurgie, t. XXXV. 40. A. PawLowsky. Sur l’étiologie et la pathologie du rhinosclérome, (Verhandl. des X internation. Medicin Congresses, Berlin, 4890, t. IL.) 41. Corwie et Bases. Les bactéries, 3° édition, 1890, pages 343 et 326, © OO 1 © OÙ à Co CILS COMPOSÉS CHEZ UNE BACTÉRIE TROUVÉE DANS LES SELLES D'UN CHOLÉRIQUE Par M. N. SAKHAROFF, pe Tiruis. (Avec la planche, IX, fig. 1, 2 et 5.) M. Loeffler, qui a proposé une méthode très répandue aujour- d'hui pour la coloration des cils des bactéries, a décrit et reproduit dans le Centralblatt f. Bact. (n° 20, 1890) des cils spiralés très longs, rencontrés dans une culture de charbon symptomatique sur le sérum de sang. Il a recherché sans succès, chez d’autres bactéries, ces formes bizarres. Comme je n'ai vu apparaître depuis aucun document nouveau sur ce sujet, je me décide à décrire des formes semblables chez un bacille que j'ai isolé l’été dernier des selles d’un cholérique, et que j ai nommé bacillus asiaticus. C'est un grand bacille mobile de 4 & et plus de longueur, sur 1 & d'épaisseur, à bouts arrondis, et formant quelquefois des Jongs fils et des chaines. Dans leur intérieur, surtout chez les bacilles cultivés sur pommes de terre, on observe des granulations noires, en nombre variable, solubles dans l'huile de cèdre. Il n’y en a parfois qu'une seule à un bout, ou deux aux deux bouts. Cultivé en piqûre sur un tube de gélatine, le bac. asiaticus la liquéfie rapidement, en formantun entonnoir rempli d’un liquide trouble, couvert par une membrane blanchâtre. Sur plaques, il donne des colonies circulaires ou ovales jaunâtres, avec contour granuleux, d’où sortent plusieurs jets minces irrégulièrement disposés. La présence de ces jets et leur longueur semblent dépendre de la température et du degré de solidité dela gélatine. Il y a souvent des jets pareils autour du fond de l’entonnoir dans la culture par piqüre, ce qui fait ressembler celle-ci à une culture de bactéridie charbonneuse. La culture sur gélose et pomme de terre donne une mem- brane blanchâtre, parfois jaunâtre, avec bords ondulés. CILS COMPOSÉS. 551 Les spores de ces bacilles sont grandes, ovales, et d’une teinteverdâtre. On peutles observer dans la membrane développée à la surface du bouillon, lorsque la température dépasse 20°. Le bac. asiaticus est aérobie, et n’est pas pathogène pour le cobaye. Toutes ces propriétés le rapprochent en partie du bac. ramosus où du bac. megaterium, mais il n’est identique à aucun d'eux. Son intérêt principal résulte de la présence des cils spiralés mentionnés plus haut. On les observe facilement sans coloration dans le liquide trouble qui remplit l’entonnoir de culture sur la gélatine. Ils y sont parfois en grande quantité 24 à 36 heures après l’'ensemencement, quand l’entonnoir n’a pas encore atteint les parois de l’éprouvette. Ils sont immobiles, leurs tours sont réguliers et identiques comme chez les spirochætes. Mais leur longueur et leur épaisseur sont très variables. IL y a des spirales courtes, à peine visibles, et des spirales plus épaisses que les bacilles même, et si longues qu'elles traversent tout le champ du microscope. Cette variabilité de dimensions prouve qu’elles sont composées, et cela devient évident à l'observation des pré- parations colorées, dans lesquelles on réussit à voir des spirales disloquées et effilochées. Les plus grosses spirales sont certaine- ment formées de spirales minces. . Mais que représentent ces dernières ? Sont-elles des micro- organismes étrangers ayant poussé avec nos bacilles, ou sont- elles une de leurs formes évolutives ? La première supposition est inadmissible, car il n’est pas possible d'obtenir les bacilles sans spirales après une nombreuse série de cultures consécu- tives sur plaques de gélatine. Il faut rejeter aussi la seconde hypothèse, parce qu'on rencontre ces spirales très tôt, déjà 24 heures après l’ensemencement. Il faut donc accepter, comme la plus probable, l'hypothèse de Læffler, qui voit dans ces spirales des ficelles composées de cils. Une étude plus approfondie rend cette explication plus certaine. Les très jeunes cultures du bac. asiaticus sur gélatine présentent souvent des groupes de bacilles évidemment réunis par leurs cils, puisqu'ils ne peuvent pas se séparer, bien qu'ils s’agitent beaucoup. Les bacilles libres sont visiblement attirés par ces groupes. Îls se dirigent vers eux et s’y attachent ou s’en séparent après les avoir touchés. Je me suis convaincu, en observant avec D02 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. soin ce phénomène, que dans cette rencontre ces bacilles per- dent leurs cils, dont l’ensemble forme les spirales. Sur les pré- paralions incolores, on ne voit pas ces spirales au début de leur formalion, mais seulement quand elles ont grossi par l'apport des cils détachés. On rencontre des spirales encore unies avec des bacilles, qui n’ont pas eu le temps de s’en séparer. Ces spirales n’absorbent pas les couleurs d’aniline les plus fortes: elles ne s’en imbibent qu'après l’action des mordants. Comme elles sont visibles à l’état incolore, elles sont très com- modes pour étudier les détails de la coloration des cils. La mé- thode de Læffler leur est inapplicable, attendu que ces cils composés (cilia composita : c’est ainsi que je les nomme pour les distinguer des cils simples qui les forment) ne se produisent que sur la gélatine. Le mélange de Lœæffler, tanin avec sulfate de fer acidulé, colore si fortement la gélatine que les cils y disparaissent. Je n'ai pu obtenir de bons résultats qu’en affaiblissant l'action du sulfate de fer acidulé, pris en solution saturée à la tempé- rature ordinaire. Ce mordant pénètre d’abord la gélatine, puis les cils; si donc nous le laissons agir seulement une demi- minute, et si nous colorons ensuite par la solution de fuchsine d'Ebrlich, les cils composés resteront incolores et bien visibles sur le fond rouge de la préparation. Ces mêmes cils, qui absorbent le mordant plus lentement que le fond, le retiennent aussi plus longtemps pendant les lavages. Laissons donc agir ce mordant pendant 5 à 10 minutes, sur la préparation légèrement chauffée, lavons rapidement avec de l’eau et colorons par la fuchsine d’Ehrlich : nous verrons les cils bien visibles sur le fond faiblement coloré de la préparation. Mais il faut que le lavage soit prompt et que la préparation soit rapidement desséchée par le courant d’air d’un insufflateur. Les préparations ainsi obtenues montrent des cils beaucoup plus nombreux que les préparations incolores. On en trouve presque sur chaque champ, avec les dimensions ies plus diverses; es uns, plus gros que les bacilles, d’autres plus fins, qui sont peut-être les cils primitifs. Sur l'indication de M. Læffler, jesuis arrivé à colorer ces cils primitifs par une autre méthode. Comme les cultures du bac. asiaticus ont une réaction alcaline, j'ai ajouté au mordant de Lœffler une demi-goutte d'une solution d'acide sulfurique 4, 12 PL D CILS COMPOSÉS,. 553 à 4 0/0. C'est ce mordant qui m'a donné la coloration la plus intense. Il est à noter que c'est aussi celui qui colore le mieux les cils des vibrions du choléra. Sur les préparations ainsi colorées, on peut voir que les cils du bac. asialicus sont longs et nombreux, ce qu’on pouvait prévoir. Auprès des bacilles sont beaucoup de cils détachés, en forme de spirales minces. J'ai eu beau y mettre du soin, je n'ai jamais réussi à éviter ce détachement, et à oblenir des prépara- tions avec les cils adhérents, ce qui témoigne qu'ils sont plus délicats et plus fragiles que ceux des autres microbes mobiles. Peut-être la formation des cils composés s’explique-t-elle par cette particularité, mais il reste à expliquer pourquoi leur réunion a lieu en spirales régulières. Il reste aussi à voir si ce microbe se rencontre souvent chez les cholériques, et s’il a quelque relation avecle choléra. Plu- sieurs médecins du Caucase ont signalé la présence fréquente de spirales dans les selles des cholériques, mais ce n’est que si le choléra apparaît de nouveau dans nosrégions qu’on pourra étudier ces questions. Explication des figures 3, 4 et 5 de la PI. IX. Fig. 1. — Bacillus asiaticus avec ces cils. Autour de lui sont plusieurs cils détachés. Culture sur gélose. Coloration par la méthode de Leœffler. Grossissement — ro Fig. 2 et à. — Cils composés dans les cultures du bac. asiaticus sur : : . ; D ie , 1 la gélatine. Coloration par la méthode de Læffler modifiée. Grossis. = = Microscope à immersion à l’huile de Winkel, système = ) TECHNIQUE DE LA COLORATION DES CILS; CILS DES VIBRIONS CHOLÉRIQUES ET DES ORGANISMES VOISINS, CILS DU B. TYPHIQUE ET DU B. COEI. Par MM. M. NICOLLE Er V. MORAX. (Travail du laboratoire de M. le Dr ROUX à l’Institut Pasteur.) I Parmi les divers procédés de coloration des cils, seul celui de Lôüffler est d’une application générale. Le voici, résumé en peu de mots. On sème sur gélose le microbe qu'il s’agit d'étudier et l’on porte à l'étuve. Dès que la culture est nettement développée, on en prélève une parcelle qu’on délaye dans une goutte d’eau à la surface d’une lamelle propre. Avec cette première dilution, on en pratique un certain nombre d’autres, toujours sur des lamelles. Celles-ci sont séchées à l’air et à l’abri de la poussière. Puis on fixe les préparations en les passant trois fois dans la flamme, et l’on procède à la coloration qui comprend deux temps : le mor- dançage et la coloration proprement dite. Le mordançage, opération absolument indispensable, s’obtient à l’aide de l'encre de fuchsine ainsi composée : Solution aqueuse de tanin à 20 pour 80, ........ t0Yc rc Solution aqueuse de sulfate ferreux saturée à froid. .. 5 c.c. Solution saturée de fuchsine dans l’alcool absolu. . . ASC NC La coloration se fait avec une solution saturée de fuchsine dans l’eau d’aniline, à laquelle on a ajouté peu à peu quelques gouttes de soude à un pour mille jusqu'à opalescence commen- cante. Pour mordancer, on verse sur la lamelle tenue dans une pince uvegoutte d'encre de fuchsine, et l’on chauffe au-dessus d’une petiteflamme pendant une demi à une minuteen éloignant et rap- prochant alternativement le couvre-objet. Ilne faut pas en effet en TECHNIQUE DE LA COLORATION DES CILS. 550 atteindre l’ébullition, la température à laquelle le mordant émet des vapeurs étant suffisante. On lave ensuite à l’eau distillée et à l’alcoolabsolu; puisoncolore en déposant à la surface de la lamelle une goutte de fuchsine anilinée alcaline, et en chauifant avec précaution pendant une minute. Enfin on lave une dernière fois à l’eau, on laisse sécher et l'on monte dans le baume. Mais ce n’est pas tout. Suivant l’espèce bactérienne àlaquelle on a affaire, il faut, d’après M. Lüffler, modifier la réaction du mordant en l’additionnant d'un nombre déterminé de gouttes d’alcali (soude à 1 0/0) ou d'acide (acide sulfurique à 1,225 0/0), nombre constant pour chaque microbe. Nous n’indiquerons pas ici tous ces nombres, la question n'ayant plus d'importance aujourd'hui. Il nous suffira de rappeler que les divers vibrions (v. cholérique, v. de Finkleret Prior, v. Metchnikovi), le bacille pyocyanique, etplusieurs variétés connues de spirilles nécessite l'addition d’acide à l’encre de fuchsine — et qu'inversement les bacilles typhiques, le b. subtilis, les b. de l’œdème malin et du charbon symptomatique, le micrococcus agilis, etc...,ne montrent leurs flagella que grâce à un mordant alcalinisé. Un seul orga- nisme, parmi ceux que M. Lüffler a étudiés, possède des cils dont le mordant pur et simple suffit à révéler l'existence: c’est le spiriüllum concentricum. La méthode qui vient d’être exposée, tout en consiüituant un grand profit dans l’étude morphologique des bactéries, est donc malheureusement trop complexe pour être rapidement apprise et facilement répétée. Aussi y avait-il intérêt à la simplifier sans Jui faire perdre sa généralité. C’est ce que nous nous sommes attachés à faire depuis près de deux ans. Tout d’abord nous avons remarqué que la quantité d’alcali ou d'acide indiquée comme nécessaire au bon mordançage d'un microbe donné n'avait absolument rien de précis. Par exemple le bacille typhique qui exige, d’après M. Lôüffler, l'addition de 1 c.c. de soude à 1 0/0, à l'encre de fuchsine, montre des cils tout aussi bien colorés quand on abaisse la proportion d'alcali à 15, 10 et même 8 gouttes d’une pipette qui débite 40 gouttes au centimètre cube. Le même fait s’est présenté pour d’autres organismes appartenant aux deux séries établies par M. Lôüffler. Cet auteur avait déjà vu du reste que les cils du bacille du lait bleu se mordancent à peu près indiffé- 20) ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. remment dans l'encre de fuchsine acidifiée (10 gouttes) ou alcalinisée (15 gouttes). Si nous avons pu obtenir d'excellents résultats sans nous conformer exactement aux prescriptions de M. Lüffler, c’est que la réaction du mordant ne représente qu’un des facteurs de la coloration des cils. Cette réaction reste d’ailleurs acide même après addition de plus d’un centimètre de soude à 1 0/0 (pour 16 c. c. d'encre de fuchsine). Le temps pendant lequel on fait agir la fuchsine anilinée et surtout le mordant, ainsi que la température atteinte lors de ces deux opérations, constituent en réalité les éléments essentiels de la méthode. Aussi avons-nous pu avec deux solutions d'encre de Lôffler, l’une légèrement acidifiée, l’autre légèrement alcalinisée, colorer les flagella d’un certain nombre de microorganismes. Il nous suffisait pour obtenir de bons résultats de mordancer à plusieurs reprises et de chauffer un peu fortement. Encouragés par ces résultats, nous avions déjà tenté de supprimer complètement l'usage de l’acide et de l’alcali dont le rôle nous paraissait de plus en plus problématique, lorsque nous avons appris que celle suppression était déjà en usage dans certains laboratoires. Quelques recherches nous ont bientôt démontré que l'encre de fuchsine pure et simple suffisait en effet pour mordancer les cils des divers microbes mobiles. La méthode de M. Lüffler se trouvant ainsi fort simplifiée, nous avons cherché à éviter un certain nombre d’inconvénients inhérents à une technique aussi minutieuse. Il nous a d’abord paru nécessaire de modifier le mode de préparation des lamelles. Pour pratiquer la dilution des microorganismes, nous prenons une petite quantité de culture récente sur gélose et nous l’agi- tons dans un verre de montre rempli d’eau ordinaire (préférable, comme l'a montré M. Lüffler, à l’eau distillée), de manière à obtenir une suspension à peine trouble et absolument homogène. Lorsque celle-ci est préparée, nous en mettons une goutte à la surface d'une lamelle propre. La lamelle doit avoir été forte- ment flambée auparavant, sinon le liquide ne s’y répand pas également et se rassemble en gouttes isolées, soit immédiate- ment, soit après peu d’instants. Notre procédé de dilution et d’étalage des lamelles a pour but d'obtenir des organismes isolés avec leurs cils intacts. Il a En ‘ Le Er mn _ TECHNIQUE DE LA COLORATION DES CILS. D07 aussi pour but de n'entraiuer avec les bactéries que le moins possible de ces matières muqueuses qui les agglomèrent dans les cultures sur milieu solide et qui forment des précipités, sou- vent abondants lors de la coloration. Les lamelles une fois pré- parées, il est inutile de les fixer dans la flamme (ou autrement). Nous nous sommes occupés également du mordant et du mordançage. L'encre de fuchsine constitue une solution excel- lente et à laquelle il n'y a rien à changer. Elle doit être préparée avec du tanin à l'éther de très bonne qualité, si l’on ne veut s'exposer à échouer complètement dans ses recherches; c'est là un point très important. Le mordançage doit être répété trois ou quatre fois en chauf- fant chaque fois pendant une dizaine de secondes, de manière à ne pas dépasser la simple apparition de vapeurs à la surface du liquide. Entre chaque mordançage, il faut laver soigneusc- ment la lamelle. Si l’on chauffe, en effet, trop fort ou pendant trop de temps lors de chaque mordançage partiel, et si on lave insuffisamment la lamelle, on est sûr d'obtenir d'abondants pré- cipités. Ceux-ci, avons-nous dit, sont dus à la présence de certaines substances glutineuses qui agglomèrent les microbes. Il est pos- sible, par une dilution suffisante, d’en réduire la quantité, mais il s'en trouve toujours, cependant, sur les lamelles. Ces sub- stances se colorent un peu plus difficilement que les cils; aussi faut-il attendre un degré de mordançage tel que, seuls, les flagella aient acquis de l’affinité pour la fuchsine. C’est là le point vrai- ment difficile dans la coloration des cils. Si l’on ne mordance pas suffisamment, les lamelles, exemptes de précipités, montrent des microbes bien teintés, mais pas de cils appréciables. Si l’on mordance trop, cils très nets, au contraire, mais précipités abon- dants, obscurcissant souvent toute la préparation. Nouscroyons qu'en suivant nos indications on arrivera assez facilement à trouver le degré convenable de mordançage. Il faut, d’ailleurs, savoir qu'on réussit rarement à obtenir une préparation excel- lente dans toutes ses parties, à moins de faire des dilutions très étendues. La coloration proprement dite ne joue qu'un rôle secondaire. On réussit aussi bien avec la fuchsine créosotée ou phéniquée, avec le violet de gentiane aniliné ordinaire ou même le violet DD8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. aqueux, qu'avec la solution préconisée par M. Lôüffler. Nous nous servons, pour notre part, du liquide de Ziehl, qu'on a tou- jours sous la main dans les laboratoires et qui demeure long- temps sans s’altérer. Pour colorer, nous chauffons une ou deux fois pendant un quart de minute. Sila dilution n’est pas très éten- due et si nous croyons avoir un peu trop mordancé, il vaut mieux ne chauffer qu’une seule fois. Dans le cas contraire, on peut chauffer deux fois, même assez fortement, car le colorant n’en- gendre jamais par lui-même de précipités. M. Lüffler conseille de laver la préparation à l'alcool absolu entre le mordancage et la coloration. Ce lavage nous atoujours paru rendre la coloration plus difficile en enlevant la fuchsine déjà fixée sur les cils; aussi l’avons-nous abandonné dès le début. En résumé, voici comment nous conseillons de procéder : Prendre une parcelle de culture récente sur gélose et la diluer dans un verre de montre rempli d’eau ordinaire, de manière à obtenir un liquide à peine trouble. — Répartir ce liquide avec une pipette à la surface de lamelles propres et fortement flam- bées par des passages réitérés dans la flamme chauffante d’un bec Bunsen. On tient ces lamelles par un de leurs angles à l’aide d'une pince de Cornet. Le liquide étant étalé sur toute l'étendue, les incliner et aspirer avec la pipette l'excès de la dilution qui se rassemble au niveau de l’angle inférieur. — Laisser sécher à l'abri de la poussière. — Déposer à la surface d’un des couvre- objets une grosse goutte d'encre de fuchsine et chauffer une dizaine de secondes sur une petite flamme (flamme veilleuse d'un bec Bunsen, par exemple). — Lorsque des vapeurs apparaissent, jeter le mordant, incliner la lamelle et faire tom- ber sur l’angle supérieur le jet d'une pissette pour bien laver la préparation sans détacher la couche de microbes. — Recom- mencer encore deux ou trois fois le mordançage et les lavages. Avoir soin, après chaque lavage, d’essuyer la face inférieure du couvre-objet et l'extrémité de la pince de Cornet; sans quoi, lors du mordançage suivant, l'encre de fuchsine s’écoulerait sous la lamelle et le long de la pince. — Colorer en versant la fuchsine de Ziehl à la surface de la préparation et en chauffant une ou deux fois pendant un quart de minute. — Laver une dernière fois à l’eau et examiner dans ce liquide. Si la coloration estréussie, TECHNIQUE DE LA COLORATION DES CILS. 909 faire sécher la lamelle et monter dans le baume au xylol. Telle est la méthode que nous employons constamment et qui nous donne de bons résultats. Elle est assez simple pour que les élèves qui suivent les cours de l’Institut Pasteur aient tou- jours pu obtenir rapidement avec elle des préparations satisfai- santes. IT A l’aide de notre procédé nous avons étudié, dans ces derniers temps, les cils des vibrions cholériques et des organismes voisins. Les premiers comprenaientdivers échantillons: vibrions de Shan- ghaï, de Calcutta, de Massaouah, de Hambourg, de Courbevoie, d'Angers, de Paris (épidémie de 1884), vibrion indien prove- nant du laboratoire de M. Koch, et vibrion de Finkler et Prior. Les seconds étaient représentés par le vibrio Metchmikovi, le vibrion de Deneke et cinq vibrions isolés de l’eau de Seine, l’un par M. Blachstein, les autres par M. Sanarelli. Tous ces organismes étaient mobiles, à l’exception du vibrion indien. Ce dernier, examiné à plusieurs reprises en prenant les autres comme Lémoins, s’est toujours montré privé de cils. Les autres, constamment pourvus de flagella, se sont présentés sous deux types morphologiques très différents. Le premier type est caractérisé par la présence d'un cil unique situé à l’une des deux extrémités du vibrion. C'est le cas des vibrions cholériques de Shanghaï, Hambourg, de Courbevoie, d'Angers; du v. de Finkler et Prior, du v. de Deneke, et des v. de MM. Sanarelli et Blachstein. M. Lôffler avait déjà vu que le v. Metchnikovi, le v. de Finkler et Prior, et le v. cholérique qu'il avait entre les mains ne possédaient qu'un seul il. MM. Neuhauss et Trenkmann étaient arrivés au même résultat par dés méthodes différentes. Enfin M. Straus avait fait pareille constatation à l’aide de son procédé de coloration des cils des vibrions vivants. Le second type, qui comprend les vibrions cholériques de Massaouah, de Calcutta et de Paris (1884), est caractérisé par la présence de quatre cils situés d'ordinaire deux par deux à chaque extrémité. Parfois trois cils occupentun des bouts de l'organisme et un seul l’autre bout; exceptionnellement les quatre flagella sont massés à un seul pôle. Jamais nous n'avons constaté un 260 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lig. 1. Fièvre typhoïde, — 9. Bac. coli. — 3. B. de Finkler et Prior. — #4, B. de Deneke. — 5. V, avicide. — 6. V. de Sanarelli (Suresnes). — 7. V. cholérique (Angers). — 8. V. cholérique (Courbevoie). — 9. V. cholérique (Hambourg). — 40. V. cholérique (Shang-Haï). — 11. V — 45. V cholérique (Massaouah, forme ronde). 12. Id. (forme allongée). — 13. V. cholérique 1884. — 14. V. cholérique indien, . cholérique (Calcutta). TECHNIQUE DE LA COLORATION DES CILS. )61 plus grand nombre de cils. Par contre, beaucoup d'individus n'offrent pas leurs cils au complet, fait qui n’a rien d'étonnant pour qui connaît par expérience la fragilité de ces organes. M. Lôffler a beaucoup insisté sur cette particularité, notamment à propos du seul coccus mobile actuellement connu, le micro- coccus agilis qui, bien que muni de plusieurs flagella, n’en montre cependant d'ordinaire qu’un seul. Ces deux types différents se retrouvent dans les cultures successives et ne sont pas modifiés par le passage à travers l'organisme des animaux et de l’homme. Il s’agit donc d’un caractère paraissant assez constant pouravoir une certaine valeur. Il est intéressant en particulier de constater des différences morphologiques aussi marquées chez des vibrions isolés de cas de choléra typique en divers endroits et à diverses dates, vibrions analogues d'autre part par leurs caractères de culture et leur action pathogène. Dans les vieilles cultures, où les vibrions affectent ces aspects en boule décrits jadis par M. Hüppe, etconsidérés par lui comme . répondant à des formes de résistance, on retrouve encore nombre de flagella même après un mois, dans les vibrions des deux groupes. Tout en tenant compte du pléomorphisme bien connu des vibrions, il convient de faire remarquer que les vibrions unici- liés sont d'ordinaire plus courts et plus virgulaires que les vibrions pluriciliés. III Les cils du b. coli et du b. typhique ont attiré notre atten- tion depuis longtemps. Voici ce que des examens répétés et variés nous ont montré. Le b. coli possède toujours moins de flagelles que le b.typhique, le maximum est d'ordinaire 6, excep- tionnellement 8 ou 10. Dans le b. typhique, au contraire, les flagella sont toujours plus abondants, et il est fréquent d’en rencontrer 410 ou 12. D'autre part, les cils du b. coli sont bien plus fragiles que ceux du b. typhique. En somme, ilnous semble facile de reconnaître les deux organismes lorsque leurs flagella ont élé colorés dans les mêmes conditions ; il serait moins aisé de distinguer une culture jeune de b. coli d’une culture ancienne de b. typhique. 30 RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA ET LES VIBRIONS Par EL. METCHNIKOFF DEUXIÈME MÉMOIRE SUR LA PROPRIETE PATHOGÈNE DES VIBRIONS I APERÇU DES DERNIÈRES ACQUISITIONS SUR LA MICROBIE DU CHOLÉRA. Les méthodes perfectionnées, qui permettent de mettre en évidence le bacille virgule, ont en même temps appris qu'il est souvent très difficile de distinguer ce microbe d'autres vibrions. Grâce à ces mêmes méthodes, le nombre des vibrions cultivables sur gélatine s’est beaucoup accru. On en a trouvé plusieurs dans les déjections humaines et dans l’eau. Rien que dans l’In- stitut pour l'étude des maladies infectieuses, à Berlin, on a découvert dans l’eau presque une douzaine d'espèces vibrioniennes. On comprend facilement que dans ces conditions le diagnostic du bacille virgule devient de plus en plus difficile. Tandis que le diagnostic bactériologique de la tuberculose, de la pneumonie fibrineuse et de tant d’autres maladies peut être fait par chaque bactériologue, la détermination du bacille virgule dans les déjections et dans l’eau réclame de plus en plus des savants particulièrement exercés. M. Flugge' avoue, dans une récente publication, que la distinction entre le bacille virgule et les espèces voisines n’est pas du tout chose facile. Les différences se bornent quelquefois (comme avec le Vibrio Metchnikovi) au degré de virulence pour certains animaux d'expérience. M. Koch: conseille à qui n'est pas maître dans le diagnostic du choléra de renoncer à ce travail. En effet, la publication où 1. Zeitschr. f. Hyg., V, x1v, 1893, p. 159. 2, Ib., p. 338. RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. )63 M. Koch donne ce conseil démontre de la façon la plus claire les difficultés considérables qu’on doit surmonter. Les caractères qui étaient autrefois signalés comme spéciaux au bacille virgule, tels que la forme des bactéries, leur mobilité, leur manière de végéter dans la gélatine, ne suffisent plus maintenant, M. Koch décrit lui-même un cas de choléra dans lequel les bacilles vir- gules liquéfiaient si peu la gélatine que les colonies se présen- taient sous forme de boucliers. D'un autre côté, dans le vibrion de Massaua, nous avons un exemple d'un bacille virgule qui liquéfie la gélatine beaucoup plus que les formes typiques. Aussi M. Koch abandonne comme inutiles les cultures par piqûre dans la gélatine. L'examen des gouttes suspendues devient également très peu important, parce qu’ilaété démontré que des bacilles virgules incontestables peuvent être complètement dépourvus de mobilité, tandis que d’autres vibrions peuvent être très mobiles. La forme des vibrions est de même très variable. A côté des vibrions recourbés et épais, on trouve des formes sveltes et minces, quelquefois à peine incurvées. M. Friedrich! a signalé une variété (Shanghaï) qu'on pourrait confondre avec un vrai bacille et une autre (Malte) qu’on prendrait plutôt pour un cocco- bacille. M. Friedrich a aussi décrit les différences que présentent les colonies développées sur les plaques de gélatine. En réalité, ces différences sont encore plus marquées. On trouve des bacilles virgules quiliquéfient la gélatine à 10 0/0 ettrès ferme, beaucoup plus que les formes ordinaires, et donnent des entonnoirs rem- plis d’une masse de culture uniformément trouble. N’attachant plus qu’une valeur diagnostique secondaire à tous ces caractères, M. Koch, dans son nouveau mémoire, insiste surtout sur la réaction de l’indol et sur la virulence pour les animaux. Mais ces deux caractères sont tout aussi peu stables que les précédents. La coloration rouge que prennent les cultures de bacilles virgules dans de l’eau peptonisée alcaline, lorsqu'on ajoute un acide, présente une grande variabilité. A côté de races qui donnent une coloration rose très prononcée, il y en a d’autres, qui sont des vibrions cholériques incontestables, 4. Arbeit. d. Kais. Gesundh., 1892, 964 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR et qui, dans les mêmes conditions, ne donnent presque pas la réaction de l’indol. D'un autre côté, le vibrion de Gamaleïa (V. Metchnikovi), que M. Koch a eu tort d’exclure de son examen, présente la même coloralion rose-solférino qui est propre à plusieurs variétés du bacille virgule. Mais, de tous les caractères, celuiqui offre la moindre stabilité est sûrement la virulence. M. Koch ne se décide à reconnaitre un vibrion comme cholérique que dans les cas où il présente, à côté de la réaction de l’indol, une virulence considérable pour le cobaye. Or, dans ces conditions on peut accepter comme cholérique le vibrion de Gamaleïa, et refuser la nature cholé- rigène à des vibrions assurément cholériques, mais dépourvus de virulence pour les auimaux de laboratoire. Les expériences que nous relaterons dans ce mémoire prouvent le danger d’une pareille interprétation. Les détails fournis dans le manuel de M. Petri! ne permettent pas non plus de distinguer le vibrion du choléra d'une façon précise et nette. Après avoir indiqué la grande analogie de celui-ci avec le vibrion de Gamaleïa, M. Petri croit pouvoir les distinguer par la plus grande liquéfaction de la gélatine et le trouble homogène des colonies sur plaques du V. Metchnikovi. Mais certaines variétés du vibrion eholérique, telles que le v. de Massaua, présentent les mèmes particularités au point de vue de la croissance sur gélatine, On savait déjà depuis longtemps que l’organisme de l’homme et des animaux renferme un grand nombre de spirilles et de vibrions variés, plus ou moins analogues au bacille virgule. Mais on se contentait toujours de signaler comme différence essentielle que ces microbes ne poussent pas sur les milieux nutritifs ordinaires. Il ne faut pas oublier cependant que la crois- sance des vibrions, mélangés avec d’autres bactéries, présente de grandes variations. Au début du choléra, le bacille virgule pousse si bien sur la gélatine qu'il envahit les plaques entières. A la fin de la maladie, c’est lui, au contraire, qui cède la place à d’autres microbes. On observe quelquefois que le vibrion cholé- rique se développe encore assez bien sur des milieux spéciale- ment appropriés, mais, semé sur gélatine, il refuse de pousser. 4. Der Choleracurs. Berlin, 1893, p.32. RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 565 Lorsqu'on sème les déjections non cholériques sur des pla- ques de gélatine, ce sont surtout les bacillus coli et d’autres microbes non liquéfiants qui se développent. Mais les mêmes déjections, abandonnées pendant des semaines et semées ensuite, donnent naissance à un grand nombre de bactéries liquéfiantes. Parmi ces dernières, il se rencontre des vibrions recourbés, liquéfiant même la gélatine moins que le bacille virgule typique, et présentant en général la plus grande analogie avec le vibrion cholérique. Ainsi nous avons retiré des déjeclions d’une per- sonne bien portante, sujette à la constipation habituelle, des vibrions très semblables au bacille virgule de Koch. Dans ce cas, il ne pouvait être question d’un rapport quelconque avec le choléra. Les déjections avaient été provoquées par un purgatif, et cela à Paris, en hiver, en dehors de toute épidémie cholérique, chez une personne qui ne buvait que de l’eau minérale ou de l’eau stérilisée, et qui n'avait en aucune façon affaire avec le choléra. Il paraît que la même trouvaille a été faite à l'Institut de M. Koch. A la fin de son mémoire sur le diagnostic du choléra, nous trouvonsle passage suivant : « Dansles déjections humaines, ces vibrions paraissent être extrêmement rares et ne se trouvent probablement jamais en grande quantité. » Il s’agit de vibrions que leurs cultures sur gélatine et gélose rapprochent de ceux du choléra, mais qui ne donnent pas la réaction de l’indol et ne sont pas pathogènes pour les animaux. Comme ces deux carac- tères ne sont pas du tout dilférentiels, on voit bien la difficulté que peuvent présenter ces cas au point de vue du diagnostic. Plus fréquente encore est la rencontre de semblables vibrions dans les eaux. Comme il n’existe pas de moyens sûrs et faciles pour les séparer en espèces, l'arbitraire peut se glisser facilement dans l'interprétation de leur valeur étiologique. Somme toute, la différenciation du vibrion cholérique, si facile dans les cas ordinaires, peut présenter cependant, dans des cas particuliers, des difficultés très grandes. Dans l’état actuel de la bactériologie, les vibrions ne se présentent pas comine des espèces bonnes et bien définies, mais forment un groupe de formes très variable et bigarré, dans lequel il est souvent très difficile de S'orienter. 266 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. IT PROPRIÉTÉS PATHOGÈNES DU VIBRIO TYROGENUS (DENEKE). Beaucoup de fromages sont un terrain favorable au dévelop- pement de vibrions très semblables au bacille virgule. Cette découverte a été faite par M. Deneke ‘ à Gættingen, qui trouva dans un vieux fromage un vibrion dont la forme et les cultures présentaient une grande analogie avec le microbe cholérique. Dans les traités de bactériologie, on insiste sur la forme ronde des jeunes colonies sur plaques de gélatine, qui serait distinclive du vibrion de Deneke. Mais ce caractère n’a pas plus d'impor- tance que celui tiré de la liquéfaction de la gélatine, liquéfaction plus prononcée avec ce vibrion qu'avec le bacille virgule de Koch. L'absence de la coloration rouge (réaction de l’indol) est aussi citée comme caractère différentiel pour le vibrion de Deneke. Parmi les fromages que j'ai étudiés, le Brie surtout se dis- tingue par l'abondance des vibrions dans son écorce rouge si caractéristique. J'y ai trouvé deux formes, une qui donna des colonies brunes liquéfiant la gélatine beaucoup moins que le vibrion de Deneke, et aussi sensiblement moins que beaucoup de variétés de vibrions du choléra; et une autre à colonies jaunes, qui liquéfient la gélatine comme le v. de Deneke. Les jeunes colonies sur plaque de la variété brune ont des contours ondulés et sous tous les rapports ressemblent au bacille virgule. Comme l’intoxication par le fromage n’est pas du tout chose rare, il était naturel de se demander si elle n’est pas due au développement de vibrions pathogènes. Et cela d'autant plus que le tableau clinique de cette intoxication ressemble singulièrement à celui du choléra. Vomissements, diarrhée aqueuse, crampes constituent les symptômes communs aux deux maladies *. Dans un fromage toxique de Livourne, M. Malenchini * a trouvé, entre autres bactéries, le vibrion de Deneke. Le fait que le vibrion de Deneke est pathogène pour les animaux rend encore plus probable l'hypothèse de son rôle dans 4. Deutsche medic. Wochensehr., 1885. 1. V. pour les cas d'intoxication par le fromage les Schmidl's Jarbücher, 1858, t. 19, p. 238 ; 1839, t. 21, p. 162; 1842, t. 34, p. 155, 1851, t. 69, p. 470 ; 1863, t. 120, p. 299; 1885, t. 208, p. 116; 1887, t. 215, p. 248. 2, Bolletino chimico pharmac., 15 octobre 1892. RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 567 l’empoisonnement par le fromage. Il a été constaté à plusieurs reprises que ce microbe, introduit dans l’estomac de cobayes d'après la méthode de Koch (alcalinisation préalable et injection intrapéritonéale d’opium), provoque une maladie mortelle, M. Hüppe * a pu donner la maladie mortelle à des cobayes en leur injectant des cultures du v. de Deneke dans le péritoine, Tout récemment, M. Kasanky* a établi que le vibrion de Deneke est pathogène pour le pigeon. Une culture dans du bouil- lon, injectée dans le muscle pectoral à la dose de 1 c. c., tue le pigeon avec des phénomènes de seplicémie. Dans mes expériences, le vibrion de Deneke, cultivé depuis plusieurs années dans le laboratoire, et provenant en dernière instance de la culture originale de M. Deneke, s’est montré viru- lent pour le cobaye et le pigeon. Un cobaye de 350 grammes est mort en six heures à la suite de l'injection, dans le péritoine, du liquide trouble, obtenu en délayant dans un peu d’eau une demi- culture sur gélose, faite à 36° et âgée de 20 heures. L’exsudat péritonéal abondant renfermait une masse de vibrions libres et mobiles, el ne contenait que peu de leucocytes. Un quart de la même culture, injecté dans la cavité abdominale, a également tué un cobaye de 355 grammes, mais la mort est survenue plus tard et les phénomènes de la réaction phagocytaire étaient beaucoup plus manifestes que dans le premier cas. L'injection du vibrion dans les muscles de la cuisse de cobayes provoque une tuméfaction considérable sans, toutefois, amener une maladie grave ou la mort des animaux. L'introduc- tion de 7/8 d’une culture de vibrion de Deneke sur gélose dans la veine auriculaire d'un lapin n’a pas été suivie d’effet. Par contre, une culture sur gélose, injectée dans le muscle pectoral d'un pigeon, a provoqué une septicémie, terminée par la mort au bout de 7 heures. Afin d'établir si le vibrion de Deneke, dont la virulence pour les animaux se rapproche de celle du bacille virgule, était patho- gène pour l’homme, j'ai fait l'expérience suivante. Après avoir bu, à jeun, une solution de un gramme de bicarbonate de soude, dans l’eau, j'ai avalé un quart de culture du vibrion de Deneke 4. Berl. Klin. Woch., 1892, et 17. 2. Wratch, 1893, p. 495. D68 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sur gélose, âgée de 21 heures, et développée à 36°. L'effet patho- gène a été pour ainsi dire nul. Après avoir ainsi établi qu'un quart de culture était inoffensif pour l’homme, j'ai donné à M. D... (après qu'il eut ingéré 50 c. c. d’eau distillée renfermant un gramme de bicarbonate de soude), une demi-culture du V. D. sur gélose, âgée de 17 heures et demie et développée à 36°. La personne qui s’est soumise à l’ex- périence était un jeune homme de 17 ans (pesant 95 livres): malgré cela, l'effet de l'injection du vibrion a été purement négatif. On serait tenté de déduire de ces expériences l’innocuité com- plète du vibrion de Deneke pour l’homme. Et, cependant, cette conclusion ne serait point exacte. Dans deux autres expérien- ces, où les personnes ont ingéré une culture entière du V. D., celui-ci a produit une certaine action pathogène. M. K... a avalé (2 heures et quart après le déjeuner) d’abord 50 c. c. d’une solution de bicarbonate de soude à 2 0/0 et, aussi- tôt après, une culture entière du V. D. sur gélose, en suspension dans 4 c. c. de bouillon {culture de 22 heures développée à 36°). Quelques heures plus tard, M. K... a éprouvé un malaise, accom- pagné de fièvre. 5 heures après l’ingestion des vibrions, la tem- pérature axillaire monta jusqu'à 38,1. Pendant la nuit, M. K...a été réveillé par le besoin d'aller à la garde-robe. Il s’ensuivit une selle abondante, liquide et fétide, qui n'avait été accompa- gnée ni de coliques ni de ténesme. Dans la journée, l’état géné- ral se rétablit. 26 heures après le début de l'expérience, il se produit une seconde selle molle, mais déjà moulée. La maladie n'a donc été que de courte durée. Une autre personne, M. E..., a bu le matin à jeun 50 c. c. d’une solution de bicarbonate de soude à 2 0/0 et, aussitôt après, une culture entière du V. D. sur gélose (âgée de 17 heures 30 mi- nutes et développée à 36°), en suspension dans du bouillon. A la fin de la journée, M. E... a ressenti du gargouillement dans le ventre, et, le lendemain, il a eu des coliques qui ont cessé après une défécation normale. Le surlendemain, il a été réveillé par de fortes coliques, qui ont duré presque toute la journée. Il ne s’est pas cependant produit de la diarrhée, et bientôt l’état rede- vint complètement normal. Ces expériences démontrent que, pris à forte dose, le vibrion RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 569 de Deneke peut être pathogène pour l'homme. Il n'y a doncrien d'improbable dans l'hypothèse que les intoxications choléri- formes par le fromage puissent être dues à des vibrions, si, par hasard, il s’en développe une variété plus active que celle de Deneke. Les recherches ultérieures éclairciront peut-être cette question. III PROPRIÉTÉS PATHOGÈNES DU VIBRIO PROTEUS (FINKLER ET PRIOR). L'histoire du vibrion de Finkler et Prior est très obscure. Tan- dis que ses auteurs affirment l’avoir trouvé dans toute une série de cas d’une épidémie bénigne, survenue à Bonn en 1885, plu- sieurs autres savants, notamment M. Koch, insistent sur le fait que ce vibrion n’a été trouvé qu’une seule fois, dans des selles d'un malade atteint de gastro-entérite aiguë, conservées pendant longtemps en dehors de l'organisme. Retrouvé par M. Kuisl dans le cæcum d’un suicidé, le vibrion de Finkler et Prior présente une analogie incontestable avec la virgule cholérique, bien qu’il ressemble moins à celle-ci que le vibrion de Deneke. Il a déjà été établi par M. Koch et ses élèves que le vibrion de Finkler est pathogène pour le cobaye, si on l’introduit dans l'estomac d’après la méthode de Koch. Plus tard M_R. Pfeiffer ! a prouvé qu'inoculé dans la cavité péritonéale des cobayes, le vibrion de Finkler leur donne une maladie mortelle. Seulement, pour obtenir ce résultat, il fallait employer une quantité de culture plus forte que celle utilisée dans les expériences avec le vibrion cholérique. M. Hueppe a donné la mort à des cobayes en leur injectant à peu près la même dose de culture dans le péritoine. Dans mes expériences, je me suis servi de vibrions provenant de la culture originale de Finkler et Prior, et cultivés pendant plusieurs années à l’Institut Pasteur, sans qu'on ait fait de passages par l'organisme animal. Le vibrion a manifesté des propriétés pathogènes pour le cobaye et le pigeon, mais sa virulence a été un peu moindre que celle du vibrion de Deneke. Les cobayes, inoculés dans le péritoine avec un huitième et 4. Zeitschr. f. Hyg., 1892, t. XI, p. 408. 910 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. un quart de culture sur gélose, âgée de 20 heures (et développée à 36°), ont résisté, et ce n’est qu’à la dose d’une demi-culture que les vibrions ont été mortels pour les cobayes. Injectés dans les muscles de la cuisse, les vibrions n’ont provoqué qu'un gonflement de l'extrémité, non accompagné de troubles géné- raux. Les pigeons, inoculés dans le muscle pectoral avec une émulsion d’une cullure entière sur gélose, meurent avec des signes de septicémie aiguë. Par contre, un lapin, auquel j'ai injecté 3/4 de culture dans ia veine de l'oreille, a résisté sans présenter de troubles sérieux. L’autopsie des cobayes et des pigeons a présenté tous les phénomènes déjà bien décrits, et qui suivent l'injection intra- péritonéale et musculaire du vibrion cholérique. L’exsudat péritonéal des cobayes renferme, dans la plupart des cas, très peu de leucocytes et une grande quantité de vibrions libres et très mobiles. Il suffit de faire cette constatation pour conclure que ce sont des bactéries bien vivantes qui produisent les substances toxiques, nécessaires pour tuer le cobaye. L'hypo- thèse d’après laquelle cet effet serait produit par les cadavres des vibrions doit être complètement rejetée. Je passe aux expériences sur l'homme. Cinq semaines après avoir bu sans résultat une émulsion du vibrion de Deneke. j'ai avalé à jeun (après avoir pris À gramme de bicarbonate de soude dissous dans 40 ce. c. d’eau distillée) l’émulsion dans du bouillon d’une culture entière du vibrion de Finkler sur gélose. Cette culture a été faite avec le sang d’un cobaye de 605 grammes (mort en 6 heures et demie après une injection intrapéritonéale d’une culture du même vibrion), et est restée pendant 14 heures à 36°. L'effet a été complètement nul. Dans une seconde expérience, M. P... a bu d’abord 50 c. c. d’une solution de bicarbonate de soude à 2 0/0, et aussitôt après une émulsion dans du bouillon de la moitié d’une culture du V.F. sur gélose, développée pendant 19 heures et 40 minutes à 36°. Le lendemain, M. P... a ressenti un peu de coliques. Le surlendemain, les coliques sont devenues plus fortes et ont été accompagnées de trois selles plus liquides que d'habitude. Bientôt après, l’état est redevenu normal. Le vibrion de Finkler, comme celui de Deneke, peut donc occasionner quelques troubles intestinaux chez homme. Quoi- | } | n « COOP nl 7 4", de RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. d71 qu'il soit bien établi que le choléra nostras en général n’est point lié à la présence de ce microbe, il est possible que dans certains cas de cette maladie (qui certainement ne représente pas une unité morbide) le vibrion de Finkler joue le rôle d’agent pathogène. EV PROPRIÉTÉS PATHOGÈNES DU VIBRIO METCHNIKOVI. (GAMALEIA.) De tous les vibrions qui liquéfient la gélatine dans les conditions ordinaires, le vibrion de Gamaleïa est le plus virulent pour les animaux. Les travaux de M. Gamaleïa et d’un grand nombre d’autres observateurs ont suffisamment démontré que ce microbe est très pathogène pour le cobaye, qu’il tue même en injection sous-cutanée, el pour le pigeon. Les poulets et les lapins sont moins sensibles, mais peuvent également mourir à la suite de son introduction dans l’organisme. Je peux donc me borner à relater mes expériences sur l’homme. Comme je n’avais éprouvé aucun effet après avoir avalé les vibrions de Deneke et de Finkler, j'ai renoncé à ingérer le vibrion de Gamaleïa, me considérant comme trop indemne vis-à-vis de ces microbes. Mais deux autres personnes se sont soumises à l'expérience. M. Gr... a bu dans des conditions favorables (deux heures après un petit déjeuner et aussitôt après l’ingestion de 50 c. c. d’une solution de bicarbonate de soude à 2 0/0), la suspension dans 4 c. c. de bouillon stérile d’un tiers d’une culture du vibrion de Gam. sur gélose, développée pendant 23 heures à 36°. Un autre tiers de la même culture a été injecté dans le muscle pectoral d’un pigeon de 322 gr., et le tiers restant a été introduit sous la peau d’un cobaye de 380 gr. Ce dernier mourut au bout de 5 heures avec les signes d'une infection des plus aiguës. Il ne s’est pas formé chez lui d’œdème cutané, mais bien un exsudat séreux dans la plèvre et le péritoine. Cet exsudat ne renfermait presque pas de leucocytes, mais contenait une masse de vibrions mobiles. Le pigeon mourut 8 à 9 heures après l'inoculation, présentant le tableau d’une septicémie généralisée. Malgré ja virulence du vibrion pour les animaux mention- 572 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nés, M. Gr. n’a ressenti aucun malaise. Sa santé a continué à ètre parfaite. Dans une seconde expérience, l'effet a été aussi nul, quoique M. C.. ait avalé (avec les mêmes précautions que dans toutes mes expériences sur l’homme) deux tiers d’une culture de V. M. sur gélose, développée pendant 19 heureset 45 minutes à 36°. La culture était de même origine que celle qui a servi à M. Gr. Ces résultats ne sont pas en contradiction avec l’assertion de M. Gamaleïa, à savoir que le vibrion qu'il a découvert peut engendrer le choléra nostras chez l’homme’. D'ailleurs, cette affirmation n’a pas été accompagnée de preuves suffisantes. y PROPRIÉTÉS PATHOGÈNES DU VIBRIO CHOLERÆ (KOCH). Comme je l’aidéjà ditaucommencementde cet article etcomme cela a étéconstaté par un grandnombre de chercheurs, la virulence du vibrion cholérique est très variable. On cite souvent, comme mesure de cette propriété, la donnée fournie par M. R. Pfeiffer, d’après laquelle un vingtième d’une culture fraîche sur géiose, pesant 1,5 mg., suffirait pour tuer par voie intrapéritonéale un cobaye de 300-350 gr. Mais ce résultat se rapporte au vibrion de Massaua, recueilli par M. Pasquale et connu par sa virulence exceptionnelle. Ce vibrion est très pathogène ; même inoculé sous la peau il tue les cobayes ; il fait aussi périr les lapins et les pigeons. Dans mes expériences‘, 1/12 d’une culture surgélose (âgée de 20 heures et cultivée à 36°), introduit dans le péritoine de cobayes de 300 à 400 gr., les tuait en 12 et 15 heures. Un sixième de la même culture suffisait pour donner la mort à des cobayes par inoculation hypodermique. Des cultures du vibrion de Massaua dans du bouillon peptonisé étaient aussi mortelles pour les cobayes, à la dose de 1 ce. c. dans le péritoine, ou de 2 c. e. sousla peau. Des cultures préparées dans l'eau peptonisée, renfer- mant2 à 5 0/0 de gélatine, étaient plus virulentes encore: des frac- tions de centimètre cube injectées dans le derme suffisaient pour 4. Annales de l'Institut Pasteur, 18388. 2. Le vibrionde Massaua, dont je me suis servi, m'a été obligeamment envoyé par M, Sanarelli et provient de la culture originale de M. Pasquale. RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 573 tuerles cobayes adultes. Même des cultures anciennes du vibrion de Massaua, faites dans du bouillon de thymus préparé d'après les indications de Wooldridge et de MM. Brieger, Kitasato et Wassermann, conservaient leur grande virulence. Mais la virulence du vibrion de Massaua ne peut pas servir de type pour toutes les variétés du vibrion cholérique. Il est vrai que dans ces derniers temps on a trouvé aussi en Europe des bacilles virgules doués d’une très forte propriété pathogène. Ainsi M. Wyssokowitcht a isolé à Charkoff un vibrion cholérique dont 0,5 à 1 c. c. d’une culture en bouillon, âgée de 24 heures, suffisait pour tuer des lapins par voie sous-cutanée. Cette viru- lence exceptionnelle ne s’est pas conservée longtemps : trois mois plus tard, il fallait des quantités 5 à 10 fois plus grandes pour obtenir le même résultat. M. Sawtchenko* a pu constater que les vibrions cholériques, isolés du contenu intestinal lors de l'épidémie de Kieff,en 1892, avaient des virulencestrès différentes. A côté de variétés mortelles pour les pigeons, il en a trouvé d’au- tres, inoffensives pour cetteespèce. Toutrécemment M. Vincenzis a étudié un vibrion, isolé par M. Weiïchselbaum d’un cas de choléra à Vienne, el remarquable par sa grande virulence pour le pigeon et le cobaye. On peut donc tirer cette conclusion générale que même les vibrions cholériques récemment isolés du contenu intestinal se distinguent par une grande variabilité de leur virulence. Cette fonction ne peut donc être considérée comme une qualité stable et constante. É Les cultures du bacille virgule, entretenues pendant un cer- tain temps dans les laboratoires, fournissent une nouvelle sreuve de cette instabilité. Certaines d’entre elles, comme, par exemple, le vibriou de Massaua, conservent leur grande virulence même après une période très longue de culture en dehors de l’orga- nisme. On peut encore augmenter l’activité de ce microbe. Dans les cultures faites à 35-38° dans une eau peptonisée à 5-10 0/0 et contenant en outre de 2 à 5 0/0 de gélatine, ce vibrion devient très toxique et virulent. Des passages à travers des cobayes vaccinés ont encore augmenté ces propriétés. M. Klemperer ‘ a renforcé Wratch, 1893, p. 461. . Ibid., p. 26. . Archivio per le scienze mediche, 1895, t. XVII, p. 437. . Verhandlungen des XII Congresses f. innere Medicin, 1893, p. 65. RO + © D714 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. le microbe de Massaua à tel point qu'une goutte de culture en bouillon, âgée de 24 heures, injectée dans le péritoine, tue sûre- ment un cobaye de 300 grammes. D'un autre côté, il existe des variétés de vibrions cholériques incontestables qui se distinguent par leur faible virulence pour les espèces animales. Tel est le vibrion du choléra de Paris, 1884. Je possède des cultures de ce microbe, grâce à l’obligeance de M. Chantemesse, qui l’a isolé et entretenu depuis lors dans son laboratoire. Une culture entière de ce vibrion sur gélose, développée pen- dant 20 heures à 36°, injectée dans la cavité péritonéale d’un cobaye de 415 grammes, ne luia même pas donné d’hyperthermie ni d'hypothermie passagère (temp. 5 heures après l’inoculation, 38,4; 2 heures plus tard, 39,0; 10 heures après le début de l'expérience, 39,2). Le cobaye a supporté cette dose énorme de vibrions sans le moindre trouble dans sa santé. Parmi trois autres cobayes qui reçurent dans le péritoine 1/2, 1/4 et 1/8 des mêmes cultures, celui qui a reçu 1/4 de culture (poids 467 grammes) a succombé 25 heures après l’inoculation, avec très peu de vibrions dans l’exsudat et des signes d’une forte réaction leucocytaire. Deux autres cobayes (de 497 et 465 grammes) ont survécu et n’ont pas présenté de troubles. Les lapins sont aussi insensibles à l'injection intraveineuse de grandes quantités de cultures sur gélose du vibrion de Paris, 1884. Les cultures des vibrions cholériques que j'ai étudiés au point de vue de la virulence peuvent être rangées entre les deux extrèmes cités : le vibrion de Massaua et celui de Paris, 1884. Je ne mentionnerai ici que le résultat des expériences avec trois sortes de cultures : 1° le vibrion de Hambourg, isolé pendant l'épidémie de 1892; 20 celui de Courbevoie, isolé par M. Netter chez Mie L..., qui a eu une attaque de choléra grave, terminée par la guérison, au mois de juillet 1892. Je dois ces deux vibrions à l'obligeance de M. le professeur Netter; 30 choléra du laboratoire de l’Institut Pasteur, qui m'avait été fournie en octobre 1892 par M. Haffkine. Les cultures du vibrion de Hambourg sur gélose, dévelop- pées pendant 16 heures à 360, tuent des cobayes de 320 à 415 grammes à partir d’une demi-cullture. Le vibrion de Cour- bevoie est plus virulent : un quart de culture sur gélose (déve- MP AT Us Lu Le LOIRE RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 915 loppée pendant17"à36°)suffit pour tuer un cobaye de 570 grammes. Ce vibrion est aussi mortel pour le pigeon (3/4 de la même cul- ture dans le muscle pectoral)et le lapin (1/2 culture dans la veine de l'oreille). Le V. du choléra de M. Haffkine présente une viru- lence un peu moindre; 1/3 de culture (préparée dans les mêmes conditions) tue sûrement un cobaye adulte; 1/4ne le fait pas périr dans tous les cas. Injecté à la dose de 3/4 de culture fraîche dans le muscle pectoral du pigeon, il ne lui a donné qu'un malaise passager. J’insiste sur ces particularités de la virulence, non seule- ment pour fournir des documents en faveur de la variabilité de cette propriété, mais surtout pour servir de guide dans l’appré- ciation des expériences faites sur l’homme avec ces trois variétés de vibrions. Deux jours après avoir avalé sans effet le vibrion de Finkler et Prior, lorsque je pouvais être encore sous l'influence de ce microbe, j'ai absorbé (aussitôt après avoir bu 1 gramme de bicar- bonate de soude dans 40 c. c. d’eau distillée) une émulsion dans du bouillon stérile d’une demi-culture du vibrion de Hambourg. Ce microbe avait été cultivé sur gélose pendant 2 jours à 56°, et conservé pendant 16 jours à 18-200. La culture renfermait, à côté de vibrions et de spirilles, beaucoup de corps ronds, et, réense- mencée sur la gélose, elle donna une culture abondante déjà au bout de peu d'heures. L’ingestion des vibrions a été faite 2 heures après le déjeuner du matin. L'autre moitié de la même culture a été avalée exactement dans les mêmes conditions par mon aide de laboratoire M. Latapie. Ni ce dernier, bien qu'il soit très sujet à des indigestions, ni moi ne uous sommes nullement ressentis de la présence d’une quantité immense de vibrions cholériques vivants dans notre corps. Les selles étaient normales pendant toute la semaine qui suivitl'injection, et l'examen le plus minutieux ne me permit pas d'y découvrir des bacilles virgules. Huit jours après cette première expérience avec le vibrion de Hambourg, nous nous sommes soumis à une seconde. M. Latapie et moi nous avons ingéré, 2 heures après le déjeuner du matin et aussitôt après avoir bu 1 gramme de bicarbonate de soude dissous dans 40 c. c. d’eau distillée, une demi-culture du vibrion de Hambourg, développée sur gélose D76 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pendant 24 heures à 35°, et conservée dans une armoire obscure à 48-20° pendant 6 jours. La culture, mélangée avec du bouillon stérile, a donné une suspension très trouble. Cette fois-ci, comme dans toutes mes autres expériences, nous ne nous étions soumis à aucun régime particulier. Je mangeai beaucoup de végétaux crus (radis, salade, concombres, fraises) comme d'habitude. Mais malgré ce manque de précautions, aucun de nous ne fut malade à la suite de l'infection par les vibrions. Ce n’est qu’à la fin de la sixième journée que M. L... et moi ressentimes du gargouil- lement dans le ventre el un certain malaise. Le lendemain matin, cet état s’est accentué chez moi, et il s'établit un peu de déran- gement intestinal. Ce même jour, 2 h. 20 minutes après le pre- mier déjeuner, j'absorbais 50 c. c. d’une solution aqueuse de bicarbonate de soude à 2 0/0, et aussitôt après la suspension dans 4 c. c. de bouillon stérile d’un tiers de culture du vibrion de Hambourg sur gélose. Cette culture avait été semée 17 heures avant, et maintenue pendant tout ce temps à 36°. Sur les prépa- rations microscopiques, on pouvait constater des masses de vibrions caractéristiques et très peu de corps sphériques. Le second tiers de la même culture a été avalé par M. Latapie, et le troisième par M. Gr., qui, auparavant, n'avait absorbé qu'un tiers d’une culture du vibrion de Gamaleïa. L'ingestion a été faite avec les mêmes précautions que celles que j'avais prises (deux heares après le déjeuner et aussitôt après l’ingestion de 50 c. c. d’une solution de bicarbonate de soude à 2 0/0). Dans cette expérience, deux entre nous avaient déjà subi l'effet de deux ingestions de cultures de Hambourg, tandis que M. Gr. se soumettait à l'influence du vibrion cholérique pour la première fois. Quelques heures après l’ingestion des vibrions, ma santé redevint brusquement tout à fait normale. Les jours suivants elle était également très bonne. Chez moi, ainsi que chez M. L..., il s'établit une tendance vers la constipation. Neuf jours après l’ingestion de la culture chez mon aide, il se manifesta une diarrhée de peu d'intensité qui dura pendant quelques jours. L'examen bactériologique de ses déjections montra la présence du bacillus coli et de quelques bactéries liquéfiant la gélatine, mais il ne se développa pas une seule colonie du bacille virgule. Cette diarrhée n’avait donc rien à faire avec les vibrions ingérés RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 577 et ne présentait que le retour d’une de ces indigestions fréquentes qui avaient été suspendues pendant tout le cours des expériences avec le choléra de Hambourg. Il m'a été également impossible de découvrir le bacille virgule dans mes déjections. : Tandis que chez M. L... et moi qui avions absorbé le vibrion de Hambourg pour la troisième fois, il ne se manifesta aucune maladie, chez M. Gr. il s'établit une diarrhée due sûrement à l'influence des vibrions. Malgré que cette personne fût, en géné- ral, d’une santé parfaite et pas du tout sujelte à des indigestions, il se déclara, 16 heures après l’ingestion des vibrions, une diarrhée liquide. M. Gr. a été réveillé à 4 heures du matin par le besoin d'aller à la selle, sans éprouver ni de coliques ni d’autres troubles quelconques. Pendant le matin et la journée, il se pro- duisit quatre selles liquides, mais colorées, qui, quoique renfer- mant plusieurs espèces bactériennes, ne donnèrent sur des plaques de gélatine qu'une culture pure de bacilles virgules. Le jour suivant, il ne se produisit qu’une selle liquide, renfermant beaucoup de vibrions cholériques. Le quatrième jour après le début de l'expérience, il survint la première selle dure, dans laquelle on pouvait cependant retrouver des bacilles virgules. Sur des plaques de gélatine, faites avec ces déjections, 1l se développa beaucoup de colonies du bacillus coli et très peu de colonies vibrioniennes. Mais le lendemain les selles prirent de nouveau une consistance plus liquide et donnèrent sur plaque une quantité beaucoup plus grande de colonies du bacille virgule. À partir du sixième jour après l'ingestion des vibrions, l’état de M. Gx. redevint absolument normal. Pendant qu'il avait cette légère diarrhée, M. Gr. ne ressentit aucun trouble gastrique ni la moindre altération générale de sa santé. Quoiqu'il soit difficile de tirer des conclusions certaines d'un si petit nombre de faits, il paraît cependant résulter de cette expérience sur le vibrion de Hambourg que l’ingestion préalable de cultures âgées de plusieurs jours n’occasionne non seulement aucun trouble intestinal (ou autre), mais vaccine contre l’action diarrhéique de cultures jeunes du même microbe. D'un autre côté, il semble résulter que l’ingestion préalable du vibrion de Gama- leïa ne protège pas contre cette action du vibrion de Hambourg. Le fait de la vaccination par des cultures vivantes ingérées 37 218 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. concorde parfaitement avec l'observation de M. Hasterlik ‘. Des cultures du bacille virgule dans la gélatine, ingérées sans alca- linisation préalable de l’estomac, furent sans action sur M. Has- terlik. Plus tard, il n’éprouva non plus aucun effet à la suite de l’ingestion du même microbe, même après avoir préparél’estomac en avalant 1 gramme de bicarbonate de soude. Un collaborateur de M. Hasterlik, qui but d'emblée la même culture après alcali- nisation de l’estomac, eut une diarrhée moyenne. M. Gaffky * considère cette expérience comme la preuve que M. Hasterlik avait été vacciné par les cultures ingérées précédemment. Des tentatives de vaccination de l’homme par ingestion de cultures stérilisées du bacille virgule ont été entreprises d'abord par M. G. Klemperer *, et tout récemment par MM. Sawtchenko et Zabolotny ‘. Le premier de ces observateurs ingéra à plusieurs reprises une grande quantité (503 c. c.) de cultures de vibrion, stérilisées pendant deux heures à 70°. L’ingestion ne produisit aucun trouble apparent, et eut comme suite l'augmentation du pouvoir préventif du sang. Mais M. Klemperer pense que le temps très long qui a été nécessaire pour obtenir ce résultat présente un inconvénient trop grand pour que la méthode puisse être employée dans la pratique. MM. Sawtichenko et Zabolotny ont répété cetle expérience avec quelques modifications. Ils ont ingéré des cultures de vibrion, stérilisées à 60°-70°, et additionnées d’un 1/20/0 d’acide phénique. Dans un espace de plus d’un mois ils avalèrent 2,318 gr. (Zabolotny) et 1,758 gr. (Sawtchenko) de résidu sec de cescultures. Bieutôt après, ces deux observateurs firent une expé- rience d’épreuve. Après avoir bu 100 c. c. d’une solution de bicarbonate de soude à 2 0/0, ils avalèrent 0,1 c. c. d’une culture du vibrion cholérique en bouillon, développée à 37° pen- dant 24 heures: 0,5 c. c. de la même culture suffisait pour tuer un lapin par injection intrapéritonéale. Les vibrions ingérés ne produisirent aucun effet nuisible. La fonction digestive continua à être normale, quoique les déjections reufermassent un nombre notable de bacilles virgules. 4. Wiener Klinische Wochenschrift, 1893, p. 167. 2, Verhandl. des XII Congr. f. inn. Medicin., 1893, p. 49. 3. Berl. Klin. Woch., 1892, et 50. 4, Wraich, 1893, p. 572. D CT CN LA “se RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. D79 Le traitement préventif a duré trop longtemps pour pouvoir ètre pratique. En ce qui concerne le résultat fondamental, c’est- à-dire l'efficacité de la vaccination, il est très difficile de se faire un jugement, parce qu'on ne sail pas comment agirait la même dose de culture (0,1 ©. c.) avalée sans traitement préalable. MM. Sawtchenko et Zabolotny citent comme témoin M. Emme- rich, qui a eu une diarrhée cholériforme à la suite de l’ingestion de la même dose de culture en bouillon. Mais M. Emmerich a commis certains écarts de régime, ce que n’ont pas fait les deux savants russes. | Comme nous l’avons déjà dit dans notre premier mémoire, les inoculations sous-cutanées de cultures cholériques n’ont pas empêché M. Ferran lui-même, ni d’autres personnes men- tionnées par lui, d’avoir une diarrhée passagère après qu'ilseurent bu des cultures du bacille virgule. M. Pauli', bien qu'il ait été vacciné 13 fois (par voie hypodermique), a eu la diarrhée après avoir bu quelques gouttes de cultures de vibrions, et même sans saturation préalable de l’acide gastrique. Il paraît donc que celte méthode n’est point efficace. Dans le courant de nos recherches sur l’homme, deux per- sonnes ont ingéré un tiers de culture du vibrion de Courbevoie (dont la virulence pour les animaux a été spécifiée plus haut) sur gélose, développée pendant 19 heures 40 minutes à 36°. Une de ces personnes, M. G..., avait subi six mois et demi auparavant les deux inoculations préventives de M. Haffkine. La tempéra- ture monta après la première injection sous-cutanée à 38°,6. La seconde inoculation fut suivie d'une hyperthermie et de troubles généraux moins forts que la première. La personne en question, jeune homme de 21 ans, robuste (poids 130 livres), n'est sujette à aucun trouble des organes digestifs. Elle but, à jeun, 50 c.c. d’une solution de bicarbonate de soude à 2 0/0 dans de l’eau distillée, et aussitôt après un tiers d’une culture sur gélose en suspension dans du bouillon. Le lendemain se déclara une diarrhée liquide, accompagnée de quelques coliques, mais sans troubles généraux d'aucune sorte. Le jour suivant, la diarrhée insignifiante continua encore. Mais le lendemain elle fit place à la constipation. Le cinquième jour après l’ingestion de la culture, 1. L’inocululion préventive contre le choléra. Paris, 1893. 980 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la diarrhée reprit un peu plus forte (trois selles dans la journée) elle était accompagnée d'un malaise général. Le sixième jour M. G... éprouva une faiblesse générale, avec absence d’ap- péut; la langue était chargée, et il se produisit une déjection très liquide et abondante, mais colorée. On administra 0,5 de calomel, en doses fractionnées; après quoi, il y eut encore deux selles liquides. Le lendemain matin il se produisit encore une évacuation liquide, mais l’état général s’améliora rapidement et M. G... guérit d’une façon définitive. L'examen bactériologique des déjections a démontré la présence de vibrions cholériques pendant cinq jours. Les deux premières journées, les selles diarrhéiques ne donnaient sur les plaques de gélatine que des cultures presque pures du bacille virgule. Le bacillus coli était très rare. Le cinquième jour {après le début de l'expérience), il ne se développait que peu de colonies vibrioniennes. Par contre, les plaques contenaient un grand nombre de cultures du B. coli, ainsi que d'une espèce de cocccbacille liquéfiant forte- ment la gélatine. Le jour suivant (recrudescence de la maladie), les vibrions cholériques prirent de nouveau le dessus sur les autres microbes ; les coccobacilles disparurent complètement des plaques. Une autre personne, M. S..., a bu un tiers de la même culture du vibrion de Courbevoie, el exactement dans les mêmes condi tions que M. G... Six mois et demi auparavant, elle aussi avait été inoculée par M. Haffkine. Mais l'effet de la première injection vaccinale (culture atténuée de M. Haffkine) avait été tellement douloureux et l’état général si troublé (la température monta au delà de 39°) que M. S... renonça à la seconde inoculation. Les quatre premières journées de l'expérience, M. S... se sen- tittrès bien, malgré une constipation, des gargouillements et des douleurs dans le ventre. Mais le cinquième jour il éprouva un malaise général et dut prendre un lavement à la glycérine. Une évacuation abondante n’amena pas la guérison. Dans la matinée et dans la journée suivante, il se déclara une diarrhée liquide et abondante et l’état général s’améliora. Le lendemain il se pro- duisit encore une évacuation liquide, après quoi la santé se rétablit parfaitement. Les selles normaies, évacuées le lende- main de l’ingestion des vibrions, ne donnèrent sur plaques de géatine que des colonies non liquéfiantes. Par contre, les déjec- LEP EE EUR RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 581 tions diarrhéiques produisirent des colonies du bacille virgule, entremèlées avec celles du D. coli. Les vaccinations sous-cutanées de M. Haffkine, pratiquées six mois et demi avant l'expérience, n’empèchèrent donc ni l’action diarrhéique du vibrion cholérique, ni la provocation d’un état de malaise général. Une troisième personne, M. B..., qui n’avait jamais été sou- mise ni à des vaccinations anticholériques, ni à un traitement préventif quelconque, a ingéré un tiers d’une culture sur gélose du même vibrion de Courbevoie. Deux heures et quart après son déjeuner, et aussilôt après avoir bu 50 c. c. d'une solution aqueuse. de bicarbonate de soude, M. B... ingéra # c.c. de bouillon stérile, dans lequel était dilué un tiers d’une culture du vibrion de Courbevoie sur gélose, développée pendant 22 heures à 36°. À peu près 17 heures après l'ingestion des vibrions, M. B... a été réveillé par le besoin d'aller à la selle. Il s’ensuivit une déjection liquide, colorée. Dans la même journée, il y eut encore trois selles présentant les mêmes caractères. L’appétit etla santé générale étaient parfaits. Le lendemain, il se pro- duisit quatre selles liquides et colorées, accompagnées de gar- gouillement. L'état général était tout à fait satisfaisant. Le surlendemain, la diarrhée diminua et la santé resta très bonne. Le cinquième jour de l'expérience, la diarrhée cessa presque complètement, mais, dans la soirée, M. B... commit un impru- dent écart de régime : il but plusieurs verres de bière ; après quoi, la diarrhée réapparut. Dans la nuit et le lendemain, M. B... a eu en tout cinq déjections liquides, colorées. L'état général resta inalléré. Le jour suivant, il se produisit encore deux selles presque normales et, le lendemain, M. B... était complètement rétabli. À l'examen bactériologique, les selles liquides donnèrent sur plaques de gélatine des cultures presque pures du vibrion cholérique. Dans ce cas, malgré l'absence de traitement préventif quel- conque, et malgré même un écart de régime, l’effet d’une quantité très considérable de vibrions ne se traduisit que par une diarrhée moyenne, non accompagnée de troubles généraux. Si les deux personnes inoculées par les vaccins de M. Haffkine ont eu moins de diarrhée, elles ont éprouvé un malaise général pro- noncé qui à fait défaut chez M. B... Parmi les deux personnes 82 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qui subirent les vaccinations de M. Haffkine, celle qui avait été inoculée deux fois a été plus éprouvée par les vibrions que M. S..., qui ne fut vacciné qu'une seule fois. Comme dans les expériences anciennes de M. Ferran, on ne peut nullement considérer comme prouvé que les inoculations hypodermiques des vibrions empêchent l’action de ces microbes lorsqu'ils sont introduits dans le canal digestif. Parmi les expériences sur l’homme, je dois encore en citer une qui a été faite dans des conditions particulières. M. (ratch- kowsky, inventeur d’un remède désigné par lui sous le nom de « vitaline » (composé d’une solution de borax dans de la glycé- rine), se présenta souvent chez moi avec le désir d’être inoculé avec des microbes des plus virulents. Subissant journellement les injections de son remède, il se considérait comme indemne vis-à-vis de beaucoup d’agents morbides. Je consentis à admi- nistrer à M. Gatchkowsky une dose de bacilles virgules. Je fis préalablement l'expérience de l’action du remède boroglycérique sur les animaux. Deux cobayes reçurent dans le péritoine une dose mortelle du vibrion du laboratoire (dont la virulence a été décrite plus haut) et immédiatement après on leur injecta sous Ja peau 1 c. c. du remède. Deux et cinq heures plus tard, ils reçurent encore 1 c. ce. de la même solution. Cela ne les empêcha point de mourir après 12 à 15 heures, avec une masse de bacilles virgules dans l’exsudat péritonéal. Dans l'après-midi, deux heures et quart après son déjeuner, M. Gatchkowsky absorba d’abord 50 c.c. de bicarbonate de soude à 2 0/0 et, immédiatement après, une suspension en bouillon d'une demi-culture du vibrion du laboratoire de l'Institut Pasteur, développée pendant 24 heures à 35°, et conservée pen- dant deux jours à 18°. L’ensemencement avait été fait avec le sang d'un cobaye mort d'une infection cholérique péritonéale très aiguë. La seconde moitié de la même culture a été injectée dans le péritoine d’un cobaye neuf de 490 gr., qui ne tarda pas à succomber. La dose immense de vibrions ingérés ne provoqua chez M. Gatchkowsky aucun symptôme cholériforme. IL s'établit, au contraire, une constipation passagère. Le lendemain de l’inges- tion des microbes, M. Gatchkowsky a ressenti des douleurs dans le ventre et des nausées, ce qui lui à fait prendre jusqu'à 300 LE RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 83 gouttes de son remède. Le jour suivant, malgré la constipation, sa santé était tout à fait normale. Dans les selles dures du second et du quatrième jour de l'expérience, il a été impossible de retrouver le bacille virgule, malgré toutes les tentatives faites. D'après cette expérience, ainsi que d’après celles relatées plus haut, on pourrait supposer que les cultures du bacille vir- gule, provenant de l'épidémie de 1892 (Hambourg et Courbe- voie), ou d’une variété de laboratoire, quoique virulentes pour les animaux, avaient perdu, en grande partie, leur action sur l'homme, et cela malgré l'emploi de fortes quantités de cultures sur gélose, Le cas suivant prouve qu'en réalité il n’en est point ainsi. Un jeune homme de dix-neuf ans, M. J..., avait absorbé à jeun, après avoir bu 50 c. c. de bicarbonate de soude à 2 0/0, une émulsion d'un tiers d'une culture sur gélose du choléra de Paris de 1884, développée pendant 20 heures à 36°. Il a déjà été dit plus haut que cette variété était, même à forte dose, inoffen- sive pour les animaux. M. J... n’est point sujet aux indigeslions; il est, en général, bien portant et rien ne permettait de supposer chez lui une prédisposition spéciale. Cependant, les vibrions ingérés provoquèrent chez lui un vrai choléra asiatique qui, quoique léger, présenta tous les symptômes classiques de cette maladie. L'incubation a été de courte durée. Neuf heures après l'ingestion des vibrions, M. J... ressentit des coliques faibles et, trois heures plus tard, survint la première déjection liquide et copieuse. Il s'établit bientôt une diarrhée fréquente qui dura pendant deux jours. Les selles, d'abord colorées, ont fini par prendre un aspect riziforme tout à fait typique. Il y eut une hypo- thermie modérée, des vomissements répétés, et même quelques crampes des mollets. Le second jour de la maladie, l’anurie était presque complète. Le diagnostic n'était donc pas douteux. Le troisième jour de la maladie, la réaction survint, qui amena une amélioration et la guérison définitive. Cependant les selles, redevenues colorées, ont été liquides pendant plusieurs jours. Les selles des deux premiers jours de la maladie, ceiles qui étaient colorées ainsi que celles qui étaient riziformes, ense- mencées sur gélatine, donnèrent presque des cultures pures de vibrions cholériques; il ne poussait que quelques rares colonies du bacillus coli. À partir du cinquième jour, les selles donnèrent beaucoup de colonies du b. coli: les vibrions ne poussaient que D84 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tardivement et en nombre toujours décroissant. Les premières selles normales (12° jour), ensemencées sur des plaques de gélatine et dans de l’eau peptonisée (1 0/0 peptone, 1 0/0 sel marin) avec réensemencement sur de nouvelles plaques, ne donnèrent plus une seule colonie de bacilles virgules. Mais, ensemencées dans le liquide que j'emploie dans les recherches du choléra et, surtout pour le diagnostic {1 0/0 peptone Chapo- teaut, 1 0/0 sel marin, 2 0/0 gélatine), elles donnèrent des cultures de bacille virgule, et celles-ci, réensemencées ensuite sur des plaques de gélatine, ont donné de nombreuses colonies de vibrions cholériques. Cette méthode, la plus sensible que je connaisse, a révélé la présence de ces microbes jusqu’au 17° jour après le début de la maladie, lorsque M. J... était depuis long- temps complètement rélabli et que ses selles étaient redevenues absolument normales. L'idée que dans ce cas le choléra avait été produit par une cause autre que les vibrions ingérés doit être complètement exclue. Depuis le mois de décembre 1892 (époque à laquelle il se produisit quelques cas de choléra très rares), Paris est tout à fait indemne de cette maladie. Les cas suspects, signalés dans ces derniers mois, étaient tout à fait sporadiques, et dus à d’autres causes que le vrai choléra. J’ai eu l’avantage d'examiner la plupart de ces cas suspects, grâce à l’obligeance de M. le D' Lion, et dans aucun je n'ai pu constater le bacille virgule, malgré les méthodes perfectionnées de diagnostic. D'un autre côté, il faut tenir compte de ce que M. J... habite l’Institut Pasteur, où, même lors de l'épidémie cholérique de 1892, il ne survint pas un seul cas tant soit peu suspect. L'Institut Pasteur est irréprochable au point de vue hygiénique, de sorte qu'il est impossible d’invoquer quelque facteur prédisposant d'ordre local. Il est à peine nécessaire d’ajouter que, dans toutes les expé- riences ci-dessus, les déjections des personnes traitées ont été soigneusement désinfectées, et qu’il ne se produisit ni à l'Institut Pasteur, ni dans ses environs aucun cas suspect, RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 585 VI INFLUENCE DU PASSAGE PAR L'ORGANISME HUMAIN SUR LA VIRULENCE DU VIBRION CHOLÉRIQUE. Comme dans toutes mes expériences sur l’homme la viru- lence des vibrions employés était bien connue, j'ai pu facilement étudier les changements survenus dans l'activité pathogène après le passage par l'organisme humain. Il faut distinguer deux catégories de cas. D'abord la série des expériences où l’ingestion des vibrions cholériques ne pro- voqua qu’une diarrhée légère ou moyenne, et ensuite le cas où ces microbes ont donné le vrai choléra. Les vibrions de Courbevoie, retirés des selles liquides de M. B..., ainsi que les bacilles virgules de Hambourg, passés par l'organisme de M. Gr., ont manifesté une virulence notable- ment moins forte que les mêmes microbes avant leur passage par l'organisme humain. Ainsi, par exemple, le vibrion de Cour- bevoie des déjections de M. B. n’a pas tué le pigeon, tandis que la culture originelle, injectée dans les mêmes conditions, était mortelle pour celte espèce. Le lapin, inoculé dans la veine par une demi-culture du vibrion de M. B... ne mourut que beaucoup plus tard que son témoin, inoculé par la même quantité de la culture originelle, etc. Cette tendance vers l’atténuation était moins prononcée dans le cas de deux personnes, vaccinées par voie sous-cutanée, qui avalèrent plus tard des vibrions de Courbevoie. Par contre, les vibrions du choléra de Paris de 1884, isolés des déjections cholériques de M. J..., présentèrent un notable renforcement de la virulence. Les cobayes, inoculés dans le péritoine, avec une culture entière et une demi-culture sur gélose du vibrion, isolé des déjections du second jour de la maladie, moururent avec les symptômes typiques, et cela malgré leur poids considérable de 522 et 623 grammes. Le cobaye de 349 grammes, qui ne reçut qu’un quart de la même culture, a survécu après une maladie passagère et pas trop forte. Dans une autre expérience, faite avec une culture du vibrion des déjections du cinquième jour de la maladie, l'injection intrapéritonéale a été mortelle non seule- 86 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ment pour un cobaye qui a reçu une demi-culture, mais même pour celui (pesant 485 grammes) qui n’en a reçu qu'un quart. Mais ce renforcement n’a pas été de longue durée. Les vibrions cholériques, isolés des déjections normales recueillies le 17° jour après l'injection de la culture par M. J..., ont été inca- pables de tuer un cobaye de 490 grammes qui reçut dans la cavité abdominale un quart de culture sur gélose (développée pendant 20 heures à 36°). Même un cobaye de 462 grammes qui fut inoculé de la même façon avec une demi-culture ne présenta qu'un malaise passager. Le vibrion de Paris 1884, renforcé pendant les premiers jours de la maladie, est retombé à sa virulence primitive après la guérison de M. J... Cet exemple nous montre combien il serait imprudent de nier la nature cholérigène du vibrion en s'appuyant sur son innocuité pour les animaux du laboratoire. RÉSUMÉ Malgré sa parenté étroite avec plusieurs espèces vibrio- niennes, surtout avec le vibrion de Gamaleïa, le bacille virgule de Koch, dont le diagnostic présente souvent de très grandes difficultés, est bien le microbe spécifique du choléra. Quoiqu'il existe des points obscurs dans l’étiologie et la marche des épidémies cholériques (surtout l’immunité locale), ce n’est plus la théorie de Koch qui doit s'adapter aux faits de l'épidémio- logie, mais bien cés faits qui doivent être conciliés avec cette vérité fondamentale, que le bacille virgule est l'agent spécifique du choléra asiatique. D'un autre côté, il résulte des expériences rapportées que les vibrions cholériques peuvent être ingérés en très grande quantité sans provoquer le choléra. Pour que cette maladie se produise, il faut une sensibilité particulière de l'organisme humain, dont les éléments nous sont inconnus. Il ne s’agit pas ici d’une pré- disposition à l’indigestion, mais bien de quelque chose de particulier. Les conditions dans lesquelles se trouventles vibrions cholériques chez l’homme sont très compliquées. Ces microbes, ainsi que leurs produits, entrent en relations multiples avec les sucs digestifs et les cellules de l’organisme (les phagocytes jouent un rôle incontestable dans le choléra humain, comme j'ai pu RECHERCHES SUR LE CHOLÉRA. 587 m'en assurer par l'observation directe). D'un autre côté, les vibrions et les toxines entrent en collision avec les autres microbes du canal digestif et subissent l'influence de leurs produits divers. Tous ces points délicats ne pourront être éclaircis que par des recherches ultérieures. A en juger d'après le petit nombre d'expériences qui ont été exécutées, la vaccination de l'homme par voie digestive est beaucoup plus efficace que celle faite par voie hypodermique. Les vibrions analogues au bacille virgule peuvent être aussi pathogènes pour l'homme. Grâce aux résultats obtenus, les faits réunis dans mon premier mémoire sur le choléra peuvent être interprétés d’une façon plus précise. On peut considérer comme acquis que la guérison naturelle dans le choléra s’accomplit sans que la propriété préventive du sang s’établisse. D'un autre côté, cette propriété peut se développer sans que cela empêche l’homme atteint de choléra de mourir de cette maladie, même dans la première période de son évolution. Le clioléra humain nous fournit donc un nouvel exemple d'une maladie où la guérison ne peut être expliquée par la propriété préventive du sang. REVUES ET ANALYSES PurpiE et Warker. Résolution de l'acide lactique en ses composants optiquement actifs. Journal of chem. Soc., 1892. L'acide lactique se rencontre si fréquemment parmi les produits de l'action des microbes sur les sucres et les substances hydrocarbonées, qu'on ne sait plus trop, à vrai dire, ce que c'est qu’un ferment lactique, s’il faut appeler de ce nom tous ceux qui donnent naissance à cet acide. L'étude de ces divers ferments lactiques est à l’ordre du jour, et nous avons inséré à plusieurs reprises, dans ces Annales, des documents curieux sur cette question. À ces documents est venu s’en ajouter tout dernièrement un nouveau de la plus grande importance, c’est la démonstration que l’acide lactique ordinaire inactif peut être dédoublé, à la façon de l’acide racémique, par des moyens purement chimiques, en deux acides lactiques doués de pouvoirs rotatoires de” sens contraires. Chose tout aussi intéressante, MM. Purdie et Walker sont arrivés à ce résultat en appliquant les méthodes inaugurées par M. Pasteur pour le dédoublement de l’acide racémique, c'est-à-dire en utilisant les différences de solubilité des sels formés par les deux acides droit et gauche avec un même alcaloïde actif sur la lumière polarisée. Dans l'espèce, c’est avec les sels de strychnine qu'ils ont opéré. Le lévolactate de strychnine est beaucoup moins soluble dans l’eau que le dextrolactate, En soumettant le mélange à une cristallisa- tion fractionnée, et en précipitant la strychnine par l’ammoniaque ou l’'hydrate de baryte, on a obtenu un lactate droit d’ammoniaque qui, transformé en sel de zinc, avait la même composition et la même solu- bilité que le sarcolactate de zinc. Son pouvoir rotatoire spécifique, 50,63, indiquait pourtant qu’il contenait un peu de lactate inactif. De ce lactate droit on pouvait séparer, comme on pouvait s'y attendre, un acide guuche ressemblant à l'acide sarcolactique, et donnant comme lui un anhydride droit. Les sels gauches retirés du mélange de sels de strychnine étaient mélangés de beaucoup de lactate inactif, qu’on a réussi à éliminer en transformant le tout en sels de zinc, et en soumettant à la cristallisa tion fractionnée. On en a retiré un acide lactique droit, de même pou- voir rotatoire que l’acide gauche, mais de sens opposé, de sorte que leur mélange en quantités égales redonnait de l’acide lactique inactif. REVUES ET ANALYSES. D8Y En mélangeant de même des quantités égales de lactate droit et gauche de zinc, cristallisés avec deux molécules d’eau, on formaif du lactate de zinc inactif qui se précipitait à cause de sa solubilité plus faible. La fermentation lactique ordinaire fournit donc deux acides isomériques, de pouvoirs rotatoires égaux et opposés, dont l’un est identique avec l'acide sarcolactique, et l’autre avec l'acide de Schardinger. Mais de ces deux acides, il peut n'y en avoir qu’un de produit, ou ils peuvent être produits ensemble, puis détruits inégalement par le microbe qui les a formés. De là, une foule de combinaisons possibles, que les bac- tériologistes auront à démêler, maintenant qu'ils savent qu'il y a au moins trois acides lactiques, et qu’ils ont le devoir de ne plus les confondre. Dx: Wyarr Jonxsron. Prise d'échantillons d’eau pour analyse bactériolo- gique. Canadian Record of sciences, 1892. Il est relativement facile de recueillir des échantillons d’eau pour analyses bactériologiques quand on se borne aux eaux de surface. Il n'en est plus de même quand on veut puiser ces échantillons à une certaine profondeur. M. Miquel a proposé pour cela d’enfoncer dans l’eau, à l’aide d'un plomb de sonde, un tube en verre dont le col effilé est recourbé en col de cygne, et qu'on à vidé d’air et stérilisé. Une hague métallique qui entoure le col et sur laquelle on tire, au moyen d'une ficelle, lorsque le tube est arrivé à la profondeur voulue, pro- voque une rupture par laquelle l’eau pénètre. Le tube reste ouvert à la montée, ce qui est un inconvénient. M. Wyatt Johnston a fait construire pour le même objet un petit appareil très maniable, formé d'un cadre de fer vertical au milieu duquel le flacon, flambé d’avance et bouché, est saisi par deux mors; le tout est enfoncé à l'aide d’un poids à la profondeur voulue. Un second cadre, relié au premier par deux boudins élastiques, est attaché au bouchon, et peut être manæuvré au moyen d'une ficelle qu'on tire lorsque le flacon est arrivé au niveau où doit se faire la prise. Le flacon se remplit; quand il est plein, on lâche le cadre du bouchon de verre que les boudins remettent en place, et on ramène le tout à la surface. Il y aurait intérêt à faire des observations pareilles en mer, et à chercher quels sont les microbes qui habitent les profondeurs. Beaucoup de savants ont eu cette idée, sans qu'aucun l'ait encore, je crois, amenée à réalisation. M. Wyatt Johnston, qui a à sa portée de grands fleuves, de grands lacs, et l’océan, ferait chose utile en commençant cette élude. Dx. 590 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. G.-K. OKLapxykn. La modification du sang dans le choléra. (Vratch, 1892, n° 44, p. 1107.) M. Okladnykh a fait des recherches sur le sang des cholériques pen- dant la récente épidémie à Saint-Pétersbourg. Il a examiné en tout vingt-quatre cas. IL est arrivé aux résultats suivants: Le nombre des globules rouges s'accroît fortement dès les premiers Jours de la maladie. Il atteint ordinairement six à sept millions par millimètre cube. La quantité d’hémoglobine augmente également dans de fortes proportions. La leucocyloseest des plus marquées. Le nombre des globules blancs est doublé, triplé, voire même quadruplé. Dans deux cas, les lymphocytes ont atteint le nombre de 40,000 à 45,000 par millimètre cube. Le poids spécifique du sang s’accroît; il est ordi- nairement de 1,065 à 1,070. Pendant la guérison, tous ces phénomènes se manifestent en sens inverse. Le nombre des globules rouges tombe à cinq millions par millimètre cube et au-dessous, et la densité à 1,040. Mey. PERSONNES MORTES DE RAGE. )91 INSTITUT PASTEUR Personnes mortes de rage après traitement. Micon AUGUSTE, 18 ans, de Versailles. Mordu le 15 mars, traité à l’Institut Pasteur du 17 au 31 mars. La rage s'est déclarée le 10 avril; transporté à l'hôpital de Versailles, le malade y est mort le 11. Le 14 avril, deux cobayes ont été inoculés à l’Institut Pasteur avec le bulbe de Micoin : ils ont été pris de rage le 27 avril. Micoin avait reçu à la main droite et à la main gauche deux mor- sures pénétrantes. L'animal mordeur, un chat errant, abattu aussitôt, fut soumis à l'examen de M. Pouillet, médecin vétérinaire à Versailles, qui prescrivit l’envoi à l’Institut Pasteur de la personne mordue. CHETAL ANTOINE, 26 ans, cocher à Aix-les-Bains (Haute-Savoie). Mordu le 3 mai, traité à l'Institut Pasteur du 4 au 18 mai. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés vers le 29 mai, la mort est survenue le 4er juin. Les morsures au nombre de deux, pénétrantes, siégaient dans le 3° espace interdigital de la main droite et sur l’avant-bras droit. Le chien mordeur avait été soumis à l’examen d’un vétérinaire et reconnu enragé. CHasraiN LÉéoN, 28 ans, employé de la Compagnie des Omnibus à Paris ; mordu le 12 mai, traité à l’Institut Pasteur du 15 mai au 3 juin. Caasran est entré à l'hôpital Beaujon le 23 juin et y est mort le 25. Les morsures au nombre de 5 étaient situées sur le 5e doigt de la main droite. L'une d'elles, linéaire, longue de 3 centimètres, très péné- trante, s’étendait sur la face antérieure de la première phalange et sur le 5 métacarpien. Le chien mordeur avait été reconnu enragé par un vétérinaire. 292 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR INSTITUT PASTEUR. STATISTIQUE ! DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE. — MAI ET JUIN 1893. Morsures à la tête simples: el alt 2|»"|3): » 1). et à la figure multiples... .| »| 4 » [4 | »| 6\ Cautérisations efficaces . . . . . . . . . 2 A A ES DE EE — inefficaces . 12". 7 0 A a CU er D NC 1e Pas de cuutérisation. . . . . Rs 21 à » ES] 5» | 35 | > : . SIMpIeS SET | 142 | » 159: »[221 Morsures aux mains multiples. . . .| »| 7{ - 411100 [29151 Cuutérisations efficaces . .. . . . . . . | » | Le) ES MN CCE LES AR SE = inefficaces see vod Eee lo 91 » d 26| » ae PAIE » Pas de cCRutéMsQON TN IE NE CL VE ES ET ee D 77 AE Morsures aux mem- ({ simples... ..| »|6) 9 |” [30, 651 ”|12;4r : ; i bres et au tronc multiples... .| | 8: » [35 »[35| Cautérisations efficaces "TEE 2 CNE ae 2 SE ES 27 De a Ps à Re" — inefficaces ee io AS, aol NS O0 ISA Paside CHULCISANON RENE TRES D} 0 925 nl Îles HODULS LOC AT ES RENONCE 81 » | » | 62| » » [461 » | » MOTSURES DUREE ON UE SUR E ARE FRS A 2] CE A on D FEES Morsures multiples en divers points du CODE eee eee le »» |» |» |4| 4 | ,1313 Cautérisations efficaces : . . . : . … .. sotro does nl s Toiles — INCIRCACES NEC RENTE PR ES de EE M EE el À Le Pastte CAHLÉTISA ON EE PRE |» |» DANS ant HAbUES NT ECRITÉS ARR RE EEE 2) PE » » » » »| » » MOrsSUTEs ONU TE TE En nee 5 LA) So elle nn el Français et Algériens . 18) 1714 102) Totaux. | Etrangers. . . ..-... 5 Le Dh ni A B C RÉ TOTAL GÉNÉRALES SE AN AE 305 Les animaux mordeurs ontété: chats, 12 fois; chiens, 293 fois. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire ct Cio. 7me ANNÉE AOÛT 1893. N° 8. ANNALES L'INSTITUT PASTEUR TUBERCULOSE PULMONAIRE EXPÉRIMENTALE ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DU PROCESSUS OBTENU PAR INJECTION VEINEUSE Par LE D' A. BORREL, pe MonTrELLIER, Licencié ès sciences, (Travail du laboratoire de M, METCHNIKOFF, à l’Institut Pasteur.) La question de la tuberculose pulmonaire est une des grandes questions qui ont préoccupé de tout temps les anatomo-patho- logistes. Avant d'arriver à la description des faits précis qui nous sont fournis actuellement par l’expérimentation, il n'est pas sans intérêt de passer rapidement en revue les diverses opinions émises sur la véritable signification des processus tuberculeux dans le poumon. Avant Laënnec, on rattachait la tuberculose pulmonaire aux processus inflammatoires; les produits tuberculeux étaient l'indice et la conséquence d’inflammations chroniques. Laënnec, bien avant la découverte de l'agent spécifique, avait su voir (Traité de l'auscultation médiate) que la tuberculose n'est pas une résultante des inflammations ordinaires, comme le prétendait l’école de Broussais; pour lui, les tubercules sont de véritables corps élrangers qui se développent dans le poumon et peuvent se développer dans tous les organes; il reconnaît deux formes à la tuberculose pulmonaire : la granulation tuber- culeuse et l’infiltration tuberculeuse, en spécifiant que dans l’infil- tration il ne s’agit pas d'une nodosité, mais d’une pénétration égale de tout le parenchyme. 39 9% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Virchow ‘ n’a voulu voir que la granulation, le tubercule grain; pour lui, le tubereule est un nodule qui au moment de son premier développement possède la structure cellulaire et provient du tissu conjonctif : néoplasie pauvre, misérable, tou- jours miliaire. Virchow a raison de distinguer le tubercule granulation, il a tort de le faire dériver du tissu conjonctif : il est vrai qu à celte époque on ne pouvait apprécier toute l’impor- tance des leucocytes et des cellules lymphatiques dans les pro- cessus inflammatoires, si bien établie depuis par les travaux de M. Metchnikoff. Il a eu le tort aussi de ne pas accepter comme produits tuberculeux les infiltrations tuberculeuses de Laëünnec, mais il n'avait pas à cette époque la notion du bacille pour éta- blir étiologiquement la nature de ces produits. La notion de forme était pour lui la question dominante. € Laënnec, dit Virchow, a introduit dans la question du tubercule une confusion qui sera bien difficile à dissiper. L'infiltration s’écartait complètement de l’idée ancienne; il ne s'agissait plus d’une nodosité, mais d’une pénétration égale de tout Le parenchyme. On tendait à quitter la voie suivie par l’anti- quité, la forme n’était plus comptée pour rien. On en arriva à considérer l’état caséeux du tubercule comme un caractère commun à toutes les variétés de produits tuberculeux. C'est ainsi qu’on en est venu à penser que le tubercule pouvait se former dès que, dans un exsudat quelconque, les parties liquides élant résorbées, cet exsudat s’épaissit, devient trouble, perd sa transparence, prend l’aspect caséeux et reste dans cet élat au sein des organes... C’est ce qui a conduit Reinhardt à dire que la tuberculose est le résultat de la transformation des produits inflammatoires, et que toute masse caséeuse est du pus épaissi. Il n'aurait pas commis cette erreur s’il s’en était tenu à l’idée de nodosité. Tout ce qui se produit dans le cours de la tuberculose et qui n'a pas la forme de nodule est un produit inflammatoire épaissi et n'a aucun rapport avec le tubercule. » Dans la tuberculose pulmonaire, Virchow ne voit donc que les granulations telles qu'on peut les rencontrer dans tous les organes. Il méconnait tout un côté de la tuberculose pulmonaire. - Grancher ‘ tombe dans l'excès contraire et ne voit daus toute 4. VincHow, Pathologie cellulaire. 2. De l'unité de la phtisie. — Thèse de Paris, 1873. TUBERCULOSE PULMONAIRE. D95 la tuberculose pulmonaire qu’un processus pneumonique. Citons les conclusions de son travail sur lunité de la phüsie : « La définition de Virchow est trop étroite, puisqu'elle ne comprend que la granulalion tuberculeuse adulte. Il faut ajouter à cette forme typique les jeunes nodules visibles au microscope seulement, etles amas irréguliers de tissu cellulo-embryonnaire qui ont la même structure et la même destinée que le tubercule, et qu'on rencontre soit dans la granulie aiguë, soit dans les pneumonies caséeuses sans granulations. « La forme n'est pas un caractère absolu, puisque le tubercule peut se présenter sous la forme infiltrée. « Si l'origine épithéliale des cellules catarrhales du début de la pneumonie caséeuse est probable, il n’est pas prouvé que l'épithélium n'entre pour rien dans la formation des petites cellules, et je crois qu’il y entre pour une grande part. Le siège du tubercule nodulaire ne diffère pas de celui de la pneumonie caséeuse. Dans les deux cas, les alvéoles sont comblés par des cellules nées de la paroi. Seulement le tubercule est formé de pelites cellules cohérentes, et la pneumonie au début de grandes cellules libres. » Tout est pneumonie pour M. Grancher dans la tuberculose pulmonaire, el c’est dans le processus alvéolaire qu'il fait con- sister l'unité de la tuberculose. Baumgarien ‘ accentue encore cette idée de l'identité des processus granulique et pneumonique : « Histologiquement parlant, la tuberculose miliaire n’est pas autre chose qu'une pneumonie miliaire caséeuse, etla pneumonie caséeuse chronique n'est pas autre chose qu'un processus tuberculeux du poumon. » Comme le travail de Baumgarten, basé sur l’expérimentation, a eu un lrès grand retentissement, il est nécessaire, au début de notre étude, d’en donner une analyse sommaire. Baumgarten rendait les animaux tuberculeux par l'injection de bacilles dans la chambre antérieure de l'œil, et sacrifiait les animaux à divers intervalles. « Les premiers jours, on ne distingue rien macroscopique- ment, mais le microscope montre une karyokinèse des diverses cellules fixes dans les endroits envahis par les bacilles. Les bacilles 1. Ueber Tuberkel und Tuberkulose, 996 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. s'arrêtent dans la paroi des alvéoles et des bronchioles, ils se fixent alors en partie sur les cellules endothéliales des capillaires, en partie dans le tissu conjonctif inter-alvéolaire. Là ils déter- minent un processus d'irritation. L'épithélium alvéolaire se détache de la membrane basale, tombe à l’intérieur de l’alvéoie, le protoplasma de la cellule devient granuleux, tandis que les cellules endothéliales des vais- seaux conservent leur transparence. Pour Baumgarten, Îles cellules intra-alvéolaires sont indiscutablement des cellules épithéliales ; le doute n'est même pas possible. Dans le tissu conjonctif des septa interlobulaires, dans la paroi des vaisseaux et des bronches ou dans les follicules Iympha- tiques, c’est loujours le même processus karyokinélique, pro: voqué par la présence des bacilles. Quelques jours plus tard, les tubercules peuvent se constater à l'œil nu... Quelques jours plus tard encore, l'étude histologique montre que les tubercules volumineux sont formés d’un réseau d’alvéoles dont l’intérieur est bondé de cellules épithélioïdes… Quatorze jours après l'apparition de la tuberculose, les tubercules deviennent caséeux. L'évolution ullérieure ne présente plus rien de particulier, de nouveaux tubercules continuent à se former et fusionnent avec les anciens; ils forment des masses caséeuses. Plus tard, quand la caséification est générale, il est difficile de distinguer cette caséification tuberculeuse de la pneumonie lobaire ou lobulaire soit spontanée, soit provoquée artificiel- lement par inhalation de bacilles ou par injection directe de la matière tuberculeuse dans le poumon. « Dans ce cas, l'infiltration du poumon est beaucoup plus rapide, le processus tuberculeux est provoqué tout de suite dans un certain nombre de nodules, l'apparition des leucocytes est plus précoce et leur nombre plus considérable. Il est vrai qu’on n’a pas observé dans ce cas de processus Kkaryokinélique, mais l'identité de structure du tubercule miliaire et du tubercule consécutif à l'inhalation permet de penser que les mêmes lois histogénétiques sont applicables à ces deux cas. » Cette dernière phrase de Baumgarten est remarquable, et montre bien que toute sa tuberculose pulmonaire, basée simple- ment sur la constatation de figures de karyokinèse dans le poumon, est loin d’être une interprétation exacte et méthodique TUBERCULOSE PULMONAIRE, 297 des faits. « Quelques jours plus tard, quelques jours plus tard», telle est la formule ordinaire de ses constatations ; mais comment s’enchaînent tous ces phénomènes, quel est le lien qui unit les quatre tableaux que nous fait passer sous les yeux le savant allemand, voilà ce qu'on ne trouve pas dans ce travail qui peut paraître &@ priori basé sur une expérimentation rigoureuse. Comment des cellules d'origines si diverses (cellules alvéo- laires. épithélium pulmonaire, endothélium des vaisseaux, cellules des follicules lymphatiques, épithélium des bronches) arrivent-elles à former les cellules épithéloïdes des granulations ? On ne le voit pas très bien. En réalité, nous verrons combien la tuberculose pulmonaire est différente, et combien une méthode d'inoculation qui aura pour but de mettre en contact immédiat bacilles et éléments des tissus du poumon nous permettra de suivre avec la plus grande rigueur, et jour pour jour, l’enchainement des faits qui sur- viennent dans la tuberculose pulmonaire. L'infection du poumon par la voie veineuse aura l’avantage de nous montrer &@ coup sûr et sans traumatisme les premiers termes de l'infection, la réaction immédiate de l'organisme, la formalion rapide de véritables granulations tuberculeuses dans les vaisseaux mêmes. Ces granulations initiales, véritables tuber- cules d’inoculation, évolueront pendant un certain temps sans provoquer d’autre réaclion apparente, et aboutiront à la caséifica- tion vers le vingtième jour environ. A ce moment-là, et sans transition aucune, nous assisterons à Ja généralisalion rapide du processus tuberculeux. La rate, jusque-là normale, se développe très rapidement : de jeunes granulations apparaissent en grand nombre dans tous les organes. Mais je dois faire remarquer que cette généralisation de la tuberculose au vingtième jour est un processus secondaire, méta- statique. Dans le poumon, les tubercules d’inoculation sont caséifiés, tandis que les granulations métastatiques sont à peine visibles dans le foie, les reins et tous les organes. Dans ce travail, nous ne nous occuperons que du poumon, et nous serons amenés à distinguer ce processus secondaire constitué par la formation de granulations nombreuses, autour des vaisseaux, sous la plèvre. 998 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 4 L'étude du processus pulmonaire nous amènera à voir que les granulations tuberculeuses à cette seconde période sont toujours développées dans les lymphatiques et aux dépens d'éléments lymphatiques. Dans le poumon, comme dans les séreuses où Kiener : l’a signalée le premier, nous aurons à constater l'élection des tubercules autour des vaisseaux ; nous verrons que cette élection est due à cette particularité que les tubercules se développent presque exclusivement dans le système lymphatique. Le système lymphatique est la gangue où se développent les tubercules, et non le tissu conjonctif, comme le prétend Virchow: la cellule tuberculeuse est toujours une cellule lympha- tique, et ne dérive pas tantôt d'une cellule pulmonaire, tantôt d’une cellule hépatique, tantôt d’une cellule rénale. Les épithé- liums, lorsqu'ils prolifèrent, produisent de l’épithélium et non pas des cellules tuberculeuses. Ces granulations lymphatiques, si faciles à étudier dans le poumon, constituent les véritables tubercules de la plupart des savants : ce sont les granulations tuberculeuses de Laënnee, les granulations miliaires de Cruveilhier, les tubercules nodulaires de Virchow, les granulationsfibro-plastiques de Robin, Empis.elc. Andral ? parle de ces tubercules lorsqu'il s'exprime ainsi : « Puisqu’en effet les tubercules peuvent se développer dans tous les organes, et que partout c’est dans l'intimité de leur trame qu'ils prennent naissance, on ne voit pas pourquoi l’on admet- trait que dans le poumon ce sont les vésicules aériennes qui leur servent de matrice... Îl serait fort singulier que, tandis que partout ailleurs, la matière tuberculeuse prend naissance dans la profondeur même des différentes trames organiques, il n’en fût pas de même pour le poumon, etque, là seulement, contraire- ment à tout ce qu'on sait d’ailleurs, elle ne fût autre chose que le résultat d’une sécrétion viciée de la membrane qui tapisse les dernières extrémités des bronches... » Ces granulations lymphatiques périvasculaires existent en effet dans le poumon, comme elles existent dans les autres organes (qui feront l’objet de travaux ultérieurs); mais dans le poumon, à cause de la structure même de l'organe, nous verrons 1. Kiexer, Tuberculose dans les séreuses (Comptes Rendus, 26 janvier 1880). 2, ANDRaL, 93° édit. de Laënnee, note, vol. II, page 20. TUBERCULOSE PULMONAIRE. 99 que la matière tuberculeuse peut se présenter sous la forme infiltrée, et nous serons amenés à cette conclusion que le pro- cessus pneumonique tuberculeux n'est pas dû à la desquama- tion des cellules épithéliales des alvéoles, mais à l’épanchement dans les alvéoles d'éléments lymphatiques identiques à ceux que nous trouvons dans les tubercules intra-lymphatiques. MÉTHODE EXPÉRIMENTALE Pour étudier histologiquement la réaction de l'organisme vis-à-vis du bacille tuberculeux, le poumon, malgré sa structure relativement complexe, me paraissail être le premier organe à étudier, et cela pour plusieurs raisons : 1° Par l'injection de cultures pures de tuberculose humaine dans la veine de l'oreille du lapin, on détermine dans le poumon un processus tuberculeux dont on peut suivre les diverses phases avec la chronologie la plus rigoureuse. Le poumon est le premier organe où sont envoyés les bacilles après leur introduction dans le système circulatoire : il retient à la façon d’un filtre la plus grande partie des bacilles injectés. 20 On évite par ce mode d'inoculation les complications du processus dues aux lésions traumatiques inséparables de toute inoculation par piqûre directe. Les expériences de Baumgarten sur la cornée ne sont pas exemptes de ce reproche, et à plus forte raison les expériences de M. Kostenisch et Volkow' dans leur étude de la tuberculose rénale. L'histogenèse du tuberculé sur laquelle on discute toujours n'est donc pas si simple par elle-même : il est tout à fait inutile de la compliquer par des lésions de nature purement traumatique. Pour cette inoculation intra-veineuse, il est nécessaire de prendre quelques précautions dans la préparation de la matière à inoculation. Il est tout à fait indispensable d’obtenir un liquide d'injection ne tenant pas en suspension des grumeaux bacillaires capables d'amener des embolies dans les vaisseaux de l'organe, et de déterminer ainsi des phénomènes qui n’ont rien à voir avec le processus tuberculeux. Avec une baguette de verre, on broie 1. Développement du tubereule expérimental (Arch. de méd. expérim., nov. 1892). 600 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. soigneusement la culture dans le tube même où elle s’est déve- loppée, afin de dissocier autant que possible les écailles sèches formées par l’agglomération des bacilles à la surface de la gélose. En opérant à sec, on obtient facilement ce résultat; on ajoute ultérieurement et peu à peu la quantité de bouillon nécessaire à l'inoculation. On a ainsi un liquide trouble tenant en suspension les bacilles bien isolés. On peutencore, pour plus de sûreté, laisser déposer les flocons incomplètement dissociés, dans un verre à pied préalablement stérilisé. Chaqnelapin, dansmes expériences, recevait deux centimètres cubes d’une pareille émulsion, les cultures étaient toujours jeunes et n'avaient jamais plus d’un mois de date après leur sortie de l'étuve. TECHNIQUE DES PRÉPARATIONS Je me suis servi, comme fixateurs, soit du sublimé acide : Sublimé à saturation dans l’eau. > 0/0 d'acide acétique cristallisable. ou de la liqueur de Flemming : Acide chromique à 40/0. . . . .. 15 grammes. Acide osmique à 2 0/0. . . . . . . 4 — Acide ‘acétique glaciak:1;2 790 l ou d'un mélange de sublimé et de liqueur de Flemming : Sublimé à saturation. . . . . . .. 500 grammes. Acide chromique à 10/0... ... 500 — AGidetosmiIque 220020. 10e 1 — Acide acétique glacial . . . . . . . 100 _ Les animaux en expérience élaient sacrifiés par piqüre du bulbe, et les poumons, enlevés immédiatement après la mort, étaient plongés en masse dans le liquide fixateur. Pour obtenir des coupes bien étalées, totales et d’une lecture facile, il est indispensable, après la mort de l'animal, et avant l'ouverture de la cage thoracique, de lier la trachée, et d’extirper les poumons entiers; on évite ainsi le trop grand ratalinement, et les alvéoles sont en extension physiologique. Le sublimé, additionné d’acide acétique, est un fixateur TUBERCULOSE PULMONAIRE. 601 excellent et d’une grande pénétration; après un séjour de cinq à six heures des poumons entiers dans le fixateur, on peut déjà pratiquer des incisions, pour permeltre une pénétralion encore plus rapide; on n’a pas à ce moment à redouter la rétraction du poumon. En douze heures, les poumons sont complètement fixés. Du sublimé, les pièces sont portées directement dans la série des alcools à 60, 80, 96, 100 degrés, à intervalles de vingt-quatre heures; puis, dans le toluène, vingt-quatre heures; dans un mélange à parties égales de paraffine et de toluène, vingt- quatre heures; dans la paraffine, vingt-quatre heures. Les coupes comprennent toujours un lobe entier, et, par cela même, permettent de voir dans chacune l’ensemble des lésions déterminées dans les différents systèmes constituant le poumon. Il est facile d'obtenir des coupes très fines, totales et très bien étalées, en suivant le procédé que je décris en note ‘; il me paraît très pratique et m'a été très utile. MÉTHODE DE COLORATION APRÈS LE SUBLIMÉ Les coupes fixées sur le porte-objet, il est facile de les trai- ter par tous les réactifs. Sans cette méthode des coupes collées sur lames, il est impossible de faire une étude sérieuse du pou- mon. | Le sublimé ne gêne en rien les colorations bactériologiques, et me parait devoir remplacer ävantageusement l'alcool, qui est l'idéal des mauvais fixateurs. Toutes les méthodes de coloration du bacille tuberculeux sont applicables aux pièces fixées par le sublimé. Je dois donner ici une méthode de coloration du bacille, inédite, je crois, et due à M. le docteur Kühne ; elle m’a été communiquée oralement 4. Les coupes faites sont recueillies à la surface d’un bain tiède (dans une boite Petri, par exemple, placée sur une plaque chauffante) ; les coupes, quelles que soient leurs dimensions, s’étalent instantanément à la surface de l’eau, dont la température ne doit jamais atteindre le point de fusion de la paraffine employée. Ainsi étalées,les coupes sont recueillies sur des bandes de papier mous- seline et décalquées sur les lames enduites d'une couche d'albumine, séchées rapidement par le papier, et chauffées pour produire l'adhésion de la coupe, 602 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR par lui, à Wiesbaden, dans son laboratoire, quelques jours à peine avant que la mort soit venue interrompre ses travaux. Cette méthode est basée sur l'emploi de l’aniline chlorhy- drique comme agent de différenciation (Salzsaures Anilhin). Ce sel a un pouvoir décolorant très grand, et il a l'avantage d’être beaucoup moins nuisible aux éléments des tissus que les acides employés jusqu'ici comme agents de différenciation du bacille; de plus, l’action de l’aniline chlorhydrique peut être prolon- gée longtemps sans inconvénient et sans amener la décolo- ration ultérieure du bacille, mais son pouvoir décolorant est si grand que quelques secondes suffisent pour amener la décolo- ration complète par l'alcool des éléments des tissus et des microorganismes autres que le bacille tuberculeux. On colore le bacille tuberculeux par le liquide de Ziehl (dix minutes à un quart d'heure) et on traite les lames par une solu- tion d'aniline chlorhydrique à 2/00 dans l’eau. Puis, on enlève la matière colorante par l'alcool, et l’on monte. C'est une méthode de coloration du bacille très sûre et très simple. La technique des préparations, après la fixation par le sublimé pour la coloration du bacille, se résume donc en ceci : 1° Coloration des noyaux par l’hématoxyline ou mieux l'hé- matéine ‘; deux minutes suffisent pour obtenir une belle colo- ration nucléaire ; 20 Lavage à l’eau; 30 Coloration dans le Ziehl, 45 minutes; 4 Aniline chlorhydrique à 2/00, quelques secondes; 50 Décoloration par l'alcool. Xylol. Baume. On peut colorer les globules sanguins des capillaires et des protoplasmes par l’aurantia ou le jaune indien en solution aqueuse, après la décoloration du tissu par l'alcool. Cette colo- ration des globules sanguins est très utile dans toute l'étude de la tuberculose pulmonaire. Le sublimé permet de voir admirablement toutes les figures 4. L'hématéine remplace très avantageusement l’hématoxyline; elle a l'avan- tage d’être beaucoup plus commode à préparer, et les solutions se conservent indéfiniment. à RÉ te Faire chauffer à l'ébullition. 4,000 gr. eau. .. { gr. hémattine.. . y Mélanger à chaud avec la solution A, laisser 50 gr. alcoolabsolu. | refroidir, filtrer. ; B. _ TUBERCULOSE PULMO NAÏRE. 603 de karyokinèse, mais il est incontestable que la fixation par la liqueur de Flemming est bien préférable. Malheureusement, le liquide de Flemming, excellent fixa- teur, ne pénètre nullement, et il est impossible de fixer des poumons entiers, comme nous l'avons fait avec le sublimé. J'ai pu me servir du liquide de Flemming pour l'étude des derniers stades de la tuberculose pulmonaire, alors que le poumon inliltré ne se rétracte pas et qu'on peut, sans inconvé- nient, couper des tranches minces dans le tissu infiltré. Pour les premiers stades, la liqueur de Flemming n’est d'aucune utilité, car, si l'on découpe des fragments dans les poumons rétractés, -on perd, par cette rétraction, tout le bénéfice que l’on pouvait retirer de la fixation du Flemming, les coupes sont beaucoup moins faciles à lire. Le mélange de sublimé, d'acide chromique et d'acide osmique additionné d’acide acétique, pénètre beaucoup mieux que la liqueur de Flemming et m'a été très utile; les poumons fixés par ce procédé permettent toutesles coloratio®s que permet la liqueur de Flemming et donnent des coupes remarquablement belles. On peut colorer soit par la safranine, soit par la safranine et le Biondi, comme colorant de fond; on obtient ainsi des préparations où les noyaux sont colorés en rouge par la safra- nine, les globules sanguins en orange; les protoplasmes pren- nent des teintes variables et montrent des détails de structure très fins. J'ai insisté d'une façon particulière sur la technique des préparations. Tous ces détails de fixation et de coloration sont d’une importance très grande, dans l'étude exacte et approfon- die des modifications qui surviennent dans le poumon. Il est indispensable surtout d’avoir des coupes de poumon bien étalées et totales, afin de voir l’ensemble des lésions. I. — RÉACTION INITIALE Rôle des leucocytes polynucléaires. Pour me rendre compte de ce que deviennent les bacilles immédiatement après leur introduction dans le torrent circula- toire, j'ai sacrifié un animal tout de suite après l'injection. 60% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le lapin étant attaché sur le plateau à dissection reçoit une injection de bacilles dans la veine de l'oreille : l'injection faite, la seringue mise de côté, on sacrifie séance tenante l'animal, la trachée est liée, la cage thoracique ouverte, et les poumons extir- pés plongés immédiatement dans le liquide fixateur. Quelques minutes suffisent pour ces opérations, et pourtant les faits que l’on observe sur les coupes sont des plus intéres- sants. Tous les capillaires et les vaisseaux du poumon montrent une leucocytose polynucléaire intense. Le groupement des leu- cocytes est surtout évident dans les endroits où se trouvent les bacilles : leur présence en certains points indique d’une façon certaine la présence des bacilles. A un fort grossissement, il est facile de voir que la plupart sont inclus dans les leucocytes. Le phénomène n’est pas limité aux seuls capillaires où se trouventdes aggloméralions confuses de leucocytes contenant des bacilles, mais les vaisseaux de grandes dimensions, où le courant sanguin devait être très fort, montrent fréquemmeñt des leucocytes parfaitement isolés au centre des amas de globules rouges, et ces leucocytes contiennent des bacilles. Dans ces gros vaisseaux, mieux que dans les capillaires, on peut se rendre compte de la réalité de cette incorporation rapide. La figure 1, pl. X, nous montre la coupe d’un vaisseau où l’on voit les globules sanguins tassés, devenus polygonaux par la pression, etnelaissant entre eux aucun intervalle. Le protoplasma des leucocytes polynucléaires, beaucoup moins coloré par l’au- rantia, apparaît comme une vacuole au milieu des globules rouges. Le noyau des leucocytes est coloré en violet par l’héma- téine, et les bacilles colorés en rouge apparaissent manifestement contenus dans le protoplasma. Lorsque le leucocyte est allongé dans un sens déterminé, on peut voir le noyau étiré dans le même sens, et les bacilles eux- mêmes disposés en série linéaire suivant la même direc- tion. Quelquefois un petit amas bacillaire se trouve arrêté dans un capillaire du poumon; la masse des leucocytes disposés autour de lui est souvent très considérable et ceux-ci formentune barrière à plusieurs rangs: ils contiennent presque tous desbacilles. Cer- tains sont déjà éloignés du foyer principal et sont libres dans TUBERCULOSE PULMONAIRE. 605 les capillaires avoisinants. C'est ce qui est représenté dans la figure 2, planche X. Étant donnée laconstance du phénomène, je considère comme parfaitement établi ce fait que les bacilles introduits dans la cir- culation sont immédiatement appréhendés par les leucocytes polynucléaires. L'expérience est facile à faire ; plusieurs fois répétée elle m'a toujours donné les mêmes résultats. L'incorporation des microorganismes et du bacille tubercu- leux en particulier, par les éléments migrateurs de vaisseaux, est donc beaucoup plus rapide qu’on ne pourrait le supposer sur les données d’observateurs patients ayant compté, d'aprèsleurs obser- valions sous le microscope avec la platine chauffante, qu'ilfautun quart d'heure à un leucocyte pour englober un microorganisme situé dans son voisinage. | Les coupes de poumons de lapins inoculés dansles mêmes con- ditionset sacrifiési0 minutes, une demi-heure, 3heures,{4heures après l’inoculation, montrenttoujours les mêmes faits: une leuco- cytose polynucléaire considérable, les bacilles dans les leucocytes. Mais déjà au bout d’un jour cette leucocytose est beaucoup moins générale dans tous ies vaisseaux du poumon. On trouve beaucoup moins de leucocytes isolés porteurs de bacilles dans les capillaires, ce qui était le cas ordinaire et constant dans les coupes des premiers instants. Les points où l’on rencontre leuco- cytes et bacilles sont de plus en plus localisés, soit par le fait d’une accumulation de ces leucocytes en ces endroits, soil parce que beaucoup de leucocytes isolés disparaissent emportés par le torrent circulatoire, et vont se fixer dans d’autres organes dont l'étude n’entre pas dans le cadre de ce travail. : Du premier au second jour, les coupes ne montrent rien de particulier ; toujours il est facile de retrouver les bacilles dans les points où l’on trouve des leucocytes polynucléaires. Maïs, au troi- sième jour, ces leucocytes commencent à subir un processus de dégénération : le noyau devient homogène et trouble, on ne voit dans son intérieur ni réseau, ni corpuscules chromatiques, 1l se fragmente de plus en plus, se présente sous forme de gouttc- lettes chromatiques, parfois très petites, sorte de poussière de noyau. À partir du cinquième jour, on ne voit plus trace de leu- cocytes polynucléaires; nous verrons ultérieurement quels sont “les éléments qui font disparaître ces débris. 606 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les leucocytes polynucléaires sont donc impuissants dans la lutte contre le bacille et sont tués par lui; mais il n’en est pas moins évident qu'ils incorporent les bacilles dès la première heure, et je ne puis en aucune façon souscrire aux idées émises par M. Kostenisch ‘ et Volkow dans leur mémoire sur la tuber- culose oculaire et rénale. Ces auteurs, enintroduisant directement par piqüre les bacilles dans l'œil ou dans le rein, remarquent un stade de leucocytose polynucléaire qui commence à la troisième heure. «Les leucocytes polynucléaires abondent dans les vaisseaux environnant les foyers et se propagent autour de ces derniers. Les jours suivants, l’accumulation des leucocytes polynucléaires augmente de plus en plus : ils sont disposés en foyers. Dans ces foyers, on trouve presque toujours des bacilles, pour la présence desquels les leucocytes polynucléaires sont de bons indicateurs. Très souvent, les bacilles et les leucocytes se trouvent dans un voi- sinage immédiat. Les leucocytes n’affectent avec les bacilles que des rapports de voisinage. Nous n'avons pas pu nous con- vaincre que ces leucocytes engloberaient souvent les bacilles… Ni dans les vaisseaux, ni dans les voies lymphatiques envi- ronnant le foyer d'infection, nous n'avons vu des leucocytes contenant des bacilles... » Dans le poumon et par l’inoculation intra-veineuse, cette incorporation des bacilles est de toute évidence, et je dois la considérer comme un fait démontré. D'ailleurs les leucocytes polynucléaires sont de bons indica- teurs de la présence des bacilles d’après M. Kostenischet Volkow eux-mêmes ; les bacilles jouissent à un haut degré de la propriété d'attirer les éléments migratiles. (Srraus, Histogenèse du tuber- cule. Revue de la tuberculose, n° 1, page 29.) Cette leucocytose polynucléaire est la caractéristique des premiers moments de l'infection tuberculeuse. = Nous avons vu qu'au troisième jour déjà, le rèle des leuco- cytes polynucléaires est terminé. — Beaucoup de leucocytes chargés de bacilles ont disparu du poumon. Un certain nombre sont restés localisés dans les vaisseaux mêmes du poumon; d’autres sont sorts des vaisseaux et ont passé dans les alvéoles. 1. Loc. cit, TUBERCULOSE PULMONAIRE. 607 Nous voyons donc que dans le poumon vont prendre nais sance deux processus bien distincts : Un processus intra-vasculaire : Un processus alréolaire. A. — PROCESSUS INTRA-VASCULAIRE. Réaction des leucocytes mononucléaires. — Formation des cellules géantes intra-vasculaires. Constitution des tubercules primitifs untra-vasculaires. A la fin du deuxième jour, pendant la désintégration des leu- cocytes polynucléaires, on constate dans les vaisseaux et les capillaires dilatés, aux endroits où se trouvent réunis bacilles et leucocytes polynucléaires, l’arrivée de nouveaux éléments dont le rôle sera plus durable : ce sont de grandes cellules à noyau. unique, vésiculeux, gros et peu chromatique, à protoplasma abondant, présentant des expansions nombreuses. Étant donné leur siège intra-vasculaire, leur signification n’est pas douteuse : ce sont les grands leucocytes mononucléaires. Les leucocytes mononucléaires siègent toujours à la péri- phérie du vaisseau ou du capillaire, le centre est occupé par les bacilles et les amas de leucocytes polynucléaires. L'arrivée des mononucléaires marque toujours lPapparition de nombreuses cellules géantes intra-vasculaires. — Pour suivre d'une façon rigoureusement exacte la chronologie des faits, c’est ici que je dois discuter l’origine et la signification de la cellule géante. (4) DE LA CELLULE GÉANTE Pour les uns, elle résulte de la multiplication du noyau dans l'intérieur d’une même cellule dont le protoplasma ne se divise pas; pour les autres, la cellule géante résulte de la fusion de plusieurs cellules. Les cellules géantes dues à la multiplication du noyau par fragmentation ou par lobulation n'ont rien à faire avec les cellules géantes du tubercule. — Arnold s’est surtout occupé de l’étude de pareilles cellules. — On a voulu leur donner le nom barbare 608 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de mégacaryocytes (Howel), on pourrait peut-être les appeler sim- plement cellules à noyau bourgeonnant. On a donné le nom de polycaryocytes aux cellules géantes de la tuberculose. — Le nom de cellule géante consacré par l'usage me paraît devoir être réservé à cette catégorie de cellules. — Ce sont les cellules géantes que l’on trouve dans la tuberculose, la lèpre. Depuis longtemps on sait que de pareilles cellules se for- ment autour de la plupart des corps étrangers introduits dans l'organisme. Arnold’ à observé des canalicules où l’épithélium rénal sem- blait prendre part à la formation des cellules géantes. Gaule: pensait aussi que les cellules géantes pouvaient se produire aux dépens de l’épithélium rénal. Il est évident que, dans ces cas, on n’a affaire qu’à une apparence grossière, que de pareilles formes n'ont rien à faire avec la cellule géante, et n’ont aucun rôle à jouer. Pour Weigert*, dans le tubercule, les cellules géantes seraient dues à un processus d'irritation suffisant pour provoquer la divi- sion des noyaux, mais non celle du protoplasma. Le centre de la cellule serait nécrosé, la périphérie seule contenant le noyau serait vivante. La formation des cellules géantes de la tubercu- lose ne me paraît pas demander des explications aussi compli- quées. Avec Krause, avec Metchnikoffet bien d’autres, je crois que la cellule géante résulte d’un processus de conglomération pur et simple. L'injection dans le système circulatoire nous montre ce mode de formation avec la plus grande évidence. Dès le troisième jour, les coupes montrent dans l’intérieur même des vaisseaux de nombreuses cellules géantes, et on les voit pour ainsi dire se constiluer autour des amas bacillaires. Ici leur origine n’est pas douteuse : c’est par la fusion des leucocytes mononucléaires qu'elles prennent naissance. Le nombre de noyaux de pareilles masses protoplasmiques peut êlre quelquefois très considérable; j'ai pu en compter jusqu'à soixante. Bien souvent, dans une même masse plasmique, les noyaux sont disposés par groupes 4. Anxozn, Ueb, Nierentuberculose. 2. GauLE, Vérch. Arch. 69. 3. Théorie d, tuberk. Riesenzellen (Deulsche med. Wochenschrift, 1885, page 599). TUBERCULOSE PULMONAIRE. 609 et presque toujours en collerette à la périphérie. La disposition des noyaux à la périphérie ne me paraît pas bien difficile à comprendre si l’on tient compte de ce fait que dans toute cellule mobile, c'est toujours la partie privée de noyau qui progresse, la portion de la cellule contenant le noyau est toujours la partie retardataire. Un amas bacillaire étant donné, on voit les leuco- cytes mononucléaires, situés sur la paroi vasculaire, envoyer des expansions dans la direction des bacilles, le noyau res- tant toujours à la périphérie; ces pseudopodes sont parfois très longs et la cellule géante résulte de la confluence pro- gressive d'un grand nombre de ces prolongements. Dans certains cas, tous les noyaux sont concentrés à un pôle et les bacilles situés dans la partie de la cellule privée de noyaux. (fig. 4, pi. X.) Cette localisation des bacilles dans les portions cel- lulaires privées de noyaux a été remarquée par tous les observa- teurs. Elle me paraît s'expliquer très simplement par l'hypothèse que j'émets ci-dessus. On constate la formation de pareilles cellules géantes, par le même processus, dans les alvéoles dès les premiers jours de Pinoculation, La figure 6, planche XI, représente un alvéole pulmonaire contenant un certain nombre de cellules sur la signification desquelles nous aurons à nous étendre ultérieurement; on peut constater le groupement de ces éléments autour d'un amas bacil- laire qui occupe le centre de l’alvéole ; les cellules voisines sont sur le point de se réunir à l’amas principal. Cette figure montre, prise sur le fait, la formation de la cellule géante. Dans cette histoire de la genèse des cellules géantes, nous avons parlé tout le temps de cellules mobiles, de prolongements mobiles, de pseudopodes, etc., etc., et rien n’est plus frappant en effet que cette apparence de mobilité des éléments qui entrent en jeu. La méthode expérimentale a l'avantage de nous faire assister à la genèse de toutes ces formes cellulaires qui, étudiées à l’auto- psie par des anatomo-pathologistes, ne donnent l'impression que de cellules mortes. Cette idée si féconde de la vie cellulaire, de l'attraction réci- proque des microorganismes et des cellules, la théorie phagocy- taire de l’inflammation, en un mot, si énergiquement soutenue 39 610 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. par M. Metchnikolff, a l'avantage d'animer toutes ces cellules trop considérées jusqu'à lui comme des squelettes. Lorsqu'il est si facile de se convaincre par l’expérimentation de la réalité de cette vie cellulaire, on va chercher des explica- tions confuses sur l’apparence de pseudopodes dans les cellules géantes: « Sous l’action des liquides fixateurs, disent M. Kostenisch' et « Wolkow, la cellule géante se rétracte, se détache des éléments « environnants et les parties ayant pénétré dans les intervalles « de ces derniers prennent la forme d’appendices ramifiés : les « fibres modifiées réticulaires, et celles du tissu conjonctif, en se « fusionnant avec la cellule géante, contribuent à la formation « de ces appendices. Si on considère la cellule géante dans ses « rapports avec les éléments environnants, on peut se rendre « compte de ses connexions, tandis que si on se figure la cellule « géante à l’état isolé, ces mêmes appendices peuvent suggérer « l’idée erronée de pseudopodes d’une grande cellule amiboïde.» Telle n’est pas notreopinion, et l'examen de nos préparations ne peut que confirmer la réalité de l'interprétation émise par M. Metchnikoff sur la signification et le rôle de la cellule géante. Que la cellule géante détruise ou ne détruise pas les bacilles comme c’est le cas dans la tuberculose ou la lèpre, il n’en reste pas moins acquis que la formation de la cellule géante doit être considérée comme un des modes de réaction de l’organisme vis- à-vis d’un corps étranger quelconque. (b) FORMATION DES TUBERCULES INTRA-VASCULAIRES La formation des cellules géantes dans le vaisseau est un phénomène tout à fait initial et contemporain @e l’arrivée des leucocytes mononucléaires dans les points où se trouvent les bacilles. C’est à la fin du deuxième jour et pendant tout le troi- sième que se passent tous ces faits. Au troisième jour, les gra- nulations tuberculeuses sont déjà constituées, et les coupes à cette époque montrent toutes les particularités de leur formation. Le centre de la granulation, bien visible au sein du tissu pul- monaire environnant, est généralement un capillaire très dilaté : me 1. Loc. cit, page 772, TUBERCULOSE PULMONAIRE. 611 la lumière en est encore marquée de place en place par les noyaux des cellules endothéliales. Dans le capillaire même, on trouve au centre un amas de leucocytes polynucléaires dégénérés, tout autour une ou plu- sieurs cellules géantes à nombre de noyaux variable, qui con- tiennent toujours des bacilles. Quelquefois toute la lumière du vaisseau est remplie par une même masse protoplasmique avec 30 à 60 novaux disposés en collerette. Le plus souvent les cellules géantes contiennent beaucoup moins de noyaux, et tout autour on peut voir des leucocytes mononucléaires libres contenant des baciiles. Cellules géantes et leucocytes mononucléaires montrent des granulations chromatiques dont j'ai pu déterminer la véritable origine: Ces granulations sont de dimensions très variables, tantôt elles gardent encore la coloration violette de l’hématéine, tantôt elles fixent la coloration rouge de la fuchsine; elles représentent les débris des noyaux des leucocytes polynucléaires détruits. Les leucocyles mononucléaires sont destinés à devenir les cellules épithélioïdes des tubercules d’inoculation : nous les retrou- vons toujours dans l'étude du développement de ces tubercules. Tout autour du capillaire dilaté, il existe une agglomération cellulaire considérable. Dela dilatation même du vaisseau résulte untassementdes paroisalvéolairesenvironnantes,quise disposent en couches concentriques à la périphérie. Tous les capillaires de ces parois alvéolaires sont remplis d'éléments à noyau très chro- mätique avec une mince couche de protoplasma; ce sont les lym- phocytes. Ils forment de véritables injections, et leur disposition en séries linéaires et concentriques indique très bien le trajet des capillaires refoulés. Parmi eux, on distingue à un fort grossissement des grands leucocytes mononucléaires, faciles à voir à cause de leur gros noyau vésiculaire, de leur protoplasma granuleuxet de la présence dans leur intérieur des corpuscules colorés, débris desleucocytes polynueléaires (fig. 1, pl. XIT. Les faits que nous venons de décrire sont si rapides, l’accu- mulation des éléments cellulaires autour des bacilles introduits par l'inoculation veineuse est si précoce, qu'ilest impossible d’ad- mettre pour leur genèse aucune autre explication que la concen- 612 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ration en un point d'éléments mobiles. D'ailleurs, les phéno- mènes les plus importants, la formation des cellules géantes et l'arrivée des leucocytes mononucléaires, se passent dans l’inté- rieur même du vaisseau : on ne peut admettre l'intervention des cellules fixes dans leur formation. Les granulations initiales ainsi développées dans les vais- seaux mêmes sont l’objet le plus favorable pour l'étude de la réaction immédiate de l'organisme vis-à-vis du bacille. Le poumon est particulièrement propice, parce que l'injection par la veine de l'oreille produit cette infection à coup sür. Le même processus initial a lieu dans le foie et les phéno- mènes initiaux sont identiques (j'ai pu déjà m’en convaincre); mais, dans le foie, avec la tuberculose humaine, il est difficile de réaliser à coup sûr cette infection directe par la veine de l'oreille. Le travail de M. Yersin ‘ montre de la façon la plus évidente que cet auteur n'a pas étudié les phénomènes initiaux : « Les bacilles inoculés s’arrètent surtout dans les capillaires du foie et de la rate. Là, ils déterminent la formation d’un petit coagulum de fibrine, dans lequelils se multiplient jusqu’au 5° et T° jour, sans qu'il paraisse y avoir de réaction du côté de l’orga- nisme infecté. » Tout notre travail va contre cette interprétation, la réaction de l'organisme est immédiate, et l’é tude du poumon montre toute la rapidité de cette réaction. Dans le foie, il est facile de reproduire les mêmes faits, si l’on introduit directement les bacilles par l’inoculation dans les veines mésentériques. C'est unepetiteopérationtrèsfacileetquin'aaucun inconvénient, la plaie locale guérit sans aucune espèce de réaction. Les phénomènes sont identiques à ceux que l’on voit dans le poumon. Je suis convaincu que les mêmes résultats seraient obtenus dans tous les organes. C’est là un processus d’ordre général, que nous retrouverions le même partout où nous aurions Habit mis en contact les bacilles et . éléments des tissus, par la voie sanguine. Il doit être très difficile d'étudier ces processus initiaux dans la pathologie humaine ; pourtant il est sûr que les mêmes faits se reproduisent si l’on admet, comme le prétend, non sans raison, Weigert, que beaucoup de tuberculoses miliaires 4. YErsiN (Annales de l'Institut Pasteur, 1888). TUBERCULOSE PULMONAIRE. 613 aiguës seraient dues à la pénétration dans le torrent circu- latoire de masses caséeuses et de colonies bacillaires, formant l'équivalent d’une injection dans la veine de l’oreiile. Nous étudierons plus loin le développement ultérieur de ces tubercules d’inoculation. B. — PROCESSUS ALVÉOLAIRE Cellules à poussière, leur signification, leur rôle. Formation de cellules géantes intra-alvéolaires. Pneumonie aiquë par effraction. Nous avons vu antérieurement que les leucocytes polynu- cléaires porteurs de bacilles pouvaient sortir des vaisseaux et tomber dans les alvéoles. On peut se demander quels sont dans ce cas les éléments qui interviennent. Nous allons voir que dans les alvéoles il existe une catégorie de cellules qui jouent le même rôle que les grands leucocytes mononucléaires dans les vaisseaux. Ce sont les cellules à poussière, les Staubzellen des auteurs allemands. A l’état normal, les poumons du lapin adulte contiennent toujours un certain nombre de grandes cellules libres dans les cavités alvéolaires, bien reconnaissables à la présence de corpus- cules noirs dansleur intérieur. Elles sont constituées par un noyau vésiculeux très gros, entouré d’une grande quantilé de proto- plasma dense et granuleux : les contours cellulaires sont le nlus souvent mal délimités. Parfois ces cellules sont accolées à la paroi de l’alvéole : on les retrouve, à la surface de l’épithélium bronchique, étalées et comme rampant au-dessus de la couche des cils vibratiles. Ces cellules jouent le plus grand rôle dans toute la pathologie du poumon. Il est nécessaire de passer en revue les diverses opinions émises à leur sujet. On n’est pas d'accord sur la véri- table signification de ces éléments. Arnold’ a étudié ces Staubzellen d'une façon toute spéciale dans son livre Siaubinhalation und Staubmetastase. Nirchow constate la présence du pigment dans les cellules épithéliales (catarrhales). Knauf considère les éléments en question comme 4. ArNoLD, Staubinhalation und Staubmetastase, Leipzig, 1885. 61% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. des cellules épithéliales, parce que, dit-il, il a souvent rencontré ces cellules non encore détachées de la paroi alvéolaire. Slav- jansky arrive à une opinion contraire, et les fait dériver des leu- cocytes mononucléaires du sang ; il se base sur le fait suivant : il injecte dans la veine de l’oreille, d’une part, et dans la trachée. d'autre part, des substances différentes, et il retrouve ces diffé- rentes substances contenues dans les mêmes cellules à poussière. Ces expériences sont loin d’être à l'abri de toute critique. Ins a vu tous les intermédiaires entre les leucocytes du sang et les cellules à poussière. Ruppert attribue à l’épithélium pulmonaire la propriété d’absorber les particules de charbon. Il conteste, non sans raison, les résultats de Slavjansky qui, dit-il, s’est placé dans des conditions trop différentes de l’état normal. Arnold, dans son livre, arrive à une conclusion mixte, il ne peut s'empêcher de reconnaître l'apparence de contractilité que présentent les cellules à poussière, et il admet deux origines à ces cellules : les unes proviendraient de l’épithélium alvéolaire, les autres des cellules lymphatiques. M. Tchistowitsch', dans le laboratoire de Metchnikoff, a repris cette question des cellules à poussière. Il a montré, par l’étude de la vessie nataloire des poissons, que la couche épithéliale n'absorbe jamais les poussières; l’épithélium dela vessie natatoire est l'homologue de l’épithélium pulmonaire au point de vue embryologique. L'épithélium du poumon de la grenouille ne jouit pas non plus de cette propriété. Il en est de même de l’épithélium pulmo- naire des animaux nouveau-nés, qui ne présentent jamais de cellules à poussière. Malgré tout, la véritable origine des cellules à poussière est loin d’être complètement élucidée. Nous allons voir que l'étude de la tuberculose pulmonaire nous amènera à considérer ces cellules non pas comme des cellules épithéliales desquamées, mais comme des cellules d’origine lymphatique. Ces cellules, nous l’avons dit, existent à l’état normal, très reconnaissables à leur protoplasma dense et à la présence de grains noirs dans leur intérieur. Au 2° jour de l'inoculation, elles sont en beaucoup plus granä 4. Phagocytose dans les poumons. (Annales de l'Inst. Pasteur, juillet 4859.) TUBERCULOSE PULMONAIRE. 615 nombre dans le voisinage immédiat des vaisseaux où se passent les phénomènes que nous avons déjà décrits ; beaucoup contien- nent des bacilles ou des leucocytes polynucléaires à différents stades de destruction : tantôt c'est un leucocyte entier bien visible dans une vacuole de la cellule, tantôt des fragments de chromatine isolés, et très souvent des débris de leucocytes et des bacilles (fig. 1 à 5, pl. XD). Le fait que ces cellules incorporent avec la plus grande facilité les corps étrangers me paraît déjà ètre un argument important en faveur de leur origine lympha- tique et non épithéliale. D'ailleurs, comme dans les vaisseaux aux dépens des grands leucocytes mononucléaires, il se forme à la même époque des cellules géantes dans les alvéoles, aux dépens des cellules à. poussière. La figure 6, planche XI, nous montre une cellule géante alvéolaire en voie de formation. Au centre de l’alvéole se trouve un amas bacillaire autour duquel sont groupées déjà des cellules avec des prolongements bien visibles et dirigés vers les bacilles. À une certaine distance, sur les parois alvéolaires ou libres dans la cavité, on voit des cellules de même espèce contenant aussi des grains chromatiques. L'une de ces cellules va déjà se fusionner avec la masse principale. On trouve des cellules à poussière libres dans les alvéoles pendant toute la première période de l'infection. Quelquefois elles sont groupées en grand nombre, contiennent des bacilles en voie de multiplication et pourtant on ne peut distinguer aucune réaction dans le tissu environnant. — Il ne se forme pas de véritables granulations tuberculeuses telles que nous les avons vues dans les vaisseaux, avec cellules géantes, cellules épithélioïdes et lymphocytes périphériques : le processus est simplement alvéolaire; la figure 8, planche XE, montre un alvéole ainsi bondé de cellules à poussière, avec des bacilles en voie de multiplication, au 15° jour de l’inoculation. Bien souvent les cellules alvéolaires prennent part à la forma- tion de tubercules dont le centre est manifestement un vaisseau. Les alvéoles environnant immédiatement le vaisseau, et qui sont refoulées par sa dilatation même, sont remplies de cellules qui sont destinées à pénétrer peu à peu au centre de la granulation, et à contribuer à l’accroissement de la granulation initiale. — Il 616 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. se forme ainsi des tubercules vasculo-alvéolaires (fig. 1, pl. XID. Qu'’elles soient épanchées dans les alvéoles ou contenues dans l’intérieur du vaisseau, ces cellules présentent les mêmes carac- tères…. ; elles ont une apparence de contractilité incontestable, elles incorporent avec la plus grande facilité les corps étrangers. Processus pneumonique aiqu. — Cette identité des deux caté- gories de cellules nous paraîtra bien plus manifeste si nous analysons le processus aigu que l’on obtient en injectant dans le poumon une émulsion contenant des grumeaux bacillaires capables de déterminer de véritables effractions. Le même processus peut s’obtenir en injectant directement dans la trachée une culture de bacilles, ou par l’inhalation de grandes quantités de bacilles tuberculeux. Onconstatealors aumicroscope, dèsles premiers jours, l’enva- hissement des alvéoles pulmonaires par une énorme quantité de cellules présentant tous les caractères des cellules à poussière ; la plupart de ces cellules contiennent des bacilles et sont comme noyées dans un épanchement non moins considérable de leuco- cytes polynucléaires: ces leucocytes polynucléaires, là encore, subissent les mêmes processus de dégénération, et nous retrou- vons au 4 et au 5e jour de cette pneumonie aiguë les cellules alvéolaires remplies de granulations chromatiques. Les parois alvéolaires sont intactes, l’épithélium pulmonaire est en place, et pourtant dès le 3° jour les alvéoles sont comblées : on ne peut pas invoquer la multiplication karyokinétique de l’épithélium pour expliquer cet envahissement : une telle rapidité serait par trop invraisemblable. Ces îlots de pneumonie se distinguent avec la plus grande facilité sur les coupes à l'œil nu; le plus souvent, le microscope montre, au centre de l’ilot ou dans son voisinage immédiat, la lumière d’un vaisseau oblitérée par un amas de bacilles et par un thrombus formé de leucocytes poly- et mononucléaires. D'après la description que donne Baumgarten (page 83)' des expériences de M. Samuelson consistant dans l'introduction par la trachée de cultures de bacilles, je suis convaincu que nos deux processus sont identiques... Baumgarten s'attache à assi- miler ce processus aux processus|tuberculeux qu’il décrit. — Mais 1. Loc cit. TUBERCULOSE PULMONAIRE. 617 il est évident que cette pneumonie aiguë n'a rien à faire avec la tuberculose et qu’on obtiendrait probablementles mêmes résul- tats en injectant en masse une substance quelconque dans le poumon. Ce n’est pas de la pneumonie tuberculeuse, c'est de la pneumonie par effraction. Ces faits n’en sont pas moins du plus haut intérêt pour nous, puisqu'ils nous montrent la véritable origine vasculaire des élé- ments que Baumgarten veut considérer comme de l’épithélium desquamé. Les cellules épanchées dans les avéoles ne diffèrent en rien des cellules à poussière qui existent à l’état normal dans le poumon, et ces cas de pneumonie aiguë sont des plus favo- rables pour mettre en évidence toutes les transitions entre les cellules lymphatiques des vaisseaux et les cellules en hüge. DÉVELOPPEMENT DES TUBERCULES INITIAUX. L'étude des premiers jours de l'infection nous a permis d'établir de la facon la plus nette aux dépens de quels éléments se constituent lestubercules initiaux : nous devons étudier main- tenant ce que deviennent ces tubercules. Macroscopiquement, on peut voir dans les poumons, au 5e jour, un semis très fin constitué par ces tubercules embryon- naires. Jour par jour, ces granulations à peine visibles au début grossissent progressivement, toujours bien isolées et bien distinctes. Au microscope, le poumon conserve son aspect normal en dehors des granulations, les alvéoles sont libres, nous n'avons affaire qu'à un processus local. Le développement progressif des granulations initiales seul attire notre attention. Les modifications que nous pourrons signaler sont tout à fait secondaires et peu importantes. Peu à peu nous voyons les contours des capillaires au centre des granulations s’atténuer et disparaître même : le nombre des cellules épithélioïdes augmente, les tubercules sont de plus grandes dimensions. Comment se fait l'augmentation des cellules au centre des granulalions? Est-ce par karyokinèse des éléments préexistants ? Est-ce par adjonction de nouveaux éléments ? 618 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Mon attention a été toujours attirée sur cette question des figures de multiplication dans la tubercule. Jamais je n’ai vu dans le centre des granulations, au milieu des cellules épithélioïdes. des figures de multiplication, et pourtant j'ai eu l’occasion de voir un nombre considérable de ces granulations par létude quotidienne des poumons inoculés. — J'ai pu voir pendant toute cette période du 3° au 20° jour (époque de la caséification des tubercules initiaux) des figures de division, mais le plus sou- vent j'ai pu me rendre compte que les éléments en karyokinèse étaient des éléments migrateurs : j'ai compté jusqu’à sept leu- cocyies en karyokinèse dans la coupe d’un seul vaisseau. Dans les parois alvéolaires, on rencontre toujours des figures de karyo- kinèse, mais il est impossible d'affirmer si c’est une cellule épithéliale du poumon ou un élément migrateur. Même en admettant que ce sont des figures de division d'éléments fixes de poumon, il est évident que ces cellules ne contribuent en rien au développement des tubercules qui nous intéres- sent'. Les figures de division karyokinétique observées ont pour caractère d’être disséminées, et je n’ai jamais pu me rendre compte de l'existence d’une multiplication plus active autour des tubercules, ce qui devrait être le cas, si ces cellules en division contribuaient à leur développement. La figure 3, planche X, montre un de ces tubercules vascu- laires au douzième jour; on peut y voir encore l'indication du capillaire par la présence des cellules endothéliales; les dimensions du dessin n’ont pas permis de figurer la continua- tion du vaisseau qui forme le pédicule d’une massue dont le tubercule serait la tète… Au douzième, quinzième, dix-huitième jour, nous voyons les dimensions des tubercules devenir de plus en plus considérables, et cette augmentation nous paraît due à la pénétration de nouveaux éléments, soit par les capillaires avoisinant les granu- iations, soit par adjonction de nouvelles alvéoles dont la lumière 1. Je dois faire remarquer que le développement des tubercules que je traite ici n’a aucun rapport avec les phénomènes décrits par Baumgarten. Nous verrons ultérieurement à quels moments se place, dans notre travail, la tuberculose pulmonaire décrite par l’auteur allemand ; nous aurons alors à discuter la signi- fication du processus décrit par lui, et à voir quelle place doivent occuper les processus pneumoniques tuberculeux, processus qui ne constituent qu'une des manifestations de la tuberculose dans le poumon. TUBERCULOSE PULMONAIRE. 619 se remplit d'éléments épithélioïdes dérivés des vaisseaux. Tou- jours ces granulations affectent la forme de nodules, et sont nette- ment délimitées par rapport aux alvéoles voisines parfaitement normales, toujours nous retrouvons une barrière de Iymphocytes accumulés à la périphérie et disposés en couches concentriques. Il nous faut arriver au vingtième jour environ pour voir apparaître, en même temps que la caséification des tubercules dont je viens d'étudier longuement l’évolution, ure série de modifications beaucoup plus complexes, qui viennent se surajouter aux lésions déjà décrites et donner à la tuberculose pulmonaire sa véritable physionomie. IT. — RÉACTION SECONDAIRE Pendant toute cette première période de l'infection du pou- mon par la voie veineuse, nous avons assisté à la genèse de phénomènes purement locaux. C’est la réaction immédiate de l'organisme vis-à-vis des bacilles introduits; elle aboutit à la formation de Tubercules d'inoculation : Les leucocytes polynucléaires entrent en jeu les premiers et sont rapidement détruits. Les leucocytes mononucléaires (cellules épithélioïdes et cel- lules géantes), bien que leur rôle soit plus durable, finissent par succomber, et au vingtième jour environ dans nos préparations se produit la caséification. La caséification ne parait pas être due à l’absence d'irrigation sanguine, les capillaires pénètrent souvent jusqu'au centre caséeux. La caséification me paraît s'expliquer beaucoup mieux par l’action directe du bacille et de ses produits sur les cellules qui les contiennent. Le centre caséeux devient un milieu de cul- ture où se développent des quantités énormes de bacilles. Dans mes expériences, il est incontestable que la caséifica- tion des tubercules initiaux coïncide avec la généralisation de la tuberculose. Cette généralisation se traduit par l’éruption d’une foule de tubercules dans tous les organes. Avec la tuberculose humaine, dans les conditions où je me suis placé, avec les doses que j'ai employées, le processus initial est localisé au poumon. Les autres organes (foie, reins, elc.) res- 620 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tent indemnes, à de rares exceptions près. D'ailleurs, l’étude histologique des granulations que nous trouvons généralisées à ces organes vers le vingtième jour nous montre les stades de début, tandis que les tubercules initiaux daus le poumon sont déjà caséifiés. De plus, dans ces organes, les tubercules en question sont périvasculaires, disséminés sur le trajet des artères rénales, par exemple, et non pas développés dans les vaisseaux, comme c'était le cas pour les tubercules d’inoculation du poumon. Rarement, au milieu de jeunes tubercules, on peut constater la présence dans le foie on dans les reins de gros tubercules caséifiés qui correspondent à une infection directe lors de l'ino- culation veineuse. Mais ces tubercules sont rares, et il est impossible d’étudier à coupsür leur genèse immédiate, comme nous l’avons fait dans le poumon, qui est l'organe de choix lorsqu'on infecte le lapin par la voie veineuse. — Le processus de réaction secondaire est non moins manifeste dans le poumon lui-même : ilse traduit par un ensemble de modifications qu'il s’agit d'élucider, et qui d’ail- leurs amènent rapidement la mort de l’animal vers le trentième jour. À ce moment surtout, 1l est indispensable d’avoir des coupes totales pour se rendre compte de l’ensemble des lésions et pour voir qu'elles sont toutes sous la dépendance d’un même processus. A. — Kéaction lymphatique péribronchique périvasculaire. Tubercules intra-lymphatiques. Autour des grosses bronches, les ganglions qui existent à l'état normal s’hypertrophient et montrent des figures de division très nombreuses. Tous les lymphatiques participent à ce pro- cessus d’hyperplasie et de multiplication ; ils montrent deux catégories de cellules bien distinctes, les unes petites, rondes, à noyau très chromatique, les autres grandes, à noyau vésiculeux peu chromatique, avecun protoplasma granuleux très abondant. Les trajets et les lacunes lymphatiques péribronchiques, péri- vasculaires, sous-pleuraux, sontcommeinjectés, etla tuberculose pulmonaire peut être considérée comme une des meilleures mé- thodes histologiques pour l'étude des lymphatiques pulmonaires. TUBERCULOSE PULMONAIRE. 621 Sur les coupes totales des lobes pulmonaires, il est facile de voir l’ensemble de ces modifications; l'énorme développement du système lymphatique du poumon est [a caractéristique de cette seconde période de la tuberculisation. Quand la coupe passe par un plan parallèle à la direction des vaisseaux ou des bronches (ce qui est facile à obtenir en faisant des coupes totales de lobes pulmonaires parallèlement au grand axe), on peut suivre sur une grande étendue le trajet d'un même lymphatique ou d’une lacune lymphatique. De distance en distance, on remarque des renflements dans le lymphatique même, constitués par de véritables granulations tuberculeuses. Le centre de ces granulations est occupé par de grandes cellules à prolongements multiples contenant souvent des bacilles; à la périphérie se trouve une barrière de petites cellules rondes. La production tout entière est comme greffée sur la paroi externe du vaisseau, la cavité lymphatique se poursuit et va plus loin constituer de nouveaux renflements à différents stades d’évolu- tion. On peut voir tous les intermédiaires et le mode de forma- tion de ces tubercules par le groupement de grandes cellules à la partie centrale, etla disposition périphérique des petites celiules. Les parois des vaisseaux montrent de distance en distance de pareils renflements ; le tubercule, greffé sur la paroi disposé, en éventail, prend son insertion par une large base. Si le même processus se développe, dans la lumière du vaisseau, par une infiltration de cellules lymphatiques sous l’endothélium bien conservé et qui fait saillie, on a l'apparence d’une granulation nodulaire formée de deux segments, l’un externe, l’autre interne, séparés par la paroi du vaisseau réduite à sa plus simple expres- sion, Une pareille formation est dessinée lrès exactement. (Pz. XIE, fig. 2.) La réalité de ces tubercules périvasculaires et leur mode de formation dans les trajets lymphatiques est de toute évidence. Au début de la réaction lymphatique leur étude est des plus faciles ‘. 1. Je ne comprends pas pourquoi ils n’ont pas attiré l’attention de Baum- garten, car d’après sa figure (PI. V fig. 12), on peut juger qu'il a eu affaire à de pareilles formations. Le vaisseau qu’il représente en À avec un ‘processus très marqué d’endartérite montre à droite un îlot cellulaire compact qui, j'en suis convaincu d’après mes préparations, ne représente nullement un alvéole pulmo- naire, mais une cavité lymphatique, 622 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. B. — Processus alvéolaires. — Granulations alvéolaires. — Processus pneumonique. La réaction lymphatique secondaire dans le poumon n’est pas limitée aux seules cavités lymphatiques péribronchiques ou péri-vasculaires. Les alvéoles participent au même processus, et les cellules que nous avons vues jouer un si grand rôle dans la formation des tubercules périvasculaires, épanchées dans les cavités alvéolaires, vont constituer de véritables îlots pueumo- niques. Telle est l’origine des granulations alvéolaires et de la pueumonie caséeuse : les mêmes éléments entrent en jeu; c'est toujours la même cellule tuberculeuse qui forme dans les lymphatiques les granulations, et dans les alvéoles les infiltra- tions et les processus pneumoniques. Pour Baumgarten et la majorité des auteurs, le processus alvéolaire, la pneumonie caséeuse, constituent toute la tuber- culose pulmonaire. Les granulations alvéolaires résultent de la multiplication des cellules fixes. Pour nous, les seuls éléments actifs dans la tuberculose sont les cellules lymphatiques; ce sont ces cellules qui prolifèrent, qui contribuent à l'énorme développement du système lymphatique pulmonaire, à la production de granulations nodulaires véri- tables autour des vaisseaux, et qui, épanchées dans les alvéoles. constituent le processus pneumonique tuberculeux. S1 on ne suit pas les différents stades de cet envahissement, par la prédominance même du processus pneumonique, on sera amené à ne pas voir autre chose dans la tuberculose pulmonaire. La ressemblance des cellules intra-lymphatiques et des cel- lules alvéolaires est frappante : elle est facile à constater, car le plus souvent les alvéoles remplies de cellules constituent une zone circulaire assez bien délimitée autour des tubercules nodu- laires que nous avons décrits, autour des bronches, autour des vaisseaux. Si l’on étudie le poumon alors que la caséification a envahi les parties centrales, la granulation nodulaire centrale étant détruite, le processus alvéolaire seul attirera l'attention. Si les cellules alvéolaires étaient d’origine épithéliale, on TUBERCULOSE PULMONAIRE. 623 devrait trouver l’épithélium détruit et desquamé dans les endroits où la lumière de l’alvéole est comblée d'éléments cellulaires. I] n’en est rien, et bien souvent, dans les premiers stades, on peut voir l’épithélium intact, en place, sans figure de multiplication, bien que l’alvéole contienne un nombre considérable d'éléments cellulaires (fig. 4, pl. XID. Les cellules alvéolaires absorbent avec la plus grande facilité les corps étrangers. J'ai pu m'en convaincre directement en faisant respirer un lapin tuberculeux, au 20° jour de l’inoculation, dans une atmosphère de noir de fumée. Elles forment des cellules géantes typiques, en toutsemblables à celles que nous avons étudiées dans les processus initiaux. Les cellules géantes abondent dans les alvéoles du 20° au 30° jour de l'inoculation. Ces cellules prolifèrent dansles alvéoles, et Baumgarten a eu raison de le signaler, mais cette prolifération mème ne va-t-elle pas à l'encontre de l'interprétation de l’auteur? On ne voit pas très bien des éléments différenciés, comme les cellules de l'épi- thélium pulmonaire, entrer en karyokinèse après leur chute dans l’alvéole ; une cellule desquamée paraît bien plutôt vouée à la mort. Tandis que les éléments en question subsistent encore longtemps bien vivants, la caséificalion ne survient que beau- coup plus tard. Quand ces cellules sont situées dans la lumière d’une bronche, la distinction en est beaucoup plus facile ; il est manifeste que l'épithélium bronchioue n'entre pour aucune part dans leur formation : l’épithélium des bronches, lorsqu'il prolifère, ce qui est rare, ne fait pas des cellules tuberculeuses, mais de l'épithé- lium bronchique. Tous les caractères que nous venons de passer en revue me paraissent devoir être attribués non pas à des cellules épithé- liales desquamées, mais à des cellules mobiles, à des cellules lymphatiques. Deux faits principaux me paraissent acquis : 1° Les cellules qui entrent dans la constitution des tubercules nodulaires lymphatiques et les cellules épanchées dans les alvéoles sont identiques et ont la même origine. 20 Laformation destuberculesnodulairespérivasculairesetl'en- - vahissement des alvéoles, sont deux phénomènes contemporains. LOU 2 hu LATA XL AT bar 624 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous ne pouvons pas admettre que les cellules épithéliales tombées dans les alvéoles, finissent par pénétrer dans les lym- phatiques et aillent constituer les cellules épithélioïdes des tubercules péribronchiques et périvasculaires : M. Baumgarten lui-même n'irait pas jusqu’à faire jouer un pareil rôle à l’épithé- lium desquamé. La figure 3, planche XIT, représente à un forl grossissement une portion de paroi alvéolaire, elle montre en « des éléments cellulaires sphériques qui sont probablement les prétendues cellules épithéliales gonflées sur le point de tomber dans l’alvéole. D'après mes préparations, je crois que ce sont des cellules lymphatiques contenues soit dans les capillaires, soit dans les espaces lymphatiques inter-alvéolaires. Ces cellules sont mani- festement contenues dans des cavités, elles prennent la forme sphérique et ont une apparence d’enveloppe (4). Quand elles sont épanchées dans l’alvéole, cette apparence d’enveloppe disparait, la cellule a des prolongements multiples (b). Le processus si bien décrit du gonflement des cellules épithéliales et de leur desquamation dans l’alvéole doits’appliquer non pas à l’épithélium pulmonaire, mais à des cellules d’origine lymphatique. Dans l'état actuel de nos connaissances sur la circulation lymphatique, nous devons admettre que les éléments en question arrivent par les vaisseaux et passent dans la circu- lation lacunaire. Là, sous l'influence de nouvelles conditions d'existence, ils se développent et prennent des dimensions plus consi- dérables : une partie est entraînée dans les canaux lymphatiques et va constituer fes tubercules intra-lymphatiques; les autres, épanchées dans le poumon, forment les granulations alvéolaires et les îlots de pneumonie tuberculeuse. Le caracitère bien spécial de la pneumonie tuberculeuse n'avait point échappé à Charcot. : « Les noyaux de ces prétendues pneumonies, dit-il, necontien- nent en aucun point des produits d’inflammation commune: leu- cocytes polynucléaires, cellules épithéliales proliférées, exsudat fibrineux, etc. Ils résultent de l’envahissement des parois des alvéoles d’abord, puis de leurs cavités, par un tissu embryonnaire 1. Caarcor (Revue mensuelle. Cours de la Faculté, 1879). TUBERCULOSE PULMONAIRE, 625 particulier soumis à une évolution spéciale... La dégénéra- tion frappe d'abord les parties du nodule les plus voisines de la bronchiole qui joue le rôle de centre de formation. » N'est-ce pas là l'expression des phénomènes que nous avons voulu mettre en relief dans ce travail ? En résumé, l'étude de la {tuberculose pulmonaire, obtenue par injection dans la veine de l'oreille, nous permet de distinguer deux stades bien distincts dans l'infection tuberculeuse. Dans la première période, qui commence immédiatement après l’inoculation, nous assistons à la genèse de phénomènes purement locaux qui aboutissent à la formation de tubercules d’inoculation. Dans la seconde période, qui commence avec la caséification des tubercules d’inoculation, et qui doit être plus ou moins précoce suivant l'intensité du processus initial, nous assistons à l’envahissement de tous les organes et à l’éruption d’une quan- tité de tubercules sur tout le trajet des lymphatiques. — Dans le poumon, cette seconde période se traduit par l'apparition de tubercules intra-lymphatiques péri-vasculaires et péri-bron- chiques, et par l’envahissement des aivéoles. | Granulations nodulaires, pneumonie caséeuse sont deux manifestations morphologiques différentes d’un mème processus, tout entier lymphatique. Dans les deux cas, les cellules fixes du poumon servent de support passif, et ne jouent aucun rôle im- portant dans la réaction de l’organisme. La cellule tuberculeuse est toujours une cellule lymphatique. En terminant ce travail, je ne puis m’empècher d'exprimer toute ma reconnaissance à M. Metchnikoff, qui s'estconstamment intéressé à mes recherches, et auprès duquel j'ai toujours trouvé de précieux conseils. Je ne dois pas oublier M. le professeur Kiener, de Montpellier, qui a été mon premier maître en anato- mie pathologique. 40 626 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE X Fig. 1. — Coupe d’un gros capillaire du poumon où l’on voit des leucocytes isolés chargés de bacilles, bien isolés au milieu des globules rouges. (Quelques minutes après l’inoculation.) 4, leucocytes isolés porteurs de bacilles. Fig. 2. — Coupe longitudinale d’un capillaire pulmonaire dilaté contenant des bacilles et de nombreux leucocytes ayant déjà incorporé des bacilles. (Quelques minutes après l’inoculation.) Fig. 3. — Un tubercule d'inoculation au douzième jour. Le tuber- cule est surtout développé dans un vaisseau énormément dilaté dont on retrouve par places les cellules endothéliales en 4: en b on pouvait suivre la continuation du vaisseau non dilaté. Fig. 4. — Une cellule géante au quatrième jour. Cette cellule géante est manifestement contenue dans un capillaire, les noyaux sont con- centrés à un pôle, les bacilles sont situés au pôle opposé, au milieu d'un feutrage très net de filaments protoplasmiques. 4, leucocytes polynucléaires. PLANCHE XI Fig. 4 à 5. — Cellules à poussière au début de l'infection. Ces cellules contiennent des bacilles et des leucocytes polynucléaires à différents stades de dégénération. — Fig. 5, 4, un leucocyte dans une vacuole de la cellule. — Fig. 2, b, un leucocyte dont le noyau est réduit à deux granulations chromatiques contenues dans une vacuole. — Fig. 1, 3, 4, différents stades de destruction des leucocytes poly- nucléaires. Fig. 6. — Formation d’une cellule géante dans une alvéole aux dépens des cellules à poussière. Un amas bacillaire est au centre de l’alvéole; tout autour sont groupées un certain nombre de cellules à poussière, envoyant manifestement des filaments protoplasmiques dans la direction des bacilles; sur les parois alvéolaires, on distingue des cellules à poussière isolées dont une va se fusionner avec l’amas principal. Fig. 7. — Deux cellules géantes intra-alvéolaires au quatrième jour de l’inoculation. Tout autour dans l’alvéole on peut voir des cellules à poussière isolées ou groupées. Ces cellules contiennent toutes des TUBERCULOSE PULMONAIRE. 627 débris chromatiques, indice de la destruction des leucocytes poly- nucléaires. Fig. 8. — Un amas de cellules à poussière dans l’intérieur d’une alvéole au quinzième jour de l’inoculation. Les bacilles se sont déve- loppés dans l’intérieur même des cellules. En à: on voit une cellule à poussière contenant des bacilles, dans l’alvéole voisine : L, paroi de l’alvéole, #, cellules intra-alvéolaires. PLANCHE XII Fig. 1. — Une granulation tuberculeuse en voie de formation au troisième jour. Au centre, on distingue la lumière d’un capillaire contenant quelques leucocytes mononucléaires et des bacilles; tout autour du capillaire, on peut voir au milieu de l'infiltration de petites cellules rondes, de grands éléments qui sont ou des leucocytes mono- nucléaires ou des cellules à poussières. En €, une cellule géante avec des bacilles ; e, une figure de division de cellule à poussière. Fig. 2. — Un vaisseau du poumon à la périphérie duquel s’est développé un nodule lymphatique tuberculeux ; les cellules Iympha- tiques sont disposées en éventail, quelques-unes épanchées et libres dans les alvéoles voisines. (Vingtième jour de l'inoculation.) Dans la lumière du vaisseau, l’endothélium est soulevé par une infiltration des cellules Iymphatiques. L’ensemble de la figure constitue une véritable granulation tuberculeuse; on distingue encore au centre la limite du vaisseau. — dd', paroi du vaisseau. — «44, endothélium soulevé intact. — b, cellules lymphatiques du tubercule. — ce, cellules alvéolaires épanchées tout autour, lymphatiques, non épithéliales. — e, capillaire collatéral du vaisseau. Fig. 3. — Une portion de paroi alvéolaire de la fig. 4; on dis- tingue des cellules dans les cavités de la paroi, que nous considérons comme des cellules Iymphatiques, non comme des cellules épithéliales gonflées. — b, une cellule libre dans l’alvéole. Fig. 4. — Portion du poumon envahi par les cellules lymphatiques. SUR UNE FORME DE FIÈVRE FRÉQUENTE SUR LES COTES DE LA MÉDITERRANÉE PAR LE CHIRURGIEN-CAPITAINE M. Louis HUGHES, A. M.S. (Laboratoire militaire, à Malte). Les Annales de l’Institut Pasteur ont publié en avril 1893 un inté- ressant travail du chirurgien-capitaine Bruce, de Netley. Les notes suivantes ont été écrites à la fois pour confirmer les expériences de Bruce, et comme une preuve d'intérêt pour la France, dont le commerce et la puissance s'étendent d’année en année sur la Méditerranée, et dont les découvertes à propos des fièvres paludéennes ont fait leur chemin dans le monde. Elles résument deux ans et demi de travail à Malte, où j'ai eu l’occasion de traiter et d'observer, à l'hôpital et au laboratoire, des centaines de cas de cette « fièvre méditerranéenne ». Cette fièvre est à rapprocher étroitement à la fois de la fièvre typhoïde et de la malaria, et a souvent été confondue avec elles, mais ses caractères cliniques et pathologiques sont assez distincts et assez constants pour qu’on puisse la distinguer de ces deux maladies et de toutes les autres. Cliniquement, elle présente une courbe de température particuliè- rement irrégulière, consistant en ondes intermittentes de pyrexie, du type distinctement rémittent, durant de une à trois semaines, avec des intervalles d’apyrexie durant généralement deux à trois jours. Dans des cas rares, les rémissions peuvent être assez marquées pour que la fièvre prenne un caractère intermittent, qu’on peut pourtant distinguer assez facilement des paroxysmes de la malaria. Dans les cas graves, la température peut être baute d’une façon continue, le patient pré- sentant l’état dit typhoïque, et la mort survenir par hyperpyrexie,com- plications pulmonaires ou épuisement. IL y a pourtant alors d’ordi- paire une rémission marquée le matin, avec augmentation le soir, la température atteignant d'ordinaire, entre 2 et 4 heures du soir, un maximum supérieur de 00,5 à 10,5 à la température du matin. Après cela, la température retombe lentement (souvent après une légère exacerbation nocturne) jusqu’à la rémission matinale. La pyrexie est donc vraiment chronique, et cela pendant six mois et plus; elle n'est tpas affectée d’une façon marquée par la quinine ou l'arsenic. Elle es SUR UNE FORME DE FIÈVRE. 629 régulièrement accompagnée d’une constipation obstinée (excepté dans un certain nombre de cas graves et mortels où on trouve beaucoup de congestion intestinale et souvent de la diarrhée); il y a aussi de l’ané- mie et de la débilité progressives, suivies dans un grand nombre de DECEMBRE DEEE NOVEMBRE BONES ME TEARAHE se [sf (sje trs afin qepeqe es elnpet eee —— SA ES Es 2 to abs 1e91|18 [19/20f21 #[sIe[7 [es ho[ulelislmhs)t6) sue LÉ IE He Ut nt D PAPE EEE NN TM si Éd be re ER. JANVIER LED EPP PER en EE EE EN EAN EA EN A CNE ICE EC AE CAE a FÉES EEE To dan PARA PEER PRRABAT AB PE PEMÉÉ ENT elles 4 | 1 [1] Li é A [7 7 ne AE LS y PANNE HAAMBSSAMERÉE see+ MU ENIeleilelafoloisioirs Rates sense Tracé no 1, cas par des complications névralgiques et rhumatismales dont le patient met parfois deux années à se remettre. Cette fièvre ne protège pas contre des attaques subséquentes de fièvre typhoïde, et ne donne pas l’immunité contre la fièvre méditerranéenne, La morta- 630 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lité est faible (environ 2 0/0), mais la durée moyenne de séjour à l'hôpital est de 70 à 90 jours, et le taux des cas de réforme parmi les soldats et marins anglais est plus élevé que pour toute autre maladie. Pathologiquement, la rate est d’abord beaucoup élargie et ramollie, maisauxenvironsde la 5° ou 6esemaine elle devient plus dure, et tombe quelquefois au-dessous de sa dimension normale. Le canal alimentaire présente des taches irrégulières de congestion, mais sans implication des glandes de Peyer, qui restent intactes. Les glandes mésentériques JUILLET TE Gurrletste later te shelnpishleoereslssies(e EE 2 EP PARPARRPE ere ARRRÈEBRS Ho de f go2[48 [15/14 | 34. BEE ER = Tracé no 2. sont élargies, mais moins que dans les cas de fièvre typhoïde. Dans les cas graves, il y a une tendance à une pneumonie lobulaire ou à une inflammation bronchique. Le micrococcus melitensis reconnaissable à son apparence et à ses modes de culture, a été trouvé dans les organes où les symptômes cliniques et les apparences à l’autopsie rendaient sa présence probable, et cela huit fois par Bruce, deux fois par Gipps, et par moi dans les 11 cas qui suivent, soit 21 en tout. {er cas. — Dame de ma famille, àgée de 19 ans, qui, deux ans auparavant, avait eu à Bruxelles une altaque sérieuse de fièvre lyphoïde avec rechute. SUR UNE FORME DE FIÈVRE. 631 Ce cas a été caractérisé par de la constipation, des transpirations, de l’anémie progressive, des symptômes névralgiques et une tendance à l'hyper- pyrexie. Pas d'éruption, de gargouillements iliaques ni d’autre symptôme typhoïque, mais une certaine odeur de la respiration et de la peau, que j'ai souvent retrouvée dans les cas graves de fièvre méditerranéenne, et qui est surtout manifeste dans les autopsies. Guérison. (+ et 1 dans le tracé n° {, ci-dessus, indiquent les lavages à l’éponge et les antipyrétiques.) 2% cas. — W. A. Welch Regiment, 20 ans. Bonne santé antérieure, 52 jours d'hôpital; mort dans une rechute. Diarrhée exceptionnelle. Autopsie une heure après la mort : légère congestion à la base du poumon, rate de 400 grammes, très molle; son frottis sur lamelle montre quelques micro- coceus entre les cellules. Foie de 1,670 grammes, congestionné. Petit intestin congestionné sur 75 centimètres, à partir de la valvule iléo-cœcale. Gros intestin avec congestion intense jusqu'à 50 centimètres au-dessous de la même valvule. Plaques de Peyer et glandes mésentériques intactes. Tracé n° 2. 3 cas. — H. H.…., Berkshire Regiment, 22 ans. 72 jours d'hôpital. Cas semblable au précédent ; mort pendant la première rechute. Autopsie 4 heures après la mort. Foie de 1,980 grammes, un peu gras. Rate de 340 grammes, noire et de consistance ferme. Pas d'ulcération de l'intestin. Aucun élargisse- ment des plaques de Peyer ou des glandes mésentériques. Poumons con- gestionnés à la base, 4 cas. — G. S.., Essex Regiment, 24 ans, 8 jours d'hôpital. Autopsie 4 heures après la mort. Congestion à la base des deux poumons. Rate de 400 grammes, élargie et congestionnée. Foie de 2,730 grammes, congestionné aussi. Intestins normaux. (Tracé n° 5.) s SEA | L] A (4 37 Em œ % Tracé no 3. de cas. — D..., Berkshire Regiment, 23 ans, 15 jours d'hôpital ; mort le dix-septième jour de la maladie. Cas semblable au précédent, mais carac- térisé par de la diarrhée. Autopsie 7 heures après la mort. Poumons con- gestionnés à la base. Rate de 594 grammes, friable et presque liquide dans sa capsule. Foie de 2,070 grammes, friable et congestionné. Petites taches congestives dans le duodénum et l’iléon. Sur 45 centimètres à partir du cæcum, le gros intestin est congestionné et gonflé. Pas d’ulcération; les glandes mésentériques sont élargies, mais les plaques de Peyer intactes. 632 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 6° cas. — S..., Connaught Regiment, 22 ans, 22 jours d'hôpital. Autopsie Gheures aprèsla mort. Poumons congestionnés à la base. Rate de 425 grammes, foie de 1,815 grammes, tous deux élargis et congestionnés, de même que l'intestin sur un petit nombre de points, cas semblable au 4 cas. 7° cas. — G..., Connaught Regiment, 22 ans ; mort le vingt-septième jour de la maladie. Diarrhée. Autopsie 1 heure après la mort. Poumons conges- tionnés à la base, foie de 2,184 grammes. Rate de 325 grammes. Duodénum congestionné, iléon congestionné par places suivant le trajet des vaisseaux, gros intestin très congestionné au pli sigmoïde. Glangdes mésentériques légèrement élargies, mais plaques de Peyer intactes. (Tracé n° 4.) SEPTEMBRE OCTOBRE ass ro [au [te 13115 t617 [18/10 soer/s2lesls+leslec|e7/26/29/50l 4 le |5 |4 | TOO COCECECONOEEERENTE (a [Es Pt or foutre ra frs | LÉ EPEPÉERE PERLES Tracé no 4, 8° cas. — G. C..., Berkshire Regiment, 22 ans; mort le trente-cinquième jour de la maladie. Rate de 510 grammes, élargie et congestionnée. Pou- mons très congestionnés à la base. Plaques congestives dans l'intestin, mais glandes de Peyer normales, pas d’ulcération. Glandes mésentériques un peu élargies. (Tracé n° 5.) PASS RUE SPERRER eee slt Tracé no 5. 9% cas. — C..., Artillerie, 26 ans ; mort le cinquante-septième jour de la maladie. À montré un type commun de l'affection, type qui n’est pas d'ordinaire fatal. Mort due à des complications pulmonaires. Autopsie 6 heures après la mort. Poumons œdémateux avec consolidation lobulaire. SUR UNE FORME DE FIÈVRE. 633 Foie de 2,270 grammes, très congestionné., Rate de 310 grammes, ferme et noire. Intestins normaux, sauf un peu de congestion duodénale. Microceccus dans le frottis de rate sur lamelle. (Tracé n° 6.) SESETTE fer frafre [aol ufr RENE Ex És EF MNSsÉSonE seïefs [1 felr{i[s{ifififslelsiels] FT SEANCES ORNE EEE soja pRelslals|eerpeleslsols|1 [els [41516 7/8 of | bound sis5|36/37/58/50l4081 holsleæsohrleolsolstisessise|ss|56|s7) DT AREMAME SR AREE AA ARS AA EURE ELA PEUT LE LEO D EL CEE EE EE CCE PP EPV ET seesfo]i]ofo]s]ole]4]s+l#1shif1t) 10° cas, — W..., Berkshire Regiment, 23 ans ; mort le dix-neuvième jour. Tracé no 6, Cas rémittent compliqué d'une maladie cardiaque. Autopsie 12 heures après la mort. Poumons très congestionnés. Rate de 350 grammes, élargie et con- gestionnée. Foie de 1,415 grammes congestionné, maladie mitrale au cœur. Petit intestin congestionné çà et là. Pas d’ulcération. Glandes de Peyer normales. (Tracé n° 7.) D [DEC.[1895 JANVIER Heg2/so[s(1Te[sT4]5l6l7{8fofolultelisiehisl | EE HSE FESSES à SDS TD AP OS ARRERRRE ARBRE TRBUTAPRRT VUE OCTO Tracé no 7. 634 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 11° cas. — A. A..., Roy. Scots Regiment, 20 ans. Est resté à l’hôpital du 23 juin au 12 juillet 1891 avec une pyrexie rémittente. Y est revenu le 29 octobre 1891 avec une pyrexie chronique, rémittente et intermittente, qui a duré presque continuellement jusqu’au 29 mars 1892 (5 mois). A l’autopsie, apparences dues à l'insuffisance mitrale qui a été la cause immédiate de la mort. Plaques de Peyer normales et pas d'ulcération. Rate éiargie. Très nombreuses colonies de Mic. Melitensis dans tous les tubes ensemencés avec la rate. J'ai, dans un grand nombre de ces cas, obtenu des générations successives en cultures pures de ce micrococeus : je n’ai trouvé avec lui aucun autre microbe présent dans des circonstances semblables, et je ne connais pas d'autre maladie où on le trouve, bien que je l’aie recherché dans divers cas mortels provenant d’autres causes. Bruce ‘ a introduit deux fois des cultures pures de ce microbe dans la circulation d’un singe bien portant, et a amené une fièvre analogue à la fièvre méditerranéenne. J'ai répété 4 fois la même expérience. ExPÉRIENCE [. — Petit singe mâle, resté en observation deux mois, pen- dant lesquels son appétit est resté bon et sa température normale. On a fait une émulsion, avec À c. c. de bouillon stérilisé, d’une colonie retirée d’une culture sur gélose du foie de H. H... (3° cas), et on l’a injectée profondément dans les muscles de l’avant-bras gauche, en prenant les précautions usuelles, et après avoir soigneusement lavé et purifié la région d'inoculation. Il ne s’est rien produit au siège de la piqûre, mais le singe a présenté une forme typique de la pyrexie, et, tué le seizième jour, lorsque sa température était de 400,6, il a offert des apparences morbides caractéristiques. Nombreuses colonies du M. Melitensis par ensemencement du foie, de la rate, du sang retiré du cœur avec des instruments stérilisés, 5 minutes après la mort, après ligature des gros vaisseaux. A l’aide d'une aiguille fixée à un tube sté- rilisé et enfoncée dans le ventricule, on a retiré un peu de sang qu'on a ensemencé après avoir rejeté les premières et les dernières gouttes. (Tracé n° 8.) NOVEMBRE h8s1[1121514l5fel7[8)9 holultæelts#lt5li6) | Re EN ETC AN NE EI LOUE ANA PA 2 A AE RHHEmAe APM Re Tracé no 8. 1. Ce volume, p. 3053. SUR UNE FORME DE FIÈVRE. 635 ExPérience Il. — Un petit singe africain mâle, en observation depuis un mois et en bonne santé, a été inoculé comme le précédent, dans les muscles de l’avant-bras gauche, avec les cultures provenant du sang de l'expérience T. Il a eu pendant deux mois une pyrexie chronique caractéristique (voir le tracé n° 9). isse]s Le 7] fps list bourse ls|slsleln|es roluqiefis]#) SL EL) 13/20/2122 one sat pe HOTAETEIE 27/28 /29/50/31138] DABER fe EL ERA AE AREA EC PL CA Mr LATEST { FEVRIER ee TE EN came Een HouRe ss pen De nel an sels 1 alt 7 Hot als 1 sise ebsr saso eoet en ess RRRBRRRRERARATRRRTABRRERS TERRE Je EN OA a a La A Eu PODELAPEEETEREE PAIE EP PORT CPE FERMER EEETET MARS FE DE EME NT ER RENE hesa|s Totu eee lent ehemoLEesuRs] | OUR 7 ro RASE CDI ee ei JAM D AA EE EPP A A HEIN Tracé no 9, Expérience II. — Singe plus gros, femelle, espèce bonnet. En observation depuis 3 mois eten bonne santé. Inoculé dans les muscles de la cuisse droite avec des cultures provenant de la rate de l'expérience 1. Forme très carac- téristique de ja pyrexie (voir le tracé n° 10) et en même temps symptômes rhumatismaux, Ces deux singes ont beaucoup perdu de leur poids, quoique 636 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bien nourris et soignés, mais ils ont fini par se rétablir. Les températures étaient prises tous les jours à 8 heures matin, 2 heures et 6 heures 30 du soir. CRE 05119 B7(E8/#15015111 |e ]5 Pope MENU FRERE Rs nt rem HOTTES EHEEEEEREEEEEERTEE EEE FREE EEE En ACIER LINE ARE ER TPE EE HUMAN LI ENT EE F see A ere FEVRIER bcmebenne [314 DODUDDEN D ue Lots es sb (er else sp eepspebrpepa lbs PE 5657/58/59 |eo| ALT TEETE ee HAE en Ho de de ee LR NAME AL HAE E4 EEE RÉIRAIE E TE 890 [24[25[26/27/e8 | bourses] 66 no = si Se |«o He Res BRIEÈr F NS RSI Ne EME eS IE Etes PENSER w HE RSNBMIEESS VPN EI [11 Li ES ESA BANC ELA Cie Tracé no 10. Le Micrococcus melitensis a déjà été décrit, et il suffit de rappeler qu’il est un peu ovoïde, qu'il croît lentement même aux températures les plus favorables (37-39 c.) sur une surface de gélose avec 1,5 0/0 de SUR UNE FORME DE FIÈVRE, 637 peptone. A cette température, les colonies deviennent visibles à l'œil nu 120 à 125 heures après inoculation au moyen d’une rate humaine, et semblent des perles plates reposant à la surface de la gélose. Elles ne poussent pas de prime abord sur de la gélose un peu plus alcaline que ne l’est le sang, mais, par cultures successives sur des milieux d’alcalinité croissante, on peut les faire pousser sur des milieux très alcalins. La meilleure méthode est d'inoculer avec de la rate humaine du bouillon qu’on répartit ensuite dans des tubes à gélose. En gouttes pendantes, on les trouve sous forme de coccus et de diplo- coccus, avec parfois, spécialement lorsque la culture a lieu sur gélose alcaline, une tendance à former de courtes chaînes (fig. 11), que le moindre effort disloque. Ces coccus se colorent très bien avec le bleu de gentiane, mais se décolorent très vite lorsqu'on les traite par l'alcool ou tout autre agent déshydratant et décolorant. Épidémiologie. — La maladie a un caractère endémique et épidé- mique à la fois. Parmi les troupes de Malte, tandis que le taux d'admis- sion pour mille dans les hôpitaux est demeuré assez constant dans les derniers trente-trois ans (excepté à de certains moments, où entrait en action quelque influence définie et générale), celui des fièvres simples continues (fébricules et fièvre méditerranéenne) s’est régulièrement élevé lorsqu'on le distribue par cycles de sept ans. Le maximum a été de 269,5 p. 1,000 en 1859, et le minimum 91,2 en 1888. En ce qui concerne la gravité de la maladie, on peut signaler une amélioration sensible, et la mortalité a décru de 3.08 à 0,92 pour mille. Les épidémies sérieuses sont devenues rares depuis 1873, et les cas rapidement mortels sont rares et largement espacés. Cette améliora- 638 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tion est probablement due à une diminution dans la puissance des virus, provenant sans doute de la diminution ou de la suppression des foyers de contagion sous l’influence des mesures sanitaires. Les taux d’entrée dans les hôpitaux et de mortalité, calculés sur chaque période de sept ans, ont passé ensemble par leur maximum, mais le second chiffre est descendu plus tôt et plus vite que le chiffre des hospitalisés. Enfin le taux d’admission pour les affections rhumatismales, qui sont la conséquence ordinaire de la fièvre méditerranéenne, a subi les mêmes variations et la même diminution que la fièvre elle-même. Bien que les fièvres paludéennes ne soient pas endémiques à Malte, les variations saisonnières de la fièvre méditerranéenne correspondent exactement à celles de ce qu’on appelle le poison malarique. Pourvu que la chaleur soit assez grande, on peut dire aussi que le taux d’ad- mission pour fièvre méditerranéenne véritable varie exactement en sens inverse de celui de la quantité et de la persistance des pluies, en ajou- tant que la pluie pendant les chaleurs est toujours suivie d’une augmen- tation d'activité dans le poison, et d’un accroissement soudain et tem- poraire du chiffre des attaques. Depuis les premiers documents anglais sur cette maladie, en 1816, cette fièvre a paru chaque été, distinctement localisée sur certains points, d'où elle éclatait fréquemment sous forme épidémique. Elle a toujours été nettement endémique dans : 1°les baraquements, maisons et hôtels construits par les chevaliers de Malte du commencement du xvie à la fin du xvun siècle; toutes ces constructions ont toujours été encombrées et insalubres, bien qu’on les ait améliorées peu à peu ; 2% dans les terrains avoisinant ces vieux conduits creusés dans la roche poreuse; ces canaux ont servi d’égouts pendant de longues années : ils servent souvent de drains pour les eaux de surface en hiver et au printemps, et restent secs en été et en automne: 4 sur les navires à l'ancre dans notre port sale et sans marée. La fièvre n'est pas contagieuse d'homme à homme, et je n’ai jamais trouvé de raisons d’incriminer la nourriture ou les eaux. L’étude des documents et des souvenirs recueillis pendant les soixante-dix dernières années, et les résultats de mes recherches pendant quelques épidémies localisées récentes, m'ont conduit à penser que l'existence de cette fièvre à Malte et à Gibraltar est en relation avec les déjections humaines, et il y a de bonnes raisons de croire que le poison est de nature aérienne, s’élevant de la matière fécale ou organique des sols poreux lorsque vient la sécheresse. Il y a aussi une relation étroite entre la fréquence des cas survenant parmi les marins et celle des baignades dans notre port contaminé par les égouts, ou de l’exposi- tion aux émanations de la vase dans les bassins à sec. J'ai été très SUR UNE FORME DE FIÈVRE. 639 frappé de retrouver, durant mes récentes visites à Tunis et à Naples, les mêmes conditions favorables au développement de cette maladie. La lenteur du développement de ce microbe et les hautes tempéra- tures nécessaires pour sa culture m'ont empêché d'apporter à ce sujet des preuves bactériologiques, mais je n’ai pas non plus de preuves contraires ; l’avenir décidera. Cette fièvre tient donc cliniquement une place entre la fièvre typhoïde et la malaria, mais s’en différencie par la présence d'un microorganisme spécifique autant que par l’absence du bacille d’Eberth et de l’hématozoaire de Laveran. Elle paraît être une fièvre contagieuse d'un type mobile, caractérisée par une durée indéfinie et une marche irrégulière, causée par un poison du sang d'origine fécale et capable de prendre une forme aérienne organisée. Ce n'est en tout cas pas une forme abortive, ou modifiée par le climat, de la mala- ria ou de la fièvre typhoïde. INSTITUT PASTEUR Personne morte de rage pendant le traitement. Mermonr (Meccxior), chef cantonnier en retraite, à Bonneville (Haute-Savoie), mordu le 14 juillet par un chien reconnu enragé à l’autopsie, traité à l'Institut Pasteur du 18 juillet au 6 août. Les morsures au nombre de dix siégeaient sur les deux faces de la région métacarpienne de la main gauche : trois d’entre elles étaient très pénétrantes. Le 6 août, Mermont ressent des fourmillements dans la main gauche, il présente de la paralysie flasque avec anesthésie, localisées à l’avant-bras et à la main gauche, pas d’hyperexcitabilité. Le soir, il mange d’assez bon appétit, se montre assez gai, mais se plaint en se couchant que la paralysie gagne le bras droit. Dans la nuit, il a une courte crise, se débat quelques instants dans son lit et meurt. Sur le désir formel de la famille, l’autopsie n'a pu être faite. Il est donc impossible de dire à quelle affection a succombé Mermont. 640 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR. STATISTIQUE ! DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE, — JUILLET 1893. | Habits idéchirés ON RP EN Re te AMOTSUTES A NNUNNES SARNIA EN ES A B C | Morsures à la tête ( simples. . . . .[ *| » | , | » 15 | »| 4) : 10 1 et à la figure multiples... .| »|» » |5 »l» | Cautérisations efficaces . . . . . . . .. AE a PEU Eee RS RE ee ES EN ES = inef, ficaces 5Ù dé 0 1000 0 on T- 220) : 1410 » Al» ù Pas de cuutérisation. . . . . . .. Ms Re A De) re fe De EC ER ES ES Li $ ! É SIMDICS EE Feb » | » l 4 | » 127) »| 4 Morsures aux mains les: RE ADI EUR ae Gautérisations efficaces - . . >... : | » | DA PTE) Et ee Es] PE PA Pa — CICR CES ANNEE ar 22510 2110) 7"Ibp Pas de (CHUTÉMSQUON MATE ER 20) 200294) >. Abo Morsures aux mem- simples... ..| »| 21, |» 121) 44| »|15)34 bres et au tronc multiples....|v|2; » [28\ » 19! Cautérisations efficaces . . ©. .. |, 2 ee EE im Fe La AD — inefficaces . . .. .. . 1 2f» | » | 2115 | » M6!» |» PAS BC QUES ER Ne 2/-08.501"94)5 us Ole HADL TS UOChATÉS AR PR RE 4/5» | » | 32] » | » 130[ » |» MOrSUTES LB ER Tee 5e D» 49)» 5. | 4/5 [mn Morsures multiples en divers points du COPPSS 2 RRE UNE ET EEE CE » »1» |» [212 |»|l»| Cautérisations efficaces . . . . .. QE D ET EVE SNS M PAS EE 2 Dr = inefficaces etes telteite be 2) » 1 » » »| » » PS Te CUULÉTISU ON. D ete ocean »| v AE DS Es En Totaux, { Français et Algériens . 5} | 49 Vétrangers 00-00 -0e | Sa 4) A B C FT ET RER Tr TT LOTAL GENÉRAE tir etes 156 Les animaux mordeurs ontété: chats, 15 fois ; mouton, 1 fois; chiens, 140 fois. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. 7me ANNÉE SEPTEMBRE 1893. No 9: ANNALES L'INSTITUT PASTEUR SUR LA COAGULATION DE L'ALBUMINE Par E. DUCLAUX Il Je voudrais, dans ce travail, passer en revue les arguments qui ont servi à distinguer, dans le blanc d'œuf, plusieurs substances albuminoïdes diverses, et montrer par l'expérience qu'ils sont tous caducs, de sorte que, s’ilexiste en réalité plusieurs albumines diverses, ce que je suis loin de nier & priori, je pourrai conclure au moins qu'elles sont encore à trouver, et qu'il faudra, pour les isoler, découvrir des méthodes différentes de celles qu’on a employées jusqu'ici. On opère en ce moment de la façon suivante. Le blanc d'œuf de poule, par exemple, est coupé avec des ciseaux de façon à rompre les lamelles et longuement agité dans de l’eau. Il reste des pellicules flottantes qu'on élimine, soit en filtrant le liquide sous pression au travers d'un nouet de toile serrée, soit en le battant en neige, le laissant ensuite reposer, et décantant ce qui se réunit peu à peu au fond du vase. On obtient ainsi un liquide un peu visqueux, opalescent, sensiblement alcalin au tournesol et même à la phénolphtaléine. L’alcalinité au tournesol correspond, d’après M. Scholl', à 05,225 d’hydrate de potasse pour 100 d’albumine, comme moyenne de plusieurs déterminations. Ce liquide, saturé de sulfate de magnésium, suivant le procédé de Starke, ou bien additionné d’un égal volume d’une solution saturée à froid de sulfate d’ammonium, donne un précipité que l’on considère comme formé de globulines. Dans un récent 1. Bacteriologische und chemische Studien ueber das Huhnereiweiss. (Archiv, f. Hyg., 1893, p. 535.) A1 642 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. travail sur le sulfate de quinine!, j'ai assez montré le caractère illusoire de ces précipitations sous l’action des sels pour pouvoir conclure tout de suite que ces prétendues globulines qu'on sépare ne sont pas nécessairement distinctes des albumines qu'on laisse qu'on va retrouver dans le liquide filtré, de sorte que je peux les laisser de côté tout de suite. Après avoir épuisé l’action des sels, on a recours d'ordinaire à l’action de la chaleur. On sait que les solutions d’albumine se coagulent quand on les chaulfe. D'après M. A. Gautier, la coagu- lation du blanc d'œuf de poule dilué dans deux fois et demie son volume d’eau commence vers 50° par un léger trouble, qui augmente et devient notable de 57° à 63°. En filtrant, on sépare ainsi environ le 1/5 de l’albumine dissoute; en chauffant lente- ment la liqueur filtrée, on n'observe plus de 63° à 71° qu'un louche insignifiant. Le reste de l’albumine dissoute ne se coagule que de 72° à 73°. De ces expériences, M. À. Gautier avait conclu que le blanc d'œuf contient deux espèces d'albumine. M. A. Béchamp en distingue trois, qu'il essaie de caractériser de même par leurs températures de coagulation et leurs pouvoirs rotatoires différents. Je laisse de côté pour le moment tout ce qui est relatif au pouvoir rotatoire *, me réservant d'y revenir dans un travail spécial. Je me propose surtout d'étudier ici la coagulauion sous l’influence de la chaleur, et, en restant dans cet ordre d'idées, je relève un dernier travail de MM. Corin et Bérard, qui distinguent à leur tour, dans le blanc d'œuf de poule, cinq espèces d’albumine dont les températures de coagulation sont 570,5; 670: 720: 76° et 820. On peut remarquer tout de suite que ces chiffres ne concordent pas avec ceux de M. À. Gaulier, et même que l’un d’eux, 67°, est à égale distance des limites 63° et 71°, entre lesquelles M. A. Gau- tier n’a observé qu'un louche insignifiant. Je pourrais triompher de ces discordances, et conclure qu’une méthode qui leur laisse place est une pauvre méthode de classification. Mais il vaut mieux chercher d’où elles proviennent, ou plutôt à quelles causes on est autorisé en ce moment à les rapporter, 4. Ces Annales, t. VI. 2, Je ne veux faire observer qu’une chose, c’est que les pouvoirs rotatoires qu'on a mesurés l’ont été sur des albumines isolées par l’action de la chaleur. Si donc je démontre que cette action ne peut servir à créer des espèces, il importera eu que les albumines ainsi séparées aient tel ou tel pouvoir rotatoire. SUR LA COAGULATION DE L’ALBUMINE. 643 Il Il y en a deux principales. La première est que la tempé- rature de la coagulation est fort mal définie, parce que la coagu- lation n’est jamais un phénomène instantané. Elle dure peu si la température est un peu plus élevée, davantage si la tempé- rature est plus basse; mais, dans ce dernier cas, en lui laissant le temps nécessaire, on la verra se réaliser. En étudiant ce phénomène de près, on constate ses ressem- blances profondes avec la coagulation produite sur les solutions de sulfate de quinine sous l’action des sels. En chauffant lentement une solution un peu étendue d’albumine qu'on agite constamment, de façon qu'il n’y ait de surchauffe en aucun point, on voit la coagulation débuter par un trouble laiteux, donnant au liquide des reflets bleus et une transparence rousse; c’est l'effet Tyndall, sur lequel j’ai insisté dans une Revue anté- rieure, et qui est la première manifestation visible de la coales- cence des molécules primitivement dissoutes dans un liquide en groupes plus ou moins volumineux. Si ce trouble est saisi à ses débuts, et si le liquide est refroidi aussitôt, il peut persister plus ou moins longtemps, parfois même disparaître, mais il n’aboutit pas à la formation de flocons en suspension ou à une coagulation véritable. | S'il est assez prononcé, au contraire, et si on arrête le chauf- fage en maintenant constante la température atteinte, on voit au bout d’un temps plus ou moins long ce trouble uniforme se con- créter en flocons, diffus d’abord, plus nets ensuite, et qui finissent par former un dépôt d’albumine coagulée. Si on a porté d'emblée la température un peu plus haut, le dépôt se forme plus rapidement. Il est aussi un peu plus volu- mineux et plus lourd. Mais il n’y a aucune raison de le distinguer du précédent, à moins de se lancer dans des subtilités sans fin. Concluons donc que la température ne suffit pas pour définir un phénomène de coagulation et caractériser la substance qui le subit : il faut aussi la durée du phénomène. C’est ainsi que, dans du lait additionné de présure, la coagulation peut se faire, si on lui en laisse le temps, à des températures fort variables, dans lesquelles personne n’a eu encore l'idée de chercher la définition de diverses espèces de caséine. 0 644 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ajoutons, pour terminer, que tous ces fractionnements successifs de l’albumine de l'œuf, sous l’action de la température, semblent obéir à la même loi que les fractionnements successifs du sulfate de quinine en solution sous l’action des sels, et que le liquide qui a donné un premier dépôt devient par là plus résistant à en donner un second, de sorte que la précipitation de la malière dissoute, au lieu de se faire progressivement et régulièrement, se fait par 4-coups, chaque dépôt étant séparé du précédent et du suivant par un intervalle dans lequel l’augmen- tation de l’action précipitante ne produit aucun effet. Telle est probablement l’explication des intervalles de non-précipitation constatés tant par M. A. Gautier que par M. A. Béchamp et MM. Corin et Bérard. Notons, comme confirmation de la vue qui précède, que les températures de précipitation varient d'un de ces savants aux autres, absolument comme varient lés propor- tions de sel qui peuvent déterminer la précipitation dans des solutions de sulfate de quinine de même concentration‘. LT: J'arrive maintenant à la seconde des raisons qui empêchent d'attribuer une valeur quelconque aux températures comme moyen de séparer et de définir diverses albumines : c’est que les températures de coagulation varient notablement pour de légères différences dans la nature et dans la proportion des sels minéraux présents dans la liqueur. Ur, nature et proportion varient à la fois dans l’albumine des œufs d'une même espèce, et dans un même œuf, avec le temps. Il me suffira, pour démontrer ce que j'avance, d'emprunter à MM. Poleck et Weber, d’un côté, de l’autre, à M. Scholl, les résultats de leurs analyses. D'après MM. Poleck et Weber, les cendres forment de 6,4 à 6, 80/0 du poids de l’albumine sèche. Quant à leur composition, voici deux analyses quitémoignent qu’elle estloin d’être constante: Chlorure de SOIN PR PAPE PA PTE Re 9,16 44,07 Cioruretde MOSS eee Een SUR 41,29 42,17 Soude en excès.,.,..... Role A LS ES PAL 23,04 16,09 Potasge ém'excos MARS Lies a Au er AE 2,36 1,15 1. Voir sur ce point le mémoire cité. SUR LA COAGULATION DE L'ALBUMINE, 645 ri, GR SES ER A PAREIL tr 4,74 2,19 Magnésie.,..... Ortse DURE Te TT EE 4,60 8,17 DEC CRT EEE Le see DÉPUS vs 0,44 0,55 Acide phosphorique..... DRE 8 LE CR 4,83 3,19 — carbonique... RE AR CE ARE AE 2 41,60 11,52 — sulfurique... LE CNOPRC tie SEC sue 2,63 4,32 SIC IQU'E se mne ed ONCE CORNE HE 0,49 2,04 Les chlorures de sodium et de potassium forment, comme on le voit, environ la moitié du poids des cendres. Le reste des bases est combiné aux divers acides relatés dans l'analyse, mais de façon que la réaction définitive reste alcaline. Il y a à remarquer les variations notables dans les proportions de chaux et de magnésie, qui jouent un si grand rôle dans les phénomènes de coagulation. Les phosphates sont en quantité très faible. L'’acide carbonique relevé dans l’analyse ne provient pas uni- quement de la combustion du carbone de l’albumine. M. Scholl a montré que l’albumine de l’œuf frais contenait des bicar- bonates en quantité suffisante pour fournir au moins la moitié de cet acide carbonique, et, autant qu’on peut le voir par les chiffres qu’il donne, sans qu’il mentionne expressément le fait, ces bicarbonates sont en quantité variable. Dans de l’albumine exposée à l’air, ces bicarbonates se décom- posent peu à peu et l’alcalinité augmente. Dans de l’albumine qu'on conserve dans sa coquille, une autre cause de variation provient des phénomènes d’osmose saline entre le blanc et le jaune de l'œuf. La composition des cendres du vitellus est très différente de celle de l’albumine, et tout aussi variable, comme le montrent les analyses suivantes, faites encore par MM. Poleck et Weber: Il IT Soude ,..,.... OR DE PIE En RER 5,12 6,57 BOLASS CNE AMEN Mr connue TES D 8,93 8,05 Ehiux era ER RNA TRR ER R EE NE € 12,21 13,28 MHORÉSIC Sn rer REA HAS OCDE Cle 2,07 2,11 Dave deter "re 2. ed tea as re 1,45 1,19 Metde pPhosphorIQuE Sr ma marse des das el 69,53 66,70 EE SHICIQUES 2 ARR dE Na) VS, Fan 0,55 1,40 Ici, les chlorures sont en quantité minime ; ce sont les phos- phates qui dominent, et probablement les phosphates acides, car la réaction de la masse est nettement acide, tandis que celle du blanc d'œuf est, comme nous l’avons vu, alcaline, La diffu- 646 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sion doit avec le temps amener dans le blanc les sels du jaune, dans le jaune ceux du blanc. La composition des cendres de l’albumine doit donc varier dans un même œuf suivant l’époque à laquelle on les étudie, et comme les sels présents ont une influence non seulement sur la température, mais encore sur mode de coagulation, on s'explique ce fait, bien connu des ménagères, qu'un œuf frais ne se coagule pas dans l’eau bouillante de la même façon qu'un œuf de quelques jours. IV Cette question de l'influence des sels sur la coagulation a fait l’objet de nombreuses études et controverses depuis le moment où Aronstein, en 1874, montra que l’albumine devient d'autant plus difficilement coagulable par la chaleur qu'elle a été mieux privée de sels par la dialyse. Pour nous faire une idée de la sensibilité avec laquelle la température de coagulation accuse des variations presque infini- tésimales dans la nature ou la proportion des sels en solution, nous n'avons qu'à citer les résultats d’un travail de M. Rosen- berge, qui a mis fin, pour le moment, à toutes les discussions soulevées par la découverte d’Aronstein ‘. M. Rosenberg a opéré sur de l’albumine fraîche qu'il soumet- tait à la dialyse, soit en lui laissant son alcalinité ordinaire, soit après lavoir additionnée de faibles quantités d'acide chlorhy- drique de façon à la rendre légèrement acide. Pendant la dialyse des solutions acides ou alcalines d'albu- mine, il a pu distinguer trois périodes. Une première période, qui dure 10 à 15 heures seulement pour les solutions acides, 48 heures pour les solutions alcalines, aboutit à donner des liquides qui ne sont plus coagulables à l’ébullition. C’est la disparition des sels les plus diffusibles, pro- bablement celle des chlorures, qui a produit ce résultat. La preuve, c’est qu’en ajoutant au liquide dialysé une trace de chlorure de sodium on lui rend toutes les propriétés de la solution primi- tive, et en particulier celle de se coaguler par la chaleur. En continuant la dialyse, on constate que l'aptitude à la coagulation à chaud reparait à nouveau, et atteint son maximum 4, Vergleich, Untersuch. betreff. das Albumin. (Z'hëse de Dorpat, 1883,) SUR LA COAGULATION DE L’ALBUMINE. 647 après 48 heures pour les solutions acides, au bout de 5 à 6 jours pour les solutions alcalines. Des expériences de contrôle ont montré qu'à ce moment les solutions ne se coagulaient plus lorsqu'on ajoutait un peu d’alcali pour les solutions alcalines, d'acide pour les solutions acides. La réapparition de la coagu- labilité tenait donc à ce que l’alcali d’un côté, l’acide de l’autre, avaient disparu par dialyse en tropfortes proportions,et M. Rosen- berg explique le fait en disant qu’il en restait trop peu pour que la transformation en acide-albumine ou alcali-albumine soluble ait pu se faire sous l’action de la chaleur. Nous nous contenterons, pour nous, de ranger l'acide et l’alcali au nombre des substances salines dont l'apparition ou la disparition provoque ou empêche la coagulation. Il n’y a pas de raison pour faire jouer à cet acide ou à cet alcali un autre rôle que celui qu’a joué le chlorure de sodium dans la première période : nous dirons donc seulement que le mélange d'acides et de sels qui existe à la fin de cette seconde période est tel que l’albumine se coagule à chaud, et nous con- clurons que la sensibilité de la réaction est grande, puisqu'elle traduit la présence ou l’absence de quantités très faibies de sels. Enfin, une dialyse plus prolongée fait disparaître définitive- ment l'aptitude à la coagulation à chaud. Ici, il ne peut encore être question d'une transformation lente de l’albumine en acide- albumine ou alcali-albumine, car l'addition d’acides ou d’alcalis étendus, avec quelque précaution qu'elle soit faite, dans les liqueurs alcalines ou acides, ne déterminent jamais de coagulum. C’est à la disparition presque complète des sels qu’est dû le phé- nomène. Je dis presque complète, car ces albumines longuement dialysées retiennent encore de cinq à quinze dix millièmes de sels, formés surtout de phosphates de calcium et de fer, corps colloïdaux que la dialyse n’élimine qu'avec une lenteur extrême. M. Rosenberg a donc raison de conclure que, totale- ment privée de sels, l’albumine ne se coagulerait plus à l’ébulli- tion, et que par conséquent cette coagulation est chez elle un phénomène aussi contingent etaussi dépendant des circonstances extérieures que pour les autres substances coagulables. V Nous allons faire jaillir un nouveau trait de ressemblance en profitant de quelques-unes de ses observations, que nous inter- 648 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. préterons autrement que lui. Quand on chauffe à l’ébullition ces solutions d’albumine longuement dialysées, on constate qu'elles deviennent laiteuses, sans pourtant fournir de précipité, ni rien laisser sur un filtre. De plus, elles émettent par rétlexion de la lumière partiellement polarisée. On reconnaît là tous les caractères que présente le premier degré de coalescence des molécules dans toutes les solutions coagulables, minérales ou organiques, et nous conclurons, par suite, non pas, avec M. Rosenberg, que la chaleur qui ne peut plus coaguler l’albu- mine, peut au moins la modifier dans ces conditions, mais simplement que le degré de dilution auquel la dialyse a amené les sels permet à la coagulation de commencer, aux premiers degrés de coalescence des molécules de se produire, sans lui permettre d'aller plus loin. Cette opalescence sans formation de dépôt s’observe sur les solutions étendues d’albumine d'œufs très frais; elle précède, comme nous l'avons montré plus haut, les coagulations les plus régulières. C’est un phénomène normal, c’est la première période de la formation de tout coagulum. Lorsque ces solutions opalescentes sont fortement concen- trées, l’addition d’une trace de chlorure de sodium les géla- tinise et les transforme en une masse molle et élastique; c’est ce qu'a montré le premier M. Schutzenberger!. Cette remarque ne fournit pas seulement une confirmation des vues qui pré- cèdent, elle nous permet de passer à l’étude des conclusions de M. Tarchanoff au sujet de l’albumine des œufs des oiseaux qui naissent nus et les yeux fermés, moineaux, hirondelles, merles, pigeons, etc. L’albumine de ces œufs, au lieu de se coa- guler à l’ébullition comme celle de l’œuf de poule, donne une masse molle, transparente ou cornée, parfois fluorescente et émettant comme telle de la lumière polarisée. La coagulation ne se fait qu’à 95°, au lieu de commencer à 57°, comme celle de l'œuf de poule. Enfin le caillot est soluble à la longue dans l’eau pouillante. Toutes ces propriétés semblent éloigner cette albu- mine de celle de l'œuf, et M. Tarchanoff en fait, après MM. Valen- ciennes et Frémy, une albumine spéciale, qu'il appelle tata-albu- mine. Je ne veux pas dire qu'il n'existe pas d'albumine spéciale à ces œufs, ni m'élever contre l'opinion des savants qui attri- buent à chaque espèce d'oiseaux une albumine spéciale, bien 4. Comptes rendus, t. LVIIT, p. 86. SUR LA COAGULATION DE L’ALBUMINE. 649 que cette vue aille droit contre les tendances de la science, qui incline de plus en plus à expliquer les différences entre les élé- ments constitutifs des Lissus par des différences dans le dosage des divers principes immédiats qui y figurent que par des diffé- rences spécifiques dans ces principes eux-mêmes. Tout ce que je veux dire, c'est que s’il existe une tata-albumine, son existence ne ressort pas des arguments mis en avant pour la prouver. Tous ceux qui précèdent, relatifs à la température et à la forme de la coagulation, sont sans valeur, en tenant compte de ce que nous avons dit plus haut. Rien n’est d’ailleurs plus facile que de passer de cette tala-albumine à l'albumine ordinaire. M. Tarchanoff lui-même a vu en effet qu’en ajoutant quelques gouttes d'une solution concentrée d’un sel neutre, sel marin, sulfate de soude, etc., on abaisse notablement la température de coagu- lation, et le coagulum qu’on obtient est blanc et opaque comme celui de l’œuf de poule. À l’incubation, dit M. Tarchanoff, la tata-albumine reprend les propriétés de l’albumine ordinaire : c'est sans doute l'effet de la diffusion qui amène dans le blanc une partie des sels du jaune, et dans le jaune une partie des sels du blanc. M. Tarchanoff argue, à la vérité, de ce qu'il n'y a pas, dans la tata-albumine d’un œuf frais, plus de sels ni plus d’alcalinité que dans l’albumine d’un œuf de poule; mais nous savons que la quantité ne joue pas seule un rôle, qu'il y a aussi la qualité, et, jusqu'à nouvel ordre, on est autorisé à chercher dans des différences de composition saline l'explication des résultats, curieux du reste, de M. Tarchanoff. Je pourrais passer en revue, en les combattant au moyen des mêmes arguments, les divers travaux publiés sur les œufs, et qui ont abouti à la création d'espèces d’albumines. Mais j'ai hâte d'abandonner cette voie. Je reconnais en effet que tous ces argu- ments, pour probants qu'ils me paraissent, sont incapables de for- cer des convictions, surtout des convictions fondées sur des réactions aussi subtiles que celles qui ont servi à différencier les diverses matières albuminoïdes. « On ne se fait tuer, a dit M. Renan, que pour ce dont on n’est pas sûr », et la géométrie n'a pas encore eu de martyrs. 650 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. VI Je me suis donc préoccupé de chercher une démonstration par l'absurde, comme celle que j’avais trouvée avec le sulfate de quinine. En montrant que des sels variés, ou le même sel en proportions variées, précipitent toujours du sulfate de quinine dans une solution de ce sel, j'ai essayé de ruiner l'argument en vertu duquel on voyait des substances différentes dans les préci- pités divers que des sels variés ou le même sel en proportions variées donnaient dans les solutions d’une matière albuminoïde. J'ai cherché de même un sel de composition fixe se précipitant sous l’action de la chaleur comme les solutions d’albumine, et se prêtant comme elles à des précipitations qu’on peut produire et fractionner à son gré. Je crois l’avoir trouvé dans le phosphate de chaux. Voyons d’abord les ressemblances extérieures. Elles sont sur- tout manifestes avec le phosphate de chaux tribasique colloïdal, Pour les bien voir, il faut préparer ce corps soi-même. Les phosphates de chaux tribasiques du commerce sont en elfet tou- jours un mélange de phosphate tribasique et bibasique ou du moins ne contiennent jamais la quantité de chaux qui correspond à la formule (PO‘)?Ca*. Rien n’est moins sûr du reste que l’exis- tence de ce phosphate. Je n’ai pas trouvé d'autre moyen, pour obtenir une combinaison de chaux et d’acide phosphorique conte- nant 54,2 (0/0 de chaux, comme le veut cette formule, que de préparer à l’avance des solutions titrées d'acide phosphorique pur et de chaux pure, et de les mélanger dans les proportions voulues, Encore faut-il ne pas verser la dissolution alcaline dans la solution acide, sous peine de voir apparaître le précipité cris- tallin bien connu de phosphate bibasique, qui laisse de la chaux en excès. Quand on verse la solution acide dans l’eau de chaux, et qu'on opère rapidement, on voit le liquide se remplir d’un précipité gélatineux, analogue à de l’aibumine coagulée. Dans une de mes expériences, ce précipité contenait 54,1 0/0 de chaux, et le liquide qu’il abandonnait en se rétractant ne conte- nait, après filtration sur du papier, que 0,0046 0/0 de résidu. Ge phosphate gélatineux est done à peu près insoluble dans l’eau. Il ne passe pas à travers les filtres de papier, à plus forte raison à travers les filtres de porcelaine. SUR LA COAGULATION DE L'ALBUMINE. 651 Mais on sait comment Je rendre soluble, même dans les liqueurs alcalines. I suffit d'y ajouter du citrate d’'ammoniaque. On a expliqué cet effet par la production de sels doubles, mais la disproportion entre la quantité de citrate et celle du phosphate de chaux ramené à l'état soluble proteste contre cette explication. Il vaut mieux voir là un cas particulier de ces phénomènes de solubilisation ou d'insolubilisation produits par les sels sur les substances coagulables, et qui échappent à toute loi atomique simple. Quoi qu'il en soit, ajoutons du citrate d’ammoniaque parfaite- ment neutre à notre phosphate de chaux gélatineux. Quand on en a ajouté quatre à cinq fois le poids de phosphate, on trouve que le mélange passe intégralement au travers du filtre de papier, mais ne passe pas intégralement au travers d’un filtre de porce- laine. La matière est donc solubilisée, mais incomplètement. Les agrégats moléculaires qui constituaient le coagulum ne sont pas complètement dissociés. Un autre caractère en avertit. Le liquide est opalescent, bleu par réflexion, rougeätre par transpa- rence. Il donne la réaction de Tyndall. C’est un liquide où la coagulation commence, ou n'a pas encore totalement disparu. Un excès de citrate d’ammoniaque ne fait pas disparaître cette opalescence : il faut, pour obtenir un liquide limpide, ajouter un acide, par exemplede l'acide chlorhydrique.Maison peut ramener le louche en saturantavec la potasse. S’iln’y a pas un excès d'alcali, ce liquide louchit encore plus quand on le chauffe, et finit par donner un liquide tellement identique aux solutions chauffées d'albumine non coagulable, qu'il faut un œil très exercé pour les distinguer. Comme ces solutions, celle du phosphate de chaux dans le citrate conserve son aspect laiteux, sans donner pendant longtemps de trouble ni de précipité si on la conserve à chaud. Le liquide s'éclaireit si on le laisse se refroidir, ainsi que nous avons vu plus haut pour les solutions d’albumine saisies au commencement du phénomène de coagulation. Cependant, on observe encore ici, comme avec les solutions d'albumine et en général de toutes les substances coagulables, l'intervention du temps dans le phénomène de coagulation. Une solution opalescente filtrée passe trouble au commencement, et, si on l’abandonne à elle-même, on y voit se former des flocons qui ensuite restent sur le filtre, C’est ainsi que le filtre se bouche 652 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. peu à peu et ne laisse plus passer ensuite qu’un liquide limpide. Bref, ilest impossible de manipuler ce précipité sans rencontrer, presque à chaque pas, une manifestation de ce travail de coales- cence moléculaire etde condensation progressive qui caractérise toute coagulation. VII Arrivons maintenant à l’action de la chaleur. Appliquée au phosphate gélatineux lui-même, elle hâte ce travail de condensa- tion, rend le phosphate de plus en plus difficilement soluble dans le citrate d'ammoniaque et même les acides étendus. Ce qu’on appelle phosphate rétrogadé ne me paraît être que du phosphate gélatineux dans lequel la coagulation a resserré les molécules de façon à augmenter leur résistance à toute action extérieure. Ce n’est pas un phénomène chimique : c’est une action de rétrac- tion comparable à la formation du caillot sanguin. L'action est la même, comme nous allons le voir, sur le phosphate gélatineux en solution. En le dissolvant dans l'acide chlorhydrique étendu, on voitque, pour le dissoudre, ilfautajouter assez exactement la quantité d'acide chlorhydrique voulue par l'équation (PO“Cas + 4 HCI — (PO“H2)?Ca + 2CaCP, qui correspond à la formation du phosphate monobasique. Il existe un autre critérium de l’exactitude de cette conclusion. L’acidité de la solution chlorhydrique, mesurée avec la phénol- phtaléine comme indicateur, ne change pas quand on y ajoute le phosphate tribasique. C’est ce qui doit arriver s’il se forme du phosphate monobasique, qui peutencore, comme on sait, saturer deux équivalents de base, en faisantle virage avec laphénolphta- léine. Une solution faite par cette méthode, et contenant 2 0/0 de phosphate tribasique, se trouble quand on la chauffe à l’ébulli- tion, et laisse déposer avec lenteur des tablettes plates parallélo- grammiques, nettement cristallisées, que nous rencontrerons souvent dans la suite de cet exposé, et qui sont un hydrate du phosphate bibasique de chaux PO*CaH. Ici se présente une première remarque. Le corps qui se précipite n’est pas du tout SUR LA COAGULATION DE L’ALBUMINE. 653 identique à celui qui était en solution, et qui, comme nous l’avons vu, était du phosphate monobasique. Son apparition est en outre accompagnée d’une diminution d’acidité dans la liqueur, toujours en prenant comme indicateur la phénolphtaléine. Or, ces varia- tions dans l’acidité de la liqueur s’observent aussi pendant la coagulation de l’albumine sous l’action de la chaleur. M. Gautier a trouvé que la quantité de soude mise en liberté par la coagu- lation de 100 parties d'albumine supposée sèche était de 05,161 NaOH. L'origine de cet alcali est beaucoup moins nette dans le cas de l’albumine que dans le cas du phosphate de chaux. Peut- être faut-il en chercher l'origine dans une réaction intérieure des sels de l’albumine, au lieu de la chercher dans l’albumine elle- même. Quoi qu'il en soit, voilà une réaction que rien ne permet de distinguer d’une réaction de coagulation d’albumine sous l'influence de la chaleur, sauf qu’elle donne un corps cristallin bien connu et facilement reconnaissable, et ce corps n'était coutenu qu'en puissance dans le liquide chauffé. La composition du précipité est différente du corps en solution. Elle est aussi différente de celle du phosphate tribasique duquel on était parti. Il y a moins de chaux et plus d'acide phos- phorique. Par contre, il reste en solution dans le liquide, une fois le précipité formé et séparé par le filtre, plus de chaux et moins d'acide phosphorique qu’au début. Ce liquide, saturé en partie par un alcali, peut donner, à des températures variables, suivant la quantité d’alcali ajouté, des précipités se formant avec plus ou moins de lenteur, à des températures qui peuvent varier de la température ordinaire à celle de l’ébullition : ces précipités sont précédés par une opalescence du liquide, ils sont gélatineux parfois au début, pouvant ensuite devenir cristallins. De plus, bien que provenant de liquides différents, ils sont tous, au début au moins, du phosphate bibasique ‘. Mais nous allons retrouver des phénomènes du même ordre en étudiant les solutions acides du phosphate bibasique, avec lesquelles nous aurons en outre l'avantage que, les précipités ayant la même composition que le sel duquel on est parti, nous n’aurons pas dans les eaux mères qui auront laissé déposer les diverses cristallisations les varia- 1. La proportion de chaux y augmente vers la fin, à mesure que le liquide s’enrichit en chaux et s'appauvrit en acide phosphorique. 654 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tions de teneur en chaux et en acide phosphorique que nous venons de constater avec le phosphate tribasique. Disons tout de suite, pour n'avoir pas à y revenir, que le phosphate acide de chaux, qui est soluble dans l’eau,se comporte comme les solutions acides ‘de phosphate tribasique: il se précipite aussi du phosphate bibasique sous l'influence de la chaleur, à une température qui dépend à la fois de la proportion du sel dissous et du titre acide de la liqueur. Mais là encore il y a des variations de composition que nous allons éliminer en étudiant le phosphate bibasique cristallisé. VII Phosphate bibasique cristallisé. — Ce phosphate est insoluble dans l’eau, mais soluble dans les acides, même faibles. J'ai surtout opéré avec les solutions chlorhydriques: les résultats généraux sont les mêmes avec tous les acides. Quand on met de ce phosphate dans une solution étendue d'acide chlorhydrique, la dissolution, d’abord rapide, devient de plus en plus lente, et tend évidemment vers une certaine limite. Si on a mesuré l'acidité initiale de la liqueur avec le méthyl- orange et la phénolphtaléine, on constate qu'à mesure que le phosphate se dissout, l'acidité diminue au méthyl-orange et augmente à la phénolphtaléine. Finalement quand, au bout de quelques jours, la liqueur a dissous à peu près tout ce qu’elle pouvait dissoudre de phosphate l'acidité est à peu près nulle au méthyl-orange et elle a à peu près doublé à la phénolphtaléine. Cela démontre qu'ici encore le corps qui entre en solution est le phosphate monobasique (PO*H>)* Ca, et que laréaction de disso- lution est (PO“H}2Ca? + 2HC1 — (PO*H2}Ca + CaCB. Nous avons donc là une sorte de liquide saturé, dans lequel la production par un moyen quelconque d’un précipité de phos- phate bibasique s'accompagnera d’une diminution d'acidité à la phénolphtaléine, ou d'une augmentation d’acidité à l’orangine, soit dans les deux cas de la mise en liberté d’un peu d’acide chlorhydrique jusqu'au moment où, tout le phosphate bibasique étant précipité de nouveau, la liqueur se retrouvera ce qu’elle SUR LA COAGULATION DE L’ALBUMINE. 655 était à l’origine, une simple dissolution d’acide chlorhydrique. Or, avec cette solution de phosphate, on n’a que l'embarras du choix parmi les moyens de précipitation, les sels neutres, les alcalis ou l’action de la chaleur. Je passe sans insister sur l’action des sels, pour lesquels nous retrouverions des phénomènes déjà connus, et d’autres qui méritent une élude spéciale. Je voudrais montrer, ce qui est l'objet essentiel de ce mémoire, qu’en faisant agir séparées ou combinées, l’action des alcalis et celle de la cha- leur, on peut obtenir, à la température qu'on veut, des coagula- tions en tout semblables à celles des dissolutions d’albumine. Ilme suffira pour cela de résumer uneexpérience dans laquelle j'avais fait dissoudre du phosphate bibasique de chaux pur dans une solution à #,1 0/0 d'acide chlorhydrique pur. La liqueur n’était pas saturée, car l’acidité avait seulement augmenté de moitié, au lieu de devenir double. En somme, le liquide ne con- tenait que 11 0/0 de phosphate bibasique. Voyons d’abord comment il se comporte sous l'action de la chaleur, et supposons que nous opérons sur un volume de 100 c. c. En le chauffant doucement et en le maintenant constam- ment agité, de façon à éviter les surchauffes locales, on constate que le liquide, limpide jusque-là, louchit à 80° d’une façon pro- gressive, et en passant par toutes lesgradations qui indiquent le progrès de la condensation moléculaire : apparition d’une teinte bleue qui est la première manifestation visible de la coalescence, puis formation d'un louche blanc et transparent qui correspond à une augmentation de volume des agrégats. À ce moment il n’y a pas encore de précipité, mais il ne tarde pas à apparaître sous la forme de flocons très ténus qui semblent d’abord amor- phes, peut-être parce qu'ils sont très pelits, et qui ne tardent pas à prendre l’état cristallin. Pour en accélérer la formation, je chauffe au baïn-marie à la température de 85°, que je ne dépasse pas. Il se forme un premier précipité A, qui est un hydrate du phosphate bibasique (PO*H)Ca:; chauffé au rouge, il pèse 0:,477 et contient 44, 30/0 de chaux. Disons tout de suite, pour n'avoir pas à y revenir, que tous les précipités que nous allons rencontrer, analysés, ont montré la mêmeteneur en chaux, qui était aussi celle du phosphate bibasique mis en œuvre. Leur formation ne changeait donc pas d'une façon sensible le rapport entre l'acide phosphorique et la chaux en solution, de sorte 656 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qu'on peut, si on veut, les envisager comme des dépôts successifs du phosphate bibasique dissous dans l’acide chlorhydrique. Ils ne diffèrent entre eux que par la proportion d’eau de cristallisation, mais c’est là un point que nous laissons de côté pour le moment pour y revenir à la fin de ce mémoire. Reprenons le liquide limpide provenant de la filtration des cristaux A. Cette filtration peut d'ordinaire se faire à une température quelconque sans redissolution sensible du précipité cristallin. Il est en effet remarquable que la liqueur refroidie en présence de son précipité ne revienne pas à l’état d'équilibre à froid duquel elle était partie, et qui correspond à la dissolution complète du phosphate. De même lalbumine précipitée ou coagulée ne se redissout pas par refroidissement. Mais cette multiplicité des états d'équilibre correspondants à une même température est le cas habituel dans ces précipitations. Je les ai observés et signalés à propos du sulfate de quinine précipité sous l’action des sels, et nous essaierons bientôt d'en montrer la cause. Contentons-nous pour ie moment d’en signaler le double caractère d'originalité et de généralité. On peut dire que, pour cette catégorie de corps, le mot solubilité n’a plus de sens. Chauffons maintenant le liquide filtré. Il reste encore limpide à l’ébullition, mais il recommence à se troubler à une tempéra- ture de 110° environ, en présentant les mêmes gradations que plus haut. Pour le pousser à bout dans cette direction, je le maintiens 5 minules à 120° et je recueille 15,037 d’un précipité cristallin B, qui est encore un hydrate de phosphate bibasique. Le liquide de filtration des cristaux précipiterait sans aucun doute à nouveau à une température supérieure. Mais on voit alors mal ce qui s’y passe. On peut le ramener à précipiter à nouveau à une température plus basse en saturant une partie de l'acide avec de la potasse, de la soude ou de l’ammoniaque. Il ne faut pas employer la chaux pour ne pas faire varier la proportion de cette base à l'acide phosphorique en solution. Dars l'expérience que je relate, j'ai ajouté environ 1 gramme de KOH. Le liquide limpide se trouble au voisinage de 90°, et, soumis à l’ébullition, dépose 05,510 d’un nouveau précipité C qui est encore un hydrate de phosphate bibasique. Filtrons à nouveau. Nous pouvons amener ce liquide limpide SUR LA COAGULATION DE L'ALBUMINE. 657 à louchir et à donner un précipité nouveau à la température ordinaire. Il suffit pour cela d’y ajouter environ 1er,5 de KO. On s’arrèle au moment où le précipité gélatineux, qui se forme à l'endroit où on verse la solution de polasse, commence à ne plus disparaitre. On voit alors le louche qui reste augmenter peu à peu, avec une assez grande lenteur, et aboutir à la formation d'un nouveau précipité cristallin, formé de tables parallélo- grammiques et de rhomboëdres aplatis, groupés en nodules irréguliers. Il pèse 1,187, et c’est encore un hydrate D du phosphate bibasique, Le liquide, limpide après filtration de ce précipité, se trouble de nouveau à 60° : en le maintenant quelques minutes à 65°, on en tire 0#,280 d’un nouveau précipité cristallin E, très semblable au précédent par ses formes cristallines. De mème, à 80°, nouveau précipité dans le liquide filtré de E. Je ne dépasse pas 85°. Cette fois les cristaux sont des tables aplaties, un peu arrondies aux angles, et deforme presque ovale. £'est encore un hydrate F de phosphate bibasique. Il pèse Osr,670. À 100°, nouveau précipité dans le liquide filtré de l'opération précédente. Ii pèse 0,530. Nous l’appellerons G. À 120°, nouveau précipité H, faible, pesant seulement 0:,117. Nous avons ainsi épuisé à nouveau sur le liquide partiellement saturé l’action des températures facilement accessibles, mais nous pouvons recommencer un nouveau cycle, en ajoutant à nouveau de la potasse pour saturer en partie le liquide résidu de l'opération précédente. En y ajoutant environ 1# de KOH, on obtient à nouveau un précipité [, gélalineux d’abord, eris- tallin ensuite, et se formant très lentement. Au bout de quelques heures, 1l n'a encore atteint que le poids de 0:,046. Ce sont des prismes à troncatures obliques, dont quelques-unes simulent des Josanges. | Le liquide filtré reste limpide jusqu'à 77°. Je ne dépasse pas 19°. Quand on se tient ainsi au voisinage de la température d'apparition du premier louche, le précipité met plus longtemps à se former, mais la fin du phénomène n’en apparaît pas moins d'une facon tres nette. Tant que de nouveaux cristaux se forment ou n'ont pas alteint la dimension qui leur permet de se déposer, le liquide reste louche ou trouble. Puis il s'éclaircit rapidement et aucun louche nouveau n'y apparail, même avec le temps, 42 658 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. même lorsqu'on augmente légèrement la température. Il se pro- duit un équilibre stable, analogue à ceux que nous avons vus présider à la précipitation du sulfate de quinine sous l’action des sels. Quand il est atteint, on peut filtrer. Je recueille ici 0:,250 d’un précipité cristallin J, qui est encore un hydrate du phosphate bibasique. A l’ébullition, nouveau précipité K pesant 0+r,723. Cette fois, celui-cise forme au fond du vase sans trouble préalable du liquide. Mais il ne provient pas d’un phénomène d’évaporation, car le liquideestchaufféau bain-marie, ell’évaporation yestnégeligeable. C'est encore an hydrate de phosphate bibasique, ayant des formes cristallines très voisines des précédents. A 125°, nouveau précipité L de lames plates, chatoyantes, losangiques. Celles-ci sont assez solubles dans l’eau froide, au contraire des dépôts précédents,-et le lavage sommaire auquel je les soumets ne m'en laisse que 05,437. C’est pourtant tou- jours le même hydrate, différant des autres en ce qu'il est très soluble dans l'eau froide. C'est ainsi que la tata-albumine de M. Tarchanoff peut se dissoudre dans l’eau bouillante sans que pour cela elle soit distincte de l’albumine ordinaire. Je rajoute de nouveau 0:,9 de KOH au liquide filtré limpide, en m'arrêtant cette fois avant l'apparition de tout précipité et de tout louche persistant. Le liquide limpide louchit à 60°. Je ne dépasse pas 64°. Il se forme des cristaux assez volumineux, qui semblent facilement solubles dans le liquide qui se refroidit et dans l’eau froide, et que je suis obligé de laver à l’eau à 60°. Le précipité M pèse 0:,137. Le liquide filtré est chauffé au bain-marie jusqu’à l'apparition d’un trouble qui se manifeste seulement à 95 degrés. Cette fois, je ne dépasse pas cette température, afin d’assister à la transfor- mation du louche initial en un précipité de plus en plus volu- mineux N. J’en trouve 0:",582 au bout de deux heures. Au lieu d'essayer l’action d’une température plus élevée, je rajoute celte fois de l’ammoniaque jusqu'à formation, à froid, d’un louche qui aboutit à la formation de quelques tables plates, parallélogrammiques, que je filtre, mais que je ne pèse pas. Le liquide filtré donne à 100° un précipité cristallin O pesant 05,512. En rajoutant de la potasse au liquide refroidi jusqu'à forma- lion d’un précipité gélatineux très faible que je filtre, le liquide SUR LA COAGULATION DE L’ALBUMINE, 699 chauffé à 100° donne un nouveau précipité P pesant 0:,502. Filtré, et additionné de nouveau de potasse de façon à four- nir un précipité gélatineux persistant, ce liquide me donne encore à froid 02,434 d'un précipité cristallin Q. L'addition d’eau de chaux détermine la formation à 85° d’un nouveau précipité R pesant 02,049. Dans le liquide filtré, et que l'ébullition ne trouble pas, Paddition de quelques gouttes de potasse détermine un dépôt cristallin S, pesant 0:",320. Enfin, le liquide qui reste, et dont les saturations précédentes ont diminué l'acidité, est saturé à moitié à la température ordi- naire, avec une solution de potasse. La masse se remplit d'un précipité gélatineux qui devient assez rapidement cristallin. La transformation se fait par l’apparition d’une foule de nodules crislallins qui grossissent, en même temps qu'à côté disparaissent les masses amorphes et granuleuses. Ce n’est pas une transmu- tation du dépôt gélatineux en dépôt cristallin qui remplace le premier in situ. Ge sont deux formations indépendantes dont l’ane se détruit pendant que l’autre se produit. Cette fois le précipité cristallin T est volumineux et pèse 15,150. [l contient, après chauffage au rouge, 4#, 6 0/0 de chaux. C’est donc encore du phosphate bibasique. Le liquide qui l’a fourni est à peu près épuisé et je l’abandonne. IX On voit, en résumé, par tout ce qui précède, qu'on peut, en ajoutant une quantité convenable d’un alcali à une solution de phosphate bibasique de chaux dans l'acide chlorhydrique, mainte- nue à une température quelconque, y déterminer la formation d’un louche ou d’un trouble gélatineux, aboutissant tous deux à un précipité cristallin qui est toujours de même nature. On n'a donc aucun droit de considérer comme différents les dépôts d'albumine d'œufs divers, obtenus à des températures différentes en présence de quantités variables de différents sels ou du même sel. De plus, le liquide limpide obtenu par filtration du premier précipité de phos- phate peut donner, non pas d’une façon continue, mais par à-coups, quand on élève sa température, des précipités nouveaux, échelonnés sur la graduation thermométrique, dont les uns sont solubles, lorsque le liquide se refroidit à nouveau, et les autres 660 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. non, à légal des solutions coagulées d'albumine. On n'a donc aucun droit de considérer comme différents les divers dépôts d'albumine retirés d'un méme liquide chauffé à des temp‘ratures différentes, et l’analogie entre tous ces phénomènes se poursuit en ce que, dans la précipitation de l’albumine comme dans celle du phosphate bibasique, la composition du résidu salin resté dans le liquide subit de faibles modifications à la suite de chaque dépôt nouveau. Une partie de Ja chaux du chlorure de calcium est, par exemple, entrainée à l’état de phosphate dans nos expériences. On n'a donc aucun droit d'arquer, comme on la fait si souvent, des différences dans la composition des cendres pour différencier les précipités ou les cougu- lums qui les ont fournies. Chaque précipité colloïdal se fait dans un liquide de composition minérale variable, et entraine, soit sous forme de composé chimique, soit par voie d'adhésion molécu- laire, une partie variable des éléments minéraux de Ja liqueur. X Mais ce n’est pas assez que de tirer des faits qui précèdent des conclusions négatives. Les précipités que nous venons d’ob- tenir ressemblent tellement, pour les lois de leur apparilion, aux précipités de matières albuminoïdes, qu'il serait utile de saisir le mécanisme de leur formation, assuré qu'on serait d’en tirer quelque lumière au sujet du mode de producuon des coagulums albuminoïdes. À ce point de vue, les résullals qui suivent ne manquent peut-être pas d'intérèl. J'ai dit de tous ces précipilés qu'ils étaient des hydrates du phosphate bibasique de chaux (PO'IF) Ca°. Il est remarquable que, bien qu'ils soient formés en présence du chlorure de eal- cium et de quantités variables de potasse, de soude ou d’amino- niaque, ils ne contiennent jamais de ces alcalis en quantités sensibles, et en particulier on ne lrouve jamais qu'ils se rappro- chent, même de loin, de la composition de lapalite, combinai- son de phosphale de chaux bibasique et de fluorure de calcium. En échange, ce qui est incessamment variable de l'un à l'autre, c’est la proportion d’eau contenue dans les cristaux. Tous ces précipiltés se dessèchent rapidement quand on les laisse à l'air et prennent un poids constant. C’est à cet état qu ils out élé pesés. Lorsqu'on les poite ensuite dans l’étuve à eau Ÿ=) + Le 2 SUR LA COAGULATION DE L’ALBUMINE. 661 bouillante, ils perdent parfois trois ou quatre millièmes de leur poids. Après quoi, le poids ne varie plus. La petite quan tilé d'eau éliminée ainsi peut être comptée, soit comme de Peau d'imprégnation des cristaux, soit comme de l’eau de eristallisa- tion, bien que la partie qui en a disparu à 100° soit très souvent inférieure à { molécule d’eau pour 1 molécule de sel, Mais, si or prend maintenant cette température de 100° pour point de départ, et si on cherche comment se comporte l’eau que les cristaux contiennent encore à celte température, on observe des phéno mènes singuliers, en désaccord avec les notions actuelles de la science. , A ce point de vue, nous pouvons fâire deux classes. La pre- mière comprend les précipités qui perdent toute leur eau en une seule fois, ou au moins entre des limites étroites de température en général supérieures à 200 degrés; la seconde comprend les précipités pour lesquels la perte d’une partie de l’eau est gra- dueile à mesure qu’on s'éloigne de 100°, mais qui, après en avoir cédé une partie, en conservent avec obstination une portion qu'ils ne cèdent qu'aux mêmes températures que les premiers, Donnons un exemple de chacun de ces cas: 1° Phosphate bibasique et cristallisé de chaux, vendu comme pur et conte- nant, en effet, 44,3 0/0 de chaux. On prend dans le flacon le sel non desséché, Pertesa 002 /#aprés 4/2%heurc-2 Re 0. F0 801070 — ANT RER EME ee Te 7,01 0/0 — DARETRES ARE NE ER ETS 7,63 0/0 — DITEUNES Nr A tien 7,63 0/0 En portant alors pendant 1 heure à 125°-130°, il n’y a pas de perte nouvelle, il ne s’en manifeste que lorsqu'on chauffe à nu, au-dessus d’un bec de gaz, et la perle au rouge atteint 8,03 0,0 du poids du sel à 4000. 2% Précipité T de la p. 659, pesé après 48 heures de séjour à Pair. Perte à 100° après 1/2 heure............... —10:69-070 — ARHEUTES. PPT Cet 1,48 5» = ARhOUTE AIO PRE RER 162; D0Me) On porte à 130o. Perte après 1/2 heure............... .. 3,00 070 _ heure 2 eV ET 3,38 » On porte à 1600. Perte après 1/2 heure.................. 5,63 0/0 — ANHEUTEL EL SE 6,34 » —_ 1heure 12; 0. one 6,614 » Onfporte a 1480». -Perte-aprés 2/heures...."".."111".2%. 8,87 0/0 — SANEUTOS PERRET 8,945 » Les pertes ont donc cessé ou sont devenues très lentes, puisqu'elles n ont pas atteint 4 milligramme en 1 heure à 18ÿ°. Ce même sel, desséché à 180, perd pour- tant encore 19,1 0/0 de son poids à 180° lorsqu'on le chauffe au rouge. On voit que les deux sels se comportent différemment au- dessus de 100°. Pour le premier, il n’y a pas de pertes nouvelles 662 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. jusqu’au moment où tout ce qui reste d’eau s’en va à la fois. Pour le second, les pertes augmentent à mesure qu’on chauffe au delà de 100°, mais elles atteignent un terme fixe qu'elles ne dépas- sent qu'à une température beaucoup plus élevée. XI Cela posé, ce qui est remarquable, c’est qu'aucune de ces pertes, de quelque façon qu’on les calcule, ne correspond à celles que font prévoir les notions scientifiques actuelles. D’après ces notions, il y a dans le phosphate bibasique de chaux une molécule d’eau de constitution, distincte par le rôle qu’elle joue, et le phosphate bibasique cristallin est un hydrate du corps PO*HCa. Ce corps, anhydre au rouge, donne du pyro- phosphate en perdant 6,6 0/0 d’eau. M. Debray en a signalé un hydrate PO*HCa,2H°0 devant perdre 20,9 0/0 de son poids quand il a abandonné ses deux molécules d’eau de cristallisation, et 26,2 0/0 de son poids au rouge. Un corps qui aurait pour formule PO'HCa+1/2 H°0 devrait perdre de même 6,2 0/0 pour son eau de cristallisation; et au rouge 12,4 0/0 de son poids, vu la perte de l’eau de constitution. De même pour un corps de formule PO*HCa-L H°0, Îles pertes devraient être respectivement 11,7 0/0 à la température à laquelle disparaît l’eau de cristallisation, et 17, 5 0/0 au rouge. Un corps de formule PO* HCa +3/2 IF°0 devrait perdre de mème 16, 6 0/0 et 22, i 0/0 de son poids. J’ai donné il ny a qu'un instant le chiffre des pertes pour le sel à 2 molécules d’eau, et il n’y a pas besoin de pousser plus loin, car nous sommes arrivés à des chiffres de perte que ne dépassent pas ceux de mes expériences. Je ne peux pas comparer à ces chiffres théoriques ceux que j'ai trouvés à la page précédente pour le phosphate de chaux du commerce. Ce sel, obtenu probablement par double précipitation entre le chlorure de calcium et le phosphate de soude en liqueur acide, comprenail sans doute un mélange d'hydrates divers obtenus à diverses températures dans l'opération industrielle. Mais notre précipité T a été obtenu à température ordinaire, par voie de cristallisation lente. On voit pourtant : 4°, qu'à 180° il retient encore de l’eau dite de cristallisation ; 2, qu'iln’en relient SUR LA COAGULATION DE L’ALBUMINE. 663 pas un nombre simple de molécules, puisque ce nombre est compris entre À et 3/2; 3°, que cette eau de cristallisation ne se différencie pas nettement de l’eau de constitution, puisqu'elle part à peu près à la mème température. On relève les mêmes particularités pour tous les précipités de la longue expérience relatée plus haut. Tous ces précipités ont été séchés d’abord à l’air pendant 48 heures, puis à 100° jusqu'à cessation de la perte de poids. Très généralement la variation entre la température ordinaire et 100° était insignifiante. A ce moment, on chauffait sur la flamme d’un bec de gaz d'abord, sans porter au rouge, ce qui suffisait à éliminer la plus grande partie de l’eau. On terminait au rouge vif sur la soufflerie, ce qui faisait disparaître seulement quelques milligrammes d’eau qui avait résisté jusque-là. Le tableau suivant donne les pertes de 100° au rouge trouvées pour ces divers précipités. Afin de faire la distinction des tempé- ratures variées auxquelles ils ont élé obtenus, on les a rangés sur à colonnes indiquant les températures au voisinage desquelles chacun d’eux s’est formé. Les températures exactes de formation sont reiatées dans le récit de l'expérience, et il n’y a pas utilité à préciser davantage dans ce tableau récapitulatif. Perte au rouge des divers précipités chauffés à 100. 150 600 80° 100? 1200 AMEL » » | 1,8 » » HÉERSCUE » » » » 7.49 Core ? » » 7,54 » D s-sleiet eee 920.4 » ) » » E fees. » 25,8 » ) » EME L » 9,43 ) » G ) » » OT) » MERE » » » » 1 ,OÙ ] 95.5 » » » » Prune » » 21 +9 » D Kaer re » » » 8.84 » IDE Jar » » » » 7.32 M OI » 26,5 » » » MERE » » » 40,65 Or » » » 8.02 RE » » » 8,0 ) (ORALE : 6,4 » " e t RTE. » » » » ) DRE » ) » 7,46 Cetableau confirme nos conclusions tirées de l’étude du préci- pité T. On voit non seulement que la plupart de ces chiffres ne 664 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. correspondent pas à la perte d’un nombre simple de molécules d'eau de cristallisation ou de constitution, mais encore qu'à une même température les précipités peuvent contenir des quantités d’eau variables, que le chauffage à 100° ne peut pas faire dispa- raître (A et J, Net S). En particulier, à 100°, nous n’avons pas retrouvé les résultats signalés par M. Debray, qui avait obtenu un phosphate anhydre perdant au rouge 6,6 0/0 d’eau. Tous les nombres de la 4° colonne sont supérieurs à ce chiffre et celui de N notablement supérieur. En regard de cette conclusion, en voici une autre qui n'est pas moins instructive. A 15°, le précipité est bien voisin de la formule PO*HCa, 2H°0. Il en est de même pour le précipité M à 60°. Donc, si deux précipités à la même température peuvent ne pas être identiques, deux précipités à des températures différentes peu- vent au contraire l'être, et voilà encore une nouvelle confirmation du scepticisme à porter dans l'interprétation des réactions sur les matières albuminoïdes. D'une manière générale pourtant, la quantité d’eau que retiennent les précipités diminue à mesure qu'ils ont été obtenus à plus haute température. Commentinterpréter maintenantces résultats? Cette fragmen- talion, cet émiettement des précipilés est-il en rapport avec la faculté de former deshyärates complexes, entre lesquels se produi- rait ensuite une sulure par suite de l'élimination d’une molécule d’eau, comme dans la formation des anhydrides. Lacondensalion, la coalescence des molécules résulterait-elle de ces soudures multi- ples, aboutissant à laformation d'un hydrate complexe susceptible de se souder de nouveau à lui-même pour donner un hydrate nouveau contenant moins d’eau et plus de sel. Ce sont là des idées qui ne sont pas nouvelles dans la science, et il ya longtemps qu'on a cherché à expliquer la coagulation des matières albumi- noïdes parlaformalion d’hydrates particuliers. Mais mes recher- ches placentla question sur un terrain où elle est plus accessible à l'expérience, et j'ai commencé à recueillir des documents pour la résoudre. Je dois attendre qu’ils soient plus nombreux avant de les publier. ANALYSE BACTÉRIOLOGIQUE DE L'AIR DEN HAUTEUR PUISÉ PENDANT UN VOYAGE EN BALLON Privat-docent à l'Université de Genève. Ayant eu l’occasion de faire un voyage en ballon, nous en avons profité pour puiser de l'air dans des couches très élevées de l'atmosphère, plus ou moins directement au-dessus de là ville de Genève. Les conditions de ce puisage en ballon différent considéra- blement de celles d’un puisage fait sur un monument ou une montagne. En effet, les monuments sont en premier lieu tous de faible hauteur et ne constituent en somme que des élévalions du sol, dont ils font encore partie. Il en est de même des montagnes, et, si des expériences ont démontré que les bactéries y sont rares ou mème nulles, cela peut tenir autant au fait de l'isolement des montagnes qu'à celui de leur élévation sur le niveau de la mer. Il était donc intéressant de connaître comment se comporte, au point de vue bactériologique, l’air des hauteurs puisé d’une manière indépendante du sol. Nous sommes partis de Genève avec le ballon Urania, capi- taine Spelterini, le 1{ septembre 1892. Les conditions de l'at- mosphère étaient les suivantes, d’après le bulletin de l'Observa- toire de Genève : 11/IX/92. Direction du vent : À heure de l'après-midi : N.-N.-E.-2; 10 heures soir : S.-E.-0. Baromètre : 732 (moyenne 727). Température : minimum 59 5 cent.: mazimum 189,4 à 5 heures 17°. Eau tombée : 0; le 10 :0; le 9: 2mm,$, Partis à 4 h. 30 de l'après-midi, nous nous sommes rapide- ment élevés à 550 mètres au-dessus du niveau de la mer, soit 160 mètres au-dessus de Genève. À peine parlis, nous com- 666 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mencions l'aspiration au moyen d’une pompe de laboratoire (obligeamment prétée par M. le professeur Schiff}, donnant un litre d'air par trois coups de piston. Nous aspirions 10 litres d'air dans chaque aéroscope et l’aspiration durait un certain temps, qu'il est assez difficile d'apprécier en mètres de mon- tée : ce temps était d’ailleurs différent au commencement et à la fin de l’ascension. Pendant le puisage, nous tenions l’aéroscope à la main, au dehors de la nacelle, aussi loin que pouvait arriver notre bras étendu. Nous avons pu ainsi faire passer 10 litres d’air dans chacun des 10 aéroscopes que nous avions portés avec nous, et cela seu- lement pendant le trajet de 550 mètres à 1,700 mètres au-dessus de la mer, soit de 1450 mètres à 1,300 mètres au-dessus du sol. Cela correspond approximalivement à un puisage tous Îles 100 mètres. La descente eut lieu à 6 h. 1/4, — après que nous eùmes atteint environ 3,000 mètres. Les germes furent fixés peu après dans les aéroscopes mêmes, dont le fond constituait une plaque de gélatine. Ici, nous devons ouvrir une parenthèse pour décrire l’aéros- cope dont nous nous sommes servis. | Dans nos recherches précédentes sur les bactéries de l'air, nous avons employé de préférence l’aéroscope de Straus et Würtz : d’autres fois nous avons utilisé avec avantage celui de Miquel, à barbotage dans le bouillon liquide. Comme il nous était impossible de nous servir du feu en ballon, nous n’avons pu employer ni le premier de ces instru- ments, qui nécessite le chauffage au bain-marie de la gélatine, ni celui de Miquel, qui tout en donnant des résultats très précis dans un laboratoire, où l’on fait l’ensemencement immédiate- ment après le barbotage, re rend plus les mêmes services lorsqu'on doit attendre un temps plus long, et expose à des erreurs très graves par suite de la multiplication des bactéries en suspension dans le bouillon. L’emploi d’une glacière, qui obvie à ces inconvénients, ne nous était guère possible dans Île ballon. Nous avons tenté de remédier à ces inconvénients en modifiant l'appareil de Straus et Würtz, et nous y avons réussi, croyons-nous, d'une manière satisfaisante. L’aéroscope que nous avons employé n’est au fond qu'une combinaison de celui de Miquel avec celui de Straus et Wür£z, ANALYSE D’AIR PUISÉ EN BALLON. 667 de manière à lui donner les avantages des deux, tout en lui enlevant les inconvénients qui les rendaient inutilisables dans notre cas particulier. Voici la description de notre appareil : Un ballon, ayant préférablement le fond plat de ceux d’Erlen- meyer, est bouché hermétiquement par un bouchon percé de deux trous dans lesquels entrent deux tubes de verre {fig. 1). ; OO) 7, L'un de ces tubes, 4, est court et recourbé : il dépasse à peine, à l'intérieur du ballon, la surface inférieure du bouchon. Dans ce tube 1] y a deux tampons de ouate. L'autre tube, b, arrive presque au fond du ballon, sans cepen- dant le toucher : son extrémité supérieure se termine par un évasement recouvert par un capuchon rodé, comme dans les matras Pasteur. Jusqu'ici l'instrument pourrait servir aussi bien comme aéroscope de Miquel avec de l’eau que comme aéroscope de Straus et Würtz, avec la gélatine. Pour éviter les inconvénients mentionnés plus haut, nous versons dans le ballon 10 grammes de bouillon contenant 20 0/0 de gélatine au lieu du 10 0/0 habituel, et nous stérilisons le tout, Lorsque la gélatine est solidifiée, nous y versons avec précau- tion une quantité égale de bouillon ordinaire stérilisé. L’extré- mité inférieure du tube b n'arrive pas à toucher la couche solide de gélatine, qu'il effleure seulement, mais est immergée dans le bouillon. | Pour faire marcher l'appareil, il suffit d'exercer une aspi- ration en & après avoir enlevé le capuchon rodé c. L'air barbote 668 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans le bouillon en y laissant ses germes. On aspire ensuite plusieurs fois le bouillon dans le tube b pour le laver, et, cela fait, on n'a qu'à tremper le fond du ballon dans l’eau tiède pour faire fondre Ja. gélatine, qui, en se mélangeant avec le bouillon, formera, au lieu d’une gélatine à 20 0/0, un B. P. G. normai à 10 0/0. Le tout peut être laissé dans le ballon, dont le ford constitue une plaque : il va sans dire que l'on peut au besoin verser la totalité ou une partie du contenu sur plusieurs plaques, ou l’enrouler d’après la méthode d'Esmarch. * Cel aéroscope possède donc les qualités de celui de Miquel, c'est-à-dire qu'il peut être employé sans l’aide immédiate d’une flamme, et a en outre les avantages de celui de Straus et Würtz, de permettre la fixation immédiate des germes dans la gélatine. Si on l'emploie en ballon où au sommet d'une montagne, il suffit de le plonger dans l’eau tiède dès qu'on arrive dans un endroit habité. Cet instrument a en outre sur celui de Straus et Wäürtz l'avantage qu'il ne se produit pas d'écume sur la gélatine, écume si génante pour la lecture ultérieure des colonies. et dont la formation n’est que partiellement empèchée par la goutte d'huile préconisée par les auteurs. Comme contrôle et complément de l’analyse, on peut remplacer, après la fixation des germes, le bouchon porteur des deux tubes par un tampon d'ouate et appliquer le bouchon sur un autre ballon contenant 10 grammes de gélatine à 20 0/0. On verse du bouillon tiède par le tube b, qui est ainsi relavé, on met le Lout dans l’eau liède pour fondre la gélatine, après avoir laissé tomber dans le ballon le deuxième tampon d'ouate du tube a. Les germes qui se dévelop- pent dans ce deuxième ballon doivent être ajoutés à ceux du pre- mier. On peut aussi plus simplement, lorsque la gélatine du premier ballon est liquéfiée, en aspirer dans le tube b et l'y laisser figer; s'il reste quelques germes, ils se développeront dans le tube. L'appareil de Straus et Würtz peut être utilisé de la même manière, en raccourcissant le lube central, de manière qu'il n'arrive qu'à nu-hauteur de la partie rétrécie du fond : nous avons employé celui que nous venons de décrire parce qu'il nous a été plus facile d’en obtenir rapidement un certain nombre, à peu de frais. Revenons à présent à nos dix aéroscopes, dans chacun des: ANALYSE D’AIR PUISÉ EN BALLON. 669 “quels nous avons fait barboter 10 litres d'air. Après la fixation des germes par immersion dans l'eau tiède, nous les avons expo- sés à une température d'environ 20°, après avoir remplacé les bouchons portant les Lubes par des tampons d’ouate, et fait encore dix plaques avecle lavage des tubes D de la manière men- tionnée plus haut. Au bout de quatorze jours, nos ballons donnaient les résul- Lats suivants : D EDEN ALTITUDE | 1 pAËLON | M: — BALLON | ALTITUDE AS ; TOTAL (au-dessus -de la mer). (aéroscope). Hors (au-dessus dit sol). 550 mètres. al colonies. | 9 (I moisis.) | où 1604 mètres. 630 — 21 (1 moisis) | » | 21 240 —— TÜ0 —— » | » | -) 310 — S00 — Ra (moists Ie? | 9 110 — 900 — 12 il | 3 510 — 000 ‘= 42 (4 moisis.) | 7 + | 49 GO: = 1,100 — Lait | » | [ 710 = 4,350 = | » » » 060 re 1,700 — | » » » 1,310 — Deux puisages faits daus les mêmes condilions, au niveau du so], ont donné : Premier (sile tranquilie), trois colonies ; Deuxième (jardin fréquenté), dix-huit colonies. La première chose qui frappe en lisant ce tableau est la sléri- lité de l’air des hautes régions. Les deux expériences faites à 1.300 et à 1,700 mètres ont laissé les bouillons stériles. Quant à celles qui ont été faites à des niveaux inférieurs, quelques indications sont nécessaires. Les colonies fournies par les six ballons chargés à faible hau- teur et ayant donné un résultat positif peuvent se décomposer de la manière suivante au poiut de vue de leur aspect extérieur: D No NOMBRE TOTAL | tete COLONIES COLONIES des MOISISSURES D'ORDRE Lu | COLORÉES blanches ou grisàtres. COLONIES | | I 33 1 2 50 1] CH l ) 17 | IV 9 1 ÿ | M 13 » | En VE || 41) 1 o 45 | VII | il » » fl 670 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Au point de vue de la manière de se comporter avec la géla- tine, il y avait : No ù TOTAL LIQUÉFIANTES NON LIQUÉFIANTES D ORDRE I 99 de 92 ul t 9 19 1V 9 à ; n V 1 3 » 3 VI 49 2) AT VII 1 » l Quant à la forme des bactéries, il y avait : No {BATONNETS ; TOTAL COCCI BACILLES | SFIRILLES | MOSNSURES D'ORDRE COURTS Il ) 45 A1 8 » | Il 2 43 4 3 À 1 IV 9 3 4 2 » | V 15 4 À 4 » » NE 49 Al 19 15 » VII il 1 1 » ) » Aucune de ces colonies, parmi lesquelles nous avons distin- gué sept espèces bien distinctes (outre les moisissures) ne repré- sentait une des formes de bactéries pathogènes bien connues. Nous n'avons pas fait de recherches pour déterminer s'il y avait aussi des espèces anaérobies, le temps nous ayant manqué pendant l'ascension pour puiser de l'air dans un nombre plus grand de ballons. Que pouvons-nous conclure de cet examen? Assurément la quantité de germes que nous avons trouvés par 10 litres d'air, à des hauteurs au-dessous de 1,000 mètres, nous ferait penser à une impureté bien grande des couches supérieures de l'atmosphère, si nous ne songions à la grande cause de souillure accidentelle que nous portions avec nous, ou mieux qui nous portait avec elle — l’aérostat. Un ballon, cubant 1,600 mètres, dont lasurface extérieure etles cordages touchent le sol pendant le gonflement, doit certainement en commençant à flutter dans les airs abandonner à l'atmosphère les poussières dont il est saupoudré. ANALYSE D’AIR PUISÉ EN BALLON. 671 La différence très appréciable qu'on remarque entre le premier ballon chargé au niveau dusol(dans un coin (ranquille)et les premiers ballons chargés à des hauteurs variables entre 550 et 900 mètres, est sans doute l'effet de la pluie microbienne se dégageant des parois du ballon. Nous ferons une exception pour le ballon correspondant à 1,000 mètres, où on remarque une brusque augmentation. C’est que nous l’avons chargé en le tenant dans l’intérieur de la vacelle et pas au dehors comme les autres. On peut facilement se figurer quel doit être l’état de l’air d’une nacelle où 5 voyageurs piétinent des sacs de lest et des couvertures poussiéreuses. La précaution de puiser l’air dans la direction vers laquelle se dirigeait le ballon n’a pas été suffisante pour éviter de recueillir les poussières qui s’en détachaient, car ces poussières tombaient d’en haut, le ballon faisant sur nous un toit considérablement étendu. En somme, le puisage de l’air des hauteurs, fait en ballon aérostatique, laisse beaucoup à désirer au point de vue del’exac- üilude des résultats obtenus. On pourrait peut-être améliorer cette méthode en mouillant avec de l’eau le ballon et toutes ses annexes : lesgermes quis’y altacheraient pendant les manœuvres y resteraient ainsi accolés : il est vrai que le poids du ballon en serait singulièrement augmenté. Je doute d’ailleurs qu'on trouverait un aéronaute qui accepterait dans sa nacelle un expé- rimentateur qui jui poserait ces conditions. Le ballon chargé à 700 mètres est resté stérile : nous nous sommes aperçus plus tard que nous avions oublié d’enlever le capuchon pendant qu'on exerçait l'aspiration. A 1,100 mètres nous avons encore constaté une colonie : tous les autres ballons (1,350, 1,700") sont restés stériles. La conclusion très évidente qui se dégage de nos recherches est que l’air des couches supérieures de l’atmosphère, au-dessus de 1,000 mètres, même directement au-dessus d'une ville, est extrèmement pur, car, même avec la cause de contamination que constiiue un ballon, l'analyse a donné des résultats négatifs. Ïl est très probable que cette absence ou rareté de germes com- mence beaucoup plus bas, et que les microbes que nous y avons rencontrés ont élé apportés au moins en grande partie par notre ballon. LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES À MONCOU EN. 19 ANSTITUT PASTEUR DE L'OPITAL ALEXANDRE 11 Communication de M. J. GOLDENDACH, médecin en chef à l'hôpital. L2 Pendant l'année 1892, ont subi le traitement autirabique complet 907 personnes, dont 178 appartenant au groupe A des staustiques de l'Institut Pasteur, 439 au groupe B, 290 groupe C. Sur ce Lotal, il y avait 613 hommes et 294 femmes. I. D’après la place et le nombre des morsures, il y avait : Simples. Multiples. Morsures à la-tête et au visage..." 15 93 = AURAPOISNELS PET ee pere Ut 211 _ aux membres et au tronc......... BI 218 _ à différentes parties du corps... — 94 En “516 Sur ces 94 personnes morduesen différentes points du corps, 22 avaient des morsures à la têle et au visage, ce qui élève à 90 le nombre des personnes mordues à la tète. IT. D'après la façon dont les morsures ont été traitées, il y a eu 117 malades ayant subi une cautérisalion plus ou moins pro- fonde. La répartition a eu lieu de la façon suivante : Cautérisées. Non cautérisées. Morsures a/la téte etau visage tn Re 3 65 — HE a raser ce or doussomae F5Be D 4 922 — aux membres et au tronc........ ais 50 319 — aux différentes parlies du corps....... 10 SL III. D'après le genre de l’animal mordeur, nous trouvons : 0 Morsüres par des chienstes "Te 769 — EN MOUSE een. rri ee POLE TR M) — OASIS en PAU) — RACDOVAUX Nes Modo CCE 11 — FT A VACRER 2 USE PET AL RE TAERES 8 — EN RADORCS NRA NS 2 905 Dans deux cas, les morsures provenaient d'hommes hydro- phobes. FA VACCINATIONS ANTIRABIQUES A MOSCOU. 673 IV. D'après linlervalle entre la morsure et l’arrivée à l'Institut, 1] y a eu : Entrées dans les 2 jours après la morsure .........,...... 28 — dans la 1" semaine après la morsure............. 445 — =— 20 = = AT MODE DE PR ME — dans la seconde moitié du {2r mois après la morsure. 96 OC S QUONIN OISE Re ET PRE D2 V. D’après les mois de l’année, 1l y a eu : Ayant terminé le traitement en janvier 1892.,,., 38 personnes Entrécsreneanviet RES EE SC rene 11 — CREME A MCE aie el D aire Re 65 — A CLR TE URS Eee in PEN ete nn tn Ne ON S4 — À SOMO NEC AE OR RCE A RE A RE 106 — AE DUO ME RS MES EE TS RE A Ie 118 _ SRE COSTUMES Se En ne ta ND tone s 0102 — ee PURGE EE GANT. Me à de ne de 74 = OT LOT R rnei D Are Friend Ce 15 — ARENA Se DLOMULE "SE RE MERS Mr nt 06 — = GI OGÉODDD, PR 7 EN Rent ir LE ie 43 - AT MOV ED RE MSN LATE AG = — ayant terminé en décembre ....... ROIS) — 907 Sur ces 907 malades, 275 venaient de la ville ou du gouver- nement de Moscou, et par conséquent du voisinage immédiat de l’Institut. Aux dernières nouvelles des malades, recues en mars et avril 1893, 1l y avait eu six morts. Cesont : 1° Leb..., gou- vernement de Kostroma;, 2° Blin... K. (Riazan), 2° Smirn.… I. (Moscou). 4% Bonif... A. (Twer), 5° Iwan... Al. (Moscou), 6° Igonu... An. (Penzd). Cela donne une mortalité de 0.66 0/0. On ne meutionne pas daus celte statislique six personnes mortes rabiques avant que le traitement ait été terminé. Enfin 12 per- sonnes n’y sont pas comptées non plus, parce qu’elles n'ont pas désiré ou pu continuer le traitement commencé. L'une d'elles, L..., à Kounzewo, est morte rabique le 21 février 1893. 15/27 août 4893. EM 674 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU STATISTIQUE POUR 1892. A B C Morsures à la tête { simples. . .| » 4 16| ? 7 34l ? 4) 18 et au visage | multiples. .| » | 12 \ TA » | 14 Cantons | efficaces 0) » » » » » » » » ra | inefficaces .| » » » 3| » » » » » SANS SCANTÉLISATLON: Re AG » » 8 » » 18| » » Morsures aux poi- | simples » | 881 D72) » | 55 : les. | j gnets multiples. .| » | 42 SI 102174 » 671122 r : efficaces . . » » » 1 » » Î » » Cautérisations (RE : S LR | inefficaces.| 9 » | -» | 26] :» » À 17/29 » Sans CAUTÉLISANON ENT » » 4147 » » 404 » » Morsuresauxmem- | simples. . .| » | 311 85l ” | 70,4183l » | 50,491 bres etau tronc | multiples. .| » | 34! » [1131 » | 71, ; te { efficaces . .| 1 » » 2| » » ARS ; Cautérisations rrchcaces * « os| , < NES 5 Sans CAUTÉLISA TION Ce » » | 456| » » | 106! » » Morsures à travers les habits . .| 54 » » | 449] » » 97| » » MOrSULES nt 11 » » 24| » » 24| » » Morsures multiples aux ‘diffé- rentesiparties AUICOnpS Eee) 107 ET NEA S en »11-291629 Re { efficaces Gest) » » Al » » » » » Cautérisations | inefficaces . 3 » » n » » JS » Sans iCaulÉrISAION er ete le » » 43| » » 97| » » Morsures à travers les habits. . .| 15 » » 38| » » A7| >» » Morsures ant. eme UT » » 20) » 29| » » 178 439 1290 | 1 — ——_—____—_ I © TOTALE 28 907 Le groupe À comprend les personnes mordues par des animaux dont la rage a été reconnue expérimentalement; le groupe B celles pour lesquelles la rage de l’animal mordeur résulte de son autopsie ou d’observations vétéri- naires ; le groupe C celles pour lesquelles la rage de l’animal mordu est rendue probable par les circonstances de la morsure. EL RE SE TABLEAU STATISTIQUE. GT) TABLEAU STATISTIQUE. DÉS PERSONNES TRAITÉES ET AYANT TERMINÉ LE COURS COMPLET DE TRAITEMENT ANTIRABIQUE A L'INSTITUT PASTEUR DE MOSCOU PENDANT LA PÉRIODE DE SIX ANS, DEPUIS LE 2) JUILLET 1886 JUSQU'AU 29 JUILLET 1892. A B C nn. A — .. RE Re — — Morsures à la tête ; simples » | 25] » | 36), » | 29 ea o L . . (l Î | et au visage. Inulbiples es) mOoE er) 52, , 651101 » | 511 80 Cléneation { efficaces. . .| » » ) » DEA Ra | a NES) ape 5 | inelficaces. .| 4! » | » | 413l » » | 75] » | » RasdeCaulLériISaCIon ee NC 4S| » » 88| » » | »2| » » Morsures aux poi- { simples. ..| » |142; | » [244 (or gnets. | multiples. . .| » 190133? » 4661710 » 2911448 PA Sao { efficaces . . . De) » ADS) » 421.» » RUSSE | inefficaces. .| 54| » » | 498|. » » 67| » » Paskde ca ten ation ste 973| =» 5» 8701. > » | 369! » » Morsures à la tête { simples . . .| » |115, » [297; » |199) LR ; 2 et au visage. | multiples . .| » 127,242) , 4351782) , 13221521 Cautérisation { efficaces . . . FA A) » 16! » » 7 » » PSP UOTE l'inefficaces . . 29! » » 126| » » T0 » » Pas de cautérisation . .-. - . . - . 911| » » | 590! » » | 444! » » Morsures à travers les habits . .| 192! » » | 588| » D PIE » Morsures ame 92e eo EE) » | 144)» » 99| » ) Morsures multiples aux diffé- ventes parties du corps. . . . . » | 61, 61| » 1176,176| » |106 106 Cautérisatio j efficaces . . .| » » » 4| » » 5|" » » AMOPSMONS AE) inefficaces. 8| » |. » | 005) 0) rl Pas de cautérisation . . . . . . .. 53| » » | 447] » » | 89| » » Morsures à travers les habits. . .| 34! » » | 406! » » 62| » » Morsures a nie. 42 20. | 02) 0 » | 43 » » 82| » » a M —— — — — 687 1719 | 1155 I ROMADÉGENDRAR me ere 3561 Parmi les malades mordus en différents points du corps, il y en avait porteurs de blessures à la tête ou au visage, 28 du groupe À, 63 du groupe CG, 38 du groupe C. , Moscou. le 18/30 août 1893. REVUES ET ANALYSES SUR L'ÉTUDE CHIMIQUE DES ALIMENTS REVUE CRITIQUE On s’adressait autrefois aux animaux quand il s'agissait de savoir si une matière élait alimentaire pour eux : on commence maintenant à s'adresser au chimiste, et à lui demander de dire « priorisi telle ou telle substance peut être introduite sans inconvénient, ou même avec avantage, dans l'alimentalion. On ne saurait méconnailre qu’une pareille question est embarrassante, etc'est une de celles où le chimiste gagnerait à ètre une bête pour pouvoir répondre avec compétence ct sécurité. Comme ïil ne réalise pas d’ordinaire cette condilhon, il a fait de son micux: il a commencé par analyser les rations nor- males des aliments ordinaires et a constalé que, quelle que füt leur variélé, elles oscillaient aulour d’une composition moyenne, qu'elles comprenaicnt à peu près toutes la même quantité de matières azotées et de matières non azotées, eLon à pu ainsi imaginer une ralion type, tout à fait théorique, soit pour l'état de repos et d’engraissement, soit pour l’état de lactation, soit pour l'état de travail. Ce n’était là que la moitié de la tâche. Il est très bon de savoir la quantité d'azote qu'un animal doit trouver journalièrement dans son alimentation, mais la qualité n’est pas moins importante. Toutes les malières azolées ne sont pas également alimentaires pour tous les animaux : chacun a ses aliments de prédilection, soit qu'ils conviennent à sa nature, soit que son estomac y soit habitué. Un cheval préfère la paille, consomme le foin, ne s’accommode pas facilement du regain. La vache est plus avide de regain que de foin, et de foin que de paille. L'un et l'autre se préoccupent très peu de la composition centésimale, et, devant leur diversité de goût, le chimiste reste penaud, parce qu'il ne connait guère, lui, que cette composition. Il est bien forcé de se dire que cheval et bœuf ont raison, chacun en ce qui le concerne, et que leurs préférences doivent être fondées. Il voit bien qu’elles tiennent à ce que le foin et la paille, malgré leur REVUES ET ANALYSES. 677 ressemblance apparente au point de vue de la richesse en azote, carbone, hydrogène et oxygène, ne sont pas formés des mêmes élé- ments, qu’il y a là des mélanges de substances différentes dont la connaissance exacte, s’il la possédait, lui donnerait la clef de l'hygiène alimentaire du bœuf ou du cheval. Tout ce qui l’arrête, c'est que cetle connaissance n’est pas facile à acquérir. Il n’y a rien de plus compliqué que l'analyse immédiate d’un végétal quelconque. En présence de ces difficultés, quelques chimistes ont eu l'idée audacieuse de passer outre sans les résoudre, et de demander à l’analyse élémentaire seule la solution des questions en litige. Il a été dépensé dans celte direction une quantité énorme d'efforts et de travail, sans qu'on puisse dire que la solution du problème a notablement avancé, et, au bout de la carrière poursuivie, on commence à voir apparailre les signes précurseurs de la présence d’une impasse : des travaux qui tournent en rond et n’aboutissent qu’à la création de mots nouveaux, comme une philosophie aux abois. [faut courageusement se remettre à l’œuvre, abandonnée comme trop difficile. C'est ce qu’on fait de tous côtés. Dans une Revue récente, j'ai mis les lecteurs des Annales au courant des éludes faites par Tollens et ses élèves sur la question des sucres végétaux. Je voudrais parler aujourd'hui des matières grasses. On sait qu'elles sont dosées à part dans toutes les analyses d’ali- ments. Après avoir desséché et finement broyé la matière, on la traite en général par l’éther jusqu'à épuisement. Cet éther évaporé laisse un vésidu, en générol coloré et toujours complexe, qu’on dote du nom commun de malières grasses, et qui entre comme tel dans les tableaux d'analyse. Les chiffres ainsi obtenus pour divers aliments sont comparés entre eux, sans souci de ce qu'ils peuvent se rapporter à des choses fort différentes et de pouvoir alimentaire fort inégal. Bien que nos connais- sances ne soient pas encore fort avancées sur les matières grasses, nous savons pourtant que léther dissout à la fois, dans les végétaux alimen- taires, des glycérides, des acides gras, des résines, des substances _cireuses, de la cholestérine et des substances du même ordre, de la lécithine, et des matières colorantes, parmi lesquelles la chlorophylle est prédominante. A ces matières peuvent s’en joindre beaucoup d’autres, si l’éther employé était aqueuxoula matière insuffisamment desséchée.Dessucres, des acides végétaux, des corps appartenant au monde confus des matières extraclives, peuvent alors entrerendissolution et être comptés comme matières grasses. Par contre, des matières grasses authentiques peuvent échapper à la dissolulion si elles sont finement émulsionnées. On sait en effet que l’éther est sans action sur les corps gras en goul- 678 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. telettes microscopiques disséminées dans un liquide ou dans une masse de protoplasma. Les chiffres fournis par divers savants n’ont donc pas une valeur absolue : il dépendent de l’habileté ou du soin de celui qui les a déterminés; mais ils sont encore plus flottants, quand on songe qu'ils se rapportent tous à des mélanges. Glycérides. — Dans ce mélange, les triglycérides dominent lorsqu'il s’agit de semences ou de graines végétales, tandis que dans le foin, la paille, et en général dans les fourrages, ce sont des substances cireuses qui sont prédominantes ‘. Or, les cires et les corps gras neutres ne s'équivalent pas du tout dans l'alimentation. Les corps gras entrent facilement en émulsion et sont facilement absorbés. Encore faut-il distinguer parmi eux ceux qui fondent facilement à la température du corps de l’animal, et dont l’émulsion est par là beaucoup plus facile que pour ceux qui ne fondent qu'au-dessus de 40°. Quant aux cires, elles passent souvent intactes dans le canal digestif, et on est presque auto- risé à leur refuser toute valeur alimentaire, On voit quelle imprudence il y à à ranger dans une même colonne les matières grasses du foin et celles de l’avoine. Il ya plus: dans un même végétal ou dans une même partie du végétal, les matières grasses ne restent pas identiques à elles-mêmes. Une graine fraiche ne contient pas les mêmes corps gras qu’une graine vieillie. Les corps gras neutres se saponifient peu à peu : une partie des acides volatils disparaît. Les acides fixes, surtout l’acide oléique, s’oxydent, absorbent l’ammoniaque de l'air et aboutissent à la forma- tion d’oxyoléates noirs et de véritables résines peu solubles dans l'éther, solubles dans l’alcool et insolublesdans l’eau. Stellwag ? atrouvé de grandes quantités d’acides gras libres dans les tourteaux. Dans des expériences inédites, j'ai constaté que la même oxydation et une véri- table résinification se poursuivaient dans des graines entières et non lacérées qu’on avait laissées vieillir. J’ai trouvé 2,5 0/0 d'acides gras libres, et 10 0/0 environ de résine dans la matière grasse de graines de soleil tournesol que j'avais conservées vingt-deux ans au laboratoire. Dans des graines de colza d'hiver du même âge, près de 40 0/0 de la matière grasse était résinifiée. Or, on peut, à propos de ces acides gras ct de ces résines, répéter ce que nous disions tout à l'heure au sujet des glycérides et des cires. Les acides gras sont facilement émulsionnés et absorbés, les résines le sont très mal et très peu. Cholestérine et substances analoques. — C’est O. Hesse qui a le premier découvert, dans la matière grasse des plantes, une substance 1. Voir sur ce sujet les nombreux travaux publiés dans les Zandiv. Versuchsst, par Schulze, Konig, Stellway, ete. 2. Landiv. Versuchsst, t. XXX VII. REVUES ET ANALYSES. 679 très analogue à la cholestérine et qu'il a appelée physostérine. Depuis on en a trouvé dans une foule de graines diverses, et Likiernik'! a même montré que les pellicules de lupin et de Phaseolus vulgaris contenaient des substances du même type, et qu’il a appelées lupéol et phasol. La meilleure manière d'isoler ces substances est celle qui a été indiquée par M. Gérard. On saponifie le résidu éthéré par la potasse alcoolique, et on épuise à l’éther le savon desséché. Par évaporation, cet éther fournit des cristaux aiguillés qu’on purifie par une saponifi- cation nouvelle en présence d’un grand excès de potasse. Le tout est dissous dans l’eau, et la solution très alcaline est agitée avec du chlo- roforme. En évaporant ce chloroforme, on trouve de la cholestérine impure qu’on purifie en la transformant en éther benzoïque, que des cristallisations successives amènent à un point de fusion constant. La saponification de cet éther donne de la cholestérine d'une pureté absolue. En opérant avec tous ces soins, M. Gérard a vu disparaitre entre les cholestérines d’origine diverse qu’il a étudiées les différences pro- fondes qu’on leur avaitattribuées jusqu'àlui. Ila vu que lescholestérines retirées des plantes phanérogames (lupin, fenugrec, datura, olive) avaient les mêmes caractères physiques et chimiques que la physos- térine retirée par O. Hesse des fèves de Calabar et des pois. Au con- traire, les cholestérines retirées des végétaux inférieurs (Penicillium glaucum, Æthalium septicum) ressemblaient à l'ergostérine de Tanret, retirée de l’ergot du seigle. Voici donc qu'apparaissent des différences entre des corps de même type chimique, et que là aussi nous avons peut-être des isoméries analogues à celles de la série des sucres. On voit combien il était osé de mettre toutes ces substances dans le même sac. Lécithine. — Ici, nous n'avons plus affaire à un corps gras authen- tique, car la lécithine contient de l'azote. Mais elle se trouve en partie au moins dans l’extrait éthéré ; de plus, des recherches de Bokay et de Hasebrook ont prouvé qu'elle se décomposait dans les mêmes con- ditions que les corps gras, en donnant de l'acide glycérophosphorique, de la choline et des acides gras qui ont évidemment le même sort que ceux qui proviennent de la décomposition des corps gras neutres. Il faut donc porter la lécithine plutôt au compte des matières grasses que des corps azotés. Son caractère intermédiaire en rend le dosage difficile. Nous avons 4. Bericht d. D. Chem. Gesell, t. XXIV. 2, Comptes rendus, t. CXIV, p. 1544. 680 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dit qu’elle n’entrait pas entièrement en solution dans l'éther. C’est pro- bablement qu’elle est noyée à l’état de fins granules dans la masse du protoplasma où léther n’entre pas en contact avec elle, et par suite ne peut la dissoudre et l’entrainer. Aussi la proportion de ce qu'il en laisse est-elle constamment variable. Schulze et Likiernik ‘ ont donné le moyen de la dissoudre tout entière et de la préparer à l’état pur. I suffit de traiter par l'alcool bouillant la matière sur laquelle l'éther est resté sans action. On évapore la solution alcoolique et on reprend le résidu par l’éther froid, qui dissout facilement la lécithine. Il n’est pas nécessaire de la séparer complètement pour la doser. On peut profiter de ce qu’elle contient toujours la même proportion de phosphore, et faire un dosage d'acide phosphorique sur lextrait éthéré total, c’est-à-dire celui qui a été obtenu directement par l'action de l’éther sur la matière, aussi bien que celui qui provient du traite- ment alcoolique, Les quantités de lécithine ainsi trouvées ne sont pas négligeables. D’après MM. Schulze et Steiger ?, le lupin jaune contient 1,57 0/0 de lécithine sur 5,1 0/0 de matière grasse totale, c’est-à-dire que le tiers de son corps gras est formé de lécithine. Pour les lentilles, les chiffres sont 1,23, contre 2,2 : la proportion est de plus de moitié. Pour l'orge, elle est du tiers. Dansles graines de melon, d'après Forti, la proportion de la lécithine à la matière grasse est au contraire infé- rieure à 1,2 0/0; et de nouveau nous concluons: Comment mettre au même rang et englober dans le même total des matières aussi diffé- rentes que la lécithine et la matière grasse banale ? Comment comparer utilement entre elles des teneurs en matières grasses dont les uns contiennent 1 0/0, les autres 50 0/0 de lécithine? On voit en résumé l'intérêt et l’avenir de ce nouveau champ d'études; cela est surtout frappant quand on songe à la stérilité rela- tive de celui dans leque! la science s’est trop longtemps complu à res- ter. Et ce n’est là qu’un commencement! Nous verrons, dans une prochaine Revue, qu'il n’est pas moins fécond quand, au lieu des matières grasses, on étudie les malières sucrées ou les diverses cel- luloses. Dx. A. Bericht. d. D. Chem. Gesell., &. XXIV. 9, Chem. Centralbl., 1890. ÉTIOLOGIE DE L'INFLUENZA On se rappelle le vif émoi excité par l'apparition de l'influenza, qui en 1889 envahit rapidement toute l’Europe. Les savants se mirent à rechercher activement la cause de cette maladie, mais au début les recherches bactériologiques restèrent infructueuses; c’est seulement l'an dernier, à la réapparition de l'épidémie en Allemagne, que M. Z?. Pfeiffer * parvint à des résultats posilifs sur la cause de celte maladie. Déjà en 1890 Pfeiffer, examinant les crachats des malades de l'influenza, avait trouvé, sur les préparations colorées par la fuchsine de Ziel, une quantité considérable de petits bâtonnets. L'année dernière, ses nouvelles recherches sur les crachals des malades lui montrèrent toujours les mêmes bactéries, dont la présence ne pouvait donc plus être regardée comme accidentelle. De plus, vu le caractère essentiel- lement épidémique de cette maladie et sa contagiosité incontestable, il était naturel de l’attribuer à un virus vivant, et de chercher ce virus dans les sécrélions des malades. Partant de ces réflexions, M. Pfeiffer se mit à l'étude minutieuse des crachats de l'influenza, c'est-à-dire des sécrétions des voies respiratoires, organes les plus atteints par cette maladie. Les crachats de l’influenza sont d’une couleur gris-vert, très visqueux. Ils sont sécrétés ordinairement en masses compactes et souvent très abondantes. C’est dans la cavilé nasale et dans le larynx que se forment les sécrétions dans les cas légers, tandis que dans les cas graves elles s'accumulent dans le tissu pulmonaire. Dans ses recherches, Pfeiffer se servait d'habitude des crachats sécrétés par les poumons, parce que ces crachats ne contiennent que des bactéries de l’influenza ; dans la cavité nasale et dans le larynx, la présence d’une multitude d’autres bactéries (streptocoques, etc.) aurait pu facilement masquer la cause réelle de la maladie. Prenant des crachats tout récents, il les colorait par le bleu de méthylène de Læffler ou par la fuchsine de Ziel diluée dans l’eau. (Ces microbes ne se colorent pas par le Gram.) Les bactéries de l'influenza prennent difficilement la coloration; il faut laisser les préparalions au moins 10 minutes dans le bain colorant. Les bactéries ainsi que les noyaux des cellules se colorent d'habitude 4. Zeitschr. f. Hyg. 1593. TIRCTS 682 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fortement; le protoplasma des cellules prend une teinte rosâtre et le mucus reste incolore. Dans ces préparations on ne voit qu’un seul genre de microbes, toujours en abondance; ces microbes se trouvent ordinairement dans le mucus, apparaissent parfois dans le proto- plasma des cellules du pus, mais jamais dans leurs noyaux. Ces bacté- ries sont excessivement petites; elles sont plus minces que celles de la septicémie des souris; elles sont 2 ou 3 fois plus longues que larges. On rencontre quelquefois dans les crachats, et plus souvent encore dans la culture pure, de longs bâtonnets qu’on nomme faux filaments. Dans les cultures vieilles de 3-4 jours, ces filaments sont très longs et présentent le début des formes d'’involution. Les bouts des bâtonnets sont arrondis; on trouve quelquefois de très courts bâtonnets unis par deux; ce sont des individus en voie de division, qu'on peut prendre facilement pour des diplocoques. Les bactéries de l’influenza n'ont pas de capsules, et sont privées de mouvement dans une goutte suspendue. Ce n’est que très difficilement que Pfeiffer parvint à obtenir la culture des microbes de l'influenza sur des milieux artificiels. Pas un des procédés ordinaires d’ensemencement ne donnait de résultat. Une fois il obtint une culture par ensemencement de crachats frais des poumons, sans lavage préalable, mais cette culture se refusa à des passages successifs (gélose, gélatine, bouillon, sérum de l’homme et des animaux, etc.). En remarquant que les crachats frais se cultivaient sur gélose, et qu'on n’obtenait au contrairerien après /l’ense- mencement des crachats lavés à l’eau stérilisée ou dilués dans du bouillon, Pfeiffer conclut que le lavage éloigne des crachats quelque matière, provenant, par exemple, du pus ou du sang, et nécessaire à la nutrition des bactéries; en conséquence, il essaya d’ensemencer sa culture initiale sur de la gélose recouverte d’une goutte de sang humain. De cette manière il parvint à cultiver de nombreuses colonies de bâtonnets et à les conserver pendant 8 mois. Pour savoir quelle est la partie du sang qui sert d’élément nutritif aux bactéries, il fit toute une série d'expériences dont il résulta que ce sont les globules rouges du sang qui donnent aux bactéries leurs matières nutritives, et que, dans le globule, c'est l’hémoglobine qui fournit l'aliment essentiel, surtout à cause du fer qu’elle contient. On peut ajouter, à la gélose, non seulement du sang humain, mais aussi celui d’autres animaux, et notamment des lapins, des cobayes et des pigeons. C’est le sang du pigeon qu’il faut employer de préférence. Ses globules rouges, très riches en hémoglobine, n'étant pas stables, se décomposent facilement, laissent beaucoup d’hémoglobine à l’état concentré, et 74 REVUES ET ANALYSES. 683 fournissent rapidement des cultures abondantes. Les globules rouges du sang humain sont plus stables et rendent l’hémoglobine graduel- lement, de sorte que les colonies croissent lentement, mais d’autre part le milieu reste plus longtemps nutritif. Pour obtenir une culture pure du microbe de l'influenza, Pfeiffer emploie le procédé suivant : on prépare une émulsion des crachats avec un ou deux centimètres cubes de bouillon. On ensemence cette émulsion sur de la gélose enduite de sang; on se sert ordinairement d’une émul- sion permettant d'obtenir des colonies peu serrées. Après un séjour de vingt-quatre heures à l'étuve, de nombreuses colonies de bâtonnets apparaissent; ces colonies ont l’aspect de gouttes incolores. Les colonies des microbes de l'influenza ne confluent que très rarement ; d'habitude elles croissent séparément, sont excessivement petites, et ne peuvent être distinctement vues qu'avec la loupe. Quand lensemencement est pauvre, les colonies isolées peuvent atteindre quelquefois la grosseur d'une tête d'épingle. À l'examen microscopique, les colonies semblent homogènes. Dans les milieux liquides additionnés de sang, les bâton- nets de l'influenza donnent des cultures ayant l'aspect de flocons blancs. Ces bactéries sont complètement aérobies; elles se développentrapide- ment et en 20 heures atteignent à l’étuve le maximum de leur déve- loppement; la température la plus élevée qui permet la culture est de 429, la température la plus basse est de 269 — 270, Une certaine quantité d'humidité leur est indispensable; dans les crachats humides, les bactéries conservent leur activité jusqu'à 14 jours. Les crachats ensemencés après une dessic cation de 36 à 40 heures ne donnent plus de culture. Il faut donc croire que linfection s’opère principalement par contagion, et ce n’est que dans des cas très limités qu’on peut altribuer le transport à divers objets, comme par exemple, aux lettres, aux vêtements, etc. Ces microbes sont donc très sensibles à la dessiccation, ce qui fait supposer l’absence des spores. En effet, toutes les tentatives pour les découvrir furent infructueuses. Au point de vue clinique, l'influenza présente des tableaux variables et apparaît sous trois formes: catarrhale, gastrique et nerveuse; la première prédomine et apparaît comme la maladie aiguë et chronique; au début de linfluenza catarrhale aiguë, les malades sécrètent une grande quantité de crachats visqueux, écumeux, contenant beaucoup de bâtonnets libres de l’influenza. Les cellules de pus ne contiennent presque pas de bactéries dans celte période. L'aspect microscopique des crachats change pendant la marche ultérieure de la maladie : les bactéries libres disparaissent; elles sont presque toutes enfermées dans les cellules du pus, et, pendant la convalescence, apparaissent dégénérées en détritus, se colorent mal et ne donnent pas de culture. DE 684 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La forme chronique de l'influenza se rencontre surtout chez des gens ayant les poumons faibles ; ce fait explique la grande mortalité des tuberculeux pendant l'épidémie. L'influenza chronique ne présente pas de symptômes marqués, et on la reconnait aux crachats caractéris- tiques jaune verdâtre, sécrétés en masse, et qui se distinguent neltement des crachats ordinaires des tuberculeux. Cette maladie est accompagnée d’une fièvre cachectique, qui pourtant peut manquer. L'influenza est quelquefois mortelle; si elle finit par la guérison, le pus disparaît et en même temps les bactéries de l’influenza. Examinant le sang et les organes des morts, Pfeiffer n'y trouva pas de bactéries typiques. Il ne les rencontra que dans deux cas à l'intérieur des globules blancs du sang des petites veines, où leur présence pouvait être expliquée par le transport des cellules migratrices. Ce fait conduisit Pfeiffer à conclure que l'état morbide général de l'organisme est provoqué non par l'in- fection, mais par l’intoxication. L’autopsie des morts de l’influenza chronique montre des changc- ments caractéristiques dans les poumons. Les poumons présentent une infiltration à une plus ou moins grande distance. Il est facile de distinguer la pneumonie de l'influenza de la pneumonie fibrineuse par ce fait que, dans le premier cas, les poumons contiennent des foyers, séparés les uns des autres par des parties de tissu remplies d’air, ou bien confluents entre eux. Dans chacun de ces foyers, ilse trouve une petite partie centrale, de la dimension d’une tète d’épingle. On la dis- üingue facilement du tissu environnant, grâce à sa coloration gris jaune. À l'examen microscopique, on y trouve des bactéries à l'inté- rieur des cellules. Par la pression d’un pareil poumon, on peut obtenir un pus épais et glaireux qui s'écoule des bronches ; ce pus jaune-vert rappelle des crachats de l’influenza. Les préparations étalées faites avec les sécrétions du pharynx ou de la trachée montrent ordinairement la présence de différentes bactéries (streptocoques, diplocoques, etc.), mais ce sont les bactéries de l’influenza qui prédominent. Le nombre des autres bactéries diminue dans les grandes bronches; dans le tissu pulmonaire les bactéries de l'influenza persistent seules. On remarque sur les préparations que l'épithélium à cils vibratiles des bronches est en partie détruit : de nombreux lambeaux de ce tissu se trouvent dans les cavités bron- chiales. D'autre part, cet épithélium est déplacé parles cellules de pus; on voit ces dernières aussi sur l’épithélium non lésé, ou bien elles s’intercalent entre les cellules cylindriques. Les veines et les capillaires environnant les bronches sont chargés de sang; le tissu conjonclif péribronchial est infiltré par des cellules migratrices. La partie centrale des foyers pulmonaires contient beaucoup de leucocytes REVUES LT 'ANAGSYSLS. 68 remplissant aussi les cavités alvéolaires et leurs parois; tout cela change complètement la structure des poumons. Dans le issu ains modifié, on rencontre souvent des cavités donnant à la coupe l'aspect poreux. Pfeiffer prend ces cavités pour de pelitsabcès dont le contenu s'est vidé pendant la préparation de la coupe, ou bien a élé expectoré pendant la maladie. Les alvéoles les plus voisines de linfillration pulmonaire contiennent encore de grandes cellules souvent pigmentées. En s'éloignant du centre, le nombre des cellules de pus diminue et l1 structure normale alvéolaire des poumons apparait. Avec la colo- ralion par la méthode de Weigert, on remarque l'absence complètede fibrine dans les foyers infiltrés du centre; il n’y en à que des traces dans les points environnants. En cela consiste la différence essentielle entre la pneumonie fibri- neuse et celle de l'influenza. Avec un fort grossissement, on voit sur les coupes des bronches beaucoup de bâtonnets disposés sur les cellules épithéliales et entre elles. On les rencontre également dans je tissu conjonctif submuqueux. Les cellules du pus couvrent Pépithélium à cils vibratiles, glissent entre ces cellules, et renferment beaucoup de bacilles de l’influenza. Cela donne à croire que ces bacilles excitent une chimiolaxie positive, et provoquent une hypérémie du tissu submuqueux. Ils attirent aussi les cellules migratrices; ces dernières, grâce à leurs propres mouvements ou entraînées par le torrent sanguin, parviennent à la surface libre des bronches, v englobent les bactéries, et forment ainsi les sécrétions caractéristiques de l'influenza. L’autopsie des personnes mortes de l'influenza démontre que cette maladie peut encore provoquer d'autres changements du tissu pulmonaire, et notamment des cas de gangrène pulmonaire, d’empyème, et une formation de cicatrices dans les foyers infillrés des poumons. Il arrive souvent de rencontrer la cicatrisation sur les cadavres des personnes mortes de la tuberculose, compliquée de l'influenza. De telles cicatrices tranchent sur le reste des poumons, et on pouvait démontrer par l’ensemencement ou sur les préparations étalées les bacilles de l'influenza. Pfeiffer eut deux fois l’occasion de constater à laulopsie une gangrène pulmonaire. De nombreuses bactéries (coccus, diplocoques, streptocoques, etc.) se trouvaient souvent dans les poumons ainsi modifiés. Sur les coupes faites avec le Lissu éloigné des endroils les plus enflammés, les bactéries de linfluenza prédominent.Ilest possible que dans ces cas-là la gangrène apparaisse comme un processus secon- daire provoqué par différentes bactéries, favorisées par l'influenza, Dans un cas de gangrène, on put constater la présence d'un pus pleu- rétique. L’examen microscopique y démontra beaucoup de microbes 686 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d’influenza, qui, parvenant à la surface des poumons, attirent, à ce qu'il paraît, les cellules du pus. Dans les cas d'empyème développé à la suite de l'influenza, Pfeiffer ne réussit jamais à prouver la présence des bactéries dans le pus. L’empyème était causé par la présence des diplocoques de Frænkel et représentait une infection secondaire. La pneumonie de l’influenza peut aboutir à une dégénérescence caséeuse, Ceci a lieu dans les cas où l’infiltration pulmonaire s’est formée dans les parties des poumons renfermant déjà des tubercules péribronchiaux. Auprès des endroits en voie de dégénérescence caséeuse, renfermant de nombreuses cellules géantes avec quelques bacilles y contenus, se trouvent des parties qui rappellent la pneumonie de lPin- fluenza par leur infiltration leucocytaire. L'infiltration pulmonaire de l’influenza se transforme, d’après Pfeiffer, en une dégénérescence caséeuse sous l'influence des bacilles tuberculeux. Il ne parvint pas à trouver les bactéries de l’influenza dans la substance caséeuse même, mais elles se trouvaient toujours dans le pus pulmonaire. Parmi les‘complications de l’influenza, on observe encore des cas d'otite moyenne et de méningite. Pfeiffer a trouvé dans le pus de la cavité tympanique beaucoup de diplocoques de Frænkel, de mème que des bacilles de l’influenza fortement modifiés. Dans l'exsudat de la méningite on ne rencontrait que des diplocoques. Les animaux doivent être regardés commeréfractaires à l'influenza spontanée, mais il n’est pas difficile de les infecter par le virus de cette maladie. Les singes seuls présentent un tableau caractéristique d'infection semblable à celle de l'homme, tandis que chez les autres animaux, comme les lapins, par exemple, on ne remarque qu'une simple intoxication, comme celle produite par le chloroforme. Dans ses expériences avec les singes, Pfeiffer leur injectait les erachats de linfluenza ou la culture pure de ce virus. Dans le premier cas, les cra- chats dilués dans du bouillon stérilisé furent introduits directement dans la trachée, Le singe mourut le 7° jour, et on constata, à l’autop- sie, des abcès des poumons pareils à ceux décrits ci-dessus chez l’homme. Les cultures pures furent injectées directement dansles pou- mons à travers la paroi thoracique. Les singes réagirent à des doses faibles (0,5 c. c.) par une fièvre plus ou moins légère, et se remettaient au bout de quelques jours. Augmentant les doses, on peut donner aux singes une infection plus grave et même la mort. Les préparations étalées du sang et des sécrétions pulmonaires de ces singes démon- traient un nombre restreint de bacilles de l’influenza, et la mort sur- venait probablement par intoxication. PERSONNES MORTES DE RAGE. 687 Pfeiffer a constaté qu'il y avait, dans les cas de broncho-pneumo- nie chez les enfants, des bactéries très ressemblantes aux bâtonnets de l'influenza. Ces microbes pouvaient être facilement confondus avec ceux de l’influenza. Pfeiffer observa 3 cas intéressants de broncho- pneumonie ayant apparu comme complication chez les enfants malades de la diphtérie. Une pareille complication amenait toujours la mort. La modification du tissu pulmonaire sur les cadavres ressem- blait beaucoup à celles que produit la pneumonie de linfluenza. A l'examen microscopique on voyait, outre les bactéries diphtéritiques et les diplocoques, de petits bâtonnets qui étaient renfermés surtout dans le protoplasma des cellules du pus, etqui ressemblaient beaucoup aux microbes de l’influenza. Leur culture est de même très semblable à celle des bactéries de l’influenza, et ne se développe que sur la gélose sanguine. En les observant de plus près, on voit que ces micro- bes diffèrent de ceux de l’influenza ; ons’en aperçoit surtout à leur crois- sance sur la gélose enduite de sang humain. Les bâtonnets de la pseudo-influenza sont beaucoup plus grands et ont une tendance à former de longs faux filaments, qui font complètement ou presque complètement défaut chez les vraies bactéries de l’influenza dans les mêmes conditions. Néanmoins, ces bactéries forment deux espèces très voisines, qu’on distingue difficilement sur les préparations étalées ou dans les coupes. Dans les cas douteux, il faut donc recourir à la comparaison des cultures comme ila été décrit plus haut. Il n’y a pas jusqu'ici de remèdes spécifiques pour le traitement de l’influenza, il faut donc employer les moyens prophylactiques ordi- naires, et notamment la désinfection, l’isolement et les autres moyens hygiéniques. Tsr. INSTITUT PASTEUR Personne traitée morte de rage. Morez (Auguste), 18 ans, cocher, 11 bis rue Portalis (Paris). Mordu le 30 mai à l’aile droite du nez: trois morsures pénétrantes ayant amené une perte de sang importante. La cautérisation a été tout à fait insuffisante. Le chien mordu a été mis en observation et sacrifié le jour même comme enragé; un chien mordu en même temps que Morel a été conduit à l’école d’Alfort et est mort de rage le 28 juillet. Morel a été traité à l’Institut Pasteur du 30 mai au 16 juin. Le A7, il est absent et, malgré nos instances, il ne vient pas achever son traitement. Il souffrait déjà depuis deux jours lorsqu'on le conduisit le 4 août au soir à l'hôpital Saint-Julien à Chäteau-Gonthier,où ilest mort le 5 à 2 heures du matin, après avoir présenté, nous écrit le médecin de l'hôpital, M.le Dr Homo, dessignescaractéristiquesderage furieuse. 688 : ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR. STATISTIQUE ! DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE. — AOUT 1893. | | A fe | c | | | | | DE Morsures à la tête simples... ..|#| 41 4 | » 1 ) a |”l1) el à la figure multiples: 32212801 » |2 | 2 (8 Caulérisalions efficaces RC » | » | 2 » » » »| » » — Re TELUCESS SU Ce RO NC RO PO RU PA EL ET Pris \ABNCUULOTASA ED. LEE à ie © ets | Al; | MEME 2 me Tr 0 PRENONS. ee 5) » [481 a><| | 71 Morsures aux mains ; nie - noie PE , [47 35|, 5 (42 Caulérisations efficaces MD O ir SAONE | »| D ER l » » {»]» |» == inc/ficaces ere A e 3 » “ 9 » » Gi » » Pascde caulémsdion FER Ten, ES SOS SE) 2 6! » |» Morsures aux mem- ( simples... .. | » lo | » 116) sol »|7. bres et au tronc multiples... v12 | » 1864 °*| »| 8 i= Cautérmsulions ef feuces ME, RE: Le eu OA ES a PONS ES SRE — inefficaces SNS JS: 1|» » 18] » » 4| » » Pos-de caulérisation: 0 JET. La 0083) 51105 140) 53200 ROUSSEL MER te BR ER Mer Ce MS NL OS NON SUTESIUISNRURE ES NE. ne RE D» » » 16! » » 3| » » Morsures multiples en divers points du COTE LE ur ete tenter eee Le »! 4) 4 D » » »| » » Caulérisations efficaces . . . . . . A pet Be) | CE Pa DES de D NN 2 LS — DO A RARE NT EUEUSS DE ER » "50 Pas de cautérisation. . RER UE 2 Nc ME En Hubils déchirés uen te due LE Etel LUE ER | À » » » » » | »| » » OT SARES D ue LC EE MESSE à vx 1908 » lol» lo | Totaux. { Français et Algériens . 12)45 78) 90 25,30 LEtPARTOTS. 70 re | 3\ | 12) 5) | | A B C TT, mm" TOTARGENERAT NEED ET LATE 135 1. La colonne À comprend les personnes mordues par des animaux dont la rage est reconnue expérimentalement, la colonne B celles mordues par des animaux reconnus enragés à l'examen vétérinaire, la colonne C les personnes mordues par des animaux suspects de rage. 1. Les animaux mordeurs ont été : chiens, 123 fois; chats, 12 fois Le Gérant : G. MaAssox. Sceaux. — Imprimerie Gharaire ct Cie. 7me ANNÉE OCTOBRE 1893. No 10. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CONTRIBUTION À L'ÉTUDE MICROBIQUE DE L'EAU Par ce Dr BLACHSTEIN. (Travail du laboratoire de M. METCHNIKOFF, à l’Institut Pasteur.) La méthode généralement employée par les microbistes pour déterminer les propriétés d'une eau consiste en une énumération des bactéries qu'elle renferme. Mais il est évident que c’est moins de la quantité que de la qualité des microbes que dépend le rôle nuisible d’une eau quelconque. Je me suis donc mis à étudier les propriétés pathogènes des microbes qui se développent dans les eaux de différente pro- venance. Dans ce but j'introduis 1 c. c. d’eau dans 10 c. ce. de bouillon de culture. J'obtiens ainsi un mélange de différentes espèces de bactéries dont j’étudie l’elfet sur les animaux de labo- ratoire, cobayes, lapins, etc. On peut facilement constater que la qualité de ces mélanges joue un rôle beaucoup plus important que la quantité des bactéries qui sont contenues. Voici quelques exemples tirés de mon carnet d'expériences. [. Eau de la conduite du laboratoire de microbie morphologique de T'Ins- titut Pasteur.— Des plaques de gélatine, faites avec les cultures de cette eau en bouiilon, démontrent la présence de bactéries coliformes. (Sous ce nom je désigne en général tous les bacilles qui présentent une analogie avec le B. coli commune, et qui donnent des colonies semblables sur les plaques.) En outre, on trouve beaucoup de colonies liquéfiantes, composées principa- ement de microcoques. 2 c. c. de culture de cette eau en bouillon, âgée de deux jours, sont bien supportés par les lapins, auxquels on les a injectés dans la veine auriculaire. 0,2 c. c. de la même culture sont inoffensifs pour les souris par inocu- lation sous-cutanée. 0,5 c. c., injectés dans le péritoine de deux gros 44 690 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cobayes, ne leur occasionnent aucun trouble. Par contre, l'inoculation d'un centimètre cube leur donne une péritonite. Cette même quantité, injectée dans le muscle pectoral d’un pigeon, reste sans effet. Ces données se trouvent en parfaite harmonie avec le fait que l’eau employée (provenant de sources) possède de très bonnes qualités hygiéniques et peut être bue sans le moindre danger. Jusqu'à quel point la péritonite des cobayes peut-elle indiquer de mauvaises propriétés dans une eau? C’est ce que nous diront des expériences ultérieures. Mais je pense que le résultat négatif obtenu sur des souris, des lapins et des pigeons présente une grande importance. IL. Eau de la Seine. — I est connu que l’ingestion de cette eau peut, dans certaines circonstances, être nuisible à la santé. Le meilleur exemple est l'épidémie cholérique de 1892. Toul récem- ment, nous avons appris un fait très instructif. Il s'agit d'un batelier qui absorbait tous les jours un demi-litre d’eau de la Seine et qui subit une attaque cholériforme. Les déjections de ce malade, que j'ai eu occasion d'examiner, renfermaient, en outre de bacilles coliformes, des bactéries liquéfiantes nombreuses, identiques avec les microbes de l’eau. Il faut mentionner enfin la découverte des bacilles typhiques dans l’eau de la Seine, faite à plusieurs reprises par MM. Thoinot, Vincent, Chante- messe, etc. Il était donc intéressant d'établir le pouvoir pathogène de cette eau, prise à différents endroits, sur les animaux. Dans ce but, j'étudiai d'abord les échantillons puisés en amont du Point- du-Jour, et semés dans du bouillon nutritif. Les mélanges bacté- riens ainsi obtenus se sont montrés comme très nuisibles. Leur effet pathogène augmentait avec l’âge des cultures. Ainsi, par exemple, la dose mortelle pour un lapin était de 0,5 c. ec. avec une culture âgée de 8 jours, tandis qu'avec une culture de 48 heures elle était de 1 centimètre cube. À partir de Billancourt, l'effet pathogène de l’eau de Seine était beaucoup moindre, ce que j'attribue à l’épuration naturelle de l'eau de rivière. Voici quelques détails sur l’eau de cet endroit : Le 2 avril 4893, j'ai pris un échantillon de cette eau. Le lendemain, j'ai fait plusieurs transports dans du bouillon, dont l'efficacité a été déterminée les 4, 6 et 8 avril. Dans ce cas aussi, j'ai pu constater que, plus le mélange est vieux, plus il est nuisible pour les animaux. La dose mortelle pour le CONTRIBUTION A L'ÉTUDE MICROBIQUE DE L'EAU. 691 lapin a été de 1 1/2 à 2 c. c. avec une culture :du 4 avril; de { €. ce. et même moins, avec une culiure du 8 avril. L'autopsie révèle un résultat constant : les animaux, morts au bout de 12 à 24 heures. manifestent un catarrhe intestinal très prononcé. Dans le contenu de l'intestin on trouve de nombreux éléments épithéliaux et des leucocytes. Tous les organes abdominaux sont très byperémiés. La vésicule biliaire est très distendue. Sur les plaques préparées avec le mélange bactérien de l’eau, se dévelop- paient les bacilles coliformes, ainsi que de rares colonies de Proteus, du bacille d'Héricourt et d'autres bactéries liquéfiantes. Après avoir établi par des expériences multiples que l’eau de Billancourt est moins pathogène que celle puisée plus en amont de la Seine, je me suis posé cette question : Que devient cette eau si on la laisse stagner pendant longtemps ? Dans ce but, j'ai abandonné l'eau sur ma table d'étude, exposée à la lumière du jour. Huit jours après, j'ai préparé une série de cultures dont une, âgée de sept jours, a été examinée le 17 avril. Elle s’est montrée presque complètement inactive. Un lapin, auquel on en avait injecté 2 c. c. dans la veine auriculaire, ne mourut qu’au bout de quatre jours; deux autres (qui reçurent 1 c. c. et0,5 c. c.) résistèrent, ainsi qu'un pigeon et deux souris (1 c.c.et 0,5 c. c.). Et, cependant, les cultures renfermaient des masses de bacilles coliformes et beaucoup de bactéries liquéfiantes. Par contre, le Proteus avait disparu, de sorte au'on pouvait se demander si l’innocuité de l’eau était due à l'absence de ces microbes. Des recherches ultérieures démontrèrent j’inexactitude d’une telle supposition, car j'ai pu obtenir des mélanges très pathogènes et ne renfermant pas les espèces de Proteus. L'analyse bactériologique de mes cultures mélangées m'a démontré que dans les mélanges actifs dominaient les bactéries coliformes, tandis que les formes liquéfiantes n'étaient qu’en minorité. Dans les mélanges inactifs, j'ai observé juste le con- traire. Dans des mélanges anciens, l’examen des lamelles colo- riées démontra la présence de bactéries en forme de virgules minces. J’ai pu, sans difficulté, en isoler une espèce. Sur des plaques de gélatine, ces vibrions se développaient à côté des bacilles coliformes et du bacille d’Héricourt. Les colonies vibrio- niennes se distinguaient de ce dernier par l’absence de frange rayonnée et par une liquéfaction beaucoup moins rapide. Les colonies sont plus finement granuleuses et plus opaques que 692 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. celles du vibrion du choléra typique; leur croissance est un peu plus rapide que celle du vibrion indien. Par contre, le vibrion que j'ai isolé de l'eau de la Seine présente la plus grande analo- gie avec le vibrion cholérique de Courbevoie, isolé par M. Netter en 1892, et conservé dans le laboratoire de M. Metchnikoff. Les vibrions de la Seine ainsi que celui de Courbevoie pré- sentent des différences morphologiques et biologiques avec le microbe du choléra indien. Des expériences nombreuses m'ont démontré, aussi, que les virgules de la Seine sont plus virulentes que celles du choléra indien que j'avais entre mes mains. Cette virulence exagérée se maintint à travers un grand nombre de cultures faites sans passage par l'organisme ‘. J'ai étudié encore plusieurs échantillons d’eau de la Seine, prise à Saint-Cloud. Les cultures en bouillon faites avec cette eau renfermaient des bactéries coliformes, ainsi que quelques colonies du bacille d'Héricourt et d’autres bactéries liquéfiantes. Les cultures de deux et quatre jours étaient inoffensives pour des lapins, souris et pigeons. Dans la même eau, conservée à l’état de stagnation pendant trois semaines, ne se développaient que des bactéries coliformes, dont les cultures étaient sans effet sur les animaux. L'eau de Saint-Cloud se comportait donc de la même facon que celle du laboratoire. J'en conclus que la limite de l’épu- ration de l’eau de la Seine doit se trouver entre Billancourt et Saint-Cloud. Je suis loin de vouloir tirer de mes expériences des conclu- sions définitives, mais je ne peux m'empêcher de souligner ce fait général que, dans toutes mes recherches, les eaux bonnes au point de vue de l'hygiène humaine ont été trouvées inoffen- sives pour les animaux, lorsqu'on injectait les cultures mélan- gées, préparées de la façon indiquée plus haut. 1. V. Nexcxi: Note au sujet du mémoire de Blachstein et Zunft, dans les Anch. Peters. sc: biol., t:IL ft. 4° LES VIBRIONS DES EAUX ET L'ÉTIOLOUE DU CHOLÉRA PAr LE Dr Joserm SANARELLI Docent d'Hygiène, Assistant aux Laboratoires Scientifiques de la Direction de Santé Publique à Rome. (Travail du laboratoire de M. METCHNIKOFF à l’Institut Pasteur.) 1! LES VARIÉTÉS VIBRIONIENNES ET LE DIAGNOSTIC BACTÉRIOLOGIQUE DU CHOLÉPA. Les épidémies qui, ces dernières années, se sont succédé presque sans interruption dans plusieurs pays de l’Europe, ont jeté beaucoup d’obscurité sur la question complexe de l’étiologie du choléra asiatique. La découverte du vibrion cholérique a fait faire sans contredit un grand progrès à nos connaissances, parce qu’elle est venue nous indiquer avecprécision le point de départ de nos recherches: mais, à mesure qu’on accumulait les documents qui doivent servir à l'histoire étiologique de cette maladie, de nouvelles observations et de nouveaux faits sont venus à diverses reprises compliquer singulièrement cette notion étiologique unitaire, qui paraissait solidement établie par les premières études de 1883-1884. Après la description du type originel trouvé par M. Koch, dans l’Inde, on a successivement décrit d’autres vibrions, qui, associés ou non à la forme clinique du vrai choléra, présentent avec le bacille de M. Aoch de notables points de divergence ou de contact. Les premiers, MM. Finkler et Prior ! ont décrit à Bonn un 1. Forschungen über Cholerabacterien (Ærganzungshefte zum Centralblatt für allg. Gesundheitspfleg., Bd. I, 1885, Heft 5 et G). 694 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. vibrion trouvé au cours d’une épidémie de choléra nostras. Il diffère surtout du vibrion de M. Koch par son épaisseur et par la orande rapidité avec laquelle il liquéfie la gélatine. Bien que M. Koch affirme que le microbe de MM. Finkler et Prior n'a été trouvé qu’une seule fois, dans des déjections putréfiées depuis plusieurs jours, et appartenant à un malade alteint de catarrhe intestinal aigu, il existe un second mémoire de M. Finkler ‘ sur le même sujet, rapportant d’autres cas de choléra nostras où il a rencontré, à l’état de culture absolument pure, surtout dans les déjections de deux malades, le vibrion qu'il avait décrit antérieurement. Puis M. Deneke ® à Güttingen isola dans un vieux fromage un vibrion, analogue sous beaucoup de rapports au vibrion cholé- rique. Plus tard M. Gamaleïa * à Odessa trouva dans le contenu diarrhéique de quelques volailles, mortes à la suite d’une entérite infectieuse épidémique, le vibrion aviaire, bien connu par ses propriétés pathogènes très marquées. Ce vibrion, morphologi- quement semblable au vibrion cholérique, ne s’en distingue que par sa plus grande virulence et l'énergie de la liquéfaction qu'il produit dans la gélatine, M. Cunningham “ à Calcutta, dans les déjections de plusieurs cholériques, isola diverses variétés de vibrions morphologi- quement et biologiquement différents les uns des autres ; M. Pasquale®, à Massaua et à Ghinda, trouva deux vibrions cholériques différents de ceux qui sont connus et décrits aujourd'hui; M. Friedrich * décrivit une variété provenant de Shanghaï, qui ressemble plus à un bacille qu’à un vibrion, etune seconde variété provenant de Malte, analogue à un coccobacille ; enfin MM. Netter * à Paris; Sœwtchenko* à Kiew; Weichselbaum, à 4. Ucber Bacillen der Cholera nostras (T'ageblatt der 58 Versammlung deutsch. Naturf.u. Aersle zu Strassburg, p. 485). 2. Ueber eine neue, den Choleraspirillen ähnliche Spaltpilzart (Deutsch. med. Wochenchrift, 1885, n° 3, p. 33). , 3. Vibrio Metchnikovi (Annales de l'Institut Pasteur, 1888, p. 489). 4. On some species of choleraie comma bacilli occurring in Calcutta (7he se, mem. by the Med. Off., ete. Calcutta, 1894). 3. Voir Particle de M. Sclavo : Di alcune differenze fra gli spirilli del cholera, ete. (Æivista d'Igiene e Sanita Pubblica, 4892, n° 19, p. 545). 6. Vergleichende Untersuch. über den Vibrio cholerae asiaticae, ete. (Arbeit. a. dem Kaïis. Gesundh., 1892, Bd. VIIT, p. 87). 7. Recherches bactériologiques sur les cas de choléra ou de diarrhée choléri- forme, ete. (Bulletin des Hôpitaux, 1892). S. Vr'atch, 1893, p. 461. VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 693 Vienne et Malroz, à Liège ‘ ; Finkelnburg * à Paris et à Ham- bourg: Bleich à Cosel * ; et plusieurs autres observateurs en Cochinchine, à Calcutta, à Angers, à Toulon, partout en somme où ont sévi les récentes épidémies, ont signalé de nouvelles variétés de vibrions, qui, soit par leurs caractères dans les cultures, soit par leurs autres propriétés morphologiques et biologiques, se différencient plus ou moins du vibrion indien décrit par M. Koch, vibrion que cet auteur considère comme le type spécifique du vrai choléra. Récemment MM. Nicolle et Morax * ont fait connaître de nou- veaux caractères distinctifs parmi ces vibrions ; ils ont démontré qu'un vibrion de provenance indienne ne présentait pas de cils vibratiles, tandis que des autres vibrions cholériques d'Angers, de Paris (1892), de Hambourg et de Shanghaï avaient un seul cil, et d’autres, comme les vibrions de Massaua, de Calcutta et de Paris (1884), présentaient régulièrement quatre cils. Cette première série de recherches, répétées dans tous les pays et en diverses circonstances, a ébranlé fortement la doctrine de l’uniformité du vibrion cholérique:; mais d’autres observations menacent encore davantage son caractère de spécificité. Dans les déjections d'individus bien portants, M. Rumpel”, à Hambourg, a récemment signalé la présence de vibrions cholériques, et les partisans même de la théorie de M. Koch ont dû reconnaître que le bacille virgule peut vivre et se multiplier impunément dans l'intestin de l’homme, quand celui-ci se trouve au milieu d’une épidémie de choléra, sans que pour cela il soit fatalement condamné à la maladie. Plus récemment M. Metchnikoff $ à Paris, pendant l'hiver et en l’absence de toute épidémie cholérique, a vérifié le même 4. Voir l’article de M. Grixoni : Sulle proprietà biologiche d’alcuni vibrioni cholerigeni, etc. (Archivio per le Sciense mediche, 189%, p. 242). 2. Zur Frage der Variabilität der Cholerabacillen (Centralblatt für Bact. u. Parasit., 1893, Bd. XIII, p. 143). 3. Beitrag zur bakteriologischen Differentialdiagnose d. Cholera (Zeitschrift für Hygiène, Bd. XII. p. 31, 1895). 4. Technique de la coloration des cils, ete. (Annales de l'Institut Pasteur, 1895, n° 7, p. 094). 5. Bacteriologische und klinische Befunde bei der Cholera-nachepidemie in Hamburg. (Deutsch. med. Wochenschr., 1893, p. 160.) 6. Sur la propriété pathogène des vibrions (Annales de l'Institut Pasteur, 1893, p. 562;. 696 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. fait chez une personne bien portante, qui ne prenait comme boisson que de l’eau minérale. En face de constatations semblables, en face d’une variabi- lité si universellement établie, il était naturel qu'il s’élevät de nombreux problèmes intimement liés au diagnostic bactériolo- gique du choléra. On ne pouvait plus, en effet, conserver la notion admise d'un monomorphisme étroit à la suite de la découverte de vibrions dans les déjections du choléra nostras, dans le vieux fromage, ou dans le sang des volailles mortes de septicémie aviaire. — La constatation de nouveaux vibrions authentiques, et différents cependant de celui découvert par M. &och dans l'Inde, imposait la notion d'un pléomorphisme qui menaçait à son tour de devenir exagéré, bien que M. Friedrich", dans une longue série de recherches, eût tenté de démontrer que les diverses formes de vibrions pouvaient ne représenter que les variations physiologiques d’un mème type. M. Koch a senti la difficulté d’une situation si complexe, et, dans un récent article ?, il établit d’une manière définitive les caractères auxquels doit répondre un bacille virgule pour qu'il puisse être considéré comme agent étiologique du vrai choléra. Nous nous étendrons un peu plus sur cet article, en raison de la nature de nos propres recherches. Après avoir déclaré que les méthodes d'examen bactériologique décrites à l'époque de ses premières recherches (cultures en goutte pendante, sur pomme de terre, gélatine, etc.) n’offrent aujourd'hui aucune garantie d’exactitude diagnostique, M. Xoch indique les procédés d'investigation par lesquels on peut établir, suivant lui, dans tous les cas, un diagnostic rapide et sûr. Ces procédés consistent : 1° dans l'examen microscopique des déjections ; 2 les cultures dans les solutions de peptone; 3° les cultures sur plaque de gélatine ; 4° les cultures sur plaque de gélose; 5° la réaction indol-nitreuse ; 6° les expériences sur les animaux. Mais si, au point de vue d’un diagnostic rapide et complet, la pratique systématique de cette série d’investigations peut être 1700 2. Ueber den augenblicklichen Stand der bakteriologischen Choleradiagnose (Zeitschrift für Hygiene, 1893, p. 319, Bd. XIV). VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 697 considérée, dans certains cas, comme ayant une grande impor- tance, d'un autre côté, les quatre premiers procédés d’investiga- tion, de l’aveu mème de M. Koch, sont dépourvus de valeur absolue. En effet, l'examen microscopique perd beaucoup de sa valeur lorsqu'on admet l'existence du vibrion dans les matières fécales de l'homme sain ‘: la culture en solution de peptone n'est plus probante, parce qu'on obtient le même résultat avec les cultures d’autres vibrions, qui, selon M. Koch, n’ont aucun rapport avec le bacille virgule ; les cultures sur gélose n'ont rien de caractéristique, et les cultures sur plaques de gélatine présentent en réalité un polymorphisme si grand qu'aucun bactériologiste ne peut aujourd'hui attacher une grande impor- tance à la plus ou moins grande rapidité de développement, ou au trouble plus ou moins homogène qui se produit pendant la liquéfaction de la gélatine. Il ne reste donc que deux caractéristiques du vrai bacille vir- gule : la réaction indoi-nitreuse (réaction rouge) et l’action pathogène sur les animaux. | Selon M. Koch, tout vibrion qui ne répond pas à ces deux conditions doit être considéré comme n'ayant aucun rapport avec l'étiologie du choléra, ce qui équivaut à dire que les vibrions pourvus de telles propriétés doivent être considérés comme de vrais vibrions cholériques. Il LES VIBRIONS DANS LES EAUX. Il était temps, en effet, que M. Xoch indiquât, d'une manière quelcouque, les limites entre lesquelles pouvaient varier, d’après lui, les caractères des vibrions, puisque, dans le cours des épidé- mies cholériques récentes, on a décrit des types si différents les uns des autres. M. C. Fränkel ?, dans l’eau de la fontaine Zollhafen, à Duisburg, isola des colonies de vibrions consi- dérés par M. Æoch lui-même comme représentant des vibrions authentiques. Cependant, les cultures de ces vibrions dans 1. /dem, p. 338. 2. Nachweis der Cholerabakterien in Flusswasser (Deutsche med: Woclen- schrift, 1892, n° 41). 698 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. le bouillon n’ont pas donné la réaction rouge, et il ne paraît pas que l’anteur ait fait des recherches sur l’action pathogène. M. Frœænkel jusüfia en partie l’absence de réaction rouge en citant l'exemple d’une autre culture authentique, dans laquelle il n'obtenait la réaction rouge qu'après huit jours, et émit l’hypo- thèse que la pellicule superficielle, comme la réaction rouge, peu- vent quelquefois n’apparaître que sur des cultures successives. Voici donc une première exception aux règles fondamen- tales établies par M. Koch, exception qui n’a pas été mise en doute par lui-même dans son récent article très restrictif, puis- que c’est précisément dans cet article que M. Koch accepte comme authentique le vibrion trouvé par M. Frænkel dans l’eau de Duisburg. Il n’est pas dépourvu d'intérêt de constater ce précédent, qui soulève une nouvelle incertitude sur les derniers arguments que cherche à invoquer la doctrine de l’unicité du vibrion cholérique. Plus tard, Günther ‘ rencontra un second vibrion dans l'eau de Stralau: ce vibrion ne se développe pas, dans les cultures par piqûre dans la gélatine, avec la forme caractéristique en enton- noir, il ne croît qu'à la surface; de plus, il ne pousse pas dans l'étuve à 37°, n1 dans le bouillon, ni sur gélose; il ne donne pas la réaction indol-nitreuse, et il n'est pas pathogène pour les animaux. L'auteur conclut de ces faits qu’on a affaire à une espèce saprophytique banale. Puis, M. Weibel ? fit la même constatation dans l’eau d’un puits. M. Bujwid * dans l’eau d'un fleuve, etson assistant, Orlowski, dans l’eau d’un puits de Lublin, autour duquel s'étaient mani- festés quelques cas de choléra, rencontrèrent deux vibrions. Le premier croît lentement et il ne donne qu'une faible réaction indol-nitreuse (3 ou 4 jours après), tandis que le deuxième est 4 plus anaérobie et se développe plus rapidement. M. Fokker * trouva dans l’eau d’un port hollandais exempt de choléra, un vibrion non pathogène, qui se développe très bien sur la 4. Ucber eine neue, im Wasser gefundene Kommabacillenart (Deutsche med. Wochenschrift, 1892, no 49). 2, Ueber eine neue im Brunnenwasser gefundene Vibrionenart (Centralblatt für Bakt. uw. Paras., 1892, p. 147). 3. Ueber zwei neue Arten von Spirillen im Wasser (Cenfralblatt für Bakt. u. Parasit., 1892, p. 120). 4. Ueber einen dem Cholerabacillus ähnlichen Pilz (Deutsche med. Wochen- schrifl, 1893, n° 7). VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 699 gélose à 37°, mais qui, dans les milieux liquides, se développe mieux à la température de la chambre, et il exprime l’idée qu’on peut avoir affaire à un vibrion cholérique dégénéré; enfin, Kiessling ‘, dans le puits d'une maison de Blankenese, dans laquelle 1l y avait eu quelques décès de choléra, isolaun autre vibrion qui se développe sur gélatine comme le vibrion de ÆXoch, mais qui nest pas pathogène; 1l ne se développe pas bien à 37° (de mème dans le bouillon et la solution de peptone); ilne donne pas la réaction rouge, mais seulement une légère réaction de l'indol. — M. Aiessling n’admet aucune relation entre son vibrion et le choléra de Blankenese ; il le considère comme un simple saprophyte. Dernièrement aussi, M. Dunbar * constata dans divers points de l'Elbe, à Hambourg, la présence de vibrions, mais il ne four- nit aucun détail sur leurs caractères biologiques et leurs cultures. M. Koch dit que les vibrions présentant la réaction de l’indol et pathogènes pour les animaux, c'est-à-dire répondant seuls au type cholérique vrai, ne se rencontrent que dans les eaux des régions cholériques et qu'ils disparaissent après la cessation des épidémies, mais les dernières études, très nombreuses, sur le choléra, ne signalent pas un seul fait dans lequel on ait constaté, dans l’eau incriminée d’un fleuve ou d’un puits, un vibrion qui répondit exactement au signalement exigé par l'École de Berlin. — M. Koch, dans son récent mémoire, parle d’un résultat positif obtenu aussi dans l’eau par M. Lubarsch, mais, d’après les données de l’article du même auteur, les vibrions ont été trouvés dans l’eau stagnante provenant de la cale d’un bateau de Hambourg, eau qui avait servi à laver les draps d’un enfant mort de choléra trois jours avant. Dans cette eau, M. Lubarsch constata jusqu’à 40 vibrions par centimètre cube, ce qui est tout à fait d'accord avec la nature et la provenance de celle-ci: il aurait été étrange, en effet, qu'il en fût autrement. — M. Günther ‘, qui, depuis le 29 octobre, fut chargé d'examiner l’eau de la Sprée, ne 4. Ein dem Choleravibrio ähnlicher Kommabacillus (Arbeiten a. dem kaïs. Gesundh., Bd. VIII, 1893, p. 430). 2. Untersuchungen über Choleraähnliche Wasserbacterien (Deutsche med. Wochenschrift, 1895, n° 7). 3. Zur Epidemiologie der asiatischen Cholera (Deutsche med. Wochenschrift, 4892, no 43). 4. Untersuchung des Spreewassers auf Cholerabacillus (Gesundheits-Ingenieur, 4892, n9 23, p. 711). 100 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. réussit jamais à isoler un bacille virgule qui répondit aux condi- tions déjà indiquées !. Ce fait paraissait encore plus frappant, quand on songe, qu’en vertu des connaissances acquises sur la microbiologie du choléra, nous sommes amenés à penser que les vibrions trouvent dans l'eau un véhicule et un moyen de vie très favorables à leur pro- pagation et à leur existence. Rien donc de plus intéressant que d'entreprendre une série de recherches pour établir d'une manière définitive les rapports qui existent entre la nature et la topographie des eaux, et les diverses variétés vibrioniennes. Ces recherches étaient aussi indiquées, lorsque M. Bluchstein, dans ses expériences sur la conta- mination de l’eau de la Seine, eut rencontré un vibrion patho- gène capable de donner la réaction indol-nitreuse, comme on le verra dans la description que j'aurai l’occasion d'en faire. L'absence de choléra pendant l'été dernier, à Paris, me présentait une occasion favorable aux études que je m'étais proposées. Mon premier soir a été d’abord de rendre le plus simple possible la recherche rapide des vibrions dans l’eau. IL est hors de doute que les vibrions trouvent un excellent milieu nutritif dans la solution à 1 0/0 de peptone, proposée pour la première fois par M. Dunham*. D'autre côté, M. Hei- chnikoff, dans ses recherches sur le choléra, observa qu’en ajou- tant de la gélatine dans la proportion de 2 0/0, on rend la solu- tion de peptone beaucoup plus favorable au développement en surface de tous les vibrions. Enfin, ayant observé que dans les eaux riches en sels nitriques (par exemple dans les drains de Gennevilliers) les vibrions existent en grande abondance, j'ai obtenu de très bons résultats en ajoutant du nitrate potassique dans la proportion de 0,10 0/0. La recherche dans l’eau d'une espèce microbique déterminée présente des difficultés quelquefois insurmontables, à cause de l’excessive dilution dans laquelle elle se trouve constamment. 1. Ces recherches étaient presque achevées lorsque M. Æubner signala un vibrion isolé des eaux de son laboratoire à Berlin par M. Vessser, qui donne la réaction rouge et est pathogène pour les cobayes. Au sujet de ce vibrion, qu'il appelle vibrio berolinensis, M. Rubner à promis un prochain mémoire de M. Veësser ( Hygienische Rundschau. 15 Au- gust 1593). 2. Zur chemischen Reaction der Cholerabacterien. (Zeitschrift für Hygiene, 4887, Bd. II, p. 337.) VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. : 701 Aussi, dans l'espèce, avons-nous eu recours avec grand avantage à la propriété d’après laquelle les vibrions étant très aérobies, ont toujours tendance à se mulliplier à la surface des liquides nutritifs. Profitant de toutes ces connaissances, j'ai procédé à l'iso- lement des vibrions en employant chaque fois de grandes quantités d'eau. D’ordinaire, je versais 200 c. c. de liquide dans un ballon stérilisé, suffisamment volumineux pour que la surface de l’eau eût un large contact avec l'air extérieur; ensuite j'ajoutais 8 ce. c. d'un mélange nutritif composé de la manière suivante : GÉLAUNMES EEE RCE A A RE to Rte 20 BERIOREISCEN ER EEE PP RNAEAECE ART ES PR ea te ETIC) Ghlonnre SOdIQUES RER AIRES Ce 0 Nitrale potaSSIQue AE eee AA Ne ee Aie 1 Cette gélatine, préparée d'avance, peut se conserver en grande quantité dans des tubes stérilisés. On choisit la propor- tion de 4-8 c. c., à peu près, dose suffisante pour transformer 100-200 ce. c. d'eau d'analyse en solution nutritive, composée comme il suit : Gélatine 0 77 MN OR EVA At PER 2 2 Pépionesechess Aa SLR ARC 1 ChiorureSodique PRE rEr Mere : 1 Nitrate potassique.. . .. RATÉ PEACE D) Bauer Re A ee TA Ce) Le SEE 100 Dans ces ballons, les vibrions se développent si rapidement, qu'après 12 heures de séjour à l’étuve à 37°, si l’eau n’en con- tient même qu’une petite quantité, ils se présentent à la surface sous forme d’un voile mince et étendu, dont l’examen microsco- pique permet toujours de révéler la présence. Pour isoler les vibrions en culture pure, il suffit de prendre avec un fil de platine une petite quantité de cette pellicule, de la délayer dans un tube d’eau stérilisée, et de faire avec cette dilution des plaques de gélatine. On peut aussi faire des passages dans l’eau’ peptonisée et gélatinisée; on réensemence alors toutes les six heures. Les cultures sont mises dans l’étuve à 370. On obtient facilement ainsi, comme j’ai eu occasion de le vérifier maintes fois, une culture absolument pure des vibrions, grâce au procédé de sélection artificielle qui consiste à transpor- ter rapidement ces derniers dans des milieux successifs, avant 702 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. que les autres microbes de l’eau, plus lents dans leur dévelop- pement, aient eu le temps de se multiplier et de s’accumuler à la surface du liquide. En procédant de cette façon, on peut éviter tous les inconvé- nients qui ont été indiqués dans la recherche des vibrions dans l'eau : cet isolement est partant d’une facilité de technique à la portée de tous... Une autre modification introduite dans la préparation des liquides nutritifs employés pour mes recherches, concerne la préparation de la gélose. J'ai plusieurs fois constaté que la présence d’une grande richesse en albuminoïdes, comme dans le bouillon de viande, est un obstacle quelquefois insurmontable au développement des vibrions. C’est pour cela qu’à la température de 37°, plusieurs vibrions de l’eau qui se développent facilement dans la solution gélatinisée de peptone, se refusent absolument à se multiplier à la surface de la gélose, préparée à la manière ordinaire. Il est facile de comprendre que cet inconvénient empêche la rapidité de la recherche et du diagnostic. Pour cette raison, j'ai supprimé dans la préparation de la gélose l'emploi de la viande, en substi- tuant au bouillon l’eau ordinaire, faisant ainsi un milieu nuütri- tif qui, en dehors de l'avantage d’une transparence exception- nelle, se prète merveilleusement et indistinctement aux cultures de tous les vibrions à la température de l’étuve. Au cours de mes recherches, j'ai employé ce milieu comme élément de diagnostic différentiel, ayant eu souvent affaire à plusieurs espèces vibrioniennes dont je n’aurais jamais pu obtenir de cultures abondantes sans l’emploi d’une gélose pré- parée selon cette méthode. III LES VIBRIONS DE LA. SEINE. L'eau de la Seine, à cause de son excessive facilité de conta- mination, surtout en aval de la ville, a toujours été le véhicule par excellence des microbes spécifiques, pendant les fréquentes épidémies de toute nature qui ont frappé la banlieue nord-ouest de Paris. Dans la récente épidémie de 1892, se manifesta de la façon VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 703 la plus éclatante l’origine hydrique du choléra. C'est surtout dans les communes alimentées par la Seine, immédiatement en aval de Paris, que la maladie sévit avec le plus d'intensité. La zone tributaire de la machine de Saint-Denis et d'Épinay a fourni en effet, pendant la dernière année, le maximum de cholériques. L'épidémie d'Argenteuil (92, 2 morts sur 10.000 hab.) repré- senta avec l'épidémie de Sarcelles le fait dominant du choléra de 1892 dans le département de Seine-et-Oise, parce qu’au commencement de juin l’eau distribuée à Argenteuil par la machine d’Épinay ne provenait pas de l'Oise comme d'ordinaire, mais de la Seine. On connaît très bien le degré extrème de contagion qu'offre le fleuve dans cette localité, qui reçoit, entre Saint-Denis et Épinay, un égout collecteur de plus : le collecteur départemental qui s’abouche à Saint-Denis. Aux communes de Saint-Ouen, Aubervilliers et Saint-Denis, dans lesquelles on distribua l’eau de la Seine prise à Saint-Denis et pourtant un peu moins Contaminée que celle d'Epinay, la mortalité fut moindre (20,4-54,6 morts sur 10.000 hab.). — En s’approchant toujours plus de Paris, c’est-à-dire à Suresnes, au pont de Neuilly et à Sèvres, l’épidémie se manifesta d’une manière moins grave, en raison même de la moindre contamina- tion de l’eau de la Seine. D'autre part, les communes de Rueil, Poissy, Bougival, Saint-Brice, Villiers-le-Bel, etc., comprises dans la zone conta- minée, ont dû évidemment leur immunité absolue à l’alimenta- tion par l’eau de l'Oise. Par conséquent, mes premières obser- vations ont eu comme point de départ la recherche du vibrion dans l’eau de la Seine, en aval de la ville de Paris, c’est-à-dire à Point-du-Jour, Billancourt, Saint-Cloud, Suresnes, Asnières et Clichy (Voir la carte p. 705). J'isolai 8 vibrions présentant les caractères biologiques suivants : I. — Ponr-pu-Jour. Morphologie : vibrion mobile, assez incurvé, mince, à extrémité effilée, présentant souvent une forme spirillaire. Culture sur gélatine : formation de la bulle d'air caractéristique après 10% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 24 heures, et liquéfaction en entonnoir {ypique. Après 4 jours, la culture présente un aspect semblable au vibrion de Hambourg. Culture dans la solution de peptone-gélutine : développement rapide sous forme de pellicule à la surface, après 24 heures. Culture sur gélose : développement très marqué sur la gélose n° 1 (avec bouillon de viande), comme sur la gélose n° 2 (sans bouillon de viande), à la température de la chambre, de même qu'à l'étuve à 37°. Culture en bouillon : développement rapide, avec formation de pellicule superficielle en 24 heures. Culture sur pomme de terre : formation d'une traînée brunàlre peu étendue. Réaction indol-nitreuse (de Poehl) : très intense après 24 heures. Réaction de l'indol (de Legal-Weyl) ! : très abondante après 24 heures ?. IT. — BILLANCOURT. Morphologie : vibrion incurvé, plus court et plus mince que le précédent. Culture sur gélatine : développement sans liquéfaction, tout le long de la piqûre ; petite cupule liquéfiée à la surface ; tendance peu marquée à se multiplier en profondeur. Culture dans la solution de peptone-gélatine : développement abondant, uniforme, sans pellicule. Culture sur gélose : après une première culture sur la gélose n° 1, il est impossible de faire d’autres passages ; le développement est par contre rapide et abondant sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : à peine perceptible après plusieurs jours. Cullure sur pomme de terre : dépôt blanchàtre peu évident. Réaction indol-nitreuse : absente. Réaction de l'indol : absente. LT SANT CLOUD: Morphologie : vibrion mobile, un peu plus gros et plus court que celui trouvé au Point-du-Jour; il présente la forme caractéristique de virgule plus évidente que dans tous les autres vibrions, et ressemble sous beaucoup de rapports au vibrion d'Angers. Culture sur gélatine : formation rapide de la bulle d'air, et liquéfaction tout le long de la piqüre. Après 4 jours, liquéfaction en entonnoir caracté- ristique, présentant l'aspect d’une culture de Massaouabh. Culture dans la solution peptone-gélatine : développement rapide et for- mation d’une pellicule superficielle. Cullure sur gélose : développement rapide et abondant sur gélose n° 1 et no Cullure en bouillon : multiplication abondante et formation d’une pelli- cule superficielle. 1. Voir le Manuel de M. R. I. Petri : Der Cholerakurs, Berlin, 1893, page 25. 2. Ce vibrion a été isolé, comme j'ai déjà dit, par M. Blachstein à l'Institut Pasteur. 705 RA. r. 4 4 » TIOLOGIE DU CHOLI , AUX ET E la plus abondante et la plus caractéris- tique de tous les vibrions du laboratoire ; après quelques jours, toute la sur- = 4 À VIBRIONS DES I Culture sur pomme de terre GB U? ND2,[ SUP SONIA‘ HEGI U2 VIOYD (@ T— CEGI U? ND2 [SUVP MUUOIIA ?}p D UO1QIA 2] no S{DIO[®) — 36 QI» p.404 »] vd SHqUIoNID 57/1[PP0[ 222 2HSNO0Z A 1207 SES + O 407 53 / 2nb3] 51552) / O SZ 57° ! é upy209O,7 xmaUPDf]O 2 7 É © 217 ! - [e] J22:1ÿ © ! 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Culture sur gélatine : développement sans liquéfaction, le long de la strie ; même cupule de liquéfaction à la surface : peu de tendance au déve- loppement en profondeur. Culture en solution de peptone-gélatine : développement abondant sur- tout à la surface ; après quelques passages par le péritoine des cobayes, on obtient des cultures avec la pellicule superficielle. Culture sur gélose : positive dans la gélose n° 1, à peu près nulle sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : négative. Culture sur pommes de terre : insignifiante. Réaction indol-nitreuse : absente. Réaction de l'indol : absente. V. — ASNIÈRES (N° 1). Morphologie : vibrion mobile à forme de virgule, très mince et très incurvé, un peu semblable au vibrion de Hambourg. Culture sur gélatine : développement assez lent tout le long de la piqûre ; légère trace de liguéfaction à la surface. Culture en solution de peptone-gélatine : développement abondant, avec trouble uniforme du liquide; absence de pellicule. Culture sur gélose : sur la gélose n° 1, développement à 37°; cultures peu manifestes à 20°, plus abondantes à 22°; développement rapide et très marqué sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : développement rare dans les premières 24 heures ; culture abondante avec formation de pellicule superficielle après 48 heures. Culture sur pomme de terre : insignifiante. é Réaction indol-nitreuse : après 48 heures, elle se manifeste légèrement. Réaction de l'indol : évidente après 24 heures. VI. — ASNIÈRES (N° 2). Morphologie : vibrion mobile (rès incurvé; plus gros mais plus uniforme que le précédent. Culture sur gélatine : développement tout le long du trait de la piqûre, avec cupule de liquéfaction superficielle plus étendue que celle du n° 1. Culture sur la solution de peptone-gélaline : développement imperceptible dans les premières 24 heures, avec flocons nageant à la surface du liquide ; trouble uniforme après 48 heures; absence de pellicule. Culture sur gélose : développement médiocre après quelques jours sur la gélose n° 4 à 37°, un peu plus rapide à 2%, abondant à 22°; développe- ment très accentué sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : développement très médiocre à 37°; un peu plus abondant avec formation d'une légère pellicule à 220. Cultures sur pomme de terre : insignifiante. VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 707 Réaction indol-nitreuse : négative après 24 heures dans la solution de peptone à 37°; plus évidente dans les cultures à 22°, Réaction de l'indol : manifeste après 48 heures. NID. — Cream (Ne Morphologie : vibrion mobile légèrement polymorphe, présentant en général des formes minces, à peine incurvées, et des formes beaucoup plus longues semblables à celle du vibrion de Paris de 1892. Culture sur gélatine : développement le long de la piqüre, avec godet de liquéfaction superficiel assez étendu. Culture dans la solution de peptone-gélatine : développement abondant spécialement à la surface, avec formation de pellicule superficielle. Culture sur gélose : négative dans la gélose n° 1 à 57°, après 24 heures; médiocre à 29°; un peu plus abondante à 22°, Sur gélose n°2, culture rapide etabondante. Culture sur bouillon : médiocre dans les premières 24 heures, plus abon- dante avec formation de pellicule après 48 heures. Culture sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nitreuse : très faible après 48 heures. Réaction de l'indol : évidente. VII. — Cricay (N° 2). Morphologie : vibrion mobile à peu près semblable au précédent, mais plus incurvé et plus uniforme. Culture sur gélatine : développement le long de la piqûre, avec formalion d'un petit entonnoir de liquéfaction à la surface. Culture dans la solution de peptone-gélatine : développement abondant, surtout dans les couches supérieures, avec formation de pellicule. Culture sur gélose : négative sur gélose n° 1 à 37°; discrète à 29°; abon- dante à 22°. Sur la gélose n° 2, développement rapide et abondant. Culture en bouillon : rare développement avec formation de petits flocons à la surface. Culture sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nitreuse : à peine perceptible après 8 jours. Réaction de l’indol : évidente. La constance et l’uniformité des résultats dans toutes les recherches sur la Seine en aval de Paris ont rendu indispensables d’autres observations successives en amont du fleuve et tout le long de son parcours dans la ville. J'ai pris de nouveau de l’eau de la Seine à Ivry et de la Marne à Charenton; j'ai pris aussi directement de l’eau de la Seine à Bercy (peu après son arrivée dans la ville), et une autre partie enfin au pont au Change, près du Châtelet. Dans tous ces échantillons d’eau, j'ai réussi à isoler facilement neuf vibrions, dont je décrirai les caractères les plus saillants. 708 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. IX. — Ivry (n° 1). Morphologie : petit vibrion mobile, assez court, en forme de virgule, un peu semblable à celui de Saint-Cloud. Culture sur gélatine : développement le long de la piqüre, avec liqué- faction superficielle. Culture dans la solution de peptone-gélatine : trouble léger et uniforme dans les premières 24 heures; devient plus abondant les trois jours suivants, sans formation de pellicule. Culture sur gélose : sur la gélose n° 1, développement imperceptible dans ies premières 24 heures, lent et modéré dans les jours suivants. Sur la gélose n° 2, développement abondant. Cuilure en bouillon : développement imperceptible dans les premières 24 heures; plus manifeste après 48 heures, mais sans formation de pellicule superficielle. Culture sur pomme de terr2 : insignifiante. Réaction indol-nitreuse : négative dans les premières 24 heures, se mani- feste légèrement au huitième jour. Réaction de l'indol : évidente après 24 heures. X-— [vas (nt2): Morphologie : vibrion mobile, un peu plus mince et plus long que le précédent. Culture sur gélatine : développement le long de la piqûre, avec formation d'un grand entonnoir de liquéfaction à la surface. Culture dans la solution de peptone gélatine : trouble uniforme, mais plus intense vers les parties superficielles; pas de pellicule. Culture sur gélose : développement très limité dans les premières 24 heures, mais plus abondant dans les jours suivants, sur la gélose n° { à 31°; développement rapide et abondant sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : après 24 heures, développement discret avec trouble général et uniforme, plus manifeste dans les parties superficielles. Culture sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nilreuse : négative après 24 heures; légère après 8 jours XI. — CHARENTON (n° 1). Morphologie : vibrion mobile très semblable au précédent. Culture sur gélatine : développement discret le long de la piqüre, avec godet caractéristique de liquéfaction à la surface. Culture dans la solution de peptone-gélatine : après 24 heures, léger trouble uniforme; apparition de la pellicule après 2 ou 3 jours. Cullure sur gélose : très rare sur la gélose n° 1; abondante sur la gélose n° 2. Cullure en bouillon : très rare. Culture Sur pomme de terre : peu évidente. Réaction indol-nitreuse : négative après 24 heures; légère après 8 jours. Réaction de l'indol : très intense après 24 heures. VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 709 XII. — CHARENTON (n° 2). Morphologie : petits vibrions, minces, mobiles, (très incurvés et uniformes. Culture sur gélatine : développement le long de la piqüre, avec petit godet superficiel de liquéfaction. Culture dans la solution de peplone-gélatine : développement surtout en surface, sans formation de pellicule. Culture sur gélose : sur la gélose n° 1 après 24 heures, un peu plus abondante que la précédente; sur la gélose n° 2, développement rapide et très manifeste. Culture en bouillon : léger trouble uniforme, sans pellicule. Cullure sur pomme de terre : à peine perceptible. Réaction indol-nitreuse : négative après 24 heures ; très intense aprèss jours Réaction de l'indol : très belle après 24 heures. XIII. — Bercy (n° 1). Morphologie : vibrion mobile très mince, légèrement incurvé comme le vibrion indien. Culture sur gélatine : développement le long de la piqûre, avec grand entonnoir de liquéfaction limité à la surface. Culture dans la solution de peptone-gélatine : léger développement, avec formation de flocons nageant à la surface; pas de pellicule. Culture sur gelose : absolument négative à 37°, abondante à 22° sur la gélose ordinaire n° 1, rapide et abondante après 24 heures sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : négative à 37°, peu évidente à 22°, Culture sur pomme de terre : imperceptible. Reaction indol-nitreuse : négative. Réaction de l'indol : négative. XIV. Bercy (n° 2). Morphologie : vibrion mobile, plus petit, plus mince et plus incurvé que le précédent. Culture sur gélatine : développement le long de la piqûre. avec petit godet superficiel de liquéfaction. Culture dans la solution de peptone-gélatine : trouble diffus. plus marqué aux parties superficielles, où il se manifeste sous forme de flocons nageants. Culture sur gélose : négative à 37°, assez abondante à 22° sur la gélose no 1, et très abondante sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : négative à 37°, développement lent et peu abondant à 220. Culture sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nitreuse : à peine perceptible après 8 jours. Réaction de l'indol : idem. : XV. Poxt-Au-CHANGE (n° 1). Morphologie : vibrion mobile, très incurvé, un peu semblable à celui de Massaouah. 710 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. , Culture sur gélatine : développement le long de la piqûre avec petit godet superficiel de liquéfaction. Culture dans la solution de peptone-gélatine : léger trouble après les premières 24 heures; plus abondante avec formation de pellicule à la surface après 3 Jours. Culture sur gélose : négative à 37°, modérément abondante à 22° sur la gélose n° 1. Développement rapide et très manifeste sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : négative à 37° pendant les 2 ou 3 premiers jours, développement discret à 22°. Culture sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nilreuse : négative. Réaction de l'indol : négative. XVI. PoxT-Au-CHANGE (n° 2). Morphologie : vibrion mobile, identique à celui de Saint-Cloud, avec présence de formes filamenteuses et spirillaires. Culture sur gélatine : développement le long de la piqûre avec formation d'une grande capsule de liquéfaction à la surface. Culture dans la solution de peplone-gélatine : assez abondante, formation d'une pellicule après 24 heures. Culture sur gélose : très en retard et pauvre sur la gélose n° 1, abon- dante sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : très médiocre à 37°, plus abondante à 22°. Culture sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nitreuse : négative. Réaction de l'indol : à peine évidente après 8 Jours. Pendant le cours de ces recherches, j'ai souvent examiné l'eau d’alimentation de la ville de Paris. Il y a peu de mois encore, l’eau qui servait à une certaine partie de la population de Paris, provenait parfois de la Seine, puisque les eaux de la Vanne, de la Dhuis et de la Vigne, qui alimentaient la capitale, devenaient tout à fait insuffisantes dans les périodes de grande sécheresse; mais, dans le courant de cette année, l’arrivée de l'Avre a permis d'éviter ce grave inconvénient, et la santé publique a tiré de grands avantages de l'absence d’eau de Seine. Les échantillons recueillis pour mes recherches provenaient directement des conduites installées à l’Institut Pasteur, qui font partie des conduites générales de la ville. Il ne me fut jamais possible de savoir laquelle des quatre espèces d'eau prédomine puisque, une fois arrivées à la ville, les eaux de la Vanne, de la Dhuis, de la Vigne et de l’Avre entrent ensemble dans la même canalisation et se confondent complètement dans le vaste réseau de l’eau potable de Paris. VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 711 Après plusieurs tentatives infructueuses, j’ai finalement réussi, le 14 août, à isoler dans cette eau un vibrion qui présen- tait les caractères suivants : XVII. — Morphologie : petit vibrion mobile, mince, trés incurvé, quelque- fois en forme spirillaire. Culture sur gélatine : développement le long de la piqûre, avec liquéfac- tion superficielle en forme d'entonnoir. Culture dans la solution de peptone-gélaline : développement abondant avec production de flocons à la surface. Culture Sur gélose : assez médiocre sur la gélose n° 1, abondante sur la gélose no 2. Culture sur bouillon : assez médiocre. Culture sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nitreuse : à peine perceptible après 8 jours. Réaction de l'indol : peu manifeste. La constatation, après plusieurs tentatives infructueuses, dans l’eau potable de Paris, d’un vibrion aussi semblable par plusieurs de ses caractères à ceux déjà signalés dans l’eau de la Seine, m'a inspiré le soupçon d’un mélange possible d’eau de la Seine à l’eau qui sert à l'alimentation de Paris. Naturellement, il ne m'a pas été possible de confirmer une telle supposition, mais la circonstance que les jours précédant le 14 août ont présenté une chaleur excessive, et qu'il est possible que, dans ces cas, le nouveau conducteur de l'Avre ait été insuf- fisant à satisfaire les besoins de la ville, rend très probable l'hypothèse que, pour quelques jours, on ait eu recours à l’eau de la Seine pour faire face à l'énorme consommation. IV LES VIBRIONS DES ÉGOUTS Les égouts de Paris déversent toutes leurs eaux dans trois collecteurs. Celui de la rive gauche et celui de la rive droite se réunissent en un tronc commun qui déverse dans la Seine, en aval de Paris, et jettent dans ce fleuve, à Clichy, près du pont d’Asnières, les quatre cinquièmes des eaux de Paris, soit en moyenne par jour 373,000 mètres cubes. Le troisième collecteur, dit départemental, recueille les eaux des versants nord de la butte Montmartre et des quartiers 712 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. hauts de Paris et vient déboucher dans la Seine à Saint-Denis. Il a un débit journalier de 40,000 à 60,000 mètres cubes. Depuis l'exécution de ces collecteurs et le développement du réseau secondaire des égouts, la Seine s'est trouvée gravement altérée à partir de Clichy jusqu'aux environs de Mantes. — La recherche de vibrions dans l’eau de ces collecteurs, qui prennent une si grande part à la contamination de l’eau de la Seine, était donc indiquée. ; Les recherches dans les deux premiers collecteurs, celui de la rive droite et celui de la rive gauche, furent faites immédia- tement au point d’abouchement dans le lit de la Seine, près du pont d'Asnières. Dans cet endroit, l’eau est excessivement sale; elle contient plus de 400,000,000 de bactéries par centimètre cube el 38,4 milligrammes 0/0 de matières organiques. On y trouve les vibrions en grande quantité, et l’eau préparée de la manière déjà indiquée, après 12 heures de séjour à l’étuve à 31°, présente toujours à la surface une pellicule constituée par des vibrions en culture presque pure. Dans les cultures sur plaques, on obtient d'innombrables colonies caractéristiques, parmi lesquelles il serait assez facile d'isoler une série illimitée de variétés; je me suis pourtant contenté d'en séparer deux seulement en culture pure, afin de ne pas compliquer le matériel de mon étude. Voici leurs principaux caractères : XVIIT. — CoLLECTEUR D'ASNIÈRES (n° 1). Morphologie : petits vibrions mobiles à forme de virgule, semblables à ceux de Saint-Cloud, mais un peu plus minces. Culture sur gélatine : développement le long de la piqûre et formation d'une grande cupule de liquéfaction à la surface. Culture dans la solution de peptone-gélatine : rare dans les premières 24 heures; après 48 heures, le liquide est tout à fait trouble et présente de petits flocons à la surface ; pas de pellicule. Culture sur gélose : absolument négative sur la gélose n° 4 à 37°, mani- feste à 29, abondante à 22, Développement rapide et très marqué sur la gélose n° 2. Cullure en bouillon : développement assez léger à 37°, plus abondant avec formation de pellicule superficielle à 220. Cullure sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nitreuse : très légère à 37°, après 48 heures. Réaction de l'indol : à peine perceptible. VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 713 sXIX. — CoLLECTEUR D'ASNIÈRES (n° 2). Morphologie : vibrion mobile, un peu plus grand que le précédent, mais plus uniforme, et un peu semblable au vibrion de Paris (1892). Culture sur gélatine : développement le long de la piqûre, avec petit godet de liquéfaction superficiel. Culture dans la solution de peplone-gélatine : médiocre dans les premières 24 heures, plus abondante ensuite avec formation d'une légère pellicule. Culture sur gélose : développement lent et limité sur la gélose n° 1, abondant sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : développement discret, mais sans pellicule. Cullure sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nitreuse : à peine perceptible après plusieurs jours. Reaction de l'indol : idem. D’autres recherches furent faites sur le collecteur de Click y, dans l’eau prise au passage souterrain, à Levallois-Perret. Dans cette eau, qui ne diffère pas, quant à sa contamination, de celle qui se jette dans la Seine, près d’Asnières, les vibrions sont aussi excessivement abondants. Les trois espèces isolées dans ce cas, au hasard, présentent les caractères suivants : XX. — LevaLzcois-PERRET (n° 1). Morphologie : vibrion mobile, mince et très incurvé, d'aspect générale- ment uniforme. On trouve souvent des formes allongées avec flexions. Culture sur gélatine : développement limité au trait de la piqüre, avec godet de liquéfaction superficiel. Culture dans la solution de peptone-gélatine : trouble uniforme et rapide, mais sans formation de pellicule. Culture sur gélose : très lente et peu manifeste sur la gélose n° 1, abon- dante sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : à peine perceptible après 24 heures, abondante avec pellicule après 48 heures. Culture sur pomme de terre : à peine visible. Réaction indol-nitreuse : négative. Réaction de l’indol : faible. XXI. — LEvALLois-PERRET (n° 2). Morphologie : petit vibrion mobile, plus court et plus uniforme que le précédent. , Culture sur gélatine : développement sans liquéfaction le long de Ja piqûre, godet superficiel. Culture dans la solution de peptone-gélatine : trouble uniforme, avec très légère pellicule sous forme d’anneau à la surface. Culture sur gélose : négative sur la gélose n° 1 à 37°; abondante et rapide sur la gélose n° 2. 114 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Culture en bouillon : à peine perceptible après 24 heures, abondante avec formation de pellicule après 48 heures. Culture sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nitreuse : négative après 24 heures, faible au 8 jour. Réaction de l'indol : assez faible. XXII. — LEevarLots-PERRET (n° 3). Morphologie : vibrion mobile, petit et mince en forme de virgule, un peu plus polyÿmorphe que le précédent. Cullure sur gélatine : développement le long de la piqûre, grande cuvette de liquéfaction à la surface. Culture dans la solution de peptone-gélutine : développement assez rapide et abondant, mais sans formation de pellicule. Culture Sur gélose : négative sur la gélose n° 1; abondante sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : à peine perceptible en 24 et 48 heures, plus abon- dante les jours suivants, mais sans formation de pellicule. Culture sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nitreuse: négative après 24 heures; évidente après 8 jours. Réaction de l'indol : assez manifeste après 8 jours. y LES VIBRIONS DE GENNEVILLIERS ET DES EAUX DE DRAINAGE. S appuyant sur les travaux de MM. de Freycinet, Schlesing, Marié-Davy, Frankland, etc., les ingénieurs de la ville de Paris ont conclu à l'épuration des eaux d’égout par l’action d’un sol perméable et de la végétation. Après des cultures d’essai à Clichy, les eaux d'égout ont été envoyées sur la rive gauche de la Seine, dans la plaine de Gen- nevilliers. La surface irriguée a subi un développement pro- gressif, et elle atteint aujourd'hui plus de 750 hectares. La prospérité de la plaine et sa salubrité sont, malgré cela, indiscutables; la population a plus que doublé depuis 1872: l'expérience est donc concluante et confirme pleinement la théorie. L'œuvre de salubrité est en même temps une œuvre de fertilisation. Après avoir servi à l'irrigation de cette vaste zone de terre, l’eau filtrée est recueillie dans un système de drainage destiné à faciliter l’abaissement de la nappe souterraine. Les modifications organoleptiques, chimiques et biologiques subies par ces eaux après son épuration dans le sol de Genne- villers, sont surprenantes. VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 745 Après filtration d'un mélange infini de résidus de tout genre, d’un liquide infect. contenant des microbes en quantité énorme, les cinq drains de Gennevilliers fournissent à la Seine une eau limpide, fraîche, agréable, et, par son contenu en microbes (drain d'Asnières avec 400 germes par c. c.,) peut-être plus pauvre que les eaux employées à l'alimentation de la ville de Paris. La recherche des vibrions dans cette eau, avant et après la filtration à travers le terrain, présentait, dans ce cas par- ticulier, un grand intérêt. Les échantillons d’eau d'irrigation ont été prélevés dans un des conduits de distribution qu'on trouve aux jardins de la ville de Paris à Asnières ; ceux de l’eau de drainage ont été prélevés au drain des « Grésillons », qui s’abouche à l'extrémité du même jardin à Asnières. Dans ces échantillons, j'ai constaté avec facilité la présence des vibrions en grande quantité, et de variétés morphologiquement diverses. Voici les principaux caractères de quelques-unes : XXII. — GEexNevizziers (n° 1). Morphologie : vibrion mobile, mince, uniformément incurvé, plus long que les précédents trouvés à Levallois. Culture Sur gélatine : développement le long de la piqûre avec un grand entonnoir de liquéfaction superficielle. Culture dans la solution de peptone-gélatine : trouble homogène, abon- dant. mais sans pellicule. Culture sur gélose : négalive sur la gélose n°1, abondante sur la gélose n°2. Culture en bouillon : très rare après 24 heures; abondante avec formation de flocons à la surface, mais sans pellicule, après quelques jours. Culture sur pomme de terre : négative. Réaction indol-nilreuse : absente. Réaction de l'indol : assez faible. XXIV. — GENNEVILLIERS (n° 2). Morphologie : vibrion mobile tout à fait semblable à celui de Saint-Cloud. Culture sur gélatine : développement le long de la piqûre avec formation de cupule à peine perceptible à la surface. Culture dans la solution de peplone-gélatine : (rouble abondant avec mince pellicule annulaire à la surface. Culture sur gélose : développement rapide et abondant aussi bien sur la gélose n° 1 que sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : assez abondante après 24 heures, avec pellicule superficielle. Culture sur pomme de terre : {rès rare, blanchâtre. Réaction indol-nitreuse : absente. Reaction de l'indol : assez faible. 716 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. XXV. — GENNEVILLIERS (n° 3). Morphologie : vibrion mobile, à peu près semblable au précédent, mais un peu plus gros et plus long. Cullure sur gélatine : développement le long de la piqûre, avecliquéfaction en entonnoir à la surface. Cullure dans la solution de peptone-gélatine : trouble abondant avec pellicule annullaire à la surface. Culture sur gélose : négative sur la gélose n° 4, abondante sur la gélose n° 2. Cullure en bouillon : assez médiocre après 24 heures; ensuite très abon- dante avec formation d’une pellicule. Cullure sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nitreuse : négative après 24 heures, très évidente après 8 jours. Réaction de l'indol : assez faible. XXVI. — GENNEVILLIERS (n° 4). Morphologie : vibrion mobile, très mince, régulier et incurvé, semblable au vibrion de Hambourg. è Cullure sur gélatine : développement le long de la piqüre, avec godet de liquéfaction superficiel. Cullure dans la solution de peptone-gélatine : abondante avec formation de pellicule annullaire. Culluresur géiose : négative sur la gélose n° 1, abondante sur la gélose n° 2. Cullure en bouillon : assez médiocre après 24 heures, ensuite plus abon- dante, avec formation de pellicule superficielle. Cullure sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nilreuse : négative après 24 heures, très évidente après 8 jours. Réaction de l'indol : positive. XXVII. — GENNEVILLIERS (n° 5). Morphologie : vibrion mobile, moins incurvé, plus long et un peu plus gros que le précédent: présente parfois des formes irrégulières. Cullure sur gélatine : développement abondant et liquéfaction le long de la piqûre. Bulle d'air caractéristique, mais un peu plus petite que celle du vibrion de Courbevoie après 24 heures; après 4 jours, liquéfaction typique | en entonnoir. Cullure dans la solution de peptone-gélatine : développement abondant, avec formation d’une pellicule superficielle après 12 heures. Culture sur gélose : abondante et rapide sur la gélose n° 1 et n° 2. Culture en bouillon : abondante avec pellicule superficielle après 24 heures. Cullure sur pomme de terre : formation d'une légère couche grisâtre. Réaction indol-nilreuse : légère après 24 heures; très intense et de colo- ration écarlate après 8 jours. Réaction de l'indol : très marquée après 24 heures. ê L 4 3 ain battait) pt ns détecté een” ET PE PT TE 4. Déont t PR oS S d S CE, à 1 VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. =1 ( XXVIIL. — DraIN (n° 1). Morphologie : vibrion mobile, mince, allongé, très incurvé. Culture sur gélaline : développement médiocre le long de la piqüre. Pas de liquéfaction. Culture dans la solution de peptone-gélaline : très abondante, avec pelli- cule annullaire à la surface. Culture sur gelose : rapide et intense sur les géloses n° 4 et n° 2. Culture en bouillon: abondante avec formation de pellicule après48 heures. Réaction indol-nitreuse : négative après 24 heures. Imperceptible après 8 jours. Réaction de l'indol : évidente, mais faible. XXIX. —: Drain (n° 2). Morphologie : vibrion mobile polymorphe. À côté de quelques formes allongées, minces et très incurvées, on observe d’autres formes plus grosses, plus allongées, avec renflement terminal. Culture sur gélatine : développement le long de la piqüre, avec enton- noir de liquéfaction, assez profond. ; Culture dans la solution de peptone-gélatine : trouble abondant, avec légère pellicule superficielle. Culture sur gélose : négative sur la gélose n° 1, abondante sur la gélose n°2. Culture en bouillon : discrète avec formation d’une légère pellicule, après 48 heures. Culture sur pomme de terre : insignifiante. Réaction indol-nitreuse : négative après 48 heures, manifeste après8 jours. Réaction de l'indol : assez faible. XXX. — Draix (n° 3). Morphologie : vibrions mobiles plus petits et plus uniformes que les pré- cédents, à extrémités affilées comme les vibrions de Suresnes. Culture sur gélatine : développement sans liquéfaction le long de la piqûre. Godet superficiel. Culture dans la solution de peptone-gélatine : abondante avec mince pel- licule superficielle Culture sur gélose : développement rapideetabondantsur gélose n°1 etn° 2. Culture en bouillon : abondante avec pellicule. Culture sur pomme de terre : faible et blanchâtre. Réaction indol-nitreuse : négative après 48 heures, discrète après 8 jours. Réaction de l'indol : assez faible. VI LES VIBRIONS DE VERSAILLES. L'immunité presque absolue de Versailles pendant toutes les épidémies qui, à diverses époques, ont frappé le département de 718 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Seine-et-Oise, est très connue, et on peut se demander si un tel privilège n'est pas dû à la qualité et à la provenance de l’eau d'alimentation fournie à la ville. En effet, les documents officiels signalent dans la dernière épidémie trois décès cholériques à Versailles, mais le dernier de ces cas concerne un individu amené déjà malade de Trappes. Le premier également ne peut pas être considéré comme ayant pris sa maladie à Versailles, parce qu'il arrivait de Bezons, et succomba le 6 septembre, après quelques jours de maladie. Le 6 septembre aussi mourait, après 24 heures de maladie, un soidat des chasseurs. Cet homme avait souffert pendant un mois de troubles intestinaux dont il avait guéri quelques jours avant. En dehors de ces cas, pas d’autres observations. Cependant la ville de Versailles, en raison de sa position topographique, n'a pas une eau de bonne qualité. Peut-être l'eau est-elle encore pire que dans la banlieue de Paris. La plus grande partie, en effet, est de l’eau de Seine qui, prise à Bougival, est portée par une machine hydraulique jusqu'à la ville; une petite quantité d’eau provient de certains étangs des environs, dont le contenu, recueilli dans le réservoir de Monthauron, après avoir subi une dépuration sommaire, est distribuée à quelques fontaines publiques. J'ai pris des échantillons aux deux fontaines publiques situées sur la place Hoche. L'une distribue l’eau de la Seine, la seconde l’eau des étangs. J'ai recueilli aussi un autre échantillon du grand canal en croix situé au milieu du parc du château de Versailles. Dans cette dernière, je n'ai pas pu constater la présence de vibrions, mais dans les autres j'ai isolé deux variétés dont voici les caractères principaux. XXXI. — VERSAILLES (eau de la Seine). Morphologie : vibrion mobile mince, allongé, élégamment ineurvé et uniforme comme celui de Courbevoie. Culture sur gélatine : développement abondant et liquéfaction le long de la piqüre, avec petite bulle d'air caractéristique à la surface après 24 heures; dans les jours suivants, liquéfaction en entonnoir caractéristique. Culture dans la solution de peptone-gélatine : trouble abondant, uniforme, avec légère pellicule superficielle. Culture sur gélose : rapide et abondante sur les géloses n° { et n° 2. VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 719 Culture en bouillon : trouble uniforme et abondant avec pellicule à la surface. Culture sur pomme de lerre : léger développement sous forme d’un petit dépôt blanchâtre peu étendu. Réaction indol-nitreuse : assez évidente mème après 24 heures. Réaction de l’indol : abondante. XAXIT. — VERSAILLES (eau des étangs). Morphologie : vibrion mobile, mince, incurvé, uniforme, semblable à celui du drain n°3. Culture sur gelatine : développement le long de la piqûre avec liquéfac- tion en entonnoir à la surface. Culture dans la solution de peptone-gélatine : développement abondant, avec pellicule épaisse à la surface. Culture sur gélose : négative après 24 heures, peu développée les jours suivants sur la gélose n° {, abondante sur la gélose n° 2. Culture en bouillon : développement abondant avec pellicule. Culture sur pomme de terre : peu appréciable. Réaction indol-nitreuse : négative après 24 heures, imperceptible après 8 jours. Reaction de l'indol : légère. VII LES PROPRIÉTÉS PATHOGÈNES DES VIBRIONS DES EAUX. Les caractères des 32 vibrions que nous avons décrits som- mairement, sont déjà suffisants pour donner une idée approxi- mative de leur extrême variabilité, et pour nous indiquer l’opinion que nous devons nous former de leurs rapports avec le diagnostic bactériologique du choléra. A côté de quelques variétés (V. du Point-du-Jour, de Saint- Cloud, de Gennevilliers n° 5, de Versailles) qui se développent sur la gélatine d’une manière si caractéristique qu'on ne peut pas les différencier des vibrions cholériques authentiques, nous trouvons d’autres variétés qui liquéfient peu ou pas la gélatine (V. de Gennevilliers n° 2, Drain n° 1), dans laquelle ils se multiplient avec grande lenteur et difficulté. À côté de ces dernières qui se développent, comme plusieurs autres, dans l'étuve à 37°, soit sur gélose ordinaire, soit dans le bouillon de viande, nous trouvons de nouveaux vibrions (V. d’Asnières n° 1, du collecteur d’Asnières n° 1, de Levallois n° 2 et 3, de Gennevilliers n°° 1, 3 et 4, et du Drain n° 2) qui se refusent 720 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. absolument à se multiplier sur gélose ordinaire; et, d’autres enfin (V. de Billancourt et de Suresnes) qui, tout en se cultivant sur ce milieu nutritif, trouvent un obstacle si insurmortable à croître dans le bouillon de viande qu'on ne réussit à les y cultiver, que si celui-ci est soumis à la température de la chambre. Les seuls milieux qui, à la température de l’étuve, soient com- patibles avec la vie de tous les vibrions indistinctement sont donc : la gélose à l’eau peptonisée et la solution de peptone-gélatine. Mais combien de différences on observe dans les cultures de cette nature! Les vibrions de Gennevilliers n° 4, et du Drain n° 1, par exemple, qui ne liquéfient que peu ou pas la gélatine, et que pour cela on pourrait considérer comme appartenant à des variétés extrèmement exigeantes ou dégénérées, se dévelop- pent, par contre, sur la gélose ordinaire à 37°, avec une rapidité supérieure à celle de tous les autres vibrions. 1l n'y a pas de rapport entre la difficulté de développement à 37° dans les milieux nutritifs ordinaires, et tout autre caractère pouvant ètre considéré comme d'ordre dégénératif, puisque les vibrions qui ne liquéfient pas la gélatine finissent par se dévelop- per à 31°, et que, vice versa, beaucoup d’autres qui iquéfient plus ou moins abondamment la gélatine, ne peuvent pas se cultiver à la température de l’étuve. Quant aux cultures sur la gélatine, on observe une série si riche de différences dans l'intensité, la profondeur et l'étendue de la liquéfaction, qu'il serait absolument impossible d'établir des caractères fixes et de quelque valeur. Mais, à l'exception des quatre vibrions que nousavonsrappelés (Point-du-Jour, Saint-Cloud, Gennevilliers n° 5. Versailles) qui liquéfient la gélatine d’une manière caractéristique tout le long de la piqüre, et des vibrions de Gennevilliers n° 2 et Drain n° 1, qui liquéfient peu ou pas, tous les autres ne déter- minent dans ce milieu qu'une liquéfaction plus ou moins étendue sous forme de godet, avec tendance plus ou moins marquée à s'étendre en profondeur; ils produisent donc une liquéfaction superficielle et atypique. Évidemment on a affaire dans ce cas à des vibrions extrème- ment aérobies, habitués à vivre à la surface de l’eau et en contact immédiat avec l'oxygène de l’atmosphère, et qui, plus VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 721 exigeants que les autres variétés aérobies, conservent dans les milieux artificiels leur ancienne propriété. Aussi les cultures sur pomme de terre, que j'ai étudiées comme élément de diagnostic différentiel, ne fournissent qu'un critérium très incomplet. Le vibrion de Saint-Cloud se développe mieux que tous les autres; en peu de jours il recouvre la surface de la pomme de terre d'un dépôt brunâtre et abondant; le vibrion du Point-du- Jour, par contre, ne détermine qu’une prolifération très limitée ; le vibrion de Gennevilliers croît sous forme d’une belle couche grisätre; le vibrion de Versailles se développe à peine; et tous les autres vibrions ne se manifestent que sous forme d’une pellicule plus ou moins blanchâtre, plus ou moins étendue, qui n’a rien de constant ni de caractéristique, ou bien ils ne se développent pas du tout. Mais d’autres vibrions authentiques et virulents de l'Inde, de Hambourg, de Courbevoie, etc., qui sontdans le laboratoire et qui ont été employés dans des expériences de diverse nature, possè- dent le même aspect dans les cultures sur pomme de terre; par conséquent, il est de tout pointinutile d’insister, comme plusieurs avant moi l’ont fait, sur les caractères différentiels d'un milieu nutritif de si peu de valeur. Quant à la formation de la pellicule superficielle qu’on avait considérée autrefois comme étant d’une si grande importance, et qu’on considère encore aujourd'hui comme un élément auxiliaire de quelque utilité, elle nous offre la même incertitude. Quelques vibrions (Point-du-Jour, Saint-Cloud, Charen- ton n°1, Suresnes. Gennevilliers n° 5, Drains n° 2 et 5, Ver- sailles (étangs), et Versailles (Seine), cultivés dans la solution de peptone-gélatine, forment la pellicule dans les premières 24 heures; d’autres (collecteur d’Asnières n° 2, Clichy n° 1 et 2, Pont-au-Change n° 1 et 2), après deux ou plusieurs jours; d'autres, enfin, ou bien ne la donnent jamais, ou bien n'arrivent qu’à former un léger anneau, adhérant à la paroi du tube et qui, après un développement limité, devient stationnaire. Mais, sans nous arrêter plus longtemps sur ces propriétés déjàconsidérées comme trompeuses,il nous faut arriver à d’autres caractères bien plus intéressants, c’est-à-dire aux réactions chimiques des cultures. 46 | Lo [Re ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La réaclion indol-nitreuse (réaction rouge) s’observe distinc- tement et avec assez d'intensité après 24 heures dans les cultures du vibrion de Saint-Cloud; un peu moins intensivement, mais encore très nettement, dans les cultures du vibrion du Point-du- Jour, Gennevilliers n° 5, et de Versailles (Seine); presque pas dans tous les autres. Mais, après 8 jours, elle apparaît distincte et caractérisée par une belle coloration rouge dans les cultures des vibrions de Charenton n° 2, un peu plus faible mais évidente dans les cultures de vibrions d’Asnières n° 2 et Clichy n° 2; à peine perceptible ou pas du tout dans la plus grande partie des autres vibrions. La réaction de l’indol (méthode de Legal-Weyl) est déjà très marquée après 24 heures dans les cultures de Saint-Cloud, Point- du-Jour, Gennevilliers et Versailles; peu ou pas appréciable dans toutes les autres. Mais aussi dans ce cas, après 8 jours, la réaction de l’indol se montre sans exception, évidente, quoique plus faible, dans toutes les cultures des vibrions que j'ai étudiés. Cela démontre que tous les vibrions de l’eau sont capables de former dans les cultures de l’indol, tandis que tous ne sont. pas capables de réduire les nitrates. De l'étude de toutes ces propriétés, on sort avec l’idée qu'on a affaire à des caractères inconstants et qui se trouvent sous la dépendance intime de conditions qui, par leur nature extrême- ment variable, échappent à toute hypothèse. Il nous reste à étudier la dernière propriété invoquée par M. Koch comme exclusive à la nature cholérique des vibrions, l’action pathogène sur les animaux. Je m’empresse de déclarer que parmi les 32 vibrions isolés dans les eaux, 4 seulement sont pourvus de propriétés extrêmement pathogènes: vibrions de Saint- Cloud, Point-du-Jour, Gennevilliers n° 5, et Versailles (Seine). Les vibrions isolés à Saint-Cloud sont les plus virulents. Comme matériel d’inoculation, j'ai toujours employé des cultures sur gélose de 24 heures, et je déduisais les caractères plus ou moins pathogènes de chacun des vibrions, suivant que le cobaye succombait plus ou moins rapidement, plus ou moins constam- ment, après une injection intrapéritonéale de 1,1/2,1/4, 1/6 de ces cultures. Pour les vibrions de Saint-Cloud, il est tout à fait superflu d'employer des cultures sur gélose, puisqu'il suffit de 0,5 c. c. sé." tn tu bles fn nat sé ncnèts time dnerhs. sé de à, VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 723 d'une culture en bouillon, injectée dans le péritoine, pour tuer en 10-12 heures un cobaye assez grand. Les résultats de l’autopsie sont tout à fait identiques à ceux qu'on observe après l'injection intra-péritonéale d’un vibrion cholérique authentique, c’est-à- dire qu’on trouve un exsudat péritonéal plus ou moins abondant, plus ou moins hémorragique, et toujours riche en vibrions; la congestion aiguë caractéristique de tous les viscèresabdominaux ; le météorisme intestinal et la tuméfaction plus ou moins accen- tuée de la rate. En outre, dans l’exsudat péritonéal et aussi dans le sang, on trouve assez souvent les vibrions en grande quantité. Ces résultats, confirmés plusieurs fois, m'ont convaincu de l’extrème virulence du vibrion de Saint-Cloud. J’ai voulu expéri- menter aussi l’injeclion sous-cutanée, et j'ai constaté que l’inocu- lation de 1-2 c. c. d’une culture en bouillon sous la peau tue inva- riablement, en déterminant une septicémie vibrionienne intense, qui se différencie de celle produite par le vibrio Meichnikowi par ce fait que ce dernier pénètre dans le système circulatoire en proportion plus grande. En outre, le vibrion de Saint-Cloud diffère du vibrion aviaire parce que celui-ci, quoique très virulent, présente une réaction rouge assez faible et, cultivé sur pomme de terre, se développe plus lentement: il y forme un dépôtsuper- ficiel jaunâtre et par conséquent très différent de la coloration brunâtre du vibrion de Saint-Cloud. Mais celui-ci aussi tue les pigeons et les petits oiseaux comme le premier. Il suffit de l'injection de 1-2 c. c. sous la peau d’un pigeon adulte pour le tuer en 8-10 heures. Dans tous les cas, les vibrions pénètrent dans le torrent circulatoire et sont toujours visibles dans les préparations microscopiques. Les vibrions isolés au Point-du-Jour sont un peu moins actifs. Pour tuer un cobaye d'une grandeur moyenne, il faut injecter dans le péritoine 1/4, 1/5 de culture sur gélose; l’injection sous- cutanée produit rarement la mort, et la plupart du temps détermine seulement une infiltration œdémateuse, abondante, qui s’ulcère tout de suite, et guérit, ou bien prend un caractère d'invasion, et à la longue réduit l'animal à un état d'extrême cachexie qui finit toujours par la mort. Aussi les résultats des autopsies des cobayes morts après l'injection intrapéritonéale du vibrion du Point-du-Jour sont-ils tout à fait identiques à ceux obtenus par tous les autres vibrions cholériques de provenance 724 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. intestinale. Nous trouvons le même exsudat hémorragique riche en vibrions, la congestion des viscères abdominaux, et très souvent l'invasion du sang par les vibrions. On obtient des résultats identiques avec les injections des vibrions pathogènes de Gennevilliers et de Versailles. L’injection intrapéritonéale de 1/4 de culture sur gélose, et peut-être moins, tue invariablement tous les animaux employés dans ces recherches. Pourles pigeons, la dose mortelle est plus élevée et plus inconstante, et dans tous les cas l'invasion septicémique des vibrions est moins accentuée que pour les premiers. Je trouve donc inutile d’insister davantage sur les caractères de ces injections, qui réalisent le Lype de l'infection cholérique expérimentale classique. J'ai dit que, parmi les vibrions isolés des eaux, quatre seule- ment possèdent des propriétés pathogènes, mais je n’entends pas pour cela admettre implicitement que l’inoculation des autres soit sans effet sur les animaux. Il n’est arrivé souvent de voir des cobayes qui, au premier abord, paraissaient supporter impunément l'injection intrapéri- tonéale d’une culture inactive, tomber peu à peu dans un amai- grissement progressif, pouvant aboutir à une cachexie parfois cie, Dans ces cas, en renouvelant l’inoculation, on tue presque loujours l'animal, et on constate à l’autopsie et dans les cultures une évidente multiplication des vibrions. J'ai eu souvent l’occasion de vérifier cette circonstance, surtout avec les vibrions de Billancourt, de Suresnes etde Clichy (n° 2), avec lesquels j'ai fait plusieurs tentatives pour arriver à obtenir un peu de virulence. Mais je dois confesser que ces tentatives ne m'ont jusqu'à présent conduit à aucun résultat digne de mention. Les inoculations à doses massives restent toujours sans effet, mais l'injection simultanée des cultures stérilisées de bacterium coli, qui sont si efficaces dans la restitution de la virulence aux bacilles de la fièvre typhoïde, favorisent la multiplication des vibrions et tuent les animaux. Il suffit d'injecter dans le péritoine 1 c. c. de ces cultures stérilisées (par elles seules tout à fait inoffensives) et d’injecter en même temps une petite quantité de ces vibrions dans la plèvre pour voir ces derniers se multiplier et amener la mort de l'animal. VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 725 Dans ce cas, le cobaye inoculé succombeinfailliblement après 12, 18 heures, et à l’autopsie on trouve dans ses deux cavités pleurales un exsudat séro-hémorragique , riche en vibrions évidemment multipliés et émigrés de l’une à l’autre cavité du thorax. Quelquefois l’injection de cet exsudat à un second cobaye, même sans le secours des cultures stérilisées de bact. coli., peut être suivie de la mort, mais jusqu’à présent je ne suis pas arrivé à ce résultat, c’est-à-dire à transformer une variété tout à fait inactive en une variété virulente fixe. VIII LES VACCINATIONS RÉCIPROQUES DES VIBRIONS. Les notions qui ressortent de ces recherches modifient d’une part la conception morphologique unitaire des vibrions, et enlèvent en mème temps toute valeur aux caractères spécifiques énoncés par M. Koch. Il est tout à fait démontré qu’en l’absence de toute épidémie cholérique on peut trouver les eaux plus ou moins contaminées par des vibrions tout à fail identiques à ceux auxquels on attri- bue le rôle essentiel dans l'infection cholérique. Une constatation de cette nature, à moins qu'on ne veuille interpréter différemment le résultat de nos recherches sur l’étio- logie du choléra, est de nature à produire la plus grande incer- titude dans le diagnostic bactériologique de cette maladie. Il sera difficile maintenant, croyons-nous, de se prononcer sur la signification d’un vibrion pathogène isolé dans l’eau, quand même celui-ci serait considéré comme la cause de sa contami- nation, et présenterait tous les caractères exigés pour le vibrion cholérique authentique. Les moyens que nous fournit la bacté- riologie sont aujourd'hui insuffisants pour résoudre pratique- ment cette question. A un point de vue scientifique plus restreint, nous devons également porter plus loin nos investigations et étudier la valeur réciproque de la vaccination des différentes espèces de vibrions. On pourrait en effet invoquer, comme dernière preuve en faveur de la théorie unitaire du choléra, l'existence de vibrions qui, tout en ne présentant pas les caractères des vibrions cholé- 126 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. riques, leur ressemblent par la nature de leurs propriétés pathogènes. Mais, comme ïl n’est pas possible d'établir la nature et le mécanisme biologique d’une infection par le seul résultat nécroscopique, il était naturel qu'on eût recours à une méthode indirecte, c'est-à-dire à la vaccination préventive. Les animaux vaccinés contre les vibrions trouvés dans les eaux résistent-ils à l'infection déterminée par les vibrions isolés dans les déjections des cholériques, et, réciproquement, ces der- niers vibrions peuvent-ils vacciner contre les premiers? Pour résoudre ces questions d’une manière définitive, j'ai vacciné diverses séries de cobayes, non seulement contre les quatre vibrions pathogènes isolés dans les eaux, mais aussi contre deux vibrions cholériques authentiques, provenant de déjections de cholériques. M. Netter a isolé le premier de ces vibrions chez une malade de Courbevoie pendant l'épidémie de 1892. M. Metchnikoff a isolé le second chez un cholérique d'Angers, au mois de juin dernier. Ces deux vibrions présentent tous les caractères exigés comme garantie de leur authenticité : développement caracté- ristique sur gélatine, réaction indol-nitreuse très marquée, el action pathogène sur les animaux. Mais par quelques parti- cularités de morphologie et de développement ils diffèrent entre eux. Le vibrion de Courbevoie est plus mince, plus long, plus incurvé, et hiquéfie la gélatine moins rapidement que le vibrion d'Angers; celui-ci, par contre, est plus court, plus gros et plus virulent que le premier; il tue, en effet, les cobayes et les pigeons même par simple injection sous-cutanée. La méthode que j'ai suivie de préférence pour la vaccination contre le choléra est une méthode mixte, qui, tout en exigeant un temps un peu plus long que les autres, offre par contre une garantie absolue, et évite la perte de beaucoup d'animaux (comme 11 arrivait souvent quand j’employais d’autres méthodes plus rapides, mais plus sévères). Je cultive dans un ballon contenant en solution de la peptone- gélatine un virus très aclif de passage. Après 8-10 jours de séjour dans l’étuve à 37°, je stérilise la culture à 120°; je laisse en repos pendant quelques jours, et 4 ou ÿ jours de suite j'inocule à un cobaye, sous la peau, 4-5 c. e. du liquide vaccinal. Je laisse ensuite passer 2 jours et ensuite j'inocule sous la Tr VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 727 peau 1-2 c. c. de virus actif. Si les animaux ne sont pas encore bien vaccinés, ils succombent, ou bien au point d'injection se forme une ulcération qui peut finir par guérir; mais, si l'animal est bien vacciné, rien de tel ne se produit. Chez les animaux témoins, l'injection sous-cutanée de 1-2 c. c. de vibrions virulents comme ceux employés dans mes expériences conduitpresque toujours plus ou moins viteà ia mort. Lorsque les animaux ont bien toléré l'injection sous-cutanée d'épreuve, ils peuvent être inoculés impunément quelques jours après dans le péritoine, avec une dose mortelle de vibrions. Les résultats de ces expériences sont résumés dans le tableau d'ensemble suivant. Le signe + indique que le cobaye - vacciné contre une. variété donnée (indiquée au sommet du tableau) survit après l’inoculation de la variété diflérente (indiquée au bord): le signe — indique le résultat contraire, c'est-à-dire la mort des animaux vaccinés. INOCULATION COBAYES VACCINÉS CONTRE LES VIBRIONS PROVENANT DE : des ———— —— COBAYES VACCINFS avec les vibrions de : Courbevoie. Angers. Point-du-Jour. | Saint-Cloud. | Gennevilliers. | Nersailles. Courbevoie ..... » 2: = nu re ae Ensers — | » = _ = DE: | Point-du-Jour... + | — » — + _u | Saint-Cloud,.... + | — = » _ ne Gennevilliers... — + 2 AA TENTE À f Versailles... .... + + LE nl ne ; Comme on le voit à première vue dans le tableau qui précède, il n'existe aucun rapport constant de réciprocité vaccinale entre les variétés des vibrions des différentes provenances. Les animaux vaccinés contre les vibrions cholériques authentiques, comme ceux vaccinés contre les vibrions des eaux, 728 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. donnent à peu près le même résultat: ils démontrent que leur vaccination réciproque est tout à fait instable, et que l'immunité contre une variété différente est beaucoup plus faible que celle qu'on provoque contre la variété avec laquelle chaque animal peut être vacciné. Mais, en dehors de la vaccination réciproque entre les vibrions pathogènes, j'ai encore étudié la résistance des animaux contre les vibrions virulents, produite par la vaccination préventive avec des vibrions isolés des eaux à l’état d'atténuation mazxima. Mes expériences sous ce rapport n’ont été ni nombreuses ni systématiques, parce que j'ai employé toujours pour ces recher- ches des animaux qui avaient subi préalablement et en plusieurs fois, dans le péritoine, des inoculations abondantes de cultures qui s'étaient montrées presque inefficaces. Cependant, j'ai pu vérifier certains faits qui ont leur impor- tance : deux cobayes qui avaient subi en trois fois, du 13 juillet au 15 août, l’injection intrapéritonéale d'une culture abondante de vibrions de Billancourt, furent inoculés, le 17 du dernier mois, avec des cultures virulentes des vibrions de Courbevoie et de Saint-Cloud. — Tous deux ont survécu. J’ai pu aussi obtenir un autre résultat de même nature, avec un cobaye qui avait déjà subi, quatre à huit jours avant, l'injection intrapéritonéale de vibrions provenant du Drain n° 4. — Ce cobaye fut inoculé le 24 août, en même temps qu'un second cobaye témoin, avec une dose mortelle de vibrions du Point-du-Jour. — Le témoin est mort en douze heures, tandis que le cobaye vacciné survit. Par contre, d’autres cobayes inoculés préalablement et à plusieurs reprises avec des vibrions provenant de Gennevilliers n° 2, Drain n° 3, et Versailles (Étangs), succombèrent à l’injec- tion successive et répétée des vibrions de Courbevoie et de Saint-Cloud. Un des cobayes déjà vaccinés contre les vibrions de Billan- court, et qui avait résisté à l’inoculation successive d'un vibrion aussi virulent que celui de Saint-Cloud, succomba plus tard, en 12 heures, à l’inoculation des vibrions de Gennevilliers. Nous nous trouvons donc en face d’une grande famille de microbes, différents en partie les uns des autres non seulement au point de vue morphologique, mais aussi par certaines de leurs VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 729 propriétés biologiques, qui pour nous sont d’une grande valeur, c’est-à-dire la nature de la substance toxique et de la substance vaccinante. Par conséquent, st nous ne possédons pas encore d'éléments suffisants pour aflirmer que les vibrions trouvés à Billancourt et dans les drains d’Asnières à l’état saprophytique, et qui vaccinent contre les vibrions virulents de Courbevoie, de Saint- Cloud et du Point-du-Jour, etc., sont identiques à ces derniers; si nous ne pouvons pas faire la même affirmation pour les vibrions de Courbevoie et de Saint-Cloud, de Courbevoie et du Point-du-Jour, etc., etc., qui se vaccinent cependant récipro- quement, néanmoins l’absence de toute vaccination réciproque entre les vibrions authentiques de Courbevoie et d'Angers pre- mièremevnt, et entre ces derniers et les vibrions de Versailles, de Saint-Cloud, etc., prouve d’une manière évidente en faveur de l’existence de plusieurs types pathogènes, et vient à l'appui de l'hypothèse qui veut que dans toute épidémie cholérique on peut avoir affaire à un agent étiologique distinct. Ces résultats de laboratoire sont, d'autre part, tout à fait d'accord avec les résultats bactériologiques des dernières épidé- mies et les confirment implicitement. IX LE SAPROPHYTISME DES VIBRIONS, L'idée de la pluralité des variétés d’une même espèce s’ac- centue de plus en plus dans l’étiologie de quelques formes mor- bides qu’on avait considérées jusqu’à ce jour comme dépendant d’un type unique. De même qu’il existe deux types présentant entre eux des affinités et capables de déterminer la formation du tubercule; plusieurs types de bacterium coli capables de faire fermenter le sucre de lait et de produire l’acide lactique lévogyre ou dextro- gyre, de même il n’y a pas de raison pour conserver aux vibrions cholériques un caractère univoque et une spécificité qui ne répondent ni aux résultats de nos études de laboratoire, ni à l'observation des épidémies. Nous avons déjà vu en quoi consistent les résultats de laboratoire. Quant à l’enseignement fourni par l’épidémiologie, il a depuis longtemps établi des dis- 7130 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tinctions et des divisions entre les diverses formes de choléra. Il existe encore là une sorte de génie épidémique, comme l’'appelaient les anciens observateurs, qui se caractérise par le degré et la virulence des épidémies ; 1l y a des épidémies où tous sont attaqués et où personne ne meurt, tandis que dans d’autres il y a peu de victimes de la maladie, mais l'affection est presque toujours mortelle. En outre, l’idée d’une origine purement exotique du choléra commence aussi à perdre du terrain. À Marseille, l'épidémie légère de 1892 se développa dans la même zone, les mêmes voies et jusque dans les mêmes maisons que l’épidémie de 1884, et elle fit des victimes surtout dans les quartiers alimentés par l'Huveaume, eau infecte et qui constitue les vrais égouts d’Aubagne et des deux ou trois villages situés aux environs de la ville. En l’absence de tout soupçon d'importation (jusqu'à présent inséparable du terme choléra) dans la maladie de l'asile de Nanterre qui représenta le point de départ de l'épidémie de 1892, on a déclaré officiellement cette épidèmie comme diarrhée cho- lériforme, mais aujourd'hui il n’y a plus de doute à ce propos : le choléra légitime de 1892 est né en France aux portes de Paris: c’est en vain qu’on cherche le bateau traditionnel qui a dû l’impor- ter de l'Orient’. Mais, comme pendant l’été de cette année 1893 Paris et sa banlieue ont été absolument exempts de tout choléra, quelle déduction auraient tirée les contagionistes abso- lus s'ils eussenttrouvé à Saint-Cloud et à Versailles des vibrions tout à fait identiques par leurs caractères les plus remarquables aux vibrions cholériques de l’Inde? Évidemment nous sommes conduits à étendre d’une manière imprévue nos opinions actuelles sur la microbiologie au choléra; non seulement nous devons admettre l'existence de variétés multiples capables de le déterminer, mais nous devons aussi chercher pourquoi leur présence dans l’eau n'implique pas la nécessité du développement d’une épidémie. Il y a aussi plusieurs obscurités sur lesquelles on doit désirer un peu de lumière, et qui résultent de ce fait que la présence des vibrions pathogènes dans les eaux semble un fait beaucoup plus commun et constant qu’on ne le supposerait d'avance. 1. Voir ArxouLo : Enseignements du choléra (Revue d'Hyg., 1893, n° 1). VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 731 Les recherches actuelles m'ont donné cette conviction que, dans toute eau plus ou moins contaminée, les vibrions trouvent les conditions les plus favorables à leur existence et à leur multi- plication. Il estbien certain que la plus grande partie des vibrions qu’on trouve ne sont pas toujours pathogènes; mais, dans la signification pathologique d’une espèce microbienne, sommes- nous en droit de faire une distinction absolument précise entre saprophytisme et virulence ? Devons-nous dénier tout intérêt à la présence dans les eaux de vibrions atténués, alors qu'à côté de ceux-là on trouve des vibrions très pathogènes? Ce ne sont certainement pas les exemples qui manquent pour établir l’analogie et les rapports qui existent entre le sapro- phytisme et la virulence des microbes, mais l'exemple suivant est peut-être le plus convaincant. Dans le printemps de 1891 se manifesta une épidémie sur les grenouilles de mon laboratoire à Sienne : cette épidémie était due à un bacille que je découvris bientôt, et dont je fis l’objet d'une étude en l'appelant Bac. hydrophilus fuseus *, à cause de son origine incontestablement hydrique et de la coloration brunâtre de ses cultures sur la pomme de terre. Ce bacille, très mobile, était doué d’une virulence extraordinaire; à très petites doses il tuait non seulement les grenouilles et toute espèce de reptiles, de poissons et de batraciens sur lesquels j'ai eu occasion d’expérimenter, mais il tuait aussi en très peu de temps et avec une violente septicémie les souris, les cobayes, les lapins, les pigeons, les chats et les jeunes chiens. Il se développait rapidement sur la gélose à 37°, et liquéfiait la gélatine avec une rapidité exceptionnelle. A la même époque, lors d’une épidémie analogue des grenouilles de son laboratoire, Ernst ? faisait à Heidelberg la mème constatation et décrivait le même bacille. Mais le bacille trouvé par Ernst, pathogène pour les grenouilles, restait inoffensif pour toute autre espèce animale, et ne se développait pas sur la gélose au-dessus de 30°. 4 Ueber einen neuen Mikroorganismus des Wassers, ete. (Centrabl. f, Bakt. u. Par., 1891, nos 6-7). 2. Die Frühlingsseuche der Früsche und ihre Abhängigkeit, etc. (Z2egler's Bei- trage, Bd. VIII, p. 209.) 132 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Au mois de juillet dernier, Roger !, à Paris, trouva le bac. hydro- philus dans une épidémie survenue. chez les grenouilles de son laboratoire, mais ce bac. hydrophilus de Roger était doué de toute la virulence et de toutes les propriétés de cultures de celui que j'ai trouvé à Sienne, comme j'ai eu occasion de le con- slater au laboratoire de M. Bouchard. Je conserve encore le bac. hydrophilus isolé à Sienne, mais depuis longtemps il ne se développe plus ni sur gélose, ni sur pomme de terre dans l’étuve à 37°; il n’est pas non plus capable de liquéfier la gélatine, et il est devenu immobile et dépourvu de toute action pathogène. Il n’est pas facile de reproduire dans le laboratoire les mêmes conditions qui se rencontrent dans la nature, surtout quand on a affaire à des phénomènes qui résultent de l'influence d'éléments multiples et pour la plupart inconnus; cependant je n’hésitai pas à faire quelques observations destinées à éclaircir le côté le plus incomplet de mes présentes recherches sur les vibrions. 1° Après avoir pris deux grands ballons remplis d’eau de la Seine prise à Clichy, près du collecteur d’Asnières, je les ai stérilisés à 120°, et après je laissai tomber dans les deux quel- ques gouttes d’une culture de vibrion de Saint-Cloud. Le premier ballon resta à la température de la chambre, c’est-à-dire à 20-249, le second fut mis dans la glacière à 50-10, Après un mois j'ai retiré quelques gouttes d’eau du premier et du deuxième ballon, et j'ai obtenu de nouveau des cultures des vibrions ; mais la réaction indol-nitreuse dans les cultures du pre- mier ballon se montra beaucoup plus faible que dans les cultures originelles, et daus les cultures du second ballon restait à peine perceptible. En outre, les vibrions des deux ballons avaient déjà perdu leur virulence, et l'injection intrapéritonéale chez les cobayes, même à fortes doses, restait sans effet. Les cultures sur gélatine avaient conservé, par contre, tous leurs caractères typiques de liquéfaction. 2° De l'échantillon d’eau recueilli à Saint-Cloud et con- servé toujours à la température de la chambre, j'ai réussi à obtenir, trois mois après, de nouvelles cultures de vibrions mor- phologiquement identiques aux précédentes ; mais ces nouveaux 1. Une épizootie observée chez les grenouilles. (Soc. de Biologie,8 juillet 1893.) VIBRIONS DES EAUX ET ÉTIOLOGIE DU CHOLÉRA. 733 vibrions ne donnaient presque plus la réaction indol-nitreuse, liquéfiaient beaucoup plus lentement la gélatine à la surface, et étaient dépourvus de toute action pathogène sur les animaux. Ces résultats, qui d’une part démontrent la grande résis- tance des vibrions dans l’eau, révèlent aussi la facilité avec laquelle ils perdent en peu de temps quelques-uns de leurs caractères les plus essentiels. La perte de la virulence et l’affaiblissement de l’action réduc- trice sur les nitrates et de la propriété de former de l'indol sont évidemment la preuve d’une existence saprophytique. Cet état saprophytique, on pourait peut-être le voir se pro- duire moins brusquement dans la nature; mais il représente, dans tous les cas, le seul moyen qui reste au vibrion de pouvoir s’adapter aux conditions du milieu hydrique et d’y trouver son habitat favori. Les enseignements qu’on peut tirer des présentes recherches nous conduisent à modifier notablement nos connaissances actuelles sur la microbiologie du choléra, et d'autre part éclair- cissent plus d’un point resté obscur dans l'histoire épidémiolo- gique de cette maladie. 1° La conception morphologique unitaire des vibrions cholériques doit être abandonnée : il existe diverses variétés de vibrions morphologiquement distinctes les unes des autres, mais capables de déterminer, chez l’homme et chez les animaux, le même tableau morbide, cliniquement identique. 2° Le diagnostic bactériologique du choléra, tel qu'il vient d’être établi dernièrement par M. Koch, ne correspond ni à l’idée d’un monomorphisme restreint, ni à l’acceptation du poly- morphisme des vibrions, parce qu’en dehors de toute propriété spécifique on peut trouver dans les eaux contaminées de n’im- porte quelle provenance des vibrions pathogènes, présentant tous les caractères considérés comme spécifiques pourles vibrions exotiques. 3° En dehors de ces vibrions pathogènes absolument ana- logues aux vibrions de provenance intestinale, il existedans 134 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l’eau un nombre assez grand d’autres variétés non pathogènes, mais qui D RÉARIENE des points de contact si évidents avecles pré- cédents, qu’on est obligé de les considérer comme des variétés d'origine pathogène, et par conséquent capables, dans certaines circonstances, d'acquérir à nouveau leurs propriétés perdues. La présence constante des vibrions pathogènes dans toutes les eaux provenant des égouts démontre la grande impor- tance qu'a la contamination de l’eau dans l’origine et la propa- gation du choléra. 5° Entre les vibrions des déjections cholériques et ceux trouvés dans les eaux, il existe des liens étroits sous tous les rapports, ce qui rend évidente ou très probable leur origine commune. 6° Les vibrions qui sont virulents dans les eaux, ne con- servent pas longtemps cette propriété; peu à peu elle dispa- raît, de même que d’autres propriétés propres des vibrions : le pouvoir réducteur des nitrates et la production de l’indol. Bien que les vibrions ne meurent pas, ils s'adaptent à vivre peu à peu dans l’eau, dans laquelle on peut les retrouver, etoù ils se multi- plient à l’état saprophytique. 1° L'origine des vibrions qu'on trouve dans l’eau est de tout point inconnue, mais il est très possible qu'elle doive être cherchée dans les déjections intestinales de l'homme et peut-être des autres animaux. La présence des vibrions dans les eaux con- taminées par les résidus de la vie animale, et la présence des vibrions signalés dans le contenu intestinal de l’homme sain, justifient en partie la possibilité d’une telle provenance. En terminant mes recherches, je suis heureux d'exprimer toute ma reconnaissance à M. Metchnikoff pour l'intérêt qu'il a pris à mes recherches, et pour les excellents conseils qu'il m'a prodigués. Je prie également M. Roux, dont j' ai pu apprécier la grande expérience et l’affabilité, de recevoir ici le témoignage de ma gratitude. PERSONNES TRAITÉES MORTES DE RAGE. 139 EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE XIII Fig. I. Cultures de 2 jours sur gélatine. Fig. II. Cultures de 4 jours sur gélatine. Fig. IT. Culture de 6 jours sur gélatine. Dans les trois figures : A. Vibrion de Courbevoie. B. Vibrion d'Angers. Vibrion du Point-du-Jour. D. Vibrion de Saint-Cloud. E. Vibrion de Gennevilliers. F. Vibrion de Versailles. Q PLANCHE XIV Fig. I. Préparation de la pellicule superficielle de Peau du Collecteur d'Asnières cultivée à l’étuve pendant 12 heures. Fig. Il. Préparation de la pellicule superficielle de l’eau de Seine (pont au Change) cultivée à l’étuve pendant 12 heures. Fig. II. Vibrion du Point-du-Jour (culture de 24 heures à 37° sur gélose à l’eau peptonisée). Fig. IV. Vibrion de Saint-Cloud (culture idem). Fig. V. Vibrion de Gennevilliers (culture idem). Fig. VI. Vibrion de Versailles (culture idem). INSTITUT PASTEUR Personnes traitées mortes de rage. FAGes (ALFRED), 40 ans, maçon à Alais (Gard). Mordu le 12 juillet par un chat errant d’allure suspecte. Il portait à la main droite 3 mor- sures pénétrantes; il à été cautérisé d’une façon tout à fait inefficace. Traité du 14 au 28 juillet à l’Institut Pasteur. Le 15 août, Fages éprouve des fourmillements dans la main mordue. Il meurt le 20 août à la suite d’une rage parfaitement caractérisée. Montessuy (JEeAN-MaRiE), 57 ans, cultivateur à Saint-Pierre-de- Rumilly (Haute-Savoie). Mordu le 14 juillet par un chien reconnu enragé. Il portait à la main droite 16 morsures toutes pénétrantes; la plaie n’a pas été cautérisée. Traité du 18 juillet au 6 août à l’Institut Pasteur. Le 21 août, il éprouve des picotements dans le pouce droit. Meurt dans la nuit du 23 au 24 août, après avoir présenté, nous écrit le D' Saillet, les symptômes caractéristiques de la rage. 736 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR. STATISTIQUE ! DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE. — SEPTEMBRE 1893. A B C | | rl Morsures à la tête { simples... . .| »| 41 4 | » |3 | 5 l’|2 | 2 et à la figure multiples: lues » [2 »[» Cautérisations efficaces . . . . . . . . . 1» | Plus lol pierre — 1RETRCUCES RC nr: SO EE 4 ES ER DE SO Pas de cuutérisation. . . . . FR CS on Ds D M Pen DE SE LES VE LE À EE ; À NN SIMpDIes-ertiee »| »/ 4| » |18) » Do Morsures aux mains } multiples. . . | »|1{ , (151 33! ,| 6115 Cautérisations efficaces... une A 0 PE POS PE O8 EE M 2: NC — TRCTNCACES TN EAST ES 1L» | ee) LEO ES 5m ESS PAS AeCOULEMSONONR REC CE TUE CNE »h > o 45] » » 8| » » Morsures aux mem- | simples... 1/91» | 3) 96| ”| 5) bres et au tronc ( multiples... .. 1 » [28 » 17122 Cautérisations efficaces 110 D» 622100 501 AA POUS _ inefficaces . . . Fe » | » | 20! » | » 18] » |» Pas de cautérisation. 2". JU ur dj 24» PACS Far 14e Habits DÉCRATES ER ERREUR. {2-5 | 90:51 "> M6!» 5 MOrSUreS A MUR RE ER EN le NE: 10 | 5,16 |» | 22161515 Morsures multiples en divers points du COPDS TR CR Cd »| » » » 1 1 »| » » Cautérisations efficaces Me En 1 ASSURE » Fo Se MERS — IRC NCRCES ERNEST. Do a ASS IAE Pas te CHULErISAUON. 1e LMI ENS Lolo» ll» »'} »|» | » FLD TES A CCRITES RENE NON EEE 1|» » » » » »| » » MOTS UT OS AU NES" à eat lie le LS EN ie JE 19 LE PS ROLE D PT LES ( Français et Algériens. 4) 4 55! 34; TOR EEE nor D MURS » à | 10, 65 5,39 | | A B C mm" TOTAL GENÉRAD ES 4 Anne 108 1. Les animaux mordeurs ont été: chiens, 92 fois; chats, 12 fois; bœufs, 3 fois; cheval, 1 fois. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. v” 7me ANNÉE NOVEMBRE 1893. N° 11. ANNALES DE BAENSTTEUT PASTEUR SUR LA RORMATION DES ACIDES LACTIQUES INOMÉRIQUES ar l’action des microbes sur les substances hydrocarbonées, P pAR À. PERE, PHARMACIEN-MAJOR DE L'ARMÉE, Depuis que M. Pasteur, dans sa mémorable expérience sur le dédoublement de l’acide racémique par les mucédinées, a mis en évidence l'intervention du pouvoir rotatoire de l’aliment sur le procès nutritif des êtres inférieurs, on a fréquemment appliqué les aclions microbiennes au dédoublement des composés inactifs par compensation, et réussi, dans certains cas, à isoler celui des deux stéréo-isomères qui avait le mieux résisté à l'attaque du microbe". Des notions du mème ordre sont rentrées par une autre porte dans la science lorsque, en étudiant certains ferments du glucose, on a vu que les uns en faisaient de l'acide lactique droit, les autres de l’acide lactique gauche, les autres de l’acide inactif par compensation”. Iciil ne s’agit plus de séparer deux stéréo-isomères tout formés et combinés, il s’agit d'une véritable dislocation moléculaire produite par des êtres de la même famille, et aboutissant à des corps résiduaires de même constitution chimique, mais non de même constitution moléculaire. Et dès lors se dresse devant nous la question : quelleestla relation entrelaconstitution molé- culaire de l'acide formé etcelle du sucre générateur? Cetterelation dépend-elle uniquement de la uature du sucre, ou de celle du microbe, ou des deux à la fois ? 1. Voir surtout les travaux de MM. Le Bel, Engel (Comptes rendus), 2, M. Schardinger a le premier signalé la formation d’acide lactique actif aux dépens des matières sucrées; MM. Nencki, Rekowski, Bischler, Blachstein ont fait connaitre depuis des faits semblables, 47 138 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Telle est la question que j'ai essayé de résoudre. J’aborderai peu, dans ce mémoire, les relations entre la structure chimique de l'acide formé et celle du sucre générateur. C'est là une ques- tion très complexe, sur laquelle on ne peutse prononcer qu'après avoir réuni de très uombreux documents. Je ne me sens pas encore assez riche. Je viserai surtout les relations entre le pouvoir rolatoire de l’acide lactique et la nature du microbe ou ses con- ditions de fermentation. Envisagée à ce point de vue restreint, la question présente encore une grande importance. Quoi de plus légitime en appa- rence, quand on a découvert que tel ou tel microbe fabrique aux dépens du sucre tel ou tel acide lactique, que d'inscrire cette propriété à son actif et au nombre de ses caractères spécifiques ? Depuis que les considérations de pure forme ont perdu toute valeur comme moyen de classement et de différenciation, il faut bien s’adresser à des caractères plus profonds, examiner non la forme, mais la fonction, et définir un microbe, comme l’a proposé depuis longtemps M. Duclaux, par les aliments dont il a besoin, et les divers produits dans lesquels il les transforme. Quoi de plus précieux que de pouvoir dire,en marchant dans cette voie : voici deux microbes qui se ressemblent en tout, sauf que l’un fait de l’acide droit, l’autre del’acide gauche ? Je voudrais montrer que la chose n’est pas aussi simple, et qu'il faut encore ici‘ tenir compte non seulement du microbe, mais des conditions de culture. Nous allons voir en effet qu’un même microbe peut faire des acides lactiques opposés par leur pouvoir rolaloire, ou même consommer le glucose sans donner d'acide lactique, et cela suivant la qualité et la quantité de l’azote autritif qu’on lui offre. Par contre, les microbes que j'ai étudiés se sont montrés, pour la plupart,indifférents à la nature du sucre mis en fermenta- tion. Avec tous les sucres, ils ont donné le même acide lactique. Il en est un, cependant, qui a donné des acides lactiques de pouvoir rotatoire opposé avec des sucres possédant même poids molécu- laire et même fonction chimique, mais de structure différente. 4, Voir, dans cet ordre d'idées, les travaux de M. Duclaux sur la variabilité de la production des diastases, ceux de M. Gessard sur le bacille pyocyanique, les miens sur le Bacterium coli commune et lebacilletyphique, dans la collection des Annales de l'Institut Pasteur, FORMATION DES ACIDES LACTIQUES. 139 J'ai étudié aussi la formation des corps actifs en partant de deux acides racémiques. Le premier a été dédoublé comme l'acide lartrique dans l'expérience de M. Pasteur : le microbe a choisi entre les deux isomères, el ce pouvoir d'élection ne con- stitue pas, comme nous le verrons, un privilège des êtres vivants; mais le second a autrement réagi : les deux côtés de la molé cule ont rétrogradé parallèlement pour former un nouveau corps racémique intérimaire, qui a subi une dégradation plus pro- fonde; le dédoublement ne s’est pas produit. Disons d’abord un mot des microbes qui ont servi aux expé- riences relatées dans ce mémoire. Ce sont : 1° Bacille typhique tiré d’une rate typhoïdique et reconnu aux caractères biologiques qui permettent de le différencier du bacterium coli commune : 2° Bacterium coli commune de l'homme, tré des selles par la méthode des plaques et par passages en série dans des solutions de peptone additionnées de glucose et de carbonate de chaux Je l’appellerai coli-bacille l': 3° Le coli-bacille d, présentant les mèmes caractères exté- rieurs que le précédent. Je l'ai retiré des excréments de certains animaux (cheval, lapin) par passages en série dans la peptone glucosée ; 4° Le microbe D, tiré d'un fromage de Brie, où sa présence me fut dénoncée par la formation d'acide dextrolactique dans un essai de fermentation grossière mise en train par le procédé de Bænsch. Nous voici en possession de quatre microbes présentant beaucoup de ressemblance et des propriétés biologiques com- munes : ous, à des degrés variables, font fermenter le glucose ; tous, sauf le premier, attaquent le lactose et font de l’indol avec les peptones. Voyons dans quelle mesure la propriété de faire des acides lactiques aclifs permet de les séparer. il Dans l’ordre d'idées qui a dirigé ces recherches, tous ces microbes se sont trouvés posséder un attribut commun : ils aboutissent à l'acide lévolactique, donnant un sel de zinc dextro- 4. L’emploi des liquides phéniqués ne me parait pas à recommander, ce microbe paraissant affecté dans ses caractères extérieurs et ses propriétés biolce giques par des passages répétés dans ces milieux de culture. TA0 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. gyre, par l'attaque du glucose, en présence des sels ammonia- caux comme source unique d'azole. La proportion d'azote ammoniacal n’a exercé aucune influence sur ces résultats'. Voici quelle a été la composition des milieux de culture employés ? : Glucose pur et anhydre........ dONor 0 MATE Sr A Dour Phosphate d'ammoniaque...... Os',50 1 — 268,50 250%c.c. Sulfate d’ammoniaque......... DES 21,50 | de liquide. Mais les différences se révèlent dès que nous changeons la nature de l'aliment azoté. En substituant 3 grammes de peptone aux sels ammoniacaux dans les liquides précédents, j'ai vu que : Le bacille typhique } donnent de l'acide lévolactique dont le Le coli-bacille / \ sel de zinc dévie à droite. Le coli-bacille d donnent de l’acide dextrolactique dont Le microbe D le sel de zinc dévie à gauche. Une différenciation apparaît donc, et elle se montre stable, car nous pouvons, sans que le résullat varie, introduire dans le liquide de culture toute modification qui n'intéressera pas sensi- blement la proportion d'azote albuminoïde, soit par addition de sels alcalins (phosphate de polasse, chlorure de potassium), soit par substitution de syntonine ou de bouillon de viande à une certaine proportion de peptone : le microbe typhique et le coli- bacille de l’homme se sont montrés également impuissants à faire de l'acide lactique droit, même après plusieurs passages dans des solutions nutritives de glucose. Ainsi se trouvent constilués deux groupes distincts : une étude plus approfondie va faire ressortir, entre les membres d'un mème groupe, des différences nouvelles, sans doute plus difficiles à saisir, mais qui permettent cependant de pousser plus loin dans la voie dichotomique. L'expérimentation montre, en effet, que pour des poids égaux de glucose détruits par un même microbe, il ne se forme pas toujours des poids égaux d'acide lactique. On peut dire, en gros, que les quantités d'acide lactique retrouvées diminuent d’autant plus que les liquides de culture sont plus riches en peptone. 1. Toutes les fermentations des matières sucrées dont il sera question dans ce mémoire ont été faites à la température de 40° C. 2. Ces liquides étaient neutres et renfermaient du carbonate de chaux, FORMATION DES ACIDES LACTIQUES. 741 Le coli-bacille / m'a conduit aux chiffres suivants, en partant de 10 grammes de glucose pur et anhydre pour 250 c. c. de liquide : Avec 3 grammes de peplone : Lactate de zine cristallisé déviant à droile ............ 9sr,68 Correspondant à acide lévolactique ,.,.,..,.....,..,.. 261,373 Avec 6 grammes de peptone : Lactate de zinc cristallisé déviant à droile ........ PE CU I(E Correspondant à acide lévolactique ...........:....... 18,170 Ilest permis de prévoir, d'après cela, que toute fermentation ne produira pas nécessairement de l'acide lactique. J'ai constaté ce fait en ensemençant! le coli-bacille / du premier groupe dans le liquide précédent, dont la teneur en peptone était portée à 10 grammes. Je n’ai pu isoler aucun corps doué du pouvoir rotatoire ; lous les groupements renfermant le carbone asymé- trique étaient entrés en réaction et avaient subi une dislocation intégrale. Ce microbe n'est donc plus, dans ces conditions, un fer- ment lactique : sa fonction est de produire aux dépens du glucose des corps sans action sur la lumière polarisée. Au contraire, le bacille typhique laisse toujours de l'acide lactique, quelle que soit la richesse du liquide de culture en azote albuminoïde, et même lorsqu'on emploie une semence jeune et ayant subi plusieurs passages dans les solutions glucosées. Ce fait révèle donc une différence fonctionnelle entre les deux microbes du premier groupe. L'étude des microbes du deuxième groupe met en relief une différence d'un autre ordre tirée de la constitution des lactates de- zinc. Le coli-bacille d ne laisse pas de l'acide dextrolactique pur, mais un mélange où les deux isomères entrent en proportions variables, et dans lequel l'acide droit domine d'autant plus que les conditions de la fermentation ont été plus favorables. Mais lorsqu'on’ force la quantité de peptone, on ne retrouve plus d'acide lactique ni aucun corps doué du pouvoir rotatoire. 4. La qualité de la semence joue un rôle dans ce phénomène. La dislocation totale des groupements à carbone asymétrique est d'autant mieux assurée que la semence est plus jeune et qu’elle a déjà exercé son pouvoir de ferment des sucres. = Fe ANNALES DE, L'INSTITUT PASTEUR. Une remarque digne d'intérêt, c’esi que la constitution du mélange des deux isomères varie aux diverses périodes de la fermentation, comme l'indiquent les chiffres qui expriment le pouvoir rotatoire du sel de zinc lévogyre : Après 48 heures de fermentation................[a], — 6 36. Aprés-fermentation complète #""254.tr:c02 [a], =— 3,40. C'est donc pendant la première période de la fermentation, qui est très active, que la proportion relative d'acide droit est plus élevée, et pendant la deuxième période, beaucoup plus lente, que se forme surtout l'acide gauche. Ces variations, cor- rélatives des variations de composition du milieu dues à la vie même du microbe, sont bien conformes à la notion établie par M. Perdrix‘ sur la constante variabilité d'un procès fermentatif. De son côté, le microbe D a fait de l'acide dextrolactique sensiblement pur dans la solution de peptone glucosée; il est resté indifférent aux variations du milieu corrélatives de sa vie. Le pouvoir rotatoire spécifique du lactate de zinc obtenu après une fermentation complète du glucose a été établi suivant les données ci-dessous : Poids du lactate de zinc cristallisé ............ Osr,9395 Volume de la solution aqueuse à 20C ....... 49 c.C. Déviation au tube de 20 centimèéêtres ...... ARTS — 21 minutes. [ol —= — 7.82. D En résumé, les données acquises permettraient un essai de classification, mais on voit que pour l’établir il faut pénétrer pro- fondément dans la biologie des bacilles. Ce qu'il importe surtout de relever, c’est qu'il y a coli-bacille et coli-bacille, conformé- ment à l'opinion de MM. Van Laër et Van Ermengen. Un point intéressant, au point de vue de la question si souvent discutée des rapports possibles du bacterium coli commune et du bacille typhique, c'est que le microbe qui vit normalement dans l'in- testin de l’homme” se rapproche, comme producteur d'acide 1. Sur le ferment amylozyme. Ces Annales, tome V. 2, J'ai examiné &ix échantillons de coli-bacille /, dont quatre provenaient de selles normales et six de selles pathologiques (diarrhée, dysenterie, choléra). Tous m'ont donné l’acide lévolactique. Peut-être le coli-bacille 4 pourrait-il se rencon- trer aussi dans les selles de homme, suivant les conditions du régime alimen- taire. Il est évident que l’un et l’autre pourront être isolés des eaux polluées : celui que j'avais examiné dans mon dernier mémoire, et qui faisait de l'acide droit, avait été retiré d'une eau d’alimentation. FORMATION DES ACIDES LACTIQUES. 143 lactique actif, de celui que l’on trouve dans la rate typhoïdique. A un autre point de vue, tous ces résultats convergent sur ce point : certains ferments ne peuvent produire que l'acide gauche, mais ceux qui donnent l'acide droit dans des conditions de fermentation favorables sont susceptibles de fournir aussi de l’acide gauche, comme si la formation de celui-ci était plus facile, ou sa destruction plus difficile que celles de son isomère. Il Nous venons de voir le glucose donner des acides divers avec les microbes étudiés. Demandons-nous maintenant si tous les sucres se comportent comme le glucose, ou bien s'il existe quelque relation entre la nature du sucre générateur et le pou- voir rotaloire de l'acide lactique formé. Je n’ai pas poursuivi très loin l'étude de cette question; mais les expériences faites montrent cependant que la plupart de mes microbes ne reconnaissent pas l'influence tenant à la nature du sucre mis en fermentation. Ceux du premier groupe m'ont donné de l’acide lévolactique avec tous les sucres qu'ils attaquent, en présence de la peptone comme en présence des sels ammoniacaux. De même, le microbe D s’est conduit avec tous les sucres comme avec le glucose. En présence de proportions convenables de peptone, il a donné de l’acide droit avec les aldoses : dextrose, galactose, mannose ‘. De même avec les cétoses : ici la lévulose lévogyre donne naissance à un corps droit, aussi bien que le dextrose peut fournir un corps gauche. Il en est de même des pentoses ?, et aussi des sucres en C'*° qui fermententsans paraître subir un dédoublement préalable en glucose : à aucun moment de l’attaque, la solution de saccharose ne réduit la liqueur de Fehling. ; Chez tous ces microbes, la fonction est sous la dépendance exclusive de la nature et de la quantité de l’azote nutritif, 4. J'ai employé la séminose de Reiss, que M. Fischer a identifiée à sa man- nose 4. 2. J'ai fait l’essai sur une arabinose, préparée et déterminée par M. Grimbert, que je remercie sincèrement pour sa grande obligeance. 744 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Mais avec le coli-bacille d, les résultats sont variables : je lui ai d’abord donné trois aldoses dextrogyres à six atomes de carbone; dans des conditions de fermentation absolument iden- tiques, ces sucres ont fermenté avec une vitesse presque égale *, etont conduit à des acides lacliques. différents, comme le mon- trent les signes et les chiffres ci-après relatifs, aux pouvoirs 1o‘aloires des sels de zinc obtenus : Dextrose : acide dextrolactique, sel de zinc lévogyre..., [aulo = —3,40 Galactose «a : acide lévolactique, sel de zine dextrogyre.. [xln —+ 4,20 Mannose d : acide lévolactique, sel de zinc dextrogyre... [ax] —+ 5,86 La dextrose paraît ainsi plus apte que les autres aldoses à former des corps droits ; quand nous passons de la dextrose aux autres aldoses, la fonction microbienne est comme intervertie, sans autre raison visible de celle inversion qu'une différence de structure des molécules mises en jeu. La mannite s’est comportée comme la mannose; l’arabinose a aussi donné un mélange des deux isomères avec excès d'acide lévolactique. Les sucres en C'? ont fermenté sans transformation apparente en glucoses : le sucre de lait a donné de l'acide lactique sensiblement inactif, et le sucre de canne un léger excès d'acide dextrolactique. Chez le coli-bacille d, la fonction productrice des acides Jactiques actifs ne semble donc pas sous la dépendance exclusive de Ja nature et de la quantité de l'azote nutrilif; elle est aussi, dans une certaine mesure, sous la dépendance du sucre mis en fermentation. Sans doute, on ne saurait chercher à établir, sur ces données trop incomplètes, les relations qui peuvent exister entre la structure stéréochimique des sucres générateurs et la structure stéréochimique des acides lactiques formés; mais une notion s'en dégage clairement : c'est que toutes les matières sucrées, quels que soient leur poids moléculaire et leur pouvoir rotatoire, leur fonction chimique et leur structure, sont propres à engendrer des corps droits, gauches et inactifs par compensa- tion, suivant la qualité du ferment et suivant la composition du liquide de culture. 4, La dextrose fermente un peu plus rapidement que les autres aldoses. FORMATION DES ACIDES LACTIQUES. 14) III Voyons maintenant comment se comportent ces microbes quand on leur donne à détruire non pas une molécule dissymé- trique comme l’est d'ordinaire celle des sucres, mais un groupe- ment de deux molécules dissymétriques, donnant un corps racémique. Parmi les acides inactifs par compensation, j'ai choisi comme sujets d'étude l'acide lactique et l'acide malique, parce que leur résolution en deux isomères de pouvoir rotatoire opposé a été déjà effectuée par les procédés chimiques dus à M. Pasteur ‘. De plus, ils se ressemblent beaucoup par leur constitution, ayant tous les deux un seul atome de carbone asymétrique et la fonc- tion acide-alcool leur étant commune. M. Leukowisch a *, le premier, essayé de dédoubler l'acide lactique par l’action des micro-organismes ; mais son expérience a déjà fait l’objet d’une juste critique qui atteint au même titre celle que j'ai relatée dans mon dernier mémoire * et qui revient à ceci : quele Bact. coli communerend active une solution de lactate inactif, sans qu'on puisse dire à quoi est due l'apparition de ce pouvoir rotatoire. L'expérience de M. Linossier ‘ laisse encore planer un certain doute sur la validité des conclusions, cet observateur n'ayant pu déterminer posilivement la nature du corps actif qui existait en minime proportion dans le liquide de culture. L'observation publiée récemment par M. Percv-Frankland semble plus probante : le ferment a ici attaqué de préférence le lactate de chaux droit correspondant à l'acide lévolactique, son isomère a pu être isolé et reconnu aux caractères de son sel de zinc. Nous allons voir que le coli-bacille /, que j'ai étudié plus haut, agit dans un sens opposé; mais le choix qu'il fait entre les deux 1. L’acide lactique a été dédoublé par MM, Walker et Purdie (voir Journal of chemic. Soc., 1892, et ces Annales, t. NII, p.588); l’acide malique par M. Bre- mer (voir Dictionnaire de Wurtz). 2. Bull. de la Soc. de Chimie, t. 42, p. 472. 3. Ces Annales, 1892, 4. Bull. de la Société de chimie, 1891. $. Journal of chemic Soc., août 1893 (voir ces Annales, p. T98). 746 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. isomères n'est pas toujours également marqué : il n’est pas sensible dans les solutions de peptone, et il est d'autant plus accusé en présence des sels ammoniacaux que la proportion de ceux-ci est plus réduite. Voici une expérience démonstrative : J'ai fait un liquide de culture composé de la façon suivante : Lactate de chaux pur etinactif!.. 20 grammes. Phosphate d’ammoniaque........ 0 gr. 50 pour 10006: Sulfate d’ammoniaque .......... . 0 gr. 50 Un litre de cette solution neutre et stérilisée a été réparti entre deux ballons. La semence introduite s’est bien développée à 36°, et des cristaux de carbonate de chaux ont bientôt tapissé les parois des ballons. Après 40 jours, le contenu de l’un d'eux est traité par l'acide oxalique, filtré, et bouilli avec de l’oxyde de zinc. Cette solution, concentrée à 20 c. c. par cristallisation fractionnée, a produit une déviation de + 18° au tube de 20 centimètres. Traitée de nou- veau par l'acide oxalique, elle a cédé à l’éther un corps dont la solution aqueuse est lévogyre. Après quatre-vingt-dixjours, le contenu du deuxièmeballonest traité par l'acide oxalique ; le liquide filtré et concentré est plu- sieurs fois agité avec de l’éther qui laisse, par évaporation, un résidu sirupeux dont la solution aqueuse dévie à gauche. Elle est bouillie avec l’oxyde de zinc, réduite à quelques centimètres cubes parcristallisation fractionnée, puis portée à 20 c. c. Ubservée au tube de 20 c., cette solution produit une déviation égale à + 43 minutes; elle laisse par évaporation 0,gr. 9962 de sel de zinc cristallisé. Le pouvoir rotatoire de ce sel est donc représenté par {ao = + 7.181. Desséché à 100°, ce lactate à perdu 12, 94 0/0 de son poids. C'est bien l'acide lévolactique qui, ayant mieux résisté que son isomère à l’action dislocatrice, se trouve en excès dans le liquide de culture. J'ai pu mettre encore en évidence la plus grande résistance de ce corps en faisant des essais de culture dans ses solutions neutralisées par le carbonate de chaux et additionnées de 1. Je crois nécessaire d'examiner au préalable le lactate de chaux au point de vue de son inactivité :10 grammes étaient transformés en sel de zinc ; la solution réduite à 20° par cristallisation fractionnée était observée au tube de 20cm et ne donnait aucune rotation, 2. fl est évident que ce sel renferme des traces de lactate inactif. FORMATION DES ACIDES LACTIQUES. 747 proportions variables d'azote minéral : toutes ces solutions sont restées limpides, même lorsqu'elles étaient riches en sels ammo- niacaux, et lorsque la semence provenait d'une culture dans l'acide lactoracémique qui n'avait pas été sensiblement dédoublé, vu la teneur élevée du liquide en sels nutritifs, et dans laquelle, par conséquent, le microbe paraissait aussi bien accoutumé à l'acide gauche qu’à l’acide droit. L'acide lévolactique ne semble donc pas très apte à entrer par lui-même en réaction vis-à-vis du microbe, mais il peut réagir lorsqu'il se trouve en présence de l'acide dextrolactique : on peut donc croire que, lorsque les deux isomères sont détruits avecune vitesse sensiblement égale, c'est que l'attaque de l’acide droit favorise celle de l'acide gauche, et que le côté gauche de la molécule racémique est entraîné dans le mouvement de dislo- cation du côté droit. On peut se demander si le choix fait par le microbe serait commandé par des raisons d'ordre purement biologique, ou tout au moins si des actions dislocatrices d'ordre purement chimique ne seraient pas capables d'établir une différence entre les deux isomères, Les travaux de M. Duclaux relatifs à l’action combu- rante de la radiation solaire sur les substances hydrocarbonées !, m'ont suggéré l’idée d'essayer cette mème action, parfois très délicate, sur lelactate de chaux inactif. Voigi l'expérience : Un litre de solution à 20 grammes de lactate pour 1,000 c. e. d’eau distillée, faiblement alcalinisée par l'eau de chaux, est divisé en plusieurs fioles coniques remplies à moitié et bouchées au tampon de coton. On les expose au soleil à dater du 13 mars. Le liquide prend bientôt une faible odeur de fruit; après plusieurs jours, quelques petits cristaux de carbonate de chaux apparaissent sur les parois des flacons, puis l’action s'accélère progressivement comme l’accuse l'augmentation du dépôt. Après trois mois d’insolation, le liquide filtré est divisé en deux parts égales. La première est précipitée par l'acide oxalique, puis bouillie avec l’oxyde de zinc. Cette solution, réduite à 20 c. c., produit au tube de 20 c. une déviation de +6 minutes. Traitée de nouveau par l'acide oxalique, elle abandonne à l’éther des traces d’un corps dont la solution aqueuse est 1. Annales de l'Institut Agronomique, 1886. 748 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lévogyre et devient dextrogyre après une nouvelle ébullition avec l’'oxyde de zinc. Ici encore nous retrouvons un léger excès d'acide lévolac- tique; dans une certaine mesure, la combustion solaire a agi comme le microbe et attaqué de préférence l'acide droit. La deuxième partie du liquide est de nouveau exposée à la lumière solaire directe; l'attaque se poursuit rapidement. Après trente jours, cette liqueuresttraitéecommeci-dessus. Or, la dévia- tion observée est identique à la précédente : 4 — + 6 minutes. Le choix entre les deux isomères ne s’est donc pas continué pendant celte deuxième période de l’attaque : le côté gauche de la molécule a été décomposé aussi vite que le côté droit, comme si celui-ci l'entraînait dans son mouvement de décomposition :. Plus nous poussons loin la comparaison entre l’action du microbe et l’action de la radiation solaire, et plus nous relevons de coïncidences dignes de remarque : dans les deux cas, c’est la molécule droite qui est attaquée de préférence, et dansles deux cas ce choix s'effectue dans des condilions tout à fait compa- rables, c’est-à-dire au moment où l'attaque de la molécule racé- mique est réduite à son minimum, comme si les raisons déter- minantes de ce choix étaient du mème ordre, quel que soit l'agent mis en œuvre. L'étude de l'acide malique nous fera assister à un nouveau cas de fermentation par entrainement, et nous montrera une dif- férence de réaction, vis-à-vis d’un même microbe, de deux corps ne différant entre eux que par la constitution différente d’un de leurs groupements. Le coli-bacille { s’estbien développé dans une solution d’acide malique inactif? additionnée d’une pelite proportion d'azote minéral; il s’est déposé du carbonate de chaux, mais la solu- tion est restée inactive : la molécule racémique n’a pas subi le dédoublement. | J'ai cherché à m'expliquer ce fait par des cultures dans l'acide lévomalique naturel, additionné de proportions variables de sels 4. Peut-être y aurait-il intérêt à rapprocher cette observation de celle faite par M. Duclaux, relativement à la résistance du sucre vis-à-vis de la radiation solaire quand il est en solution acidulée par l'acide sulfurique, et à sa décomposi- tion lorsqu'il se trouve en présence de l'acide tartrique qui « l’entraine dans son mouvement de décomposition ». 2. Une certaine quantité de chaux était remplacée par de la soude. FORMATION DES ACIDES LACTIQUES. 149 ammoniacaux. Le microbe s’est bien développé dans ces solu- tions, même lorsqu'elles étaient très pauvres en azote, ce qu'il n'avait pu faire avec l'acide lévolactique. Les cultures ont pris une faible odeur de lait aigri; la recherche de l'acide lactique est restéesans résultatdans celles qui renfermaient beaucoup d'azote, mais j'ai pu isoler de celles qui n’en renfermaient que de petites quantités des traces d'acide lévolactique dont le sel de zinc déviait à droite. L'interprétation qui s'impose, c'est que l'acide malique est transformé en acide lévolactique capable d'entrer ici en réaction, parce qu'il est entrainé par la réaction initiale qui l’a produit. Reportant ces résultats à l'étude de l'acide maloracémique, on comprend que celui-ci rétrograde parallèlement par les deux côtés de sa molécule pour former de l'acide lactique inacuf à litre intérimaire. Aucun des stéréo-isomères de l'acide malique ne peut être retrouvé dans le liquide de culture. Il semble légitime de supposer, àla lumière de ces faits, que l'acide lévomalique naturel ne dérive pas de l'acide malique inaclif découvert par M. Gintl dans le Fraxinus excelsior ‘; qu'il pourrait être dû, plulôt, à la décomposition d’un corps plus complexe, en particulier à la réduction du côté gauche de l'acide tarlroracémique, qui conduirait à l’acide lartrique droit et à l'acide malique gauche : hypothèse qui tire son caractère de vraisemblance de ce que ces deux corps se rencontrent côle à côte dans la nature et que, d’après M. Bremer, la réduction par les actions chimiques des acides tartriques actifs aboutirait aux acides maliques agissant sur la lumière polarisée dans le même sens que les corps générateurs. Nombreux donc apparaissent les procédés analytiques que la cellule peut employer à la formation des corps actiis en partant des substances hydrocarbonées : dédoublement d’un acide racé- mique à un atome de carbone asymétrique, l’un des côtés de la molécule étant transformé en corps dépourvus du pouvoir rota- toire, et l’autre conservant sa structure : formation d'acide lactique gauche en partant de l'acide lactique inactif; attaque d’un acide actif ou inactif par compensation à un atome de carbone asy- métrique, et de structure relativement complexe par la constitu- À. Bullelin de la Société de Chimie, t. XII, p. 184. 150 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tion de l’un de ses groupements, cette altaque aboutissant tran- sitoirement ou définitivement à un acide actif de structure plus simple : formation d'acide lévolactique aux dépens de l'acide malique : altaque ménagée d’un acide racémique à deux atomes de carbone asymétrique, l'un des côtés conservant sa structure et l’autre perdant l’asymétrie dans l’un de ses groupements : procès qui pourrait donner naissance à l'acide tartrique droit et à l'acide malique gauche en partant de l'acide tartroracémique: enfin dislocation d’une molécule complexe à fonction alcoolique ou aldéhydique et renfermant {rois ou quatre atomes de carbone asymétrique, qui peut conduire, suivant la cellule et suivant la composition du milieu, à des corps dextrogyres, lévogyres, racé- miques: formation des acides lactiques isomériques aux dépens des matières sucrées. Nous pouvons soupçonner par cela combien nombreux doivent être aussi les procédés analytiques qui président à la formation des corps actifs en parlant des matières albuminoïdes, dont la molécule si complexe renferme sans doute en grand nombre des atomes de carbone asymétrique. SUR LES ANALOGIES ENTRE LES PROCEN DE FERMENTATION ET DE COMBUSTION SOLAIRE Pi EL -DUCEAXUX Je crois devoir rapprocher des résultats de la combustion solaire des lactates que M. Péré a consignés dans le mémoire qui précède, d’autres résultats que j'ai obtenus au courant d'un travail sur la combustion solaire des sucres divers, travail qui n’est pas encore terminé. Dans le mémoire que j'ai publié en 1887 dans les Annales de l'Institut agronomique, j'ai fait voir que le glucose etle lactose, exposés au soleil en solution alcaline, s'y brûlaient peu à peu, en donnant comme produits principaux de la combustion, outre une petite quantité d'acide formique, de l'alcool et de l'acide carbonique, comme dans une fermentation alcoolique. La proportion de l'alcool n’est pas celle d’une fer- mentalion, attendu qu’elle n’atteint guère que 3 à 4 0/0 du poids du sucre, mais il n’en est pas moins intéressant de voir ce corps se former en dehors de toute ingérence des ferments, et l’analogie avec la fermentation alcoolique se poursuit en ce que cette pro- duction d’alcool s’observe encore, bien qu'avec une lenteur plus grande qu'à l'air, dans des flacons hermétiquement clos ou dans le vide. Elle ne peut résulter alors que d’une combustion intérieure, analogue à celle que le travail de Lavoisier a mise en évidence pour la fermentation alcoolique. J'ai essayé de voir depuis les changements qui surviennent dans la réaction quand on change la nature du sucre ou celle du milieu. Mes premiers liquides étaient alcalinisés avec de la potasse ou de l’ammoniaque, j'ai employé à la place de la baryte et de la chaux. En outre, j'ai opéré sur des sucres divers. Quand on opère à Paris, comme j'étais obligé de le faire, les combustions sont bien plus lentes qu’à la campagne, et il est sage de protéger les liqueurs au soleil contre l'acide carbonique de l’air, en ne laissant pénétrer celui-ci qu’au travers d’un tube contenant de la chaux sodée, qu'on renouvelle si c'est néces- 152 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. saire. Les liquides brunissent d'ordinaire dans les premières semaines, puis se décolorent à nouveau si la dose d’alcali est suffisante. Comme ïl se forme des acides fixes, cet alcali est saturé peu à peu: il importe que la liqueur n'arrive pas à la neutralité, parce qu’alors elle s’immobilise. Ce sont les mêmes phénomènes que lorsqu'on se sert de potasse ou de soude, mais les résultats définitifs de l’action sont tout à fait différents. Il ne se forme plus alors d'alcool : c’est de l’acide lactique qui prend naissance, et le fait est d'autant plus singulier que l'acide lactique lui-mème peut donner de l'alcool dans une combustion solaire en présence de la potasse, de sorte qu’on aurait le droit d'interpréter l’ensemble de ces résullats de la façon suivante : le sucre donne toujours de l'acide lactique en présence de tous les alcalis, mais, en présence de la baryte, le lactate formé ne donne pas d'alcool, tandis qu'il en donne en présence de la polasse. Quoi qu’il en soit, la proportion d'acide lactique formé est très sensible, peut atteindre 50 0/0 du poids du sucre. Il y a des fermentslactiques quin’en donnent pasaulant, etl’analogieavecla fermentation lactique se poursuit en ce qu'il se dégage de l’acide carbonique et qu'il se forme aussi des quantités notables d'acide acétique. Or, M, Kayser montrerabientôt qu'iln'y a jamais de fer- mentalionlactique sans produclionconcomitaute d'acide acétique. Ce n’est pas tout. On sait que l'acide lactique formé n'est pas toujours le même, et le très intéressant (ravail de M. Péré montre à ce sujet les plus curieux exemples de variations. M. Kayser montrera bientôt aussi que des ferments lactiques divers, tous authentiques, peuvent donner tantôt de l'acide droit, tantôt de l'acide gauche, tantôt de l'acide inactif par compensation. La combustion solaire m'a donné des exemples tout pareils, mais ici le pouvoir rotatoire de l'acide produit m'a paru, dans les flacons que j'ai pu étudier parce que la com- bustion y était Lolale, dépendre plus étroitement du pouvoir rota- toire du sucre mis en œuvre. Ainsi le maltose m'a donné un acide lactique droit, donnant un sel de zinc déviant à gauche. Le lévulose un acide gauche à sel de zinc droit. Le sucre interverti m'a donné un acide inaclif, que je dois croire formé de la combinaison de deux acides, droit et gauche, mais dont je n’ai pas encore fait le dédoublement. FERMENTATIONS ET COMBUSTIONS SOLAIRES. Td: Si les sels de chaux des acides droit et gauche sont inégale- ment combustibles au soleil, comme le montre M. Péré dans son travail, 1l est possible que cette neutralité de l'acide lactique produit par la combustion du sucre interverti ne persiste pas en prolongeant l’action solaire au delà du point qui correspond à la disparition complète du sucre. Quoi qu'il en soit, nous n’en avons pas moins un exemple curieux de la formation de corps acufs par combustion solaire. Il est important de remarquer en outre que ces corps actifs proviennent de corps qui sont aussi actifs, et même que le groupement qui, dans la molécule du sucre, commande par sa position, dans nos idées actuelles, le sens du pouvoir rotaloire, se conserve dans la molécule de l'acide lactique produit. Les microbes, dont l’action est autre et à certains égards plus profonde, peuvent déplacer ce groupe- ment actif et même lui faire changer de sens. La lumière solaire déshabille plus doucement la molécule en laissant ce groupe ment en place. Mais elle peut exercer aussi des actions plus profondes. Ainsi l'acide lactique droit, provenant de la combustion solaire du maltose en présence de la baryte, contient toujours une certaine quantité d'acide lactique inactif. Les sels de zinc se séparent assez facilement à cause de leurs différences de solubilité. Bien que j'aie purifié avec beaucoup de soin le maltose dont je me suis servi, je ne voudrais pas répondre de ne pas y avoir laissé un sucre donnant cet acide inactif, mais il me semble plus pro- bable que cet acide dérive du maltose lui-même, et il resterait alors à voir s'il est inactif par compensation, comme l'acide lac- tique ordinaire de fermentation qui provient aussi de corps actifs, ou bien si ce ne serait pas plutôt un acide lactique inac- tif par nature, qui manque à la série et qui doit sans doute exister. Ce n'est pas seulement lorsque ie phénomène est terminé qu'on peut remarquer les analogies entre les actions de combus- tion solaire et les fermentations : c’est du commencement à la fin. Ainsi le saccharose, qui, tant qu'il n’est pas interverti, est ‘inatlaquable par un grand nombre de ferments de sucre, et peut- ètre par tous, résiste aussi à la combustion solaire. Pour qu'il soit attaqué, il faut qu'il soit d’abord exposé au soleil en milieu acide; il s’intervertit alors, et peut être brülé si on le trans- 48 794 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. porte en milieu alcalin. L'action solaire en milieu acide remplace donc pour lui la sucrase des microbes. De plus, quand la combustion commence, les produits bruns qui se forment sont tout à fait analogues, par leur constitution et leurs propriétés, aux matières humiques existant dans le sol, et ont comme elles le caractère colloïdal. Si une partie de l’hu- mus du sol provient d'actions microbiennes, une autre provient sûrement de la combustion solaire de substances hydrocarbo- nées en présence des bases du sol. De même que les terres noires se décolorent au soleil, de mème les matières humiques de la combustion solaire des sucres se transforment peu à peu en produits plus brülés et incolores. En somme, iln’'y a pas à s'éton- ner que les actions microbiennes et les combustions solaires soient souvent superposées, puisqu'elles semblent au fond pro- céder d’un même mécanisme, malgré leurs dissemblances très apparentes. NOTE AU SUJET DE L'ÉTIOLOGIE DU TÉTANOS Par MM. L. VAILLARD J. ROUGET Médecin-major de {re classe, Médecin aide-major de {re classe, Professeur au Val-de-Gràce. Adjoint au laboratoire bactériologique. La question de l’étiologie du tétanos a étéplusieurs fois posée devant les lecteurs des Annales. Un travail publié par l’un de nous en collaboration avec M. Vincent', puis un second mémoire ®, plus explicite, ont fait connaître les résultats de nos recherches à ce sujet et les notions qu'il était permis sd’en déduire, concernant la pathogénie de la maladie dans les condi- tions naturelles de l'infection. Nous les rappellerons briève- ment. Deux points essentiels ont été d’abord établis : 1° Les spores tétaniques, dégagées de la toxine qu’elles élaborent dans les cultures — elles se rencontrent ainsi dans les milieux naturels — peuvent, sans provoquer le tétanos, être injectées en quantilé considérable dans les tissus normaux d’un animal sain. Les cobayes, dont la sensibilité au tétanos est bien connue, supportent sans dommage l'inoculation sous- cutanée ou intra-péritonéale de 1 c.c., 1,5, parfois même, suivant leur taille, de 2 c.c. à 2c,5 d’une culture en bouillon très riche en spores, mais privée de toxine par un chauffage préalable à 80°. Les lapins reçoivent impunément dans le péri- toine de 30 à 65 c.c. des mêmes cultures chauffées. 2° Ces snores ne germent pas, ne déterminent pas la maladie, parce que, dès les instants qui suivent leur pénétration, elles 4. Varczarp et Vixcexr, Contribution à l'étude du tétanos. (Ann. /nst. Pas- Leur, 1891.) 2. Varzcarp et Roucer, Contribution à l’étude du tétanos. (Ann. Inst. Pas- teur, 1892.) 196 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sont englobées, immobilisées, puis détruites par les cellules phagocytaires. La preuve en est que les mêmes spores végètent aisément et provoquent le télanos, même à des doses infinité- simales, si on les protège contre l’action phagocytaire. Le cobaye résiste à l’inoculation d’un nombre de germes évalué, pour certains essais, de 1,556.000 à 2,456,000, mais il meurt sûrement tétanique si on l’infecte au moyen de quelques spores réparties sur du sable fin et incluses dans un sac de papier Berzélius qui établit une barrière entre les microbes et les pha- gocytes. Ainsi les spores tétaniques pures, privées de toxine, se mon- trent inoffensives à des doses considérables, variant naturelle- ment avec les espèces animales, et il en est ainsi parce qu’elles sont mises hors d'état de nuire par les cellules amiboïdes. Si Une telle donnée n’était pas sans se poser en contradiction avec ce fait que les animaux succombent au tétanos lorsqu'on leur inocule une parcelle de terre virulente; cependant, le nombre des germes contenus dans la matière inoculée est réel- lement infime (quelques unités), si on le compare aux milliers ou millions de spores qui restaient précédemment inactives. De mème le tétanos de l’homme survient dans des conditions où la plaie provocatrice n’a pu être souillée par une quantité de spores équivalente à celle que les animaux supportent sans dommage. D'où cette présomption que, dans l'infection natu- relle, l'introduction des spores au sein des tissus n’explique pas toute l’étiologie du tétanos, et que certaines conditions doivent nécessairement interveuir pour faciliter leur germination, sans doute en diminuant ou en supprimant la défense cellulaire de l’organisme. Dans la recherche de ces circonstances adjuvantes, nous avons été conduits à reconnaitre la part qui revient au trauma- tisme lui-même, aux désordres subis par les lissus, à la nature des lésions. Nous avons surtout mis en lumière l’action des microbes divers qui se trouvent toujours mélangés aux germes spécifiques daus {es produits tétanigènes habituels, terre, poussières, débris de fumiers, etc. Certaines bactéries inter- viennent, en effet, d’une manière si frappante et si sûre pour aider àla germination des spores dans les plaies, que, de ce fait, il a semblé naturel de les désigner sous le nom de microbes NOTE AU SUJET DE L'ÉTIOLOGIE DU TÉTANOS 757 favorisants : 11 suffit de les retrancher d’un produit tétanigène pour le rendre inoffensif, comme il suffit de les ajouter à une quantité infinitésimale de spores chaulfées, naguère inactives à très hautes doses, pour provoquer le tétanos. En démontrant le rôle de ces associations microbiennes dans l'infection expéri- mentale et naturelle, nous pensons avoir jeté quelque jour sur l’étiologie du tétanos et fourni à l’histoire générale des mala- dies parasitaires un fait qui n'est peut-être pas sans valeur. Aux yeux de quelques-uns, les notions précédentes ont pu paraitre justifiées. A d’autres, elles ont semblé subversives de l’ordre établi : elles heurtaient, en effet, cette conviction trop générale que les microbes pathogènes ne rencontrent dans l’or- ganisme que des condilions favorables à leur évolution, et, par suite, que le seul fait de leur accès dans les tissus suffisait à déter- miner l'infection. Aussi nos travaux ‘ont-ils soulevé des critiques et des assertions contraires, basées sur des recherches dont il convient de rendre compte ici même pour en marquer la valeur. Il M, Klipstein' a entrepris de vérifier si de grandes quantités de bacilles tétaniques purs etsans toxine pouvaient être inoculées à un Organisme sain sans lui nuire. Pour cela, il a soumis au contrôle chacun des faits sur lesquels M. Vincent et l'an de nous avaient édifié cette opinion. L'un de ces faits avait pour objet de démontrer que, sous la forme végétative, non sporulée, le bacille tétanique ne provoque pas de maladie, même à dose relativement élevée, lorsque la culture employée ne contient pas de toxine. A la température de 20-22, le microbe végète assez bien, mais il sécrète lentement son poison; aussi, en utilisant au moment opportun les cultures de ce genre, peut-on disposer d’un bacille jeune et presque totalement dépourvu de toxine, sans le secours d’un autre arti- fice. Dans ces conditions, nous avons impunément injecté au cobaye 1/4, 1/3 c.c. de cultures riches en bâtonnets. Les expériences similaires de M. Klipstein n’ont pas toujours abouti au même résultat. Ainsi, 1 c.c. d’une culture en bouillon faite à 21° et âgée de 1. Kzrpsreix, Sur les propriétés des cultures tétaniques privées de toxine (Hygien. Rundschau, janvier 1893.) 158 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. six jours est injectée à un cobaye: l'animal meurt en moins de vingt-quatre heures. XI n’est pas téméraire d'affirmer que cette mort si prompte est due, non au développement du bacille dans les tissus, mais à l’action du poison élaboré par lui dans la cul- ture inoculée. Dans un second essai, il s’agit d’une culture développée à 250 et àgée de six jours. Un cobaye en reçoit 3/10 c. c. et une souris 4 anses de fil de platine. Le cobaye meurt tétanique; la souris présente de la contracture localisée à une patte et guérit. Mais l'épreuve de la filtration sur terre poreuse démontre que le liquide privé de microbe était toxique. Ces deux expériences restent donc sans valeur, puisque les cultures employées renfermaient, outre les bacilles, une propor- tion suffisante de poison pour déterminer le tétanos. Deux autres essais ont donné les résultats suivants : Une souris recoit sous la peau 4 anses d’une culture en gélatine, faite à 210, âgée de cinq jours et riche en bâtonnets; l'animal reste en bonne santé. Une nouvelle expérience est faite dans les mêmes conditions, et la souris inoculée meurt le cinquième jour. M. Klipstein reconnaît pour le premier cas qu’un grand nombre de bacilles a pu être impunément inoculé. L’explication lui paraît simple : les bactéries jeunes manquent de la puissance nécessaire pour vaincre la résistance de l’organisme; d'autre part, elles ne possèdent pas la virulence des microbes formés à une température plus favorable. En l’espèce, 1l faut entendre par virulence l'aptitude à sécréter la toxine. Or, il est facile de vérifier que, durant la végétation à 20-22v, cette aptitude des bacilles est ralentie, mais non modifiée d'une manière sensible : il suffit pour cela d’éprouver la toxicité des cultures âgées de dix, douze ou quinze jours, ou encore d'injecter dans les muscles du cobaye un mélange d’acide lactique et d’une minime quantité de ces bacilles, en apparence inactifs. L'hypothèse d’une rési- stance moindre des bactéries jeunes aux éléments défensifs de l'organisme n’est guère en rapport avec les faits communément observés dans l'étude expérimentale des microbes pathogènes. Pour le cas particulier du tétanos, elle se trouve contredite par la facilité avec laquelle on communique la maladie aux animaux en leur inoculant le pus recueilli dans certaines plaies de l'homme ou des animaux, pus dans lequel le microscope ne NE :-: NOTE AU SUJET DE L'ÉTIOLOGIE DU TÉTANOS. 759 décèle que des formes mycéliennes, non sporulées, du bacille tétanique. M. Klipstein explique la mort de la deuxième souris par la résistance plus grande des bactéries inoculées. L'hypothèse est gratuite. Que si le tétanos a été provoqué par la prolifération du bacille dans les tissus, la preuve directe en était facile à fournir. L'auteur, tout au moins, eüt pu donner à cette expérience une valeur réelle s'il avait montré que le produit de filtration de la culture inoculée ne renfermait pas de poison déjà élaboré par les bâtonnets. Faute de cette démonstration, on peut penser que cette culture, comme celle qui avait servi aux deux premiers essais, n'était pas exempte de Loxine. M. Klipstein utilise ensuite des cultures formées à la tempé- rature la plus favorable et parvenues à leur complet développe- ment. Tout d’abord il a recours au lavage pour débarrasser les germes de la toxine dissoute dans le milieu où ils ont végété. Le dépôt d’une culture de vingt jours dans un litre de bouil- lon est soumis pendant trois jours à un lavage à l’eau stérile sur un filtre Berkefeld. L’enduit recueilli sur l’appareil est délayé dans un peu d’eau, ce qui donne une bouillie claire, composée uniquement de microbes. Une souris reçoit sous la peau 3 anses de ce mélange; le quatrième jour, l’animal présente de la con- tracture d’une patte postérieure, mais guérit. Estimant que la première opération n’avait pas été suflisante pour entrainer toute la toxine, M. Klipstein lave à nouveau le dépôt microbien pen- dant six jours, puis en inocule 3 anses sous"la peau d’une souris. L'animal reste bien portant. «Il est évident, dit l’auteur, que de très grandes quantités de la culture lavée n’ont eu dans ces deux expériences sur la souris qu’une influence pathogène faible ou nulle. » Mais l'importance de cette épreuve lui paraît minime, parce que, avant toute manipulation, la culture employée s'était montrée peu aclive, et aussi parce que le lavage a dû exercer une influence nocive sur la vitalité des germes. Cependant l’ense- mencement du dépôt microbien lavé à fond a donné une cul- ture très virulente. L’explication à part, ces résultats n'infirment pas ceux qu'il fallait contrôler. Mais c’est à l’inoculation des cultures tétaniques privées de poison par le chauffage que M. Klipstein, avec juste raison, 760 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. accorde le plus d'importance; les expériences ainsi faites lui paraissent avoir une valeur démonstrative indiscutable. Quels ont été ces résultats ? Il y a lieu d'éliminer tout d’abord l'expérience suivante, dont l’auteur reconnaît lui-même les défectuosités. Une culture de trois semaines, riche en spores, est désséchée sur des bandelettes de papier, puis soumise à un chauffage à 75° pendant une heure. Une de ces bandelettes est eme sous la peau d’une souris qui meurt télanique en quatre-vingt-dix-huit heures. En premier lieu, comme le mentionne M. Klipstein, la preuve n’a pas été faite que le produit inoculé ne renfermait pas de toxine : « On peut objecter (ce qui est vrai), dit-il, que la toxine desséchée est plus résistante aux influences extérieures que la toxine à l’état humide », et, conséquemment, qu'elle n’a pas été détruite par la chaleur. D'autre part, le mode d'infection employé est loin de donner à l'expérience le degré de simplicité voulu : il comporte, pour l'introduction du corps étranger, des délabre- ments, un véritable traumatisme, et aussi la pénétration pos- sible d’impuretés dans la plaie. Ces conditions ne sont point celles que nous avons visées. Les résultats de cinq autres expériences se résument ainsi : 4° Culture en bouillon, âgée de un mois, chauffée pendant une heure à T2. Une souris en reçoit 4 anse sous la peau...... pas de tétanos. Une souris = 2 anses — ..... mortaus: jour. Zo Culture en bouillon, ägée de un mois et demi, chauffée une heure à SO. Un cobaye en reçoit 1/40c........:... SAR pas de tétanos. Une souris — D ADSCS TNA ARRET RES S = 3° Culture en bouillon, ägée de deux mois et demi, chauffée une heure à S0e. UniCobayetenerecoiA Ace RARE ECC PPT ERTe pas de tétanos. Une souris — d ANSÈSS. Rene — 4 Dépôt d'une culture de deux mois et demi dans 200 ce. c. de bouillon: délayé dans 40 ce. c. d'eau stérile, puis chauffé pendant une heure à 90. Unefsouris ent recoit anses VERRE TRE pas de tétanos Un cobaye - ACC CET NE DEA mort au 5° jour. 59 Culture en bouillon, ägée de ARTS jours, chauffée une heure & 80». Ünicobaye entrecoit DEC SRE PP CURE pas de tétanos. Un cobaye — TA VA ATOE OO MERE an Deux souris en reçoivent 1/40c€,,... SELCONTE = Unesouns entrecoibA AO ESC NAN MERE eEe tétanos local, guérison. Une souris — EE ROUTE CAE mort en deux jours. Aussi, sur quatorze animaux (cobayes et souris) mis en expé- rience, dix ne présentent aucun symptôme morbide, un est NOTE AU SUJET DE L'ÉTIOLOGIE DU TÉTANOS. 761 atteint d’un tétanos localisé et curable, trois meurent tétaniques. Pris en bloc et sans autre examen, ces résultats ne sont guère défavorables à ceux qu'il s'agissait de contrôler. [ls mon- trent que de jeunes cobayes supportent jusqu'à 1 c. c. d’une culture sans toxine, et prouvent tout au moins que, dans la plupart des cas, il est possible, sans provoquer le tétanos, d'injecter aux animaux des doses réellement considérables de spores tétaniques. M. Klipstein convient d’ailleurs volontiers «que de grandes quantités de ces dernières sont souvent sans - action ». Mais dans trois cas l'infection a abouti à un tétanos mortel. L’explication de ces faits contradictoires est visiblement un motif d'embarras pour M. Klipstein, et, pour les interpréter, 1l a recours encore à des variations dans la virulence et le degré de résistance des spores employées. Lorsque l'infection n'a pas abouti, c’est que les germes étaient trop peu actifs ou trop peu résistants ; ils possédaient toutes les qualités voulues dans le cas contraire. Si telle pouvait être la raison des choses, on ne com- prend pas pourquoi, la connaissant, l'auteur n’a pas tenu à écar- ter celte cause d'erreur en expérimentant toujours avec des cul- tures d’une activité et d’une résistance bien établies. Pour notre part, nous avons évité cet écueil en utilisant toujours des cul- tures d'une activité éprouvée et, de ce chef, nos résultats ne sauraient être justiciables de l'interprétation ci-dessus. A la vérité, l'explication des faits, en apparence contradictoires, observés par M. Klipstein, est tout autre : elle se trouve implici- tement contenue dans notre mémoire sur l’étiologie du tétanos, que cet auteur ne semble pas avoir connu à l'heure où il publiait son travail. Dans ce mémoire, les points suivants ont été établis. Contrai- rement à l'opinion courante, la toxine tétanique n'est pas radi- calement détruite par les températures de 65, 75 et même 80; à ces degrés, la chaleur diminue considérablement, mais ne sup- prime pas son activité. En second lieu, le corps des bacilles téta- niques renferme une très grande quantité de toxine, et celle-ci, ‘comme le poison dissous dans le milieu nutritif, n’est pas détruite par le chauffage auquel on soumet les spores. Dès lors, quand on inocule à des animaux très sensibles, comme la souris et le cobaye, des doses élevées de spores chauffées à 67, 70, 75 et 162 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. même 80°, on injecte en réalité des spores contenant encore une quantité plus ou moins grande de poison actif, capable de produire des symptômes tétaniques et la mort, en dehors de toute végétalion des germes inoculés. D'autre part, nous avons démontré que, si les spores téta- niques sont inoflensives, c’est parce que, dès leur pénétration, elles sont mises hors d'état de nuire par les phagocytes. Mais cette action protectrice des cellules a évidemment une limite et, si on injecte à un animal plus de germes que les phagocytes n'en peuvent englober dans le temps nécessaire, il est certain que l'organisme, alors débordé par le nombre des envahisseurs, succombera dans la lutte. Or, sur les trois animaux qui meurent tétaniques dans les expériences de M. Klipstein, deux ont reçu un nombre réelle- ment excessif de germes. Tel est le fait de l'expérience 4 : le dépôt d’une culture dans 200 c. c. de bouillon est délayé dans 40 c. c. d’eau, puis 1 c.c. de ce mélange est inoculé à un cobaye qui meurt au troisième jour. En réalité, cet animal a reçu l’équivalent de 5 c. c. de culture. Ailleurs (expérience 5), 0%,5 d'une cul- ture en bouillon est injecté à une souris, soit pour un animal du poids moyen de 15 grammes, la trentième partie de son poids total! De telles doses sont démesurées. Ou bien le trop grand nombre de spores a introduit, malgré le chauffage, une quantité de poison suffisante pour produire une intoxication mortelle; l'examen attentif du foyer montre alors que ces spores n’y ont pas végété. Ou bien les leucocytes n’ont pu, en temps opportun, englober et immobiliser la totalité des germes qui ont brusque- ment inondé le même point du tissu conjonctif. Ne sait-on pas qu'en augmentant les doses jusqu'à lexcès on peut rendre pathogènes certains microbes réputés absolument inoffensifs ? Reste la souris de lexpérience 1 qui meurt le troisième jour après l’inoculation de 2 anses d’une culture chauffée à 729, alors que d’autres souris ont toléré 3 anses, 1/40 c. c. etmème 1/10 c. ec. d'une culture chauffée à 80°. L'auteur ne donnant aucun détail sur les constatations qu’il a pu faire au point injecté, ilest diflicile d'interpréter ce résultat. Signalons toutefois que le mode d’ino- culation employé n’est pas exempt de critique. L'insertion de deux anses de platine sous la peau nécessite une plaie, un décol- lement du tissu conjonctif, un traumatisme donnant parfois lieu NOTE AU SUJET DE L’ÉTIOLOGIE DU TÉTANOS. 163 à une hémorrhagie ; elle facilite aussi l'introduction des impu- retés extérieures dans la plaie : toutes ces conditions peuvent avoir donné quelque complexité au résultat obtenu. Si l’on tient compte des réserves exprimées ci-dessus, les résultats obtenus par M. Klipstein, loin d’infirmer nos observa- tions, leur fournissent au contraire un appui indéniable. La conclusion qu'il leur donne se formule ainsi : « En contradiction avec Vaillard et Vincent, je puis donc dire : Les cultures pures du bacille du tétanos que l’on a soumises à la température néces- saire pour détruire la toxine peuvent cependant encore se mon- trer très nocives vis-à-vis de l'organisme animal. » Mais quelques lignes auparavant l’auteur s'exprime en ces termes : « Sans doute, lorsqu'on se sert de pareilles cultures, il en faut toujours une certaine quantité, d'ordinaire abondante, pour provoquer la maladie. Cela n’a rien de surprenant : l'organisme dispose de certaines ressources pour se défendre de l'invasion, de la mul- tiplication illimitée des germes morbides. » La contradiction que relève M. Klipstein est plus apparente que réelle. Nous avons affirmé que des doses considérables de spores sans toxine pouvaient être impunément introduites dans l'organisme vivant. M. Klipstein le constate et le reconnait à son tour. Mais, en signalant le fait, nous n’avons pas prétendu dire que les animaux devaient tolérer une quantité sans limite de ces mêmes spores. Si notre contradicteur a voulu exprimer la même idée en disant « que les cultures privées de toxine peuvent encore se montrer très nocives », nous nous rangeons d’autant plus volontiers à son avis que. dans un mémoire dont il semble _ ignorer l'existence, nous avons mentionné les doses susceptibles de tuer le cobave et expliqué aussi les raisons de leur nocuité. Quoi qu'il en soit, un point essentiel reste acquis : M. Klips- tein a observé, comme nous, l’innocuité de doses relativement considérables de spores tétaniques. Opposant cette notion à la nocuité de celles qui se trouvent à l’état d'unités dans une par- celle de terre tétanigène, nous avons présumé d’abord, puis démontré, que la pathogénie de l'infection naturelle comportait nécessairement l'intervention de facteurs propres à favoriser la végétation des germes spécifiques dans les plaies. Telle est aussi la conclusion à laquelie aboutit M. Klipstein lorsqu'il recherche pourquoi le télanos humain est une maladie si rare, tandis que 16% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sa cause animée se trouve si répandue dans les milieux exté- rieurs. « Dans les circonstances naturelles, dit-il, le contact d'une plaie avec des germes tétaniques ne suffit pas pour que l'affection se déclare : il faut de plus certaines conditions acces- soires, nécessaires au développement des germes. » Inspiré par les faits que l’un de nous a établis en collaboration avec M. Vin- cent, il trouve les principales de ces conditions dans le genre et la nature du traumatisme, dans l'intervention simultanée des microbes mélangés aux spores tétaniques, microbes inoffensifs d'habitude, mais qui par leur présence dans les plaies peuvent permettre le développement de l'agent spécifique. En résumé, le travail de M. Klipstein, quoi qu’en pensentson auteur et quelques-uns de ceux qui, sans doute, l’ont apprécié trop superficiellement, n’infirme aucune des notions que nous avons introduites dans l’étiologie da tétanos ; bien au contraire, il leur donne un appui dont nous apprécions la valeur. II Visant aussi les points fondamentaux de nos recherches, M. Roncali, dans un travail exécuté à l’Institut d'hygiène expé- rimentale de Rome ‘, s’est proposé de vérifier à son tour les deux questions suivantes : 1° Les spores privées de la toxine élaborée dans les cultures donnent-elles constamment lieu à l'infection tétanique? 2° Les spores contenues dans la terre peuvent-elles, indé- pendamment des microbes qui les accompagnent, provoquer le tétanos ? Pour résoudre la première de ces questions, M. Roncali a d’abord recours à l'épreuve des spores traitées par le lavage. Des cultures en gélatine, âgées de 40 jours, sont filtrées sur une bougie Chamberland. Les germes adhérents à l'appareil sont lavés par 12 litres d’eau. Puis, un peu du dépôt microbien est prélevé avec une spatule de platine et inoculé à six cobayes : tous ces animaux meurent tétaniques de la fin du deuxième jour au commencement du troisième. 1. Roxcaur, Contribution à l’étude de l'infection tétanique expérimentale chez Panimal. (Riforma medica, n° 165, juillet 1893.) NOTE AU SUJET DE L'ÉTIOLOGIE DU TÉTANOS. 165 Mais l’auteur omet de nous dire à quel volume de culture correspondait le dépôt microbien mis en expérience, et aussi à quelle unité de mesure se rapporte cet un peu dudit dépôt qu'il inocule à chaque cobaye. Ces renseignements méritaient d’au- tant plus d'être fournis que la mort très rapide de ces animaux conduit à penser que les spores inoculées renfermaientlencore une proportion considérable de poison. Les bacilles tétaniques, en effet, retiennent à leur intérieur une graude quantité de toxine qu'ils abandonnent lentement aux liquides ambiants, et, con- trairement à nos prévisions antérieures, un lavage méme de très longue durée ne parvient pas à l’extraire en totalité; de là de graves difficultés pour obtenir par ce moyen des spores réelle- ment privées de leur poison. Restant étranger à cette notion, M. Roncali estime avoir suffisamment expurgé ses spores parce que les dernières quantités d'eau écoulées de la bougie n'étaient pas toxiques ; assurément son opinion eût été autre si, après avoir fait macérer dans un volume d'eau l'enduit micro- bien recueilli sur le filtre, il avait, au bout de quelques jours, injecté à des souris le produit de cette macération. Les lacunes de cette observalion et les réserves qu'elle com- porte ne permettent pas d'attribuer à ce fait la signification que lui donne l’auteur. Dans une autre série de recherches, M. Roncali s'adresse aux spores traitées par la chaleur, et il fait choix de cultures développées sur gélose, à la température de 3°. Ces cultures sont soumises à un chaulfage de deux heures à 80°, ou de une heure à 85 et 90°. Puis un fragment de gélose est prélevé, pesé (l'auteur n'indique ni son volume ni son poids) et inoculé avec les plus grandes précautions antiseptiques à des cobayes. Les animaux meurent constamment avec un tétanos typique du quatrième au cinquième jour après l'infection. D'où l’auteur conclut que les spores tétaniques privées de toxine sont parfaitement capables de se développer dans le corps de l’animal. 11 nous plaît de reconnaître que le fait signalé par M. Ron- cali est d’une exactitude absolue : l'introduction, sous la peau _ des cobayes, d’un fragment d’une culture sur gélose préalable- ment chauffée à 80°, provoque sûrement le létanos, et même il suffit pour cela d’une quantité bien minime de spores. Ainsi, d'un côté, nous avons établi que le cobaye reçoit, sans 166 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. devenir malade, des doses de cultures er bouillon variant entre 1 c. e. et 2,5 lorsque celles-ci ont été chauffées à 80°. M. Klips- tein reconnait, d'autre part, que 1 c. c. de ces mêmes cultures reste inoffensif. Par contre, M. Roncali constate qu'un fragment d’une culture sur gélose chautTée à 80°, 85°, 90°, et renfermant un nombre beaucoup moindre de spores, détermine à coup sûr le tétanos. Une contradiction flagrante semble donc exister entre les deux séries de faits. Il n’en est rien cependant, car les expé- riences de l’auteur italien admettent un correctif important qui en change complètement la signification. Ce correetif a échappé à la sagacité de M. Roncali; sans doute eùt-il été conduit à l’établir lui-même, s'il s'était demandé pourquoi des expérimen- tateurs différents avaient pu obtenir des résultats contraires aux siens, ou s'il avait voulu croire qu’une erreur matérielle de leur part n’était peut-être point l'unique explication de ces diver- gences. L’explication à trouver était simple et facile : elle réside tout entière dans ce fait, en apparence banal, que M. Roncali, au lieu d’expérimenter comme ses devanciers avec des cultures en bouillon, a utilisé les cultures sur gélose; cette variante, négligeable selon lui, a suffi pour changer radicalement à son insu les conditions expérimentales. Ce n’est pas sans raison que toutes nos recherches sur l’étio- logie du télanos ont été faites au moyen de spores provenant de cultures en milieu liquide. En outre des facilités qui en résul- taient pour les manipulations et la graduation des doses, le choix répondait à une indication dont il faut parler, puisque la question se pose. Lorsqu'on injecte à un animal des spores tétaniques suspen- dues dans un liquide, celui-ci disparait rapidement par absorp- tion, et les germes se trouvent en contact direct avec les élé- ments des tissus dont rien ne les sépare; si un conflit doit s'établir entre l’envahisseur et les agents défensifs de l’orga- nisme, aucune barrière ne sera, de la sorte, interposée entre les adversaires. Ces conditions sont également celles de l'infection naturelle. Les spores apportées par les produits (terre, pous- sières, fumiers, etc.) qui souillent les plaies sont disposées à la surface de particules minérales, végétales ou autres, mais jamais (autant du moins qu’il est permis de l’imaginer) elles ne NOTE AU SUJET DE L'ÉTIOLOGIE DU TÉTANOS. 167 sont incluses dans un corps consistant ou solide; alors encore le contact direct peut s'établir entre les microbes et les éléments des tissus. À ce point de vue donc, les conditions de l'infection naturelle sont sensiblement reproduites par celles de l'infection expérimentale, lorsqu'on emploie pour cette dernière des spores suspendues dans un liquide. Mais il n’en est plus de même si, pour infecter les animaux, on se sert, comme le fait M. Roncali, d’un fragment de gélose dans l'intérieur duquel les germes sont inclus, La gélose est un milieu solide et qui reste tel à des températures bien supérieures à celles du corps de l'animal en expérience. Ne se liquéfiant pas après son introduction dans les tissus, elle retient, conserve les spores dans son épaisseur et, de plus, en raison même de sa consistance, établit une barrière appréciable entre les microbes et les éléments cellulaires. Or, étant acquis en l'espèce que ces derniers représentent précisément les moyens protecteurs de l'organisme, il y avait lieu de penser, « priori, que ce procédé d'infecuüon devait introduire des conditions nouvelles et toutes spéciales qui ne sont plus celles de l'infection naturelle. Ces conditions toutes particulières et leurs conséquences vont ressortir des détails suivants : Lorsqu'on introduit sous la peau du ventre ou dans le péri- toine des cobayes un cube d’agar taillé dans une culture chauf- fée à 80°, ces animaux présentent en général les premiers symp- tômes tétaniques du quatrième au cinquième jour, quelquefois plus tard, au septième, huitième ou dixième jour, et meurent presque toujours dans les vingt-quatre ou trente-six heures qui suivent. À A l'examen du foyer de l’inoculation, le fragment de gélose apparaît enkysté par une membrane lisse, rosée ou rougeûtre. Mais quelle qu'’ait été la survie de l'animal, le bloc est entier, aussi consistant qu’à l’origine, ses arêtes sont vives ou à peine émoussées, ses faces lisses, sans trace de corrosion, sans enduit leucocytaire appréciable à l'œil nu. Sur les parois du kyste, les leucocytes sont très peu abon- dants, et il est exceptionnel d'y rencontrer des microbes : une fois seulement, sur onze cas, le bacille tétanique a été trouvé en ce point. En lavant avec une minime quantité d’eau la surface du bloc 168 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de gélose, on ne récolte qu’un nombre très restreint de leucocytes, et, sauf dans le cas où des bacilles avaient été vus sur les parois de la membrane enkystante, le microscope n'a jamais montré de microbes dans le produit de ce lavage. Déjà clairsemés à la périphérie du bloc, les leucocytes deviennent encore plus rares dans l'épaisseur de ses couches les plus superficielles : Ià ils se comptent par unités. Au delà d’un tiers ou d’un demi-millimètre d'épaisseur, on n’en rencontre plus. Par contre, dans les parties centrales de la masse de gélose. apparaissent des bâtonnets résultant de la végétation des spores tétaniques. Ces constatations ne manquent pas d'intérêt; elles se résu- ment dans les deux faits suivants : 19 Lorsque le tétanos est provoqué par l'introduction sous la peau d’un fragment de cultures sur gélose, ce n’est pas au sein des tissus vivants, sur les parois de la plaie, mais dans l’épais- seur même du bloc que s'effectuent la végétation des spores et la multiplication des bacilles: 29 Les leucocytes n’affluent pas d’une manière active autour du bloc de gélose; ils n’y pénètrent qu'avec difficulté et, même après un temps très long (onze jours), ne parviennent pas à dépasser les couches les plus superticieiles. On est naturellement conduit à penser que le premier fait est la conséquence directe du second. L'absence d’afflux leucocytaire avait lieu de surprendre, étant donnée l’intense propriété chimiotaxique que possèdent les spores tétaniques privées de toxine par le chauffage. [1 suffit, en effet, de les injecter dans le tissu conjonctif sous-cutané pour provoquer en ce point une abondante émigration cellulaire. Le fait ne se reproduisant plus lorsque les mêmes spores sont incluses dans de la gélose, on devait rechercher si les propriétés chimiotaxiques de cette substance n'intervenaient pas pour modifier ou empêcher le phénomène. Daus ce but, des petits cubes ont été taillés dans de la gélose stérile, n'ayant servi à aucune culture, et de composition strictement identique à celle de la gélose qui avait été employée pour la culture du bacille téta- nique. Ces cubes ont été placés sous la peau de différents cobayes, puis retirés à des périodes variables. Leur examen a toujours permis de faire des constatations semblables à celles NOTE AU SUJET DE L'ÉTIOLOGIE DU TÉTANOS. 169 qui viennent d'être mentionnées : intégrité de la forme et de la consistance du corps étranger, conservation de sa transparence, faible quantité des leucocytes à la périphérie du bloc, leur extrème rareté dans l’épaisseur des couches les plus superfi- cielles, leur absence complète dans les parties centrales de la masse. Le milieu nutritif à base d’agar semble donc bien n’avoir que des propriétés chimiolactiques extrêmement faibles et, sans doute aussi, en raison de sa structure particulière, oppose-t-il un obstacle considérable à la marche des cellules amiboïdes qui tentent de le pénétrer. On comprend dès lors comment quelques spores englobées dans un pareil milieu trouvent aisément pro- tection contre les phagocytes, végètent et sécrètent le poison qui tue l’animal; car, si la gélose est une barrière pour les corps figurés, elle n'empêche pas la diffusion des liquides et de la toxine élaborée par les bacilles. Ce serait donc la seule intervention de la gélose qui, dansles expériences de M. Roncali, constituerait le facteur important, la cause déterminante des résultats obtenus. Pour le démontrer, nous avons eu recours à une expérience aussi simple que décisive : elle montre, en effet, que des spores prises dans une culture en bouillon chauffée à 80° restent inof- fensives lorsqu'elles sont injectées à baute dose, mais suspen- dues dans le liquide où elles se sont formées, tandis qu’elles donnent sûrement le tétanos et tuent à une dose très minime, lorsque pour les inoculer on les incorpore dans un bloc de gélose stérile. Une culture en bouillon faite à la température de 380, Agée de trente jours et ne contenant que des bacilles sporulés, est chauffée pendant deux heures à 800. A trois cobayes, on injecte sous la peau du ventre 0c,5 de cette culture. D'autre part, des cubes mesurant 3 à 4 millimètres de côté sont découpés dans de la gélose stérile. Par un petit pertuis fait avecune aiguille chaude on introduit au centre de chacun d’eux une fraction de goutte de la culture chauffée, puis l’orifice du pertuis est exactement oblitéré par la fusion de la gélose. Un de ces cubes est alors inséré sous la peau de trois cobayes de même taille que les pré- cédents. Les animaux qui ont élé inoculés avec 0%,5 de la culture en 49 170 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bouillon restent en bonne santé. Ceux qui ont reçu les cubes de gélose deviennent tétaniques du quatrième au cinquième jour, et meurent dans les vingt-quatre heures suivantes. Cette expérience, renouvelée plusieurs fois dans les mêmes conditions, a toujours donné des résultats semblables. Ainsi des spores de provenance rigoureusement identique se comportent de façons fort différentes, suivant que, pour l’ino- culation, on les incorpore à tel ou tel véhicule. Disposées dans l'épaisseur d’un bloc de gélose, même en proportion infime, elles provoquent un tétanos mortel; alors, en effet, elles sont pro- tégées contre les leucocytes, germent comme en un tube de culture, et sécrètent le poison qui, dialysant à travers le bloc solide, intoxiquera l'animal. Suspendues dans un liquide, elles restent inoffensives, même à dose considérable, parce que, toute protection faisant défaut, l’action phagocytaire a pu s’exercer en temps opportun et protéger l'organisme. C’est faute de n'avoir point su faire cette distinction que M. Roncali a déduit d’une expérience exacte une conclusion qui ne l’estpas. [noculer à des animaux un fragment de gélose conte- nant des spores chauffées à 80° aboutit, en somme, à reproduire l'expérience que nous faisions naguère lorsque, voulant établir que lies spores végètent et provoquent le tétanos à la condition d’être protégées contre les phagocytes, nous infections les ani- maux avec une quaniité très minime de germes desséchés sur du sable et enveloppés dans un sac de papier. Cette barrière de papier n'est pas infranchissable pour les cellules amiboïdes, mais elle suffit à retarder leur migration, ce qui permet aux spores de végéter et aux bacilles néoformés de sécréter le poison. Or, la gélose constitue un obstacle beaucoup plus efficace, en raison d’abord de ses propriétés chimiolactiques presque indiffé- rentes, et ensuite parce que sa structure oppose des difficultés »lus grandes au passage des leucocytes. L'expérience de M. Ron- cali ne peut donc conserver la signification qu'il lui donne; loin de prouver, comme il le pense, que, à l’encontre de notre opi- nion, les spores tétaniques privées de toxine végètent sans diffi- cultés dans l'organisme, elle démontre uniquement que, comme nous l’avions dit, les spores germent à coup sr et sans difficulté lorsqu'elles sont préservées contre l’action phagocytaire : les deux termes ne sembleront pas équivalents. Ce n’est assurément NOŸE AU SUJET DE L'ÉTIOLOGIE DU TÉTANOS. y wi | pas ce que l’auteur italien se proposait d'établir; nous ne le remercions pas moins d’avoir confirmé un pointimportant de nos recherches à l’aide d’une variante aussi élégante que commode. Cette critique dispensera d’insister sur la partie du travail où M. Roncali examine la question de savoir si l'action patho- gène des spores tétaniques contenues dans la terre est, oui ou non, nécessairement liée à l'intervention des germes étrangers. Il suffit, en effet, de mentionner le dispositif employé par l’au- teur pour marquer la signification que comporte son expérience. 300 grammes de terre, répartis en six lots de 50 grammes, sont chauffés pendant quinze minutes sur une plaque de cuivre portée au rouge. Chaque lot de terre est ensuite inclus dans un tube et stérilisé de nouveau à l’autoclave pendant trois jours conséculifs. Des fragments de cette terre sont alors inoculés à quatre cobayes, d’autres sont ensemencés en gélatine; les animaux restent en bonne santé; aucune colonie ne se développe sur les plaques de gélatine. La terre étant reconnue stérile, M. Roncali introduit dans chaque lot trois cultures du bacille tétanique sur gélose, et remue le mélange avec une baguette de verre stérile, de facon à former une pâte très dense de gélose et de terre (una pasta cretacea). Gette mixture est portée à l’étuve pendant trente jours. Après ce délai, les tubes sont chauffés pendant deux heures à 80°, et un peu de leur contenu est inoculé à des cobayes qui tous meurent tétaniques après quatre, cinq et six Jours. Désireux de conserver à cette épreuve toute la valeur démons trative qu'il lui suppose, M. Roncali énumère et réfute par avance toutes les objections que l’on ne songera pas à lui faire (persis- tance de la toxine malgré le chauffage, introduction de germes d'impureté pendant les manipulations), mais il omet la suivante, beaucoup plus fondée. Ce n’est point avec une mixture de gélose emprisonnant des spores tétaniques que se fait l'infection natu- relle ou expérimentale par la terre, mais bien avec un produit plus simple où les spores se trouvent accolées à la surface de particules minérales ou végétales ; les deux conditions sont trop éloignées pour supporter la moindre assimilation. En modifiant comme il l’a fait la matière destinée à l’inoculation, l’auteur a naturellement introduit dans son expérience une complexité 172 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dont il ne s’est pasrendu compte. L’adjonction de la terre stérile à une culture Létanique sur gélose ne change rien des propriétés que nous avons reconnues à ce dernier milieu; inoculer les ani- maux avec un semblable mélange se réduit en somme à les infecter avec un fragment de gélose, et les mêmes objections s'adressent à l’un comme à l’autre de ces procédés. M. Roncali croit avoir établi d’une manière péremptoire que les spores mélangées à la terre produisent l'infection tétanique sans l’inter- vention des microbes étrangers ; il réussit simplement à démon- trer pour la seconde fois que les spores sans toxine végètent et provoquent le tétanos, lorsqu'elles sont protégées contre les cellules migralrices par une enveloppe de gélose, additionnée de terre dans le cas particulier. Au cours des développements que nous avons consacrés à l'étude des associations microbiennes, le fait suivant a été établi. Dans la pathogénie du télanos consécutif à l’inoculation de la terre, les bactéries que celle-ci renferme, en outre de l'agent spécifique, jouent un rôle de premier ordre. Ces bactéries produisent des lésions constantes, à la faveur desquelles les spores peuvent végéter ; leur concours est indispensable, et, lors- qu’il vient à faire défaut, les spores ne germent-pas. Cette opi- nion se basait sur une preuve expérimentale. Une terre est sürement tétanigène; inoculée aux animaux, elle provoque toujours le tétanos. Si on la chauffe à une tempé- rature qui, sans amoindrir la vitalité des spores tétaniques, suffit cependant à détruire la plupart des autres microbes ou à Îles affaiblir assez pour les rendre inactifs, elle perd sa virulence. Mais, si à celte terre devenue inactive on restilue certaines espèces microbiennes qu’elle renfermait auparavant (abstraction faite du bacille tétanique), on lui restitue du même coup son pouvoir tétanigène. Tel est le fait que M. Roncali a voulu vérifier. Parmi différents échantillons de terre, l’auteur choisit celui qui provoque le plus souvent le tétanos, et qui, s’il ne détermine pas celte maladie, ne tue pas du moins par une autre infection. 560 grammesdecette terre sont distribués en 14 lots de 40 gram- mes, puis inclus dans 14 tubes. Après addition de 70 grammes d’eau stérile, M. Roncali inocule à des cobayes, non pas la terre NOTE AU SUJET DE L’ETIOLOGIE DU TÉTANOS. 173 elle même, mais l'eau dans laquelle elle a macéré ; 14 cohayes sont ainsi mis en expérience, à raison de { cobaye par tube. Des animaux de celte première série, 6 meurent tétaniques, 8 surviven£. Les 14 lots de terre sont ensuite chaullés pendant 1 h. 30 à 87°. 14 cobayes sont inoculés comme précédemment : 13 meu- rent tétaniques du 4° au 6€ jour ; 1 seul survit. Enfin à ces tubes de terre chauffés à 87°, l’auteur ajoute soit une infusion de viande putréfiée, soit une culture de 10 micro- bes divers, soit des bactéries isolées de la terre avant sa stérili sation, soit une infusion végétale putréfiée, etc. ; puis il inocule 14 cobayes : 5 meurent tétaniques, 9 survivent. Après avoir signalé ie désaccord qui existe entre ce fait et le nôtre, M. Roncali mentionne particulièrement l'exemple de & échantillons de terre qui ont donné à la première inoculation 3 résultats négatifs et 1 infection tétanique ; à la deuxième ino- culation, la terre ayant élé chauflée à 87°, 4 cas de tétanos, et à la troisième, après addition des saprophytes, 2 cas de tétanos et 2 résultats négatifs. L'auteur explique l’action si variable d’une mème terre par l’inégale répartition des spores tétaniques dans l’eau où elle baignait, par leur inégaie abondance dans les diverses portions du liquide successivement inoculé, et il estime que des circonstances de ce genre ont dùü rendre l'erreur bien facile dans l'expérience que nous avons faite avec la terre. Mais c’est précisément pour éviter cette objection très naturelle que nous avons utilisé une terre bien choisie, laquelle donnait infarlliblement le tétanos quand elle n'avait pas été soumise au chauffage ; l'erreur, dans ce cas, devenait difficile à commettre. Les résultats rapportés ci-dessus sont, à la vérité, fort sin- guliers : on y voit que la terre chauffée à 87° est beaucoup plus souvent télanigène (13 fois sur 14) que la terre non chaultée (6 fois sur 14); d'où semblerait ressortir que plus la terre est pürifiée, débarrassée des microbes divers qui accompagnent les spores télaniques, plus aussi elle devient virulente, Renoncant à interpréter une telle anomalie, nous nous bornons à l’enregis- trer sans commentaires. Mais M. Roncali nous paraît déduire de ce fait des conclu- sions prématurées lorsqu'il avance que, contrairement à nos assertions, la destruction des germes étrangers par la chaleur os: | 74 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. n'a pas empêché le tétanos de se produire, comme aussi l’adjonc- tion des saprophytes n’en a pas favorisé l’apparition. Son expé- rience ne possède pas sur ce point toute la valeur qu'il suppose. | M. Roncali affirme, en effet, que, malgré la destruction des germes étrangers, les spores tétaniques se sont développées. Où est la preuve de cette destruction des germes étrangers ? De ce que la terre a été chaulfée à 87°, il n’en résulte pas forcément qu'elle ne contenait plus aucun microbe vivant en dehors des spores spécifiques. Or, l’auteur ne dit même pas qu'il ait examiné la plaie d’inoculation à ce point de vue. Son expérience eût été plus précise s’il avait démontré que, chez les animaux infectés avec l’infusion de terre chauffée à 879, il n'existait au foyer de l’inoculation ni lésion locale, ni microbes capables d’avoir favorisé la germination des spores tétaniques, que celles- ci, en un mot, étaient restées seules en cause. Nous croyons pouvoir affirmer qu'il n’en était pas ainsi. Dans une note placée à la page 39 de notre mémoire sur l’étiologie du tétanos, nous avons mentionné la résistance de certains microbes favorisants de la terre à l’action des températures élevées; M. Roncali eût pu, peut-être, tirer profit de cette indication. Dans les expériences du même auteur, l’adjonction des sapro- phytes à la terre chauffée n'a pas favorisé le développement du tétanos. Ce fait n’arien de surprenant. Nous avons signalé d'une manière très explicite que la propriété de favoriser la germination des spores tétaniques dans les plaies n'appartenaitpas indifférem- ment à tous les microbes; c’est là le lot de quelques-uns, spécia-. lement de ceux qui provoquent au point d'inoculalion une lésion caractérisée. M. Roncali n’a pas eu la chance de rencontrer des microbes de cette espèce dans ses expériences: mais peut-être eût-il réussi à les trouvers’illes avait cherchés comme il convient. Au demeurant, M. Roncali semble convaincu, à l'inverse de M. Klipstein, que l’étiologie du tétanos est beaucoup plus sim- ple que ne se l’imaginent la plupart des auteurs. Pour lui, les spores létaniques privées de toxine, comme elles se rencontrent dans la nature, germent sans difficultés dans les plaies et ne réclament pour cela aucune intervention adjuvante. Assurément il n’a pas été frappé de l'opposition qui existe entre la rareté de la maladie et la fréquence de sa cause spécifique dans les milieux extérieurs, la multiplicité des circonstances qui peuvent l’ame- À 4 NOTE AU SUJET DE L’ETIOLOGIE DU TETANOS, 1175 ner au contact des tissus. Mais, si les conclusions de son travail sont formelles et toutes défavorables aux notions que nous avons rappelées au début de cette note, il faut convenir que les expériences destinées à leur servir de base sont loin de les moti- ver : ou bien ces expériences ne prouvent pas ce qu’elles préten- dent démontrer, ou bien elles manquent de la précision néces- saire pour les rendre pleinement démonstratives. Nous réclamons d’autres faits avant d’abjurer nos erreurs sur l’étiologie du tétanos. SUR LA VALEUR ANTISEPTIQUE DE L'OZONE Par LE Dr J. pe CHRISTMAS La facilité avec laquelle l'intelligence humaine se construit des hypothèses et tire des conclusions d’une coïncidence de phé- nomènes en vérité toute fortuite, mais qui pour l'esprit préconcu devient tout de suite une preuve de cause à effet, est démontrée encore une fois, si c'était nécessaire, par l’histoire scientifique de l'ozone et toutes les théories auxquelles la découverte de ce corps dans l’air atmosphérique a donné licu. L'observation, faite par Schoenbein, des effets irritatifs de l’ozone sur la muqueuse des bronches a suffi pour qu’on accusât ce gaz d’être la cause des épidémies de grippe et de catarrhes des voies respiratoires, opinion soutenue par des observations météorolo- giques qui toutes prouvaient que la recrudescence des épidémies grippales coïncidait avec une augmentation d'ozone dans l'air. A cette théorie en apparence sérieuse, on en opposait bientôt une autre au moins aussi irréfutable. En examinant de près les phénomènes, il devenait évident que l’ozone ne pouvait avoir une grande influence sur les catarrhes. D'un côté on trouvait que ce corps manque complètement dans l'atmosphère des grandes villes, qui pourtant semblent le siège de prédilection des affections catarrhales. D'un autre côté on constatait la présence d'ozone en proportions considérables, jusqu’à 1 pour 500,000, dans les parages du pôle Nord, où jusqu'ici on n’a jamais observé de cas de fluxion de poitrine. La théorie de Schoenbein était donc fortement ébranlée. Elle fut tout à fait renversée quand on s’aperçut de la faculté qu’a l'ozone de détruire lesmauvaisesodeurs. L'observation, faite par Scoutetten, de la viande pourrie qui perd son odeur dans une atmosphère ozonisée, et celle de Clemens, qui plaçait des grenouilles dans un marais artificiel, où elles succombaient rapidement dès que l’eau VALEUR ANTISEPTIQUE DE L'OZONE. 11 n'était pas purifiée par un courant d'ozone, ont suili pour changer les idées sur ce corps, qui, de gaz malfaisant, engen- drant les épidémies, devenait un gaz bienfaisant, antiputride et antifermentatif, prêt à faire son entrée dans la thérapeutique des maladies respiratoires. La bactériologie moderne est venue détruire en partie au moins ces fantaisies, mais ici les résultats ne sont pas non plus d'accord, et il devient très difficile de se former un jugement, parce que la plupart des auteurs qui se sont occupés de la question de la valeur antiseptique de l’ozone n'ont pas déterminé les doses d'ozone employées. Le seul savant ayant fait un dosage rigoureux est Sonntag ‘. Son travail enlève toute valeur antisep- tique à l'ozone, qu’il produisait avec un appareil de Siemens, donnant jusqu’à 15 milligrammes d’ozone par litre d'oxygène. Le résultat de ses expériences a été qu'une atmosphère, renfer- mant 3 milligrammes d'ozone par litre, ne suffisait pas pour tuer les spores de charbon, qui se développaient aussi facilement que les spores de contrôle. Il à fallu une quantité d'ozone de 14 milligrammes environ par litre pour les tuer après 24 heures d'exposition. Les expériences de Sonntag semblent probantes au point de vue de la faible valeur antiseptique de l'ozone. Malheureusement cet auteur a borné aux essais sur les spores * ses expériences qui, au point de vue de la désinfection pratique, ont leur importance, mais qui ne nous renseignent pas sur la valeur de l'antiseptique envers les formes végétatives des microorganismes, question pourtant importante pour la connaissance exacte de la valeur d'un antiseptique, et qu’on semble aujourd’hui laisser un peu de côté. Le physiologiste qui mesure la quantité d’un poison néces- saire pour Luer une plante, ne s'adresse pas, pour la connaître, au fruit de la plante, dont le noyau dur résisterait indéfiniment à ses attaques. Le bactériologue, au contraire, ne semble pas attacher grande importance à cette différence, pourtant capitale, et il lui arrive souvent, comme il est arrivé à M. Sonntag, de refuser toute valeur antiseptique à un corps comme l’ozone, qui pour- 4. Hermann Soxxrac, Ueber die Bedeutung des Ozons als Desinficiens, (Zeitschr Î. Hygiene, vol. VIII, 1590.) 2. Les essais de M. Sonntag sur les bacilles charbonneux desséchés sur des fils de soie ne sont pas concluants, comme, du reste, il l'avoue lui-même. 118 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tant possède une action toxique très marquée sur les microorga- nismes, parce qu'il ne se place pas dans les conditions voulues pour l’observer. Pour se rendre compte de l'influence de l'ozone sur le déve- loppement d'une culture de microbes, il suffit de placer les tubes fraîchement ensemencés dans une atmosphère renfermant une certaine quantité d'ozone et à une température convenable. Non seulement il n’y aura pas de développement, mais les germes ensemencés seront morts après un séjour suffisamment pro- longé, car, si on les tire de l’atmosphère ozonisée pour les placer à l’étuve, on n’observe plus aucun développement. Quelle est la quantité d'ozone nécessaire pour obtenir ce résuitat? Peut-on espérer trouver des conditions atmosphé- riques où la richesse d’ozone sera suffisante pour avoir une influence, même restreinte, sur la vitalité des microorganismes soumis à son action ? Voilà les questions que je m'étais proposé d'examiner. Comme source d'ozone, je me suis principalement servi d'un appareil construit sur l’ancien modèle de l’appareil Houzeau à tubulures multiples. Les décharges électriques étaient obtenues par une bobine de Ruhmkorf actionnée par quatre éléments Bunsen. L’air ozonisé était conduit de l’appareil dans une cloche en verre mise en communication avec un aspirateur, qui était réglé de manière à laisser passer par heure un ou deux litres d'oxygène pur à travers l'appareil. Le dosage de l’ozone déve- loppé était fait par Llitrage de l’iode libre qui se forme dans une solution d’iodure de potassium, à travers laquelle le courant ozonisé barbotait, et qui était intercalée entre la cloche et l’aspi- rateur. La solution d’iodure de potassium était à 5 0/0, le titrage de l’iode était fait avec la solution de thiosulfate de soude au centième, après addition d’une petite quantité d'acide chlorhy- drique. La méthode donne des résultats très exacts, pourvu que la solution de thiosulfate soit fraîchement préparée. La tempé- rature, pendant tout le temps des essais, variait de 160 à 25°. En me servant d'oxygène pur et avec un courant d'un litre à l'heure. j'ai obtenu jusqu’à 2 mill. d'ozone par litre. Avec l’air atmosphé- rique la quantité d'ozone n’a jamais dépassé 0,5 mill. par litre. Pour quelques-unes des expériences, je me servais de l'appareil de Poulsen, où le développement d’ozone se fait par le VALEUR ANTISEPTIQUE DE L'OZONE. 119 contact du phosphore avec de l'acide sulfurique dilué. L'appareil développe une certaine quantité d'ozone (j'ai obtenu jusqu'à un milligramme d'ozone dans la cloche qui mesurait deux litres) pourvu que la position du phosphore à la surface du liquide soit bien réglée, etque la température ne descende pas au-dessous de 16°; mais l'appareil est moins commode pour les essais qui nous intéressent, parce qu'il se développe, à côté de l’ozone, des vapeurs d'acide phosphoreux en petite quantité, mais dont l'effet antiseptique incontestable peut troubler les résultats. Voici maintenant le détail de ces essais. 25 juin. Dix tubes contenant de la gélose nutritive sont ensemencés en surface avec une culture de charbon âgée de 48 heures et ne renfermant pas de spores. Cinq tubes sont placés dans la cloche de l'appareil Houzeau, les cinq autres sont laissés à l’air libre. La température variait de 16° à 20°. La quantité d'ozone était mesurée toutes les 24 heures, elle variait de { milligr. 5 à 2 mill. par litre, ou 0,061 à 0,1 vol. 0/0. 30 juin. Aucun développement dans les tubes à ozone. Belles cultures dans les autres. La même expérience a été faite avec le staphylococcus aureus, le bacille de la fièvre typhoïde, le hacille de la diphtérie et des spores d’aspergillus niger. Le résultat n’a pas varié. Aucun des tubes exposés à l'ozone ne s’est développé, tandis que les cultures de contrôle se développaient régulièrement. Après cinq jours, les tubes out été placés dans l’étuve à 30°. Les germes étaient morts, à l’exception de l’aspergillus, car aucune culture ne s’est développée. Le résultat est le même si, au lieu de gélose, on fait une culture dans du bouillon. Dans aucun cas je n'ai pu observer trace de développement. Le temps nécessaire pour tuer le bacille du charbon a été déterminé sur des cultures fraîches plongées dans l’atmosphère ozonisée, d’où on les a retirées de 24 heures en 24 heures. Le résultat a été que 96 heures de séjour dans une atmosphère chargée de 1,5 à 2 milligrammes d'ozone par litre les tuent inva- riablement. 48 heuresde séjouront déjàäune influencenocive, dans ce sens que le développement est ralenti, mais presque toutes les cultures ont pourtant fini par pousser. Un séjour de 24 heures n'avait aucun effet appréciable sur le développement. 780 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La résistance des spores a été examinée sur des spores d'un bacillus subtilis qui supportait facilement un chauffage de deux heures à 100°. Les spores étaient desséchées sur des fragments de lamelles, et exposées à l'atmosphère ozonisée sans inter- ruption jusqu'à la mort. Le temps nécessaire pour obtenir ce résultat était de huit à dix jours. Si les spores, au lieu d’être desséchées sur la lamelle, étaient exposées à l'ozone dans un tube renfermant du bouillon, elles ne subissaient aucune altéra- tion dans leur vitalité, même après quinze jours de séjour dans l'appareil. Preuve de la faible absorption de l'ozone parle liquide. Il ressort indubitablement de ces essais que l’ozone possède un pouvoir antiseptique réel, car ilsuffit d'une quantité de 0,1 vol. pour cent d'ozone dans l'air pour arrêter le développement des germes sur la surface des objets plongés dans une telle atmo- sphère. Mais aussitôt que la quantité d'ozone s’abaisse au-dessous de celle indiquée, son effet antiseptique devient nul. Pour m'en rendre compte, j'ai développé de l’ozone dans un petit cabinet bien clos, mesurant 6 mèlres cubes. En me servant d'oxygène pur, et pour une vitesse de 1 litre d'oxygène à l'heure, l'air du cabinet renfermait une quantité d'ozone qui en moyenne peut être évaluée à 0,5 milligr. par litre. L’air était fortement odorant et difficilement respirable : il n’a pas empêché des cullures de différents microorganismes sur gélose de pousser sans aucune entrave ni pour le développement ni pour la virulence. Les aliments comme le lait, les fruits, placés dans celte atmosphère, se putréfiaient avecla même facilité que dans un air non ozonisé. Si donc l'ozone possède une certaine valeur désinfectante quand il se trouve en grande quantité mélangé à l'air, il perd cette propriété quand les proportions descendent au-dessous de 0,05 vol. pour 100, ce qui revient à dire qu'au point de vue d'une désinfection pratique de nos demeures, chambres de malade, etc., l'emploi de l’ozonecomme désinfectantest à rejeter. Non seulement les difficultés pratiques pour obtenir la quantité d'ozone nécessaire pour une désinfection valable sont insur- montables, mais l’atmosphère devient irrespirable bien avant qu'on arrive à la saturation nécessaire, et tous les appareils, ozonisateurs, etc., inventés pour un telusage ne reposentque sur une pure fiction. VACCINATIONS ANTIRABIQUES A LA STATION BACTERIOLOGIQUE D'ODESSA EN 1892 Par Le Dr DIATROPTOFF Pendant l'année 1892, 64% personnes ont subi le traitement antirabique à la station bactériologique d'Odessa; 7 personnes ont, en outre, interrompu leur cure : 4, parce que les animaux mordeurs n’élaient pas enragés ; 3, pour des causes inconnues. Le traitement a été refusé à 20 personnes qui ne couraient aucun risque d'être prises de la rage, n’ayant point de lésions rabi- ques. Parmi ces 644 personnes traitées (392 hommes et 252 fem- mes), 633 avaient été mordues par des animaux enragés, et 11 menacées de la contagion pour avoir soigné des personnes (3) ou des animaux (8) malades. Les animaux mordeurs ont été : RME OUDS Me lrevere eo clans robe lee en AMAR 6 fois. OO OEM RE RNA RS EE RME ET TIRE 593 — CHATS MR EEE CURE ER Re RE DS = ae lee aa TS Te DREVAUX EME ENS RTE RENE RTS ET HERO TRIO «22 — 633 fois. Les malades, d’après la gravité de leurs morsures, étaient divisés en trois catégories : o1 Cas très graves. 316 — graves. 200 — bénins. Les vaccinations antirabiques ont été commencées : Dans la 4" semaine après la morsure pour . ,..... 478 cas. — 2e ET NE RE D RER Et 0 Oro E 414 — nee VU SENTE TR 0e 5 OR D SCRS NF ESC RE CRE SRE LE EEE 3 — Après # semaines ............4.:...., RES ou 182 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Parmi les 644 personnes qui ont subi les vaccinations anti- rabiques, 4 sèries complètes ont été appliquées à 4 personnes. De 5 à S — NM PT RCE Un D at NN SAS — De 9à 45 — ER AO 01 0) Aa BTE ne 269 — De 16 à 23 — RE NO dore cord 28 — Les inoculations antirabiques n’ont duré que : 7 jours chez 3 personnes. 14 — — 94 2= DA — — 579 Les 28 — — 17 — 30 — — 19 = ‘ De toutes les personnes (640) qui ont fini le traitement à la station bactériologique en 1892, aucune n'est morte. Cette année. notre mortalité est donc nulle. Du nombre total (644), 4 personnes sont mortes d’hydropho- bie avant la fin du traitement, pendant la durée des inocula- tions. Ce sont : J. Was... (Cherson); M. Papan..…. (Bessarabie); TI. Zader.... (Cherson); D. Chim..….. (Kieff). Outre les personnes énumérées, quatre personnes non traitées à la station bactério'ogique sont mortes à l'hôpital. Elles y étaient arrivées avec des symptômes d'hydrophobie déjà développés. C'étaient une bourgeoise d'Odessa et trois étrangers. Ils étaient tous mordus par des chiens enragés, et leurs blessures aux mains et aux pieds étaient de moyenne gravité. Un d'eux est mort le quatrième jour après son entrée à l'hôpital; les trois derniers ont vécu moins de deux jours. Ils furent traités par le personnel médical de la station bactériologique. La méthode des vaccinations est restée la même; une seule innovation à été faite : c'est que dans chaque série de vaccina- tions est comprise la moelle séchée depuis trois jours, et que le cours du traitement a été diminué. On commence les vaccina- ons par la moelle de huit jours. Pour les séries suivantes, on emploie la moelle de six, quatre, trois et deux jours; ce n’est que dansles cas graves que l’on emploie la moelle d’un jour.On a observé que la moelle, avant le troisième jour de séchage, était toujours virulente; le quatrième jour, au contraire, son virus élait au minimum et variable. Cette circonstance a conduit à vacciner avec la moelle de trois jours. La propreté de la moelle est con- trôlée chaque jour par ensemencement dans le bouillon. VACCINATIONS ANTIRABIQUES A ODESSA. 183 TABLEAU STATISTIQUE POUR L'ANNÉE 1895. A B C EE CS RE PR qe Morsures à la tête i simples . . .| » 5; ) 21 » 4; et à la figure. ! multiples . .| » 6: 11, , gl 10] , | 22! 26 Cantérisal: { efficaces. . . » » » » » » » » autérisation MR CR CBS Ale $ DIRES & SI, ) Pas de cautérisation . . . . . . . . 10! » ) 6! » ) 24! » » Morsures aux | simples. ..| » | 20: » | 29: » | 371 mains. | multiples. . .| » | 33 53| ,| 531 82) » 781115 Ctertons ei) efficaces . . .| » ) » DE) » ) » uterisalions | inefficaces. . 12 » » 53 » s 37 ÿ ) PAS ITERCAULeTIS AMONT M| >» » 4| » ) 18| » » Morsuresauxmem- | simples . ..| » | 13, » | 45; » | 48; bres et au tronc. | multiples . .| » | 36! 49| ,|.721117| , |1121160 nent \ efficaces . . .| » » » 2| » » » ) ) SANS LREE, l'inefficaces . .| 13| » ) 35! » » 61| » » Pas de cautérisation. . . . . . .. 36| » » 80! » » 99! » ) HADIS FA CHITE SE RO EN [= 34/5 » 18| » Die 1004120) 8E EE) OMOrSULEN ANNUEL AN rue 451 » » 39| » » 40! » » Morsures multiples aux diffé- | rentes parties du corps. . . . . 12) AUTOS) 4| 4! » 5, 5 | ES HiPalione (efficaces 712» » » » » » » » » Lautérisations ) inefficaces. . 4! >» » ll » » A 0) » | Pas de cautérisation . . . . . . . . » » D 3| » » 3| » ) MHADIISQéChITÉS ECS SEE ] » » Ne » 4| » » MOrSares onu et. re. tr mnt » » ) 11 » » Al » | » | il ——" ——_ Ts a 1 | 114 213 | 306 | | mm | | TOTAL GÉNÉRALES 2 = cure 633 En outre, 41 personnes étaient menacées pour avoir soigné des personnes » 11p 5 (3) et des animaux (8) malades. La colonne À comprend les personnes mordues par des animaux dont la rage est reconnue ‘expérimentalement, la colonne B celles mordues par des animaux reconnus enragés à l'examen vétérinaire, la colonne C les personnes mordues par des animaux suspects de rage. Les résultats du traitement opéré sur les personnes à la sta- tion bactériologique nous sont communiqués par elles-mèmes ou par les autorités civiles des lieux qu’elles habitent. STATISTIQUE DE L'INSTITUT PASTEUR de la Société médicale de Charkow en 1891 et 1892 Par M. ze Dr WYSOKOWICZ Le nombre des mordus traités à Charkow en 1891 et 1892 a élé de 543, dont 338 hommes et 205 femmes. Le tiers environ des mordus élait au-dessous de 10 ans. Neuf personnes seule- ment nous sont arrivées le jour mème de la morsure; 377 sont arrivées dans la première semaine après la morsure. Le tableau ci-joint donne une idée de la place et de la gravité des morsures. La colonne À comprend les cas où la rage a été démontrée par des inoculations au lapin ; la colonne B ceux où la rage a été certifiée à la suite d’un examen vétérinaire. La colonne C comprend les cas où la rage était seulement probable d'après les renseignements fournis : la colonne D ceux où elle est restée douteuse. | Morsures à la tête et au { simples. . . 6 5 8 1 VISAGE EN CEE | mulliples. . 8 10 16 3 MOTSUTESICOUIETISCES ENNEMI: — 4 3 1 Morsures aux membres { simples. . . 28 22 50 9 supérieurs... v#multiplese 57 27 87 12 Morsures cautérisées "MR 11 17 35 1 Morsures aux membres { simples. . . ai 12 34 t( inférieurs et au tronc. . | mulliples. . 16 7 42 4 MONSUNESICOULÉMISÉES EME Lee 6 3 14 2 Morsures multiples aux divers points AUNCONPS RE RL LE CE EI 11 6 33 — MOTSURESICQUIETISEES EN ER EE CIC < — 1 8 — — NONICAULETISCES EN ENT EN. \ — — — — HOOTIS NEC RENE EMEA se Ne Le - 69 21 138 13 MOT SUTES ONU NE RER Er ee 63 58 132 23 LOPAUX PT Re ee CORNE 137 89 | 270 36 VACCINATIONS ANTIRABIQUES A CHARKOW. 785 Dans ce tableau sont comprises 11 personnes non mordues, mais ayant élé en contact avec des hommes ou des animaux malades. L'animal mordeur a été le chien dans 457 cas ; le chat dans 31; le loup dans 29 ; le cheval dans 2; la vache dans 9; le porc dans 1 et la brebis dans 2 cas. Sur ces 543 cas, il y en a eu 8 mortels ; 2 de morsures de chiens, 6 morsures de loup. Ce sont: Morsures dechien :B...,33ans,mordueàla mainle 4 février 1891, traitée du 13 au 20 février, morte le 17 mai. — R..., 36 ans, mordu à la pointe du nez le 29 janvier 1891, traité du 14 au 20 février, mort le 24 mars. Morsures de loup :M..., 21 ans, mordu à la main le 25 mars 1891, traité du 24 avril au 5 mai, mort le 13 mal. —S...,29 ans, mordu à la tête et à la main, et K..., 20 ans, mordu à la face, au cou et à la main, le même jour que le précédent, le 12 septembre 1891 : traitement commencé pour les deux le 15 décembre. S... est mort pendant le traitement, le 24 décembre; K..., le 25 janvier, 27 jours après la fin du traitement. Trois autres personnes mor- dues gravement par le même loup, et traitées, sont en bonne santé. — B..., 15 ans, mordu le 11 mars 1892, traité du 18 au 25 mars, mort le 11 septembre. — G..., 12 ans, mordue à la face le 15 mars par le même loup, traitée comme le précédent, morte le 10 avril. — D..., 7 ans, mordu à la tête par le même loup, traité comme les précédents ; mort le 20 avril. Le traitement ayant semblé insuffisant dans quelques cas, nous avons commencé l’an dernier à le redoubler. Nous faisons un traitement de 7 à 8 jours lorsque les malades nous arrivent, et, un mois après, nous refaisons un traitement de 5 jours. Il me semble que cette méthode doit donner une immunité plus profonde que l’ancienne. Peut-être n’y a-t-il là qu'une coïnci- dence, mais l’an dernier nous n’avons eu aucun cas mortel parmi les 84 personnes qui ont subi ce traitement redoublé, bien que nous l’ayons réservé à tous les cas graves. REVUES ET ANALYSES SUR L'ÉTUDE CHIMIQUE DES ALIMENTS ÉESCELLUEOSES REVUE CRITIQUE J’ai essayé tout récemment de montrer combien étaient nombreuses et différentes les substances que l'on confondait, dans les tableaux d'analyse des aliments, sous le nom commun de Matières grasses. Je voudrais faire aujourd’hui la même démonstration pour ce qu’on appelle la Cellulose. Danslelangage ordinaire, ce motaun sens assez vague, mais s'adresse pourtant à une substance insoluble dans l’eau et résistant, même à l’ébullition, aux acides et aux alcalis étendus. Les chimistes sont obligés de préciser davantage, et pour beaucoup d’entre eux la cellulose est la substance ternaire qu’on trouve comme résidu quand, après avoir fait bouillir un tissu végétal d’abord avec de l'acide sulfurique à 1,25 0/0, puis avec de la potasse à 1,25 0/0, lavé avec l'eau, l’alcool et l'éther, on dessèche et on pèse. Ce résidu contient, il est vrai, encore quelque peu d’azote et des cendres, mais il est facile d’en tenir un compte approximatif. L'excédent est la Cellulose : elle se dissout intégrale- ment dans la liqueur de Schweizer, et se colore en bleu par le chlorure de zinc iodé, ou encore par l’iode et l’acide sulfurique. Toute substance jouissant de ces propriétés est comptée comme cellulose. A envisager de près cette définition, on voit qu’elle est tout à fait arbitraire et conventionnelle. C’est une convention que le choix du titre de 1,25 0/0 pour les solutions d'acide sulfurique et de potasse caustique ‘. Des solutions plus faibles dissolvent moins de matière, des solutions plus fortes en dissolvent plus. Il y a là une gradation régu- lière d'action, dans laquelle il est tout à fait arbitraire de prendre un 1. Le titre adopté par l'Association of official agricultural chemists d'Angle- terre est juste double, soit de 2,50 0/0. L Re REVUES ET ANALYSES 187 échelon pour dire : Tout ce qui est au-dessus sera de la cellulose, et au-dessous n’en sera pas. Le sentiment de cette convention et de cette incertitude a fait proposer d’autres méthodes d'évaluation. Krauch, par exemple, a proposé l’emploi de l’eau et de l'infusion de malt pour dissoudre dans la substance du végétal tout ce qui n’est pas cellulose. On traite la matière finement pulvérisée par l’eau froide et chaude, puis par l'extrait de malt, l’alcool el l'éther. Krauch n’a pas de peine à montrer que le résidu ainsi obtenu cède encore beaucoup de matière à l'acide sulfurique et à la potasse à 1,25 0/0. Ce n’est donc pas de la cellulose suivant l’ancienne convention, mais Krauch‘ croit meilleure une con- vention nouvelle qui en ferait de la cellulose, et la séparerait ainsi des matières plus facilement attaquables (amidon, sucre, dextrine) que le traitement a éliminées. Tout au plus concède-t-il que tout ce résidu cellulosique n’a pas le même degré de résistance vis-à-vis des agents extérieurs; aussi propose-t-il de lappeler cellulose et substance du bois : Cellulose und Holzsubstanz. W. Hofmeister ? a proposé de son côté une autre définition reposant sur l'emploi conventionnel et ménagé du réactif conventionnel de Schulze, qui est un mélange de 20 parties d’acide nitrique faible (D — 1,16) et de 3 parties de chloratede potasse. Le résidu qu'il obtient ainsi est d’ordinaire beaucoup plus grand que celui que laisse l’ébullition avec les solutions étendues d’acide sulfurique et de potasse, mais il ne se confond pas avec la cellulose de Krauch, puisqu'il est un résidu d’oxydation, tandis que celui de Krauch est un résidu de sacchari- fication. C'est, en somme, une autre définition de la cellulose, mais encore une définition de mot, non une dèfinition de chose. Nous ne nous attarderons pas à discuter la valeur relative de ces conventions. Ce n’est pas avec des conventions que la science se bâtit, c’est avec des faits. Tout ce que nous avons à nous demander, c’est si à l’une de ces définitions correspond une espèce chimique, ou bien si elles sont au contraire toutes des étiquettes de sacs dans lesquels on aurait enfermé les choses les plus hétérogènes. Or, ilne peut plus rester de doute sur ce point, depuis les conquêtes de ces dernières années. Nous savons, en effet, maintenant qu'il n’y a rien de plus com- plexe que le résidu non azoté que laisse un végétal quand on en a successivement séparé ses éléments les plus connus, acides orga- niques, sucres, amidons, dextrines; nous savons aussi qu'entre Pextrémité de la chaine des substances hydrocarbonées les plus solu- bles, telles que les sucres, et celle des produits les plus insolubles et 4. Landiw. Versuchst., t. XXV, p. 295, ett. XXIV, p. 221. 2. Landro. Tahrbucher., t. XNI, p, 239. 788 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les plus résistants, tels que les celluloses incrustées, il y a une foule d’échelons intermédiaires, de constitution très variable, et dont nous allons passer en revue les principaux. Partons de la cellulose authentique, celle qui a résisté au traitement par les acides, les alcalis, et même le réactif de Schulze. Une cellulose ainsi préparée au moyen des enveloppes de la graine de lupin et de pois, et qui se dissolvait dans la solution cupro-ammoniacale en ne laissant qu'un faible résidu, se colorait en violet rouge intense en chauffant avec de la phloroglucine et de l’acide chlorhydrique. D'autres celluloses ne donnaient par le même traitement qu’une coloration faible, d'autres, comme la cellulose du coton, une coloration nulle. Cette coloration est celle du furfurol, dont la présence révèle à son tour l’existence d’un sucre à 5 atomes de carbone. Schulze a réussi en effet à extraire de la cellulose la substance qui lui donne la propriété de se colorer, en traitant longuement var une solution de soude à 5 0/0, et cette matière semble identique à la Jomme de bois découverte par Thomsen, étudiée depuis par Koch d’abord, puis par Wheeler et Tollens, et qui donne du xylose, sucre pentatomique, lorsqu'on la fait bouillir avec Pacide sulfurique. La quantité de gomme ainsi laissée dans la cellulose n’est pas médiocre, ainsi qu'on peut le voir en consultant les nombres que nous avons donnés dans notre Revue sur les sucres !‘. M. Hébert* à trouvé aussi que la gomme de bois constituait près de 20 00 de la paille du blé, et plus de 28 0/0 de la paille d'avoine. Voilà donc, dans la conven- tionnelle cellulose, une substance qui n’est pas de la cellulose, si on réserve ce nom à celle qui, contenant 6 atomes de carbone, peut abou- tir à un sucre ordinaire par saccharification. Ce qui reste, quand on à fait cette distraction, est-ce au moins une substance pure et homogène? Nullement. Nous allons nous en convaincre en étudiant non ces celluloses elles-mêmes, mais le produit de leur traitement par les acides. La plupart des celluloses, traitées par les acides concentrés, suivant la méthode de Flechsig *, donnent, il est vrai, du glucose. C’est ce qui a été constaté par Payen d’abord, puis par Flechsig sur la cellu- lose du coton, puis par Schulzef sur les celluloses extraites des grains de café ou de sésame, des noix de coco, des enveloppes des sraines de lupin, deslupins, des pois, du son de froment, du bois de pin, de la paille de seigle et du trèfle rouge. C’est sans doute le cas général, et on peut conclure que les celluloses sont formées en grande partie 4. Ces Annales, t. NET, p. 493. 2. Annales agronomiques, t. XVI, p. 371. 3. Zeilschr. f. phys. Chemie, t. NIX, p. 523. k. Ber. d. d. chem. Gesell., t. XXIN:et XXII. REVUES ET ANALYSES. 189 d’une substance transformable en glucose. Mais cette substance n’est pas seule. Dans les celluloses de café, de coco, de sésame, on trouve qu'à côté des glucoses il y a des mannoses. Voilà donc deux substances probablement isomériques, donnant deux sucres à 6 atomes de car- bone, à côté de la gomme de bois donnant un sucre pentatomique. Le résidu, compté comme cellulose, du traitement par les acides et les alcalis à 1,25 0/0, est donc un mélange que des acides ou des alcalis plus concentrés disloquent. Dès lors, il n’y a aucune raison pour que ces acides ou ces alealis à 1,25 0/0 ne dissolvent pas aussi des matières complexes de même nature que la cellulose, mais moins résistantes aux aclions extérieures. Ces matières étaient jusqu'ici comptées comme ertractif, de sorte que la distinction de l'extractif et de la cellu lose serait au fond très superficielle. C’est en effet ce qui a lieu. A côté des celluloses, il y a, dans les végétaux, un groupe de corps analogues, plus facilement attaquables par les acides étendus, avec formation de sucres. Schulze', qui a surtout attiré l’attention sur eux, propose de les appeler hémi-celluloses. Je ne vois pas l'intérêt qu'il peut y avoir à recommencer pour ces hémi-celluloses ce qui a si mal réussi pour les celluloses, et à donner un nom commun à des mé- langes de corps divers. Car ces hémi-celluloses sont aussi des substances complexes. La première en date a été découverte par Schulze et Steiger dans les enveloppes épaissies des graines de Lupinus Luteus. Elle se trouve naturellement dans les matériaux enlevés par l’ébullition dans l’acide sulfurique à 1,25 0/0, et elle donne du galactose et un pentaglucose, probablement de l'arabinose. Cette substance a été retrouvée depuis dans les graines de Faba vulgaris et de Soya hispida. Les graines de café contiennent aussi un hydrate de carbone transformable en galac- tose. Il y en a vraisemblablement un autre tout pareil dans le coco, la datte et les graines de Tropæolum majus, de Pœonia officinalis et de Impatiens balsamina, car, avec toutes ces graines, on trouve, dans les produits du traitement par l’acide sulfurique étendu, une substance qui, traitée par les acides concentrés, donne un glucose transformable par oxydation en acide mucique et quiest probablement du galactose. A côté de l'hydrate de carbone donnant du galactose, il y en a deux autres donnant dans les mêmes conditions du mannose * et de l’arabi- nose. Rappelons que Stone et Tollens ont trouvé de l’arabinose et du xylose dans les produits de l’action des acides sur la drêche, et nous conclurons deux choses : 1° que dans ce que les analyses de matières 4. Ber. d. d. chem. Gesell., t. XV, p. 290. 2. Ress, Ber. d. d. chem. Gesell.,t. XXII, p. 609, ScxuLer et Steicer, /4.,t, XXIIL, page 3110. 1906 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR alimentaires citent et comprennent sous la rubrique d’extractif, il y a un mélange très complexe; 2° qu'il y a des matériaux de même constitution que la cellulose proprement dite, et n’en diffé- rant qu’en ce qu’ils se laissent attaquer plus facilement par les acides étendus; 3° qu’on ne saurait donner un nom commun, pas plus celui de cellulose que celui d'hémi-cellulose, à des substances qui sont des mélanges en proportions diverses de substances n’appartenant pas au même type chimique. Poursuivons, car ce n’est pas fini. Nous venons de passer de la cellulose inattaquable par l'acide sulfurique à 1,25 0/0 à la cellulose des semences de lupin, moins résistante, qui entre facilement en so- lution dans l'acide sulfurique ou chlorhydrique à 1/100. Nous trouvons maintenant devant nous sur l'échelle la substance nommée depuislong- tempsamyloïide. C'estencoreunhydrate de carbone donnant du glucose sous l’action des acides. Elle ressemble d’un autre côté à l’amidon, en ce que l’iode la colore en bleu. C’est un anneau qui rattache cet amidon aux celluloses. On en trouve dans les semences de lin, de Tropæoluin majus, de pivoine officinale et de balsamine, et Kubn'‘ a trouvé, dans les graines de lin et de lupin, des parois cellulaires colo- rables directement en bleu par l’iode, ce qui est l'indice de la pré- sence de cette amyloïde. Enfin, à un niveau inférieur, comme puissance de résistance, nous trouverons les amidons, les dextrines et les sucres, toutes substances probablement encore complexes, passant les unes aux autres par des transitions insensibles, et que tout nous convie à considérer comme facilement transformables les unes dans les autres par les actes de la vie végétative. Sans qu’on puisse pénétrer encore les causes et les con- ditions de toutes ces transformations inverses, on peut dire qu'il y en a qui concourent à former des matériaux de réserve, d’autres qui tendent à faire constamment rentrer ces matériaux en réserve dans le courant général. Autant que nous pouvons le voir, cette création de matériaux de réserve procède de deux mécanismes bien différents. Il peut d'abord y avoir des changements de type chimique, qui font passer un hydrate hexatomique de carbone à l'état d hydrate pentatomique, par exemple. Nul doute que les deux hydrates ne soient inégalemernt altaquables par les cellules vivantes, aussi bien celles des microbes que celles des êtres vivants. C’est ainsi qu'on trouve en quantités considérables des pentoses dans les déjections des animaux de la ferme, alors que les hexoses ont à peu près complètement disparu. C’est probablement à une action protectrice de cette nature qu'il faut rapporter la présence 1. Kuun, Die siweckmassigste Ernahrung d. Rindiwieh’s, 40e édition, p. 56. LÀ 1 REVUES ET ANALYSES. 191 fréquente de celluloses donnant des pentoses dans les semences des graines, dans les léguments chargés de protéger l’embryon pendant les premiers jours de son développement, contre l’action des microbes du sol où la graine est enfouie. Une autre mode de formation de matériaux de réserve est une modification d’élat, moitié chimique, moitié physique, qui correspond à la coagulation des substances albuminoïdes, ou plus généralement des substances colloïdales. La cellulose est une de ces substances, et sa résistance aux agents extérieurs dépend de son degré de cohésion. La façon dont elle agit sur le milieu qui la contient, les substances colloïdales ou cristallisables qu'elle entraîne, la puissance avec laquelle elle les cède ou les retient, dépendent alors, comme on le sait, de la composition du milieu extérieur. Toutes ces propriétés peuvent varier beaucoup pour de faibles variations dans la composition de ce milieu. En d’autres termes, nous avons là non des aclions chimiques, mais des actions moléculaires, ou, pour mieux dire, ce sont non des combi- naisons chimiques, mais des combinaisons moléculaires qui semblent jouer le rôle principal. C'est là sans doute le secret de toutes ces observations qui ont fait créer, pour les expliquer, tant de substances mères dans les liquides de l’économie végétale ou animale : la Wultter-substanz de la caséine, de la fibrine, la substance mère de la gomme de bois dans les expé- riences de Schulze que nous avons signalées plus haut. De ce qu’une substance entraînée dans un coagulum, et plus ou moins moléculai- rement combinée avec lui, n’obéit pas à ses réactions ordinaires, il ne faut pas conclure qu’elle n'existe pas en nature dans le coagulum, et qu'elle a besoin d’être dégagée d’une Mutter-substanz. De ce que l’eau ne s’évapore pas à 1000, dans les précipités de phosphate bibasique de chaux étudiés dans mon travail récent, il ne faut pas conclure qu'elle n’existe pas en nature. De ce que l’albumine purifiée à fond par dialyse retient obstinément du phosphate de chaux et du phosphate de fer, il ne faut pas conclure qu'il y a dans l’albumine une substance mère de ces deux phosphates. Il faut seulement se dire que les propriétés de tous ces corps coagulés ou mélangés à des coa- gulums ne sont pas les propriétés normales. L’immobilisation, la mise en réserve de ces corps, leur remise en liberté au moment opportun dépendent d’actions aussi variables et aussi contingentes que celles qui président à l’évolution des coagulums albuminoïdes. Comme conséquence, la digestibilité de toutes ces substances, la façon dont elles traversent le canal intestinal de divers animaux, n’est pas une qualité qui leur soit propre. Elle dépend aussi de l’animal, de son espèce, et même de l’état de son canal digestif au moment où 192 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. celui-ci entre en jeu. Tout ce qu'on peut dire, c’est que tous les divers hydrates de carbone que nous venons de découvrir dans les celluloses, et qui ne se comportent pas de même au point de vue de leurs réac- tions chimiques, ne se comportent pas non plus de même pour un même animal dans des conditions données, et que par conséquent une étiquette qui les range dans un même sac et qui leur donne la même place dans les analyses des matières alimentaires ne peut qu'être une étiquette fallacieuse, que la vraie science doit faire disparaître. Elle s’applique en ce moment à faire l’inventaire du sac, ce qui est infiniment plus utile, et ce sont ses premiers pas dans celte voie que nous avons tenu à faire connaître à nos lecteurs. Dx. STRICKER. — Studien zur Cholerafrage, 1893. Brochure de 42 pages. L'insuflisance de l’expérimentation sur les animaux, pour tout ce qui concerne la microbie du choléra, à fait recourir à l’homme dans le but d’élucider les questions pendantes sur cette maladie. Les expériences connues de MM. de Pettenkofer et Emmerich, exécu- tées sur eux-mêmes, n’ont donné que des résultats peu précis et sujets à controverse. M. le professeur Stricker, de Vienne, a entrepris toute une série d'essais sur l’homme, afin d'obtenir une réponse plus nette. Yest M. Hasterlik qui a été chargé d’exécuter ces expériences. Il a opéré sur lui-même, ainsi que sur cinq autres personnes : son garçon de laboratoire, un docteur en médecine et trois internes. Une note préliminaire a été publiée au commencement de l’année, mais c’est seulement en septembre qu’a paru la brochure de M. Stricker renfermant les détails des expériences si intéressantes de M. Has- terlik. Quoique les vibrions employés provinssent de cas très graves de choléra, et malgré certaines dispositions favorisant l'infection, ni M. Hasterlik, ni aucun de ses collaborateurs ne prirent le vrai choléra asiatique, avec ses symptômes si caractéristiques. Dans le cas le plus grave, — celui de M. Rose, — la diarrhée et les vomissements, surve- nus après l’ingestion de 1 ce. c. de culture en bouillon, n'ont été accompagnés ni des crampes, ni de l’hypothermie classiques. La tem- pérature du corps était, au contraire, fébrile; l’urine, sécrétée en quantité moindre que la normale, ne renfermait pas d’albumine. Les selles n'étaient point riziformes. et les vomissements ne présentaient pas non plus les caractères typiques du choléra. S'appuyant sur tous ces faits, M. Stricker, ainsi que M. Drasche et REVUES ET ANALYSES. 193 d’autres médecins, appelés en consultation, diagnostiquèrent la maladie de M. Rose comme une sorte de gastro-entérite, différente du vrai choléra. Tandis que, dans ce cas, les vibrions ont été favorisés par l'inges- tion préalable de 100 c. c. d’une solution de bicarbonate de soude à 1 0/0, dans une autre expérience (faite sur M. le docteur Stockmayer), les microbes ont manifesté leur action pathogène sans alcalinisation préalable du suc gastrique. Mais, ici aussi (malgré l'ingestion de toute une culture sur gélatine), il ne se produisit qu'une diarrhée moyenne (non riziforme), sans vomissements ni crampes, et avec une hyper- thermie jusqu’à 380,6. Des six autres expériences, trois ont été exécutées sur M. Hasterlik lui-même, sans provoquer un état pathologique quelconque. Peut-être que la première ingestion, faite dans des conditions défavorables (faible quantité de vibrions avalés sans alcalinisation du sue gastrique), a produit une sorte de vaccination et a préservé l’expérimentateur contre l'effet pathogène d’autres cultures de vibrions. Dans deux expériences (sur MM. Altenburger et Graf), les microbes cultivés sur gélatine et en bouillon, et avalés sans alcalinisation de l'acidité gastrique, n’ont produit aucun effet pathogène. Dans une autre expérience (sur M. Schütz), où l’ingestion de vibrions avait été précédée de celle de bicarbonate de soude (1 gr. dans 100 c. c. d’eau), il s’ensuivit une diarrhée légère qui a duré peu de jours. Comme les expériences de MM. de Pettenkofer et Emmerich, celles de M. Hasterlik n’ont donc donné que des résultats sujets à des inter- prétations controversées. M. Stricker l’admet lui-même, signalant que, d’après l’avis des bactériologistes viennois, le cas de M. Rose était un vrai choléra, tandis que, d’après l’opinion des cliniciens, il ne devait nullement être diagnostiqué comme tel. M. Stricker lui-même penche vers l'avis des médecins. Il est incontestable que la maladie expérimentale de M. Rose ne peut être considérée comme un cas de choléra classique, reconnais- sable au premier coup d'œil. Mais, d'un autre côté, il n’est pas moins vrai qu'il s'agissait chez lui d’un de ces choléras atypiques qui se ren- contrent souvent pendant les épidémies de choléra asiatique. On sait bien que dans ces cas les phénomènes classiques peuvent faire défaut, les selles peuvent ne pas être riziformes, l'urine peut ne pas renfermer d’albumine, l’hypothermie peut céder la place à une hyperther- mie, etc. Cette interprétation ne présente aucun doute depuis la preuve fournie à l’Institut Pasteur (V. ces Annales, VII, 583) de ce que les vibrions de Koch peuvent produire chez l'homme le choléra asiatique 19 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. EC dans sa forme algide, accompagnée de diarrhée riziforme, de vomis- sements, de crampes, d’anurie et d'albuminurie. Le cas auquel je fais allusion se distinguait par ceci que ni les bactériologues, ni les cliniciens n'ont eu la moindre hésitation à le diagnostiquer comme un cas de vrai choléra-morbus, et que, sous ce rapport, il n’y a pas eu la moindre divergence de vues. Les expériences de M. Hasterlik démontrent encore une fois ce fait fondamental que les vibrions cholériques, ingérés en grande quantité et dans des conditions exceptionnellement favorables pour l'infection, peuvent rester sans effet sur l’homme, ou bien ne donnent qu'une cholérine peu grave et pas typique. En d’autres termes, l'homme est une espèce, en général, peu sensible pour le microbe du choléra. Dans les discussions soulevées à la suite de la communication de M. Hasterlik, on a posé souvent la question de la virulence des vibrions employés. On a pensé, notamment, que le faible effet des microbes pourrait s'expliquer par une virulence atténuée. Ilest vrai que M. Has- terlik n’a pas fait les expériences nécessaires pour établir la virulence de ses vibrions vis-à-vis d'animaux de laboratoire. Mais le fait que les virgules employées étaient tout récemment isolées de cas de choléra typiques rend très peu probable l'hypothèse de l’atté- nuation. EL. METCHNIKOFF. A.C. AgBorr.— Résultats de l’inoculation de vaches laitières avec des cultures de bacille de la diphtérie. (Journal of Pathology, t. IE, p. 35.) On sait que le lait a été accusé de propager la diphtérie, sans qu’on sache pourtant s’il a puisé ces propriétés infectieuses sur Panimal qui l’a fourni, ou si elles lui viennent d’un contact impur depuis la traite. Dans trois épidémies de diphtérie survenues en Angleterre, celle du nord de Londres, en 1878, de Yorktown et de Camberley, en 1886, et de Enfield et Barking, en 1888, l'enquête a paru prouver que le lait était infectieux dès sa sortie du pis, conclusion très grave, qui sollicitait l'expérience. En vue d'éclairer ce sujet, M. Klein a inoculé sous la peau de deux vaches saines 1 c. c. de culture en bouillon du bacille de la diphtérie. L’inoculation amena une courte fièvre, et fut suivie d’une tumeur peu marquée autour du point piqué. L'un des animaux com- mença, le douzième jour, à se montrer souffrant, et mourut le quator- zième. L'autre animal était extrémement malade lorsqu'il fut tué, le trente-cinquième jour après l’inoculation. REVUES ET ANALYSES. 795 Dans chacun d'eux s'était produit, au bout de six à dix jours, une éruption sur la mamelle et les pis, commencant par une papule, arri- vant par la vésicule à la pustule véritable, et dont la lymphe, inoculée à deux veaux, amena chez eux des désordres pareils à ceux des vaches qui avaient fourni le virus. Dans ces vaches, on a trouvé par- tout, à l’autopsie, même dans ce qui restait de la tumeur développée au point d'inoculation, le bacille de la diphtérie; mais ce qu’il y avait de plus grave, c’est qu'on a trouvé des bacilles de la diphtérie dans le lait puisé au moment où l’éruption apparaissait sur la mamelle. Plus tard, il est vrai, il n’y en avait plus‘. En somme, ces expériences corroboraient donc l’opinion qui attri- buait le caractère infectieux du lait à la vache elle-même, et celte opinion avait d'autant plus de gravité qu'on assimilait à la vraie diphtérie une maladie de la vache, bénigne d’ordinaire, et qui donne de fausses membranes à l’arrière-gorge. Lôffler avait émis, au Congrès médical et international tenu à Ber- lin, en 1890, quelques doutes au sujet de la conclusion à tirer de ces expériences. M. Abbott a repris l'étude de ces questions, et en opé- rant exactement comme M. Klein, c’est-à-dire en inoculant 1 c.c. de culture en bouillon du bacille diphtérique à deux vaches, il a trouvé des résultats sensiblement différents de ceux de son prédécesseur. L'un des animaux est mort en seize jours. Il était très tuberculeux. Il n’a montré d’éruption à aucune des phases de la maladie. Son lait, étudié huit fois dans l'intervalle compris entre l’inoculation et la mort, n’a jamais pré- senté de bacilles diphtériques. Le second animal n’a non plus montré aucune éruption ni même aucune maladie bien apparente jusqu’au vingtième jour, moment où il aété sacrifié. Son lait, examiné avant et après inoculation, à présenté les mêmes caractères, et il n'y a pas eu apparition de bacilles de la diphtérie. En somme, ces expériences diminuent, si elles ne les font pas dis- paraître, les appréhensions légitimes soulevées par les résultats de Klein. Dans tous les cas, il serait imprudent de triompher de ces résultats contradictoires pour dire que le danger n'existe pas. Les deux expérimentateurs s'accordent en ceci, que le bacille peut tuer les vaches laitières et se trouver à leur mort dans les tissus. Une fois qu’il existe dans les organes, le fait de sa pénétration dans le lait est possible. II peut être plus ou moins facile, se réaliser plus ou moins souvent. Le. danger peut être plus ou moins grand, mais il existe. M. Abbott avoue lui-même qu’il n'aurait pas été surpris de retrouver ce bacille dans le lait de ses animaux, car, avec M. Ghriskey, il lui est arrivé de voir ce même bacille diphtérique, inoculé sous la peau des cobayes, passer 4 Étiologie de la diphtérie, Nineleenth annual Report, etc., 1889-1890. 796 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans l’appareil lymphatique du péritoine, transporté sans doute par les leucocytes du sang. Un bacille qui voyage à l’état vivant dans un leucocyte peut arriver partout, même et surtout dans le sang. La question n’est donc pas encore résolue. Il faut la reprendre. Dx. Sr. Friis. — Contribution à la question du danger de l'infection tuberculeuse par le lait ordinaire. (Deutche Zeitschr. f. Thiermed., mars 1893.) Nous avons déjà insisté à plusieurs reprises, dans ces Annales, sur le danger que peut faire courir l'emploi sans précautions de lait de vaches tuberculeuses, alors même que la tuberculose dont elles sont atteintes ne s’est pas portée sur le pis et affecte des organes plus ou moins éloignés de la mamelie. Nous avons aussi parlé des expé- riences qui semblaient avoir un peu atténué le danger provenant de cette origine, en montrant que le lait est d’autant moins dange- reux, et produit, par l'inoculation, des désordres d'autant moins étendus qu’il est moins riche en bacilles de Koch, de sorte que, lorsque le lait d'une vache tuberculeuse est dilué dans le lait d’un certain nombre de vaches saines, il devient à peu près inoffensif. ‘Il résulte de là une conclusion pratique. Lorsqu'on est sûr d'un animal au point de vue de la tuberculose, c’est-à-dire lorsqu'il n’en montre aucun symptôme extérieur et qu’il a en outre résisté à l'in- jection exploratrice de tuberculine, on peut, avec grand avantage, se borner au lait de cet animal. Par contre, il peut devenir très péril- leux d’avoir toujours recours au lait de la même vache lorsque celle-ci est tuberculeuse, et elle peut l'être souvent sans le paraitre, comme l’ont montré une foule de faits récents. IL ÿ a certainement des familles chez lesquelles la tuberculose ne s’est répandue que parce qu’elles nourrissaient et soignaient, en s’en réservant le lait, une vache tuberculeuse à leur insu. Le danger est bien moindre quand on consomme du lait d’une vacherie, ou un mélange de lait de plusieurs fermes, comme celui qu’on apportesurles marchésdes villes. La propor- tion d'animaux tuberculeux est variable dans un troupeau et peut atteindre parfois un niveau assez élevé, comme nous en avons indiqué des exemples; mais, même alors, il y a toujours dilution du lait suspect de tuberculose, car il y a toujours des animaux sains, et le lait d’une vacherie connue esten somme préférable à celui d’une vacheinconnue. Le remède général à cette situation est évidemment la création, REVUES ET ANALYSES. 10 dans tous les centres de consommation, de laiteries exerçant une sur- veillance attentive sur la santé des animaux fournissant le lait. Il en est, comme on sait, qui fonctionnent ainsi et rendent de grands ser- vices. Les expériences de M. Friis, faites à Copenhague, montrent que, même dans un pays où les questions laitières sont à l’ordre du jour, il y a quelque chose à faire dans le sens que nous venons d'indiquer. M. Friis s’est proposé de rechercher si le lait ordinaire, vendu au détail à Copenhague, est infecté de bacilles tuberculeux, et dans quelle mesure. Ï! faisait pour cela prélever sur le marché, et enfermer immé- diatement dans des flacons stérilisés, des échantillons de lait, dont il inoculait de 5 à 10 centimètres cubes dans le péritoine d'animaux d’ex- périence. Chose singulière, tous les cochons d’Inde ainsi inoculés sont morts en moins de douze heures d’une affection septique. Il en a été de même d’un grand nombre de lapins. Je ne crois pas que nulle part ailleurs ces accidents d'expérience se soient produits en aussi grande proportion, et il est curieux de voir que dans toute üne région les laits soient aussi riches en agents septiques. : Quoi qu'il en soit, on a naturellement considéré comme manquées les expériences d’inoculation de la tuberculose qui ont abouti à une septicémie, et on les a éliminées dans l'examen des résultats. Cette dis- traction faite, il est resté 28 échantillons de lait de diverses prove- nances, dont quatre ont donné la tuberculose aux deux lapins aux- quels on avait inoculé chacun d'eux. C’est environ une proportion de 1/5 de laits tuberculeux dans le commerce de détail d’une grande ville. Armé de cette notion, on a pu se retourner du côté des vacheries ou des troupeaux qui avaient fourni les laits contaminés, et on a découvert partout un ou plusieurs animaux tuberculeux; chez certains, la tuberculose n’était pas apparente, ou ne se révélait que par des signes douteux, de sorte qu'il a fallu une longue observation pour assurer le diagnostic; mais il y a un exemple où la responsabilité du nourrisseur était plus fortement engagée, et que je cite pour montrer avec quelle insouciance se fait parfois ce commerce du lait, qui revêt dans les imaginations des aspects si champêtres, et évoque les souvenirs de l’âge d’or. Un échantillon de lait tuberculeux prove- nait d’un lot de 30 vaches bien nourries, mais dont une était atteinte d’une tuberculose avancée des quatre quartiers de la mamelle. Son lait était devenu une sécrétion jaune avec quelques coagulums blancs, et, examiné au microscope, présentait de nombreux bacilles tubercu- leux. La vache était en outre atteinte de tuberculose pulmonaire et était en si misérable condition qu’elle pouvait à peine se lever. Il est vrai que cette vache était en traitement au moment où la visite de la vacherie a été faite, et que son lait n’était pas mélangé 198 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. au reste, depuis une quinzaine de jours; mais il l'avait été couram- ment jusque-là, alors que la bête avait déjà ses mamelles gonflées et une tuberculose apparente. Parmi ses compagnes d’écurie, il y en avait en outre plusieurs très suspectes à raison de leur mode de res- piration et du gonflement des ganglions sur divers points du corps. Il est clair que le lait de ce troupeau était hautement dangereux, et n'aurait jamais dù entrer dans la consommation. A cela on dira, comme on l’a déjà fait, que ces expériences, malgré leur netteté, ne prouvent pas grand'chose, que ces laits ne se sont révélés dangereux que lorsqu'on les à inoculés directement dans le péritoine de lapins, qu’il n’est pas sûr qu'ils n'auraient pas pu passer impunément par le canal digestif. En effet, cela n’est pas sûr; ce qui veut dire, en retournant la phrase, qu’il n’eût pas été sûr de les boire, et que les hommes intelligents qui font cette objection ne consenti- raient sûrement pas à consommer, sans le faire bouillir, un pareil lait, précisément parce qu'ils sont intelligents. Quant aux autres, on ne peut évidemment s'arrêter à leurs objections. Concluons que le plus sage est d'éliminer ces laits dangereux, puisque cela est possible : il suffit de le vouloir. IDSXe PErcy-FRaxckLAND et J. MAc-GRecor. — Acide sarcolactique par fer- mentation de lacide lactique inactif. (Trans. of. chem. Soc., 1893, p. 1028.) Après avoir rappelé les tentatives de Lewkowitsch et de Linos- sier pour obtenir un acide lactique actif par fermentation élective de l'acide lactique neutre, MM. Percy-Frankland et Mac-Gregor disent y être arrivés avec un bacille qu’ils décriront plus tard, et qui, introduit dans une solution de lactate de chaux inactif, additionnée d’un peu de peptone, la fait fermenter très activement, en attaquant de préférence le lactate de chaux droit, contenant de l'acide lactique gauche. Le lac- tate de chaux gauche, correspondant à l’acide sarcolactique, est plus résistant, et peut être retrouvé dans le liquide et caractérisé très net- tement comme tel. Mais il faut pour cela interrompre la fermentation à un certain moment. Si on la laisse s'achever, le sarcolactate de chaux est atteint à son tour. Cette fermentation du lactate de chaux ressemble à une autre fer- mentation du glycérate de chaux, étudiée par les mêmes savants, et produile par leur bacillus ethaceticus. Là aussi, le glycérate droit est attaqué de préférence, le gauche restant comme résidu, Cette fermen- CHU” REVUES ET ANALYSES. 799 tation de glycérate de chaux a fourni en outre un très curieux exemple d'adaptation. A l’origine des études, le bacille en question ne touchait pas du tout au glycérate gauche. Il est arrivé ensuite, par une série de cultures continues dans le glycérate inactif, à s’accommoder du sel gauche, qu'il attaque un peu moins facilement pourtant que le sel droit, de sorte que, pour obtenir un rendement convenable de sel gauche, il faut ou interrompre la fermentation avant qu'elle soit achevée, ou bien employer un bacille non acclimaté, et cultivé jusque là en dehors de tout contact avec le glycérate. Rien de plus curieux que ces faits ; il va falloir songer à l’éducation des microbes. Dx. Porne. — Résolution de l'acide lactique en ses composants actifs. (Trans. 1893, p. 1143.) M. Pasteur avait indiqué deux méthodes pour résoudre un corps racémique en ses composants actifs; la fermentation élective, la cris- tallisation des sels d’alcaloïdes. Elles ont toutes deux servi pour la résolution de l’acide lactique inactif. M. Gernez en avait indiqué une troisième, celle des amorces dans une solution sursaturée, que M. Pur- die vient de mettre en œuvre. Une solution convenablement concen- trée de lactates neutres de zinc et d’ammonium donne à volonté des cristaux dextrogyres, lévogyres ou inactifs, suivant le cristal qu’on fait servir d’amorce. Nous reviendrons sur cette question, sur laquelle J'ai recueilli quelques documents nouveaux. L'étude de la solubilité des Jactates est non pas à refaire, mais à faire. Dx. ENS'DÉPUT PASTEUR Personne trailée morte de rage. GARREAU (Léon), 3 ans, demeurant à Colombes (Seine). A été mordu le 15 août par un chien reconnu enragé à l’autopsie par un vétérinaire. L'enfant portait à la main droile cinq morsures ayant bien saigné. Il a été traité à l'Institut Pasteur du 16 août au 2 septembre. Le 1*° septembre, l'enfant est pris de rage et il meurt le 6, après avoir présenté les symptômes caractéristiques, nous écrit le D' Marelle. 800 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR. STATISTIQUE! DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE — OCTOBRE 1893. A B C | RS | je Morsures à la tête | simples... . .| :| 41 4 | » 16) 9 |? 1 \4 et à la figure multiples... .| |» 190 >|» À Cautérisations efficaces . . . . . . . . . PS nn Ne lee — inefficaces Te M AE eee 1 » É 2 » » »| » » Pas de cuutérisation. : . . . . : . . . . is PASSES » |» RER ASMPIES ter > SALE 10451 »| 5 Morsures aux mains |; multiples . . . .| » 3 { , [221 37| ,| 6 (11 Cuautérisations efficaces . . . . . . . . . I ON NES PROS OR — ie RCOCES LE ENS 4| » »! 491 » | » | 6] » |» Pas/de CHULEI SAONE dde 11 1218/3115 ls Île Morsures aux mem- | simples... .. v| 4) » »| 8) bres et au tronc multiples... .| »| 2 | 6|, 24 36|, 10118 Cautérisations! efficaces." "0 sx. DA Se PSE ME ES »[» [» — in RCOCeS PET ed lb 0) SA PAM ESS Pas de cautérisation. : : +... 3)» | » | 48, » | » | 8] » |» Habits ECRITÉS RAR ER Er 61» | » | 98] » | » M4!» |» MONSUNES GR ESS CNET vba» 8 nelle AO Morsures multiples en divers points du CODE ne inter ae ENTER ciel »| » | » 112 0IRS »| » + Cautérisations efficaces . . . . . . . . . pl» fs ls | » polo |: — inef) ficac CS Set - CRAN ”| » » » » » »| » » Pas de CRULÉTISANON: IE AU UE Me rh | SS » | »|» | » ADS DéCITÉS TE NE PL NO ed ) | 5 LS PE LEA ILES » » [PAIN Morsures sa nu PERS Per CE ee ele CHÉMMEMRS ai | EP NE I EE PR ous | come | EE | ccm | coms | mms | ee EEE RES ( Français et Algériens .| |12|42 81! 26) Totaux. | Etrangers. : . .. .. . . , 4 85 4,30 | | A B C I mm TOTAË GENERAL EPL RSS 127 ARR UN e 1. Les animaux mordeurs ont été : chiens, 119 fois; bœufs: 5 fois; chats, 3 fois. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. 1me ANNÉE DÉCEMBRE 1893. N° 12. ANNALES L'INSTITUT PASTEUR RECHERCHES SUR LES HÉMATOZOAIRES DES OISEAUX Ier Mémoire, PAR M. N. SAKHAROFF pe Tiruts (Avec la planche XV.) La découverte des hématozoaires chez les oiseaux, faite par M. Danilewsky, a été confirmée par plusieurs observateurs. Grâce aux travaux de MM. Celli, Sanfelice, Grassi, Pfeiffer et principalement de M. Danilewsky, la morphologie de ces para- sites est à présent bien connue. En abordant ce sujet, je laisserai de côté les faits solidement établis par les observateurs sus- nommés, et je ne m'arrêterai que sur les questions qui ne sont pas encore résolues. Telle est la question de la nature des corps à flagelles et des leucocytozoaires. Les corps à flagelles. Ces formes parasitaires, découvertes aussi par M. Laveran dans le sang des hommes malariques, sont bien connues de ceux qui s'occupent des hématozoaires. Néanmoins ces corps restent jusqu’à présent énigmatiques. J’exposerai ici les opinions des quelques savants sur ce sujet. Laveran regarde les corps à flagelles comme les éléments les plus caractéristiques parmi les parasites du paludisme. Il attribue au flagelle détaché une vie indépendante. M. Danilewsky croit que les corps à flagelles, appelés par lui polimitus, sont une espèce séparée d’hémato- zoaires, véritable infusoire du sang analogue au Grassia rana- rum (Fisch). D’après Grassi et Felleti, les corps à flagelles sont des formes pathologiques. Ils se forment hors de l'organisme et leur formation précède la mort des parasites. Canalis regarde ces formes comme un stade évolutif des hématozoaires. 1 802 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Cette variété d’opiuions, due à l’absence d'arguments incon- testables, prouve que la nature véritable de ces corps est encore inconnue. En étudiant cet été les corps à flagelles, je me suis convaincu que leur observation à l’état frais est peu instructive, parce que nous ne pouvons voir la structure fine du parasite, qui se détruit vite sous nos yeux. En outre, ses mouvements énergiques en empêchent l'observation détaillée. Il semble donc nécessaire de fixer le parasite et de le colorer ensuite. J'ai déjà décrit une méthode de coloration par le violet de gentiane, mais cette méthode ne permet pas de saisir la structure du parasite, à cause de la coloration uniforme qu'elle lui donne. J'ai mieux réussi en colorant ces corps par le procédé de M. Romanowsky. Après la fixation de la préparation pendant deux heures à la tem- pérature 115-120°, on la colore par le mélange d’éosine et de bleu de méthyle pendant vingt-quatre heures. Les parasites se colorent en bleu, leurs noyaux en rouge ou violet, les noyaux des hématies en violet foncé (presque noir), leur protoplasme en rose ou grisâtre. J'ai fait mes recherches sur les corps à flagelles chez les cor- beaux jeunes retirés de leurs nids. Dans le sang de ces corbeaux, qu’on m'avait rapportés des régions les plus paludéennes du Caucase, j'ai trouvé ces formes parasitaires en grand nombre, même dans les préparations desséchées immédiatement après le prélèvement du sang. Ils se rencontrent en plus grand nombre dans les préparations conservées à l’état frais pendant cinq à dix minutes dans la chambre humide et ensuite desséchées. On sait que les corps à flagelles, avant leur formation, sont inclus dans les hématies, Commençons donc notre description par cette forme intracellulaire. Elle est représentée sur la pl. XV. L'intérêt principal consiste dans la structure du noyau du para- site, bien visible grâce à sa grandeur et sa coloration intense en rouge. Ce noyau présente ou un corps avec ses jets, ou une agglomération plus ou moins serrée de filaments chromatiques (fig. 1-3). Ces filaments présentent parfoisune forme qui rappelle celle des figures karyokinétiques (v. fig. #, 5). Les vraies figures karyokinétiques (voir fig. 6) se rencontrent rarement. Ce fait, peut-être, s'explique par la sensibilité extrême de ces corps vis-à-vis des influences extérieures. SUR LES HÉMATOZOAIRES DES OISEAUX. 803 Sur les figures 7-12 nous voyons les parasites immédiatement avant leur excapsulation des hématies ; sur les figures 13-17 ils sont déjà excapsulés. Dans toutes ces formes nous trouvons le même procès: la séparation du noyau en quelques filaments isolés et la sortie des filaments du parasite. Les filaments sortis, qui sont évidemment les flagelles, ne se distinguent en rien des filaments encore inclus dans le parasite. Tous les deux ont par- fois à leur extrémité le renflement souvent décrit chez les flagelles, la même forme courbe, et sont colorés identiquement en rouge ou violet. Les mêmes filaments se rencontrent à l’état libre dans les différentes parties de la préparation. Le parasite abandonné par les filaments chromatiques se détruit : il se gonfle et se colore difficilement par le bleu de méthylène. Enfin ses contours deviennent invisibles, et nous trouvons à sa place seulement un amas de granulations de mélanine et quelques filaments chromatiques (v. fig. 18). Je crois que ces derniers se détruisent aussi : on peut le voir sur les préparations fraîches. A priori, il est impossible d'admettre que les filaments séparés du protoplasme soient capables d’un développement ultérieur. Que signifie donc la sortie des filaments chromatiques au point de vue biologique ? J'admets que nous avons ici affaire à un trouble dans la karyokinèse, provoqué par le changement de la température et d’autres conditions physico-chimiques. En effet, j'ai vu quelques fois que le protoplasme des corps à flagelles se divisait en deux parties. Cette division est fréquente chez les corps à flagelles des leucocytozoaires, comme nous verrons plus loin. Par analogie, nous devons regarder aussi la formation des flagelles dans le sang malarique de l’homme comme un procès de sortie des filaments chromatiques. Malheureusement l’observation est ici plus difficile, par suite de la disposition particulière du pigment dans les corps à croissants, qui se transforment en corps à flagelles. Ce pigment, en entourant de tous côtés le noyau, empêche de voir sa structure et son mode de scission, qui doit être sans doute karyokinétique. M. Romanowsky regarde la scission des parasites des fièvres tierces comme aussi karyoki- nétique. Comme ils donnent aussi des corps à flagelles, nous ne pouvons qu'être d’accord avec lui. La figure 20 représente l’autre forme mobile des hématozoaires, 304 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. décrite par M. Danilewsky sous le nom de pseudo-vermiculus. Fest intéressant de comparer cette forme avec les corps à flagelles. Le pseudo- vermiculus a aussi deux phases d’existence : intracellu- laire etlibre. Mais, contrairement aux corps àflagelles, cette forme parasitaire a un petit noyau compact et arrondi, qui reste sans aucune modification après la sortie du parasite des hématies. En errant entre les hématies en forme de fuseaux mobiles, elle se nourrit de l’hémoglobine des hématies : on peut voir que plusieurs hématies touchées par le parasite perdent leur coloration jaune et deviennent invisibles. Ces particularités prouvent que cette forme parasitaire, contrairement aux corps à flagelles, n’est pas pathologique. Ainsi nous pouvons diviser les hématozoaires libres des oiseaux en deux catégories : les parasites avec un noyau normal, ou les formes vivantes {corps fusiformes), et les parasites avec un noyau détruit où absent (les formes mou- rantes ou les corps à flagelles). De ce que la structure de leurs noyaux est tout à fait diverse, on peut conclure que ces deux catégories appartiennent à deux espèces distinctes de parasites. À notre avis, la sortie des filaments chromatiques des parasites et leur mouvement énergique à l’état libre dans le plasma du sang est un fait qui peut avoir une valeur générale dans la biologie cellulaire. Leucocytozoaires chez les oiseaux. Les leucocytozoaires ne nous sont connus que grâce aux observations de M. Daailewsky, qui les a décrits brièvement dans ses ouvrages divers. Dans sa Parasitologie comparée du sang, il mentionne les sphères incolores sans mélanine, légèrement granulées, de dimension qui surpasse toutefois la dimension des hémocytes, avec enveloppe contenant un grand noyau. Ces sphères, qu'il a trouvées dans le sang de la chouette, sont capables de se transformer en corps à flagelles. L'article français’ fournit des indications plus précises, et décrit ainsi ces formes : « Ces parasites ont l’aspect d’un grand corps fusiforme et incolore, dont la partie centrale est granuleuse. Le noyau allongé est disposé excentriquement. Quelquefois la masse granuleuse a une forme sphérique : une mince capsule incolore et légèrement plissée l'enveloppe distinctement. » 4. Annales Pasteur, 1890, SUR LES HÉMATOZOAIRES DES OISEAUX. 805 Il regarde ces formes comme un stade intracellulaire du développement du polimitus, qui diffère du polimitus développé dans les hémalies par sa dimension plus grande et le manque complet de granulations de mélanine. Il les nomme polimitus major. Une cytocapsule qui renferme un leucocytozoaire n’est pas, d’après M. Danilewsky, un leucocyte, mais est un héma- toblaste. Les formes jeunes des leucocytozoaires se rencontrent dans la moelle des os. Ce sont de petits corps ovales ou sphé- riques enveloppés par une couche presque homogène de proto- plasme. On n'a pas encore pu y constater de noyau. Dans le travail publié en allemand, M. Danilewsky commu- nique quelques faits qui ne sont pas d'accord avec ceux que nous avons mentionnés tout à l'heure : 1° daus les sphères granuleuses qui représentent le premier stade du polimitus, on peut voir in vivo un noyau rond, clair (représenté sur le dessin avec des contours très nets); 2° ces sphères, avant leur transformation en polimitus, donnent naissance à plusieurs corps homogènes de grandeur variée, munis de flagelles. Ce mode de formation des polimitus est propre aux leucocytozoaires, tandis que chez les hémocytozoaires les polimitus se forment en nombre unique. C’est tout ce que nous savons des leucocytoaires, et, comme la description donnée par M. Danilewsky est incomplète et laisse place à des malentendus à propos des questions indiquées, je crois devoir communiquer mes observations sur ces parasiles, que j'ai rencontrés en grande abondance chez diverses espèces d'oiseaux. Outre cela, je trouve ces parasites très intéressants au point de vue de la théorie phagocytaire. Nous avons ici affaire avec des êtres capables de vivre et de se multiplier dans les leucocytes, contrairement aux hémocylozoaires, qui périssent après leur englobement. Il faut chercher ici s’il y a lutte, dans le sens de M. Metchnikoff, entre l’organisme et les parasites, et, _s'ilenest ainsi, quels sont les moyens de défense chez les leuco- cytozoaires contre l’action phagocytaire des leucocytes. J'ai trouvé les leucocytozoaires chez les corbeaux, freux et pies. Quoiqu’ils présentent chez ces espèces d'oiseaux des formes analogues, néanmoins je préfère les décrire séparément pour chaque espèce. Dans ce mémoire, je me bornerai aux leucocytozoaires des corbeaux et des freux. A. Les leucocytozoaires des corbeaux. — Je les ai trouvés avec 806 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les parasites des hématies. Ils présentent le plus souvent les formes décrites par M. Danilewsky sous le nom de sphères granu- leuses, qui se transforment parfois en corps à flagelles. Nous ne répéterons pas ici leur description, faite par M. Danilewsky; notons seulement quelques détails supplémentaires. Dans le sang des corbeaux, ces formes ne présentent jamais la forme fusi- forme représentée par M. Danilewsky sur ses dessins. Je n’ai pas pu distinguer le noyau dans ces parasites à l’état frais. Dans les préparations colorées par le mélange d’éosine et de bleu de méthyle, on peut y voir une tache, d’une teinte rose, avec des contours indistincts (fig. 21). Comme cette tache s’observe dans la plupart des parasites, c’est évidemment le noyau, peu visible, grâce à la présence dans les parasites de nombreuses granulations colorées en bleu foncé. Outre les granulations, nous voyons dans plusieurs parasites de très petites vaeuoles (fig. 22). Comme ces vacuoles se transforment, dans les parasites plus grands, en fentes irrégulières, ce sont probablement des interstices entre les granulations. J'ai observé plusieurs fois la formation des tlagelles chez ces corps, et je me suis convaincu que ce phénomène est ici plus capricieux que chez les hémocytozoaires, et ne s’accomplit pas sous une forme aussi nette que chez ces derniers. Dans les pré- parations oùles leacocytozoaires granuleux étaient en abondance, la formation des flagelles avait lieu chez très peu de parasites, et les autres restaient inaltérés, même à une très longue obser- valion. Le procès commence ordinairement par un mouvement des granulations, puis le parasite lui-même commence à se mouvoir pendant quelque temps. À ce moment, apparaissent à sa périphérie un ou plusieurs flagelles, qui s’éloignent vite du parasite. Tout ce procès se produit si promptement que je n’ai pas pu voir la relation des flagelles avec le parasite. Après la disparition des flagelles, le mouvement du parasite cesse et leur aspect redevient ce qu’il était avant. Contrairement aux corps à flagelles des hémocytozoaires, ils ne se détruisent pas sous les yeux de l'observateur, quoique, par analogie, nous puissions croire avoir ici le même procès de sortie des fila- ments chromatiques que nous avons décrit plus haut. Les sphères granuleuses sont les formes stables ; nous les rencontrons sans aucun développement ultérieur chez un même SUR LES HÉMATOZOAIRES DES OISEAUX. 807 oiseau pendant un temps indéfini. Je n'ai pas vu leur scission chez les corbeaux. Le seul changement que j'aie pu voir dans ces parasites est leur dégénérescence ; ils deviennent plus grands, leur protoplasme se rarélie, et les vacuoles mentionnées plus haut se transforment en fentes irrégulières. Ils ne se colorent plus d'une façon aussi intensive qu'auparavant. Toutes ces particula- rités morphologiques prouvent que les sphères granuleuses sont des formes analogues aux corps à croissant dans le sang mala- rique de l’homme, et se multiplient aussi par scission karyokiné- tique. Des modifications très intéressantes se produisent dans la structure du noyau des leucocytes occupés par les parasites décrits. Ces noyaux deviennent minces et longs comme une bande et entourent le parasite (v. fig. 20 et 21). Cette bande se colore en violet foncé, dans d’autres cas elle dégénère et se transforme en réseaux qui deviennent de plus en plus elairs jusqu’à la destruction complète. Dans le même sang des corbeaux, nous avons trouvé en grandnombre d’autres formes parasitaires, qui sont aussi rondes, mais se distinguent des sphères granuleuses par l'absence de granulations (v. fig. 23, 24). Elles se colorent en bleu grisâtre et sont de grandeur variée. Leur noyau n’est pas toujours visible. Il a les contours irréguliers, ou se sépare en corpuscules ou fila- ments, qui ont une disposition rappelant les figures karyokiné- tique (v. fig. 25). Chez ces formes j'ai vu la formation des flagelles. Ce procès consiste ici aussi dans la sortie des filaments chromatiques, comme on peut le voir sur lesfigures 27-30. Parfois le parasite se transforme en quelques corps ronds de grandeur diverse. Dans ces cas, un filament chromatique peut traverser deux corps (v. fig. 27). Chez les parasites décrits on peut voir, quoique peu nettement, la scission du parasite en sphères accol- lées en forme de müre (v. fig. 26). Les modifications du noyau des leucocytes contenant ces formes parasitaires sont aussi remarquables. Il entoure le para- site presque sur toute sa périphérie. Son bord extérieur est régulier, tandis que le bord adhérent au parasite est raboteux ou rongé. Les parasites ne remplissent pas entièrement toute la cellule occupée par eux; entre les parasites et la membrane du leucocyte, nous trouvons une partie considérable de protoplasme 808 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. homogène (v. fig. 26). Evidemment, nous avons ici affaire à des parasites, attaquant le noyau et le détruisant peu à peu. Ce sont donc des karyophages. En observant les phases diverses des parasites décrits, je me suis convaincu que les propriétés karyophages sont des plus marquées chez ces parasites jeunes. Ces propriétés, je crois, sont absentes chez les corps granuleux, qui représentent le stade ultérieur des parasites. Les noyaux des leucocytes en forme de bandes minces, que nous voyons chez les corps granulés, ont pris évidemment cette forme à cause de la pression. En terminant la description des leucocytozoaires des corbeaux, je me permets d'émettre l'hypothèse que ces parasites résistent aux phagocytes en attaquant et en détruisant leur noyau, cette partie essentielle du leucocyte. Leucocytozoaires des freux. — Les sphères granuleuses trouvées dans le sang des freux, contrairement à celles que nous avons rencontrées chez les corbeaux, sont incluses dans les cellules avec les noyaux bien conservés. Ces noyaux sont presque toujours d'une forme ovale ou semi-lunaire avec les contours réguliers. 1ls sont disposés à côté du parasite et se colorent toujours intensivement en violet (voir la fig. 36). Les sphères granuleuses des freux sont tout à fait identiques à celles des corbeaux ‘. Nous passons donc aux autres formes parasitaires, que j'ai rencontrées chez les freux jeunes en grande variété. Dans ces cas, les hémalies ne contenaient pas un seul parasite, condition très favorable pour l'observation des leucocytozoaires. Nous allons commencer notre description par les formes les plus jeunes. Ce sont des corpuscules ovales ou fusiformes, de la même dimension que les granulations éosinophiles, qui sont souvent aussi fusiformes chez les oiseaux. Ils se distinguent de ces derniers par la présence du noyau coloré en rouge ou violet, entouré par le protoplasme coloré en bleu, tandis que les granu- lations éosinophiles se colorent en rouge uniforme (comparer les fig. 42 et 43). Ces corpuscules, qui sont évidemment les spores des leucocytozoaires, se trouvent ordinairement dans les petits 1. Dans ces derniers temps, j'ai trouvé enfin la scission de ces formes en deux parties, qui est représenté sur la fijure 37. SUR LES HÉMATOZOAIRES DES OISEAUX. 809 leucocytes avec peu de protoplasme (lymphocytes et leucoblastes) et beaucoup plus rarement dans les leucocytes plus grands avec protoplasme abondant. On les rencontre aussi souvent libres ou accolés aux bords des grandes taches roses, qui sont, comme nous verrons, les noyaux dégénérés (lis. 29). Ces spores ne se rencontrent jamais dans les leucocytes éosinophiles. Nous croyons que les corpuscules fusiformes énigmatiques, trouvés par M. Pfeiffer dans le sang de falco tinnunculus, sont identiques avec les spores des leucocytozoaires. Le noyau des spores a la forme d’un corpuscule rond ou d'un bâtonnet plus ou moins courbé. Ces spores, en grandis- sant, se développent en parasites adultes. Nous avons pu suivre tous les stades de ce développement. Leur noyau se divise en quelques très petits corps disposés en forme de cercle, ou en deux amas, ou enfin irrégulièrement (voir fig. 38). À mesure de la croissance du parasite, le noyau perd la netteté des contours. Dans les parasites les plus grands, les noyaux sont complète- ment invisibles. Nous avons déjà décrit le même procès de disparition des noyaux chez les hémamibes des fièvres irrégu- lières ‘, ou il ne doit pas être considéré comme un acte de dégé- nérescence des parasites : ces derniers continuent leur dévelop- pement et subissent la scission. Au contraire, chez les leucocytozoaires des freux, la disparition des uoyaux signifie la dégénérescence : les parasites privés des noyaux ne se colorent plus guère parle bleu de méthylène, et les formes les plus grandes restent tout à fait incolores (v. fig. 34 et 35). Leur scission n’a pas été observée. Au contraire dece qui a lieu pour les leucocytozoaires des cor- beaux, chez les freux, on trouve dans un leucocyte plusieurs parasites, qui se disposent autour du noyau de leucocyte, ou le long de son bord (voir fig. 31-33). Les leucocytozoaires des freux se distinguent aussi de ceux des corbeaux quant à leur action sur les noyaux des leucocytes. 4. M. Marcararava, dans son travail, Sulle febre malariche estivo-autumnali, page 36, fait observer que ces parasites décrits par moi dans ces Annales (4891, VII) sont les mêmes qu’il a décrits antérieurement sous le nom de para- sites des fièvres d'été et d'automne (en 1889). Je suis d'accord avec lui, mais je me permets de remarquer que le cycle d'évolution de ces parasites a élé indiqué par moi aussi en 1889, dans un travail russe (NWalaria sur le chemin de fer trans- caucasien). 810 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Leurs contours ne présentent jamais les indentations que nous avons vues chez les noyaux des leucocytes des corbeaux. Ils sont ordinairement disloqués à côté du leucocyte, où ils restent au milieu, entourés par les parasites, qui produisent à leur périphérie des enfoncements (fig. 33). Ces enfoncements sont évidemment le résultat de la pression due à la croissance du parasite. Toutes ces particularités prouvent que les leuco- cytozoaires des freux, contrairement à ceux des corbeaux, ne sont pas karyophages. Ils détruisent les leucocytes et laissent leurs noyaux intacts. Il est nécessaire d'étudier les modifications ultérieures des noyaux qui restent libres après la destruction des leucocytes. Nous trouvons souvent dans le sang des freux des grandes taches faiblement colorées en rose, avec des contours indistincts. D'un côté de ces taches, le long du bord, se disposent ordinai- rement quelques spores ou quelques leucocytozoaires adultes. En observant les stades variés de la formation de ces taches, je me suis convaincu qu'elles représentent les noyaux des leuco- cytes, distendus et à moitié détruits. Leur destruction est pro- duite par l’action du plasma sanguin : le même aspect se retrouve chez les noyaux des hématies après la destruction de leur proto- plasme par les parasites. Il ne faut donc pas attribuer à l’action des parasites la destruction des noyaux des leucocytes chez les freux. Si ces parasiles ne sont pas karyophages, quels sont leurs moyens de défense contre les phagocytes? D'abord, nous devons indiquer que la lutte finit ici souvent par la destruction et la dégénérescence des parasites. Comment donc les autres résistent-ils aux phagocytes? M. Danilewsky, en répondant à cette question, admet que les parasites pénètrent, non dans les leucocytes, mais dans les héma- toblastes, dont l’action phagocytaire est insuffisante. Ainsi, les parasites et les hématoblastes continuent parallèlement leur développement. En effet, nous avons vu que les spores et les parasites jeunes (qui ont le noyau bien conservé) se rencontrent le plus souvent dans les lymphocytes et les hématoblastes. Je crois donc que l'explication de M. Danilewsky est vraisemblable pour les leucocytozoaires des freux, mais je ne puis admettre cette expli- SUR LES HÉMATOZOAIRES DES OISEAUX. s11 cation par rapport aux karyophages des corbeaux, qui n’ont pas besoin de ce mode de défense. Je n'ai pas pu trouver les stades de scission de ces leuco- cylozoaires en forme de rosettes ou de müres. Ils étaient absents aussi dans la moelle des os et dans les organes parenchymateux. Je doute donc de l’existence de ces formes chez les leucocyto- zoaires décrits, comme chez les hémamibes des corbeaux. Dans mon mémoire prochain, je reviendrai sur cette question. EXPLICATION DE LA PLANCHE XV. Fig. 1-20. — Les hémocytozoaires des corbeaux. o & 1-3. — Les formes intracellulaires de qui proviennent les corps à fla- gelles. Leur noyau est bien coloré en violet. 4-6. — Les mêmes formes parasitaires avec le noyau en scission Kkaryo- kinétique. 7-12. — Les stades variés de la séparation du noyau par filaments chro- matiques et de la sortie des filaments du parasite. 13-18: — Le même procès chez les formes excapsulées. 19. — Le corps fusiforme mobile (pseudo-vermiculus de M. Danilewsky). 20. — Son stade intracellulaire. Fig. 21-30. — Les leucocylozoaires des corbeaux. 21-22, — Les formes stables (sphères granuleuses de M. Danilewsky). Les noyaux des leucocytes les entourent en forme de bandes. 23-25. — Les formes développantes incorporées dans les noyaux des leu- cocytes (sphères homogènes). 26. — La même forme en voie de scission. 27-30. — Les mêmes formes libres en voie de transformation en corps à flagelles. Fig. 31-41. — Les leucocytozouires des freux. 31-33. — Les formes jeunes avec le noyau bien visible. 34-35. — Les formes dégénérées. 36. — La forme stable (sphère granuleuse de M. Danilewsky). 317. — La scission de cette forme. 38. — Les formes jeunes disposées le long du bord du noyau dégénéré. 39. — Les spores disposées de la même manière. 40. — Les formes libres. 41. — Les spores incluses dans le Iymphocyte. 42. — Les granulations éosinophiles. RECIERCHEN SUR L'INELUENCE DES EXTRAIS DE THYMES ET DES TESTICULES SUR L'INFECTION CHARBONNEUSE Par M. LE D' A. GRAMATCHIKOFF pe SAINT-PÉTERSBOURG (Travail du laboratoire de M. METCHNIKOFF.) De nombreuses recherches, publiées dans ces dernières années, ont démontré que certains produits des cellules micro- biennes empêchent le développement des bactéries infectieuses dans l'organisme animal. Une maladie aussi terrible que laf- fection charbonneuse des lapins peut être prévenue et empê- chée par des injections de cultures stérilisées du bacille pyo- cyanique où du pneumo-bacille de Friedlaender, deux microbes très différents de la bactéridie. Sont-ce seulement les produits bactériens qui exercent cette influence bienfaisante, ou bien celle-ci peut-elle être également obtenue à l’aide de produits cellulaires des animaux supé- rieurs ? Celte question, que je me suis mis à étudier, était d'autant plus justifiée qu'il existe dans la littérature certaines indica- tions d’une influence vaccinante d'extraits du thymus et d'au- tres organes, notamment des testicules, contre le charbon. Les premières données positives à ce sujet ont été publiées par Wooldridge'. Ce savant se servait d'extraits de thymus frais et finement haché, macéré pendant vingt-quatre heures dans de l’eau. Le liquide filtré, très louche, renferme, d’après Wooldridge, la substance fibrinogène qui est précipitée par l’ébullition. Pour empêcher cette coagulation pendant la stéri- lisation par la chaleur, il alcalinisait le liquide de façon à don- ner au papier de tournesol une teinte bleue manifeste. Woold- ridge préparait deux sortes de liquide : 1° un extrait très alcalin, dans lequel les bactéridies se développent abondamment, con- 1. Archiv. für Anal. u. Physiol., 1888. bé INFECTION CHARBONNEUSE. 813 servant leur virulence (le liquide, même filtré à travers le papier, n'est point toxique et ne confère pas l’immunité contre le charbon à des lapins); 2° un extrait faiblement alcalin, dans lequel le bacille charbonneux ne pousse que très mal; mais ces cultures, stérilisées par la chaleur, vaccinent les lapins contre l'inoculation consécutive du virus bactéridien. Wooldridge explique ces actions différentes par le fait que le liquide peu alcalin renferme plus de substance fibrinogène à l'état libre. De là il est arrivé à supposer que ces extraits fai- blement alcalins, préparés avec le thymus et les testicules, pourraient bien tout seuls conférer l’immunité contre le char-. bon. En injectant de pareils extraits de substance fibrinogène, stérilisés par la chaleur, il a réussi à vacciner deux lapins contre le charbon. M. Wright' a confirmé ce résultat. Il s’est servi de la méthode suivante : des glandes finement hachées sont macérées pendant douze heures avec addition de chloroforme, à la raison de 4:200. L’extrait aqueux est ensuite passé à la centrifuge et filtré. Dans le liquide trouble ainsi obtenu, la substance fibri- nogène est précipilée par l'acide acétique (0,5 c. ce. d'acide à 33 0/0 pour 100 gr. d'extrait). Le précipité est recueilli sur le filtre et lavé d’abord avec la solution physiologique de chlorure de sodium et ensuite avec de l'eau distillée. Tous les liquides employés doivent être légè- rement acidulés avec de l’acide acétique pour empêcher la dis- solution de la substance fibrinogène. Le précipité lavé, recueilli sur le filtre, est dissous dans une solution de soude à 1 0/0; on le filtre d’abord à travers le papier et ensuite à travers une bougie Chamberland. Le liquide ainsi préparé a été injecté par M. Wright à douze lapins, dans le but de les vacciner contre le charbon. Plusieurs ont, en effet, résisté à l’inoculation d’épreuve, mais un lapin témoin a également résisté à la même dose de virus charbonneux. La question de la propriété vaccinante de l'extrait du thymus a été plus tard étudiée par MM. Brieger, Kitasato et Wasser- mann *. Mais ces auteurs n'ont obtenu que des résultats négatifs. 4. British medical Journal, sept, 1891. 2. Zeitschr [. Hygiene, 1892. 814 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le liquide de thymus, tel quel, injecté comme moyen prophylactique, n’a jamais pu vacciner des animaux contre le charbon. Il est vrai que les auteurs cités se sont servis de sou- ris et non de lapins, comme dans les expériences de Wooldridge et Wright. Par contre, des cullures de différentes bactéries (tétanos, diphtérie, choléra, typhus, etc.), préparées dans l'extrait de thymus et stérilisées à 65°, ont donné, d'après l'avis de MM. Brieger, Kitasato et Wassermann, une immunité acquise à différents animaux contre l'introduction des microbes corres- pondants. Pour le charbon, cette méthode a été moins efficace. Seules quelques expériences avec la rate de cobayes charbon- neux, broyée avec du bouillon de thymus et chauffée à 75°, ont donné de meilleurs résultats. Des souris ont été préventive- ment traitées avec ce liquide pendant quinze jours, et ensuite éprouvées avec du virus charbonneux. Les souris traitées mou- raient, mais beaucoup plus tard que les témoins. MM. Brieger, Kitasato et Wassermann préparaient leur extrait comme il suit : deux ou trois glandes de thymus, bien broyées, étaient mélangées avec un poids égal d’eau stérile et mainte- nues dans une armoire à glace pendant douze heures. Le mélange était d’abord passé à travers la mousseline et ensuite le résidu soumis à la presse. Le liquide trouble et muqueux ainsi obtenu était alcalinisé avec une solution de soude à 1 °/, en suivant les règles indiquées par Wooldridge. Dilué avec de l'eau, il était ensuite stérilisé dans l'appareil de Koch pendant un quart d'heure. Comme les résultats négatifs de MM. Brieger, Kitasato et Wassermann ont été obtenus sur des souris, animaux beaucoup plus sensibles au charbon que les lapins, j'ai voulu me placer dans les conditions exactes des expériences de Wooldridge et Wright. Mais, avant d'exposer les données que j'ai recueillies, je dois d’abord faire quelques remarques préliminaires. Je me suis servi de l'extrait du thymus et des testicules. Pour avoir toujours à peu près la même quantité de substance fibrinogène, je prenais dans toutes mes expériences la même proportion de glandes et d’eau : 1 : 2 (ainsi que cela se fait dans la préparation du bouillon nutritif). Le thymus et les testicules ont été employés à l’état le plus frais. Dans les cas où je lais- “ INFECTION CHARBONNEUSE. 815 sais macérer les organes hachés, j’employais de l’eau chloro- formée à raison de 1 : 200. Cette précaution était nécessaire non seulement pour empêcher la putréfaction, mais aussi pour éviter la diminution du fibrinogène qui, d'après M. Salkowsky, est sujet à l’autodigestion. Imitant rigoureusement les conditions des expériences de Wooldridge et Wright, je m'arrangeais pour que mes liquides soient toujours de réaction neutre. Les liquides, préparés d’après la méthode de Wooldridge, étaient stérilisés par l’ébullition après une alcalisation préalable ; ensuite ils étaient filtrés à tra- vers le papier suédois. Le liquide filtré, louche et opalescent, renfermant de petits flocons de substance fibrinogène, était sté- rilisé à l’autoclave pendant un quart d'heure. Les liquides, pré- parés d’après M. Wright, étaient stérilisés à l’aide de la bougie Chamberland. Mes expériences ont été exécutées uniquement sur des lapins. Les animaux, après avoir été traités avec les liquides fibrino- gènes, ont élé éprouvés avec des cultures charbonneuses, injec- tées dans le tissu sous-cutané. Quelquefois le traitement avec des extraits des glandes était prolongé jusqu'à la fin de l'expérience d’épreuve. Les liquides étaient introduits, suivant la série de l'expérience, tantôt dans la veine auriculaire, tantôt dans le péritoine ou bien sous la peau. Le charbon employé appartenait souvent à la race asporo- gène (Roux) ou bien était sporogène, comme d'habitude. En tout j'ai sacrifié 57 lapins. Dans toutes mes expériences, j'in- jectai à un lapin 1 c. c. d’une émulsion de culture (sur gélose glycérinée) dans du bouillon. J'ai fait encore plusieurs expériences avec des substances albuminoïdes mêmes, préparées avec du thymus et des testi- cules. Des organes frais, lavés dans de l’eau stérile, étaient fine- ment hachés et mélangés avec du sable stérilisé en une sorte de pâte consistante. La masse ainsi obtenue était pressée à un filtre- presse, préalablement stérilisé par la chaleur. Le liquide épais et brunâtre ainsi préparé était débarrassé des particules suspen- dues à l’aide d’une filtration à travers un entonnoir en soie stérilisé. Les liquides albumineux clarifiés étaient aussitôt injectés à des lapins. Dans les cas où je voulais les conserver plus longtemps, je les diluais avec un volume double de solu- 16 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. tion physiologique de N°? Cl et les filtrais à travers la bougie Chamberland. Je commencerai par mes expériences avec les substances propres des glandes. Expériences avec des liquides frais du thymus et des testicules. Si on injecte une ou deux gouttes de liquide, préparé d’après la méthode que je viens d'indiquer, dans la veine auriculaire d'un lapin, celui-ci manifeste, quelques minutes après, des con- vulsions violentes, suivies, cinq à dix minutes après, de la mort de l'animal. L'autopsie révèle toujours la coagulation du sang dans des sinus de l’encéphale. Six lapins, injectés de cette facon, ont tous donné le mème tableau pathologo-anatomique. En raison de l'impossibilité d’un traitement par injection dans les vaisseaux, j introduisais les liquides dans le péritoine et sous la peau. Des deux séries d'expériences, une a été faite avec la bacté- ridie asporogène, une autre avec la race produisant des spores. Première série. Le virus dont je me suis servi dans cette série était un charbon asporogène. Un demi-centimètre cube d’émulsion dans le bouillon tuait un lapin adulte en deux ou trois jours. Des deux groupes d'animaux, un a été traité par des injections sous-cutanées des albumines fibrinogènes, un autre par des injections intrapéritonéales du même liquide. Le premier groupe était composé de six lapins, dont trois furent traités avec des injections sous-cutanées du liquide testi- culaire et trois autres avec de l'extrait du thymus. La quantité de liquide injecté variait de 1 à 2 c. c. Le traitement préventif avec ces substances durait dix jours. Les lapins manifestaient un amaigrissement progressif. Le résultat a été complètement négatif; tous les animaux traités mouraient du charbon en : même temps que les témoins non traités. Le deuxième groupe, traité par des injections intrapérito- néales, a été préparé deux mois plus tard. Il était aussi composé de 6 lapins : 3 traités avec du liquide du thymus, 3 autres traités avec du liquide testiculaire frais. Avant l’inoculation d’épreuve, il a été fait 8 injections préventives avec des doses de liquide variant de À à 2,5 ce. c. Les animaux maigrissaient rapidement. INFECTION CHARBONNEUSE. 817 Trois lapins résistèrent au virus charbonneux, dont un lapin, traité par l'extrait du thymus, un autre traité avec le liquide tes- üculaire et un troisième lapin témoin, qui n'avait subi aucun traitement. Ce résultat est donc conforme à celui de Wright et peut être expliqué par la virulence trop faible et inconstante de la bactéridie asporogène. Un cobaye inoculé avec 1 ce. c. du même virus n’a succombé qu’au bout de quatre jours et demi. Des lapins neufs résistèrent souvent à cette bactéridie. J'ai répété cette expérience avec des liquides albuminoïdes du thymus et des testicules, liquides non stérilisés par la chaleur, avec un nouveau lot de lapins et dans les conditions suivantes. Je me suis servi, pour éprouver la résistance, d’un charbon sporogènetrès actif. Le traitement préventif, exécuté sur 6 lapins, a été pratiqué pendant 9 jours, avec des doses de 1 à 2,5 c. c. Mais son effet a été nul, car tous les lapins sont morts du charbon en même temps que lelapin témoin. Cette expérience confirme donc cette conclusion que la survie de trois lapins, dans l'expérience précédente, était due à l'inactivité du virus. Dans une nouvelle expérience de cette série, six lapins neufs ont été traités avec l'extrait de thymus, filtré à travers la bougie Chamberland. Je dois mentionner ici que ces liquides filtrés se distinguaient notablement des liquides qui n'avaient pas été filtrés à travers la bougie. L'’injection intraveineuse des pre- miers ne provoquait jamais la mort des animaux et n’amenait pas d’amaigrissement appréciable. Dans quelques cas, les pre- mières injections occasionnaient une hyperthermie passagère. Des six lapins, trois ont été traités par des injections intravei- neuses, trois autres par des injections intrapéritonéales. Comme les animaux supportaient bien ces injections, les doses employées étaient considérables. Ainsi les lapins n°5 1, 2 et 3 reçurent dans l’espace de 6 jours 94, 67 et 30 c. c. dans la veine. Trois : autres lapins recurent pendant le même temps 76, 67 el 30 c. c. de liquide dans le péritoine. L'inoculation d’épreuve a été faite avec du charbon sporogène. Tous les lapins, les traités aussi bien que le témoin, mouraient du charbon typique. Il faut cepen- dant noter que les lapins n° 1, 2, 3 sont morts beaucoup plus tard que les autres. D2 S18 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Deuxième série. Expériences d'après la méthode de Wooldridge. Ces expériences aussi ont été exécutées avec la bactéridie sporogène et asporogène. Le traitement préventif consistait en injections de la substance fibrinogène du thymus et des testi- cules. Dans une première expérience, sept lapins ont été soumis à six injections préventives de l’extrait du thymus de veau, préparé d'après la méthode de Wooldridge. Chaque injection était faite à dose de 2 à 5 c. c. Quoique l’inoculation d’épreuve ait été faite avec Ja bactéridie asporogène, tous les lapins sont morts du charbon typique. Mais, tandis que le témoin est mort en 46 heures, les lapins traités ont vécu pendant 70, 90, 102, 72, 10 et 60 heures. ; Pour vérifier le résultat de cette expérience, j'en ai fait une autre, dans laquelle 6 lapins ont été traités pendant 28 jours d’après la méthode de Wooldridge. Il a été pratiqué en tout 12 injections. Deux lapins n° 1 et 2 ont été traités par des injections sous- cutanées : un d’eux a reçu 24, l’autre 60 c. c. Des quatre autres lapins, traités par des injections péritonéales, le n° 3 a reça 12 ; le n° 4, 24; le n°5, 60, et le n° 6, 120 c. c. Une semaine après la dernière injection, tous les lapins ont été éprouvés chacun par Le. c. d’émulsion de culture du charbon sporogène. Le lapin témoin est mort en 70 heures; les lapins 1 et2 en 70-80 heures, le n° 3, en 134 heures; le n° 4, en 100 heures ; le n° 6, en 105 heures. Le n° 5 est mort 20 heures avant le témoin (mort en 50 heures). Les expériences avec l'extrait des testicules, préparé d’après la méthode de Wooldridge, ont donné le même résultat que celles avec le liquide du thymus. Des quatre lapins d'expérience, deux ont été traités avec le liquide testiculaire, injecté sous la peau; deux autres avec le même liquide introduit dans le péritoine. Les deux premiers ont été ensuite éprouvés avec du charbon sporogène, deux autres avec la bactéridie asporogène. Après l’inoculation d’épreuve, le traitement était continué INFECTION CHARBONNEUSE. 819 avec le même extrait de testicules. Malgré cette précaution, tous les animaux d'expérience sont morts du charbon en même temps que les lapins témoins. Le traitement préventif avec des substances albuminoïdes du thymus et des testicules, préparées d’après la méthode de Wright, n'ont pas préservé les lapins contre l’inoculation d'épreuve. Seize lapins employés pour l'expérience sont tous morts du charbon. Le premier groupe (à lapins) a été soumis au traitement préventif et a été encore traité après l’inoculation du virus. Le résultat a été négatif: tous les animaux sont morts charbon- neux. Le même insuccès a suivi le traitement de six autres lapins avec l'extrait testiculaire. Cinq lapins ont subi pendant 34 jours le traitement préventif avec l'extrait du thymus, préparé d’après la méthode de Wright. Ils ont recu 14 fois des injections préventives. Le lapin n° 4 a reçu en tout 24 c. c., le n° 2, 70 c. c.; tous deux dans le tissu sous-culané. Quatre autres lapins ont été traités dans le péri- toine avec des doses suivantes : n° 3, 14; n° 4, 70; n° 5 et 6, 140 c. e. Dix jours après la dernière injection, les lapins ont été éprouvés avec le charbon sporogène. Le résultat de cette expé- rience a été complètement négatif. On peut donc conclure de tout l’ensemble de mes expériences que l'extrait du thymus et des testicules n'exerce aucune influence vaccinante contre le charbon des lapins. LA DESTRUCTION DE VIRUS CHARBONNEUX SOUS LA PEAU DES ANIMAUX SENSIBLES Par 2e Dr Josrernm SANARELTI Docent d'Hygiène, Assistant aux laboratoires de la Direction de la Santé publique, à Rome. L'intéressant article de M. Metchnikoff sur l’immunité dans les malades infectieuses ‘ a soulevé de la part de M. Pekelharing * quelques objections au sujet de la propriété bactéricide du sang vis-à-vis des spores charbonneuses : cette propriété est admise par le savant de l’Université d'Utrecht comme un fait établi sur des bases irréfutables. M. Pekelharing se rapporte, sur cette question, à quelques expériences publiées il y a trois ans*, et visant à démontrer que non seulement le sérum sanguin, mais aussi la lymphe sous-cutanée des lapins, sont à même de détruire la virulence des spores charbonneuses. Deux travaux vinrent ensuite simultanément nier ce fait, qui est d’une importance capitale pour ce qui concerne la doctrine de l'immunité. Un de ces travaux appartient à M. Trapeznikoff*, et l’autre est de moi; ce dernier, qui porte le même titre que cet article, est évidemment resté inconnu à M. Pekelharing. Mes recherches s'accordent parfaitement avec celles de M. Trapeznikolf, pour montrer que la lymphe sous-cutanée des lapins non seulement est hors d'état d'agir contre les spores du charbon, mais peut au contraire leur offrir un excellent milieu nutritif. M. Pekelharing renfermait, comme on sait, les spores du charbon dans un sac de papier parcheminé qu’il introduisait 1. Semaine médicale, 1892, pp. 469-474. 2. Semaine médicale, 1892, p. 503. 3. Ziegler's Beiträge, Bd. VII, 1890, p. 263. . Annales de l'Institut Pasteur, 1891, p. 362. 5. Atti della R° Accademia dei Fisio-critici. Sienne, 1891, vol. IL. OL DESTRUCTION DU VIRUS CHARBONNEUX. 821 ensuite sous la peau des animaux; iltrouvait ainsi que, onze jours après, l’inoculation du contenu de ces sacs sur les lapins neufs ne déterminait plus la septicémie charbonneuse. Au lieu des sacs de papier parcheminé, qui sont sujets à plu- sieurs inconvénients, j'employai de petits tuyaux de collodion qui peuvent être fermés hermétiquement, de manière à ne laisser pénétrer aucun leucocyte : placés sous la peau des animaux, ils se remplissent, en peu de temps, d’une lymphe limpide et transpa- rente. J'ai donné le moyen de préparer ces tuyaux de collodion dans le travail ‘ où j'ai montré qu'ils permettaient d'obtenir à l’état de pureté la lymphe du sac dorsal des grenouilles. Après moi, deux savants italiens, MM. Morpurgo et Tirelhi*, ont obtenu dans ces tuyaux, sous la peau des lapins, le développement des bacilles de la tuberculose, comme j'avais obtenu, un an aupara- vant*, celui des bacilles de la morve et du charbon. Pendant mon récent passage dans le laboratoire de M. Met- chnikoff à l'Institut Pasteur, j'ai eu aussi l’occasion d'employer dans quelques recherches cette méthode, reconnue des meilleures pour se procurer la lymphe sous-cutanée des animaux à l’état de pureté absolue. Les recherches que j'ai ainsi faites, pour vérifier au juste l'importance des conclusions de M. Pekelharing, consistaient précisément à fabriquer ces tuyaux, à renfermer dans leur inté- rieur les spores charbonneuses, et enfin à les introduire sous la peau des lapins. La lymphe sous-cutanée y pénètre peu à peu, vient baigner les spores qui germent, et le contenu se transforme bientôt en riche culture de bacilles charbonneux asporogènes et très virulents. Cependant, après quelques jours (soit que la culture manque de substance nutritive, ou soit gènée par l’excès des produits d'échange des microbes), le développement d’abord si vigoureux s'arrête, et les bacilles dégénèrent et meurent comme ils le feraient dans tout autre milieu nutritif. Il y a pourtant une différence entre les cultures au contact de l'air et celles qui se font dans nos tuyaux placés sous la peau des 4. Centralblatt für Bacteriologie und Parasitenk., 18M, n° 14, 15, 16. 2. Archivio per le scienze mediche. Juin, 1892. 3. Loc, cit. Juin 1891. 822 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lapins ; elle réside dans ce fait très simple, que dans le premier cas, après la mort des formes végétatives, les spores survivent, et par conséquent la virulence se conserve indéliniment, tandis que dans le second cas les spores ne peuvent pas se former, de sorte que les formes végétatives dégénèrent et meurent, etsimul- tanément progressent l’atténuation et l'extinction du virus. Il va saus dire que l’on peut arriver plus ou moins vite à ce résultat, suivant que les tuyaux sont plus oumoins volumineux ou que leurs parois plus ou moins minces favorisent plus ou moins l’arrivée de la lymphe nouvelle et le renouvellement du milieu nutritif. Mais, en général, avec de bons tuyaux perméables d’envi- ron 1 c.c., le virus mortel pour les animaux peut encore s’y con- server vingt-sept jours. Plus tard, le contenu des tuyaux n’est plus virulent, et les énormes masses de filaments provenant des spores ensemencées aboutissent à la dégénérescence et à la mort. Cela démontre que les spores ne furent pas tuées, mais au contraire ont subi leur évolution normale. M. Trapeznikoff avait aussi trouvé dans ses doubles sacs de papier parcheminé des spores virulentes, même après quarante- cinq jours passés sous la peau des animaux. A cette constatation, M. Pekelharing objecte que, si ces spores ne sont pas mortes, c’est que, à travers la double feuille des sacs, la lymphe ne pouvait pas pénétrer pour exercer son action bac- téricide. Je ne crois pas à la justesse de cette objection. Je crois au contraire que les difficultés de pénétration de la lymphe entra- vaient la germination, et, avec elle, le développement et l’épui- sement du virus, lequel pouvait ainsi se maintenir longtemps iualtéré. En ce qui concerne donc l’action bactéricide des humeurs dans les animaux sensibles vis-à-vis des spores du charbon, la question reste à présent évidemment en faveur de la théorie et des idées de M. Metchnikoff. REVUES ET ANALYSES LA DISTRIBUTION DE LA MATIÈRE ORGANIQUE ET DES MICROBES DANS LE SOL REVUE CRITIQUE Il n’y a guère de question qui ait été plus étudiée que celle-ci, tant au point de vue agricole qu’au point de vue microbien. Maintenant que la microbie et l’agriculture ont contracté alliance, on peut utiliser les notions qu'elles ont récoltées toutes deux pour faire ia synthèse des phénomènes qui se passent dans les couches superficielles du sol, et c’est là le tableau que je voudrais essayer de tracer, en m’en tenant, bien entendu, à ses lignes générales. I Voyons d’abord ce qui est relatif à la distribution de la matière organique. Cette distribution peut être envisagée soit dans sa quantité, soit dans sa qualité. Commençons par la question de quantité, parce qu’elle est la plus courte à régler. Il suffit en effet de réfléchir un instant pour voir que la matière organique végétale ou animale arrive surtout au sol par la surface. Ilest rare que la partie du végétal enfoncée dans le sol égale en poids la portion qui en sort, et que la matière organique des racines fasse équilibre à celle des branches et des feuilles. Pour beaucoup de végétaux, les racines elles-mêmes sont assez superficielles, et, bien qu’on en trouve souvent des brins à 1 mètre ou 19,50 de profondeur, c’est surtout au voisinage du collet qu'elles développent d'ordinaire leur lacis le plus abondant. Pour éviter de nous mettre dans un cas particulier, nous supposons naturellement que la récolte n’est pas enlevée, et retombe sur la terre qui l’a produite : c'est le cas par exemple d’une forêt dont tout le feuillage et les branches mortes viennent pourrir sur le sol. Comme la vie a pour effet nécessaire, tant dans le monde végétal que dans le monde animal, de rendre insoluble la matière organique, la substance 824 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. des parties aériennes du végétal formerait au pied de l'arbre un tapis de plus en plus épais, si les microbes et la lumière ne se chargeaient de solubiliser ces matériaux morts pour les faire servir à l'édification de tissus nouveaux. Ce sont les microbes qui sont les agents principaux de cette trans- formation, mais avec eux, comme dans les combustions opérées par Ja lumière solaire, le procès de dégradation est graduel, et se fait d’ordi- naire par échelons. Le fait est connu depuis longtemps pour les substances ternaires. Avant que M. Pasteur nous eût montré le vrai mécanisme des fermentations, on avait remarqué que la destruc- tion de la matière organique se faisait le plus souvent par une série graduée de transformations, dont chacune la prenait à un certain niveau pour l’amener et l’abandonner à un niveau inférieur. Ainsi le sucre donne successivement de l’alcool, de l’acide acétique, de l'acide carbonique ou bien encore de l'acide lactique, de l'acide butyrique, de l'acide carbonique. À chacun de ces étages de décomposition une partie du carbone, de l'hydrogène, et parfois de l’oxygène de la matière initiale disparaissent à l’état gazeux. Dans mes études sur les ferments de la caséine, j'ai fait voir qu'il en était de même pour la matière azotée, et que les ferments qui la prenaient à l’état initial, à celui sous lequel on la trouve dans les tissus vivants, étaient d'ordinaire incapables de la pousser au dernier degré de destruction. IL fallait pour cela les actions superposées de plusieurs ferments de la matière organique azotée, et, si on les avait confondus jusque-là, c’est d’abord parce que leurs formes sont très voisines, c'est aussi que chacun d'eux donne de l’ammoniaque, c’est-à-dire le corps que l’on considérait comme le degré définitif de décomposition de la matière azotée. Cette notion est restée exacte, mais à la condition que l’on fasse de l’ammo- niaque, dernière forme de destruction de l’azote, l'équivalent exact de l'acide carbonique, dernière forme de destruction du carbone de la matière organique. De même qu’il se dégage de l’acide carbonique dans la fermentation alcoolique sans que la décomposition du sucre soit complète, puisqu'il reste de l'alcool, de même il peut se former beaucoup d'ammoniaque avec les ferments authentiques de la caséine, de la fibrine, et le liquide peut devenir alcalin ou putride sans que la décomposition de la matière organique soit à son terme. Des phéno- mènes de même nature se passent dans le sol, et à aussi l'ammoniaque est, comme l’acide carbonique, le produit commun d’un grand nom- bre de microbes. Les recherches récentes de MM. Muntz et Coudon ‘, de M. Marchal *, n’ont fait sur ce point que confirmer les miennes. 1. Comptes rendus, t. CXVI, p. 395. 2. Sur la production de l’ammoniaque dans le sol par les microbes. Bruxelles, 1893, REVUES ET ANALYSES. 825 Tous les degrés divers de la transformation de la matière orga- nique, intermédiaires entre l'état initial et l’état définitif d'eau, d'acide carbonique et d'ammoniaque, doivent donc se trouver con- stamment présents dans le sol avec les termes extrêmes, etilest facile de comprendre qu'ils doivent présenter en outre tous les degrés de solubilité. La matière initiale, celle qui est le point de départ, est insoluble, du moins dans quelques-unes de ses parties. La cellulose du bois est insoluble, l'amidon de la graine aussi : de même la fibrine des muscles : de même aussi, contrairement aux apparences, la caséine du lait. Les termes extrèmes de la destruction, acide carbonique, ammo- niaque, sont non seulement solubles, mais volatils. Entre ces extrêmes se r.ngent les séries de corps intermédiaires, dont les premiers, ceux qui sont les plus voisins des corps de départ, les peptones pour les substances albuminoïdes, les dextrines, les gommes pour les substances ternaires, sont des corps colloïdaux, portant encore la trace de leur structure organisée. Puis la solubilité dans l’eau devient plus parfaite ; puis apparaît la faculté de cristalliser, qui correspond d'ordinaire à un haut degré de simplification de la molécule. Puis enfin on a affaire à des corps de constitution bien connue, comme par exemple la tyrosine, la leucine, le glycocolle, les sels ammoniacaux à acides gras, etc. C’est ici que nous allons voir apparaître la question de qualité dans la distribution de la matière organique. Une fois solubilisée par l’action des microbes, elle peut être entraînée par l’action des arrosages et des pluies, et entrer dans le sol. Là, si elle ne rencontrait pas d'obstacles à sa circulation, elle pénétrerait comme l’eau, viendrait ressortir dans les sources, et, au lieu d'eaux pures et limpides, nous verrions jaillir des eaux defumier, lacouche végétale renouvelant sans cesse la fumure. S’il n’en est pas ainsi, c’est que le sol arrête au pas- sage la matière organique colloïdale ou soluble entraînée par les pluies, et maintient ainsi, en quantité, cette matière organique confinée dans ses couches supérieures, où la végétation pourra les utiliser. Mais il fait plus : il se laisse pénétrer, en moyenne, d’autant plus facilement et d’autant plus profondément que la matière organique est plus éloi- gnée de l’état colloïdal et plus rapprochée de l’état soluble, de sorte que la distribution en qualité n’est pas calquée exactement sur la dis- tribution en quantité, et qu’à côté du tassement ii y a un commen- cement de classement. Qu'est donc cette puissance absorbante du sol qui produit de tels miracles ? Il suffira, pour s’en faire une idée, de rappeler brièvement les étapes de sa découverte. En 1848, Huxtable et Thompson constatent qu'en faisant filtrer du purin sur de la terre arable on obtient un 826 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. liquide limpide et à peine chargé de matière organique, la terre arable ayant à peu près tout retenu. En même temps, H.S. Thompson découvre que cette puissance absorbante ne s’exerce pas seulement sur la matière organique complexe, et qu’ une dissolution d' ammoniaque ou d'un sel ammoniacal s’appauvrit au contact d’une terre arable. En 1850, Th. Way étend cette observation à diverses bases, l’explique inexactement en y voyant des actions de l’ordre chimique, mais n’en tire pas moins la conclusion, neuve et hardie pour son époque, que la forme sous laquelle on donne l’engrais aux plantes est indifférente. Cette conclusion fut confirmée quelque temps après par Liebig, à la suite de recherches dans lesquelles il avait constaté que, quand on filtrait des solutions de silicates alcalins, la silice était retenue avec l’alcali, et qu'il en était de même pour les phosphates. C'est Brustlein ! qui montra le premier que cette absorption n’avait, à aucun degré, le caractère d’une action chimique. L’absorption de l’ammoniaque en dissolution varie avec la concentration, le temps du contact, et s’observe avec des corps de structure et de constitution chimique très variées, le terreau, la tourbe, le noir animal, etc. De plus l’ammoniaque absorbée n’a pas été transformée ni insolubilisée, car on peut l’extraire à nouveau par un lavage. Il ne s’agit là que d'actions de contact, analogues à celles quifixent une matière colorante sur un tissu, ou même de puissance moindre, car l'adhésion d’un sel ammoniacal pour le sol est beaucoup moins intime que celle d'une tache de vin sur une nappe. Les recherches faites depuis, surtout par M. Schloesing, ont con- firmé cette manière de voir, et l’image d’une tache, à laquelle nous venons d'arriver, est la meilleure façon de se représenter ces phéno- mèênes. Une goutte de vin qui tombe sur une nappe, une goutte de teinture de tournesol ou d'indigo sur une feuille de papier, donnent deux cercles concentriques d'une remarquable netteté”, dont les diamètres sont toujours dans le même rapport lun par rapport à l’autre, tant qu’on ne change que le volume de la goutte qui tombe. Le cercle intérieur est seul coloré. Cela témoigne que la matière du corps absorbant retient plus activement la matière colorante que l’eau, et c’est là en gros l’image de ce qui se passe dans la terre arable, qui retient les éléments organiques en solution dans l’eau, et ne laisse passer que de l’eau à peu près pure. Mais à côté des corps qui retiennent plus énergiquement la matière en dissolution que l’eau il y en a qui n’exercent aucune action élective, 4. Ann. de Ch. et de Phys., t. 56, 3° série, 1859. 2. Voir là-dessus les travaux de Goppelsræder et les miens. (4xx. de Ch. el de Phys., t XXV, 408. 1872.) REVUES ET ANALYSES. 827 et donnent des taches de coloration uniforme. Tel est le cas pour les solutions d’alun de chrome, de protochlorure de fer un peu concentré, de sulfate de cuivre ammoniacal, et, sans aller si loin, d’encre ordi- naire, qui teint le papier buvard d’une teinte plate, sans aucune trace des cercles concentriques que montre une tache d'orseille ou d’indigo. C’est là l'image des corps poreux qui laissent traverser intégrale- ment la solution dont on les baigne. Tel est par exemple le sable quartzeux, quand il est un peu gros, pour les dissolutions organiques qu’il laisse filtrer : c’est à peine s’il les appauvrit au passage. Enfin, nous avons aussi des exemples de solutions qui donnent sur le papier des taches à cercles concentriques, dont le plus extérieur est le plus coloré, c’est-à-dire qui retiennent l’eau plus puissamment que la matière colorante. Tel est par exemple le cas pour les solutions de cyanure rouge de potassium, ou pour les solutions étendues de per- chlorure de fer. Une dissolution de sel marin se comporte de même, et du papier qu'on y plonge absorde plus d’eau que de sel. C’est l’image de ce que fait le sol avec les chlorures et les nitrates, qu'il laisse dispa- raître trop facilement avec les eaux de drainage; une partie impor- tante des substances salines qu’on trouve actuellement dans la mer était certainement répartie autrefois dans les couches terrestres d’où les eaux les ont éliminées peu à peu, par des actions capillaires ana- logues à celles que nous essayons de décrire, pour les amener à la mer d’où elles ne peuvent plus revenir. C’est un mécanisme identique qu'on a fait fonctionner depuis quelques années, pour le dessalage des terrains de la Camargne. J'ai déjà développé ces idées à plusieurs reprises, même dans ce Recueil, et je n’insiste par conséquent pas davantage. Je ne voulais montrer qu’une chose, c’est qu'il résulte de ces actions si précises, mais parfois si délicates qu’elles en deviennent instables et capri- cieuses, une distribution qualitative des matières organiques, plus ou moins complètement solubilisées par les microbes. Toutes choses égales d’ailleurs, ce sont les matériaux les plus solubles qui pénètrent le plus profondément dans le sol, les matériaux les plus colloïdaux et les plus voisins de l’état insoluble qui restent les plus voisins de la surface. La profondeur à laquelle les uns et les autres s’enfoncent dépend, pour un même sol, de leur abondance, car la puissance absorbante d’une terre n’est pas indéfinie, et, pour des solutions iden- liques de matières organiques, de la nature, de la porosité et de la compacité du sol, c'est-à-dire, en somme, de la composition et de la surface de développement de la paroi absorbante. Au sujet de la composition du sol, il y a à remarquer que ce sont les corps colloïdaux qui ont, toutes choses égales d’ailleurs, la plus 828 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. grande puissance absorbante. Ainsi l’humus et l’argile sont de plus puissants absorbants que les calcaires crislallins et le sable quartzeux. Quant à l'influence de la porosité du sol, nous allons nous en faire une idée en cherchant comment sont retenus, dans la filtration au travers du sol, les corpuscules solides et en particulier les germes de microbes que les eaux de pluie tendent constamment à entraîner dans les profondeurs. Nous pouvons pour cela revenir à notre comparaison avec le papier à filtrer. Lorsqu'on filtre à travers du papier un précipité d’oxalate de chaux ou de sulfate de baryte, ou une eau trouble à . travers une bougie d'amiante ou de porcelaine, si le liquide passe limpide, ce n’est pas du tout que les éléments retenus soient de dimension plus grande que celles des pores à traverser, et soient retenus à la façon de la salade dans un panier ‘. Ils pourraient au contraire très facilement traverser le papier ou la porcelaine, si, dans ce passage, ils n'étaient obligés de circuler à petite distance de surfaces absorbantes qui les attirent, les happent au passage, et s’en recou- vrent comme d’un vernis. Les chances qu'ils ont d’être immobilisés dépendent donc directement du rapport des surfaces filtrantes au volume du filtre, c’est-à-dire de sa porosité ou du degré de ténuité capillaire des canaux irréguliers et anastomosés qui le traversent. De sorte qu’en revisant d'un coup d’œil l’ensemble des conclusions auxquelles nous sommes arrivés nous voyons que ce sont les mêmes forces d'adhésion capillaire qui retiennent dans les couches superti- cielles du sol les substances organiques et les germes de microbes, c’est-à-dire la matière alimentaire et les êtres microscopiques qui s’en nourrissent. IT Il y a plus. En amenant, comme nous l'avons vu, une distribution qualitative de la matière organique suivant l’épaisseur, les mêmes forces amènent aussi, et simultanément, une distribution qualitative des microbes. Il est clair que la matière organique la plus voisine de son élal primitif, la plus colloïdale, étant cantonnée de préférence dans les couches superficielles, c’est là qu’habiteront aussi de préférence les microbes chargés de la transformer. Ces microbes sont naturelle- ment les plus difficiles sur leur alimentation, ceux qui ont besoin des matériaux les plus nutritifs, de ceux que nous utilisons nous-mêmes. Il faudra, pour les cultiver, leur offrir de la gélatine, du bouillon, des peptones en solution concentrée. Le prix de la vie augmenterait beau- 4. Voir mon Cours de Physique et de Météréologie. Paris, Hermann, 1592. REVUES ET ANALYSES. 829 coup si nous nous nourrissions comme nous nourrissons dans nos laboratoires les microbes de cette catégorie ; il n’y a pas de malade à qui on offre des bouillons plus concentrés et en apparence plus savoureux. Dans les couches profondes du sol, au contraire, là où n'arrive que de la matière organique déjà profondément dégradée, les microbes qui les transforment et en achèvent le gazéification ne sont plus difficiles sur leurs conditions d'existence. J’ai montré ‘ que quelques- uns d’entre eux ne peuvent pas consommer la matière organique initiale, soit qu’ils ne sécrètent pas normalement la diastase néces- saire à la liquéfier, soit parce qu’elle est pour eux une substance inerte. Pour cultiver ces microbes, il faudra donc leur offrir des liquides très pauvres en matières organiques complexes; souvent des sels ammo- niacaux suffiront. Au-dessous d'eux, nous trouverions les ferments nitreux et nitriques, que M. Winogradsky a été obligé de cultiver en dehors de toute substance organique, dans de Ja silice gélatineuse, et avec de l’ammoniaque comme unique source d’azote. Cela nous amène tout droit à l’examen critique de ce que nous savons au sujet de la distribution des microbes dans le sol. Nous avons résumé au fur et à mesure, dans ces Annales, la plupart des travaux faits dans cette direction, depuis que M. Miquel leur a donné la première impulsion ?. Après avoir cherché une méthode sûre, qu'elle ne semble pas du reste avoir encore rencontrée, la science est pourtant en possession, depuis les recherches de C. Fraenkel, d’un procédé de numération capable d’inspirer confiance, mais dont il ne faudrait pas, comme nous allons essayer de le montrer, prendre au pied de la lettre tous les résultats. Les conclusions de ce travail confirment, dans leurs traits généraux, ce qu’on savait avant, à savoir que le nombre des microbes va en décroissant à mesure qu’on s'enfonce dans le sol. A cette notion, Fraenkel a ajouté celle d'une distribution très inégale des microbes dans des couches terrestres très voisines, si bien qu'il peut y en avoir 1. Ann. de l'Institut agronomique, t, IV, 1880. 2. Voici les principaux travaux publiés sur ce sujet : P. Micuez, Annuaire de l’Obs. de Montsouris, 1879. Kocu, Mitcl. a. d. Kai. Gesundh., t. 1, p. 35. L. Anamerz, Recherches sur les champignons inférieurs de la couche arable, Leipzig, 1876. ; Beuer, Sur la bactériologie du sol (Deutsch. med. Wochens., 1886, n° 27). MaccorA, Recherches quantitatives sur les microorganismes. (Giorn d. R. Accad. di med., A887, t. II.) C. FRazxxez, Zeitschrift f. Hyg., t. Il, 1887. Voir aussi ces Annales, t. 1, pp. 34 et 246; t. IV, p. 172. 830 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. beaucoup en un point, et peu ou pas quelques centimètres plus loin. Pour donner une idée de ces inégalités dans la distribution, le mieux est d'emprunter à M. C. Fraenkelles résultats d'une de ses expériences. Voici quelle était, le 4 septembre 1886, la distribution des germes suivant la profondeur sur un point de la colline de Pfingstherg, dans le parc de Potsdam: A la surface 95,000 germes par gramme de terre. A 0m,25 de profondeur 120,000 — — — On,50 — 65,000 — —= LE 0,75 ee 3,000 = = 2 1,00 _ 600 — = sr 4,25 — 0 — == _ 4,30 — 100 — -— 2,00 — 0 _ = de 2n,50 S 0 a a 2 3,00 — 150 —- — — 3,50 — 100 — — — 4m,00 — 0 — _ — Aam,50 er 0 Le te 5 On aperçoit, dans cette série de nombres, d’abord l'appauvrissement relatif de la couche superficielle, dû évidemment à l’action combinée de la dessiccation et surtout de la lumière; on voit aussi laugmenta- tion du nombre de germes à une profondeur de quelques centimètres, puis leur diminution non graduelle, mais par soubresauts, telle couche contenant des microbes pouvant être comprise entre deux couches en apparence stériles. Je dis : en apparence, parce que tous ces résultats, de même que ceux sur lesquels se fonde la notion de la décroissance du nombre des germes à mesure qu’on s'enfonce dans le sol, devraient être accom- pagnées d’un correctif. Il faudrait dire : diminuent de nombre les êtres microscopiques cultivables dans les bouillons ou gélatines con- centrés que nous employons dans nos laboratoires. Ceux-là, nous venons de le voir, doivent précisément habiter les couches superti- cielles les plus riches en matière organique complexe, etils deviennent rares, ou même ils manquent, à mesure qu’on aborde des profondeurs où ne pénètrent que par exception, sous forme de racines ou de radi- celles, ou encore par des fissures trop larges pour que les attractions capillaires puissent se manifester, de la matière organisée ou de la matière organique dans l'état où on la trouve dans les {issus d’un animal ou d’un végétal. Dans les profondeurs, au contraire, habitent de préférence les microbes peu exigeants, ceux qui redoutent le contact des gélatines et des peptones, et si on changeait les bouillons de culture, si on prenait pour cela de l’eau pure ou très peu chargée REVUES ET ANALYSES. S31 de matière organique très simplifiée, glycocolle, sels ammoniacaux à acides organiques, etc., on trouverait sûrement une distribution tout autre que celle que nous connaissons. Peut-être même que les ferments nitreux et nitriques sont plus abondants dans la profondeur que dans les couches voisines de la surface, et peut-être aussi qu’au lieu de dimi- nuer ils iraient en augmentant à mesure qu’on s'éloigne de la surface, si la loi générale de la diminution de la matière organique, complexe ou simple, avec la profondeur, ne rendait pas de plus en plus rare la matière nutritive, et n'empêchait par conséquent la prolifération, dans les couches profondes, des microbes qui, par goût et par nature, . fuient le voisinage de la couche d’humus et de fumier qui forme la croûte superficielle. C'est évidemment en se plaçant dans le même ordre d’idées qu’il faut concevoir cette stérilité absolue, constatée par M. Fraenkel dans des couches terrestres placées en sandwich entre deux couches peu- plées et même fertiles. Ce qui est seulement démontré, c’est la stéri- lité en germes capables de se revivifier dans des milieux organiques très nutrilifs. Sans cette réserve, le mot stérilité ne se comprendrait pas, car rien que la diffusion aurait dû amener dans la couche inter- médiaire de la matière organique existant dans les deux couches supérieure et inférieure, et, avec la matière organique, les microbes auraient pénétré comme ils pénètrent partout, même dans les espaces capillaires qui n’en laissent pas filtrer les germes, c’est-à-dire par voie d’ensemencement et de multiplication. On s’explique au contraire très bien que la matière organique de la couche infertile ne soit pas la même que celle des couches voisines, soit parce que les éléments qui la composent n’ont pas la même faculté absorbante que ceux des couches peuplées, soit que la matière organique qui y à pénétré ait été détruite plus vite, et ait laissé place à des ferments vivant de ses produits de destruction, et se refusant à la culture en gélatine pepto- nisée. Une couche où la nitrification est active est par là même une région où les ferments qui vivent dans nos bouillons de laboratoire, ne peuvent pas prospérer ni même vivre. Les différences de composi- tion chimique du sol, de composition organique de deux couches voisines sont la loi dans la croûte terrestre, et le nombre des combi- naisons possibles entre ces quatre éléments, quantité et qualité de la matière organique, quantité et qualité des microbes, est assez grand pour expliquer d’une façon suffisante les irrégularités et les contra- dictions apparentes relevées par un mode d’expérience qui, en n’étu- diant qu’une face de la question, conclut qu'il n’existe rien là où on ne trouve rien. S'il en est ainsi, on comprend aussi que cette inégalité et cette 832 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. apparente singularité de la distribution des germes ne se réalise pas partout. Elle doit être en particulier beaucoup moins apparente dans les terres bien homogènes. C’est ainsi que M. Kramer‘ n’a observé rien de pareil dans un sol argileux et assez chargé d’humus qu'il a exploré jusqu'à 1",65 de profondeur. Les moyennes de trois expé- riences faites en un même point ont donné les nombres suivants : AOm,20 de profondeur 650,000 germes par gramme de terre. 0m,50 _ 500,000 = 0m,70 — 216,000 = 4m,00 = 36,000 — 1m,20 — 5,600 — 1,40 — 700 — 1,65 —— quelques germes — Ici la décroissance est régulière, bien qu’elle ne soit pas uniforme. La conclusion de tout ce qui précède est donc que, sans faire fi des résultats acquis, il faut avoir en eux une confiance limitée. Une autre conclusion est que, pour avancer dans l'étude de la question, il faut employer d’autres méthodes, et en particulier ne pas se contenter des ensemencements en gélatine peptonisée qui ont seuls servi jusqu'ici. Quand M. Winogradsky a voulu isoler, par cultures sur plaques, les ferments nitreux et nitriques qui existent dans tous les sols, c’est préci- sément dans les portions de plaques de gélatine où aucune colonie n'avait apparu qu il recherchait les germes de ses microbes, pour les transporter dans un milieu où il supprimait tout azote organique. C'est encore dans des milieux ne contenant pas d'azote qu’il a dù ensemencer, pour en obtenir des cultures, les microbes fixateurs d'azote dont il a commencé l’étude. Si on ajoute à ces microbes hos- tiles aux milieux azotés ces begqiatoa des eaux sulfureuses, et ces bactéries des eaux ferrugineuses étudiées par le même savant, si on ajoute la tribu confuse encore, mais qui se débrouille peu à peu, des bactéries pathogènes qui nous arrivent par les eaux potables, et qui ne se développent pas bien dans les gélatines à la peptone, ou y sont écrasées par des espèces plus adaptées au milieu, on voit qu’il y a beau- coup d'espèces qui nous ont échappé dans nos numérations, et on voit aussi qu’il faudra, pour étudier comme ils doivent l'être les microbes du sol, recourir à des méthodes un peu moins rudimentaires que celles qui consistent à ensemencer dans la gélatine peptonisée un cen- timètre cube d’eau ou un gramme de terre. Ajoutons enfin que dans tout ce qui précède je n’ai pas parlé des anaérobies. Il y a constamment, comme on sait, de l’acide carbo- nique dans le sol, et en proportion croissante avec la profondeur. 1. Die Bakteriologie in ihren Besiehungen zur Landwirthschaft, Vienne, 1890. REVUES ET ANALYSES. 833 Sans doute, il y a toujours aussi de l'oxygène, mais de ce que, en moyenne, on ne trouve jamais qu’un mélange où, le gaz azote mis à part, l’oxygène domine, il ne faut pas conclure qu'il n'y à partout que des actions aérobies et que la vie anaérobie est impossible. De ce que dans une cave où fermente de la vendange l'air reste toujours respirable s’il y a une bonne ventilation, il ne faut pas conclure qu'il n’y a pas quelque part des cellules anaérobies en action, même en action puissante. Toutes proportions gardées, les anfractuosités et les vides de la terre arable sont des caves plus ou moins bien aérées, mais dont les coins recèlent bien des ferments anaérobies. De ceux-ci, il n’a pas encore été question: c’est donc encore une question à reprendre. La meilleur manière de résoudre le problème général qui se pose est peut-être d’en chercher une foule de solutions particulières rela- tives chacune à un microbe déterminé. Il n’y a qu’à étudier le mode de distribution dans le sol des microbes que nous connaissons déjà, et de ceux que nous arriverons à connaître. On a dressé, au prix de recherches nombreuses, le catalogue de tous les microbes rencontrés dans le sol : c'était un travail bien inutile. Tous les microbes doivent exister dans le sol, car d’où viendraient-ils, si ce n’est de là? Dès lors, on est autorisé, dès qu’on connait la physiologie, les besoins alimen- taires etles moyens de culture d’un microbe quelconque, à rechercher comment ses germes sont distribués dans l’épaisseur de la croûte terrestre. C’est par une multitude de ces recherches individuelles, chacune consacrée à un microbe déterminé et bien connu, qu'on arrivera à se faire une idée de la distribution des microbes dans le sol, plutôt que par ces expériences en bloc dans lesquelles on récolte de l’incertain pour avoir semé de l’inconnu. DucLaux. M. Wernike : Contribution expérimentale à la connaissance du bacille diphtérique de Læffler et à la sérumthérapie (Archiv fur Hygiene, t. XVIII, 1893). M. Wernike décrit dans ce mémoire ses tentalives pour immuniser contre la diphtérie de grands animaux, et notamment les chiens, dans le but d'obtenir de grandes quantités de sérum pour traiter l'homme. Jusqu’ici on regardait les chiens comme presque généralement réfrac- taires vis-à-vis de cette maladie. MM. Roux et Yersin parvinrent les premiers à la donner à ces animaux. M. Wernike expose dans cet article des résultats analogues : il donne, et même très facilement, la diphtérie aux chiens. Il faisait d’ordinaire ses expériences avec une po J9 854 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. culture en bouillon âgée de deux jours et très virulente, qui tuait les cobayes aux doses de 0,0075 c. c., 0,005 c. c. Les chiens inoculés sous la peau avec la même culture, aux doses de 0,4 c. e., 4 c. c., mouraient tous en peu de jours. Chez eux la marche générale de la maladie était analogue à celle des cobayes, avec la même courbe caractéristique de la température et la paraiysie des extrémités. Les données bacté- riologiques étaient aussi les mêmes; on ne trouvait des bacilles de la diphtérie qu’à l'endroit de l’inoculation, où ils périssaient rapidement. M. Wernike choisit alors une nouvelle méthode d’immunisation contre la diphtérie : celle de l'alimentation avec de la viande diphté- rique.Ilaimmunisé des chiens en lés nourrissant d’un côté exclusivement avec de la viande d’une brebis immunisée contre la diphtérie, et d'un autre avec celle d’une brebis morte d’une diphtérie chronique. Avec la viande de la première brebis on nourrissait 2 chiens; un jeune chien (A) pesant 5 1/2 kilogrammes, et un chien adulte (B) de 33,5 kilo- grammes. Le jeune chien avait reçu durant six jours une quantité de viande égale au poids de son propre corps, tandis que l’autre (B) n’en avait reçu qu'un tiers du poids de son corps. Pendant toute la durée de cette alimentation, on ne remarqua aucune réaction de l’organisme. Après trois Jours, on inocula sous la peau du jeune chien 0,5 c. c. de la culture virulente en bouillon. Le témoin mourut le quatrième jour; quant au chien A, il présenta pendant quelques jours des phéno- mènes morbides, n'ayant apparemment qu'un caractère local (un œdème et une petite infiltration); l’état général était normal. Il faut noter encore que les bactéries diphtériques se conservèrent longtemps (14-24 jours) à l’endroit de l’inoculation : le chien les léchait constamment, mais cela ne lui faisait aucun mal. Quelques jours plus tard il se forma un œdème sur le ventre et sur la ligne médiane de la poitrine de ce chien; à cela se joignit bientôt une inflammation cutanée. Mais tous ces phénomènes disparurent rapi- ment et l’animal guérit complètement. Quant à la viande provenant de la brebis morte de la diphtérie chronique, M. Wernike s’en servit pour nourrir aussi deux chiens (G et D). Partant de l’idée que la nutrition par la viande de la brebis immu- nisée donne une immunité plus stable que celle de la brebis ayant eu la diphtérie chronique, M. Wernike fit ultérieurement ses expériences de contrôle sur l’immunité acquise avec une dose double : ainsi le chien B (nourri par la viande de la brebis immunisée) reçut 1 c. c. de culture virulente, tandis que le chien C et celui de contrôle n'en reçurent que 0,5 c. ce. Cela eut pour résultat la mort du chien B; par contre, le chien C resta vivant. REVUES ET ANALYSES. 839 M. Wernike déduit de ce dernier fait, ainsi que des expériences exposées plus haut, les conclusions suivantes : 49 La nutrition des chiens avec de la viande d'une brebis imm'imisée contre la diphtérie peut lui donner l'immunité contre cette maladie. Ge qui prouve que les substances immunisantes se trouvent non seulement dans le sérum, mais aussi dans les organes internes. De plus, il conclut que les sucs gastriques ne produisent sur les substances immunisantes aucun effet nuisible. 20 L’immunilé acquise à la suite de cette alimentation ne se distingue pas pour une grande stabihté. La puissance de l'immunité est en rapport direct avec la quantité de viande ingérée. S’étant ainsi assuré de la possibilité de donner aux chiens l'im- mupité, M. Wernike essaya de la porter à son maximum. D’après ses expériences antérieures, les toxines des vieilles cultures, inoculées à des doses qui ne provoquent qu’un état morbide et non la mort, donnent après un certain temps l’immunité contre les cultures virulentes mortelles. C’est pourquoi, voulant renforcer le degré de l’immunité, il employa une culture diphtéritique âgée de 4 mois et additionnée d’acide phénique. Il ne filtrait pas la culture, croyant que les bactéries mortes peuvent augmenter sa force immunisatrice. Il commença à inoculer de faibles doses, 1 ce. c., 2 c. c. et ainsi de suite jusqu’à 50-60 c. c. La réaction chez les animaux ne se manifestait que par une tumeur à l'endroit de l’inoculation. Plus les cultures étaient riches en bacilles, plus forte était la réaction ; la tumeur fluctuante se transformait en abcès. Après que les chiens furent habitués à de grandes doses de vieilles cultures, M. Wernike commença à leur ino- culer des cultures en bouillon très virulentes, et à des doses deux fois plus grandes que les quantités minima mortelles pour les chiens. Ayant commencé par 1 c. c., il aboutit à 170 c. c., c'est-à-dire à une dose mille fois plus grande que celle qui tue un jeune chien. Les chiens réagirent à ces grandes doses par des phénomènes de nature locale et générale. Ces cultures provoquaient une élévation de la température qui après deux à trois jours atteignait 40°,2-409,7, et s'abaissait ensuite graduellement durant huit jours. Parmi les phénomènes locaux, on observait un œdème dans le derme, qui se transformait en tumeur fluctuante. Sur les deux côtés de la colonne vertébrale (l'endroit où l'on faisait ordinairement les inoculations), il se formait des nodosités, dont le contenu était purulent et rougeâtre. Pour connaître le sort des bactéries séjournant en si grandes doses dans les chiens immunisés, M. Wernike ensemençait de ce liquide purulent dans du bouillon et sur la gélose, à divers intervalles après l’inoculation, Il inoculait de même des cobayes. Les ensemencements donnaient des cultures après 836 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. vingt-quatre heures; les cobayes réagissaient par des phénomènes morbides de nature locale (une nécrose du tissu à l'endroit de l’ino- culation, ou un œdème sur le ventre et sur la poitrine), après quoi ils se rétablissaient rapidement. L’examen microscopique du même liquide démontra beaucoup de bactéries libres ; les cellules du pus en contenaient aussi. Il est évident que la culture s’affaiblit après avoir séjourné vingt-huit heures dans l'organisme des chiens immunisés. Cette même culture affaiblie deve- nait de nouveau virulente, si on la débarrassait des cellules du pus par réensemencement dans du bouillon. Après quarante-huit heures on trouvait encore des bactéries dans ce liquide purulent, mais elles se coloraient mal et se trouvaient en grande partie dans les cellules du pus; le pus donnait une culture qui ne provoquait même chez les cobayes aucun phénomène morbide. Après quatre jours, on ne trouvait guère de bacilles dans les abcès, ni à l'aide d’ensemencement, ni au microscope. Il résulte de toutes ces expériences : 19 que les bactéries diphtéritiques inoculées, même âtrès grandes doses, périssent dans l'organisme des chiens fortement immunisés après y avoir séjourné quelques jours (3 à 4); 20 que bientôt après l’inoculation on constate déjà une diminution de leurs virulence. La cause de l’affaiblissement et de la mort des bactéries dans l’or- ganisme immunisé peut être attribuée aux éléments cellulaires ou bien aux liquides. Dans le dernier cas, il faut admettre que l’action du sérum est tout autre in vitro que dans l’animal vivant : tandis qu’on trouve les bactéries détruites ou affaiblies dans ce dernier, elles se dévelop- pent et pullulent in vitro. M. Wernike a aussi fait des expériences sur le traitement de la diphtérie. Il opérait avec des cobayes. Il inoculait aux animaux d’expé- riences, ainsi qu’au témoin, 0,0075 c. c. de la culture en bouillon. Cette dose étant considérable, tous les témoins mouraient de la diphtérie. Le sérum fut inoculé aux animaux traités, vingt minutes après l'infection à des doses différentes, et notamment dans la proportion de 1 pour 100 du poids de l’animal, de 1 pour 5,000, de 4 pour 10,000. II fut con- staté que la toxine élaborée par les bactéries inoculées n’était suffisante que pour provoquer une nécrose locale; un des animaux traités ne présenta même aucun phénomène morbide. Le résultat de l’inoculation du sérum, faite huit heures après l’infec- tion, prouve incontestablement l’activité paralysante du sérum sur les toxines. Même après vingt-quatre heures, c’est-à-dire après un laps de temps où les toxines avaient déjà produit leur effet nuisible (un abais- sement de température, une difficulté respiratoire), le traitement sy REVUES ET ANALYSES, S3T par le sérum fut encore très favorable : l'animal se rétablissait peu à peu et enfin guérissait complètement. Le traitement par le sérum peut être efficace après des périodes de temps beaucoup plus longues, si on inocule aux animaux des doses plus considérables, Un gramme de sérum peut être curatif pour 10 kilos du poids de l’animal, si on commence le traitement vingt minutes après l'infection, tandis que vingt-quatre heures après l'infection il en faut 1 gramme sur 100 grammes. M. Wernike avait un sérum dont la force curatrice était si grande qu'un gramme de ce sérum immunisait plusieurs cen- taines de kilogrammes du poids de l’animal. Si l’on pouvait opérer sur l’homme, il suffirait done de quelques centigrammes de sérum pour Pimmunisation de l'adulte, et de quelques milligrammes pour celle de l'enfant. MM. Wernike et Bebring ont en outre employé une méthode parti- culière pour donner à l'animal une immunité plus durable. Ils avaient antérieurement remarqué que si l’animal avait été infecté par la cul- ture ou par la toxine de la diphtérie, avant ou après l’injection du sérum, il gardait plus longtemps l’immunité acquise. Se basant sur ce fait, ils commençaient par donner aux animaux un certain degré d'immunité en leur inoculant de petites quantités du sérum curatif; après cela, ils leurs injectaient à certains intervalles des doses de cultures de plus en plus considérables. La force immunisante du sérum de pareils cobayes était supérieure à la force du sérum des chiens même très immunisés, et ces cobayes eux-mêmes supportaient des doses de culture suffisantes pour tuer en moins de trois jours 8,000 cobayes non immunisés. Le sérum du chien est inoffensif pour l'homme, même sion l’inocule à de fortes doses (40 c. c.). M. Wernike décrit trois cas de traitement de la diphtérie des enfants par le sérum. Il obtint toutes les fois les résultats positifs. Il reste à savoir si ces résultats sont dus au traitement par le sérum, ou sont seulement des cas de guérison naturelle. Une statistique plus étendue pourra seule résoudre cette question. Ter. 838 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR, STATISTIQUE! DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE, — NOVEMBRE 1895. Morsures à la tête simples Sun A US TE D) »| » | et à la figure multiples. . . .| »| » | >| 2 cer St Cautérisations effieuces à. .….. . LA PROS RERO Pa 26e) LE D ES PO ES 3 20) _ INC NCACES MEET DE ND ST ER ES SS >|» |» Pas de cautérisation: 7% RATS TAN STE, | »y | »|» | » DAETT : simples UE Dot »1 » | » [281 »|45 Morsures aux mains aniples le le 5 MO e (24 Caulérisalions efficaces Rene: PARLES) ES SR nm EE — inefficaces SU MP ENS ES LS »| » re 29! » » 91 » » Pas de cauténisation. NT ER LS" Dole? Al nl Se Morsures aux mem- SIMpIes 2e | » | el”? 6 94!” 4 ) bres et au tronc multiples... .| |» | » |18! »| 5 9 Cautérisations efficaces . . . . . . . . . DONS PE EE 2e RD UE — IMÉTRCUCES PT a NA EPA ETS ee Eee PAS Te CAULETIS AIO EN EN EN | ED AI En) 91 » » | GI» |» EFADALS AOCRATÉS NES PM EN et >.» | » |'20| » 10 RIT MORSURES TRUE NEA EME ANR »| » | » 4| » » 2 1 ES Morsures multiples en divers points du CODPS EN RS RES FE Tete EE SH op es moule »| 2/1 9 Cautérisations efficaces . . . . . . ne D ME FE | ASE Le » SES TI — ine f fi CACES EAN MEN Ee D» » » » » »| » » Pas Ge CAULÉNISAION NE UN. 0e Ben En le es PNA EU LS >= 9) O8 RO DITS NOÉ CRITE SE NE ER MD) EN LS LE ES » (AE ER MOrSUTES IA NUE CET Eee Le Re Dole ele » SES mener semeeer | acces | ecmcus | ces | auumece | aueues | meneur | encs | cure | oem Français et Algériens . 5 85! 31) Totaux. EtranSOrs MCE D 15 4! 89 ro A B C mm TOTAL GENERAL ER AS NERO 129 1. Les animaux mordeurs ont été : chiens, 109 fois; chats, 17 fois; cheval, 1 fois; mouton, 1 fois; pore, 1 fois. Errara. — Par suite d’une erreur dans la statistique du mois d'octobre dernier, Garreau, Henri, a été porté comme pris de rage le 1° septembre; il l'a été en réalité le 1°" septembre. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cio. TABLE DES MATIÈRES Reubié de.M° Pasteur. 22.07 .çine RARE SUP ENTREE Sur les phosphates du lait, par M. Ducraux. . . . . . . . .. Étude bactériologique du choléra observé à l'hôpital Saint- Antoine, en 1892, par MM. Lesace et MacalGxE . . . .. Sur les échanges d’acide carbonique entre les plantes et l'atmosphère, par M. Ta. ScnLoesinG fils. . . . . ... ee Sur la formation d’aldéhydes pendant la fermentation alcootque. par MES ROESER EIRE US Ne La théorie des alexocytes, Redue critique . |. : .. . Un ; Sumiesmétanisme: dela: coagulation. 72e} 47e etre Statistique de l’Institut Pasteur, décembre 1892. . . . . . . ... Contribution à l’étude du tétanos ; prévention et traitement par le sérum antitoxique, par MM. E. Roux et Varr.- ARR: 0e LE ROM RE PONT EDR ES EP NE Sur les be de écnoaion du streplocoque et du bacille typhique chez l’homme et les animaux, par PEN INCENME RS LETTRE n eme FR Re : Sur les modifications des leucocytes dans l’infection a dans l’immunisation, par Mie CrEm. ÉverarD et MMS Massarr et DEmoon::::.0, ea vx He LE Dos Recherches sur les microbes acétifiants, par M. Wermis- CREER ER A 01 ne dus den ete La morphologie du Microsporon furfur, par M. KoTLraAR. . . . .. Sur un procédé rapide pour colorer les cils de quelques micro- PHUSINeS,. Far MSA SOLAVO , 1.7." NT, CM cleete . Conservation des virus dans la glycérine, par M. ScLavo . . . . . Le rôle des mouches dans la propagation de l'épidémie cholé- ÉtUE par M SAWTOHENKO!:] 5: 020 Len 114 CS PEU SENTE, Statistique de l’Institut Pasteur, janvier 1895 . . . . . . . . . . . Moyen de défense de l’organisme contre les microbes après vaccination et dans la guérison, par M. Saxarezn . . . 8 > P 840 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Contribution à l'étude de l’immunité acquise contre Île paeumocoque, par M°2ISSAREr 222,266 En COR Bactéries charbonneuses dans la vase du fond d’un puits, par MDI TROPTORR ES PEL ARR LE ER re Statistique de l'Institut Pasteur, février 1893 . . . . . . . . .. . Sur une nouvelle forme de fièvre rencontrée sur les bords de la Méditerranée, par M. Davin Bruce. Sur le rôle protecteur des microbes dans la crème : fe fromages, par M. Ducraux . . . . .... He De NM Recherches bactériologiques sur la “nanitre des ani- maux dans l’espèce bovine, par M. An. Lucer. . . . . .. Propriétés colorantes de Poxychlorure de ruthénium ammoniacal, par MM. Nicoize et CANTAGUZÈNE . . . . .. Les vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur en 1892, par M HE: PODTENINE RER RE SN eee Les critiques de la théorie biologique de l'inflammation, Revue DNTICTQUENR SEE TER RATE AE DE RAR En 2 D PA Ne 1 ES Statistique del Institut Pasteur, mars 1893. PEER SU RS à Fermentation anaérobie produite par le bacillus orthobuty- hous,-par ML "GRIMBERT ES EN ee RER Recherches sur le choléra et les ee 1 mémoire Sur la propriété préventive du sang humain vis-à-vis du vibrion de Koch, par M. MercaNikorr. . . . . . . . . Sur les sucres à cinq atomes de carbone, Redue critique. . . . . Contribution à l'étude de la maturation du fromage, par M. Bau- MANN AT AP ne ER EN Ce ee An RES Er RER PEER Influence de la lumière sur les bactéries, par M. Korzrar. . Statistique de l’Institut Pasteur, avril 1893 . . . . . . . . .. La désinfection des locaux, par MM. CuauserLanp et E. FERN- BA CHAN DM) PA ER A REA ; 2e Étude sur l'anatomie PAROI tRNE de la morve rer par MM. LecLancHE et MONTANÉ . . . . . . . . . .. Éd des tricophyties à à dermite profonde, spécialement de la folliculite agminée de l'homme et de son origine animale, Dar M. R°:SABQURAUD eee lee Contribution à l'étude des essences au point Fe vue de leurs propriétés antiseptiques : essence de niaouli, essence 331 339 ss Le) | TABLE DES MATIÈRES. RACE DOS DAC MEN EGRNEE RL 27207 TNT AC D: Sur le vieillissement des vins, par M. DucLaux . . . .. Sur la phagocytose dans l’actinomycose, par le de Pawrowsev-et Mic: MArSuronr. 5". "420. 4 mir. Cils composés chez une bactérie trouvée dans les selles d’un cholérique, par M. SAKHAROFF . . . ... ... . . . .. Technique de la coloration des cils : cils des vibrions cho- lériques et des organismes voisins ; cils du B. typhique et du B. cour, par MM. Nicoze et Morax. . . . . . . . .. Recherches sur le choléra et les vibrions. 2° mémoire : Sur la propriété pathogène des vibrions, par M. Mrr- CHNR OI ST me A . Résolution de l'acide lactique en ses composants optiquement actiiss par MMYPuURprE et: WADKERS 0." ROUTES LEUR La modification du sang dans le choléra. par M. OKLaADNvkH . . Statistique de l'Institut Pasteur, mai et juin 1593 SU oN tek Ha Le met ve Tuberculose pulmonaire expérimentale : étude anatomo- pathologique du processus obtenu par injection vei- HOUSE Dar M -DORREL URLS ARRETE ES PER Ee Sur une forme de fièvre fréquente sur les côtes de la Méditerranée, par M. L. Hucues aiMes le Loi-a Viola totrien detre lot se Statistique de l’Institut Pasteur, juillet 1893 Sur la coagulation de l’albumine, par M. Ducraux. . . .. Analyse bactériologique de l’air des hauteurs, puisé pen- dant un voyage en ballon, par M. Cristian. . . . . . Les vaccinations antirabiques à Moscou en 1892 Sur l'étude chimique des aliments, les corps gras, Revue cri- Étiologie de l'influenza, par M. PrEIFFER . . . . . . . . . . . .. Statistique de l'Institut Pasteur, août 1893 . . . . . . . . . . . . Contribution à l’étude microbique de l’eau, par M. Bcacu- SRE PR Poe deu chou dote PR Ces Les vibrions des eaux et l’étiologie du choléra, par ME SAN ABRDIENe iomeoe sler ec eus dd ME Soie ie ea Statistique de l'Institut Pasteur, septembre 1893 . . . . . . . . . Sur la formation des acides lactiques isomériques par 693 135 842 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'action des microbes sur les substances hydrocarbo- nées; par Me PÉREES. 274 RM RU Ne ee Sur les analogies entre les procès de fermentation et de combustion solaire, par M. Ducraux. . . . . EN Note au sujet de l’étiologie du tétanos, par MM. Varrrarn etROUCERE «Per. SL RON ee PL NE ER RE Sur la valeur antiseptique de l'ozone, par M. pe CHrist- MERS IT CPR OU aT SS e SSRR PNR 2 : Vaccinations antirabiques à la station ie d'Odessa, par M. le docteur Diarroprorr. . . . . . . .. Statistique de l'institut Pasteur de la Société médicale de Charkow, en 1891 et 1892, par M. Wyssorowiez . . . Sur l'étude chimique des aliments, les celluloses, Revue critique. Études sur la question du choléra, par M. STRICKER . . . . . . . Résultat de l'inoculation de vaches laitières avec le bacille de la diphitérie par M AEBOMNES RESTÉS APCE EIRE SRE Contribution à la question du danger de l'injection tuberculeuse par le lait ordinaire, par M. FRus . . . . . . PNR RE DE Acide sarcolactique par fermentation de l'acide lactique inactif, par MM. Percy-FRANKLAND et MAC-GREGOR. . . . . . . . . . . . Résolution de l'acide lactique en ses composants actifs, par MS Pur DR ENITIAA NT s Statistique de l’Institut Pasteur, octobre 1893. . . . . . . . . .. Recherches surleshématozoaires des oiseaux, par M. Sakna- ROUES: Le D dre me Recherches sur ae d ei de He et de testicules sur l'infection charbonneuse, par M. A. Gra- MATCHIRORT = Te CR AIT: Ê sis tire fitetetiete La destruction du virus bonne sous la peau fe animaux sensibles, par M. SANARELLI. . . . . . . La distribution de la matière organique et des microbes dans le SOI RODUE CTIIQUER A NET EE En See RSR LEE ER Contribution à l’étude du bacille de Loeffler et de la serumthé- rapie, par M. /WERNICKE. . +000 0. COR OR EE EUe Statistique de l'Institut Pasteur, novembre 1893 . . . . .. . .. 812 820 823 833 838 TABLE ALPHABÉTIQUE PAR NOMS D'AUTEURS TRAVAUX ORIGINAUX BLAGHSTEIN . : + à. . Combustion à l’étude microbique de l’eau. BoRREL. . . . . . . . . Tuberculose pulmonaire expérimentale. . .. Bauce (David). + ”:%: «: Sur la: fièvre méditerranéenne 4: +, . 0. CHaAMBERLAND et E. FERNBAcH. Désinfection des locaux . . 4. . . . .. Carisrmas (pe). .+.. . Valeur antiseptique de l'ozone. . . . . ... .. CRISTLANR. 551 ee. Analyse bactériologique d'air pris en ballon DEATROPTOEr "4. Bactéries charbonneuses dans un puits. . . . _ Vaccinations à la station d'Odessa . . . . . . DROIT. ec aur les phosphates duAait. 25.453 Tete —— Sur le rôle protecteur des microbes. — Sur le vieillissement des vins. . . . .. oe — Sur la coagulation de l’albumine. . . . . .. — Fermentations et combustions solaires . . Everarp, Massarp et Demoor. Leucocytes dans l'infection. . . . . . . DORMI UNE RER ( Essences de niaouli et de cajeput. . . . . . . GRAMATCHIKOFF. . . . . Influence des extraits de thymus et de testi- cules, sur-le «charbon... DR GRIMBERT. . . . .. .. Etude du Bacillus orthobutylicus . . . . .. - HÉGHES NE lat “Fievre méditerranéenne: SAXE VE NON RENE RES Immunité contre le pneumocoque. . . . . .. LEcLAINCHE et MonraANÉ. Morve pulmonaire. . . . . . OF EAU DesicsetiMAGAIGNR. -=Choléra/én 18992; 754 Ie RE LE POMPES CS A er a à Suppuration dans (ie borne a Pre er AT METCHNIKOFF . . . . . . Recherches sur le choléra : 17 mémoire. . se) — 28 mémoire . . . Nicoczeet CANTAGUZÈNE. L’oxychlorure de ruthénium, . . . . . . . .. MobmaenManex ee EGoloration des Cils:2 APS RENE RES Pawzowsky et Maxsurorr. Phagocytose dans l’actinomycose. . . . . (NOR PRE EE Pre Acides lactiques isomériques. . . . . de IRON, Le RCA AMI er Statistique de l'Institut Pasteur en 1899. ITS ST ES Aldéhydes dans la fermentation alcoolique . Roux et Vaizzarp. . . . Contribution à l'étude du tétanos. . . . . .. SABOURAUD 44 » Tricophyties à dermite profonde . . . .. 1 RANARELLTI; 45 ee te . Moyens de défense de l'organisme. . . . .. —— Etiolosie du choléra ent LUE _ Virus charbonneux sous la peau, . . . ... SAKHAROFF. . « « « + » 2 CIS /COMMASÉS Er AL ERA A rer —= Hématozoaires des oiseaux ... ,. . . . . 689 093 289 433 776 665 286 181 2 305 937 G41 791 165 929 812 399 628 260 481 17 229 405 962 99 DD4 D44 137 BBD) #1 64 497 225 693 820 990 s01 844 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. SCHLŒSING. 7. . . -« Echanges gazeux entre l’air et les plantes . VariLARD et RouGer. . - : Etiologie du tétanos.”:5: 1.0" ue VENCENT. TS Lee Association du streptocoque et du b. typhique. WERMISCHEFF . .. . . . Microbes acétihantis à, T'ON EEE WYSSO RO WICZ: = = Vaccinations antirabiques à Charkow. . REVUES ET ANALYSES ABBOIT AU home ee Inoculation diphtérique des vaches. . . .. BAUMANN 0 MEET TRS Maturation du fromage: rte ERNST IAE NE CURE Infection tuberculeuse par le lait. . . . . . KOPARSES SR RER NES, MACTOSPOTONT UT IUT NES INTER EEE at er NET Action de la lumière sur les bactéries . . . OKDADNYRH 2 LEE Due. Modifications du sang dans le choléra . . PErcy-FRANKLAND et Mac-GREGOR. Acide sarcolactique. . . . . . . . . PFEIRFERS 0,4 UN. Étiologie de l'influenza. . - . : :. . PURDIE EU e Résolution de l'acide lactique. . . . . . . . Porte et WaikEr . . . . Résolution de l’acide lactique . . . . . . . DAWECHENKO NE Lee ne Rôle des mouches dans le choléra. . . .. DOLAVO er sue aiment Procédé de coloration des cils . . . . . .. A AR EU ile Conservation des virus dans la glycérine. SERICRER AS Mrs eus Études :sur/lé choléra One NVERNICRE SN 220 Le Bacille de Loeffler et serumthérapie. REVUES CRITIQUES La ihéonE des -alexoCyIes.. 20 M APN ENS PARU RTE CERN EEE Sur-le mécanisme:de la-coasulationt RATER ER EN Les critiques de la théorie biologique de l'inflammation . . . . . . .. Sur les sucres à cinq atomes de carbone, ou pentoses . . . . . . . . . Sur l’étude chimique des aliments : les matières grasses. . . . . . .. Sur l'étude chimique des aliments : les celluloses . . . . . . . . . . . La distribution de la matière organique et des microbes dans le sol . PLANCHES HORS TEXTE Planche [1 mémoire de MM. Everarp, MassarT et DEMOOR. . . . . II — SAN AREL DT SE SUR en CP Re III — ÉUCET ASS MEN RE TERRE AIRE IV et V — LECLAINCHE et MONFANÉ. . . . . . . . VI et VII — SABOURAUD Me Re Voie Mere VIII — PaAwLowsxy et MAKSUTOFF . . . . . . IX _ SARHAROEE vers re PP ef EU X,-XD'eb XII — DORRELE LS LE TR RARE XII et XIV — DANAREDLIE NL CARRE CR XV — SARHAROPR LU ST REC RE EE Sceaux. — Imp. Charaire et Cie. 28 LE 199 14 215 784 734 128 796 JS 430 590 198 681 799 588 222 220 221 792 les de l'Institut Pasteur. + Anna (Ga) 4 J.Demoor del. EE ‘Jepnsxo [| op Ssa7{000n7—] It PtA e : [en = Ë De raris JT es. 16 éventif. : imp. A.Lafontame & Fils, é par um pr sér Marche des temperatur & obaye vacciné. Cob aye témoin. — Cobaye trait del. Sanarelli . " Burais Phot rales \ [an 4 4 Ke Le ns re Da Annales de l'Institut Pasteur. LI L PRE | sd À 7 4 Led sr rh ANA E AIS © Le RC ; | . Le Imp.À. Lafon laine&ils, Paris £ % à L A ù a \ à PL: VI. LAS DS ù a) Æ ä, es = = Æ sl = ee] | PA g. C4 Me a + “Er Ge) 22: Ce] +" Krmanski del. Annales de l'Institut Pasteur. EAU ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tt, L) 2 [e] £ vo Re (@) ë Ge ue] nn EI - © LS £ e ES — O 5 [e] pe en EN NT 7. Pawlowsky del. V. Roussel lith. ns PP » Ü “a Li '. SX NOTE + VAT ATTER n BE Annales de l'Institut Pasteur. tut Pasteur. : à # ÉTE 6e. =. > GA N Annales de l'Insti € ee Sd ZeU : Vas ste Rat ses nt 0 V. Roussel lith. . D' Borel del. e a s, Paris. il F4 Ce) taine .-Laion Imp.A. A PI Annales de l'Insutut Pasteur. sax! D: Borel del. del. V. Roussel lith bnp. A Lafontaine & Fils Paris. L XIII FE Annales de l'Institut Pasteur. SÉRIE I. Rx CAPE EST ESS SÉRIE IL. SÉRIE III. Phototypie Jourdan, Grenoble. A. Burais, Photo. Annales de l'Institut Pasteur. PI: XIN Photogr. A. Burais. Phototypie Jourdan, Grenoble. Œ et] An an 1U -4 15 = nr) n an ce { le] [ae an e Ai D [ee en Le È Hal + [= Ca Le +2 < = Æ ” A Le] T al ER © 21 F Lol un MBL/WHOI LIBRARY UN | | Re 15N 1 ! Wal À À is en ‘ | : Fit Toit iérers pis OAI 9 e-5- De 0-0 = eee = LOI ILIEEL. . 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